The Project Gutenberg eBook of L'Empire Japonais et sa vie économique, by Joseph Dautremer

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Title: L'Empire Japonais et sa vie économique

Author: Joseph Dautremer

Release Date: April 17, 2022 [eBook #67860]

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'EMPIRE JAPONAIS ET SA VIE ÉCONOMIQUE ***

JOSEPH DAUTREMER
Consul de France,
Chargé de Cours à l’École des Langues Orientales.

L’EMPIRE JAPONAIS
ET
SA VIE ÉCONOMIQUE

LIBRAIRIE ORIENTALE & AMÉRICAINE
E. GUILMOTO, Éditeur
6, Rue de Mézières, PARIS

Le Parc de Hikone.

L’EMPIRE JAPONAIS ET SA VIE ÉCONOMIQUE

CHAPITRE PREMIER

I. L’Empire du Japon. — II. Sa situation géographique ; développement des côtes, superficie, population. — III. Climat. — IV. Humidité atmosphérique. — V. Système orographique, volcans. — VI. Hydrographie, rivières et lacs.

I. — L’Empire du Japon resta inconnu à l’Europe jusqu’au XIIIe siècle, époque à laquelle Rubruquis et Marco Polo en dévoilèrent l’existence ; mais ce n’est guère qu’après l’arrivée dans les îles japonaises des jésuites portugais, c’est-à-dire au XVIe siècle, que ce pays devint un peu plus familier aux Occidentaux. Je n’ai pas à retracer ici l’histoire du Japon ; qu’il me suffise de dire que depuis 1852, époque à laquelle les États-Unis forcèrent ses portes, jusqu’à nos jours, le Japon a subi de telles transformations, il a su si bien secouer sa vieille civilisation chinoise et adopter le mécanisme européen, qu’il est devenu un facteur militaire et économique, surtout militaire, avec lequel il faut compter et qu’on ne saurait négliger. Le fond du caractère japonais, très guerrier et batailleur, portera encore longtemps ce peuple vers les choses de la guerre ; car, depuis l’antiquité, l’éducation du jeune Japonais de bonne famille était principalement une éducation militaire.

II. — Tout en longueur, le Japon est situé au Nord-Ouest de l’Océan Pacifique ; il se compose de quatre grandes îles : Nihon ou Honshu ; Shikoku ; Kiushu ; Yezo ou Hokkaidô ; et d’une foule de petites îles parmi lesquelles les plus considérables sont : Sado, Oki, Awaji, Tsushima. Le petit archipel des Riukiu compte aussi comme partie intégrante de l’Empire, bien qu’en réalité les habitants ne soient pas des Japonais.

En outre, à la suite de la guerre contre la Chine, le Japon a conquis l’île de Formose et les Pescadores ; et à la suite de sa campagne de Mandchourie contre les Russes, il a réussi à se faire rétrocéder la partie sud de l’île Sakhalin ou Karafuto, qu’il avait cédée à la Russie en 1875.

A l’extrême nord de Yezo, le Japon possède les Kouriles ou Chishima ; et, dans le Pacifique, le groupe des Bonin, en japonais Ogasawara.

Tout l’Empire est compris entre le 156° 32′ et le 119° 20′ de longitude Est ; et le 21° 48′ et le 50° 56′ de latitude Nord (méridien de Greenwich). Il est séparé de la Corée, au Nord-Ouest, par la mer du Japon.

Les îles principales Honshu, Shikoku, Kiushu et Yezo (plus connu au Japon sous le nom de Hokkaido), avec les Kouriles, les îles de Sado, Oki, Awaji, Iki, Tsushima, les Riukiu et les îles Bonin ou Ogasawara ont un développement de côtes de 7.000 lieues ; avec Formose et les Pescadores de 7.423 lieues. On n’a pas encore actuellement des renseignements précis pour la partie japonaise de Sakhalin (Karafuto). Comme superficie, tout ensemble, le territoire japonais a 27.126 lieues carrées. La population, en 1906 (41e année de meiji), était de 47.674.471 habitants, dont 24.047.953 hommes et 23.626.518 femmes. Au 20 décembre 1908 elle était de 49.232.822 habitants dont 24.864.385 hommes et 24.368.437 femmes.

III. — Le Japon est très long et très étroit ; le climat se ressent de cette configuration et, tandis qu’au Nord il fait très froid, l’hiver, au Sud, au contraire, la chaleur est excessive, l’été ; en général, cependant, le climat est tempéré, mais excessivement énervant pour les Européens, surtout pour les femmes. Les suicides et la neurasthénie parmi la population blanche sont relativement fréquents.

On pourrait, au point de vue physique, diviser le Japon en trois zones : zone du Nord : l’île de Yezo et le Nord de Honshu jusqu’à la baie de Sendai ; zone du centre depuis la baie de Sendai jusqu’à Yokohama et la baie de Yedo ; zone du Sud depuis la baie de Yedo jusqu’à la pointe extrême de Kiushu. La zone Nord, comme je viens de l’indiquer, est très froide en hiver ; la neige y tombe en abondance et la glace y est permanente. La zone centrale est plus tempérée, mais les saisons n’y sont cependant pas aussi nettement déterminées qu’en Europe centrale ; et il y existe toujours, même l’hiver, une certaine humidité ; les étés y sont très chauds sauf sur les hauteurs ; ainsi dans la plaine de Tokio, le thermomètre monte jusqu’à +35° et +36°[1].

[1] La pression atmosphérique étant réduite au niveau moyen de la mer et corrigée de la variation de pesanteur.

Quant à la zone méridionale, elle est sensiblement moins froide l’hiver et beaucoup plus chaude l’été ; dans sa partie extrême Sud, c’est-à-dire vers Nagasaki et Kagoshima, les chaleurs d’été sont pénibles. Les trois zones sont soumises au régime pluvieux de la mousson de suroît et les mois de juillet et d’août y sont en général aussi humides que sous les tropiques ; les moissons y sont souvent dévastées par les inondations. Aussi la moyenne de l’humidité atmosphérique est-elle considérable : Kagoshima, 76 pour 100 ; Kochi, 75 pour 100 ; Osaka, 73 pour 100 ; Nagasaki, 75 pour 100 ; Shimonoseki, 77 pour 100 ; Sakai, 80 pour 100 ; Tokio, 73 pour 100 ; Kanazawa, 79 pour 100 ; Akita, 78 pour 100 ; Ishinomaki, 80 pour 100 ; Hakodate, 77 pour 100 ; Nemuro, 81 pour 100.

IV. — D’ailleurs, par les tableaux ci-dessous, il est facile de se rendre compte de l’humidité du pays :

 
Nombre de jours de pluie.
Temps clair.
Kagoshima
178
61
Kochi
146
49
Osaka
145
40
Nagasaki
168
36
Shimonoseki
174
34
Sakai
225
23
Tokio
134
54
Kanazawa
235
23
Nagano
176
30
Akita
224
11
Ishinomaki
174
36
Hakodate
203
29
Nemuro
140
46

Ce relevé est celui de l’année 1906[2].

[2] Il n’est pas parlé des jours de neige, gelée, etc.

Il est clair donc que, pour l’Européen, peu habitué à une terre humide, le climat du Japon n’est pas, malgré tout ce que l’on en dit, le climat par excellence, et il est notamment inférieur à celui de la Chine. Les Européens ayant résidé longtemps au Japon et y étant parvenus à la vieillesse sont bien plus rares qu’en Chine. Cependant au point de vue pittoresque, par la beauté de ses paysages verdoyants et fleuris, le Japon l’emporte de beaucoup sur la Chine.

Voici les maxima et minima de température observés en 1906 :

 
Maximum.
Minimum.
Kagoshima
33° 2
−1°
Kochi
35°
−5°
Osaka
35°
−3°
Nagasaki
33°
−2°
Shimonoseki
34°
−6°
Sakai
32°
−4°
Tokio
32°
−4°
Kanazawa
34°
−5°
Nagano
33°
−16°
Akita
33°
−15°
Ishinomaki
30°
−11°
Hakodate
28°
−19°
Nemuro
28°
−21°

V. — Pays essentiellement montagneux, le Japon est coupé du Nord au Sud par un système de chaînes et de pics, dont quelques-uns assez élevés, se ramifiant dans toutes les directions. La chaîne principale part du Nord du Honshu pour se continuer sur Tokio et de là sur Kioto et Shimonoseki, coupant, pour ainsi dire, en deux, la grande île et divisant son régime des eaux en deux versants bien distincts Ouest-Nord, Est-Sud, dans la direction de l’Ouest à l’Est, de Aomori, à la pointe extrême Nord-Est, jusqu’à Akamagaseki à la pointe Sud-Ouest de la province de Chôshû. De cette chaîne principale se détachent des chaînes secondaires qui se dirigent l’une vers la presqu’île d’Idzu au cap Irozaki ; l’autre vers Wakayama au cap Shiwomizaki (Sud de l’île) ; et une troisième vers la presqu’île de Noto, au cap Rokkozaki (sur la mer du Japon).

Les îles du Sud, Shikoku et Kiushu, sont également partagées dans toute leur longueur en deux versants par une chaîne de montagnes qui court, pour Shikoku, du Nord-Est (Tokushima) au Sud-Ouest (cap Ashizurimisaki) ; et pour Kiushu, du Nord (Kokura) au Sud, où elle se divise en deux branches (Nomamisaki à l’Ouest et cap Satamisaki à l’Est).

La grande île d’Yezo n’échappe pas au système montagneux du reste de l’Empire. Mais les chaînes de montagnes qui la traversent ne la partagent pas en deux versants bien nets ; on pourrait dire qu’elles la coupent en quatre versants, en prenant comme point central le sommet du Tokachidaké (3.500 mètres). En effet, du Tokachidaké part une chaîne qui se dirige vers le Nord au cap Soyamisaki (cette chaîne renferme le mont Ishikariyama, la seconde montagne de l’île, 2.350 mètres). Du même point une autre chaîne court vers le Nord-Est où elle se divise en deux branches pour se terminer aux caps Shiretokozaki et Noshafuzaki ; enfin, toujours du Tokachidaké part une troisième chaîne qui se dirige au Sud pour finir au cap Yerimisaki. Vers l’Ouest, entre le Tokachidaké et la ville de Sapporo, une grande dépression forme la plaine de Sapporo, où s’est répandue jusqu’ici la plus grande partie de l’émigration japonaise.

A l’Ouest de Sapporo, au cap Kamoimisaki, le terrain se relève ; et, de ce cap jusqu’à Hakodate, à la pointe extrême Sud de l’île, une autre chaîne de montagnes coupe cette partie de l’île en deux.

Des pics élevés se dressent sur toute l’étendue de ce système orographique, aussi bien au Nord qu’au Sud, et quelques-uns atteignent des hauteurs de 2.000 à 3.000 mètres.

Dans la province du Mutsu (district de Tsugaru), au Nord, nous citerons l’Iwakiyama (1.594 mètres) dit aussi Tsugaru no fuji ou Fuji de Tsugaru à cause de sa ressemblance comme forme avec le Fuji ; il est, d’ailleurs, célèbre dans toute la région ;

l’Iwateyama, province de Rikuchu ;

l’Osoresan (la montagne qui fait peur), volcan en activité, dans la province de Mutsu, district de Kitagori ;

le Chôkai san (1.960 mètres), dans la province d’Ugo, district d’Akumi ;

le Gessan (1.700 mètres), province d’Uzen, district de Tagawa ;

le Jide san (1.200 mètres), chaîne plutôt que pic, qui s’étend sur les provinces de Iwashiro et d’Echigo ;

le Nikkôzan, les montagnes de Nikkô, d’une hauteur d’environ 2.000 mètres, les plus célèbres montagnes du Japon avec le Fuji et l’Asama. Elles sont les plus hautes montagnes de la province de Shimodzuké, et on les appelle aussi Futaharayama ou Kurokamiyama. Elles sont dominées par leur pic principal, le Nantaisan, situées au Nord-Ouest du district de Kami tsuga gori ; au Nord-Est, le Niôhôzan continue la chaîne et, sur le versant oriental qui est presque à pic, se trouvent les sept cascades (nana taki) qui forment la source de l’Inarigawa. Entre ces deux points se trouvent les deux plateaux de Omanago et Komanago. Au Nord de Omanago se dresse isolé le Tarodake et, à l’Est du Niôhôzan, se prolonge la chaîne de l’Akanagi. En s’éloignant de cette chaîne, on aperçoit sur la rive Nord de l’Inarigawa la colline appelée Toyama ; bien qu’elle ne soit pas très élevée, elle est originale, seule et isolée au milieu du massif. A l’Est de cette dernière se trouve le Ogurayama ; le Konosuyama s’élève au Sud de la rivière Daiyagawa, et à l’Ouest de cette rivière on aperçoit le plateau élevé de Nakimushi. Vers le milieu de la chaîne se développent en ligne droite les plateaux du Tsukimi, Matsu taté, Ni no miya.

Un temple est à mi-côte du Futaharayama, et, à quelque trois lieues du pied de cette montagne, se dresse l’ancien temple de Chusenji. Le lac qui se trouve là, très froid et très profond, se nomme la mer du bonheur (Satsu no umi) ; il est fort célèbre et c’est le plus grand lac des environs de Nikkô ; à l’Est du lac l’eau tombe à pic en formant la cascade de Kegon et le torrent qui en découle est précisément le Dai ya gawa. Au Nord-Ouest du Futahara s’élève le Yugatake au pied duquel se trouvent des sources thermales (yu = eaux chaudes).

Tout ce que je viens d’énumérer forme le massif intérieur du groupe de montagnes de Nikkô. A l’extérieur au Nord s’élève le Kôshinzan ; les deux Shirane (Maye = antérieur ; oku = postérieur) qui forment la frontière du Kodzuke et du Shimodzuke au col du Konsei toge. Au Nord-Est de ce col se trouve le Kinunuma yama avec de nombreux lacs et étangs.

Dans ces montagnes, pleines de sites admirables et de splendeurs naturelles, deux Shôgun[3] ont voulu être enterrés. C’est pourquoi on y rencontre aujourd’hui un nombre incalculable de temples et des monastères.

[3] Shôgun, général en chef, lieutenant du Mikado. C’est lui que les Européens appelaient Tai Kun et avec qui ils signèrent leurs premiers traités.

Le Tsukuba san, peu élevé, mais de forme originale, plonge sur les districts de Tsukuba, Niibari et Makabe dans la province de Hitachi ; le Bandai San (1.900 m.) s’élève au Nord du lac d’Inawashiro ; cette montagne, que l’on croyait depuis longtemps être un volcan éteint, s’est remise soudainement en activité le 14 juillet 1888 et a détruit de nombreux villages dont elle a enseveli les habitants[4].

[4] L’effet de l’éruption s’est fait sentir jusqu’à Tokio, où je me trouvais à ce moment, et la ville a été violemment secouée.

Vue du Fujiyama au col de l’Otomi.

Le Fuji san ou Fujiyama a 3.900 ou 4.000 mètres. Cette montagne peut être nommée la montagne sainte du Japon ; d’une forme admirable et régulière (sauf un petit renflement d’un côté) elle a été de tout temps l’objet du culte et de l’adoration de tous les Japonais. Bien qu’actuellement éteint, le Fujiyama a eu dans les époques antérieures plusieurs éruptions, notamment vers 799 de l’ère chrétienne, puis en 863.

La dernière éruption eut lieu dans le cinquième mois de la période Hoyei (1706). C’est de là que le petit renflement signalé plus haut sur un des flancs de la montagne (au Sud-Est), a reçu le nom de Hoyeizan. Le cratère a pris sa forme actuelle à la même date en vomissant des masses considérables de cendres que le vent porta jusqu’à Yedo.

Le Fuji, tous les étés au mois d’août, est un lieu de pèlerinage très fréquenté ; c’est par milliers qu’hommes et femmes, habillés tout de blanc, un bâton à la main, font l’ascension de la montagne.

Du massif du Fuji partent des ramifications assez élevées : les montagnes de Hakone et la chaîne de l’Amagi.

L’Asamayama (2.500 mètres) est le plus célèbre des volcans en activité. Il ne sort plus de son cratère actuellement que d’épaisses fumées et aussi des cendres ; mais il a eu parfois des éruptions terribles, et l’on peut s’attendre à tout moment au retour de ces phénomènes ; en 1783, notamment, l’éruption détruisit quantité de villages et de vies humaines. Au Sud de l’Asama se trouvent le Tateshi yama (2.300 mètres) et le Yatsugadake (2.700 mètres).

L’Ontake san, qui domine les trois provinces de Shinano, Mino et Hida.

Le Tateyama (2.000 mètres), dans la province d’Echu.

Le Hakusan (3.000 mètres), d’où l’on a une vue très étendue sur les provinces de Kaga, Echizen, Mino et Hida.

Le Sanshôgataké, dans la province de Yamato ; c’est le pic le plus élevé de la chaîne de montagnes de Yoshino. Les ramifications vont rejoindre la chaîne de montagnes de Kumano et de Kôya dans la province de Kii.

L’Unsengatake (1.500 mètres), dans la province de Hizen ; volcan en activité ; non loin de là se trouvent des sources d’eaux thermales très fréquentées.

Le Sakurajimagataké, volcan en activité dans l’île de Sakurajima, province d’Osumi.

Dans les temps de formation géologique, l’action volcanique a dû être extrêmement violente, et d’ailleurs cette action a continué à se manifester dans les temps historiques. Des centaines de montagnes, actuellement au repos, étaient autrefois des brasiers enflammés. Les annales du Japon sont remplies de ces terribles crachements de cendres, de feu, de lave vomis par les montagnes au Nord et au Sud, à l’Est et à l’Ouest ; des milliers de vies humaines furent détruites en un instant, des villages engloutis. A l’époque où nous vivons, les Japonais estiment que leur pays compte encore à peu près vingt volcans en activité et une centaine qui dorment mais qui peuvent se réveiller d’un moment à l’autre avec un épouvantable fracas. En 1874 le volcan de Taromai, dans l’île de Yezo, dont le cratère, refroidi depuis longtemps, semblait inoffensif, fit explosion, envoya au loin la croûte qui le fermait et lança des cendres jusque sur le bord de la mer.

L’Asayama yama, jamais tranquille, mais jetant constamment de la vapeur et de la fumée, craquant et tremblant tour à tour, est la terreur des campagnes environnantes. Le Fuji lui-même, la montagne sainte, posé si majestueusement dans la plaine de Subashiri, n’offre aucune sécurité.

Le volcan de Hakuzan, sur la côte Ouest, qui dresse sa crête au-dessus des nuages, à 3.000 mètres au-dessus du niveau de la mer, et renferme dans son cratère un lac aux eaux de la plus grande pureté, entra, lui aussi, un jour en fureur, lança du feu, de la fumée, des rocs, des cendres et de la lave. Que de fois, par les nuits noires, le pêcheur Japonais un peu éloigné des côtes aperçoit les feux des volcans d’Oshima !

En dehors des champs de scories si nombreux et qui attestent le caractère volcanique du sol japonais, des lits de soufre abondent partout comme preuves du feu souterrain. Satsuma, Riukiu, Yezo sont connus pour la quantité de soufre qu’ils produisent. Des flancs du Hakuzan il sort d’énormes blocs de soufre ; des solfatares existent dans presque toutes les provinces ; enfin, dans les provinces de Shinano et d’Echigo, les paysans s’éclairent et cuisent leur riz avec le gaz inflammable qui sort de terre et qu’ils font servir à leurs usages en le captant dans des tubes.

Par suite de la nature volcanique du pays, les tremblements de terre sont nombreux et causent souvent des malheurs terribles. Des villes et des villages ont été et sont encore constamment détruits, des provinces ravagées. Le dernier grand tremblement de terre qui a eu lieu à Yedo en 1855 a été l’un des plus effrayants que l’on ait vus : la ville a été à peu près entièrement détruite et brûlée ; les maisons japonaises étant de bois, le tremblement de terre occasionne à sa suite un incendie qui achève ce qu’il a commencé.

En 1891, au mois d’octobre, un autre tremblement de terre qui fut une vraie catastrophe, désola le pays entre Nagoya et Kioto ; il y eut environ 30.000 victimes.

VI. — Le Japon est arrosé par un assez grand nombre de cours d’eau ; mais, par suite du peu d’étendue de ses vallées, lesquelles sont forcément très resserrées vu le peu de largeur et l’extrême longueur du pays, les fleuves ont un cours fort modeste et ne sont jamais navigables qu’en partie, vers leur embouchure. J’en citerai quelques-uns néanmoins :

Le Fujikawa est formé de trois rivières qui prennent naissance dans la province de Kai. Il se dirige vers le Sud et traverse la province de Suruga, passe au pied du mont Fuji avant de se jeter dans la mer. Le Fujikawa est à proprement parler un torrent qui, aux grandes pluies d’été, est assez souvent l’ennemi du cultivateur et le destructeur des récoltes.

Le Oigawa prend sa source à la limite des provinces de Shinano et de Kai ; il coule vers le Sud, formant la limite des provinces de Suruga et de Totomi.

Le Tenriugawa, un peu plus important que les précédents (60 ri de longueur)[5], prend sa source au lac Suwa. Ce fleuve a son embouchure dans la province de Shinano ; il traverse la province de Totomi en coulant vers le Sud.

[5] Le ri représente 3 kilom. 927 mètres. (Voir tableau des mesures de longueur, à la fin du volume.)

Le Shinanogawa prend sa source dans la province du même nom sous le nom de Chikuma gawa, il coule au Nord-Ouest puis au Nord, et traverse la province d’Echigo où il prend le nom de Shinano gawa. Ce fleuve se jette dans la mer à Niigata. La longueur de son cours est d’environ 100 ri ; navigable seulement en partie, il offre des rapides qui rendent son utilisation très peu sûre comme voie de transport.

Le Kisogawa prend naissance dans le district de Chikuma, province de Shinano et coule au Sud-Ouest, puis au Sud. Il entre dans la province de Mino, coule vers l’Ouest et reprend ensuite la direction du Sud ; il se divise alors en plusieurs branches qui vont se jeter dans la mer en traversant les provinces d’Owari et d’Ise.

L’Abukumagawa prend naissance dans le district de Shirakawa, province d’Iwaki et, se dirigeant vers le Nord, entre ensuite dans la province d’Iwashiro où il coule vers l’Est. Changeant de direction, il rentre dans la province d’Iwaki, coule vers le Nord jusqu’à la limite de la province de Rikuzen, puis se dirige vers l’Est pour gagner la mer.

Le Kitakamigawa a sa source dans le district d’Iwate, province de Rikuchu ; il coule vers le Sud, traverse la province de Rikuzen et se jette dans la mer au port de Ishinomaki.

Le Mogamigawa part de la montagne de Dainichi, dans le district de Oitama, province d’Uzen ; il traverse les deux districts de Murayama et de Mogami en coulant vers le Nord, et se dirige ensuite vers l’Ouest à la limite de la Province d’Ugo. Il se jette dans la mer à Sakata.

Le Tonegawa (190 ri), le fleuve le plus considérable du Japon, sort du Nakanodake, passe à Numata, puis contourne à l’Ouest la chaîne de l’Akagi pour arriver à la grande ville de Mayebashi (50.000 habitants) ; en aval de cette dernière ville, le fleuve se dirige directement à l’Est jusqu’à la hauteur de Koga (ville d’environ 10.000 habitants), puis vers le Nord et enfin vers l’Est. Il se jette dans l’Océan Pacifique au Nord du cap Inubomisaki. Quoique passant pour un grand fleuve au Japon, le Tonegawa n’a rien des fleuves du continent européen ; il n’égale même pas la Seine, et si quelques jonques à fond plat et quelques petits vapeurs à faible tirant d’eau peuvent y naviguer jusqu’à Numata, son importance comme voie commerciale n’est pas considérable. En outre, à son embouchure, il n’existe pas de bon port ; en dehors d’une barre toujours renouvelée, les vents battent la plage inhospitalière aux navires. Le Tonegawa bifurque à Sekiyado dans la province de Shimosa, et forme la branche nommée Yedogawa, qui tombe dans la baie de Yedo, non loin de Tokio.

Le Sumidagawa (75 ri), plus connu sous le nom d’Arakawa à sa source dans le massif du Kokushidake et aussi dans tout son cours supérieur, se jette à la mer à Tokio après avoir traversé une grande partie de la ville. Il n’est guère navigable, comme toutes les rivières japonaises, que vers son embouchure.

Le Baniugawa, qui a seulement 18 ri de longueur, est un torrent qui sort, sur les pentes Nord-Est du Fujiyama, du lac de Yamanaka. Comme le Fujikawa, il cause souvent des désastres l’été.

Le Yodogawa prend sa source dans le lac Biwa, province d’Omi ; il se dirige vers le Sud, entre dans la province de Yamashiro, puis reprend son cours vers l’Ouest. Ce fleuve qui, à son origine, porte le nom d’Ujigawa, passe à Yodo, d’où son nom ; il coule alors vers le Sud-Ouest et sépare les deux provinces de Kawachi et de Setsu. Il se jette dans la mer en passant par Osaka : il n’a que 20 ri de longueur.

Le Gôgawa est formé par deux rivières dont la première, nommée Mioshigawa, prend naissance dans la province de Bingo, et la seconde, nommée Yoshidagawa, dans la province d’Aki. Le fleuve, formé par la réunion de ces deux rivières, coule vers le Nord-Ouest et passe dans la province d’Iwami. Il prend le nom de Gôgawa à son entrée dans cette province dont il arrose les deux districts d’Ochi et de Naka, en se détournant un peu de son cours ; puis, il retourne vers le Nord-Ouest pour gagner la mer. La longueur de son cours est de 80 ri.

Le Yoshigawa prend sa source dans le district de Tosa, dans la même province, se dirige d’abord vers l’Est, puis incline vers le Nord ; il traverse la province d’Awa, reçoit la rivière Iyogawa et se jette dans la mer par plusieurs embouchures.

Le Chikugo ou Chitosegawa est formé par la réunion de deux cours d’eau, dont l’un vient de la province de Higo et l’autre de la province de Bungo. Ce fleuve coule d’abord vers le Nord-Ouest jusqu’à la limite des provinces de Chikuzen et Chikugo ; il traverse ensuite cette dernière province qu’il sépare de Hizen.

Pays montagneux et volcanique, le Japon renferme un nombre considérable de lacs, au Nord aussi bien qu’au Sud : je me bornerai à citer ici les trois principaux ; d’abord le lac Biwa, non loin de Kioto, dans la province d’Omi ; il a environ 74 lieues de tour, et doit son nom à sa configuration en forme de guitare japonaise (Biwa) ; des bateaux à vapeur font le service du lac dans tous les sens et offrent le confort désirable pour bien visiter les endroits remarquables.

Le lac de Hakone, fort petit, n’a que 5 lieues de tour ; mais il est très connu et très fréquenté par suite de sa situation dans un des sites les plus agréables du Japon.

Le lac de Chiusendji, dans la province de Shimodzuke, est situé au sommet des montagnes de Nikkô ; il a 8 lieues de circonférence ; c’est sur ses bords que les Européens habitant Tokio et Yokohama vont se réfugier pendant les chaleurs de l’été ; et grâce au chemin de fer qui relie Tokio à Nikkô, Chiusendji est devenu la résidence du corps diplomatique pendant les mois de juillet, août et septembre.

CHAPITRE II

I. Aborigènes et conquérants. — II. Infiltration chinoise ; Mongols et Ainos. — III. Le type japonais actuel. — IV. Avant et après la Révolution de 1868 ; aristocratie et peuple. — V. Constitution japonaise ; le gouvernement. — VI. Justice, tribunaux. — VII. Loi de finances, budget. — VIII. Loi électorale. — IX. L’Empereur et le Patriotisme. — X. La Nation ; sa dissimulation et son sourire. Caractère du Japonais. — XI. Religion et superstition. — XII. Les étrangers au Japon.

I. — Par qui le Japon était-il peuplé au début de l’histoire ? c’est là un problème qui n’a pas encore été résolu, et ne le sera, je crois, jamais. Il est fort probable qu’avant l’arrivée des conquérants, (les Japonais actuels), les îles de l’Extrême-Orient étaient peuplées, au Nord d’Aino, de Goldes et de Giliaks, races sibériennes dont on trouve encore des traces aujourd’hui à Yezo, à Sakhalin et dans la province de l’Amour soumise aux Russes ; le Sud semble avoir été la résidence de tribus canaques et négritos comme il en existe encore aux Philippines, aux Bonin, à Nouméa et à Taïti.

Mais à partir de 660 avant J.-C., date assignée au premier empereur japonais, ces différentes races ont été remplacées par un flot malais. Lorsque le chef de guerriers, connu sous le nom de Iwarehiko, vint avec ses bandes aborder dans l’île de Kiushu, il détruisit ou réduisit en esclavage les indigènes et, poussant toujours sa conquête vers le Nord, il atteignit le Honshu (île de Nippon). Proclamé empereur en 660 sous le nom de Jinmu Tennô, il laissa à ses successeurs, qui s’en acquittèrent fort bien, la tâche de continuer l’occupation du territoire. Le malais est donc incontestablement l’élément conquérant et dominateur au Japon.

II. — Il n’en est pas moins vrai qu’il y a eu une infiltration chinoise, par l’intermédiaire de la Corée. L’écriture, les lettres, les arts et les sciences de la Chine furent apportés au Japon par des indigènes du Céleste Empire, et à différentes reprises, les Empereurs du Japon firent venir dans leur pays des hommes et des femmes pour enseigner l’art de travailler les métaux et de tisser la soie. Il y eut donc un mélange mongol, mais il est hors de doute que ce mélange fut peu considérable, et si l’on retrouve aujourd’hui encore quelques Japonais nettement mongoloïdes, le fond du peuple présente le type malais bien prononcé ; on rencontre aussi, mais plus rarement, le type indigène aino, et il m’est arrivé, mais pas souvent il est vrai, de le retrouver chez certains Japonais ayant une abondante chevelure et une grande barbe noire, qui, vêtus à l’européenne, auraient pu à la rigueur, passer pour des Américains du Sud. Par contre, dans le Sud surtout, on découvre quelquefois le type negritos, cheveux crépus, teint noirâtre et lèvres épaisses.

III. — Groupement d’îles séparées du reste du monde, sans relations extérieures, sauf avec la Chine par l’intermédiaire de la Corée (tardivement d’ailleurs), tous ses ports fermés aux Étrangers vers 1617 à la mort de Iyéyasu : le pays vécut dans un isolement absolu. Ceci facilita un mélange, un amalgame de toutes les races qui s’étaient infiltrées sur le sol du Nippon et aujourd’hui le type japonais est bien un type à part : il est, en général, de petite taille, il a un grand torse sur des jambes courtes, et il est plutôt laid ; quelques types féminins font exception, mais on peut dire que, prises en bloc, les Japonaises sont plutôt jolies par leur toilette que par leur physique.

IV. — Avant la révolution de 1868 qui rétablit sur le trône le descendant de Jinmu Tennô et détruisit le pouvoir du Shôgun ou Lieutenant général, véritable empereur depuis plusieurs siècles, le Japon vivait en état de féodalité, et, sous l’autorité du Shôgun, les Daïmios ou princes feudataires détenaient les provinces ; le Shôgun occupant pour son propre compte Yedo (aujourd’hui Tokio) et les provinces environnantes, dont l’ensemble constituait le Kouan tô.

Aujourd’hui, la féodalité est anéantie et le Mikado règne sur un pays uni et centralisé. Mutsu hito, 121e empereur du Japon, est considéré comme l’héritier direct en ligne continue de Jinmu Tennô ; il va sans dire que ce n’est là qu’une fiction. Les empereurs du Japon n’ont, depuis bien longtemps, selon toute vraisemblance, dans les veines aucune goutte de sang de Jinmu ; car avec les empereurs enfants qui se sont succédé sans interruption sous les Fujiwara, les Taira et les Minamoto[6] (800 à 1200 environ ap. J.-C.), avec le système des adoptions qui a été en vigueur de tout temps dans la famille impériale quand il n’y avait pas d’héritier mâle, il est évident que la ligne directe a été interrompue il y a longtemps. Mais les Japonais en conservent la fiction, et leur patriotisme exalté leur fait toujours considérer que leur race impériale descend de la divine Amaterasu, déesse du soleil (Amaterasu O mi Kami).

[6] Familles de Shôgun ou lieutenants généraux.

Les anciens seigneurs féodaux, connus sous le nom de Daïmios, ont tous fait leur soumission à l’Empereur, et forment aujourd’hui une partie de l’aristocratie japonaise ; je dis une partie, car l’aristocratie actuelle, en dehors des vieilles familles, compte dans ses rangs de simples plébéiens anoblis. La noblesse est une noblesse ouverte, comme en Angleterre, et l’Empereur confère les titres de duc, marquis, comte, vicomte ou baron à celui de ses sujets qu’il estime l’avoir bien servi, quelle que soit l’humilité de son origine.

Au-dessous des nobles viennent les Shizoku, anciens soldats et serviteurs des Daïmios et du Shôgun ; le titre seul les distingue du Heimin ou peuple, qui vient après eux ; car à aucun point de vue il n’y a de différence entre eux aujourd’hui.

Grande noblesse ou Kwazoku, petite noblesse ou Shizoku, peuple ou Heimin, tout le monde est égal devant l’Empereur et devant la loi.

Le Japonais est un peuple essentiellement facile à gouverner ; habitué sous l’ancien régime à une discipline extraordinaire, il a conservé son amour de la hiérarchie, de l’autorité, du respect des supérieurs. Un passant demandant son chemin dans la rue à un agent de police s’approchera de ce dernier avec une timidité respectueuse ; l’agent de police est le représentant de l’autorité !

V. — Habitué à obéir aux ordres de l’Empereur et de ses ministres, le peuple japonais ignorait ce qu’était une constitution ; pour moderniser davantage les rouages du gouvernement, le Mikado, sur le conseil de ses ministres, octroya une constitution à son peuple le 11 février 1889, avec Chambre haute et Chambre basse ; cette constitution est calquée sur la constitution de l’empire allemand, les ministres n’étant responsables que devant l’Empereur, et pouvant, par suite, se passer du Parlement lorsqu’ils le jugent à propos.

Les principaux articles de la constitution japonaise peuvent se résumer ainsi :

1. L’Empereur exerce le pouvoir législatif de concert avec les Chambres ; il sanctionne les lois et ordonne leur promulgation. Il convoque les Chambres, les ferme, les proroge et les dissout.

2. Quand les Chambres ne siègent pas, les ordonnances impériales ont force de loi. Il est bien dit que ces ordonnances doivent être soumises à la prochaine session du Parlement, lequel les révoque s’il ne les trouve pas à son gré ; mais qui oserait se prononcer au Parlement contre une ordonnance impériale ?

3. L’Empereur détermine l’organisation des différentes administrations et fixe les salaires des fonctionnaires civils et des officiers.

4. L’Empereur a le commandement suprême de l’armée et de la marine ; il déclare la guerre, fait la paix et conclut les traités.

5. Il confère les titres de noblesse et les honneurs et décorations ; il a le droit de grâce et d’amnistie.

6. En cas de minorité, il est nommé un régent qui remplit tous les devoirs de l’Empereur au nom de ce dernier.

7. Le Parlement impérial comprend deux Chambres : la Chambre des Pairs et la Chambre des Représentants.

La Chambre des Pairs est constituée par les membres de la famille impériale, la noblesse et les personnes que l’Empereur juge dignes d’y être appelées.

La Chambre des Représentants est formée des membres élus par la nation conformément à la loi électorale.

Les deux Chambres votent les projets de loi qui leur sont soumis par le gouvernement, et elles peuvent prendre l’initiative des lois.

Une proposition de loi rejetée par l’une ou l’autre des deux Chambres ne peut plus être représentée pendant la même session.

8. Le Parlement est convoqué tous les ans, pendant trois mois ; en cas de nécessité, l’Empereur peut prolonger la session. En cas de circonstance urgente, l’Empereur peut convoquer le Parlement. Les deux Chambres siègent en même temps, et si la Chambre basse est dissoute, la Chambre haute est ipso facto prorogée.

9. Quand la dissolution est prononcée, de nouvelles élections ont lieu et la nouvelle Chambre est convoquée dans les cinq mois.

10. Aucune décision ne peut être prise si un tiers au moins des membres n’est présent. Toute décision est adoptée à la majorité absolue, la voix du président étant prépondérante en cas d’égalité des votes.

11. Les délibérations sont publiques, mais le Gouvernement et les Chambres peuvent ordonner le huis clos.

Les Chambres peuvent présenter des pétitions à l’Empereur et en recevoir des habitants de l’Empire.

12. Les membres sont inviolables et ne peuvent être arrêtés sans le consentement des Chambres ; sauf dans les cas de flagrant délit, ou de délit connexe à des troubles intérieurs ou à la guerre étrangère.

Tous les ministres siègent de droit dans les deux Chambres.

Avec les Chambres et au-dessus d’elles se trouvent les ministres d’État et le Conseil privé.

Les ministres d’État sont responsables devant l’Empereur, et doivent contresigner toutes lois, ordonnances ou rescrits impériaux de toutes sortes.

Les conseillers privés délibèrent sur les importantes questions d’État quand l’Empereur les consulte. Leurs délibérations sont toujours tenues secrètes et jamais publiées.

Voici la composition du Gouvernement à partir de la tête c’est-à-dire de l’Empereur :

Comme en Europe, ces différentes administrations sont divisées en directions, sous-directions, bureaux, etc… dont je crois inutile de donner une énumération ici.

Il existait autrefois un ministère des Travaux publics, Kô bu shô, mais il a été supprimé et les divers services qu’il administrait ont été répartis entre le ministère de l’Agriculture et du Commerce et le ministère des Communications.

VI. — De même que dans tous les pays d’Orient, il n’y avait pas autrefois au Japon de distinction entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire ; en se mettant au niveau des pays d’Occident, le Japon a déterminé des règlements pour l’établissement de tribunaux, pour le fonctionnement de la « Justice ».

1. Les jugements sont rendus par des cours de justice établies conformément à la loi.

2. Les juges sont pris parmi les sujets de l’empire qui présentent les qualifications requises par la loi. Aucun juge ne peut être relevé de ses fonctions sinon sous le coup d’une sentence criminelle ou d’une punition disciplinaire.

3. Les débats en cour sont publics ; mais, s’il est jugé que la publicité des débats dans une affaire peut être préjudiciable à la paix, à l’ordre ou à la moralité publique, la cour peut déclarer le huis clos.

Toutes les affaires ne relevant pas des tribunaux ordinaires (telles que les crimes ou délits des militaires et marins) sont jugées par des tribunaux spéciaux. De même toutes plaintes contre des mesures illégales ou des abus de l’autorité sont examinées par une cour spéciale des Litiges administratifs.

VII. — La loi de finances, à son tour, a été remaniée ainsi qu’il suit :

1. L’impôt est fixé par la loi. Les emprunts nationaux et toutes dettes contractées au nom du Trésor public doivent recevoir l’assentiment du Parlement.

2. Les recettes et les dépenses de l’État requièrent l’approbation du Parlement par le moyen d’un budget annuel ; toutes dépenses engagées hors du budget, une fois que ce dernier est fixé, doivent recevoir la sanction du Parlement.

3. Le budget est soumis d’abord à la Chambre des Représentants.

4. Les dépenses de l’Empereur et de la maison impériale sont supportées par le Trésor national, mais non soumises à la délibération de la diète, sauf au cas où une augmentation serait demandée. En général tout ce qui touche aux dépenses de l’empereur ou de la maison impériale ne peut subir aucune réduction de la part du Parlement sans le consentement du Gouvernement.

En cas d’urgence le Gouvernement peut prendre telles mesures financières qu’il jugera convenable au moyen d’ordonnances impériales.

Quand le budget n’est pas voté, le Gouvernement applique le budget de l’exercice précédent.

Tous les comptes financiers de recettes et de dépenses de l’État sont vérifiés par la Cour des comptes.

VIII. — Quant à la loi électorale, voici ses dispositions :

Pour pouvoir être électeur, il faut :

Être Japonais, âgé de 25 ans ;

Résider depuis un an ;

Payer 15 yen[7] au moins d’impôt direct.

[7] Le yen vaut 2 fr. 55.

Les électeurs ne sont pas très nombreux, beaucoup ne sachant pas encore ce que c’est qu’une élection et s’en souciant fort peu, s’abstiennent de voter. Dès la première élection, il y eut des gens très au courant déjà des mœurs électorales qui vendaient leurs voix au plus offrant, cela atteignait jusqu’à 25 yen (63 fr. 75).

IX. — Malgré cette ombre de parlementarisme, il est bien évident que l’état politique du Japon ne ressemble en rien à ce que nous appelons le régime constitutionnel. L’État c’est l’Empereur, et sa personne est sacrée ; ses décisions sont respectées comme si elles venaient effectivement du ciel dont il est le descendant supposé ; Fils du ciel, Ten shi sama, ainsi l’appellent les bons sujets du Nippon. Malgré tout cependant, il est incontestable qu’il se présente déjà quelques fissures dans cette « foi du charbonnier » ; et l’Empereur passant dans les rues de Tokio n’est souvent regardé qu’avec indifférence ; on le respecte, mais ce n’est plus l’adoration du passé ; il m’est même arrivé d’entendre des Japonais, attendant à une revue l’arrivée de l’Empereur, s’impatienter et s’exprimer peu poliment sur le compte de « cet empereur qui pourrait être plus exact ».

Il est cependant une chose qui maintiendra encore longtemps intact l’amour du peuple pour l’Empereur : c’est le patriotisme farouche, sauvage même, dont tout Japonais est animé. L’Empereur est l’identification de la patrie, et la patrie japonaise est une chose sacro-sainte. Dès l’école primaire, on enseigne aux enfants de cinq ans qu’il n’y a pas de plus beau pays que le Japon, que c’est le pays des dieux dont l’Empereur est le fils, et qu’il faut mourir pour le pays et l’Empereur. Inculqués à une race batailleuse, excessivement orgueilleuse et guerrière, ces principes en font une nation éminemment combative et courageuse[8].

[8] Une chanson, que l’on trouve dans les livres primaires de lecture, est bien caractéristique :

« Les sabres de l’armée sont comme le givre ;
« Les balles sont comme la grêle ;
« Dans la lutte sur terre
« Les montagnes sont secouées, les rivières frissonnent ;
« Les guerriers du Japon sont obéissants et loyaux.
« Ne rompez pas les rangs ; franchissez montagnes et rivières ;
« Avancez, fixez vos regards sur l’ennemi.
« L’artillerie résonne dans l’air ;
« La torpille frémit dans la mer.
« Dans le combat naval le vent se lève, la vague est furieuse ;
« Les guerriers du Japon sont obéissants et loyaux ;
« Mettez les navires en ligne ; franchissez les flots blancs ;
« Avancez, fixez vos regards sur les bateaux ennemis. »

Autre échantillon de « Chanson d’enfants faisant leurs adieux à leur père » :

« Pour le départ du père pour la guerre, le frère aîné apporte son casque et le jeune frère ses bottes ; ils sont, les deux frères, plus calmes que d’habitude. Ils disent à leur père : « Allez maintenant et rapportez-nous comme cadeaux à la maison des têtes d’ennemis. » Le père fait un assentiment de la tête. »

X. — Au-dessous de l’Empereur on peut dire qu’il n’y a qu’un peuple ; la distinction en classes est, en effet, plus dans les lois que dans les mœurs ; le souverain à part, le Japonais est plutôt démocratique, comme d’ailleurs le Chinois, et en général l’Oriental ; il n’existe pas d’aristocratie, hautaine comme en Angleterre, ou cassante et dure comme en Allemagne.

Par conséquent, au point de vue social, l’égalité existe plus au Japon que partout ailleurs. Le peuple, du reste, j’entends le paysan, l’ouvrier, est infiniment plus poli et mieux éduqué ici que dans n’importe quel pays d’Europe. On est agréablement surpris, quand on voyage dans la campagne japonaise, de trouver des gens excessivement courtois, très hospitaliers et, en général, d’une grande propreté ; sur ce point la comparaison avec certaines de nos provinces ne tournerait pas toujours à notre avantage. Il ne faudrait pas en conclure d’ailleurs, parce qu’ils sont polis et hospitaliers, qu’ils nous aiment, nous, Européens ; non : ils ne nous aiment pas ; ils nous détesteraient plutôt, mais ils ne le font pas voir. Que pouvons-nous demander de plus ?

Là est l’une des grandes forces du caractère japonais : sa dissimulation. Habitué, dès la plus tendre enfance, à ne rien laisser paraître sur son visage de ses chagrins ou de ses joies, le Japonais se compose une physionomie impénétrable, et il est impossible de deviner sa pensée. Toutes ses idées se cachent derrière un sourire immuable que nous voyons partout et en toute circonstance.

Il est intéressant de reproduire ici, sans appréciation ni commentaire, un passage paru dans une correspondance japonaise de l’Avenir du Tonkin sous la signature de « Sujin » :

« Tout récemment sorti de la féodalité, le Japonais est encore soumis à l’autorité de l’opinion, que nul ne songe à braver. De là cette volonté collective dont la puissance a produit cette chose incroyable : une dissimulation nationale sur un mot d’ordre donné à tout un peuple. L’humanité dont on fit montre envers les prisonniers a été une attitude imposée par l’élite de la nation en vue des observateurs occidentaux. Pareillement, la politesse envers les étrangers recouvre habilement la haine qu’ils inspirent.

« L’âme héroïque du vieux Japon, même sans la complication nouvelle de cette dissimulation, est très difficile à expliquer. Elle dissocie des idées qui nous paraissent inséparables et inversement. Ainsi le mépris de la mort, le sacrifice chevaleresque, le loyalisme sont les vertus caractéristiques du samouraï, et pourtant, l’homme qualifié le plus brave et le plus loyal n’hésitera pas à surprendre traîtreusement et à frapper par derrière l’adversaire désarmé qu’il croit devoir haïr. Un patriote se tue pour signer de sang ses idées, mais il assassinerait aussi un ministre qu’il juge faire de mauvaise politique. Des exemples abondent depuis 1869. »

(Avenir du Tonkin, 9 mai 1909.)

Tout cela s’en ira-t-il avec l’introduction des idées modernes ? L’opinion de M. Kawakami Kiyoshi, l’un des principaux sociologues du Japon actuel, est à ce propos intéressante à connaître : « Les principes moraux, et plus spécialement l’esprit chevaleresque qui avaient fourni à la nation japonaise des règles de conduite pour sa vie quotidienne, ont été détruits par les récentes révolutions : la révolution politique et la révolution industrielle. Envie, inimitié, douleur, rage contenue chez les pauvres ; vanité extravagante, luxure et débauche chez les riches, voilà les symptômes du grand conflit social qui certainement surviendra au Japon dans un avenir très rapproché. »

(Avenir du Tonkin, 9 mai 1909.)

XI. — De religion, le Japonais n’en a pas, ou en a peu ; mais par contre, il est très superstitieux. Autrefois, les lettrés suivaient la doctrine confucéiste et le peuple les préceptes de Bouddha, tout en reconnaissant et suivant en même temps le Shintoïsme ou religion des aïeux, ancêtres du Mikado.

Primitivement, à l’aurore de l’Empire, après l’établissement de la monarchie par Jinmu, le Shintoïsme était seul connu : c’était, et c’est encore aujourd’hui, l’adoration des ancêtres impériaux et notamment de la déesse du soleil Amaterasu o mi Kami.

A la nombreuse armée des dieux ou Kami que je n’ai pas à énumérer ici, les Empereurs ajoutèrent les noms de leurs prédécesseurs qu’ils élevaient au rang de Kami, et c’est ainsi que le Shintoïsme est devenu le culte des ancêtres impériaux.

A côté, se sont peu à peu créées des superstitions populaires : celle du renard à qui on dresse des temples et qu’on apaise par des sacrifices et des prières ; celles des dieux du vent, de la pluie, du tonnerre, etc…

Après le Shintoïsme, vient le Bouddhisme qui a supplanté le premier dans le peuple ; le Shintoïsme est resté la religion de l’Empereur ; le peuple la respecte, va au besoin faire des prières au temple shintoïste, mais il a adopté le Bouddhisme, plus à portée de son intelligence, plus palpable dans ses dogmes et ses cérémonies ; c’est par la Corée que le Bouddhisme a été introduit au Japon sous le règne de Kin Mei tennô, en 563 de J.-C. Il eut, pour s’installer, bien des difficultés, mais la protection impériale aidant, il prit vite racine et le Japon devint très rapidement bouddhiste. C’est, à l’heure qu’il est, la religion la plus répandue.

En fait donc, les Japonais ont deux religions : le culte des Kami, vieille religion nationale, et le culte de Bouddha importé de l’Inde par la Chine et la Corée. Il n’est pas rare de voir un Japonais, un jour de fête religieuse, aller prier aux deux temples, l’un après l’autre.

Le Bouddhisme, au Japon, s’est scindé en plusieurs sectes qui toutes ont leur temple principal à Kiôtô. A l’époque de Ota Nobunaga (1553) Kiôtô était une vraie forteresse de bonzes qui se révoltaient fréquemment contre le pouvoir ; ils furent souvent châtiés et Nobunaga en fit un massacre effroyable.

Aujourd’hui la religion compte pour très peu de chose au Japon et seule la superstition y a toujours de profondes racines. Les classes élevées, imbues plus ou moins d’idées européennes, professent le plus souverain mépris pour tout ce qui est culte et ne conservent que l’habitude des rites shintoïstes aux jours de fête ; par contre il m’a été affirmé de bonne source, et je n’ai pas de peine à y croire, que les grands personnages de l’État consultent les sorts tous les matins !

L’État, en dehors du culte de Shinto, ne se mêle en rien de la religion de ses sujets, et il est bien plus tolérant en cela que beaucoup de pays d’Occident : le catholicisme, le protestantisme, l’orthodoxie grecque peuvent s’y développer en toute sécurité, pourvu qu’ils n’aillent pas contre les lois de l’Empire ; il est vrai que l’Empire n’a édicté aucune loi d’exception contre eux, ce qui leur rend facile la tâche de se soumettre aux lois communes. Les anciennes lois contre les chrétiens ont été abrogées.

Au point de vue politique le clergé n’a donc aucune espèce d’influence au Japon. Prêtres de toutes sortes et moines de toutes catégories vivent en paix, ne tracassant personne et n’étant pas tracassés. Les moines mendiants parcourent même encore la rue le matin, récitant des prières devant les portes et recevant les aumônes des fidèles.

Quelques temples bouddhistes sont des monuments remarquables, bien que construits entièrement en bois ; ainsi le voyageur au Japon ne peut aller à Kiôtô sans visiter : Nishi Hongwan ji et Higashi Hongwan ji ; Kio Midzou dera ; Chi on inn. Les deux premiers se trouvent dans la ville même et n’ont pas le grandiose entourage des deux autres. Élevés sur la colline de Hiyézan, ils ont un cadre de verdure et d’arbres remarquablement beau qui rehausse évidemment leur splendeur aux yeux du visiteur. Au mois de mai Kiôtô et ses temples et ses palais attirent des pèlerins de toutes les parties du Japon.

Comme temple shintoïste il faut voir le temple de Gi on ; mais les temples shintoïstes sont de bois blanc, sans peinture aucune, et n’ont comme ornement que le miroir et le sabre, legs fait au premier empereur par la divine Amaterasu. On n’y trouvera donc aucun art, aucun décor ; seul le toit, d’architecture et de forme chinoises, mais moins massif, plus élégant et élancé, est quelquefois une merveille de construction.

XII. — Au commencement de leurs relations avec le Japon, les étrangers vivaient dans les îles en conservant leur statut national. Ils n’avaient, il est vrai, pas le droit d’habiter en dehors des limites fixées par les traités, dans les ports de Tokio, Yokohama, Osaka, Kobe, Nagasaki, Niigata, Hakodate, mais ils ne relevaient pas des lois japonaises et seuls leurs consuls pouvaient les juger et les condamner ; quand ils voyageaient dans l’intérieur, il leur fallait un passeport délivré par les autorités japonaises sur la demande de leur ministre, et ils ne pouvaient s’écarter de l’itinéraire inscrit sur le passeport sous peine d’être reconduits au port ouvert le plus voisin.

Aujourd’hui, après la révision des traités (signés pour la France en 1896), tous les étrangers résidant au Japon sont soumis aux lois et règlements japonais. Ils peuvent, il est vrai, voyager sans passeport dans tout l’intérieur du pays, mais leurs consuls ne peuvent rien pour eux ; ils sont entièrement soumis à la juridiction japonaise. Aussi, lors de l’application des nouveaux traités, beaucoup de vieux résidents européens ont-ils quitté le Japon. Actuellement (au 31 décembre 1906, dernière statistique), il y a au Japon un total de 19.129 étrangers dont 13.000 Chinois et autres asiatiques. Les étrangers vivent dans les îles du Soleil Levant sur le même pied que les Japonais, mais ils n’ont pas le droit de posséder le sol ; ils n’ont droit qu’à des baux emphytéotiques de 99 ans.

Le traité franco-japonais, signé à Paris le 4 août 1896, et qui est entré en vigueur quatre ans après, c’est-à-dire en 1899, garantit aux Français « constante protection pour leurs personnes et leurs propriétés » ; leur donne la faculté de « voyager, résider, et se livrer à l’exercice de leur profession ; acquérir, posséder, et transmettre par succession des biens, valeurs et effets mobiliers de toute sorte » ; leur garantit libre et facile accès auprès des tribunaux de justice ; leur permet de jouir d’une entière liberté de conscience.

En ce qui concerne l’agriculture et le droit de propriété sur les biens immobiliers, il est entendu que les Français jouiront au Japon des mêmes avantages que les sujets de la nation la plus favorisée. Pour le moment cette clause est lettre morte, aucun Européen ne pouvant posséder la terre dans l’Empire du Mikado. La terre est, en effet, supposée appartenir entièrement à l’Empereur et il ne peut l’aliéner. Il ne peut que la prêter.

CHAPITRE III

I. Provinces et districts. — II. Les trois « Shi ». — III. Les quarante-cinq « Kens ». — IV. Administration méticuleuse. — V. Ports principaux.

I. — Au point de vue politique le Japon, jusqu’à l’ère de Mei ji (1868), époque de la restauration impériale, était divisé en provinces (Kuni) au nombre de 86, disposées en neuf groupes : 1o les provinces impériales (Go kinai), au nombre de 5 ; 2o les huit grandes divisions (dô). Ces dernières divisions étaient :

Hokurokudô, Sanindô et Hokkaidô, au Nord ;

Tôkaidô et Tôsandô, à l’Est ;

Sanyôdô et Nankaidô, au Sud ;

Saikaidô, à l’Ouest.

Les noms des provinces ou Kuni ne sont plus politiquement usités ; mais, comme parfois ils sont encore employés, même officiellement, j’en donnerai ici l’énumération :

Les Gokinai ou Provinces impériales comprenaient cinq Provinces : Yamashiro, Yamato, Kawachi, Idzumi, Setsu ;

Le Tôkaidô (circuit du littoral de l’Est) quinze provinces : Iga, Ise, Shima, Owari, Mikawa, Tôtomi, Suruga, Kai, Idzu, Sagamî, Musashi, Awa, Kadzusa, Shimosa, Hitachi ;

Le Tôsandô (circuit des montagnes de l’Est) treize provinces : Omi, Mino, Hida, Shinano, Kodzuke, Shimodzuke, Iwaki, Iwashiro, Rikuzen, Rikuchu, Mutsu, Uzen, Ugo ;

Le Hokurokudo (circuit du continent du Nord) sept provinces : Wakasa, Echizen, Kaga, Noto, Echiu, Echigo, Sado ;

Le Sanindô (petit circuit des montagnes) huit provinces : Tamba, Tango, Tajima, Inaba, Hôki, Idzumo, Iwami, Oki ;

Le San yô dô (grand circuit des montagnes) huit provinces : Harima, Mimasaka, Bizen, Bichu, Bingo, Aki, Suwo, Nagato ;

Le Nan kai dô (circuit du littoral du Sud) six provinces : Kii, Awaji, Awa, Sanuki, Iyo, Tosa ;

Le Saikaidô (circuit du littoral de l’Ouest) douze provinces : Chikuzen, Chikugo, Buzen, Bungo, Hizen, Higo, Hiuga, Osumi, Satsuma, Iki, Tsushima, plus les îles Riu Kiu ;

Le Hokkaido (circuit du littoral du Nord) onze provinces : Oshima, Shiribeshi, Iburi, Ishikari, Hitaka, Tokachi, Teshiwo, Kushiro, Nemuro, Kitami, Chishima (îles Kouriles).

II. — Aujourd’hui le Japon est divisé en 3 Shi ou villes et 45 Ken ou départements.

Les trois Shi sont : Tôkiô, Kiôtô, Osaka. Tôkiô, capitale de l’Empire depuis la Restauration de 1868, autrefois Yedo, capitale de Shôgun ou Lieutenant général, est le siège du gouvernement et la résidence de l’Empereur ; cette ville est divisée en arrondissements (ku) et renferme deux millions d’habitants. Les arrondissements sont : Kojimachi ; Kanda ; Nihombashi ; Kyosbashi ; Shiba ; Azabu ; Akasaka ; Yotsuya ; Ushigome ; Koishikawa ; Hongo ; Shitaya ; Asakusa ; Honjo ; Fukagawa.

Les districts suburbains sont : Ebara gôri ; Higashi tama gôri ; Minami Toshima gôri ; Kita toshima gôri ; Minami Adachi gôri ; Minami katsushika gôri.

Vers le moyen âge, l’emplacement où s’élève aujourd’hui Yedo, n’était qu’une plage de sable ; au XVe siècle, un guerrier nommé Ota Dôkwan prit possession du village de pêcheurs situé à l’estuaire du Sumida et appelé Ye do (bouche du fleuve) ; il y construisit une forteresse en 1456 ; Hideyoshi (Taikosama) s’empara de cette forteresse et ce fut son successeur Iyeyasu qui, en 1603, en fit sa capitale. Elle devint ainsi capitale des Shôgun, tandis que Kiôtô (miyako) restait la capitale des Empereurs. Le mikado actuel, Mutsu hito, vint s’y installer en 1868 et, au mois de septembre, changea le nom de la ville en celui de Tokiô.

A part les monuments officiels tels que les ministères, les casernes, l’état-major, les différentes écoles, etc., Tokiô est construit en bois. Aussi les incendies y font des ravages effroyables et brûlent souvent une partie de la ville, laquelle se trouve, d’ailleurs, reconstruite au bout de quinze jours. Les rues sont larges, uniformes, et elles ont un aspect triste à cause de la couleur grise du bois vieillissant aux intempéries. L’aspect de la ville n’est pas gai du tout. Des tramways électriques parcourent les principales rues, en même temps que les djinrikisha ou voitures à hommes circulent dans toutes les directions.

Les parties intéressantes de la ville sont : les parcs de Shiba où sont enterrés deux Shôgun ; les temples et les jardins qui précèdent et entourent la tombe sont de toute beauté ; au milieu du parc se trouve le koyokwan ou cercle de l’Érable, sorte de club japonais fort élégant, qui donne une idée très nette de la jolie maison nippone ; les parcs d’Uyeno, autre lieu de repos de Shôgun, à côté du lac de Shinobadzu ; la colline d’Atago yama d’où l’on domine toute la ville ; les fossés et les portes de garde de l’ancien château d’Yedo, aujourd’hui encore existant et entourant le palais impérial ; le grand temple d’Asakusa ; la digue de Mukojima. Les quartiers, qui ne sont pas trop européanisés, sont assez pittoresques et amusants.

Les environs de Tokiô sont très recherchés aux jours fériés et aujourd’hui surtout, avec les facilités accordées par les chemins de fer, la population émigre facilement autour de la ville toutes les fois qu’un saint bouddhiste doit être fêté.

Kiôto, l’ancienne capitale (Miyako) des Mikado, la ville sainte du Japon, est située dans la province de Yamashiro, à environ cent trente-deux lieues de Tokio, dans la direction du Sud-Ouest ; et elle n’est éloignée d’Osaka et de Kobé que de trois heures de chemin de fer. La ville est divisée en deux parties : Kami Kio Ku, ou ville haute, et Shimo Kio Ku ou ville basse.

C’est en 784 que la dynastie impériale fixa définitivement sa capitale à Kioto et ce n’est qu’en 1868, lors de la suppression du Shôgunat, que le trône impérial fut transféré à Tokio. Aujourd’hui la ville de Kioto est déchue et elle n’a plus guère d’animation ; elle est un peu considérée comme la capitale religieuse du Japon et certes le voyageur peut y passer facilement un mois à étudier l’architecture bouddhique sous toutes ses formes. Les principales excursions sont : le palais des empereurs ; Higashi Hongwan ji ; Nishi Hon gwan ji ; Chi on In ; Kiomidzu dera ; San ju san guen dô ; Honkoku ji ; la colline de Hieizan ; le lac Biwa ; les rapides d’Arashiyama ou plutôt du Katsuragawa.

Kioto fabrique les broderies, la porcelaine et le bronze.

Le Shi d’Osaka est actuellement le plus important des trois au point de vue des affaires. La ville est située à environ cent quarante-trois lieues de Tokio et quinze lieues de Kiôto. De nombreux canaux la parcourent en tous sens, de sorte que la navigation, pour le transport par eau, pénètre jusqu’au cœur de la ville, qui a aujourd’hui près d’un million d’habitants. L’industrie du Japon s’est pour ainsi dire concentrée dans cette ville, bien située, près de la mer, au centre du Japon. Osaka est le grand marché commercial de l’Empire, et se trouve aujourd’hui relié, par eau et par voie ferrée, à tous les points du Japon. L’industrie y est également très florissante, et la population y est généralement dans l’aisance.

III. — Les Ken ou Départements ont d’abord été au nombre de trente-cinq :

1o Ken de Kanagawa. Il se compose de trois districts : Tsudzuki, Tachibana et Kuroki, et d’une partie du district de Tama, province de Musashi, plus de la province de Sagami. Le chef-lieu est Yokohama, autrefois le port où résidaient le plus d’étrangers. Les villes principales de ce département sont : Odawara, dans la province de Sagami ; Yokosuka dans la même province, non loin de Yokohama, place de guerre et arsenal pour la marine impériale.

2o Ken de Hiogo. Administre cinq districts de la province de Setsu et deux districts de la province de Tamba, plus les trois provinces de Harima, Awaji, Tajima. Le chef-lieu est Kobe, dans la province de Setsu. Ce port, ouvert au commerce extérieur pendant la première année de Meiji (1868) est contigu, du côté de l’Ouest, à celui de Hiogo. Au Sud-Est de Kobe, se trouve la baie d’Osaka et un peu plus loin le détroit de Tomoshima. La ville de Himeji fait également partie de ce Ken ; elle est située dans la province de Harima, à environ quatorze lieues à l’Ouest de Kobé.

3o Ken de Nagasaki. Administre trois provinces : Hizen, Iki et Tsushima. Le chef-lieu est Nagasaki dans la province de Hizen ; cette ville est à environ trois cent quarante lieues de Tokio. Le port de Nagasaki, ouvert depuis longtemps au commerce chinois et au commerce hollandais, ne le fut pour les autres nations que dans la sixième année d’Ansei (1859). Le port de Nagasaki est fermé de trois côtés par des montagnes ; le quatrième, qui est celui de l’entrée, est protégé par plusieurs îles et îlots. Ce port est un des plus sûrs et des plus profonds du Japon. La ville de Saga, dans la province de Hizen, se trouve à environ vingt-huit lieues au Nord-Est de Nagasaki.

4o Ken de Niigata. Administre les provinces d’Echigo (dont un seul district, celui de Tsugawa, fait partie du Ken de Fukushima), et de Sado. Le chef-lieu est Niigata, province d’Echigo, à environ quatre-vingt-neuf lieues de Tokio. Elle est peuplée d’environ cinquante mille habitants. Le port de Niigata fut ouvert au commerce étranger dans la première année de Meiji (1868) ; situé à l’embouchure du Shinanogawa, il est par suite peu profond et mal commode. La ville de Takata, dans la province d’Echigo, se trouve à trente-trois lieues au Sud-Ouest de Niigata.

5o Ken d’Aïchi ; formé de deux provinces : Owari et Mikawa ; le chef-lieu est Nagoya, dans la province d’Owari ; cette ville est à cent quatre-vingt-quatorze lieues de Tokio ; elle est située au milieu d’une plaine ; ses rues sont larges et animées et c’est un des centres les plus importants du Japon ; il y existe un superbe château-fort (shiro), ancienne résidence du Daïmio. La ville d’Okasaki, dans la province de Mikawa, est située à dix lieues au Sud-Est de Nagoya.

6o Ken d’Ishikawa ; formé de trois provinces : Kaga, Noto, Echiu, plus sept districts de la province d’Echizen. Le chef-lieu est Kanazawa, dans la province de Kaga. Cette ville est à cent vingt-sept lieues de Tokio ; traversée au Nord et au Sud par deux rivières, le Saigawa et l’Asanogawa, Kanazawa se trouve à peu près au centre du Hokurokudô. Le commerce n’y est pas très considérable ; villes principales de ce département : Fukui, dans la province d’Echizen, et Toyama dans la province d’Echiu.

7o Ken de Hiroshima ; formé des deux provinces d’Aki et de Bingo. Le chef-lieu est Hiroshima dans la province d’Aki, situé à deux cent trente lieues de Tokio. Le sol des environs est très fertile et la ville est arrosée par plusieurs cours d’eau. La ville importante de Fukuyama, dans la Province de Bingo, se trouve à vingt-six lieues à l’Est de Hiroshima.

8o Ken de Wakayama formé de la province de Kii (quelques villages de cette province, situés à l’Est de la rivière Kumano, font partie du Ken de Miye). Le chef-lieu est Wakayama, à cent soixante-trois lieues de Tokio. Cette ville, dont le côté Ouest est voisin de la mer et le côté Nord est arrosé par le Kinogawa, se trouve à l’entrée de la baie d’Osaka.

Entourée de collines, Wakayama est fort pittoresque.

9o Ken de Sakai, formé de trois provinces : Idzumi, Yamato et Kawachi. Le chef-lieu est Sakai dans la province d’Idzumi ; cette ville est à cent quarante-huit lieues de Tokio. Sakai est situé sur le même littoral que Osaka, au Nord ; elle est arrosée par le Yamato gawa ; on y prend des quantités de poissons. Sakai était autrefois le point de mouillage des navires étrangers.

10o Ken de Miyagi, formé de treize districts de la province de Rikuzen et de trois de la province d’Iwaki. Sendai, dans la province de Rikuzen, en est le chef-lieu ; elle est traversée au Sud-Ouest par le Hirosegawa et elle est contiguë du côté de l’Est à Shiwogama et Matsushima. Les environs de cette dernière ville forment un des plus beaux paysages du Japon. Les productions principales sont le poisson et le sel. Sendai est à 83 lieues au Nord de Tokio.

11o Ken de Kôchi, formé des deux provinces de Tosa et d’Awa. Le chef-lieu est Kôchi dans la province de Tosa ; Kôchi est à deux cent trente-et-une lieues de Tokio. A l’Est se trouve le port de Urato ; au Nord et au Sud coule le Kamigawa ; les productions principales sont le bois et le poisson.

12o Ken de Kumamoto, formé de la province de Higo, chef-lieu Kumamoto, ancienne place forte importante, à trois cent vingt-six lieues de Tokio ; arrosée au Sud par le Shirakawa, elle est bornée au Nord-Ouest par un groupe de montagnes ; c’est une des grandes villes du Sai kai dô.

13o Ken de Shimane, formé de cinq provinces : Idzumo, Hôki, Inaba, Iwami, Oki. Le chef-lieu est Matsuyé dans la province d’Idzumo, à deux cent vingt et une lieues de Tokio.

14o Ken d’Akita, formé d’une partie des provinces d’Ugo et de Rikuchiu ; chef-lieu Akita, dans la province d’Ugo.

15o Ken de Saitama, formé d’une partie des provinces de Musashi et de Shimosa ; chef-lieu Urawa, province de Musashi.

16o Ken de Chiba, formé de parties des provinces de Shimosa, Awa et Kadzousa ; chef-lieu Chiba, à onze lieues de Tokio, dans le golfe.

17o Ken d’Ibaraki, formé de parties des provinces de Hitachi et de Shimosa ; chef-lieu Mito, province de Hitachi, sur l’Océan, à trente et une lieues de Tokio.

18o Ken de Tochigi, formé de la province de Shimotsuké ; chef-lieu Tochigi ; ville principale Utsunomiya d’où partent la route et le chemin de fer se dirigeant sur Nikkô.

19o Ken de Gumma, formé de la province de Kodzuke ; chef-lieu Mayebashi, à vingt-huit lieues de Tokio ; avec les villes de Takasaki et de Tomioka, Mayebashi constitue le centre le plus important du Japon pour le commerce de la soie.

20o Ken de Miye, formé des provinces de Ise, Iga et Shima et une partie de la province de Kii ; chef-lieu Tsu, à cent treize lieues de Tokio.

21o Ken de Shidzuoka, formé des provinces de Suruga, Totomi et Idzu ; chef-lieu Shidzuoka, province de Suruega.

22o Ken de Yamanashi, formé de la province de Kai, chef-lieu Kôfu, à trente-huit lieues de Tokio.

23o Ken de Shiga, formé des provinces de Omi et de Wakasa et une partie de la province d’Echizen ; chef-lieu Otsu, dans la province d’Omi. Hikone, ville célèbre, à quinze lieues au Nord-Ouest d’Otsu.

24o Ken de Gifu, formé des provinces de Mino et Hida ; chef-lieu Gifu, ville renommée pour la fabrication des lanternes.

25o Ken de Nagano, formé de la province de Shinano ; chef-lieu Nagano ou Zenkôji. Temple célèbre, où l’on vient en pèlerinage de toutes les parties du Japon.

26o Ken de Fukushima, formé de la province d’Iwashiro, et d’une partie des provinces d’Iwaki et d’Echigo ; chef-lieu Fukushima ; ville principale Wakamatsu.

27o Ken d’Iwate, formé de parties des provinces de Rikuchu, Rikuzen et Mutsu ; chef-lieu Morioka, province de Rikuchu, à cent quarante lieues de Tokio.

28o Ken d’Awomori, formé de parties de la province de Mutsu ; point extrême du Honshu, Awomori en est la capitale, à cent quatre-vingt-onze lieues de Tokio.

29o Ken de Yamagata, formé de la province d’Uzen et d’une partie de la province d’Ugo ; chef-lieu Yamagata.

30o Ken d’Okayama, formé des provinces de Bizen, Bichu et Mimasaka ; chef-lieu Okayama, province de Bizen.

31o Ken de Yamaguchi, formé des provinces de Suwo et Nagato ; chef-lieu Yamaguchi, province de Suwo, à deux cent soixante-trois lieues de Tokio.

32o Ken de Ehime, formé des provinces de Iyo et Sanuki ; chef-lieu Matsuyama.

33o Ken de Fukuoka, formé des provinces de Chikuzen et Chikugo et d’une partie de la province de Buzen ; chef-lieu Fukuoka, à trois cent deux lieues de Tokio.

34o Ken d’Oita, formé de la province de Bungo et d’une partie de la province de Buzen ; chef-lieu Oita.

35o Ken de Kagoshima, formé des provinces de Satsuma, Osumi et Hiuga ; chef-lieu Kagoshima, point extrême Sud de Kiushiu, à trois cent soixante-dix-huit lieues de Tokio.

Ces trente-cinq Ken ou départements ont été, ainsi qu’on peut le voir, formés avec les anciennes provinces, comme en France les départements. Depuis 1880, dix autres Ken ont été ajoutés à ces trente-cinq dont on a trouvé quelques-uns trop considérables. C’est ainsi que, dans Kiushiu, on a formé deux nouveaux Ken : Saga, chef-lieu Saga, et Miyazaki, chef-lieu Miyazaki.

Dans la grande île, on a coupé en deux le Ken de Shimane pour créer le Ken de Tottori ; à l’Est d’Osaka on a créé le Ken de Nara ; à l’Est du Ken d’Ishikawa qu’on a coupé, s’est formé le Ken de Toyama ; au Sud celui de Fukui ; dans l’île de Shikoku, on a divisé les deux Ken de Ehime et de Kochi pour y adjoindre ceux de Kagawa, chef-lieu Takamatsu et Tokushima, capitale Tokushima.

Enfin les îles Riukiu ont été incorporées à l’Empire sous le nom de Okinawa Ken.

L’île de Yezo forme un Chô ou gouvernement spécial ; le pays est également divisé en départements ; mais l’administration de ce pays, considéré comme une colonie plutôt que comme partie intégrante de l’Empire, est forcément différente de celle des autres parties du Japon.

IV. — L’administration japonaise est méticuleuse et terrible dans les détails. Sa paperasserie pourrait être, à juste titre, rapprochée de la nôtre. Il faut dire que ce n’est pas chose moderne dans le pays du Soleil Levant ; autrefois, sous la féodalité et le gouvernement shôgunal, les fonctionnaires avaient avec eux des espions, les metsuke, chargés de les surveiller ; il s’ensuit que l’habitude de faire rapport sur rapport et d’accumuler les papiers se prit très vite. La recherche de « la petite bête » existe au Japon dans toutes les administrations ; les minuties, les détails insignifiants exaspèrent ceux qui ont affaire aux bureaux japonais ; il faut tâcher d’en avoir besoin le moins possible.

En voyage, dans l’intérieur, il n’est pas de jour où vous ne soyez surveillé par les autorités qui envoient, matin et soir, la police vous demander ce que vous faites, pourquoi vous êtes venu, si vous n’allez pas bientôt vous en aller. C’est une tracasserie de chaque instant ; le tout, d’ailleurs, accompli avec une politesse exquise de la part de tous les agents de l’autorité, mais ce n’en est pas moins quelquefois fort ennuyeux.

Aussi, à part les globe-trotters, les étrangers qui résident au Japon ne s’absentent-ils guère au-delà des environs des ports de commerce où ils habitent généralement.

V. — Actuellement les ports où le commerce européen peut s’installer sont nombreux, mais les résidents des différentes nationalités se concentrent surtout à Yokohama, Kobé et Nagasaki.

Yokohama est situé dans la baie de Tokio, tout près du bourg japonais de Kanagawa ; étalé sur le bord de la mer d’un côté et adossé de l’autre à une colline assez élevée où les Européens ont leurs maisons d’habitation, tandis qu’ils ont leurs maisons d’affaires et leurs magasins sur le quai et dans les rues adjacentes. Le quai est une des jolies promenades de la ville ; le port est peu abrité, quoiqu’il soit aujourd’hui protégé. Quand le vent du Nord-Est souffle violemment, il y a quelquefois de fortes tempêtes ; depuis quelques années on a élevé près de la douane un appontement où peuvent prendre place quatre paquebots, ce qui facilite bien le débarquement et l’embarquement des marchandises et des passagers. Autrefois le port de Yokohama était le grand centre d’affaires des Européens ; aussi y trouvait-on nombreuse société, club et champ de courses ; les dames même avaient fini par s’y installer et de nombreuses familles y étaient nées qui donnaient à la ville une physionomie de petit centre européen. Actuellement Kobé s’est développé un peu au détriment de Yokohama par suite de la proximité d’Osaka où sont les principales manufactures et industries du Japon. Kobé est sous le rapport de la situation géographique beaucoup plus agréable et infiniment plus pittoresque que Yokohama, et les environs en sont délicieux. Quant à Nagasaki, le premier port où les Européens aient été admis (c’est là que les Hollandais trafiquaient à Deshima depuis 1640), il semble plutôt décliner. Peu d’Européens y demeurent et le commerce devient de moins en moins brillant.

Voici les autres ports ouverts au commerce :

Osaka ; les grands bateaux n’y viennent pas, mais restent à Kobé, le port même d’Osaka ne pouvant leur assurer le mouillage. On fait des travaux en vue d’un port, mais ils sont loin d’être terminés. Ainsi que je l’ai déjà dit, cette grande ville est le véritable centre de l’activité industrielle et commerciale du Japon. Situé au milieu des plus riches provinces de l’Empire, en communications rapides, soit par eau, soit par terre, avec les diverses parties du pays, Osaka est rapidement devenu le principal emporium des îles du Soleil Levant. Les grandes cheminées d’usine s’élèvent à côté du gigantesque château-fort en pierres énormes, témoin des âges passés, et offrent un contraste frappant entre les deux époques ;

Niigata, peu important ;

Yebisuminato, dans l’île de Sado, peu important ;

Hakodate, dans l’île de Yeso, ville de 60.000 âmes ; peu important au point de vue du commerce extérieur ;

Kio midzu, province de Suruga ;

Take toyo, province d’Owari ;

Nagoya n’est pas à proprement parler un port : celui-ci se trouve à Miya, et c’est à cet endroit qu’on débarque pour se rendre à la ville. Les gros bâtiments ne peuvent pas, du reste, entrer dans le port de Miya, et c’est surtout par les petits bateaux et par la voie ferrée que s’exécutent les transactions ;

Yokka ichi, province d’Ise ;

Shizaki, province de Bingô ;

Shimonoseki, province de Nagato ; peu important, mais lieu de passage de tous les bateaux qui entrent dans la mer intérieure ou en sortent ;

Môji, province de Buzen ; port important au Nord de l’île de Kiushu, point terminus du chemin de fer venant de Nagasaki ;

Wakamatsu, province de Chikuzen ;

Hakata, province de Chikuzen ;

Karatsu, province de Hizen ;

Sumi no ye, province de Hizen ;

Kuchi no dzu, province de Hizen ;

Miike, province de Chikuzen ;

Tsuruga, province d’Echizen ;

Awomori, province de Mutsu ;

et quelques autres petits ports dont je juge inutile de citer les noms.

Le commerce se fait surtout à Yokohama, Kobe, Osaka et Nagasaki.

Tokio, bien que situé sur la mer, à l’embouchure du Sumidagawa, n’est pas un port praticable : il n’y a aucune profondeur et des bateaux, même de moyen tonnage, ne peuvent y mouiller.

Les quatre grands ports ci-dessus nommés sont pourvus de tout le matériel moderne pour l’embarquement, le débarquement, la mise en docks des marchandises. L’outillage et l’administration des ports de commerce répondent à ce que peuvent désirer les armateurs et les négociants modernes.

De Yokohama partent les lignes de paquebots se dirigeant vers l’Europe et l’Amérique : tous ces bateaux, à service régulier, font escale à Kobé et Nagasaki.

CHAPITRE VI

I. Voies terrestres et maritimes pour se rendre au Japon. — Le chemin de fer sibérien ; les compagnies de navigation qui font le service. — II. Prix des passages. Les côtes japonaises. — III. La mer intérieure jusqu’à Kobé ; de Kobé à Yokohama. — IV. Route d’Amérique et compagnies faisant le service du Pacifique. — V. Aspect triste des villes japonaises pour celui qui débarque.

I. — Pour se rendre au Japon, à l’heure actuelle, le voyageur n’a que l’embarras du choix. Très éloigné d’Europe à des époques qui ne sont pas encore bien lointaines, et où il fallait quarante-cinq jours bien comptés de Marseille à Yokohama, le pays du Soleil Levant, grâce à la voie de terre à travers les steppes de Sibérie, n’est plus qu’à vingt jours de Paris. Voici quelles sont, avec le transsibérien, voie terrestre, les routes maritimes pour se rendre dans les ports japonais :

Voie de Sibérie. — Tous les deux jours un train part de Moscou, par Perm, Ekaterinburg et Tioumen. Cette dernière ville était le dernier point d’arrêt des chemins de fer russes vers l’Asie lorsque le gouvernement russe entreprit l’immense travail de pousser le rail jusqu’à Wladiwostok. De Tioumen, la voie file sur Omsk, Krasnoyarsk et Irkoutsk d’où elle repart, en contournant le Baïkal, sur Tchita, Nertchinsk pour pénétrer en Mandchourie et se diriger sur Kharbine. De ce dernier point, partent deux voies : l’une sur Port-Arthur[9] ; l’autre sur Wladiwostok, point extrême de la voie russe. De ce port un service de bateaux gagne le Japon. Mais le trajet est un peu plus long ; le plus rapide est de quitter le train russe à Kharbine et de se diriger sur Dalny (Talienwan, Tairen), d’où le bateau transporte le voyageur jusqu’à Nagasaki. Les wagons russes sont excessivement confortables, et il est évident qu’ils ne laissent rien à désirer au point de vue du bien-être ; seule la vitesse pourrait être augmentée, mais il faut se dire qu’il n’existe qu’une voie, d’abord, ce qui retarde nécessairement la marche des trains, et, qu’ensuite, la voie est encore toute nouvelle, qu’elle a été construite rapidement et d’une façon hâtive sur certains points par suite des nécessités de la dernière guerre et que, par conséquent, elle n’est pas encore stable partout. Le temps remédiera à ces petits défauts, et, lorsque la deuxième voie sera exécutée, on pourra aller par train rapide en dix jours de Paris à Péking.

[9] Le Sud de cette ligne est aujourd’hui aux mains des Japonais.

Le prix du voyage, actuellement, se rapproche du prix du passage par mer ; il faut compter 2.000 francs pour voyager en première classe de Paris à Nagasaki.

Route de Marseille par l’Océan Indien :

De Marseille partent plusieurs lignes : d’abord les Messageries Maritimes, dont les bateaux quittent le port les dimanches pour Port-Saïd, Suez, Aden (une fois sur deux), Djibouti (une fois sur deux), Colombo, Singapour, Saïgon, Hong-Kong, Shanghaï, Yokohama. Cette Compagnie possédait autrefois une flotte fort belle et des bateaux très confortables et très proprement tenus.

Les étrangers, notamment les Anglais, y venaient en foule et les préféraient de beaucoup aux bateaux anglais ; malheureusement un fait se produisit qui enleva aux Messageries la clientèle étrangère et aussi beaucoup de leur clientèle française : c’est que le Gouvernement français ayant supprimé, pour le transport de ses troupes en Indo-Chine, les grands bâtiments qui avaient été construits et destinés à cet usage exclusif, tels que le Mytho, le Bien hoa, le Shamrock, etc., et ayant conclu avec les Messageries un contrat pour le transport des officiers et des soldats, cette Compagnie se voit obligée par chaque courrier de remplir ses paquebots de troupes. Et c’est pour cela que les étrangers l’ont quittée ; que de nombreux passagers français, payant de leur poche, ont fait de même, et qu’à l’heure actuelle, les bateaux des Messageries ne transportent que des militaires et des fonctionnaires. Le service est, d’ailleurs, bien au-dessous de ce qu’il était autrefois.

La Peninsular and Oriental, Compagnie anglaise, fait également le service de Marseille au Japon par l’Océan Indien et Shanghaï ; mais peu de monde la prend ; elle est presque exclusivement chargée de fonctionnaires et de négociants anglais de l’Inde ; le service y est fort correct ; tout y est très propre ; le confort y est anglais, c’est tout dire ; mais pour la nourriture elle est fort inférieure, et les estomacs non encore habitués à la fâcheuse cuisine anglaise arriveront à Yokohama en bien mauvais état.

Norddeutscher Lloyd. — Tout ce qu’ont perdu les Messageries a été gagné par la Compagnie allemande. Les bateaux ne touchent pas Marseille, il est vrai ; mais comme ce n’est pas sur la clientèle française qu’elle compte, elle n’a que faire de s’arrêter dans un port français ; aussi a-t-elle deux points de relâche au Nord : Anvers et Southampton, et deux au Sud : Gênes et Naples. Le Norddeutscher Lloyd est la Compagnie qui, à l’heure présente, effectue le plus de transports de passagers pour l’Extrême-Orient. Les bateaux sont très confortables, fort bien tenus ; la cuisine y est bonne ; et le personnel très bien dressé ; une seule chose y est atroce : c’est la musique de foire dont on vous fatigue les oreilles pendant les repas, et même après. Trop de musique !

Nippon Yusen Kwaisha. — Cette Compagnie touche à Marseille ; les bateaux sont très beaux et les quelques cabines qu’ils contiennent sont très confortables ; mais ils ne prennent que peu de passagers ; d’ailleurs leur voyage depuis Marseille jusqu’au Japon est fort long par suite de la durée de leur station aux escales, par conséquent ils ne sont guère encombrés ; il leur arrive en effet de rester quatre et cinq jours dans un port, et il n’y a que les personnes peu pressées qui les prennent, par suite du prix bien moindre qu’elles paient pour le voyage.

En dehors des lignes de paquebots que je viens de citer et qui font un service régulier tous les quinze jours, il existe également une ligne autrichienne et une ligne italienne, mais dont les départs et les arrivées ne sont pas très réguliers.

II. — Les prix du passage, sauf en ce qui concerne les Compagnies japonaise, autrichienne et italienne, sont à peu de chose près les mêmes : dix-huit cents francs en première classe et onze cents en seconde ; sur les paquebots français et allemands il y a une troisième classe, mais peu fréquentée ; car il n’y a pas d’émigrants pour les pays d’Orient ; il n’y a que des négociants, lesquels vont en première, et des employés qui vont en seconde. Les bateaux anglais de la Peninsular and Oriental ont aussi premières et secondes, mais pas de troisièmes. Toutes les Compagnies délivrent des billets d’aller et retour, mais les plus longs délais sont donnés par le Norddeutscher Lloyd.

Le premier port japonais touché par les paquebots est le port de Nagasaki. L’entrée en est merveilleuse. Des îlots de verdure y forment plusieurs passes ; devant soi, en contournant tous ces îlots (dont l’un, le Pappenberg, rappelle le martyre de nombreux chrétiens que les Japonais précipitaient du haut des falaises à pic sur les roches battues par les vagues), on aperçoit la colline toute couverte de frondaisons, et de champs descendant jusqu’à la mer. Çà et là, des rochers sombres émergent au-dessus des flots, par endroits la côte est à pic ; de grands cèdres dressent leur tête et au milieu, sous leur ombrage protecteur, on aperçoit de petits temples perchés de côté et d’autre sur les points qui semblent à première vue les plus inaccessibles. De nombreuses barques de pêcheurs sillonnent la rade, et, à mesure qu’on s’avance au fond de la baie, la ville, jusque-là cachée, se découvre. Juste en avant, tout au fond, Deshima, cette petite langue de terre où autrefois les Hollandais étaient parqués, et qu’aujourd’hui rien ne distingue plus du reste de la ville. Derrière Deshima, et de chaque côté, la ville s’étend, aux petites maisons basses, aux rues étroites, et, brusquement, elle s’élève et perche ses constructions sur la colline, autour du grand temple rouge, d’où la vue domine toute la rade.

Un peu en avant de Deshima, sur la droite de la ville Japonaise, s’élèvent les habitations européennes, toutes en terrasses ; les divers consulats ; l’hôtel Bellevue ; les établissements et l’église de la mission catholique, des sœurs, de l’école des frères maristes ; dans le bas de la colline, la rue marchande, avec le nouvel hôtel, juste sur le quai ; les magasins, les banques, les agences d’affaires, les boutiques et tous les general store keepers et ship-chandlers ou magasins généraux d’approvisionnements.

Nagasaki est, pour le japon, un port très important en raison de la sûreté et de la profondeur de sa rade, et de sa situation à l’extrémité Sud de l’Empire, tourné vers les côtes de Chine et de Corée.

En face de Nagasaki, de l’autre côté de la baie, sont installés des fonderies et des ateliers de réparations et de constructions. Nagasaki actuellement renferme une population de près de 180.000 habitants.

III. — En quittant le port de Nagasaki, les navires regagnent le Nord par la côte occidentale de l’île de Kiu shu et pénètrent, par le chenal de Shimonoseki, dans le Setouchi ou mer intérieure. Cette mer, célèbre dans le monde entier par la beauté de ses paysages de verdure, de ses innombrables petites îles couvertes de temples haut perchés où l’on arrive par des escaliers de cent marches et plus, est subdivisée précisément par ces îlots en une série de six parties appelées nada (courant violent, gouffre) qui prennent leur nom des provinces dont elles mouillent le rivage. Ce sont : Idzumi nada ; Harima nada ; Bingo nada ; Mishima nada ; Iyonada ; Suwonada.

La mer intérieure communique au Sud avec le grand Océan par deux passages, l’un entre le Honshu et Shikoku ; l’autre entre Shikoku et Kiushu. A l’Est, elle s’unit à la mer du Japon par le détroit qui sépare Kiushu du Honshu, et où se trouvent au Sud, dans Kiushu, le port de Môji ; au Nord, dans la province de Nagato, Ken de Yamaguchi, le port de Bakan ou Shimonoseki. On peut naviguer sur la mer intérieure en toutes saisons, de nuit aussi bien que de jour, grâce au système de phares très complet et très sûr installé sur tous les points par le gouvernement japonais. Les marées et les courants sont aujourd’hui bien connus et sont très réguliers aux sorties Est et Ouest sur l’océan et la mer du Japon ; dans quelques parties resserrées par les îlots, à l’intérieur même du Setouchi, ils sont d’une grande violence.

Le voyageur devra toujours s’arranger de façon à faire de jour la navigation de la mer intérieure du Japon ; le plus pratique serait de quitter le grand paquebot à Shimonoseki et de prendre, pour la traversée jusqu’à Kobé, un des nombreux petits bateaux côtiers qui font le cabotage. Le paysage, en effet, vaut, entre tous ceux du Japon, la peine d’être étudié ; non point que l’on se trouve en présence d’une nature grandiose ; non, tout au contraire : la nature y est jolie, attrayante, charmante par sa verdure, ses villages, ses temples, ses fleurs, le tout fin et gracieux ; quand le soleil brille sur cet ensemble et détache au loin sur l’azur les collines de Kiushu et Shikoku, on ne se lasserait pas de ce paysage exquis, doux et un peu languissant, on ne se détacherait pas de la vision de cette terre à l’air si accueillant et si inoffensif et qui pourtant nourrit un peuple de guerriers à l’âme dure.

De Nagasaki à Kobé, par la mer intérieure, il faut compter douze heures environ.

Si le port de Nagasaki est excellent et de toute sécurité, il n’en est pas de même du port de Kobé ou Hiogo. (Kobé est la ville où résident les Européens ; Hiogo la ville japonaise ; elles ne sont du reste séparées que par un pont sur une rivière à sec.)

Les navires étaient primitivement obligés de mouiller en grande rade, le port n’étant aucunement protégé des vents du large ; aujourd’hui les autorités ont établi un appontement s’étendant assez loin dans la mer, mais où seuls les paquebots-poste accostent, par suite des droits assez élevés ; de sorte que tous les cargo-boats, encore aujourd’hui, sont obligés de jeter l’ancre assez loin, ce qui est un gros désavantage pour effectuer le débarquement et l’embarquement des marchandises. La ville européenne de Kobé est assez coquette, tout à plat le long de la mer ; c’est là que se trouvent les hôtels, les magasins, les banques, les Consulats étrangers ; quelques maisons d’habitation fort élégantes y dressent également leurs murs de briques rouges : plus loin, au-delà de la ligne de chemin de fer, de l’autre côté de la station de Sannomiya, sur une colline pas très élevée, mais agréable, des Européens ont construit leurs demeures privées qu’ils regagnent le soir après la fermeture de leurs bureaux. On y est en meilleur air et dans un calme plus reposant.

Kobé-Hiogo avait une population de 285.000 habitants d’après le dernier résumé statistique de l’Empire (1908).

De Kobé à Yokohama on compte généralement trente heures de navigation. C’est la partie du Japon où la navigation est la plus mauvaise en tout temps ; l’hiver à cause de la mousson de Nord-Est qui souffle avec violence ; l’été par suite de la mousson de suroît qui amène souvent des typhons redoutables. La navigation est surtout pénible par le travers du chenal d’Owari ; jusqu’à l’entrée de la baie de Tokiô on n’aperçoit rien des côtes, tout au plus au loin l’île d’Oshima dont le volcan lance constamment de la fumée ; l’entrée de la baie est formée par les deux pointes d’Awa et de Sagami, et se trouve très resserrée à la hauteur d’Uraga ; le golfe s’élargit ensuite et laisse apercevoir à l’Ouest Yokosuka, puis Yokohama et Tokio. Depuis le phare de Jô ga shima, en face de Misaki, sur la pointe de Sagami, jusqu’à Yokohama d’un côté et jusqu’à Kamakura et Enoshima de l’autre côté, la côte japonaise est délicieuse, et enchanteresse. Il serait difficile de trouver de plus charmants endroits que les baies de Yokosuka et d’Uraga, et de plus agréables plages que celles de Kamakura et d’Enoshima ; les Européens résidant au Japon ont mis à la mode ces stations d’été et aujourd’hui les Japonais y accourent de Tokio.

Yokohama, situé sur un ancien marais désigné autrefois aux Européens, par dérision, comme emplacement a des environs de toute beauté.

La ville elle-même s’étend le long de la mer, adossée au fond à une colline assez élevée nommée par tous les Européens le « Bluff ». Sur le quai, et dans les deux rues parallèles en arrière du quai, Water street et Main street, se trouvent les bureaux, magasins, hôtels, banques, boutiques de General store keeper, magasins généraux où l’on vend de tout. Les consulats y sont installés également ; sur la colline, les maisons d’habitation que l’on regagne le soir, une fois les bureaux fermés. Yokohama a toujours été, depuis l’ouverture du Japon, la grosse place commerciale, et c’est là que se trouve encore aujourd’hui la colonie la plus importante d’Européens et d’Américains. Le « United club » les réunit dans une même fraternité, et dans ces réunions il n’est jamais question de nationalités : on est « blanc ».

De magnifiques hôtels se dressent sur le quai : le Grand-Hôtel, fondé jadis par un Français, actuellement passé dans les mains d’une Société américaine et où fréquentent principalement les Américains de passage au Japon, qui sont toujours très nombreux. — L’Oriental Hôtel, créé et tenu encore par un Français, somptueusement meublé et décoré et où l’on mange une cuisine qui n’a pas sa pareille dans tout le Japon. — Enfin le Club-Hôtel, plus modeste, mais où l’on trouve cependant tout le confortable désirable.

La colline ou « bluff » est une ravissante petite ville européenne que rien absolument ne distingue d’une localité quelconque des environs de Paris, telles Ablon ou Savigny-sur-Orge. Petites villas coquettes, entourées d’un jardin ; rues très propres et très soignées, mais aucun cachet particulier. Passé la petite ville, se trouve le champ de courses, non loin de la Mississipi bay, charmante petite baie, ainsi nommée par les Américains, lorsqu’en 1852 ils arrivèrent pour la première fois au Japon. Le champ de courses est la grande promenade pour les habitants et deux fois par an, au printemps et à l’automne, les courses y réunissent toute la ville. Ce sont alors les grands jours de Yokohama.

Les environs de Yokohama sont tous fort agréables, et les jours fériés voient de nombreux excursionnistes qui, sans s’éloigner beaucoup, peuvent charmer leurs loisirs au milieu de la verdure des petites collines qui dressent leurs sommets autour de la baie.

Aujourd’hui, avec le chemin de fer, les environs immédiats de la ville sont un peu abandonnés, mais on va souvent plus loin pour trouver des endroits moins agréables.

IV. — Yokohama est donc le point extrême pour les paquebots qui viennent d’Europe ; il l’est aussi pour ceux qui viennent d’Amérique ; de ce côté également, plusieurs Compagnies font le service : trois entre les États-Unis et le Japon ; une entre le Canada et le Japon.

Les trois Compagnies qui, de Yokohama, rejoignent les États-Unis sont :

L’Occidental et Oriental qui va à San-Francisco ;

L’American pacific mail qui va également à San-Francisco ;

La Nippon Yu sen Kwaisha qui va à Seattle.

Celle qui fait le service du Canada est la Canadian Pacific qui aboutit à Vancouver.

Ces bateaux mettent douze jours de Yokohama à Vancouver et quatorze de Yokohama à San-Francisco ; les bateaux américains, une fois sur deux, font relâche à Honolulu ; le départ a lieu tous les quinze jours.

De Paris à Yokohama par cette route, il faut compter une trentaine de jours ; en effet :

1o de Paris à Londres
1
jour
  de Londres à Liverpool
1
  —
de Liverpool à Montréal
8
  —
de Montréal à Vancouver
5
  —
de Vancouver à Yokohama
12
  —
  —   
Total
27
jours.

Comme on ne peut pas voyager comme une lettre, il faut compter trois ou quatre jours de plus.

2o de Paris au Havre
1
jour
  du Havre à New-York
7
  —
de New-York à San-Francisco
5
  —
de San-Francisco à Yokohama
14
  —
  —   
Total
27
jours.

Mais en revanche, le voyage de ce côté coûte plus cher et il faut compter sur 3.000 francs en première classe ; le moindre séjour en Angleterre et en Amérique est onéreux et les dépenses effectuées dans les wagons-restaurants et en bateau sont également très élevées. Aussi, en dehors des Américains, peu de voyageurs choisissent cette route qui double presque le tarif du voyage par l’Océan Indien ou la Sibérie.

V. — En arrivant au Japon, l’étranger ne doit pas s’attendre à trouver des monuments, de belles constructions architecturales, des villes de granit et de marbre comme en Europe et en Amérique. Lorsqu’il a débarqué à Yokohama, à Kobé ou à Nagasaki, et qu’il a suffisamment parcouru les rues quasi-européennes bordées de bengalows ou de villas sans style, quelconques, maisons carrées en briques et bois, construites non pour l’art mais pour le confort et pour la résistance aux tremblements de terre, il a hâte de connaître quelque ville indigène, comptant sur une surprise agréable, avec l’espoir de découvrir quelque chose de riant et de gai. Le Japon, pour le voyageur qui vient d’Europe, n’est-ce pas le bariolage des kakémonos ?

Eh bien, il faut le détromper. L’aspect de toute ville japonaise est immensément triste. Tout est gris. Des maisons basses, en bois devenu gris avec le temps, recouvertes de tuiles noires, se succèdent sans interruption ; des habitants, hommes et femmes, vêtus de couleurs grises (il n’y a que les enfants et les jeunes filles habillés de couleurs voyantes aux jours de fête) : tout cela donne une impression complètement dépourvue de gaîté. Dans de grands centres comme Tokio, Kioto, Osaka, quelques vastes temples rouges, à la toiture énorme, apportent à certaines parties de la ville un cachet qui ne manque pas d’une réelle grandeur, mais les villes elles-mêmes sont misérables et tristes.

Ce qu’il faut voir au Japon c’est la nature, toujours plaisante et gracieuse, en hiver comme en été, au printemps comme en automne ; rien de grand, rien d’imposant comme à Java, comme dans l’Inde, comme dans certaines parties de la Chine occidentale ; mais tout est souriant, aimable et doux. La nature japonaise n’est pas empoignante, elle est reposante et accueillante ; même ses volcans terribles, le Fuji yama, l’Asama, le Onsengatake n’offrent rien d’effrayant. Les cascades gigantesques comme celles de Kégon à Chusenji ou de Kirifuri à Nikkô semblent des joujoux de cascades. Et toujours la même pensée vient à l’esprit du voyageur quand il a visité un peu ce pays : comment cette nature, en somme si calme et si gentille, a-t-elle pu conserver aux habitants ce caractère batailleur des anciens « hommes à deux sabres », caractère encore sensible aujourd’hui sous une couche d’occidentalisme, à vrai dire très mince ?

CHAPITRE V

I. La vie indigène ; la nourriture. — II. Coût de la vie au Japon ; cherté des denrées et des loyers. — III. Hôtels à l’européenne. — IV. La famille japonaise, sa constitution, ses mœurs. Situation de la femme et des enfants.

I. — La nourriture, en général, est fort simple : le riz en est la base principale avec le poisson, dont les mers du Japon abondent. Cependant aujourd’hui on commence à trouver du pain un peu partout, dans les grands centres, et aussi de la viande de boucherie. Néanmoins le Japonais préfère son riz, son poisson et ses légumes, et si vous l’invitez à dîner et, par conséquent, s’il mange du pain chez vous, soyez sûr qu’en rentrant chez lui il mangera son bol de riz ; s’il n’a pas son riz, il n’a pas dîné.

Le poisson se prépare de différentes façons : grillé souvent et quelquefois cru. Cependant on n’offre guère du poisson cru (dorade ou carpe) que dans les grandes occasions ; on prend alors le poisson vivant ; on l’écaille et on le coupe tel quel et on mange les tranches en les trempant dans une sauce noire appelée shôyu. Au début cela paraît bizarre, mais on s’y fait.

Les œufs forment aussi une partie de la nourriture japonaise ; ils en préparent une sorte d’omelette que l’on consomme froide. Comme légumes, les Japonais ont tous les nôtres ; mais en plus ils mangent : les oignons de lys ; les racines de lotus ; les jeunes tiges de fougère ; les jeunes pousses de bambou ; ils aiment beaucoup les fruits confits dans une espèce de vinaigre ; différentes espèces d’herbes conservées d’une certaine manière. En somme ils ont un régime plutôt végétarien. Quelquefois, cependant, quand ils ont un ami, ils tueront un poulet et feront un « torinabé » ou poulet à la casserole en le cuisant avec du sucre et du vin de riz (sake).

Les sucreries sont fort appréciées au Japon ; aussi les boutiques de pâtissiers et les marchands de bonbons ambulants sont-ils nombreux.

Tout le monde, hommes et femmes, fume au Japon, l’usage des cigarettes est devenu assez répandu ; mais cependant on a conservé l’habitude de la petite pipe en métal d’où l’on tire deux bouffées et qu’on bourre sans cesse avec du tabac coupé aussi fin que des cheveux.

On a souvent dit que les Japonais étaient très propres et je l’ai constaté moi-même. Ils ont la propreté du corps, mais ils n’ont pas le sens de la propreté des objets dans les mêmes proportions que l’Européen. Ainsi tout Japonais qui se respecte ira prendre un bain chaud après son dîner ; celui qui n’a pas son « fourô » (baignoire) chez lui, va aux bains publics où les hommes et les femmes sont ensemble (séparés par une corde) ; mais, d’un autre côté, votre servante essuiera très bien, avec la même serviette, le vase de nuit d’abord et votre assiette ensuite.

II. — Il y a une trentaine d’années la vie était normale, je veux dire bon marché, et une famille japonaise pouvait vivre facilement avec quinze yen par mois. C’était le bon temps, mais on n’avait pas de « gloire ». Maintenant on a de la gloire, mais elle coûte très cher, et la vie est devenue tellement coûteuse qu’actuellement la famille, qui dépensait quinze yen, est obligée d’en dépenser cinquante. Il s’ensuit que la misère est effrayante aujourd’hui au Japon ; il est vrai que personne ne s’en plaint et on la supporte sans murmurer jusqu’à présent. Cela durera-t-il ? Tout est imposé à l’extrême et le pays rend tout ce qu’il peut rendre ; car il est pauvre et ses possibilités sont très limitées.

Si la cherté de la vie a ainsi augmenté pour l’indigène, c’est naturellement encore bien pis pour l’Européen, qui lui ne se contente pas de riz et de légumes, mais qui a besoin de viande, de pain, de vin, d’huile, de vinaigre, de sucre raffiné, de thé, de café, d’alcool, de pâtes alimentaires, et en général d’une foule de choses qu’il lui faut importer d’Europe ou d’Amérique. Achat, transport, et droits de douane formidables font monter les denrées nécessaires à l’Européen à un prix tellement élevé qu’il faut être très riche aujourd’hui pour vivre au Japon à l’européenne.

Une maison japonaise, que l’on payait jadis 30 yen par mois, en vaut 90 aujourd’hui, un domestique que l’on payait 10 yen en réclame 30, et tout est à l’avenant.

III. — Autrefois, depuis le moment où le Japon a été ouvert aux Européens, ces derniers devaient habiter dans les cinq ports ouverts de Yokohama, Nagasaki, Kobé, Niigata et Hakodate ; ils ne pouvaient, sous aucun prétexte, résider en dehors sans passeport délivré par les autorités japonaises ; plus tard les villes de Tokio et d’Osaka leur furent ouvertes, mais ils furent parqués dans une certaine partie de la ville avec défense de demeurer en dehors des limites fixées. Ce régime a pris fin avec la révision des traités, et depuis 1899 les Européens ont le droit de résider et de voyager partout au Japon sans être inquiétés. On trouve, dans tous les grands centres, des hôtels installés à l’européenne et où l’on donne une nourriture anglo-japonaise d’un goût douteux. Tokio possède l’Imperial Hôtel, grand bâtiment en pierre, secoué plusieurs fois violemment par les tremblements de terre ; le Métropole Hôtel, plus modeste, mais où l’on avait, autrefois, une cuisine assez convenable quand il était dirigé par un Français.

Kiôtô. — Kiôtô-Hôtel, très bien situé dans la partie centrale de la ville ; Myako-Hôtel ; Nakamura rô ; Ya ami Hôtel ; situé dans le parc de Maruyama, il est d’un séjour fort agréable ; les prix sont d’environ 5 à 6 yen par jour.

Osaka. — Osaka-Hôtel à Nakanoshima, et Nippon-Hôtel. Les hôtels d’Osaka sont peu fréquentés, parce que les étrangers résident plutôt à Kiôtô et à Kobé et ne vont qu’en passant à Osaka.

Nagasaki. — Cliff House ; Nagasaki Hôtel sur la colline ; Japan Hôtel ; Hôtel Antonetti ; Hôtel de France, sur la mer ; 5, 6 et 10 yen par jour.

Kobé. — Club Hôtel ; Grand Hôtel ; Hôtel Français ; Oriental Hôtel Limited, le plus ancien hôtel de Kobé, très confortable : 5, 6 et 10 yen par jour.

IV. — Il va sans dire que le touriste ou même le négociant, qui veut goûter la saveur locale, peut toujours descendre dans un des nombreux hôtels japonais, qui se disputent les voyageurs sur tout le territoire de l’Empire. Il aura soin, alors, de retirer ses souliers avant d’entrer (bien des Européens, refusant de le faire, ont ainsi nui au bon renom occidental et ils ont fermé beaucoup d’hôtels indigènes aux étrangers) ; il s’assoiera sur les talons, les jambes repliées sous lui, et il dormira sur le tatami ou grosse natte de paille dans l’épais fouton (couverture ouatée). Passer quelque temps dans une auberge japonaise n’a rien de désagréable en somme ; et cela permet de prendre contact avec la vie et les coutumes indigènes.

Malgré l’installation des étrangers dans les grands centres, il est bien évident que les mœurs ne se sont point modifiées ; un peuple ne change pas de mentalité en l’espace de cinquante ans, et, s’il lui est relativement facile d’adopter la civilisation matérielle de l’Occident, il lui est plus difficile de changer complètement son système social.

En Europe, le foyer est constitué par la femme, la mère de famille ; c’est autour d’elle que l’on se réunit, c’est vers elle que tout converge. Au Japon il n’y a pas de foyer. La femme ne compte pas ; le père seul existe, c’est lui le pivot de la famille japonaise ; il est le représentant de la race et son continuateur. Cependant, contrairement à certains pays d’Orient, où la femme est séquestrée ou tenue dans une situation tout à fait inférieure, au Japon la femme n’est soumise à aucune réclusion jalouse ; elle tient un rang honorable dans la société et partage les récréations de ses parents et de son mari, quoique jamais elle ne soit initiée à leurs affaires. Laissée très libre, elle abuse rarement de cette liberté, bien que, naturellement, le Japonais ne soit pas plus à l’abri que l’Européen de certains drames de famille. L’esprit des femmes japonaises est cultivé aujourd’hui, dans certaines classes, autant que celui des hommes. D’ailleurs, jadis également, l’éducation des femmes atteignait quelquefois à une haute culture intellectuelle, et on trouverait plus d’un nom féminin parmi les historiens, les moralistes et les poètes. Les femmes japonaises, sans être des beautés, sont de très gaies et de très agréables compagnes : elles ont beaucoup d’aise et d’élégance dans leurs manières, sauf lorsqu’elles s’habillent à l’européenne. Alors elles ont l’air gênées et paraissent en bois.

Autrefois, la femme mariée, durant toute son existence, était pour ainsi dire en tutelle ; elle dépendait de son mari, ou, à défaut, de son fils aîné et n’avait aucun droit légal : son témoignage n’était pas admis. Son mari pouvait introduire, à son choix, autant de concubines qu’il voulait sous le toit conjugal et pouvait signifier le divorce à sa femme comme il lui plaisait ; par contre elle-même, en aucun cas, ne pouvait exiger le divorce. Aujourd’hui les lois ont changé la condition de la femme, mais en pratique le divorce ancien système existe encore, et la femme japonaise est encore traitée plutôt comme une poupée que comme une associée et une confidente.

Il se prépare cependant actuellement une jeunesse japonaise up to date, qui commence à marcher sur les traces des féministes et des suffragettes.

L’enfant, à sa naissance, n’est jamais emmailloté et aucun genre d’empaquètement ne l’empêche de se développer librement. Le trente et unième jour pour les garçons et le trentième jour pour les filles on le portait autrefois au temple pour lui donner un nom que la prêtresse préposée au temple choisissait ; aujourd’hui l’enfant est déclaré, dès sa naissance, à la mairie de son quartier ou de la commune comme en Europe, et on ne lui donne qu’un nom, alors que, dans les temps anciens et même à une époque encore peu éloignée, on lui en choisissait plusieurs : il en changeait même assez souvent.

L’enfant, au Japon, est excessivement gâté, on le laisse faire ce qu’il veut ; jamais on ne le réprimande et surtout jamais on ne le bat ; on lui passe toutes ses fantaisies, on le bourre de friandises et de sucreries. Mais, dès sa jeunesse, on lui inculque le mépris de la mort, l’amour du Pays et de l’Empereur ; on lui enseigne à être très poli et déférent vis-à-vis des personnes âgées et des supérieurs. Vers l’âge de sept ans, tous, garçons et filles, vont à l’école primaire où ils apprennent les alphabets et quelques caractères, un peu de géographie et d’arithmétique. Ceux qui veulent faire des études complètes sont obligés, d’abord de se mettre en mémoire un certain nombre de caractères chinois sans lesquels ils ne pourraient acquérir aucune instruction sérieuse. C’est là, évidemment, pour eux, du temps à peu près perdu, pas tout à fait cependant puisque, en même temps que les caractères, ils apprennent l’histoire et la littérature ancienne de leur pays.

Les fêtes spéciales aux enfants sont nombreuses au Japon, et les deux plus importantes méritent une description spéciale : elles s’appellent, pour les filles, la fête de Hina no sekku ou Hina no matsuri, elle a lieu le troisième jour du troisième mois. Celle des garçons se nomme Go gatsu no sekku, elle est célébrée le cinquième jour du cinquième mois.

La première de ces fêtes est spécialement réservée aux filles et c’est pour elles le grand jour de réjouissance de l’année. Les Européens l’ont surnommée la fête des poupées, parce que, ce jour-là, chaque famille expose les poupées accumulées et conservées pendant plusieurs générations. Quelques jours avant la fête on peut voir, dans les magasins, des collections de gentilles poupées hautes de vingt à cinquante centimètres, habillées plus ou moins richement ; chaque famille qui a eu une fille dans l’année achète une paire de poupées pour donner, comme jouet, à l’enfant. La petite Japonaise a toujours grand soin des poupées achetées le jour de la fête de Hinasama, et, lorsqu’elle est grande, et qu’elle se marie, ses poupées la suivent dans sa nouvelle demeure ; elle les donne à ses filles et ajoute encore à la collection chaque fois qu’une fille lui naît. Le troisième jour du troisième mois toutes les poupées de la famille sont exposées dans la belle chambre à la vue de tout le monde. Ces poupées sont faites de bois ; elles représentent l’Empereur et l’Impératrice ; les anciens nobles de Kioto ou Kuge, avec leurs femmes et leurs filles ; les musiciens de la cour que l’on a soin de représenter chacun avec son instrument. Quelquefois aussi ces poupées figurent des Kami (dieux shintoïstes) ou des personnages mythologiques et historiques. Mais on ne se contente pas de mettre en ligne ces hauts dignitaires et ces personnages sacrés ; on a soin de les entourer de tous les objets nécessaires à la vie quotidienne : petites tables en laque, petits ustensiles de ménage, bols, tasses, coffres de voyage, etc…, le tout proportionné à la taille des poupées. Puis on offre le vin de riz, le riz et le poisson sec (katsuobushi) à l’Empereur et à l’Impératrice, et les jeunes filles de la maison, avec la mère et les amies, se livrent à la joie et aux plaisirs de cette fête.

Le cinquième jour du cinquième mois est le grand jour pour les garçons. Ici nous sommes dans tout l’attirail de la guerre. En effet, quelque temps avant le cinq du mois, les boutiques de la ville exhibent force effigies et images en bois de demi-dieux et de héros couverts d’armures brillantes, généraux et soldats de l’antiquité ; guerriers qui se sont couverts de gloire, notamment Taiko Sama et Katô Kiyomasa ; il y en a à pied, il y en a montés sur des chevaux brillamment caparaçonnés ; la couleur rouge domine dans les drapeaux et oriflammes suspendus à profusion à travers les toits des maisons. Enfin des lances, des arcs et des flèches, des sabres sont rangés sur des râteliers spéciaux et alignés aux devantures des magasins. Chaque famille où il est né un fils fait l’acquisition de guerriers et d’armes, de sorte que, dans certaines familles, le jour de la fête, l’exposition a peine à tenir dans une chambre.

En dehors de l’exposition, chaque famille où il est né un fils dans l’année, fait flotter au bout d’un long bambou, à l’extérieur, par-dessus le toit, un immense poisson en papier gonflé ; aussi peut-on voir, tous les ans, le cinquième jour du cinquième mois, une quantité innombrable d’énormes poissons en papier, flottant au gré du vent par-dessus les maisons. C’est fort original. Le poisson représenté est la carpe (Koi) qui est supposée, par les Japonais, remonter les torrents avec facilité, et qui signifie que chaque homme doit tout surmonter et résister au courant de la vie.

La maison japonaise n’est pas une maison ; c’est un toit, un toit ouvert aux quatre vents, sans murs, avec quatre poutres pour le soutenir. La seule fermeture est représentée par les to, sortes de portes glissant dans des rainures, et que l’on ferme, le soir, quand la famille se livre au repos. Entre ces portes et les coulisses en papier qui entourent et ferment la chambre, il y a une petite vérandah d’environ un mètre de large. Dans la chambre, rien : aucun meuble, aucun siège. Seulement, par terre, des nattes fines, très épaisses sur lesquelles on s’assied les jambes repliées sous soi ; ainsi on mange, on cause, on fume autour d’un brasero où brûle du charbon de bois. Pour les repas, la servante (ou la femme dans les ménages populaires) apporte de petites tables laquées sur lesquelles repose tout le repas : soupe, poisson, légumes, plus un grand seau en bois blanc très propre où est le riz chaud, dont chacun prend dans un bol autant qu’il en désire. Le riz, c’est notre pain.

Les Japonais absorbent généralement trois repas par jour ; en se levant ils font un bon repas, et ne se contentent pas, comme nous, d’une tasse de café ; puis ils mangent à midi et le soir ; c’est le repas de midi qui est le moins copieux ; le soir, souvent, ils prennent un peu de sake ou vin de riz.

C’est le soir, après dîner, que les Japonais vont au bain. Aller, après avoir bien mangé, se plonger dans une cuve d’eau bouillante à 40° et même 45°, est une coutume qui a toujours stupéfait les Européens qui ont habité le Japon. Les familles aisées ont toutes une cuve chez elles ; quant au peuple, comme je l’ai déjà dit, il va aux bains publics ; puis les Japonais, rouges comme des écrevisses, se préparent pour la nuit. On sort de l’armoire, dissimulée dans un côté des cloisons, les gros matelas appelés fouton, et on les étend par terre sur les nattes. Tout le monde couche ainsi sans drap, avec, comme chemise de nuit, un simple Kimono de coton. Il m’est arrivé bien souvent, à la chasse ou en voyage, de passer ainsi la nuit.

Il existe aujourd’hui à Tokio des maisons à l’européenne, édifiées par les hauts personnages et par quelques Japonais fortunés ; mais cependant, à côté de ces maisons, et communiquant avec elles, la maison japonaise existe, et c’est dans la maison japonaise qu’on vit. La maison européenne sert de temps en temps lorsqu’il faut accueillir des étrangers, ou lorsqu’on veut se donner le luxe d’une réception à l’européenne.

L’Empereur lui-même vit dans un palais japonais, somptueusement décoré, que j’ai pu visiter comme on venait de l’achever, mais alors que l’Empereur n’en avait pas encore pris possession. A côté, le palais européen est utilisé pour les réceptions à l’européenne.

Au reste, tous les fonctionnaires et tous les officiers, le soir venu, se hâtent de se dévêtir de leurs redingotes ou uniformes et d’endosser le costume national.

Bien que le foyer n’existe pas au Japon dans le sens où nous l’entendons, il ne faudrait pas croire, cependant, que toute intimité est inconnue dans la famille japonaise. Pendant les soirées d’hiver, quand les to sont bien fermés et que le braséro ou hibatchi réchauffe tant bien que mal les mains gelées, les petits enfants, en compagnie de leurs parents, réunis autour des charbons tout rouges, écoutent avidement les histoires et les contes de fées que la grand-mère leur raconte. Car le folklore japonais abonde en histoires tout aussi jolies que les contes de Perrault. Elles font défiler Momotaro, le jeune héros sorti d’une pêche, qu’une vieille femme trouve dans la rivière en lavant son linge, et qui devient riche et puissant ; le vieillard qui fait fleurir les arbres morts, grâce au génie de son chien tué méchamment par un voisin jaloux ; le miroir de Matsuyama, miroir qu’une jeune mère donne à sa fille en mourant, lui disant que toujours elle y verra son image ; et la jeune fille, si semblable à sa mère, croit effectivement y voir l’image de la chère disparue ; la bataille du singe et du crabe ; le moineau qui a la langue coupée ; le vieillard et les démons, et tant d’autres contes ! La grand-mère (o ba san) charme son auditoire, et les petits enfants ouvrent tout grands les yeux et les oreilles pour mieux comprendre ces choses merveilleuses. Les vieilles histoires venues de l’Inde et de la Chine, les faits célèbres, les exploits de Yamato dakenomikoto et des guerriers des âges lointains, font aussi les frais de ces soirées familiales, ainsi que les méfaits du renard qui peut se changer en femme pour tromper les hommes et réciproquement ; le renard (Kitsune), voilà peut-être l’animal le plus craint au Japon à cause de ses métamorphoses. Aussi le soir ferme-t-on bien les to pour que maître Kitsune ne vienne pas faire de mauvaises farces dans la maison.

Vient l’âge du mariage (le Japonais se marie jeune), il faut trouver une femme pour le fils et un mari pour la fille. Généralement, les familles s’entendent bien longtemps auparavant, ce qui simplifie les recherches. Quand on est tombé d’accord, un certain nombre d’amis du fiancé et autant d’amies de la fiancée sont désignés pour faire les préparatifs et décider de la cérémonie, puis on choisit un jour heureux pour la première entrevue des fiancés, et on fixe le jour du mariage. Alors le fiancé envoie à sa fiancée des présents en conformité avec sa situation de fortune et ces présents la fiancée les offre à ses parents en gage de remerciements, avant de quitter pour toujours leur demeure où elle a passé sa jeunesse au milieu des soins dévoués. Les parents fournissent le trousseau et les objets du ménage, comme cela se passe d’ailleurs en Chine.

Quant à la cérémonie du mariage, elle est célébrée soit en famille, soit dans un restaurant choisi. J’ai eu l’occasion, arrivant dans un restaurant à Osaka, d’être invité fort aimablement par le propriétaire, au mariage de sa fille, et j’ai donc assisté à toute la cérémonie ; la fiancée a sur la tête un long voile blanc, et elle est accompagnée par deux amies qui la conduisent dans la salle où la cérémonie doit avoir lieu. Là, le fiancé se trouve déjà, assis au milieu de ses parents et amis. Dans le centre de la pièce, est placée une table en laque d’or, magnifiquement décorée, et supportant un sapin, un prunier en fleur, une grue et une tortue, qui sont les emblèmes : le sapin, de la force du mari ; le prunier, de la grâce de la femme ; la grue et la tortue, d’une vie heureuse et longue. Sur une petite table, à côté, une coupe et une bouteille de sake. Après quelques cérémonies, les amies de la jeune fille, agissant comme demoiselles d’honneur, font approcher les deux fiancés près de la table en laque et leur offrent la coupe pleine où chacun, se tenant par la main, boit à son tour. C’est par cet acte de boire dans la même coupe que le mariage est consacré.

Alors les invités arrivent pour les félicitations, puis tout le monde s’assied et prend part au festin. Je me rappellerai toujours avec plaisir cette cérémonie où j’ai été si gracieusement invité et traité d’une manière on ne peut plus aimable.

Il va sans dire que l’état civil existant actuellement au Japon, le mariage doit être déclaré à la mairie. Le revers de la médaille est la facilité avec laquelle on divorce ; il existe bien de nouvelles lois à ce sujet, mais les mœurs restent les plus fortes et le chiffre des divorces est encore considérable.

Si, dans l’intimité et en famille, le Japonais est assez généralement gai et libre, dans le monde, il est toujours réservé et cérémonieux. Dans leurs visites, dans leurs entretiens les Japonais sont toujours froids et corrects, ils ont néanmoins une sorte de sourire permanent sur les lèvres ; s’ils sont dans l’affliction par suite de la perte d’une femme ou d’un enfant, ils ont le même sourire ; on les a habitués dès l’enfance à ne laisser rien paraître de leur joie ou de leur douleur.

Souvent les femmes reçoivent leurs amies, et les hommes les leurs, vers quatre ou cinq heures de l’après-midi pour boire l’usu cha et causer, en fumant quelques pipes. L’usu cha est une sorte de thé en poudre, et, pour le préparer il y a tout un cérémonial ; il faut, d’abord, des tasses en terre spéciale, très estimée au Japon, généralement grises et biscornues ; sont aussi nécessaires une foule de petits instruments dont chacun est destiné à un usage spécial ; il faut savoir prendre l’eau chaude dans la bouilloire, la verser d’une manière particulière, et enfin il faut recevoir la tasse, des mains de celui qui vous la présente, avec une certaine position des mains à la hauteur de la tête, boire religieusement et rendre la tasse suivant les rites. Et tout cela se fait très sérieusement, sans que le visage trahisse la moindre envie de rire.

Les hommes, souvent aussi, s’invitent à un banquet dans un restaurant à la mode ; alors c’est tout différent. Les invités, après avoir bu le sake, servi par de jeunes artistes musiciennes et danseuses, sont invités à se mettre à l’aise, et la soirée s’achève gaiement, après qu’on a admiré les danses nouvelles et les morceaux les plus choisis du répertoire. Les hommes seuls se réunissent ainsi ; jamais les femmes ne sont admises à ces banquets. La musique japonaise, pour nos oreilles, est quelque chose d’atroce ; il n’y a dans ces sons rien de ce que nous appelons un son musical, un rythme : c’est une complainte assez semblable aux cris de plusieurs chats. Il existe pourtant, actuellement, des troupes de musiciens à l’européenne, mais on sent qu’ils exécutent mécaniquement leurs notes et qu’ils ne sentent pas, ne comprennent pas notre art musical.

Les Japonais sont assez joueurs et ils ont adopté tous les jeux chinois : cartes, dés, échecs ; ils sont aussi très amateurs de combats de coqs et de cailles, goût qu’ils ont conservé de leurs ancêtres malais. L’été, ils sont très friands de parties de campagne, notamment sur l’eau : ils louent des barques disposées à l’usage des promeneurs et cherchent un endroit agréable, à l’ombre, d’où ils puissent avoir une belle vue. La fête de Riogoku bashi à Tokio donne une idée de ces réjouissances en bateau ; pendant plusieurs jours, des barques, pleines de monde, sillonnent la rivière, et le soir, les feux d’artifices et les illuminations des restaurants et des maisons qui la bordent, rivalisent d’éclat avec les lanternes fines et élégantes de Gifu dont la lumière brille au toit des barques.

Après cette esquisse de la vie japonaise, il convient de voir comment se termine la carrière d’une individualité humaine aux îles du Soleil Levant ; c’est peut-être dans les rites funéraires que s’est conservée le plus exactement la manière antique : quand un Japonais vient à mourir, ses parents et ses amis lavent le corps et le revêtent d’un vêtement blanc sur lequel un prêtre a auparavant inscrit quelques caractères sacrés, généralement le nom posthume du défunt (car, dans la religion bouddhique chaque défunt a un nom sous lequel il est désigné désormais), puis on le place dans le cercueil. Au Japon, le cercueil est une caisse carrée ou un tonneau (ou plutôt la moitié d’un tonneau), dans lequel le mort est accroupi de façon que ses genoux viennent rencontrer son visage. Quand tous les préparatifs sont faits, et quand la famille a également pris le deuil en blanc, les pieds nus dans des sandales de paille, la procession funéraire commence. Elle est conduite par un certain nombre de porteurs de torches suivis par les prêtres ; puis viennent les serviteurs, portant des bâtons de bambou où sont accrochées des lanternes et des bandes de papier blanc ornées de sentences bouddhiques, en caractères sanscrits. Le cercueil suit immédiatement après, porté par quatre ou six hommes ; il est recouvert d’une espèce de châsse blanche qui le cache à la vue ; alors viennent les amis et connaissances du défunt qui escortent les hommes de la famille, père, fils, frères ; tout ce monde, d’ailleurs, parents, amis, porteurs, serviteurs de la maison et du temple, est en grand deuil, c’est-à-dire que tous sont vêtus de coton blanc. Chez le peuple évidemment ceci est simplifié et souvent même les femmes conduisent le défunt à sa dernière demeure. Les femmes de noble et riche famille suivent le cortège également vêtues de blanc, mais elles ne viennent que derrière et à la fin, autrefois portées en palanquin, aujourd’hui conduites en voiture. J’ai assisté ainsi, à Tokio, aux funérailles du prince Arisugawa ; son fils, habillé de blanc, des sandales aux pieds, un bâton à la main suivait à pied ; c’était un enterrement shintoïste, et, arrivé au cimetière, le corps fut déposé sur une sorte d’autel, devant lequel chacun vint offrir aux mânes du prince une branche de l’arbre sacré, le Sakaki.

Chez les shintoïstes, en effet, les cérémonies sont très simples.

Il n’en est pas de même chez les bouddhistes ; le prêtre ici joue un grand rôle et, après être venu à la maison mortuaire réciter des prières, il accomplit une cérémonie ; il récite enfin d’autres prières au cimetière.

Autrefois, les cimetières étaient autour des temples, comme ils sont chez nous, dans les villages, autour des églises ; aussi chaque quartier de Tokio avait plusieurs cimetières. Les Japonais brûlent, ou enterrent leurs morts, suivant la secte bouddhique à laquelle ils appartiennent. Les shintoïstes enterrent toujours.

A l’intention de ceux qui emploient la crémation, il existe, sur un point de la banlieue de Tokio, un four crématoire pour les riches, et le bûcher de sapin pour les pauvres. Le cadavre réduit en cendres, les cendres sont recueillies dans une urne et enterrées.

Les tombes se ressemblent toutes : un soubassement en pierre supportant une petite colonne carrée sur les quatre faces de laquelle sont gravées toutes sortes de maximes bouddhiques avec le nom posthume du défunt. Les shintoïstes pauvres se contentent d’un piquet de bois dégrossi sur les quatre faces, et entouré de bambous supportant des banderoles de paille et de papier, symbole du shintô.

Les tombes ne sont pas négligées, au contraire ; elles sont toujours ornées de fleurs, et, au mois de juillet, à l’époque du « bon » ou fête des morts, la foule se presse dans les cimetières, absolument comme on fait chez nous à la Toussaint. Il existe une croyance qui veut, qu’après la fête du bon, le 26e jour du 8e mois, la lune se lève en trois langues de feu au-dessus de l’horizon ; aussi, tout vrai bouddhiste, ce soir-là, va-t-il s’installer sur une éminence où il reste en prière jusqu’à l’apparition des trois langues de feu. Chacune, en effet, représente un bouddha qui s’élève ainsi au-dessus de la terre et disparaît presque aussitôt, alors que les trois langues de feu se réunissent pour former la lune.

Les Japonais qui suivent les enseignements du bonze dissident, Nichiren, et qui font partie de la secte du Hokkekio, ont une coutume d’une poésie vraiment naïve et délicieusement idéale : celui qui a parcouru assez longtemps les routes du Japon n’a pas été sans rencontrer, dans la campagne, une pièce de coton suspendue aux quatre coins à des bambous enfoncés en terre près d’une mare, d’un ruisseau. Derrière cette pièce de coton, se trouve une planchette avec quelques caractères, généralement les caractères Namu miô hô ren ge kiô qui veulent dire à peu près : Gloire au lotus de la bonne loi. Enfin une sorte de gobelet en bois, avec un long manche, repose sur l’étoffe. Dans le creux des quatre bambous, souvent, on trouve des fleurs qu’une main pieuse renouvelle. A première vue un Européen ne comprend pas ; mais voici l’explication qui m’a été donnée : sur l’étoffe de coton est inscrit le nom d’un défunt ; alors le passant pieux, après avoir joint les mains et prié quelques instants, prend le gobelet et répand de l’eau sur l’étoffe ; il attend que toute l’eau ait traversé l’étoffe avant de poursuivre son chemin ; puis il salue et repart. Cette petite cérémonie est appelée Nagare Kanjô, la prière de l’eau courante.

Le Dai Butsu de Kamakura.

CHAPITRE VI

I. Le peuplement : sa densité ; l’expansion au dehors. — II. Quelques chiffres. — III. Répartition de la population. — IV. Villes au-dessus de 100.000 habitants. — V. Émigration au Hokkaido (île d’Yezo).

I. — La population du Japon augmente, tous les ans, d’une manière inconnue à l’Europe, même à l’Allemagne et à la Russie, dont, cependant, l’accroissement de population est déjà fort rapide. On a souvent prétendu que c’était cette augmentation continuelle qui obligeait les Japonais à chercher d’autres terres pour vivre, leur pays se trouvant surpeuplé. Je crois qu’il n’est pas très exact d’énoncer pareille idée d’une façon absolue. Les Japonais ont encore à peupler tout le Nord du Honshû et l’île de Yezo et, certainement, ces deux parties de l’Empire pourraient nourrir des milliers de familles ; ce qui chasse les Japonais de chez eux c’est moins le besoin de nouveaux territoires que leur esprit d’aventures. En effet, avant la fermeture complète du Japon par Iyeyasu et l’interdiction absolue de communiquer avec l’étranger, les jonques des Japonais parcouraient toutes les mers de Chine, et on les trouve, aux XIVe, XVe, XVIe siècles, un peu partout en Asie : en Corée, au Siam, en Annam, au Tonkin, où ils commercent, où ils deviennent ministres, généraux, et où, en somme, ils sont très appréciés. Le vieux sang malais, le sang des écumeurs de mer qui coule dans leurs veines, en fait à cette époque des navigateurs de première valeur. L’édit de Iyeyasu leur fermant la mer, leur fit oublier leurs ardeurs maritimes ; mais depuis que le pays s’est ouvert en grand, ils sont repartis sur les flots et sont redevenus ce qu’ils étaient, d’excellents marins et des aventuriers sans égaux. C’est ainsi qu’on les voit en Chine, en Amérique, aux Hawai, aux Philippines, en Mandchourie, en Corée, voire au Pérou et au Chili.

II. — Quelle que soit, d’ailleurs, la raison particulière qui les fait ainsi essaimer dans les mers d’Extrême-Orient et dans le Pacifique, il n’en est pas moins constant que le chiffre de la population japonaise va toujours en augmentant. De 35.768.584 en 1879, elle est passée en 1905 à 47.674.460 habitants, après avoir été en 1896 de 42.708.264 habitants.

Le tableau de la population totale de l’Empire, pour les dix dernières années (le recensement le plus récent étant de 1905, pris dans le dernier résumé statistique de l’Empire) (1908), donne les chiffres suivants :

ANNÉES
POPULATION
1896
42.708.264
1897
43.228.863
1898
43.763.855
1899
44.260.642
1900
44.815.980
1901
45.437.032
1902
46.022.476
1903
46.732.876
1904
47.215.630
1905
47.674.460

Cette population totale était ainsi répartie à la fin de décembre 1903 (dernier tableau paru) :

 
1888
1893
1898
1903
Honshu central
15.331.659
16.031.432
16.859.998
17.988.546
 — septentrional
5.992.017
6.316.774
6.642.917
7.075.571
Honshu occidental
9.096.416
9.374.468
9.825.722
10.396.425
Shikoku
2.828.821
2.907.280
3.013.817
3.167.707
Kiushu
6.103.446
7.379.262
6.811.246
7.260.910
Yezo
254.805
379.097
610.155
843.717

En quinze ans, de 1888 à 1903 la population du Japon a augmenté de 7.175.642 habitants ; et de 1903 à 1905 de près d’un million (exactement 941.584 habitants).

III. — Elle est inégalement répartie dans tout l’Empire et les parties les plus peuplées du Japon sont celles qui composent le Honshu central, c’est-à-dire tout le centre de la plus grande île, que les Européens connaissent plus généralement sous le nom de Nihon ou Nippon, et que les Japonais appellent Honshu ou terre principale, Nippon et Nihon, chez eux voulant dire le Japon tout entier. La répartition de la population par Ken ou département, au 31 décembre 1903 (résumé statistique de l’Empire du Japon pour 1908) est ainsi établie :

Shi et Ken (Honshu central).
Population.
Shi de Tokio
1.668.368
Ken de Kanagawa
866.276
 — Saitama
1.248.626
 — Chiba
1.329.362
 — Ibaraki
1.205.231
 — Tochigi
858.875
 — Gumma
850.081
 — Nagano
1.321.581
 — Yamanashi
537.938
 — Shidzuoka
1.294.917
 — Aichi
1.692.771
 — Miye
1.051.054
 — Gifu
1.046.520
 — Shiga
739.608
 — Fukui
655.714
 — Ishikawa
806.748
 — Toyama
814.876
Honshu septentrional :
Ken de Niigata
1.882.574
 — Fukushima
1.145.606
 — Miyagi
898.531
 — Yamagata
889.510
 — Akita
834.781
 — Iwate
761.281
 — Awomori
663.288
Honshu occidental :
Shi de Kioto
984.285
 — d’Osaka
1.432.932
Ken de Nara
568.265
 — Wakayama
721.411
 — Hiogo
1.776.220
 — Okayama
1.181.204
 — Hiroshima
1.517.185
 — Yamaguchi
1.032.879
 — Shimane
742.844
 — Tottori
439.200
Shikoku :
Ken de Tokushima
729.951
 — Kagawa
730.947
 — Ehime
1.056.054
 — Kôchi
660.755
Kiushiu :
Ken de Nagasaki
878.667
 — Saga
666.158
 — Fukuoka
1.476.528
 — Kumamoto
1.212.187
 — Oita
873.659
 — Miyazaki
490.275
 — Kagoshima
1.194.228
 — Okinawa
468.208

Par le tableau ci-dessus, il est facile de se rendre compte de la façon dont le Japon est peuplé ; depuis le recensement de 1903, la population s’est encore accrue nécessairement, mais aucune statistique officielle n’a paru à ce sujet ; toutefois on peut affirmer, sans se tromper, qu’à l’heure actuelle (1909), la population japonaise dépasse 50.000.000 d’habitants. (L’Annuaire économique pour 1908 donne exactement 49.232.822.)

Les départements (Ken) les plus peuplés sont, avec les Shi (cités) de Tokio et d’Osaka, ceux de Saitama, Chiba, Ibaraki, Gumma, Shidzuoka, Aichi, Miye, Gifu dans le Honshu central ; Niigata, Tokushima, Hiogo, Okayama, Hiroshima, Yamaguchi, dans le Honshu occidental ; Ehime, dans l’île de Shikoku ; Fukuoka, Kumamoto, Kagoshima, dans l’île de Kiushiu.

La population de Yezo, appelé plus généralement Hokkaido par les Japonais, est de 435.248 hommes et 408.469 femmes, soit un total de 843.717, compris dans le total du précédent tableau.

Comme densité nous trouvons :

Ce qui, en moyenne, donne 122 habitants par kilomètre carré ; on voit donc que, comparativement aux pays les plus peuplés d’Europe, la Belgique par exemple, c’est encore peu de chose, et que le Japon pourrait contenir une population plus considérable.

IV. — La population rurale est très dense, et bien que l’industrie attire, comme partout ailleurs, les jeunes gens vers les agglomérations urbaines, cependant on ne trouve guère actuellement qu’une dizaine de villes ayant une population de 100.000 âmes et au-dessus.

Tokio
1.818.655
Osaka
995.945
Kioto
380.568
Yokohama
326.035
Nagoya
288.639
Kobe
285.002
Nagasaki
153.293
Hiroshima
121.196
Sendai
100.231

Toujours, à la date du 31 décembre 1903 ; donc tous ces chiffres doivent être majorés aujourd’hui.

V. — En 1907, l’immigration au Hokkaido donnait un chiffre de 66.793 individus dont il faut défalquer 10.092 qui ont abandonné l’île. La population indigène de cette partie de l’Empire, les Ainos, n’est plus que d’environ 18.000 individus, à peu près autant d’hommes que de femmes ; elle tend à disparaître complètement devant l’invasion japonaise qui contribue beaucoup à leur disparition progressive en leur livrant de mauvais alcool de riz.

A part les Ainos du Hokkaido, on peut dire qu’à l’heure présente la population du Japon est homogène. Elle ne forme qu’une même race d’hommes, parlant la même langue, ayant les mêmes habitudes, les mêmes mœurs. Évidemment l’isolement dans lequel le Japon s’est trouvé pendant plus de deux siècles, enfermé dans ses îles, alors que défense était faite sous peine de mort de quitter de vue les côtes, a contribué puissamment à mêler les divers éléments constitutifs et à ne faire qu’un seul peuple ; cependant là n’est pas l’unique raison : car nous voyons, en Europe, la Grande-Bretagne, dont les divers éléments, celtes, gallois et anglo-saxons, enfermés dans des îles aussi, ne se sont pourtant jamais fondus ensemble. La constitution politique et l’administration uniques pour tout le territoire, ont dû contribuer certainement à la réalisation de l’unité de race dans les îles du Soleil Levant.

La population étrangère fixée au Japon n’est pas très considérable, et elle est estimée à environ 19.000 individus. Les Chinois sont les plus nombreux, avec un total de 12.434 ; puis viennent les Anglais au nombre d’environ 2.000 et les Américains des États-Unis au nombre de 1.500. Les Allemands et les Français ne sont guère plus de 500 à 600. Quant aux autres pays, ils sont représentés par un nombre de personnes variant de 1 (Grec) à 90 (Italiens) et 200 (Russes).

CHAPITRE VII

I. Tokio capitale. — II. Localités à visiter. — III. Environs de Tokio. — IV. Le Fuji yama. — V. Sendai et les villes du Nord. — VI. Nagoya, Kioto, Nara. — VII. Osaka et les villes du Sud.

I. — La capitale du Japon, Tokio, est située au Nord de la baie d’Yedo ; elle occupe une circonférence de quarante-trois kilomètres, et elle est arrosée par le Sumida ou Ogawa qui coule à travers la ville, la divisant en deux parties : la ville proprement dite, et les faubourgs de Honjo et de Fukagawa. C’est plutôt une agglomération de villages autour du château qu’une véritable ville, quoique, à l’époque moderne, elle se soit de plus en plus centralisée. Le château occupe une situation élevée du côté Ouest du centre de la ville ; il est enclos de doubles murailles et entouré d’un large fossé. C’était là qu’habitait le Shôgun ou lieutenant général. Le feu, le 3 avril 1872, a tout détruit, et ce n’est qu’en janvier 1889 qu’un nouveau palais y fut élevé pour le Mikado qui y réside depuis lors. Les jardins impériaux, appelés Fukiage, sont situés dans l’enceinte du château. On est admis à les visiter en demandant l’autorisation au ministère de la maison impériale. A l’extérieur, on peut admirer les tours à plusieurs étages, quadrangulaires et à toits de forme chinoise, qui ont été laissées, à juste titre, au-dessus des portes d’entrée du château.

Entre le château et les murs d’enceinte de la ville propre, un immense espace était occupé par les nombreux palais des Daïmios ; mais presque toutes ces constructions féodales ont cédé la place à de hideux bâtiments de briques construits par des architectes européens et qui servent de ministères, de casernes, d’écoles très diverses, etc… de sorte qu’on a peine à avoir une idée de ce qu’était le vieux Yedo au temps du Shôgunat. Il reste pourtant quelques-uns des anciens bâtiments qui ont été convertis en bureaux du gouvernement ; ce sont des constructions de bois, très longues, à un seul étage, avec une couverture en tuiles grises très lourdes, et peintes en noir, ce qui leur donne un aspect lugubre.

En dehors des murs de la ville, est éparpillée la cité populaire, très dense, et où se fait tout le commerce ; la rue principale est de construction européenne, en briques, nommée Ginza, elle est continuée par la rue qui mène au pont du Japon ou Nihon bashi, d’où sont mesurées les distances de l’Empire. Ces rues sont très animées, d’autant plus que Ginza se trouve précisément en face de la station du chemin de fer de Shimbashi.

Ces deux rues conduisent jusqu’au parc d’Uyéno où est installé le musée impérial, et où se tiennent les expositions nationales et de peinture.

II. — Parmi les endroits intéressants pour les étrangers, on peut citer le grand temple de Kowannon à Asakusa, non loin d’Uyeno, et les temples de Shiba dont j’ai déjà parlé plus haut. Il y a, en tout, près de deux mille temples à Tokio, mais peu méritent la peine d’être visités. L’un des plus fréquentés est le temple de Sengakuji, à Shinagawa, où se trouvent les tombeaux des fameux quarante-sept rônins.

Les districts de Honjo et Fukagawa sont les côtés calmes et tranquilles de la capitale ; ils sont reliés à la ville propre par cinq ponts : Adzuma Bashi, Umaya Bashi, Riogoku Bashi, O Hashi, et Eitai Bashi (Hashi, par euphonie Bashi : Pont).

Tokio est en pleine transformation, et l’on peut voir, à côté de maisons européennes, élevées par des nobles ou de riches bourgeois, les maisons en bois du peuple. L’éclairage à l’électricité a été installé dans les plus beaux quartiers ; les autres étant éclairés soit au gaz, soit à l’huile de pétrole. Des tramways électriques, des omnibus circulent partout ; mais le caractère général de la ville est bien triste et sombre, malgré les bouquets de verdure qui sortent par-dessus les petits toits.

III. — Ce qu’il y a de joli ce n’est pas Tokio, ce sont les environs : Meguro, Ikegami, Kawasaki, Kanazawa, sur le bord de la mer, l’un des plus ravissants endroits du Japon, d’où l’on a huit points de vue charmants connus sous le nom de Kanazawa hakkei, les huit vues de Kanazawa.

Kamakura, également sur le bord de la mer, aujourd’hui simple bourgade, autrefois capitale du Shôgun Yoritomo (1185), possède encore quelques vestiges de sa splendeur ancienne, notamment le temple de Hachiman, et le grand Bouddha en bronze dans la tête duquel peut tenir un homme de la taille de deux mètres.

Enoshima, île sacrée, ressemble assez au Mont Saint-Michel en France, avec ses temples, ses grottes, ses caves ; lieu de pèlerinage d’été, où les Européens vont souvent passer quelques jours de repos et respirer l’air marin et l’odeur des sapins.

Yokosuka, charmante petite ville, d’un côté sur la mer, de l’autre adossée à des collines verdoyantes ; c’est là que les Japonais ont créé, avec l’aide d’ingénieurs français, leur premier arsenal maritime. Aujourd’hui c’est un des principaux arsenaux, et l’activité y est prodigieuse ; on y répare et on y construit même des bateaux de guerre, et on aurait peine à croire, en voyant les environs si riants et la mer si calme, qu’il se cache là, au fond du golfe, une fabrique de destruction.

Hakone. — Cet endroit, situé au milieu des montagnes, assis sur un lac aux eaux très fraîches, est l’une des stations d’été fréquentées par beaucoup d’Européens de Tokio et de Yokohama. On va d’abord par le chemin de fer jusqu’à Kôdzu, et de là un tramway antique, traîné par un cheval vous laisse au pied de la colline de Miyanoshita.

Cette dernière bourgade est également fréquentée, et il y existe un bel hôtel européen pourvu de tout le confort désirable ; de là on se dirige sur Yumoto où se trouvent des sources sulfureuses, et de ce dernier endroit on parvient à Hakone. Cette petite ville était autrefois la clef du Kwantô (possessions directes du Shôgun), et les passes occidentales de Hakone, donnant sur le chemin de Kioto, étaient gardées sévèrement. Nul ne les franchissait sans passeport. Hakone est l’un des plus charmants endroits qu’un voyageur, qui n’a pas le temps d’aller loin dans l’intérieur, puisse visiter. La nature y est admirable ; de grands cryptomérias ombragent les bords du lac, où l’Empereur possède un palais d’été, et la flore de ces régions est délicieuse.

Atami (la mer chaude), que l’on atteint en franchissant les montagnes de Hakone vers la mer, est un séjour où les Japonais vont jouir du calme et du repos. Des sources d’eaux chaudes intermittentes s’y trouvent et sont assaillies de nombreux baigneurs.

IV. — L’une des plus belles excursions peu éloignées de Tokio est celle du Fuji yama, auquel on arrive en franchissant, au-dessus de Hakone, le col de l’Otomitoge. L’ascension de la montagne n’a rien de bien pénible et il est assez original de la faire au mois d’août, au milieu de tous les pèlerins japonais. On a, du sommet de l’ancien volcan, une vue superbe, mais généralement, par suite des nuages, on ne voit rien du tout. A cette époque de l’année, l’humidité de l’atmosphère au Japon est telle, qu’il est très rare d’avoir un ciel parfaitement clair.

Nikko. — A proprement parler, Nikko n’est pas une ville ; c’est un ensemble de temples et de tombeaux dans un cadre de montagnes et de torrents absolument admirable ; autour de ces temples s’était formé un petit village qui, à la suite de la venue des Européens, s’agrandit et vit s’élever des maisons et des hôtels. C’est là, en effet, que les résidents étrangers prirent peu à peu l’habitude d’aller passer l’été, et aujourd’hui de confortables hôtels à la mode d’Europe se sont installés. Toutes les maisons et les rues sont éclairées à l’électricité, et, il faut bien l’avouer, cet envahissement de l’Occident a fait perdre à Nikko la plus grande partie de son charme.

Quoi qu’il en soit, l’étranger ne manquera pas de s’y rendre et d’y visiter les tombeaux et temples de Iyeyasu et de Iyemitsu, les cascades de Kirifuri et d’Urami, les belles montagnes et le lac de Chusen ji. Cela constitue un ensemble remarquable, et c’est si vrai que les Japonais en ont fait un proverbe : Nikko mi na kereba kekko to yu na ; si vous n’avez pas vu Nikko ne dites pas le mot « merveilleux ». En dehors de Nikko, et dans le même massif de montagnes, on peut excursionner, à Ikao, Ashio, à l’Asama yama, volcan encore en activité, et qui vomit constamment de la fumée, mais dont on peut faire facilement l’ascension.

V. — Sendai. — Cette ville n’a rien de particulièrement intéressant, et si on la cite, c’est qu’il faut s’y rendre pour visiter la baie de Matsushima, qui est considérée comme une des merveilles du Japon. C’est une nuée d’îles vertes et couvertes de sapins, semées dans une baie bien ouverte ; des ponts en bois fort élégants relient parfois deux îles entre elles ; des maisons de thé sont édifiées dans les sites les plus appréciés des Japonais, et l’œil est dans le ravissement devant ces merveilles de la nature embellies encore par la finesse du goût japonais.

Niigata. — Ville morte ; quoique l’un des premiers ports ouverts aux Européens. Ces derniers n’y sont jamais allés, d’ailleurs, le port étant très mauvais et les bateaux étant obligés de mouiller très loin au large. La côte est d’ailleurs fort inhospitalière, surtout pendant la mousson de nord-est.

Hakodate. — Encore un des ports ouverts autrefois aux étrangers, c’est la première ville élevée par les Japonais dans l’île de Yezo. Elle a aujourd’hui environ 60.000 habitants mais n’offre rien de remarquable.

VI. — Nagoya. — Elle vient, pour les Japonais, immédiatement après les trois shi (Tokio, Kioto, Osaka). Elle n’est pas sur le bord de la mer, mais on y arrive soit en débarquant au port d’Atsuta no miya, véritable faubourg de la ville, à laquelle on parvient sans quitter l’alignement des maisons, soit en prenant le chemin de fer de Tokio qui y conduit en douze heures. C’est l’une des villes commerçantes et industrielles du Japon ; elle conserve aussi, dans son enceinte, le plus beau des châteaux féodaux de l’ancien temps, construit en 1615 par le célèbre Kato Kiomasa, et où se trouve logé aujourd’hui l’état-major de la troisième division d’infanterie. En dehors du château, il y a quelques temples remarquables : Asahi jimmei sha ; Sakura Temmangui ; Da Shu Kwan on ; Chô fukuji.

Kioto. — Bien que n’atteignant pas le chiffre d’habitants que possèdent Tokio et Osaka, Kioto est la ville la plus célèbre du Japon au point de vue historique. Son nom veut dire « la capitale » car elle a été, pendant plus de mille ans, la résidence des Empereurs. Kioto est élevée de 162 pieds au-dessus du niveau de la mer, et elle est située près du centre de la province de Yamashiro à l’extrémité Nord d’une plaine fertile qui rejoint, du côté Sud, la grande plaine de la baie d’Osaka. De trois côtés elle est entourée de collines couvertes d’arbres. La plus haute, du côté Ouest, est l’Atago ; au Nord, le Kuruma, et, au Nord-Est, le Hieizan ; vers l’Est, de plus petites collines la séparent du lac Biwa, et c’est, sur ces collines, que l’on trouve les sites et les temples les plus remarquables. Des collines du Nord coulent trois ruisseaux qui, en se réunissant, forment le Kamogawa, petite rivière qui arrose la partie orientale de la ville. Le plus souvent, d’ailleurs, le Kamogawa n’arrose rien, son lit étant à sec, et n’offrant à la vue qu’une plaine de sable et de cailloux, avec, çà et là, quelques trous pleins d’eau. Mais, pendant les pluies d’été, le Kamogawa roule des flots souvent trop forts et qui sèment la destruction en débordant dans la ville et la campagne. Un ancien Empereur avait l’habitude de dire : « Il y a trois choses dont je n’ai pas encore trouvé moyen de me rendre maître : jeter les dés, contenir les moines turbulents de Hieizan et régulariser le Kamogawa. » Deux canaux, communiquant avec le Kamogawa, arrosent les autres parties de la ville. Elle est divisée en deux circonscriptions administratives : Kami Kiô Ku ou ville haute (partie Nord), et Shimô Kiô Ku ou ville basse (partie Sud).

La population a bien diminué, et elle est loin d’être ce qu’elle était aux temps féodaux, et surtout à l’époque du moyen âge, alors que la Cour y habitait. La fondation de Yedo au XVIe siècle, et l’autorité ascendante des Shôgun, avait déjà porté un coup à Kioto, et, en 1868, lorsque l’Empereur fixa à Yedo (Tokio) sa résidence, il entraîna avec lui une grande partie de la population. Actuellement Kioto peut avoir 300.000 habitants.

Le climat y est sain, généralement doux, mais, cependant, un peu chaud l’été. La température moyenne est d’environ 14° centigrades ; la maxima étant 36° et la minima 11°. Le mois le plus chaud est août, et le mois le plus froid janvier. L’air y est assez humide, 77 pour 100 ; la pluie y tombe en abondance en juillet et août.

Ce n’est qu’en 794 que Kioto devint capitale permanente et résidence des Empereurs, ceux-ci, avant cette époque, n’habitant jamais la même ville que leurs prédécesseurs.

En 1868, quand Tokio (Yedo) devint la capitale de l’Empire restauré, Kioto fut administrée par un préfet (fu). Puis, en 1888, conformément à la nouvelle loi d’administration municipale, Kioto fut, comme Tokio et Osaka, administrée par une municipalité avec un maire, un adjoint et neuf conseillers, ou sous-adjoints. Le conseil municipal comprend quarante-deux membres.

Aujourd’hui Kioto a perdu de sa grandeur ; mais elle reste toujours la ville sacrée, l’antique résidence des Empereurs, fils du Soleil Levant, et elle est intéressante au point de vue artistique.

Vue générale de Kioto.

Les habitants de Kioto ne diffèrent pas essentiellement de ceux des autres parties du Japon ; cependant les modes y sont plus élégantes, la coiffure des femmes plus originale et plus gracieuse, les manières et les mœurs plus douces et la langue moins rude. Pour un amateur de civilisation japonaise et d’études artistiques, Kioto est le séjour préféré et l’on est tenté, quand on s’y trouve depuis quelque temps, de ne la quitter jamais.

En dehors des temples, dont j’ai déjà donné plus haut l’énumération, il faut visiter le palais impérial (Nishi maru).

Dans les environs, deux endroits sont très célèbres : Nara, ses parcs et son grand Bouddha ; et les rapides d’Arashiyama.

VII. — Osaka est la première ville du Japon moderne au point de vue industriel et commercial ; mais elle est totalement japonaise, les Européens résidant généralement à Kobé. La ville est bien construite, les rues en sont droites, propres et très animées. C’est une ville de progrès ardent, de go ahead américain, et elle est d’un intérêt considérable pour le visiteur étranger. Elle est située dans la province de Setsu, et élevée sur les rives de l’Ajikawa à 10 kilomètres environ de la mer. La rivière n’est navigable que pour de petits bâtiments. Le monument le plus intéressant, relique des anciens âges, est le château construit par Toyotomi Hideyoshi. En voyant le cube des pierres entassées les unes sur les autres, on se demande comment, au XVIe siècle, dans ce pays qui ne connaissait que la force humaine, on a pu élever pareille forteresse. La Monnaie impériale est installée à Osaka et c’est là que toutes les pièces d’or, d’argent et de cuivre sont frappées. Le papier-monnaie est fabriqué à Tokio. Osaka est surtout intéressant au point de vue commercial, et je reviendrai sur cette ville dans le chapitre concernant le commerce et l’industrie du Japon.

Kobé, Yokohama, Nagasaki. — Ces trois villes n’ont pas un type japonais qui retienne l’attention. J’ai, d’ailleurs, eu occasion d’en parler à propos de la navigation.

Hiroshima est, dans la mer intérieure, sur la rivière et à l’embouchure de l’Otagawa. Sa situation même, au fond d’une baie, en face d’innombrables îles, dont l’une, Itsukushima, est très célèbre, en fait une ville intéressante et agréable à visiter. Elle est célèbre par la présence, pendant les deux guerres que le Japon a soutenues en Mandchourie, du grand état-major japonais, qui les deux fois, y fixa sa résidence, l’Empereur s’y étant transporté lui-même et y exerçant (pro forma) le commandement suprême.

Kumamoto, dans la province de Higo, île de Kiushiu, possède un ancien château fort, célèbre par la victoire du général Tani sur les troupes révoltées de Saigo en 1877.

Kagoshima, située dans l’île de Kiushiu, à l’extrémité méridionale de la province de Satsuma ; peu d’étrangers vont la visiter, car elle se trouve fort loin du centre vivant du Nippon, constitué par Tokio, Kioto, Osaka. Cependant elle est intéressante et le volcan de Sakurajima, qui s’élève en face dans l’île du même nom, mérite une ascension.

En somme, dans toutes ces villes japonaises, il ne faut s’attendre à voir aucun monument, à part les temples ; on ne va pas visiter une ville japonaise comme on va visiter une ville d’Europe ou d’Amérique ; quand on connaît Kioto on a tout vu en fait d’architecture et d’art japonais. Ce qu’il faut admirer ailleurs, c’est la diversité des sites et des beautés naturelles.

CHAPITRE VIII

I. Poids et mesures. — II. Monnaies. — III. Postes. — IV. Télégraphes. — V. Situation postale, télégraphique et téléphonique au 31 décembre 1907. — VI. Instruction publique. — VII. Presse ; journaux et revues. — VIII. Cours et tribunaux.

I. — Avant d’examiner les questions qui ont un caractère économique et statistique, je crois qu’il est bon de fournir au lecteur quelques indications sur les poids et mesures et les monnaies en usage dans l’Empire du Soleil Levant. C’est pourquoi je donne ici le tableau comparatif des systèmes japonais, français et anglais :

Japonais.
Français.
Anglais.
Mesures de longueur
1 ri. 3.927 mètres. 2 miles 440.
1 chô. 109 — 5 chains 422.
1 ken. 1,81. 1 yard 88.
1 jô. 3,03. 3,01 —
1 shaku. 3 décimètres 03. 11 inches 93.
1 sun. 3 centimètres 03. 1 inch 19.
1 bu. 3 millimètres 03. 1 line 43.
1 ri carré. 15 kil. 423 m. carrés. 5 milles carrés.
Mesures de surface
1 cho carré. 99 ares 17 centiares. 2 acres.
1 tan. 9 — 91 — 0,24 acre.
1 tsubo. 3 mq. 30 cq. 3 yards carrés.
Mesures de capacité
1 koku. 1 hectol. 80 litres. 39 gallons 70.
1 to. 1 décal. 80 litres. 3 — 97.
1 sho. 1 litre 80 cl. 1 quart 58.
1 go. 0 litre 80 déc. 1 gill 27.
  pour les liquides.
4 bushels 96.
1 peck 98.
0 — 19.
0 — 019.
pour les grains.
Poids
1 kwan. 3 kilog. 75. 8,26 l. avoir du poids.
1 kin. 6 hectog. 900. 1,32 —
1 momme. 3 grammes 75. 2,11 drams.
  pour les liquides.
Ou bien :
10,04 livre troy.
1,60 —
2,41 pwts.

N.-B. — Je n’ai pas tenu compte des décimales extrêmes.

II. — Le Japon est un pays à étalon d’or. L’unité monétaire est le yen, qui vaut actuellement 2 fr. 55. (Change moyen ; il va quelquefois à 2 fr. 60 ou 2 fr. 65). On ne voit, d’ailleurs, jamais d’or dans le pays ; car l’or sert à payer l’étranger pour les intérêts de la dette et les achats du Gouvernement. On trouve également peu de yen d’argent, la monnaie courante est le papier en coupures de 1, 5, 10, 25, 50, 100, 1.000 yen et aussi de 50 sen et 20 sen, quoique, cependant, la monnaie divisionnaire en argent soit généralement abondante.

1 yen =
100
sen = 2 fr. 55.
1 sen =
10
rin  
1 rin =
10
mon

Le rin est encore en usage comme le centime chez nous, et il est frappé en cuivre ; quant au mon c’est une vieille monnaie chinoise (sapèque) qu’on n’emploie plus effectivement, mais qu’on trouve encore en usage dans le langage de certaines provinces.

Il existe des pièces de nickel de 5 sen.

III. — Le service postal se faisait, autrefois, par les postes françaises, anglaises et américaines établies à Yokohama et dans les autres ports ouverts. En 1871, un premier service postal fut organisé par le Gouvernement impérial entre les grandes villes de l’Empire ; et, six ans plus tard, en 1877, le Japon fit partie de l’Union postale universelle ; malgré cela, la France et l’Angleterre gardèrent encore leurs bureaux particuliers jusqu’en 1879, époque à laquelle elles y renoncèrent définitivement.

Actuellement, le service postal est fait, au Japon, comme dans tous les autres pays du globe, très bien fait même et avec minutie.

Taxes locales. — Lettres : 3 sen pour 4 momme ou fraction.

Cartes-lettres : 3 sen pour 4 momme ou fraction.

Cartes postales : 1 sen 1/2.

Journaux et magazines ; livres ; photographies ; papiers commerciaux ; peintures ; échantillons ; manuscrits ; cartes, etc…, 2 sen pour 30 momme ;

Graines et produits agricoles : 1 sen pour 30 momme ou fraction.

Il existe au Japon ce qu’on appelle distribution rapide, pour les articles recommandés et les articles avec valeur déclarée : cette distribution est faite moyennant le payement de 20 sen pour un article adressé dans un rayon de 20 ri du bureau-poste. Hors de cette distance de 20 ri, il est exigé un payement de 15 sen par ri ou fraction ; si l’article à délivrer est adressé à une personne vivant à bord d’un bateau, le payement du bateau est exigé en sus ;

Recommandation : 7 sen par article ;

Assurance de bijoux et matières d’or et d’argent, et pierres précieuses : 15 sen pour une valeur déclarée ne dépassant pas 10 yen ; au delà de 10 yen, 5 sen pour chaque 10 yen ou fraction en sus.

Colis postaux locaux. — Pour l’intérieur du Japon jusqu’à 1.600 momme seulement ; pour Formose et Karafuto (Sakhalin) 1.500 momme ; 36 et 54 sen respectivement.

Pour le Japon :

jusqu’à
200
momme
8
sen
— 
400
— 
12
— 
— 
600
— 
16
— 
— 
800
— 
20
— 
— 
1000
— 
24
— 
— 
1200
— 
28
— 
— 
1400
— 
32
— 
— 
1600
— 
36
— 

Pour Formose et Sakhalin :

jusqu’à
200
momme
30
sen
— 
400
— 
35
— 
— 
600
— 
40
— 
— 
800
— 
50
— 
— 
1200
— 
60
— 
— 
1500
— 
70
— 

Pour ces deux derniers pays on n’accepte que des colis recommandés ou de valeur déclarée.

Tous les règlements japonais sont applicables aux ports Japonais en Corée et en Chine.

Mandats-poste :

Pour 10 yen taxe
6
sen
— 
20
— 
— 
10
— 
— 
30
— 
— 
15
— 
— 
40
— 
— 
18
— 
— 
50
— 
— 
22
— 

Mandats télégraphiques :

Pour 10 yen taxe
30
sen
— 
20
— 
— 
35
— 
— 
30
— 
— 
40
— 
— 
40
— 
— 
45
— 
— 
50
— 
— 
50
— 

La somme maxima qui peut être expédiée dans les deux cas est 50 yen.

Pour l’étranger. — Lettres 10 sen pour 20 grammes ou fraction ; 6 sen pour chaque 20 grammes ou fraction en sus ;

Cartes postales : 4 sen ;

Imprimés : 2 sen par 50 grammes ;

Papiers commerciaux : 10 sen pour les 50 premiers grammes ; 2 sen pour chaque 50 grammes ou fraction en sus ;

Échantillons : 4 sen pour les 50 premiers grammes ; 2 sen pour chaque 50 grammes ou fraction en sus ;

Recommandation : 10 sen ;

Distribution spéciale : 12 sen pour un article ordinaire ; 20 sen pour un colis postal ;

Accusés de réception : 5 sen.

Les imprimés et papiers commerciaux doivent avoir :

Poids : 2 kilogs.

Dimension : 45 centimètres.

Les rouleaux peuvent avoir 75 centimètres de long et 10 centimètres de diamètre.

Les échantillons doivent avoir :

Poids : 350 grammes ;
Dimensions :
30
centimètres de long
 
20
— 
de large
20
— 
de profondeur.
Les rouleaux :
30
— 
de long
 
15
— 
de diamètre.

Les colis postaux sont pris pour tous les pays de l’Union postale avec un maximum de 1.333 momme et un taux variant de 1 yen 50 sen à 2 yen 50 sen.

La poste Japonaise accepte aussi des mandats-poste pour toute l’Europe, les États-Unis et les principales possessions européennes avec un maximum de 1.000 francs pour le Continent Européen ; 100 dollars pour les États-Unis et le Canada.

Taxe : 1 sen par 50 francs.

Le service postal est extrêmement bien fait au Japon et on n’y perd jamais une lettre ; si vous avez changé cinq ou six fois d’adresse, la lettre vous suivra exactement portant cinq ou six petites bandes de papier, où, chaque fois, le facteur a marqué votre changement de maison ; dans ce service l’administration méticuleuse triomphe, et il faut bien dire qu’aucune poste n’est aussi fidèle, pour la remise des correspondances, que la poste japonaise. Peut-être certaines correspondances cependant subissent-elles quelque retard dans la distribution, mais ceci n’appartient pas à notre sujet.

Certains objets sont interdits au Japon et ne sont pas admis en transport postal :

L’opium et tout ce qui sert à fumer l’opium ; la morphine et les dérivés de l’opium sont absolument interdits. Ne sont pas admis au transport postal : les imprimés ou envois de toute nature ayant un caractère immoral ; les matières d’or, d’argent, les pierres précieuses, bijoux et autres objets précieux ; les cartes postales en paquet.

IV. — Le fil télégraphique pénètre actuellement partout au Japon et l’étranger, qui voyage dans le pays, ne se trouve isolé nulle part ; on peut se servir des principales langues européennes, mais, cependant — et comme on peut s’y attendre — c’est l’anglais qui est le plus généralement en usage.

Taxes locales. — Pour un télégramme en japonais (Kana ou alphabétique) :

20 sen pour les 15 premières lettres et 5 sen pour chaque 5 lettres ou fraction en sus (pour les télégrammes expédiés dans la même ville, la taxe est réduite à 10 sen et 3 sen respectivement).

Pour les télégrammes en lettres européennes : 25 sen pour les premiers cinq mots avec un minimum de taxe de 25 sen ; et 5 sen pour chaque mot en sus (dans la même ville, la taxe est réduite à 15 sen et 3 sen respectivement).

La longueur d’un mot est fixée à 15 caractères ; s’il y en a 16, cela compte comme deux mots.

Les groupes de chiffres comptent 5 pour un mot.

Dans le langage des codes 10 caractères valent 1 mot.

Un télégramme urgent paye trois fois la taxe.

Taxes internationales :

  Yen. Sen.
Amoy
0
78
Annam
2
10
Canton
1
04
Ceylan
2
06
Chefou
0
96
Chen Kiang
0
96
Hang chow
0
96
Hankow
0
96
Niou tchouang
0
96
Ning po
0
96
Péking
0
96
Soutcheou
0
96
Wouhou
0
96
Siam
2
04
Shanghaï
0
48
Indes
2
02
Corée
0
30
Europe
2
42
Russie
1
40

États-Unis de 1 yen 60 sen à 2 yen 80 sen suivant les villes ;

Pour l’Amérique du Sud les tarifs sont plus élevés et varient entre 5 yen 10 pour la République Argentine et 5 yen 90 pour le Pérou.

V. — Quelques chiffres feront comprendre la situation où se trouve actuellement le Japon au point de vue postal, télégraphique et téléphonique :

Il existait dans le Honshu, au 31 décembre 1907, 4.698 bureaux de poste ; à Shikoku 391 ; à Kiushu 989 ; à Yezo 345, soit en tout 6.423 bureaux d’où dépendent 54.698 boîtes postales publiques et privées ; 676 bureaux de télégraphe ; 4 bureaux téléphoniques ordinaires et 159 bureaux téléphoniques automatiques.

Pendant l’année fiscale 1906-1907, il a été expédié :

289.018.836
lettres ;
677.189.063
cartes postales ;
175.566.958
journaux et brochures ;
14.914.868
livres ;
8.235.025
documents, épreuves, etc. ;
4.863.018
échantillons et semences ;
61.344.088
objets en franchise ;
15.115.872
colis postaux.

Pendant la même période 1906-1907, il a été délivré 13.704.148 mandats locaux, et 12.911 mandats internationaux ; il a été expédié 23.498.234 télégrammes intérieurs et 644.434 télégrammes internationaux.

Le téléphone possède environ 37.000 abonnés. C’est ce dernier service qui est le moins développé ; mais quand on considère l’état, pour ainsi dire embryonnaire, du téléphone en France, on ne saurait critiquer le Japon de son retard en ce genre de correspondance.

VI. — Il est de bon ton, dans le monde qui se pique de connaissances étendues, et qui, en général, d’ailleurs, sait peu de choses, de raconter que le Japon ne connaît pas d’illettrés ; c’est le même public, du reste, qui, après 1870, disait que le maître d’école prussien nous avait battus ! Ces derniers temps la presse a vanté les instituteurs japonais, leurs méthodes, etc. Eh bien, il faut en rabattre de toutes ces idées surfaites, sorties, on ne sait comment, de cerveaux peu ou mal renseignés. Il existait, au recensement de 1908, en chiffres ronds, 55.000 conscrits sachant à peine lire et écrire et 30.000 ne sachant ni lire ni écrire. Et c’est le Japon central, la partie centrale ou Honshu, qui en fournit la plus grande partie. Voilà la vérité. Il ne s’ensuit pas que le Japon néglige l’instruction publique, loin de là ; il est bien évident qu’il y a quinze ans, la proportion des illettrés était bien plus considérable qu’elle ne l’est actuellement, et le gouvernement du Mikado a fait largement le nécessaire pour arriver à donner l’instruction primaire à tous les Japonais. Aujourd’hui chaque village a son école.

Au point de vue instruction supérieure, le Japon possède deux Universités, l’une à Tokio, l’autre à Kioto. On y enseigne, comme dans toute Université européenne, les lettres, les sciences et les arts. Ce sont des Européens qui, les premiers, ont instruit les Japonais dans les diverses branches de la science humaine : les Allemands dans la médecine ; les Français dans le droit civil et criminel ; les Allemands dans le droit commercial ; les Anglais et les Américains dans les sciences mathématiques, physiques, etc.

Aujourd’hui tout l’enseignement est passé dans les mains des indigènes ; il y a bien encore quelques Européens çà et là, mais c’est surtout comme conseillers en cas de difficultés.

Écoles normales supérieures, à Tokio, à Hiroshima ; écoles de commerce à Tokio, Kobé, Nagasaki ; écoles des arts et métiers à Kioto, Osaka, Nagoya et Kumamoto ; école des langues étrangères à Tokio, employant douze professeurs étrangers ; école des beaux-arts à Tokio ; école d’aveugles et de sourds-muets à Tokio ; et enfin des écoles supérieures appelées kôtogakkô et correspondant à nos lycées.

Toutes ces écoles sont entretenues par l’État ; mais, en dehors de lui, il existe bon nombre d’écoles privées ou sont enseignés : le droit, la politique, l’administration. L’enseignement est libre sous l’inspection du gouvernement. C’est ainsi que trois écoles françaises, dirigées par les frères Marianites, sont en pleine prospérité : à Tokio, ils ont 1.500 élèves, à Yokohama et à Nagasaki, 500 ; les Japonais apprécient beaucoup leur zèle, et les hauts personnages ne craignent pas d’envoyer leurs fils chez eux. Les Jésuites doivent même installer prochainement à Tokio une université avec l’autorisation du gouvernement mikadonal.

La femme japonaise, appartenant au milieu aristocratique ou de riche bourgeoisie, commence à faire concurrence au sexe fort dans les écoles et à profiter largement des établissements scientifiques et artistiques mis à sa disposition.

De nombreux musées, jardins botaniques, écoles d’apiculture, etc., viennent compléter l’instruction théorique. Un très beau musée commercial, notamment, a été installé à Tokio et à Osaka. Des sociétés multiples se sont fondées : société de géographie, société des antiquités japonaises, société des industries maritimes, société d’agriculture, etc. ; il serait trop long de les énumérer toutes, qu’il suffise de dire que les sociétés sont aussi nombreuses au Japon qu’en Europe, peut-être davantage. Les Japonais forment des sociétés à propos de tout et de rien.

VII. — La presse n’est pas précisément libre au Japon, et des règlements féroces la maintiennent dans le droit chemin, le chemin de l’approbation du pouvoir ; cependant quelques audacieux critiquent quand même les gouvernants, et en somme, se tirent encore d’affaire en dégageant de leurs critiques la personne de l’Empereur et la famille impériale pour dauber sur les ministres et leurs associés. Il existe aussi une presse socialiste, mais dans l’ombre, et elle attend son heure.

A Tokio, il y a plus de cent journaux et revues, quotidiens, hebdomadaires ou mensuels. A Osaka il en est de même. Dans la province, chaque préfecture a son journal, et, généralement, une partie est imprimée en caractères faciles et courants (hirakana) pour ceux qui ne possèdent pas les caractères chinois.

VIII. — Les cours et tribunaux qui connaissent des crimes et délits sont ainsi répartis : une cour de cassation, 7 cours d’appel, 49 tribunaux de première instance, 310 tribunaux de la justice de paix. La justice commence à être assez bien organisée dans tout l’Empire : le Japon a tenu à honneur de se conformer aux coutumes et usages d’Europe.

Il y a encore beaucoup à faire pour avoir un personnel de magistrats réellement compétents, mais c’est une question de temps.

Le fort du Japonais c’est la police ; méfiant et soupçonneux par atavisme et par éducation il est policier par nature ; aussi est-il étonnant dans le métier de détective. D’ailleurs, si l’on songe qu’il y a, au Japon, un agent de police pour 1.247 habitants, on comprendra pourquoi la police est mieux faite à Tokio qu’à Paris et pourquoi il est plus sûr de se promener à minuit à Riôgoku bashi que sur le pont de la Concorde. On compte dans tout l’Empire : 731 stations principales ou bureaux de police ; 737 succursales des bureaux de police ; 2.746 postes urbains de police ; 12.558 postes ruraux de police ; 2.337 inspecteurs et commissaires de police ; 38.581 agents de police.

Malgré cela il y a eu 985 maisons dévalisées avec effraction ; et 232.854 maisons dévalisées sans effraction ; par contre les vols sur les personnes ne sont que de 28.000 environ pour la même année.

CHAPITRE IX

I. Armée ; instructeurs français et allemands. — II. Marine ; instructeurs et ingénieurs français ; professeurs anglais. — III. Système de recrutement ; dernières modifications ; réorganisation actuelle ; augmentation des divisions et de l’artillerie. — IV. État actuel de la marine ; projets de construction. — V. Conclusion.

I. — L’Armée et la Marine méritent un chapitre spécial ; car c’est ici qu’est l’âme japonaise. Le Japon a conservé de ses traditions l’amour du métier des armes, et tout Japonais, on peut le dire, naît soldat. Déjà, dans l’antiquité, le Japonais avait comme principale occupation : se battre, et il en fut ainsi à travers le moyen âge, jusqu’à l’époque actuelle. Il est vrai de dire qu’il y a, jusqu’à présent, fort bien réussi.

Les premiers instructeurs de l’armée japonaise moderne furent des Français, appelés par le gouvernement du Shôgun, vers 1866, alors que la révolution ne s’était pas encore accomplie et que les Tokugawa étaient considérés par l’Europe comme les souverains du Japon. Après le rétablissement du Mikado, malgré nos désastres de 1870, ce furent encore des officiers français que le Japon demanda pour former son armée ; nous pouvons donc sans forfanterie dire que nous avons fait l’armée japonaise. Nos officiers y sont restés jusqu’en 1888 et ce n’est qu’à cette époque que le gouvernement japonais fit venir le Major Meckel de Berlin, qui passa trois ans à Tokio comme professeur à l’École de guerre. Aujourd’hui les Japonais se sont affranchis de tout le monde, et grâce aux nombreux officiers qu’ils envoient en France et en Allemagne, ils sont parfaitement au courant des choses militaires qu’ils s’assimilent fort vite, grâce à leur remarquable aptitude naturelle.

II. — Pour la Marine, le gouvernement shogunal s’était également adressé à la France, et c’étaient des ingénieurs français qui, les premiers, avaient construit l’arsenal de Yokosuka. Mais le gouvernement impérial, lorsqu’il créa son école navale, fit appel aux Anglais. Ce n’est que vers 1884 que M. Bertin, un de nos ingénieurs les plus distingués, fut demandé par les Japonais pour une période de quatre ans. La marine japonaise a donc été formée par l’Angleterre.

La campagne contre la Chine étonna d’abord ; mais la campagne contre la Russie surprit bien davantage, et l’Europe et l’Amérique comprirent qu’un concurrent terrible était né dans le Pacifique et dans les mers de Chine.

III. — Pour ceux qui suivaient de près le développement militaire du Japon ; pour ceux qui savaient, pour y avoir vécu, quelles ressources d’énergie militaire et d’orgueil patriotique ce pays renferme, les victoires japonaises n’ont pas été surprenantes ; il ne faut du reste pas oublier que la Russie n’avait, au début, à opposer aux forces japonaises, que des troupes sans cohésion et très peu nombreuses.

Il est incontestable que le Japonais est né soldat ; en six mois on peut en faire une excellente machine de guerre ; même d’un paysan qu’on sort de ses champs de riz, on réussit, en bien moins de temps qu’il n’en faut pour débrouiller un paysan français, à dresser un troupier parfait. Cela tient, évidemment, à ce que le Japon est encore tout près du moyen âge, de son moyen âge à lui, qui, en somme, n’a pris fin que voilà quarante ans à peine. Élevé au bruit des querelles armées, des tueries, des guerres entre seigneurs, le jeune Japonais était vite passionné pour le métier des armes. C’est cet atavisme qui lui a permis d’adopter le militarisme européen, et d’y réaliser des progrès si sérieux.

A l’heure actuelle, ne se reposant pas sur ses victoires, et, bien au contraire, ayant toujours l’œil ouvert sur l’avenir, le Japon, depuis son règlement de comptes avec la Russie, a dépensé des sommes considérables pour réorganiser, en les modifiant, son système et son organisation militaires. Sans bruit, mais avec une persévérance et une ténacité dont il a déjà donné plus d’un exemple, il a fait en sorte que, dans un temps relativement prochain, il puisse mettre en ligne des effectifs très puissants.

Il est très difficile de pénétrer les plans militaires du Japon ; tout ce qui concerne l’armée, les armements, les règlements, est tenu excessivement secret ; aussi, est-il besoin de le dire, on ne peut rien connaître de ce côté ; mais ce qu’on peut voir c’est le travail et l’activité incessants dans tous les arsenaux et les fabriques d’équipement militaire ; le nombre toujours croissant des régiments ; les sommes toujours plus fortes affectées aux budgets de l’armée et de la marine ; les mille manifestations extérieures qui ne peuvent échapper à personne et qu’il est, d’ailleurs impossible de cacher.

Il est un fait certain, indéniable, c’est qu’actuellement, après ses victoires, le Japon arme avec une fièvre de plus en plus grande.

Déjà les effectifs qu’on pouvait mettre sur pied lors de la campagne de Mandchourie ont été doublés, et il n’est pas exagéré de dire que, d’ici six ans ou sept ans, au plus tard, l’armée japonaise aura sur pied de guerre le même effectif qu’une bonne armée européenne. Or la matière combattante, le soldat, est au moins égale à celle de n’importe quel pays d’Europe, et ne recule pas devant la mort. Il semble, au contraire que le soldat japonais la désire ; de plus, avec une population de près de cinquante millions d’habitants, et d’habitants tous prêts au sacrifice suprême, on constate que le Japon n’est pas à bout. Une anecdote remontant au temps de l’attaque des forts de Taku, en 1900, au moment des boxeurs, fera voir combien les Japonais méprisent la vie. Les petits bâtiments de guerre, embossés devant les ports, avaient bombardé ceux-ci, lorsqu’un colonel japonais, trouvant que l’attaque n’allait pas assez vite, lança ses hommes à l’assaut sous une grêle de balles. Ils brisèrent une porte et entrèrent dans le fort, mais la moitié de l’effectif était par terre ; comme un officier étranger faisait remarquer au colonel japonais qu’on aurait pu arriver au même résultat sans perdre tant de monde : « Oh ! répliqua-t-il, du monde il y en a encore beaucoup au Japon ! »

Avec de tels hommes on peut tout oser. Le service militaire au Japon est dû par chaque citoyen indistinctement de dix-sept à quarante ans ; l’appel se fait dans l’année qui suit celle où le jeune homme a atteint ses vingt ans. Chaque année le nombre des appelés varie entre 515 et 520.000 ; mais le Japon, n’étant pas riche, ne peut enrôler sous les drapeaux qu’un nombre d’hommes en rapport avec ses ressources.

D’après le résumé statistique de l’Empire, le nombre des jeunes gens recruté était pour :

1903
188.822
1904
269.284
1905
310.866
1906
201.714

Mais ceci donne les chiffres des hommes recrutés pendant la guerre ; depuis la guerre le contingent n’a pas atteint 100.000 hommes. Le contingent annuel reste sept ans dans l’armée active et la réserve, dix ans dans l’armée de réserve ou Kô bi gun, puis il passe dans l’armée nationale ou Koku min gun.

Une partie de ceux qui ne sont pas appelés pour former le contingent annuel, mais qui sont néanmoins bons pour le service, reçoivent une instruction militaire sommaire : quant aux autres ils entrent directement dans le Kokumingun et y restent jusqu’à l’âge de quarante ans.

En 1907 le ministre de la Guerre a été autorisé par le Parlement à faire l’essai du service de deux ans ; jusqu’à présent le soldat japonais restait trois ans dans l’armée active. Ceci n’est du reste applicable quant à présent qu’à l’infanterie, mais, néanmoins, permet l’incorporation d’un nombre plus considérable d’appelés ; ce qui fait qu’actuellement le contingent annuel sous les drapeaux s’élève au chiffre d’environ cent trente mille hommes.

D’autre part, comme la réserve, d’après les lois de 1905 et 1907, fait actuellement dix ans au lieu de cinq, elle peut fournir un effectif de cinq cent mille hommes. On admettra que c’est déjà un joli chiffre ; mais ce n’est que le commencement. Si, comme on a tout lieu de le croire, les ministres de la Guerre du Japon ne s’arrêtent pas en route, (et le Parlement et le Pays les suivront dans tout ce qu’ils veulent accomplir au point de vue militaire), avant vingt ans d’ici, le Japon pourra mettre en ligne une armée de un million cinq cent mille hommes ; il est même fort possible, si on accroît le nombre de jeunes gens actuellement incorporés qu’on obtiendra ce chiffre avant dix ans.

En tout état de cause, à supposer que le contingent annuel reste ce qu’il est aujourd’hui, le Japon pourrait mettre en campagne dans vingt ans d’ici : un million cinq cent mille hommes complètement instruits (armée active et réserve) ;

Un million d’hommes environ, ceux qu’ils appellent la réserve de recrutement (en japonais Hô ju) et qui est composée des hommes bons pour le service mais qui n’ont pas été incorporés et ont seulement reçu une instruction sommaire ;

Deux cent mille hommes de l’armée territoriale, laquelle se trouve réduite par suite du maintien dans la réserve, pendant un temps plus long, des hommes de l’active.

Enfin s’il faut faire appel à l’armée nationale, à l’armée « de la patrie en danger », ou Koku min gun, le Japon pourrait disposer de cinq millions d’hommes. Et étant donné l’esprit de suite et de travail soutenu du Japon dans tout ce qu’il entreprend, la réalisation ne tardera pas.

La seule chose qui puisse retarder la solution de ce grand problème militaire, c’est le manque de fonds. Tout le monde sait que le Japon est loin d’être un pays fortuné et qu’il n’a pas chez lui les sources de richesse nécessaires à un peuple qui veut faire grand. Malgré cela le goût des choses militaires est si vif dans tout le territoire que la population supporte sans murmurer le fardeau du militarisme. Le pacifisme est une chose inconnue à Tokio et pendant longtemps encore le pays peut compter sur l’unanimité de ses enfants pour sa défense.

Cependant, dans certains centres, notamment à Osaka, ville très industrielle, centre important d’ouvriers de toutes sortes, les idées antimilitaristes commencent à trouver un terrain assez propice, et il est reconnu, par tous les officiers japonais, que la garnison d’Osaka est la plus indisciplinée. Ce n’est évidemment là qu’un symptôme encore assez faible, mais il n’en est pas moins vrai que le fait existe et qu’on a déjà été obligé de sévir à l’égard d’individus qui répandaient parmi les troupes des pamphlets contre l’armée.

Les Japonais n’ont pas, comme nous, de corps d’armée ; leur unité est la division et elle est augmentée d’une brigade de réserve ; actuellement l’armée japonaise compte dix-neuf divisions, plus la division de la garde ; on créera, sans doute, au fur et à mesure des ressources financières d’autres divisions, et il paraît assez probable que le Japon, alors qu’il aura complété sa nouvelle organisation militaire, possédera le double des divisions qu’il avait lors de la guerre contre la Russie, et qui était de douze, plus la division de la garde. On augmentera la cavalerie divisionnaire et l’artillerie ; cette dernière comprendra de l’artillerie lourde de campagne ; enfin les compagnies de chemins de fer seront portées à seize ; celles des télégraphes à huit avec une compagnie de télégraphie sans fil.

D’après les différentes revues et journaux militaires, le Japon avait au moment de la guerre de Mandchourie :

127 bataillons d’infanterie ; 55 escadrons de cavalerie ; 39 compagnies du génie.

Aujourd’hui il possède déjà :

229 bataillons d’infanterie ; 73 escadrons de cavalerie ; 54 compagnies du génie.

En trois ans l’augmentation a été, on le voit, considérable et elle donne une idée de la rapidité avec laquelle le Gouvernement japonais pousse la complète réorganisation de son instrument de guerre.

En même temps qu’il songeait à la formation nouvelle de ses divisions, le Japon opérait des changements considérables dans la tenue de ses hommes. Elle est de deux sortes : tenue d’hiver en drap et tenue d’été en kaki ; cette dernière a été adoptée à la suite de la guerre russo-japonaise : jusqu’alors les soldats avaient fait campagne en Chine et en Mandchourie avec le costume blanc qui a été reconnu trop impraticable. Le soldat est, en outre, beaucoup moins chargé que chez nous ; il est accompagné de coolies ou porteurs qui le soulagent beaucoup et il n’a sur lui que le strict nécessaire.

Le plus compliqué pour l’armée japonaise, c’est le transport et les vivres ; comme le riz forme la base principale de la nourriture (c’est notre pain), et comme sa cuisson est infiniment plus encombrante, il est nécessaire d’emporter un matériel qui est l’un des impedimenta les plus sérieux de l’armée japonaise. Ce matériel doit comprendre tout d’abord une grande marmite en fer ; comme il y a plusieurs marmites par compagnie, on voit ce que cela représente. Je me rappelle avoir ainsi vu défiler, au moment de la mobilisation en vue de la campagne de Chine, des lignes interminables de mulets et de chevaux chargés de deux immenses marmites placées de chaque côté du bât.

Dans les deux guerres qu’ils ont eu à soutenir récemment, les Japonais ont pu opérer leur ravitaillement comme ils ont voulu. Dans le premier cas, contre la Chine, ils avaient affaire à un ennemi qui s’évanouissait à leur vue ; dans le second à une armée composée de soldats très braves, mais trop lourds, ne sachant pas manœuvrer et se laissant acculer à leurs positions ; ils ont donc eu toute facilité ; mais contre une armée plus légère, plus rapide, de mouvements plus prompts, peut-être leur ravitaillement serait-il facile à couper. Somme toute, les Japonais, jusqu’ici ont fait deux campagnes où ils avaient pour eux tous les atouts dans leur jeu et où ils n’ont pas eu de grandes difficultés à surmonter. Contre un ennemi bien organisé et actif, ils auraient certes le même courage ; mais auraient-ils le même succès ?

Malgré cela il est nécessaire pour l’Europe de suivre les progrès militaires de ce peuple qui a donné tant de témoignages de son intelligence, de sa vigueur et de son indéniable esprit de méthode et d’organisation. Déjà, quelques gouvernements ont envoyé et continuent d’envoyer tous les ans des officiers capables de se mettre au courant des choses japonaises. Je sais bien que cette habitude de courtoisie d’échanger des missions militaires ne mène pas à grand chose au point de vue métier ; car, et cela est bien naturel, on ne se montre que ce qui ne peut pas se cacher ; mais on arrive, néanmoins, à pénétrer un peu les habitudes et les coutumes, la manière de voir et de procéder du peuple chez lequel on vit. Je ne dis pas pénétrer l’âme : car, s’il est assez facile de pénétrer l’âme d’un Français, ouvert et franc (trop franc), il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, d’aller jusqu’au fond de la pensée d’un Chinois ou d’un Japonais.

Tout ce que je viens d’écrire sur l’armée japonaise au point de vue du recrutement, de l’organisation et du chiffre d’hommes disponibles est basé sur les nouvelles lois militaires qui ont été changées ou remaniées après la guerre de Mandchourie. Quelques points manqueront peut-être d’une stricte exactitude (ces choses techniques ne pouvant être traitées à fond que par un militaire), mais cela suffira à donner une idée assez complète de la formidable machine de guerre que le Japon est en train de monter et d’agencer.

Les principales garnisons des régiments sont Tokio, où se trouve également la division de la garde ; Sakura ; Sendai ; Aomori ; Nagoya ; Kanazawa ; Osaka ; Himeji ; Hiroshima ; Matsuyama ; Kumamoto ; Kokura. Depuis l’augmentation du contingent, on a réparti des bataillons dans d’autres villes ; de plus, une division d’occupation se tient toujours en Corée ; il est même question d’en augmenter l’effectif, la Corée supportant mal l’introduction, par le Japon, de la civilisation occidentale. Une autre division d’occupation est stationnée en Mandchourie.

Hiroshima, situé sur la mer intérieure, bien abrité et bien défendu, a été, durant les deux dernières guerres, le siège du grand quartier général où l’Empereur s’était transporté en personne.

Ainsi que je l’ai dit dans un chapitre précédent, le Japonais est de petite taille ; les hommes mesurent en général de 1 mètre 50 à 1 mètre 55.

Le classement des recrues, au point de vue de l’instruction, pour 1906, était le suivant :

Jeunes gens terminant leurs études aux Écoles supérieures : 717 ;

Ayant terminé leurs études et passé les examens des Écoles supérieures : 492 ;

Terminant leurs études dans les lycées (Kô tô chu gakkô) : 8.419 ;

Ayant terminé les études du lycée et passé les examens : 9.277 ;

Terminant les études de l’École primaire supérieure : 62.717 ;

Ayant terminé les études précédentes : 41.442 ;

Terminant les études de l’École primaire : 145.277 ;

Ayant terminé les études précédentes : 37.536 ;

Sachant à peine lire et écrire : 59.952 ;

Ne sachant ni lire ni écrire : 33.564 ;

On voit qu’il y a un nombre considérable d’illettrés ; car on peut ajouter les deux derniers chiffres ensemble : sachant à peine lire et écrire, quand il s’agit de la langue japonaise, c’est, autant dire, ne rien savoir du tout ; cela ferait donc 93.516 illettrés.

Quant aux nombres de jeunes gens recrutés, ajournés et exemptés, on pourra s’en faire une idée par les chiffres suivants, également de 1906, les derniers publiés :

Dans le Honshu, c’est-à-dire dans la grande île : nombre des jeunes gens recrutés : 150.508 ;

Nombre des jeunes gens ajournés : 2.746 ;

Nombre des jeunes gens exemptés d’appel : 127.228 ;

Nombre des jeunes gens exemptés du service militaire : 24.620 ;

Soit un total de 305.102.

Dans l’île de Shikoku : recrutés : 15.020 ; ajournés : 256 ; exemptés d’appel : 9.087 ; exemptés définitivement : 2.150 ;

Dans l’île de Kiushiu : recrutés : 32.269 ; ajournés : 376 ; exemptés d’appel : 19.700 ; exemptés définitivement : 6.067 ;

Dans l’île de Yézo (Hokkaido) : recrutés : 3.917 ; ajournés : 50 ; exemptés d’appel : 3.205 ; exemptés définitivement : 551 ;

Total pour Shikoku, Kiushiu et Yezo, recrutés : 51.206 ; ajournés : 682 ; exemptés d’appel : 31.992 ; exemptés définitivement : 8.768.

Ces différents chiffres forment un total général de 397.750 conscrits. Ce sont là, qu’on ne l’oublie pas, des chiffres de recrutement après la guerre contre les Russes (1906).

IV. — Si le Japon développe ainsi son armée de terre et augmente, d’une façon aussi complète, sa puissance d’offensive, il n’oublie, certes, pas non plus sa marine ; il sait que c’est pour lui une question de vie ou de mort que d’être fort sur mer ; il sait qu’il lui faut, pour la victoire pleine et certaine, être maître absolu de la mer : maître des mers de Chine pour le moment ; et, dans ses rêves d’avenir, maître du Pacifique plus tard.

Aussi consacre-t-il de fortes sommes à l’œuvre de réfection et de renouvellement de la flotte de guerre et donne-t-il à la marine marchande, qui peut et doit lui servir de transports, de nombreux encouragements. Sa population maritime lui fournit des éléments audacieux et solides, et il n’est pas près de manquer d’hommes pour monter ses nombreux bâtiments. Ses officiers ne le cèdent en rien à ceux des marines européennes, et ils ont cette confiance inébranlable que donne une double victoire. Aussi, à l’heure qu’il est, la flotte de guerre du Japon est-elle l’une des plus puissantes qui existe sur le globe, et avec les années, elle ne fera qu’augmenter en nombre et en valeur.

Actuellement le Japon possède 16 cuirassés d’escadre ; 11 grands croiseurs ;

9 croiseurs de seconde classe dont beaucoup sont déjà vieux (Matsushima, Hashitaté) ;

une trentaine de canonnières de haute mer ;

60 contre-torpilleurs (torpedo destroyers) ;

78 torpilleurs.

Il y a en service actif : 77 amiraux, 741 officiers supérieurs, 2.126 officiers, 7.857 sous-officiers, 29.667 marins. Avec la 1re et la 2e réserves on arrive à 39.103 hommes d’équipage (non compris les officiers). (Chiffres de 1908.)

La marine japonaise a, pour ses constructions et ses réparations, quatre ports militaires sur le modèle des nôtres :

Yokosuka, près de Yokohama, dans la baie d’Yedo ;

Kure, dans la province d’Aki, près de Hiroshima ;

Sasebo, dans la province de Hizen, près de Nagasaki ;

Maidzuru, province de Tango, sur la mer intérieure.

Le budget de 1907-1908 comprenait des crédits s’étendant sur la période 1907 à 1913-1914, destinés à couvrir le reliquat des dépenses de guerre et s’élevant à 437.500.000 francs ; plus une somme de 191.442.500 francs qui devait, pendant la même période, remplacer les unités de combat qui seraient rayées de la liste de la flotte. Mais on avait compté sans la mauvaise situation financière qui ne permettait pas un tel effort immédiat, et les crédits ci-dessus se sont vus réduits : le premier de 114.528.574 fr. ; le deuxième à 77.945.325 francs.

Les cuirassés Aki et Satsuma sont venus augmenter la flotte de combat d’unités nouvelles ; le Mikasa, qui avait sauté et coulé, a été refondu complètement, et les navires russes pris à Port-Arthur ont été modifiés en les modernisant. De nouveaux croiseurs, Tsukuba et Ikumo, sont également entrés en service ; les constructions neuves ne chôment pas dans les arsenaux qui ont déjà mis à l’eau le Satsuma et l’Aki et sont en mesure de livrer un bâtiment aussi bien que n’importe quel arsenal d’Europe ou d’Amérique.

Actuellement la marine japonaise est la troisième du monde, après l’Angleterre et l’Allemagne ; après elle viennent les États-Unis, et nous, qui, il y a quelques années encore, tenions brillamment le second rang, après l’Angleterre, nous voici relégués au cinquième !

V. — A ce résumé des forces japonaises de terre et de mer, je n’ajouterai qu’une réflexion : Après la guerre du Japon contre la Chine, l’empereur Guillaume II lança son fameux tableau représentant les puissances occidentales serrées les unes contre les autres en face du péril jaune s’avançant à grands pas. Au-dessous il avait inscrit ces mots : « Peuples d’Europe défendez vos biens les plus sacrés. » On a souri, mais qui sait ? L’avenir répondra. Le présent n’a-t-il pas déjà un peu répondu ?

On ne peut nier, en tout cas, que le Japon, en se préparant d’une façon si formidable, ne se conforme bien soigneusement et exactement au si vis pacem, para bellum.

CHAPITRE X

I. Agriculture ; superficie en rizières. — II. Production totale en céréales. — III. Diverses espèces de riz. — IV. Les haricots, le maïs, la patate, les différents légumes. — V. Épices et condiments. — VI. Division de la terre. — VII. Soie et culture du mûrier. — VIII. Culture du thé. — IX. Chevaux et bétail. — X. Fruits. — XI. L’île d’Yezo (Hokkaido) et la colonisation.

I. — Dans l’antiquité, il n’existait au Japon, comme d’ailleurs dans tout pays, que deux classes : les agriculteurs et les soldats ; c’est là, du reste, la base de toute société humaine : se nourrir et se défendre. L’industrie et le commerce ne viennent qu’après.

Aujourd’hui encore le Japon peut être considéré surtout comme un pays agricole : 60 pour 100 de sa population vit de la terre.

Les terrains de production se divisent en deux sortes : les terrains secs, analogues à ceux des champs en Europe, qui sont les moins nombreux ; et les terrains humides servant exclusivement à la culture du riz. D’après la statistique la plus récente (1908) la superficie des rizières est de 2.898.792 chô et celle des autres champs de 1.813.913 chô. La production du riz et autres céréales sur toute la superficie arable de l’Empire se répartit ainsi :

Superficie cultivée en riz, orge, seigle et blé :

Divisions.
Riz.
(Chô).
Orge.
(Chô).
Seigle.
(Chô).
Blé.
(Chô).
Honshu
2.285.453
601.309
325.643
293.475
Shi Koku
150.787
5.978
118.620
21.866
Kiushu
441.752
50.474
236.495
118.548
Yezo
19.800
12.075
19.927
9.917

Si l’on compare les superficies cultivées aujourd’hui à celles d’il y a dix ans, on ne les trouve pas sensiblement augmentées ; le Japon semble bien être arrivé à son maximum de culture comme riz ; tous les terrains qui ont pu être transformés en rizières l’ont été ; depuis trente ans, la superficie des champs de riz a presque doublé : de 1.611.130 chô en 1878 elle est montée à 2.898.792 chô en 1908. Le riz est, en effet, la base de la nourriture japonaise. Les autres céréales, qui en 1878 représentaient une superficie de 1.433.913 chô, ne représentent en 1908 que 400.000 chô de plus, soit 1.833.913 chô ; parce que ces céréales ne sont nullement indispensables et servent à différents usages autres que la nourriture.

II. — Voici quelle est la production totale du Japon en céréales ; c’est-à-dire en riz, orge, seigle et froment, le froment n’étant pas le blé que nous trouvons en Europe, mais une espèce de blé barbu à épi nettement carré et spécial au Japon.

Production totale pour tout le Japon :

Riz
46.302.530
kokus.
Orge
9.445.238
 —
Seigle
6.957.932
 —
Blé
3.962.265
 —

III. — Il existe deux sortes de riz : le riz ordinaire appelé urushi et le riz gluant ou mochigome (riz à gâteaux) ; elles sont divisées elles-mêmes en une quantité de variétés, au moins deux cent cinquante au dire des Japonais, mais que nous ne saurions reconnaître. Le riz se cultive dans l’eau ; cependant on en plante une certaine espèce en montagne, mais en petite quantité, et, du reste cette espèce ne se voit guère que dans les pays où il n’y a vraiment pas moyen de faire pousser le riz ordinaire.

Ce dernier sert, ainsi que je l’ai déjà dit, à la nourriture quotidienne. Il est employé aussi pour faire de la levure de sake (alcool de riz) et du vinaigre ; réduit en farine il entre dans la fabrication de différentes pâtes alimentaires.

Le riz gluant est utilisé pour faire des gâteaux et une espèce de liqueur sucrée ; on l’utilise aussi dans la teinturerie comme empois.

L’orge sert à faire des sucreries appelées ame ou midzuame, des gâteaux en le grillant et le mélangeant avec du sucre.

Avec le froment japonais sont fabriquées une espèce de macaroni et de vermicelle, et une sorte de pâte appelée fu. On l’emploie aussi mélangé avec des haricots, pour la fabrication du shoyu et du miso, deux sortes de sauces ; on en fait également des gâteaux.

Le seigle trouve aussi son emploi comme le blé, et convient également à la nourriture des animaux.

En dehors de ces quatre céréales, le sol japonais produit également :

Haricots : 3.261.881 kokus ;

Adzuki : 804.485 ; (espèce de haricot, le phaseolus radiatus) ;

Millet : 1.829.027 ;

Iye : 205.422 (sorte de millet) ;

Kibi : 364.269 (sorte de millet) ;

Sarrazin : 1.119.108 ;

Colza : 1.018.644.

IV. — Le haricot ou mame dont il existe au Japon de nombreuses espèces, sert à des usages non moins nombreux : car on peut non seulement le manger cuit ou réduit en farine, mais encore l’employer pour la fabrication du shoyu, du miso et du tofu. Le shoyu et le miso sont deux espèces de sauces et le tofu une sorte de gâteau assez semblable comme forme à un fromage tout frais.

La peau, l’enveloppe, les feuilles et la tige des haricots entrent dans la nourriture des chevaux.

Les différentes espèces de millet servent à l’alimentation, principalement sous forme de gâteaux.

Le Japon produit encore :

Pommes de terre
117.969.598
kwamme ;
Patates
651.678.486
 —
Coton
2.145.625
 —
Chanvre
2.185.425
 —
Tabac
10.877.910
 —
Indigo
9.127.480
 —

Le maïs ou tomorokoshi a été importé de Chine autrefois et les Japonais le mangent de deux manières ; s’il s’agit de l’épi, on le fait bouillir au naturel ; s’il s’agit de la farine, on en fait une espèce de soupe ou de bouillie. Quand le maïs est frais, on le mange aussi grillé, en faisant passer l’épi tout entier au-dessus du feu.

Le Château fort de Nagoya.

Comme légumes, le Japon a presque tous ceux d’Europe : oignon, ail, carotte, navet, concombre, melon, citrouille, épinard, oseille, etc… etc… En outre, il possède une quantité de légumes spéciaux et indigènes, ce qui porte le régime végétal à un point inconnu en Europe. Au Japon on peut varier ses plats de légumes à l’infini :

Le lotus, en général cultivé dans les étangs ou les terrains inondés ; sa racine (hasu no ne : racine de lotus) est fort bonne à manger et fournit de l’amidon ; ses fleurs sont fort admirées ; le lotus est la fleur sacrée du bouddhisme ;

Le daikon, espèce de navet énorme et comprenant de nombreuses variétés ; on le mange cuit ou salé ; on en fait une sorte de choucroute fort appréciée des Japonais, mais qui choque l’odorat des Européens ; l’imo ou racine bulbeuse qui comprend une foule de variétés dont les noms ne sont pas traduisibles en français parce que la plante n’existe pas chez nous ; tsuku imo, qui se consomme cuit et dont les graines peuvent se manger également ;

Naga imo ; on en fait une espèce de gruau que l’on mange avec une sauce spéciale, si l’on a soin de le râper et de le piler préalablement ;

Imo proprement dit, comprend sato imo, tono imo, yatsuga imo, yegu imo, etc. L’énumération en serait trop longue. Toutes ces variétés se mangent cuites. Au printemps, on recouvre de terre les tubercules de l’yegu imo pour les faire germer ; lorsque les petites pousses, qui portent le nom de no imo, apparaissent, on les mange ; il y a une autre variété dite hasu imo dont la tige seule peut être utilisée ;

Yuri, le lis, est employé au Japon tout comme les carottes et les navets ; le sara yuri pousse à l’état sauvage ; l’oni yuri réclame les soins de la culture ; ce dernier est supérieur comme goût, et on peut réduire son bulbe en fécule ;

Na, épinard, herbe, etc., on pourrait plutôt traduire par verdure ; car on appelle na au Japon toutes les feuilles vertes qui se mangent, et elles sont nombreuses ;

Mitsuba, espèce de plante d’eau (cryptotœnia canadensis) ;

Shiso, feuilles soit rouges, soit vertes, que l’on sale et que l’on mange après macération ;

Takenoko, jeunes tiges de bambou que l’on fait bouillir et que l’on assaisonne ensuite une fois qu’elles sont très tendres.

V. — Le Japonais aime beaucoup le condiment épicé ; il emploie fréquemment le gingembre (shoga), cru ou conservé. On fait croître les jeunes pousses dans des caves en recouvrant les racines avec de la terre et des détritus de végétaux.

Le wasabi ou raifort est également très apprécié ; le togarashi ou piment, le sansho (Xantoxylum piperitum) ; les graines de chanvre grillées, etc…

VI. — La superficie de la terre peut se décomposer comme suit :

Terres appartenant à la Couronne, au Gouvernement, etc., 21.394.805 cho.

Terres appartenant aux particuliers, 14.172.339 cho.

La population occupée à la terre peut se chiffrer par environ 5.600.000 familles, soit 64 pour 100 de la population totale de l’Empire ; parmi ses membres environ 20 pour 100 possèdent une éducation agricole complète ; 350.000 jeunes gens ayant passé par des écoles spéciales.

La terre est excessivement morcelée et la plus grande partie des champs de riz, par exemple, n’est que de 4 à 4 ares 50 de superficie, tandis que les champs proprement dits ne mesurent que 8 à 9 ares. Si l’on ajoute à cela le terrain qu’il faut sacrifier nécessairement autour des champs de riz afin d’élever des talus pour contenir l’eau, on voit que pour un propriétaire qui possède beaucoup de champs dispersés, le travail de culture est pénible et les pertes assez grandes. Aussi, depuis 1900, le Gouvernement a-t-il entrepris, de concert avec les intéressés, et en nommant des experts qualifiés, de réajuster la propriété et de la répartir d’une façon plus groupée, de manière à rendre les propriétés plus compactes. Les propriétaires n’ont qu’à y gagner ; aussi se prêtent-ils volontiers à ce mouvement, qui se dessinait plein de promesses, mais se trouve en suspens faute de fonds.

VII. — Le Japon produit de la soie en assez grande quantité ; voici les noms des districts qui en fournissent le plus :

Ken de Miye
3.312.490
yen.
— 
Gumma
9.585.254
— 
— 
Aichi
8.358.883
— 
— 
Yamanashi
8.346.864
— 
— 
Nagano
34.989.371
— 
— 
Fukushima
6.188.107
— 
— 
Saitama
8.352.784
— 
— 
Gifu
6.155.458
— 
— 
Yamagata
4.885.739
— 

Les mûriers occupent la superficie suivante :

Honshu
337.399
cho.
Shikoku
8.218
— 
Kiushu
16.839
— 
Yezo
2.260
— 

La culture de cet arbre réussit bien au Japon, et il atteint parfois la hauteur de vingt à trente pieds. Ses feuilles, cordiformes et dentelées, sont quelquefois découpées ; ses fruits mûrissent en été et ont une couleur violette ; on le plante en ligne comme les vignes dans le centre de la France, et on coupe les branches au lieu de récolter seulement les feuilles ; de sorte que tous les ans, au printemps, de jeunes branches sortent avec une nouvelle vigueur. Il existe au Japon deux sortes de mûriers : l’un qui fleurit en mars, l’autre, plus tardif, qui fleurit seulement en avril.

VIII. — La superficie des champs plantés en thé est :

Honshu
37.659
chô.
Shikoku
3.498
— 
Kiushiu
9.299
— 
Yezo néant.

soit, en tout, 50.456 chô.

Les districts qui produisent le plus de thé sont :

Ken d’Ibaraki
454.437
yen.
— 
Shidzuoka
3.445.679
— 
Shi de Kioto
739.152
— 
Ken de Shiga
374.932
— 
— 
Miye
726.211
— 
— 
Nara
376.993
— 
— 
Kumamoto
519.106
— 

Je ne m’étends pas particulièrement sur la culture du thé au Japon, qui ne présente aucun intérêt pour l’Europe. Tout le thé que fournit le Japon à l’exportation est absorbé par les États-Unis qui s’en sont fait une spécialité ; et je doute qu’il soit jamais apprécié en Europe.

IX. — Le cheval, autrefois au Japon, était surtout destiné à porter les fardeaux des paysans à travers les sentiers dans la campagne, et à servir de monture aux guerriers. Le cheval japonais est un animal fort peu élégant, sans poitrail, efflanqué, très peu solide sur ses jambes de devant et d’une ressource médiocre pour les lourds fardeaux. Le Gouvernement Japonais a fait tous ses efforts pour améliorer la race, et instruit par les deux dernières guerres, il a institué une administration spéciale des haras sous la direction immédiate de la Maison impériale, avec un conseiller privé et un ancien ministre d’État à sa tête. Mais les circonstances particulières dans lesquelles se trouve le Japon s’opposent à un rapide développement de la race chevaline : en effet, l’absence de plaines étendues, la présence par tout le pays de champs de riz, l’inutilité presque absolue du cheval pour les cultivateurs et le public en général, font que l’élevage a toujours été plus ou moins négligé.

La nouvelle administration doit avoir constamment à sa disposition 1.500 étalons étrangers choisis, de façon à les distribuer dans les principaux centres d’élevage pour les accoupler avec des juments indigènes. Le programme est établi pour une durée de 28 ans à partir de 1906, et on estime la dépense à 30.000.000 de yen.

Les principaux centres d’élevage sont : au Nord l’île de Yezo ; les districts de Nambu, Sendai, Miharu et Akita ; au Sud, Kagoshima.

Le cheval de Nambu est le plus réputé du Japon ; il est fort, relativement large de poitrail et très endurant. Ceux de Hokkaido, Sendai, Miharu, Akita sont des variétés du Nambu ; ils sont dociles et résistants : le cheval de Kagoshima, au contraire, est petit, vif, vicieux et souvent intraitable.

Il y a longtemps déjà que le Gouvernement Japonais a essayé d’introduire des chevaux étrangers pour améliorer la race indigène ; mais jusqu’à présent il n’a pas réussi. De France, d’Angleterre, d’Amérique, de Hongrie, d’Arabie, d’Australie sont venus de beaux, de splendides spécimens ; au bout de deux ans au Japon ils étaient ou morts ou malades ; le climat humide et le manque de pâturages les tuent.

L’Empereur a cependant une écurie de chevaux australiens ; mais ces malheureuses bêtes ne sont que l’ombre de ce qu’elles étaient dans leur pays. Le cheval chinois lui-même, pourtant si fruste et si résistant, est bientôt, au Japon, pris de rhumatismes et rendu indisponible.

Un poulain de deux ans coûte aujourd’hui environ 60 yen s’il est indigène pur sang, et environ 150 yen s’il est croisé de sang étranger.

Les bêtes à cornes sont également très chétives ; autrefois on ne les employait que comme bêtes de somme ; aujourd’hui encore le paysan japonais se contente de s’en servir pour la culture ou le transport et il n’en élève pas pour la boucherie ; il s’ensuit que la viande fournie aux Européens dans les ports est de très mauvaise qualité. Le manque de bons pâturages empêchera toujours la formation de belles races de bœufs comme en Europe et en Amérique ; le lait est pauvre et rare, et le beurre qu’on a essayé de produire est détestable.

Les chèvres et les moutons n’existent pas ; on a essayé d’en introduire, mais ils ne réussissent que difficilement et seulement dans le Nord ; en général, au bout de peu de temps ils sont atteints de maladie et meurent vite. Il n’est pas rare d’en voir mourir subitement sans cause apparente. L’humidité du climat doit contribuer à empêcher leur élevage en grand.

Porcs et poulets existent en petites quantités ; le Japonais mange peu de porc et n’est pas non plus très friand de volaille.

X. — En fruits le Japon est très pauvre ; il n’a de bon que le biwa que nous avons appelé la nèfle du Japon, et qui pousse, transplantée, sur le littoral méridional de la France et en Algérie ; le kaki, fruit spécial à la Chine et au Japon, ressemblant à une tomate, et dont il y a quatre-vingt-six variétés ; le mikan, sorte de mandarine.

Les autres fruits existent, mais sont détestables ; la prune (sume) ne peut se manger crue ; elle est employée à faire des confitures ou bien une espèce de conserve salée que l’on mange le matin en se levant ; les fleurs du prunier, salées, servent à faire des infusions analogues à celles du thé.

Le pêcher (momo) porte d’assez beaux fruits qui ne sont pas mangeables sans être cuits. Les Japonais les conservent en les faisant bouillir dans du sucre.

L’abricot (ansu) est gardé séché ; cru, il est acide et désagréable.

Le brugnon (sumomo), la pomme (ringo), la poire (nashi) sont absolument inférieurs, n’ont que le goût d’eau, et sont insipides crus ; on les mange en compote avec du sucre.

Le cognassier (kwarin) très inférieur comme grosseur et comme espèce à celui d’Europe, se mange bouilli avec du miel et du gingembre.

En dehors du mikan (mandarine) qui est excellent, il existe au Japon un nombre considérable de variétés de citrons : le koji ; le kunembo ; le daïdaï ; le zabon ; le buntan ; le bushu kan ; le kinkan ; le yudzu. Tous ces citrons croissent généralement dans le Sud (île de Kiushu), seul, le yudzu supporte le froid.

Le jujubier (natsume), le noyer (kurumi), le châtaignier (kuri) existent également, mais les fruits en sont inférieurs.

La vigne sauvage (budô) existe en grande quantité, et fournit des fruits assez agréables au goût.

Le cerisier (sakura) ne vaut que par ses fleurs qui, au printemps, font la joie du Japon.

Depuis une vingtaine d’années on a essayé d’acclimater les cerises, les pommes, les poires, le raisin, les fraises d’Europe et d’Amérique. On a réussi assez bien pour les poires et les pommes ; on a obtenu également des cerises et des fraises ; mais les plants dégénèrent vite. Le climat des îles japonaises est beaucoup trop humide, et c’est évidemment ce qui s’oppose, dans le règne végétal, au développement normal des fruits d’Europe, et, dans le règne animal, à l’élevage du mouton et de la chèvre.

XI. — Hokkaidô (île de Yézo) très au Nord et loin de toute communication avec le Japon d’autrefois, est restée longtemps négligée ; elle servait de lieu d’exil, elle n’était guère peuplée que d’Ainos, et Hakodaté était le seul port, la seule station que les Japonais eussent dans l’île. Le climat, très froid, ne leur convenait d’ailleurs pas, et c’était, en outre, un voyage trop long pour s’y rendre. Depuis la restauration impériale, le Gouvernement a essayé de coloniser l’île de Yézo, appelée plus communément Hokkaidô ; il a d’abord institué un Bureau de la colonisation, le Kai taku shi, spécialement destiné à l’administration du pays.

En dehors du colon libre qui ne venait pas en grand nombre dans ces froides solitudes, le Gouvernement voulut imiter les Russes en Sibérie et créa des soldats-laboureurs auxquels il donnait la terre et qui restaient attachés au sol qu’ils devaient défendre. Mais toute cette organisation ne produisit rien de sérieux. On y renonça et, sans rattacher encore le Hokkaidô à l’administration générale de l’Empire, on créa un gouvernement à part, un chô, et on divisa l’île en ken ; puis on la rattacha au ministère de l’Intérieur.

Grâce aux mines de houille de Poronai, à la pêche du saumon, du hareng, de la baleine, grâce aussi à la natalité toujours plus grande de la nation japonaise, l’île finira probablement par se peupler forcément ; mais il est hors de doute, cependant, que les Japonais ne s’y plaisent pas et ne s’y expatrient pas volontiers.

L’État leur donne la terre aux conditions suivantes :

Terre pour culture 500 chô à 4 yen 50 le chô ;

Terre pour l’élevage 800 chô à 3 yen le chô ;

Forêt 800 chô à 1 yen 50 le chô ;

Terre donnée gratuitement 10 chô.

La durée au bout de laquelle la terre doit être en rapport est de :

5 ans pour la terre accordée gratuitement ;

8 ans pour 10 chô ;

10 ans pour 30 chô.

Pour l’exploitation des terrains forestiers ou pour l’extraction de la tourbe, la période est doublée. Le colon, qui a rempli les conditions exigées, a droit à une nouvelle acquisition aux mêmes prix et obligations.

Des fermes modèles ont été installées, principalement aux environs de Sapporo. L’une appartient à la Shoku yetsu shoku min kwaiska et elle est située à Noboro, (12 kilomètres de Sapporo). La ferme contient 251 familles ; en 1906 la compagnie a retiré un bénéfice net de 5.182 yen. Une autre appartient au marquis Maeda (ancien daïmio de Kaga) ; située près de Sapporo, elle est divisée en exploitation agricole et en élevage. Le capital employé est d’environ 80.000 yen et le bénéfice de 1906 a été de 5.797 yen.

CHAPITRE XI

I. Pêcheries. — II. Les bateaux de pêche ; les prises. — III. Prime à la pêche en haute mer. — IV. La baleine. — V. Sel et salines. — VI. Forêts. — VII. Quelques-uns des bois les plus répandus du Japon. — VIII. La forêt de Kisogawa, domaine de la Couronne. — IX. Le camphrier. — X. Champignons.

I. — Les Japonais sont incontestablement nés pêcheurs : plus de trois millions d’entre eux vivent de l’industrie de la pêche. Cette dernière est caractérisée par une extrême diversité ; par suite de la situation du pays, chaud au Sud et très froid au Nord, on peut se livrer dans les mers qui le baignent à des pêches toutes différentes. Dans les mers du Hokkaidô, on pêche le hareng, la sardine, le saumon, la baleine ; dans le Sud, se trouvent le thon, la bonite, le maquereau, et, en général, le poisson qui se rencontre sur nos côtes ; quantité de langoustes et de crevettes. Mais le Japon, comme beaucoup d’autres pays, souffre d’une pêche trop peu réglementée et pratiquée sans méthode ; le poisson diminue et certaines espèces deviennent rares. La loi pour la protection du poisson de mer et de rivière, qui a été édictée il y a quelques années, est peu observée. La fécondation artificielle n’est guère appliquée que pour le saumon au Hokkaidô et pour l’huître à Hiroshima.

L’influence des deux courants marins, qui longent les côtes Est et Ouest du Japon, a naturellement une influence toute spéciale sur la vie marine du Pacifique et de la mer du Japon. Chacune des côtes, étant soumise à l’action plus ou moins grande d’un courant chaud venant du Sud, et d’un courant plus froid venant du Nord, la prédominance de l’un ou de l’autre affecte la température de la mer. Ainsi, le long de la côte Nord, à partir de Kinkasan (Honshu) la température moyenne est au-dessous de 15° centig. et le long de la côte Est du Hokkaidô et des Kouriles elle est au-dessous de 10° centig. à cause de la prédominance des courants froids. D’un autre côté, étant donné la présence des courants plus chauds le long de la côte Sud, depuis le groupe d’îles à l’extrémité de la pointe d’Idzu jusqu’à l’extrémité sud de Kiushu, la température moyenne est au-dessus de 20° centig., tandis que vers les îles Bonin et le long de la côte Est de Formose, elle est de + 23° centig. On comprend donc pourquoi, ainsi que nous l’avons dit plus haut, la diversité est si grande dans la faune aussi bien que dans la flore maritime du Japon.

Si l’on songe que la côte regardant le Pacifique et qui commence au Nord aux Kouriles pour finir au Sud à Formose, se trouve assise sur 29° de latitude, il est facile de se rendre compte que les deux extrémités du pays diffèrent absolument au point de vue de la production maritime. Par suite, tandis qu’au Nord on pêche le hareng, la sardine, le maquereau, la morue, dans le Sud on prend plutôt la dorade, le thon, la bonite, le requin, la sole, etc.

L’une des scènes les plus curieuses à contempler à Tokio, c’est le matin à quatre heures, le marché aux poissons à Nihon Bashi. Des quantités de bateaux sont entrées la nuit dans le canal qui les mène jusqu’au marché, et là ils ont déchargé toute leur pêche de la journée précédente. C’est un amas inouï de tous les genres, de toutes les sortes de poissons, depuis la sardine dédaignée (on la pêche en automne en grande quantité au large de la baie de Tokio) jusqu’au requin et à la pieuvre, en passant par des espèces de poissons inconnues à nos mers et présentant les formes les plus extraordinaires et les plus disgracieuses.

Les Japonais font une consommation prodigieuse de poisson et ils en tirent aussi des conserves ; la bonite, notamment, est desséchée et devient tellement dure qu’on la prendrait pour une pierre à repasser les couteaux ; c’est le katsuobushi, que toute bonne ménagère a chez elle et qu’elle râcle dans toutes les soupes et dans toutes les sauces.

Le requin, jeune, est fort apprécié ; la seiche et la pieuvre sont des mets de choix.

Quant au hareng on en fait surtout de l’engrais. Il est pêché principalement au Hokkaidô, à Aomori et à Akita. La saison de pêche va de mars à mai et la pêche a lieu surtout sur la côte Ouest. D’énormes quantités de harengs sont prises ainsi ; on n’en conserve qu’une très faible partie pour la nourriture (si petite qu’on n’en voit jamais sur le marché de Tokio) et on en fabrique une espèce d’huile et de l’engrais. Cet engrais de hareng est l’une des causes de la prospérité des pêcheries de l’île de Yézo ; mais depuis que l’on a importé de l’engrais de harengs de Sibérie et de l’engrais de sardines des côtes de Corée, il y a eu diminution des gains à Yézo. Aussi a-t-on commencé à Akita et à Aomori notamment à fumer et à saler le hareng pour l’exportation ; ces conserves sont envoyées en Chine et en Australie.

La sardine est aussi très abondante ; les Japonais la mangent fraîche : c’est le plat du pauvre. On en tire aussi de l’engrais ; on a essayé d’en faire des conserves à l’huile, mais les Japonais n’ont pas encore trouvé le moyen de les préparer d’une façon convenable.

La morue et le saumon sont pêchés aussi, en grande quantité, sur les côtes de l’île de Yezo ; on les vend séchés et salés, mais les Japonais les apprécient peu.

Le Japon est le pays des langoustes, des crevettes et des coquillages de toutes sortes. La mer en fournit tous les jours de telles quantités, sans se lasser, qu’elle semble inépuisable. Néanmoins, on commence à remarquer un fléchissement dans le rendement des langoustes, que les Européens, habitant le Japon, consomment en grande quantité et qu’ils ont mises à la mode.

II. — Il existait, en 1906 (dernier relevé statistique), 426.000 bateaux de pêche, presque tous de 30 shaku de long (90 mètres environ), 24.000 seulement dépassant cette mesure. Il a été pris cette année-là :

Seiches et pieuvres pour une valeur de
2.902.436
yen.
Sardines
— 
4.861.311
— 
Harengs
— 
5.531.136
— 
Bonites
— 
5.303.302
— 
Crevettes
— 
1.415.263
— 
Maquereaux
— 
1.876.865
— 
Thons
— 
1.541.679
— 

Espèce de poisson appelée :

Queue jaune pour une valeur de
2.828.359
yen.
Dorade
— 
3.790.119
— 

De ces différents produits, ont été manufacturés :

Crevettes desséchées pour une valeur de
816.542
yen.
Seiches
— 
— 
2.219.150
— 
Bonites
— 
— 
5.095.044
— 
Sardines
— 
— 
3.324.872
— 
Sardines pour engrais
— 
532.942
— 
Harengs pour nourriture
— 
888.036
— 
— 
engrais
— 
4.643.100
— 

J’ai dit plus haut qu’on avait essayé au Japon différentes conserves de poisson, notamment de sardines et de saumons, mais elles sont très mal faites et il est impossible à un Européen de les manger ; le Japon manque de l’huile nécessaire à la préparation.

III. — Une prime à la navigation a été accordée par le Gouvernement en 1897 (loi révisée en 1905) pour les bateaux pratiquant la pêche en haute mer. Pour les bateaux construits au Japon elle attribue :

Par tonne brute d’acier ou de fer, 40 yen ;

Par tonne brute, mélange métal et bois, 35 yen ;

Par tonne brute bois, 30 yen.

Pour machine à vapeur :

Par cheval-vapeur, 10 yen.

Pour machine à pétrole :

Par cheval-vapeur, 20 yen.

Pour les bateaux construits à l’étranger et battant pavillon japonais :

Vapeur : 22 yen par tonne brute ;

Voilier : 18 yen.

Les bateaux désirant participer à la prime doivent avoir, pour la pêche en eau profonde : de 50 à 200 tonnes pour un vapeur se livrant lui-même à la pêche ; de 10 à 250 tonnes pour un voilier pêchant au filet, et de 30 à 250 tonnes pour un voilier pêchant avec ses canots. Pour la pêche à la bonite, le tonnage doit être de 10 à 30 tonnes pour un voilier pêchant par lui-même et de 50 à 200 tonnes pour un voilier pêchant au moyen de ses canots. Pour les bateaux servant de transport, le tonnage est de 80 à 350 tonnes pour un vapeur et de 15 à 150 pour un voilier.

La prime est garantie pour cinq ans ; elle est renouvelable après examen du bateau et de son matériel. L’équipage doit être pour les 4/5 composé de Japonais. Jusqu’à présent, la somme totale des primes allouées a été de 435.389 yen.

IV. — Il y a une quarantaine d’années, le Japon occupait une large place dans la pêche de la baleine et les mers du Japon voyaient chaque année arriver de nombreux baleiniers d’Europe et d’Amérique. Mais ces navigateurs firent tant et si bien qu’ils exterminèrent pour ainsi dire ce cétacé. Heureusement, lassés de n’en plus trouver suffisamment, ils quittèrent les côtes du Japon, et, comme les Japonais se livraient fort peu à ce genre de pêche, la baleine se mit à reparaître de telle façon qu’aujourd’hui, les eaux japonaises et coréennes fournissent un butin assez abondant.

Les endroits les plus renommés pour la pêche à la baleine sont : en été, la côte depuis Kinkazan jusqu’à l’extrémité de la baie de Tokio, ainsi que les côtes de Kishu, Tosa et Nagato (ces dernières en hiver).

De 1906 à 1908 il y a eu un nombre de plus en plus considérable de bateaux employés à cette pêche :

Mars
1906,
vapeurs
5,
prises
434
baleines.
— 
1907,
— 
10,
— 
939
— 
— 
— 
voiliers
1,
— 
19
— 
— 
1908,
vapeurs
18,
— 
806
— 
— 
— 
voiliers
2,
— 
22
— 

Pour 1908, sont seulement données les prises dans les eaux territoriales ; si l’on y ajoute les prises faites dans les eaux coréennes, le total est bien plus considérable. Il est, d’ailleurs, impossible de donner les résultats exacts et complets ; car beaucoup de baleiniers, ne recevant pas la prime, ne fournissent aucune indication sur les prises qu’ils ont faites.

Les chiffres ci-dessus, et ceux qui suivent, sont pris dans les statistiques japonaises, notamment dans le « Japan year book » et le « Résumé statistique de l’Empire ». On peut les considérer comme donnant un résultat assez exact, quoique j’aie relevé quelques chiffres contradictoires.

Valeur des prises sur les côtes de Corée :

Total (1906)
2.015.165
yen.
— 
(1907)
2.225.521
— 

Résultats des pêcheries sur la côte de Sakhalin :

Truites saumonées pour une valeur de
41.544
yen.
Harengs
— 
19.200
— 
Saumons
— 
10.677
— 
Divers
— 
11.900
— 

V. — A la pêche se rattache, dans un pays maritime comme le Japon, l’extraction du sel. Il existe, en effet, fort peu de sel de mines, et c’est la mer qui le fournit presque entièrement. Tantôt on l’extrait en faisant dessécher par le soleil des marais savamment étalés au bord de la mer ; tantôt par des procédés artificiels. Les côtes de la mer intérieure sont les plus productives ; toutefois on en produit un peu partout. Mais depuis l’annexion de Formose, c’est surtout dans cette dernière île que l’industrie saline a pris un grand développement. Jusqu’à la dernière guerre avec la Russie, le monopole du sel existait à Formose, mais la vente en était libre sur le territoire de l’Empire. Depuis la campagne de Mandchourie, le Gouvernement a établi ce monopole dans tout le Japon.

Production du sel :

 
Koku.
Yen.
Honshu
2.741.796
5.632.480
Shikoku
1.603.865
2.692.160
Kiushiu
521.329
1.889.153
Yezo
116
407

Les principaux districts fournisseurs de sel sont : Hiogo, Okayama, Hiroshima, Yamaguchi, Tokushima, Kogawa, Oita.

VI. — Le Japon a, de tout temps, été un pays de forêts, et le bois y a servi à toute espèce de constructions et d’industries : les maisons d’abord sont en bois et, en général, tous les ustensiles de ménage et de culture. Il s’ensuit que la consommation en est considérable ; mais, plus avisé que son voisin de Chine, qui a laissé son pays se dénuder, au point que, dans certaines régions, on ne trouve pas un arbre, le Japonais a toujours replanté au fur et à mesure qu’il a coupé. C’est ce qui fait, qu’à l’heure actuelle, malgré le pillage des forêts au moment de la restauration, et l’abatage inconsidéré d’un grand nombre de bois, malgré aussi les inondations terribles qui dévastent quelquefois des parties entières de forêts, ces dernières occupent encore à peu près 59 pour 100 du territoire de l’Empire. On peut les diviser ainsi :

Forêts de l’État
12.020.218
chô.
Forêts de la Couronne
2.109.099
— 
Forêts des temples et des particuliers
7.991.796
— 

De cet ensemble 420.096 chô, faisant partie du domaine de l’État et de la Couronne sont intangibles ; le reste, soit 7.991.796 chô pour les forêts des particuliers et des temples, et 13.709.221 chô pour les forêts de l’État et de la Couronne, est en exploitation.

Les districts Nord-Est du Honshu et du Hokkaido (Yezo) abondent en forêts. Les préfectures qui suivent ont au moins 500.000 chô de terrains forestiers : Iwate, Tokushima, Niigata, Yamagata, Gumma, Ehime, Yamaguchi ; les Ken de Nagano, Akita, Gifu, Aomori en possèdent plus de 1.000.000 de chô ; quant à Yezo, l’île entière renferme 12.250.095 chô de forêts.

Il est assez difficile d’avoir les chiffres exacts du rendement des forêts particulières ; car les propriétaires ne tiennent aucune espèce de comptes pour le travail accompli et les dépenses d’exploitation.

Pour les forêts de l’État, les relevés de 1906-1907 donnent :

Recettes
9.169.272
yen.
Dépenses
3.796.862
— 

Le taux du bénéfice pourrait être encore plus fort, mais en beaucoup d’endroits les forêts de l’État sont presque inaccessibles ; et, d’un autre côté, l’administration dépense beaucoup pour faire des reboisements.

VII. — Le Japon est très riche en conifères de toutes sortes et possède des essences inconnues à l’Europe. Il n’est pas sans intérêt de donner la description des principales.

Sugi ou cryptomeria japonica, est un arbre vert qui atteint une hauteur variant entre 30 et 40 mètres. Le cœur est rouge ; le reste du bois est blanchâtre ; il est employé en architecture ; on en fait aussi des meubles, des boîtes.

Une des variétés de cet arbre, le yakusugi, vient de l’île de Yaku dans la province de Satsuma ; on le trouve aussi dans l’île de Sado. Son bois est très résineux et son grain très serré. Le kurobe sugi, qui pousse dans les provinces de Hida et de Shinano, est un très beau bois à grain sinueux. Le jiudai sugi, qui n’est autre que le sugi qui a séjourné longtemps sous terre, se trouve dans le lac de Hakone et ses environs. Les plus beaux spécimens de cryptoméria actuellement existants sont ceux qui se dressent des deux côtés de la route qui conduit d’Utsunomiya à Nikkô et qui ont été plantés il y a près de trois siècles. Ils sont merveilleux et font l’admiration du voyageur. Quelques beaux cryptoméria se trouvent également à Hakone, autour du lac.

Hinoki (chamœciparis obtusa) est aussi un arbre à feuilles persistantes ; son bois, dont le grain est très serré, dégage une odeur agréable ; il occupe la première place parmi les bois de construction ; le meilleur vient de Kiso, dans la province de Shinano.

Sawara (chamœciparis pisifera ou thuyopsis dolabrata) ressemble beaucoup au précédent ; et son bois est presque aussi bon que celui du hinoki ; on l’emploie également pour la construction des maisons et la fabrication des meubles.

Hiba, variété du précédent, sorte de Thuyopsis, ressemble au Hinoki, mais son bois est plus blanc ; on le trouve beaucoup à Nikko.

Akamatsu (pinus densiflora), arbre généralement tordu, à écorce rouge ; le bois est blanc, mais le grain en est grossier.

Kuromatsu (pinus massoniana) est plus grand que le précédent, mais son grain est analogue ; son écorce est noire ; comme il est également bon marché, et qu’il peut s’employer à différents usages, c’est celui que l’on consomme le plus au Japon.

Kaya (torreya nucifera), arbre à feuilles persistantes, qui devient très gros mais est peu élevé. Son bois est très recherché par les fabricants de meubles ; il vient des provinces de Mutsu, Kii, Mikawa, Yamato.

Tsuga (abies tsuga) est de tous les sapins celui qui fournit le plus beau bois, d’un grain très serré et très dur. Le meilleur vient de la province de Yamashiro.

Momi (abies firma) atteint ordinairement une hauteur de 20 à 30 mètres ; on le trouve dans presque toutes les provinces du Japon. La rapidité de sa croissance le rend précieux et il est employé à toutes sortes d’usages, constructions et meubles.

Icho (salisburghia adanthifolia). Cet arbre est à feuilles caduques ; tantôt mâle, tantôt femelle ; il atteint une hauteur de 20 à 30 mètres ; son bois est tendre, mais le grain en est cependant très serré ; il sert à la construction de certaines parties des maisons japonaises, et aussi à la fabrication des meubles. On le trouve partout au Japon, surtout près des temples ; il donne un fruit dont les Japonais mangent l’amande (gin nan) grillée ; crue elle est un poison.

Kurumi (juglans mandchurica), noyer de Mandchourie, produit un bois fort beau qui sert à l’ornementation des maisons et à faire des meubles de valeur. Comme l’arbre qui précède, celui-ci a dû être importé de Chine.

Sawa gurumi, fournit un bois blanc dont le grain est plus grossier que le précédent ; il est utilisé pour la menuiserie. L’écorce de cet arbre, connue sous le nom de Jukohi, est employée pour faire de petits objets qui sont un des produits renommés de Nikko.

Parmi les chênes nous trouvons :

Akagashi (quercus acuta), grain très serré et rougeâtre ; employé dans les îles Amakusa, d’où il provient, pour faire des rames.

Shirakashi (quercus glauca), grain très serré et blanc : sert à faire des manches d’outils, et aussi du charbon de bois. Originaire de Kiushu et Amakusa.

Shii (quercus cuspidata), bois plus tendre que le précédent ; son écorce sert pour la teinture.

Kunugi (quercus serrata), espèce de chêne dont les feuilles servent à la nourriture du bombyx yamamai ou ver à soie sauvage.

Kashiwa (quercus dentata), la coque de ses glands sert à faire de la teinture noire.

Kuri (castanea vulgaris) est, comme en Europe, un arbre à feuilles caduques qui atteint la même hauteur que dans nos pays ; son bois sert dans la construction des maisons et à la fabrication des meubles ; on le rencontre dans presque toutes les provinces.

Keyaki (planera japonica, planera acuminata, zelkowa Keyaki) est un arbre à feuilles caduques qui atteint une hauteur moyenne de 15 mètres ; il fournit un bois très beau et très dur et qui est fort recherché. On l’emploie dans la construction des maisons et pour la fabrication des meubles de valeur. On trouve certains de ces bois qui ont un grain annulaire et que l’on nomme joriu ; on s’en sert pour la sculpture et pour faire des panneaux d’ornement. Cet arbre croît à Kiushiu, à Nagasaki, dans le Honshu, à Hakone, à Kokura ; aux environs de Tokio, de Yokohama et de Yokosuka.

Enoki (celtis sinensis), arbre à feuilles caduques d’une hauteur de 20 mètres ; le grain en est grossier, mais il sert à la menuiserie.

Tsuge (buscus sempervirens) n’atteint jamais une grande hauteur ; son bois est excessivement dur et jaune ; le grain en est très serré ; il sert à faire des peignes de femmes et des planches d’impression ; on en fait également des dents artificielles. Il vient des îles de la province d’Idzu.

Kiri (paulownia imperialis) croît très rapidement et atteint une hauteur de 10 mètres en dix ans. Son bois est très léger et tendre ; le grain en est grossier ; il est très recherché par les menuisiers qui en font des guétas ou socques en bois pour hommes et femmes. Une variété de ce bois porte le nom de Shimagiri et provient de la province d’Idzu ; le grain du bois est meilleur et plus serré que celui du Kiri.

Awogiri (firmiana platanifolia), bois blanc, grain grossier ; employé en menuiserie ; provenance : Kiushiu.

Urushi (rhus vernicifera) donne un bois jaune très beau ; son grain est serré. On l’emploie pour la marqueterie et les travaux analogues ; on en fait aussi des navettes de tisserand et des flotteurs pour filets de pêche. Cet arbre pousse principalement dans le Nord ; c’est avec la sève qu’il donne que l’on compose le vernis à laque ; la sève est retirée au moyen d’incisions sur l’arbre, puis mise dans une grande cuvette en bois ; on la remue ensuite au soleil, au moyen d’une grande spatule, pour la débarrasser de son excédent d’eau, puis on la travaille.

Hagi (rhus succedanea) ressemble beaucoup au précédent ; son bois, également jaune, sert à faire des objets de petites dimensions, et ses fruits produisent de la cire ; il pousse dans les provinces du Sud.

Momiji (acer polymorphum ou palmatum), érable ; genre très commun au Japon où il y en a plus de cent variétés.

Kusunoki (cinamomum camphora), arbre à feuilles persistantes, d’où l’on tire le camphre. Sa hauteur atteint quelquefois 15 mètres ; son bois est très compact et très dur ; il ne s’altère pas au contact de l’eau et il est très recherché pour la construction des bateaux. On l’emploie beaucoup dans l’édification de certaines parties de la maison japonaise, et aussi pour la menuiserie. La racine présente quelquefois des dessins originaux dont on fait grand cas pour l’ornementation des appartements. Cet arbre croît surtout à Kiushu et à Shikoku ; mais on le trouve aussi dans le Honshu à Miyanoshita, Atami, Kanagawa et dans d’autres localités de la baie de Tokio.

Tsubaki (camelia japonica), le camélia ordinaire, il peuple les collines japonaises et il atteint parfois la taille de 10 mètres. Son bois est dur et il est employé en menuiserie ; ses graines servent à faire de l’huile dont les femmes s’enduisent copieusement les cheveux.

Sarusuberi (lagerstrœmia indica), arbre où le singe (saru) glisse (suberi) ; n’a pas d’écorce, d’où son nom ; ce bois est très dur et le grain en est très serré ; on l’emploie pour faire des manches d’outils ; il n’est pas indigène au Japon, mais a évidemment été introduit de l’Inde.

Take (bambusa), le Bambou, l’arbre le plus utile et le plus employé au Japon ; on peut dire qu’il sert à tout, absolument à tout. Il se divise en plusieurs variétés, répandues sur l’ensemble du pays. C’est l’arbre par excellence, et il pousse avec une telle vigueur et une telle rapidité qu’on n’en manque jamais.

VIII. — Il n’est pas sans intérêt de consacrer quelques lignes à la fameuse forêt du Kisogawa, dans la province d’Owari, qui est l’une des plus importantes propriétés de la Couronne. La forêt couvre 153.000 hectares dont les deux tiers appartiennent à la Couronne ; le cadastrage en fut terminé seulement en 1908, car une grande partie n’était que forêt vierge et les difficultés d’accès étaient innombrables. Ces forêts sont presque uniquement plantées de conifères, parmi lesquels domine le Hinoki. Tous les ans on exploite le bois d’une façon rationnelle, et les troncs sont lancés sur le Kisogawa dont le courant les emmène à Nagoya ; le ministère de la maison Impériale retire environ 350.000 yen de bénéfice net chaque année de cette exploitation. Les facilités de transport manquent et c’est pour cela que l’on n’obtient pas tout le rendement désirable ; mais la ligne de chemin de fer du « Grand Central » actuellement en construction, et qui doit traverser la forêt, changera la situation ; il paraîtrait que lorsque toutes les dépenses seront faites pour rendre l’exploitation vraiment productive, les recettes s’élèveraient à 2.000.000 de yen, ce qui laisserait un bénéfice net de 1.300.000 yen tous les ans à la Couronne.

IX. — Le camphrier est l’un des arbres qui méritent une description spéciale, son produit étant en usage dans le monde entier, et la fabrication de ce produit se faisant pour une grande partie au Japon et à Formose. Quand le monopole fut établi à Formose par le gouvernement Japonais, il pensait que le camphre de l’île conduirait le marché du monde. Tel ne fut pas le cas ; car alors le Japon d’abord, le Sud de la Chine ensuite se mirent à raffiner davantage ; aujourd’hui les camphriers du Japon ont à peu près disparu, et le gouvernement a étendu à tout le pays le système du monopole ; cela n’a pas remonté le cours, la Chine continuant à faire concurrence, et les Américains ayant trouvé un procédé pour fabriquer le camphre chimiquement. Le sol de Formose possède encore pense-t-on assez d’arbres pour fournir le camphre pendant quelques dizaines d’années, mais c’est tout. On a replanté de jeunes camphriers, mais comme il faut au moins soixante ans à un arbre pour fournir une récolte convenable, l’opération ne « paye pas ».

Les Japonais actuellement essayent un autre procédé chez eux : c’est la plantation de jeunes camphriers tous les ans et l’abatage des arbres dès qu’ils ont cinq ans ; l’extraction du camphre ne sera pas considérable sur chaque arbre, mais elle sera constante et pourra fournir un certain stock si les terrains plantés ont une superficie suffisante.

X. — Dans un pays aussi humide et aussi couvert de forêts les champignons poussent en grand nombre, et les Japonais en sont très friands.

Le Matsutaké (agaricus) vient, comme son nom l’indique, dans les forêts de pins (matsu) ; il se mange bouilli ou grillé ; il peut se conserver longtemps salé ou simplement séché. Ce champignon se montre dans toutes les parties du Japon, mais celui de Kioto est le plus estimé.

Le Hatsudake se rencontre dans les forêts ; il comprend deux espèces, l’une qui est brunâtre, l’autre verdâtre.

Le Kawatake pousse dans les parties des bois où la lumière ne peut pénétrer, on le conserve séché ; son odeur est très agréable et il a un goût exquis.

Le Kikurage est un champignon qui pousse sur différents arbres. Les meilleurs sont ceux que l’on trouve sur le mûrier (morus alba), sur le nire (ulmus campestris) ; on les conserve séchés.

Le Shorô se rencontre dans les terrains sablonneux où poussent des pins ; il ressemble à une truffe et il est très estimé pour son goût délicat.

L’Iwatake se trouve sur les rochers escarpés et les montagnes abruptes ; il est difficile de se le procurer ; on le conserve séché. C’est une espèce de lichen.

Telles sont les principales espèces, mais il y en a une grande quantité d’autres ; le Japon est par excellence le pays des champignons. Les indigènes cultivent une espèce dont ils font une grande consommation, le Shii take (agaricus campestris). Ils prennent un morceau de tronc d’un shii (quercus cuspidata) ou d’un autre arbre de la même famille ; ils y pratiquent des incisions, puis mouillent le bois et le laissent dans un endroit privé de lumière. Au bout d’un certain temps, on voit apparaître le champignon que l’on nomme suivant la saison Haruko (champignon de printemps), Natsuko (champignon d’été) et Akiko (champignon d’automne). Une fois séché on peut le conserver longtemps.

CHAPITRE XII

I. L’industrie autrefois. — II. La soie ; ses débuts au Japon. — III. Fils et tissus de soie. — IV. Industrie de la teinture. — V. La poterie. — VI. Faïence de Satsuma ; porcelaines d’Imari. — VII. L’industrie des métaux. — VIII. La laque. — IX. Éventails, paravents, sculpture sur bois et ivoire.

I. — De tout temps le Japon a été plutôt un pays agricole et militaire qu’un pays industriel et commercial. Autrefois, les seules industries qui existaient, étaient entre les mains de certaines familles, ou de certaines corporations qui en gardaient jalousement le secret. On travaillait chez soi et, souvent, on mettait vingt ou trente ans à finir une belle pièce de soie, de laque ou de porcelaine. C’est à Kioto que vinrent s’établir les premiers artistes et artisans ; la cour leur donna sa protection, et toutes les nouveautés, qui passèrent de Chine au Japon, trouvèrent d’abord un abri au palais du Mikado. Car toute industrie arriva de Chine comme le reste. Plus tard, lorsque des élèves furent formés dans les différents genres, les grands seigneurs feudataires s’attachèrent des fabricants d’objets les plus variés, et ce fut dans l’aristocratie que la première industrie japonaise s’épanouit. Je donnerai donc, en premier lieu, un aperçu de l’industrie de la soie, qui subsiste encore à Kioto et dans d’autres centres, bien que transformée et se transformant chaque jour, par suite de l’introduction de la machinerie européenne.

II. — L’industrie de la soie a existé fort anciennement. Les fabriques des temps anciens étaient forcément primitives et les tissus de soie étaient de pauvre et mince qualité. C’est vers 192, sous l’Empereur Chu ai, que la fabrication coréenne, bien supérieure, fut introduite au Japon à la suite de présents de gaze et de satin faits au Mikado par le roi du royaume coréen de Shiragi. Puis, en 270, sous le règne de l’Empereur Ojin, le roi du royaume coréen de Kudara envoya au Japon un tisseur nommé Saiso. L’Empereur Nintoku fit répandre, dans le pays, des familles chinoises afin d’enseigner aux populations à élever les vers à soie et à tisser. Enfin, en 794, lorsque l’Empereur Kwanmu fit de Kioto sa capitale, il créa une administration spéciale de l’industrie de la soie. Sous la direction de Hideyoshi, des ouvriers chinois vinrent à Sakai, port d’Osaka, alors très florissant, et enseignèrent au peuple l’art de tisser la gaze, le brocart, le brocart d’or, le damas, et aussi la soie simple, l’étoffe de soie dont on se servait alors en Chine pour les vêtements, sous la dynastie des Ming. Les Shôguns Tokugawa favorisèrent cette industrie ; beaucoup de daïmios firent de même, notamment ceux de Yonezawa et Fukuoka. C’est ainsi que le tissage de la soie se répandit dans l’Est, vers Yedo, où il est très florissant aujourd’hui. Vers la période Tenshô (1573-1591) un tisseur de Sakai vint au quartier de Kiôtô appelé Nishi jin (encore actuellement quartier des tisserands de Kioto) et présenta des tissus de brocart et d’autres soieries. Bientôt Sakai fut surpassé par son élève et Nishi jin fournit les meilleurs produits. C’est là que le damas de soie nommé Aya fut créé. Brocart, damas, satin et autres tissus, pour lesquels Kioto est renommé, datent de la même époque. Le velours y fut fabriqué plus tard en imitation de celui qui fut importé par les Hollandais (vers 1596). Le crêpe de soie date, dit-on, de 1156, mais on ne connaît pas son lieu d’origine. Ce n’est toutefois qu’en 1573 qu’il parut à Kioto, d’où il se transmit à Kiriu. A l’heure qu’il est, le tissage à Nishi jin se fait encore suivant les vieux procédés, bien qu’on ait commencé à introduire tout récemment le système Jacquard.

Le crêpe, appelé Kanoko shibori ou kanoko sha chirimen, est une spécialité de Kioto.

La broderie, l’un des arts les plus anciens du Japon, est aussi originaire de Kioto ; on y brodait les vêtements de cour, les robes de prêtres bouddhistes, les cols et ceintures des vêtements de femme, et aussi les fukusa ou pièces de soie dont on se sert toujours pour recouvrir les présents qu’on envoie. Le métier à broder est exactement le même que chez nous.

III. — L’origine de l’industrie des fils et tresses de soie est trop ancienne pour être connue. Durant le règne de l’impératrice Suiko (593-628), la civilisation chinoise fit beaucoup de progrès. Suiko encouragea les industries et quantité de pièces pour vêtements commencèrent à être fabriquées en soie. Quand les vêtements de cour furent mis à la mode, on se servit d’une tresse de soie nommée hirao, introduite de Corée. La fabrication de cette tresse prospéra à Nara, alors capitale dans la première partie du VIIIe siècle, et devint florissante après l’établissement de la capitale à Kioto. Une partie du palais était assignée aux ouvriers en soie et on l’appelait ito dokoro ou « place du fil ». C’était là qu’était produit le fil en usage pour la préparation du Kusudama, large boule faite de fils de soie de toutes couleurs entrelacés et qu’on pendait dans les maisons, au printemps, à un jour fixé, pour préserver des maladies. La cour de Kioto possédait un atelier de tissage et de broderie. Les princesses et les dames de la cour avaient des voitures richement décorées de cordons d’or, d’argent et de soie. Pendant le XIIe siècle, au moment de la lutte des Taira et des Minamoto, les différentes pièces de l’armure des guerriers étaient reliées entre elles par des cordes de soie. Durant la guerre du XVe siècle, les fabriques souffrirent beaucoup, mais elles prirent un nouvel essor sous l’administration de Hideyoshi (Taikosama). Puis, sous les Tokugawa, alors que les daïmios devaient venir rendre hommage au Shôgun, c’était à qui d’entre eux porterait les costumes les plus richement ornés de tresses de Kioto. Aujourd’hui les tresses de soie sont encore un des accessoires de la toilette japonaise.

Les cordes de soie pour instruments de musique sont d’un usage très ancien. Les Empereurs Inkio (411-453), Monmu (697-707) et Ninmiyo (834-850) étaient très amateurs de la harpe (biwa) et encourageaient la fabrication de ces cordes. Vers 1131 un aveugle de la ville de Sakai inventa le Shamisen (guitare), pour lequel il se servit également de cordes en soie.

Pendant l’ère de Tempô (1830-1844), alors que l’industrie de la soie était dans une situation très florissante, il s’établit une corporation des fabricants de fils de soie et de tresses. Une succursale fut installée à Yedo où l’on employait beaucoup la tresse de soie pour l’ornementation de la poignée des sabres. En 1883 et en 1893 la corporation fut remaniée et réorganisée.

Entrée du temple de Kiomidzu à Kioto.

IV. — L’industrie de la teinture est très anciennement connue à Kioto ; et la grande habileté acquise par ses ouvriers a amené ceux des autres localités, qui ne pouvaient pas atteindre à leur fini, à dire que la teinture de Kioto devait ses qualités à l’excellence de l’eau du Kamogawa. La célèbre teinture appelée Yuzen est une branche du commerce de Kioto. En dehors des vieilles teintures connues, telles que l’indigo (ai), le safran (béni), la garance (akana), les Japonais employaient également beaucoup d’autres plantes tinctoriales venues des Tropiques.

On ignore à quelle époque remonte l’art de la teinture à Kioto, mais on peut fixer la date de 710 sans trop se tromper ; car à ce moment, le procédé d’application de la cire (rôkitsu), sur les parties de l’étoffe qui ne devaient pas être teintes, était déjà connu. Cette industrie fit peu de progrès jusqu’au jour où Yuzen, prêtre fameux en même temps qu’artiste, et résidant dans l’un des nombreux monastères de Kioto, améliora les méthodes existantes et donna un tel essor, que son nom est resté attaché aux procédés de teinture employés encore à ce jour, à Kioto. Ils consistent à couvrir de Nori (espèce de colle de pâte) la partie de l’étoffe qui ne doit pas être teinte et à retirer ce Nori au moyen de la vapeur dès que la teinture est définitivement fixée. Les velours et crêpons de Kioto, genre Yuzen, sont très connus.

V. — La poterie est également l’une des industries apportées de Chine qui ont eu, comme premier foyer au Japon, Kioto. Elle comprend plusieurs variétés : Awata, Kiyomidzu, Raku, Kenzan, Yeiraku ; les deux dernières ne se fabriquent plus. La céramique remonte évidemment plus haut, puisqu’on la trouve mentionnée dans les livres historiques publiés avant notre ère. Deux cents ans après Jésus-Christ, la céramique avait déjà fait des progrès, et l’histoire nous dit qu’en l’an 400 on établit des fabriques de poteries dans les cinq provinces de Yamashiro, Ise, Setsu, Tamba, Tajima. En 720, un prêtre nommé Giyôgi, natif du district d’Otori, province d’Idzumi, inventa le tour ; à partir de ce moment, l’art de la céramique semble prendre son essor et se perfectionne rapidement. On se mit, en effet, à employer les moyens connus des Chinois et des Coréens et de grandes manufactures furent fondées dans les provinces de Bizen, Hizen, Owari. En 1510 on voit apparaître pour la première fois au Japon la porcelaine proprement dite. Grâce aux manufactures établies dans les provinces de Hizen et d’Owari, ainsi que dans la ville de Kioto, l’art de la céramique fit de rapides progrès.

Il y a, au Japon, trois genres bien distincts : Awata Yaki, Satsuma Yaki, Awaji Yaki.

L’origine de l’Awata Yaki n’est pas très connue ; suivant la tradition, elle daterait des premières années de l’ère Tempiô (729-748) et aurait été découverte par un bonze du village de Yamashina, à l’Est d’Awata. A la fin de la période Keicho (1596-1614) un potier nommé Kiuyemon, vivant à Awataguchi, mit la marque « Awata » sur tous les objets qu’il fabriquait, et depuis tous les produits sortant de là ont été nommés Awata. Aujourd’hui les procédés de fabrication ont été perfectionnés et les produits awata sont très estimés.

La poterie de Kiomidzu fut d’abord fabriquée au village de Seikanji ; mais, au commencement du XVIIe siècle, les manufactures furent transportées à Gojô Zoka, à l’Est de Gojô. Le coloris et la peinture à l’or furent découvert par Chawanya Kiubei et Nonomura Ninsei. Ce dernier construisit une fabrique à Sanneizaka où il fabriquait de la faïence très fine. Au début du XIXe siècle, un certain Kumakichi introduisit des changements dans la fabrication et la peinture.

La poterie dite raku a été introduite, vers 1530, par un Chinois ou un Coréen qui s’installa à Kioto et ne quitta plus le Japon. Son fils, Chôyu, lui succéda et reçut du Shogûn Hideyoshi, en 1588, l’ordre de faire de la poterie couleur noir rougeâtre, d’après des dessins fournis par Rikiu, un fameux maître des cérémonies attaché, pour les cérémonies du thé, à la personne de ce général. Hideyoshi fut si satisfait du résultat qu’il fit don à Chôyu d’un cachet avec le caractère raku (satisfaction, joie, plaisir). D’où le nom de la porcelaine raku yaki.

VI. — Ce fut Shimazu Yoshihisa, un des généraux envoyés en Corée par Hideyoshi, qui créa la faïence de Satsuma. A son retour de l’expédition, en 1598, il ramena dix-sept potiers célèbres qu’il établit dans les deux provinces de Satsuma et d’Osumi ; plus tard il rassembla tous ces ouvriers dans un endroit nommé Nayeshirogawa. Ne se mariant qu’avec des Coréennes, ces ouvriers conservèrent pendant longtemps leurs mœurs, leur langue et leur type distinctif. On trouve actuellement à Nayeshirogawa, quelques centaines de familles formant un total de trois mille individus qui exercent tous le métier de leurs ancêtres. En 1630, un célèbre potier, nommé Boku teigo, découvrit du Shirotsuchi (de la terre blanche) dans les environs de Nayeshirogawa ; cette découverte amena une amélioration sensible dans la fabrication des produits. C’est à partir de cette époque que l’on se mit à employer l’or, l’argent et les matières colorantes pour la décoration de faïences.

Les porcelaines de Imari (Hizen), de Seto (Owari), de la province de Mino, de Kutani (Kaga) viennent également de Chine. Ce sont des Chinois ou des Coréens émigrés qui ont importé les procédés de fabrication ; ou bien des Japonais, comme Gorodayu Shunsui, de la province de Ise, se rendirent en Chine pour y apprendre à faire la porcelaine et à construire les fours nécessaires. Toutes ces porcelaines prospérèrent au Japon entre 1500 et 1600.

Avant l’arrivée des Européens au Japon, les fabriques d’Imari, de Seto, de Kutani, fournissaient à la cour et à l’aristocratie des pièces remarquables, dont quelques-unes sont d’une richesse de couleurs absolument unique. Il reste peu de ces spécimens d’autrefois, et aujourd’hui on n’en fabrique plus, ou du moins on en fabrique très rarement. Les fours travaillent pour l’exportation ; et on peut voir, dans les ports de Yokohama, Kobé et Nagasaki, l’Imari pour globe-trotters à deux yen la douzaine. Quiconque a voyagé dans l’Extrême-Orient a pu voir à Shanghaï et dans tous les ports de Chine, à Singapour, à Rangoon, à Calcutta les magasins de bibelots japonais où sont exposés, à des prix dérisoires, de grands vases de Satsuma, des poteries de Kioto et des assiettes d’Imari, produits de la décadence de l’art céramique japonais. Il faut vendre beaucoup, et à bon marché, donc mauvais. Les grands magasins d’Europe, au reste, vendent aussi de ces japonaiseries bon marché, qui feraient honte aux artistes qu’étaient les anciens fabricants du Nippon.

VII. — L’industrie du métal a été connue au Japon aux temps les plus anciens, et les Japonais ont montré, dans le travail des métaux, un goût et une adresse remarquables. L’introduction du bouddhisme a marqué une nouvelle époque dans l’avancement de l’art des métaux, par suite de l’entrée de différentes sortes d’ornementation dans la construction des temples, et aussi par la quantité d’objets en cuivre nécessaires aux cérémonies du culte. Le haut degré d’habileté atteint par les artistes en métaux sous le règne de l’Empereur Shômu (714-748) est pleinement attesté par les statues, les vases, les accessoires et autres articles religieux conservés dans les temples de Kioto et de Nara. La période des guerres intestines, qui se suivirent sans interruption depuis le XIIe siècle, laissa les idoles bouddhiques dans le discrédit, et développa d’autres goûts ; les artistes tournèrent leur habileté vers la confection des armes et armures. Les sabres d’une si belle trempe, signés Masamune, datent de ce temps-là, et sont aujourd’hui connus dans le monde entier. Le goût des artistes s’est surtout manifesté dans les ornements du casque, du sabre et du fourreau. Après l’avènement des Tokugawa et le retour de la paix, l’industrie guerrière fut patronnée par les Shôgun et par les daïmios ; aujourd’hui les ornementations de casques et de sabres ont cédé la place à d’autres industries plus considérables.

On peut dire que les Japonais connaissaient tous les genres d’ornementation ; ils avaient reçu les principes de la fonte, gravure, moulage, de l’alliage des différents métaux, etc., de la Chine et de la Corée ; le cuivre, le bronze, le fer prenaient sous leurs mains adroites les formes les plus étranges, et on reste étonné devant les imaginations bizarres, extraordinaires et généralement macabres de ces artistes. On dirait souvent des figures et des formes sorties de quelque enfer dantesque. Les principaux alliages employés pour les moulages d’ornement, les statues, les instruments de musique, les cloches, sont :

Le premier est un alliage de cuivre et de plomb ; on y ajoute quelque fois de l’étain ; le second est un alliage de cuivre, d’étain et de plomb (une variété de l’udo est le sentokudo obtenu par le même alliage, mais avec d’autres proportions), le troisième se fait avec du cuivre et du plomb.

Le Shinchu (cuivre jaune) est fait avec du cuivre et du zinc et quelquefois une petite quantité de plomb.

La Shakudo est un alliage de cuivre et d’or.

Le Shi bu ichi se compose de six parties de cuivre et de quatre parties d’argent.

Pour polir ces différents alliages, on les cuit avec du soufre ou bien l’on emploie du sulfate de fer ou du vinaigre de prune.

VIII. — Comme c’est le cas pour toutes les autres industries, les origines de la préparation de la laque ne sont pas très connues ; on dit que sous le règne de Kôan Tennô (392-291 av. J.-C.), vivait un certain Mitsumino Sukune qui serait l’ancêtre des familles qui s’occupaient de cette industrie. Une autre chronique rapporte qu’un jour Yamato dake no Mikoto, fils de l’Empereur Keiko (71-130 ap. J.-C.), était en expédition de chasse, lorsque de la sève d’un certain arbre coula sur sa manche et la salit. Voyant combien il était difficile d’enlever la tache faite par cette sève et comprenant qu’elle pouvait être employée à protéger les objets, il s’en servit pour recouvrir son armure ; ses gens l’imitèrent et ce fut le premier emploi de la laque.

Il est infiniment plus probable, d’ailleurs, que ce n’est là qu’une légende et que la laque, comme le reste, vient de la Chine et de la Corée. Il ne faut pas oublier en effet que, alors que la Chine était déjà fort civilisée sous la dynastie de Tcheou (1123-246 av. J.-C.), à cette époque le Japon n’était qu’un amas de tribus sauvages, et que c’est grâce à la Chine et à la Corée que ces tribus sont devenues une nation civilisée.

Sous le règne de l’Empereur Kôtoku (645-654) une administration spéciale fut créée pour surveiller la fabrication de la laque. La laque rouge ne fut connue que sous le règne de l’Empereur Temmu (673-695) ; cette laque se fabriquait et se fabrique encore dans le Nord de la Chine et celle de Péking est la plus renommée ; la laque rouge fabriquée au Japon est très inférieure. L’Empereur Mommu (697-707), pour encourager les plantations d’arbres à laque, accepta le payement des impôts en sève de cet arbre. L’industrie de la laque fit de grands progrès pendant la première moitié du VIIIe siècle ; on trouva alors différents procédés de coloration, ainsi que l’application de l’or. Les désordres intérieurs, qui se répétèrent durant le règne de l’Empereur Sujaku (930), arrêtèrent l’essor de cet art comme de beaucoup d’autres ; mais les habitudes luxueuses des nobles de la cour à Kioto lui redonnèrent vite un nouvel essor, et les artistes laqueurs furent appelés, chez les daïmios, dans toutes les parties de l’Empire. Quand Yoritomo établit sa capitale à Kamakura, nombre de fabricants l’y suivirent, mais le centre de la fabrication de la laque resta toujours à Kioto. De merveilleuses pièces des siècles passés peuvent être admirées dans le musée d’Uyeno, à Tokio. Le Gouvernement japonais rachète très cher toutes les merveilles qui ont pris le chemin de l’étranger à l’époque des troubles de la Restauration impériale. Aujourd’hui on ne fait plus rien de solide comme laque ; les artistes d’autrefois mettaient leur vie à créer un objet ; de nos jours on fabrique du clinquant à bon marché pour l’exportation, et les chefs-d’œuvre sont rares.

La laque est fournie par la sève du rhus vernicifera ; il existe au moins douze façons de préparer le vernis, suivant qu’on le laisse pur ou qu’on le mélange à d’autres substances telles que le sulfate de fer, l’eau de tabac, l’huile, le vermillon, l’orpiment, l’indigo.

Les laques se fabriquent dans plusieurs endroits, entre autres à Aidzu, province d’Iwashiro ; dans la province de Suruga ; dans la province de Wakasa ; à Tsugaru ; à Wajima ; à Noshiro ; dans la province de Kii ; à Nikko ; à Odawara. Toutes ces villes ne produisent pas de laques de qualité supérieure, et l’on trouve en général les meilleurs ouvriers et les plus belles pièces de laque dans les trois villes de Tokio, Kioto, Osaka. Il en est de même pour les laques d’or, les procédés employés variant selon les localités.

Voici les principaux procédés pour la préparation du vernis[10] :

[10] D’après les publications officielles de l’administration japonaise.

L’un consiste à prendre la sève du rhus vernicifera à l’état naturel dans une grande cuvette en bois, puis on la remue au soleil au moyen d’une longue spatule afin de la débarrasser par l’évaporation de son excédent d’eau ; on obtient ainsi le kuro me urushi. Quand on tamise le vernis ainsi obtenu, on a le seshi me urushi.

En mélangeant du kuro me urushi, du sulfate de fer et du toshiru, on produit le kuro urushi. (Le toshiru est l’eau plus ou moins trouble que l’on obtient en aiguisant sur une pierre à repasser les couteaux servant à couper le tabac). Selon la nature du kuro me urushi employé, les qualités du mélange portent les différents noms qui suivent :

Roiro, qualité supérieure employée sans être délayée avec de l’huile ;

Hakushita, autre qualité supérieure également employée sans huile ;

Hon kuro, qualité moyenne délayée avec de l’huile ;

Iô hana, autre qualité moyenne ;

Chin bana, autre qualité moyenne ;

Ye bana, qualité inférieure ;

Su urushi. Ce vernis se compose de kuro me urushi et du meilleur vermillon que l’on puisse obtenir ou de ceux nommés sanyoshu et kamiyoshu ; la première qualité moyenne et les suivantes nécessitent l’emploi de l’huile. Pour la dernière qualité, on se sert du Benigara (composé d’oxyde rouge de fer) au lieu de vermillon.

Awo urushi : ce vernis s’obtient en mélangeant du kuro me urushi avec du shiwo (orpiment) et de l’aïro (indigo). Ces deux matières sont délayées dans l’huile ou employées sèches et en poudre ;

Ki urushi, obtenu par un mélange de kuro me urushi de shiwo ;

Nashiji urushi, le même que ci-dessus ;

Sunkei urushi ; on se sert pour ce vernis de kuno me urushi pur ;

Akahaya urushi sert pour les couches intermédiaires ;

Tamo suni urushi. Pour la qualité supérieure on emploie le nashi ji urushi et pour les qualités moyennes, le kuro me urushi ;

Nashi ji keshi urushi ; le même que le Nashi ji.

Les matières qui entrent dans la composition de la laque sont :

Yi no ko sabi, composé de pierres à aiguiser (awasedo) pulvérisées et d’une petite quantité de seshi me urushi ;

Kiriko sabi, le même que le précédent, mais plus fin ;

Tanoko sabi, pierre à aiguiser très fine mêlée avec du seshi me urushi ;

Nikawa sabi, la même poudre mélangée avec de la colle forte ;

Nori sabi, la même poudre mélangée avec de la colle de riz. Cet amalgame, inconnu autrefois, se compose de vernis et de colle de riz en proportions égales, auxquels on ajoute de la poudre de pierre à aiguiser ; il offre peu de résistance à la spatule, étant moins épais, et donne une belle couleur à la couche de vernis supérieure. Cette laque se décolle pourtant facilement ; elle est aussi de qualité très inférieure.

Voyons maintenant divers procédés employés pour vernir les objets.

Kataji roiro nuri : connu également sous le nom de kurokise, est ainsi pratiqué :

On prend un morceau de toile de bœhmeria[11] que l’on coupe suivant les dimensions de l’objet que l’on doit recouvrir, en ayant soin de l’appliquer de telle façon qu’il n’y ait aucun pli ; puis, pour la coller et la maintenir en cet état, on la recouvre d’une couche de seshime urushi. On passe ensuite une couche de shiriko sabi par-dessus afin d’oblitérer toute trace de tissus. Cette couche une fois séchée on la polit avec une pierre à repasser. Ceci fait, on pose une couche de tonoko sabi que l’on polit à son tour de la même manière. On applique ensuite une couche d’encre de Chine, et, avec une spatule, on étend une couche de yoshino urushi. Après avoir fait sécher, on polit à plusieurs reprises cette nouvelle couche avec de l’eau et du charbon de bois nommé koshiwo shinu. Cette opération se fait en prenant un peu de poudre de ce charbon avec les doigts et en polissant à la main. On recouvre ensuite le tout d’une couche de vernis ordinaire que l’on a soin de sécher sur le champ. Une fois sec on applique une couche de roiro urushi que l’on fait également sécher ; on polit ensuite à la main à plusieurs reprises avec du charbon de bois, puis avec de la corne de cerf pulvérisée.

[11] Toile de ramie ou ortie de Chine.

Cette description donnant au lecteur une idée du travail à accomplir pour laquer un objet, nous nous contenterons d’énumérer les diverses autres sortes de laques :

Hana nuri ; handa nuri ; shunkei nuri ; kaki awese nuri ; tame nuri ; seishitsu nuri ; ki uro nuri ; uru mi iro nuri.

Tsugaru nuri. Ce genre de laque est celui qui exige sans contredit le plus de soin dans sa préparation. On commence par découper soigneusement les emboîtements du bois au moyen d’un ciseau, puis on bouche les interstices au moyen de kokudzu, mélange de farine, de sciure de bois et de vernis brut. Pour les pièces cannées on consolide les joints au moyen d’une cheville. Ces emboîtements sont ensuite recouverts d’une couche d’un enduit se composant d’argile calcinée et de vernis brut étendu d’eau. On étend ensuite le linge, comme d’habitude, sur le bois avec un mélange de vernis brut et de farine ; cette opération se nomme nuno kise. On applique après cela un mélange de vernis brut et d’argile calcinée à la jonction des différents morceaux de toile, puis on étale une première couche de vernis sur le tout et on polit avec une pierre à repasser grossière. Cette première opération finie, on applique un nouveau mélange se composant d’argile carbonisée et de pierre à aiguiser pulvérisée en proportions égales ainsi que du vernis brut. Ceci a pour but de rendre la couche inférieure bien unie ; le tout est enfin poli avec une pierre à aiguiser plus fine, et, pour effacer les traces laissées par cette polissure, on dispose une couche de sabi urushi, c’est-à-dire du vernis brut, mêlé à de la pierre à aiguiser, pulvérisée, étendue d’eau. Cette nouvelle couche est également polie avec une pierre à repasser encore plus fine et qui porte le nom d’awoto. On met alors l’objet dans une armoire, hors des atteintes de la lumière, après l’avoir recouvert d’une couche de kuro me urushi. Enfin la polissure au charbon de bois vient terminer la liste de ces opérations minutieuses ; on possède alors un objet uni comme une glace, brillant et sans défaut.

Pour obtenir les marbrures, on procède de la manière suivante : on mêle le vernis appelé yoshino urushi, avec diverses matières colorantes et un blanc d’œuf destiné à donner plus de consistance au mélange, que l’on frappe avec une spatule très mince ; le vernis s’attachant en partie à la spatule produit des dépressions qui sont la base de marbrures. On applique ensuite une couche de vernis préparé comme il a été dit plus haut, puis on ajoute une couche de roiro urushi, destinée à séparer la précédente d’une nouvelle couche semblable que l’on étale avec une brosse. On pose après cela une couche de vernis d’une autre couleur, puis une de roiro urushi et enfin deux couches de vernis de couleurs différentes. On termine l’opération en faisant bien sécher le tout. Les objets ainsi séchés sont polis avec trois sortes de pierres à aiguiser de plus en plus fines, et finalement exposés au soleil pendant deux ou trois jours, ce qui rend la couleur plus vive et plus brillante. On continue en effaçant les traces de la précédente polissure au moyen d’une couche de vernis coloré ; on polit de nouveau ; puis on ajoute encore une couche de vernis et on polit avec une pierre nommée Nagurato. L’effet du soleil sur ces couleurs est de rehausser leur éclat. Quand tout est terminé on rend l’objet aussi uni et aussi net que possible en le couvrant d’un mélange d’huile et de pierre à aiguiser pulvérisée dont on imbibe un tampon en coton, et on frotte jusqu’à ce que l’objet commence à reluire. On prend alors de l’ouate imprégnée de vernis brut pour frictionner l’objet, puis on verse de l’huile dessus, on y jette de la corne de cerf pulvérisée et on essuie le tout avec du papier soyeux qui donne un brillant parfait.

Enfin il existe un dernier genre de laque, c’est le tsui koku nuri ; inutile d’en donner la description qui ressemble plus ou moins à toutes les autres, sauf que l’on grave des dessins après que l’on a mis plusieurs couches de vernis.

Dans toute cette description de la laque, nuri veut dire laque, laquer ; nuri mono un objet en laque ; urushi est le vernis tiré du rhus vernicifera, avec lequel on fait la laque.

Le triomphe de l’artiste japonais c’était autrefois la laque d’or. Que de merveilles ont été ainsi créées avec patience dans les âges passés ! Pour s’en rendre compte il faut aller au musée d’Uyéno à Tokio où sont rassemblées quelques-unes des plus belles pièces du Japon d’autrefois. Quelques anciens daïmios en possèdent aussi personnellement de fort jolis échantillons. Cette espèce particulière de laque qu’on ne trouve qu’au Japon se nomme Makiye.

Aujourd’hui certains artistes japonais ont essayé de reproduire en laque d’or des objets autres que les boîtes, tables et écrans que l’on faisait déjà au temps de Kwanmu Tennô (782-805 ap. J.-C.) ; mais les belles pièces coûtent fort cher, elles ne sont achetées que par la cour (90 pour 100 vont à l’Empereur), et données en cadeau. La laque d’or n’est pas une marchandise qui « paye », comme disent les Anglais ; aussi en voit-on peu. Les Japonais se bornent à une vague imitation bon marché à l’usage des Européens et du vulgaire.

IX. — Les éventails, les paravents, la sculpture sur bois et sur ivoire furent eux aussi importés de Chine, le cloisonné ou shippô également ; il n’atteignit jamais au Japon la solidité du cloisonné chinois, quoi qu’il fût plus élégant ; aujourd’hui Tokio et Yokohama fabriquent beaucoup le cloisonné pour l’exportation, mais bien peu de pièces se conservent sans se détériorer.

L’ivoire, par contre, a été de tout temps travaillé par les Japonais avec une adresse et un art qui ont dépassé ceux de leurs maîtres chinois. Les netsuke, dont raffolent les amateurs de japonisme, offrent des formes innombrables et représentent des scènes et des personnages variés à l’infini. Les artistes modernes n’ont d’ailleurs, pas dégénéré, et l’on découvre encore aujourd’hui de véritables merveilles parmi les nombreux ivoires exposés dans les magasins de Yokohama.

X. — Tout l’art japonais est venu de Chine, et partout, dans les divers objets fabriqués en bronze, en laque, en kakémono, nous retrouvons les légendes chinoises et le vieux fond chinois. Il est, toutefois, bien évident que le Japonais a grandement amélioré l’art primitif du Chinois ; il l’a affiné, et la facture en est plus élégante et plus gracieuse ; mais, en somme, il faut bien avouer que l’engouement que l’on a en Europe et en Amérique pour l’art japonais est un pur snobisme. Un Européen, qui est resté quinze et vingt ans, au Japon peut finir par goûter l’art très spécial du pays ; mais qu’il revienne en Europe et qu’il se trouve devant les merveilles de l’art français, italien, espagnol, flamand, ou anglais ; qu’il reprenne contact avec la noblesse et la grandeur des œuvres élaborées par le génie occidental depuis les anciens Grecs jusqu’à l’époque chrétienne, aux temps de la Renaissance et à notre époque contemporaine, et il oubliera vite vases de bronze encerclés de dragons, brûle-parfums de Satsuma et netsuké d’ivoire ! L’art japonais n’a pas d’envolée : c’est un art de détails délicats, souvent fort jolis, et dénotant un travail considérable ; ce n’est pas un art de grande envergure.

CHAPITRE XIII

I. L’industrie nouvelle. — II. Sociétés industrielles actuellement existantes. — III. Divers genres d’entreprises. — IV. Principaux districts de tissage. — V. L’industrie céramique, la laque, les allumettes. — VI. Les cuirs. — VII. Les conserves alimentaires ; le papier, etc. — VIII. Manufactures d’État. — IX. Concurrence japonaise ; emploi des capitaux européens dans le pays. — X. Gages et salaires. — XI. Esquisse rétrospective.

I. — Après avoir exposé ce qu’était l’industrie dans le Japon ancien, je vais essayer de donner un aperçu des industries du Japon actuel, du Japon transformé. Les publications officielles pour l’année 1908-09, fournissent les éléments statistiques, à l’aide desquels on peut se faire une idée du développement industriel du Japon, conçu suivant les idées modernes.

La plupart des industries nouvelles, qui se sont installées sous le nouveau régime, ont débuté sous les auspices du Gouvernement : dévidage ; filature de coton et de soie ; construction de bateaux ; fabrication du ciment, du verre, des allumettes chimiques, du gaz, de la brique ; métiers à tisser et quelques autres industries, sont toutes dues à l’initiative officielle. Entre 1880, année où l’on mit en vente les propriétés de l’État, et 1893, lorsque la filature de Tomioka fut cédée à la Compagnie Mitsui, presque toutes les manufactures de l’État passèrent dans les mains des particuliers. Aujourd’hui, en dehors de quelques industries spéciales qui, par suite de considérations financières, sont dirigées par l’État sous forme de monopoles, et des manufactures militaires, l’État n’a plus en main que la Monnaie et une imprimerie.

II. — Comme je l’ai déjà dit précédemment, l’agriculture est la fortune principale du Japon ; l’industrie n’y est encore qu’à ses débuts, et elle n’est pas en état, malgré toutes les belles publications mises sous les yeux du public, en français, en anglais et en allemand, de lutter contre l’industrie d’Europe. Ce qui lui manque le plus ce sont les capitaux.

Les sociétés industrielles qui existaient en 1906, avec un capital versé d’au moins 500.000 yen, étaient les suivantes :

Filatures de coton
38
Mines et métallurgies
54
Lampes électriques
89
Constructions de navires
16
Puits à pétrole
37
Fabriques de papier
45
Gaz
8
Mines de charbon
32
Filatures autres que le coton
7
Raffineries de sucre
8
Soie écrue
263
Sake (alcool de riz)
225
Ciment
17
Bière
5
Cordes et filets
13
Produits chimiques
11
Engrais
44
Tissus de laine
11
Cuirs
13
Vinaigre, shoyu et miso
120
Imprimeries et fonderies de caractères
100
Tissus de soie
53
Briques et tuiles
45
Huiles
24
Nettoyage de grains
107
Manufactures de cuivre et de fer
28
Matériel roulant
3
Fils de lin et de chanvre
2
Sel
29
Scieries
50
Machines à tricoter
17
Tissus de coton
85
Glace (à boire)
19
Autres tissus
50
Coke
8
Teintureries et blanchisseries
32
Moulins
21
Allumettes
40
Porcelaines et faïences
31

Les industries énumérées ci-dessus ne se sont installées, pour la plupart, qu’après la révision des traités qui ouvraient tout le pays au commerce étranger (1899). Celles qui existaient auparavant sont : les raffineries de sucre, les manufactures de soie écrue, de sake et de shoyu, et différentes sortes de tissages (excepté les tissages de laine), les manufactures de papier et d’objets en papier, les tanneries, les fabriques de tuiles, les teintureries, les manufactures de tabac, les raffineries de sel, les fabriques d’huile, de porcelaines, les mines et carrières.

Le capital effectivement engagé dans ces différentes entreprises, c’est-à-dire le capital versé, était au chiffre de 131.314.000 yen, soit 334.850.700 francs.

Le nombre total des manufactures au 31 décembre 1906 était de 10.361, dont 5.705 ne disposaient que du travail fourni par les ouvriers et 4.656 marchaient à la vapeur.

La totalité des ouvriers employés était à cette époque de 611.521 individus, dont 242.288 hommes et 369.233 femmes.

III. — Les différents genres d’entreprises étaient ainsi répartis :

Entreprises. A vapeur. A main. Ouvriers par jour.
Textiles :
Filatures
2.237
390
150.626
Dévidage
199
45
86.030
Tissage
304
2.300
84.315
Mise en tresses
33
84
4.076
Mécaniques :
Fabrication de machines
221
34
24.543
Construction de navires
25
29
19.535
Outils divers
153
115
11.751
Fonderies
47
62
3.148
Chimiques :
Céramique
89
474
20.332
Gaz
7
»
432
Fabrique de papier
49
43
6.255
Teinturerie
43
138
5.739
Cuirs
11
14
573
Explosifs
62
201
22.328
Engrais
20
2
1.564
Droguerie
45
39
3.040
Divers
49
40
2.442
Alimentaires :
Brasseries
82
654
16.223
Raffineries de sucre
5
4
1.320
Manufactures de tabac
152
62
23.750
Manufactures de thé
19
13
1.270
Limonade, glace, eaux minérales
10
»
200
Nettoyage de grains et farine
132
6
2.670
Confection
14
23
913
Ferblanterie
21
16
943
Divers
19
78
1.971
Non classées :
Imprimerie
145
128
12.207
Objets en papier
14
69
2.582
Objets en bois et bambou
137
142
9.199
Objets en cuir
5
14
1.031
Objets en plumes
5
21
2.282
Roseaux et pailles tressées
1
110
13.589
Tailleurs de pierre
4
5
366
Objets de laque
1
16
322
Divers
40
188
8.597
Spécialités :
Électricité
26
2
976
Métallurgie
154
125
58.611
Charbon
79
21
6.422

IV. — Les principaux districts de tissage sont les ken ou préfectures de :

Aichi, Chiba, Ehime, Fukui, Fukuoka, Fukushima, Gifu, Gumma, Hiroshima, Hiogo, Ishikawa, Kioto, Miye, Nara, Niigata, Okayama, Osaka, Saitama, Shiga, Shidzuoka, Tochigi, Tokushima, Tokio, Toyama, Wakayama, Yamagata, Yamaguchi, Yamanashi.

Les fabriques les plus importantes pour la production du coton sont celles de :

Saitama qui en fournissent pour
5.766.000
yen.
Aichi
— 
12.226.000
— 
Ehime
— 
7.241.000
— 
Miye
— 
5.700.000
— 
Tochigi
— 
5.094.000
— 

Celles qui produisent le plus de soie sont celles de :

Fukushima qui en fournissent pour
4.987.000
yen.
Fukui
— 
21.397.000
— 
Kioto
— 
14.629.000
— 
Ishikawa
— 
12.082.000
— 
Gumma
— 
9.532.000
— 
Tokio
— 
5.111.000
— 
Niigata
— 
4.854.000
— 

Les tissus soie et coton sortent principalement des fabriques de :

Saitama qui en fournissent pour
979.000
yen.
Kioto
— 
6.888.000
— 
Tochigi
— 
3.563.000
— 
Gumma
— 
3.517.000
— 
Aichi
— 
1.741.000
— 
Gifu
— 
1.118.000
— 

La toile et le drap ne figurent que pour un chiffre assez faible ; seules, les fabriques de Shiga en fournissent pour 1.399.000 yen (chanvre) et celles de Wakayama pour 1.081.000 yen (laine). Yamanashi ne produit pas de chanvre, mais, en revanche, produit pour 4.330.000 yen de tissus de laine ; c’est le seul district où le tissage de la laine ait pris une certaine importance.

En dix ans, depuis 1896 jusqu’au 31 décembre 1906, voici la valeur de la production des différents tissus, soie, soie et coton, coton, chanvre, laine ; on verra que la progression est constante, sauf pendant les années 1903 et 1904, au moment de la guerre contre la Russie (en yen) :

Années.
Soie.
Soie et coton.
Coton.
Chanvre.
Laine.
1896
46.361.000
10.281.000
37.053.000
1.965.000
»
1897
62.663.000
11.727.000
42.032.000
2.903.000
»
1898
73.045.000
16.216.000
47.996.000
2.967.000
»
1899
84.147.000
18.546.000
45.577.000
3.161.000
3.384.000
1900
74.578.000
20.275.000
57.745.000
2.851.000
5.034.000
1901
70.061.000
12.180.000
45.607.000
2.775.000
5.083.000
1902
60.904.000
20.538.000
53.030.000
2.420.000
4.040.000
1903
36.710.000
13.459.000
45.915.000
2.134.000
4.280.000
1904
45.503.000
9.933.000
50.651.000
2.044.000
6.760.000
1905
60.384.000
15.371.000
72.844.000
3.528.000
10.047.000
1906
93.606.000
20.253.000
86.474.000
3.390.000
6.630.000

V. — L’industrie céramique a passé de 5.063.000 yen en 1897 à 13.385.000 yen en 1906, avec un chiffre d’exportation de 7.942.000 yen, soit 20.252.100 francs ; ces produits, à part quelques pièces remarquables, sont généralement ceux que nous voyons dans les magasins de japonaiseries du monde entier, où l’on vend, à l’amateur qui n’y connaît rien, des Kaga et des Imari de fraîche date comme très anciens et que l’on fait payer très cher. Les principaux centres de cette industrie sont Aichi, Fukushima, Gifu, Ishikawa, Kanagawa, Kioto, Saga, Ehime, Hiogo, Miye, Nagasaki.

Il en est de même pour la production et l’exportation de la laque. On ne fabrique plus aujourd’hui de belles pièces, des pièces uniques comme aux temps anciens, alors que la fabrication et ses secrets étaient la propriété de quelques familles, dont, souvent, un des membres commençait un travail qui était achevé par un autre, parce que ce travail demandait trente ou quarante ans de patience et de labeur. Les échantillons de laque, même ceux de laque d’or, que nous voyons actuellement, sont tout à fait inférieurs ; c’est du travail pour l’exportation. En 1906 il fut exporté pour 1.721.000 yen d’objets laqués sur une production totale de 6.809.000 yen. Ishikawa, Fukushima, Shidzuoka, Wakayama sont les districts où l’on occupe le plus d’ouvriers à ce genre d’industrie.

Les allumettes genre suédois, sans soufre ni phosphore, sont vite devenues une spécialité japonaise. L’Extrême-Orient tout entier, sauf l’Indo-Chine française, est tributaire du Japon pour ce genre de produit. Depuis les Indes, la Birmanie, le Siam, jusqu’à la Chine, la Corée et la Mandchourie, la boîte d’allumettes japonaises se trouve partout, même dans les provinces éloignées de la Chine occidentale, comme le Yunnan et le Kan Sou. Et elles sont d’un bon marché tel, qu’on se demande comment le fabricant y trouve un bénéfice. On ne le comprend que lorsqu’on est au courant des salaires de famine octroyés aux ouvrières japonaises, généralement des fillettes, qui confectionnent les boîtes. Ces dernières sont faites d’une façon très intelligente. Ainsi, celles qui sont exportées en Chine sont revêtues d’une étiquette jaune, sur laquelle un dragon ou un phénix fait des contorsions ; des deux côtés, se trouve le nom de la fabrique en caractères chinois ; souvent, au lieu du dragon, on représente des enfants chinois, des cérémonies chinoises, un personnage chinois célèbre dans les annales. Pour les Indes, la Birmanie et le Siam, il en est de même ; chaque boîte d’allumettes porte une vignette rappelant quelque chose du pays, et toujours le nom de la maison y est inscrit en la langue du pays. Dans notre Indo-Chine on a établi, pour imiter la métropole, un monopole des allumettes ; ainsi on paye à Hanoï deux sous ce qui à Bangkok, Rangoon, Bombay ou Shanghaï se vend un centime. De 24.038.000 grosses en 1897, la production est passée à 54.802.000 grosses en 1906, et de ce nombre il a été exporté 38.618.000 grosses pour une valeur de 10.915.000 yen, soit 27.833.250 francs.

VI. — Une des industries, où les Japonais ont également réussi, est l’industrie du cuir ; ils arrivent à produire, et meilleur marché qu’en Europe, toute espèce de cuirs : sellerie, chaussures, malles, sacs, enfin toute la série des objets en cuir que l’on fabrique en Europe ; mais, ici encore, l’infériorité est palpable, cela n’a rien du solide et du résistant de la facture européenne. C’est comme disent les Allemands, billig aber schlecht : bon marché mais mauvais.

Ce qui offre le plus d’intérêt est le papier-cuir, que les Japonais font en imitation de celui de Cordoue ; dans cet ordre de fabrication, ils ont bien réussi, et l’on peut voir de magnifiques papiers cuirs, ornés de dessins originaux et gracieux sortis des manufactures de l’Insatsukioku (imprimerie et papeterie de l’État). De 2.522.472 yen en 1900 la production du cuir est montée en 1906 à 10.882.984 yen ; cet article est tout entier consommé au Japon et n’est pas exporté. Les principaux centres de production sont : Hiogo, Nara, Osaka, Tokio, Wakayama, mais surtout Osaka et Hiogo ; on se sert des peaux de vaches et de veaux, et aussi des peaux de chevaux ; en 1906 il avait été employé 7.481 peaux de vaches et de veaux dans les cinq villes ci-dessus désignées et 2.770 peaux de chevaux.

VII. — Le Japon a voulu aussi faire des conserves ; il s’est essayé, d’abord, avec le lait et les sardines ; or, étant donné que les vaches japonaises ont un lait très rare et très faible, le résultat est fort médiocre ; et, d’un autre côte, comme je l’ai déjà indiqué, le Japon ne produisant pas la qualité d’huile voulue pour conserver la sardine, le produit livré sous le nom de « sardines à l’huile » est détestable. Les Japonais ont aussi voulu faire des conserves de bœuf et de fruits ; mais il n’y a aucune chance que ces préparations fassent jamais concurrence au fameux « corned beef » de Chicago, et aux fruits en boîtes de Californie ou d’Australie. Tout ce qu’ils fabriquent en ce genre, d’ailleurs, est consommé sur place ou exporté en Chine.

Le Japon est un gros producteur de papier ; cet article est d’un usage très courant au Japon pour toutes sortes de choses, et le papier japonais, d’ailleurs, est très commode pour servir de serviettes, de mouchoirs, de nappes ; un Japonais ou une Japonaise porte toujours, sur soi, un épais paquet de feuilles souples et blanches. Aussi, dès les temps anciens, dès que la fabrication du papier fut connue par l’intermédiaire des Chinois, on fabriqua du papier au Japon. Pour ne citer que quelques chiffres récents, la production de papier japonais, qui était de 12.261.000 yen en 1897, est passée en 1906 à 15.480.000 yen. Elle n’a donc pas varié beaucoup ; mais ce qui a varié, en augmentant, c’est la production du papier européen, dont les Japonais se servent, aujourd’hui, pour tous les documents officiels, rapports, livres, journaux, et dont les écoles font une consommation de plus en plus grande. D’abord il est meilleur marché que le papier japonais, et, ensuite, il est plus commode pour écrire ; les étudiants qui font des mathématiques, des sciences physiques et naturelles, de la médecine, etc., ne pouvaient pas se servir de papier japonais. Aussi, d’une production évaluée à 2.901.000 yen en 1897, on est arrivé en 1906 à 14.157.000 yen.

Les principales manufactures de papier européen sont : l’Insatsu kioku ou papeterie impériale ; les fabriques de Oji, près Tokio ; de Fuji Seishi ; de Yokkaichi ; de la Compagnie Mitsubishi ; de Itagami (Tokio) ; de Nishimari Seishi ; de Senju Seishi ; de Kiushu Seishi.

L’indigo provient de Tokushima et a donné en 1907 une valeur de 1.702.000 yen.

La menthe (pippermint) vient surtout de Kanagawa et de Hiogo ; on en a fabriqué à Kanagawa pour 245.000 yen ; à Hiogo pour 197.869 yen en 1906.

Outre les diverses industries énumérées ci-dessus, il a été fabriqué pour 2.171.000 yen d’objets en bambou ; 1.581.000 yen d’éventails ; 6.111.000 yen de ciment ; 1.042.000 yen de chapeaux de feutre ; 2.764.000 yen de savons. Tous ces produits, à part ceux qui sont essentiellement japonais, comme les objets en bambou et les éventails, sont de très mauvaise qualité.

VIII. — Le Gouvernement japonais dirige, et fait marcher, différentes fabriques et arsenaux ; il n’est pas sans intérêt d’en donner ici la liste :

Une imprimerie avec 4 machines ;

Une fonderie de caractères avec 2 machines ;

Une fabrique de papier avec 21 machines ;

Un atelier de monnaie avec 17 machines ;

Des manufactures de tabac avec 52 machines et 17.000 employés ;

L’arsenal de Tokio avec 207 machines et 23.000 ouvriers ;

L’arsenal d’Osaka avec 426 machines et 28.000 ouvriers ;

La fabrique de laines de Senju avec 15 machines ;

L’arsenal de Yokosuka avec 36 machines et 3.000 ouvriers ;

L’arsenal de Kure avec 109 machines et plus de 10.000 ouvriers ;

L’arsenal de Sasebo avec 30 machines et 1.500 ouvriers ;

L’arsenal de Maidzuru avec 14 machines et 1.200 ouvriers ;

La poudrerie de Shimose ; le dock de Takeshiki ; le dock de Ominato ; le dock de Bako ; des aciéries occupant 30.000 ouvriers avec 28 machines ; les ateliers des chemins de fer de Shimbashi, d’Omiya, de Kobé et d’Iwamigawa, lesquels occupent en bloc 2.000 ouvriers.

IX. — Comme industrie acquise de l’étranger, celle du coton a été la plus vite brillante au Japon, et aujourd’hui l’importation des cotonnades dans ce pays a baissé dans des proportions formidables ; ainsi en 1887 l’Europe importait dans les îles japonaises 24.630.000 livres de filés de coton ; en 1906 elle n’en importe plus que pour 5.652.000 livres. Aujourd’hui le Japon inonde la Chine de ses produits de coton sous toutes les formes, et tellement bon marché qu’il est impossible à l’Europe, même à l’Allemagne, de lutter. J’ai acheté, dans les ports du Yangtseu, Kiukiang, Hankow, Ichang, des chaussettes japonaises à cinq sous la paire ; des essuie-mains japonais, genre essuie-mains éponge, à deux sous la pièce ! Il est vrai que, lorsqu’on connaît les salaires de famine des fabriques japonaises, on est moins étonné. Toute cette imitation japonaise est d’ailleurs exécrable ; mais pour le Chinois, qui n’a pas le moyen d’acheter cher, c’est précisément ce qu’il faut.

Une des grosses questions qu’agitent les économistes européens est celle de savoir si le Japon va devenir un concurrent sérieux au point de vue industriel. Il y a eu, et il y a encore à ce sujet, de longues dissertations dans les journaux et revues les plus autorisés d’Europe et d’Amérique, et « Hippocrate dit oui si Gallien dit non. » Personnellement je ne crois pas que nous devions nous effrayer, du moins pendant bien longtemps, du péril jaune industriel. L’industrie est encore dans l’enfance au Japon, et la machine n’a pas encore suppléé partout à la main-d’œuvre humaine ; au contraire, cette dernière est la plus répandue. A part les manufactures de coton, qui sont pourtant encore bien loin d’égaler celles d’Europe, les autres industries sont restées, à beaucoup de points de vue, ce qu’elles étaient autrefois. Et puis l’argent manque, les capitaux sont rares dans le pays. Le Japon essaye de les attirer, et il fait beaucoup de propagande en lançant des publications sur les industries, le commerce, les finances de l’Empire. Beaucoup de ces publications sont en anglais, en français, en allemand afin de donner plus de facilités au lecteur.

En réalité, la situation industrielle et financière de l’Empire japonais est loin d’être ce qu’elle peut paraître à la lecture de ces documents mensuels et hebdomadaires, publiés par les banques, les sociétés industrielles et commerciales. Le Japon fait de grands efforts, efforts qu’on ne peut qu’admirer, mais il lui faudra, nécessairement, du temps encore pour atteindre à la haute et brillante situation à laquelle il aspire.

Quant à envoyer des capitaux étrangers dans des affaires japonaises, ce n’est peut être pas encore le moment : nous devons reconnaître que le Gouvernement impérial facilite et attire ce genre de placements, mais les populations ne sont pas encore assez éclairées dans certaines parties des provinces.

A Osaka un de nos compatriotes a installé une fabrique de brosses qui semblait devoir prospérer, mais qui, si j’en crois les dernières nouvelles, a rencontré les plus grandes difficultés.

Un autre de nos compatriotes s’était, pour une autre affaire, associé à un vieux résident français, ingénieur civil, et avait apporté des capitaux pour les placer au Japon. Ces deux Français avaient obtenu l’exploitation d’une immense forêt dans le Sud, à Kiushiu, et ils avaient fait venir des machines, installé des maisons, des hangars, des magasins ; des ouvriers et contre-maîtres français aient été engagés, enfin tout marchait à souhait et semblait devoir prospérer ; deux hauts personnages européens s’étaient intéressés à l’affaire et y avaient placé quelques fonds. Une Compagnie s’était formée et il n’y avait plus qu’à se mettre en train. Les premiers résultats s’annoncèrent satisfaisants, lorsque le 8 juin 1908, une foule japonaise de quinze cent à deux mille hommes envahit les chantiers, démolit les machines, mit le feu aux maisons, enfin détruisit tout ; évidemment, dans cette affaire on ne peut guère rendre responsable des dégâts que l’ignorance de la foule encore mal instruite et peu éclairée ; les autorités du pays sont les premières à réprouver ces actes et à en souffrir ; il n’en est pas moins vrai que l’affaire est ruinée et les capitaux perdus.

IX. — Quoique le Japon se soit assimilé très rapidement les industries européennes, et fasse, dans cette direction, de grands progrès tous les jours, je ne crois pas néanmoins, ainsi que je l’ai déjà remarqué précédemment, que l’Occident ait encore à craindre d’ici longtemps une concurrence sérieuse. D’ailleurs, il faut bien songer à ceci, c’est que le Japon ne saurait se mettre, dès à présent, sur le même rang que les pays manufacturiers d’Europe pour le fini et la solidité de ses produits ; et la preuve en est que, pour les constructions qui lui tiennent surtout à cœur, et où il veut avoir du solide, comme par exemple pour les bâtiments de guerre, il fait venir d’Europe et d’Amérique les aciers et les pièces principales.

Où il fera à l’Europe une grande concurrence (il la fait déjà d’ailleurs), c’est en Chine avec ses cotonnades ; il est évident que ni Manchester ni Bombay n’arriveront à fournir aussi bon marché au Chinois ce dont celui-ci a besoin. Il va sans dire que nous n’en sommes pas encore arrivés au moment où le Japon aura le monopole du commerce cotonnier en Chine ; mais il a déjà commencé par évincer sérieusement les produits anglais de la Mandchourie, et il est connu que le marché de Shanghaï, après la campagne, a beaucoup souffert de la concurrence des tissus et des filés japonais, et nombre de maisons européennes se sont trouvées dans une situation difficile.

C’est, pour le moment, de ce côté que se tournent les efforts des industriels et des commerçants japonais.

L’industrie métallurgique aura aussi son tour, son heure, sans nul doute, mais, pour le moment, elle n’est encore qu’à l’aurore de son existence. Pour arriver à atteindre le développement colossal que l’industrie des métaux a acquis en Europe et aux États-Unis, il faut du temps et de l’argent.

Il n’y a, au reste, qu’à consulter les chiffres pour se rendre compte que le Japon est bien en arrière de tous les pays producteurs de métal ; ainsi la fabrique de Wakamatsu, dirigée par le Gouvernement, produit quelques centaines de mille tonnes de fonte, alors que la France, qui en produit le moins parmi les grands états industriels, en produit encore 4.000.000 de tonnes et que l’Allemagne seule, sans vouloir mettre en ligne l’Angleterre et les États-Unis, en produit environ 12.000.000 de tonnes. Il y a donc encore de la marge.

X. — Voici un tableau des salaires moyens de chaque catégorie d’ouvriers :

Par jour.
Yen.
Sen.
Charpentiers
0,
60
Plâtriers
0,
60
Tailleurs de pierre
0,
66
Scieurs
0,
59
Couvreurs en bardeaux, en chaumes
0,
57
 — en tuiles
0,
65
Ouvriers qui briquettent le mur
0,
75
Briquetiers
0,
55
Nattiers
0,
51
Ouvriers en paravents, écrans, etc.
0,
55
Colleurs de papiers
0,
56
Menuisiers
0,
55
Tonneliers
0,
45
Sabotiers, galochiers
0,
42
Cordonniers et bottiers
0,
57
Selliers, bourreliers
0,
62
Charrons
0,
51
Tailleurs de vêtements japonais
0,
47
 — européens
0,
64
Fabricants de tabatières, blagues, bourses, portefeuilles, etc.
0,
57
Teinturiers
0,
32
Batteurs de coton
0,
41
Forgerons
0,
55
Joailliers, bijoutiers
0,
52
Fabricants d’ustensiles métalliques
0,
53
Fabricants de poteries
0,
46
Fabricants d’objets laqués
0,
49
Récolteurs de vernis
0,
38
Presseurs d’huile
0,
42
Fabricants de papier
0,
32
Coupeurs de tabac
0,
54
Compositeurs d’imprimerie
0,
42
Imprimeurs
0,
38
Charpentiers pour navires
0,
64
Jardiniers
0,
55
Journaliers agricoles, hommes
0,
32
 — femmes
0,
20
Éleveurs de vers à soie, hommes
0,
29
 — femmes
0,
23
Fabricants de tissus, hommes
0,
34
 — femmes
0,
18
Fileuses de soie
0,
22
Confituriers
0,
34
Pêcheurs
0,
42
Blanchisseurs de riz
0,
32
Journaliers
0,
43
Par mois.
Yen.
Sen.
Fabricants de saké
10,
37
 — shoyu.
7,
16
Domestiques
3,
22
Servantes
1,
79
Par an.
Yen.
Sen.
Ouvriers agricoles, hommes
37,
54
 — femmes
20,
13

Le yen valant 2 fr. 55, un ouvrier agricole homme se paye par an 95 fr. 72, et une femme 51 fr. 33. Étant donné ces salaires, la lourdeur des impôts, les dépenses militaires hors de proportions avec les ressources financières du pays, on ne peut être étonné de la misère qui règne au Japon.

XI. — L’encouragement donné et la protection accordée aux entreprises industrielles et aux établissements manufacturiers ne datent pas d’aujourd’hui.

Déjà, avant la restauration impériale, les trois Daïmios de Satsuma, Mito et Saga avaient établi, en l’ère de Kayei (1848-1853), un arsenal de style européen, et commencé à fondre des canons. Le Daïmio de Satsuma, s’inspirant de la fabrication hollandaise, avait également monté une fabrique de porcelaine, et en 1861, il avait même fait venir d’Angleterre des machines pour filatures. Le Daïmio de Mito, de son côté, avait installé à Ishikawajima (île à l’embouchure du Sumida, dans la baie de Tokio) un chantier pour la construction des navires ; les Shôgun Tokugawa, pendant l’ère de Ansei (1854-1859), firent également installer un chantier semblable à Akuura (Hizen), et un autre aussi à Yokosuka (Sagami) ; mais ce dernier ne fut achevé qu’après la restauration impériale ; il fut d’ailleurs cédé au département de la Marine et il est devenu l’un des principaux ateliers de construction et de réparation de la marine de guerre japonaise. C’est la Compagnie Mitsubishi qui, en 1884, a pris possession des chantiers de Hizen, qu’elle détient encore aujourd’hui, et qui sont connus sous le nom de Chantiers de constructions navales de Nagasaki.

Le mouvement, dessiné par les princes feudataires et les Shôgun, fut continué par le gouvernement impérial ; une filature de soie, montée d’après les principes modernes, fut installée à Tomioka en 1872 sous la direction de M. Brunat, un de nos compatriotes, aidé de contremaîtres et d’ouvriers français ; puis, en 1877, une autre filature pour les déchets fut ouverte à Shinmachi. Une filature de lainages s’ouvrit peu après à Senji, faubourg de Tokio, pour le compte du Gouvernement, et, dix ans après cet exemple officiel, des fabriques de lainages en sociétés privées s’édifiaient sur divers points du territoire.

En 1881 et 1883, dans les districts de Aichi et de Hiroshima, le Gouvernement fit venir d’Angleterre des machines à filer le coton ; puis le tissage du chanvre commença à se développer au Hokkaido (Yézo) où le Gouvernement installa des contremaîtres et ouvriers venus de Lille.

En 1875, une fabrique de ciment fut montée à Fukagawa (faubourg de Tokio), et, en 1876, la première verrerie fit son apparition à Shinagawa (autre faubourg de Tokio).

Cependant, autour de ces différents établissements, édifiés et dirigés aux frais de l’État, d’autres établissements privés avaient pris naissance, dirigés par des sociétés et des compagnies. Quand l’essor fut ainsi donné, le Gouvernement impérial se débarrassa peu à peu de tous ces travaux, et vendit toutes ses usines, ne se réservant que la manufacture de draps de Senji où il fabrique les draps pour la troupe.

Quand on voit en combien peu d’années le Japon est arrivé au degré d’activité industrielle qu’il déploie aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de reconnaître son extrême aptitude à l’imitation, son acharnement au travail, et, bien que tout ce qu’il produise d’articles européens soit très inférieur à ce qui se fait en Europe même, il faut lui reconnaître une grande habileté et une grande réserve de patience.

Pour pouvoir marcher sans l’aide des Européens, il fallait avoir un personnel d’ingénieurs suffisamment instruits et éclairés. C’est ce que le Gouvernement impérial comprit de suite, et, dès 1871, il créa le collège supérieur des ingénieurs (Kô bu dai gakkô), sous la direction de professeurs anglais (aujourd’hui ce collège est rattaché à l’Université de Tokio).

On y enseignait la mécanique, la construction des bateaux, la science de l’électricité, l’architecture, la chimie, toute science en général nécessaire à la profession d’ingénieur, soit ingénieur civil, soit ingénieur des mines ou électricien. Il sortit de ces établissements des jeunes gens très instruits, dont les mieux notés allaient faire un complément d’études en France, en Angleterre, en Allemagne ou aux États-Unis.

En 1881 fut créée l’École polytechnique de Tokio, où l’on enseigna la peinture, le tissage, la céramique, etc. ; des écoles semblables furent ouvertes un peu partout par les autorités provinciales, de sorte qu’aujourd’hui, à Tokio, à Kioto, à Osaka on compte trois écoles supérieures d’ingénieurs, et dans les provinces, on trouve plus de 1.200 écoles techniques. A l’heure actuelle, à part quelques rares exceptions, les instructeurs européens ont disparu.

A ces renseignements sur l’industrie japonaise, j’ajouterai que le Gouvernement japonais a édicté des lois et règlements sur les brevets et les marques de fabrique ; mais c’est une chose qui n’est pas bien entrée dans les mœurs du pays, et les marques de fabrique sont encore aujourd’hui aussi outrageusement que maladroitement imitées.

CHAPITRE XIV

I. Commerce du Japon avec l’étranger : habutai, kaiki, soieries. — II. Exportation du thé. — III. Exportation du riz. — IV. Charbon japonais. — V. Cuivre. — VI. Camphre, nattes, sake, cigarettes. — VII. Coton. — VIII. Importation : coton brut, lainages ; mousselines de laine ; la situation de la France relativement à l’importation de ce dernier article ; riz d’Indo-Chine ; métaux ; machines. — IX. Importation française. — X. Le commerçant japonais. — XI. Entrées et sorties pour les ports principaux. — XII. Marine marchande japonaise à vapeur. — XIII. Bateaux français. — XIV. Tarif douanier.

I. — Le commerce du Japon avec l’étranger consiste surtout en exportations de soies ; soies grèges qui sont dirigées vers les États-Unis, la France et l’Italie ; déchets de soie qui ne sont guère achetés que par la France ; habutai qui vont en France, aux États-Unis, en Angleterre, aux Indes anglaises, en Australie ; pongés glacés ou kaiki achetés par les États-Unis, et, enfin, mouchoirs de soie qui vont aux États-Unis et en Angleterre.

L’habutai ou pongé est fabriqué principalement dans six provinces du Japon qui sont généralement des lieux de production de la soie.

Echizen, dont la capitale est Fukui, est le centre du commerce et le lieu d’inspection des tissus après les opérations du décreusage.

En raison de l’importance des transactions, et du peu de confiance qu’il est possible d’accorder aux marchands intermédiaires, surtout au point de vue des contrats, qu’ils acceptent, et dont ils n’effectuent pas livraison, si les cours leur deviennent défavorables ; un certain nombre de maisons européennes ont leurs propres installations à Fukui et procèdent par elles aux achats. Les tissus sont offerts dans les ventes à l’encan ayant lieu journellement, et, dans plusieurs parties de la ville, ils deviennent, naturellement, la propriété du plus offrant ; les cours subissent des variations fréquentes, reflétant d’ailleurs assez facilement le rapport entre l’offre et la demande.

Le nombre des métiers, existant à Fukui et dans les faubourgs, était à la fin de décembre 1904, de 19.959, et la production, du 1er juillet 1904 au 30 juin 1905, a été d’environ 1.200.000 pièces, soit une moyenne de 60 pièces par métier pour une période de douze mois.

On peut dire, qu’au moment de la saison, 4.000 ou 5.000 pièces arrivent chaque jour sur le marché, et, grâce aux organisations spéciales des banques locales, consentant des avances généreuses sur les tissus fabriqués qui leur sont remis en nantissement, les paiements peuvent être effectués au comptant et pour ainsi dire à l’instant même où la marchandise passe en d’autres mains. Des organisations analogues existent aussi dans les autres provinces.

Le district de Kaga, dont la capitale est Kanazawa, ville importante comptant plus de 200.000 habitants, ne fabrique que les qualités légères, et plus de la moitié de sa production est destinée aux États-Unis d’Amérique, qui, en raison du prix élevé des douanes, recherchent plus spécialement des tissus légers.

Les pièces les mieux fabriquées atteignent des prix très élevés, comparativement aux autres, en raison de ces achats pour le compte de l’Amérique, où les tissus de qualité ordinaire ne trouvent qu’un faible écoulement. On comprend donc que les tisseurs apportent tous leurs soins à maintenir et améliorer leur fabrication qui, d’une façon générale, est soignée.

La province de Kaga compte 14.500 métiers et la production a été, de 1904 à 1905, de 750.000 pièces.

Toyama, dans la province d’Etchu, est un centre de fabrication de moyenne importance ; on y compte 5.500 métiers avec une production annuelle de 150.000 pièces ;

Uzen, 1.200 métiers ; production annuelle 42.000 pièces.

Les tissus fabriqués dans la province de Kawamata s’étaient acquis, dans ces dernières années, une mauvaise réputation par le fait de la charge que l’on faisait, dans la plupart des cas, subir aux pièces après décreusage. Pour atteindre ce but, on les laissait séjourner dans un bain à base de magnésie, l’augmentation de poids variant, en rapport direct, avec la durée de l’opération. C’est ainsi que l’on arrivait à charger les tissus jusqu’à 40 pour 100 en plus de leur poids de soie pure.

Il est nécessaire d’ajouter que ce traitement ne donnait aucune qualité aux étoffes, en altérait au contraire complètement le brillant et n’avait d’autre but que de tromper l’acheteur. De pareils procédés ne devaient pas tarder à nuire au commerce de cette région ; aussi sa production arriva-t-elle à être tellement délaissée que, se rendant compte de la gravité de la situation, le Gouvernement provincial décréta, en novembre 1904, qu’à dater du 1er avril 1905, aucune pièce ne serait vendue autrement que pure. Des mesures sévères ayant été adoptées, les nouveaux règlements sont maintenant correctement observés.

La province de Kawamata compte 5.300 métiers avec une production relativement importante de 260.000 pièces.

Joshu fut le berceau de l’habutai ; c’est là, en effet, que quelques pièces d’un article similaire, fabriqué en Chine, furent, pour la première fois, imitées au Japon, il y a environ vingt-cinq ans, et les autres provinces, en présence de la demande, s’emparant peu à peu des procédés de leurs voisins, et les modifiant, suivant leurs capacités, arrivèrent à créer cette industrie considérable.

Le Joshu est, en même temps, un centre très important pour la fabrication des étoffes de soie employées pour kimonos japonais.

Sans tenir compte des métiers appliqués à ce dernier genre, on trouve qu’il existe dans cette région :

503 métiers pour unis ; production annuelle 15.000 pièces ;

800 métiers pour habutai façonné : production annuelle 40.000 pièces ;

2.000 métiers pour soieries ; production annuelle 60.000 pièces.

Kiôtô et Gifu produisent également des étoffes de soie, dont seulement une partie infime est exportée, les neuf dixièmes, environ, étant destinés à la consommation intérieure.

A Gifu, le tissage est réduit aux crêpes de Chine, alors qu’à Kiôtô on fabrique des étoffes de tous genres, depuis le taffetas jusqu’aux grands façonnés lamés or et argent.

C’est à Kiôtô que se trouve la seule grande fabrique méritant d’être citée ; elle est en société anonyme au capital de 2.500.000 francs et possède 275 métiers mécaniques et 100 métiers à la main, ainsi que toutes les machines pour le dévidage, montage, ourdissage, pliage, lissage, etc… Ses ateliers de teinture en fils, teinture en pièces et apprêts, et, en général, tous ceux que comporte cette industrie, lui assurent une complète indépendance, et contribuent à la placer au premier rang parmi les établissements de ce genre existant en dehors de l’Europe et de l’Amérique[12].

[12] Rapports commerciaux et consulaires (1905).

Pour l’année 1908, l’exportation de la soie a été de 226.000.000 de francs contre 276.000.000 de francs en 1907 : il y a une diminution assez sérieuse également sur l’habutai.

D’ailleurs le commerce total du Japon pour 1908 subit une diminution de 282.375.000 francs.

Tableau des exportations de soies depuis 1904 (en yen, au change moyen de 2 fr. 55) :

1904
138.300.000
yen.
1905
113.460.000
— 
1906
157.955.000
— 
1907
160.237.000
— 

II. — Le thé est également un des articles d’exportation du Japon ; mais la totalité est absorbée par les États-Unis. Le thé japonais ne ressemble en rien au thé de Chine et, en général, les Européens ne l’apprécient pas : il est vert, il a une saveur âcre. Les Japonais en font une grande consommation ; c’est leur boisson habituelle. En dehors du Japon, l’Amérique seule consomme du thé japonais ; il en fut exporté en :

1904
pour
12.833.000
yen.
1905
— 
10.584.000
— 
1906
— 
10.767.000
— 
1907
— 
10.618.000
— 

De 1896 à 1903 une subvention annuelle de 70.000 yen avait été accordée, par le Gouvernement, au « syndicat du thé », qui avait essayé de faire la concurrence au thé de Ceylan, en faisant subir au thé japonais certaines préparations le rendant propre à être exporté en Europe ; mais l’envoi ne réussit pas, et la subvention fut supprimée en 1903 ; cette année-là, le Gouvernement donna encore une subvention de 35.000 yen ; puis il cessa tout encouragement pécuniaire. Le thé japonais ne pourra jamais entrer en compétition avec le thé de Chine ou de Ceylan ; cela tient probablement au climat japonais qui lui donne ce goût spécial, peu apprécié des Européens, même de ceux qui ont longtemps résidé dans le pays.

III. — Le riz japonais est l’un des meilleurs riz qui poussent sur le globe. Aussi s’en exporte-t-il une certaine quantité ; les principaux débouchés pour le riz japonais sont : l’Australie, qui en absorbe pour une valeur d’environ 2.000.000 de yen ; Hawaï, pour 8.000.000 de yen ; l’Angleterre, pour 800.000 yen ; la Corée, pour 500.000 yen ; la Russie d’Asie, pour une valeur très variable : en 1903 pour 445.765 yen ; en 1904 pour 17.621 yen ; en 1905 pour 306.025 yen ; en 1906 pour 472.870 yen.

La demande des États-Unis n’a cessé de décroître dernièrement, ce qui s’explique par ce fait que la culture du riz au Texas a pris une grande extension et a fort bien réussi, ainsi du reste qu’à la Louisiane. Actuellement, le riz récolté dans ces deux États se vend moins cher que le riz japonais, et les Japonais établis en Californie consomment, eux-mêmes, du riz américain.

Parfois, la récolte au Japon n’est pas suffisante, et le Gouvernement est obligé d’importer du riz soit de Bangkok, soit de Saïgon ou de Rangoon : mais, généralement, le riz de ces pays est peu apprécié au Japon ; les grains sont plus petits, et ils sortent de la cuisson beaucoup moins blancs.

En 1908, la récolte n’a pas fait défaut ; elle a atteint, en effet, 51.897.233 koku, soit 93.415.020 hectolitres : elle a donc été exceptionnellement belle, plus belle même que celle de l’année 1904, qui avait été considérée comme la plus belle récolte qui se fût faite au Japon, et qui s’était élevée à 51.401.497 koku, soit 92.500.000 hectol.

Ce tableau montre l’exportation du riz japonais pour les trois dernières années :

Pays.
1906
1907
1908
Chine
503.583
296.460
113.379
Hong-Kong
1.365
»
»
Corée
57.877
63.647
63.372
Russie d’Asie
472.870
253.809
155.205
Angleterre
416.179
230.374
626.681
France
58.352
14.089
415
Allemagne
35.834
746
168.206
Belgique
92.871
»
»
Autriche-Hongrie
57.363
»
»
Hollande
25.536
»
»
États-Unis
463.016
744.556
410.892
Amérique Anglaise
288.050
532.708
356.230
Australie
274.701
139.039
78.542
Hanoï
928.975
1.375.729
1.364.057

IV. — L’exportation du charbon va toujours en augmentant ; de 14.828.000 yen en 1904, elle est passée à 16.280.000 yen en 1906 et à 19.052.000 yen en 1907. Le charbon japonais s’exporte actuellement un peu dans tous les ports d’Asie ; cependant il n’est pas utilisable à l’état pur, et les bâtiments à vapeur, surtout les navires de guerre, ne l’emploient que modérément et mélangé avec du Cardiff. Le charbon japonais brûle les chaudières, et produit une fumée intense, très noire ; généralement on le consomme en briquettes comprimées, et, sous cette forme, il semble devoir rendre des services ; mais il n’arrivera jamais à se substituer au charbon anglais, et toutes les marines de guerre, y compris la marine de guerre japonaise, ainsi que les grandes Compagnies de navigation évitent de se servir du charbon japonais.

L’exportation de ce produit se fait : vers la Chine (7.689.000 yen en 1907) ; vers l’Inde britannique (368.000 yen en 1907) ; vers Hongkong (5.439.000 yen en 1907) ; et vers les colonies hollandaises de la Malaisie (430.000 yen pour 1907). Les États-Unis d’Amérique figurent pour une somme de 1.163.000 yen en 1907 ; mais il est probable que ce chiffre représente le charbon apporté, dans les ports de Californie, pour l’usage des bateaux japonais faisant le service de San Francisco à Seattle.

V. — Le Japon est, avec les États-Unis, le plus grand producteur de cuivre, et sa production tend à augmenter constamment. En 1902 elle était de 48.390.637 kin (1 kin = 600 grammes) ; en 1903 elle est passée à 55.312.343 kin et en 1904 la production est estimée à 35.000 tonnes. La progression continue jusqu’en 1907 et 1908 où l’on arrive à environ 38 et 39.000 tonnes. La production totale pour 1908 donne une valeur marchande de 26.302.000 yen.

Comme exportation, la Chine absorbe à elle seule, en 1907, 10.310.000 yen de cuivre ; Hongkong en prend pour 4.782.000 yen ; l’Angleterre pour 4.514.000 yen ; la France pour 2.364.000 yen ; l’Allemagne pour 2.309.000 yen. L’exportation de ce métal, qui fournissait un chiffre de 25.110.000 yen en 1906, passait à 29.260.000 yen en 1907, soit une augmentation de 4.150.000 yen. En 1908 elle a sensiblement baissé ; cette année, d’ailleurs, a été fort mauvaise pour le Japon au point de vue commercial, ainsi que je l’ai noté au début de ce chapitre.

VI. — Autrefois, le Japon proprement dit produisait beaucoup de camphre ; mais aujourd’hui le territoire de l’Empire n’en fournit presque plus, et c’est l’île de Formose qui exporte le plus de cette denrée. Il en est sorti (année fiscale 1907-1908), tant du Japon que de Formose, pour une somme de 7.945.000 yen ; sur cette somme, 2.919.000 yen reviennent à Formose, qui, on le voit, exporte relativement bien plus que le Japon, eu égard à son territoire.

Voici quels sont les pays qui ont acheté le plus :

Indes britanniques
1.069.000
yen.
Grande-Bretagne
158.000
— 
France
604.000
— 
Allemagne
1.301.000
— 
États-Unis
1.689.000
— 

Nattes. — Autrefois la natte japonaise n’avait pas de concurrente, dans tout l’Extrême-Orient, en raison de sa finesse et du soin apporté à sa confection ; la qualité a beaucoup baissé aujourd’hui, et l’exportation s’en est ressentie. Le Japonais, d’ailleurs, procède en tout de la même façon, et il est difficile de se procurer maintenant des marchandises aussi soignées que celles d’autrefois. Pour les nattes la concurrence annamite se fait sentir, et si nos fabricants de nattes de Nam dinh s’y appliquaient, ils arriveraient, certainement, à évincer complètement la natte japonaise. Les nattes tonkinoises sont, d’ailleurs, tellement en mesure de lutter contre les nattes japonaises, que des marchands Japonais vendent, à Hong-Kong et sur les côtes de Chine, aussi bien qu’aux États-Unis, des nattes tonkinoises pour des nattes japonaises. Ce sont les États-Unis qui absorbent la majeure partie de ce produit : ils en prennent bon an mal an pour une valeur d’à peu près 6.000.000 de yen.

Allumettes. — Le commerce des allumettes est toujours prospère, et se tient entre 10.000.000 et 11.000.000 de yen. La Chine, Hong-Kong, les établissements des détroits, la Corée, sont les plus gros acheteurs ; le Siam, la Birmanie et les Indes anglaises viennent ensuite.

C’est un des principaux articles japonais d’exportation dans les pays d’Extrême-Orient, et le commerce d’importation des allumettes européennes est devenu, par ce fait, insignifiant.

Saké. — Le vin de riz japonais, ou plutôt l’alcool de riz, ne s’exporte guère qu’en Corée et en Chine ; ou plutôt il serait mieux de dire qu’il s’est exporté, lors de la campagne de Mandchourie ; aujourd’hui que les armées japonaises sont rentrées, l’exportation tend à diminuer ; cependant il en part encore dans ces deux pays pour une valeur de 800.000 à 1.000.000 de yen.

Porcelaine et poterie. — Ce sont les États-Unis qui achètent le plus ces articles au Japon. Sur un total de 7.942.927 yen pour 1906 et de 7.216.000 yen pour 1907, ils en ont absorbé pour une valeur approchant de 4.000.000 de yen chaque année (exactement en 1906 = 4.332.584 yen ; et en 1907 = 3.816.000 yen). La Chine vient après, puis la Corée ; et enfin l’Angleterre et Hong-Kong. La France n’achète au Japon que pour 110.000 yen environ de porcelaine, alors que l’Angleterre lui en achète pour 450.000 yen.

Cigarettes. — Ne s’exportent qu’en Chine et en Corée ; 1.228.000 yen en Chine pour 1907 ; environ 800.000 yen en Corée pour la même année ; mais il pourrait se faire que cet article d’exportation vînt à tomber rapidement ; car les Chinois se sont mis à fabriquer des cigarettes absolument semblables aux cigarettes japonaises et les fumeurs chinois les achètent de préférence.

Produits maritimes. — La seiche, la bêche de mer, la colle végétale et les varechs, se dirigent, en totalité, vers la Chine et Hong-Kong. Ce dernier port achète environ pour 2.000.000 de yen de seiche, et la Chine pour la même somme de varechs.

VII. — Le coton, sous tous ses aspects, est l’un des grands articles d’exportation du Japon, et c’est la Chine qui absorbe la presque totalité, sauf une partie pour Hong-Kong et la Corée. Filés, couvertures, flanelles, crêpes, imitation de Nankin, shirting gris, nappes et serviettes, tout se dirige vers le marché chinois ; ce dernier prend en général de 30 à 35.000.000 de yen de filés tous les ans, et de 3 à 4.000.000 de yen de shirting gris. Les serviettes genre éponge commencent à être fort appréciées des Chinois, d’autant plus que le prix en est réellement infime : ils arrivent à payer une serviette ordinaire 5 et 6 cents de piastre, c’est-à-dire environ 15 centimes.

Les principaux exportateurs de cotons sont les filatures suivantes :

Osaka Boseki avec
1.100
ouvriers et
4.500
ouvrières.
Setsu
— 
1.300
— 
4.000
— 
Osaka Godo
— 
1.000
— 
4.000
— 
Fukushima
— 
450
— 
1.500
— 
Nihon
— 
420
— 
2.000
— 
Temma
— 
40
— 
205
— 
Nagai
— 
300
— 
1.200
— 
Odzu Hoseito
— 
180
— 
800
— 
Kobayashi
— 
40
— 
110
— 
Sakai
— 
200
— 
770
— 
Kishiwada
— 
250
— 
1.100
— 
Wakayama
— 
280
— 
1.500
— 
Koriyama
— 
380
— 
900
— 
Amagasaki
— 
270
— 
1.250
— 

Toutes les filatures ci-dessus appartiennent à la région d’Osaka ; sur les 35.000.000 de yen d’exportation, elles figurent pour 28 à 29.000.000 de yen ; c’est-à-dire que le commerce du coton est concentré dans les deux villes de Kobé et d’Osaka et les régions voisines. Il est évident que les Japonais finiront par fournir entièrement le marché chinois du coton dont il a besoin. La proximité du pays, la main-d’œuvre très bon marché, les besoins moindres du Japonais, font que le coton européen, sous toutes ses formes, ne peut pas lutter ; évidemment le produit japonais est très inférieur, mais pour l’acheteur chinois la question n’est pas là : il lui faut du bon marché, même si la qualité n’est pas de premier ordre.

VIII. — A l’importation, le Japon demande d’abord le coton brut pour ses filatures.

Il vient de Chine pour une somme moyenne de 25 à 30.000.000 de yen (1904 = 30.678.242 de yen ; 1907 = 23.465.000 de yen) ;

Des Indes Britanniques, qui ont toujours occupé le premier rang pour l’importation de cet article au Japon, (sauf une éclipse en 1904), et qui ont fourni, ces dernières années : 1905 = 53.553.000 yen ; 1906 = 41.383.000 yen ; 1907 = 57.574.000 yen ;

Des États-Unis, qui importent pour une valeur de 28 à 30.000.000 de yen ;

De l’Égypte qui est stationnaire et fournit de 3 à 4.000.000 de yen.

Le coton brut doux, égrené et non égrené, la matière première, en un mot, tend à une augmentation continue comme importation ; c’est évidemment un signe de l’activité des filatures japonaises.

Quant aux autres produits, en coton fabriqué, le Japon en importe bien moins que jadis, puisqu’il fabrique lui-même. Toutefois il achète encore des filés, du coutil, de la toile, de la toile imprimée, des satins, des velours, des shirtings gris, des shirtings croisés et de la toile à parapluie. C’est l’Angleterre qui fournit presque exclusivement ce dernier article.

Les lainages, laines brutes, filés, drap d’Italie, mousselines de laines, draps, drap mélangé de coton, couvertures, sont importés pour une somme totale de 20.000.000 de yen environ. L’Angleterre, l’Australie et l’Allemagne sont les principaux importateurs. La France a eu pendant longtemps le monopole pour l’importation des mousselines de laine ; elle en importait encore pour 1.235.000 yen en 1901 ; 2.315.000 yen en 1903 ; 1.175.000 yen en 1905 ; mais le chiffre est tombé à 478.000 yen en 1907. La concurrence de l’Allemagne, et surtout de la Suisse, est pour beaucoup dans cette décadence de notre commerce de mousselines ; mais il faut également accuser l’indolence de nos fabricants qui, jamais, n’envoient de voyageurs sérieux étudier sur place les goûts du client et les changements à apporter à leurs produits.

Riz. — Malgré les belles années de récolte qu’il réalise généralement, le Japon importe du riz. Cela tient à ce que les Japonais, sachant leur riz très supérieur, le conservent, pour le vendre à l’exportation, lorsque les prix sont élevés, et mangent, eux-mêmes, les riz moins beaux des tropiques : c’est ainsi que l’Inde envoie au Japon de 13.000.000 à 15.000.000 de yen de riz (venant en presque totalité de Rangoon, Birmanie) ; l’Indo-Chine française pour une somme à peu près égale, et le Siam pour 5.000.000 de yen environ.

Sucre. — Il est importé par les Indes néerlandaises 16 à 17.000.000 de yen (1907 = 16.691.000 yen) ; la Chine : 500.000 yen ; les Philippines : 1.000.000 de yen (1907 = 1.218.000 yen). Ce qui précède est le sucre brut ; quant au sucre raffiné il vient :

De la Russie, environ 2.000.000 de yen.

De Hongkong, 1.500.000 yen.

D’Allemagne, 1.000.000 de yen.

D’Autriche-Hongrie, 1.000.000 de yen.

Métaux. — La métallurgie a encore beaucoup à espérer comme importation au Japon ; les mines japonaises sont encore très insuffisamment exploitées, et les capitaux manquent pour installer la grande industrie métallurgique comme en Europe ; le Japon exécute il est vrai, actuellement, à la fonderie de Wakamatsu et à l’arsenal de Kure, du matériel de guerre et des projectiles ; mais il est encore tributaire de l’Europe et de l’Amérique pour les métaux travaillés.

Lingots de fer : il en a été importé en 1907 pour 14.856.000 yen d’Angleterre ; 3.176.000 yen d’Allemagne ; 1.162.000 yen des États-Unis ; 6.973.000 yen de Belgique. Rails : en 1907, d’Angleterre 483.000 yen ; d’Allemagne 1.579.000 yen ; des États-Unis 1.371.000 yen ; de Belgique 372.000 yen. Fers en barres, plaques et tôles de fer, tuyaux en fer, clous, fer étamé en feuilles, fils télégraphiques, acier, plomb, étain, zinc ; toutes ces catégories de métaux trouvent encore au Japon un bon débouché.

Les machines et locomotives viennent en 1907 :

De l’Angleterre pour 16.380.000 yen ;

De l’Allemagne pour 3.333.000 yen ;

De Belgique pour 168.000 yen ;

Des États-Unis pour 10.241.000 yen.

Le pétrole arrive presque entièrement des États-Unis, qui en importent, tous les ans, pour une valeur de 10.000.000 de yen environ (1907 = 9.507.000 yen).

Le charbon est importé d’Angleterre pour la marine de guerre japonaise. En 1904, alors que, par suite de la guerre, le Japon faisait des approvisionnements considérables, il en a été importé pour 12.199.885 yen de Cardiff ; mais, en temps normal, il n’en est pas de même, et, en 1905, l’importation est tombée à 5.467.705 yen pour rester ensuite à 500.000 yen environ (1906 = 519.980 yen).

Ainsi, tout ce qui concerne la métallurgie, est importé Angleterre, d’Allemagne, de Belgique, des États-Unis. Quant à la France elle a importé en 1907 pour 410.000 yen de machines.

IX. — L’importation française au Japon n’est pas considérable et elle s’élève : en 1906 à 4.997.000 yen ; en 1907 à 7.024.000 yen. Il est vrai que son exportation du Japon se chiffre par 40.228.000 yen en 1906 et 42.592.000 yen en 1907, mais parce qu’elle achète la soie, marchandise chère. Elle laisse de l’argent au Japon en échange de sa soie, mais elle ne profite pas du commerce japonais, puisqu’elle n’y fait pas ou presque pas d’importation.

Voici les principaux articles que vend la France :

Lunettes et télescopes ; Boîtiers de montre en argent ; Mouvements d’horlogerie ; Beurre ; Antipyrine ; Chlorate de potasse ; Drogues et médecines ; Phosphore amorphe ; Phosphore jaune ; Bois de campêche ; Soies de porc ; Tubes de cuivre ; Plomb ; Livres ; Papiers à cigarettes ; Mousselines de laine ; Vins en bouteilles ; Vins en fûts ; Champagnes ; Eaux-de-vie ; Autres liqueurs ; Bouchons ; Savon de toilette ; Savon ordinaire ; Parfumerie.

Ainsi que je l’ai dit plus haut, notre principal article, la mousseline de laine, nous est peu à peu enlevé. En dehors de la concurrence suisse et allemande, au reste, il y a aussi la fabrication japonaise qui s’essaie, et finira par produire, non pas aussi bien que nous, mais suffisamment « made in Japan » pour satisfaire le goût et la bourse des clients.

Quant aux vins, si la France en importe, tout compris, c’est-à-dire vins rouges et blancs, en fûts et en bouteilles, champagnes, vins mousseux, pour 400.000 francs, c’est tout. Le Japonais, de même que le Chinois ou tout autre oriental, ne boit pas de vin. Avec les quelques barriques de gros vin rouge qu’il fera venir, le Japonais mélangera de la mélasse et du sucre et fabriquera ainsi du « vin japonais », délice des gourmets dans les restaurants de Tokio. Inutile de dire que ce produit innommable est horrible pour un palais européen.

Quant aux eaux-de-vie et liqueurs nous en importons pour 160.000 francs ; c’est pour la consommation de la colonie européenne.

X. — Comme on le voit, nous ne faisons pas grand commerce avec le Japon, et il est difficile pour nous d’y travailler davantage. Nous ne pouvons lutter avec les autres nations pour fournir aux Japonais ce dont ils ont le plus besoin : coton brut, métaux de toutes sortes et machines. Nous venons de voir que nos mousselines de laine sont en décadence et que notre principal article d’importation, le vin, n’y est pas apprécié.

Il ne faut pas non plus compter sur les articles dits parisiens, tels que : articles de Paris, modes, chapeaux, etc., car ils sont peu employés par les indigènes et, d’ailleurs, ceux qui se trouvent au Japon sont des articles de Paris fabriqués en Allemagne ; ils sont importés au Japon à des prix que la cherté de la matière première et de la main-d’œuvre française ne nous permet pas de concurrencer. Il est donc de toute évidence que nous n’avons pas grand effort à tenter de ce côté. Le Japon n’est pas, pour nous, un client, même pas un client pour nos objets de luxe, indiscutablement supérieurs à tous autres, car il est pauvre ; et quand il veut du luxe, il lui vient de Berlin, à bien meilleur compte.

Le commerçant japonais n’a pas la réputation d’être sérieux et fidèle à sa parole. Les autorités japonaises ont fait des efforts louables pour persuader à leurs compatriotes la grande franchise en affaires, et il y a lieu d’espérer que ces efforts ne resteront pas vains. Mais le Japonais est bien moins commerçant que le Chinois, et tous ceux qui ont eu des relations avec les deux peuples, sont unanimes à préférer le Chinois. D’ailleurs, toutes les grandes maisons européennes établies au Japon, toutes les banques ont des compradore et des assistants chinois, jamais de Japonais. Le commerçant japonais ne se fera pas scrupule de ne pas prendre livraison d’une marchandise si, pendant la traversée, le change a varié à son détriment ; il sait que l’Européen préférera encore avoir sa marchandise sur les bras plutôt que d’aller perdre son temps en procès.

Il m’est arrivé, souvent, de constater, dans des balles de soie expédiées de l’intérieur, à Yokohama, pour l’exportation, la présence de briques et de pierres, soigneusement recouvertes de quelques écheveaux, et il fut un temps où les exportateurs de soie étaient obligés de vérifier toutes les balles sans exception, vu l’impossibilité de s’en rapporter à la bonne foi du marchand indigène.

Ainsi que je l’ai déjà dit, le commerce total du Japon pour 1908 a subi une diminution de 282.375.000 francs. Peut-être est-ce la conséquence de la guerre russo-japonaise ; peut-être cela vient-il de la crise économique qui a sévi un peu partout, et qui s’est fait sentir au Japon comme ailleurs. Nous le verrons bientôt. En tout cas, il est bien certain que le Japon est las ; il a voulu courir et courir vite : il n’en a plus les moyens. Les journaux reflètent une lassitude, un découragement général ; seul le Japan chronicle ne se décourage pas et dit que si le Japon se ressent du lourd fardeau supporté depuis la dernière guerre et d’un système fiscal non moins lourd, il espère néanmoins le voir se relever ; mais, dit-il, ce sera lent.

XI. — Voici, pour l’année 1907, la dernière dont les résultats aient paru, les chiffres d’exportation et d’importation afférents à chaque port.

EXPORTATION
 
Yen.
Yokohama
205.888.000
Kobé
106.668.000
Osaka
60.037.000
Nagasaki
4.654.000
Hakodate
2.268.000
Niigata
206.000
Shimonoseki
4.364.000
Moji
19.049.000
Otaru
6.012.000
Mororan
1.924.000
Wakamatsu
3.179.000
Kuchinotsu
4.908.000
Yokkaichi
3.908.000
Tsuruga
1.895.000
IMPORTATION
 
Yen.
Yokohama
172.485.000
Kobe
223.437.000
Osaka
34.451.000
Nagasaki
16.230.000
Hakodate
673.000
Niigata
1.067.000
Shimonoseki
2.480.000
Moji
26.413.000
Otaru
122.000
Mororan
1.000
Wakamatsu
962.000
Kuchinotsu
307.000
Yokkaichi
9.026.000
Tsuruga
880.000

XII. — Il est entré dans les ports du Japon, en 1907, 8.770 bateaux à vapeur japonais, 57 chinois, 6.267 anglais, 390 français, 1.858 allemands, 154 austro-hongrois, 324 russes, 64 danois, 385 norwégiens, 1.618 américains des États-Unis ; 317 de différents pavillons, soit en tout 20.199 navires à vapeur de tous pays dont 8.770 sous pavillon japonais. En 1895 il y avait un total de 1.749 navires, dont 63 japonais.

La première Compagnie japonaise de navigation à vapeur fut formée, en 1877, sous le nom de Yubin kisen Mitsubishi kaisha, c’est-à-dire : Paquebots-poste de la Compagnie Mitsubishi ; en 1882, parut la Kiôdô uniu kaisha ou Union des transports maritimes ; et en 1884, la Osaka shosen kaisha ou Compagnie de navigation maritime d’Osaka.

La marine marchande à vapeur était créée ; il fallait la maintenir et la développer. En 1885, les deux premières Compagnies, après une compétition acharnée, s’unirent sous le nom de Nippon yusen kaisha ou Compagnie des paquebots-poste japonais, Compagnie à laquelle le gouvernement du Mikado offrit tout l’appui moral et financier nécessaire ; puis la loi sur la navigation, et la loi sur la construction des navires, accordant des primes assez élevées, vinrent donner un nouvel essor à la marine marchande à vapeur.

Suivant la loi sur la navigation, un navire à vapeur japonais, d’au moins mille tonnes de déplacement, et d’au moins dix nœuds de vitesse, et destiné au long cours, est apte à recevoir la prime fixée suivant la distance parcourue et le tonnage du bâtiment. Cette prime, pour un vapeur de 1.000 tonnes, s’élève à 25 yen par tonne et par 10 nœuds et peut être augmentée de 10 pour 100 pour chaque 500 tonnes en plus, et de 28 pour 100 pour chaque nœud d’augmentation de vitesse par heure.

Pour un bateau d’au moins 6.500 tonnes et 18 nœuds, la limite maxima de la prime sera celle accordée à un bateau de 6.000 tonnes et de 17 nœuds. Pour avoir la prime entière, le bâtiment ne doit pas avoir plus de cinq ans ; au-dessus de cet âge, la prime diminue de 5 pour 100 chaque année. Les primes pour le budget 1907-1908 s’élevaient à 11.170.255 yen, soit 28.484.150 fr. 25.

Des subventions spéciales sont, en outre, accordées à différentes Compagnies : ainsi, la Nippon Yusen Kaisha reçoit, pour l’année budgétaire 1908-1909, 4.283.707 yen, plus 220.000 yen ;

La Toyo Kisen Kaisha reçoit 1.013.880 yen, plus 750.000 yen ;

La Japan China Steam Navigation Company reçoit 800.000 yen seulement ;

La Osaka Shôsen Kaisha reçoit 491.000 yen, plus 100.000 yen.

Les primes, pour la construction des navires, s’élèvent à 1.995.440 yen.

Un peuple né marin, encouragé de cette façon par le gouvernement, ne pouvait pas manquer de se créer rapidement une forte marine marchande, et à l’heure qu’il est, les mers d’Asie sont sillonnées de bateaux japonais :

Ligne de Yokohama à Shanghaï ;

Ligne de Yokohama à Tientsin en passant par les ports de Corée ;

Ligne de Nagasaki à Wladiwostok en passant par les ports de Corée ;

Ligne de Yokohama à Shanghaï et aux différents ports du Yangtseu jusqu’à Hankow et Itchang ;

Ligne de Tsuruga à Wladiwostok ;

Ligne de Yokohama à Bombay.

Sur l’Europe et l’Amérique :

Ligne de Yokohama à Marseille, Londres et Anvers ;

Ligne de Hongkong à San Francisco ;

Ligne de Hongkong à Seattle.

Sur l’Australie :

Ligne de Yokohama à Melbourne.

La Toyo Kisen Kaisha avait créé en 1905 un service bisannuel sur l’Amérique du Sud, mais elle a abandonné son projet de navigation régulière de ce côté.

Ces différentes Compagnies sont loin de faire leurs frais, et c’est la prime fournie par l’État qui les maintient.

La Nippon Yusen Kaisha possède un capital de 22.000.000 de yen ;

La Osaka Shosen Kaisha un capital de 16.500.000 yen ;

La Toyo Kisen Kaisha, un capital de 6.500.000 yen ;

Et enfin la Japan China Steamship Co un capital de 8.100.000 yen.

Ce sont là les quatre principales Compagnies de navigation à vapeur faisant le long cours ; il existe un nombre assez considérable de petites Compagnies pour le cabotage, et que je juge inutile d’énumérer ici.

XIII. — Les seuls navires français qui touchent aux ports japonais sont ceux des Messageries maritimes ; le nombre de nos entrées et de nos sorties est donc sensiblement le même ; ici comme ailleurs, l’insuffisance de la marine française se manifeste. La Compagnie des Messageries a bien essayé timidement, il y a quelques années, d’établir une ligne de cargo-boats pour l’Extrême-Orient, mais ils sont en trop petit nombre. D’un autre côté, par suite de nos règlements maritimes, obligeant les Compagnies de bateaux à se servir des inscrits maritimes et à avoir un nombre fixe d’officiers et de matelots français, les frets sont plus chers sur nos bateaux que sur les autres, et c’est ainsi que, dans tout l’Orient, au Japon comme ailleurs, les produits français arrivent sous pavillon anglais de Londres et sous pavillon allemand d’Anvers. Cette vieille loi des inscrits a vraiment fait son temps ; il faudrait laisser les Compagnies recruter leur personnel librement, et il serait nécessaire aussi de modifier nos règlements de navigation relatifs au personnel de nationalité française.

XIV. — Le tarif général japonais, mis en vigueur en 1899, après la révision des traités, est très lourd pour les produits d’importation européenne ; le gouvernement japonais a bien, il est vrai, accordé un tarif conventionnel pour certains produits à la France, à l’Angleterre, à l’Allemagne et aux États-Unis, mais il n’en reste pas moins que, sur certains articles, le tarif est pour ainsi dire prohibitif.

Le bétail paye de 10 à 30 pour 100 ad valorem ; les conserves de légumes 40 pour 100 ; les conserves de fruits 45 pour 100, la chicorée 45 pour 100 ad valorem ;

Les épices (poivre, etc.), 18 yen par 100 livres ; la moutarde, 45 pour 100 ad valorem ;

Jambon 14 yen par 100 livres ;

Beurre 27 yen, fromage 17 yen, extrait de viande 77 yen par 100 livres ;

Comestibles en général, 40 pour 100 ad valorem ;

Jus de fruits et sirops, 45 pour 100 ad valorem ;

Miel, 50 pour 100 ad valorem ;

Confitures, gelées, 13 yen par 100 livres ;

Vins en bouteilles, 0,80 sen par litre (plus de 2 francs) ;

Vins en fûts, 0,30 sen par litre.

Pour la France il existe un tarif conventionnel pour l’importation des vins :

Vins n’excédant pas 16° d’alcool pur, 1 yen 24 sen par hectolitre (en fûts ou barriques) ;

0,67 sen par caisse de 14 demi-bouteilles ou 12 bouteilles ;

Excédant 16° et n’excédant pas 24° :

0,92 sen (en fûts ou barriques) ;

0,68 sen par caisse de 24 demi-bouteilles et 24 bouteilles ;

Champagnes : 2 yen par litre ; toutefois les champagnes français payent 1 yen 55 par caisse de 24 demi-bouteilles ou 12 bouteilles ; toute boisson alcoolisée : 0,90 sen par litre ; alcool 0,65 sen par litre ;

Les crins payent de 7 à 55 et 98 yen par cent livres.

Les produits pharmaceutiques payent très cher.

Filés de coton, 12 pour 100 et 25 pour 100 par 100 livres ;

Fil de coton à coudre, 29 yen par 100 livres ;

Fil de chanvre 30 pour 100 ad valorem.

Pour l’importation des cotonnades il existe un tarif conventionnel avec l’Angleterre ; elles payent en général 10 pour 100 ad valorem ;

Mousselines de laine grises et blanches, 1 sen 5 rin et 1 sen 8 rin par yard carré ; les autres genres : 2 sen 1 rin.

Mouchoirs, couvertures, tapis, rideaux et autres tissus de ce genre payent 40 et 50 pour 100 ad valorem ;

Chemises, gilets, châles, bretelles payent 40 et 50 pour 100 ad valorem ;

Métaux précieux et bijoux : 50 et 60 pour 100 ad valorem ;

Les métaux, en général, payent moins cher, car le Japon en importe beaucoup et il les laisse entrer avec des droits raisonnables ;

Les objets mécaniques tels que microscopes, lorgnettes, montres, télescopes, phonographes, machines à coudre, machines-outils, ressorts, etc., payent de 15 à 20 et 40 pour 100.

En somme on peut dire que le tarif douanier japonais est l’un des plus élevés que l’on connaisse, et les agents des douanes savent l’appliquer dans toute sa rigueur.

CHAPITRE XV

I. Routes. — II. Chemins de fer. État et compagnies. Rachat des lignes par l’État et nationalisation du réseau ferré. — III. Principales lignes. — IV. Tramways. — V. Tarifs des chemins de fer.

I. — Les communications, au Japon, se font de deux manières : par les routes et les chemins de fer. Les communications par eau sont, en effet, à peu près inexistantes, par suite du manque de rivières navigables, et elles ne sont guère pratiquées qu’à l’embouchure de certains fleuves, et dans leur cours inférieur ; la navigation intérieure, telle qu’elle existe en Europe, parallèlement aux moyens de communication par terre, n’est pas employée au Japon et ne peut l’être, étant donné le système orographique du pays, et le peu de longueur et de largeur de ses cours d’eau.

Les routes, elles-mêmes, sont peu nombreuses et assez mal entretenues ; et il ne semble pas que le Gouvernement japonais s’en préoccupe beaucoup ; il n’y a plus depuis longtemps de ministère des Travaux publics ; il n’existe pas de corps d’ingénieurs des ponts et chaussées et chaque préfecture, chaque ville et village, entretient ses routes un peu à sa fantaisie.

Cela tient à ce qu’on ne voyage pas en voiture au Japon ; autrefois les grands seigneurs et les gens riches circulaient en chaises à porteur ; le peuple allait à cheval ou à pied, et il suffisait, alors, d’un étroit sentier entre les rizières pour pouvoir passer. Depuis l’introduction des chemins de fer, tout le monde prend la voie ferrée et le Japon, en développant son réseau de fer, n’a pas songé à développer parallèlement son réseau de routes.

Ce n’est pas, cependant, qu’il n’existe pas du tout de routes dans ce pays ; mais, outre qu’elles sont insuffisantes, comme nombre et comme largeur, elles sont encore plus insuffisantes comme entretien, et pendant la saison des pluies, dans certaines provinces, il est impossible de faire passer même un jinrikisha (pousse-pousse). Je vais donner ici les principales grandes voies de communication : d’abord les routes impériales qui, dès l’antiquité, avaient été établies pour relier ensemble les principaux centres de l’Empire. La plus connue des Européens est le Tôkaido, qui va de Tokio à Kioto et a 130 lieues de longueur ; elle est célèbre par les dessins de Hiroshigé, et c’était la route la plus fréquentée, autrefois, par les cortèges du Shôgun et des Daïmios lorsqu’ils allaient rendre hommage à l’Empereur à Kioto ; aujourd’hui elle est bien délaissée, par suite de la construction du chemin de fer qui la longe constamment, et elle a perdu le cachet vivant et affairé qu’elle avait encore il y a seulement une vingtaine d’années.

Elle part de Nihonbashi (le pont du Japon), point central, d’où sont calculées les distances, à partir de Tokio, jusqu’à tous les points de l’Empire, et, après avoir traversé plusieurs villes et villages, dont les plus importants sont Fujisawa, Odawara, Hakone, Shidzuoka, Hamamatsu, Atsuta, Yokkaichi, Otsu, arrive à Kioto, où elle a son terminus au pont de Sanjô Ohashi.

Le Nakasendo, route impériale, part également de Tokio pour aboutir à Kioto, mais elle franchit le massif central par le Ken de Nagano (Zenkôji), tandis que le Tôkaidô suit la mer. Le Nakasendo a une longueur totale de 138 lieues et, de Nihonbashi, se dirige sur Omiya et Takasaki (40.000 habitants), puis entre à Kutsukake, dans le Ken de Nagano, et, par Shimonosuwa et Fukushima, tombe à Ochiai, Ken de Gifu ; elle vient aboutir, après avoir franchi Sékigahara et Otsu, à Kioto, au pont de Sanjô Ohashi.

Le Riku u Kaidô, appelé aussi Oshu Kaidô ou bien O u kaidô, va de Tokio à Aomori (extrémité nord du Honshu). Cette route a 200 lieues de long ; elle part de Nihonbashi, passe à Senji près de Tokio, et, à Sôka, atteint le Ken de Saitama ; à Nakada, elle traverse le Ken de Ibaraki, et, à Nogi, le Ken de Tochigi. Elle passe à Nihonmatsu, jolie petite ville de 15.000 habitants, dans le Ken de Fukushima, province d’Iwashiro, puis atteint Sendai, Ken de Miyagi, province de Rikuzen, ville importante de plus de 100.000 habitants. De là, continuant vers le Nord, elle passe à Morioka, Ken d’Iwate, province de Rikuchu, ville de 40.000 habitants, et aboutit enfin à Aomori, Ken d’Aomori, province de Mutsu, chef-lieu du Ken et ville de 20.000 habitants.

Le Akita Kaidô, de Tokio à Akita, a une longueur de 151 lieues. Elle se divise à proprement parler en deux tronçons : l’un de Tokio (Nihonbashi) à Yamagata avec une longueur de 95 lieues ; l’autre de Yamagata à Akita, long de 56 lieues.

La route impériale, Akita ken michi, d’une longueur de 52 lieues, réunit Akita à Aomori.

Le Chukoku Kaidô, route impériale, part d’Osaka pour rejoindre Akamagaseki, à l’extrémité Sud-Ouest du Honshû, Ken de Yamaguchi ; longueur 140 lieues ; elle traverse Himeji, Ken de Hiogo, province de Harima (35.000 habitants) ; Okayama, Ken d’Okayama, province de Bizen (80.000 habitants) ; Hiroshima, Ken de Hiroshima, province d’Aki (121.000 habitants), et se termine à Akamagaseki, petite ville de 35.000 âmes.

Le Ehime Kaidô relie Osaka à Matsuyama ; longueur 95 lieues.

Le Fukui Kaidô, route impériale, réunit Tokio à Fukui (Ken du même nom) ; sa longueur est de 136 lieues. De Nihonbashi à Atsuta cette route se confond avec le Tôkaidô ; puis d’Atsuta elle passe à Nagoya, ville importante de 290.000 habitants, et, après avoir traversé vingt-cinq ou vingt-six petites villes et villages, vient aboutir à Fukui, chef-lieu du Ken de Fukui, ville de 50.000 habitants.

Le Ishikawa Kaidô relie Tokio à Kanazawa (Ken d’Ishikawa). Elle se divise en trois tronçons : de Tokio (Nihonbashi) à Atsuta, 91 lieues ; d’Atsuta à Fukui, 45 lieues ; de Fukui à Kanazawa, 22 lieues.

Le Kagoshima Kaidô, route impériale, part de Kokura au Nord de Kiushu pour gagner Kagoshima en passant par Kumamoto : 98 lieues. Une deuxième route part de Kokura pour rejoindre Kagoshima, mais cette dernière passe par Miyazaki et sa longueur est de 116 lieues.

Le Kôchi Kaidô relie Osaka à Kôchi (35.000 habitants) ; longueur 89 lieues.

Le Kôshû Kaidô, route impériale très fréquentée et généralement en très mauvais état, réunit Tokio à Kofu, sur une longueur de 35 lieues.

Route d’Utsunomiya à Nikkô.

Le Nagasaki Kaido, route impériale, part de Kokura pour rejoindre Nagasaki, sur une longueur de 63 lieues ; elle passe à travers un pays merveilleux très accidenté.

Les deux routes impériales de Tokio à Niigata sont nommées Niigata Kaidô ; l’une passant par Shimidzu, avec une longueur de 88 lieues ; l’autre par Nagano (Zenkôji) avec une longueur de 112 lieues.

Telles sont les principales grandes routes du Japon praticables à pied et à cheval, mais absolument impraticables, dans certaines contrées de leur parcours, aux voitures et automobiles. Parfois, sur une certaine longueur, dans le voisinage d’une grande ville, la route fait bon effet et a quelque ressemblance avec une belle route de France, mais il ne faut pas aller trop loin pour tomber dans les ornières et les fondrières. Le système actuel des routes et leur répartition dans l’Empire ne serait pas mal établi, s’il s’agissait de routes et non, comme la plupart du temps, de sentiers tantôt larges, tantôt étroits.

II. — Le soin que les Japonais ont négligé de donner à leur réseau routier, ils l’ont consacré tout entier à leur réseau ferré. Actuellement le Japon est couvert de chemins de fer ; le Japonais voyage beaucoup, il se déplace très facilement.

Ce fut dès 1869, tout de suite après la restauration impériale, que le Gouvernement décida de se mettre à l’œuvre afin de doter le Japon de voies ferrées, et il chargea le département des Affaires civiles et financières (aujourd’hui supprimé) de préparer des projets. En 1872 le premier tronçon fut construit entre Tokio (Shimbashi) et Yokohama ; presque aussitôt après on relia Kobé à Osaka et Kiôtô par une autre ligne. Les voies japonaises sont de un mètre d’écartement.

Pendant de longues années, les deux tronçons Tokio-Yokohama et Kobé-Kioto furent les seules voies ferrées existant au Japon ; lorsque, en 1881, la Compagnie des chemins de fer du Japon (Nippon Tetsudô Kaisha) obtint l’autorisation de commencer la ligne Tokio-Aomori. C’était, à cette époque, une entreprise qui ne manquait pas d’audace ; car il était difficile de trouver des ouvriers, les travailleurs ordinaires n’étant pas encore expérimentés en ce genre de travaux ; de plus, la longueur de la ligne nécessitait une mise de fonds importante. Malgré toutes les difficultés, le Gouvernement ayant décidé de garantir l’emprunt et de donner toute latitude à la Compagnie, les travaux furent commencés en 1882 entre Tokio et Mayebashi, et, en 1883, la section Tokio (Uyeno)-Kumagaye fut livrée au trafic. Ce fut comme un coup d’éperon ; l’émulation s’ensuivit et les Compagnies privées de chemins de fer, en concurrence avec l’État, se mirent à établir partout des lignes, avec une hâte fébrile. Dans toutes les provinces se créèrent des sociétés pour la construction et l’exploitation des voies ferrées, parfois à peine longues de quelques kilomètres.

Dès 1903, il existait 1.226 milles de lignes appartenant à l’État et 3.010 milles appartenant à des sociétés privées. Parmi ces dernières, la Compagnie des chemins de fer japonais possédait 857 milles ; la Compagnie des chemins de fer de Kiushu 416 milles et la Compagnie des chemins de fer du San yô (Kobe-Yamaguchi), 334 milles.

Afin du reste que le lecteur puisse se rendre compte de la rapidité avec laquelle les lignes de chemins de fer se développèrent au Japon, voici un tableau explicatif :

ANNÉES
Au 31 décembre.
Chemins de l’État.
(En milles anglais).
Chemins des Compagnies.
1872
18
— 
1877
65
— 
1882
170
— 
1887
300
293
1892
550
1.320
1893
557
1.381
1894
580
1.537
1895
593
1.697
1896
631
1.875
1897
661
2.287
1898
768
2.652
1899
832
2.806
1900
949
2.905
1901
1.059
2.966
1902
1.226
3.010

J’ai déjà indiqué que les chemins de fer sont construits sur le gabarit de 1 mètre ; les wagons sont assez confortables pour des Japonais, mais les sleeping-cars, par exemple, sont tout à fait inutilisables pour un Européen d’une taille raisonnable. D’ailleurs, en Asie, les seuls wagons pratiques et confortables sont ceux de l’Inde britannique ; je passe sous silence ceux du Tonkin où il n’existe rien de commode pour passer la nuit.

Le stock de machines et de wagons peut s’élever aujourd’hui à 1.500 locomotives, 5.000 wagons à voyageurs et 21.000 wagons à marchandises.

Suivant les relevés de mars 1903, le capital souscrit pour les travaux de chemins de fer, s’élevait à 520.830.963 yen. Dans cette somme la part de l’État figurait pour 247.655.963 yen, et la part des Compagnies privées pour 273.175.000 yen. Mais ces sommes ne représentent pas le capital versé ; elles représentent le capital nominal. Le capital versé fin 1903 peut se figurer ainsi :

Chemins de l’État, 144.395.060 yen.

Chemins des Compagnies, 231.808.970 yen.

En janvier 1905, lors de l’arrivée au pouvoir du cabinet Saionji, le Gouvernement, après une délibération très longue et très mûrie, apporta aux Chambres un projet de rachat de toutes les lignes de chemins de fer par l’État. Présenté à la Chambre des Représentants le 3 mars, le projet fut adopté le 16 du même mois à une très grande majorité. A la Chambre des Pairs le nombre des Compagnies à racheter d’abord fut réduit de 32 à 17, mais en somme les deux Chambres votèrent la loi de rachat de tous les chemins de fer, la nationalisation des voies ferrée de l’Empire. Immédiatement, un bureau spécial, chargé d’opérer le rachat et de préparer d’abord les conditions dans lesquelles le rachat devait être fait, fut créé par ordonnance impériale No 117, en date du 23 mai 1906, en principe les 17 compagnies à racheter devaient l’être en 10 ans ; mais ce long délai a semblé devoir ralentir l’essor dans la construction et le développement des voies ferrées, et occasionner de grandes pertes financières. Le Gouvernement décida donc de racheter le plus rapidement et dans le plus bref délai possible ; et le 21 juillet 1906 les lignes suivantes furent désignées pour un premier rachat :

Plus tard, le 3 avril 1907, les lignes suivantes furent désignées pour le rachat qui eut lieu effectivement :

Toutes ces lignes furent donc rachetées en 1906 et 1907 pour la somme de 720.878.360 yen comme prix fixe d’achat, augmenté de 61.519.075 yen pour supplément de rachat de constructions, de matériel en stock, etc… ce qui fait la somme totale de 782.397.435 yen soit 1.995.113.459 fr. 25. Ce chiffre indique bien que les chemins de fer japonais sont loin d’avoir la valeur des voies ferrées européennes.

En dehors des lignes précédentes rachetées par l’État et qui constituent le principal réseau ferré de l’Empire, il existe encore plusieurs petites lignes qui continuent à fonctionner en dehors de l’État, entre les mains de sociétés particulières. Ce sont les lignes de :

Bisei, 15 milles ; tête de ligne : Tsushima (Ken d’Aichi) ;

Chugoku, 48 milles ; tête de ligne : Okayama ;

Chuyetsu, 83 milles ; tête de ligne : Shimôseki (Toyama) ;

Hakata wan, 15 milles ; tête de ligne : Fukuoka Ken ;

Iyo, 26 milles ; tête de ligne : Matsuyama ;

Iôbu, 24 milles ; tête de ligne : Saitama ken ;

Kanan, 10 milles ; tête de ligne : Osaka fu ;

Kawagoye, 18 milles ; tête de ligne : Kawagoye (Saitama) ;

Kôtsuke, 21 milles ; tête de ligne : Takasaki ;

Kôya, 17 milles ; tête de ligne : Mukai (Osaka) ;

Mito, 12 milles ; tête de ligne : Mito ;

Nankai, 42 milles ; tête de ligne : Osaka ;

Narita, 45 milles ; tête de ligne : Narita (Chiba ken) ;

Ome, 13 milles ; tête de ligne : Ome (Tokio) ;

Omi, 26 milles ; tête de ligne : Shiga Ken ;

Riugasaki, 2 milles ; tête de ligne ; Riugasaki (Ibaraki) ;

Sano, 9 milles ; tête de ligne : Tochigi Ken ;

Tôbu, 42 milles ; tête de ligne : Tokio ;

Toyokawa, 17 milles ; tête de ligne : Toyohashi ;

Zusô, 10 milles ; tête de ligne : Tokio ;

La construction de ces différentes lignes a coûté 997.250.000 yen.

D’une manière générale les voitures sont construites au Japon ; seul le matériel en fer ou acier est acheté à l’étranger, ou fabriqué soit à la compagnie de construction de wagons d’Osaka, soit à celle de Nagoya, soit enfin à celle d’Amano, près de Tokio. Quant aux machines locomotives et à toutes les pièces délicates elles viennent de l’étranger, soit d’Allemagne : A. Bourrig, Berlin ; Berliner machinen action Gesellschaft ;

Soit des États-Unis d’Amérique : Brooks Loco ; Cooke Loco ; Pittsburg Loco.

Soit de Belgique : Société John Cockerill.

Soit d’Angleterre : North British Loco Co ; Vulcan Foundry ; Kitson et Co, Leeds.

Aucun matériel n’est fourni par la France, et il n’est pas difficile de comprendre pour quels motifs. Un seul serait d’ailleurs suffisant : c’est que les prix de revient de notre industrie sont tellement au-dessus de ceux des autres pays industriels que nous ne pouvons rien écouler à l’étranger.

III. — Le voyageur, à l’heure actuelle, circule par tout le Japon en chemin de fer ; il n’y a guère d’endroits que l’on ne puisse atteindre ou tout au moins dont on ne puisse approcher par ce mode de locomotion. Si nous prenons Tokio comme point central, pour nous diriger vers le Nord nous avons la grande ligne de Uyeno (station du chemin de fer du Nord à Tokio), à Aomori, qui passe par Sendai et Morioka, et dessert une foule de localités sur son parcours.

D’Aomori la ligne s’incurve vers le Sud et redescend la côte occidentale jusqu’à Akita. Au Sud, la ligne du Tokaidô part de Shimbashi (station du chemin de fer du Sud à Tokio), et arrive à Kiôtô en passant par Nagoya et desservant un certain nombre de villes importantes comme Numadzu, Shidzuoka, Hamamatsu ; de Kiôtô la voie se dirige sur Osaka et Kobe, et, de ce dernier port, elle repart jusqu’à Yamaguchi, à l’extrémité Sud-Ouest du Honshu. Si l’on traverse le bras de mer qui sépare Shimonoseki de Môji, on peut reprendre la voie ferrée qui conduira jusqu’à Nagasaki. Ainsi du Nord au Sud, dans toute sa longueur, le Japon est desservi par une ligne ferrée qui constitue comme l’immense arête de laquelle les lignes secondaires partent en différents sens sur tous les points du territoire. Des voies transversales conduisent ainsi jusqu’à Niigata par Takasaki en venant de Tokio ; et jusqu’à Kanazawa et Fukui en partant de Kiôtô par Komehara. De Tokio également, une ligne centrale va sur Fukushima et de là sur Akita, rejoignant Aomori et la ligne de Sendai-Tokio.

L’île de Yezo possède quelques lignes qui rendent le voyage à travers le pays moins pénible qu’il n’était autrefois ; de Hakodate, à Otaru, à Sapporô ; puis jusqu’au centre de l’île, à Asahigawa ; de là à Tokachi ; d’autres prolongements sont en projet.

L’île de Shikoku n’est pas encore très bien pourvue de voies ferrées ; deux petites lignes seulement existent, à Takamatsu et à Tokushima.

Le voyage en chemin de fer au Japon est toujours très agréable, parce qu’on traverse généralement des paysages pittoresques et gais. Et quand on a ainsi parcouru la plus grande partie de l’Empire du Soleil Levant, à la saison des cerisiers ou des chrysanthèmes, au milieu des sourires de la nature et des habitants, on se laisse prendre à cette amabilité jusqu’à ce qu’on ait appris à mieux connaître. Le voyageur européen qui ne veut pas manger le bentô du buffet (bentô : déjeuner ; petite boîte bien nette et blanche en bois, renfermant du riz et des assaisonnements, et vendue aux buffets des gares) devra emporter des provisions. Mais c’est une inutile complication, il est si facile de s’habituer à manger à la japonaise ; ce qu’on vous sert est toujours très propre et très appétissant.

IV. — Les tramways électriques, en ville et hors des villes, ont pris depuis quelque temps une grande extension ; actuellement on compte huit Compagnies de tramways électriques, chacune possédant un capital de 500.000 yen au moins ; le total du capital versé se monte à 37.075.000 yen. D’autres Compagnies également, avec un capital au-dessous de 500.000 yen chacune, dont l’ensemble donne un chiffre total de 40.143.110 yen, se sont formées, mais beaucoup d’entre elles ne fonctionnent pas encore. Cependant, pour donner une idée de la quantité relativement grande de lignes électriques de transport dans tout le Japon, en voici la liste complète :

Toutes ces lignes sont ouvertes au trafic.

Les lignes en construction, mais qui ne sont pas encore ouvertes au trafic, sont les suivantes :

La longueur de ces lignes va de 13 à 45 milles anglais ; la Compagnie des tramways électriques de Kiôtô, par exemple, a 15 milles, et celle de Tokio a 45 milles.

V. — Le tarif sur les chemins de fer japonais n’est pas très élevé, il l’est cependant un peu plus que le tarif français. Jusqu’à une distance de 50 milles, le voyageur paye 1 sen 65 centièmes par mille ; jusqu’à 100 milles, il paye 1 sen 40 centièmes par mille ; jusqu’à 200 milles, 1 sen 10 centièmes par mille ; jusqu’à 300 milles, 0,20 centièmes de sen ; et au-dessus de 300 milles, 0,82 centièmes de sen par mille. Ce prix est le prix de la troisième classe ; pour avoir le prix de la deuxième classe, il faut prendre une fois trois quarts le prix de la troisième classe ; et pour le prix de la première classe trois fois le prix de la troisième classe. Chaque voyageur de première classe a droit à 100 livres japonaises (kin = 600 gr.) de bagages ; chaque voyageur de deuxième a droit à 60 kin ; et celui de troisième à 30 kin.

Pour les transports de marchandises en général, le tarif est de 2 à 5 et 7 rin (10 rin = 1 sen), par tonne ; mais pour les graines, engrais, sucre, farine, bière, oranges, charbon de bois, patates, le tarif va de 2 sen par tonne jusqu’à 50 tonnes à 1 sen par tonne au-delà de 300 tonnes ; avec un prix intermédiaire de 1 sen 7 rin pour 100 tonnes, et 1 sen 4 rin pour 200 tonnes.

CHAPITRE XVI

I. Mines, dans l’antiquité ; au XVe siècle ; époque moderne. — II. Géologie, terrains. — III. Mines en exploitation. — IV. Quelques mines de charbon. — V. Pétrole. — VI. Divers, graphite, soufre. — VII. Les mineurs, les règlements miniers. — VIII. Administration des mines. — IX. Les mines en 1908 ; le socialisme parmi les ouvriers. — X. Rendement du cuivre et du charbon.

I. — En même temps que se développait le trafic maritime, les voies de chemins de fer et l’industrie en général, l’industrie spéciale des mines devenait, elle aussi, un des facteurs importants de la richesse nationale.

On ne sait rien d’exact en ce qui concerne l’origine de l’industrie minière au Japon, mais l’histoire rapporte que, dès le VIIe ou le VIIIe siècle, l’or, l’argent, le cuivre, le charbon et le pétrole étaient connus et retirés du sol. Au commencement du IXe siècle, les mines d’or d’Ikuno, la mine d’argent de Handa, la mine de plomb argentifère de Hosokura et les deux mines de cuivre de Yoshioka et Osaruzawa furent ouvertes. Au XVe siècle, et au temps des Shôgun Tokugawa, d’importantes mines furent également livrées à l’exploitation, parmi lesquelles sont comprises les mines d’or et d’argent de Sado, Innai, Kamioka, Mozumi, Serigano, Yamagano et Shikakago ; la mine d’argent et de cuivre de Kosaka ; les mines de cuivre d’Ashio, Besshi, Ani, Arakawa, Hibira et Omodani ; la mine d’antimoine d’Ichinokawa ; la mine de plomb argentifère de Kuratani ; la mine d’étain de Taniyama ; la mine de fer de Kamaishi ; et les mines de charbon de Miike, Takashima et Akaike. Bien entendu, à ces époques reculées, le travail des mines était fait d’une façon tout à fait rudimentaire et personne ne s’en occupait avec méthode. Ce n’est qu’après la restauration impériale de 1868 que l’industrie minière a fait de réels progrès au Japon.

Le Gouvernement, en effet, songeant avec raison de quelle utilité et de quel profit pourrait être pour le pays l’extraction des richesses de son sous-sol, protégea et encouragea le développement de l’industrie minière ; et, en conséquence, il engagea, à l’étranger, des ingénieurs des mines, des géologues, des professeurs. En même temps, il prenait à son compte le travail des principales mines et il appliqua à cette œuvre les méthodes occidentales, avec l’idée de faire de ces mines des modèles sur lesquels pourraient se baser ceux qui voudraient entreprendre l’industrie minière à leur compte. Depuis ce temps des progrès importants ont été accomplis et le rendement des mines n’a cessé d’augmenter, notamment pour les mines d’or et d’argent de Sado et d’Ikuno et la mine d’argent d’Innai. Lorsque les sociétés privées prirent un développement suffisant, le Gouvernement leur passa au fur et à mesure les mines qu’il exploitait lui-même, se réservant seulement celles dont il jugeait avoir besoin pour les entreprises nationales. Enfin il édicta des lois et réglements qui, mis en pratique en 1892, définirent nettement les droits des propriétaires et exploiteurs de mines et leur assurèrent aide et protection ; de jeunes ingénieurs revenus d’Europe avec les connaissances spéciales en ces matières furent mis à la tête des différents services miniers, et ils provoquèrent de rapides progrès dans cette branche de l’industrie japonaise.

II. — La formation géologique du Japon peut être indiquée comme suit, en prenant 100 comme total.

I. FORMATION DES TERRAINS
Période azoïque
3.78
Période paléozoïque
10.24
Période secondaire
7.95
Période tertiaire
45.84
II. ROCHES IGNÉES
Période ancienne
11.27
Période moderne
20.92
 
——
Total
100.00

En d’autres termes, la proportion des terrains sédimentaires par rapport aux roches ignées est de 2 à 1 pour la superficie totale, tandis que dans les formations sédimentaires, celles qui appartiennent à la période tertiaire, sont dans la proportion de 1 à 2.

Les formations géologiques des îles japonaises peuvent être définies par un arc de cercle s’étendant de l’île de Yézo au Nord-Ouest jusqu’à Kiushu au Sud-Ouest ; par la chaîne du Riukiu et le système montagneux de Formose. Cet arc de cercle Nord-Sud et la chaîne du Riukiu sont inclinés vers le Sud-Ouest. Le côté extérieur de l’arc, celui qui fait face à l’Est, est comparativement parfait au point de vue de la formation géologique, les terrains qui le composent étant répartis d’une manière symétrique.

Le côté intérieur de l’arc, celui qui fait face à l’Ouest, est très compliqué dans sa formation géologique et abonde en crevasses, en dislocation des couches et en roches éruptives. Dans ces circonstances, la distribution des minerais de valeur et la condition et l’état des dépôts sont spéciales à chacun des côtés de l’arc. Généralement, on trouve les veines minérales dans la région située dans l’arc intérieur et aussi dans les roches éruptives ou les couches traversées par lui ; tandis que les couches minérales se rencontrent en plus grand nombre dans la région extérieure de l’arc. A Formose l’extérieur de l’arc fait face à l’Est et la formation est relativement symétrique, sauf au Nord, cependant, où elle est très diffuse par suite d’une coupe brusque qui la sépare des Riukiu ; c’est dans ce district Nord qu’on trouve beaucoup de veines de minerais.

Quelques couches de minerais se sont montrées bien formées dans certains terrains au niveau de la mer.

III. — Les principales mines, actuellement en exploitation, sont :

Mines d’or : Hashidate dans l’Echigo ; Yamagano à Satsuma ; Zuihô et Kinkwaseki à Formose.

Mines d’argent aurifères : Aikawa à Sado ; Ikuno à Tajima ; Innai à Ugo ; Ponshikaribetsu dans l’île de Yezo ;

Mines de cuivre : Ashio dans Shimodzuke ; Osaruzawa, Ani et Arakawa dans Ugo ; Okoya à Koga ; Obiye à Bitchu ;

Mines de plomb : Hosokura à Rikuzen ; Kamioka à Hida ;

Mines d’antimoine : Ichinokawa à Iyo ;

Mines d’étain : Taniyama à Satsuma.

De toutes les mines productrices de métaux existant au Japon, les mines de cuivre sont les plus riches, et on en découvre assez souvent de nouvelles ; le cuivre japonais est, paraît-il, spécial en ce sens qu’il renferme plus ou moins d’or et d’argent.

Les principales mines, autres que les mines productrices de métaux, sont celles de charbon et de pétrole. Le charbon japonais est généralement bitumineux ; les principales veines se trouvent dans le terrain tertiaire. Cependant quelques anthracites sont extraits des terrains secondaires dans les provinces de Nagato, Kii et Higo, mais ils sont insignifiants comme quantité et comme valeur. C’est dans les couches récentes du terrain tertiaire que se montrent les riches dépôts de charbon. Les principaux sont : ceux de l’île de Kiushu et de l’île de Yezo et aussi ceux des provinces de Hitachi et d’Iwaki. Les dépôts carbonifères de Kiushu comprennent les provinces de Chikuzen et Buzen, Chikugo (Miike) et Hizen.

IV. — Hokkaido (île de Yezo). Les mines de charbon de Sorachi furent les premières découvertes dans le bassin de l’Ishikari. Dans les mémoires de Matsura qui fit une exploration complète du Hokkaido, et des autres régions du Nord du Japon vers 1855, il est fait mention d’une trace houillère sur les rives de la rivière Sorachi. Environ trois ans plus tard, un individu nommé Kimura découvrit un autre gisement carbonifère à Poronai, alors qu’il était occupé à couper des arbres. Mais ce fut un Américain, M. Lyman, qui fut chargé de la prospection définitive. En 1876, la Direction de la colonisation du Hokkaido confia à cet ingénieur le travail de prospection dans les terrains houillers de Sorachi, Poronai et des environs. Son rapport signala la présence de la houille dans le district de Yubari. En 1879 on creusa un puits à Poronai, mais ce ne fut qu’à la fin de 1883 que l’extraction commença régulièrement. De ce moment jusqu’à 1890, le Gouvernement exploita la mine à son compte ; mais cette année-là même il vendit les mines de Sorachi, Ikushumbetsu et Yubari à la Compagnie du chemin de fer et charbonnages du Hokkaido (Hokkaido Tankô Tetsudo Kaisha), qui venait de se constituer. Depuis lors c’est cette Compagnie qui continue l’exploitation.

Les charbonnages existent dans les deux districts de Yubari et Sorachi, dans la province d’Ishikari ; les veines sont plus considérables à Yubari ; elles s’étendent sur une longueur de 8 kilomètres, avec une profondeur variant de 6 à 25 pieds.

A Sorachi on constata la présence de 13 veines, chacune mesurant 6 pieds de profondeur.

A Poronai on a découvert une vingtaine de veines de différentes longueurs et épaisseurs, mais on ne peut en exploiter que cinq. Les produits sont bons, et ceux de Sorachi et Yubari peuvent être employés pour faire du gaz et du coke.

Ces mines sont exploitées à l’européenne, et emploient environ 4.000 ouvriers. Le charbon est amené aux ports de Otaru et Mororan où quatre vapeurs appartenant à la Compagnie le transportent à destination.

Chiku Hô. — Les charbonnages de Chiku Hô produisent plus de la moitié des charbons de tout l’Empire ; les houilles sont de qualité moyenne et bitumineuses. En certains endroits, par suite de la présence de dépôts volcaniques, la houille a été changée naturellement en coke. Bien qu’on ignore la date exacte de la découverte de ces mines, il est fort probable qu’elles étaient déjà connues il y a au moins deux cents ans ; mais ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle qu’on a commencé à exploiter le charbon. A cette époque on se bornait à enlever la couche supérieure, et ce n’est qu’en 1881 qu’une machine à vapeur fut installée à la mine de Katsuno et que l’extraction commença à la manière européenne. Cette méthode fut successivement appliquée aux mines de Namazada, Shin nin, Meiji, Akaike.

Vers 1889 certaines parties des houillères furent réservées à l’État à Tagawa et à Kurate ; puis le ministère de l’Agriculture et du Commerce, de qui dépendait le service des mines, émit des règlements pour encourager la formation de grandes Compagnies d’exploitation. Enfin le réseau de voies ferrées, à travers l’île de Kiushu, apporta des facilités considérables pour diriger la houille vers les ports de Moji et de Wakamatsu.

Les charbonnages de Chiku Hô s’étendent sur les cinq districts de Tagawa, Kurate, Kaho, Onga, Kasuya et mesurent 45 kilomètres du Nord au Sud et de 15 à 25 kilomètres de l’Ouest à l’Est. Mais les charbons extraits ne sont pas de qualité supérieure.

Miike. — La découverte de ces charbonnages remonte à 400 ans. De 1873 à 1887 ce fut le Gouvernement qui entreprit l’exploitation ; mais, en 1890, la Compagnie Mitsui en obtint la concession et travailla la mine avec une activité qui ne s’est pas démentie jusqu’à ce jour. Cette dernière s’étend sur une longueur de 15 kilomètres Nord-Sud et de 5 kilomètres Est-Ouest, dans les deux préfectures de Fukuoka et Kumamoto.

Le charbon est un peu meilleur que le précédent et peut servir à faire du gaz et du coke. La mine emploie 6.000 ouvriers, et elle arrive à fournir 4.000 tonnes dans les vingt-quatre heures.

Takashima. — Il y a déjà deux siècles que le dépôt carbonifère de Takashima est connu ; en 1817, la mine se trouvait aux mains du daïmio de Saga, mais, à cette époque, personne ne se souciait des mines de charbon, puisqu’on en ignorait l’usage. Ce n’est donc qu’en 1867 qu’on essaya pour la première fois l’exploitation en règle. Six ans après le Gouvernement reprit la mine, puis la repassa au comte Goto, et en 1881 elle fut achetée par la Compagnie Mitsubishi qui la détient encore actuellement. Elle débuta par un rendement de 1.200 tonnes, puis commença à décliner, lorsqu’on découvrit, en 1898, de nouvelles veines à Hajima.

Les galeries se trouvent, pour la plupart, au-dessous du lit de la mer, ce qui demande une ventilation constante ; aussi le ventilateur de Takashima fournit-il 50.000 pieds cubes d’air à la seconde, et celui de Hajima 120.000 pieds cubes. La mine est placée dans le district de Nagasaki et comprend les trois petites îles de Takashima, Hajima, Nakanoshima situées à sept milles marins du port de Nagasaki. Depuis 1881 elle a fourni plus de 7.000.000 de tonnes de charbon.

V. — Le pétrole existe au Japon presque exclusivement dans les terrains de formation tertiaire : on le trouve au Hokkaido, dans le nord du Honshu, et dans les provinces de Echigo, Shinano et Totomi. Le principal centre de production est la province d’Echigo qui renferme les cinq puits principaux de Higashiyama, Nishiyama, Amaze, Niitsu et Kubiki, dont les deux premiers sont les plus importants. A Higashiyama, l’huile est généralement trouvée depuis 20 jusqu’à 300 mètres de profondeur. Le puits d’Amaze va jusqu’à 854 mètres de profondeur, et la qualité de l’huile de ce puits est la meilleure ; malheureusement il commence à fournir beaucoup moins. Nishiyama produit une huile inférieure à celle d’Amaze, et la couche de pétrole se rencontre à 200 mètres de profondeur.

C’est dans la septième année de l’Empereur Tenchi (668 ap. J.-C.) que le pétrole fut découvert dans la province d’Echigo. Les chroniques rapportent, en effet, qu’à cette époque, de la terre brûlante et de l’eau brûlante furent présentées à la cour impériale ; mais on ne sut qu’en faire. Ce n’est qu’en 1875 que les mines de Kubiki et de Niitsu prirent une importance commerciale. La Compagnie japonaise des pétroles commença en 1890 à extraire l’huile par les procédés européens, et elle découvrit ensuite les couches schisteuses de Nagamine, Kamada, Hire et Urase, ce qui lui permit de développer son entreprise et d’arriver à fournir en 1902 environ 500.000 barils de pétrole.

VI. — Le graphite existe au Japon dans les rocs schisteux, en lames, ou bien dans les rocs stratifiés, en blocs ; bien qu’il y en ait une grande quantité on l’a jusqu’à présent à peu près négligé.

Le Japon, étant un pays essentiellement volcanique, est très riche en soufre et on en rencontre des dépôts très considérables. Les principales mines de soufre se trouvent dans la province de Rikuchu, à Tsurugizan ; et, dans le Hokkaido, à Iwaonobori et Ransu. Les dépôts alluvionnaires sont de deux sortes : d’or dans le district de Yesashi au Hokkaido et de fer à Chûgoku. Les premiers sont détachés de roches de quartz aurifère appartenant à la période secondaire et déposés dans les lits des rivières, les seconds sont la décomposition du minerai de fer.

VII. — Il peut y avoir aujourd’hui, approximativement, 250.000 mineurs au Japon. Ce nombre comprend les mineurs, les porteurs, les piocheurs, les fondeurs, les hommes employés aux machines, aux foyers et aux pompes. La plupart d’entre eux sont satisfaits de leur sort ; ils appartiennent généralement au district où la mine est située : cependant nombre d’entre eux viennent des provinces éloignées avec leurs familles et s’installent là jusqu’à leur mort. Avec l’accroissement incessant de la population au Japon, la main-d’œuvre ne manque jamais. Ces mineurs vivent généralement dans des maisons fournies par les employeurs ; ceux qui ont leurs familles, dans des chambres séparées, et les célibataires dans des espèces de grands dortoirs. Inutile de dire que ces installations sont très sommaires et que les ouvriers et ouvrières sont excessivement mal logés et encore plus mal nourris. La nourriture leur est vendue par la mine ; une nourriture insuffisante, à des prix très faibles, il est vrai, mais avec défense d’aller se nourrir ailleurs. Ceci a pour but de les empêcher de réclamer des augmentations de salaires, ce qui ne manquerait pas d’arriver si les ouvriers se nourrissaient convenablement au dehors ; car leurs gages actuels n’y suffiraient pas. Ici comme dans l’industrie, le sweating system est appliqué en grand et il faut que le peuple japonais meure littéralement de faim pour s’y soumettre sans murmurer. Il finira, d’ailleurs, probablement par se révolter, et l’explosion de colère qui s’est manifestée dans les mines d’Ashio, il y a deux ou trois ans, et où le directeur fut assommé, n’est sans doute que le commencement d’une protestation générale contre le régime employé vis-à-vis des ouvriers.

Ce n’est pas que les patrons ne garantissent les risques d’accident et de maladie, et ne se chargent de payer les funérailles en cas de décès ; mais c’est là un minimum de responsabilité auquel il leur serait bien difficile de se soustraire. Quant à l’ouvrier et à l’ouvrière bien portants, ils sont pressurés abominablement et reçoivent à peine de quoi se suffire.

Jusqu’en 1890 le Gouvernement japonais se réservait soit le droit d’exploiter lui-même, soit le droit d’accorder une concession minière à un individu moyennant une redevance annuelle ; depuis, le système des concessions permanentes a prévalu et c’est ainsi que, grâce à la formation de grandes Compagnies minières, le développement de l’exploitation a été de plus en plus considérable.

Au début, il était interdit à un étranger d’exploiter une mine au Japon ; il ne pouvait même pas faire partie d’une société minière japonaise, de sorte que le privilège d’exploitation était uniquement réservé aux sujets de l’Empire. En 1900 la loi fut modifiée, et elle permit à un étranger de mettre en valeur une mine, soit seul, soit de concert avec des Japonais, pourvu, naturellement, que la société, formée en vue de l’exploitation, fût soumise aux lois et règlements japonais. Je ne crois pas que des Européens aient jamais profité de cette latitude.

La législation japonaise ne reconnaît pas le droit de priorité de découverte ; et le droit de faire des essais de forage est accordé au premier qui en a présenté la demande. Il est valable un an, il est renouvelable pour une autre année si cela est reconnu nécessaire. Enfin le droit d’essai ne peut être ni cédé ni hypothéqué ; seule la concession permanente peut être vendue ou hypothéquée.

Autrefois la concession n’était accordée que pour une durée de quinze ans ; cette circonstance, ajoutée à l’impossibilité, alors existante, d’hypothéquer la mine, a été, pendant longtemps, une entrave au développement de l’industrie minière ; aujourd’hui que ces deux défauts de la législation ont été supprimés, les concessionnaires et les capitalistes ont pu engager de fortes sommes dans l’exploitation du sous-sol.

La superficie d’une concession minière est de 10.000 tsubo (1 tsubo = 3,30 m. q.) pour le charbon et de 3.000 tsubo pour les autres minerais ; et elle peut atteindre jusqu’à 600.000 tsubo dans les deux cas. Dans le cas où plus de deux concessionnaires s’associent, la limite maxima peut dépasser 600.000 tsubo.

Le concessionnaire est obligé, avant de commencer le forage, de soumettre ses plans au chef du bureau de l’inspection des mines ; la concession peut être retirée par le ministre de l’Agriculture et du Commerce si le travail y est suspendu pendant plus d’une année ; tous les six mois le concessionnaire est obligé de fournir un état de la situation de la mine ; toute association ou tout partage de concession doit recevoir l’approbation de l’inspecteur du bureau des mines.

Quant au propriétaire du terrain sur lequel est située la mine, il doit recevoir une juste compensation en loyer pour la terre et des dommages-intérêts pour l’installation des puits, des machines, des tramways, voies ferrées, etc. ; il peut exiger le rachat de sa terre au bout de trois ans ; s’il s’élève des différends entre lui et le concessionnaire, la question est portée d’abord devant l’inspecteur du bureau des mines, puis devant le ministre de l’Agriculture et du Commerce, enfin devant les tribunaux. En vue de la protection des intérêts publics et privés, des règlements spéciaux sur la police des mines ont été édictés, et sont rendus applicables par l’inspection du bureau des mines et par le ministère de l’Agriculture et du Commerce. Voici les principaux articles :

Sécurité des constructions dans la mine et hors de la mine ;

Protection de la vie et de la santé des ouvriers ;

Protection de la surface et des intérêts publics ;

Tout ce qui serait nuisible à l’intérêt public peut être supprimé par ordre de l’inspecteur sous peine de suspension ;

L’usage des explosifs, les dispositions pour la ventilation, les ouvrages souterrains, la construction des cheminées, des chaudières, des fonderies, etc., sont soumis à des règles strictes pour éviter les accidents. En outre une protection spéciale est accordée aux ouvriers ; la nature du travail, les heures de travail, le travail des femmes et des mineurs, tout est réglé minutieusement ; et le concessionnaire est, (du moins sur le papier), obligé de se conformer aux décisions de l’inspecteur du bureau des mines.

Les taxes à payer sur les concessions minières sont de deux sortes : taxe sur la concession et taxe sur le rendement brut ; la première est de 30 sen par 1.000 tsubo et la deuxième de 1 pour 100 de la valeur du rendement. Cette dernière est fixée d’après les prix des principaux marchés. Il y a toutefois une quote officielle pour l’or, l’argent, le cuivre, le plomb, l’antimoine, le charbon et le pétrole.

Les recherches des minerais dans les sables d’alluvions sont soumises à un régime un peu différent ; ici, en effet, le droit de priorité est accordé au propriétaire de la terre où se trouvent les minerais. Mais, si le propriétaire ne veut pas travailler le minerai, il est obligé de donner la permission à celui qui veut le faire ; à condition naturellement d’être rémunéré d’une façon convenable. Les recherches dans les terrains alluvionnaires ne sont permises qu’aux sujets japonais ; aucun Européen, soit pour son compte, soit pour le compte d’une société, n’est autorisé à entreprendre ce travail.

VIII. — L’administration des mines présente, cela va de soi, des caractères spéciaux et elle est forcément différente de l’administration générale des autres industries. Les fonctionnaires chargés des affaires de la direction des mines doivent posséder des connaissances spéciales et particulières sur toutes les questions qui s’y rapportent. Ils doivent en effet savoir :

Les règlements concernant l’établissement d’une concession ; son retrait ; le droit de transfert ; l’obligation pécuniaire pour le concessionnaire ;

Les règlements relatifs au forage d’essai ; à l’approbation des plans ; à l’affermage de la surface ; à l’association de plusieurs concessionnaires ou à la division d’une concession en plusieurs sociétés ;

Les règlements de police spéciaux aux mines, tels que ceux relatifs aux intérêts du public, aux intérêts des ouvriers ; à la sécurité des mines et à la solidité des constructions ;

Ils doivent aussi être prêts à juger équitablement tous les différends qui peuvent se produire entre les propriétaires du terrain et les concessionnaires des mines.

L’administration des affaires minières est divisée en deux sections :

1o La direction centrale des mines, rattachée au ministère de l’Agriculture et du Commerce ;

2o Cinq directions locales à la tête desquelles se trouvent cinq inspecteurs nommés par le même ministère. Les directions locales ont le pouvoir de surveiller toutes les affaires minières dans leur juridiction et, suivant la gravité des cas, elles traitent les questions soit sous leur responsabilité, soit en en référant au département de l’Agriculture et du Commerce.

IX. — Le nombre total des demandes de concessions minières pour 1908 a été de 4.663 ; c’est beaucoup moins que les années précédentes ; et, dans le nombre, il y a une quantité de demandes pour concessions qui n’aboutiront jamais. Le chiffre total de production minière a été, pour cette même année, de 103.167.395 yen, en diminution de 3.659.626 yen sur l’année précédente.

Charbon : 14.468.669 tonnes, pour une valeur de 61.963.500 yen ;

Cuivre : 67.805.639 livres, pour une valeur de 2.242.983 yen ;

Pétrole : 1.639.357 koku, pour une valeur de 6.475.460 yen ;

Argent : 31.259 kwamme pour une valeur de 4.265.717 yen ;

Or : 829 kwamme, pour une valeur de 4.147.485 yen ;

Fer : Saumons : 39.938 tonnes, et acier 1.668 tonnes, pour une valeur de 1.927.245 yen ;

Soufre : 53.815.077 livres, pour une valeur de 766.816 yen ;

Le nombre des Compagnies minières, à la fin de 1908, était de 205, avec un capital total de 175.809.650 yen ; (capital versé : 119.390.800 yen).

Il y a eu un commencement de grève dans les mines de charbon de Takashima et aussi dans quelques autres mines ; mais cela a été sans gravité ; il est cependant incontestable que l’ouvrier des mines, actuellement, commence à vouloir imiter ses confrères d’Europe, et réclame, avec de plus hauts salaires, d’autres conditions de vie.

« Le socialisme en est à ses débuts au Japon, et ils ne sont pas encore très brillants ; mais il est hors de doute que le peuple, en général, et l’ouvrier, en particulier, souffrent des résultats onéreux, au point de vue financier, des deux guerres soutenues en dix ans. La gloire coûte cher et le Japon n’est pas riche. L’ouvrier, le premier, a essayé des grèves ; son sort est en effet lamentable, et les Japonais, qui ne veulent pas fermer les yeux quand même, sont les premiers à le déclarer, témoin le directeur de l’École industrielle de Tokio qui ne craint pas, dans un long article publié par la Revue Chu ô kô ron, de réclamer plus de bienveillance, plus d’hygiène, plus de moralité envers la classe ouvrière. Dans deux cents corporations d’ouvriers qu’il a examinées, il a trouvé une corruption effrayante et des mœurs lamentables ; la protection des mineurs, principalement des jeunes filles, n’existe pas. Tout le monde vit pêle-mêle comme des bêtes ; les ouvrières sont parquées dans de grandes salles, souvent avec défense de sortir plus d’une fois par semaine ; dans d’autres salles vivent entassés des ouvriers ; tout ce monde est traité comme un vil troupeau et vit en conséquence.

« Les ouvriers mariés, et qui habitent en ville, ont l’air de se soucier fort peu de leur propre famille.

« D’ailleurs, le socialisme a déjà pénétré l’armée. Trouvant un terrain tout préparé chez les ouvriers si miséreux, il gagne la caserne où l’on commence à distribuer aux conscrits des brochures subversives ; il est arrivé même à des soldats de déserter en groupes.

« Devenant de plus en plus un pays industriel, le Japon possèdera bientôt une classe ouvrière considérable avec laquelle il faudra compter. Ce qui manque maintenant à cette foule c’est un chef ; tout est encore en formation ; mais le jour où ils auront pris conscience de leurs forces et où ils auront un chef intelligent et pratique, les ouvriers pourront imposer leurs conditions. Seront-ils sages et calmes à ce moment ? ou bien, grisés, comme tant d’autres en Europe, par de vaines et fallacieuses promesses, aideront-ils par la violence à l’arrivée de l’âge d’or qu’on leur a promis ? » (Avenir du Tonkin, 1909.)

X. — En 1907, dernière année pour laquelle nous ayons des statistiques complètes, le rendement des mines de cuivre et de charbon, les deux catégories de mines que l’on peut considérer comme les plus importantes du Japon, se répartit de la façon suivante :

Cuivre :

Mines :
Appartenant à :
Rendement
en livre japonaise
de 600 grammes.
Arakawa (Akitaken) Mitsubishi
1.256.428
Ani   — Furukawa
2.089.321
Ashio (Tochigi)  —
10.666.029
Beshi (Ehime) Sumitomo
8.911.895
Dôgamaru (Shimane) Hori
307.943
Furogura (Akita) Furukawa
772.552
Hibira (Miyazaki) Naito
1.435.755
Hidate (Ibaraki) Kuhara
1.355.280
Hiragama (Gifu) Yokoyama
1.050.331
Hisaichi (Akita) Mitsubishi
1.201.908
Homansan (Shimane) Hori
528.933
Ikuno (Hiogo) Mitsubishi
1.511.289
Innai (Akita) Furukawa
433.954
Itsuki (Kumamoto) Itsuki
249.820
Kano (Fukushima) Kano
720.167
Komaki (Akita) Mitsubishi
101.443
Kosaka — Fujita
12.041.857
Kusakura (Niigata) Furukawa
501.445
Nidzusawa (Iwate)  —
350.036
Nagamatsu (Yamagata)  —
460.698
Oharasawa (Iwate) Saito
200.025
Obie (Okayama) Sakamoto
1.176.951
Okoya (Ishikawa) Yokoyama
1.078.402
Omodami (Fukui) Mitsubishi
383.459
Omori (Shimane) Furukawa
390.396
Otori (Yamagata)  —
199.925
Osaruzawa (Akita) Mitsubishi
1.937.183
Sasagaya (Shimane) Hori
235.388
Takane (Gifu) Asada
175.377
Takura (Yamaguchi) Mitsubishi
249.821
Tsubaki (Akita) Takeda
270.882
Yakuki (Fukushima) Yakuki
298.328
Yoshioka (Okayama) Mitsubishi
1.435.755
Yusenji (Ishikawa) Takenouchi
718.264

Ainsi donc le Japon a produit, en 1907, 54.697.242 livres japonaises de cuivre, soit : 32.818.342 kilogrammes. C’est, après celui des États-Unis d’Amérique, le plus grand rendement connu sur notre globe, et le cuivre est l’un des principaux produits d’exportation du Japon.

Charbon :

Mines :
Propriétaires.
Production
en tonnes métriques.
Poronai (Hokkaido) Hokkaido Co
163.013
Yubari
— 
— 
480.803
Sorachi
— 
— 
202.930
Iriyama (Fukushima) Iriyama Co
204.537
Uchigo
— 
Iwaki Co
145.515
Onoda
— 
— 
188.951
Ojô
— 
Ojô Co
86.289
Takashima (Nagasaki) Mitsubishi
183.816
Akasakaguchi (Saga) Takatori
139.273
Wochi
— 
Mitsubishi
163.013
Yoshitani
— 
Yoshitani Co
219.858
Kitakara
— 
Koga
86.840
Kamiyamada (Fukuoka) Mitsubishi
90.186
Otsuji
— 
Kayejima
212.629
Miike
— 
Mitsui
1.482.451
Onoura
— 
Kayejima
593.154
Shin iri
— 
Mitsubishi
438.572
Fujidana
— 
Mitsui
96.321
Mannoura
— 
Kayejima
207.372
Yoshio
— 
Aso
216.207
Namadzuda
— 
Mitsubishi
244.463
Yamano
— 
Mitsui
138.850
Meiji
— 
Yosukawa
416.421
Tadakuma
— 
Sumitomo
67.195
Kaneda
— 
Mori
271.328
Hokoku
— 
Hiraoka
161.920
Tagawa
— 
Mitsui
486.478
Akaike
— 
Yasukawa
182.469
Otô
— 
Hara
179.130
Futase
— 
Gouvernement
366.128
Furukawa
— 
Furukawa
376.681

Je ne donne ici que le rendement des principales mines, de celles qui produisent au-dessus de 100.000 tonnes métriques. Le charbon japonais est très inférieur, comme qualité, à tous les autres charbons connus et la consommation sera toujours limitée aux mers de Chine ; elle finirait même par cesser tout à fait si on trouvait, (comme il est probable que cela se produira), des mines de charbon supérieur dans les territoires chinois et indo-chinois.

CHAPITRE XVII

I. Finances japonaises ; généralités. — II. Organisation actuelle. — III. Le budget, les impôts. — IV. Dette publique ; emprunts. — V. Finances locales. — VI. Banques. — VII. Compagnies d’assurances. — VIII. Médecins, hygiène publique, assistance publique.

I. — Avec le chapitre finances, se présente le côté le plus ardu de l’économie japonaise. C’est la brume, en effet, que nous apercevons de ce côté. Les Japonais, qui cachent tout ce qu’ils peuvent à l’Europe, lui cachent leurs finances plus que leurs secrets militaires. Le Japon est pauvre, très pauvre ; le nécessaire manque dans tout le pays, et l’or, qui peut y exister, sert à payer les coupons de la dette et les achats à l’étranger. Cependant, si l’on consulte les publications japonaises, la situation financière est très bonne ; c’est qu’il faut tenir compte, ici, d’une particularité insoupçonnée par ceux qui ne connaissent pas le Japon[13] : les insulaires du Soleil Levant se priveront de tout et accepteront de payer les taxes les plus lourdes pour aider le Gouvernement à montrer à l’Europe une situation prospère. Le patriotisme japonais est, il faut bien le dire, animé de pas mal d’orgueil, et ce à quoi il tient le plus, c’est à faire grande figure devant l’Europe. Mais enfin la corde finit par casser, et il a déjà fallu boucler le budget de 1908-09 par des surtaxes sur la bière et le sake, le sucre et la consommation du pétrole. On va loin à ce jeu-là et le contribuable est rapidement à sec.

[13] Tous les Japonais ont subi des privations volontaires pendant la guerre contre la Russie ; un grand nombre d’entre eux se sont privés du nécessaire pour donner aux fonds de guerre.

D’un autre côté, sur quoi baser un nouvel emprunt ? Quelles garanties donnerait le Gouvernement japonais s’il était à nouveau obligé de recourir à l’argent de l’étranger ?

II. — Les finances japonaises, telles qu’elles existent aujourd’hui, ne datent pas de fort loin ; comme bien on le suppose, le système financier, au lendemain de la restauration impériale, était extrêmement compliqué et il n’existait pas de méthode régulière d’administration financière. Il avait fallu rompre avec l’ancien système où chaque daïmio avait ses finances et ses impôts ; il avait fallu centraliser, ici comme dans toutes les autres administrations, et ce ne fut pas facile. Cependant, en 1871, on établit l’unité dans les finances en décidant que toute la comptabilité des différents ministères et administrations publiques serait, désormais, sous la direction du Trésor, et que les Départements ministériels n’auraient plus, comme auparavant, leur comptabilité propre et indépendante des autres. Puis, en 1875, on établit un compte de recettes et de dépenses qui fut comme le premier budget de l’Empire. En 1880 fut créée la Cour des Comptes, sous le contrôle direct de l’Empereur. Tous ces remaniements ne se firent pas sans secousse et sans tâtonnements, et ce fut la gloire des gouvernants de la première heure d’avoir mené à bien une réforme aussi grave et aussi importante, pour un pays que la réforme financière. Il fallut, après la création du Trésor et celle de la Cour des Comptes, encore deux ans avant d’arriver à établir, sur des bases solides, la comptabilité centrale et la vérification ; cependant, à partir de 1882, toutes les irrégularités disparurent, et la création de la Banque du Japon (Nippon Ginkô) acheva la réorganisation. A dater de 1886, les budgets furent rendus publics, et, lors de la promulgation de la constitution, en 1889, la loi de Finances fut amendée et les budgets doivent désormais être établis par le ministre des Finances d’accord avec le Parlement.

III. — Le budget ordinaire de l’année 1908-1909 est monté à 619.958.339 yen, avec un budget extraordinaire et supplémentaire de 3.839.331 yen, soit un total de 623.797.670 yen, chiffre qui n’avait jamais été atteint jusqu’à ce jour.

Pour le budget ordinaire :

Les recettes étant de
611.043.048
yen
Et les dépenses de
615.958.339
 
Il en résulte un déficit de
4.915.291
yen

Ce déficit a été comblé avec un accroissement d’impôt sur trois chapitres :

Sur le sake et la bière
545.343
yen
Sur le sucre
2.819.444
 
Sur la consommation du pétrole
1.550.504
  ————  
Ensemble
4.915.291
yen

Voici quels sont les divers impôts et autres revenus de l’Empire, source de l’alimentation des budgets nationaux[14] :

[14] D’après l’Annuaire financier et économique du Japon (publié par les soins du ministère des Finances).

Impôt foncier. — L’impôt foncier est proportionnel à la valeur des terrains qui y sont soumis. Cette valeur est déterminée d’après la base suivante : on calcule le capital qui correspond au revenu net ou au prix de location du terrain et on l’inscrit sur les registres officiels du cadastre.

L’impôt foncier est payé :

Pour les terrains grevés d’une hypothèque, par le créancier hypothécaire ;

Pour les terrains loués à bail superficiaire d’une durée de plus de cent ans, par le locataire qui a acquis le droit de superficie ;

Pour tous les autres terrains par le propriétaire du fonds.

Le taux annuel de l’impôt foncier est fixé à 2 et demi pour 100 (1 pour 100 dans le Hokkaido) de la valeur de la terre calculée, comme il a été dit ci-dessus. Mais les lois de 1904 et 1905 y ont ajouté, pour les diverses catégories de terrains, les surtaxes suivantes :

Propriétés urbaines bâties : 17,5 pour 100 de leur valeur.

Propriétés rurales bâties : 5,5 pour 100 de leur valeur.

Terrains non bâtis : 3 pour 100 de leur valeur.

Impôt sur le revenu. — L’économie de la loi qui régit actuellement l’impôt sur le revenu peut se résumer ainsi :

Cet impôt est dû :

a) Par les personnes qui ont leur domicile, ou au moins un an de résidence, dans les localités de l’Empire où ladite loi est en vigueur ;

b) Par les personnes qui, sans être domiciliées au Japon ou sans y résider, ont des biens ou une exploitation soit commerciale, soit industrielle, ou encore touchent les intérêts de fonds publics ou d’obligations de Compagnies dans les localités où la loi est appliquée. Ces personnes ne sont, néanmoins, sujettes à l’impôt qu’à l’égard des revenus provenant des sources indiquées.

L’impôt est fixé comme suit :

Première classe : revenu des personnes légales 2,5 pour 100. Plus :

a) Pour les Compagnies par actions et sociétés coopératives par actions, ayant au moins 21 actionnaires ou actionnaires et associés… 3,75 pour 100… soit au total 6,15 pour 100.

b) Autres personnes légales :

Au-dessous de
5.000
yen,
2
pour 100, soit au total
4,50
pour 100.
De
5.000
à
10.000
yen,
2,25
— 
4,75
— 
— 
10.000
à
15.000
— 
2,50
— 
5,  »
— 
— 
15.000
à
20.000
— 
3,  »
— 
5,50
— 
— 
20.000
à
30.000
— 
4,25
— 
6,75
— 
— 
30.000
à
50.000
— 
5,75
— 
8,25
— 
— 
50.000
à
100.000
— 
7,50
— 
10,  »
— 
— 
100.000
et au-dessus,
10,  »
— 
12,50
— 

Deuxième classe : intérêts des bons d’emprunts publics ou des obligations de Compagnies reçus dans les localités où la loi est en vigueur, 2 pour 100.

Troisième classe : revenus autres que les précédents :

Yen
100.000
et au-dessus
20,35
pour 100.
— 
50.000
— 
17,  »
— 
— 
30.000
— 
13,95
— 
— 
20.000
— 
11,60
— 
— 
15.000
— 
9,45
— 
— 
10.000
— 
7,50
— 
— 
5.000
— 
6,  »
— 
— 
3.000
— 
4,60
— 
— 
2.000
— 
3,91
— 
— 
1.000
— 
3,45
— 
— 
500
— 
2,52
— 
— 
300
— 
2,  »
— 

Sont exemptés de l’impôt :

a) La solde des militaires et des marins en temps de guerre ;

b) Les gratifications et pensions allouées aux veuves et aux orphelins des soldats ou marins, et les pensions des invalides ;

c) Les frais de voyage, bourses pour étudiants et autres fonds reçus à titre d’assistance de l’État ;

d) Les revenus d’une personne légale qui n’exploite aucune affaire ayant pour but un intérêt matériel ;

e) Les bénéfices accidentels qui ne proviennent pas d’une entreprise ayant le gain pour but ;

f) Les revenus qui proviennent de propriétés, d’établissements de commerce ou d’affaires et d’autres professions, soit à l’étranger, soit dans les localités où la loi n’est pas en vigueur — excepté cependant les revenus d’une personne légale qui a son siège principal dans une localité soumise à l’application de cette loi.

g) Les primes et dividendes payés par une personne légale qui est déjà imposée par la présente loi.

Des lois spéciales exemptent de l’impôt sur le revenu les intérêts des bons d’emprunt nationaux ainsi que les intérêts des bons d’épargne émis ou à émettre conformément à la loi sur les bons d’épargne de 1904.

Patentes. — Cet impôt, établi en 1896, atteint toutes les catégories d’industrie et de commerce. Comme il porte sur les affaires mêmes qui en font l’objet, la nature et la qualité de ces affaires sont prises en considération ; c’est pourquoi, en vue d’assurer la répartition équitable des charges, l’assiette de l’impôt prend pour base les capitaux engagés, le chiffre des ventes effectuées, la valeur locative des bâtiments, le nombre des employés, artisans et ouvriers, enfin le montant des commissions et des contrats. Cet impôt a rapporté 21.854.307 yen en 1908-09.

Droits de succession. — La loi qui règle les droits de succession a été promulguée en janvier 1905, et elle est entrée en vigueur le 1er avril de cette même année. D’après cette loi, les droits de succession s’appliquent, lorsqu’une succession vient à s’ouvrir, à tous les biens, constituant l’héritage, qui se trouvent dans une localité où la loi est en vigueur, et sans qu’on ait à se préoccuper de savoir si le lieu d’ouverture de la succession est ou non au Japon, ou si le de cujus est ou n’est pas sujet japonais. Mais la nature des biens soumis à l’impôt, et le mode d’évaluation de ces biens, varient suivant que le domicile du de cujus se trouve ou non dans une localité où la loi est applicable.

Ces droits ont rapporté 1.530.814 yen pour l’exercice 1908-09.

Ont rapporté en 1908-1909 :

L’impôt sur les boissons
71.809.684
yen.
— 
le shôyu
4.070.184
— 
— 
le sucre
16.293.911
— 
La taxe de consommation sur les pétroles
1.563.089
— 
La taxe sur les médicaments livrés au commerce
204.640
— 
L’impôt sur les mines
2.041.193
— 
— 
les bourses
2.041.643
— 
— 
l’émission des billets de banque
1.168.234
— 
La taxe sur les voyageurs en chemins de fer, bateaux à vapeur et tramways électriques
2.337.834
— 
L’impôt de consommation sur les tissus
19.462.196
— 

Cet impôt a été établi en 1905, et il est prélevé de la manière suivante : sur les étoffes de laine 15 pour 100 de la valeur ; sur les autres étoffes 10 pour 100.

Les droits de tonnage, à 5 sen par tonne de jauge légale, ont rapporté 528.027 yen.

Droits de Douane. — En 1859, à l’époque où les premiers traités de commerce furent conclus avec les puissances occidentales, des postes de douane furent établis, et des droits furent levés, pour la première fois au Japon, dans quelques ports ouverts désignés à cet effet. Le tarif douanier de cette époque était entièrement déterminé par les traités, mais il ne fut appliqué que pendant un temps extrêmement court ; le tarif entier fut, en effet, révisé en 1866. Ce tarif révisé maintint les droits de douane du Japon sans modification pendant trente-trois ans ; car il resta en vigueur jusqu’en 1899, époque où furent appliqués les traités de commerce et de navigation conclus avec les puissances étrangères, et, actuellement, encore en vigueur. Le système des droits de douane qu’il inaugurait eut une influence sérieuse sur l’économie et sur les finances nationales.

La mise en vigueur des traités commerciaux, révisés avec les puissances étrangères en 1899, rendit possible l’application du tarif général qui, combiné avec les nouveaux tarifs conventionnels, forma le tarif douanier du Japon. A cette époque les droits d’exportation furent entièrement abolis.

En 1904, le besoin d’argent conduisit à l’imposition de surtaxes sur les droits de douane aussi bien que sur les autres impôts, et, depuis le 1er octobre 1906, le tarif applique, sur beaucoup d’articles, des droits spécifiques.

Pour l’exercice 1905-1906, les droits de douane ont rapporté la somme de 41.410.920 yen.

A part ces chapitres de recettes, il en existe d’autres, tels que le revenu du timbre, qui a rapporté pour l’exercice 1908-1909 la somme de 20.393.538 yen ; puis les monopoles, c’est-à-dire :

Le monopole du tabac qui figure aux recettes du même exercice pour la somme de 41.723.003 yen ;

Le monopole du camphre pour 62.387 yen ;

Le monopole du sel pour 13.193.163 yen ;

Les revenus des chemins de fer impériaux figuraient, autrefois, dans le budget général ; depuis cette année, ils en ont été distraits, et il a été établi un compte spécial des chemins de fer, divisé en trois sections : compte du capital, compte du revenu, compte des réserves.

IV. — Pour faire face à ses nombreuses œuvres de réédification nationale et de transformation à l’européenne, le Japon a été amené à contracter divers emprunts ; en 1908 la somme totale de ces emprunts était de 2.243.000.000 de yen, soit 5.719.650.000 francs, c’est-à-dire une charge considérable pour le pays, étant donné ses ressources. La dette intérieure représentait 1.078.194.000 yen et la dette extérieure 1.165.701.000 yen. C’est la guerre contre la Russie qui a été la cause principale des emprunts japonais ; en effet, avant la guerre, la dette publique était de 535.459.000 yen, et après la guerre de 1.530.263.000 yen. Comme la Russie s’est refusée à verser une indemnité de guerre quelconque, le Japon a dû supporter toutes les dépenses de son expédition, et a été obligé d’emprunter encore.

Les derniers emprunts, contractés à l’étranger, sont : celui de 4 et demi pour cent, émis à Londres et à New-York en mars 1905 ; 30.000.000 de livres sterling, souscrit à 90 livres pour 100 livres, valeur au pair ; le capital est remboursable en quinze ans, par tirage au sort, à partir du 14 février 1910 jusqu’au 15 février 1925. Le service de l’emprunt est assuré par le Gouvernement sur la garantie des profits nets du monopole du tabac.

Le second emprunt à 4 et demi pour 100, de 30.000.000 de livres sterling, a été émis à Londres, à New-York et à Berlin en juillet 1905 ; il est remboursable, comme le précédent, en quinze ans, du 9 juillet 1910 au 25 juillet 1925 ; garanti également par le monopole du tabac, l’emprunt précédent conservant la priorité.

Un emprunt de 25.000.000 de livres sterling à 4 pour cent a été émis, en novembre 1905, à Londres, Paris, New-York, Berlin ; à 90 livres pour cent livres, valeur au pair, remboursable du 1er janvier 1920 au 1er janvier 1931.

Un emprunt de 23.000.000 de livres sterling à 5 pour cent, a été émis, en mars 1907, à Londres et à Paris ; à 99,10 livres pour 100 livres, valeur au pair ; remboursable en 25 ans du 12 mars 1922 au 12 mars 1947.

Si l’on ajoute à cela : l’emprunt pour le rachat des chemins de fer ; l’emprunt destiné à consolider les dettes des chemins de fer rachetés par l’État ; l’emprunt pour les dépenses extraordinaires ; l’emprunt de 1897 pour les dépenses relatives à la construction des chemins de fer ; les obligations du Trésor émises au moment de la guerre contre la Russie ; le rachat des pensions héréditaires de l’ancien régime ; l’emprunt des Travaux publics ; l’emprunt des chemins de fer du Hokkaido ; les divers autres emprunts nationaux, on voit que la situation financière du Japon est très obérée. Ses idées de gloire et de grandeur militaires l’ont entraîné très loin ; il semble, au reste, s’en rendre compte, et il déclare, maintenant, qu’il ne veut plus que la paix pour développer les richesses et rétablir les finances.

V. — Suivant la loi en vigueur, les dépenses départementales sont défrayées au moyen de contributions départementales, de subventions du Trésor national et de recettes diverses. Les contributions départementales sont perçues, ou bien par des taxes additionnelles aux impôts directs, ou bien par des impôts sur des articles désignés à cet effet. A la première catégorie appartiennent l’impôt foncier, l’impôt sur le revenu, les patentes ; à la seconde les taxes sur les loyers et les taxes diverses.

Les villes et les communes disposent, pour le payement de leurs dépenses, des revenus provenant de leurs propriétés, loyers, droits et autres recettes diverses ; et, si ces sortes de recettes ne suffisent pas, des contributions municipales ou communales peuvent être levées et des prestations en nature imposées.

Quand une assemblée locale décide de faire un emprunt, elle doit déterminer, en même temps, la manière de le réaliser, le taux de l’intérêt et la manière de rembourser. L’amortissement des emprunts des villes et des communes doit commencer, au plus tard, trois ans après la date de leur émission, et l’emprunt doit être totalement remboursé en trente ans.

Pour contracter un emprunt, les assemblées locales, municipalités des villes ou villages, doivent obtenir l’autorisation du ministre des Finances et du ministre de l’Intérieur.

VI. — Les règlements des Banques, promulgués en novembre 1872, étaient basés sur le système généralement admis aux États-Unis ; quatre banques nationales furent créées conformément aux nouveaux règlements, lesquels, entre autres choses, stipulaient le remboursement des billets en or au pair ; mais le manque d’or d’abord, et le nombre excessif de billets émis, fit bientôt tomber ces derniers bien au-dessous du pair. Le Gouvernement eut, alors, l’idée de remanier les règlements en 1879, et d’autoriser les banques à se servir, comme garantie de leurs billets, des Bons des Pensions héréditaires, s’élevant en bloc à 170.000.000 de yen ; les billets de ces mêmes banques devenant rachetables par des billets d’État. Cette combinaison réussit et, dans l’espace de quelques années, il se créa 153 banques désignées par les chiffres de 1 à 153.

En 1880, lors de l’institution de la Banque du Japon (Nippon Ginkô), les 153 banques nationales furent privées du droit d’émettre des billets ; la plupart se fermèrent ; quelques-unes furent converties en banques privées qui existent encore actuellement.

La Banque du Japon fut fondée en 1882 ; son capital autorisé fut d’abord de 10.000.000 de yen ; il est aujourd’hui de 30.000.000 de yen. Elle possède le privilège d’émettre des billets jusqu’à la somme de 120.000.000 de yen sur garantie de la réserve d’or et d’argent qu’elle possède et sur les bons du gouvernement. Il est fort probable que la réserve métallique n’existe que sur le papier, tout l’or que le Japon peut avoir passant à l’étranger ; par conséquent, le billet de la Banque du Japon n’a de valeur que par la confiance que lui assure l’habitant du Nippon.

Les principales banques sont :

Yokohama Shô Kin Ginkô, Banque de monnaie métallique, d’espèces sonnantes, fondée en 1880 au capital de 24.000.000 de yen ;

Nippon Kogio Ginkô, Banque industrielle du Japon, avec un capital de 17.500.000 yen ;

La Banque hypothécaire du Japon, avec un capital de 10.000.000 de yen ;

La Banque de Formose ;

La Banque de Hokkaido (île de Yezo).

En dehors de ces grands établissements, il existe un certain nombre de banques particulières, notamment les Première, Troisième, Quinzième, Vingtième, Vingt-septième, Centième, Cent trentième Banques ; ce sont les survivantes des 153 Banques Nationales dont il a été parlé plus haut, et qui sont devenues des établissements privés ; Puis la Kawasaki Ginkô, établie par M. Kawasaki ; la Imamura Ginkô ; la Meiji Shôgiô Ginkô ; Tei Koku Shôgiô Ginkô, etc…

Plusieurs banques européennes sont établies et font des affaires au Japon :

La Banque anglo-japonaise, dont les bureaux sont à Yokohama ;

La Chartered bank of India, Australia and China à Yokohama, Kobé et Nagasaki ;

La Deutsch-Asiatische Bank, à Yokohama, Kobé, Nagasaki ;

La Hongkong and Shanghaï banking Corporation, à Yokohama, Kobé, Nagasaki ;

L’International Banking Corporation, à Yokohama, Kobé, Nagasaki ;

La Banque russo-chinoise, à Yokohama et Nagasaki.

Il existait autrefois une Banque française, le Comptoir d’Escompte de Paris ; mais les règlements des Banques françaises sont tellement restrictifs qu’il leur est impossible de faire des affaires en Orient, et le Comptoir d’Escompte depuis longtemps a fermé sa succursale.

VII. — Les premières Compagnies d’assurances japonaises prirent naissance en 1881, mais ce n’est qu’en 1890, après la promulgation du Code de commerce, que des règlements furent établis pour surveiller et contrôler les Compagnies. En 1900, une loi fut mise en vigueur édictant notamment la nécessité, pour une association ou société de ce genre, de posséder un capital d’au moins 100.000 yen ; à la même époque, des règlements parurent au sujet de la surveillance à exercer sur les Compagnies européennes d’assurances établies et faisant des affaires au Japon.

Parmi ces dernières toutes sont anglaises ou américaines :

Union Assurance Society ;

Guardian Assurance Company ;

North British and Mercantile Insurance Co ;

Phœnix Assurance Co ;

Yorkshire Insurance Co ;

Sun Fire Insurance Co ;

Scottish Union and National Insurance Co ;

Hongkong Fire Insurance Co ;

Equitable life ;

New-York life ;

Une Compagnie française, l’Union, figure sur la liste.

VIII. — Il y a, au Japon, environ 40.000 médecins, qui tous, emploient les méthodes européennes. Les maladies du Japon sont à peu près les maladies d’Europe, sauf la dyssenterie, qui y sévit assez régulièrement tous les étés.

L’hygiène est, du reste, fort bien appliquée par les autorités, et, en cas d’épidémie, je crois qu’aucun pays ne prend autant de précautions que le Japon, et n’applique les règlements sanitaires avec autant de ponctualité et de minutie. Ceux qui ont abordé aux ports de Kobé et de Yokohama, pendant une épidémie de peste ou de choléra, en savent quelque chose.

Beaucoup de Japonais meurent phtisiques, et c’est ce qui fait que le Nord n’est pas très peuplé. Le Japonais est plutôt résistant à la chaleur qu’au froid, et son tempérament le conduirait plutôt vers les régions équatoriales d’où ses ancêtres malais sont sortis.

L’hospitalisation et l’assistance publique sont fort bien comprises, et les hôpitaux, tenus à l’européenne, sont très propres.

Les œuvres charitables ont été au début généralement chrétiennes, soit étrangères, soit indigènes ; malgré l’intérêt montré par la Cour impériale, et notamment par l’Impératrice elle-même, pour toute œuvre de bienfaisance, les bouddhistes et les shintoïstes ont été longs à diriger leurs efforts vers le bien à faire à leurs compatriotes misérables. Cependant, au milieu des Sociétés charitables de toutes sortes, on commence à voir paraître quelques-unes des Sociétés bouddhiques répandues un peu dans tout l’Empire.

CHAPITRE XVIII

I. Le Japon politique et son avenir. — II. Le Japon commercial et industriel et son avenir.

I. — Le Japon, à force de travail et d’efforts, s’est assimilé, à haute dose, la civilisation occidentale. Il a surtout compris et adopté, en première ligne, le mécanisme militaire parce que son tempérament, son atavisme, son éducation l’y portaient, et il est devenu le facteur principal de la paix ou de la guerre dans l’Extrême-Orient.

Il a pris pied sur le continent. Y restera-t-il ? Il cherche, évidemment, la domination de l’Asie orientale, et c’est dans ce but qu’il augmente sa force militaire. Ne vient-il pas de mettre encore quelques cuirassés en chantier ? Et son service de renseignements n’est-il pas étendu sur toute l’Asie, d’une façon merveilleuse, depuis l’Inde jusqu’à la Mongolie ? J’ai vu des Japonais au Tonkin, sur les frontières du Kouang-si, au Yunnan, en Birmanie ; j’en ai rencontré à Bhamo, qui allaient rejoindre des compatriotes venus à Yong Tchang fou par le Siam et les pays Thai. Toutes les routes de l’Asie leur sont connues aussi bien que leur propre pays[15].

[15] « Le Japon poursuit inlassablement le but qu’il s’est fixé : devenir une grande puissance continentale, la plus grande de l’Asie. Il a pris pied sur le continent et goût à l’aventure.

« Écoutez ce que disait, à la tribune du parlement, le ministre de la Guerre général Teraoutchi, au mois de mars 1908 : « Je suis profondément convaincu qu’un conflit entre de grandes puissances aura lieu, non en Europe, mais à l’Est de l’Inde et à l’Ouest et au Nord du Japon. Conviendra-t-il au peuple japonais de rester spectateur impuissant en présence de pareille éventualité ? »

« … Le Ministre ajoutait : « En ce qui concerne les troupes d’occupation de Mandchourie, j’affirme que nous renfermer dans nos limites actuelles, serait l’équivalent pour nous d’une évacuation ? »

« De là à transporter et à entretenir sur le continent une bonne partie de son armée, il n’y a pas loin.

« Certes, en ce moment, Russes, Français, Anglais sont les amis du Japon ; qui ne l’est, du reste ?

« Mais que valent promesses et traités ? Que l’on se rappelle le début de la dernière guerre ; que l’on n’oublie pas surtout avec quelle désinvolture l’Autriche a violé le traité de Berlin… La force apparaît plus que jamais comme l’exacte définition du droit ; et cela ne va pas sans quelque ironie dans ce temps de conférences, d’arbitrage et de fraternité internationale. Apôtres de la paix et propagandistes du désarmement, vous êtes des moutons et vous serez mangés. Jamais le vieil axiome ne fut plus vrai : Si vis pacem, para bellum.

« Le Japon, lui, veut la guerre, et il la prépare. » (France militaire, 25 avril 1909.)

Mais, peut-être, la situation insulaire du Japon l’empêchera-t-elle de mener à bien ses plans grandioses. L’histoire est là pour nous montrer qu’il est impossible, à un peuple insulaire, de se maintenir sur le continent contre un ennemi résolu à l’en empêcher, et les Anglais, qui ont foulé si longtemps le sol de la France, ont fini par en être chassés. La Chine, quand elle sera réveillée (et elle commence à ouvrir les yeux), finira, elle aussi, par rejeter les Japonais à la mer.

Le Gouvernement japonais aura-t-il toujours les mains libres, et ne sera-t-il pas arrêté, d’abord, par des agitations intérieures, telles que la grève et le socialisme, ensuite, par les puissances européennes et américaines qui ont des intérêts et entendent avoir voix au chapitre dans les questions d’Asie !

Le socialisme, il est vrai, n’est pas encore très développé dans l’Empire japonais ; cependant il existe, le fait est indéniable, à tel point que les commandants de corps d’armée sont obligés de prendre des mesures pour empêcher la distribution de brochures socialistes et antimilitaristes dans les casernes. Les ouvriers deviennent de plus en plus nombreux et leur sort n’est pas toujours enviable ; tout n’est pas pour le mieux dans le monde ouvrier japonais ; vienne un meneur sérieux, un chef qui saura utiliser les mécontentements et, du coup, le parti socialiste, encore dans le chaos, sera constitué fortement.

L’année 1907, d’ailleurs, a été traversée par de nombreuses grèves ; quelques-unes ont été à ce point sérieuses qu’elles ont nécessité la présence de la troupe pour rétablir l’ordre.

Dans ces conflits entre le capital et le travail, le capital est sorti victorieux dans presque tous les cas ; et les ouvriers, sans organisation et sans argent, ont été obligés de se soumettre ; mais ceci n’est qu’un début, et prouve, en tout cas, que le Japon n’est pas, plus qu’un autre pays, à l’abri des idées novatrices.

En dehors des difficultés intérieures, le Japon en rencontrera sans doute d’autres dans le choc de ses intérêts contre ceux des puissances colonisatrices, et la Grande-Bretagne, la première, malgré le traité d’alliance qui la lie au Japon, sera, peut-être, mise dans le cas de s’opposer à la trop grande ambition de son vigoureux et énergique allié.

Des complications se sont déjà élevées et peuvent encore s’élever, plus graves cette fois, entre le Japon et les États-Unis et l’Angleterre par suite de l’immigration ininterrompue des Japonais au Canada[16], en Australie et en Californie, où ils constituent des communautés fortes et remuantes.

[16] Consulter à ce sujet : Dr A. Loir, Canada et Canadiens (ch. XVI. L’invasion jaune). Librairie Orientale et américaine. E. Guilmoto, éditeur.

II. — Si, laissant de côté les possibilités politiques, nous examinons l’avenir commercial, y trouvons-nous des chances d’augmenter les échanges et de voir monter le chiffre d’affaires ? Je ne le pense pas. Le Japon n’a, à vendre à l’étranger, que la soie prise tout entière par la France, les États-Unis et l’Italie ; le thé, absorbé uniquement par les États-Unis ; du cuivre, un peu de riz et des bibelots ; il n’achète que le coton brut, quelques lainages et surtout des métaux et fournitures diverses pour son armée et sa marine.

Les objets imités de la fabrication européenne, qu’il livre à la Chine, à l’Indo-Chine et aux Indes, ne peuvent convenir à l’Europe et à l’Amérique. Il ne peut donc être un client sérieux et il est un concurrent en Asie.

Pour nous, Français, nous ne pouvons guère espérer un développement de nos relations commerciales avec le Japon. Nos mousselines de laine, achetées autrefois en grande quantité, sont aujourd’hui imitées en Allemagne et en Suisse, et vendues meilleur marché par ces deux pays ; de plus, elles commencent à être imitées au Japon même ; le vin, un de nos principaux articles, n’est pas apprécié par les indigènes, et ce que nous en vendons (de 300 à 350.000 francs), est insignifiant. Quant à la métallurgie, il nous est impossible de la fournir ; car nous fabriquons et nous vendons plus cher que l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et les États-Unis qui sont les fournisseurs actuels du Japon.

Le Japon développera naturellement de plus en plus son industrie, et il deviendra, de plus en plus, le fournisseur des marchés d’Asie, notamment du marché de Chine où il faut de la marchandise pas chère ; il sera, par contre, de moins en moins un bon client pour l’Europe et l’Amérique. « Les affaires y deviennent de plus en plus mauvaises et difficiles », m’écrivait encore, il y a quelque temps, un de nos compatriotes qui connaît bien le pays où il est établi depuis quarante ans.

Certes, le Japon ne manque pas de qualités : le courage, la patience, la persévérance ; ce qu’il a accompli dans un laps de temps très court, est certainement remarquable, pas toutefois si remarquable qu’on le croit généralement, si l’on veut bien considérer qu’il avait tout à sa disposition, qu’il n’avait qu’à prendre, et que l’Europe et l’Amérique l’ont aidé de toutes leurs forces et de toutes les manières. Il n’a pas eu à chercher ; tout était trouvé par les autres, et il n’a eu qu’à imiter et à adapter[17] ; mais ce dont il doit être loué, c’est d’avoir mis à sa transformation une volonté robuste, un savoir-faire et une application extraordinaires. En considérant sa grande facilité d’imitation et d’adaptation, sa mémoire précieuse, le soin méticuleux qu’il met dans tout ce qu’il entreprend, on ne peut que louer le Japon des efforts qu’il déploie pour se hausser à un degré d’humanité supérieure ; ce qu’il a fait mérite, certes, d’être remarqué comme il convient ; mais, évidemment, il lui manque encore beaucoup pour arriver au niveau de l’Europe. Seule, une élite a réussi à se transformer, plus ou moins complètement, et à s’occidentaliser ; mais la masse de sa population n’a pas bougé, et quand le voyageur quitte les quelques ports ou cités où l’étranger réside, pour se rendre dans l’intérieur, il trouve encore le Japonais tel qu’il était il y a cinquante ans.

[17] Or, si l’on veut bien y réfléchir, il est évident qu’il n’y a rien de bien difficile à imiter la civilisation matérielle de l’Occident. C’est une affaire de patience et de méthode.

CHAPITRE XIX

I. Les Colonies japonaises. Formose. — II. Finances. — III. Monopoles. — IV. Banques. — V. Commerce. — VI. Agriculture et Industries. — VII. Sakhalin et Kwang-Tong.

I. — Le Japon n’est pas seulement, aujourd’hui, confiné dans ses îles ; il déborde, et après deux guerres heureuses, il est devenu un peuple colonial. J’ai donc à passer en revue les différentes possessions que le hasard de la guerre a fait tomber sous sa domination.

En premier lieu se présente Formose, en chinois et en japonais, Tai wan. Cette grande île, située au sud-est de la Chine, dépendait, autrefois, de la province continentale du Fukien ; elle mesure 400 kilomètres sur 140. Une chaîne de montagnes coupe l’île du Nord au Sud et renferme plusieurs volcans. Les Chinois s’établirent dans cette île en 1430 ; les Portugais la visitèrent au XVIe siècle et lui donnèrent le nom de Formose à cause de la beauté du climat. Les Japonais et les Hollandais y fondèrent des colonies au commencement du XVIIe siècle ; mais en 1661 le fameux pirate Kochinga s’en empara et en resta maître jusqu’en 1683, époque à laquelle les Chinois la reprirent.

Avant d’entrer plus avant dans la statistique et l’économie de la Formose moderne, il n’est pas sans intérêt de connaître la peinture que fait de la Formose ancienne le jésuite du Halde : « Je dois parler un peu au long de cette île, et parce qu’elle a été longtemps inconnue même aux Chinois, dont elle n’est pas pourtant fort éloignée, et qu’ils n’ont commencé à y entrer que sous le règne du dernier empereur Kang hi (1662-1722) ; et parce que, d’ailleurs, le Gouvernement, les mœurs, les usages de ces insulaires, bien différents de ceux des Chinois, de même que les moyens dont ceux-ci se sont rendus maîtres de l’île, méritent un détail un peu étendu.

« Toute l’île de Formose n’est pas sous la domination des Chinois ; elle est comme divisée en deux parties, Est et Ouest, par une chaîne de montagnes qui commence à la partie méridionale de Cha Ma Ki Teou et ne finit proprement qu’à la mer septentrionale de l’île. Il n’y a que ce qui est à l’Ouest de ces montagnes qui appartienne à la Chine.

« La partie orientale, à en croire les Chinois, n’est habitée que par des barbares. Le pays est montagneux, inculte et sauvage. Le caractère qu’ils en font ne diffère guère de ce qu’on dit des sauvages d’Amérique. Ils les dépeignent moins brutaux que les Iroquois, plus chastes que les Indiens, d’un naturel doux et paisible ; s’aimant les uns les autres, se secourant mutuellement, nullement intéressés, ne faisant nul cas de l’or et de l’argent dont on dit qu’ils ont plusieurs mines ; mais vindicatifs à l’excès, sans loi, sans gouvernement, sans police, ne vivant que de la chair des animaux et de la pêche, enfin sans culte et sans religion.

« Les Chinois, avant même que d’avoir subjugué Formose, savaient qu’il y avait des mines d’or dans l’île. Ils ne l’eurent pas plutôt soumise à leur puissance, qu’ils cherchèrent de tous côtés ces mines ; comme il ne s’en trouvait pas dans la partie occidentale, dont ils étaient les maîtres, ils résolurent de les chercher dans la partie orientale où on leur avait assuré qu’elles étaient. Ils firent équiper un petit bâtiment afin d’y aller par mer, ne voulant point s’exposer dans les montagnes inconnues où ils auraient couru risque de la vie. Ils furent reçus avec bonté de ces insulaires, qui leur offrirent généreusement leurs maisons, des vivres et toutes sortes de secours. Les Chinois y demeurèrent environ huit jours ; mais tous les soins qu’ils se donnèrent pour découvrir les mines furent inutiles, soit faute d’interprète qui expliquât leur dessein à ces peuples ; soit crainte et politique, ne voulant point faire ombrage à une nation qui avait lieu d’appréhender la domination chinoise. Quoi qu’il en soit, de tout l’or qu’ils étaient allés chercher, ils ne découvrirent que quelques lingots, exposés dans les cabanes, dont ces pauvres gens faisaient peu de cas. Dangereuse tentation pour un Chinois ; peu contents du mauvais succès de leur voyage et impatients d’avoir ces lingots exposés à leurs yeux, ils s’avisèrent du stratagème le plus barbare : ils équipèrent leur vaisseau, et ces bonnes gens leur fournirent tout ce qui était nécessaire pour leur retour. Ensuite ils invitèrent leurs hôtes à un grand repas qu’ils avaient préparé, disaient-ils, pour témoigner leur reconnaissance ; ils firent tant boire ces pauvres gens qu’ils les enivrèrent ; comme ils étaient plongés dans le sommeil causé par l’ivresse, les Chinois les égorgèrent tous, se saisirent des lingots et mirent à la voile.

« Cette action cruelle ne demeura pas impunie ; mais les innocents portèrent la peine que méritaient les coupables. Le bruit n’en fut pas plutôt répandu dans la partie orientale de l’île, que les insulaires entrèrent, à main armée, dans la partie septentrionale qui appartient à la Chine, massacrèrent impitoyablement tout ce qu’ils rencontrèrent : hommes, femmes, enfants, et mirent le feu à quelques habitations chinoises.

« La partie de Formose que possèdent les Chinois mérite certainement le nom qu’on lui a donné ; c’est un fort beau pays ; l’air y est pur et toujours serein ; il est fertile en toutes sortes de graines, arrosé de quantité de petites rivières, lesquelles descendent des montagnes qui la séparent de la partie orientale ; la terre y porte abondamment du blé, du riz, etc. On y trouve la plupart des fruits des Indes, des oranges, des bananes, des ananas, des goyaves, des papayas, des cocos, etc. Il y a lieu de croire que la terre porterait aussi nos arbres fruitiers d’Europe, si on les y plantait ; on y voit des pêches, des abricots, des figues, des raisins, des châtaignes, des grenades. Ils cultivent une sorte de melon ; le tabac et le sucre y viennent parfaitement bien[18]. »

[18] Du Halde, Description de l’Empire de la Chine, passim.

Cette description des magnificences de Formose s’applique fort bien à la partie Nord de l’île, où les Portugais abordèrent en 1580, et où ils fondèrent leur établissement de Ki long. Mais la côte occidentale ne présente aucun bon port, et les navires, embossés au large, sont exposés au double inconvénient d’un mauvais ancrage et d’une très mauvaise réception de la part des indigènes ; quant à la côte orientale, elle ne possède que des côtes à pic et des torrents dont les embouchures sont fermées par les alluvions.

« Sur la fin de 1620, qui est la première année de l’empereur Tien-Ki, une escadre japonaise vint aborder à Formose. L’officier qui la commandait trouva le pays, tout inculte qu’il était, assez propre à y établir une colonie ; il prit la résolution de s’en emparer, et, pour cela, il y laissa une partie de son monde, avec ordre de prendre toutes les connaissances nécessaires à l’exécution de son dessein.

« Environ ce même temps, un vaisseau hollandais, qui allait au Japon ou en revenait, fut jeté par la tempête à Formose ; il y trouva les Japonais, peu en état de lui faire ombrage. Le pays parut beau aux Hollandais et avantageux pour leur commerce. Ils prétextèrent le besoin qu’ils avaient de quelques rafraîchissements et des choses nécessaires pour radouber leur vaisseau maltraité par la tempête. Quelques-uns d’eux pénétrèrent dans les terres, et, après avoir examiné le pays, ils revinrent sur leur bord.

« Les Hollandais ne touchèrent point à leur vaisseau pendant l’absence de leurs compagnons ; ce ne fut qu’à leur retour qu’ils songèrent à le radouber. Ils prièrent les Japonais, avec qui ils ne voulaient pas se brouiller, de peur de nuire à leur commerce, de leur permettre de bâtir une maison sur le bord de l’île qui est à une des entrées du port, dont ils pussent dans la suite tirer quelque secours, par rapport au commerce qu’ils faisaient au Japon. Les Japonais rejetèrent d’abord la proposition ; mais les Hollandais insistèrent de telle sorte en assurant qu’ils n’occuperaient de terrain que ce qu’en pouvait renfermer une peau de bœuf, qu’enfin les Japonais y consentirent.

« Les Hollandais prirent donc une peau de bœuf qu’ils coupèrent en petites aiguillettes fort fines, puis ils les mirent bout à bout et s’en servirent pour mesurer le terrain qu’ils souhaitaient. Les Japonais furent d’abord un peu fâchés de cette supercherie ; mais enfin, après quelque réflexion, la chose leur parut plaisante : ils s’adoucirent et ils permirent aux Hollandais de faire de ce terrain ce qu’ils jugeraient à propos ; c’est sur ce terrain qu’ils bâtirent le fort, qu’ils nommèrent Castel Zelandia. »

Cependant ils en furent chassés en 1661 par Tching Tching Kong, fils de Tching Tchi Long, riche négociant du Tonkin, qui, après avoir équipé une flotte, envahit Formose, brûla quatre vaisseaux hollandais et permit à un autre de se retirer avec les Européens. Il constitua, ensuite, une sorte de royaume indépendant dans l’île ; mais en 1682, sous le règne de l’empereur Kang hi, Formose devint définitivement une possession chinoise.

L’île produit du maïs, des patates, des fruits, du tabac, de l’indigo, de la canne à sucre, du riz et du thé ; mais son principal article d’exportation est le camphre ; on y trouve aussi du charbon, du soufre, du pétrole.

Les Japonais, après avoir eu, en même temps que les Hollandais, contact avec les habitants de Formose, s’étaient retirés également et n’avaient plus eu de relations avec l’île. En 1874, un navire japonais, jeté sur la côte orientale, fut pillé par les indigènes et les matelots massacrés. Le gouvernement du Mikado, par l’entremise de son ministre à Péking, M. Soyeshima, réclama le châtiment des coupables, mais le Tsong li ya men répondit que la Chine se désintéressait de la question et que le Gouvernement japonais était libre de punir les sauvages comme il l’entendait.

Une expédition fut donc décidée, et le général Saïgo Tsukumichi fut mis à la tête des troupes ; la lutte ne dura pas longtemps ; les indigènes vinrent de suite à composition et firent la paix avec Saïgo. Mais la Chine alors, changea d’avis et entra en scène, et, pour éloigner les Japonais, consentit à une indemnité pour les familles des matelots massacrés.

Comme on le voit, les vues du Japon sur Formose datent de loin, et, à la suite de la guerre contre la Chine, en 1894-1895, l’île est passée sous sa domination.

En avril 1896, le régime militaire fit place à l’administration civile ; vers la même époque, le Gouvernement japonais traça un programme, d’une part pour subjuguer les tribus aborigènes, d’autre part pour organiser les voies de communication, les finances et les monopoles ; depuis lors, l’application de ce programme a été poursuivie sans interruption. Les finances de l’île sont devenues indépendantes depuis l’exercice 1905-1906, c’est-à-dire que les recettes du Gouvernement de Formose suffisent pour faire face aux dépenses administratives sans aucune aide pécuniaire du Trésor central ; bien plus, le revenu de l’île a même permis de solder les dépenses de certains travaux publics, auxquels on devait pourvoir au moyen d’emprunts. Pendant les années suivantes, malgré certains changements survenus dans la nature des recettes publiques, elles se sont accrues graduellement, et les finances de l’île se trouvent dans une situation satisfaisante.

II. — Dès l’exercice 1897-1898, un compte spécial fut dressé pour les finances de Formose ; il servit de base au Gouvernement pour projeter, puis réaliser l’autonomie financière de l’île. Le trésor central devait fournir des sommes importantes pour combler le déficit du budget de l’île ; on pensa que ce subside pourrait être diminué d’année en année ; aussi, le montant annuel fut-il établi en progression décroissante, dans la prévision que l’exercice 1909-1910 verrait les finances de Formose complètement indépendantes. Pendant l’exercice 1899-1900, et simultanément avec le commencement des travaux précités, sont créés les monopoles du camphre et du sel ; les services de bateau entre Formose et le Japon proprement dit et le long des côtes de l’île sont augmentés, ce qui facilite l’exécution d’entreprises gouvernementales et privées ; puis un service régulier de vapeurs entre Formose et la Chine est ouvert.

Tandis qu’en 1900-1901, l’administration consacre ses efforts à développer la production et les industries de l’île, et élabore des plans pour une extension des lignes de navigation à vapeur, elle prend des mesures, l’année suivante, pour perfectionner l’industrie du sucre et elle entreprend la tâche d’étudier les vieilles coutumes. En 1902-1903, elle s’occupe d’introduire des améliorations dans la manufacture du papier et du thé. Pendant les deux exercices 1903-1904, et 1904-1905, les travaux du cadastre ayant été achevés, un emprunt public est émis, d’un peu plus de 4.080.000 yen, destiné à compenser la taxe payable au propriétaire principal d’un terrain, et les recettes provenant de l’impôt foncier augmentent d’un million de yen ; puis, lorsque la loi des taxes spéciales extraordinaires est mise en vigueur, pour faire face aux dépenses de la guerre avec la Russie, le sucre est aussi soumis à Formose à une accise, et les étoffes tissées à une taxe de consommation ; de cette façon, on arrive à réaliser l’égalité dans l’imposition des taxes, et à procurer à l’île, en compensation de ceux qu’elle devait recevoir du Gouvernement central, les fonds destinés à combler le déficit de ses finances. Dans l’année 1905-1906, le Gouvernement de Formose est en mesure de renoncer à une somme d’environ 6.100.000 yen, montant approximatif des subsides qu’il devait recevoir du Gouvernement central pour combler le déficit survenu depuis ce même exercice jusqu’à celui de 1909-1910. Il décide, en outre, de payer avec les revenus de l’île, sans recourir à l’emprunt public, dont il est question plus haut, les frais de construction du chemin de fer et du port de Kelung, entreprises dont le coût devait être soldé avec le montant de cet emprunt. D’ailleurs, le déficit dans les revenus annuels devait être couvert, désormais, au moyen d’une réforme de l’impôt foncier et par l’adoption du monopole du tabac. Grâce à ces mesures, le compte spécial du Gouvernement de Formose passait, graduellement, de l’état d’indépendance théorique et légale à celui d’une indépendance réelle.

Pendant l’année financière 1908-1909, des plans ont été dressés, pour perfectionner les travaux d’utilisation des cours d’eau, aménager le port de Taku, améliorer la production du camphre, livrer de nouveaux terrains à la culture, développer l’exploitation des bois de charpentes et construire des voies ferrées ; un emprunt du Gouvernement fournira la somme de 38.990.000 yen nécessaires pour ces entreprises. Il a été décidé que ces travaux seraient commencés pendant l’exercice 1908-1909, terminés vers 1923-1924, et que l’emprunt serait remboursable dans les onze années qui suivront leur achèvement. La grande artère Nord-Sud du chemin de fer, qui va d’une extrémité à l’autre de l’île, a été achevée en avril 1908, et la longueur totale, soit pour la ligne principale, soit pour les embranchements, est de 444 kilomètres. Comme les progrès de l’industrie sucrière à Formose importent non moins au développement économique de la classe agricole qu’à la prospérité des finances générales de l’île, le Gouvernement s’est préoccupé d’augmenter considérablement l’étendue des terres consacrées à la culture de la canne à sucre ; la formation de nouvelles Compagnies, après la guerre russo-japonaise, jointe à l’augmentation du capital des Compagnies existantes, fait prévoir une production annuelle de 10.250 tonnes de sucre à partir de 1908-1910 ; aussi, pour assurer à cette industrie un ample approvisionnement de matières premières, le Gouvernement a augmenté les subventions et allocations destinées à favoriser la production sucrière, à livrer de nouveaux terrains à la culture dans la région des aborigènes, à aider la navigation entre l’île et la métropole, et à élever de nouvelles constructions. Cet accroissement de dépenses sera équilibré par les recettes de l’accise sur le sucre, les revenus des chemins de fer et le surplus des recettes de l’exercice précédent.

III. — Le premier monopole introduit à Formose fut celui de l’opium, suivi plus tard par ceux du sel, du camphre et du tabac. Ce n’est pas seulement en raison d’une nécessité financière que furent créés ces monopoles, ce fut aussi « en vue de sauvegarder la santé publique, de raviver l’industrie et de doter l’île d’une capacité commerciale effective ».

On voit bien des raisons de santé publique expliquées en ce qui concerne l’opium, mais pour le sel, le camphre et le tabac, on demeure rêveur. Quant à développer l’initiative privée dans l’industrie et dans le commerce en créant des monopoles, c’est une chose qui ne s’est jamais vue et ne se verra probablement jamais, puisque le fait de monopoliser tue précisément l’initiative et l’énergie des particuliers.

IV. — Quoi qu’il n’existât, au temps de la cession de Formose, aucun système monétaire organisé dans l’île, il n’en résultait pas de grands inconvénients dans la circulation des capitaux, en raison de l’insignifiance des transactions. Mais, avec leur développement, on sentit la nécessité de créer des banques comme organe de la circulation monétaire ; on établit donc la Banque de Formose (Tai wan ginkô), puis la Banque du Sud, la Banque d’épargne de Tai wan, la Banque Shôka et la Banque Kagi. En 1904 et en 1906, le Gouvernement japonais réforma le vieux système monétaire et aujourd’hui la circulation de la monnaie japonaise se fait à Formose comme au Japon.

Nikkô. — L’allée des Bouddhas.

V. — Autrefois le commerce de l’île était tout entier aux mains des Chinois ; par suite, en effet, de la proximité de la province du Fou Kien, il y avait communication constante, par jonques, entre les deux côtes. Par le traité de Tien Tsin, les ports de Taku, Anking, Tamsui et Kelung furent ouverts au commerce étranger, et cet événement fut le point de départ du commerce de Formose avec les nations occidentales. En 1895, après le traité de Shimonoséki, et la cession de l’île au Japon, les Japonais commencèrent à s’y établir.

Le commerce extérieur, pendant 1908, s’est élevé à 71.700.000 yen, soit une augmentation de 13.300.000 yen sur l’année précédente.

Dans ce chiffre, les exportations au Japon comptent pour 24.400.000 yen et celles à l’étranger pour 9.300.000 yen ; le total de l’exportation atteint donc 33.700.000 yen. Les importations du Japon se montent à 20.900.000 yen et celles des pays étrangers à 17.000.000 de yen donnant ainsi un total de 37.900.000 yen. Le surplus de l’exportation est dû au riz, au sucre et au thé, en dépit de la diminution subie par le camphre ; l’accroissement de l’importation provient d’une augmentation dans l’entrée des sucres, des machines, des rails, du ciment et des matériaux de construction.

VI. — Comme l’île de Formose est située en partie dans la zone torride, et que son sol est fertile, elle est riche en productions naturelles de toutes sortes. Le riz croît partout, sauf dans les districts montagneux, et il donne deux récoltes par an. Les progrès des travaux d’irrigation et le perfectionnement des méthodes de culture ont contribué à augmenter l’étendue des rizières ; la quantité de riz transportée au Japon en 1908 représente 10.000.000 de yen contre 6.000.000 en 1907.

La culture de la canne à sucre a pris un développement considérable et plusieurs raffineries se sont établies ; la valeur du sucre transporté au Japon en 1908 s’élève à 9.400.000 yen. C’est, avec celle du camphre, la seule industrie de Formose. Les forêts vierges qui recouvrent tout le centre de l’île n’ont pas encore été exploitées ; elles renferment des cryptomerias, des conifères de toutes sortes et aussi le hinoki ou chamœcyparis obtusa, arbre très estimé au Japon.

En somme l’île commence à peine à sortir de son long sommeil ; il faudra du temps et surtout beaucoup d’argent pour en exploiter les richesses naturelles.

Pour l’année 1908-1909, les recettes du Gouvernement de Formose ont été de 33.871.328 yen, c’est-à-dire que le budget s’est balancé exactement. Ces chiffres sont fournis par les rapports financiers du ministère japonais ; je les donne sans commentaires.

VII. — L’île de Sakhalin, en japonais Kara futo, était, autrefois, tout entière une possession japonaise. Elle avait été cédée aux Russes, en 1875, à une époque récente par conséquent. Après la guerre contre la Russie, cette dernière puissance rétrocéda au Japon, par le traité de Portsmouth (États-Unis), la moitié méridionale de l’île.

Sakhalin a surtout comme ressources la mer et la forêt. Rien n’a encore été entrepris dans l’île et l’on se trouve dans la période des observations, des recherches et des tâtonnements. Un millier de familles japonaises ont été transplantées à Kara futo ; on leur a fourni des graines et du bétail ; il paraîtrait en effet qu’une grande superficie de la partie japonaise de l’île est propre à la culture et aux pâturages.

Enfin l’or et la houille seraient abondants. Mais l’exploitation en est réservée à un avenir vraisemblablement lointain.

Presqu’île du Kwang Tong. — Cette partie du territoire chinois, à l’extrémité sud de laquelle est située la forteresse de Port-Arthur (Liu chouen keou, Riô jun kô), se trouve dans la dépendance du Japon par suite de la défaite des Russes. Ces derniers, en effet, avaient pris à bail, de la Chine, pour une période de quatre-vingt-dix-neuf ans, la presqu’île du Kwang Tong avec la forteresse de Port-Arthur, et les Japonais ont été leurs successeurs dans le bail.

Le seul port de ce territoire est Dalny (Tairen), déclaré port franc ; la douane maritime chinoise y est installée pour percevoir les droits sur les marchandises qui quitteraient la zone franche pour entrer en Chine.

Le total des exportations s’est élevé à 34.726.896 yen et celui des importations à 31.355.647 yen, soit un total d’échanges de 66.082.543 yen.

CHAPITRE XX

I. La Corée autrefois et aujourd’hui. L’établissement du protectorat japonais. — II. Le résident général et les attributions. — III. La réforme financière ; l’impôt ; les banques. — IV. Les Japonais en Corée ; sociétés agricoles et industrielles ; élevage et culture. — V. L’industrie coréenne ; son avenir. — VI. Commerce, importation et exportation pour 1908.

I. — Le royaume de Corée est, aujourd’hui, une véritable dépendance du Japon, bien qu’il ait conservé jusqu’à présent son roi et sa cour. Le Gouvernement du Mikado y exerce son autorité par l’intermédiaire d’un résident général représentant le Protectorat.

La Corée est une grande péninsule qui s’avance en forme de cap dans la mer orientale (Tong hai), entre la Chine et le Japon. La mer du Japon la baigne à l’Orient ; le golfe du Leao Tong la sépare des provinces du Pe tche li et du Chan Tong du côté de l’occident. Au Nord, elle confine aux pays mandchoux ; au Midi elle a pour limite la grande mer ; enfin le fleuve Yalu, au Nord-Ouest, la sépare du Leao Tong. Elle a été autrefois habitée par différents peuples, et elle était divisée en plusieurs petits royaumes ; les trois principaux étaient ceux de Kaoli (Kôrai), Sin lo (Shinra), et Pe tsi (Hakusai), si souvent mentionnés dans l’histoire japonaise.

Au IIIe siècle av. J.-C, l’impératrice japonaise Zingu (Zingu Kôgô) envahit les trois royaumes et les soumit à un tribut, lequel était ponctuellement envoyé tous les ans du port de Fusan à la cour du Mikado, puis à celle de Shôgun. Mais la Chine considérait les royaumes coréens comme une de ses dépendances ; en 1392 elle intervint, comme elle le faisait toujours quand il y avait des révolutions intérieures, et elle plaça sur le trône de la Corée, devenue alors un pays centralisé, la dynastie de Han ; les relations avec le Japon s’affaiblirent et même finirent par cesser complètement au milieu du XVe siècle.

Cependant les Japonais, se rappelant les hauts faits de leur impératrice douze siècles auparavant, songeaient toujours à envahir la péninsule, et ce fut le fameux Hideyoshi (Taikosama) qui, en 1592, entreprit une nouvelle expédition. Pendant six ans, le malheureux pays de Corée fut livré au meurtre et au pillage ; les Japonais s’étaient avancés très loin vers le Nord, et ils occupaient toutes les places fortes. Enfin la Chine s’émut ; elle n’avait pas encore alors perdu l’esprit militaire et guerrier ; elle accourut au secours des Coréens, refoula les Japonais vers le Sud et les rejeta à la mer en 1598.

Les relations du Japon et de la Corée se trouvèrent de nouveau interrompues.

Elles reprirent, par intermittences, jusqu’au moment où, en 1868, une ambassade japonaise vint informer le régent du royaume de Corée (le Tai wen Kun) de la restauration impériale et de la révolution qui venait de s’accomplir au Japon. L’ambassade fut reçue froidement. En 1872 M. Hanabusa, en 1874 M. Moriyama furent envoyés à Séoul pour essayer de renouer des pourparlers ; mais ils n’y réussirent pas.

Où la diplomatie et la persuasion échouèrent, la force, comme toujours, réussit. En effet, un petit bateau de guerre japonais, le Uniô Kwan, fut attaqué en face de la grande île de Kang hoa ; les Japonais demandèrent réparation et s’adressèrent à la Chine. Cette dernière, occupée ailleurs, de même qu’elle avait désavoué les Formosans en 1874, désavoua la Corée en 1875, et déclara qu’elle n’était pour rien dans ses affaires. Les Japonais, ainsi mis à l’aise, conclurent avec le roi de Corée un traité qui déclara tout d’abord la Corée pays indépendant à l’égal du Japon. Les ports de Tchemulpo, Fusan, Gensan étaient ouverts au commerce japonais ; la capitale, Séoul, recevait un résident japonais, et aussitôt les sujets du Mikado s’établirent en nombre considérable dans les pays qui s’offraient à leur activité.

En 1882, tout à coup, arrive au Japon la nouvelle que M. Hanabusa, le ministre résident, a été chassé de Séoul, la légation japonaise attaquée, quelques agents tués et que toute la colonie s’est réfugiée à Tchemulpo. Nouvelle intervention japonaise, mais aussi nouvelle intervention chinoise ; les deux pays finissent par s’entendre ; et le Japon s’arrange avec la Corée, en signant un traité commercial très avantageux pour lui, et en stipulant une forte indemnité.

De 1884 à 1894, la cour de Corée fut en révolution permanente. La reine, le Tai wen Kun, le roi, et un certain Kim ok Kiun, révolutionnaire et novateur, occupent la scène. Kim ok Kiun soulève des bandes de combattants, les Tong hak, qui parcourent le pays et le mettent à feu et à sang. La Chine et le Japon envoient des troupes ; il y a conflit et en 1894, au mois d’août, le Japon déclare la guerre à la Chine.

La Chine battue reconnaît l’indépendance de la Corée et retire toutes ses troupes, laissant le pays sous l’influence absolue du Japon.

Mais la Russie entre en ligne : négociations russo-japonaises qui n’aboutissent pas ; guerre, traité de Portsmouth sont des événements que je n’ai pas besoin de rappeler ici. Le Japon est arrivé au but qu’il poursuivait, il est maître en Corée.

II. — Par une convention conclue en août 1904, la Corée s’est engagée à faire des réformes dans son administration ; puis en 1905 une autre convention régla, d’une façon effective, le protectorat japonais en établissant la Résidence générale, les résidences des provinces et en nommant le prince Ito[19] Résident général du Japon en Corée.

[19] Il vient d’être assassiné à Kharbin, sur territoire russe, par un Coréen.

Le Résident général relève directement de l’Empereur du Japon ; en ce qui concerne les affaires extérieures, il communique directement avec le ministre des Affaires Étrangères et le Président du Conseil qui soumettent des vues à l’Empereur. Les consulats étrangers en Corée reçoivent l’exéquatur du Gouvernement japonais.

C’est le Résident général qui propose les réformes à exécuter, les travaux à entreprendre, enfin c’est lui qui tient en main tous les fils de l’administration coréenne. Des résidents japonais sont établis dans toutes les capitales des provinces.

III. — La première chose à faire était de mettre de l’ordre dans les finances de ce pays à peu près ruiné, ou tout au moins dans un état de désordre financier complet. La diminution des produits de toutes sortes, l’absence de budget fixe, les impôts très lourds et prélevés avec une maladresse et une violence excessives, avaient appauvri la nation coréenne. A la suite d’une convention conclue en 1907, des agents japonais furent nommés à des postes officiels dans l’administration coréenne afin de travailler, de concert avec les fonctionnaires coréens, à la bonne administration des finances. Un budget régulier fut établi pour la première fois en 1905 ; il donna comme recettes une somme de 7.480.287 yen, et comme dépenses celle de 9.556.836 yen. Le dernier budget, celui de 1909-1910, prévoit 21.434.723 yen de recettes contre 22.268.255 yen de dépenses.

Le système d’impôts, pratiqué en Corée depuis plusieurs siècles, est très imparfait ; à défaut d’une base sérieuse de recouvrement des taxes, le Gouvernement se trouvait dans l’impossibilité de percevoir la totalité du montant prévu, et d’autre part, les fonctionnaires, individuellement chargés de la perception de l’impôt, avaient constamment recours aux extorsions les plus injustes ; non seulement ils se laissaient corrompre, mais ils levaient à leur profit des taxes supplémentaires illégales. Dans de telles conditions, la population ne pouvait que s’appauvrir. Il était donc indispensable de commencer immédiatement la réforme sur ce point, d’établir avec justice un nouveau système de perception des impôts, et de placer les finances de l’État sur des bases tout à fait solides.

Les résultats donnés par le recouvrement des impôts pendant le dernier exercice se répartissent ainsi :

Impôt foncier
5.628.575
yen.
 — sur les maisons
357.884
— 
 — sur les produits marins
7.584
— 
 — sur le sel
8.958
— 
 — sur les mines
34.601
— 
Droits de douanes
3.179.838
— 
Droits de tonnage
91.951
— 
Taxe des bateaux
6.649
— 
 — des boucheries
28.074
— 
 — des prêteurs sur gages
503
— 
 — du ginseng
621
— 
Arriéré des impôts du précédent exercice
163.166
— 
Autres impôts
13.183
— 
 
————
 
Total.
9.521.587
yen.

Le système monétaire coréen est devenu, en tous points, semblable au système japonais, et la réforme, faite avec beaucoup d’à propos, sans supprimer brusquement toute monnaie coréenne, a excellemment réussi. Autrefois, et jusqu’à ces dernières années, il n’existait pas de banques à proprement parler ; la réforme des finances a, naturellement, nécessité l’établissement d’organes financiers régulièrement constitués.

Les règlements pour l’organisation et le contrôle des banques, furent promulgués en 1906, et une banque coréenne fut installée à cette époque. Actuellement trois banques coréennes fonctionnent : Kanjô Ginkô, Ten itchi Ginkô, Kan itchi Ginkô, avec leur siège à Seoul et des succursales à Su Won, Ton Maku, Ma Po, Nam Tai Mun ; d’autres banques, destinées à aider l’agriculture et l’industrie, ont été établies dans plusieurs villes : à Seoul, Chung Chu, Kai jyou, Kong Chu, Kan Gyon, Chung Jyu, Kai Syong, Syang Chu, Shin Chu, Masampo, Yong Pyen, Chinampo, Hai Chu, Poku Chon, Sari Nan, Nam Noa, Choi Chu Do, Pol Kyo Po, Yong Sam Po, Ham Heung, Ryong-Song, Hoi Ryong, Chong Jin.

En outre, trois banques japonaises : la Dai itchi Ginkô, dont le bureau central est à Tokio, la Dai Ju hachi Ginkô, à Nagasaki, et la Dai go ju hachi Ginkô à Osaka, sont également établies en Corée.

IV. — Les Japonais n’avaient pas attendu le protectorat de leur pays sur la Corée pour s’installer dans le Sud de la péninsule, autour de Fusan. Dès le premier traité, en 1876, une émigration japonaise assez considérable s’était dirigée vers ce port et de fait, Fusan ressemblait étrangement au bout de quelques années à une ville japonaise. Aujourd’hui, beaucoup des sujets du Mikado ont entrepris le fermage et l’élevage en grand dans les provinces de Kyung San et Chulla ; au lieu de se contenter des petits jardins maraîchers qui leur suffisaient autrefois, les colons japonais se sont mis à acquérir de vastes domaines, même assez loin dans l’intérieur du pays.

En dehors de la ferme, et de la culture, l’industrie de la soie réussit fort bien en Corée. Le climat y est sec et la pluie n’y est pas trop abondante. Le seul danger, ce sont les vers parasites qui sont terribles, au point de causer une perte considérable (au Japon cette perte n’est quelquefois pas moindre de quinze millions de yen par an). Cependant, malgré les inconvénients, et malgré aussi l’inhabileté des éleveurs coréens, le cocon paye bien ; à plus forte raison payera-t-il davantage quand les sériciculteurs japonais auront introduit les méthodes rationnelles ; déjà une association de dames japonaises et coréennes a établi un centre d’élevage à Seoul et réussit fort bien.

La culture expérimentale du coton, qui a été tentée en 1905 par quelques Japonais éminents, dont plusieurs membres du Gouvernement et de la Chambre des représentants, a donné, au bout de trois années, des résultats fort satisfaisants. Des expériences ont été faites à Mokpo, Chi Nam Po, Yong Sam Po, Laju, Konju et Kun San ; deux variétés ont été plantées, le coton indigène et le coton américain ; le premier a donné des produits supérieurs. On estime actuellement la superficie plantée en coton à 120.000 hectares, et on croit que, lorsque tout le terrain susceptible de recevoir du coton sera mis en valeur, on arrivera pour la Corée à un rendement de 100.000.000 de livres japonaises (Kin = 600 grammes). En supposant la consommation individuelle de deux livres par tête, le total pour 14.000.000 de Coréens serait de 30.000.000 de livres en moyenne, laissant un stock de 70.000.000 de livres à exporter.

Les mines, sauf les mines d’or alluvionnaires du Nord de la péninsule, ne sont pas encore exploitées rationnellement ; quant aux pêcheries elles sont entièrement aux mains des Japonais.

Une Compagnie s’est formée en 1908 dans le but d’exploiter les richesses de la Corée ; elle est au capital de 10.000.000 de yen, divisés en 200.000 obligations de 50 yen ; le Gouvernement coréen en a pris 60.000 en considération de la cession faite par lui d’une certaine superficie de terrain et le reste a été souscrit par les Japonais. La Compagnie doit aider les colons japonais aussi bien que les Coréens eux-mêmes ; son privilège est valable pour cent ans, renouvelable avec l’assentiment des deux Gouvernements japonais et coréen.

V. — Les industries indigènes sont tout à fait primitives, et les quelques industries de luxe qui florissaient autrefois sont depuis longtemps dans le plus profond déclin. Cependant on peut encore trouver quelques productions dignes d’être remarquées ; ainsi les papiers, les peaux et les cuirs, le tabac, le vin de riz. Les Coréens sont très adroits et leurs nattes sont du bon faiseur ; tout ce qui se tresse est habilement fait en Corée. D’après les recherches qui ont été poursuivies pour savoir quelles sortes d’industries réussiraient en Corée, il a été admis généralement que les cuirs, le papier, la peausserie, les nattes, les produits chimiques iodés pouvaient avoir un grand avenir. Les nattes, notamment celles des provinces de Hwanghai et de Kyongki, sont très appréciées et elles ont une réputation bien établie. On avait pensé aussi à encourager l’élevage du bétail dans le Nord de la péninsule, en vue d’y créer une industrie de conserves de viande de bœuf ; mais il est permis de douter que cette industrie, si toutefois elle s’installe jamais en Corée, fasse une concurrence sérieuse au compressed, cooked, corned beef de Chicago !

Les côtes de Corée fournissent constamment une abondante récolte de varech et autres plantes marines, et il est hors de doute que l’on peut en extraire une quantité de produits iodés.

Quant aux minéraux, l’or, le cuivre, le charbon, le graphite y seraient abondants. Les dépôts les plus importants de houille se trouvent sur les rives du fleuve Tadong Kang (en chinois Ta Tong Kiang) ; les veines seraient très fournies et auraient une épaisseur de 8 à 10 mètres suivant les endroits ; on estime le rendement possible à des dizaines de millions de tonnes ; la qualité du charbon serait celle de Karatsu (Kiushiu).

L’or donne environ une production annuelle de 4.000.000 de yen ; le cuivre est également extrait en quantité considérable.

VI. — Pour les cinq dernières années, le commerce de la Corée donne les chiffres suivants :

EXPORTATION
1904
7.530.715
yen.
1905
6.916.571
— 
1906
8.902.387
— 
1907
17.002.234
— 
1908
14.113.310
— 
IMPORTATION
1904
26.805.380
yen.
1905
31.959.582
— 
1906
29.721.579
— 
1907
41.436.653
— 
1908
41.025.523
— 

Les pays qui ont le plus de relations commerciales avec la Corée sont : naturellement le Japon en première ligne, puis la Chine. Le Japon arrive, en 1908, avec un total d’exportation de 10.963.363 yen et un chiffre d’importation de 21.040.465 yen. La Chine vient ensuite, exportant pour 2.247.458 yen et important pour 4.882.246 yen. Les États-Unis et l’Angleterre se placent ensuite avec cinq et six millions d’importations, le chiffre de leurs exportations étant insignifiant, 5.716 yen pour l’Angleterre, 45.106 yen pour les États-Unis.

L’Allemagne réalise en Corée pour environ 400.000 yen d’affaires ; quant à la France elle n’y fait rien.

La Corée ne peut que gagner à se trouver sous le protectorat du Japon ; la méthode et la patience des Japonais arriveront certainement à organiser et développer cet état qui était jusqu’à présent dans une situation profondément chaotique. Il est d’ailleurs certain que les pays qui se sont trouvés, par la force des armes, annexés à l’Empire du Soleil Levant, vont prendre leur part de sa civilisation, et participer à son progrès industriel et commercial. Le Gouvernement et le peuple japonais ont montré ce que peuvent la ténacité dans le travail et l’intelligence dans l’organisation. Formose, la Corée, Karafuto, le Kwang Tong chinois vont donc se développer et grandir sous l’égide de leurs conquérants ; la population japonaise a déjà émigré en nombre considérable dans ces pays, et, grâce à l’activité et à l’énergie de ces nouveaux colons, des terres qui, jusqu’ici, étaient restées incultes et pour ainsi dire abandonnées, vont se trouver entraînées dans l’orbite de la civilisation générale : le Japon est de taille à mener à bien cette œuvre.

Principaux termes géographiques.

Principales mesures de longueur.

Transcription des lettres japonaises et leur lecture en caractères romains.

L’EXPANSION JAPONAISE.

TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE PREMIER
I. L’Empire du Japon. — II. La situation géographique ; développement des côtes ; superficie ; population. — III. Climat. — IV. — Humidité atmosphérique. — V. Système géographique, volcans. — IV. Hydrographie ; rivières et lacs
1
CHAPITRE II
I. Aborigènes et conquérants. — II. Infiltration chinoise ; Mongols ; Ainos. — III. Le type japonais actuel. — IV. Avant et après la Révolution de 1868 ; aristocratie et peuple. — V. Constitution japonaise ; le gouvernement. — VI. Justice, tribunaux. — VII. Loi de finances ; budget. — VIII. Loi électorale. — IX. L’empereur et le patriotisme. — X. La nation ; son sourire et sa dissimulation ; caractère du Japonais. — XI. Religions et superstitions. — XII. Les étrangers au Japon
17
CHAPITRE III
I. Provinces et districts. — II. Les trois « Shi ». — III. Les quarante-cinq « Ken ». — IV. Administration méticuleuse. — V. Ports principaux
35
CHAPITRE IV
I. Voies terrestres et maritimes pour se rendre d’Europe au Japon ; le chemin de fer sibérien ; les compagnies de navigation qui font le service. — II. Prix des passages ; les côtes japonaises. — III. La mer intérieure jusqu’à Kobe ; de Kobe à Yokohama. — IV. Route d’Amérique et compagnies faisant le service du Pacifique. — V. Aspect triste des villes japonaises pour celui qui débarque
49
CHAPITRE V
I. La vie indigène ; la nourriture. — II. Coût de la vie au Japon ; cherté des denrées et des loyers. — III. Hôtels à l’Européenne. — IV. La famille japonaise, sa constitution, ses mœurs ; situation de la femme et des enfants
63
CHAPITRE VI
I. Le peuplement ; sa densité ; l’expansion au dehors. — II. Quelques chiffres. — III. Répartition de la population. — IV. Villes au-dessus de 100.000 habitants. — V. Émigration au Hokkaido (île de Yézo)
81
CHAPITRE VII
I. Tokio capitale. — II. Localités à visiter. — III. Environs de Tokio. — IV. Le Fuji Yama. — V. Sendai et les villes du Nord. — VI. Nagoya, Kioto, Nara. — VII. Osaka et les villes du Sud
89
CHAPITRE VIII
I. Poids et mesures. — II. Monnaies. — III. Postes. — IV. Télégraphes. — V. Situation postale, télégraphique et téléphonique au 31 décembre 1907. — VI. Instruction publique. — VII. Presse, journaux et revues. — VIII. Cours et tribunaux
99
CHAPITRE IX
I. Armée : instructeurs français et allemands. — II. Marine. Instructeurs et ingénieurs français, professeurs anglais. — III. Système de recrutement ; dernières modifications ; réorganisation actuelle ; augmentation des divisions et de l’artillerie. — IV. État actuel de la marine ; projets de constructions. — V. Conclusion
111
CHAPITRE X
I. Agriculture ; superficie en rizières. — II. Production totale en céréales. — III. Diverses espèces de riz. — IV. Haricots, maïs, patates, différents légumes. — V. Épices et condiments. — VI. Divisions de la terre. — VII. Soie et culture du mûrier. — VIII. Culture du thé. — IX. Chevaux et bétail. — X. Fruits. — XI. L’île d’Yezo (Hokkaido) et la colonisation
125
CHAPITRE XI
I. Pêcheries. — II. Les bateaux de pêche ; les prises. — III. Primes à la pêche en haute mer. — IV. La baleine. — V. Sel et salines. — VI. Forêts. — VII. Quelques-uns des bois les plus répandus au Japon. — VIII. La forêt de Kisogawa, domaine de la couronne. — IX. Le camphrier. — X. Champignons
139
CHAPITRE XII
I. L’industrie autrefois. — II. La soie ; ses débuts au Japon. — III. Fils et tissus de soie. — IV. Industrie de la teinture. — V. La poterie. — VI. Faïence de Satsuma ; porcelaine d’Owari. — VII. L’industrie des métaux. — VIII. La laque. — IX. Éventails, paravents, sculpture sur bois et ivoire
157
CHAPITRE XIII
I. L’industrie nouvelle. — II. Sociétés industrielles actuellement existantes. — III. Divers genres d’entreprises. — IV. Principaux districts de tissage. — V. L’industrie céramique ; la laque ; les allumettes. — VI Les cuirs. — VII. Les conserves alimentaires ; le papier, etc. — VIII. Manufactures de l’État. — IX. Concurrence japonaise ; emploi des capitaux européens dans le pays. — X. Gages et salaires. — XI. Esquisse rétrospective
177
CHAPITRE XIV
I. Commerce du Japon avec l’étranger ; Habutai, Kaiki, soieries. — II. Exportation du thé. — III. Exportation du riz. — IV. Charbon japonais. — V. Cuivre. — VI. Camphre, nattes, sake, cigarettes. — VII. Coton. — VIII. Importation, coton brut, lainages, mousselines de laine ; la situation de la France relativement à l’importation de ce dernier article ; riz d’Indo-Chine ; métaux et machines. — IX. Importation française. — X. Le commerçant japonais. — XI. Entrées et sorties pour les ports principaux. — XII. Marine marchande japonaise à vapeur. — XIII. Bateaux français. — XIV. Tarif douanier
197
CHAPITRE XV
I. Routes. Chemins de fer. — II. État et compagnies, rachat des lignes par l’État et nationalisation du réseau ferré. — III. Principales lignes. — IV. Tramways. — V. Tarif des chemins de fer
221
CHAPITRE XVI
I. Mines. Dans l’antiquité ; au XVe siècle : époque moderne. — II. Géologie, terrains. — III. Mines en exploitation. — IV. Quelques mines de charbon. — V. Pétrole. — VI. Divers : graphite, soufre, etc… — VII. Les mineurs ; les réglements miniers. — VIII. Administration des mines. — IX. Les mines en 1908, le socialisme parmi les ouvriers. — X. Rendement du cuivre et du charbon
237
CHAPITRE XVII
I. Finances japonaises ; généralités. — II. Organisation actuelle. — III. Le budget, les impôts. — IV. Dette publique, emprunts. — V. Finances locales. — VI. Banques. — VII. Compagnies d’assurances. — VIII. Médecins, hygiène publique, assistance publique
257
CHAPITRE XVIII
I. Le Japon politique et son avenir. — II. Le Japon commercial et industriel et son avenir
273
CHAPITRE XIX
Les colonies japonaises. Formose. — II. Finances. — III. Monopoles. — IV. Banques. — V. Commerce. — VI. Agriculture et Industries. — VII. Sakhalin et Kwang-Tong
279
CHAPITRE XX
I. La Corée autrefois et aujourd’hui, l’établissement du protectorat japonais. — II. Le résident général et ses attributions. — III. La réforme financière ; l’impôt ; les banques. — IV. Les Japonais en Corée ; sociétés agricoles et industrielles ; élevage et culture. — V. L’industrie coréenne, son avenir. — VI. Commerce ; importation et exportation pour 1908
293

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Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™
Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life.
Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws.
The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact
Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS.
The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate.
While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate.
International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate
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Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support.
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