The Project Gutenberg EBook of Le moyen de parvenir, tome 1/3, by 
François Béroalde de Verville

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Title: Le moyen de parvenir, tome 1/3

Author: François Béroalde de Verville

Release Date: September 9, 2018 [EBook #57878]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 1/3 ***




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LE
MOYEN
DE
PARVENIR.

NOUVELLE ÉDITION.

Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres.

Caritas inter jocosve regnat Moria.

TOME PREMIER.

A LONDRES.


M. DCC. LXXXI.

DISSERTATION
Qui doit être lue*.

* Cette dissertation est du savant Bernard de la Monnoye. Elle donne une assez parfaite connoissance & une idée assez claire de l'Auteur, pour ne devoir pas être rejettée par les Lecteurs, qui veulent s'instruire quand ils lisent.

Le livre, qui a pour titre le Moyen de Parvenir, étant en son espece véritablement original, bien des gens demandent tous les jours qui en est l'auteur. On sait, à n'en pouvoir douter, que c'est François Béroalde, sieur de Verville, gentilhomme Parisien, & de plus chanoine de saint Gatien de Tours. Les registres de cette cathédrale datent sa réception du vendredi 5 Novembre 1593.

Il a composé, tant en prose qu'en vers, une infinité d'ouvrages, où, à l'exception du Moyen de Parvenir, il n'a fait nulle difficulté de mettre son nom. Comme cet écrit est extrêmement licentieux, il n'a pas voulu tout-à-fait demeurer d'accord qu'il fût de lui. Voici comme il s'en explique, pag. 461 & 462 de son Palais des Curieux. «Cependant je vous avise que, comme ici je donne des atteintes à plusieurs fautes, j'ai fait un œuvre, lequel est une satire universelle, où je reprends les vices de chacun. Je pensois vous le faire voir sous un titre qui est tel: le Moyen de Parvenir. Mais on me l'a volé: si que, pour en avoir le plaisir, vous attendrez encore. Je l'ai mis en tel état, que je l'avouerai mien; au lieu que l'exemplaire, dont on m'a fait tort, est insolent, & que je dénierois être de moi, aussi qu'il n'est pas de mon écriture; & avec cela il n'est pas de mérite pour être lû, à cause des convives qu'on m'a rapporté qui y sont, pource qu'il y a des contes désagréables; ce qui n'est pas au mien, où je ne taxe ni moine ni prêtre, ni ministre ni nonnain, & n'y a point de contes qu'on tire à telle conséquence; mais rencontres joyeuses, & touches tendantes à réformation».

Ce désaveu, fait pour la forme, n'a pas empêché qu'on ne l'ait crû l'unique auteur de ce livre. On y reconnoît d'un bout à l'autre son style & son caractere. Quoiqu'on l'ait repris d'avoir affecté, dans cet ouvrage, d'écrire sans suite; il ne laisse pas d'y marquer du dessein, & de cacher, dans son désordre apparent, un ordre plus fin qu'on ne se l'est imaginé. C'est une représentation naïve des conversations ordinaires. Que trois ou quatre personnes s'entretiennent ensemble familiérement, elles parleront insensiblement de mille choses différentes, sans s'appercevoir de la différence des sujets. Le marquis de Châtres-Brodeau nous donna, sur ce modèle, en 1697 ses Jeux d'esprit & de mémoire, mais d'un goût fort subalterne. J'ai exposé l'idée du Moyen de Parvenir. L'auteur y suppose une espece de festin général, où, sans conséquence pour les rangs, il introduit des gens de toute condition & de tout siecle, savans la plûpart, qui, n'étant là que pour se divertir, causent de tout en liberté, & par liaisons imperceptibles passant d'une matiere à une autre, font des contes à perte de vue. La vérité est que, brouillés comme ils sont dans le livre, on a de la peine à les y retrouver quand on les cherche; mais il est aisé de remédier à cet inconvénient par le secours d'une table sommaire des Chapitres qu'on a faite, en vertu de laquelle il n'y a pas de quolibet, pour mince qu'il soit, qu'on ne trouve en son lieu dans le moment.

Le Moyen de Parvenir en est le répertoire général; c'est en cette source que non-seulement Bruscambille & Tabarin ont puisé; mais encore Daubigné dans son Baron de Fæneste, & Sorel dans son Francion.

Un ami très-docte du docte Saumaise, m'a dit que ce grand homme se délassoit quelquefois à lire le Moyen de Parvenir, & qu'il l'estimoit en son genre. Il m'en a même appris un fait curieux, qui mérite d'être rapporté. C'est que, dans le tems que monsieur Saumaise étoit malade à la cour de Suede, la reine Christine, qui l'y avoit fait venir, l'étant allé voir, le trouva au lit tenant un livre, que par respect il ferma, au moment qu'il la vit entrer. Elle lui demanda ce que c'étoit. Il lui avoua que c'étoient des contes un peu libres, que, dans l'intervale de sa maladie, il lisoit pour se réjouir. Ha, ha, dit la reine, voyons ce que c'est; montrez-m'en les bons endroits. Monsieur Saumaise lui en ayant montré un des meilleurs, elle le lut d'abord tout bas en souriant; après quoi pour se donner plus de plaisir, s'adressant à la belle Sparre, sa favorite, qui entendoit le françois: viens, Sparre, s'écria-t-elle; viens voir un beau livre de dévotion intitulé, le Moyen de Parvenir. Tiens, lis moi cette page tout haut. La belle demoiselle n'eut pas lû trois lignes, qu'arrêtée par les gros mots, elle se tût en rougissant; mais la reine, qui se tenoit les côtés de rire, lui ayant ordonné de continuer, il n'y eut pudeur qui tînt; il fallut que la pauvre fille lût tout. Monsieur Saumaise, racontant cette particularité au savant homme, alors fort jeune, de qui je la tiens, lui fit voir le propre exemplaire qui avoit été le sujet de cette plaisante scène, & le lui donna.

Tout ce qu'on peut dire à l'avantage de cet ouvrage, c'est qu'il a été une source intarissable de bons contes, proverbes & mots plaisans pour nous & nos successeurs. Il n'est enfant de bonne maison qui n'en bégaie à tort & à travers quelque lambeau; bien ou mal placé, n'importe. Mais aussi Verville ne s'est pas livré à sa seule imagination dans la formation de ce livre plein d'imagination.

Une remarque particuliere, sur le Moyen de Parvenir, c'est que le mot car, par où il commence, n'y est dans la suite répété en nul endroit.

Bayle nous a donné un léger article de François Béroalde sieur de Verville, & un autre de Mathieu Béroalde, pere de François. Mathieu, originairement catholique, fut, vers 1550, précepteur d'Hector Frégose, fils de César Frégose & de Constance Rangon. Le Bandel en parle avec éloge, dans l'épître dédicatoire de la 63e. Nouvelle du 3e. tome. «Messer Matteo Beroaldo, Parigino, (dit-il) huomo non solamente nella lingua latina e greca eruditissimo, mà nell'hebrea anchora, e negli studii filosofici essercitato, e precettore del nostro signor Hettor Fregoso, dal re christianissimo nomato al summo pontefice per vescovo di Agen». Et dans l'épitre dédicatoire de la nouvelle suivante. «La novella fù narrata qui trà noi dal dottissimo messer Matteo Beroaldo, precettore del nostro gentilissimo signor Hettor Fregoso».

Le calvinisme commençant alors à s'établir à Agen, Mathieu Béroalde, Jules-César Scaliger & quelques autres savans, alors habitans de cette même ville, goûterent la nouvelle religion. Mathieu Béroalde en fit profession ouverte, quelques années après, & fut même ministre à Genêve. Il étoit neveu de Vatable, & avoit des livres rares & exquis, lesquels furent la plupart vendus & dispersés après sa mort. Quelques-uns cependant demeurerent à son fils, qui, dans un tems de troubles, tel que celui où il vivoit, eut peine à les conserver. Il en regrettoit un, surtout, imprimé, dit-il, à la Chine, que Joseph Scaliger, à qui il l'avoit prêté, lui retint. Il en dit un mot dans son Moyen de Parvenir, tome II. chap. XXI. intitulé Sommaire, & en parle plus au long & plus sérieusement, sur la fin de son Palais des Curieux.

Il étoit poëte, chimiste, médecin, philosophe, grammairien, mathématicien. Ses ouvrages, dont nous avons un grand nombre, sont presque tous ou romanesques ou chimiques, ou tous les deux, tel que son Voyage des Princes Fortunés, livre ennuyeux à la mort, au chapitre près qui contient l'histoire du roi Eufrantis, & de son favori Spanio. On la peut voir toute entiere, dans les remarques de Sorel, sur le Xe. livre de son Berger Extravagant. Claude Barthelemi Morisot, avocat au Parlement de Dijon, l'a mise en latin, en ayant seulement changé les noms, & l'a insérée dans son Veritatis lacrima, petite satire que les jésuites, qu'il y maltraitoit, firent brûler publiquement à Dijon, par arrêt du même parlement, le 4 Juillet 1625. On dit que, ce Voyage des Princes Fortunés n'ayant point eu de débit, Verville composa, pour dédommager son libraire, le Moyen de Parvenir, dont il s'est fait des éditions sans nombre. Le titre seul excitoit la curiosité. C'est assurément un livre singulier. L'auteur y paroît fort désabusé de la pierre philosophale, dont il avoit été long-tems entêté. Pour sa religion, l'on ne peut douter qu'étant fils d'un ministre de Genêve, il n'ait été élevé dans la prétendue réformée. De huguenot, après la mort de son pere, il se fit catholique: mais à en juger par son Moyen de Parvenir; qui fut un de ses derniers ouvrages, il est aisé de voir que, s'y moquant comme des Catholiques & des Huguenots, il n'étoit ni l'un ni l'autre.

Sa retraite à Tours, où apparemment il est mort, l'a fait mettre par l'abbé de Maroles, page 255. de la partie de ses Mémoires, au nombre des illustres Tourangeaux. Le même abbé lui donne pour compagnon de poésie enjouée, le nommé Gui de Tours, qui en effet s'appliqua peu de tems après que le Moyen de Parvenir eut paru, à en tourner quelques contes en vers françois. Ce sont des manieres d'épigrammes. Je les ai vues, rien n'est plus sec.

SOMMAIRE
DES CHAPITRES.

TOME PREMIER.

I. Qui sert d'exorde à ce discours clair & intelligible, intitulé: Moyen de Parvenir; satyrise les géometres, les géographes & les chronologues; prépare le lecteur à l'assemblée de ces illustres fous, qui, de section en section, donneront de plus en plus des preuves de leur folie stéganographique. Les interlocuteurs s'engagent à se revoir chez le bonhomme, pour y faire festin. Invective contre ceux qui donnent légérement leur parole.

Guillaume qui fait jurer pour lui, Page 3.

Honnête démenti de Coguerean, p. 4.

Seigneur de paroisse qui ne refuse rien, p. 5.

II. Satyre contre les grammairiens latins, si hérissés par-tout qu'on ne peut en aborder, sans être sûr d'être déchiré par l'épine; & contre les pindariseurs de la langue françoise.

L'assesseur pindarisant, p. 6.

III. A l'ajournement chez le bon homme, aucun des conviés ne manque, & tous en entrant dans la salle se saluent. Satyre contre les révérencieux. Description de la salle. Critique de Platon.

IV. Eloge de toute l'assemblée, dans un style si singulier, qu'on ne sait s'il l'injurie ou la loue. Cet éloge est terminé par l'apologie de madame (la belle inconnue) dont beaucoup de bien est dit.

V. Les flaccons de vin étoient au frais. Sortie vigoureuse contre les buveurs d'eau tiede, les sots à table, & les timides en conversation. Histoire de la découverte de la vérité au fond d'un puits par Démocrite. Raison pourquoi le vin s'avale plus promptement que le pain. Vin répandu est le plus grand malheur. Origine du proverbe: vessies sont des lanternes.

Sermon du curé, page 10.

Démocrite qui trouve la vérité dont un puits, p. 12.

VI. Socrate fut chargé de l'emploi de maître des cérémonies. On y vit arriver Alexandre revenu de chez les Gymnosophistes, Aphtonius, Bodin, Pythagore, Pline, Démosthenes, Aristote, Rabelais; Cusa & Jean Hus se placent; digression plaisante sur la future destinée de ce livre.

L'archidiacre grand gourmand, p. 15.

Moine circonspect au pied de la potence, p. 16.

VII. Le repas commence. A propos de repas, savante & profonde dissertation sur les pets, & histoire des pets musqués de la belle Imperia avec le gentilhomme de Lierne.

Naissance de la couronne impériale, p. 23.

De Lierne couché avec la belle courtisanne peteuse, page 24.

Naissance des orties, 26.

VIII. L'histoire de la belle Marciole qui ramasse, toute nue, les cerises qu'elle avoit apportées au sieur de la Roche. Les plaisirs indiscrétement prisés des regardans, & la somme que la belle emporta, font le sujet de cette section.

Marciole ramassant les cerises, p. 27.

Prudence de l'abbesse de Montfleury, p. 33.

IX. Il est bien intitulé coq-à-l'âne; chacun, rempli de l'histoire de Marciole, raisonne sur son cela, & pourquoi cela est appellé cela. Plaisanterie d'un médecin visitant une fille malade.

Médecin examinant une malade, p. 35.

X. L'auteur annonce clairement à ses lecteurs la difficulté de lire ce livre, dont toutes les phrases sont cousues par le hazard: l'exemple du bon homme Guyon, qui mettoit dans une grande terrine tout pêle-mêle ce qu'on lui donnoit à boire & à manger, est une comparaison sensée de cet ouvrage. Analyse d'une dissertation d'un prieur de Vau-de-Vire, sur le mot cela. Homme & femme sont honteux de montrer leur cela, selon la petitesse de l'un ou la grandeur de l'autre. Le dialogue d'Hippolite & de son amant vis-à-vis sa mere, mérite l'attention de ceux qui aiment de la chaleur dans les dialogues. Histoire de monsieur de la Rose, qui, pour se moquer des notaires, fait passer des pois pardevant eux.

Guyon qui mangeoit & buvoit pêle-mêle, page 36.

La belle Hippolite qui se chauffoit à la parisienne, p. 39.

Pois passés pardevant notaires, p. 43.

XI. Eloge ambigu des convives, de l'ouvrage, & des lecteurs assez spirituels pour l'aimer & comprendre. Comparaison de ce volume avec verre & bouteille.

XII. En continuant l'apologie de ce volume, il l'appelle bréviaire, pour avoir droit de faire un sarcasme contre les propriétaires de bréviaires. Le conte du bréviaire du curé, & du quiproquo de la femme du libraire, n'est qu'une courte parenthese à cette apologie, qui n'est interrompue que par une furieuse satyre contre les financiers & gens pressurant le peuple par la levée des impôts. Embarras dans lequel il entre sur le nom qu'on doit dignement imposer à ce livre; en rejettant le mot de clavicule, il fait un conte sur Rabelais qui prépare une médecine à M. du Bellai avec une décoction de clefs. Il termine cette section par une invective contre les pédans latinistes, & les ennuyeux scholiastes.

Le bréviaire du curé, page 48.

Quiproquo de la femme d'un libraire, p. 49.

Médecine apéritive de Rabelais, p. 53.

XIII. Plaisante conversation d'un principal du collége de Genêve & d'un ministre: on y développe un germe de scepticisme sur les deux religions catholique & protestante. Il termine son éloge de ce livre par des idées très-burlesques & fort analogues au style dont il est écrit.

Guérison du ministre malade, p. 58.

XIV. Beze est le premier qui forme l'interlocution dans cet ouvrage; il disserte plaisamment sur les gouvernantes de prêtres, qui le premier jour disent votre; le second, notre: & le troisieme mon. Quelques quiproquo fort plaisans précedent l'histoire du bachelier fouetté; elle est commencée, & tout d'un coup interrompue.

Bonne foi d'un homme prêt d'être rompu, p. 62.

Gradations de familiarité des chambrieres, p. 64.

La tête de veau de l'avocat du Mans, p. 65.

Le bachelier fouetté & fouettant, p. 66, contin. p. 71.

XV. L'interruption ayant toujours lieu, à propos de soutanes & de braguettes, plaisanteries vives sur les papistes & les huguenots, sur les buveurs d'eau vigoureux champions en amour, & sur le terme de faire la pauvreté. Enfin le conte du bachelier fouetté par la dame Laurence & la fouettant à son tour, reprend son fil; le trépas de la pauvre dame, & la frayeur de sa jument à ce triste spectacle de fouetterie.

XVI. Propos de sœur Dronice avec son abbesse qui la réprimande d'avoir tâté du fruit de vie. Raisonnement intéressant à la république sur l'encouragement qu'on doit donner à celles qui l'enrichissent par des enfans. Différentes réponses d'enfans sur le cocuage des peres & le putanisme des meres.

La nonnain curieuse reprimandée, p. 78.

Réponses naïves d'un enfant à sa mere, p. 81.

Naïveté d'un curé, p. 82.

XVII. Continuation des propos sur les femmes, que j'aime mieux qu'on lise que d'en faire l'analyse. Plaisanterie sur l'aventure d'un moine, (sans contredit c'est aventure de paillardise; & toutes les fois que je dirai aventure de moine, cela aura cette signification) & sur l'explication de omnis caro fœnum. Thevet tourné en ridicule sur son style & ses bévues. Grotesque serment d'un paysan égrillard, pour détourner la jalousie bien fondée de son voisin sur son compte, vis-à-vis sa femme.

Décision sur les femmes en général, page, 83.

Femme prise pour un boiteau de foin, p. 84.

Frere Jérôme le chimiste, p. 85; continuée, 86; cont. 87; finie, 89.

Expression reprise, p. 86.

Plaisant serment de Georget, 87.

XVIII. Explication burlesque d'une vérité trop certaine, qu'il faut graisser la main aux gens de justice. Histoire de frere Jérôme, grand alchimiste, dans laquelle on se moque des brûleurs de charbons & des entrepreneurs de fortunes imaginaires; frere Jérôme, pour fermer la bouche à sa parente anti-chimiste, lui dit qu'il cherche la poudre qui le fait faire sept coups.

Façon de graisser les mains de son juge, p. 88.

XIX. Un coq-à-l'âne fort court, d'un valet qui explique à sa façon mundus caro dæmonia, differe un moment l'histoire de la pierre à casser les œufs. Secret de faire mourir quelqu'un sans qu'il y paroisse; il ne se peut pratiquer qu'en huitaine qui précede le carême.

Naïveté d'un valet, page 91.

Pierre à casser les œufs, p. 91,

XX. Nouvel éloge du livre, dont le résultat est de donner des leçons aux gourmands superlatifs, pour n'être jamais dupes dans les repas où ils se trouvent.

XXI. Denost le gourmand sert de modele dans l'apothéose de la gourmandise. Ici la conversation des convives se brouille; & par une cascade inattendue, elle rentre dans les quiproquo. Comment faire dans un terrein couvert de neige, pour que les pas d'une pucelle n'y paroissent point. Conte de la fille du métayer qui avoit perdu un mouton, & qui vouloit être tuée pour retourner à la maison.

Cornu, le modele des gourmands, page 99.

Quiproquo d'une femme, p. 100.

La fille qui veut mourir, p. 101.

XXII. Secret infaillible pour savoir si une fille est pucelle, pourvu qu'on ne soit ni manchot ni courte-haleine. Maniere fort sensée d'annoncer la fête de la Madelaine.

Sermon de la Madelaine, p. 104.

XXIII. Les évêques ni les chapitres n'ont beau jeu dans cette section; les uns sont traités comme pharisiens, qui disent de bonnes choses & en font de mauvaises; les autres, comme assemblées de corps sans ame, de matiere sans esprit. Histoire de la fille reconnoissante qui prend le meilleur, & veut qu'on donne à sa mere le pire: vit-on un meilleur cœur!

Sermon sur la charité, p. 106.

L'achat d'un meilleur outil, p. 108.

XXIV. Histoire du notaire & du beau petit diabolique faucheur: elle est coupée par deux ou trois parentheses fort plaisantes. Dans l'une on y développe bien réguliérement les différentes sortes de bénéfices; & ce développement ne peut manquer d'être bon & raisonnable, il est fait par Cicéron. Dans une autre, il y a quelques railleries sur des termes qu'entre gens de religion on se reproche qu'il ne faut jamais prononcer, à moins qu'on ne veuille se voir lapider avec pierres d'églises ou de prêches. Dans la derniere est une plaisanterie sur un faucheur qui se coupa la tête voulant attraper un poisson avec le bout de la lame de sa faux.

Le pré fauché & le petit faucheur, p. 113, continuée, 117.

Maladresse d'un faucheur, p. 116.

XXV. Histoire de monsieur Jacques de la Tour, autrefois prédicateur, & finalement marchand de lanternes, qui mourrant de faim à en débiter, fit une petite fortune à en vendre. Sortie vigoureuse sur les ubiquitaires. Histoire du petit saint homme, qui devint méchant comme un diable dès qu'il fut moine.

Le ministre marchand de lanternes, page 119.

Le novice méchant comme un diable, p. 123.

XXVI. De naïves & simples réponses font le sujet de cette section, qui est terminée par l'illustre & fameux conte de Robin mon oncle. Sarcasme contre la vénalité des bénéfices & la simonie.

Stupidité d'un écolier, p. 126.

Le pere de Melchisedech, p. 130; continuée, 133; fin. 134.

Evêque généreux comme de raison, p. 131.

Conte de Robin mon oncle, p. 132.

XXVII. Pour autoriser son propos sur la simonie, il raconte plaisamment la finesse d'un jeune bachelier qui vouloit avoir un bénéfice de messire Imbert. Généalogie très-suivie de Melchisedech, quoi qu'en dise le texte sacré, qu'on ne connoît ni son pere ni sa mere.

XXVIII. Singuliere explication du premier vers des distiques de Caton, sur les carmes. Sœur Jeanne explique fort énergiquement la valeur du mot coquebin. Plaisant remede d'une paysanne pour guérir son pataud de mari.

Chapelain chatré d'une Angloise, page 137.

Valet qui n'est pas coquebin, p. 138.

XXIX. Messire Gilles, après avoir passé par l'étamine hypercritique de Scaliger sur son nom, & l'origine de son nom, raconte l'histoire du diable châtré. Sentimens de religion bien placés, sur le chagrin qu'on doit avoir que S. Michel n'aie pas tué le diable, quand il avoit si beau, puisqu'il étoit armé comme quatre mille, & que le diable étoit tout nud.

Le diable châtré, p. 141.

Nom de sculpteur tronqué plaisamment, p. 143.

XXX. Naïveté d'une fille-de-chambre, qui ne cede en rien à la simplicité d'un prédicateur. Messire Guillaume le Vermeil veut parler à son tour; mais il est représenté comme un homme ivre & qui bégaie. Diogenes, dans ce repas, est aussi cinique contre nos porte-chasubles, qu'il l'étoit dans les rues d'Athenes, tapissé des douves de son tonneau.

Naïveté d'une fille de chambre, p. 147; continuée, p. 148.

Sermon expressif fait à des jacobins, p. 148.

Conte de la reine des pois pilés, p. 149.

XXXI. C'est ici la scene des souhaits; chacun en fait à double entente, plus plaisans les uns que les autres. Conte de Martine & de sa flûte, pour faire opposition à Robin & ses flûtes. Satyre contre les moines à besace. Plaisant testament d'un Toulousain, en faveur de sa femme, qu'il laissa fort bien pourvue, en ne lui ajoutant rien à ce qu'elle avoit auparavant. Sortie contre ces Agnès d'apparence, qui donnent leurs faveurs à des rustres. Conte des pelotons & de l'honneur cousu & recousu.

Martine qui promet une flûte à son mignon, p. 154.

Amphibologie dans le sermon d'un curé, p. 156.

Le testament en faveur d'une femme, page 156.

Conte des pelotons & de l'honneur cousu, p. 159.

Madeleine la bien fêtée, p. 161.

XXXII. Ici le banquet reprend vigueur; on boit & on mange en toute sûreté. Histoire du farfadet de Poissi. Explication des termes de petit exercice, de dispense, & de purgatoire. Sergent tombé plaisamment moqué. Question, dont le premier vers de Despautere est la réponse. Dissertation sur le vin, les buveurs & sur l'ivresse. Jaquette du Mas trouve bien heureusement le nom de son fils. Amiot accusé de vérole. Satire contre l'inquisition d'Espagne.

Conte du farfadet de Poissi, p. 162.

Chûte d'un sergent, p. 165.

Naïvetés d'un paysan d'Orléans, p. 165.

Sermon d'un ministre de Strasbourg, p. 167.

Prudence d'une servante, p. 168.

Nom donné à un enfant par un sermon, page 171.

Conte sur Amiot & sa vérole, p. 171.

Bon avis d'un fils à sa mere, p. 172.

XXXIII. Erasme raconte aux convives l'histoire de Dom Rodigue das Yervas. La soupe de Glougourde la fait canoniser à Rennes. C'est une parenthese au conte de Dom Rodigue. Mot à double sens sur l'indifférence d'Erasme pour l'épître & l'évangile. Sentimens sur les poésies d'Æneas Silvius & de Beze. Munster moqué d'avoir voulu être l'apologiste de Thevet. Bonne raison de l'amour des femmes pour les moines. Cette section est terminée par quelques propos de niaiserie paysanne.

Conte de la soupe de S. Glougourde, p. 174.

Mere d'Erasme, qui oublia son pater, p. 175.

Naïveté d'un berger, p. 178.

Histoire de Dom Rodigue das Yervas, p. 178.

Balourdise d'une paysanne, p. 182.

XXXIV. Invective contre les mœurs & la fourberie des gens du siecle. Scot & Uldric se disent des pouilles; madame veut les racommoder; plaisante façon de faire une déclaration d'amour: si elle n'est pas bien éloquente, du moins est-elle bien sensible.

Chanoine qui veut le bien d'autrui, p. 185.

XXXV. Les convives se plaignent qu'on ne vient pas au but qu'ils s'étoient proposé. Tout d'un coup Paracelse commence une belle dissertation sur la premiere matiere. Dissertation claire comme un étang bourbeux, ou comme la bouteille à l'encre.

TOME SECOND.

I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de dissolution.

Plaisant parti d'un domestique, p. 6.

II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de Busançois, divisé en trois points.

Le conte de Quenault & de Thibault, page 7.

Sermon en trois points, du curé de Busançois, p. 10.

III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: castigat ridendo mores. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un prêtre, &c.

Conte du ministre qui avoit rime & raison, p. 14.

Conte de la malvoisie, p. 16.

Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie, p. 19.

IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un besacier, l'autre pour l'avoir rebuté.

Ruisseau à faire la forte bierre, page 20.

Conte de la Le Page & de la Gousson, p. 23; contin. p. 24.

Interrogatoire de maître Pierre, p. 23.

Propos de pisseurs, p. 28.

V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. Pourquoi le cela de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le Moyen de Parvenir, que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du chose. La section finit par une question, dont le titre de la section suivante fait la réponse.

Aventure de Platon & de Prédicac, page 30.

Bonne logique d'une chambriere, p. 32.

Plaisante origine des minimes, p. 34.

Description élégante de la sphere, p. 35.

Conte des trois filles, p. 36; contin. p. 37.

Propos d'un curé & d'un charpentier, p. 37.

Question d'une chambriere, p. 38.

VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent leurs noms par des du, de, le, &c. Origine du proverbe: s'il a bon cœur, qu'il mange de la merde.

Conte du cul de la femme d'Esculape, p. 42.

Changemens de noms, p. 44.

Conte de Stace avec la femme peteuse, p. 45.

VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quillebœuf ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre.

Trois féves qui font le mariage d'une fille, p. 47.

Conte de la femme à moitié épilée, p. 48.

Obstination d'un marinier, p. 49.

Disputes de deux maquerelles, p. 50.

VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit le comment a nom de sa femme un gardon. Origine de la solution de continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos facétieux.

Lamentation de putain, p. 51.

Femme qui montre son cela, sans y prendre garde, p. 52.

Conte de jeune femme & vieux mari, page 53.

La couture des mâles & femelles, p. 54.

Le beurre net de la Soldée, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. p. 63.

Propreté des femmes, p. 57.

Caractere des moines, p. 58.

IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le bon âge, & avance que le cela des hommes est plus fort dans la vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete.

Emploi d'un contrat de mariage, p. 60.

Expérience de Sculpture, p. 63.

Conte du médecin, p. 65.

Mot à double entente, p. 67.

X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine du proverbe, afin que le bon homme ait son sac. Quelques-uns des convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se fendre la bouche.

Le revenant, p. 71.

Conte du sac du bon homme, p. 72.

Réponse humble d'un valet, p. 73.

Propos naïf d'une fille, p. 75.

XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous œuvre, de l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots.

XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation sur le Pheros ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. Interprétation du mot apprendre. Conte fort plaisant à ce sujet. Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, & de la naïveté du procureur avec son écritoire.

Conte du bonnet tombé, p. 83.

Bonne leçon d'une vieille servante, p. 85.

Conte du moulin à barbe, p. 87.

Chanoine pris par son propos, p. 88.

Conte de l'écritoire du procureur, p. 89.

XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un moine.

Plaisante réponse d'un homme gras, p. 93.

Le jeune homme en couche, p. 93.

Quiproquo d'un domestique, p. 94.

Nom tronqué, p. 95.

Conte de la dispute d'Erasme, p. 95.

Plaisant jugement, p. 96.

Description du pays de papimanie, p. 99.

XIV. Mœurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, & l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre supérieure du mari par l'autre.

Eloge de la vis des tuileries, p. 100.

Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle, p. 103, contin. p. 104.

Les beaux sont les gros, p. 105.

XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere.

Conte d'un moine pris en partie, comme une souris, p. 108.

XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. Véritable explication du mot quasimodo, & de quelques autres intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé un cocu. Maniere d'être poussé.

Sermon dont le texte est plaisant, page 110.

Conte du moine & des voleurs, p. 110.

Conte du fagot, p. 112.

Le mot quasimodo expliqué, p. 113.

Secret pour être poussé, p. 116.

XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur du terme de chausse-pied de mariage.

Conte canonique d'un homme & d'une femme, p. 117.

Conte de l'âne volé sous son maître, p. 120.

Confession d'une femme, p. 121.

Bon avis d'un galant homme, p. 124.

XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait.

Conte des hommes vissés, p. 124.

Conte de la courtisanne Conscience, page 130.

XIX. Le bon prédicateur fait bonnes mœurs; exemple d'un qui détournoit ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame l'amiralle, vient égayer. (Nota. Dame de compagnie, auprès des dames de haut-parage, est même chose qu'esprit, auprès de leurs maris. On dit: monsieur D. est l'esprit du duc D.)

Conte des prédicateurs ennemis des paillardises, p. 134.

Naïveté de la belle Dubois, p. 137.

XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours vérité & honneur, (serment sans conséquence.)

Vérité dans la bouche d'une Normande, p. 145.

Conte du Prieur de Marmoutier, p. 146.

XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'in illo tempore à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes.

La ville de Lubec, p. 148.

XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris dont les enfans ont cheveux de deux couleurs.

Conte de l'origine du putanisme, p. 155.

XXIII. Explication du terme de putain, faite par plusieurs, & terminée de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. &c. &c. Trois choses sont à éviter; trois vœux à faire. Satyre contre la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de fesse tondue. Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés béats peres.

Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain, page 163.

Conte de la fesse tondue, p. 162.

L'éguillette nouée et dénouée, p. 168.

Le Chanoine dupe, p. 170.

XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; dissertation sur l'origine des mitres.

XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot tu autem. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, deux moines.

Conte d'un page attrapé, page 177.

Jean Dissolez, voleur de poires, p 180.

Aventure de Ferrand & Margeou, p. 183, continuée, p. 192.

XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se reprend & se termine.

Musique d'un moine, page 188.

Les deux moines en fonction, p. 188, continuée, p. 191.

Origine du proverbe de la chape à l'évêque, p. 189.

XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie naturelle d'une présidente.

Histoire d'une femme de sergent, p. 194.

Conte de Jacques Adriot, p. 197, contin. p. 198.

Plaisant mot d'une présidente, p. 198.

XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est que femmes pour bien juger des choses.

Conte de la femme d'un huissier, p. 200.

Conte des religieuses de Poissi, p. 203.

Conte sur le mot groseille, p. 204.

Résolution académique de trois nonnains, p. 205.

XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. Façon d'un curé d'imposer silence.

Le conte de Nabuchodonosor, p. 207, contin. p. 209.

La confession sincere, page 214.

Conte d'une femme avare de beurre, p. 218.

XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle.

Femme soumise aux volontés du roi, p. 220.

Conte du chaudron, p. 223.

Le fromage mou & l'aveugle, p. 228.

XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un appareil mis sur une blessure.

Le cheval de Rabelais, p. 229.

Conte du mulet, p. 231.

XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne & Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines.

Le ministre en cave, p. 238.

Franchise d'un hôtelier, p. 242.

La huguenote en colere, p. 244.

XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans ses souhaits.

Conte de l'époussetée de deux façons, p. 251.

Prudence d'une servante dans ses souhaits, p. 255.

XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des prunes.

Bans publiés, p. 256.

Curé égrillard puni, p. 257, continuée, page 259.

Le jardinier & les prunes, p. 258.

Propos dissolus de moines prêchans. Conte du thuribulum. Quelques explications de phrases latines.

Le conte de thuribulum, p. 266.

TOME TROISIEME.

I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du meûnier complaisant.

Le meûnier complaisant, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10.

II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; & de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à ordonner. Explication du mot sot; subtilité d'une femme, dont, je crois, elle fut dupe.

La file violée, p. 8.

L'amant trop complaisant, p. 9.

La femme chere à vivre, p. 10.

III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé.

Conte du ministre et de la servante, p. 13.

IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier.

Conte de l'âne bâté, p. 15.

Conte du nom du paysan, p. 17.

V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement.

La famille bien élevée, p. 23.

Le paysan et le rapporteur, p. 25.

VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la main.

Conte du barbier, p. 32.

VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties singulieres.

Le barbier ladre & le médecin, p. 35.

L'homme saigné par quiproquo, p. 39.

Pari d'un paysan, p. 40.

VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques & du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau froide.

Conte de Pâques & du jambon, p. 44.

L'abbé de Grammont & madame l'amiralle, p. 47.

L'ambassade grotesque, p. 48, cont. p. 50.

IX. Augurelle fait des vœux, & est la preuve que tôt ou tard les prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de prédicateurs.

X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; explication des mots premiere messe & premieres nôces. Ici les convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un François.

Le curé curieux, p. 55.

Conte de l'amant en preuve de son amour, p. 60.

XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés.

Conte du cheval chrétien, p. 64.

La fille & l'œuf, p. 66.

Conte du crucifix du curé, p. 67.

XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le transport au cerveau.

Soldat pris en maraude, p. 73.

Le ramonneur pris pour le diable, p. 77.

XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la fourchette de St. Carpion.

Le serrurier de Bourgueil, p. 82.

La fourchette de S. Carpion, p. 86.

XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent encore. Conversation de Frostibus & de Luther.

XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, le faire pour épargner le pain. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si reconnoissantes.

Histoire de Michelle & de ses amans, p. 105.

XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la maison. Métier de huguenot à vendre.

XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans son genre.

XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai.

Histoire de l'abbé de Turpenai, p. 125.

XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce qui est malfait sans crime, & bienfait sans mérite. Réception d'un maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être ministre, c'est à peu-près de même.

XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. Ridiculité des moines de parler toujours par nous.

Confession du Chien, p. 135.

XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont faits pour tout savoir. Origine du proverbe, avoir le boudin par le nez. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. Pourquoi on appelle une femme vesse. Pourquoi les femmes ne prient pas les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le sotier de Genêve.

Conte du cordonnier & de la chambriere, p. 153.

XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit audaces. Obstination d'une femme. Invention du célibat.

Conte des génitoires noires, p. 156.

XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand on passe devant la porte d'une putain.

XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal.

Le Pendu de Douai, p. 166.

La bonne fortune de Colette, p. 170.

XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces.

XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au memento.

XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante.

XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris pour le diable.

Conte de Jean Tenon, p. 181.

Le chaudronnier pris pour le diable, p. 184.

XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve clairement que Rabelais a été évêque.

XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. Question lequel des deux bœufs est le plus gras. Plaisantes réparties. Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue par un savant & un menuisier.

Femme qui rend le pain béni, p. 195.

XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. Rêverie de Cardan.

XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la femme battue.

XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible.

XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere de connoître les hommes & les femmes fideles.

La femme battue, p. 208.

Le jeu de la courte-paille, p. 216.

XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses affaires par trop de zele de son valet.

Conte de la femme bercée, p. 220.

XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de souliers en une heure.

XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique.

XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon de se torcher le cul avec du papier blanc.

Le jardinier & sa femme, p. 239.

Le faiseur d'enfans, p. 242.

XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un libraire à l'article de la mort.

XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le prunier, devinez ce que c'est.

XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du MOYEN DE PARVENIR.

Fin du Sommaire des Chapitres.

LE
MOYEN
DE
PARVENIR.

I. Car est-il, que ce fut au tems, au siecle, en l'indiction, en l'ére, en l'hégire, en l'hebdomade, au lustre, en l'olympiade, en l'an, au terme, au mois, en la semaine, au jour, à l'heure, à la minute, & justement à l'instant, que, par l'avis & progrès du démon des spheres, les étœufs déchurent de crédit, & qu'au lieu d'eux, furent avancées les molles balles, au préjudice de la noble antiquité qui se jouoit si joliment. Confus soient ces inventeurs de nouveautés, qui gâtent la jeunesse, & contre les bonnes coutumes, troublent nos jeux. N'est-ce point au jeu, où l'ame se dilate, pour faire voir ses conceptions? Si un diable jouoit avec vous, il ne se pourroit feindre; il vous feroit voir ses cornes. Mais qu'est-ce que jouer? c'est se délecter sans penser en mal. Beaucoup de maux sont avenus à cause de ce changement, qui troublera l'intelligence des histoires, & gauchira toute la mappe-monde. Voyez combien déja en sont venus de troubles, guerres, maux, véroles, & telles petites mignardises qui chatouillent malheureusement les personnes pour les faire rire. Tant de sages, qui étudient aux aventures, attribuent tels effets à d'autres causes; comme au retranchement des dix jours, depuis quoi on n'a fait vendanges que par rencontre de saison; aux pullulations d'hérésies, depuis lesquelles les bosses n'ont pu être plattes; aux révoltes des grands, qui sont occasion que fillettes ont hanté les cloîtres, & les ménagers les tavernes; aux haussemens des tailles, durant quoi les vieilles gens ne font que rechigner; & infinies autres sottises, dont je ne suis point contrôleur, d'autant qu'il ne m'appartient pas d'entreprendre sur vous. Et bien, en cet excellent période, il avint ce que vous savez; & je vous jure, sans jurer, que tout est vrai. Si vous me pressez, je vous défoncerai trois ou quatre ruades toutes brodées de cramoisi, & jurerai comme un homme; ou bien je prierai mon voisin de jurer pour moi, ainsi que fit le sire Guillaume, qui pressé du juge de jurer, lui dit ainsi: Monsieur, je ne sais point jurer, parce que je n'ai pas étudié, ni été à la guerre, & ne suis docteur, ni gendarme, ni gentilhomme; mais j'ai un frere qui jurera pour moi. Il fut donc, en cette saison, sonné, trompé, trompeté corné, (comme vous voudrez; prenez au goût de votre rate) & crié, huché, dit & proclamé avec la trompe philosophique, que toutes ames, qui avoient serment à la sophie, se trouvassent au lieu susdit, ainsi qu'il avoit été ordonné & promis avec serment solemnel, comme il est ordinaire ès affaires sérieuses de la benoîte coutume des sages; pour assurance de quoi les enfans de la science avoient mis la main au symbole de la conscience. Par quoi nous fûmes tous résolus de nous trouver chez le bon homme notre pere spirituel, parce qu'il avoit été ordonné & jugé en dernier ressort de serrure, d'horloge, de cranequin, de rouet, de rôtissoir, d'arbaleste, &c. que les défaillans seroient mis à la noix, à la noisette, au noyau & à l'amende. A cet éclat de mandement, je ne faillîmes à nous trouver; aussi avions-nous promis de nous bien chercher pour cet effet; & puis je l'avois juré: & sachez que c'est un grand péché de faillir parmi nous, parce que suivons uniquement la regle de perfection en promesse. Et bien que ce soit une ordinaire glissée de pere en fils pour gens de bien, coulée de mere en filles pour femmes d'honneur, d'oncle à neveu pour gens d'église; (ordinaire, dis-je, comme ces docteurs qui enflent leurs discours) que promettre & tenir est tout ce qu'une personne de bien peut faire, & qu'il n'appartient qu'à ceux qui sont issus de damoisellerie & de gentilhommeté; si en a-t-on menti un petit. Et je vous le dirai aussi honnêtement, que fit Coguerean à Monsieur le Président son maître. Il étoit sommelier; & nous boivions frais & bon: je disois que le vin étoit bas, Monsieur disoit qu'il étoit à la barre; Madame dit: eh bien, sommelier, qu'en est-il? Ha, ha, dit-il, Monsieur n'a menti de gueres. Promettre est facile; mais effectuer, difficile. De tenir, il est aisé. Tenir ce que l'on promet, est faire comme le Seigneur de notre Paroisse, qui ne vous refuse rien, & baille encore moins.

Point.

II. Chut! je vous prie, si vous allez à l'école, enseignez ce mot de Grammaire à Lipsius & à Scaliger, afin que l'on die ci-après, promettre & effectuer: & que gens latineux & de telle farine qui remâchent ce que les doctes antiques ont jetté & chié, & vont grattant tant dans les balieures & bourbiers du latin, & ès éviers d'éloquence, pour en tirer quelque haillon, se rendent parfaits en leur art. J'ai ouï dire, à ce propos, que les docteurs de ce tems ont défoncé les pipes de leurs sciences, pour trouver une glu, qui pût congeler les paroles & les faire tenir. Je pense qu'ils y parviendront, moyennant qu'ils sachent ce volume; & que, par cette doctrine qui leur sera infuse comme une poignée de bon vin, ils aient connoissance de la glaire concentrique de l'émolument naturel, qui peut produire ce dont ils ont affaire. Mais, je vous prie, ne vous amusez pas à ces Messieurs les Gens de Lettres, qui sont si très-savans, qu'ils en sont tous sots. Vous les verrez hallebardant avec de grands lambeaux de latin, effarouchant les fauvettes. Fi, ôtez cela; ce n'est pas là le trou par où on enfourne notre pâte. Passons outre: si quelque sot s'en fâche, qu'il se mutine; que le plus sot en prenne la querelle. Allons vîtement: la soupe se mange. Je pindarise; je voulois dire: on mange la soupe. Aussi Monsieur dit au matin: ça mes habits, je me vais lever. Eh! où est-ce qu'il va, avant que se lever? J'aimerois autant notre Assesseur, qui durant ces guerres, étant Maire, ouit du bruit dans la rue; il étoit couché; il se leva vîtement, &, ouvrant sa fenêtre, il regarda les passans qu'il appella; & comme ils lui dirent quel bruit il y avoit, il leur demanda: Messieurs, me leverai-je?

Paraphrase.

III. Mes gens sont là qui m'attendent. Sont Messieurs da; ils sont à moi; est-il pas vrai? Ne sommes-nous pas les uns aux autres? Dites-vous pas: bon jour, Monsieur? Il est donc votre sieur; & partant, vous, le maître du chantier où l'on scie. Ainsi nous disons: bon jour, ou adieu, Madame, ma commere; & on nous dit: mon ami, mon hôte; & de même nous sommes aux autres, & nous à eux; pour ce ils sont à moi. Ils sont donc mes gens, qui avec moi, & moi avec eux, nous trouvâmes tous & toutes, chez notre pere se puisse tuer, que Madame avoit choisi pour y célébrer cet admirable banquet. Chacun y entrant avisa à son devoir; par ce moyen, nous exerçâmes un notable conflict de révérences, dont les pétarades sentoient, je ne sais quoi, de la musique ancienne; & pratiquant mille vétilles d'humilités, avec une friponne escopeterie de langage courtisanifié, fîmes plusieurs belles entrées & rencontres, à la façon que l'on porte les barbes, excepté l'institution de la petite Hongrie (Saint Martin en étoit, voilà pourquoi, parmi ses nourriçons, il y a toujours quelque châtré) & trouvant tant de gens de bien assemblés, nous nous sentîmes saisis de quelques menues tranchées de sagesse. Nous fûmes introduits en une belle grande salle parée, comme dit l'autre, autant à l'antique qu'à la moderne; tout y étoit avec grace fort bien rataconné, & avec symmétrie parfaite; & ce, pour donner autorité & lustre à l'aventure & aux discours; & pour enfler notre dessein de plus de majesté, Platon y apporta une siringue impériale, pleine de vent de cour, qu'il avoit autrefois épargnée à la suite de Denys.

Axiome.

IV. Or entendez, belles petites mignonnes ames, qui venez ici succer les rainceaux du rameau d'or, pour savourer la science, que nous sommes, nous qui parlons de ce tems. Nous y sommes, en tenons & y vivons, si ne sommes trompés; & la plupart de ceux du tems passé ont vécu leur siecle, comme nous au nôtre, & vous au vôtre; & parce que nous sommes gens qualifiés, notre assemblée a été réparée de menus suffrages de la magnifique mélodie de l'antiquaille & nouveauté, congreageant ainsi le plus célebre, scientifique & vénérable Sénat qui fut jamais, & jamais sera: & de fait la gloire de l'antiquité, remembrance des gestes & parure de l'enfance, & autres âges du tems, n'a fait que feuille à notre congrégation, y apportant une gelée de sagesse, qui, resplendissant par-tout, nous a fait triomphamment agir. Madame, qui est l'unique entre les sages, la perle des entendues, & le parangon de perfection, (reconnoissez-là par ces épithetes, & ne vous enquêtez plus qui elle est) nous fêtoyoit, & prenoit grand plaisir de nous avoir pour son contentement, sans quoi les dames jamais n'en feroient rien, tant soient-elles ferues du desir de science.

Songe.

V. Quand nous fûmes assemblés, qu'on fut prêt, le vin dans les vaisseaux plongés en l'eau fraîche pour se rafraichir, (aussi le pratiquer autrement, seroit boire à cloche-pied) la soif étant appétit de froid & d'humide. O qu'il est dangereux pour le corps & pour l'ame, (pour le corps, à cause de la fievre, pour l'ame, à l'occasion de la colere) de fréquenter ces malheureux, qui boivent tiede. Ils sont pires que Pharisiens, vu qu'ils trompent manifestement. Ceci vous fera souvenir de deux sortes de sots. Foin, il m'est échappé; je cuidois prononcer honteux; je n'en veux pourtant point quereller: je dirai comme notre vieux Curé, qui disoit en son prône: il y en a qui ont des pantoufles qui vont faisant flique flaque, & chantent: revange-moi, prens ma querelle. Et qui veux-tu qui te revange? Va, prens une échelle, & t'en va à tous les diables. Ces doncques troublés des documens de honte paysanne, ils n'osoient demander à boire frais, ni en demander davantage, si on leur en verse trop peu, ou si on leur baille un reste; mais le reçoivent comme corbeaux qui béent. Ils n'osent demander du meilleur, ou de celui de Monsieur; mais se contentent de ce qu'un malotru valet leur apportera. Hé! grosse pécore, grande pécude, animal irraisonnable, est-ce là le peu d'état que tu fais de ta conscience que tu ne crains point de la laver indiscrétement? Les autres sont des messieurs sages & entendus, c'est-à-dire, sots d'honneur, ou honorables, qui étant venus voir quelque Seigneur ou homme d'affaire, après avoir discouru & mis en avant la disposition du tems, qu'un chacun sait aussi bien qu'eux, soit chaud, ou froid, & puis ayant conté au-delà de ce qu'ils savent, demeurent là fichés & esto, & muets vont traversant après les caprioles de leurs fantaisies; & se tenant ès piéges d'ennui où ils se sont fourrés, n'ont pas l'assurance de dire adieu pour s'en aller, & cesser d'être importuns; mais, pour user la bienséance, demeurent là, tant que quelque changement les vienne relever de sotise, où ils sont en sentinelle. Jan il nous faisoit beau voir & bon ouir; &, si étoit chose meilleure, de regarder les flacons en état. Que vous apprendrez ici de bonnes doctrines! Les sots, qui viennent se mettre en état, se laissent envelopper; & puis on les gâte. O la belle distinction! La bouteille en état n'est point prisonniere; ains retient en soi, & enveloppe le vin: mais hélas! pauvre vin, où es-tu? Je vous prie, ôtez-moi ces bouteilles, d'autant qu'elles sont sujettes à être cassées: ayez de bons flaccons, pour y trouver, par leur moyen, la vérité, comme fit Démocrite, qui la trouva au fond du puits. Le roi avoit fait faire un puits, qui répondoit à une vieille carriere, où Démocrite alloit souvent se rafraîchir. En ce puits, on rafraîchissoit le vin du roi. Démocrite s'en apperçut, & alla, avant que d'être aveugle, joliment prendre le bon vin gisant en flaccons dans l'eau du puits, & trouva que c'étoit la vérité; que le vin valoit mieux que l'eau. C'étoit une vie mystique que de notre fait. Nos flaccons étoient d'argent vivans, & pleins de leur vraie ame, joint que sans vin ils sont corps inanimés, les vaisseaux étoient dignement arrangés, selon leur mérite, ne plus ne moins que les vers des Sibylles, couvrant sous leur sainte cabale les plus savoureuses intelligences du bien futur. Mais encore notre maître, vous qui savez que le pain est plus ancien que le vin, d'où vient qu'étant le pain en la bouche, il est long-tems à se démener çà & là, avant que de trouver le chemin de la vallée; & le vin tout incontinent le trouve. Ce mystere n'est pas de votre religion. C'est parce qu'il y a plus d'esprit en une pinte de vin, qu'il n'y en a en un boisseau de bled. Voire, direz-vous, l'eau en fait bien autant. O lourdaut, mon doux & bel ami, c'est une folle que l'eau; elle se laisse tomber du haut en bas, elle court les rues, & fait devenir fols ceux qui l'aiment: & là-dessus, mon mignon, résolvez un peu à quoi il y a plus de réputation à se faire déclarer ivrogne, ou fou. Guette au paneau, & dis que tu en as. Je vous avertis, doctes buveurs, que vous ayez des flaccons; ils sont bons vaisseaux fermans à vis, vous serez en sûreté. Qui a, pensez-vous, été cause de la guerre de Troye, du siége de Babylone, de la ruine de Thebes, de la venue de l'antechrist, & de tant d'autres malheurs, dont les vraies & fausses histoires nous amusent? Bouteilles cassées, & vin répandu. A dire vrai, vin répandu ne vaut pas plein le cul d'eau nette, pour vous débarbouiller dans une écuelle percée. Et pour ce que l'on n'osoit pas, en paroles vulgaires, prophaner ce digne & excellent sujet; on le taisoit, & faisoit-on accroire aux bonnes gens qui ne savent pas les mysteres mystérieux du vin, comme nous autres philosophes, que les lanternes étoient vessies, & attribuoit-on ces malheurs à d'autres jolies causes, pour vous emmailloter l'esprit.

Proposition.

VI. Oui-dà, je vous ai ôté de peine, si vous en êtes capable; & vous ferai remarquer ceux qui assisterent en ce notable simpose. Au moins je vous en nommerai quelques-uns; si je ne me souviens de tous, je vous envoierai à la cuisine où ils sont, ou bien autre part, à jouer, comme les sages de la Grece, au franc du carreau, avec les pages & les laquais. Je vous dirai que Socrate étoit présent à ce banquet, où il fit fort bien son devoir des mâchoires; (à propos de notre archidiacre, qui s'en sait très-bien escrimer. Et vraiment, s'il se tenoit aussi bien à cheval qu'à table, il seroit le meilleur écuyer de France. Et bien plus s'il officioit, ou pouvoit officier autant parfaitement à un grand autel qu'à une table, il mériteroit d'être pape.) Quant à Socrate, il ne pensoit qu'à ce qui s'offroit; & je vous assure que, sur toutes choses, il avoit la meilleure mine à faire de l'honneur, & à en recevoir sans quittance. Ce fut lui qui inventa, puis l'enseigna à Messire Guillaume le Vermeil, à conclure sans résoudre, & à résoudre sans conclure, ainsi qu'il m'a assuré. Et pourtant Madame lui donna la charge d'expédier la bienséance, dont il s'acquitta galament, d'autant qu'il étoit expert aux proportions du manege révérencieux de la cour, & avoit fort bien étudié les circonstances & similitudes, cérémonies, fadaises & miracles, qui se pratiquent entre ceux qui s'aident des spécialités d'honneur, que l'on se fait, en entrant ou sortant, s'asséant ou se levant, se rencontrant ou passant. Je me repens d'avoir dit une parole, parce qu'il y a de nos maîtres, qui disent qu'en tous discours, il se faut garder de régimber des mâchoires, & qu'il ne faut pas user des mots réservés à certaines personnes & actions; témoin un pauvre moine, que l'on pendoit, pour avoir été trouvé faisant la guerre. Hélas! dit-il, messieurs, je suis bien marri, de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à discrétion de conscience. Il n'osa dire liberté, de peur d'être estimé huguenot. Si tout le monde avisoit aussi bien à ses paroles, il n'y auroit pas tant de procès perdus, ni au croc. Alexandre y vint tout ralu; mais il nous fit tant de ravoire, que les dames d'Orléans en furent émues. Vraiment, j'en fus tout aise, & ma cervelle s'en épanouit philosophiquement; de sorte qu'il m'étoit avis que l'on m'enclissoit les réparations, pource que l'on nous avoit rapporté qu'il avoit été tué, ce que nous lui dîmes; & il se prit à rire & s'excuser, nous disant qu'il étoit vrai, qu'il s'étoit battu avec son ennemi, mais qu'il n'avoit pas été tué, & qu'il le prouveroit par ceux qui l'avoient vu faire. Il s'en rapportoit à Aphthonius son secrétaire, qui nous raconta la cause de son absence, qui étoit, qu'il avoit voyagé pour voir toutes sortes de sagesses; & que s'étant trouvé avec les gymnosophistes, il avoit séjourné avec eux; & y avoit tant profité, qu'il en étoit revenu savant, d'autant que, suivant leurs maximes, il avoit inventé les haut-de-chausses sans braguettes, en dépit des Turcs, pour favoriser les Vénitiens & les Suisses. En témoignage de quoi, il nous montra une belle piece qu'il en avoit apportée; c'est le rêts à prendre les ânes de haute futaie. Nous n'entendions point cela, quand il tira de sa manche, & nous montra le beau saint & gracieux abrifou, qui catholiquement s'interprete le rêts à prendre les cocus. Je n'ai garde d'oublier notre grand Bodin, qui, premier des mortels, & contre tout ordre naturel, par artifice délectable & grand revers d'entendement, en plein jour, en la présence de ceux qui s'y trouverent, prit la mesure au diable, & lui fit un habillement, dont depuis il s'est vêtu comme on le voit aujourd'hui habillé: chose, & ne leur déplaise, qu'ainsi que beaucoup d'autres, les anciens ne surent oncques, & jamais ne sauront; &, si vous ne me croyez, allez en enfer m'en quérir un vêtu à la nouvelle mode, & me le montrez tout vif & habillé; & puis me démentez. Il y a bien plus; c'est qu'ayant compassion d'une infinité de pauvres diables qui fournissent d'émouloires aux chambrieres, pour caqueter à la premiere messe, il leur donna une belle industrie, recueillie des antiques archives, & leur fit des genouillieres de conserve, si qu'ores les diables se mettent à genoux, ce qu'au tems passé ils n'eussent osé, de peur de se pocher les yeux qu'ils y ont. Voilà que c'est des gens de grand engin, de l'esprit des grandes natures, comme parle du Haillan en Charlemagne. O diables heureux de si belle commodité! Pythagoras étoit ici en fort bonne mine: il ressembloit à ces vieux sergens du Châtelet, qui ont fait faire leur barbe de pipeux; (je cuidois dire depuis peu) aussi savoit-il de vilaines fessées de prudence, témoin les morbolisantes estafilades de discrétion, que l'on reconnoissoit aux cicatrices de sa félenie. C'est lui qui, au livre des inventions, sans crainte, a librement prononcé hérétiques excommuniables, comme écus au soleil, ceux qui mangent des choux avec une cuilliere. Pline s'avança, selon la rente d'honneur qui lui étoit dûe; ainsi qu'il paroissoit par un contrat passé par-dessus les ponts de Rome. C'est un homme notable & de prix: il est le premier inventeur de pisser honorablement contre les murailles des autres. Tandis que l'on murmuroit, le recevant, voici arriver le bon Démosthene. J'y suimes, dimes-nous; j'en fûmes bien-aises; d'autant qu'il est certain que j'apprendrois beaucoup de bonnes choses; comme déja il y parut. En entrant, il se mit à discourir; & nous enseigna ce que c'est qu'honnête homme, le définissant ainsi qu'il se trouve au Talmud; honnête personne est celle qui, ayant santé, se torche le cul avec un torchoir, le tenant de la main gauche. Aristote, dépité de n'avoir trouvé cette belle définition, se noya, & lui déroba celle de bonne ménagere, qui est insérée en ses économiques, comme l'a remarqué Ciriaque Strosse. Bonne ménagere est celle personne qui, s'étant torché le cul, resserre le papier dans sa pochette, le gardant pour une autre fois, ou pour empaqueter des confitures pour donner aux mignardes. Il n'y a plus de danger; nous sommes tous ici, puis que le pere Rabelais est dedans; ceux qui viendront ci-après, passeront par l'huis de derriere; la galle arrive au dernier. Et bien, couillaut que dis-tu de ceci? Je dis que ceux qui s'amusent à nos folies, font comme les médecins, qui regardent & épluchent les éjections des autres, qui sont aussi fous que nous, si mieux n'aiment être dits fous d'Inde, ou fous de Ludonois. Dieu sauve les beaux coqs, poules & poulets, amen. Et comptez diligemment les jours: parce que, d'ici à deux cents trois ans, dix mois, sept jours, dix-neuf heures, quarante minutes & trois secondes justement, le grand stéganografique fera une nouvelle translation de ce livre, à cause du changement de religion. Chaques uns, qui s'assirent selon les paraphrases de leurs dignités, avoient fait ronfler la réputation, pour maintenir leur rang, qui fut égal à tous jusques à la semelle des souliers. Et ains, chicanant avec les plumes de modestie, ils colloquerent leurs personnes, selon la remembrance de leur qualité. Il n'y eut que le cardinal de Cusa, qui, se trouvant assis près de Jean Hus, s'en prit si fort à rire, qu'il cuidât, éternuant, avancer toute sa réputation. Il en devint un peu fou, sans que pour cela les autres cardinaux encourussent note d'infamie, non plus que pour la dégradation d'un ministre. Et, pour ce que l'intention juge de tout entre toutes, on choisit la bonne intention, qui fut assise au haut bout avec une robe de président. Nous étions-là devant elle, pour faire preuve de nos esprits. Cela fut cause que je m'y trouvai, & m'assis aussi bien qu'un autre, d'autant que j'ai un cul; joint que, sans cul, nul ne pourroit avoir séance entre gens d'honneur.

Couplet.

VII. Nous nous mîmes à étoffer des mâchoires. Cependant il y avoit gens apostés, à ce qu'ils eussent égard que personne ne chommât; sur-tout qu'il n'y eût point de parole perdue, & qu'aucune ne tombât, ou fût égarée, ou échappée: pour à quoi parvenir on fit des barrieres spirituelles, & des gardefous intellectuels. Avec cela furent haut & bas tendus des tapis de considération, & des linceuls de conservation. On m'a dit, (& je le tiens d'un bon théologien, consumé en l'une & l'autre religion, comme chanoine en l'une & l'autre église d'Orléans) qu'autrefois, & à faute de tels remedes, il chut des paroles à terre, dont il leva des herbes de plusieurs façons: & y si a-t-il bien pis; c'est que, quand la terre est en chaleur & forte rage d'engendrer, il se faut bien garder de laisser tomber des pets; témoin Dioscoride écrit en veau au livre des herbes nouvelles, lequel dit que les plantes ont des odeurs différentes, selon tels accidens; & même les beautés & douceurs des fleurs en sont dérivées, comme l'a bien remarqué Paracelse en ses mineures. Et afin que je vous embouche, je vous mets devant le nez cette belle fleur, la couronne impériale, qui nâquit d'une vesse que fit une grande dame; étant fille & belle, après avoir mangé des confitures musquées, elle fit une cabriole, qui causa ce bel accident. L'original en est sorti du cabinet de notre Ambroise Paré. Je vous le prouverai par le sieur de Lierne, gentilhomme François, lequel, étant couché avec une courtisane à Rome, y fut pris. Elle, comme les chastes courtisanes le savent pratiquer, avoit amassé des petites pellicules légeres, comme celle des poules dougées & délicates; les avoit remplies de vent musqué, selon l'artifice des parfumeurs. La belle Impéria, ayant quantité de telles balottes, tenant le gentilhomme entre ses bras, se laissoit aimer. Ainsi que ces deux amans temporels pigeonnoient la mignotise d'amour, affilant le bandage, la dame, détournant la main, mit une petite vessie en état, & d'un petit coup de fesse, la fit éclater, de sorte que la petite balotte se résolut en la figure auditive d'un pet. Le gentilhomme l'ayant oui, voulut retirer son nez du lit pour lui donner air. Ce n'est pas ce que vous pensez, dit-elle; il faut savoir, avant que craindre. A cette persuasion, il reçut une odeur agréable, & contraire à celle qu'il présumoit. Ainsi il reçut ce parfum avec délectation. Ce qu'ayant encore reçu d'abondant plusieurs fois, il s'enquit de la dame, si tels vents procédoient d'elle qui sentoient si bon, vu que celui qui glissoit des parties inférieures des dames Françoises, étoit assez puant & abominable: à quoi elle répondit, avec un frétillement philosophique, que le naturel du pays & de la nourriture aromatique, faisoit que les dames Italiennes, qui usent de délices odoriferantes, en rendoient la quintessence par le cul, ainsi que par le bec d'une cornue. Vraiment, répondit-il, nos dames ont bien un autre naturel de pets. Il advint qu'après quelques musquetades, par circonstance de vent trop enfermé, Impéria fit un pet, non-seulement au naturel, mais vrai & substantiel. Le François, accoutumé par le nez à la chasse des pets, (de-là vient le proverbe, mené par le nez) oyant ce corps sensuel & momentaire, jetta en diligence le nez sous le linceuil, afin d'appréhender la benoîte odeur, pour laquelle envahir il eût voulu être tout de nez; mais il fut trompé; il en recueillit avec le nez, plus que vous n'en feriez avec quatorze pelles de bois, telles qu'on mesure le bled à Orléans. Et quoi? Une odeur plus infecte, venu du plus fin endroit de l'établissement de la merde, que vesse ne fut jamais si puante. O dame, dit-il, qu'avez-vous fait? Encore, en ouvrant le bagonisier, il y en entra une allenée humide, qui lui parfuma breneusement tout le palais. Elle répondit: seigneur, c'est une galantise, pour vous remettre en goût de votre pays. Avisez bien doncques à tout ce qui peut avenir. Les orties sont crues des paroles que disoit, en menaçant, un président, dont on ne faisoit gueres de cas. Faites étendre de beaux draps blancs, comme fit monsieur de la Roche, l'été passé.

Cérémonie.

VIII. Son meûnier plus proche de son château, ayant recueilli le premier de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le même jour. Là, il y avoit avec monsieur, plusieurs gentilhommes de ses voisins; c'étoient gentilhommes de la petite passe, comme vous diriez des chanoines de saint Mambeuf à Angers, au prix de ceux de saint Maurice; ou bien ceux de saint Venant, à l'égard de ceux de saint Martin de Tours. J'y suis, j'ai rencontré. Le meûnier mit ses cerises en un beau petit panier; & le bailla à sa fille, pour le porter à monsieur. La belle, qui étoit de l'âge d'un vieil bœuf, désirable & fraîche, vint à la salle faire la révérence à monsieur qui dînoit, & lui présenta ce fruit de par son pere. Ha! dit la Roche, voilà qui est très-beau. Sus, dit-il à ses valets; apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui soient céans, & les étendez par la place. Notez, en passant, qu'il falloit obéir à tout ce qu'il disoit, d'autant qu'il étoit le prototype de l'antechrist. C'est lui, dont les prêcheurs disoient ce carême, que, comme hérétique, il pointoit sur sa tour ses fauconneaux, & étoit si bon canonier, comme le sire de Sautal, que gaiement il tiroit le cheval, entre les jambes de son ami qui venoit de dîner avec lui, & le prenoit au passage au détour du carrefour; & pour montrer son adresse, quand le laboureur tournoit sa charrue, il donnoit droit à l'appui de l'aiguillon, sans faire mal au laboureur: & le tout pour rire. Les draps étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se prit à pleurer. Ha, que vous êtes sage! Vous vous gardez bien de rire; Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà, dépêchez; ou je ferai venir ici tous les diables. Holà, sans me fâcher, faites ce que je vous dis. La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoeffe, & puis, ô le danger! elle tira sa chemise; &, toute nue comme une fée sortant de l'eau, va semer les cerises de côté & d'autre, de long en large, sur les beaux linceuls, au commandement de monsieur. Ses beaux cheveux épars, mignons lacets d'amour, alloient vétillant sur ce beau chef-d'œuvre de nature, poli, plein, & en bon poinct, montrant, en diversités de gestes, un million d'admirables mignardises. Ses deux tétons, jolies balottes de plaisir, jointes à l'ivoire du sein, firent des apparences montueuses, différentes en trop de sortes, selon qu'elles parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissoient vers ses bonnes cuisses pleines & relevées de tout ce que la beauté communique à tels remparts & commodités du cachot d'amour, ravissoient de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu'ils en pouvoient remarquer: &, combien qu'il y eût tant de beautés mignonnement étalées en doux spectacle, il n'y avoit pourtant qu'un petit endroit, qui fût curieusement recherché avec la vue; tant les regards tiroient au but, où chacun eût voulu donner, tous n'ayant intention qu'au précieux coin, où se tient le registre des mysteres amoureux. Après que les cerises furent semées, il les fallut recueillir, & ce fut lors qu'auparavant de merveilleuses dispositions essayantes de cacher sur-tout le précieux labyrinthe de concupiscence, le pauvre petit centre de délices eut bien de la peine à chercher des gestes, pour se faire disparoître. Ce beau parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté, ce corps tant accompli fut vu à tant de plans si délicieux, que difficilement y eut-il jamais yeux plus satisfaits que ceux des assistans. L'un le regardant, disoit: il n'y a rien au monde de si beau; je ne voudrois pas pour cent écus n'avoir eu le contentement que je reçois. Un autre, racontant sa fantaisie occupée de délectation, prisoit sa bonne aventure, en ce spectacle, plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettoit cette liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en mettoit sa part de plaisir à dix écus. Et n'y eut celui des maîtres, qui ne parlât de cent ou cent-cinquante écus; qui plus, qui moins, selon que la langue alloit après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce spectacle, sur lequel la parole fourchoit après l'esprit, lequel attachoit à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses images. Chacun des regardans avança sa goulée, & proféra la somme du prix des délices qu'il avoit imaginées. Les cerises remises au panier, la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise. Encore les yeux des voyans s'alloient allongeant par les replis, afin d'avoir encore quelque reste d'objet; &, ainsi peu à peu qu'elle levoit une jambe, puis l'autre, ils épioient tant qu'elle se fût remise en l'état de sa venue, toute coeffée & habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étoient tout allans des vagues de feu qu'ils avoient octroyé à la honte de présenter en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de la Roche cependant avoit les yeux en la tête, & le regard au bel objet, riant en quarré plus d'un pied & demi dans le cœur, ayant toutefois dessein à écouter ce que ces tiercelets jasoient, tandis que trop bavards, ils se délavoient les badigoinces de ce qu'ils avoient à dire. Il les observoit, & retenoit fort bien le tout, & sur-tout la taxe que chacun avoit faite au rapport de son aise; même il remarqua jusques à un laquais, qui avoit allégué un écu. Laisse-toi cheoir, t'y voilà; il ne faut que se baisser & en prendre. Marciole, toute habillée, fut, par le commandement de mondit sieur, assise au bout de la table, où il la réconforta & reforça le mieux qu'il put, lui donnant ce qu'il y avoit de plus délicat. Elle étoit fâchée & pleureuse, indignée d'avoir montré tout ce que dieu lui avoit donné d'apparent; & avoit regret que tant de gens l'eussent vu à la fois, hors de l'église. Quand la Roche se fut avisé, il frémit sur la compagnie; &, tournant les yeux en la tête, comme les lions de notre horloge de saint Jean de Lyon, se mit à jurer son grand juron évangélique, d'autant que pour lors il étoit huguenot de bienséance, & dit: par la certe dieu, (ainsi que jurent les voleurs qui sont de la religion) messieurs, pensez-vous que je sois votre plaisant, votre valet, votre provisionneur de chair vive? Par la double digne grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous paierez chacun ce que vous avez dit; ou il n'y aura jambe, tête, membre, trippe, corps, poil, jarret, qui demeure sauve. Ventre de putain, vous le compterez tout présentement, si mieux vous n'aimez avoir les yeux pochés, & les vits coupés. Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l'abbesse de Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées, que la vis de son pressoir étoit rompue; sur quoi ayant long-tems pensé, elle dit: foi de femme, si je vis, je ferai provision des vis. Les paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les aubareaux, qui payerent ce qu'ils avoient dit, ou l'envoyerent quérir, ou l'emprunterent de mondit sieur, sur bons gages, ou bonnes cédules. Ainsi cette noblesse effarée, cracha au panier environ douze cents beaux mignons écus de mise & prise. J'aimerois bien mieux faire ma provision à Paris; j'aurois pleine chemise de chair pour cinq sols, & une pannerée de cerises pour quatre. Les écus mis au panier, la Roche les bailla à Marciole, qui se mordoit la langue de grande rage d'aise, sachant que c'étoit pour elle; & monsieur lui dit: tenez, ma mie, portez cela à votre pere, & lui dites que vous l'avez gagné, à montrer votre cul. Il y en a bien qui l'ont montré, le montrent, qui ne gagnent pas tant, & si courent plus grande fortune.

Coq-à-l'Asne.

IX. Voilà comment, en dînant & banquetant, ils avoient de notables effets: aussi est-ce le tems des grands mysteres. C'est un grand heur de bien dîner & voir une belle fille, & sans la payer; avoir une tant délectable vision que l'aspect de Marciole toute nue, qui n'étoit fâchée d'autre chose, sinon que l'on avoit vu son cela. J'ai pensé le nommer par son droit nom. Bien le pouvois-je, d'autant que je sais plusieurs langues; mais il me faut ici parler françois; & en françois, un con est nommé cela. Qu'ainsi ne soit, si vous mettez la main au devant d'une fillette, elle la repoussera vîte, & dira, laissez cela. Quand je dis le devant, je l'entends comme faisoit monsieur le feu premier médecin, qui ayant tâtonné l'estomac d'une belle demoiselle couchée & un peu malade, coule sa main plus bas, &, venant à l'imperfection du corps, s'y avançoit, quand elle lui dit: hé, monsieur, que pensez-vous faire? Mademoiselle, je croyois que vous fussiez comme les vaches de notre pays; que vous eussiez les tétins entre les jambes. Pourquoi est-ce que les femelles repoussent la main, quand on la met vis-à-vis de leur cela? C'est parce que ce n'est pas ce qu'il y faut mettre.

Circoncision.

X. Dames, qui avez les oreilles chatouilleuses, de peur de rire, lisez ceci tout bas ou de nuit, durant laquelle la honte dort; & ne vous formalisez, scandalisez, ni estomirez de chose quelconque que trouverez en ces textes & mémoires mêlés de toute sapience, moyens, élémens & enseignemens à bien vivre. Les mélanges que vous trouverez sont survenus, à cause de l'antiquité de ce volume, & des annotations, apostilles & interprétations qui y étoient mises; & le gentilhomme qui le transcrivit, pour votre avancement en toute sagesse, a tout écrit d'une suite, mêlant, sans distinction, glose & texte, ainsi que, quand vous êtes à table, vous qui ne jeûnez pas, vous mangez des viandes prises deçà & delà, selon l'occurrence. Quant aux jeûneurs de carême, ils mangent par couches, comme les bonnes femmes qui mettent des herbes à distiller. Ils mangent le potage, puis des échaudés au beurre frais, des entrées, des pois, des feves, des harengs, des pruneaux, puis le poisson, puis le dessert, & tout à cause du jeûne. Je vous assure que ce livre étoit simple & net, beau comme le jour, ainsi qu'il est encore, bien qu'il soit pêlemêlé de notes & considérations, à la façon du bon homme Guyon qui, à l'âge de cent ans, se mit à vivre capuchinement. Il avoit été page de chez le roi; puis il etudia, fut à la guerre, se fit cordelier, s'en retira pour être huguenot, se fit savant, devint ministre, mangea tout, puis se mit à demander sa vie. On lui donnoit de tout ce qu'il lui falloit, qu'il mettoit en son écuelle, pain, chair, soupe, potage, vin, sert, dessert ensemble. Et on lui disoit: pourquoi ne mangez-vous & beuvez d'ordre & à part? Ha, ha, disoit-il, lourdaut, mon ami, puisqu'ils se doivent mêler au ventre, il n'y a point de danger de lui envoyer tout déja mêlé. De même ceci doit être mêlé en votre cervelle: il le vous faut bailler tout mêlé. Le personnage, qui vous produit en tout honneur ces saints mémoires de perfection a pensé que le texte ne valoit pas mieux que le commentaire; par quoi il les a fait aller ensemble. Doncques, soit que vous les lisiez ou non, ou que vous commenciez ici ou là, n'importe; ce livre est, partout, plein de fideles instructions & sens parfait, tellement que c'est tout un, par où vous le lisiez. Il est un globe d'infinie doctrine; & il y a autant à apprendre dans un lieu qu'en l'autre; en cette sorte-ci qu'en celle-là: il n'y a ligne, endroit, ou passage (afin de parler niaisement aussi-bien que les doctes) qui ne soit tout farci de science mystigorique & concluante. Qu'ainsi ne soit: le prieur du Vau-de-vire, lequel vivoit du tems des Anglois: (il en vit encore de ce tems, ainsi que m'a assuré le gardien des cordeliers qui m'a dit, qu'il y avoit encore des Anglois) ce bon prieur avoit fait une grande annonciation sur ce mot cela, sur-tout à cause de la considération de la soudure des membres d'amour, ou des membres de la soudure d'amour, ajoutant, comme il se trouve ès vieux exemplaires grecs & hébrieux, qui sont au Vatican & à Londres, ce qui s'ensuit. C'est une chose étrange de la différence des hommes & des femmes: si une femme l'a petit, elle ne fera point de difficulté de le montrer, & ne se souciera guere qu'on le voie, parce qu'il sera le petit mignon d'amourettes. Mais celle qui l'aura se dilatant en grandeur, jamais n'en permettra la vue, de crainte qu'on voie son ignominie. Voyez les hommes qui se baignent, & qui n'ont guere de différence masculine; c'est-à-dire, qui sont mal envitaillés. Ils ont infiniment de la peine à le cacher; ils mettent devant mains, chemise, chapeau, chausses; encore, s'ils pouvoient prendre la lune, ils la mettroient devant leurs harnois, tant ils craignent qu'on sache le peu qu'ils ont d'outil à faire la belle joie, honteux de leur peu de bien. Au contraire, ceux qui en ont une belle venue, ils la recommandent & commettent à nature, pour la faire voir ou la cacher; ils en sont si libéraux. Aussi de fait, la libéralité convient mieux à un homme riche qu'à un pauvre; joint que l'âge, comme ils le croient, doit donner de la discrétion à leur chose, pour se cacher, s'il en est besoin, comme le pensoit & faisoit bien la belle Hipolite, qui, un jour d'hiver que nous étions auprès du feu, madame sa mere y étoit en sa chaise, tournée vers la table, écrivant ou faisant autre semblable exercice; nous vetillons près le feu; & la belle, pour se chauffer, haussa un peu la cuisse & sa chemise, pour faire convoitison, parce qu'elle y avoit froid: dont je m'étonne, parce qu'il fait bien chaud là où il ne fit jamais froid, & où il y a toujours du feu. Je lui dis: belle, cachez votre cela. Elle me dit: qu'est-ce que mon cela? C'est votre minon. Qu'est-ce que mon minon? C'est votre petiot de lectation. Qu'est ce que mon petiot de lectation? C'est celui qui a perdu de l'argent. Qu'est-ce qui a perdu de l'argent? C'est celui qui regarde contre bas. Qui est celui qui regarde contre bas? C'est votre petit crot à faire bon, bon. Qu'est-ce que mon petit crot à faire bon, bon? C'est votre chose. Qu'est-ce que mon chose? c'est votre con. Qu'est ce, qu'est-ce? je le dirai à madame. Madame se revirant, dit: je l'entends bien; vous êtes une sotte; que ne le cachez-vous? Hipolite répond, qu'il se cache, s'il a honte; il est aussi vieil que moi. Plutarque étoit au bout de la table, qui écrivoit ses morales, qui nous tença en riant; (aussi je crois que c'étoit à petit semblant) & nous dit: il n'est pas séant de nommer à nud les parties honteuses; & pour cause. C'étoit pour voir ce que je lui répondrois; ce que je fis aussi bien: Signor mio, sur ma fe, je deviendrai sage; je prends en gré & fort honnêtement votre admonition; vous la faites & dites de bonne grace; vous n'en usez pas comme ces docteurs qui, ne sachant que répondre, viennent aux injures, & puis veulent s'immiscer à faire des remontrances flasques comme une caillette froide. Je prendrai garde à nommer ceci & cela. J'imiterai Platon, quand je parlerai de l'endéléchie, (j'ai pensé dire de l'endroit où l'on chie) & grand jointure du corps & de ses environs; je nommerai le cul derriere ou fondement; ou l'un, d'autant qu'il est un, & qu'il ne peut y avoir en un corps deux culs, non plus que deux papes à Rome, & que le cul est tellement uni de ses deux fesses, que miraculeusement il n'est qu'un, non plus qu'une mitre n'est qu'une mitre, encore qu'elle ait deux cornes. Je dirai doncques l'un; & celui d'auprès, je le nommerai l'autre, d'autant que l'un sans l'autre n'agissent point en nature ès productions génératives. Ainsi je disposerai les secrets, afin qu'ils ne soient entendus que de ceux qui ont bon nez, lesquels, par ce moyen, sous cette plaisante escorte, chercheront le noyau qui est caché en l'un & en l'autre. Cependant je vous avertis, (& ne vous en déplaise; un sage conseille bien un fou) il ne faut pas toujours dire ces parties là honteuses, d'autant qu'elles ne le sont que par accident: &, faisant autrement, vous feriez tort à nature, qui n'a rien fait de honteux. Ces parties là sont secrettes, nobles, desirables, mignonnes & exquises, comme l'or que l'on cache. Il est vrai qu'elles peuvent devenir honteuses, & le sont, quand il leur survient une belle petite écrevisse de mer; (c'est-à-dire un chancre) ou qu'auprès d'elles sont logés de jeunes chevaux; (ce sont poulains) ou qu'une joyeuse chaude-pisse les tient en humeur. C'est alors que tels membres sont honteux: &, ce qui est encore pis au ceci d'un homme, & qui le rend du tout honteux & mélancolique à bon escient, est quand il a perdu les cimbales de concupiscence, les caisses d'amour, les boulettes de Vénus; le défaut desquelles fait appeller les hommes châtrés. Ceux qui voyoient tantôt la belle Marciole toute nue eussent bien voulu la châtrer, c'est-à-dire lui ôter les trébillons d'entre les jambes; il eût fallu premiérement les y mettre. Que le chat fût bien bridé des vôtres, qui riez encore de cette belle fille qui fut mariée; & le contract de son mariage fut passé par devant les deux plus savans notaires de Rouen. Le maître de la rose-rouge en diroit bien ce qu'il en sait; & pource, il envoya quérir ces deux fameux notaires; lesquels laisserent le bon paysan, pour venir à ce riche marchand. Les notaires venus, on leur donna des siéges, & Monsieur de la Rose commanda à sa servante d'apporter ce qu'il lui avoit commandé; notate verba. Servantes, sont celles qui servent chez les gens de bien, d'autant qu'à ce qu'elles disent, chambrieres sont celles qui demeurent avec les prêtres, ou chanoines, pour subvenir à toutes leurs nécessités. Là dessus, Monsieur de la Rose dit à ces Messieurs les notaires, qu'il avoit grand desir de manger des pois passés par devant notaires; partant il les prioit de les voir passer. Sa servante se mit, là devant eux, à les passer. Ces notaires se mutinerent, & se fâcherent, & l'injuriant l'appellerent moqueur, & dirent qu'ils s'en ressentiroient. Ils se prirent aux paroles, jusques à dire qu'ils alloient quérir leurs épées, pour s'aller battre hors la porte. Allez, dit-il, je le veux bien: passez par ici, & m'appellez. Il prend son épée, & se mit à la fenêtre. Incontinent les autres passerent & l'appellerent. Ho, méchant, qui abuses les officiers du roi, viens hardiment. Non ferai, dit-il, je ne suis plus courroucé; je ne vous veux mie tuer.

Pause derniere.

XI. Or commençons de conclure; & soyez avertis, vous qui verrez ces précieuses reliques des richesses du monde, que vous devez porter honneur à cet ouvrage; que, si vous n'êtes pas assez fort pour lui en porter assez, traînez-le, ou lui envoyez, ou le roulez, ou lui faites tenir en révérence; & prenez garde à ce que cet honneur soit distribué honnêtement aux scientifiques personnes & discretes qui sont en ce banquet, comme poulets en mue. Ne pensez pas que ce soit moquerie, que de ce simpose & souper philosophique, le plus authentique qui fut jamais, & auquel toutes questions, propositions, théorêmes, problêmes, & plusieurs autres ont été solues, résolues, trouvées, démontrées & fidélement reconnues en toute perfection; pource que tout y fut débattu, égratigné, écorché, tourné & entendu; & ce, selon les graces dont étoient barrés Messieurs les assistans, qui pourtant furent, & ont été, & seront approuvés doctes & savans; ayant au reste tous si bon esprit, qu'ils ne mirent guere à devenir fous. Ainsi soit-il de vous, amen. Ils avoient les yeux ouverts, comme chiens qui chassent aux puces. Or ils s'étoient réparés l'entendement à trois sous pour livre, y ayant fait des arcs-boutans de mémoire, au rabais. Nos amis & toute la belle & sage compagnie furent rangés en la salle au beau milieu, en même ordre & façon que la Reine de Saba fêtoya ses Princes en Meroé, quand elle voulut faire preuve de sa sagesse. A voir tous ces gens de bien en bel ordre, vous eussiez dit & pensé avoir devant vos yeux une belle, joyeuse & sainte congrégation, comme une bande de Prélats. Et que faisoient tant de bonnes gens de loisir? Voire, mais que fit-on là? On parla, on mangea, on beut, on fist st, on se teut, on fit du bruit, on protesta, on rencontra, on rit, on bailla, on entendit, on disputa, on cracha, on moucha, on s'étonna, on s'ébahit, on admira, on gaussa, on rapporta, on entendit, on brouilla, on s'éclaircit, on débattit, on s'accorda, on trinqua l'un à l'autre, on fit carroux, on remarqua, on trémoussa, on s'accorda, on cria tout bas, on se teut tout haut, on se moqua, murmura, on s'avisa, on se reprit, on se contenta, on passa le tems, on douta, on redouta, on s'assagit, on devint, on parvint. Qu'en avint-il? Il en avint ce docte monument, ce précieux mémorial, ce joyeux répertoire de perfection, cet antidote contre tout malheur, cette affiloire de bonnes graces, Ce Moyen de Parvenir, unique bréviaire de résolutions universelles & particulieres: à quoi on ne peut contredire, ni opposer d'hyperboles, ni le rédarguer de fausseté. Et dites que vous en avez, captieuses tignes, qui voulez tout réformer & refondre. Mais vous, sectateurs de vraies vertus cardinales, gens haïs de l'oisiveté, qui aimez mieux vous amuser à boire, que penser à mal, ou perdre le tems inutilement; considérez ceci, empoignez ce volume; volume dit, à cause de la vérité qu'il contient, comme un bon verre plein de bon vin. Verre & volume sont équivoques; le verre est un volume: il est vrai que c'est le petit, c'est l'épitome; d'autant que le gros volume est le poinçon bienheureux. Qui ont belles & amples bibliotheques remplies de tels volumes, ils sont capables, de rendre victus tout le monde, tant docte soit-il.

Vidimus.

XII. De tous bons volumes cettui-ci est le bréviaire, ainsi dit & nommé pour plusieurs raisons. C'est qu'il est bref; & qu'en peu de paroles il enseigne toutes sciences. Item, bréviaire est un livre ordinairement gras; &, par application, on s'engraisse au moyen de l'usage de cettui-ci. Le bréviaire donne de l'appétit & l'aiguise; cettui-ci l'entretient & le fortifie. Le bréviaire fait gagner la vie à ceux qui s'en aident; cettui-ci la fait trouver toute gagnée. Je m'en rapporte à notre curé, auquel, après le service, mademoiselle dit: monsieur le Curé, venez dîner avec nous, je vous prie. Je vous remercie, mademoiselle; j'y serai aussi-tôt que vous. Mademoiselle, ennuyée qu'il ne venoit, regarda par sa fenêtre, & vit à côté le Curé, qui, ayant pissé, serroit sa piece. Elle se retiroit de peur de le voir, parce que ceci l'eût fait rire. Quand il fut entré, elle dit: là, monsieur le Curé, lavez-vous la main, & venez. Eh da, dit-il, mademoiselle, je n'ai rien touché que mon bréviaire. Quel bréviaire, dit-elle! Il est fait comme une andouille. Là, là, lavez vos mains. Comme nous contions ceci à Paris, en la boutique d'un libraire, la dame écoutoit attentivement, & prêtoit aussi l'oreille au discours de son mari, qui contoit qu'en le payant d'un inventaire qu'il avoit fait, on lui avoit baillé un vieil bréviaire, qu'il avoit vendu six écus. La dame répondit (je ne sais à qui, d'autant que les deux contes furent achevés en un instant): je voudrois que tous nos livres ressemblassent à ce bréviaire. Ce que je vous dis est vrai; & savez-vous comment je prouverai cette vérité? Ce sera en la sorte que vous comprendrez ces heureux discours, auxquels si vous ne voulez croire, les prenant pour unique raison, faites ce que vous voudrez: comme charitable, je trouve tout bon ce qui plaît aux autres. O ames, à bon droit pleines de félicité, réservez au parfait contentement, puisque votre bonheur a eu la patience de vous faire naître en ce temps, pour avoir la grace, le bien, la prérogative, l'honneur & le profit que vous tirerez de ces mémoriaux & commentaires de raison étonnante, unique en son accomplissement, il ne faut point faire d'estime des belles inventions, & avoir regret de ne les avoir point vues, ou sues, ou penser ne les pouvoir rencontrer, puisque vous avez ce livre, qui vous fournit de tout. Ce bel objet est tel, qu'en lui vous avez les élémens qui vous guideront au bien accompli: & par ces élémens, non de particulieres sciences, mais de toutes exclusive & inclusive, vous pourrez trouver & inventer tout secret, tant caché, séparé & admirable soit-il, (si vous avez de l'esprit, cela s'entend) à crocheter, voir & chercher ce qui est sous cette écorce de velours & d'or entortillé de paroles, quelquefois de soie, & quelquefois d'or, & quelquefois de fil, & étoffées de petite qualité, & puis d'azur, & de gueules, & de ce qu'il ne faut alléguer. Il nous suffit de vous raconter, & à vous de croire que tout est fort bien caché sous ces énigmes, ainsi que le trouveront les enfans de la science, les fils des sages & heureux prédestinés à trouver la lanterne de discrétion, & la lampe de béatitude. Et afin d'avoir le crédit de se chauffer au beau feu d'intelligence, vous qui avez envie de parvenir, que nous vous faisons part de ce fin recueil de mysteres authentiques, vous proposant devant les yeux les symboles de chacun, comme ils ont été proférés. Sitôt que quelqu'un ouvroit la bouche pour prononcer sa goulée, aussi-tôt les secrétaires les mettoient par état, & colligeoient les paroles & propos, comme belles & bonnes perles ès rives de l'Asie, dont ce volume a été compilé & lequel de tout temps a été & sera, à cause de son excellence, pour son mérite, & à jamais, par ceux qui ont de l'entendement, en grosse lettre dit, nommé le Livre. Ne dites pas sans queue, d'autant qu'il aviendra, ainsi qu'il est avenu plusieurs fois, & que les grands, au détriment des plus foibles, les trouvant, & craignant qu'il ne soit vu du petit & bon monde, le scelleront, comme chanceliers à simple queue, ou à double, telle que le temps admettra. Je vous prie, bonnes personnes, de ne rien dire de ceci, & n'alléguer ce mot que nous n'avons pas mis au titre, d'autant que, s'il y étoit, on le reconnoîtroit tout aussi-tôt, & il en aviendroit trop de malheur. Le plaisir des gens de bien seroit perdu. Ces méchans excommuniés, qui font tant mettre de daces & impôts sur le peuple au desçu du Roi, (le pauvre homme ne l'entend pas) ces malheureux-là viendroient & prendroient ce livre, & le vous vendroient un écu pour lettre, au meilleur marché; joint qu'à tel on vendroit la lettre cinquante écus; & ainsi le feroient tout d'or, comme Simon Magus & son chien, & les ministres quand ils seront affriandés aux lettres d'envoi comme en Angleterre. Jouissez, amis, de cet œuvre, sans le prophaner; & sachez que, par le rapport des savans, il est tel, que les plus gens de bien racontent & affirment par-tout qu'il contient tout ce que chacun sait, a su & saura, ou doit savoir & entendre. Il embrasse les mysteres approuvés de toutes sciences, pour autant qu'il est la juste, solide & naïve interprétation de la pure cabale de valeur non imaginaire. Ne parlez plus de clavicules ou clavifesses, ni d'arts apéritifs, canons & artillerie, qui sont engins grandement ouvrans, puisque vous avez ces cahiers de vérité; ce bon volume qui est la grosse clef d'ordonnance, à laquelle pend le trousseau de toutes clefs. Pour le prouver, j'ai le pere Rabelais le docte, qui fut Médecin de Monsieur le Cardinal du Bellay; & je le mets ici en avant, parce que les substances de ce présent ouvrage & enseignemens de ce livre furent trouvées entre les menues besognes de la fille de l'Auteur. Ce Cardinal étant au lit malade d'une humeur hyphocondriaque, fit assembler les médicins, pour consulter un remede à son mal. Il fut avisé par la docte conférence des docteurs, qu'il falloit faire à Monsieur une décoction apéritive, qui, réduite en sirop, seroit accommodée à son usage ordinaire. Rabelais, ayant recueilli cette résolution, sort, & laisse Messieurs achever de caqueter pour mieux employer l'argent; & fait ledit sieur mettre au milieu de la cour un trépied sur un grand feu, un chaudron dessus plein d'eau, où il mit le plus de clefs qu'il put trouver; &, en pourpoint, comme ménager, remuoit ces clefs avec un bâton, pour les faire prendre cuisson. Les docteurs descendus, voyant cet appareil, & s'en enquêtant, il leur dit: Messieurs, j'accomplis votre ordonnance, d'autant qu'il n'y a rien tant apéritif que des clefs; &, si vous n'en êtes contens, j'enverrai à l'arcenal quérir quelques pieces de canon: ce sera pour faire la derniere ouverture, après l'exhibition de ces apozemes. Je pense que cette preuve est de mérite. Avisez doncques bien, & diligemment épluchez, & voyez avec curieuse conférence. Tous les autres prétendus livres, cahiers, volumes, tomes, œuvres, livrets, opuscules, libelles, fragmens, épitomes, registres, inventaires, copies, brouillards, originaux, exemplaires, manuscrits, imprimés, égratignés, bref les pancartes des bibliotheques, soit de ce qui a été, ou est, ou qui jamais encore ne fut ou ne sera, sont ici en lumiere prophétisés ou restitués; de perdus, sont retrouvés & recouvrés. Et s'il y a bien davantage: si quelqu'un a dérobé un œuvre, il sera découvert, comme il se présume en vérité, par une bonne révisitation de textes, paraphrases, commentaires, métaphrases, homélies, annotations, récensions, notes, adversaires, lectures, leçons, & autres telles négoces & inventions de gloses & interlignes pédantines. Et les calculez: vous les trouverez ici, sans qu'il soit plus besoin de tant de livres, romans, poésies, prônes & bavarderies, qui occupent les esprits mal-à-propos, & lesquels, après que l'on les sait, ne laissent pas l'industrie d'avoir un paillard écu. A dire vrai, cette vérité a touché de compassion le cœur de beaucoup de gens de bien, qui, pleins de charité, comme j'en ai vu de doctes & sages avancés près les papes, rois, empereurs & républiques, gens sans fard, lesquels oyant les affamés de bonne lecture, s'amuser à faire joliment relier, parer, dorer & mignarder proprement des livres communs, tant vieux que nouveaux; ces bonnes personnes, ayant déplaisir & regret au tems qui se perd en la lecture de tant de livres de fadaises, de surcroît emplis de douleur & obscurité, avoient l'ame touchée de fâcherie & impatience, considérant que ce bon livre n'étoit pas connu des vrais amateurs de sciences; déploroient la misere de tels pauvres acheteurs abusés, & disoient: voilà dommage & pitié. Hé! qui ne s'étonneroit du malheur qui abonde en ce tems. Voilà, ces misérables dévoyés ont assez de ces livres de vétilles: ils n'auroient pas sitôt en main un Moyen de Parvenir. Sur quoi je vous dirai un grand secret, & puis l'autre; c'est que vous ne trouverez point en ceci de truandage de pédantisme, comme ès autres, pleins du ravaudage de folle doctrine qui n'apporte point à dîner. Et davantage, je vous dirai le secret des secrets: mais je vous prie, afin qu'il soit secret, de vous embéguiner le museau du cadenac de taciturnité; & écoutez. Ce Livre est le centre de tous les Livres. Voilà la parole secrette, qui doit être découverte du temps d'Hélie, artiste, ainsi que disent les alquemistes. Tenez-le fort caché, & vous gardez des pattes pelues de ces enfarinés, qui gourmandent la science & l'emplissent d'abus: étrangez-vous de ces pifres présomtueux, qui, voyant les bonnes personnes désireuses de se calfeutrer le cerveau d'un peu de bonne lecture & profitable, s'en scandalisent: chassez ces écorcheurs de latin, ces écarteleux de sentences, maquereaux de passages poétiques, qu'ils produisent & prostituent à tout venant: gardez-vous de ces entre-lardeurs de théologie allégorique, de ces effondreux d'argument, & de tous ceux qui aiguisent les remontrances sur la meule d'hypocrisie. Fuyez telles bêtes; & ne leur communiquez point ce rare trésor; ains le commettez à gens de bien, comme gens de bien ont pris la peine de le vous donner; non pour en abuser, d'autant que ce seroit un péché plus que contre nature, parce qu'il n'est ni mâle, ni femelle. Je m'en rapporte à ces sages & prudens prêtres, qui nomment leur bréviaire leur femme. O quelle impiété rouge comme sang! Ceux qui parlent d'abuser de ce qui peut servir, ne l'entendent pas. Je les renvoie au Principal du Collége de Geneve. J'en atteste la pantoufle du Pape, que je dis vrai.

Conclusion.

XIII. Le second Ministre étoit malade. Je fus appellé pour le voir; je lui fis au moins mal que je pus. Se trouvant un peu bien, il me parla de ce Monsieur le Principal, & me dit qu'il étoit fallot. A ce mot, il arriva; & moi bien aise, & aussi, parce qu'il y avoit occasion de rire, inter privatos parietes, je me mis à faire des contes, & lui aussi; mais les miens alloient plus vîte: de sorte que, soit ou pour m'éprouver, ou pour se venger, comme il me l'a confessé depuis, il lui prit fantaisie de changer de propos, & dit: O nous misérables réformés, de proférer tant de paroles oiseuses, dont nous rendrons compte; & vous le premier. Il est bien vrai, dis-je; mais, monsieur, il faut ici distingo Genevoisien; venons à l'écriture. Le sage dit qu'il y a tems de rire & de pleurer. Et bien j'avons ri; ce que nous avons dit n'offense personne. Les paroles oiseuses, sont celles qui offensent, & qui sont dites pour ôter l'office, ou le bénéfice, ou la renommée à un homme; comme si je disois, monsieur le principal abuse des graces de Dieu; & que, pour le prouver, je misse en avant cette démonstration: c'est que, tous les matins, il fait de son vit un chausse-pied. Ce bon ministre se prit si fort à rire, qu'il fut tout guéri: & puis dites qu'il ne se fait point de miracle à Genève. Dis que tu en as, papiste. Recevez donc ce présent, ce passé, ce futur, beaux & fidèles esprits. Vous y trouverez un insigne profit, attendu que tous les livres qui furent jamais faits, ou seront faits par hommes ou femmes, filles ou garçons, ou neutres, sont signes, ou marques, ou paraphrases, ou prédictions de cettui-ci tant naïf, clair & évident, lequel est la fin finale & intelligible de tous: & ainsi que tous ne sont & ne seront qu'interprétation des secrets ici exposés, & qui ne se trouvent que par dessein en ce beau & petit abondant moule de perfection exemplaire. Quiconque le saura, sera capable de toutes sciences, & n'ignorera que ce qu'il ne saura pas; d'autant que tout est ici au petit-pied en parfaite idée, clarifiant tout autant qu'il est possible. Que si quelque mauvais opiniâtre, incrédule, hérétique, stupide, conscientieux, faussonnier, ou autre ribaudaille ne me veut croire; je parle à vous qui êtes de telle qualité, & vous dis que, si vous ne croyez, je veux & désire qu'en guise de personne demi-sainte, chacun pour soi, vous puissiez recevoir une bonne secouade d'estrapade, qui vous dure une semaine, redoublant toujours pour mignarder votre constance, ou une gêne de rage de fondement, ou une cuisson de carnosités intolérable, ou un chatouillement de fines goutes, ou passion colique, voire tout ensemble avec toutes autres sortes d'incommodités à la sauce d'Allemagne, tant qu'à votre requête je vous donne remede. Et ne vous scandalisez, si, en l'excès de mes charités, je vous souhaite, avec si bonne & sainte affection, tel & si grand bien. Assurez-vous que ce n'est sans cause, d'autant que je sais qu'il vous en aviendra un merveilleux émolument; à cause que, chatouillés de telles friandises de maux & trouble, de l'aise cruel que vous en sentirez, aurez connoissance de votre faute, & ne serez plus juges ingrats d'autrui, qui peut-être vaut mieux que vous. Ainsi ce mal vous réussira en bien, afin que, vous souvenant de ce livre en vos rigueurs, vous y aurez recours; & vous vous en trouverez ou de même, ou mieux, ou pis, au grand avantage du salut de votre ame, si vous en savez bien user, & comme nos bons peres de familles, qui traitent bien leurs hôtes, & entretiennent les toîts de leurs maisons, de peur d'être incommodés.

Corollaire.

XIV. Par manda, j'en jure la bonne fête de madame la Saint-Jean, que je ne daignerois vous tromper loyalement; & y eût-il à gagner autant que le monde vaut, & fiez-vous en moi, comme le pauvre la Motte, qui étoit sur l'échaffaud prêt à être rompu, ce qui le fâchoit fort, parce qu'il ne l'avoit pas accoutumé, & il dit au greffier: hélas! monsieur le greffier, à la pareille; souvenez-vous de la grace que messieurs m'ont promise; je m'en fie en vous. Là, monsieur de la Motte, mon ami, fiez-vous à moi; on ne vous fera nul mal. Mais tandis que je vous sermone, il m'est avis que je vois un glorieux caparaçonneur d'intelligence bigarrée, qui, donnant dans les hypocondres de la conscience, pour éclorre quelque œuf d'hypocrisie feint, qu'il a couvé sous le voile bigot de sapience folle, lequel grignotant de dépit, & pour faire l'habile homme, jettera dédaigneusement l'œil sur ce monarque des livres d'humanité; blasphémera, & pour en conter se fera peter les mâchoires, comme un vendeur d'époussettes, disant que nos paroles sont erronées; & nous pensera faire des escapades d'admirations; alléguant des sentences du livre saint, auquel tels que lui n'entendent rien. O toi donc cettui là à qui je parlois tantôt, relevé d'orgueil, bouquin qui as été mille fois gourmandé par ta chambriere, ainsi qu'il se fait volontiers en nos cloîtres.

Beze. Savez-vous comment? Je fais cette parantese à votre discours; beuvez; puis vous acheverez. Mais devant, sachez que, quand une femelle s'addonne à un écclésiastique, elle est, le premier mois, sa chambriere; le second, elle est sa compagne; & le troisieme sa maîtresse; & ainsi conséquemment. Et de fait, votre chambriere vient-elle demeurer avec nous (pour nous servir, cela s'entend); le premier mois, elle est tant sage, que tout ce que j'ai est à moi. Si, en sortant de l'église, je la vois venir de chez un des confreres chanoines, je lui demanderai: d'où venez-vous, Jeanne? Je viens de chez votre compere, quérir votre vaisselle, que vous laissâtes hier que vous y fûtes souper. Ho dà! tout est encore à moi. Le mois d'après, je ferai la même question en même posture. Elle dira, je viens de quérir notre vaisselle, que nous laissâmes hier, chez notre compere où nous soupâmes. Ha, ha! nous y avons encore part. Mais après, si je l'interroge; elle me dira bien autrement. Que vous avez d'affaire, & n'avez point de chemise au cul! Vous voulez tout savoir comme les grands. Je viens de quérir ma vaisselle, que je laissai, hier au soir, chez mon compere où j'ai soupé. Voilà, tout est à elle. Mais je ne t'ai pas laissé, ô maître sophiste, perdu de la vanité de tes imaginations; ame déloyale qui ne peux comprendre le légitime Moyen de parvenir, auquel tu prétends d'arriver par sottise ou fraude ordinaire. Entens, vestaudier, que nous ne parlons ici que des livres d'humanité; & t'en vas faire panser à mon barbier; il te donnera, pour te faire docteur, une éponine ou épauliere, d'un coup de barre de fer, sur le collet, en guise de chausse d'hypocras, ou de hallebarde de drap. Que je dirois de belles choses, si je les savois; & en bons termes & beaux, si j'osois éventer ma doctrine. Je ne suis pas de ces petits docteraux, dont il est écrit: j'ai une tête de docteur à dîner. Un avocat du Mans ayant plaidé pour un boucher, & ayant gagné sa cause, il trouva sa partie. Hé bien, lui dit-il, n'ai-je pas bien plaidé pour vous? Je le sais bien, dit-il, monsieur; aussi en récompense, vous avez la plus belle tête de veau qui soit en la ville: ce sera pour votre dîner. Ce jour-là, nous devisions, en dînant, de choses diverses. On parloit d'une tête de veau, & aussi d'une serviette. A ces dernieres paroles, un jeune chantre dit à un monsieur: véritablement, monsieur, vous en avez une belle sur les épaules. Oh! devinez s'il parloit de tête, ou de serviette par intelligence. Je ne suis pas aussi docteur à la vinaigrette, ainsi qu'un tas de sages & beaux docteurs qui sont doctores à docendo, comme montes a movendo. C'est lancer du latin cela, comme pois en vessies. Allez donc au grat, correcteurs ingrats, & vous gratez le cul au soleil; puis succez vos ongles. Ça ici, bons amis du cœur, gens dociles, qui savourez le bien que dieu donne, voyez cette analogie d'harmonie parfaite. Si quelqu'un ne prend plaisir à ce banquet & aux beautés qu'il a produites, qu'il se fasse fouetter, comme fit celui qui s'adressa à madame la principale. Je vous prie d'écouter ce qu'en dit Ramus, qui fut son proche voisin. Paix là, paix; écoutez cet homme de bien.

Ramus. Près le collége du cardinal le Moine, de mon tems, & non si près, que ce ne fût aux fauxbourgs, une sage dame que tout le monde nommoit madame la principale, un mercredi matin qu'elle étoit à la porte assise, sans penser en mal, non plus qu'un autre: voici venir à elle un beau jeune homme habillé à la jésuite, ainsi qu'un écolier envoyé pour étudier. Il avoit une soutane. Soutane est un vétement; vétement est un accoutrement; accoutrement est dont on s'habille. Il étoit donc habillé d'une soutane. C'est comme nous eussions dit, de notre tems, un saye tout d'une venue. Je dis ceci, afin que vous trouviez ici la raison de tout; & notez qu'il est vrai que, de ce que vous desirez avoir la raison, sans faute vous la rencontrerez en ces mémoires. (Remarquez ce grand & admirable secret.) Si vous ne la rencontrez à votre intention, voici le remede; écrivez-la en un papier tant de fois, la corrigeant & racoûtrant, qu'elle vous plaise; & au soir, à soleil couchant, transcrivez-la, ou la faites transcrire en ce livre; & je vous assure que vous l'y trouverez au matin, si vous vivez: & que vous y regardiez, & que le livre soit encore en votre puissance, & que n'ayez perdu la vue, ou la mémoire. Et s'il y a encore quelque chose à dire, je le tiens pour dit, & c'est en quoi git l'admirable perfection de cette notre science universelle, mondaine & céleste.

Dessein.

XV. Mais à propos je m'ébahis comment, ô bon Gilandius, & me fâche qu'en Europe les chrétiens, même les bons catholiques, usent tant du vétement des Turcs, vu que nous ne voudrions pas être Turcs. Et ce qui me met en plus grand souci pour ces soutanes, est que tel habillement est devenu commun au grand préjudice des cocus, depuis que les braguettes ont été déclarées insupportables. Je me souviens qu'aux seconds troubles nous étions en garnison à la Charité. Etant en garde, s'il passoit un homme avec une braguette, nous l'appellions papiste, & la lui coupions: c'étoit mal fait, d'autant que sous tel signe, il y a de grands mysteres quelquefois cachés, vu que papiste peut signifier pere de la foi, ou suivant la foi paternelle. Je m'en repentis, & m'en allai à Cosne, où nous nous fîmes soldats derechef, & nous mîmes ès bandes catholiques. Il nous avint une autre cause de remords de conscience: c'est que, voyant ces ébraguettés, les disions huguenots. Notre bon ami Budée m'avisa de ce péché, m'instruisant que ce mot étoit grec, signifiant heureusement reconnoissant. En cette agitation, je m'en allai à Basle, dont je revins avec les jésuites, qui en apportoient cette invention. Je les laisse disputer avec Calvin, pour voir qui sait mieux entr'eux la religion du Turc, c'est-à dire, turcisme. O Suisses heureux! ne changez jamais de braguettes. Voyez, il ne faut que ce texte pour faire brûler beaucoup de pauvres gens. Ne changez point vos coutumes avec celles du Turc qui ne boit que de l'eau. Boire du vin, c'est être bon catholique. Y mettre trop d'eau, est se sentir de l'hérésie. Ne boire que de l'eau & avoir le vin en haine, est pure hérésie noyable, approchant de l'athéisme. N'en parlons plus. Mais vous, messieurs, qui avez femmes belles & friandes ou belles amies, defiez-vous de ces buveurs d'eau, & de ces gens qui ont la queue si longue, sous laquelle en liberté pend l'outil à faire la pauvreté.

Cesar. Qu'est-ce que faire la pauvreté?

Ramus. Puisque je vous vois ententif, aussi éveillé qu'un chat qu'on fesse, vous le saurez. Toutefois je m'étonne, que vous, qui êtes Latin, ne le savez; & sur-tout vous, qui, entre les galans, savez mieux votre cour. J'ai pensé dire comme nos docteurs, votre entregent: mais il me sembleroit dire entre-jambes; tant cela est fat. Mais oyez: Bipes facit damnum, l'animal à deux pieds fait dommage. Onan en mourut célestement puni. Quadrupes facit pauperium. Venez un peu ici, hé! couilliacier de Papinian. L'animal à quatre pieds fait la pauvreté; c'est que, faisant la pauvreté, on a quatre pieds; on pratique le doux androgine, on fait la bête à deux dos; on fait le destin d'homme à femme; c'est faire la cause pourquoi, c'est exercer les bons membres; c'est être bonne personne, parce que nul n'est bon, & n'y a bonne personne, que celle qui, se faisant du bien, en fait à un autre. Il y a, Fac benè, & benè tibi erit. Et bien, voilà alléguer la loi, comme un beau petit licencié de l'antechrist. Si, nous autres doctes, n'avons que faire de noter le titre, ni le paragrafe, c'est à ces petits écoliers, qui ne font que venir, & tous nouveaux commencent à briller.

Sevola. Cet écolier ensoutané vouloit-il faire la pauvreté avec la principale?

Carpentier. C'est bien au rebours. Quand il l'eut profondément saluée, (ainsi on salue les dames; & les hommes, on les salue longuement & directement, &, à contrario, quia) elle, lui rendant son salut, lui dit: treves de chapeau, Monsieur; mettez dessus. Il repart: treves de fesses, Madame, tenez-vous ferme. Ainsi les hommes saluent du chapeau; & les dames saluent du cul.

Ramus. Poursuis, garçon.

Carpentier. Ayant mutuellement achevé la salutation, il lui dit qu'il desiroit parler à elle, s'il lui plaisoit. Elle le mene en sa chambre, où ils s'asséent, & il dit: Madame, étant trébuché en extrémité de creuse dévotion, j'ai bonne envie d'être fouetté, réellement & de fait, par quinze matinées consécutives. S'il vous plaît me faire ce bien d'en prendre la peine, je vous donnerai douze beaux écus, & un écu pour les verges. Elle répond: Monsieur, excusez-moi, s'il vous plaît; je ne me connois point en fouetterie. A donc ce jeune ensénovillé gracieusement se retire. Oh! combien il y a d'écoliers, qui voudroient que fesserie fût éteinte, & que l'on n'en parlât non plus que de nôces en paradis. La dame, revenue à sa porte, fut enquise, par une voisine curieuse, de l'intention de ce beau fils, à laquelle la principale le déclara. O, ma voisine! dit l'autre, que ne me l'avez-vous adressé! Il le faut appeller. Huguette, (c'étoit sa servante) allez après, lui dit la principale. On cria après lui, à la mode des marchands de Paris: Monsieur, Monsieur! Il revint, & demanda à la dame si elle s'étoit ravisée. Non, dit-elle, mais voici ma commere Laurence, qui vous rendra content. Elle les mit ensemble; & ils allerent chez elle, à l'enseigne de la coquille, faire leur marché; & depuis il vint, tous les jours, être fouetté demi-heure; & ce, à sept heures du matin, qui est une heure fort commode à se faire fouetter; je vous en avise. Laurence, le trouvant gras & frais, eût bien voulu qu'il l'eût fouettée de verges de Saint-Benoît, dont il ne faut qu'un brin pour faire une poignée. Le tems & la fesserie accomplie, le fessé paya fort bien la fesseuse, & s'en alla. La bonne dame, à ce qu'elle disoit, en s'en délayant les badigoinces, eût bien voulu avoir souvent de telles pratiques: aussi étoit-elle de nos sœurs, faisant souvent plaisir aux amis; & faisoit exercer, comme dit Plaute, le proverbe de tantôt: fac benè, & benè tibi erit. Fais le bien, & il te fera grand bien. Ce sont de belles choses. Belles, si vous le savez, taisez-vous: si vous ne le savez, laissez-nous faire; nous vous l'apprendrons. Or Laurence ne faisoit pas l'amour; (il est tout fait; apprenez, jeunesse) mais elle pratiquoit les jeux d'amour avec un moine de Saint-Denis, qu'elle aimoit de bon foie, de bon cœur, (laissons le nom) de bonne cuisse, & de bon ventre. La coutume en étoit pour lors, parce que c'étoit durant les guerres, devant ou après; (il ne faut pas être si exact en tems, si ce n'est aux contracts, & sur-tout entre faussaires) & puis à Saint-Denis ils étoient tous gentilshommes; parquoi toutes bonnes conditions leur étoient permises; même ils les autorisoient: ce qui ne peut être, depuis, à ce qu'on m'a conté, qu'il y en est entré qui sentent l'aune, le marc, le mortier, & autres telles ustensiles roturieres, qui est cause qu'ils sont sujets à la loi commune, puis qu'ils sont enfans de personnes communes, in utroque genere. Or bien son ami frere Ambroise (dont on chante: vous avez bû la cervoise, frere Ambroise, dont vous êtes enivré) lui envoya sa haquenée. J'ai quasi dit son haquené, d'autant que son fils représente sa personne. La bonne Laurence monta dessus, en bonne intention de lui aller apprêter un bouillon. Aussi falloit-il restaurer le pauvre religieux qui étoit infirme, ayant une forte colique dans le ventre, ou dans la tête. Elle s'achemine. Et ainsi qu'elle est dans cette forêt de moulins à vent, voici sur la brune son fessé avec sa soutane, qui lui vint à la rencontre: & sur cela belle chose & grande pitié. Pleurez, vieille, pleurez: mais non faites; d'autant qu'il n'y a point de rime sur vieille; & j'en dépite tous les poëtes, fussent-ils autant savans que chose. Pleurez donc, & chiez bien des yeux; vous en pisserez moins. Cet homme, qui avoit eu la fessée au prix de son argent, vint à elle, & lui dit: mettez pied à terre; &, lui faisant la révérence de basse taille, avec un visage déchiqueté de mines remontrantes, passementé de rides de répréhensions, la prit & l'empoigne, & s'assit sur une pierre du chemin, la met sur son genouil le cul à mont, la trousse comme une petite fille qui va à l'école chez un montreux, & la fesse à nud avec de bonnes & sanglantes verges sur son cul de derriere. Elle n'en vit rien; & cette action lui repoussa fort & ferme le fondement. La haquenée, toute ébahie, regardoit si on lui en feroit autant, pour la passer maîtresse, comme le cheval de Rabelais fut passé docteur à Orange, sous le nom de Joannes Cavallus. Après la fessade accomplie, le jeune homme remit madame Laurence sur sa bête, à laquelle tournant la tête vers la ville, il la renvoya & tout le paquet à la ville, recommandant l'ame de Laurence à sa bonne grace. La pauvrette revint avec grande frayeur, & se mit au lit, où elle ne fut que cinq jours, finis lesquels elle mourut comme une vache qui trépasse.

Cesar. Hé quelle fessée! Quel appliqueur de stigmates sensuels! O diable si cela me plairoit; j'aimerois mieux que tels fouetteurs-fouettés-fouettant, attendissent à naître après le jugement.

Carpentier. Or le fouetté-fouettard conduisit sa fouettée de belles bénédictions, en lui disant: adieu, ma douce amie; ci-après soyez sage. Bienheureuses sont les personnes bien fouettantes, & bien fouettées. Voilà comme la pauvre Laurence a changé d'air; & avint, à sa mort, une merveille notable, une chose émerveilleuse. C'est que son ame sortit de son corps par l'endroit proportionnel & semblable à celui par lequel toutes les autres ames s'en vont.

Esope. Que faisoit la haquenée, tandis qu'on fessoit la dame?

Ramus. L'as-tu pas ouï? Elle chioit de male rage de peur; & fiantoit si sec, que ses étrons devinrent étuis de lunettes, pour ceux qui ont courte haleine: mais un petit bout de patience. Messieurs les théologiens, dites-moi, si vous savez tous, qui étoit ce fouetté-fouettant. Vous en savez autant les uns que les autres. Vous hésitez, parce qu'il rendoit la pareille pour néant contre vos maximes: rien pour rien, tout pour argent. A dire vrai, (& je l'ai appris du grand vicaire du pape Jacques sixieme) que c'étoit un bon & magnanime pénitent, l'un de ceux qui (par dispense spéciale, comme dit le docte St. Antonin, lequel sortit de purgatoire, pour faire bien à quelques ames extravagantes. Si vous n'admettez cela, je dirai que c'étoit un vrai diable) s'en vint trouver proie, la goule enfarinée de bresil, se connoissant en parchemin; & parce que cettui-ci n'étoit pas vierge, il le courroya, ainsi que sera le vôtre, s'il y échet. Amen.

Homélie.

XVI. Cujas. Le parchemin peut bien mais de ceci; je m'en rapporte à la Nonnain, & ne le voudrois avancer, sans que ces méchans hérétiques en font le contenu au désavantage de la Religion: parquoi je le dirai au vrai pour leur fermer la bouche, & qu'ils soient punis s'ils disent autrement qu'il n'en est. Cette dame, par avis de connoissance, & pour savoir le plaisir qu'il y a, sans toutefois tendre à aucune volupté ou déshonnêteté, avoit voulu faire la pauvreté, & la fit moyennant un ami, à quoi il n'y a point de coulpe, ainsi qu'elle m'a dit, d'autant qu'elle ne s'y étoit obligée, ni par serment, ni par notaire, ni prêtre, ni ministre. Aussi c'est un grand fait, que depuis qu'un fou de prêtre, ou un étourdi de ministre, ont donné congé à deux personnes, ils le font à gogo; mais le diable y est, pour autant que les pauvres mariés le font par contract; ils y sont obligés: & les autres le font par plaisir, sans être sujets à la loi, en quoi gît tout contentement. L'abbesse, un jour, s'appercevant que cette nonnain venoit à quatre pieds au chœur, la prit à part, & lui remontra, la censurant améro-doucement, comme font les capucins, qui en cela imitent les ministres de Genève, qui épluchent à leur mercuriale qu'ils font le jeudi prochain des quatre-temps, & puis vont banqueter ensemble. Sœur Dronice, qui ne voulut point être tancée pour avoir bien fait, lui dit humblement: madame, pardonnez-moi; je ne pense pas avoir failli. J'ai lu au grand livre de parchemin: bonum est omnia scire, il est bon de tout savoir. O, ma fille, il falloit tourner le feuillet, vous eussiez trouvé: & non uti, & n'en faut pas user. S'il eût été usé je n'en eusse pu travailler. Madame ma chere mere, excusez-moi, s'il vous plaît; quand je serai de votre âge, je tournerai le feuillet.

Solon. Puisqu'elle n'avoit point gâté son fruit, il la falloit louer. Si jamais je fais des loix, je me joindrai avec notre ami Lycurgus, & promulguerai cette-ci: Toute fille qui aura fait un enfant à crédit, sera dotée aux dépens de la ville.

Plutarque. Si cela est reçu, on aura de beaux enfans, que les meres feront à la dérobée; & les meres seront conservées; au contraire que, selon qu'il avient souvent par sotte & maudite cruauté, les meres tuent leurs enfans, puis sont justement punies, faute de bonnes loix.

Denis. Le diantre emporte qui en ment, disoit Janot à sa mere.

Plutarque. Je vous assure que j'ai ainsi ouï parler, & l'ai mis en mes apophtegmes françois, & bien d'autres de ces menues réponses. Sa mere, disputant, un jour, avec lui, & par dépit de quelque mauvais ménage, lui reprocha sa femme, lui disant qu'elle étoit putain. Hau, ma mere, dit-il, laissez-là ma femme, je vous prie; parlez de vous. Il est vrai que, comme on lui dit que sa mere très-malade, se mouroit, il courut l'assister plutôt que sa femme; &, comme on lui en disoit quelque chose: otto o, dit-il, si je perds ma mere, je n'en pourrai retrouver une autre; & si ma femme meurt, j'en trouverai assez d'autres. Sa mere étant relevée, & devisant, avec sa voisine, du secours que lui avoit apporté son fils, le vit venir, elle va dire: le voilà qui vient, ce grand maladroit; mais avisez un peu comme il marche, ce grand fils de putain.

Poliphile. Un jour, il m'en avint autant. Ma mere étoit fâchée contre moi, & me voulut fesser; je résistai; elle me dit: tu en auras une autre fois, petit fils de putain. Mon pere me trouva tout pleurant; & je lui en dis la cause. Va lui dire, ce me dit-il, qu'elle est une sotte. Elle me répondit, aussi-tôt que je le lui eus dit: va dire à ton pere qu'il est un cocu. En même tems, un petit garçon de Paris appella un autre, fils de putain, qui s'en prit à pleurer, & le vint dire à sa mere, qui lui dit: que ne lui as-tu dit qu'il avoit menti? Et que savois-je, dit-il? Ainsi parloit le curé de Saint-Denis, un dimanche, à son prône; il exhortoit tout le monde, & dit aux dames: quant à vous autres, mes bonnes paroissiennes, je vous reconnois pour femmes de bien; mais vos enfans sont de mauvais fils de putains.

Journal.

XVII. Comines. A ce propos; une après-dînée, la reine d'Egypte étoit à deviser, en sa chambre, avec quelques dames, sans autres personnes (c'est qu'il n'y avoit ni homme, ni prêtre, ni moine, ni ministre). Le seigneur de Danois se présenta pour entrer. Comme il eut vu qu'il n'y avoit point d'homme, il se retira. La reine, qui l'avoit apperçu, l'appella: ho, monsieur le grand prieur, entrez; vous y pouvez bien. Au commandement, il s'approche. Elle lui dit: nous étions sur le sujet des dames. Vraiment, madame, le sujet est unique en perfection. Mais qu'en dites-vous? Tout bien, madame. Et encore? Dites-nous-en, à bon escient, votre opinion. Puis qu'il vous plaît, madame, par la mordong, toutes les femmes sont putains. O, ho, dit la reine, & moi? A, ha, madame, vous êtes la reine. Et votre mere? Madame, ne parlons point des trépassés.

Brutus. Comment vous parlez au désavantage des dames?

Comines. Point, d'autant que cela ne les touche aucunement. Mais à savoir, s'il y a honte, ou non? Je pense que non. Si quelqu'un nommoit une dame boiteau de foin, lui feroit-on autant ou même tort, que de l'appeller putain?

Brutus. Il n'y a point d'apparence.

Comines. Et si c'est une même chose, que direz-vous?

Brutus. Je ne sais.

Comines. La nuit passée, il y eut un moine dru, gai & gaillard, qui fut surpris avec une garce. J'ai quasi dit avec une grace; il n'y a que transposition de lettres. Il s'étoit ébattu avec elle, cum commento, & la sauce. Ses supérieurs lui remontrent qu'il avoit offensé. En s'excusant, il démontra que non, disant qu'il étoit, selon la pauvreté de l'ordre, couché sur un boiteau de foin: quia omnis caro fœnum, parce que toute chair est foin. Concluez.

Guido. Je pensois que vous voulussiez donner jusques à St. Denis, & parler de frere Jérôme, qui cherchoit la pierre à casser les œufs.

Alain. Qu'est-ce à dire!

Vives. Vous le saurez tantôt. Ce moine, pour le dire plus gaiement, cherchoit la pierre philosophale, & étoit Parisien. Et de fait, j'ai été en beaucoup de lieux & places du monde habitable philosophique, & je ne vis jamais en aucun endroit tant de Parisiens qu'à Paris. Et bien que, durant le grand jubilé, je visse beaucoup de Bretons à Rome, si n'en ai-je tant vu oncque en un monceau qu'en Bretagne. Ne fou déplaise, ô gros Thevet, bête de bon esprit, que tu étois sot, quand tu me dis qu'il n'y avoit point de contrée, où il y eût plus de vingt-quatre heures de jour, & que tu estimois que payennerie fut nationneté, comme tu dis en ton livre des portraits des Grecs, Latins & Payens! Ta révérende cervelle symbolise avec celle de messire Guillaume le Vermeil, quand tu dis en ton histoire qu'Anacréon s'étrangla d'un pepin, (comme il témoigne par ses écrits. Tu es un faiseur de parenthèse)! dont il mourut parenthésaquement au monde.

Thevet. Je vous attraperai tantôt, maître rufian, qui faisiez semblant de me visiter; mais c'étoit pour, en mon absence, travailler ma jeune chambriere.

Brutus. Que tu dis de sottises! Ne saurois-tu lui dire autrement? Il t'est avis que tu dis bien, d'avoir parlé de travailler, comme la derniere fois que nous étions avec le feu roi notre maître. Tu voyois un grand viédase d'évêque sur un beau cheval, & l'ayant considéré, le nous vins dire: voilà un homme qui besongne mal, pour dire il chevauche mal.

Vives. Laissons cela; nous le dirons au roi. Or frere Jérôme, cherchant la pierre philosophale, que sans doute on trouvera ici. (Et ce que je vous dis est vrai; & s'il n'est vrai, je puisse mourir devant toute la compagnie, demeurant aussi sain & sauf que je fus jamais, ainsi que Georget notre métayer, à qui son compere dit: je sui mau de toi. Et que te faut-il? On dit que tu couches o ma femme. Pardai, Jean mon ami, mordienne, ils sont menteurs. Que je passe monter sur iquent hesne, & que j'en tombe de branque en branque, que je me rompe le cou sans m'y faire mau, si je toque en pus que tai. A de pardi, alin bere, compere, alin bere).

Mappe-Monde.

XVIII. Or frere Jérôme avoit consumé plus de trente ans à sa recherche, & n'en avoit rien rapporté. J'en crois le Vigénere, qui n'en a pas fait moins. C'est lui qui m'a fait ce conte; à quoi il ne songe pas à cette heure, tant il est jaloux. Le voilà avec Postel, à fripper quelque vieil haillon d'histoire, pour accommoder sa pierre. Les parens du frere Jérôme, voyant qu'il se consumoit mal à propos, délibérerent ensemble de lui en faire quelque gracieuse remontrance (non pas si grasse, que la faveur de la vieille, à laquelle on avoit dit qu'il falloit graisser les mains de son avocat; & elle, le prenant par derriere, lui ondoyoit les mains avec une piece de lard, ainsi qu'il avoit les mains sur les reins. Le bon homme, se revirant, lui dit: que me faites-vous, ma mie? On m'a dit, monsieur, que je devois vous graisser les mains. Ha, pauvre bonne femme, ce n'est pas dit quelle graisse). La conclusion prise, pour tâcher à le détourner de telles follies, un des plus notables parens eut charge de l'aller inviter, lequel le moine lui promit, moyennant la commodité de monsieur son fourneau, qu'ils nomment athanor, dont les fous alquemistes font un grand Achilles, ayant trouvé en Néhémie ce mot Athanorum, i. des fourneaux. Voilà une des gloses des chymistes, dont la secte est la plus jolie du monde, parce qu'à leur dire, & entr'eux, il n'y en a pas qui sache; ils se tiennent tous pour bêtes au spécial, & n'en estiment aucun, qui, au jugement des autres, ne soit un ignorant: mais s'il y en a quelqu'un qui se laisse mourir, le voilà, par leur jugement, aussi-tôt canonisé. O, diront-ils, grande perte! S'il eût encore vécu quinze jours, trois heures & dix-sept minutes, il eût achevé l'œuvre, que j'acheverai, d'autant que j'ai son secret. Mais le principal est de dîner; à quoi faire, vint à Paris le frere, qui s'y transporta sans oublier son bon appétit. Il trouva bonne compagnie, qui fit bonne chere. Après dîner, selon l'avis pris, vint à lui une dame choisie entre celles qui ont été dépucelées sur le tard de leur âge. Telles sont plus sages & meures, parce qu'elles n'ont tant été, ni sitôt hochées; elles en sont plus fermes. Adonc la sage vieille, prenant la main charbonneuse de frere Jérôme, lui dit: monsieur mon cousin, la pitié que nous avons de vous voir décheoir, non-seulement de commodités, mais aussi d'honneur, vu le mépris auquel vous gisez par vos déportemens, est cause que nous nous sommes assemblés; & nous vous avons appellé ici, pour vous dire notre ennui, vous priant de vous reconnoître & penser à vous, & au lieu dont vous êtes sorti. Vous êtes en âge d'être sage; faites paroître que vous l'êtes, prétendant à choses dignes de vous. Que cuidez-vous, pour devenir si riche? Quand bien cela aviendroit, que vinssiez à bout de votre philosopherie, vous devez être content, vous avez le viton & le vetiton, sans en rechercher davantage par cette arquemine. Il ne lui laissa pas achever, qu'il lui dit: madame ma bonne cousine, je vous prie ne passer outre; je ne m'y amuserai plus gueres; j'ai presque fait: mais il faut achever; je suis sur le point. Ne pensez pas pourtant que je cherche ce grand bien, pour être riche; je suis assez content d'avoir le victum & le vestitum: mais sachez, ô bienheureuse cousine, si vous le voyez, que, quand j'aurai fait cette divine œuvre, j'aurai une belle poudre, de laquelle je prendrai, au soir, ou au matin, un seul petit grain, avec de la conserve de roses; & je le ferai sept coups.

Métaphrase.

XIX. Dis que tu en as, grand chemise: & moine de rire, & de conter que l'hiver passé, que la Seine chariote, un fauconnier venoit de la chasse, avec son valet, qui l'avoit fâché; & il le vouloit battre: quand ils eurent mis pied à terre, il y parut. Le maître prit une fourche, pour plauder son serviteur, qui, n'en étant pas d'accord, s'enfuit & se jetta en la riviere, qu'il passa à la nage; puis étant delà l'eau, le poulce contre la joue, la main en aîle, fit la quine-mine à son maître, lui criant tout haut: j'en savois bien d'autres. Et, là, là, mundus, caro, dæmonia, le monde n'a cure de moines.

Cujas. Cette belle haquenée de bran nous a fait perdre la pierre à casser les œufs.

Vives. Non, ha non, j'y suis. Il y avoit, près Saint-Yves, un jeune gentilhomme logé en chambre garnie, seul en sa chambre. Et ceci avint, durant qu'il y avoit grand débat entre les moines & les ministres, pour décider, qui étoit le mieux dit: c'est demi-vie que d'être saoul: ou, c'est demi-vie que de rire; sur quoi ils se confondoient comme hérétiques. Ce jeune homme, qui ne se soucioit pas beaucoup de ces débats de théologie, jetta l'œil sur la servante, qui étoit une assez belle connaude, mais un peu nice. Il parloit souvent à elle assez froidement & discrétement. Entr'autres, un jour, il lui dit: vous êtes des champs, ma mie? Voire, monsieur. Je m'en doutois bien: je ne laisse pas de vous aimer, autant que si vous étiez de la ville, vous voyant si bonne fille & si bonne ménagere. En dà, monsieur, je vous en rends graces. Or, ma mie, parce que je vous aime, & que vous nous servez bien, je vous veux avertir, pour votre grand profit, qu'il y a un certain mal qui prend aux filles des champs, quand elles viennent demeurer en la ville: c'est qu'il leur croît dans le ventre de petits œufs, qui y grossissent & se durcissent; & puis il faut que les pauvres filles montrent leur derriere au barbier. Je serois marri que cela vous avînt. Il n'aviendra pas pourtant, si vous me voulez croire. Je ferai quelque chose pour vous; & il est tems d'y commencer: je vois, à votre teint, qu'il y en a déjà. Ardé, monsieur, je vous suis bien attenue; il est bien vrai que je ne me porte pas bien; je ne suis pas en mon naturel. Je vous donnerai demain quelque chose. Le matin venu, qu'elle vint en sa chambre, il lui donna une cueillerée d'hypocras blanc, qu'elle savoura, & lui dit qu'elle allât & vînt par le ménage, puis qu'elle déjeûnât d'un peu de pain sec. Cela fut continué, deux ou trois jours. Un matin que madame n'y étoit pas, il prit cette fille; & riant doucement, il la posa contre le lit, comme pour lui regarder en la bouche. Hélas! monsieur que voulez-vous faire? Je ne vous ferai point de mal; je veux vous casser un œuf, qui est prêt de se durcir. Elle se laissa faire & lui fit céleques; il lui mit chair vive en chair vive.

Cujas. Mais encore, ô bon Lycurgus, est-ce péché de mettre chair vive en chair vive?

Lycurgus. Non, quand ce n'est point contre les loix écrites. Si vous mettez votre nez en mon cul, ce sera chair vive en chair vive; c'est auprès de la merde.

Vives. Le gentilhomme acheva ce qui n'étoit point commencé: aussi ne sauroit-on besongner une pucelle, parce que l'on ne sauroit mettre si peu avant, que ce ne soit achevé. Elle s'en trouva fort bien, sinon qu'il lui cuisoit un petit; & non tant, qu'elle ne fût contente d'y retourner, tellement qu'en dépit qu'elle vouloit bien, il lui cassoit souvent des œufs au corps, au grand plaisir de la fille, qui eût voulu en avoir autant en une ventrée, que l'on eût pu en casser en cent ans, sans faire autre chose. Un jour que déja elle y étoit affriandée, & qu'elle avoit trop musé, sa maîtresse la tança, quand elle fut descendue, lui disant: vous êtes une affetée; vous faites quelque méchanceterie avec cet homme de là-haut. Ha, ha, becasse, babouine, qu'avez-vous tant fait là-haut? Rien autre chose, madame. Vous avez menti, vilaine. Ne vous déplaise, madame; c'est ce que je vous dis. Vous faites là-haut quelque rien qui vaille, avec cet homme. Hélas, madame, ma bonne maîtresse, vous avez grand tort; c'est le plus honnête homme du monde: il m'étoit venu des œufs au ventre; & il me les a cassés. Quels œufs sont-ce, vilaine, quels œufs? O regardez, madame, s'il n'est pas vrai; tenez, je hausse ma chemise; voyez-en le devant, qui est tout mouillé de la glaire qui en est sortie, quand il les cassoit.

Terence. Sa maîtresse ne lui fit rien?

Guido. Et que lui eût-elle fait? Elle la devoit tuer, voire donc sans qu'il y parût.

Terence. Comment ce feroit cela?

Guido. Mon ami, si tu veux faire mourir une personne, sans qu'il y paroisse, souffle lui si fort par le cul, que l'ame s'en aille par la bouche.

Tite-Live. Par Ædepol, voilà de belles nouveautés.

Paragraphe.

XX. Davantage, il y a je ne sais quelle sorte de bouts d'hommes, ayant les ames mal préparées à ces enseignemens, lesquels ont de petites putains de fantaisies, qui les empêchent de voir & entendre. Tels diront, comme faisoit hier un maquereau de l'antechrist: je ne sais que trouver ici de nouveau. Je savois bien cela; je l'ai vu autre part; je l'avois ouï dire. Pauvre défoncé d'entendement, avalé de la brague de raison, déchaussé de cervelle jusques aux talons, fou métropolitain, penses-tu pouvoir proférer quelque indiscrétion contre ce code de toute vérité? Ne sais-tu point que ceci est proportionnellement établi plus de cinq cents ans avant la création du monde? Te voilà au rouet: tu n'entens pas ce problême. Aussi ne font plus sages que toi. Et encore tu oses gronder, hérétique que tu es! Es-tu plus que le roi, qui sait bien que, quand ce volume ne seroit point conféré au public, il ne lairroit d'être écrit dans les ames des doctes, gravés dans les cœurs des savans, imprimés dans les consciences des gens de bien, insculpé ès esprits curieux, & mis au net dans les entendemens des bonnes personnes, selon la minute qui en fut brochée par les premiers peres. De là avient que, quand qui que ce soit s'est immiscé, mettroit, ou se mettra en avant à faire quelque chose de bon, il se trouvera tiré & extrait, ou puisé de cette source abondante en bénédictions de fontaine doctorale. Croyez-le, si vous voulez: ou ne le croyez pas; si est-ce qu'il est bien aisé de le croire, d'autant que vous croyez des choses de plus difficile croyance. Vous croyez fort aisément que vous êtes habile personne; & possible votre voisin croit le contraire, & que vous êtes une bête de haute graisse en dépit du carême. Mais avisez à un conseil que je vous donne, pour paroître en perfection de finesse. N'allez jamais dîner chez ces seigneurs, où madame dîne à part, d'autant qu'il y a là des maîtres d'hôtel du Levant. Ce sont Turcs; ils veulent faire mourir de faim les Chrétiens; ils vont vîte en besogne. Otez-vous de-là; vous n'auriez pas le loisir de refaire votre nez. Quand je m'y trouve, afin d'empêcher cette levée de plats, je demande à boire à quatre ou cinq tout à la fois. Ceux-là ne peuvent aider à lever, ainsi j'en attrape; puis je me venge sur le vin. Je ne parle pas de ceux qui ne soupent point. Il fait bon avec eux à dîner: attachez là votre âne; faites-y bonne chere; puis, après dîner, faites bonne mine: tenez-vous roide sur le devant, comme une chevre qui pisse. Or, mes chers amis que j'aime de toute ma fressure, si vous avez affaire de quelque sujet, cherchez-le ici; & ne vous chaille des autres. Vivons & buvons, selon nos mérites. Il ne nous faudra point de bésicles sur les oreilles, pour nous détourner le rhume; ni de cotton dans le nez, pour l'empêcher.

Occasion.

XXI. Un jour, Denost dînoit avec son prélat. On commença à proposer. Il y avoit une belle langue de carpe, que monsieur donna à Denost & à son prochain assis; & dit: je vous la donne à tous deux. Denost dit à l'autre: Cornu, jouons à croix ou à pile, qui l'aura. C'est bien dit, dit Cornu; il ne faut pas la diviser. Denost tire un douzain, & dit: que prens-tu, Cornu? Cornu dit: je prens la croix. Et l'autre dit: & moi la langue; & la mangea. Un médecin, qui étoit de ceux qui savent tout, considéroit cet homme qui avoit le nez fort rouge; & comme il eut divisé avantageusement de sa science, Denost va dire à ce médecin: monsieur, vous qui êtes si expert, me feriez-vous bien partir ces rougeurs que j'ai au visage & au nez? Oui dà, monsieur: j'en ai bien effacé de plus maculées. Et combien me demanderiez-vous, pour ce faire? Deux cents écus. Par le saint sabre du castud, vous êtes un affronteur, monsieur le docteur. Vous ne sauriez pour si peu, d'autant qu'il m'en a coûté plus de mille, à le rendre ainsi de haute couleur. Ecrivez ceci, vous autres petits écoliers, en parchemin vierge.

Galien. C'est une pitié que d'être tant de monde; on se ravit le propos de la bouche les uns des autres? Tantôt on en parloit, & on me le fait oublier: mais encore, sur le renouement de propos, qu'est-ce que vierge?

Cordus. Virgo est puella intacta, vierge est une fille à qui on n'a rien fait; mot à mot, une fille non touchée.

Galien. Ha, ha, hé, appelez-vous cela intacta? Une dame de Blois ne l'entendoit pas ainsi. On parloit d'un sien cousin qui étoit décédé, & sa femme étoit demeurée intacta. Cette femme l'ouit, & dit que ceux qui le disoient avoient menti; que son cousin n'étoit point ladre; qu'il ne tenoit point du tactac.

Hypocrate. Venez çà, beaux conteux. S'il avoit neigé un demi-pied d'épais, & qu'à l'autre côté de la cour, sous ce relais, il y eût une pucelle qu'il vous fallût amener ici, & la conduire huze à huze, comme monsieur de la Hunaudaye, & le roi, comment feriez-vous, afin que les pas de la pucelle ne parussent point?

Cordus. Je ferois comme fit l'autre.

Hypocrate. Et quel autre?

Cordus. Fils baise cul.

Pindare. Cela vous est aussi bien employé, que fievre en corps de moine: c'est tout un. Je ne lairrai de vous dire ce que je ferois.

Vives. Et quoi?

Pindare. Je la dépucelerois toute vive, ainsi que fit notre valet à la fille de notre métayer. Revenue au soir avec ses moutons, fut tancée de ce qu'elle en avoit égaré un; & sa mere la voulant battre, lui dit! va, méchante, va chercher ton ouaille. La pauvre fille, qui ne savoit où la prendre, s'en alla pleurant, & se mit sous un arbre. Ainsi qu'elle musoit trop, sa mere dit au valet: Jean, va-t'en quérir cette fille; va. Il y alla, & la trouva; il lui dit: Michelle, reviens à la maison, ta mere le dit. Non ferai. Viens, viens. Aga, non ferai: je n'irai pas quand tu me devrois tuer. Si tu ne viens, je te tuerai. Je ne m'en soucie pas. Adonc il la prend, la renverse sur l'échine, lui écarquille les jambes, se jette sur elle, & lui fiche au bas du ventre son couteau naturel, & la tue de la douce mort. Or çà, dit-il, je disois bien: oh viens à cette heure. Non ferai. Et viens, Michelle, viens. Tue-moi donc encore un coup.

Vives. C'est donc ainsi que tu ferois? Si tu as bons reins, je le quitte.

Pindare. Ne sais-je pas faire de la poudre à grimper?

Hypocrate. S'il est ainsi, tu serois propre à juger en hiver, qui sont les chênes mâles & femelles.

Pindare. Dis-moi comment cela, je te prie.

Hypocrate. Quand il gélera le plus fort, mettez-vous tout nud contre un arbre; & si vous arsez contre, ce sera une femelle.

Perion. Va, la gorge te coupe le col.

Plumitif.

XXII. A notre propos, ça vous qui parlez des pucelles, comment est-ce que vous connoîtriez si une fille est pucelle?

Pline. Puis que ces doctes se taisent, je parlerai aussi. Je le sais pour l'avoir appris en Chaldée, au voyage que je fis, du tems du pape Sixte, qui pria le roi de France de lui envoyer cinq ou six cents de ses quarante-cinq, avec une douzaine de druïdes, lesquels me reçurent avec eux, & allâmes en ambassade en la Chine, où nous vîmes ces hommes plus doctes. Il y en avoit un, qui étoit moult versé ès secrets. Il m'en conta, dont je n'avois onc ouï parler. Il m'enseigna le moyen de connoître les pucelles, de la même sorte que je l'ai démontré au premier médecin de la reine. Si vous le voulez savoir, prenez une fille bien faite, de quinze ans ou environ; mettez-la toute nue, & la faites tenir debout; &, vous mettant derriere elle, passez votre main gauche par entre ses jambes, & empoignez son cela, son con: (je m'ébahis puis qu'il est à une fille, qu'on ne dit, comme le Breton, qui prêchant disoit: sera cette semaine grand-fête de Mari-Marjolaine; qui, quand fut petite garcette, prêta son con; mais sera tant prié & ploré, que de dieu lui fut pardonné: faites ainsi, mes dames; & vous ferez très-bien pour votre salut.) Tenant ce con bien justement ferme & clos, vous avancerez votre main droite; & des deux premiers doigts vous ouvrirez le trou fignon, en éloignant les fesses, puis l'ouverture capable: soufflez de toute votre force; si d'aventure le vent passe outre, & que vous le sentiez à la main gauche, elle ne sera pas pucelle; autrement elle le sera. O gens de qualité, si vous ne mordez à ces intelligences, faites-vous bien aiguiser les dents. J'en sais le moyen, dit mondit seigneur l'évêque de Luçon, le bon prélat; il ne faut qu'envoyer quérir le faucheur du notaire de mon chapitre.

Problême.

XXIII. A ce mot de chapitre, chacun prêta l'oreille; sur quoi Simplicius dit tout haut: holà, messieurs, avant que passer outre, sachons que c'est que chapitre: oiseau, poisson ou bête.

Madame. Par mon ame, c'est bien dit. On en parle en diverses sortes. Je vous prie, cousin Zabarel, de nous l'enseigner. Adonc il empoigna la parole, & dit: chapitre est un corps, non corps; un certain composé dissoluble en ses élémens, sans détraction d'aucun; chose merveilleuse, à cause de tant d'habitudes différentes & semblables, dont uniquement & multipliquement il subsiste, étant homogene distingué en ce qu'il contient, & en ce qui l'établit; une vraie arche de Noé, auquel elle symbolise incessamment; & ce qui le fait être cela dont il est composé, sont plusieurs têtes, oreilles, yeux & culs, sans quoi on n'auroit aucune séance. On m'a dit qu'il étoit avenu une grande aventure: c'est que, depuis quelque temps, il étoit échappé, comme le lievre de l'arche, un certain petit consistoire qui sortit du chapitre imperceptiblement, ainsi qu'un atome, & est devenu grand, ayant déja fait plusieurs enfans. Je parle d'un petit corpuscule nommé consistoire. Je n'entends pas proférer ce que je dis, de ce grand & unique consistoire pere des chapitres. Paix, ce dit monsieur de Luçon; vous vous jouez à un dangereux monstre. Ecoutez mon histoire: mais je suis bien sot; il faut que je boive. Voilà Multon, qui a été mon clerc, mes successeurs usent de secrétaires, d'autant qu'ils sont du monde; & nous n'en sommes plus: ce compere contera ce que je disois là. Multon dit: j'aime mieux me conserver, pour prêcher demain, s'il y échet. Or là, mon pelaud, dit; tu sais ce qui avint, in illo tempore. Voire, monsieur. Il y eut un pauvre qui ouit votre sermon, quand vous prêchâtes que qui auroit deux robes, qu'il en donnât une au pauvre. Le pauvre, tout consolé, vous oyoit avec une grande attention, étant merveilleusement aise. Après que vous fûtes retourné au logis, le pauvre vous vint voir, vous fit une ample & grande révérence, vous racontant qu'il avoit fort profité à votre exhortation, dont il se consoloit du tout. Je suis bien aise, dites-vous, mon fils, que vous soyez si bon chrétien. Mais, Monsieur, dit-il, vous avez dit que qui auroit deux robes, en donne une au pauvre; je vous supplie me donner la plus méchante que vous ayez. O, ho, dites-vous, as-tu été au commencement du sermon. Non, dit-il, Monsieur. Ha, ha, répliquâtes-vous, si vous eussiez été au commencement du sermon, vous eussiez oui, in illo tempore, c'est-à-dire, en ce temps-là. Je prêchois que cela se faisoit jadis, & non pour le présent. Vere, voilà bien débuté, c'est bien ce que je vous ai dit; c'est bien à propos d'aiguiser les dents, que male meule te puisse moudre. Ho, Monsieur, j'y suis: ne vous couroucez pas; il ne se faut fâcher qu'à bon escient. Acheve donc; va; je te le pardonne, pour tout ce que tu as dit. Le mulet de monsieur le président ne laissera de porter la buée à la riviere, tandis que monsieur sera au palais. Vous m'interrompez bien vraiment; je dirai, comme le bon homme Hauterove disoit, travaillant sa premiere femme: que j'enhane, ma mie! Je ne m'en ébahis pas, ce dit-elle; vous travaillez d'un méchant outil. J'en aurois bien un autre, si j'avois de l'argent. Oui? Et combien faudroit-il? Environ cent écus. Qu'il ne tienne pas à cela: je vous les baillerai demain. Quand il en eut ces écus, il va chez ses amis faire du feu & bonne chere, se rafraîchissant gaillard; puis s'en revint, & coucha avec sa femme qu'il traita bien. Ho, ho, dit-elle, mon ami; cettui-ci est aussi bon que celui que vous aviez, quand nous fûmes mariés. Mais, mon ami, qu'avez-vous fait de l'autre? Je l'ai jetté là, ma mie. En dà, vous avez eu grand tort; il eût été bon pour no'mere.

Madame. Je ne vis jamais tant sauter du coq à l'âne. Que ne poursuivez-vous le propos? Je vous jure, par la semelle du meilleur escarpin que je goûtai jamais, que ne vous commanderai jamais rien. Faut-il ainsi tergiverser à dire ce qu'un évêque vous commande de réciter?

Ciceron. Si j'eusse parlé, j'eusse été bien marri, si on m'eût interrompu.

Perion. Il est nécessaire d'interrompre les prélats; par quoi on vous fait grand plaisir. Mais écoutez tout bas; & je vous dirai une notable raison, qui est dans le livre imprimé chez Eustache Vignon, intitulé: des prélats. Il est besoin & utile d'interrompre un prélat prêchant; parce qu'il lui faut beaucoup de temps à se préparer, pour se paillarder à bien dire. Taisez-vous tous, dit l'évêque: ce petit bon homme ne sait où il en est. Il faut que je déduise l'histoire de mon aiguiseur.

Cardan. Laissons-le un peu dire; nous oirons quelque chose d'excellent; d'autant qu'il est plein de belles & bonnes paroles, comme sa mule a le ventre farci de noix de muscades. Il ne l'entendit pas: autrement il lui eût sans doute passé le pied par l'épaule: mais étoit attentif à ce récit.

Enseignement.

XXIV. L'Eveque. Mon chapitre devoit, au jour de la solemnité S. Louis, à Rome. (Si ce n'est ainsi: c'est tout un, puis que le reste est vrai. Voilà le moyen de faire la barbe aux hérétiques, que d'accorder les textes. Dis que tu en as, huguenot: tu n'es qu'une bête, comme dit l'interprete d'Aristote, qui traduit, disant; Aristoteles, au livre des bêtes, parlant de l'homme & de la femme, dit, &c. Ce docteur étoit sursemé de doctrine comme une écrevisse de morsures de puces.) Mais que devoit mon chapitre, ma petite église représentative, mon épouse, qui toutefois est, comme je crois, adultere, d'autant qu'elle ne me reconnoît point, & que je n'ai que voir sur mes chanoines, encore que je les fasse tels? C'est un pur abus. Voilà, un jeune désirant me flattera pour être chanoine; il sera mon petit chien couchant. Est-il reçu chanoine, il ne me connoît plus; je n'ai que voir sur lui. Or bien, je leur pardonne ces priviléges. Mon chapitre donc devoit un certain service de conséquence, abondant & parfait; & le falloit expressément effectuer; (perdonate mi; je n'ose parler en termes épiscopaux, à cause de la compagnie, qu'il ne faut pas ennuyer) & le terme de ce service échéoit dans six ou sept jours, ainsi que la bulle le portoit. (Il y a quelque docte qui a lu, traînoit long comme la gaîne d'une faux, ou l'étui d'une lance. Foin, que l'on ne m'interrompe point: j'y vais assez: je souhaite, pour vous faire sages, que la premiere mouche qui vous piquera, soit un petit diablotin tout éclos de frais.) Et si, par fortune, selon les pactes & conditions, il fût manqué aucun de ce service, on eût emporté, comme par droit de régale, tout le revenu annuel de mes chanoines, le mien excepté, à cause des priviléges & saints abus, qui nous séparent de corps & de biens. O, ho, quoi taisez-vous; attendez; je n'entends pas du corps mystique. Comment? quoi, dà, quelque fripon mouleroit un benoît dévolu sur mon bénéfice, & me voilà constipé.

Ciceron. Quelle phrase de parler est ceci? O pauvre homme, si tu savois combien il y a de sortes de bénéfices, tu ne serois pas sitôt offensé. Sachez qu'il y a bénéfice papal ou ecclésiastique; bénéfice de prince; bénéfice d'inventaire; bénéfice d'âge, & bénéfice de ventre.

L'Evêque. Je ne veux pas être dépourvu. Je me veux tenir au gros du chêne, ainsi que fit le notaire du chapitre, qui, sachant cette affaire, la proposa en tems qu'il n'y avoit plus de remede. Les chanoines avisés de ce faire, on vit chapitre monologiquement troublé, & tellement étonné, que godronnant sa mine de toutes sortes d'opinions, ne sut que résoudre, sinon se proposer un jeûne d'un an. Quelques lirepons furent d'avis par dépit, pour obvier à tel mal ci-après, qu'on élût un contrôleur de chapitre, & que les chanoines y avisent. Comme le président conclut, voilà le notaire qui, avec une sainte & pieuse exclamation, va dire: voilà, certes, une belle conclusion de mes fesses! (Il leur fut avis qu'il avoit dit de messieurs.) Vous ne remédiez pas mal; c'est où il faut travailler, ou faire de repos pitances. (Je sus ce discours par mes commençaux, qui me rapportent tout, ainsi qu'on fait autre part.) Mais, messieurs, j'ai pensé un moyen pour vous sortir de peine. Vous savez que, dieu merci à dieu & à vous, j'ai là-bas une petite cassine, au bout de votre grande prée qui est sur la riviere, vis-à-vis des fenêtres du palais épiscopal. S'il vous plaît me donner le fonds de ce que pourra faucher en un jour un ouvrier que je vous présenterai, je vous rendrai quittes de ce que vous devez à Rome. Et si vous pensez que ce soit à petit semblant (ce que je ne voudrois commettre, en lieu tant saint, & membre spécifique du concile qui ne peut errer) je vous baillerai caution & plége de dix mille écus, sans le bien de notre femme, & c'est à cette heure qu'il se faut résoudre, ou tout quitter, vu que le temps presse. Ayant dit, il sortit; & messieurs les capitulans ayant symbolisé sur cette affaire, conclurent de le prendre au mot du guet, considérant que c'étoit le profit de la compagnie. Il y avoit une de mesdames les dignités, qui vouloit mettre empêchement. Même un jeune chanoine de sa faction dit tout haut: messieurs, il y a six ans que je suis chanoine, moi indigne comme les autres; mais je ne trouve pas de goût en cela. A la fin, après beaucoup de telles foutimasseries capitulaires, il fut résolu que l'on contracteroit avec le notaire, & que commissaires, pour cet effet, iroient faire l'accord: & afin (ô sainteté ample) que la postérité n'y trouve de l'inconvénient, il fut dit que la conclusion en seroit mise entre celles du chapitre tenu un mois devant, de peur de scandale & de honte; selon quoi, & non autrement, il est permis de faire des faussetés aux statuts & registres. Le tout accordé, fut passée prévarication, (je cuidois dire procuration; voilà comment les belles paroles nous croissent en la goule) & fut donné tout pouvoir audit notaire, pour bien & dûement faire le pénitent. Aussi-tôt ce notaire ne fut plus notaire au pays; il n'avoit que trois jours pour faire ce qu'il avoit promis; & délogea aussi vîte que la natte d'un passementier frais marié, allant train magnifique, comme la mule du pape. A quinze ou vingt jours de-là, revint le notaire aussi gai, petou résolu, comme une brebis tondue, & se vint présenter à chapitre avec bon & entier certificat de sa négociation. Et comme il avoit légitimement, profitablement & catholiquement accompli le tout, selon l'intention de la bulle, au profit des chanoines & davantage, pour éviter aux frais futurs, il avoit fait marché avec les fratti ignoranti, (je n'entends pas bien le grec) lesquels s'obligerent à toujours d'acquitter ce qui étoit équitable. Ce qui étant reconnu vrai (comme on le peut aviser, si on n'est autant aveuglé de visage que du cul) le mutuel contrat du chapitre & du notaire étant vérifié & calfeutré de toutes les façons nécessaires, il fut dit au notaire que, fénaisons étant venues, il auroit ce qu'il avoit acquis, le temps échu. Mes chanoines, (je ne sais s'ils sont à moi ou au diable; mais je les nomme tels, honoris gratiâ, pour conserver notre institution en dépit des hérétiques) me supplierent de leur prêter ma salle, pour, des fenêtres, avoir avec moi le plaisir du faucheur notorial en fénaison. Un lundi matin, qui étoit le jour abuté, nous étions tous à regarder, ayant déjeûné joyeusement de bonne buglose, le soleil étant assez haut, que le notaire vint sur le pré avec un petit homme ramassé, qui portoit sa faux en-dehors. (Il ne l'avoit pas comme mon métayer, qui, ayant sa main sur son col, & passant sur une planche, avisa un gros poisson, qu'il cuida frapper du bout de la lame de sa faux; pourquoi faire, il s'efforça de si grande roideur, que la faux lui trancha le cou, & la tête alla en bas, dont il se trouva merveilleusement étonné; aussi étoit-il temps, témoin le proverbe qui en fut fait, il ne se faut point étonner, que l'on ne voie sa tête à bas ses pieds. A, a, si ces docteurs fussent venus ici apprendre, ils eussent été bien plus savans: cette recherche vient de mon entendement; regardez mon doigt à mon front, considérez mon entendoire, & notez les signacles.) Le petit faucheur quarré étant arrivé, se mit à travailler. Il ne donnoit trait de faux qu'il n'abbatît un quart de chartée de foin ou plus, tant il s'étendoit: & qui plus est, il ne s'amusoit pas à battre sa faux; mais quand elle ne tranchoit point, il la passoit sur le long de ses dents, & cela faisoit frooooococ. Ainsi il gagnoit temps, si qu'en moins de dix heures, qu'il fut sans boire & sans manger, il faucha plus de la moitié de la prée. Le notaire voyant qu'il avoit plus de soixante arpens de fonds, le fit arrêter, lui présenta un flaccon plein de vin d'Orléans tenant quinze pintes, qu'il avala tout d'un trait, & le vaisseau après. Adonc le notaire lui mit un doublon d'Espagne & deux angelots d'Angleterre, & trois vieux écus François, avec un daler d'or, & trois moutons à la grande laine, six sicles d'or, & douze médailles antiques de fin argent tenant d'or & le renvoya. De-là en avant, le notaire a joui de la part de la prée, & ses héritiers après lui, le reste appartenant aux chanoines jusques à cejourd'hui, s'il n'y a faute au bréviaire. Le joli faucheur n'avoit pas tant d'outils que les autres, qui ont une grosse gaîne de bois, où ils mettent rafraîchir leur coux, comme un prépuce en une grille de couvent féminin. Voilà comment ce faucheur s'en alla gai & droit, sans tourner çà ne là, comme vous irez en paradis. Que si vous desirez savoir où il alla & qui il étoit, allez après, tandis qu'il fait beau.

Demosthene. Voilà un brave notaire! Il entendoit les écritures.

Euclide. On parle tant de cette intelligence d'écritures: qu'est-ce que c'est?

Résultat.

XXV. En bonne dà, je ne sais si on ne le nous apprend. Voilà Toustat, qui en diroit bien quelque chose s'il vouloit; il a longuement travaillé à recouvrer la lumiere de vérité: il en a une pleine lanterne.

Budée. Je ne saurois ouir parler de lanterne, que je n'aie le cœur tout gai, à cause d'une que j'achetai l'année passée à la foire de Fontenai. Je ne fis pas un petit acquêt, d'autant que je crois qu'elle est demi sainte, vu le marchand qui me la vendit.

Ciceron. Dites-nous donc un peu cette aventure lanterniere.

Budée. Je le veux, à la charge que vous le tiendrez secret, parce que je suis un peu soupçonné de la huguenotteté; & que pour ceci, il pourroit avenir de la dispute entre nous & nos bons comperes les Suisses, qui veulent que cette affaire soit de leur pays, avenue en la paroisse du sieur Tarould de Vautravers, en la comté de Neuf-châtel. Le colonel Galati le racontant au roi, en juroit & affermoit la vérité, la protestant sur sa braguette: & moi je ne veux point de disputes; j'en parle au vrai. Il y avoit un certain M. de la Tour, ministre en ce Poitou, lequel, par hazard, comme le diable est subtil à séduire les enfans de dieu, ayant avisé une belle femme qui ne lui appartenoit pas, & qui avoit pere & mere, il la convoita, suivant l'intention du canon 17 du 1174 concile, qui démontre que la fille d'autrui n'est point défendue: parquoi il la besogna toute vive. J'eusse pu dire: oublia son devoir & sa charge, si que induement, il l'accoutra naturellement, charnellement, & comme vous pourriez dire, individuement, pour l'instant de la conjonction réciproque & mutuelle; mais je hais ces paraphrases: il faut donner dedans; il commit adultere. Ce qu'étant connu du consistoire, il fut corrigé & averti fraternellement, dont il ne tint compte, parce qu'il continua tellement, que le scandale fut grand, & fut passé par les consistoires, puis par le synode, & enfin déposé, comme un pot en tas; & lors fut inventé le jeu au ministre dépouillé. La triste condition de M. Jacques de la Tour le mit presque au désespoir: toutefois il eut meilleur cœur. Il ne voulut pas se donner au diable après son âne, ni jetter le manche après les écourgées, comme font les petits garçons qui fouettent le sabot; mais s'avisa de trafiquer & faire profiter si peu d'argent qu'il avoit de ses commodités passées. Il se mit donc à faire la marchandise, & profitant un peu, il fut affriandé de venir aux foires. Ainsi il se trouva à celle de Fontenai, avec beaucoup de marchandises; & entr'autres grande quantité de lanternes. Nous y fûmes avec bonne & joyeuse troupe de gentilshommes du pays. Me promenant, j'apperçus ce marchand, & le considérai fort, parce qu'il m'étoit avis que je l'avois vu autre part. Je le dis aux autres, qui de même en pensoient comme moi. Ainsi que nous doutions, & le trouvions de bonne façon pour un lanternier, & que déja nous nous étions entredit qu'il ressembloit au ministre déposé, il s'apperçut que nous le regardions. Alors approchant, le Fouilloux lui demanda: mon maître, mon ami, n'êtes-vous point parent de ce ministre, qui fut déposé à l'autre synode à Adonques, sans s'émouvoir, il dit: c'est moi qui suis celui que vous dites. Et pourquoi? Et comment est-il avenu qu'aujourd'hui vous êtes marchand de lanternes? O, ho, dit il, & pourquoi non? Je vous les ai autrefois prêchées; maintenant je vous les vends. Cela fut cause que j'en achetai une, parce qu'elle venoit de telle main. Il ne se peut qu'elle ne soit ou ne devienne lanterne cabalistique ou archimistique.

Badius. Tout beau! vous blasphémez en deux intentions. Ce grec vous trouble. Cabalistique ou cavalistique ne vient pas de cavalerie. Il ne faut donc pas parler d'ânerie qu'à propos. Davantage, il convient dire sobrement, discourant des lanternes, pource que lanterne se prend souvent pour lumiere ecclésiastique, comme grue pour évêque: témoin Cassander, en son recueil qu'il a fait des comparaisons, au titre du moyen d'accorder les religions, nommant le premier ministre de Strasbourg, le grand lanternier d'ubiquité.

Budée. Or vous parlez selon votre intelligence; & m'accusez bientôt: c'est ce froc qui vous échauffe. Si vous étiez mon ami, je dirois: qui vous rend impudent & intolérable. Et de fait, prenez le plus simple homme du monde, qui soit honteux, comme une fille de chambre qui a chié dans sa chemise; jettez-lui un froc sur les épaules? vous le verrez incontinent devenir hagard, hardi & effronté. Mais, ô l'ami, je vous épargne; la doctrine vous a civilisé.

Badius. Puisqu'il est question de tout dire, à cause que nous sommes ici en vérité, comme ceux du monde sont en faux, il est nécessaire de confesser que vous avez raison; votre chevau baille.

Budée. Ha, ha, chevau; vous ai-je acheté pour me mordre? Or bien il y avoit, de mon tems, (vous savez que j'ai été nourri page au couvent de Cormeri) un personnage de Tours, qui nourrissoit un sien fils tant sage, humble, doux & retiré que merveilles. Il étoit sons cesse à genoux, & n'y avoit moyen de le distraire de sa dévotion. Son pere, qui l'aimoit, ne le vouloit aucunement contraindre; mais le gratifioit en tout. Parquoi, le voyant de ce naturel, à sa requête, (je dis de ce fils) il le mit moine chez nous. Il n'y fut pas deux mois & demi, trois jours & sept heures, qu'il ne devint pire qu'un diable. Il fut tout métamorphosé. Il frappoit l'un; il poussoit l'autre; chioit en notre chemin, pour nous faire tomber; vomissoit, pour nous décourager; petoit, pour nous faire rire; faisoit la grimace durant le service, pour nous faire rougir; se levoit tard, pour nous faire enrager; faisoit le rabas toute la nuit, pour faire miracle: bref il devint si insolent, que, contraints, & n'en pouvant venir à bout, en avertîmes le pere, qui le vint voir, & lui remontra sur ce qu'il avoit changé de vie, qui autrefois étoit tant douce & humble. Attendez, dit-il, mon pere; je reviens à vous. Il va prendre un mouton mignon, qui étoit au préau, & l'enveloppa de son froc: puis vint à son pere, & le lui montra. Ce mouton bondissoit, sautoit, faisoit l'enragé. Et bien, mon pere, que dites-vous de cela? J'étois jadis un mouton, comme celui-là; aujourd'hui j'ai le froc, qui me fait ainsi petiller. Et bon jour; pourvoyez-y.

Gorreus. Vraiment, frere, ce discours m'a autant fait rire, que me fit ma lanterne intellectuelle, à propos de celle de notre ami; & croyez-moi que j'en ris de bon foie.

Fernel. Pourquoi d'aussi bon foie!

Gorreus. Parce que, selon votre doctrine, au livre de abditis rerum causis, où vous deviez mettre effectis, d'autant que vous ne parlez aucunement des causes, mais des effets, il faut considérer cette belle vente de foie qui palpille imperceptiblement, & excite les mélodies de la joie, d'autant qu'il fait désirer le dîner, & le rire, étant les orgues de liesse. Partant, ayant le foie doucement relevé, je ris encore de ma lanterne, dont l'occasion fut. Je fais ce conte pour les pédans, afin que chacun trouve ici de quoi pour soi, & que tout le monde connoisse, & sache qu'il n'y a rien d'oublié, s'il n'est trop ceci ou cela.

Livre de Raison.

XXVI. J'enseignois, en ma maison, des jeunes gens, lesquels je faisois dégrossir par Glareau. Un jour, que ce précepteur n'y étoit pas, il avint que, sans y penser, je surpris ces enfans jouant. A l'instant qu'ils me virent, chacun d'eux s'en fut à son livre. Il y en eut un que je choisis, d'autant qu'il étoit Breton, & avoit jetté la vue sur son livre. Je lui dis: quid agis? Studeo, domine. Quid? Lectionem. Or çà, où est cette belle leçon? In oratione pro Murenâ. Voilà qui va bien: or sus, qu'est-ce à dire Murena? Il se leva, & tournant son bonnet sur les doigts, le rouloit, en songeant creux, comme une pinte bridée; il avoit les yeux jusques dedans l'intention. Je lui commandai de se tenir coi, & de répondre hardiment à cela. Il se tint joint comme une pantoufle neuve, écoutant si quelqu'un lui souffleroit au cul; comme de fait, il y en avoit un, qui, lui bourdonnant de loin, l'avertissoit, & lui disoit un mot qu'il ne pouvoit tout comprendre, il n'en oyoit qu'une syllabe, encore qu'il y apportât une ferme attention, pour l'unir au reste. Ce souffleur lui crioit tout bas: une lamproie. Là, dis-je, hardiment. Toujours prêtant l'oreille, il me dit, en coulant sa parole à corde avalée: une lan. Achevez, courage, dites assurément. Lors le pauvre petit, qui n'avoit pas l'intelligence plus aiguisée qu'un fallot, va dire tout haut: une lanterne, domine.

De Cusa. Est-ce là cette belle lanterne, qui nous doit éclairer? Sera-ce elle, qui nous apprendra l'intelligence & solution de ce qui est proposé de l'excellence des écritures?

Linacre. M. le cardinal, les Bohémiens s'en recommandent à vos bonnes garces, (j'ai la langue fourchante & andistrofante; je dis graces) pour l'amour d'eux avec votre congelé, (j'ai cuidé dire congé; comme Busbeckius Allemand, qui, disant adieu à la reine d'Angleterre, voulant le dire en françois, proféra: mon dame, je prendre congelé). Je vous dirai que tout sera su; faisons un peu renfiler le discours, & réveillons ce bon homme, qui n'y pense plus.

Tostatus. Vraiment, je vous écoutois. Mais, puisque j'y suis remis, sachez, s'il vous plaît, qu'après, ou aussi-tôt, ou environ le tems, (ce fut, quand ce fut) que le concile de Trente fut publié; je ne dis pas celui de monsieur le Grangier, qui est intitulé le concile de xxx.

Bucanan. Je vous prie, ne parlons ni en bien ni en mal des ecclésiastiques; laissons-les là sans les draper, comme les hérétiques qui ne savent faire un bon conte, s'il n'y a quelque moine, prêtre, ou ministre sur le métier. Si, bien; je voulois dire les rangs. Vous voilà bien ahuris, pour une parole.

Rufin. Laissez à part ces remontrances. Nous sommes ici en liberté. Nul ne parle céans pour scandaliser, mais pour édifier & corriger, s'il est besoin. Et de fait, ces préceptes tant beaux, & ces enseignemens si justes feront plus de gens de bien, que tous ces sermons ensemble de ces fagoteux d'éloquence, qui, sous ombre d'être humbles, avalent la gloire, comme un Allemand, qui, par humilité, fait carroux contre deux Suisses.

Macrobe. Or là avant, n'épargnons personne; aussi bien tous ont failli. Les prêtres ont accusé Jésus-Christ; les gens de justice l'ont condamné; les ministres l'ont fouetté; le peuple l'a injurié; les passans se sont moqués de lui; les gens-d'armes l'ont crucifié. Il n'y a que les pauvres femmes qui l'ont pleuré, & ainsi ont trouvé le moyen de parvenir, sans quoi elles seroient trop dévergondées. Pour mieux faire, laissons tels sophistes au diable: aussi bien, il y a de nouveaux imposteurs qui disent que ministre signifie boureau. Ainsi il n'y aura que le pape qui ne soit boureau, à cause que, comme il est en nos heures, celui qui répond à la messe est dit ministre: par-là, il n'y auroit évêque, prêtre, ni clerc, qui ne fût de ce beau métier.

Rufin. Acheve, mon petit compere, acheve; tu eusses été pape, sans que tu avois été marié à deux veuves.

Tostatus. Taisez-vous donques, & me laissez dire. Es pays du roi d'Espagne, où l'on parle françois, demeuroit messire Imbert Chapotel, prêtre, qui avoit de beaux & grands bénéfices: entr'autres, il tenoit le prieuré de St. Commode, dont il falloit qu'il se défît, parce qu'il n'étoit pas animal susceptible de tous bénéfices compatibles & incompatibles.

Proclus. Quel animal est-ce?

Panorme. C'est un cardinal: dieu sauve la chrétienté.

Proclus. Et qu'est-ce que vous dites?

Panorme. Poursuivez.

Tostatus. Il sentoit une future grande incommodité, de la désaisie de ce prieuré tant bon, & qui lui aidoit & aux siens à faire commodément la soulée, pour donner le reste, dont il n'avoit cure, aux pauvres. Et de fait, il étoit aussi libéral que notre évêque, qui donnera plutôt un écu à une garce, qu'un denier à un pauvre. Or ce qui est bon à prendre, n'est point bon à rendre. Les hérétiques disent au contraire: hé, pauvres bêtes, qu'y a-t-il au monde de plus fâcheux, que de rendre? Donc il étoit fâché de se séparer de ce bénéfice, bien qu'il fût la moindre de ses pieces: & de fait, il eût été un grand sot, voire un archisot, s'il se fût défait du meilleur, & encore plus sot par nature, voire par toutes les quatre clefs de musique.

Orlande. Vous errez, monsieur le théologien de beurre; vous fondrez sur le moine i. le réchaux. Il n'y a que trois clefs en la musique.

Macrobe. Qui m'a amené ce chantre dans la seconde chambre d'enfer? Va, bestiau mon govial; sais-tu point que l'église ne peut faillir? Se peut-il faire que vous, qui avez tant bu en Allemagne, depuis que j'en suis parti, ne sachiez pas les clefs de votre métier. Allez à l'école; & sachez, apprenez, entendez & notez, comme monsieur de Beze me l'apprit, que la quatrieme clef fondamentale des trois clefs communes, de la divine douce, humaine & sainte harmonie, est la bonne clef de la cave; c'est la sainte & harmonieuse clef, c'est la fidele & parfaite. Mais c'est assez, il faut tenir secret le reste, que ces enfans de chœur n'aillent tout boire. Or un jour, une nuit, un soir, un matin, (c'est le commencement d'un conte. Ainsi disoit ma cousine à ma tante, dites-nous un conte. Et bien, dit-elle, je le vous dirai. Un jour il avint que ma mere grande nous fit un conte de Robin mon oncle, qui chia à l'âtre; sa femme y tâte, pensant que ce fût pâte, trouva que c'étoit merde, mâche.

Parabole.

XXVII. Eh bien!) un jeune écolier pourvu assez honnêtement ès ordres & lettres, prévoyant sa fortune, sut la future défaite du prieuré; par quoi il va s'adresser à messire Imbert, devant lequel, ouvrant la bouche, il décliqueta de la langue un beau petit paillard discours, regraté sur le droit de bienséance & de devoir, & lui manifesta son intention, qui étoit d'avoir & obtenir le bénéfice, s'il lui étoit agréable. Hé bien, mon ami, dites-moi premiérement, êtes-vous prêtre? Oui, monsieur. Or donc, messire alterutrum, il vous faut ouïr parler.

Plotin. Pourquoi l'appelloit-il alterutrum?

Durandus. Parce qu'il est écrit: confitemini alterutrum, c'est-à-dire, confessez-vous au prêtre.

Marot. Si j'avois dit cela, je serois gâté, ainsi tout est permis aux docteurs.

Genebrard. Foutin, laissez dire ce docteur, ou vous en allez faire brûler en Espagne. Vraiment vous avez tort, vous ennuyez ce pauvre homme par vos interruptions; il en est si dépit, qu'il en retort les mâchoires, comme un official fâché.

Tostatus. Je pense que vous ne me tenez pour quelque dictateur de moutardier. Or, écoutez-moi, ou prenez le chemin d'aller à tous les diables. Messire Imbert oit la requête du prétendant, duquel ayant savouré les propos avec les oreilles, lui dit: je ne puis mettre ce bénéfice entre les mains d'aucun, s'il n'entend les écritures, afin qu'il en soit trouvé capable. Pour donc savoir si vous entendez les écritures, dites-moi qui étoit le pere de Melchisedech? le clerc répond: monsieur! Saint Paul montre qu'il étoit sans pere, sans génération. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, lourdaut mon ami, je sais cela avant vous; répondez à ce que je vous demande. Je ne le sais pas. Aussi n'aurez-vous pas le bénéfice. Cettui-ci s'en alla; & en vint un autre qui en avoit ouï parler. Ce nouveau venu étoit désalé, comme le commis d'un banquier. Il vint devant messire Imbert, lui faisant la discrete demande, pour obtenir le prieuré de S. Commode. Messire Imbert lui fit la question: entendez-vous les écritures! Oui, monsieur. Qui étoit le pere de Melchisedech? Alors le clerc dit, Gratian le démontre aisément comme cela, disputant contre les simoniaques. Ce que disant, il tira de sa pochette droite une belle bourse, où il y avoit cinq cents écus en or, & ce en bons termes. Donques, monsieur; voyez ce symbole philosopho-prophétique: voici le pere de Melchisedech. Et faisant de même de l'autre main; tire de sa pochette encore une autre bourse pleine de beaux écus au soleil, & dit: voilà la mere. Et afin que vous sachiez qu'il est vrai, mettant main droite en son sein, tira quelques soixante écus, & proférant, en les coulant vers la chambriere qui étoit au bout de la table, comme celles des chanoines ont accoutumé: ce sont ici les enfans. Ha, ha, ha, dit messire Imbert, c'est pratiquer la quatrieme figure de dialectique, en dépit de Galien. Et bien, dit le clerc, monsieur mon bienfaiteur, mon bon Mécénas, n'est-ce pas faire un diadême de racines de chaussepied, que de parler ainsi à ces sots? C'est docere; c'est expliquer le latin du chapitre recitas docendo. i. qu'il soit reçu en payant. Et bien, mon bon ami, dit messire Imbert, il faut que tu aies le bénéfice. Vraiement vous êtes docte; vous êtes en danger d'être un jour, pape. Vous aurez le bénéfice; votre doctrine vous l'adjuge. Il ne faudroit, à la vérité, que vous seul, pour faire tomber toute théologie en démonstration, en dépit de Raimond-Lulle. Que nous serions heureux, si on résolvoit ainsi tous argumens! Nous serions incontinent d'accord; toutes hérésies seroient englouties.

Fen.

XXVIII. Quand tout est dit, vêpres sont dites. Nous étions en grande pensée pour une telle affaire, & ne savions qu'en juger, sans l'Escot, qui nous ôta de peine, nous prouvant que c'est un bienfait méritoire, bailler de l'argent pour avoir un bénéfice: primo, d'autant qu'on n'en donne plus; secundo, on baille de l'argent à un maître, pour le servir; item, on s'incommode pour se châtrer, & c'est le poinct du mérite parfait.

Bacon. Le chapelain d'une Angloise se fit Châtrer, parce que l'on avoit opinion qu'il la travailloit. En après, on tire sa pénitence, d'autant que l'on jeûne pour en ramasser d'autres; & c'est ici le poinct d'honneur que messire Imbert entendoit fort bien; comme étant des plus grands théologiens; & de fait il étoit carme dispensé.

De Cusa. Et pour être carme, qu'en est-il?

Bacon. O, ho, & ne savez-vous pas qui sont les plus excellens théologiens? Ne sont-ce pas les carmes, comme dit le sage Caton? Si deus est animus, nobis ut carmina dicunt. Carmina, sont les carmes qui parlent de dieu: ergo, il est vrai. Il y eut un docteur en notre compagnie, qui voulut se formaliser; & jurant, il écumoit comme un verrat. Nous, qui voulions la paix, le fîmes bravement sortir. Sœur Jeanne en fut si aise, qu'elle en rit encore, & nous dit: que je suis aise que ce gros coquebin là est hors de céans!

Varro. Quoi, belle dame, & qu'est-ce que coquebin?

Sœur Jeanne. Ce que les Tourangeaux appellent coquebin; les Angevins le nomment jagois, & à Paris les femmes le huchent bringuenel.

Varro. Quelle sorte de personne est-ce?

Hermès. On nomme ainsi ceux qui n'ont point vu le con de leur femme, ou de leur garce. Le pauvre valet de chez nous n'étoit donc pas coquebin; il eut beau le voir.

Varro. Quand?

Hermès. Attendez. Etant en fiançailles, il vouloit prendre le cas de sa fiancée: elle ne le vouloit pas; il faisoit le malade, & elle lui demandoit: qu'y a-t-il, mon ami? Hélas! ma mie, je suis si malade, que je n'en puis plus; je mourrai, si je ne vois ton cas. Vraiment voire, dit-elle. Hélas! oui, si je l'avois vu, je guérirois. Elle ne le lui voulut point montrer. A la fin, ils furent mariés. Il avint, trois ou quatre mois après, qu'il fut fort malade; & il envoya sa femme au médecin, pour porter de son eau. En allant, elle s'avisa de ce qu'il lui avoit dit en fiançailles. Elle retourna vîtement, & se vint mettre sur le lit; puis levant cote & chemise, lui présenta son cela en belle vue, & lui disoit: Jean, regarde le con, & te guéris. Mais que devint ce docteur! Nous le chassâmes & envoyâmes à tous les diables, où il trouva des soldats qui lui firent comme nous fîmes faire au diable de S. Martin de Tours.

Le Trevisan. Que lui fit-on à ce pauvre diable?

Hermès. Je m'en rapporte au vieil chantre de leur église, qui eut la commission de le faire châtrer.

Varro. Dites-nous ce que c'est, de grace.

Hermès. Voilà messire Gilles, qui est dignité de là dedans; qu'il vous en fasse le conte.

Chapitre général.

XXIX. Tous l'en prierent. Adonques il dit: ô belles pensées, gracieuses cervelles, nous sommes ici comme chez le roi Assuerus. La liberté nous sert de guide, comme la senteur pour aller au retrait; chacun dit & fait ici ce qu'il veut & peut. Mais avant que passer outre, dit le bon homme Scaliger, pourquoi est-ce que, quand quelqu'un s'en est fui, on dit, il a fait gille.

Protagoras. C'est parce que Saint Gilles s'enfuit de son pays, & se cacha de peur d'être fait roi.

Epaminondas. Oh, de par plus de cinq cents mille cornes de cocu, j'aimerois mieux être roi qu'hermite. Et quoi, il y a tant de gens qui se donnent au diable, poil & tout, pour devenir grands, & il y en a d'autres qui, sous le voile de religion, faisant un affront à la fortune, contristent le bonheur! Foin, je ne passerai point outre; je ne me rendrai jamais en communauté que de princes & grands seigneurs, d'autant que je n'ai point le cœur à la caimanderie. J'en sais bon gré à ce bon cordelier frere Hugonis, qui au commencement de l'établissement des capucins, se fâchoit de leur future pauvreté, & tout en colere, nous dit: si nous, qui avons le diable au corps, ne pouvons vivre, que feront enfin ces pauvres gens?

Messire Gilles. Or sus: c'est assez, paix, vous en diriez trop; vous ne vaudrez jamais rien.

Epaminondas. Pour le moins, je suis aussi bon qu'une femme.

Messire Gilles. Oui, qu'une mauvaise, c'est tout un. Elles sont toutes bonnes: si elles ne sont bonnes à dieu, elles sont bonnes au diable. Or paix, encore un coup, écoutez. Des personnes de bien avoient fait faire une image de saint Michel en notre église; en quoi le sculpteur avoit suivi la commune opinion des autres, ayant fait l'ange en vrai ange, & le diable comme un vrai diable d'enfer; mais parce qu'il n'étoit pas bien informé des résolutions de nos docteurs, il commit hérésie; à quoi sont sujets les pauvres sculpteurs, peintres, libraires, orfévres, & tels gens qui savent tout. J'excepte ceux qui ne s'accoûtrent guere de religion, lesquels sont pour l'enfer. Cet ouvrier fit saint Michel couvert en endroits douillets, ayant une cotte-d'armes, & ses bonnes aîles des fêtes, & un gros bâton de la croix, aussi gros que celui de Cîteaux: & sous ses pieds étoit couché le diable tout nud, qui n'avoit que le cul les dents & les griffes: c'étoit bien pour faire miracle. Il falloit plutôt armer le diable de toutes pieces, à l'avantage, à l'épreuve du canon, ayant la porte-piece, le haut appareil, bref tout le fait, ainsi que les preux armés à la payenne; & faire l'ange tout nud, avec une robe de Quasimodo. Je ne suis fâché que d'une chose; c'est que l'ange ne tuât le diable tout tué. Quoi! de laisser aller tel ennemi sur sa foi? Je n'aurois garde si je le tenois. Or, l'ouvrier, pour n'avoir étudié qu'au ciseau & au maillet, alloit suivant le grand chemin, comme un beau jeune pélerin qui revient. Le diable, comme vous savez, étoit couché sur les reims, & levoit les jambes en haut, si qu'il montra son composé de deux grosses fesses de provision.

Silvius. Etoit-ce plate peinture, ou bosse?

Messire Gilles. Que vous avez la tête dure! Ne vous ai-je pas parlé d'un sculpteur? (Si j'eusse dit comme la reine des pois pilés, vous eussiez eu occasion. Un jour cet ouvrier étoit chez elle, & m'en parlant, elle me dit: j'ai céans le meilleur culteur du monde). Je vous dis que cette figure étoit en bosse, & non si grande que ne l'eussiez bien portée; à savoir l'ange entre vos bras, & le diable à votre cou. Ce diable, se défendant, paroissoit à cul vu, & montroit deux gros dintiers, comme pommes de caspendu, en la forme de beaux gros couillons pourtraits de naturel. Un jour que le vieux chantre de l'église dînoit chez moi, le baron notre ami lui fit la guerre de ce diable endidime, qui étoit chose moult honteuse à voir aux yeux délicats de ces pudiques filles. Le bon homme rioit, & remarquoit ce qu'il lui disoit; & si bien, qu'après être sorti, il alla à l'église voir s'il étoit vrai. Ayant vu cette vérité, il fit assembler la compagnie, remontrant que les hérétiques auroient occasion de contaminer le prétoire, si on ne prenoit garde à ce dont il faisoit plainte, sur le sujet des trébillons de ce diable. Le tout fut remis au prochain chapitre, auquel, le fait vérifié, commissaires, dont il fut l'un, furent nommés, pour monocordialement, selon la conclusion, châtrer le diable. Le bon homme fut avoué des autres; ainsi il se transporta, dès l'après-dînée, sur le lieu, & mit à exécution la charge, menant le sculpteur sur le lieu, faisant entendre l'intention de messieurs, en lui interprétant la clause de la conclusion, laquelle étoit en latin de chapitre, en ces mots: coupibus couillibus rasibus du culibus à diabolus. Et cela entendu, lui dit: frere mon ami, faites votre état. L'ouvrier sarcla ces horribles verues, qui exhorbitamment faisoient démanger le cul au diable; lequel par la réale, non huguenotique, mais catholique apposition du ferrement, fut visiblement, non imaginairement, châtré, sené & écouillé, au grand préjudice de toute la race diabolique. Je vous assure que les cicatrices y sont encore, & y paroissent oculiquement. Et de cette aventure-là, est avenu qu'on appelle à cette heure ces esprits-là pauvres diables; & de fait, est bien pauvre celui qui n'a plus que ces tristes témoins, & on les lui ôte. Mais de ceci, comme dit Hermès Trimégiste, est avenu un grand malheur. C'est que tels diables ne peuvent plus engendrer par le bas; partant ils engendrent, à cette heure, par le haut toutes les méchantes opinions & hérésies qu'ils vous font concevoir en vos têtes. La chambre de l'édit ayant été importunée de ce désastre, avisa, du tems des apôtres, à remédier à ce malheur, afin de contenter les diables en forme de représailles; tellement que par accord vérifié ès chambres impériales, avec le consentement des Vénitiens & du pape, on bailleroit aux diables de manufacture les couillons d'infinis gros couillaux, qui vivent de l'ombre du crucifix, aussi bien ici qu'en Angleterre. C'est une belle vie, d'autant que leur viande est visible, & non palpable, viande qui grossit ou amenuise, à ce qu'on dit. Mais je n'en crois que le vrai, qui est que, sous cette ombre, il y a de gros coqs d'inde & telles viandes, que l'ombre cachant, on ne nomme que l'apparence. Ainsi les pauvres gens vivent d'ombrages; cela leur passe rasibus du goulier; voire, mais le bon profit ne se dit pas. O belle cabale! Mignons, multipliez les ombres à la venue des lumieres; cela est de droit: à mas ventos, mas vellas; & gai, que je sais de langues! Je vous assure, à ce qu'en dit Carondas, le diable soit le sot; il se fâche que je le nomme. Par dépit de lui, j'en mettrai sous silence plus de trois vingts & dix-sept. Qu'ils s'aillent faire lanterner. Le droit françois déclare que c'est un grand bien que les diables soient châtrés, parce que tels, qui sont doctes, s'amuseront à chercher des caillettes qui leur soient propres, pour les mettre où il y en a faute, afin de récompenser l'intéressé; & ainsi laisseront en paix le monde, restant en quête de trébillons: que les vôtres fussent à vendre!

Rencontre.

XXX. Je te prie, page, laquais, novice, enfant de chœur, lévron de l'antechrist, qui que tu sois, donne-moi à boire, tant j'ai eu de peine à trouver un nom significatif pour dire, devant les filles, les pendloches humaines. Mais dà, quand j'y pense, vous êtes de grosses bêtes, que vous ne m'en avez avisé. L'autre jour, la fille de chambre de ma cousine du Val nous enseigna de les nommer. Notre laquais, venant de Saumur, entra en la cuisine, où la fille de chambre étoit descendue quérir du feu. Le gars contoit qu'il avoit vu grande & pitoyable misere; c'est que ce pauvre marchand, qui, la semaine devant, avoit vendu des hardes à mademoiselle, étoit tombé entre les mains des voleurs, qui lui avoient ôté toute sa marchandise; &, davantage, lui avoient arraché les (il se teut, & n'osa dire tout outre, à cause de cette fille. Il ne fit pas comme Regnard, qui prêchant aux jacobins, & tançant les mangeurs de chair en carême & jours défendus, dit: je voudrois, par fin souhait, que tous ces gourmans fussent sur la montagne de Tarare, avec un quartier de lard pendu aux couilles); après un peu de hésitation, il proféra: ils lui ont arraché les génitoires. Cette fille court en hâte, pour en faire le conte à sa maîtresse; & encore toute hors d'haleine, dit: mademoiselle, le grand malheur! Ces méchans lui ont arraché les histoires. Depuis on a mis en proverbe parmi nos sœurs, que ce qu'on dit faire la pauvreté, ou besogner, est maintenant nommé histoire, en bon françois. Messieurs les peintres, & vous qui entendez le métier, prêtez l'oreille à tout ceci. A ces paroles, voilà messire Guillaume le Vermeil, qui, tout comme en colere, va dire: vous m'avez empêché de faire le conte de madame des Manigances, que vous avez nommée reine des pois pilés, parce qu'à la cour elle étoit bien plus chichement habillée que les autres. Je vous assure véritablement, ainsi que de dire, quand tout est dit; rien, rien, pour néant; ainsi véritablement, comme dit l'autre: ha, ha, laissez-moi dire, basta, basta. Passez, révérend; ainsi je ne mens point; a, a, ces petits diablotins: véritablement vous m'interrompez, r r r a a a, je crie; je le dis ainsi que de dire. Son ouvrier avoit nom maître Nicolas; ce fut lui véritablement, ainsi qu'il fut, oui certes, ou cent mille petits diablotins, sec & au delà, qui fut cause véritablement qu'elle dit ce mot; & Ferchaudiere y étoit.

Egezzippus. Tais-toi, je te prie, pauvre cheval, & bois; tu as la langue si aride, que tu nous lamponneras d'ici à demain. J'y étois. Il est certain que le maître d'hôtel & l'aumônier, qui se nommoit messire René Goulenoire, étoient présens. Et je demandai à ce maître, qui me montroit la cire qu'il avoit ébauchée: maître Nicolas, que ne dépêchez-vous de parfaire le portrait de madame? Il me répond: par ma foi, Monsieur, je la besogne tous les jours; & ne la puis achever.

Diogenes. Voilà parler, cela! Qu'en dites-vous? Que pensez-vous de ces gentillesses? Sont-elles pas de grande édification? Qu'en pensez-vous, Messieurs, qui faites des consciences à prendre mouches, & vieux affamés de vaine réputation? goulus de folle gloire qui vous démange, l'impudence à l'ombre de l'eau, le manique ou tibérine, tandis que vous vous tuez le cœur & le corps à charrier les ames vers la mélancolie, tâchant aussi de nous faire payer la voiture, quand le diable vous emportera; qui séchez de paillarde envie, dont vous regorgez, comme le savon des levres des gueux qui vivent sur le grand trimard? Vous, lourdauts, mes amis du foie, cousins de la rate, & mignons de petites tripes foireuses, ignorez-vous, d'ici à quelques siecles, que ce simpose ne soit, selon son mérite, tenu pour authentique, autant ou plus que toutes les calenderies grecques qui vous font bon ventre, & lesquelles vous croyez sans difficulté, suant jour & nuit après, pour dégaîner une pauvre parole, vous y harassant comme taureaux baniers qui vétellent toutes les vaches d'une paroisse à la rangette? Petits poupeaux de lait, je vous avertis que vieilles folies deviennent sagesses; & les anciens mensonges se transforment en de belles petites vérités, dont vous savez extraire à propos l'essence vivifiante, qui établit vos affaires. A quoi faire, si cela n'est, vous donner tant de peine à griffonner le papier, pour le barbouiller de commentaires sur tant de folies de Poëtes, & Orateurs, & fouilleaucoffres qui les ont écrites en buvant & se riant; & les estimez tant sérieuses, & telles les persuadez aux pifres symbolisans, qui, suivant mêmes friponneries de doctrine que vous, dégénerant; si que, d'hommes qu'ils étoient ou pouvoient être, ils deviennent animaux fantastiques & rêveurs, comme la plupart de nos savans qui sont tant veaux, que les diables, aux heures de récréation, en font des contes pour rire? La plupart, comme tu disois tantôt, de ces gens de lettres, sont de vrais racleurs de savates, ratissant de vieilles antiquailles pour en avoir le verdet; & enfin ils ressemblent à mon chevau.

Cause.

XXXI. Catan. Jean vere, compere, votre chevau bâille.

Diogene. C'est cela, mon ami, jamais ne fut que vieilles gens qui groignissent, & jeunes gens qui s'éjouissent. Belle bouche, beaux yeux, qu'en dites-vous? Esprits de bien, je vous désire santé, & de l'argent. C'est tout; je voudrois que le plus gros & grand de ces censeurs fût tout d'or en ma cave.

Catan. Et bien mon fils, mon ami, voudrois-tu bien avoir ta peau pleine d'écus?

Diogene. Non dà, si ce n'étoit celle de mon chien; ou la tienne, quand je t'aurois acheté.

Catan. Mais encore, ô roi des gueux, lequel aimerois-tu mieux avoir dix mille écus en ta couille, ou mourir de faim, ou être sujet à demander la triste aumône?

Diogene. Va, vieil sorcier; eusses-tu la tienne pleine d'avoine, & une couvée de rats dedans!

Catan. Hé! gros lourdaut, tu ne sais ce que c'est. Je voudrois que le Duc mon bon maître fût en la gueule du loup, & que j'en eusse la peau pleine d'écus; gros soupier, j'entends la peau du loup.

Aristote. N'aurez-vous meshui fait-là? Après, achevez ces histoires. Tu y songes de bien loin. Il souvient toujours à Robin de ses flûtes.

Ciceron. C'est mal parlé, il faut dire à Martine de sa flûte. La cause est qu'un jour elle pissoit roide comme une bougie de cire blanche, & lui fut avis que son cas siffloit. Ha! mon mignon, lui dit-elle, vous sifflez; vous aurez vraiment une flûte.

Thémistocles. Que vous parlez court! Vous faites le Lacédémonien; dites tout.

Aristote. Il ne faut pas dire les secrets, de peur qu'étant publiés, on n'en reconnoisse la vanité. Cependant que l'on ne les entend pas, on est en admiration. Si nous allions tout déclarer clairement ce qui est rare, nous profanerions tout: si nous ne faisons valoir le métier, que sera-ce! Ainsi faut-il, de ces menus propos, faire si bien qu'ils deviennent, selon qu'il est destiné: à savoir, les meilleurs & plus certains axiomes de la vie, contenant & comprenant toute la mouelle de doctrine universelle, sans tant d'arts.

Aratus. C'est là où je vous attendois. Pour un homme sage, vous ne parlez gueres bien.

Porphire. Taisez-vous; j'entends cela mieux que vous, d'autant que vous autres mettez sept arts libéraux; & ils ne le sont pas. Qu'est-ce qu'ils vous donnent par leur libéralité! Il faut dire nobles & libres; apprenez à parler. Il n'y a qu'un art libéral au monde, qui est la vraie octave ou parfait accord entre les bonnes disciplines. Quand vous me parlez d'arts libéraux, il me souvient de ces grosses bêtes de prêcheurs, qui fendent le ventre au diable avec leur libéral arbitre. Que ne disent-ils libre & franc arbitre. Mais, pour vous ôter de peine, je vous déclarerai le vrai art libéral, lequel est unique: c'est l'art de gueuserie. Il est libéral, cettui-là; il s'apprend sans argent; il donne à dîner sans qu'on le paie; c'est le bienheureux art qui nous fait vivre sans soin & sollicitude: c'est lui qui est le centre des arts, ainsi que le sens commun est le centre des six sens naturels. Bienheureux ceux qui le savent & le pratiquent avec honneur.

Appolonius. Tu rêves; il n'y a que cinq sens, & tu dis six.

Porphire. Oui, j'ai dit six.

Appolonius. Et qui est le sixieme?

Porphire. C'est le sens du cul.

Appolonius. Ta male'bosse, vilain gueux.

Porphire. Ne te fâche point; le Curé de ta Paroisse t'en bailla bien davantage. Pour un de ses amis, il fit une recommandation telle en son prône: il y a un honnête homme, qui avoit mis sa cavale enfargée en ses fossés. Messieurs mes Paroissiens, on lui a pris les enfarges avec une serrure à bosse. Il vous prie, Messieurs, de lui rendre lesdits enfarges; &, pour votre peine, de par Dieu, que la bosse vous demeure.

Balduin. Entendoit-il qu'ils l'eussent déja, & qu'ainsi il la leur laissoit, comme un de nos docteurs de Toulouse, qui fit un legs de même à sa femme.

Donat. Comment?

Balduin. En ces pays de droit écrit, un riche docteur, bien malade, avoit fait son testament, & avoit oublié sa femme tout exprès, & sans y penser. Elle s'en plaignit dolentement à ses parens, qui, pour l'amour d'elle, parlerent au testateur, le priant de laisser & donner quelque chose à sa femme. Hé bien, dit-il, faites venir le Notaire. Il étoit pressé: écrivez; je laisse. Hélas! il se meurt, disoit sa femme: hâtez-vous d'écrire, Monsieur le Notaire. Je laisse a a a… Hélas! dites donc, mon ami. Je laisse à ma femme a a a. Là, là, Monsieur, là, courage, pour cette pauvre femme. Je laisse à ma femme bien aimée la plus grosse motte de con qui soit en cette ville.

Donat. Que dit à cela cette pauvre femme?

Balduin. Elle se mit à gronder, comme fait la fille de notre logis, qui est assez belle; mais elle rechigne toujours.

Artémidore. Quoi! cette petite friande-là, est-elle ainsi grondeuse? Il y a du cas-tu en son fait.

Philostrate. Je vous dirai ce mot en passant de la langue, d'autant que je ne bougerai d'ici. Vous reprendrez bien vos propos; & j'ai peur de songer à autre chose, tant j'ai de fantaisies en la tête: prenez garde à ce que je dirai. Ces petites dédaigneuses d'apparence, qui montrent un geste morfondu, qui fait reculer possible pour cheoir. Je ne sais comment le monde va, ou que c'est qu'il y a de caché qu'on ne sait point. J'ai beau me gratter, s'il ne me démange, il me cuit. Ainsi en est-il des filles tant sages. Mais quoi! par leurs actions & gestes, elles signifient enfin qu'il n'en faut point parler, mais chercher l'occasion de le faire, & avec telle dextérité, qu'il n'y paroisse aucunement. Je n'en parle point à celles qui sont sages, & qui ne l'entendent pas, lesquelles, pour tout ce que je dirai, ne s'émouveront aucunement, d'autant que qui n'a point mangé d'avoine, n'entend pas le grand bruit du crible. (J'eusse dit le son; mais les Moines ne m'eussent-ils pas accusé d'hérésie, parce que son appartient aux cloches? Et quand ils oient les cloches, ils disent: voilà la vache qui appelle les veaux.) Enfin, ces friandes grondent de si mauvaise grace, qu'elles semblent n'y présumer aucune douceur, ni espérer délice quelconque; & encore moins font mine d'y reconnoître de la délicatesse.

Sandé. Il vaudroit mieux qu'elles fussent jolies & joyeuses, & qu'elles ne le fissent du tout point, parce que la douceur de le faire est éteinte par leur sottise. Pour conclusion, ces petites bêtes, qui disent: j'aimerois mieux que les chiens l'eussent déchiré; j'aimerois mieux que le diable l'eût éfrondré, se laissent faire à quelques chiens couchans de léchefrite, ou à quelque valet arrogant qui les bat en diable. Il n'est que le faire gai & paillard, par amitié ou rencontre.

Donat. Comme la fille de mon hôtesse. Par sainte Marande, la reconnoissance n'en est pas mauvaise, & vient bien pour mettre avec vos histoires. Un jour cette nicette voulut aller ès nôces dont elle étoit priée. Elle demanda congé à sa mere, qui le lui octroya; moyennant que paragrafiquement, sagement & à propos, elle gardât bien son honneur; ce qu'elle promit de faire fort bien. Elle alla donc, & se mit avec un grand soin de garder son honneur. Toutes les autres dansoient, & elle point, & ne s'osoit approcher de la colation, pour faire de la merde avec les dents comme les autres: elle ne bougeoit du coin de la salle à regarder, & avoit les deux mains sur le bord de son busque, justement au diametre de son intention. J'ai failli; je devois dire le centre où doit passer le diametre qui n'y étoit pas encore. Coipeau, qui l'avisa ainsi merde en vos lippes, (je dis, mélancolique) vint à elle, & lui dit: ça, ma cousine, allons danser. Je n'oserois; j'ai peur de perdre mon honneur; ma mere m'a commandé de le bien tenir. Venez, venez; ne laissez pas de venir. Je n'oserois, de peur de perdre mon honneur. O, ho, dit-il, n'y a-t-il que cela? Venez, cousine; allons ici en cette petite chambre, je vous le coudrai si bien, qu'il ne cherra pas. Il lui dit tout bas; & elle l'entendoit bien clair, parce qu'elle avoit envie de danser: par quoi elle le suivit. Il la poussa contre un coffre; & lui enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes; & lui recousit son honneur, de la sorte qu'on attache la chose aux nouvelles mariées; & l'assura que jamais son honneur ne tomberoit par cette faute-là. Quand ce fut fait, elle vint danser; & n'y avoit que pour elle, étant affriandée. Elle trouva quelque chose à dire à la couture; parquoi elle en demanda encore, si qu'elle en eut jusqu'à trois fois. (C'étoit assez. Voire, voire, je le fis bien vingt-cinq coups en vingt-quatre heures à Madelaine: cinq fois la nuit; & le jour vint.) Il ne le fit pas tant; toutefois elle en étoit toute rejouie. Un peu après qu'elle eut mangé des confitures, & qu'elle n'étoit plus honteuse, elle s'avisa de son honneur, & vint encore à lui, le priant de le recoudre encore un petit. En dà, dit-il, je ne saurois; je n'ai plus de fil. Hé, hé, ce dit-elle, & qu'avez-vous dont fait de ces deux petits pelotons, qui vous pendoient entre les jambes.

Minute.

XXXII. Petronius voulut dire sa ratelée; mais il rengaîna son discours par la bouche, parce que le bon homme notre hôte vint criant tout haut, comme un belier égaré: ça, enfans, ça, ça, messieurs, c'est assez causé, il faut se reposer; à l'Italiano sermo disme. Beuvons & faisons une pause aux discours, & prenons quelque beau sujet, pour nous entretenir d'habits & de toute autre chose. Il ne faut toujours mordre, il faut tuer. J'ai fait fermer la porte; il n'entrera personne céans, nous sommes en liberté; la dispense, i. le verrouil & la barre sont mis à la porte; aucun n'entrera ici, si le diable ne le jette par la cheminée (comme le farfadet de Poissi). Au soir que les belles se retirerent, pour conduire une hôtesse en sa chambre; trois ou quatre avec elles, prêtes de se mettre au lit, devisoient auprès du feu, & par mignardise s'entremontroient leurs cuisses, pour voir qui l'avoit plus belle & plus potelée: ces cuisses étoient belles & mignonnes. Alors le farfadet vint par la cheminée; & après qu'elles eurent comparé leurs cuisses, il s'avança, & en montra une grosse & grande, velue comme celle d'un cheval, & leur dit en s'approchant: & la mienne? Or ça, j'ai apposé & contrôlé la juste dispense & huguenotique, ainsi que nous faisions, à Paris, le carême passé, quand, en pleine taverne, nous faisions le petit exercice de la religion.

Clichtoveus. Qu'est-ce à dire cela?

Le Bon homme. Vous qui savez tous les mysteres sacrés, êtes-vous si bête, que vous ne savez pas ceci, vu qu'il se pratique en de bons cloîtres? C'est que nous clouons, barrons, bouclons & fermons bien la porte, quand (comme ceux de la religion) nous voulons manger de la chair, aux jours défendus. Tel est le petit exercice, d'autant que le grand est d'aller au prêche.

Petronius. Je vous veux apprendre un autre secret, que m'a enseigné Hilaret. Mes amis, ne mangez point de chair, le jours défendus; mais jeûnez: & puis, toute la nuit, faites bonne chere, avec de bonne chair morte & vive. Les nuits ne sont point des jours; partant, point défendus. Un consul étoit de même opinion, quand, durant les treves, il faisoit la guerre de nuit.

Le bon homme. Cette distinction est trop obscure: notre chose vaut mieux; & puis j'ai mis dehors tous ceux qui n'aiment point raillerie. Soyez les biens ventrus; la panse fait l'homme: je vous prie, ça, en liberté. Y a-t-il personne de vous qui ait le ventre tendu, qui veuille aller en purgatoire? Tout est libre & bon en son tems, lieu & endroit. Ce fut un moine de St. Denis, disciple de Genebrard, qui m'apprit à nommer ainsi le privé, parce qu'on s'y purge. Soyez, encore un coup, les bien venus, gens d'honneur, trafiquant sans marchandise, & dont la conscience est profitablement bonne; non scandaleux, non fistons ni sépulcreux, (je cuidois dire scrupuleux) je vous assure & jure que j'aime d'amour ceux qui trouvent tout bon sans sauce, qui jamais ne s'offensent, qui n'enragent point, quand on les corrige, comme fit ce maraut de sergent l'Espinai, qui, à Saumur, faisant panader son cheval, alla à bas bête & tout. La Maugis, le voyant ainsi tombé & à terre, lui dit: en dà, monsieur l'huissier, vous deviez demander ce qu'il vous faut, sans vous baisser si bas. Il en eut si grand dépit, qu'il en devint ladre, & sa postérité.

Amiot. Pourquoi dites-vous monsieur l'huissier? Il étoit sergent de bande.

Le bon homme. Voire, un huissier & un sergent, n'est-ce pas tout un? Il étoit huissier de bande, comme à Orléans le paysan qui, cherchant l'avocat du roi, demandoit monsieur le baillif du roi, parce que, là, un avocat se nomme aussi baillif.

Philon. Je connois ce ladre: c'est lui même qui se presenta derniérement à monsieur le grand aumônier, pour avoir place en ladrerie. Je fus commis pour le visiter, d'autant que vous savez si je m'y dois connoître. Pour voir ce qu'il diroit, je lui dis: mon ami, vous n'êtes pas ladre. Ha, ha, dit-il, monsieur, si dieu plaît, je serai bientôt ladre; à ce renouveau, les boutons me paroîtront assez.

Le bon homme. En dédit de toutes sortes de sots, beuvons, rions: ce sont des accidens de concomitance, liaisons de compagnies, relations légitimes, conséquences d'usufruit: c'est notre part, quand nous y sommes. Et de fait, rire, c'est ce qui contente le plus, & qui coûte le moins. S'il en étoit ainsi de boire, le bon vin ne coûteroit gueres.

Apulée. Hé, couillaud, tu ne t'y entens pas; parce que toujours le vin coutera, & sera cher, quoiqu'il coûte, d'autant qu'il faut payer pour deux, le rire pour l'ame, & le vin pour le corps; & tout sur le vin.

Le bon homme. Là, là, disons bien; & si vous avez envie de trébucher en éloquence, dépêchez vous; coupez broche à toute cette paillardise de bien dire. Disons en bon françois, sans que rien nous échappe: & que savons nous qui nous aviendra, la vérole ou de l'argent? Il ne faut qu'un hazard semblable à celui de la belle fille, qui, le premier coup qu'elle fit, fut guimplée. Beuvons, lavons-nous le cou par dedans; c'est-là. Et si d'aventure nous nous enivrons, pour faire honneur à nos parens, que ce soit selon la remontrance du ministre de Strasbourg, qui, prêchant & remontrant les vices de ses brebis, leur disoit: quand vous dansez, il semble que vous vouliez jetter votre tête aux cieux, & vos jambes aux diables; dansez modestement. Quand vous beuvez, vous gargouillez comme pourceaux; hé! pauvres gens, enivrez-vous, mais que ce soit sobrement; jurez pieusement; maudissez flatteusement; battez mignardement, & paillardez chastement; donnez-vous au diable avec honneur, & éjouissez-vous de tous sujets, sans en abuser. La vieille Perrine, notre servante, avoit raison de dire que ce seroit abuser du vin, de s'en laver la raye d'en bas, avant qu'il eût coulé par celle d'en haut, comme du chausse-pied de tantôt; (ainsi qu'il est noté en la pénultieme page du Talmud) ajoûtant que ce seroit un abus formel, si une femme faisoit de son con un godet, un arbalête à grenouilles, bien qu'il serve à recevoir les queues de grenouilles, lesquelles leur ont été ôtées, pour en faire les choses des hommes, qui, pour cette cause, sont bien aises, & veulent toujours être en de tels marais. Mais pourquoi le con d'une femme est il mâle?

Artemidore. Omne, viro soli quod convenit, esto virile. Les docteurs de Paris l'enseignent ainsi aux écoles. Je vous assure, ô vous qui entendez ceci, qu'il est vrai; & que, comme ce bon pere le dit, il n'y va point de sa faute. (A cela, il beut; & reprit sa parabole, comme Balaam à propos de quoi, c'est-à-dire, de boire). En quel tems le vin est-il meilleur ou bon? Dites, messieurs. C'est, dit l'un, quand on a grand soif. L'autre: c'est en été. Voire, dit frere Anselme, c'est en hiver au soir, quand on s'est bien rôti auprès du feu.

Albert le Grand. Vous n'y êtes pas; c'est quand on le boit, que l'on le jette à poignées dans le corps; & par la sainte ombre du clocher du temple de Salomon, je vous proteste que je suis étonné, même de quelques doctes, & sur-tout de Séneque, qui derniérement nous fêtoyant, & me baillant de ce bon vin de copeaux d'Orléans: frere, me dit-il, voyez si ce vin est bon. Pargoi, j'eusse pu y regarder, d'ici au jour du jugement, que je n'y eusse rien connu de bon. Non, non plus que, si vous étiez barbouillé, ne pourriez le reconnoître vous mirant à mon cul. Et puis il y en a qui disent: tâtez. Il faut dire: goûtez à ce vin, de ce vin, ce vin; beuvez-le, savourez-le: & pource, je me moque de toi, grand viédase Grec, qui desirois avoir le cou long comme une grue, quand tu boiras. Va te faire pancer par mon barbier; & il ne te coûtera rien, à te faire déclarer vrai St. Christophe de pâques fleuries. Ne sais-tu point que, depuis que le vin a joint l'épiglotte, il n'est plus favorable. Il convient, pour bien souhaiter en cette affaire, desirer avoir le palais aussi grand que celui de Paris, & le manche de priape aussi grand qu'une pique tournée comme une trompe de chasseur, afin que, venant à la liqueur arrousante, la douce rosée de nature, le sucre de l'aurore, on sentît une vraie rage de bien, tandis qu'elle passeroit par ces coulis infractueux. Venons au point. Quand est-ce qu'une femme est sage?

Le bon homme. Remettez-le à tantôt que nous aurons beu; aussi bien jamais honnête homme ne besogna par procureur. Tenez ceci secret; & ne le montrez pas à ces maîtres veaux; bran pour eux.

Azoare. Davantage, il y a, comme je le conclus, des pifres équivolans, qui, oyant parler de ce grand simpose, en penseront de biais, comme Jaquette du Mas, qui fit un enfant, sans savoir le nom ni le surnom du pere; de quoi elle étoit fort dolente. Son enfant fut nommé Adam. Un jour qu'elle étoit au sermon, elle ouit le prêcheur qui s'éfiloit d'alléguer l'écriture, & disoit, Adam, ubi es? Cette fillette sortit tout incontinent de là, très-aise de savoir le nom de son fils. On lui avoit dit que les prêcheurs savoient tout; parquoi elle nomma depuis son fils, Adam de Biais. C'est celle qui disputoit l'autre jour à la porte de l'église cathédrale.

Amiot. Qui est l'autre?

Azoare. C'est celle qui vous servoit, quand vous étiez grand aumônier, & que vous fûtes si malade. Elle m'a conté que vous disiez au barbier qui vous pançoit, & vous avoit assuré que vous aviez la vérole: hélas! monsieur Gaspard, mon ami, j'avois toujours prié ce bon dieu qu'il m'en gardât. Et il vous répondit: aussi a-t-il fait, monsieur; il vous a gardé de la plus fine. C'est qu'il falloit que cela passât. Pourquoi est-ce que vous y venez? Les friandes querelloient le fils de Jaquette qui étoit grandet. Voyant ces rixes, il tira sa mere par la robe, & lui dit: ma mere, appellez-la vîtement putain, avant qu'elle vous y appelle. Putain, dit-elle. Tu as menti, fit l'autre; c'est toi qui es une putain; tu as donné la vérole à messieurs. Elle parloit de chanoines.

Auguste. Vraiment, bon homme, c'est bien vous qui êtes allé de biais. Que n'achevez-vous ce que vous avez commencé.

Azoare. Pour votre révérence, bon empereur, je le ferai, d'autant que la barbare opinion de ces veaux d'attache ne pensera pas que nous beuvions & rions. Ils s'intentionneront à gauche, d'autant qu'ils n'approuvent que ce qui prend à leur mêche. Mais que l'aze les quille; & fût-ce celui de Don Rodigue das Yervas.

Sophocles. Pourquoi nommez-vous cettui là?

Azoare. Parce que, quand on le voulut faire inquisiteur, il dit qu'il eût mieux aimé être vendeur de morts aux rats & aux souris.

Remontrance.

XXXIII. Mais cependant que je prendrai un peu de réfection, dites à notre ami Erasme qu'il vous conte l'histoire de Rodigue. Ce que je désire me réfectionner d'un peu de viande & de liqueur, est, que je crains de perdre le devant & le derriere, comme cette abstinente de Confolant. Je m'en rapporte aux médecins. Ça, notre ami, donne-moi un peu de cette vie sans fin; c'est-à-dire de cette langue de bœuf, de ce jambon. Çà, çà, Rabelais, Copus, Anacréon, beuvons, & gai. A savoir si la langue branle, quand on boit; si le troufignon barbotte, quand on pette. Aussi-bien ce causeur nous tiendra longtemps. Que voici un bon chausse-pied! Savez-vous bien pour quoi je me délecte tant à boire? C'est pour ce que j'ai une belle joie, quand il me pleut dans le ventre. Mais ce fou de Flamand se fâchera, si on ne l'écoute.

Cesar. Il n'est pas Flamand.

Azoare. Et que s'en faut-il? N'est-il pas de même crême?

Erasme. Il y a plus de cinquante ans que je n'avois tant parlé sans être écouté. Quand il n'y avoit que moi, on me couroit à force; mais, depuis que les cadenats des sciences furent crochetés, on m'a laissé en croupe; & bien que j'eusse si chaud, que la queue m'en suoit, encore on se mit à courir après ces nouveaux venus, qui, ô bon César, laissent votre latin naïf, pour aller aux cloaques des pédans chercher des mots tous pourris de cuire, & s'en barbouillent le museau. A propos de cela, quel est l'outil de ménage que jamais on ne prête ni emprunte, & si il n'y a guere de maisons où il n'y en ait? Hé gai, dit Saint Glougourde, c'est le bouchon des écuelles, qui fut cause que je fus canonisé: en voici l'occasion. Je faisois la cuisine des cordeliers de Rennes; & je mis: par mégarde, le bouchon des écuelles au pot, où je fis cuire la potée. Cela fit une soupe miraculeuse, sentant le potage des gueux jusques au tiers ciel: au reste, il étoit gras & fluant. Les freres le trouverent si bon, qu'ils en eussent mangé leurs mains jusques aux coudes; les novices, qui en eurent le plus, & le fond, le savourerent. Et parce que cela étoit mêlé de beaucoup d'essence, en devinrent si savans, qu'ils surpasserent leurs maîtres, qui, par envie, en firent mettre trois in pace, que je délivrai, tandis que l'on disoit matines de tripes.

Apulée. Et qu'est-ce que cela?

Alcuin. C'est le déjeûner.

Erasme. Beuvez un trait tout plein, & me laissez dire; ou j'oublierai tout, ou je serai contraint de recommencer comme ma grand'mere, qui tant plus disoit sa patinostre, & moins la savoit, si qu'enfin elle la dit tant & tant, qu'elle l'oubliât. Or je vous dirai des vieilles vétilles françoises & espagnolles, & je draperai sur l'un, aussi-bien que sur l'autre, d'autant que je ne me soucie non plus de l'évangile que de l'épître.

Tritemius. Je ne m'étonne plus, si on a opinion que tu sois hérétique.

Alcuin. Vous n'êtes pas recevable à le dire.

Tritemius. Mieux que vous, qui dites qu'à S. Martin la messe & vêpres ne valent rien, qu'il n'y a que matines qui sont bonnes: parce que tout le gain le plus avantageux y est.

Erasme. Allez; ou vous aurez taloche à la huguenote. Ce n'est ni vous ni moi qui faillons, parlant ainsi. Il n'y a que les commentateurs, qui donnent l'intelligence selon leur dessein. Plusieurs interpretent les écrits & paroles des autres, selon leur sens. Ainsi les moines ivrognes interpretent les épigrammes d'Ænéas Silvius & de Beze, en ivrognerie, les sodomistes, en sodomie; les amoureux en amour; les avaricieux, en richesses; & les doctes, en galantise & bonté, d'autant que tout bon fait bonne digestion: & pour ce que entendiez que je voulois parler bref; l'épître, c'est le roi d'Espagne; l'évangile, c'est le roi de France; d'autant que, devant le pape disant la messe, ils sont diacre & sous-diacre & je dis que je ne me soucie pas de leurs débats, d'autant que, demeurant à Bâle, j'étois chanoine de saint Paul.

Munster. Il n'y a point de chanoine de S. Paul à Bâle.

Erasme. Je ne m'étonne pas, si Thevet te loue, tu es quasi aussi sot que lui. Hé! ne sais-tu pas que je vivois, comme dit S. Paul; & que j'étois chanoine, comme ne l'étant point; & partant, je me délectois à ma fantaisie: & sur cela je répete que, si vétilles françoises étoient emmaillottées de commentaire, comme celles du temps passé, elles auroient plus de graces que toutes les autres, & iroient jusques au ciel de la lune, comme étant de meilleur goût que les grecques, lesquelles puent le vomi d'après souper. Pensez que c'est une belle chose que la généalogie des dieux; & qu'Homere étoit alors bien fin (chut! il est là avec du Bartas qui en conte; il ne nous oit pas) & bien ingénieux; quand parlant de ce beau porcher, il dit qu'il étoit semblable aux dieux. Quels dieux de menue venaison! Il étoit compagnon de ce berger, auquel, en temps de pluie, la raie du cul servoit de goutiere. En toutes ces inventions, il n'y en a point une qui soit tant naïve, que la belle naïveté du berger du Genitoi, qui, se dépitant au temps de pluie, disoit: si je suis jamais roi, alors je garderai mes moutons à cheval.

Azoare. Les méchantes amours me sollicitent tant le fondement, que je vais errant çà là. Mais, pour l'amour de toi, ô grand prince de Rome, duquel Homere prophétisoit tantôt, toi qui l'as miraculisifiée de nouveau, qui as tant baillé à coudre aux Romains, leur ayant tant désenseveli d'éguilles, pour l'honneur & révérence que je te porte, pour ne t'avoir jamais vu ni connu, je poursuivrai mon Rodigue, qui fut gentilhomme signalé, & qui, étant revenu de plusieurs expéditions, où il avoit bien fait en obéissant, puis commandant, pour le service de son roi, & du sien propre, d'autant que ce seroit pour néant sans cette condition, se présenta en cour en cette sorte. Il s'en vint garni de lucances valables d'honneur & d'assurance, ainsi qu'il desiroit paroître devant son prince. Arrivé au château, il sut que le roi n'y étoit pas, ains s'en étoit allé à la chasse. Lui qui a le feu au cul, (bien d'autres l'y ont; & là-dessus, je vous demande, Lipsius, pourquoi les femmes qui aiment le déduit, hantent les gens de cloître?

Suidas. C'est parce qu'elles ont le feu d'enfer ou cul; il faut des couilles bénites pour l'éteindre.)

Azoare. Or bien notre Rodigue avoit le feu au cul; partant il se hâta, d'aller trouver son roi. Il poussa son mulet, pour se diligenter; & de fortune, il rencontra le roi seul, lequel avoit pris le devant, à cause de la poudre. Rodigue, qui ne le connoissoit pas, le salua; & lui demanda où étoit le Roi. Le Roi, qui vit bien qu'il ne le connoissoit point, bien qu'il ressemblât mieux à un fou qu'à un moulin à vent, le laissa en cette opinion. Et puis, qui eût pensé que ce fût le roi? Il n'y a philosophe qui le pût deviner, sinon qu'il sût l'intention de ce prince, qui alloit ainsi seul, de peur que, par le mouvement de la troupe, les atomes de Démocrite ne se vinssent unir à la cire de ses yeux, pour y engendrer quelques roitelets guêpins. Ces deux, comme chevaliers, s'étant entresalués, le roi répondit à Rodigue, qu'il étoit fort loin; &, là-dessus, le pria, par la même usance de courtoisie dont il l'avoit prié, qu'il lui déclarât quel il étoit, & ce qu'il vouloit au roi. Adonc Rodigue lui déclara ses valeurs, ses prétentions, & comme, sur l'attestation de ses bons & signalés services, il venoit prier sa majesté de lui accorder quelque récompense de ses mérites. Et cettui-ci lui dit: si le roi ne vous veut rien donner, que sera-ce! Rien, sinon bien se poede hazer hoder à mi machos, c'est-à-dire, qu'il se fasse saillir à mon mulet. C'est ainsi qu'il trancha le mot, pour lequel les chiens se battent. Le roi passa outre; & Rodigue vint à la troupe, où entendant que le roi étoit passé il y avoit long-tems, il s'achemina avec les autres. Etant arrivé au château, il mit pied à terre, & attacha son cheval à une grille. A cela vous connoissez que ce ne fut pas en France; les pages & les laquais, ou autres affineurs, ne l'eussent pas laissé là, sans le mener boire, de peur des mouches. Le roi étoit à la fenêtre qui le considéroit; & l'ayant fait remarquer à deux gentils-hommes, les envoya lui dire qu'il vînt parler à lui. Ils lui dirent: segnor cavalier, le roi vous demande. Quoi! le roi sait-il bien que je suis venu, moi? Or le roi vouloit voir, s'il seroit constant en son humeur bravache. Rodigue entra, & fit une preude révérence à sa majesté: puis, ayant reconnu que c'étoit le roi qu'il avoit tantôt cru un simple chevalier, auquel il avoit fait cette défonçade de braverie, ne s'étonna point, s'affermit & avança, montrant au roi les attestations qu'il avoit, lesquelles faisoient preuve de son obéissance, valeur & fidélité. Sur quoi il supplia très-humblement le roi: sacrée majesté, vous êtes informé de ma bonté; je vous supplie d'une douce & favorable récompense. Si je ne veux point vous faire une récompense, dit le roi, malgré votre loyauté, que sera-ce? Sacrée majesté, mon mulet est là-bas. Cette parole fut ouie, & non entendue de tous, mais seulement du roi. Ceux qui ne savoient ce que c'étoit, croyoient qu'il avoit dit, comme prêt à monter dessus, & s'en retourner. Mais le roi l'eût pu interpréter ainsi: mon mulet est là-bas, faites-le monter, il vous en donnera une venue.

Galatinus. Je pensois que vous dussiez parler autrement, comme la fille de notre métayer, qui vint un jour trouver ma grand'mere, & lui dit: bon jour, mademâselle. Mon pere vous prie de lui prêter voute taureau, pour donner une vertelée à noute vache. Il vous en rendra autant quand il vous plaira, mademâselle.

César. Que fit le roi à Rodigue?

Azoare. Il lui donna une pension de quatre mille malvedis de rente, & le retint près de sa personne.

Pimander. Voilà; il n'y a que telles gens, qui aient les bonnes graces des grands. Si c'eût été quelqu'homme qui eût eu de la doctrine, on l'eût envoyé rôtir le balai. Il ne faut qu'être effronté, pour obtenir des faveurs: & à dire vrai, c'est pitié absolue, que pour être grand & gagner, il faut ruiner la vertu & le prochain. O quelle misere! que les hommes sont diables aux hommes. Quiconque ne croira point qu'il y ait des diables, qu'il aille au palais & à la cour.

Généalogie.

XXXIV. A la vérité, quand je m'en souviens, n'est-ce pas une grande misere, pour preuve de cette diableté, qu'il ne se trouvera homme, tant vanteur de la piété soit-il, qui veuille acheter un état de secret rechercheur des actions humaines, pour avertir les autres, à ce qu'ils soient garantis du danger, afin qu'ils se détournent de leurs mauvaises voies, & que, s'ils sont enclins à mal faire, ils s'en corrigent dès le commencement, ou s'en abstiennent à l'avenir de peur qu'ils ne tombent en péril! Plutôt, la plus grand part des hommes sont comme chats guetant les souris; & le plus homme de bien en apparence, sera en perpétuelle sentinelle, pour épier si quelqu'un bronche; non pour l'avertir bien & charitablement, mais pour le ruiner. Et pour faire preuve de plus d'impiété prévôtable, on contraint iniquement les autres, & incite à dire, s'ils savent quelque mauvais déportement de leur prochain, afin que l'on l'accable, pour s'engraisser à ses dépens, s'il a moyen de payer les ouvriers. Ainsi plusieurs sont riches du malheur des autres, desquels jamais la faute n'est cachée ou diminuée, ou détournée, ains multipliée abondamment. Or nous ne sommes plus au temps qu'on étoit sauvé par sa faute. Je pense que les bonnes gens qui gémissent sous la tyrannie des gros, seront émus par charité à bien estimer, en nos discours, comme nous découvrons le tombeau de vérité.

Epicarme. Savez-vous bien ce que c'est que vérité?

Q. P. Ne vous en enquêtez point tellement, dit le sage, que vous ne soyez estimé de la secte de Ponce-Pilate. Davantage, je vous avertis, par l'exemple de ce docteur, que nous avons chassé, que vous n'ayez à mettre en avant chose qui puisse être tirée en conséquence contre ce qui est saint, ou à moquerie de ce qui est vénérable. Usons notre temps avec la ponce de bienséance, ou le grès de sagesse; & que cependant notre satyre soit perpétuelle, pour découvrir l'abomination des affaires du mauvais monde.

Pétrarque. Mais de quoi sont composées les affaires du monde?

Quelqu'un. Du bien d'autrui; témoin ce que me dit le Chanoine qui plaidoit contre moi, & pour me tromper, comme c'est la coutume de telles gens, me fit parler d'accord; moi qui allois mon train, comme l'âne des bons-hommes, je lui disois que je ne desirois que la paix; & lui me protestoit qu'il ne vouloit que mon bien. J'en étois content; mais notre servante, qui avoit demeuré chez un Avocat en Cour d'Eglise, me sut bien retirer, me montrant qu'il disoit vrai, qu'il vouloit mon bien pour le mêler avec le sien.

Pétrarque. Voilà qui est bon; mais je demande que c'est qu'affaires du monde.

Paracelse. C'est le moyen de parvenir.

Celsus. Vous nous l'obscurcirez tout, comme vous avez fait la Médecine, en vous vantant, & n'y disant que des ventosités. Je vous prie, amusez-vous à boire; je vous prie, ne vous fâchez point; je vous dirai de belles choses douces, & avec facilité. Le moyen de parvenir comprend tout, & est composé des quatre élémens de piperies, avec leur quinte-essence.

Eraste. C'est une nouvelle philosophie, voire si nouvelle que l'on ne la connoît pas. C'est à ce coup que vous êtes trompé, d'autant qu'il y en a qui la savent bien, & qui se moquent de nous, qui nous amusons à voir des urines, & souffler du charbon; & les autres attrapent les incommodités. Or je vous dirai comment, & ronflerai en axiomes merveilleux. Çà que je tranche des sentences toutes pleines d'abondances mystigoriques; que je vous en donne, non ecclésiastiquement, ni chichement, ni justinia-niaisement; mais libéralement & philosophiquement en charité.

Scot. Ce n'est pas bien fait; il faut vendre la science; & par-là je connois bien que vous n'y entendez rien. A ce mot, Uldric, qui se fâchoit de quoi ce Moine interrompoit Paracelse, lui dit: taisez-vous; vous n'y entendez rien vous-même.

Scot. Si fait; aussi il n'y a science que je ne sache.

Uldric. Vous en avez menti, au respect de Dieu.

Madame. Quoi, qu'est-cela? Voire, & faut-il que les gens doctes vivent ainsi? Buvez, & vous accordez.

Paracelse. Hélas! pardonnez-moi, Madame, ce n'est pas moi qui querelle.

Uldric. Il y a plus d'une heure qu'il me picote, même encore tantôt, m'appellant hérétique pulvérisé; & pour ce si je me fâche, je vous prie, Madame, de croire que j'en ai juste cause, & aussi me vouloir favoriser en ma querelle. Je suis homme de bien, & lui aussi: je ne voudrois pas quereller un méchant, parce que je n'y aurois point d'honneur: mais je lui en veux, d'autant que tantôt il m'a fait une opprobre vergogneuse; & m'a dit une injure que je ne veux, ni ne peux lui remettre.

Scot. Je ne m'étonne plus de rien, puisqu'il s'en souvient. O! soit ce qui en pourra être, je me tais & vous en laisse tout faire; je m'en vais me consoler avec le flacon; je vous fais juge de tout, Madame.

Madame. Et bien, il vous a appellé hérétique; il y a bien de quoi?

Uldric. Oh! que ce n'est pas cela pour si peu, je ne daignerois y penser. Il m'a fait une bien plus grande honte, diffamation & vitupere plus notable.

Madame. Pour vivre en paix & vous accorder, il faut tout dire: là, déclarez ce tort & injure.

Uldric. Madame, je vous prie, c'est tout un; je vous le dirai; il m'a appellé viédaze.

Madame. Que lui avez-vous répondu?

Uldric. Qui vous fouaille, Madame, en bon françois.

Madame. Mais vous, vraiment!

Uldric. Je veux bien, puisqu'il vous plaît; je ne l'eusse su demander plus honnêtement, ni vous plus joyeusement me l'accorder. Ce sera quand il vous plaira, Madame. Employez-moi, tandis que je suis jeune; quand je serai vieil, je n'en pourrai plus. Mais ce démenti que deviendra-t-il. J'entends que ce soit un démenti de Meûnier; un âne le portera. Voire, mais plutôt de papier; je m'en torcherai le cul.

Notice.

XXXV. Le Bon Homme. Te voilà camus, Monsieur Scot: tu as le nez fait comme une truie gruesche. Que diable avois-tu affaire à cet hérétique? Ne sais-tu pas que tels gens sont injurieux comme Papistes & inventifs comme huguenots? Veux-tu que je te die? Il t'avient à les attaquer, comme une truie à dévider de la soie. Laisse-le là; il te feroit devenir aussi cheval, que le mulet du grand Turc. C'est un des malheurs du siecle, que si on veut apprendre quelque bien, on aura infinie peine à se mettre en train. Depuis le temps que nous sommes ici, nous n'avons non plus su entrer en matiere, qu'un coin de beurre en la fente d'un noyer. Nous ne faisons que perdre le temps; je ne m'en soucirois pas, s'il n'y avoit que pour nous. Je plains une infinité de pauvres ames, qui béent, attendant après la doctrine languissante du desir de science: & nous la retenons par nos rencontres, qui seroient aussi bonnes tantôt qu'à cette heure, d'autant que tout ce qui est ici est si bon, qu'il est tout égal, ni meilleur, ni pire, tel en un temps qu'en l'autre. Or bien, puisque vous avez envie de savoir, oyez notre docteur.

Paracelse. Vous saurez, en dépit de vous, que les quatre élémens sont formés d'une même matiere. Regardez comment je commence de belle & bonne grace, comme un apprentif qui retire sa quittance.

Quand maître coût, & putain file,
Petite pratique est en ville.

La premiere matiere est celle dont les ouvriers du monde agissent, sachant élire ce qu'il en faut pour leurs affaires. J'ai honte de proférer ce mot de matiere, à cause de ces médecins qui me regardent, & pensent que je leur veuille proposer le monde malade, pour voir à sa matiere ce qu'il sera; s'il mourra bientôt, ou s'il guérira. Je vous dirai mes enfans, (ainsi vous puis-je nommer, d'autant que je vous adopte par science, & vous engendre par intelligence) que le monde ne s'est point encore vuidé; il n'a point fait de matiere. Savez-vous pas que la matiere se fait seulement, après l'opération de plénitude? Tout ainsi que le monde est beaucoup de fois plus grand que l'homme, qui est le petit monde, & le monde le grand animal corporel: aussi, en proportion, quand il sera plein, & après le tems & juste équivalence, ayant été rempli, rendra sa matiere; attendez ce tems-là, & vous qui jugez de sa durée & future dissipation, & la verrez au juste prognostique de l'éjection qu'il en fera. Ce n'est plus de telle chose que je veux parler: mais en faut avertir le monde, de peur d'inconvénient. Oyez donques que c'est de certains, purs, vrais, saints & justes élémens que je veux dire, lesquels les abstracteurs, falsificateurs, brouillons & hypocrites ont gâtés: & j'en veux à ces trompeurs, pour autant qu'ils me firent perdre ma manuelle, quand j'allai quérir les petites ordres. Aussi je n'ai garde d'y retourner, de peur de tout perdre; encore faut-il vous avertir touchant les abstracteurs, d'autant qu'il y a une sorte. On m'a dit que les plus subtils sont à la Rochelle, parce que c'est une ville maritime; & que là sont abstracteurs de cérémonies, qui se parent bravement de leur sujet, comme entendus philosophes qui levent les accidens de leur substance, sans qu'il y reste cicatrice qui ne soit apparente & manifeste. Je ne sais que j'en dois dire, de peur d'être estimé hérétique; je les laisse donques: mais je hais abondamment les voleurs, qui ont tiré de certains élémens d'une doctrine, que l'antechrist a inventée & supposée, sous lumiere de religion, pour faire une ombre mirlifique. Vous saurez tantôt que c'est, & jugerez que je ne passe point les limites de raison; mais que je galope ces gabeleurs de théologie, qui ne trouvent bon que ce qui quadre à leur paillarde opinion. Il y en a d'autres, qui ont remarqué comme cette cabale avoit ainsi pressuré & fait issir un élément génératif, perpétuellement en similitude, muni d'une fécondité future, & ont fait semblablement en les imitant. Par ainsi, ils ont sublimé, effressuré, & hipocondrillé la jurisprudence: puis après, les plus sages, pour n'être suspects à cause de la robe, ont escarmouché les embuches médecinales; si que, chatouillant le pénil de la médecine, lui ont fait couler le suc du moelleux endroit, ou la parfaite substance chytifre: & par ce moyen le relevant quintessentiellement en apparence magnifique, suivant comme les autres les belles amusoires de jurisdiction, & possession acquise, ont mêlé avec les médicamens l'œuvre parfait de benoîte extraction; si que les méchans ayant passé par leurs mains, & goûté du brouet d'andouille, ont forcené d'amour après cette invention; tellement qu'ils ont dignifié leur état comme les autres, & contrepassant par l'étamine, & suivant les commentateurs des ruses soporiférantes, le scandale forfantesque avec grands labeurs & risques, ont trouvé la quintessence nécessaire, dont il est tant fait d'état entre ceux qui veulent parvenir. Et parce que par quelquefois boire ensemble, ou deviser, on se joint les uns aux autres, la fréquentation étant la soudure des volontés, il est avenu que toutes ces quatre essences sont mêlées ainsi que les opérateurs se sont assemblés; tellement que, messieurs ayant pris conseil & étant assemblés, ils ont fait, (je ne saurois dire ce mot des Apôtres; aidez-moi à le trouver; c'est un… Je l'ai trouvé; qu'au diantre soit le harnois, tant il m'a coûté à fourbir; c'est un symbole) ainsi chacun apportant son symbole, ils furent joints ensemble, comme la mie à la croûte. Donques de ces élémens unis, joints, assemblés, tirés, faits, extraits, proposés, trouvés, animés, & accomplis, a été construit, bâti, établi, composé, compli, balancé & accommodé le monde pipeur par ces élémens de piperie; & ce monde a été rendu complet en toutes ses parties, avec faculté perpétuelle de se régénérer, sans dissipation d'esprits, & par le mélange mystigorieux des forces & puissances qui y sont contenues. L'exercice a causé merveilles au progrès infini de l'univers pipeux. Mais vous m'aguettez, pour voir si je serai aussi ignorant, que ceux qui disent que le soleil n'est pas chaud: & je voudrois que tels me pussent prouver qu'ils n'eussent point le trou de cul puant, sans qu'on y fleurât. Même ils disent que la neige n'est pas blanche; que les étrons ne sont vifs ni morts; que la pluie ne chet pas; mais qu'elle monte vers le centre de la terre. Ils en disputent gaîment, & ne savent pas pourquoi les bœufs se couchent. A jan, grosse bête, c'est parce qu'ils ne se peuvent asseoir. Je me garderai bien de vous; & ferai si bien, que vous jugerez que je suis assez docte. Or ça n'est-il pas vrai? ne me voulez-vous pas attrapper sur la quintessence? Je vous satisferai, & vous la montrerai au doigt & à l'œil.

Nicander. Il est vrai, notre ami, c'est-là; & je voulois considérer si votre analogie seroit parfaite.

L'autre. Mort aux rats, aux souris & aux guêpes, c'est s'y entendre cela, comme un rossignol à crier de la moutarde. Or là, laissez-moi achever; mon analogie sera parfaite; écoutez, j'ai repris mon propos par le bord de sa robe.

Fin du Tome premier.





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François Béroalde de Verville

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trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
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including legal fees, that arise directly or indirectly from any of
the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this
or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or
additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any
Defect you cause.

Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm

Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
electronic works in formats readable by the widest variety of
computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It
exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations
from people in all walks of life.

Volunteers and financial support to provide volunteers with the
assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
and permanent future for Project Gutenberg-tm and future
generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see
Sections 3 and 4 and the Foundation information page at
www.gutenberg.org



Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation

The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by
U.S. federal laws and your state's laws.

The Foundation's principal office is in Fairbanks, Alaska, with the
mailing address: PO Box 750175, Fairbanks, AK 99775, but its
volunteers and employees are scattered throughout numerous
locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt
Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to
date contact information can be found at the Foundation's web site and
official page at www.gutenberg.org/contact

For additional contact information:

    Dr. Gregory B. Newby
    Chief Executive and Director
    gbnewby@pglaf.org

Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
Literary Archive Foundation

Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
spread public support and donations to carry out its mission of
increasing the number of public domain and licensed works that can be
freely distributed in machine readable form accessible by the widest
array of equipment including outdated equipment. Many small donations
($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
status with the IRS.

The Foundation is committed to complying with the laws regulating
charities and charitable donations in all 50 states of the United
States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
with these requirements. We do not solicit donations in locations
where we have not received written confirmation of compliance. To SEND
DONATIONS or determine the status of compliance for any particular
state visit www.gutenberg.org/donate

While we cannot and do not solicit contributions from states where we
have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
against accepting unsolicited donations from donors in such states who
approach us with offers to donate.

International donations are gratefully accepted, but we cannot make
any statements concerning tax treatment of donations received from
outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.

Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
ways including checks, online payments and credit card donations. To
donate, please visit: www.gutenberg.org/donate

Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works.

Professor Michael S. Hart was the originator of the Project
Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be
freely shared with anyone. For forty years, he produced and
distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of
volunteer support.

Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in
the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not
necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper
edition.

Most people start at our Web site which has the main PG search
facility: www.gutenberg.org

This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
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