The Project Gutenberg eBook of Avis pour les religieuses de l'ordre de l'Annonciade celeste, fondé à Genes l'année de notre Salut 1604

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Title: Avis pour les religieuses de l'ordre de l'Annonciade celeste, fondé à Genes l'année de notre Salut 1604

Author: Ordine della Santissima Annunziata

Release date: August 28, 2018 [eBook #57788]

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK AVIS POUR LES RELIGIEUSES DE L'ORDRE DE L'ANNONCIADE CELESTE, FONDÉ À GENES L'ANNÉE DE NOTRE SALUT 1604 ***

AVIS
POUR
LES RELIGIEUSES
DE L'ORDRE
DE L'ANNONCIADE
CELESTE,

Fondé à Genes l'année de notre salut 1604.

R'imprimés en ladite Ville, & accommodés à la pratique de l'observance des Constitutions; pour l'instruction des exercices spirituels, à l'usage des Monastere du même Ordre.

L'année M. DC. XXIV.

A BESANÇON,
Chez J. L. Boudret, Imprimeur-Libraire, proche les Jesuites.

M. DCC. XLV.

AVIS
POUR LE REGARD
DE LA CONVERSATION

ENTRE LES SŒURS.

Sur la maniere de maintenir la paix entre Elles.

Chapitre I.

Considerant ces paroles du Prophête: Ecce quam bonum, & quam jucundum habitare fratres in unum. C'est-à-dire que c'est une chose très-bonne & très-agreable que les freres demeurent ensemble en bonne intelligence.

1. Que chacune voye combien il est important de n'avoir qu'un même esprit, & une même volonté avec ses Sœurs, par le moyen d'une parfaite, generale & commune charité fondée en Dieu, évitant toujours cet écuëil si dangereux des étroites & particulieres amitiés, si fort condamnées par les Saints, & défenduës par nos Constitutions.

2. Pour maintenir cette charité, il sera bon de reconnoitre que Dieu est present dans chacune des Sœurs, & de se regarder l'une l'autre, comme autant de très-cheres épouses de Jesus-Christ.

3. Chaque Sœur dans cet esprit de charité doit être prompte à s'incommoder volontiers; quitter son repos, & encore ses exercices spirituels pour aider sa Sœur dans son besoin, selon l'ordre de la sainte obéissance. Considerant qu'elle sert en elle Notre-Seigneur Jesus-Christ, lequel a dit, Quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis, c'est-à-dire, ce que vous avez fait au moindre des miens, je le tiendrai fait à moi-même.

4. Par la même charité qu'elles suportent encore avec patience les défauts l'une de l'autre suivant ce que dit St Paul, Suportantes invicem in charitate, c'est-à-dire Suportons-nous mutuellement en charité, à l'exemple de Notre-Seigneur Jesus-Christ, lequel avec un très-grand amour a suporté nos défauts.

5. Et sentant quelque aversion, ou peu d'inclination pour traiter avec quelque Sœur, qu'elle ne manque point de converser avec elle, & de lui montrer de l'affection pour se vaincre, & la gagner; à quoi servira de considerer combien Notre-Seigneur a fait, & souffert pour elles, & qu'il ne fait point de cas de l'amour que nous lui portons si conjointement, nous n'aimons encore nos Sœurs.

6. Et au contraire sentant de l'inclination plus pour l'une que pour l'autre, que tout aussi-tôt elle se défie d'elle-même, & qu'elle s'en retire peu à peu, se contentant de traiter avec elle, comme avec les autres en public, & non pas en lieu secret, & de choses communes.

7. Parce que la mauvaise opinion que l'on a des personnes est suffisante pour attiedir la charité que chacune évite de juger temerairement de sa Sœur, conformément à ce que dit Notre-Seigneur, Nolite judicare & non judicabimini, c'est-à-dire. Ne jugez pas, & vous ne serez pas jugées. Mais qu'elle tâche d'interpréter toujours en bonne part ce que disent & ce que font les autres, ou bien qu'elle les excuse avec une bonne intention, ou si elle ne les peut excuser qu'elle diminuë la coulpe, & se tournant vers ses propres défauts, qu'elle se regarde comme la plus mauvaise de toutes, & qu'elle prie pour cette Sœur.

8. Soupçonnant que quelque Sœur dit ou fait quelque chose contre elle, ou qu'elle ne l'aime pas, ou bien qu'elle l'observe, & la note, ou autres choses semblables, qu'elle rejette incontinent ce soupçon comme un venin diabolique qui tâche d'éteindre la charité, & qu'elle pense toute sorte de bien de cette Sœur. Et quand même il seroit vrai, qu'elle se persuade en mériter bien d'avantage, & considere que Notre-Seigneur a souffert beaucoup plus pour l'amour de nous, qu'elle doit passer par un bien plus étroit Jugement devant le Tribunal de Dieu. Et que Notre-Seigneur permet cela pour l'éprouver, & pour la faire mériter, & afin qu'elle vive avec un plus grand soin, & une plus grande vigilance devant les yeux de Dieu, & devant ceux de ses épouses, s'efforçant d'aimer d'autant plus cette Sœur, & de lui témoigner par effet plus d'amour en toutes les occasions qu'elle aura de converser avec elle.

9. Pour la conservation de cette paix, & de cette charité, nous proposerons tous les matins de ne dire jamais à aucune Sœur de paroles dures, dédaigneuses ou injurieuses, pensant que Notre-Seigneur tient telles paroles comme dites à lui-même, & que nous ne sommes pas venuës dans la Religion pour contrister nos Sœurs; mais pour nous humilier, & pour y être à la gloire de Dieu sous les pieds de toutes, conformément à ce que dit le Prophete, elegi abjectus esse in domo Domini, c'est-à-dire, j'ai choisi d'être vile & méprisable dans la maison de Dieu. 10. Comme toutes les Religieuses doivent désirer de souffrir toutes sortes de martyres pour l'amour de leur Epoux, quand ainsi il lui plairoit, de même elles doivent souvent proposer de souffrir avec patience, & pour son amour toutes sortes de paroles rudes, dédaigneuses, injurieuses & tous mauvais traitemens de qui que ce soit, sans faire paroitre le moindre signe de ressentiment, offrant le tout à Notre-Seigneur, & le remerciant de telles occasions qu'il leur a données, pour lui montrer en l'imitant l'amour qu'elles lui portent: priant pour telle Sœur comme pour leur grande bienfactrice. 11. S'il arrivoit par occasion qu'une Sœur en contristât une autre, soit de paroles ou autrement, qu'elle lui demande incontinent pardon, ou au moins qu'elle ne s'en aille reposer sans se reconcilier avec elle; lui baisant les pieds, & lui donnant la satisfaction convenable. Et quelquefois il seroit bon d'en demander une pénitence publique à la Mere Prieure. Et la Sœur offensée aussitôt sans contester lui pardonnera. Et quand elles se seront offensées l'une l'autre, elle se pardonneront réciproquement. Et que pas une de celles qui auront eu quelque paroles ou disputes avec une autre Sœur, n'ait la hardiesse de communier, sans s'être premierement reconciliée avec elle, & en ceci la conscience de la Mere Prieure en sera chargée.

12. Que chacune soit bien contente, que ses défauts soient raportés à la Mere Prieure, & de faire la pénitence qui lui sera imposée, encore qu'elle ne soit point coupable, & qu'il lui semble ne la pas mériter; à quoi cependant la Superieure fera grande attention pour ne se point charger elle-même.

13. Lorsque quelqu'une sera accusée de quelque chose qui ne seroit pas véritable, elle pourra dire simplement ce qui en est, sans vouloir sçavoir qui est celle qui l'a accusée; & sans soupçonner ni c'est celle-ci, ni c'est celle-là, se comportant comme il a été dit ci-dessus; & si elle veut faire un grand profit dans l'humilité, qu'elle évite diligemment de s'excuser, si ce n'est en cas de nécessité.

Que chacune regarde les vertus de ses Sœurs, pour les imiter, comme faisoit S. Antoine, & non pas les défauts pour en murmurer.

14. Lorsque quelqu'une verra ou entendra quelque défaut d'une Sœur, qu'elle ne l'alle point dire à une autre, excepté, si la chose étoit telle qu'il fallût en avertir la Mere Prieure. Et entendant quelque murmure, qu'elle se bouche les oreilles avec des épines, c'est-à-dire qu'elle témoigne ne les entendre pas volontiers, faisant selon le besoin la correction avec charité, & modestie.

15. Que toutes prennent garde de ne point semer de discorde entre les Sœurs, principalement en raportant à quelqu'une le mal qu'une autre aura dit d'elle; & la Mere Prieure s'apercevant de ce défaut qu'elle ne le laisse pas passer sans correction.

16. Que pas une ne commande à une autre, ni ne se mêle des offices des autres sans permission; & lorsqu'elle l'aura, & qu'elle s'y emploira, que ce soit avec charité, & tant de dexterité, que l'autre n'ait pas de sujet raisonnable de s'en plaindre.

17. Qu'aucune ne reprenne une autre sans ordre, quoique chacune doive être prompte à avertir sa Sœur avec charité, lorsqu'elle apercevra en elle quelque chose scandaleuse; & même en avertir la Mere Prieure.

Que pas une ne parle de sa noblesse, ni de ce qu'elle a laissé au monde, n'estimant d'autre noblesse, que celles d'Epouses de Jesus-Christ, lequel exalte d'avantage celles qui sont les plus humbles; & qu'elles soient affables avec toutes.

Ces avis qui tendent à la conversation pacifique, seront lûs tous les mois au Refectoire ou au Chapitre.

AVIS
POUR CE QUI CONCERNE
LE CHŒUR
ET L'OFFICE DIVIN.

De la maniere de s'assembler.

Chapitre II.

L'Office Divin étant dicté par le S. Esprit, composé & redigé par la sainte Eglise, pour la plus grande partie avec les paroles de Dieu même, ou prononcé par la bouche des personnes saintes, dans lequel nous traitons immediatement avec Dieu, le loüant, le remerciant, & lui demandant graces au nom de tout le Christianisme; & auquel nous sommes obligées sous peine de grief peché.

Il est convenable que nous embrassions cet œuvre avec un grand soin, de la vigilance, de la dévotion & de l'amour, & que nous faisions en sorte de nous en acquitter parfaitement: c'est pourquoi chaque Sœur du Chœur entendant le second signal de l'Office, laissant toute autre affaire se rendra au Chœur, & se préparera à loüer Dieu, se representant être comme une personne publique, & comme une envoyée destinée par la sainte Eglise, auprès de la divine Majesté pour y faire trois Offices au nom de tous, & de chaque Particulier, sçavoir, pour loüer cette sublime grandeur de toutes ses divines perfections, pour la remercier des bienfaits dont elle comble tout le monde; & pour obtenir à chacun les graces qui lui sont nécessaires.

Pas une ne manquera de se trouver à l'Office, & à chacune de ces parties, sans expresse permission de la Mere Prieure.

En entrant au Chœur, & après avoir pris de l'eau benite, elles se mettront à genoux devant le Très-Saint Sacrement, disant: Adoramus te Christe, & benedicimus tibi, quia per sanctam Crucem, & Passionem tuam redemisti mundum. Avec un Pater, & un Ave Maria.

Puis se levant elles feront une profonde reverence au Très-Saint Sacrement, & s'en iront à leurs places, ayant premierement fait une inclination à la Mere Prieure. Et auparavant que l'on commence Matines une Sœur destinée par la Mere, dira à voix haute (afin qu'elle soit entenduë de toutes) l'oraison qui sera mise ci après, par laquelle on offre à Dieu toutes les actions du jour. Et pas une ne sortira du Chœur pour quelque necessité que ce soit, auparavant que la Mere ait donné le signal de la fin, si premierement elle ne demande permission & sa benediction, faisant de même à son retour.

Lorsque quelqu'une arrivera après que l'Office sera commencé, elle se mettra à genoux au milieu du Chœur, & y demeurera jusques à ce que la Mere Prieure lui ait fait le signal; & après avoir pris la benediction, elle s'en ira à la derniere place.

Des Ceremonies & de la façon exterieure de réciter l'Office.

Chapitre III.

Quant à la maniere extérieure de réciter l'Office, il se dira, conformement à nos Constitutions, avec un ton clair, expeditif & devot; laissant finir le verset d'un Chœur, avant que l'autre commence; sans affectation, ni trop grande hâte; prenant garde de ne point manquer aux paroles.

Elles se leveront toujours au Gloria Patri: & se baisseront jusques au Sicut erat.

Elles seront un peu inclinées à tous les Pater noster que l'on dira avant que de commencer l'Office, & à ceux que l'on dit après l'Office; au Pater, au Credo, & au Confiteor des Prieres de Prime & de Complie. De plus à toutes les oraisons; mais si on disoit plusieurs oraisons comme à Prime que l'on en dit deux, à Vêpres, & à Matines quand on fait les commemoraisons, elles s'inclineront seulement à la premiere, & aux autres elles demeureront tournées vers l'Autel.

Pour ce qui est de se mettre à genoux on observera les rubriques du Breviaire.

Toutes les fois que l'on ira au milieu du Chœur pour dire les versets, les chapitres, les oraisons & les leçons, on fera la reverence à l'Autel en se baissant, de même lors qu'on s'en retournera.

Quand l'Office sera double ou semi-double, l'hebdomadresse le commencera au milieu du Chœur, & là elle dira les chapitres & les Oraisons, comme aussi les Chantres diront au même endroit l'invitatoire, les répons, & les versets. Mais lorsque l'on fera de la ferie, l'Hebdomadrice & les Chantres diront tout à leur place particuliere.

Les leçons se diront toujours au milieu du Chœur: Et toutes les fois que l'on demandera la benediction, disant ces paroles Jube domne benedicere, on demeurera baissée jusqu'à ce que la benediction soit donnée.

Durant le cours de l'Office chacune demeurera avec la bienséance exterieure, qui est convenable pour ne point donner de scandale, ni d'occasions aux distractions, évitant d'interrompre une action si noble, avec des gestes ou paroles importunes.

On portera les manteaux au Chœur, durant que l'on dit l'Office tout l'Avent de Notre-Seigneur; & depuis la Septuagesime jusqu'à Pâques; les Fêtes solemnelles; & dans le tems que l'on donnera l'habit ou le voile à quelque Religieuse. Comme aussi à l'entrée des Filles; ou quand on ira accompagner le Très-Saint Sacrement lorsque l'on le portera aux malades; toutes les fois que l'on communiera; & encore aux élections des Offices principaux. Et de même lorsqu'on sera obligée d'aller aux grilles pour y passer quelque acte public.

De la maniere intérieure de réciter l'Office.

Chapitre IV.

Quant à la maniere intérieure qui consiste dans l'attention & la dévotion.

Il faut remarquer que comme dit très-bien S. Thomas, 22. q. 85. a. 13.

Il y a trois sortes d'attentions, sçavoir aux paroles, à leur sens, à la fin de l'Oraison qui est Dieu, & aux choses que l'on demande.

Quant à l'attention aux paroles, comme il est necessaire que chacune y soit si attentive, qu'elle n'y fasse point de fautes, de même il est bon de les dire conjointement de la bouche & du cœur.

Quant à la seconde attention qui consiste à être attentive au sens des paroles; quoique toutes ne puissent pas avoir cette intelligence, cependant selon que chacune sera capable d'entendre le sens; elle fera ce qui lui sera possible, pour exciter en elle les affections d'adorations, de loüanges, d'action de graces, de douleur de ses pechés, de crainte, d'amour, de confiance & les autres, que les paroles des Pseaumes nous presentent.

Celle qui n'aura pas cette capacité puisque la force de l'oraison ne consiste pas à entendre le sens des paroles, mais dans la bonté de Dieu, & dans l'institution de la sainte Eglise: elle pourra s'imaginer qu'elle est semblable à une personne simple & grossiere, qui presente à un Prince une Requête bien composée, récitant son Office posément, simplement & humblement, avec l'intention de demander à Dieu les choses qui nous sont signifiées dans cet office par les paroles de Dieu même & de la sainte Eglise; & ainsi par ce moyen facile elle sera attentive à Dieu & à la priere, à quoi sera trés-utile l'oraison que nous dirons avant Matines.

Pour une plus grande intelligence de l'attention à la fin de l'oraison, qui consiste en deux parties, sçavoir à être attentive à Dieu, & aux choses que l'on demande, il est à propos de remarquer ce que dit le Cardinal Caietan sur St Thomas.

Premierement, que quant à ce qui est de l'élevation de l'esprit en Dieu, lorsqu'une personne durant tout le cours de l'Office occuperoit son esprit à la contemplation de Dieu & de ces perfections comme la puissance, la sagesse, la bonté, & exciteroit ces affections sur ces sujets, elle y satisferoit trés-bien.

2. Comm'elle le feroit aussi si en récitant l'Office elle étoit attentive à la Passion de Notre-Seigneur, & à produire ses affections envers cette Passion, parce que elle s'attacheroit à un meilleur moyen pour s'élever à la Divinité, que n'est celui d'être attentive au sens des paroles.

A ce qui est dit ci-dessus, j'ajoute la pratique de quelques-uns qui me semble bonne, qui est de dire les Pseaumes en considerant tantôt une effusion de sang, tantôt une autre, ou bien une playe, & puis une autre, avec intention que par les merites de cette playe, ou de cette effusion de sang, Notre-Seigneur nous accorde les graces que nous lui demandons par ce Psalme, & celles qui ont été demandées dans l'oraison pour preparation à l'Office.

3. Quant à cette demande; le même Docteur dit, que c'est encore une bonne attention de demeurer attentive aux objets de nos demandes, sçavoir à la gloire du Paradis, & aux moyens, qui nous y conduisent, comme à la grace, & aux vertus, ou bien à quelqu'une en particulier; de même aussi, aux choses necessaires pour le regard de la vie, soit pour nous, soit pour autrui, quoique les choses temporelles qui sont nécessaires pour la conservation de la vie, ne se doivent pas demander, si ce n'est autant qu'elles concourent à nous faire mériter la grace, & la gloire à quoi principalement doivent tendre nos Oraisons.

Chacune se servira de ces attentions, conformément à la grace que Notre-Seigneur lui donnera pour cela.

Et parce que le démon ne manque pas de suggerer des distractions, ce sera encore un bon moyen pour les éloigner, & pour demeurer attentive; de penser que tandis que l'on prie, Dieu est present, & pour dire ainsi, nous prête l'oreille avec une grande attention, & que Notre-Seigneur Jesus-Christ, avec sa trés-sainte Mere & les Saints sont attentifs, & se joignent à nous pour chanter les loüanges divines.

De ce que l'on doit faire à la fin de l'Office.

Chapitre V.

Cette partie de l'Office que l'on devoit réciter étant finie. Il faut premierement remercier Notre-Seigneur de ce qu'il nous a fait la grace de la réciter. Secondement, lui demander pardon des fautes que nous y avons commises. Troisiemement nous offrir à lui de tout notre cœur, & tout ce qui dépend de nous, en union de ce même office.

Quand les Sœurs sortiront du Chœur, elles iront deux à deux faire la reverence au Très-Saint Sacrement.

ORAISON
Pour dire devant Matines, par laquelle on aplique les intentions pour l'Office & les autres Oraisons du jour.

Dieu Eternel & Tout-Puissant, Trinité Bienheureuse, nous qui ne sommes que poussieres & cendres; quoiqu'indignes de votre Divine presence, néanmoins remplies de confiance en votre Divine & infinie bonté, & pressées du désir & de l'obligation de vous servir, nous vous offrons cet Office & Oraison, tout ce que nous ferons & endurerons aujourd'hui, & toute notre vie, en union des mérites & Oraisons de Notre-Seigneur Jesus-Christ, de sa très-Ste Mere, de tous les Saints; à la loüange, à l'honneur & à la gloire de votre Divine Majesté & de vos infinies perfections, en action de graces de ce salutaire decret que vous avez fait de toute éternité de sauver le Genre humain par le moyen de votre Verbe incarné, & de toutes les graces accordées à la très-sainte Humanité de Notre-Seigneur Jesus Christ; à l'honneur & à la gloire de la Bienheureuse Vierge Marie Reine du Ciel, notre Dame & Avocate, en action de graces des dons & privileges qu'elle a reçu de votre Divine Majesté en particulier de ce qu'elle a été choisie pour Mere de Dieu, & des vertus qu'elle a pratiquées en cette vie, de tout ce qu'elle a fait pour son cher Fils pendant les trente-trois ans qu'il a demeuré en ce monde, en action de graces des bienfaits accordés aux Bienheureux, à nous & à notre prochain, pour l'exaltation de la sainte Eglise pour Notre Saint Pere le Pape, pour tous les Prélats & Superieurs Ecclésiastiques, en particulier pour notre Illustrissime Archevêque N. pour nos Peres spirituels, pour le Roi & la Famille Royale, pour l'union des Princes Chrêtiens, pour la conservation de cette Ville, pour nos parens, bienfaiteurs, amis, & ceux qui se sont recommandés à nos priéres; pour la perseverance des Justes & la conversion des pecheurs, pour les infirmes, & ceux qui sont en danger de mort, ou qui sont en quelque necessité, péril, travail & calamité; pour les Ames du Purgatoire, en particulier pour celles de nos parens, bienfaiteurs & amis, pour l'extirpation de tout schisme, héresie & infidélité, pour ceux que vous prevoyez par la foi & les bonnes œuvres, devoir regner avec vous, & pour lesquels Notre-Seigneur J. C. pria au tems de sa Mort & Passion.

Nous suplions votre bonté infinie par les mérites de Notre-Seigneur J. C. de sa Bienheureuse Mere & de tous les Anges & Saints, que comme vous nous avez obligées à réciter un si saint Office, de même aussi vous nous donnez l'abondance des graces pour le réciter, avec la sainteté de vie, l'humilité, reverence, dévotion, confiance & attention que vous désirez de nous, avec la faveur de la Reine des Cieux, notre Avocate, & de toute la Cour Céleste. Ainsi soit-il.

L'on pourra renouveller virtuellement plusieurs fois le jour toutes ses intentions par une seule élevation d'esprit en Dieu, principalement au commencement de toutes les Heures Canoniales; de l'Office de Notre-Dame; de la Méditation, des Litanies, & des autres Oraisons; particulierement dans le tems de la Sainte Messe.

Et afin de parler encore interieurement à Notre-Seigneur; chaque Sœur pourra dire dans son cœur. Seigneur mon Dieu, je prétends de renouveller toutes les susd. loüanges, les remerciemens; & les demandes que vous avez faites pour moi, & pour les autres, à toutes les paroles que je dirai, que j'entendrai & que j'écrirai, à tous mes pas, & tous mes soupirs, & respirations, & à tous les mouvemens interieurs & exterieurs que je ferai tant que je vivrai.

Avis pour la Méditation.

Chapitre VI.

Comme nous devons avoir toutes un grand zéle de notre perfection, de la gloire de Dieu & de sa très-sainte Mere, par la fuite de tous les vices: par l'exercice des vertus; & par la parfaite observance de notre Institut, des avis & des régles de notre Profession: & aussi d'estimer comme une grande faveur celle d'être corrigées lorsque nous manquerons à quelque chose, (quoique ce ne soit pas par malice) pour glorifier d'avantage Notre-Seigneur par cette pénitence, en demandant encore d'autres quelquefois pour la même fin, & pour nous exciter toujours à une plus grande observance.

Ainsi il est convenable que nous embrassions avec une grande diligence le moyen qui est le plus efficace pour nous aider à acquerir tout ce qui est dit ci-dessus qui est la sainte Oraison, laquelle pour ce sujet est si fort recommandée par Notre-Seigneur, qui dit en S. Luc 18. Oportet semper orare & nunquam deficere, c'est-à-dire, il est necessaire de toujours prier, & de ne jamais cesser.

Parce que l'Oraison, & principalement la mentale est comme une fournaise ardente, qui par sa chaleur rend les hommes prompts à pratiquer toutes sortes de bien, comme auparavant ils étoient paresseux par la froideur; & de même que le fer embrasé perd sa roüilleure, & cede au marteau, de maniere que l'artisan en fait ce qu'il veut, de même ceux qui par l'exercise de la Meditation, tâchent de s'embraser dans l'amour de Dieu, se dépoüillent par son moyen de la roüille des pechés, se revêtent de la splendeur de toutes les vertus, laissent la dureté de leur propre jugement, & de leur propre volonté, cedent aux autres, se laissent plier par la sainte obéïssance, & reçoivent toutes les formes que veulent les Supérieures.

D'où vient que comme nous sommes tenuës par l'obligation de notre Institut, d'employer tous les jours deux heures à cet exercice si noble, si fructueux, si méritoire, & si fort agréable à Dieu, il est nécessaire que nous tâchions de le faire si bien que nous en tirions du fruit, & qu'il nous maintienne dans une ferveur continuelle; afin qu'avec elle nous avancions toujours à une plus grande perfection.

Et parce que les Novices dans la Méditation, du moins celles qui n'en ont pas encore un grand usage ont besoin d'y être aidées particulierement, on juge à propos que la Maîtresse des Novices fasse la Méditation séparément avec elles, (comme il a été dit dans ses instructions) afin que de point en point, elle leur enseigne ce qu'elles doivent faire jusques à ce qu'elles ayent la pratique de toutes les matieres, conformément aux régles de l'Oraison.

Et la Mere devra faire en sorte que cet ordre soit observé pour décharger sa conscience, afin que les Novices ne demeurent pas ignorantes par sa faute dans une chose de si grande importance, & à laquelle elles sont obligées d'employer deux heures chaque jour.

L'ordre donc de l'Oraison sera, que toutes étant à genoux au Chœur, la Mere Prieure (ou bien celle qui la representera) y donnera commencement avec l'Antienne. Veni sancte Spiritus, reple tuorum corda Fidelium, & tui amoris in eis ignem accende.

V. Emitte Spiritum tuum & creabuntur. R. Et renovabis faciem terræ, avec l'Oraison, Deus qui corda Fidelium &c. Et comme la Superieure commencera l'Antienne, ainsi elle dira encore l'Oraison. Puis après la Sœur désignée par la Mere lira les points de la Méditation d'une voix haute, claire & distincte.

Les points étant lûs chacune fera la préparation à l'Oraison.

Puis s'il y avoit quelque prélude à faire comme des dispositions de lieu, ou demander quelque grace, qu'elles prétendent d'obtenir dans cette Oraison, elles la feront brievement, & commençant la Méditation par les points, elles discoureront sur ces points, ainsi qu'elles auront apris aux régles de la Méditation, & comme le saint Esprit leur suggerera, tâchant en tous les discours de s'exciter à diverses saintes affections, & à en tirer plusieurs instructions, corrections & saints propos, avec la demande de quelque grace pour elle, & pour le prochain, ainsi qu'il est traité aux Régles de la Méditation, & comme il est dit au second Chapitre de la seconde Partie des Constitutions.

L'Oraison étant finie, la Superieure, (ou une autre en sa place) la terminera avec ces paroles: Tu autem Domine miserere nobis. Et elle commencera l'antienne, Sub tuum præsidium confugimus &c. laquelle étant finie elle dira le verset, Ora pro nobis sancta Dei genitrix. R. Ut digni efficiamur promissionibus Christi. Et conclura disant, Oremus. Concede nos famulas tuas quæsumus Domine Deus perpetuâ mentis & corporis sanitate gaudere, &c.

Et parce que l'exercice de la Méditation est caché, & que la Mere ne peut pas penetrer les cœurs des Sœurs pour voir comme elles s'en acquittent: que les Sœurs pensent que Dieu les voit, & qu'il remarque comme chacune s'y comporte; & qu'ainsi elles y demeurent avec une grande humilité, prosternées aux pieds de sa Divine Majesté, s'imaginant que durant cette heure là il n'y a que Dieu seul au monde, s'efforçant de s'unir à lui autant qu'il leur sera possible par le moïen de cet exercice.

Obstacles à la Méditation.

Et parce que ces exercices intérieurs peuvent mal aller ou par ignorance, ou par sommeil, ou par lâcheté, ou par distractions, & à cause du déréglement des passions, que chacune ôte d'elle-même ces empêchemens autant qu'elle le pourra avec la faveur Divine.

Remedes contre l'ignorance.

Chapitre VII.

Pour ôter l'obstacle qui suit l'ignorance, il est nécessaire que chacune tâche de bien étudier le traité de l'Oraison, & qu'elle prenne garde à bien pratiquer toutes les régles de la Méditation, qui sont données pour la faire en diverses matieres propres à méditer.

Il est convenable que l'on fasse souvent en commun des répétitions de ce qui aura été médité, parce que faisant ainsi, l'une aidera l'autre.

Ce seroit encore un bon moyen pour recevoir de plus grande lumiere de s'humilier quelquefois auprès de la Mere Prieure, lui rendant compte comme elles se comportent à l'Oraison, lui découvrant quel progrès elles y font, & quels sont leurs défauts; puisque par le moyen de telle humiliation Notre-Seigneur leur conferera de plus grandes graces. Et s'il y avoit quelque Religieuse si timide qu'elle n'eut pas la hardiesse de se manifester à la Supérieure; la Mere fera ensorte qu'il y ait quelque Religieuse bien experimentée, à laquelle elle puisse recourir pour être aidée dans ses exercices spirituels.

Outre ceci la Superieure aura soin que celles qui ne possederoient pas encore assez la pratique de l'Oraison (quoique Professes) soient instruites par quelqu'une bien experimentée en cela, jusques à ce qu'elles y soient bien dressées; & toutes doivent regarder comme une grande faveur d'être aidées en ce saint exercice.

Remede contre le Sommeil.

Chapitre VIII.

Pour être aidée contre le sommeil, il convient de faire autant qu'il sera possible, que les Sœurs reposent convenablement au tems ordonné.

Lorsque quelqu'une s'apercevra qu'une autre dormira, elle tâchera de l'éveiller, & celle qui aura été éveillée fera effort sur elle-même, afin de demeurer vigilante, se servant à cet effet de quelque remede, tel cependant qu'il ne trouble point les autres; comme seroit de se tenir sans être apuyée, étendre les bras, se serrer les mains, & choses semblables.

Remede contre la lacheté dans le Service Divin.

Chapitre IX.

Pour s'aider contre la lâcheté, il sera bon de s'exciter à la ferveur par diverses considerations; comme seroit de se souvenir souvent que l'on est en presence de cette adorable Majesté, à l'aspect de laquelle les puissances Angeliques tremblent.

Se representant entendre les Seraphins chanter à haute voix, Sanctus, Sanctus, Sanctus, faisant en quelque façon de même, & comme à l'envi prononcer ces paroles avec eux.

Et par une maniere de concevoir noble, haute & magnifique de la dignité; & de l'excellence de l'Oraison, s'exciter à un désir ardent de la bien faire à la gloire de la Divine Majesté qui daigne y assister.

Croire qu'elle nous regarde continuellement.

Penser aussi à l'excellence de la matiere qui nous est proposée, soit qu'elle concerne la vie & la passion de notre Seigneur, ou de sa très-sainte Mere.

Peser enfin l'importance de l'affaire que l'on traite avec Dieu, qui est pour notre propre bien, & pour l'assistance de la Sainte Eglise, & de tout le monde. Et avec combien de sollicitude les mondains traitent les affaires qui les interessent, quoi qu'elles soient souvent frivoles, passageres, & bien éloignés de ce que nous prétendons, qui est de glorifier Dieu, & d'acquerir les biens éternels.

On pourra s'exciter à la ferveur avec d'autres & semblables considerations.

Remedes contre les distractions.

Chapitre X.

Pour les distractions, outre que la ferveur dont nous avons parlé y servira beaucoup, il est nécessaire de pratiquer quelque chose dans le tems qui précede la méditation, & quelque autre dans le tems que l'on médite.

Quant au tems qui la précede, telles que nous voulons être à l'Oraison, telles aussi faut-il que nous soyons avant que de la faire, comme nous en averti Cassien; & comme nous désirons d'être attentives à l'Oraison, ainsi faut-il que durant le jour nous faisions ensorte d'être recuëillies autant qu'il nous sera possible, & de marcher toujours en la presence de Dieu; nous imaginant de le voir dans chacune de nos Sœurs, & qu'il est toujours present en nous, agissant avec nous dans ce que nous faisons: ce que dit St Paul étant une vérité de la Foy, que nous vivons en Dieu, que nous nous mouvons en Dieu, & que nous sommes en Dieu.

Et parce que nous ne pouvons pas toujours demeurer facilement dans cette recollection, du moins que chacune se garantisse de ce qui lui peut causer de la distraction dans ce tems. Prenant soin durant le jour d'éloigner de soi tout ce qu'elle ne veut pas qui lui vienne dans l'esprit au tems de la Méditation, ainsi que le conseille l'Abbé Cassien.

Ne s'interressant point, ni ne se souvenant pas de ce qui ne la concerne point.

Evitant non seulement les murmures, mais encore les paroles inutiles, & ridicules, parce que le démon les represente toutes au tems de l'Oraison.

Et beaucoup plus les paroles piquantes, & injurieuses, lesquelles la détruise tout-à-fait.

Que l'on observe la régle de ne se point informer curieusement des actions d'autruy, & de ne point raporter dans le Monastere [sans permission] ce que l'on aura entendu aux Grilles, ou au Tour.

Que l'on ne parle pas en vain des choses du monde. Et que hors les tems de la récréation les Sœurs ne s'arrêtent pas à faire ensemble de longs discours inutiles mais qu'elles parlent toujours, à voix basse, ainsi qu'il est bienséant à des Religieuses, de ce qui est seulement nécessaire à leurs Offices, & de choses spirituelles & édifiantes.

Il sera encore très-utile contre les distractions d'avoir le sujet de la méditation bien préparé, & distingué en divers points, auparavant que de la commencer.

C'est pourquoi après les Matines une Sœur destinée à cela, lira d'une voix haute le mistere, ou le point que l'on doit méditer à l'Oraison suivante, & après Vêpres elle lira celui de l'Oraison du soir; quoique chacune devra préparer ses points & les lire, afin de s'y mieux disposer.

Et pour procéder encore avec ordre aux sujets: on pourra méditer durant l'Avent les mistéres qui sont propres à ce tems, sçavoir, l'Incarnation de Notre Seigneur, distinguez en diverses méditations.

La Vigile de Noël, le voyage de la bienheureuse Vierge à Bethléem.

Puis la Nativité de notre Seigneur, avec les mistéres de son enfance, & les autres de sa vie jusques à la Septuagesime.

A la Septuagesime il faut commencer les mysteres de la Passion. Méditant premierement tout ce qui arriva au Cenacle avec l'ordre des points qui sont marqués au livre de la Meditation.

Et parce que les douleurs que Notre-Seigneur souffrit dans son corps, de même la honte & le mépris; sa trés-sainte Mere les suporta, & souffrit dans son cœur, il sera bon que le mystere qui aura été médité le matin en ce qui concerne Notre-Seigneur, soit réïteré le soir, par raport à la trés-sainte Vierge; d'où il arrivera encore, qu'avec une telle répétition, la Passion s'imprimera plus aisément dans le cœur, & les affections en seront plus vives & plus fortes.

La semaine de Pâques, il faut méditer le mistere de la Resurrection avec les aparitions. Puis aprés les exercices du Paradis, & de là passer aux autres mysteres de la vie de Notre-Seigneur inserés aux exercices, & distingués en differens points.

Comme aussi les meditations sur les perfections divines, & sur les Mysteres du sacré Rosaire.

De même pour ce qui concerne Notre-Dame, on pourra méditer le soir les points, & les circonstances de sa sainte vie; ses vertus; & les mysteres de ses solemnités au tems convenable.

Quoique la méditation du matin soit destinée pour la vie de Notre Seigneur, & celle du soir pour la vie de sa très sainte Mere; cependant il y a des matieres si communes à l'un & à l'autre, que l'on les pourra suivre, soir & matin, jusques à ce qu'elles soient finies: comme le mistere de l'Incarnation; ceux de l'enfance de Notre Seigneur, & du sacré Rosaire de notre Dame.

De même quand il arrivera quelque solemnité de notre-Dame, on pourra les méditer soir & matin, jusqu'à ce qu'elles soient finies.

Quant aux vertus elles pourront être méditées deux fois, l'une avec les exemples de la vie de notre Seigneur, & l'autre par maniere de répetition, avec les exemples que la Sainte Vierge nous en a donné dans sa vie. Puis après au tems que l'on fait l'Oraison; il servira beaucoup contre les distractions, de demander humblement à notre Seigneur, & à sa très-sainte Mere la grace d'y être attentive; de se souvenir que l'on est en leur presence; de tenir les sens recuëillis; & toute les fois que l'on se trouvera distraite, de s'humilier de demander pardon, & retourner toujours au point que l'on avoit quitté par distraction.

Remedes contre les passions déreglées.

Chapitre XI.

Comme il n'y a rien qui empêche davantage la méditation, & même qui la détruise entierement que les passions déreglées; puisqu'il est très-véritable que l'Oraison & la mortification sont comme des sœurs, que l'une aide l'autre, & qu'elles sont les deux aîles avec lesquelles l'ame s'éleve à la perfection: il est nécessaire que chacune s'adonne toujours & sincerement à la mortification extérieure & intérieure; mortifiant extérieurement ses sens; & les mouvemens de son corps, de façon que les assujettissant à la raison, & à la prudence, elle s'éloigne de tous excès; & intérieurement, en détruisant la racine de toutes les mauvaises habitudes, & inclinations par des actes des vertus contraires, moderant les passions; en faisant mourir l'amour propre & la sensualité; la propre volonté, & le propre Jugement, par les moyens qui ont été proposés dans la premiere partie des instructions; faisant qu'à leur place succede l'amour de Dieu, & le zéle de sa gloire, s'accoutumant à la chercher dans toutes choses; comme nous voyons, que notre Seigneur & notre Epoux, pour nous procurer la gloire éternelle, s'est si fort mortifié, que l'on peut bien dire de lui, Propter te mortificamur tota die, c'est-à-dire, pour l'amour de vous je me suis mortifié tout le jour. Et par la bouche du Prophete il dit de lui même. Ego autem sum vermis, & non homo. C'est-à-dire. Je suis un vermisseau, & non pas un homme.

Et comme nous sommes par la grace divine faites membres d'un tel Chef; considerons souvent, que celle qui par la mortification lui donne de la gloire, parvient à une grande paix interieure, & est toujours joyeuse à cause de la bonne conscience, & procure de la joye & de la consolation à tous ceux qui conversent avec elle; où au contraire, celles qui sont peu mortifiées sont un poids fort pesant à Jesus-Christ leur Chef, à cause de leur ingratitude, & ont des peines continuelles, & des remords de conscience; car la mortification est semblable à l'ombre, laquelle fuit ceux qui la cherchent, & suit ceux qui la fuyent.

Et parce que la parfaite mortification s'acquiert par le moyen de la destruction des susd. passions, & des vices, & avec l'exercice des vertus contraires, comme pour cet effet plusieurs instructions ont été données pour le secours particulier de ce Monastere, aussi il est nécessaire que chacune s'affectionne beaucoup à les lire souvent, les préferant à plusieurs autres livres spirituels; & de plus à les méditer conformément à sa nécessité, étant pour cet effet distinguez en divers points. Parce que là elle trouvera des remedes très-abondans pour toutes ses infirmités spirituelles, & des moyens fort efficaces pour l'extirpation de tous les vices, & pour l'acquisition des vertus; toutes les doivent étudier avec d'autant plus d'affection, qu'elles ont été faites pour elles, & annexées à leur profession, afin de les conduire à la perfection que l'institut demande. Puisqu'il contient des régles que Dieu lui-même a données par le moyen des Supérieurs, afin que par de telles Régles comme par autant d'échellons nous puissions monter au Ciel notre patrie; où les peines suportées en cette vie, pour l'amour de celui qui a tant souffert pour nous, finiront pour jamais; & où chacune possedera une joye éternelle en Dieu d'autant plus grande qu'elle l'aura plus aimé, & qu'elle se sera davantage peinée, & mortifiée pour son amour.

Avis sur la maniere d'entendre fructueusement la Sainte Messe.

Chapitre XII.

La Sainte Messe étant la plus haute, & la plus précieuse action qui soit dans la Ste Eglise, parce qu'en elle est offert à Dieu par les mains du Prêtre, pour le salut du monde, le sacré Corps, & le précieux Sang de son Fils unique sous les espèces du pain, & du vin; il est convenable que chaque Sœur se dispose à l'entendre avec la plus grande dévotion qu'il lui sera possible; s'excitant à une vive foi d'un si grand mystere; à une grande charité, pensant que l'on y represente la Passion que son cher Epoux a souffert avec tant d'amour; à une grande dévotion & respect, y reconnoissant le Roy de gloire au milieu des Anges, lesquels sont descendus du Ciel pour l'honorer.

Et quant à l'extérieur chacune y assistera avec modestie, & décence du corps, avec le silence, & la récollection des sens convenable; faisant attention autant qu'il sera possible de ne point faire de bruit.

Au son de la cloche, pour l'entrée du Prêtre à l'Autel, chacune pourra se representer la sortie de notre Seigneur Jesus-Christ pour aller au Mont de Calvaire avec la Croix sur ses épaules, afin de l'accompagner, & de s'y crucifier avec lui.

A la Confession du Prêtre, toutes s'accuseront devant Dieu de leurs défauts, lui demandant pardon, & détachant leurs cœurs de toutes affections déreglées.

Durant le cours de la Messe; lorsque le Prêtre lira à voix haute, chacune y sera attentive, s'excitant aux affections, & aux actes que les paroles expriment. Par exemple. Au Kyrie eleison, il faudra demander misericorde pour soi, & pour son prochain. Durant le Gloria in excelsis, & la Préface, rendre gloire à Dieu de toutes ses œuvres.

Lorsque l'on dira Dominus vobiscum; s'humilier, afin d'attirer notre Seigneur en soi. Désirer d'obtenir les graces qui sont demandées par les oraisons, pendant que le Prêtre les dira.

Durant l'Epître, s'imaginer entendre prêcher saint Jean-Baptiste, ou les Apotres, tâchant d'en tirer divers instructions. Lorsque l'on dira le Graduel, entre l'Epître & l'Evangile, désirer de croître en vertus.

Pendant l'Evangile, il faut se souvenir que notre Seigneur nous parle. Au Credo produire des actes de Foy, & désirer qu'elle soit dilatée par tout le monde, & ainsi du reste.

Et parce que le sacrifice de la Messe fut institué. Premierement en reconnoissance des divines perfections, & de l'empire que ce grand Dieu a sur nous. En second lieu, en mémoire de la Passion de notre Seigneur Jesus-Christ. Troisiémement, afin qu'elle fût un instrument par lequel ses mérites, & ses satisfactions nous fusses apliquées. Quatriéme lieu, pour l'expiation des pechés. Cinquiéme, pour le remercier de ses bienfaits. Sixiéme, pour obtenir diverses graces.

Conformément à tout ceci; lorsque l'on sera arrivé à l'Offertoire tandis que le Prêtre prépare la matiere du sacrifice, & qu'il dit les oraisons secrettes, nous ferons l'offrande du même sacrifice, distinguée en trois parties.

Premierement, nous l'offrirons à la très Sainte Trinité, à la loüange & au honneur des trois divines Personnes; à la gloire des infinies perfections de Dieu, & de l'empire qu'il a sur nous comme Souverain Seigneur de toutes choses. A l'honneur & à la loüange du Verbe incarné, de tous ses sens & puissances, & des actions qu'il a faites étant en ce monde; en action de grace de tous les bienfaits accordés à sa très-sacrée Humanité, & de ce qu'elle a fait, & souffert pour nous. En mémoire, & en reconnoissance des bienfaits, & de la gloire dont il a comblée sa très-sainte Mere, les Anges, & tous les Bienheureux.

2. Pour ce qui nous concerne, considerant l'agonie que notre Seigneur souffrit au Jardin, chacune offrira ce sacrifice en action de grace de tous les bienfaits corporels, & spirituels qu'elle a reçus. Pour l'expiation de ses péchés, & pour la satisfaction des peines qui leur sont dûës. Pour l'augmentation de la grace, & des vertus, singulierement de celles dont elles ont plus besoin, & pour toutes les nécessités corporelles & temporelles, selon la plus grande gloire de Dieu, & le bien de l'ame.

3. Pour ce qui regarde le prochain, en nous rapellant la flagellation de son sacré corps, nous l'offrirons pour la Sainte Eglise, & pour son augmentation. Pour les justes afin qu'ils perseverent, & qu'ils croissent en grace. Pour les pecheurs qui sont en peché mortel, afin qu'ils se convertissent.

Envisageant son Chef couronné d'épines nous l'offrirons pour notre S. Pere le Pape, pour tous les Prelats, & Ministres de la Sainte Eglise, & spécialement pour notre Illustrissime Archevêque, & autres Peres spirituels.

Voyant comme il a porté la Croix, & comme il a été dépoüillé, nous offrirons ce sacrifice pour tous les Religieux, & Religieuses.

A la vûë de la playe de la main droite, nous l'offrirons pour tous les Princes Chrêtiens, & Gouverneurs temporels, singulierement pour notre Monarchie très Chrêtienne.

Considerant la playe de la main gauche, nous l'offrirons pour nos parens, amis, bienfaiteurs, & ceux qui se sont recommandez à nos prieres.

Considerant celle du pied droit, nous l'offrirons pour les affligés, pauvres, infirmes, prisonniers, esclaves du Turc, & pour tous ceux qui sont en quelque danger ou nécessité.

Considerant celle du pied gauche, nous l'offrirons pour l'extirpation de tous schismes, héresies & infidelités.

Considerant la playe du sacré coté (au Memento des Morts) nous l'offrirons pour les ames du Purgatoire, & spécialement pour celles de nos parens & bienfaiteurs, & pour ceux à qui nous avons obligation particuliere.

A l'élevation de l'Hostie nous ferons une profonde adoration, nous soumettant entierement à notre Seigneur, l'offrant pour toutes les intentions ci-dessus spécifiées de loüanges, de remerciment, & de demande, invitant tous les Bienheureux à faire de même avec nous, & demandant les graces dont nous connoissons avoir plus besoin.

A l'élevation du Calice, nous ferons de même, priant que ce sang précieux descende sur nous & sur notre prochain. Qu'il éteigne en nous les désirs terrestres, & toutes les affections déreglées, qu'il nous fasse produire toutes sortes de vertus.

Après l'élevation si quelqu'une ne se sent attirée à un sujet qui lui soit plus profitable, elle pourra s'entretenir sur les sept paroles que notre Seigneur prononça sur la Croix, demandant par le mérite de chacune, quelque grace qui y soit conforme, pour elle, ou pour son prochain.

A la Communion du Prêtre, nous nous exciterons au désir de communier, & prierons notre Seigneur qu'il entre dans nous spirituellement, qu'il nous communique sa grace, & ses saintes vertus. Et qu'à la resemblance de son ancien sépulchre, notre cœur en soit un nouveau, par un renouvellement de vie, qu'il soit taillé dans un rocher par l'humilité, & la constance dans les bons propos; qu'il soit ferme avec la pierre des saintes, & fermes resolutions, n'y laissant entrer aucune chose qui puisse offenser ses yeux divins; qu'il soit scélé avec le seau de la Charité, par laquelle nous entrons en Dieu, & Dieu en nous; & qu'il soit entouré des gardes, par la garde du cœur, & des sens; afin que nous ne perdions pas ce divin thrésor qui contient toute sorte de bien.

A la benediction du Prêtre; nous demanderons que les benédictions célestes dont chacun a besoin, descendent sur nous, & sur nôtre prochain.

Au dernier Evangile, In principio. Nous adorerons la très-sainte Trinité, la priant qu'elle éclaire tout le monde, par la Prédication de l'Evangile, envoyant des Prédicateurs par toute la terre.

Que chacun travaille à devenir enfant de Dieu; & que nous le portions continuellement dans le cœur.

Avis sur la maniere de se bien confesser.

Chapitre XIII.

Le Sacrement de la Confession étant de si grande importance, & si souvent fréquenté par les Religieuses, il est nécessaire que chacune tâche de s'en aprocher de la meilleure façon qu'il lui sera possible pour en tirer du fruit; & pour ce sujet il sera bon d'en donner quelques avertissemens.

1. Qu'elles évitent d'avoir une conscience scrupuleuse, laquelle fait des pechés où il n'y en a point, & détruit la devotion; comme aussi une conscience large, qui ne fait de cas que de pechés considerables, ce qui est une grande disposition à faire tomber l'ame dans le pechez mortel: mais que chacune ait une conscience tendre qui ressente tous pechés quelques petits qu'ils soient, avec déplaisir, & avec desir de s'en corriger comme d'une chose qui déplait à son Epoux, & dont elle seroit tres confuse s'il falloit qu'elle comparût dans cet état au Ciel parmi les Bien-heureux.

2. Le temps de la confession étant venu, elles invoqueront le secours de Dieu, & rappelleront des examens passés, tout ce en quoy elles pourront se souvenir d'avoir failli. Et elles s'exciteront à une veritable douleur, & repentir, considerant combien elles ont déplû à leur Epoux, & à leur Seigneur qui les aime si fort, & à qui elles doivent donner toute satisfaction; & combien il a fait, & souffert pour effacer leur fautes; & pour les porter aux vertus contraires; priant Notre-Seigneur avec confiance, que pour sa gloire, à laquelle il est convenable que ses Epouses soient sans taches: & par le merite de son Sang precieux, qu'il leur pardonne, & qu'il leur donne la grace d'un vray changement.

3. Les confessions ordinaires des Sœurs n'estant que des reconciliations de deux ou trois jours: chacune tâchera pour plusieurs bonnes raisons d'expédier avec briéveté, afin que le Confesseur n'employe une journée à ce qu'il peut bien, & commodement faire dans un moindre espace de tems, quoi qu'elles fussent au nombre de quarante.

4. Pour cet effet qu'elles évitent de dire des paroles superfluës, & qui ne concernent point la Confession. Et de vouloir à chaque peché raconter une histoire: Par exemple voulant confesser un acte d'impatience, qu'elles ne racontent la façon dont elles ont tombées en impatience, si ce n'étoit qu'il soit nécessaire pour la Confession.

5. Qu'elles évitent encore de certaines clauses générales, lesquelles quoi qu'il semble qu'elles soient faites par un certain suplément: néanmoins sont cause que les confessions ne sont pas faites comme il convient, & que le Confesseur n'entend pas bien clairement, & nettement les pechés commis depuis la derniere confession jusques alors.

6. C'est pourquoi ayant fait le signe de la Croix, & demandé la benediction avec ces paroles, Benedic Pater &c. & dit le Confiteor jusques au milieu, se souvenant qu'elles sont en la présence de Dieu, de sa très-sainte Mere, & des Saints, elles diront briévement, entierement, & clairement, avec humilité, respect & douleur, toutes les fautes qu'elles auront commises, commençant par les affections, & passions, du cœur, & continuant par les pensées, par les paroles, par les œuvres, & par les ômissions, avec le même ordre qu'elles tiennent pour l'examen, ou comme elles le trouveront plus commode; confessant seulement les pechés particuliers qu'elles reconnoîtront, ou qu'elles douteront avoir commis contre chacun de ces articles; disant le certain pour le certain, & le douteux comme douteux. Et touchant seulement les articles sur lesquelles elles auront commis quelques fautes.

7. Dans le cours de la confession qu'elle se garantissent de découvrir sans necessité les défauts des autres.

8. Qu'elles ne s'excusent point, imposant la faute aux autres, mais qu'elles accusent leur fragilité en ce que dans les occasions elles n'en ont pas tiré les fruits d'humilité, de patience, & de charité, comme le désiroit Nôtre-Seigneur.

9. Ayant fini leurs accusations particulieres, elles pourront conclure avec ces paroles, ou de semblables. De ceux ci, & de ma tiédeur dans l'amour de Dieu, & de tous les autres pechés que j'ai commis en ma vie, je dis, Mea culpa, Mea culpa, Mea maxima culpa, finissant ainsi le reste de la confession.

10. Qu'avec une grande devotion, & un grand respect elles se persuadent, lors qu'elles recevront l'absolution, qu'elles embrassent les pieds de Nôtre-Seigneur, qu'elles reçoive dans leurs ames son très-précieux Sang, qui du haut du Ciel les purifie de tous leurs pechés.

11. Etant sorties de devant le Confesseur, elles rendront graces à nôtre Seigneur d'un si grand bienfait, invitant la Reine du Ciel, l'Ange Gardien & tous les Bienheureux à le remercier pour elles; & elles accompliront la pénitence le plûtôt qu'elles pourront, renouvellant le bon propos de s'abstenir de pecher.

12. Lors que quelqu'une n'aura rien de particulier, elle pourra dire, Mon Pere il ne m'est rien arrivé en particulier depuis ma derniere confession jusques à cet heure; cependant je m'accuse de toutes mes ingratitudes, des paroles inutiles, du tems perdu, & des autres fautes que j'ai commises par le passé.

Avis sur la maniere de détruire quelque vice, par le secours de l'examen particulier.

Chapitre XIV.

Lors que quelqu'une se sentira travaillée de quelque vice, imperfection, on mauvaise inclination, comme seroit de colere, d'impatience, d'envie, ou d'autres semblables.

Qu'elle considere souvent combien ce vice est laid en soi-même, & comme il est peu séant à une personne Religieuse, qui est obligée de s'avancer dans la voye de la perfection.

Combien il déplaît à Dieu & au prochain, les dommages qu'il lui cause & aux autres, empêche beaucoup son progrès dans la perfection.

Et par le moïen de telles considérations, qu'elle s'excite à une grande hayne contre ce défaut; & qu'elle se resolve de lui faire une vigoureuse guerre; ne se contentant pas de le reprimer, à ce qu'il ne paroisse plus dans les actions exterieures: mais encore qu'elle fasse son possible pour le déraciner parfaitement du cœur.

Et pour cela. Premierement qu'elle tâche de reconnoître les causes, & les racines d'un tel vice, afin de les ôter. Puisqu'elle cherche divers remédes; pour les effectuer, entre lesquels elle se servira des suivans.

Premierement, tous les matins étant levée, qu'elle propose de ne jamais consentir à ce défaut, en demandant la grace à Nôtre-Seigneur, & une assistance particuliere à la très-Sainte Vierge.

2. Aussi-tôt que durant le jour elle se sentira tentée d'un tel vice, qu'elle se tienne sur ses gardes, & qu'elle ait recours à Dieu avec quelque oraison jaculatoire, principalement avec celle-ci qui est si fructueuse. Pere Eternel, je vous offre tous les mérites de nôtre Seigneur, de la très-Sainte Vierge, & de tous les Saints, pour moi, & pour tous mes prochains, vivans & trépassés.

3. Lors qu'elle sera tombée en ce défaut, que tout aussi-tôt elle s'en repente de tout son cœur, s'imposant quelques pénitences exterieures, comme celles de se fraper la poitrine; de dire un Ave Maria. Ce qu'elle pourra même faire en présence des autres; ou bien de baiser la terre, ou d'autres choses semblables selon sa dévotion, & sa commodité.

4. Dans le tems de l'examen, qu'elle s'examine particulierement sur tel défaut, & connoissant n'y être point tombée, qu'elle en remercie singulierement Notre-Seigneur & qu'elle invite sa bien-heureuse Mere à le remercier pour elle.

Si elle trouve qu'elle y soit tombée, qu'elle remarque combien de fois, conferant un examen avec l'autre sur ce défaut, afin de voir le fruit qu'elle aura tirée; s'imposant toujours quelque penitence particuliere pour cela.

5. Quand elle aura demeuré quinze jours sur un défaut, de la même maniere elle pourra passer à un autre, conformément à son plus grand besoin, & puis à un autre; aprés elle retournera à combattre le premier, renouvellant la bataille de quinze en quinze jours, tantôt sur l'un, tantôt sur l'autre, prenant toujours garde à celui qui la moleste davantage, jusqu'à ce qu'ils soient tous détruits autant qu'il sera possible.

Et s'il y avoit quelque Sœur, qui eût quelque vice exterieur, comme de murmurer, ou d'autres semblables, qui causât du scandale aux autres, la Mere fera en sorte qu'elle se serve de cet examen, jusqu'à ce qu'elle en ait tiré du fruit.

Avis pour le regard de la conscience.

De la maniere de faire tous les soirs l'examen de conscience.

Chapitre XV.

Que l'on repasse briévement dans sa memoire tous les bienfaits generaux & particuliers; & principalement ceux de ce jour, soit corporels, soit spirituels, avec une affection interieure de reconnnoissance.

1. Remerciant Notre-Seigneur, de ce qu'il a bien voulu nous aimer de toute éternité; de ce qu'il nous a créé à son image, de ce qu'il nous a racheté par son Sang précieux: regenerées par son saint Esprit, conservées & nourries jusqu'à cette heure par lui-même, & par le moyen de ses créatures, employant tout le monde à notre service.

De ce qu'il nous a tant de fois suportées, & pardonnées nos pechés, pour laquelle grace nous lui sommes autant de fois redevables de la vie.

De ce qu'il nous a appellées à la Réligion dans son Esprit primitif, sous la protection de la Reine du Ciel.

De ce qu'il nous y a jusques à cette heure conservé avec l'abondance de tant de biens temporels & spirituels, principalement du très-Saint Sacrement, & préservées de tant de pechés.

2. Puis après descendant aux bienfaits corporels du jour présent. Nous le remercierons de ce qu'il nous a conservé la vie & la santé: comme aussi des infirmités quand il nous en sera survenuës, le tout étant pour nôtre bien, nous le remercierons encore du lit, de l'habitation; du vêtement, de la refection corporelle, du service qui nous est rendu, & des commodités qui ont manqué à tant d'autres.

Quant aux bienfaits spirituels du même jour. Nous le remercierons de ce qu'il nous a donné sa grace, & de ce qu'il nous y a conservé: de ce qu'il nous a préservé de beaucoup de tentations, & de pechés dans lesquels nous pouvions tomber: nous le remercierons encore des Oraisons, des Méditations, de la Messe, des Sacremens, de la parole de Dieu, des lumieres, des inspirations, & autres choses semblables, selon qu'elles seront arrivées.

Et encore des peines, des travaux, & des afflictions spirituelles qu'il a permis qui nous soient arrivées pour nôtre plus grand profit, exercice & humiliation. Enfin des biens qu'il nous eût fait, si nous eussions été disposées.

2. Avec une grande soumission & confiance en Dieu, nous lui demanderons la lumiere pour connoître nos fautes, & la grace de nous en repentir, & de nous corriger.

3. En commençant depuis le dernier examen, parcourant d'heure en heure, d'exercices à autres; tant les spirituels, que les temporels, & considerant les personnes avec lesquelles nous avons traité; nous examinerons comme nous nous sommes comportées envers Dieu, avec nôtre prochain & avec nous-même, sur nos vœux, sur nos regles, dans nos propres offices, à la garde de nos sens, & de nos puissances; si en quelque chose nous avons offensé Notre-Seigneur, ou par pensées, ou par quelques affections déreglées, ou par les paroles, ou par les œuvres, ou par les omissions; faisant singulierement attention sur le défaut auquel nous sommes plus sujettes, afin d'en faire l'examen plus particulierement.

Premierement, quant aux pensées; si quelques pensées impures nous ont passées par l'esprit, ou d'autres de dédain, d'aversion, de jugement téméraire, de superbe, de propre estime, de présomption, d'ambition, de vaine gloire, d'envie, de gourmandise, de paresse & autres semblables, & comme nous nous y sommes comportées, si nous les avons rejettées promptement, ou avec quelque négligence, ou bien si nous y avons donné quelque consentement exprès ou tacite.

2. Quant aux affections; quelles affections nous avons envers Dieu, d'amour, de confiance, de respect, de crainte, de joye, &c. D'humilité envers nous, de mépris de nous-même. De bienveillance & de compassion envers le prochain; ou bien le contraire, si nous avons ressenti quelque affection déreglées envers quelque creature, ou envers quelque chose de ce monde.

3. Quant aux paroles; si nous avons dit des paroles inutiles, picquantes, dédaigneuses, inconsidérées, de mocquerie messeantes, de murmure, & d'autres semblables.

4. Quant aux œuvres; comme nous nous sommes comportées dans nos offices, & dans nos actions journalieres, si nous y avons eu une droite intention, & si nous nous en sommes bien acquitées. Si nous avons été modestes & édifiantes dans la conversation. Si nous avons mortifiées nos sens, examinant ces articles.

5. Quant aux ômissions; si nous avons ômis de faire envers Dieu, ce à quoi nous étions obligées soit pour l'Office, soit à l'Oraison pour la reception des Sacremens, à la Messe & aux autres exercices de piété: si nous avons manqué à l'obéïssance envers nos Superieurs & envers les régles: ou bien à quelque chose que nous devions faire à l'égard de notre prochain: si nous avons évité la mortification, ou la peine en quelque chose que nous devions suporter pour l'amour de Notre-Seigneur, & d'autres choses semblables.

6. Conformement aux defauts que nous trouverons avoir commis, nous nous exciterons à la douleur, sentant leur laideur; & combien ils déplaisent à Dieu, & sont indignes d'une personne Religieuse, consacrée à Dieu & à la bien-heureuse Vierge, & laquelle est obligée de tendre à une si grande perfection. Combien ils nous causent de dommage; & aux autres de quels grands biens ils nous privent, & qu'ils empêchent notre avancement dans la vertu, nous ferons un ferme propos de nous corriger.

7. Nous aurons recours aux sources sacrées des cinq playes de Notre-Seigneur pour purifier en elles toutes nos fautes. Et commençant par la playe du sacré côté: nous le prierons que par le mérite du Sang qui sortit de cette playe, & de ses sacrées pensées: aussi par celles de sa très-sainte Mere, & de tous les Sts il nous pardonne toutes les mauvaises pensées que nous avons eu en ce jour, & durant toute notre vie: & qu'il nous fasse la grace d'en avoir de bonnes & saintes à l'avenir, de même aussi à notre prochain.

Nous ferons de même pour les mauvaises affections, à la playe du pied droit. Des mauvaises paroles à la playe du pied gauche. Pour les mauvaises œuvres à celle de la main droite. Et des omissions à la playe de la main gauche. Sçavoir, que par le mérite de ces playes, de la ferveur & de la dévotion, avec laquelle il exécuta tout ce que le Pere éternel lui avoit ordonné: & avec laquelle sa très-sainte Mere accomplit tout ce qui lui étoit convenable: qu'il nous pardonne toutes nos omissions, & qu'il nous fasse la grace, & à notre prochain d'exécuter promptement tout ce que nous devons pour son saint service. Et à la fin nous dirons un Pater, & un Ave Maria, que l'on pourra encore dire à chaque playe s'il y a du tems.

Quand le signal de la fin de l'examen sera donné on dira le Confiteor, le Misereatur, l'Indulgentiam, De profundis, ou autres prieres, avec trois oraisons à la volonté de la Prieure, selon que les constitutions ordonnent.

Puis elle ira autour du Chœur ou du Chapitre donnant de l'eau benite aux Sœurs, lesquelles pendant ce tems diront le verset, Asperges me Domine, &c. avec les deux premiers versets du Miserere, le Gloria Patri, &c. Et le Requiem aternam à la fin, qui étant achevé elle donnera la benediction avec ces paroles Benedicat nos omnipotens Deus, Pater, & Filius, & Spiritus sanctus. Amen. Et toutes s'en iront deux à deux, observant inviolablement le silence, comme disent les constitutions.

Devotions que l'on pourra faire le soir dans le tems que l'on va reposer, & le matin aprés que l'on est levées.

Chapitre XVI.

Le soir après l'examen en nous retirant dans nos cellules, nous nous souviendrons de la devotion des cinq Ave Maria, placée dans les avis pour le Refectoire.

1. Avant que d'entrer au lit; étant à genoux avec une grande devotion; nous prierons la Reine du Ciel Notre-Dame, & notre Protectrice, de nous bénir, & de nous obtenir la benediction de son très-cher Fils; par le mérite de laquelle, nous, & tous ses serviteurs & servantes, singulierement notre Prélat, & autres Superieurs, soyons conservés dans sa grace; par le mérite de la benediction qu'ils se donnerent l'un à l'autre, lors qu'il lui demanda permission pour aller à la mort, recitant à la fin un Ave Maria.

2 Nous prierons Notre-Seigneur Jesus-Christ, notre Médiateur, & notre Epoux qu'il nous bénisse, & qu'il nous obtienne la même bénediction du Pere éternel, par les mérites de celle que reçut sa très-sacrée Humanité, lors qu'elle fut unie à la Nature divine, en la personne du Verbe éternel, disant, à la fin, Anima Christi, &c.

3. Nous demanderons la même benediction au Pere éternel, par son infinie bonté, & par les mérites de son Fils unique, disant à la fin un Pater noster.

En nous deshabillant, nous prierons Notre-Seigneur, que par ses écorchures, & par les douleurs qu'il souffrit lors qu'il fût dépoüillé pour être crucifié: il nous dépoüille de nos vices, & de toutes nos imperfections, disant un Pater noster.

Etant au lit, nous nous recommanderons à notre Ange Gardien, aux Saints auxquels nous avons devotion, & à toute la Cour céleste, les priant que tandis que nous dormirons ils loüent la trés-sainte Trinité pour nous, & la remercient de tous les biens qu'elle nous a fait, par les mérites de Notre-Seigneur Jesus-Christ; & qu'il nous obtienne la grace d'être vigilantes au tems convenable, afin de pouvoir loüer Notre-Seigneur: & nous ferons en sorte de toujours nous endormir sur quelque bonne pensée.

Lors que nous nous éveillerons la nuit, il sera bon de nous accoûtumer à dire, Jesus & Marie soient toujours loüés; ou bien, Jesus sis nobis Jesus; lesquels paroles nous devons avoir si fort gravées dans le cœur, qu'en marchant, en nous arrêtant, en travaillant, & en mangeant nous prononcions souvent, nous plongeant avec affection nous-même, & notre prochain dans le Sang précieux de Notre-Seigneur Jesus-Christ, avec un grand désir que tous soient sauvés, pendant que nous disons, Jesus, soyés-nous Jesus. Ces paroles nous pourrons encore servir dans la Méditation au tems de quelque grande distraction; faisant quelque pause, & nous y arrêtant un peu, comme en cüeillant un petit bouquet. Et dans le tems de quelque tentation que ce soit.

Aussi-tôt que nous entendons le signal du lever, nous nous habillerons; remerciant Notre-Seigneur, de ce qu'il lui a plû nous conserver la nuit. En nous habillant, il sera bon de nous accoûtumer à dire le Te Deum laudamus. &c. en action de grace de l'Incarnation du Verbe Eternel. Et à la fin, nous le prierons que par le mérite de son Incarnation, il nous revête de ces saintes Vertus, disant un Pater noster.

Après cela un Magnificat en action de grace de tous les bienfaits accordés à sa très-sainte Mere. Et à la fin nous la prierons de nous obtenir la robe de pureté sur la terre, & celle de gloire au Ciel, disant un Ave Maria.

Aussi-tôt que nous serons habillées étant à genoux, nous demanderons trois benedictions pour nous, & pour notre prochain; l'une à Notre-Dame l'autre à son très-cher Fils, & la troisiéme au Pere Eternel.

Premierement, nous nous présenterons à la bien-heureuse Vierge, comme ses servantes, & la prierons qu'elle nous benisse par le mérite de la benediction qu'elle reçût de Dieu, lors qu'elle fut conçuë, quand elle nâquit, lorsqu'elle fut présentée au Temple, à son Annonciation, & lors qu'elle passa de cette vie dans l'autre; & qu'elle nous présente à son très-cher Fils, en union de l'offrande qu'il fit de lui-même au Pere Eternel au tems de sa Conception, & de sa mort, & qu'elle nous obtienne trois grace de son fils bien-aimé.

La premiere qu'il lui plaise de nous garantir, & tous ses serviteurs & servantes, singulierement notre Prélat, & autres Supérieurs ce jour & pour toujours de tous pechés. Et que nous dirigions nos sens, & nos puissances, nos pensées, nos affections, nos paroles, nos œuvres & travaux, à sa pure gloire.

La seconde, qu'il nous fasse la grace de converser avec notre prochain comme avec autant d'images de Dieu, & de membres vivants de Notre Seigneur rachetés par son Sang précieux.

La troisiéme, qu'il nous fasse la grace de nous servir de toutes les autres créatures, comme d'autant de dons reçûs de sa divine main, pour sa pure gloire, & pour notre bien, puis qu'il les a données afin qu'en toutes choses & dans toutes occasions nous puissions dire avec l'Epouse: Dilectus meus mihi, & ego illi, c'est-à-dire mon bien-aimé est à moi, & moi à lui, disant à la fin un Ave Maria.

2. Nous prierons Notre-Seigneur Jesus-Christ notre Médiateur, & notre Epoux, qu'il nous benisse & qu'il nous accorde ces trois graces, par le mérite de la benediction que reçût sa trés-sacrée Humanité, lors qu'elle fut unie au Verbe Eternel, disant à la fin, Anima Christi, comme il sera mis ci-après.

3. Nous prierons le Pere Eternel qu'il nous benisse, & qu'il nous accorde ces trois mêmes faveurs, par son infinie bonté, & par les mérites de Notre-Seigneur Jesus-Christ, disant à la fin un Pater noster.

Lors que l'on ne pourra pas accomplir ces devotions le matin dans le tems prescrit, on y satisfera au commencement de l'Oraison Mentale.

Au dedans de chaque cellule, à la porte il y aura de l'eau benite, afin qu'en y entrant, & en sortant, chacun en prenne faisant le signe de la Croix avec, disant Aqua benedicta dele mea delicta, c'est-à-dire Eau benite effacé mes pechés; & auprès du benitier une image de la bien-heureuse Vierge avec son Fils Jesus, afin qu'en entrant, & sortant, elle les saluë selon sa devotion, comme disant à Notre-Seigneur, Jesus sis nobis Jesus; & à Notre-Dame, Monstra te esse matrem, ayant intention avec ces paroles de prier pour les vivans & pour les morts.

Anima Christi sanctifica me. Corpus Christi salva me. Sanguis Christi inebria me. Aqua lateris Christi lava me. Passio Christi conforta me. O bone Jesu exaudi me, intra vulnera tua absconde me, ne permittas me separari a te, ab hoste maligno defende me; in horâ mortis mea, voca me. Et jube me venire ad te, ut, una cum sanctis tuis, laudem te in sæcula sæculorum.

Ame de Jesus-Christ sanctifiez-moi. Corps de Jesus-Christ sauvez-moi. Sang de Jesus-Christ enyvrez-moi. Eau du côté de Jesus-Christ lavez-moi; Passion de Jesus-Christ fortifiez-moi; O bon Jesus exaucez-moi; cachez-moi dans vos sacrées playes, & ne permettez que jamais je sois séparée de vous; défendez-moi de mes ennemis, appelez-moi à l'heure de la mort; & commandez que j'aille vers vous, & que je chante avec vos Saints, vos loüanges dans tous les siécles des siécles. Ainsi soit-il.

Des secours spirituelles que l'on doit donner aux malades.

Chapitre XVII.

Quand une Sœur sera malade & alitée, les Sœurs prieront Dieu tous les jours particulierement pour elle.

2. Lorsque le mal croîtra considerablement, on dira à toutes les Messes l'Oraison pour les infirmes, excepté aux fêtes doubles.

3. Quand le mal sera tel, qu'elle ne pourra être portée dans l'endroit où on reçoit la sainte Communion, le Confesseur la confessera, & la communiera une fois tous les huit jours, la reconciliant premierement, & puis la communiant, afin de ne point entrer si souvent dans la cloture; si ce n'est que les Supérieurs jugeassent à propos de faire autrement.

4. L'on fera ensorte de donner l'extrême-Onction à la malade auparavant qu'elle ait perdu la connoissance, & lors qu'elle la recevra, on commencera l'Oraison continuelle à son intention, laquelle durera jusqu'à ce qu'elle rende l'ame, y ayant continuellement deux Sœurs devant le très-Saint Sacrement durant le jour, & même la nuit lors qu'il semblera à propos à la Mere Prieure; on les changera d'heure en heure, ou bien de demie heure en demie heure, conformément à l'ordre de la Mere Prieure, tant la nuit que le jour, & les deux premieres ne sortiront point jusqu'à ce que deux autres Sœurs leur succedent; lesquelles oraisons pourront être vocales, ou mentales apliquées à la malade; vocales, comme divers Pseaumes, Litanies, & Oraisons, faites pour les agonisans, la Passion, & autres choses semblables.

Et si elles ne veulent pas lire, elles pourront prier par maniere de fervante suplication, parcourant en détail la vie & la Passion de notre Seigneur, & celle de la sainte Vierge, les priant par tels, & tels mysteres de leur vie, de secourir leur servante; & quelque fois elles pourront convenir ensemble, que l'une prenne la vie de notre Seigneur, & l'autre celle de notre Dame, afin que la malade étant mise entre les deux ressente un secours plus efficace.

5. De plus, il y aura une autre Sœur destinée pour demeurer près du lit de la malade; qui de tems en tems la consolera, & récitera près d'elle tantôt quelques Pseaumes, tantôt les Litanies, d'autre fois les oraisons pour les agonisans ou la Passion. Cette Sœur sera encore changée d'heure en heure. Et quand la malade sera près de rendre l'ame, plus il y aura de Sœurs auprès d'elle pour faire des prieres, mieux les forces du démon s'afoibliront & plus la malade sera secouruë & encouragée.

6. En tous ceci chaque Sœur se comportera avec autant de viligance, de promptitude, & de charité qu'elle désireroit que l'on en exerçât envers elle lors qu'elle se trouvera à cette extrémité. Et ce qui sera fait pour la plus considerable, que l'on sçache qu'il doit aussi être pratiqué pour la moindre des Sœurs Converses.

7. Lorsque la malade sera morte, on laissera passer vingt-quatre heures auparavant que de l'enterrer. Et la sépulture sera dans l'Eglise intérieure des Religieuses, faite expressément pour elles.

8. De plus outre les Offices, & autres Oraisons ordonnés par les Constitutions la Mere P. lui fera dire trente Messes dans la matinée suivante immédiatement après sa mort, & si le Monastere est assez commode, on pourra lui faire dire trois trenteins, dont l'un sera de saint Gregoire. Et si c'étoit une Fête telle que l'on ne peut pas dire la Messe des morts, on lui fera apliquer celle de la Fête, donnant aux Prêtres leur rétribution, comme s'ils l'avoient dite des morts: & si on ne les peut pas dire toutes dans notre Eglise, on les fera dire le même matin en diverses Eglises, afin que l'ame reçoive au plûtôt les suffrages qui lui sont si importans.

COLLOQUES.
Que l'on pourra faire le matin.

Très sainte Trinité, Pere, Fils & Saint Esprit: comme vous êtes trois en personnes, & un en essence, comblée de perfections infinies; ainsi je vous louë, je vous benis & je vous glorifie en union des loüanges, des bénédictions & de la gloire que vous rend l'ame de notre Seigneur Jesus-Christ, sa très-Sainte Mere & tous les bien-heureux: désirant de vous loüer dans le même esprit, & vous priant par les mérites de notre Seigneur Jesus-Christ, que vous soyiez benite & glorifiée de tous, sur la terre comme au Ciel. Ainsi soit-il.

Comme vous êtes créatrice, conservatrice & médiatrice de toutes choses, je vous adore, & me soumets à vous en tout, comme à mon Créateur qui m'avez créé de rien à votre ressemblance, en union de l'adoration que vous rend l'ame de notre Seigneur J. C. sa trés-sainte Mere & les Bien-heureux, désirant de vous adorer dans le même esprit; & vous priant par les mérites de notre Seigneur J. C. que vous soyiez adorée de tous sur la terre comme dans le Ciel, Ainsi soit-il.

Comme vous êtes le Souverain bien, désiré des Créatures: je mets en vous ma joie, mon amour & ma complaisance: je me réjoüis avec vous de votre bien, de votre gloire, en union de l'amour dont vous a aimé l'ame de notre Seigneur J. C. sa très-sainte Mere, & tous les Bien-heureux, de la joye & de la complaisance qu'ils ont de vos perfections & de votre félicité: vous priant par les mérites de notre Seigneur J. C. que vous soyiez aimée de tous sur la terre, comme dans le Ciel. Ainsi soit-il.

O mon Dieu, comme vous êtes le Souverain Bienfaiteur, d'où procéde tous bien, ainsi je vous rends grace de ceux qui ont été faits à l'humanité de notre Seigneur J. C. à sa très-sainte Mere, aux Bien-heureux, à moi & à tous les hommes; en union des actions de grâces que vous rend l'Ame de notre Seigneur J. C. sa très-Sainte Mere, & les Saints, désirant de vous remercier avec leur esprit, & vous priant par les mérites de notre Seigneur J. C. que vous soyiez remerciée de tous sur la terre, comme dans le Ciel. Ainsi soit-il.

Comme vous êtes le Souverain Seigneur & Dominateur, auquel on doit tous ses services, & la derniere fin à laquelle nous devons raporter toutes nos intentions & nos actions: ainsi je m'offre perpétuellement à votre service & je dirige mes pensées, affections, paroles, œuvres & souffrances à votre pure gloire, en union de l'oblation que notre Seigneur J. C. vous fit de lui-même au tems de sa mort & de la consécration que vous ont fait d'eux-mêmes en cette vie, la Bien-heureuse Vierge & les Saints, désirant & vous priant par les mérites de notre Seigneur J. C. que tous se dédient au service de votre Divine Majesté, avec leur même esprit. Ainsi soit-il.

Comme vous connoissez parfaitement mes nécessités corporelles & spirituelles, & celles des ames qui combattent encore sur la terre, ou qui souffrent dans le Purgatoire, ainsi je vous les representent toutes; & vous prie pour celles que vous connoissez devoir vous apartenir par la foi & les bonnes œuvres; en union, de l'Oraison que notre Seigneur J. C. en tant qu'homme fait continuellement devant votre Divine Majesté, en union aussi de celle de sa très-sainte Mere & de tous les Saints.

Et je vous suplie par votre infinie bonté & vos divines perfections, par les mérites de notre Seigneur J. C. de la Bienheureuse Vierge & des Saints, que vous nous donniez à tous la lumiere pour vous connoitre, une parfaite contrition, le pardon de nos pechés, & la grace d'éviter ce qui pourroit mettre obstacle à notre salut & à notre perfection; & que nous nous faisions violence, pour mortifier l'amour propre, la propre volonté, le propre Jugement, les passions déreglées, les mauvaises habitudes & inclinations, afin que nous soyons toujours résigné à votre sainte volonté, & détachées de toutes choses pour votre gloire.

Donnez-nous, Seigneur, les graces & les secours temporels & spirituels dont nous avons besoin pour vous servir & pour nous sauver: la vie, la santé & les autres biens temporels, non pas selon nos inclinations, mais seulement ce qui peut être utile à votre gloire, & à notre salut. Ainsi soit-il.

COLLOQUES.
Que l'on pourra faire le soir à la très-sainte Vierge.

Très-sainte & très-heureuse Vierge, notre Reine & notre Mere, je loüe l'indépendante, simple, parfaite, souverainement bonne, immense, immuable, éternelle & incompréhensible essence divine qui vous a communiqué des dons si excellens, en vous faisant Mere de Dieu, Reine des Anges & des Saints, souveraine du monde: c'est d'Elle que vous avez reçu cette abondante grace qui vous a renduë si pure, si parfaite, si élevée au-dessus des Anges & des Saints, si solide en toutes les perfections, & participante de la gloire éternelle en un si haut degré que nous ne le pouvons comprendre.

Je benis l'infinie puissance qui vous a communiqué tant de force contre l'ennemi infernal, l'infinie sagesse qui vous a faite si sage & si prudente, & la bonté éternelle qui vous a renduë si bonne & si bienfaisante à l'égard des hommes.

Je glorifie la divine beauté qui vous a embellie & ornée de tant de vertus héroïques, la divine connoissance qui de toute éternité vous a placée à la tête de toutes les pures Créatures & vous a destinée à être le chef d'œuvre des ses ouvrages, & la vérité éternelle qui vous a renduë si attachée au vrai, si fidelle & si sincere.

J'exalte la vie Divine, qui vous en a donné une si précieuse, la Divine volonté qui vous a voulu tant de bien de toute éternité, le Divin amour qui vous a cherie si fort, & qui vous a renduë si charitable.

J'adore la Divine misericorde qui vous a préservée de toutes les miseres du peché, & qui vous a renduë si miséricordieuse, la Divine Justice qui vous a faite si juste, la divine sainteté qui vous a faite si sainte.

Je glorifie cette Providence Divine qui a eu tant de soins de vous, la Divine Prédestination qui vous a prédestinée à une si grande gloire; le livre dans lequel vous avez été écrite de toute éternité après votre Fils, & la Divine & infinie Béatitude qui vous rends si glorieuse & si heureuse au Ciel.

Je remercie le Pere Eternel qui vous a daigné prendre pour sa Fille, plus chérie & plus aimée de lui que toutes les autres; le Fils qui vous a choisie pour Mere, & le saint Esprit pour Epouse.

Je rends graces à la sainte Trinité pour la bonté qu'elle a fait paroître en vous sanctifiant & vous comblant de Privileges si signalés. Je prie aussi les Bien-heureux que par leurs Cantiques & en notre nom, ils rendent à la Divine Majesté des loüanges & des actions de graces, pour les dons singuliers qu'elle vous a conféré, ô notre Reine, chantant continuellement pour ce sujet ces divines paroles. Ainsi soit-il: Bénédict: gloire, honneur, actions de graces, vertu & force à notre Dieu dans tous les siécles des siécles. Ainsi soit-il.

Après Dieu, je mets mon amour, ma joye & ma complaisance en vous: très-sainte Reine & Mere très-débonnaire? Désirant de vous aimer aussi ardemment que les Séraphins & tous les Bien-heureux. Je me réjoüis de tant de faveurs que Dieu vous a faite; je vous loüe, je vous benis & vous adore de l'adoration qui est dûë à la Mere de Dieu, en union des loüanges, honneurs & bénédictions que vous rendent les Anges & tous les Saints; désirant de le faire dans le même esprit, & que vous soyiez connuë, aimée, reverée servie parfaitement de tout le monde.

Je vous remercie de toutes les graces que vous m'avez faites, & que vous me faites continuellement, particulierement d'avoir donné au monde & allaité son Sauveur, des exemples de vertu que vous m'avez donnés, des faveurs que vous m'avez procurées de votre cher Fils, & de m'avoir apellée à votre service particulier.

Je vous offre mes sens, & mes puissances, désirant de m'employer toute entiere à votre service, pour la gloire de votre Fils & pour la votre, & de vous servir de la maniere qui peut être plus agréable à l'un & à l'autre.

Et comme vous êtes notre fidelle Protectrice auprès de la Divine Majesté, je vous represente mes besoins corporels & spirituels, & ceux de mes Sœurs, de nos Prelats & Peres spirituels, Parens, Amis Bienfaiteurs vivans & trépassés & de ceux que Dieu connois devoir lui apartenir, vous priant par les merites de votre très cher Fils & par les grandes graces qui vous ont été faites, que vous nous procuriez toutes celles dont nous avons besoin pour le servir dignement. Ainsi soit-il.

Table des chapitres que contient le Livre des Avis.

Avis pour le regard de la conversation entre les Sœurs
Sur la maniere de maintenir la paix entre elles. Chapitre 1. p. 3.
Avis pour ce qui concerne le Chœur & l'Office ch. 2. p. 11.
Des cérémonies & de la façon extérieure de réciter l'Office. ch. 3. p. 14.
De la maniere intérieure de réciter l'Office. ch. 4. p. 16.
De ce que l'on doit faire à la fin de l'Office. ch. 5. p. 20.
Oraison pour dire devant Matine. p. 21.
Avis pour la méditation. ch. 6. p. 25.
Obstacles à la méditation. p. 30.
Remede contre l'ignorance. ch. 7. idem
Remede contre le sommeil. ch. 8. p. 32.
Remede contre la lacheté dans le service de Dieu. ch. 9. idem
Remede contre les distract. ch. 10. p. 34.
Remede contre les passions déréglées. ch. 11. p. 35.
Avis sur la maniere d'entendre structureusement la sainte Messe. ch. 12. p. 42.
Avis sur la maniere de se bien confesser. ch. 13. p. 49.
Avis sur la maniere de détruire quelques vices par le secours de l'examen particulier. ch. 14. p. 55.
Avis pour le regard de la conscience.
De la maniere de faire tous les soirs l'examen de conscience. ch. 15. p. 58.
Dévotion que l'on pourra faire le soir dans le tems que l'on va reposer, & le matin après que l'on est levé. ch. 16. p. 65.
Des secours spirituels que l'on doit donner aux malades. ch. 17. p. 72.
Colloques que l'on pourra faire le matin. p. 80.
Colloques que l'on pourra faire le soir à la très-Sainte Vierge. p. 84.

Antide Joseph Dejouffroy Duzelle Docteur en Thologie, Prêtre Chanoine en l'Illustre Chapitre Metropolitain de Besançon, Vicaire General de Monseigneur Antoine Pierre de Grammont Archevêque de Besançon Prince du St Empire, & par lui nommé Visiteur General des Maisons Religieuses du Diocèse, nous ayant été representé par les Religieuses Annonciades de la Communauté établie à Besançon; que les exemplaires des Livres de Constitutions, Regles, & Avis, de cet Ordre, devenoient extrémement rares, & au point que dans plusieurs Maisons de l'Ordre ces Livres manquoient: à quoy voulant obvier. Nous avons permis & permettons ausdites Religieuses Annonciades de Besançon de faire réimprimer lesd. Livres de leurs Constitutions, Regles, & Avis: & au Sr. Jean Loüis Boudret Imprimeur de cette Ville, d'en faire l'Impression. Donné à Besançon le 12 jour du mois d'Août 1744. Jouffroy Duzelle Vic. General.

A propos de ce livre

La transcription électronique conserve l'orthographe de l'original, y compris ses incohérences (par exemple mistere/mistére/mystere).

Ce livre est la dernière partie d'un recueil comportant trois documents, imprimé chez Jean-Louis Boudret, Besançon, 1745:

Les signature et pagination de chaque partie sont indépendantes. L'autorisation d'impression ("Antide Joseph Dejouffroy Duzelle...") figure à la dernière page de ce recueil.