The Project Gutenberg eBook of Le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais

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Title: Le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais

Author: Anonymous

Release date: April 27, 2020 [eBook #61961]

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE FRANÇAIS TEL QUE LE PARLENT NOS TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS ***

LE FRANÇAIS
TEL QUE LE PARLENT
NOS TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS

PARIS
IMPRIMERIE-LIBRAIRIE MILITAIRE UNIVERSELLE
L. FOURNIER
264, Boulevard Saint-Germain, 264
(En face le Ministère de la Guerre)

1916

Préliminaires

De même que dans l'Afrique du Nord le contact des Arabes avec les Français, les Italiens et les Espagnols a engendré une langue spéciale, le sabir, dont la littérature humoristique ne manque pas de saveur, de même nos tirailleurs noirs au contact de leurs instructeurs européens ont créé un langage que l'on a appelé le «petit nègre», et qui, bien que parlé par des indigènes d'origines et de dialectes différents (Bambaras, Ouoloffs, Dahoméens, etc.), semble avoir obéi pour sa formation à des règles fixes.

Nous allons essayer de dégager ces règles; leur connaissance facilitera la tache des nombreux gradés européens versés dans les troupes noires, leur permettra de se faire comprendre en peu de temps de leurs hommes, de donner à leurs théories une forme intelligible pour tous et d'intensifier ainsi la marche de l'instruction.

Pour obtenir de bons résultats en cette matière, il ne faudra jamais perdre de vue les deux règles suivantes:

1o Désigner toujours le même objet ou exprimer la même idée par le même mot;

2o Donner toujours à la phrase française la forme très simple qu'a la phrase dans tous les dialectes primitifs de notre Afrique Occidentale.

Le premier point fera l'objet d'une étude spéciale.

Prenant successivement dans les règlements militaires quelques-uns des passages dont la connaissance est nécessaire au soldat, nous les traduirons en «langage tirailleur»; nous indiquerons les mots et expressions que l'usage a consacrés à cause de leur facilité de prononciation et qu'il serait avantageux d'adopter définitivement à l'exclusion des autres mots ou expressions ayant le même sens.

Mais ce qui importe avant tout c'est de fixer le moule dans lequel il faudra couler la phrase française pour la rendre intelligible à nos tirailleurs connaissant quelques mots de notre langue.

Cette étude fera l'objet de notre première partie.

PREMIÈRE PARTIE

I.—ARTICLE

Dans les dialectes de notre A. O. F., l'article n'existe pas: pour désigner un objet, on en indique seulement le nom.

Exemple: falo signifiera en bambara, l'âne, un âne, âne.

Il n'y aura donc pas lieu dans les phrases d'employer d'articles. On remarquera même que nos gradés indigènes qui, au cours de théories de français, ont appris le nom des diverses parties du corps précédé de l'article, considèrent l'article et le substantif comme formant un seul mot.

En montrant aux recrues la tête, ils diront bien la tête, mais en voulant parler de leur tête, ils ne diront pas, ma tête ou mon tête, mais mon latête, ce qui prouve que pour eux le mot désignant cette partie du corps est non pas tête, mais latête.

Pour éviter donc toute complication, il est bon de supprimer purement et simplement l'article en parlant aux tirailleurs.

II.—GENRE

Pas de genre pour les choses inanimées, considérons que tout est du masculin (cela offre un intérêt pour l'emploi des adjectifs possessifs).

Exemple: mon case pour dire ma maison.

S'il s'agit d'un être animé, nous formerons le féminin en ajoutant au masculin le mot femme. Nous obtenons ainsi la forme usitée dans les dialectes indigènes.

Exemple: Sô mousso signifie en bambara, cheval-femme: jument.

Une jument se dira donc cheval-femme.

Une chienne se dira donc chien-femme, etc…

III.—NOMBRE

Les mots seront toujours employés au singulier. Si l'on veut indiquer que les objets ou les animaux dont on parle sont en grande quantité, on fera suivre le nom du mot beaucoup ou mieux encore trop (prononcer trope).

Si l'on veut indiquer qu'il s'agit de petites quantités, on fera suivre le nom des mots un peu (prononcer un pé). Chaque fois que les objets ou les animaux en question peuvent être comptés, indiquer le nombre de façon à habituer le tirailleur à préciser les renseignements qu'il donne. Ainsi en montrant trois moutons qui paissent, il ne faudra pas dire:

Çà y en a moutons;

mais:

Çà y en a moutons trois.

En somme, n'employer trop et un peu que lorsque les quantités ne peuvent pas être dénombrées à première vue.

IV.—ADJECTIF

a) Adjectifs qualificatifs.

Le bambara et d'autres dialectes africains se servent pour l'emploi des adjectifs qualificatifs de l'auxiliaire «être» (en bambara ou ka sans négation, ma, s'il y a une négation), et du pronom de la 3e personne a.

Ainsi, on ne dira pas:

Un enfant bon; mais, un enfant (que) il est bon, ou en bambara: den akagni.

En français, l'usage a traduit a ka par y en a, et a ma, par y en a pas.

Exemple: Le bon tirailleur obéit toujours, se dira:

Tirailleur y en a bon, lui toujours obéir.

Exemple: Le mauvais tirailleur désobéit, se dira:

Tirailleur y en a pas bon, lui pas obéir.

b) Adjectifs démonstratifs.

Ce, ces, cette, etc., se traduiront uniformément par: ça ou y en a là.

Exemple: Ce tirailleur: ça tirailleur ou tirailleur y en a là.

On devra toujours indiquer du geste la personne, l'animal ou l'objet dont on parle.

c) Adjectifs possessifs.

Le seul adjectif possessif qui soit souvent employé est l'adjectif mon. Ton s'emploie plus rarement. Quant aux autres, il y a intérêt à ne point y avoir recours; on tournera autrement:

Sa maison, se dira: case pour lui;

Nôtre maison, se dira: case pour nous;

Vôtre maison, se dira: case pour vous;

Leur maison, se dira: case pour eux.

Il est bon de désigner du geste le possesseur dont on parle, cela évitera des confusions et l'on sera toujours mieux compris.

N'employer jamais les adjectifs possessifs au féminin.

Exemple: dire pour ma tête, mon tête.

Ne les employer non plus jamais au pluriel.

Exemple: mes camarades, se dira: mon camarades.

V.—NUMÉRATION

Nos tirailleurs doivent être exercés à compter très distinctement, à articuler aussi correctement que possible. A ce point de vue, la méthode qui consiste à faire compter toute une escouade à la fois, est à proscrire.

Il faut aussi noter que pour compter sur les doigts, la plupart des peuplades noires commencent par ouvrir toute grande la main gauche et en disant 1, elles referment avec la main droite l'auriculaire gauche; en comptant 2, elles referment l'annulaire, et ainsi de suite jusqu'au pouce.

Pour dire 5, elles montrent le poing fermé, pour dire 10, elles mettent les deux poings fermés l'un près de l'autre, pour 20, elles impriment deux petites saccades aux poings fermés (2 fois 10) ou placent les deux poings fermés près des deux pieds joints (total des doigts des mains et des pieds).

Il sera bon lorsque l'on veut être sûr d'être bien compris par un jeune soldat encore peu instruit, de faire les signes indiqués plus haut.

En apprenant aux indigènes à compter, il y aura à insister également d'une façon toute particulière sur les mots:

cinq, dix, quinze, vingt.

Ce sont là des jalons qu'ils retiendront facilement puisqu'ils représentent des nombres matérialisés par: le poing, les deux poings, les deux poings et les deux pieds.

Entre ces jalons, ils arriveront ensuite sans aucune peine à situer les autres noms de nombre.

Le nom de nombre sera toujours après le nom qu'il accompagne:

Exemple: Ces dix tirailleurs sont bons, se dira:

Ça tirailleurs dix y a bons.

Exemple: Ces dix bons tirailleurs sont partis, se dira:

Ça tirailleurs dix y en a bons, y a partis.

Numéros ordinaux.—Au lieu de dire premier, deuxième, etc…, il est préférable de dire No 1, No 2, etc…

Cela n'a pas beaucoup d'importance pour les quatre premiers nombres qui sont généralement connus à cause des quatre sections de la compagnie dont il est souvent question, mais il en est autrement pour les suivants.

VI.—PRONOM

Pronoms personnels.

Qu'ils soient sujets ou compléments, les pronoms personnels employés seront les suivants:

Singulier { 1re personne: moi.
2e personne: toi.
3e personne: lui (même pour le féminin).
 
Pluriel { 1re personne: nous.
2e personne: vous.
3e personne: eux (même pour le féminin).

Pour les troisièmes personnes, il est préférable, si l'on veut être sûr d'être bien compris, de remplacer le pronom personnel par le nom qu'il représente ou bien encore de tourner par:

Çà y en a là (celui ou ceux qui sont là).

Exemple: Ils sont mauvais: Ça y en a là y a pas bon.

Accompagner la phrase d'un mouvement de la tête ou d'un geste de la main dans la direction de la personne ou des choses dont on parle.

Me voici se dira voilà moi.

Pronoms possessifs.

Les pronoms possessifs sont les mêmes que les pronoms personnels:

Le mien: ça y en a pour moi.

Le tien: ça y en a pour toi, etc…

Employer toujours pour, mais jamais à.

Même remarque que plus haut pour ce qui est des gestes à faire en parlant.

VII.—VERBE

Les verbes s'emploient toujours à l'infinitif. Pour conjuguer le présent, on fera précéder simplement l'infinitif du pronom personnel. Exemple:

Présent
je pars moi parti[r].
tu pars toi partir.
il } part lui partir.
ou elle
nous partons nous partir.
vous partez vous partir.
ils } partent eux partir.
ou elles

Pour la troisième personne du singulier et les trois personnes du pluriel, il est toujours préférable de remplacer les pronoms par les noms qu'ils représentent.

Passé
je suis parti moi y a parti.
tu es parti toi y a parti etc…

Pour éviter toute confusion, placer toujours dans la phrase un mot qui indique s'il s'agit bien du passé:

Exemple: Je suis parti hier: moi y a parti hier.

Je suis parti il y a deux jours: moi y a parti y en a deux jours.

Futur.—Le futur se forme de la même façon que le présent.

On dira pour:

Je partirai: moi partir.

Ici plus encore que dans le cas précédent, il sera nécessaire d'indiquer d'une façon très claire qu'il s'agit du futur en tournant, par exemple, de la façon suivante:

Tu partiras dans deux jours: encore deux jours toi partir.

Je partirai dans un moment: encore un peu, un peu moi partir.

On remarquera qu'alors que pour le passé l'indication du temps suit le verbe, pour le futur cette indication précède le verbe.

Encore trois jours (petite pause dans l'émission de voix), toi partir.

Le tirailleur comprend ainsi au ton qu'il s'agit d'un acte futur.

Impératif.—Ce temps se traduira simplement par l'infinitif précédé de toi, vous, nous, suivant les cas: le ton et le geste devront bien marquer le caractère impératif de la phrase.

Verbe être.—On ne trouve pas dans le langage-tirailleur le verbe «être». On le traduit par l'expression y a.

Exemple: Je suis malade: moi y a maladi; tu es malade: toi y a maladi.

Au lieu de y a, on trouve souvent y en a; mais il semble qu'y en a soit surtout employé dans le sens du verbe être précédé de qui, que, etc.

Exemple: Le tirailleur malade est arrivé (qui est malade): tirailleur y en a maladi y a venir.

Verbe Avoir.—Le verbe avoir se trouve, nous l'avons déjà constaté, fréquemment employé à la 3e personne de l'indicatif présent dans l'expression y a pour remplacer le verbe être.

Dans le sens de «posséder», il se traduira généralement par y a gagné ou y en a gagné.

Exemple: 1o Moi y a gagné cheval, signifiera: j'ai reçu un cheval; on m'a donné un cheval; j'ai un cheval.

2o Cheval moi y en a gagné, signifiera: le cheval que j'ai; le cheval que j'ai reçu; le cheval qu'on m'a donné.

VIII.—PRÉPOSITIONS—CONJONCTIONS

Les prépositions et les conjonctions sont assez peu nombreuses dans les dialectes indigènes. On n'en trouvera donc presque pas dans notre langue-tirailleur.

IX.—CAS POSSESSIF

Chez la plupart des peuplades noires la possession se marque simplement en accolant les noms du possesseur et de l'objet possédé, le nom qui désigne le possesseur étant placé le premier.

Exemple: Soldassi maria: le fusil du soldat.

Il est bon de respecter cette tournure en parlant aux noirs et de dire:

Tirailleur fusil.

Sans doute, beaucoup comprendront, même si l'on dit:

Fusil tirailleur

mais ils seront obligés de faire mentalement l'inversion pour rétablir l'ordre qui, pour leur langue, est l'ordre naturel. Mieux vaut leur éviter cette peine, si l'on tient à être rapidement compris.

X.—SYNTAXE

Toutes les langues de l'A. O. F. sont d'une grande simplicité comme syntaxe.

La construction des phrases ne présente ni difficulté ni variété; il n'y a ni article ni prépositions et tout se ramène à la forme suivante sans aucune inversion:

Sujet, verbe, attribut.

Exemple: J'ai acheté le fusil du tirailleur:

Moi
sujet
y a acheté
verbe
tirailleur fusil.
attribut

Les verbes sont généralement suivis immédiatement du nom qui complète leur sens.

J'ai acheté hier les deux chevaux du tirailleur.

Moi y a acheté tirailleur cheval deux, hier.

EMPLOI DE «OUI» ET DE «NON»

Oui et non s'emploient conformément aux règles de la langue française lorsque la question à laquelle ils répondent ne renferme pas de négation.

Exemple:

As-tu un fusil?: Toi y en a gagné fusil?
Oui. Oui.
Non. Non.

Lorsque la question a la forme négative, oui et non s'emploieront autrement que dans la langue française:

Exemple: N'as-tu pas un fusil?: Toi y en a pas gagné fusil?

Réponses: Oui signifiera: non, je n'ai pas de fusil;

Non signifiera: oui, j'ai un fusil.

Et cela s'explique d'ailleurs fort bien:

On demande à un tirailleur: «N'as-tu pas».

En répondant oui, il sous-entend: «Oui, tu es dans le vrai, je n'ai pas…».

En répondant non, il sous-entend: «Non, tu n'es pas dans le vrai, j'ai…».

Il y aura donc lieu de bien se méfier de l'interrogation à forme négative; mieux vaut employer l'interrogation à forme affirmative qui, elle, ne présente aucune difficulté et ne donne lieu à aucune équivoque.

INTERROGATION

Pas d'inversion dans la forme interrogative; le ton seul indiquera l'interrogation.

Exemple: As-tu mangé le riz?: Toi y a mangé riz?

DEUXIÈME PARTIE

Pour arriver à se faire comprendre rapidement des noirs, il faut, comme nous l'avons indiqué en commençant, couler sa pensée dans le moule très simple de la phrase primitive:

sujet, verbe, attribut.

Mais il faut également:

1o Réduire le plus possible le nombre des mots employés et, par conséquent, éviter d'exprimer la même idée par plusieurs mots différents, ce qui dérouterait l'indigène et lui rendrait la compréhension de notre langue très difficile.

Ainsi l'idée de rapidité se traduira par le mot vite, qui est court et dont la prononciation ne présente aucune difficulté.

Pour dire rapide, on dira vite;

Rapidement, se dira vite;

Lent, se dira pas vite;

Lentement se dira pas vite;

Accélérer se dira marcher plus vite etc…

2o Choisir pour parler aux tirailleurs les mots qu'ils prononcent eux-mêmes sans peine, parce que ce sont ceux qu'ils retiendront le plus facilement. Il y a, en effet, des sons que les noirs ne peuvent arriver à articuler.

(Eviter les mots comme «réverbération»).

3o Eviter d'employer des mots se prononçant de la même façon, pour indiquer des choses différentes.

Par exemple, si l'on veut demander à un tirailleur s'il est prêt, on ne dira pas:

Toi y en a prêt?

ce qui pourrait signifier aussi: as-tu ton prêt (solde)?

Mais:

Toi y en a paré? (vient de préparé).

Aucune confusion n'est alors possible.

De même pour près, proche, il sera bon de dire pas loin ou tout près.

Exemple: Je suis près de la route: moi y en a tout-près laroute.

N. B.—Route est un de ces mots que tous les tirailleurs font accompagner de l'article, mais comme cela a été indiqué au commencement de ce travail, l'article et le substantif ne forment plus qu'un seul mot.

Exemple: C'est ma route: Ça y en a mon laroute.

Cette observation peut se faire pour le nom des diverses parties du corps:

Mon lebras, mon lajambe, mon latête, etc…

La Sentinelle

 

 

Explications

La sentinelle doit se placer pour bien voir et ne pas se laisser voir.

Sentinelle y a besoin chercher bon place.

Ennemi y a pas moyen mirer lui.

Lui y a moyen mirer tout secteur pour lui.

Le verbe devoir se traduira toujours par y a besoin.

Y a moyen = pouvoir.

Mirer = voir, regarder.

Elle doit voir et entendre.

Sentinelle y a besoin faire manière mirer, lui y a besoin faire manière entendé tout.

Faire manière = tâcher, s'efforcer.

Entendé = entendre.

Lorsqu'un supérieur passe, la sentinelle ne doit point cesser d'observer pour parler ou rendre les honneurs.

Si chef y a venir, sentinelle y a pas fini mirer, y a pas parlé, y a pas faire salué, y a pas faire présentez armes.

Faire salué et faire présentez armes.

Employer toujours cette tournure pour indiquer qu'il y a exécution d'un mouvement.

Ex.: «J'ai mis baïonnette au canon», se dira:

«Moi y a faire baïonnette canon».

Si elle y est autorisée, la sentinelle peut laisser son sac au petit poste.

Si chef de poste y a donné permission poser barda, sentinelle y a moyen poser barda petit poste.

Barda = sac.

Elle a toujours l'arme approvisionnée et prête à faire feu.

Toujours sentinelle y a fusil approvisionné (y a chargeur fusil).

Toujours y en a cartouchi canon.

 

La sentinelle ne doit tirer que si elle voit bien l'ennemi ou si elle est attaquée.

Si sentinelle y a bien mirer ennemi, sentinelle y a tiré.

Si ennemi y a attaqué sentinelle, sentinelle y a tirer.

 

La sentinelle tire si quelqu'un essaye de forcer sa consigne.

Si quelqu'un y a faire manière y a pas obéir sentinelle, sentinelle y a tirer.

 

La nuit la sentinelle ne doit ni s'asseoir ni se coucher.

La nuit sentinelle y pas moyen pauser, y a pas moyen coucher, dormir.

Pauser = s'asseoir.

Personne ne doit traverser la ligne des sentinelles.

Personne y a moyen passer lignes sentinelles.

 

La sentinelle arrête tout le monde.

Si quelqu'un y a faire manière passer, toujours toujours sentinelle y a arrêté lui.

«Toujours, toujours», répéter toujours pour bien marquer que la règle est absolue.

Pour arrêter quelqu'un, elle crie: «Halte-là!»

Si sentinelle y a content arrêter quelqu'un, sentinelle y a crié: «Halte-là».

Y a content: verbe vouloir.

Si on ne s'arrête pas, la sentinelle crie encore:

«Halte-là, ou je fais feu!»

Si on ne s'arrête pas, la sentinelle tire.

Si lui y a pas arrêté, sentinelle y a crié encore:

«Halte-là ou je fais feu».

Si lui y a pas arrêté encore, sentinelle y a tiré.

 

Si, au cri de «Halte-là», on s'arrête, la sentinelle appelle le chef de poste mais ne se laisse pas approcher.

Quand sentinelle y a crié «Halte-là», si homme y en a passé y a arrêté, sentinelle y a appelé chef de poste.

Sentinelle y a pas laissé personne approcher lui.

 

Le Tirailleur

Le tirailleur au combat doit se maintenir à sa place et se plier à la plus exacte discipline.

Quand tirailleur faire bataille, lui y a besoin rester bien son place; lui y a besoin faire tout ça son chef y en a dire, tout ça son chef y en a commandé.

Faire bataille =

Se battre,

Lutter,

Combattre.

Tout ça… etc. = tout ce que son chef commande.

Lorsque, au cours du combat, certains tirailleurs échappent à l'action de leurs chefs ils se réunissent aux groupes les plus voisins et obéissent aux ordres des gradés qui commandent ces groupes.

Quand tirailleur y en a faire bataille, y a perdé son escouade, son section; quand son chef y a pas moyen commander lui; lui y a besoin faire rassemblement avec section autre, avec escouade autre y en a pas loin; lui y a besoin obéir chef ça section, ça escouade; même chose chef son section pour lui, même chose chef son escouade pour lui.

Mot à mot «Quand le tirailleur qui se bat a perdu…».

Ça section = cette section.

Même chose = comme.

Son escouade pour lui = sa propre escouade.

Les moyens d'action du tirailleur au combat sont le mouvement, le feu, la baïonnette et l'outil portatif.

Tirailleur y en a bon pour faire bataille, y a besoin connaître bien manière avancer, tirer, faire manière baïonnette, faire manière outil portatif.

Le tirailleur instruit de ses devoirs au combat.

Connaître manière = savoir; être instruit à faire quelque chose.

Faire manière = suivi d'un verbe, signifie «s'ingénier, tâcher».

Suivi d'un nom signifie «employer, se servir de».

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——

——

Exécution du mouvement.

Comment y a besoin avancer.

 

Dès qu'il pénètre sur le terrain battu, le tirailleur se porte à l'attaque par bonds exécutés à la course.

Quand tirailleur y a venir place où y a balles trop, où y a moyen gagner blessé, gagné tué, lui y a besoin faire bon manière pour avancer: lui y a besoin courir vite, vite, faire couchez-vous, courir vite, vite, faire couchez-vous.

Gagner: traduit souvent le verbe avoir, mais sert également à indiquer qu'un événement quelconque est survenu. Ex.: «Moi y a gagné caporal».

J'ai été nommé caporal.

«Lui y a gagné mort».

Il est mort.

«Moi y a gagné blessé».

J'ai été blessé.

——

——

——

Le tirailleur étant à genou se porte en avant au commandement de:

En Avant.

Marche.

Tirailleur y en a à genou, y a faire en avant quand chef y a commandé:

En Avant.

Marche.

Tirailleur y en a à genou:

Le tirailleur qui est à genou.

Au commandement de: En Avant! décharger, s'il y a lieu, fermer la cartouchière, saisir l'arme avec la main droite entre la hausse et la boîte de culasse, le canon un peu plus élevé que la crosse.

Saisir le fourreau de la baïonnette avec la main gauche, le bras allongé; porter le pied gauche un demi-pas en avant, tout le poids du corps portant sur la jambe fléchie, la jambe droite prête à donner l'impulsion pour le mouvement.

Quant chef y a commandé

En avant:

Si fusil y a chargé tirailleur y a besoin décharger.

Fermer cartouchière, prendre fusil main droite, moitié hausse-boîte de culasse.

Incliner un peu fusil, canon en haut un peu, la crosse en bas un peu.

Prendre fourreau baïonnette main gauche, bras allongé.

Porter pied gauche moitié pas (ou demi pas) en avant; tout le corps y a lourd sur jambe gauche fléchie; jambe droite y a paré pour pousser le corps quand y a content partir.

Moitié = milieu, au milieu, demi, centre, etc…

Jarret tendu,

Bras allongé,

Jambe fléchie.

Expressions qu'il convient de garder sans changement: reviennent toujours dans l'école du soldat.

Demi: aussi employé que moitié, à cause des commandements «demi à droite» et «demi à gauche».

«Y a lourd» ou encore «Y a appuyé».

Le corps: pour le corps et les parties du corps, le substantif ne forme généralement qu'un seul mot avec l'article.

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——

Au commandement de «Marche!» s'élancer droit devant soi au pas de course, l'arme à la main, en conservant toujours les yeux fixés sur le but en s'efforçant de se maintenir à hauteur des camarades les plus avancés et en observant de ne pas gêner leur mouvement.

Quand chef y a commandé «Marche!» tirailleur y a besoin partir droit en avant; courir vite, vite, pas de course, l'arme à la main;

Mirer toujours point de direction.

Toujours marcher aligné avec son camarades y en a premiers;

Toujours y a faire manière y a pas arrêter son camarades.

«Pas de course» = à maintenir sans changement comme tous les commandements réglementaires.

Même observation pour «l'arme à la main».

Même observation pour «point de direction».

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——

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Etant couché, le tirailleur se porte en avant au commandement de: En avant, marche!

Tirailleur y en a couché y a faire en avant quand chef y a commandé:

En avant,

Marche!

Y en a: qui est…

Même manière = comme.

Au commandement de: «En avant», décharger l'arme et la saisir comme il est dit ci-dessus.

Prendre appui des deux mains sur le sol, l'arme à plat.

Ramener la jambe droite en avant, le genou complètement fléchi.

Le corps légèrement détaché du sol, et se tenir prêt à s'élancer en avant.

Quand chef y a commandé:

En avant!

Faire «décharger», prendre fusil même manière quand y en a à genou.

Appuyer deux mains la terre, l'arme à plat;

Ramener jambe droite en avant, genou droit bien fléchi;

Le corps y a pas touché terre; tout y a besoin paré pour courir en avant.

Appuyer ou, plus souvent, «puyer» est très employé.

«L'arme à plat», à maintenir sans changement parce que revenant souvent dans l'Ecole du soldat, arrive à être considéré presque comme un commandement réglementaire.

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——

Au commandement de «Marche», procéder comme dans la position à genou.

Quand chef y a commandé «Marche!» faire même chose (ou même manière) quand y en a genou.

Même chose = comme.

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——

Le tirailleur s'arrête au commandement de: «Section, Halte!»

Au commandement de: «Halte!», se jeter à terre le plus rapidement possible, dans la position couchée, se redresser légèrement pour voir le but et le terrain en avant.

Se porter ensuite en rampant sur l'alignement des camarades si on ne s'y trouve déjà.

Tirailleur y arrêter quand chef y a commandé:

Section, halte!

Quand chef y a commandé Halte! tirailleur y a besoin faire «couchez-vous» vite, vite, même chose lui y a tombé, lever un peu son tête y a moyen mirer lebut (où ça lui y a besoin tirer).

Y a moyen mirer terre en avant, y a moyen mirer place en avant.

Quand tirailleur y arrêté, si lui y a pas faire aligné avec son camarades, lui y a besoin faire manière «marche rampante» pour y aligner lui avec son camarades.

Y arrêter: l'a de y a s'élide devant l'a de «arrêter».

Remarquer également qu'on ne dira pas «tirailleur arrêter».

Quand le verbe français commence par une voyelle, on le fait généralement précéder de y (a) même au présent.

Se trouver par terre aussi vite que s'il était tombé.

Le but est encore un de ces mots que les tirailleurs ont appris avec l'article.

Y arrêté même remarque que plus haut au sujet de l'élision.

Ne pas craindre les répétitions, au contraire.

——

——

——

Quand il est arrêté, le tirailleur prend la position qui permet le mieux de voir l'objectif et le point à viser.

Cette condition essentielle remplie, il cherche à appuyer le corps et le fusil pour exécuter un tir plus ajusté, et enfin à s'abriter des coups et des vues.

Ici le règlement envisage l'utilisation des divers abris (levée de terre, parapet, sillon, fossé, etc…). Cette partie n'a pas besoin d'être traduite. Rien ne vaut une bonne théorie pratique. Au lieu de parler aux hommes, l'instructeur n'aura qu'à utiliser devant eux et faire utiliser ensuite par eux successivement (les levées de terre, les parapets, les fossés, etc…).

Faire apprendre et prononcer distinctement par les hommes les noms des abris ou couverts que l'on peut trouver au cours des divers exercices.

Quand tirailleur y a arrêté, lui y a besoin prendre position y en a bon pour mirer le but, position y en a bon pour mirer place lui y en a content viser.

Ça y en a dire… y a besoin faire bien bien. Quand tirailleur y a moyen bien bien mirer, lui y a besoin faire manière appuyer le corps, lui y a besoin faire manière appuyer fusil.

Si lui y a faire bien manière appuyer le corps, appuyer fusil, lui y a moyen bien tirer.

Si lui y a pas faire bien manière appuyer le corps, si lui y a pas faire bien manière appuyer fusil, lui y a pas bien tirer.

Tirailleur y a encore besoin trouver place, ennemi y a pas moyen mirer lui, ennemi y a pas moyen blesser lui.

Si tirailleur y a trouvé place, lui y a moyen mirer le but, lui y a moyen appuyer le corps, lui y a moyen appuyer fusil, lui y a moyen bien tirer.

Ennemi y a pas moyen mirer lui, ennemi y a pas moyen blesser lui.

Ça y a bon plus que tout.

(On pourrait dire aussi):

Ça y a bon trop-trop.

(Trope-trope.)

Position bonne pour (Voir dans première partie ce qui a été dit pour l'adjectif qualificatif).

Place lui y en a content viser = la place, le point qu'il désire viser.

Ce qui vient d'être dit.

Bien, bien: la répétition soulignée par le ton de la voix indique que l'on veut insister sur l'idée exprimée: ici on traduirait par «parfaitement bien!»

Si…, etc…, lorsque l'on veut insister sur l'importance qu'il y a à faire quelque chose (condition essentielle, dit le règlement V. ci-contre), il y a intérêt à opposer comme cela a été fait ici, le cas de réalisation de la condition au cas de non réalisation de la condition.

Faire bien manière: apporter beaucoup de soin à.

Bien tirer se dit, mais cette forme n'est pas à généraliser. On ne dira pas bien marcher mais marcher bien; bien manger, mais manger bien.

Bien tirer est une de ces expressions toutes faites qui sont passées dans la langue de nos tirailleurs, ne formant pour eux qu'un seul mot.

Quand on a énuméré beaucoup de conditions, il est bon de les récapituler rapidement en phrases courtes et de détacher nettement de la voix la phrase: ça y a bon, ou ça y a pas bon, suivant que le résultat est bon ou mauvais.

Plus-que-tout, après «y a bon», indique l'idée de perfection.

Ici on traduirait par: «Si toutes ces conditions sont remplies, vous avez l'abri idéal

Quand il est arrêté, le tirailleur prend la position qui permet le mieux de voir l'objectif et le point à viser.

Quand tirailleur y a arrêté, lui y a besoin prendre position y en a bon pour mirer le but, position y en a bon pour mirer place lui y en a content viser.

Ça y en a dire… y a besoin faire bien bien. Quand tirailleur y a moyen bien bien mirer, lui y a besoin faire manière appuyer le corps, lui y a besoin faire manière appuyer fusil.

Position bonne pour (Voir dans première partie ce qui a été dit pour l'adjectif qualificatif).

Place lui y en a content viser = la place, le point qu'il désire viser.

Ce qui vient d'être dit.

Bien, bien: la répétition soulignée par le ton de la voix indique que l'on veut insister sur l'idée exprimée: ici on traduirait par «parfaitement bien!»

Cette condition essentielle remplie, il cherche à appuyer le corps et le fusil pour exécuter un tir plus ajusté, et enfin à s'abriter des coups et des vues.

Ici le règlement envisage l'utilisation des divers abris (levée de terre, parapet, sillon, fossé, etc…). Cette partie n'a pas besoin d'être traduite. Rien ne vaut une bonne théorie pratique. Au lieu de parler aux hommes, l'instructeur n'aura qu'à utiliser devant eux et faire utiliser ensuite par eux successivement (les levées de terre, les parapets, les fossés, etc…).

Si lui y a faire bien manière appuyer le corps, appuyer fusil, lui y a moyen bien tirer.

Si lui y a pas faire bien manière appuyer le corps, si lui y a pas faire bien manière appuyer fusil, lui y a pas bien tirer.

Tirailleur y a encore besoin trouver place, ennemi y a pas moyen mirer lui, ennemi y a pas moyen blesser lui.

Si tirailleur y a trouvé place, lui y a moyen mirer le but, lui y a moyen appuyer le corps, lui y a moyen appuyer fusil, lui y a moyen bien tirer.

Si…, etc…, lorsque l'on veut insister sur l'importance qu'il y a à faire quelque chose (condition essentielle, dit le règlement V. ci-contre), il y a intérêt à opposer comme cela a été fait ici, le cas de réalisation de la condition au cas de non réalisation de la condition.

Faire bien manière: apporter beaucoup de soin à.

Bien tirer se dit, mais cette forme n'est pas à généraliser. On ne dira pas bien marcher mais marcher bien; bien manger, mais manger bien.

Bien tirer est une de ces expressions toutes faites qui sont passées dans la langue de nos tirailleurs, ne formant pour eux qu'un seul mot.

Faire apprendre et prononcer distinctement par les hommes les noms des abris ou couverts que l'on peut trouver au cours des divers exercices.

Ennemi y a pas moyen mirer lui, ennemi y a pas moyen blesser lui.

Ça y a bon plus que tout.

(On pourrait dire aussi):

Ça y a bon trop-trop.

(Trope-trope.)

Quand on a énuméré beaucoup de conditions, il est bon de les récapituler rapidement en phrases courtes et de détacher nettement de la voix la phrase: ça y a bon, ou ça y a pas bon, suivant que le résultat est bon ou mauvais.

Plus-que-tout, après «y a bon», indique l'idée de perfection.

Ici on traduirait par: «Si toutes ces conditions sont remplies, vous avez l'abri idéal

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Exécution du feu.

Comment y a besoin faire bataille fusil.

Se servir du fusil au combat.

Le feu est exécuté au commandement du chef sur un point nettement désigné et en visant le pied du but.

Tirailleur y a moyen commencer le feu quand chef y a commandé «Commencez le feu».

Tirailleur y a tiré ça place chef y en a faire mirer lui bien bien.

Tirailleur y a tirer toujours le but en bas.

Faire mirer lui bien, bien = lui désigner très distinct:

Le pied du but: le but en bas.

Le haut du but: le but en haut.

Le tirailleur s'attache à bien voir le point à viser et à ne pas le perdre de vue pendant toute la durée de l'action.

Il se sert de la cartouchière de droite et charge avec toute la rapidité possible.

Tirailleur y a faire bien bien manière mirer bien ça place y en a besoin viser.

Tirailleur y a besoin mirer toujours le but; bataille y a pas fini, lui y a pas fini mirer le but.

Tirailleur y a besoin prendre cartouche dans cartouchière droite.

Lui y a besoin charger vite, vite, vite trop.

Tant que le combat ne cesse pas, il ne doit pas perdre de vue le but.

Cartouchière droite et non «cartouchière y en a droite», comme le voudrait la règle sur les adjectifs qualificatifs, parce que droite et gauche font en quelque sorte corps avec les substantifs qu'ils accompagnent.

L'usage a consacré: La jambe droite, La jambe gauche, Le bras droit, Le bras gauche, etc…

Tous les arrêts dans l'exécution du feu sont utilisés pour compléter la cartouchière de droite, d'abord avec les cartouches de la cartouchière de derrière, et ensuite avec celles de la cartouchière de gauche.

Toujours quand y en faire «Cessez le feu» tirailleur y a besoin faire cartouchière droite plein complète.

Lui y a faire cartouchière droite plein complète premier avec cartouchi y en a dans cartouchière derrière, quand ça cartouchi y a fini tirailleur y a faire cartouchière droite plein complète avec cartouchi y en a dans cartouchière gauche.

Faire plein complète = compléter.

Premier = d'abord.

Après = ensuite.

Le tirailleur commence le feu immédiatement après le commandement, vise toujours avec calme et précision.

Toujours tirailleur y a commencé le feu quand chef y a commandé «Commencez le feu», lui y a pas attendre, lui y a commencé le feu tout de suite.

Tirailleur y a besoin viser bien; lui y a pas faire même chose y a froid, même chose y a peur, lui y a visé tranquille, y a visé juste.

Commencé le feu: maintenir l'article parce que c'est là un commandement réglementaire.

Tout de suite: assez employé en prononçant «tout-suite».

Trembler (accompagner la parole d'une mimique expressive).

Dans le feu à volonté, il tire sans aucun arrêt jusqu'au commandement de «Cessez le feu», qu'il répète à ses deux voisins dès qu'il l'a entendu.

Quand chef y a commandé «Feu à volonté», tirailleur y a besoin tirer, tirer, tirer toujours; lui y a fini tirer quand chef y a commandé «Cessez le feu!»

Quand tirailleur y a entendé chef commander «Cessez le feu», tout de suite lui y a besoin répéter «Cessez le feu» son camarade droite et son camarade gauche.

Répéter: mot très employé, précisément parce que pendant l'instruction du tireur on entend toujours le commandement: «Répétez! Répétez!»

Dans le feu à cartouches comptées, il s'attache à ne pas dépasser le nombre de cartouches indiqué.

Quand chef y a commandé «Feu de trois cartouches», tirailleur y a besoin tirer trois cartouches.

Y a pas bon tirer cartouches deux, cartouches quatre.

Si chef y a commandé:

«Feu de quatre cartouches!» tirailleur y a besoin tirer cartouches quatre, y a pas bon tirer cartouches trois, cartouches cinq.

Toujours tirailleur y a besoin tirer ça cartouches chef y en a dire.

Insister de la voix sur le nombre de cartouches à tirer.

Les tirailleurs doivent observer la plus exacte discipline dans l'exécution des feux: c'est à cette condition seulement que la section pourra infliger à l'ennemi des pertes qui faciliteront l'exécution du mouvement et en outre diminueront les périls du combat.

Tirailleur y a besoin faire bien manière entendre tout ça chef y en a commander quand y en a faire bataille fusil; lui y a besoin obéir tout; lui y a besoin faire tout ça règlement y en a dire.

Si tirailleur y a faire bon manière même chose règlement y a dire section y a moyen blesser ennemi trop, tuer ennemi trop.

Si ennemi y a gagné blessés trop, tués trop, section y a moyen avancer bien.

Si ennemi y a gagné blessés trop, tués trop, section y a pas gagné blessés trop, tués trop.

Tout ce que prescrit le règlement.

L'exécution du mouvement…

Les périls du combat…

Mettre toujours ces idées sous une forme plus concrète.

 

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Emploi de la baïonnette.

Comment y a besoin faire manière baïonnette.

 

Quand le chef veut commander l'assaut, il fait mettre la baïonnette au canon et le mouvement peut s'exécuter dans toutes les positions.

Quand chef y a content faire assaut lui y a commandé baïonnette au canon.

Tirailleur y a moyen mettre baïonnette canon, si lui y a debout, si lui y a pausé, si lui y a genou, si lui y a couché.

Tirailleur y a moyen faire baïonnette canon dans tous positions.

 

Pour mettre la baïonnette dans la position couchée, déposer le fusil sur le sol le long du corps, soulever légèrement le haut du corps en s'appuyant sur la main gauche, tirer la baïonnette avec la main droite, se recoucher, reprendre le fusil et fixer la baïonnette au canon.

Quand tirailleur y en a faire «Couchez-vous», si lui y a content faire baïonnette au canon (poser) mettre fusil à terre couché même chose le corps, tout près le corps, lever un peu un peu la poitrine, le corps y appuyé la main gauche; tirer baïonnette la main droite; coucher encore; prendre encore fusil, faire baïonnette au canon.

Pour l'instruction il sera bon d'exécuter lentement en parlant chacun des mouvements indiqués.

Au commandement de: «En avant, à la baïonnette», s'élancer sur l'adversaire le plus proche et l'aborder en appliquant les principes du combat à la baïonnette.

Quand chef y a commandé: «En avant, à la baïonnette», tirailleur y a besoin courir attaquer ennemi y en a tout près premier: tirailleur y a besoin faire manière escrime à la baïonnette.

 

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Emploi de l'outil.

Comment y a besoin faire manière outil portatif.

 

Pendant le combat, l'outil est porté au ceinturon.

Quand tirailleur y a faire bataille toujours lui y a besoin porter outil ceinturon.

 

Dans l'attaque comme dans la défense, le tirailleur l'utilise sur l'ordre des officiers pour ouvrir des passages dans les haies ou à travers les diverses clôtures, pour aménager rapidement les abris naturels du sol, pour dégager le champ de tir et créer des abris individuels en terre.

Toujours quand tirailleur y attaquer ennemi, toujours quand ennemi y attaquer tirailleurs, tirailleur y a besoin faire manière outil quand officier y a dire lui faire petit la route dans haies, dans murs, dans tout ça y en pas moyen pas moyen passer.

Tirailleur y a moyen faire manière outil quand lui y a content arranger vite abris y en a trouvés.

Tirailleur y a besoin faire manière outil quand lui y a content casser tout ça y en a pas laisser lui tirer bien.

Tirailleur y a besoin faire manière outil quand lui y content faire abri dans ça place lui y en en pas trouvé abri.

Montrer aux tirailleurs divers abris susceptibles d'être aménagés.

Pour travailler sous le feu, le tirailleur dépose son sac en avant de lui dans la direction de l'ennemi, de manière à s'en faire un couvert, le fusil à coté du sac.

Il se couche sur le côté gauche au point même où il doit travailler, et creuse le sol avec l'outil tenu de la main droite.

Les terres sont jetées en avant, en observant d'augmenter l'épaisseur du parapet en même temps que sa hauteur.

Quand les circonstances le permettent, le tirailleur prend la position à genou et travaille avec les deux mains.

Quand tirailleur y a besoin travailler dans ça place ennemi y en à tirer, lui y a besoin mettre son barda en avant lui, direction ennemi.

Barda y a faire couvert pour lui.

Tirailleur y a besoin placer fusil tout près son barda.

Tirailleur y a besoin faire couché (sur) côté gauche dans ça place lui y en en a besoin travailler; lui y a faire trou avec outil y en a tenir la main droite.

Tirailleur y a besoin jeter terre en avant; lui y a besoin faire manière pour parapet y a venir large quand y a venir haut.

S'il y a moyen, tirailleur y a faire à genou, y a travailler avec son la main deux.

peut s'employer ou se supprimer.

Abris et couverts sont des mots que les tirailleurs doivent connaître.

Sur peut se supprimer sans inconvénient.

Tenir ou garder.

Avec peut s'employer ou non.

Liaison

Bédary, tu assureras la liaison de la première section avec la 2e section.

Bédary, toi faire agent de liaison première section avec deuxième section.

 

Marche de façon à voir toujours les deux sections.

Toi faire manière quand toi y a marcher, mirer toujours première section, mirer toujours deuxième section.

 

Si le capitaine est avec la première section, tu lui donneras ce pli, s'il n'y est pas, tu diras au chef de la première section de le lui faire parvenir.

Si capitaine y en a avec première section, toi donner lui ça papier.

Si capitaine y en a pas avec première section, toi donner ça papier chef première section, toi dire lui envoyer ça papier pour capitaine.

 

Avertis le capitaine qu'une patrouille ennemie est dans le bois.

Toi dire capitaine patrouille pour ennemis y en a dans bois.

 

La patrouille avance.

Patrouille avancer.

 

La patrouille vient dans la direction de la colline.

Patrouille venir direction petit montagne.

Toute ondulation du terrain est, pour les indigènes, «petit montagne».

Cette patrouille ne comprend que quatre hommes.

Ça patrouille y en a hommes quatre seulement.

 

La patrouille est partie rapidement.

Patrouille y a parti vite.

 

COMMENT SE CONSTITUER UN VOCABULAIRE

Ce modeste travail n'a pas la prétention d'être un manuel complet qu'il suffirait de posséder pour se faire immédiatement comprendre de nos soldats noirs.

Il tend uniquement à donner quelques directives pour la formation de la phrase dans le langage de nos tirailleurs, et à montrer que l'on peut avec un nombre de mots assez restreint, arriver à rendre des passages de nos règlements qui paraîtraient de prime abord comporter pour leur enseignement l'emploi d'un vocabulaire assez varié.

Ce qui a été fait pour le tirailleur au combat, ou l'instruction de la sentinelle, peut être fait beaucoup plus aisément pour toute l'Ecole du soldat où chaque mot, chaque phrase s'accompagne de l'exécution d'un mouvement qui lui donne toute sa vie et double la mémoire auditive de la mémoire visuelle.

Pour arriver à se constituer un vocabulaire, il faut:

1o Prendre tous les noms d'objets d'un usage courant dans l'armée (habillement, campement, outils, literie, armement, vivres, etc.).

Apprendre ces mots aux tirailleurs.

On montrera les objets aux hommes; on en dira le nom distinctement et l'on fera répéter par chaque tirailleur en exigeant toute la correction possible dans la prononciation.

On évitera de faire faire ces théories de français par des gradés indigènes, car ces derniers en apprenant les mots leur ont déjà fait subir une déformation qu'il serait déplorable de laisser s'accentuer par une succession de transmissions défectueuses.

De déformation en déformation, on arrive rapidement à des termes absolument incompréhensibles.

2o Quand le tirailleur connaît le nom des principaux objets dont il a l'habitude de se servir ou qu'il voit toujours autour de lui, faire de petites phrases qui ne comprendront au début que trois mots:

sujet, verbe, complément.

De cette façon, on enflera petit à petit le vocabulaire déjà ébauché et on l'enrichira des verbes les plus usuels:

Exemple: Moi manger riz.
  Toi prendre fusil.
Bédary jeter caillou.
Demba boire café.
Samba porter barda.

Faire toujours l'acte que l'on indique; user d'une mimique aussi expressive que possible; le geste doit toujours accompagner la parole.

3o Pendant l'instruction de l'Ecole du soldat, dire sous une forme simple tout ce que l'on fait et exiger que l'homme le répète.

Cette méthode a l'avantage de tenir l'esprit de l'homme en éveil; d'attirer son attention sur certains détails du mécanisme des mouvements qui lui échapperaient peut-être autrement; de créer entre l'instructeur et ses élèves une langue commune dont chaque terme définit un mouvement très précis, maintes et maintes fois répété dans le courant de la semaine; de permettre aux sujets bien doués et susceptibles de faire rapidement des gradés capables d'arriver en peu de temps à savoir leur règlement de manœuvre.

Prenons, par exemple, le mouvement de «Présentez arme!»

Lever fusil debout (debout = verticalement.

Couché = horizontalement).

Avec main droite;

En même temps que l'on parle, élever l'arme verticalement avec la main droite; de la main gauche montrer successivement le fusil et la main droite, quand on prononce ces mots.

En disant fusil debout, placer l'arme bien verticale en disant: «Ça y a debout!» Incliner ensuite l'arme en disant: «Ça y a pas debout; ça y a pas bon».

Prendre fusil avec main gauche moitié boîte culasse: la hausse.

Commencer par bien montrer la main gauche en disant: «Ça main gauche», puis montrer la hausse: «Ça la hausse», puis montrer la boîte de culasse: «Ça boîte culasse», puis répéter toute la phrase en exécutant le mouvement.

Pouce allongé, évidement gauche du fût.

Montrer le pouce: «Ça pouce». Montrer de même l'évidement de gauche du fût et répéter ensuite toute la phrase en exécutant le mouvement.

Têtes autres doigts, quatre placés évidement droit du fût;

Procéder comme plus haut.

Lever encore fusil avec main gauche;

do

Arrêter main gauche quand lui y a arrivé haut même chose l'épaule.

Se toucher l'épaule en disant: «Quand main gauche y a arrivé là, y a arrêter» puis répéter la phrase ci-contre en exécutant le mouvement.

Quand y a faire ça placer main droite sur plat de la crosse.

Frapper de la main droite ouverte le plat de la crosse.

Le bec milieu deux premiers doigts; les autres doigts deux placés en bas la crosse.

Refermer les doigts lentement en parlant et faire bien constater par l'homme l'exécution de ce que l'on dit.

4o Ecouter parler les anciens tirailleurs et noter soigneusement les expressions qu'ils emploient le plus volontiers.

(On trouvera une partie de ces expressions dans les théories de la deuxième partie de ce travail: la troisième colonne de chaque page en contient l'explication).

5o Pendant les marches, les pauses, les divers exercices, s'adresser toujours aux tirailleurs en français en prenant bien soin de se conformer pour le choix des mots et la construction des phrases aux principes posés au début de la deuxième partie de ce travail.

Si le gradé européen veut bien s'imposer cette discipline au début de l'instruction, il en sera récompensé par les résultats obtenus en peu de temps et la possibilité de n'avoir recours que rarement à l'intermédiaire d'un interprète pour parler à ses hommes.

Imp.-Lib. Militaire Universelle L. Fournier, 264, Boul. St-Germain, Paris

Note du transcripteur

Dans la table en trois colonnes, on a scindé le passage entre «Quand il est arrêté» et «Exécution du feu» en trois parties, pour faciliter l'affichage par certaines liseuses tronquant les cellules de tableau plus hautes qu'une page. Si le texte demeure tronqué, il est conseillé de visualiser la table avec une taille de caractères plus petite.