The Project Gutenberg eBook of Le debat de Cuidier et de Fortune

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Title: Le debat de Cuidier et de Fortune

Author: Olivier de La Marche

Release date: December 7, 2025 [eBook #77414]

Language: French

Original publication: Valenciennes: Jehan de Liège, 1500

Credits: Laurent Vogel (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE DEBAT DE CUIDIER ET DE FORTUNE ***

Le debat de Cuidier et de Fortune composé par messire Olivier de la marche lui estant prisonnier de la journee de nansi.

Par ung matin ainsi qu’on se resveille
N’a pas loing temps qu’en repos traveilloye
Fantasiant en mon cas par merveille
Ou je trouvay matiere non pareille
Car j’ay eu et de dueil et de joye
Autant et plus que souhaidier vouldroye
Et de chascun tele part et partie
Que je ne sçay duquel plus en ma vie
Cyceron dit qu’en ce monde n’a riens
Que bien & mal dont le bien est le meindre
S’il est ainsi pour contens je me tiens
Car j’ay eu et des maulz et des biens
A tel egal que je ne me doy plaindre
Boece aussi par raison veult constraindre
D’estre constant en plaisir ou en dueil
Qui puet venir soit ou corps ou a l’ueil
En ce monde a doloureuse leesse
Honteux honneur. et plaisir angoisseux
Joye dolant souffraiteuse richesse
Bien incertain et doubteuse promesse
Seurté tremblant. et chemin perilleux
Je trouvay tant de couroux et de jeux
Ou souvenir qui vint en ma memoire
Qu’on en feroit un petit purgatoire
En ce penser demouray longuement
Content d’amours/ hayneux de fortune
Dont troublé fus en mon entendement
Par tel parti que tout soubdainement
J’entr’oubliay toute chose commune
Et me sembla que j’oÿs par rancune
Cris et tenchons entre deux personnages
Divers de meurs en semblables langaiges
L’un ressembloit ung jone saudoyer
Frisque mignon gorgias par cointise
D’abit paré comme un grant chevalier
Hault en devise. et se nommoit cuidier
Qui par semblant nul ne doubte ne prise
Bel d’acointier/ perilleux a hantise
Doulz en attrait/ fier a continuer
Et commença par telz mos a parler
Cuidier
Je fay gaignier joustes/ tournois/ et pris
Villes/ chasteaux/ empires/ et royames
Par moy Cuidier les haulz fais sont empris
Qui riens n’emprent il est de petit pris
Qui n’a hault cuer il n’assemble que blames
Je fay avoir amour et cuer des dames
Vuaucrer la mer et saillir les chevaulx
Et conquester et les mons et les vaulx
L’acteur
Ainsi cuidier declairoit son povoir
Qui lui sembloit estre soubz sa puissance
Et en tous cas il cuidoit dire voir
Mais tost rompy son orguilleux voloir
Car le bruit vint le son et la muance
D’une roe tournant sans arestance
Par tel effort et par si grant hutin
Comme feroit la roe d’un molin
Celle roe tourneoit une dame
Couronne en chief et richement vestue
Les yeulx bendez. car veoir ne veult ame
Tout lui est un. cabaret/ ou royame
Noble et villains lui sont d’une entendue
L’estat des grans volentiers change et mue
Et s’esjoÿst a muer par cautele
Incessamment le tour de sa roele
Fortune
Je suis fortune dist la dame tout hault
Sergent du ciel/ et verge de la terre
De toy cuidier en riens il ne me chault
Au long aler par mes mains passer fault
Ou est le bruit la se tourne ma guerre
Je dompte tout/ qui ne le croit il erre
Et se n’estoit que je vis et ne muers
On oubliroit honneur et bonnes meurs
L’un destruiroit tout par sa cruauté
Comme neron qui fist sa mere fendre
L’autre de vices feroit felicité
Sardanapaule en fist auctorité
Qui des femmes voult meurs et habis prendre
Alexandre ne voult il pas emprendre
De conquerir tout le monde et avoir
Mais a tous ceulx j’ay rompu le povoir
Puis que dieu veult estre de moy servi
Pour espantal de toutte ambition
Par qui sera mon povoir asservi
A nul ne touche s’il ne l’a desservi
Et qui de moy fait lamentation
S’il pense bien en sa condition
La trouvera calculant conscience
Que sans raison je ne fiers ne ne lance
Doncques cuidier qui en tes premiers saulz
Cuides voler comme fist dedalus
Sace et cognois que tu pues et que vaulz
Je t’avise que j’en vueil aux plus haulz
Va le moyen/ tu en dureras plus
Plus ne t’en dy/ mais ainsi je conclus
Par corps par sens/ par amis/ par sçavoir
Prent l’omme gloire qui le fait decevoir
Cuidier
Cuidier oÿ la dame hault parler
Dont a bien pou n’enraga de despit
Et dist ainsi. J’ay volu ascouter
Voz haultains mos qui sont a rebouter
Pour tant mon cuer ne sera desconfit
Vous faittes tout/ perte/ honneur/ & prouffit
Dieu ne s’en mesle/ fortune a tout en main
Semblant perdu le franc arbitre humain
Fortune puet pou faire bien ou mal
Quant l’omme veult qui le quiert et deslie
Qui veult la mer vaulcrer sans gouvrenal
Qui veult courir sans bride son cheval
Et tout perir. fortune n’y est mye
Ne moy cuidier. mais est pure folie
Rage de cuer et desespoir terrible
Et querir eur par le bout impossible
Doncques je preuve par forme de logique
Que fortune n’est riens. ne ne peut estre
Fors un hault nom mis en parolle antique
Pour le samblable mettre mieulx en practique
Et discerner bien et mal de leur estre
Mais moy cuidier. je suis et si dois estre
Par moy se font les fais chevalereux
Et tendre main pour parvenir aux preux
Mais qui vouldra sans courroux ou arrogue
Chascun de nous prouvera sa value
Par ung argu fondé en dyalogue
En delaissant le devant du prologue
Fortune dist. j’acorde qu’on argue
Et jugera sentence qui ne mue
Sur le debat qui nous meut et traveille
Ce corps gisant qui ne dort ne ne veille
L’acteur
Ainsi je fus ordonné pour jugier
Le different de ces deux dessudis
Ce ne m’avint par dormir ne songier
Mais par raison qui me vint resveillier
Pour tous oÿr et leurs mos et leurs dis
La commença le debat que je dis
Qui est d’oÿr. Car riens ne se cela
Et dist cuidier qui le premier parla
Cuidier
Se je suis né grace dieu en ce monde
Parfait de corps et entier de tous membre
Ne vaulz je pas. je le croy et m’y fonde
Pour avoir part en l’avoir qui habonde
Sur la terre si grand en son estendre
Povres sont nés. cesar et alexandre
Qui tant ont sceu gaignier et conquerir
Si puis je moy se je le sçay querir
Fortune
Deux beaux jumeaux au monde se trouverent
Ypicleüs et hercules son frere
Mais deux serpens tel assault leur livrerent
Que ypicleüs hors du bers devorerent
Et hercules les mist a mort amere
Je ris. je tue. je destruis. je prospere
Sur deux enffans j’ay livré divers sort
Dont l’un vainquit et l’autre si fu mort
Cuidier
Se ypicleüs tu as fait devorer
Enffans ou bers en nouvelle naissance
Et hercules garantir et sauver
C’est contre ce que tu me veulz monstrer
Que sans cause tu ne donnes la chance
L’un eut bon eur. l’autre dure meschance
Nez en une heure et sans riens desservir
Doncques raison ne fault en toy querir
Fortune
En la vie des peres on liroit
Que l’angle occist un enffant et tua
A un preudomme pour ce que trop l’amoit
Et si noya cellui qui le passoit
Une planche. pour ce qu’il savoit ja
Qu’a mal regner il se delibera
Ces deux occist et murdrist le bon ange
Dont l’euvre est bonne/ mais elle semble estrange
Cuidier
Or suis je nez de riche parenté
Pour moy soef eslever et nourir
Et me garder de toutte adversité
Qui bien commence il suit en qualité
Et qui bien semme il voit le blé flourir
Dieu ne m’a fait pour moy laissier perir
Bien commencier tousjours mieulz se parfait
Le mal nourri de legier se deffait
Fortune
Soef nourist edyppus ses enffans
Monstrant devoir et nature de pere
Qui depuis firent mout de maulz en leur temps
Destruirent thebes leurs amis leurs parens
Puis s’entr’ocirent par cruauté amere
Tant de dueil firent et a pere et a mere
Que edippus meismes les deux yeux se creva
Pour non veoir les maulz qu’il engendra
Cuidier
Estre nourri j’enteray en doctrine
Et verray tout ce qui se met en lettre
Pour estre grant a qui je tens et cline
Riche puissant de hault renom et cline
Soit en estat seculier ou de prestre
Qui beaucoup scet il est tousjours le maistre
Et si ne puet science estre perie
Pour quelque perte tant que l’homme est en vie
Fortune
Voy de senecq le grant clerc de renom
Que neron fist sans desserte morir
Archithophel qui fust frere absalon
Dont le conseil fut si grant et si bon
Contre fortune ne peut son sens furnir
Helenus troye si ne puet garantir
Car bien souvent il avient tel dangier
Qu’on ne se puet de sa science aidier
Cuidier
Et se je prens des armes le chemin
Harnas. escu. hache. lance. et espee
Ne vault je pas l’orguilleux de montclin
Pour avoir part en los et en butin
Autant ou plus que cesar ou pompee
Je feray tant ains que passe l’anee
Que j’aray bruit avoir ou hault renon
Soit par mal faire. ou soit par estre bon
Fortune
Qui quiert la guerre il doit fortune craindre
Hector de troye des preux le pardessus
En fier estour fut ocis de son meindre
Et pour prouver ma raison et attaindre
Ja hercules. et le fort theseüs
Par deux femmes se trouverent batus
Et ramenez dessoubz leur estandart
Suivir la guerre est un jeu de hazart
Cuidier
Dont je prendray l’estat de marchandise
Par mer par terre et tant traveilleray
Qu’argent et or acquerray par tel guise
Que une province en porroit estre acquise
Ou que je tourne mon argent porteray
Prenant parti quelque part que voldray
Fuiant la guerre. ou lieu d’ympedimie
La ou la terre si ne me suivroit mie
Fortune
Pour alleguier qui fist plus grant tresor
Et dont acteurs font mention et feste
Ce fut le roy nabugodonosor
Mais malgré tout avoir argent et or
La terre dit qu’il fut mué en beste
Et se tu prens en la mer gaing et queste
Tu trouveras pour un venu a port
Mille dangiers de peril et de mort
Cuidier
Se je prens femme qui soit et riche et belle
De noble lieu jone courtoise et sage
Est il plaisance seurté et joye tele
Tel passetemps en la vie mortelle
Que vivre ainsi au plaisir de mesnage
C’est un sollas que d’estre en mariage
C’est le plusseur et le meilleur parti
Qui may y pense je dy qu’il a menti
Fortune
Gard le serpens qui soubz l’erbe se dort
Gard le filé qui l’homme prent et lye
Agamenon fut par sa femme mort
Menelaüs eut moult grant desconfort
Pour sa femme par les troyens ravie
Maints ont perdu par leurs femmes la vie
Par trouver cuers plus aspres que la bouche
Mais en mes dis aux bonnes je ne touche
Cuidier
Se je deviens un ouvrier mecanique
Fevre. machon. tondeur ou charpentier
D’autre mestier ainsi que l’on s’applicque
Feray je pas a fortune la nicque
Ne ne seray q’un pou en son dangier
Par tout a gaing un homme de mestier
Ainsy vivray sans le dangier d’envie
Ne doubter perdre tresor ou seignourie
Fortune
Argus perist et lui et son navire
Qu’il avoit fait par soubtil sens et art
Bien je confesse que le mal est trop pire
Cheoir de hault que d’une basse tire
Et qui plus pert plus a de regart part
Mais touteffois ou soit tost ou soit tart
Je suis sur ele pour ferir soir et main
Sans espargnier ne noble ne villain
Cuidier
Je devendray de terre cultiveur
De blé de vin ou autre utilité
Et merray vie d’un leal laboureur
Fuiant envie et convoiteuse ardeur
A sobre joye et nette povreté
Le franc gontier a ce m’a enhorté
Ainsi vault mieulx le goust d’une noisette
Q’une perdris en debat ou noisette
Fortune
Noble labeur fist le tresjuste abel
Dont du fruit fist tresleal sacrifice
Et quoy qu’a dieu fust agreant et bel
Ainsi avint que par courroux mortel
Caÿm l’occist en cruel malefice
Se dont je fiers cellui qui est sans vice
Bien doit doubter l’omme qui dieu attaine
Moy et mon dart. et sentence hautaine
Cuidier
Se dieu me donne en jones jours beauté
Je me rendray des dames serviteur
Et feray tant soubz sainte leauté
Que je seray des femmes en chierté
Et par amer j’auray plaisir et eur
Ainsi vivray en plaisance de cuer
En demenant l’amoureuse leesse
Servant amours. et ma belle maistresse
Fortune
Dieu ne fist oncques plusbelle creature
Comme absalon. mais pour son beau visage
Je ne lessay que par mesaventure
Il ne morust en grant desconfiture
Par ses cheveulz pendu au bois ramage
Par amours fist un piteux vasselage
Le beau paris quant sa dame ravist
Dont luy et troyes et ses amis perist
Cuidier
Se je suis fort je feray de mes bras
Tele vertu que je me feray craindre
Comme ung ogier ou comme ferabras
En despitant tout ce que tu porras
Sans aconter ne au grant ne au moindre
L’on dit souvent qui veult le sien attaindre
Par bataille soit a droit ou a tort
L’on doibt querir tousjours champion fort
Fortune
Le fort sanson de sa force s’occist
Quant du palais abati les estages
Le grant nembrot qui tant de gens occist
Qui la grant tour en babilone emprist
Ne peut fournir ses outrageux ouvrages
La muerent tous les divers langaiges
Ainsi je sers de rebouter l’emprise
De l’orguilleux qui trop se cuide et prise
Cuidier
Je devendray un voleur un chasseur
Et auray chiens et oyseaulx a foison
Querant les champs par froit & par chaleur
La trompe au col comme un gentil veneur
L’oisel sur poing chascun en sa saison
C’est un esbat qui moult plait et prise on
Sans mal penser et villonnie attaindre
En ce deduit de quoy te dois je craindre
Fortune
De reymondin te pues tu remembrer
Qui espousa la faee melusine
Par grant meschief sceut son maistre tuer
Cuidant ferir un merveilleux senglier
Dont de doleur il fut en grant saisine
Tel cuide avoir venoison en cuisine
Dont le deduit tourne en tele maniere
Que le chasseur en est mis en la biere
Cuidier
Prendre le temps ainsi que mandeville
A voyagier ou a pelegriner
Ou se je quiers des ambassades mille
Vaulcrant pays alant de ville en ville
L’esté ponnant et levant en yver
Que me pourra fortune demander
Ne suis je seur et de corps et d’estat
Pres de ma paix et loing de tout debat
Fortune
Garde toy bien d’aler et voyagier
En tel peril que le roy d’ermenie
Qui pour avoir son choix a souhaidier
Il entreprist de veillier l’esprivier
Dont il perdy toutte sa seigourie
Bristo anglois perdy chemin en vie
Par le monstre qui avoit en saisine
A garder l’uis du tresor palatine
Cuidier
Se je deviens pastour gardant brebis
Chassant pourceaux ou gouverneur de vaches
Prenant en gré et pain blanc et pain bis
Et faire joye d’avoir simples habis
Fuyant pompes & leurs meurs & leurs traches
En tel estat je vueil bien que tu saches
Puis je bien vivre quitte de ta fureur
Sain de mon corps en leesse de cuer
Fortune
Digne bergier fut le noble david
Qui pour garder ses bestes moult soustint
Ours et lion par sa valeur occist
Le grant gayant golias desconfist
Eur lui ayda/ fortune le maintint
Puis que cellui que dieu pour ami tint
Convint passer par l’estroy de ma lance
Il appert bien que j’ay grande puissance
Cuidier
Je seray d’armes poursuivant ou herault
Roy en l’office pour plusgrant dignité
C’est noble estat qui moult sert qui moult vault
Seur en tous cas/ point n’y a de deffault
Par ce moyen je ne crains ta fierté
Je verray tout et yver et esté
Des biens de tous je feray ma richesse
Car tel estat est fondé sur noblesse
Fortune
Charlemaine les voirs disans fonda
Que nous noumons en armes officiers
Nobles de meurs les eslut et crea
Aux nobles hommes il les recommanda
Car pour noblesse furent ilz fais premiers
Se honneur le scet plusavant n’en enquiers
Mais je sçay bien que malgré leurs blasons
Mains sont meurdris es bors & es prisons
Cuidier
Je me rendray cordelier d’observance
Meisme convers hermitte ou regulier
Fuyant tresor. mondanité chevance
Le bien le mal j’auray en pacience
Dieu me sera espoir et conseillier
Contre fortune ne me fauldra veillier
Je seray hors de tout mondain soussi
Que me feras. se je puis vivre ainsi
Fortune
Marie eslut des chemins le plus beau
Car dieu servir est le meilleur parti
Mais soit fortune/ ou dieu/ ou son appeau
Berthelemi y a laissié la peau
Pierre pendu/ et saint laurens rosti
Saint jehan perdy son chief qui ne menti
Tant ont souffert de tourment pour la foy
Que c’est assez pour renoyer la loy
Cuidier
A dieu ne aux sains ne se faut point jouer
C’est ung apart hors des choses mondaines
Leur ferme foy les a fait martirer
Leale amour leur a fait endurer
Terribles maulx afflictions et paines
Leurs euvres sont contre fortune saines
De toy vanter qu’ilz ont par toy passez
N’est vray/ mais ont sur toy povoir assez
Fortune
Tu trouveras des propos un millier
Pour estre aux miens contraire et nuisans
Tout debatu/ tu demourras cuidier
Souvent chopant/ legier a trebuchier
S’un jour prouffites tu en perdras dix ans
Nos fais seront tousjours contredisans
Car tu desires le ramper et monter
Et je ne puis souffrir le hault voler
L’acteur
Cuidier rougist de grant courroux et d’ire
Et fortune se monstroit moult tourblee
Ainsi chascun voloit parler et dire
Et cuidoit l’un a l’autre contredire
Parlans sans ordre par une grant meslee
De cestui bruit j’ay la teste levee
Dont je fus moult troublet et en effroy
Mais tout s’estoit esvanouy de moy
Si regarday par derriere ma gourdine
Dessoubz le lit par muces et ruelle
Se j’ay riens veu ou se je la devine
Ou se le monde. ou la grace divine
M’ont envoyé une aventure tele
Riens je ne vis/ mais moult me sembla belle
L’invention si l’ay enregistree
Priant a tous qu’elle soit amendee
Or me souvint que juge fus requis
Sur le debat de ces deux personnages
Mais je n’ay pas assés de sens acquis
En remembrant que j’ay leu et enquis
Des grans perilz des outrageux dommages
Que paris eut par semblables ouvrages
Quant il juga par la pomme doree
Si me garde dieu d’une tele journee
A grant loysir. et beaucoup empeschié
Sans maladie desirant garison
Ayant compte sans estre despeschié
Franc de lyens fort prins et athachié
Sain de mon corps et en grant languison
En tel estat fis les vers en prison
Prins la journee de plains et de doleur
La ou morut mon souverain seigneur
Tant a souffert
La marche.
Imprimés a Vallenchiennes
par Jehan de liege demorant
Devant le convent de saint pol.

NOTE DU TRANSCRIPTEUR

L’orthographe, la ponctuation et l’usage des majuscules sont conformes à l’original. On a toutefois résolu les abréviations par signes conventionnels (de type q̄ pour que), distingué les lettres i/j, u/v, et ajouté accents, cédilles et apostrophes.