The Project Gutenberg eBook of Les Heures du Soir - Précédées de les Heures claires, Les Heures d'après-midi This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Les Heures du Soir - Précédées de les Heures claires, Les Heures d'après-midi Author: Emile Verhaeren Release date: April 24, 2014 [eBook #45468] Most recently updated: April 3, 2024 Language: French Credits: Produced by Marc D'Hooghe (Images generously made available by Gallica, Bibliothèque nationale de France) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES HEURES DU SOIR - PRÉCÉDÉES DE LES HEURES CLAIRES, LES HEURES D'APRÈS-MIDI *** ÉMILE VERHAEREN Les Heures du Soir PRÉCÉDÉES DE Les Heures claires Les Heures d'après-midi DOUZIÈME ÉDITION PARIS. MERCVRE DE FRANCE XXVI, RUE DE CONDÉ, XVI MCMXXII A CELLE QUI VIT A MES COTÉS LES HEURES CLAIRES I. O la splendeur de notre joie Tissée en or dans l'air de soie! Voici la maison douce et son pignon léger, Et le jardin et le verger. Voici le banc, sous les pommiers D'où s'effeuille le printemps blanc, A pétales frôlants et lents. Voici des vols de lumineux ramiers Planant, ainsi que des présages, Dans le ciel clair du paysage. Voici, pareils à des baisers tombés sur terre De la bouche du frôle azur, Deux bleus étangs simples et purs, Bordés naïvement de fleurs involontaires. O la splendeur de notre joie et de nous-mêmes, En ce jardin où nous vivons de nos emblèmes. II Quoique nous le voyions fleurir devant nos yeux Ce jardin clair où nous passons silencieux, C'est plus encor en nous que se féconde Le plus candide et doux jardin du monde. Car nous vivons toutes les fleurs, Toutes les herbes, toutes les palmes En nos rires et en nos pleurs Le bonheur pur et calme. Car nous vivons toutes les transparences De l'étang bleu qui reflète l'exubérance Des roses d'or, et des grands lys vermeils, Bouches et lèvres de soleil. Car nous vivons toute la joie Dardée en cris de fête et de printemps, En nos aveux, où se côtoient Les mots fervents et exaltants. Oh! dis, c'est bien en nous que se féconde Le plus joyeux et doux jardin du monde. III Ce chapiteau barbare, où des monstres se tordent, Soudés entre eux, à coups de griffes et de dents, En un tumulte fou de sang, de cris ardents, De blessures et de gueules qui s'entre-mordent, C'était moi-même, avant que tu fusses la mienne, O toi la neuve, ô toi l'ancienne! Qui vins à moi, du fond de ton éternité Avec, entre les mains, l'ardeur et la bonté. Je sens en toi les mêmes choses très profondes Qu'en moi-même dormir, Et notre soif de souvenir Boire l'écho, où nos passés se correspondent. Nos yeux ont dû pleurer aux mêmes heures Sans le savoir, pendant l'enfance; Avoir mêmes effrois, mêmes bonheurs, Mêmes éclairs de confiance; Car je te suis lié par l'inconnu Qui me fixait, jadis, au fond des avenues Par où passait ma vie aventurière; Et, certes, si j'avais regardé mieux, J'aurais pu voir s'ouvrir tes yeux Depuis longtemps, en ses paupières. IV Le ciel en nuit s'est déplié Et la lune semble veiller Sur le silence endormi. Tout est si pur et clair, Tout est si pur et si pâle dans l'air Et sur les lacs du paysage ami, Qu'elle angoisse, la goutte d'eau Qui tombe d'un roseau Et tinte, et puis se tait dans l'eau. Mais j'ai tes mains entre les miennes Et tes yeux sûrs, qui me retiennent, De leurs ferveurs, si doucement; Et je te sens si bien en paix de toute chose Que rien, pas même un fugitif soupçon de crainte, Ne troublera, fût-ce un moment, La confiance sainte Qui dort en nous comme un enfant repose. V Chaque heure, où je songe à ta bonté Si simplement profonde, Je me confonds en prières vers toi. Je suis venu si tard Vers la douceur de ton regard, Et de si loin vers tes deux mains tendues, Tranquillement, par à travers les étendues! J'avais en moi tant de rouille tenace Qui me rongeait, à dents rapaces, La confiance. J'étais si lourd, j'étais si las, j'étais si vieux de méfiance, J'étais si lourd, j'étais si las Du vain chemin de tous mes pas. Je méritais si peu la merveilleuse joie De voir tes pieds illuminer ma voie, Que j'en reste tremblant encore et presque en pleurs Et humble, à tout jamais, en face du bonheur. VI Tu arbores parfois cette grâce bénigne Du matinal jardin tranquille et sinueux Qui déroule, là-bas, parmi les lointains bleus, Ses doux chemins courbés en cols de cygne. Et, d'autres fois, lu m'es le frisson clair Du vent rapide et exaltant Qui passe, avec ses doigts d'éclair, Dans les crins d'eau de l'étang blanc. Au bon toucher de tes deux mains Je sens comme des feuilles Me doucement frôler; Que midi brûle le jardin, Les ombres, aussitôt, recueillent Les paroles chères dont ton être a tremblé. Chaque moment me semble, grâce à toi, Passer ainsi, divinement en moi; Aussi, quand l'heure vient de la nuit blême, Où tu te cèles en toi-même En refermant les yeux, Sens-tu mon doux regard dévotieux, Plus humble et long qu'une prière, Remercier le tien sous tes closes paupières. VII Oh! laisse frapper à la porte La main qui passe avec ses doigts futiles; Notre heure est si unique, et le reste qu'importe, Le reste avec ses doigts futiles, Laisse passer, par le chemin, La triste et fatigante joie, Avec ses crécelles en main. Laisse monter, laisse bruire Et s'en aller le rire; Laisse passer la foule et ses milliers de voix. L'instant est si beau de lumière, Dans le jardin, autour de nous; L'instant est si rare de lumière première, Dans notre cœur, au fond de nous; Tout nous prêche de n'attendre plus rien De ce qui vient ou passe, Avec des chansons lasses Et des bras las par les chemins, Et de rester les doux qui bénissons le jour, Même devant la nuit d'ombre barricadée, Aimant en nous, par-dessus tout, l'idée Que, bellement, nous nous faisons de notre amour. VIII Comme aux âges naïfs, je t'ai donné mon cœur, Ainsi qu'une ample fleur, Qui s'ouvre pure et belle aux heures de rosée; Entre ses plis mouillés ma bouche s'est posée. La fleur, je la cueillis avec des doigts de flamme; Ne lui dis rien: car tous les mots sont hasardeux: C'est à travers les yeux que l'âme écoute une âme. La fleur qui est mon cœur et mon aveu, Tout simplement, à tes lèvres confie Qu'elle est loyale et claire et bonne, et qu'on se fie Au vierge amour, comme un enfants se fie à Dieu. Laissons l'esprit fleurir sur les collines En de capricieux chemins de vanité, Et faisons simple accueil à la sincérité Qui tient nos deux cœurs vrais en ses mains cristallines; Et rien n'est beau comme une confession d'âmes Lune à l'autre, le soir, lorsque la flamme Des incomptables diamants Brûle comme autant d'yeux Silencieux Le silence des firmaments. IX Le printemps jeune et bénévole Qui vêt le jardin de beauté Élucide nos voix et nos paroles Et les trempe dans sa limpidité. La brise et les lèvres des feuilles Babillent, et lentement effeuillent En nous les syllabes de leur clarté. Mais le meilleur de nous se gare Et fuit les mots matériels; Un simple et doux élan muet Mieux que tout verbe amarre Notre bonheur à son vrai ciel: Celui de ton âme, à deux genoux, Tout simplement, devant la mienne, Et de mon âme, à deux genoux, Très doucement, devant la tienne. X Viens lentement t'asseoir Près du parterre dont le soir Ferme les fleurs de tranquille lumière, Laisse filtrer la grande nuit en toi: Nous sommes trop heureux pour que sa mer d'effroi trouble notre prière. Là-haut, le pur cristal des étoiles s'éclaire: Voici le firmament plus net et translucide Qu'un étang bleu ou qu'un vitrail d'abside; Et puis voici le ciel qui regarde à travers. Les mille voix de l'énorme mystère Parlent autour de toi, Les mille lois de la nature entière Bougent autour de toi, Les arcs d'argent de l'invisible Prennent ton âme et sa ferveur pour cible, Mais tu n'as peur, oh! simple cœur, Mais tu n'as peur, puisque ta foi Est que toute la terre collabore A cet amour que fit éclore La vie et son mystère en toi. Joins donc les mains tranquillement Et doucement adore; Un grand conseil de pureté Flotte, comme une étrange aurore, Sous les minuits du firmament. XI Combien elle est facilement ravie Avec ses yeux d'extase ignée; Elle, la douce et résignée Si simplement devant la vie. Ce soir, comme un regard la surprenait fervente Et comme un mot la transportait Au pur jardin de joie, où elle était Tout à la fois reine et servante. Humble d'elle, mais ardente de nous, C'était à qui ploierait les deux genoux, Pour recueillir le merveilleux bonheur Qui, mutuel, nous débordait du cœur. Nous écoutions se taire, en nous, la violence De l'exaltant amour qu'emprisonnaient nos bras Et le vivant silence Dire des mots que nous ne savions pas. XII Au temps où longuement j'avais souffert, Où les heures m'étaient des pièges, Tu m'apparus l'accueillante lumière Qui luit, aux fenêtres, l'hiver, Au fond des soirs, sur de la neige. Ta clarté d'âme hospitalière Frôla, sans le blesser, mon cœur, Comme une main de tranquille chaleur. Puis vint la bonne confiance, Et la franchise, et la tendresse, et l'alliance Enfin de nos deux mains amies, Un soir de claire entente et de douce accalmie. Depuis, bien que l'été ait succédé au gel, En nous-mêmes, et sous le ciel, Dont les flammes éternisées Pavoisent d'or tous les chemins de nos pensées, Et que l'amour soit devenu la fleur immense Naissant du fier désir Qui sans cesse, pour mieux encor grandir, En notre cœur se recommence, Je regarde toujours, la petite lumière Qui me fut douce, la première. XIII Et qu'importent et les pourquois et les raisons Et qui nous fûmes et qui nous sommes: Tout doute est mort, en ce jardin de floraisons Qui s'ouvre en nous et hors de nous, si loin des hommes. Je ne raisonne pas, et ne veux pas savoir Et rien ne troublera ce qui n'est que mystère Et qu'élans doux et que ferveur involontaire Et que tranquille essor vers nos parvis d'espoir. Je te sens claire, avant de te comprendre telle; Et c'est ma joie, infiniment, De m'éprouver si doucement aimant Sans demander pourquoi ta voix m'appelle. Soyons simples et bons--et que le jour Nous soit tendresse et lumière servies, Et laissons dire que la vie N'est point faite pour un pareil amour. XIV A ces reines qui lentement descendent Les escaliers en ors et fleurs de la légende, Dans mon rêve, parfois, je t'apparie; Jeté donne des noms qui se marient A la beauté, à la splendeur et à la joie, Et bruissent en syllabes de soie, Au long des vers bâtis comme une estrade Pour la danse des mots et leurs belles parades. Mais combien vite on se lasse du jeu, A te voir douce et profonde et si peu Celle dont on enjolive les attitudes, Ton front si clair et pur et blanc de certitude, Tes douces mains d'enfant en paix sur tes genoux, Tes seins se soulevant au rythme de ton pouls Qui bat comme ton cœur immense et ingénu, Oh! combien tout, hormis cela et ta prière, Oh! comme tout est pauvre et vain, hors la lumière Qui me regarde et qui m'accueille en tes yeux nus. XV Je dédie à tes pleurs, à ton sourire, Mes plus douces pensées, Celles que je te dis, celles aussi Qui demeurent imprécisées Et trop profondes pour les dire. Je dédie à tes pleurs, à ton sourire, A toute ton âme, mon âme, Avec ses pleurs et ses sourires Et son baiser. Vois-tu, l'aube blanchit le sol, couleur de lie; Des liens d'ombre semblent glisser Et s'en aller, avec mélancolie; L'eau des étangs s'éclaire et tamise son bruit, L'herbe rayonne et les corolles se déplient, Et les bois d'or s'affranchissent de toute nuit. Oh! dis, pouvoir, un jour, Entrer ainsi dans la pleine lumière; Oh! dis, pouvoir, un jour, Avec des cris vainqueurs et de hautes prières, Sans plus aucun voile sur nous, Sans plus aucun remords en nous, Oh! dis, pouvoir un jour Entrer à deux dans le lucide amour!... XVI Je noie en tes deux yeux mon âme tout entière Et l'élan fou de cette âme éperdue, Pour que, plongée en leur douceur et leur prière, Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue. S'unir pour épurer son être Comme deux vitraux d'or en une même abside Croisent leurs feux différemment lucides Et se pénètrent! Je suis parfois si lourd, si las, D'être celui qui ne sait pas Etre parfait, comme il le veut! Mon cœur se bat contre ses vœux, Mon cœur dont les plantes mauvaises, Entre des rocs d'entêtement, Dressent, sournoisement, Leurs fleurs d'encre ou de braise; Mon cœur si faux, si vrai, selon les jours, Mon cœur contradictoire, Mon cœur exagéré toujours De joie immense ou de crainte attentatoire. XVII Pour nous aimer des yeux, Lavons nos deux regards de ceux Que nous avons croisés, par milliers, dans la vie Mauvaise et asservie. L'aube est en fleur et en rosée Et en lumière tamisée Très douce; On croirait voir de molles plumes D'argent et de soleil, à travers brumes, Frôler et caresser, dans le jardin, les mousses. Nos bleus et merveilleux étangs Tremblent et s'animent d'or miroitant; Des vols éméraudés, sous les arbres, circulent; Et la clarté, hors de chemins, des clos, des haies, Balaie La cendre humide, où traîne encor le crépuscule. XVIII Au clos de notre amour, l'été se continue: Un paon d'or, là-bas, traverse une avenue; Des pétales pavoisent --Perles, émeraudes, turquoises-- L'uniforme sommeil des gazons verts. Nos étangs bleus luisent, couverts Du baiser blanc des nénuphars de neige; Aux quinconces, nos groseilliers font des cortèges; Un insecte de prisme irrite un cœur de fleur; De merveilleux sous bois se jaspent de lueurs; Et, comme des bulles légères, mille abeilles Sur des grappes d'argent vibrent au long des treilles. L'air est si beau qu'il paraît chatoyant; Sous les midis profonds et radiants On dirait qu'il remue en roses de lumière; Tandis qu'au loin, les routes coutumières Telles de lents gestes qui s'allongent vermeils, A l'horizon nacré, montent vers le soleil. Certes, la robe en diamants du bel été Ne vêt aucun jardin d'aussi pure clarté. Et c'est la joie unique éclose en nos deux âmes, Qui reconnaît sa vie en ces bouquets de flammes. XIX Que tes yeux clairs, tes yeux d'été, Me soient, sur terre, Les images de la bonté. Laissons nos âmes embrasées Revêtir d'or chaque flamme de nos pensées. Que mes deux mains contre ton cœur Te soient, sur terre, Les emblèmes de la douceur. Vivons pareils à deux prières éperdues L'une vers l'autre, à toute heure, tendues. Que nos baisers sur nos bouches ravies Nous soient sur terre Les symboles de notre vie. XX Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie, Dis, combien l'absence, même d'un jour, Attriste et attise l'amour Et le réveille, en ses brûlures endormies? Je m'en vais au-devant de ceux Qui reviennent des lointains merveilleux Où, dès l'aube, tu es allée; Je m'assieds sous un arbre, au détour de l'allée; Et, sur la route, épiant leur venue, Je regarde et regarde, avec ferveur, leurs yeux Encor clairs de t'avoir vue. Et je voudrais baiser leurs doigts qui t'ont touchée, Et leur crier des mots qu'ils ne comprendraient pas, Et j'écoute longtemps se cadencer leur pas Vers l'ombre où les vieux soirs tiennent la nuit penchée. XXI En ces heures où nous sommes perdus Si loin de tout ce qui n'est pas nous-mêmes, Quel sang lustral ou quel baptême Baigne nos cœurs vers tout l'amour tendus? Joignant les mains, sans que l'on prie, Tendant les bras, sans que l'on crie, Mais adorant on ne sait quoi De plus lointain et de plus pur que soi, L'esprit fervent et ingénu, Dites, comme on se fond, comme on se vit dans l'inconnu. Comme on s'abîme en la présence De ces heures de suprême existence, Comme l'âme voudrait des cieux Pour y chercher de nouveaux dieux, Oh! l'angoissante et merveilleuse joie Et l'espérance audacieuse D'être, un jour, à travers la mort même, la proie De ces affres silencieuses. XXII Oh! ce bonheur Si rare et si frôle parfois Qu'il nous fait peur! Nous avons beau taire nos voix Et nous faire comme une tente, Avec toute ta chevelure, Pour nous créer un abri sûr, Souvent l'angoisse en nos âmes fermente. Mais notre amour étant comme un ange à genoux Prie et supplie Que l'avenir donne à d'autres que nous Même tendresse et même vie, Pour que leur sort, de notre sort, ne soit jaloux. Et puis, aux jours mauvais, quand les grands soirs Illimitent, jusques au ciel, le désespoir, Nous demandons pardon à la nuit qui s'enflamme De la douceur de notre âme. XXIII Vivons, dans notre amour et notre ardeur, Vivons si hardiment nos plus belles pensées Qu'elles s'entrelacent harmonisées A l'extase suprême et l'entière ferveur. Parce qu'en nos âmes pareilles, Quelque chose de plus sacré que nous Et de plus pur, et de plus grand s'éveille, Joignons les mains pour l'adorer à travers nous. Il n'importe que nous n'ayons que cris ou larmes Pour humblement le définir Et que si rare et si puissant en soit le charme, Qu'à le goûter nos cœurs soient près de défaillir. Restons quand même, et pour toujours, les fous De cet amour presque implacable, Et les fervents, à deux genoux, Du Dieu soudain qui règne en nous, Si violent et si ardemment doux Qu'il nous fait mal et nous accable. XXIV Sitôt que nos bouches se touchent, Nous nous sentons tant plus clairs de nous-mêmes Que l'on dirait des Dieux qui s'aiment Et qui s'unissent en nous-mêmes; Nous nous sentons le cœur si divinement frais Et si renouvelé par leur lumière Première Que l'univers, sous leur clarté, nous apparaît. La joie est à nos yeux le seul ferment du monde Qui se mûrit et se féconde, Innombrable, sur nos routes d'en bas; Comme là-haut, par tas, Parmi des lacs de soie où voyagent des voiles Naissent les fleurs myriadaires des étoiles. L'ordre nous éblouit, comme les feux la cendre, Tout nous éclaire et nous paraît flambeau: Nos simples mots ont un sens si beau Que nous les répétons pour les sans cesse entendre. Nous sommes les victorieux sublimes Qui conquérons l'éternité. Sans nul orgueil, et sans songer au temps minime, Et notre amour nous semble avoir toujours été. XXV Pour que rien de nous deux n'échappe à notre étreinte. Si profonde qu'elle en est sainte Et qu'à travers le corps même, l'amour soit clair; Nous descendons ensemble au jardin de la chair. Tes seins sont là ainsi que des offrandes, Et tes deux mains me sont tendues; Et rien ne vaut la naïve provende Des paroles dites et entendues. L'ombre des rameaux blancs voyage Parmi ta gorge et ton visage Et tes cheveux dénouent leur floraison, En guirlandes, sur les gazons. La nuit est toute d'argent bleu, La nuit est un beau lit silencieux, La nuit douce, dont les brises vont, une à une, Effeuiller les grands lys dardés au clair de lune. XXVI Bien que déjà, ce soir L'automne Laisse aux sentes et aux orées, Comme des mains dorées, Lentes, les feuilles choir, Bien que déjà l'automne, Ce soir, avec ses bras de vent, Moissonne, Sur les rosiers fervents Les pétales et leur pâleur, Ne laissons rien de nos deux âmes Tomber soudain avec ces fleurs. Mais tous les deux, autour des flammes De l'âtre en or de souvenir, Mais tous les deux, blottissons-nous, Les mains au feu et les genoux. Contre les deuils cachés dans l'avenir, Contre le temps qui fixe à toute ardeur sa fin, Contre notre terreur, contre nous-mêmes enfin, Blottissons-nous, près du foyer, Que la mémoire en nous fait flamboyer. Et si l'automne obère A grands pans d'ombre et d'orages planants, Les bois, les pelouses et les étangs, Que sa douleur du moins n'altère L'intérieur jardin tranquillisé, Où s'unissent, dans la lumière, Les pas égaux de nos pensées. XXVII Le don du corps, lorsque l'âme est donnée, N'est rien que l'aboutissement De deux tendresses entraînées L'une vers l'autre, éperdûment. Tu n'es heureuse de ta chair, Si belle en sa fraîcheur natale, Que pour, avec ferveur, m'en faire L'offre complète et l'aumône totale. Et je me donne à toi, ne sachant rien Sinon que je m'exalte à te connaître, Toujours meilleure, et plus pure, peut-être, Depuis que ton doux corps offrit sa fête au mien. L'amour, oh! qu'il nous soit la clairvoyance Unique, et l'unique raison du cœur, A nous, dont le plus fol bonheur Est d'être fous de confiance. XXVIII Fut-il en nous une seule tendresse, Une pensée, une joie, une promesse, Que nous n'ayons semée au-devant de nos pas? Fut-il une prière en secret entendue, Dont nous n'ayons serré les mains tendues Avec douceur sur notre sein? Fut-il un seul appel, un seul dessein, Un vœu tranquille ou violent Dont nous n'ayons accéléré l'élan? Et, nous aimant ainsi, Nos cœurs s'en sont allés, tels des apôtres, Vers les doux cœurs timides et transis Des autres. Ils les ont conviés, par la pensée, A se sentir aux nôtres fiancés, A proclamer l'amour avec des ardeurs franches, Comme un peuple de fleurs aime la même branche, Qui le suspend et le baigne dans le soleil; Et notre âme, comme agrandie, en cet éveil, S'est mise à célébrer tout ce qui aime, Magnifiant l'amour pour l'amour même, Et à chérir, divinement, d'un désir fou, Le monde entier qui se résume en nous. XXIX Le beau jardin fleuri de flammes Qui nous semblait le double ou le miroir Du jardin clair que nous portions dans l'âme Se cristallise en gel et or, ce soif. Un grand silence blanc est descendu s'asseoir Là-bas, aux horizons de marbre, Vers où s'en vont, par défilés, les arbres Avec leur ombre immense et bleue Et régulière, à côté d'eux. Aucun souffle de vent, aucune haleine. Les grands voiles du froid Se déplient seuls, de plaine en plaine, Sur des marais d'argent ou des routes en croix. Les étoiles paraissent vivre. Comme l'acier, brille le givre, A travers l'air translucide et glacé. De clairs métaux pulvérisés A l'infini semblent neiger De la pâleur d'une lune de cuivre. Tout est scintillement dans l'immobilité. Et c'est l'heure divine, où l'esprit est hanté Par ces mille regards que projette sur terre, Vers les hasards de l'humaine misère, La bonne et pure et inchangeable éternité. XXX S'il arrive jamais Que nous soyons, sans le savoir, Souffrance ou peine ou désespoir L'un pour l'autre; s'il se faisait Que la fatigue ou le banal plaisir Détendissent en nous l'arc d'or du haut désir; Si le cristal de la pure pensée Doit en nos cœurs tomber et se briser; Si malgré tout, je me sentais Vaincu pour n'avoir pas été Assez en proie à la divine immensité De la bonté; Alors, oh! serrons-nous comme deux fous sublimes Qui, sous les cieux cassés, se cramponnent aux cimes Quand même--et, d'un unique essor, L'âme en soleil, s'exaltent dans la mort. LES HEURES D'APRÈS-MIDI I. L'âge est venu, pas à pas, jour à jour, Poser ses mains sur le front nu de notre amour Et, de ses yeux moins vifs, l'a regardé. Et, dans le beau jardin que Juillet a ridé, Les fleurs, les bosquets et les feuilles vivantes Ont laissé choir un peu de leur force fervente Sur l'étang pâle et sur les chemins doux. Parfois, le soleil marque, âpre et jaloux, Une ombre dure, autour de sa lumière. Pourtant, voici toujours les floraisons trémières Qui persistent à se darder vers leur splendeur, Et les saisons ont beau peser sur notre vie, Toutes les racines de nos deux cœurs Plus que jamais plongent inassouvies, Et se crispent et s'enfoncent, dans le bonheur. Oh! ces heures d'après-midi ceintes de roses Qui s'enlacent autour du temps et se reposent La joue en fleur et feu, contre son flanc transi! Et rien, rien n'est meilleur que se sentir ainsi, Heureux et, clairs encor, après combien d'années! Mais si tout autre avait été la destinée Et que, tous deux, nous eussions dû souffrir, --Quand même!--oh! j'eusse aimé vivre et mourir, Sans me plaindre, d'une amour obstinée. II Roses de Juin, vous les plus belles, Avec vos cœurs de soleil transpercés; Roses violentes et tranquilles, et telles Qu'un vol léger d'oiseaux sur les branches posés; Roses de Juin et de Juillet, droites et neuves, Bouches, baisers qui tout à coup s'émeuvent Ou s'apaisent, au va et vient du vent, Caresse d'ombre et d'or, sur le jardin mouvant; Roses d'ardeur muette et de volonté douce, Roses de volupté en vos gaines de mousse, Vous qui passez les jours du plein été A vous aimer, dans la clarté; Roses vives, fraîches, magnifiques, toutes nos roses Oh! que pareils à vous nos multiples désirs, Dans la chère fatigue ou le tremblant plaisir S'entr'aiment, s'exaltent et se reposent! III Si d'autres fleurs décorent la maison Et la splendeur du paysage, Les étangs purs luisent toujours dans le gazon, Avec les grands yeux d'eau de leur mouvant visage. Dites de quels lointains profonds et inconnus Tant de nouveaux oiseaux sont-ils venus, Avec du soleil sur leurs ailes? Juillet a remplacé Avril dans le jardin Et les tons bleus par les grands tons incarnadins, L'espace est chaud et le vent frêle; Mille insectes brillent dans l'air, joyeusement, Et l'été passe, en sa robe de diamants Et d'étincelles. IV L'ombre est lustrale et l'aurore irisée. De la branche, d'où s'envole là-haut L'oiseau, Tombent des gouttes de rosée. Une pureté lucide et frêle Orne le matin si clair Que des prismes semblent briller dans l'air. On écoute une source; on entend un bruit d'ailes. Oh! que tes yeux sont beaux, à cette heure première Où nos étangs d'argent luisent dans la lumière Et reflètent le jour qui se lève là-bas. Ton front est radieux et ton artère bat. La vie intense et bonne et sa force divine Entrent si pleinement, tel un battant bonheur, En ta poitrine, Que pour en contenir l'angoisse et la fureur, Tes mains soudain prennent mes mains Et les appuyent comme avec peur, Contre ton cœur. V Je t'apporte, ce soir, comme offrande, ma joie D'avoir plongé mon corps dans l'or et dans la soie Du vent joyeux et franc et du soleil superbe: Mes pieds sont clairs d'avoir marché parmi les herbes, Mes mains douces d'avoir touché le cœur des fleurs, Mes yeux brillants d'avoir soudain senti les pleurs Naître, sourdre et monter, autour de mes prunelles, Devant la terre en fête et sa force éternelle. L'espace entre ses bras de bougeante clarté, Ivre et fervent et sanglotant, m'a emporté, Et j'ai passé je ne sais où, très loin, là-bas, Avec des cris captifs que délivraient mes pas. Je t'apporte la vie et la beauté des plaines; Respire-les sur moi à franche et bonne haleine, Les origans ont caressé mes doigts, et l'air Et sa lumière et ses parfums sont dans ma chair. VI Asseyons-nous tous deux près du chemin, Sur le vieux banc rongé de moisissures, Et que je laisse, entre tes deux mains sûres, Longtemps s'abandonner ma main. Avec ma main qui longtemps s'abandonne A la douceur de se sentir sur tes genoux, Mon cœur aussi, mon cœur fervent et doux Semble se reposer, entre tes deux mains bonnes Et c'est la joie intense et c'est l'amour profond Que nous goûtons à nous sentir si bien ensemble, Sans qu'un seul mot trop fort sur nos lèvres ne tremble, Ni même qu'un baiser n'aille brûler ton front. Et nous prolongerions l'ardeur de ce silence Et l'immobilité de nos muets désirs, N'était que tout à coup à les sentir frémir Je n'étreigne, sans le vouloir, tes mains qui pensent; Tes mains, où mon bonheur entier reste celé Et qui jamais, pour rien au monde, N'attenteraient à ces choses profondes Dont nous vivons, sans en devoir parler. VII Très doucement, plus doucement encore, Berce ma tête entre tes bras, Mon front fiévreux et mes yeux las; Très doucement, plus doucement encore. Baise mes lèvres, et dis-moi Ces mots plus doux à chaque aurore, Quand me les dit ta voix, Et que tu t'es donnée, et que je t'aime encore. Le joug surgit maussade et lourd; la nuit Fut de gros rêves traversée; La pluie et ses cheveux fouettent notre croisée Et l'horizon est noir de nuages d'ennui. Très doucement, plus doucement encore, Berce ma tête entre tes bras, Mon front fiévreux et mes yeux las; C'est toi qui m'es la bonne aurore, Dont la caresse est dans ta main Et la lumière en tes paroles douces: Voici que je renais, sans mal et sans secousse, Au quotidien travail qui trace, en mon chemin, Son signe, Et me fait vivre, avec la volonté, D'être une arme de force et de beauté, Aux poings d'or d'une vie insigne. VIII Dans la maison où notre amour a voulu naître, Avec les meubles chers peuplant l'ombre et les coins, Où nous vivons à deux, ayant pour seuls témoins Les roses qui nous regardent par les fenêtres. Il est des jours choisis, d'un si doux réconfort, Et des heures d'été, si belles de silence, Que j'arrête parfois le temps qui se balance, Dans l'horloge de chêne, avec son disque d'or. Alors l'heure, le jour, la nuit est si bien nôtre Que le bonheur qui nous frôle n'entend plus rien, Sinon les battements de ton cœur et du mien Qu'une étreinte soudaine approche l'un de l'autre. IX Le bon travail, fenêtre ouverte, Avec l'ombre des feuilles vertes Et le voyage du soleil Sur le papier vermeil, Maintient la douce violence De son silence, En notre bonne et pensive maison. Et vivement les fleurs se penchent Et les grands fruits luisent, de branche en branche, Et les merles et les bouvreuils et les pinsons Chantent et chantent Pour que mes vers éclatent Clairs et frais, purs et vrais, Ainsi que leurs chansons, Leur chair dorée et leurs pétales écarlates. Et je te vois passer dans le jardin, là-bas, Parfois à l'ombre et au soleil mêlée; Mais ta tête ne se retourne pas, Pour que l'heure ne soit troublée Où je travaille, avec mon cœur jaloux, A ces poèmes francs et doux. X Toute croyance habite au fond de notre amour. On lie une pensée ardente aux moindres choses: A l'éveil d'un bourgeon, au déclin d'une rose, Au vol d'un frêle et bel oiseau qui, tour à tour, Arrive ou disparaît, dans l'ombre ou la lumière. Un nid, qui se disjoint au bord moussu d'un toit Et que le vent saccage, emplit l'esprit d'effroi. Un insecte qui mord le cœur des fleurs trémières Epouvante: tout est crainte, tout est espoir. Que la raison, avec sa neige âpre et calmante, Refroidisse soudain ces angoisses charmantes, Qu'importe, acceptons-les sans trop savoir Le faux, le vrai, le mal, le bien qu'elles présagent; Soyons heureux de nous sentir, enfants, Pour croire à leur pouvoir fatal ou triomphant; Et gardons-nous, volets fermés, des gens trop sages. XI L'aube, l'ombre, le soir, l'espace et les étoiles; Ce que la nuit recèle ou montre entre ses voiles, Se mêle à la ferveur de notre être exalté. Ceux qui vivent d'amour vivent d'éternité. Il n'importe que leur raison adhère ou railla Et leur tende, debout, sur ses hautes murailles, Au long des quais et des havres ses flambeaux clairs; Eux, sont les voyageurs d'au delà de la mer. Ils regardent le jour luire de plage en plage, Très loin, plus loin que l'océan et ses flots noirs; La fixe certitude et le tremblant espoir Pour leurs regards ardents ont le même visage. Heureux et clairs, ils croient, avec avidité; Leur âme est la profonde et soudaine clarté Dont ils brûlent le front des plus hautains problèmes; Et pour savoir le monde, ils ne scrutent qu'eux-mêmes. Ils vont, par des chemins lointains, choisis par eux; Vivant des vérités que renferment leurs yeux Simples et nus, profonds et doux comme l'aurore; Et pour eux seuls, les paradis chantent encore. XII C'est la bonne heure, où la lampe s'allume: Tout est si calme et consolant, ce soir, Et le silence est tel, que l'on entendrait choir Des plumes. C'est la bonne heure où, doucement, S'en vient la bien-aimée, Comme la brise ou la fumée, Tout doucement, tout lentement. Elle ne dit rien d'abord--et je l'écoute; Et son âme, que j'entends toute, Je la surprends luire et jaillir Et je la baise sur ses yeux. C'est la bonne heure, où la lampe s'allume, Où les aveux De s'être aimés le jour durant, Du fond du cœur profond, mais transparent, S'exhument. Et l'on se dit les simples choses: Le fruit qu'on a cueilli dans le jardin; La fleur qui s'est ouverte, D'entre les mousses vertes; Et la pensée éclose, en des émois soudains, Au souvenir d'un mot de tendresse fanée Surpris au fond d'un vieux tiroir, Sur un billet de l'autre année. XIII Les baisers morts des défuntes années Ont mis leur sceau sur ton visage, Et, sous le vent morne et rugueux de l'âge, Bien des roses, parmi tes traits, se sont fanées. Je ne vois plus ta bouche et tes grands yeux Luire, comme un matin de fête, Ni, lentement, se repeser ta tête, Dans le jardin massif et noir de tes cheveux, Tes mains chères qui demeurent si douces Ne viennent plus comme autrefois, Avec de la lumière au bout des doigts, Me caresser le front, comme une aube les mousses. Ta chair jeune et belle, ta chair Que je parais de mes pensées, N'a plus sa fraîcheur pure de rosée, Et tes bras ne sont plus pareils aux rameaux clairs. Tout tombe, hélas, et se fane sans cesse; Tout est changé, même ta voix, Ton corps s'est affaissé comme un pavois, Pour laisser choir les victoires de la jeunesse. Mais néanmoins, mon cœur ferme et fervent te dit: Que m'importent les ans jour à jour alourdis, Puisque je sais que rien au monde Ne troublera jamais notre être exalté Et que notre âme est trop profonde Pour que l'amour dépende encor de la beauté. XIV Voici quinze ans déjà que nous pensons d'accord; Que notre ardeur claire et belle vainc l'habitude, Mégère à lourde voix, dont les lentes mains rudes Usent l'amour le plus tenace et le plus fort. Je te regarde, et tous les jours je te découvre, Tant est intime ou ta douceur ou ta fierté: Le temps, certe, obscurcit les yeux de ta beauté, Mais exalte ton cœur dont le fond d'or s'entr'ouvre. Tu te laisses naïvement approfondir, Et ton âme, toujours, paraît fraîche et nouvelle; Les mâts au clair, comme une ardente caravelle, Notre bonheur parcourt les mers de nos désirs. C'est en nous seuls que nous ancrons notre croyance, A la franchise nue et la simple bonté; Nous agissons et nous vivons dans la clarté D'une joyeuse et translucide confiance. Ta force est d'être frêle et pure infiniment; De traverser, le cœur en feu, tous chemins sombres, Et d'avoir conservé, malgré la brume ou l'ombre, Tous les rayons de l'aube en ton âme d'enfant. XV J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie Comme un soleil fané avant qu'il ne fût nuit, Le jour qu'avec ses bras de plomb, la maladie M'a lourdement traîné vers son fauteuil d'ennui. Les fleurs et le jardin m'étaient crainte ou fallace; Mes yeux souffraient à voir flamber les midis blancs, Et mes deux mains, mes mains, semblaient déjà trop lasses Pour retenir captif notre bonheur tremblant. Mes désirs n'étaient plus que des plantes mauvaises, Ils se mordaient entre eux comme au vent les chardons, Je me sentais le cœur à la fois glace et braise Et tout à coup aride et rebelle aux pardons. Mais tu me dis le mot qui bellement console Sans le chercher ailleurs que dans l'immense amour; Et je vivais avec le feu de ta parole Et m'y chauffais, la nuit, jusqu'au lever du jour. L'homme diminué que je me sentais être, Pour moi-même et pour tous, n'existait par pour toi; Tu me cueillais des fleurs au bord de la fenêtre, Et je croyais en la santé, avec ta foi. Et tu me rapportais, dans les plis de ta robe, L'air vivace, le vent des champs et des forêts, Et les parfums du soir ou les odeurs de l'aube, Et le soleil, en tes baisers profonds et frais. XVI Tout ce qui vit autour de nous, Sous la douce et fragile lumière, Herbes frêles, rameaux tendres, roses trémières, Et l'ombre qui les frêle et le vent qui les noue, Et les chantants et sautillants oiseaux Qui follement s'essaiment, Comme des grappes de joyaux Dans le soleil, Tout ce qui vit au beau jardin vermeil, Ingénument, nous aime; Et nous, Nous aimons tout. Nous adorons le lys que nous voyons grandir Et les hauts tournesols plus clairs que le Nadir --Cercles environnés de pétales de flammes-- Brûlent, à travers leur ardeur, nos âmes. Les fleurs les plus simples, les phlox et les lilas, Au long des murs, parmi les pariétaires, Croissent, pour être proches de nos pas; Et les herbes involontaires, Dans le gazon où nous avons passé, Ouvrent les jeux mouillés de leur rosée. Et nous vivons ainsi avec les fleurs et l'herbe, Simples et purs, ardents et exaltés, Perdus dans notre amour comme, dans l'or, les gerbes, Et fièrement, laissant l'impérieux été Trouer et traverser de ses pleines clartés Nos chairs, nos cœurs, et nos deux volontés. XVII Avec mes sens, avec mon cœur et mon cerveau, Avec mon être entier tendu comme un flambeau Vers ta bonté et vers ta charité Sans cesse inassouvies, Je t'aime et te louange et je te remercie D'être venue, un jour, si simplement, Par les chemins du dévouement, Prendre, en tes mains bienfaisantes, ma vie. Depuis ce jour, Je sais, oh! quel amour Candide et clair ainsi que la rosée Tombe de toi sur mon âme tranquillisée. Je me sens tien, par tous les liens brûlants Qui rattachent à leur brasier les flammes; Toute ma chair, toute mon âme Monte vers toi, d'un inlassable élan; Je ne cesse de longuement me souvenir De ta ferveur profonde et de ton charme, Si bien que, tout à coup, je sens mes yeux s'emplir, Délicieusement, d'inoubliables larmes. Et je m'en viens vers toi, heureux et recueilli, Avec le désir fier d'être à jamais celui Qui t'est et te sera la plus sûre des joies. Toute notre tendresse autour de nous flamboie; Tout écho de mon être à ton appel répond; L'heure est unique et d'extase solennisée Et mes doigts sont tremblants, rien qu'à frôler ton front, Comme s'ils y touchaient l'aile de tes pensées. XVIII Les jours de fraîche et tranquille santé, Lorsque la vie est belle ainsi qu'une conquête, Le bon travail prend place à mes côtés, Comme un ami qu'on fête. Il vient des pays doux et rayonnants, Avec des mots plus clairs que les rosées, Pour y sertir, en les illuminant, Nos sentiments et nos pensées. Il saisit l'être en un tourbillon fou; Il érige l'esprit, sur de géants pilastres; Il lui verse le feu qui fait vivre les astres; Il apporte le don d'être Dieu tout à coup. Et les transports fiévreux et les affres profondes, Tout sert à sa tragique volonté De rajeunir le sang de la beauté, Dans les veines du monde. Je suis à sa merci, comme une ardente proie. Aussi, quand je reviens, bien que lassé et lourd, Vers le repos de ton amour, Avec les feux de mon idée ample et suprême, Me semble-t-il--oh! qu'un instant-- Que je t'apporte, en mon cœur haletant, Le battement de cœur de l'univers lui-même. XIX Je suis sorti des bosquets du sommeil, Morose un peu de l'avoir délaissée Sous leurs branches et leurs ombres tressées, Loin du joyeux et matinal soleil. Déjà luisent les phlox et les roses trémières; Et je m'en vais par le jardin, songeant A des vers clairs de cristal et d'argent Qui tinteraient, dans la lumière. Puis tout à coup, je m'en reviens vers toi, Avec tant de ferveur et tant d'émoi Qu'il me semble que ma pensée De loin, subitement, a déjà traversé, Pour provoquer ta joie et ton réveil, Toute l'ombre feuillue et lourde du sommeil. Et quand je te rejoins dans notre maison tiède Que l'ombre et le silence encore possèdent, Mes baisers francs, mes baisers clairs, Sonnent, comme une aubade, aux vallons de ta chair. XX Hélas! lorsque le plomb des maladies, Avec mon sang torpide et lourd, Avec mon sang de jour en jour Plus torpide et plus lourd, Coulait, parmi mes veines engourdies; Lorsque mes yeux, mes pauvres yeux, Sur mes longues mains pâles Suivaient, avec hargne, les empreintes fatales Du mal insidieux; Lorsque ma peau séchait comme une écorce, Que je n'avais plus même assez de force Pour imprimer ma bouche en feu contre ton cœur, Et baiser, là, notre bonheur; Lorsque les jours mornes et identiques Rongeaient ma via avec morosité, Jamais je n'aurais pu trouver la volonté Et la force de me dresser stoïque, Si tu n'avais versé dans mon corps quotidien, Avec tes mains patientes, douces, sereine, A chaque heure des si longues semaines, L'héroïsme secret qui coulait dans le tien. XXI Le clair jardin c'est la santé. Il la prodigue, en sa clarté, Au va et vient de ses milliers de mains, De palmes et de feuilles. Et la bonne ombre, où il accueille, Après de longs chemins, Nos pas, Verse, à nos membres las, Une force vivace et douce Comme ses mousses. Quand l'étang joue avec lèvent et le soleil, Un cœur vermeil Semble habiter au fond de l'eau Et battre, ardent et jeune, avec le flot; Et les glaïeuls dardés et les roses ferventes, Qui dans leur splendeur bougent, Tendent, du bout de leurs tiges vivantes, Leurs coupes d'or et de sang rouge. Le jardin clair c'est la santé. XXII C'était en juin, dans le jardin, C'était notre heure et notre jour; Et nos jeux regardaient, avec un tel amour, Les choses, Qu'il nous semblait que doucement s'ouvraient Et nous voyaient et nous aimaient Les roses. Le ciel était plus pur qu'il ne le fut jamais: Les insectes et les oiseaux Volaient dans l'or et dans la joie D'un air frêle comme la soie; Et nos baisers étaient si beaux Qu'ils exaltaient et la lumière et les oiseaux. On eût dit un bonheur qui tout à coup s'azure Et veut le ciel entier pour resplendir; Toute la vie entrait, par de douces brisures, Dans notre être, pour le grandir. Et ce n'étaient que cris invocatoires, Et fous élans et prières et vœux, Et le besoin, soudain, de recréer des dieux, Afin de croire. XXIII Et te donner ne suffit plus, tu te prodigues: L'élan qui t'emporte à nous aimer plus fort, toujours. Bondit et rebondit, sans cesse et sans fatigue, Toujours plus haut vers le grand ciel du plein amour. Un serrement de mains, un regard doux t'enfièvre; Et ton cœur m'apparaît si soudainement beau Que j'ai crainte, parfois, de tes yeux et tes lèvres, Et que j'en sois indigne et que tu m'aimes trop. Ah! ces claires ardeurs de tendresse trop haute Pour le pauvre être humain qui n'a qu'un pauvre cœur Tout mouillé de regrets, tout épineux de fautes, Pour les sentir passer et se résoudre en pleurs. XXIV O le calme jardin d'été où rien ne bouge! Sinon là-bas, vers le milieu De l'étang clair et radieux, Pareils à des langues de feu, Des poissons rouges. Ce sont nos souvenirs jouant en nos pensées Calmes et apaisées Et lucides--comme cette eau De confiance et de repos. Et l'eau s'éclaire et les poissons sautillent Au brusque et merveilleux soleil, Non loin des iris verts et des blanches coquilles Et des pierres, immobiles Autour des bords vermeils. Et c'est doux de les voir aller, venir ainsi, Dans la fraîcheur et la splendeur Qui les effleure, Sans crainte aucune et sans souci, Qu'ils ramènent, du fond à la surface, D'autres regrets que des regrets fugaces. XXV Comme à d'autres, l'heure et l'humeur: L'heure morose ou l'humeur malévole Nous ont, de leurs sceaux noirs, marqué le cœur; Mais, néanmoins, jamais, Même les soirs des jours mauvais, Nos cœurs ne se sont dit les fatales paroles. La sincérité claire, ardente, illuminée, Nous fut joie et conseil, Si bien que notre âme passionnée Toujours s'y retrempa, comme en un flux vermeil. Et nous nous sommes dit nos plus pauvres misères, Les égrenant comme un âpre rosaire, L'un devant l'autre, en sanglotant d'amour; Et doucement et tour à tour Sur nos lèvres qui les disaient d'une voix haute Nos deux bouches, à chaque aveu, baisaient nos fautes Ainsi, Très simplement, sans lâcheté ni sans blasphème, Nous nous sommes sauvés du monde et de nous-mêmes, Nous épargnant les deuils et les rongeants soucis, Et regardant notre âme renaître, Comme renaît après la pluie, Quand le soleil la chauffe et doucement l'essuie, La pureté de verre et d'or d'une fenêtre. XXVI Les barques d'or du bel été Qui partirent, folles d'espace, S'en reviennent mornes et lasses Des horizons ensanglantés. A coups de rames monotones, Elles s'avancent sur les eaux; On les prendrait pour des berceaux Où dormiraient des fleurs d'automne Tiges de lys au beau front d'or, Toutes vous gisez abattues; Seules, les roses s évertuent A vivre, au delà de la mort. Qu'importe à leur beauté plénière Qu'Octobre luise ou bien Avril: Leur désir simple et puéril Boit, jusqu'au sang, toute lumière. Même aux jours noirs, quand meurt le ciel, Sous la nuée âpre et hagarde, Sitôt qu'une clarté se darde Elles s'exaltent vers Noël. Vous, nos âmes, faites comme elles; Elles n'ont pas l'orgueil des lys, Mais détiennent, entre leurs plis, L'ardeur sacrée et immortelle. XXVII Ardeur des sens, ardeur des cœurs, ardeur des âmes, Vainsmots créés par ceux qui diminuent l'amour; Soleil, tu ne distingues pas d'entre tes flammes Celles du soir, de l'aube ou du midi des jours. Tu marches aveuglé par ta propre lumière, Dans le torride azur, sous les grands cieux cintrés, Ne sachant rien, sinon que ta force est plénière Et que ton feu travaille aux mystères sacrés. Car aimer, c'est agir et s'exalter sans trève; O toi, dont la douceur baigne mon cœur altier, A quoi bon soupeser l'or pur de notre rêve? Je t'aime tout entière, avec mon être entier. XXVIII L'immobile beauté Des soirs d'été, Sur les gazons où ils s'éploient, Nous offre le symbole Sans geste vain, ni sans parole, Du repos dans la joie. Le matin jeune et ses surprises S'en sont allés, avec les brises; Midi lui-même et les pans de velours De ses vents chauds, de ses vents lourds Ne tombe plus sur la plaine torride; Et voici l'heure où, lentement, le soir, Sais que bouge la branche ou que l'étang se ride, S'en vient, du haut des monts, dans le jardin, s'asseoir. O la planité d'or à l'infini des eaux, Et les arbres et leurs ombres sur les roseaux, Et le tranquille et somptueux silence, Dont nous goûtons alors Si fort L'immuable présence, Que notre vœu serait d'en vivre ou d'en mourir Et d'en revivre, Comme deux cœurs, inlassablement ivres De lumières, qui ne peuvent périr! XXIX Vous m'avez dit, tel soir, des paroles si belles Que sans doute les fleurs, qui se penchaient vers nous, Soudain nous ont aimés et que l'une d'entre elles, Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux. Vous me parliez des temps prochains où nos années, Comme des fruits trop murs, se laisseraient cueillir; Comment éclaterait le glas des destinées, Et comme on s'aimerait, en se sentant vieillir. Votre voix m'enlaçait comme une chère étreinte, Et votre cœur brûlait si tranquillement beau Qu'en ce moment j'aurais pu voir s'ouvrir sans crainte Les tortueux chemins qui vont vers le tombeau. XXX «Heures du matin clair», «Heures d'après-midi», Heures superbement et doucement élues, Dont la ronde s'allonge en nos sentiers tiédis Et que nos rosiers d'or au passage saluent; Voici l'été qui meurt et l'automne qui naît. Heures ceintes de fleurs, reviendrez-vous jamais? Pourtant, si le destin, qui tient en mains les astres, Nous épargne ses maux, ses coups et ses désastres, Peut-être, un jour, reviendrez-vous, devant mes yeux, Entrelacer vos pas égaux et radieux; Et mêlerais-je, à votre ronde ardente et douce Tournant, dans l'ombre et le soleil, sur les pelouses, --Tel un suprême, immense et souverain espoir-- Les pas et les adieux de mes «heures du soir». LES HEURES DU SOIR I Des fleurs fines et mousseuses comme l'écume Poussaient au bord de nos chemins; Le vent tombait et l'air semblait frôler tes mains Et tes cheveux avec des plumes. L'ombre était bienveillante à nos pas réunis En leur marche, sous le feuillage; Une chanson d'enfant nous venait d'un village Et remplissait tout l'infini. Nos étangs s'étalaient dans leur splendeur d'automne Sous la garde des longs roseaux, Et le beau front des bois reflétait dans les eaux Sa haute et flexible couronne. Et tous les deux, sachant que nos cœurs formulaient Ensemble une même pensée, Nous songions que c'était notre vie apaisée Que ce beau soir nous dévoilait. Une suprême fois, tu vis le ciel en fête Se parer et nous dire adieu; Et longtemps et longtemps tu lui donnas tes yeux Pleins jusqu'aux bords de tendresses muettes. II S'il était vrai Qu'une fleur des jardins ou qu'un arbre des prés Pût conserver quelque mémoire Des amants d'autrefois qui les ont admirés Dans leur fraîcheur ou dans leur gloire, Notre amour s'en viendrait En cette heure du long regret Confier à la rose ou dresser dans le chêne Sa douceur ou sa force avant la mort prochaine. Il survivrait ainsi, Vainqueur du funèbre souci, Dans la tranquille apothéose Que lui feraient les simples choses; Il jouirait encor de la pure clarté, Qu'incline sur la vie une aurore d'été, Et de la douce pluie aux feuilles suspendue. Et si, par un beau soir, du fond de l'étendue S'en venait quelque couple en se tenant les mains Le chêne allongerait jusque sur leur chemin Son ombre large et puissante, telle qu'une aile, Et la rose leur enverrait son parfum frêle. III La glycine est fanée et morte est l'aubépine; Mais voici la saison de la bruyère en fleur Et par ce soir si calme et doux, le vent frôleur T'apporte les parfums de la pauvre Campine. Aime et respire-les, en songeante son sort: Sa terre est nue et rêche et le vent y guerroie; La mare y fait ses trous, le sable en fait sa proie Et le peu qu'on lui laisse, elle le donné encor. En automne, jadis, nous avons vécu d'elle, De sa plaine et ses bois, de sa pluie et son ciel, Jusqu'en décembre où les anges de la Noël Traversaient sa légende avec leurs grands coups d'aile. Ton cœur s'y fit plus sûr, plus simple et plus humain; Nous y avons aimé les gens des vieux villages, Et les femmes qui nous parlaient de leur grand âge Et de rouets déchus qu'avaient usés leurs mains. Notre calme maison dans la lande brumeuse Était claire aux regards et facile à l'accueil, Son toit nous était cher et sa porte et son seuil Et son âtre noirci parla tourbe fumeuse. Quand la nuit étalait sa totale splendeur Sur l'innombrable et pâle et vaste somnolence, Nous y avons reçu des leçons du silence Dont notre âme jamais n'a oublié l'ardeur. A nous sentir plus seuls dans la plaine profonde Les aubes et les soirs pénétraient plus en nous; Nos yeux étaient plus francs, nos cœurs étaient plus doux Et remplis jusqu'aux bords de la ferveur du monde. Nous trouvions le bonheur en ne l'exigeant pas, La tristesse des jours même nous était bonne Et le peu de soleil de cette fin d'automne Nous charmait d'autant plus qu'il semblait faible et las. La glycine est fanée, et morte est l'aubépine; Mais voici la saison de la bruyère en fleur. Ressouviens-toi, ce soir, et laisse au vent frôleur T'apporter les parfums de la pauvre Campine. IV Mets ta chaise près de la mienne Et tends les mains vers le foyer Pour que je voie entre tes doigts La flamme ancienne Flamboyer; Et regarde le feu Tranquillement, avec tes yeux Qui n'ont peur d'aucune lumière, Pour qu'ils me soient encore plus francs Quand un rayon rapide et fulgurant Jusques au fond de toi les frappe et les éclaire, Oh! que notre heure est belle et jeune encore Quand l'horloge résonne avec son timbre d'or Et que, me rapprochant, je te frôle et te touche Et qu'une lente et douce fièvre, Que nul de nous ne désire apaiser, Conduit le sûr et merveilleux baiser Des mains jusques au front, et du front jusqu'aux lèvres. Comme je t'aime alors, ma claire bien-aimée, Dans ta chair accueillante et doucement pâmée Qui m'entoure à son tour et me fond dans sa joie! Tout me devient plus cher, et ta bouche et tes bras Et tes seins bienveillants, où mon pauvre front las, Après l'instant de plaisir fou que tu m'octroies, Tranquillement, près de ton cœur, reposera. Car je t'aime encor mieux après l'heure charnelle Quand ta bonté encor plus sûre et maternelle Fait succéder le repos tendre à l'âpre ardeur Et qu'après le désir criant sa violence J'entends se rapprocher le régulier bonheur Avec des pas si doux qu'ils ne sont que silence. V Sois-nous propice et consolante encor, lumière, Pâle clarté d'hiver qui baignera nos fronts, Quand, tous les deux, l'après-midi, nous nous rendrons Respirer au jardin une tiédeur dernière. Nous t'aimâmes, jadis, avec un tel orgueil, Avec un tel amour bondissant de notre âme Qu'une suprême et douce et bienveillante flamme Nous est due à cette heure où nous attend le deuil. Tu es celle que nul homme jamais n'oublie Du jour que tu frappas ses bras victorieux Et que le soir venu tu dormis en ses yeux Avec ta splendeur morte et ta force abolie. Et tu nous fus toujours la visible ferveur Qui partout répandue et partout rayonnante En des fièvres d'ardeur profonde et lancinante Semblait vers l'infini partir de notre cœur. VI Hélas! les temps sont loin des phlox incarnadins Et des roses d'orgueil illuminant ses portes, Mais, si fané soit-il et si flétri--qu'importe!-- Je l'aime encor de tout mon cœur, notre jardin. Sa détresse parfois m'est plus chère et plus douce Que ne m'était sa joie aux jours brûlants d'été; Oh! le dernier parfum lentement éventé Par sa dernière fleur sur ses dernières mousses! Je me suis égaré, ce soir, en ses détours Pour toucher de mes doigts fervents toutes ses plantes; Et tombant à genoux, parmi l'herbe tremblante J'ai longuement baisé son sol humide et lourd. Et maintenant qu'il meure et maintenant que viennent Et s'étendent partout et la brume et la nuit; Mon être est comme entré dans sa ruine à lui Et j'apprendrai ma mort en comprenant la sienne. VII Le soir tombe, la lune est d'or. Avant la fin de la journée Va-t'en gaîment jusqu'au jardin Cueillir avec tes douces mains Les quelques fleurs qui n'y sont point encor Tristement, vers la terre, inclinées. Que leur feuillage soit déjà blême, qu'importe Je les admire et tu les aimes, Et leurs corolles sont quand même Belles, sur les tiges qui les portent. Et lu t'en es allée au loin parmi les buis Au long d'un chemin monotone Et le bouquet que tu cueillis, Tremble en ta main et tout à coup frissonne; Et voici que tes doigts songeurs, Pieusement, rassemblent les lueurs De ces roses d'automne Et les tressent avec des pleurs En une pâle et claire et flexible couronne. La dernière lumière a éclairé tes yeux Et ton long pas s'est fait triste et silencieux. Et lentement, à la vesprée, Les mains vides, tu es rentrée, Abandonnant non loin de notre porte Dans un tertre humide et bas Le cercle blanc qu'avaient formé tes doigts. Et j'ai compris alors que dans le jardin las Où vont passer les vents ainsi que des cohortes Tu as voulu fleurir une dernière fois Notre jeunesse qui repose là, Morte. VIII Lorsque ta main confie, un soir des mois torpides, Au cellier odorant les fruits de ton verger, Il me semble te voir avec calme ranger Nos anciens souvenirs parfumés et sapides. Et le goût m'en revient tel qu'il passa jadis Dans l'or et le soleil et le vent--sur mes lèvres; Et je revis alors mille instants abolis Et leur joie et leur rire et leurs cris et leurs fièvres. Le passé ressuscite avec un tel désir D'être encor le présent et sa vie et sa force, Que les feux mal éteints brûlent soudain mon torse, Et que mon cœur exulte au point d'en défaillir. O beaux fruits lumineux en ces ombres d'automne, Joyaux tombés du collier lourd des étés roux, Splendeurs illuminant nos heures monotones Quel ample et rouge éveil vous suscitez en nous. IX Et maintenant que sont tombés les hauts feuillages Qui tenaient le jardin sous leur ombre abrité, On voit, à travers le branchage à nu, monter Là-bas, vers l'horizon, les toits des vieux villages. Tant que l'été darda sa joie, aucun de nous Ne les a vus groupés non loin de notre porte Mais aujourd'hui que fleurs et que feuilles sont mortes Nous y songeons souvent avec des pensers doux. D'autres gens vivent là, entre des murs de pierre, Derrière un seuil usé que protège un auvent, N'ayant pour seuls amis que la pluie et le vent Et la lampe dont luit l'amicale lumière. Dans l'ombre, au soir tombant, quand s'éveille le feu Et que se tait l'horloge où le temps se balance, Autant que nous, sans doute, ils aiment le silence Pour se sentir penser au travers de leurs jeux. Rien ne trouble ni pour eux ni pour nous ces heures De profonde et tranquille et tendre intimité Où l'on bénit l'instant qui fut d'avoir été Et dont celle qui vient est toujours la meilleure. Dites, comme eux aussi serrent l'ancien bonheur Fait de peine et de joie entre leurs mains qui tremblent; Ils connaissent leurs corps qui ont vieilli ensemble Et leurs regards usés par les mêmes douleurs. Les roses de leur vie, ils les aiment fanées Avec leur gloire morte et leur dernier parfum Et le lourd souvenir de leur éclat défunt Se frippant feuille à feuille, au jardin des années. Contre le noir hiver ainsi que des reclus Ils se tiennent blottis dans leur ferveur humaine Et rien ne les abat et rien ne les amène A se plaindre des jours qu'ils ne possèdent plus. Oh! les tranquilles gens au fond des vieux villages! Dites, les sentons-nous voisins de notre cœur! Et combien, dans leurs yeux, retrouvons-nous nos pleurs Et notre force et notre ardeur dans leur courage! Ils sont là, sous leur toit, assis autour des feux Ou s'attardant parfois au bord de leur fenêtre, Et, par ce soir de vent ample et flottant, peut-être Ont-ils pensé de nous ce que nous pensons d'eux. X Quand le ciel étoile couvre notre demeure Nous nous taisons durant des heures Devant son feu intense et doux Pour nous sentir, plus fervemment, émus de nous. Les grands astres d'argent tracent là-haut leur roule; Sous les flammes et les lueurs La nuit étend ses profondeurs Et le calme est si grand que l'océan l'écoute! Mais qu'importe que se taise même la mer, Si dans l'espace immense et clair Plein d'invisible violence Nos cœurs battent si fort qu'ils font tout le silence! XI Avec le même amour que tu me fus jadis Un jardin de splendeur dont les mouvants taillis Ombraient les longs gazons et les roses dociles, Tu m'es en ces temps noirs un calme et sûr asile. Tout s'y concentre, et ta ferveur et ta clarté Et tes gestes groupant les fleurs de ta bonté, Mais tout y est serré dans une paix profonde Contre les vents aigus trouant l'hiver du monde. Mon bonheur s'y réchauffe en tes bras repliés; Tes jolis mots naïfs, joyeux et familiers, Chantent toujours, aussi charmants à mon oreille Qu'aux temps des lilas blancs et des rouges groseilles Ta bonne humeur allègre et claire, oh! je la sens Triompher jour à jour de la douleur des ans; Et-tu souris toi-même aux fils d'argent qui glissent Leur onduleux réseau parmi les cheveux lisses. Quand ta tête s'incline à mon baiser profond, Que m'importe que des rides marquent ton front Et que tes mains se sillonnent de veines dures Alors que je les tiens entre mes deux mains sûres! Tu ne te plains jamais et tu crois fermement Que rien de vrai ne meurt quand on s'aime dûment, Et que le feu vivant dont se nourrit noire âme Consume jusqu'au deuil pour en grandir sa flamme. XII Les fleurs du clair accueil au long de la muraille Ne nous attendent plus quand nous rentrons chez nous, Et nos étangs soyeux dont l'eau plane s'éraille Ne se prolongent plus sous les cieux purs et doux. Tous les oiseaux ont fui nos plaines monotones Et les pâles brouillards flottent sur les marais. O ces deux cris: automne, hiver! hiver, automne! Entends-tu le bois mort qui choit dans la forêt? Notre jardin n'est plus l'époux de la lumière D'où l'on voyait les phlox vers leur gloire surgir; Nos violents glaïeuls sont mêlés à la terre Et longuement s'y sont couchés pour y mourir. Tout est sans force et sans beauté; tout est sans flamme Et passe et fuit et penche et croule sans soutien; Oh! donne-moi tes yeux qu'illumine ton âme Pour y chercher quand même un coin du ciel ancien. C'est en eux seuls qu'existe encor notre lumière, Celle qui recouvrait tout le jardin jadis A l'heure où s'exaltait l'orgueil blanc de nos lys Et l'ascendante ardeur de nos roses trémières. XIII Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine Au grain diamanté, J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter Dans la chambre voisine. Tu retires le clair et fragile miroir Du bord de la fenêtre, Et ton trousseau de clefs balle an long du tiroir De l'armoire de hêtre. J'écoute et te voici qui tisonnes le feu Et réveilles les braises; Et qui ranges autour des murs silencieux Le silence des chaises. Tu enlèves de la corbeille aux pieds étroits La fugace poussière, Et ta bague se heurte et résonne aux parois Frémissantes d'un verre. Et je me sens heureux plus que jamais, ce soir, De ta présence tendre, Et de la sentir proche et de ne pas la voir, Et de toujours l'entendre. XIV Si le sort nous sauva des banales erreurs Et du mensonge vil et de la triste feinte, C'est que toujours nous révolta toute contrainte Dont le joug eût ployé notre double ferveur. Tu marchas libre et franche et claire sur ta route, Mêlant aux fleurs d'amour tes fleurs de volonté, Et redressant vers toi doucement sa fierté Quand mon front s'inclinait vers la crainte ou le doute. Et toujours tu fus bonne et de geste ingénu, Sachant qu'elle était tienne à tout jamais mon âme; Car si j'aimai--le sais-je encor?--quelque autre femme C'est toujours vers ton cœur que je suis revenu. Tes jeux étaient si purs alors parmi leurs larmes Que mon être se réveillait sincère et vrai, Et je te répétais les mots doux et sacrés, Et la tristesse et le pardon étaient tes armes. Et j'endormais le soir mon front sur tes seins clairs, Heureux d'être rentré des lointains faux et blêmes Dans le doux renouveau qui régnait en nous-mêmes, Et je restais captif entre tes bras ouverts. XV Non, mon âme jamais de toi ne s'est lassée! Au temps de juin, jadis, tu me disais: «Si je savais, ami, si je savais Que ma présence, un jour, dût te peser. Avec mon pauvre cœur et ma triste pensée Vers n'importe où, je partirais. » Et doucement ton front montait vers mon baiser. Et tu disais encore: «On se déprend de tout et la vie est si pleine! Et qu'importe qu'elle soit d'or La chaîne Qui lie au même anneau d'un port Nos deux barques humaines!» Et doucement tes pleurs me laissaient voir ta peine. Et tu disais, Et tu disais encore: «Quittons-nous, quittons-nous, avant les jours mauvais. Notre existence fut trop haute Pour se traîner banalement de faute en faute.» Et tu fuyais et tu fuyais Et mes deux mains éperdûment te retenaient. Non, mon âme jamais de toi ne s'est lassée. XVI Que nous sommes encore heureux et fiers de vivre Quand le moindre rayon entr'aperçu là-haut Illumine un instant les pauvres fleurs de givre Que le gel dur et fin grava sur nos carreaux. L'élan bondit en nous et l'espoir nous emporte, Et notre vieux jardin nous apparaît encor Malgré ses longs chemins jonchés de branches mortes Vivant et pur et clair et plein de lueurs d'or. Je ne sais quoi de lumineux et d'intrépide Se glisse en notre sang et nous réincarnons L'immense et plein été dans les baisers rapides Qu'avec ardeur, à corps perdu, nous nous donnons. XVII Subirons-nous, hélas! le poids mort des années Jusqu'à n'être plus rien que deux tranquilles gens Qui se donnent d'inoffensifs baisers d'enfants Le soir, quand le feu flambe aux creux des cheminées? Nos meubles chers nous verront-ils à pas très lents Nous traîner du foyer jusqu'au bahut de hê Nous appuyer au mur pour gagner la fenêtre Et sur des sièges lourds tasser nos corps branlants? Si telle un jour doit s'affirmer notre ruine, Et la torpeur dans nos cerveaux et dans nos bras, Malgré le sort méchant nous ne nous plaindrons pas Et retiendrons nos pleurs captifs en nos poitrines. Car nous conserverons quand même encor nos yeux Pour regarder le jour dont la nuit est suivie, Et l'aube et le soleil illuminer la vie Et faire de la terre un objet merveilleux. XVIII Les menus faits, les mille riens, Une lettre, une date, un humble anniversaire, Un mot que l'on redit comme aux jours de naguère Exalte en ces longs soirs ton cœur comme le mien. Et nous solennisons pour nous ces simples choses Et nous comptons et recomptons nos vieux trésors, Pour que le peu de nous qui nous demeure encore Reste ferme et vaillant devant l'heure morose. Et plus qu'il ne convient, nous nous montrons jaloux De ces pauvres, douces et bienveillantes joies Qui s'asseyent sur le banc près du feu qui flamboie Avec les fleurs d'hiver sur leurs maigres genoux, Et prennent dans la huche, où leur bonté le cèle, Le pain clair du bonheur qui nous fut partagé, Et dont, chez nous, l'amour a si longtemps mangé Qu'il en aime jusqu'aux parcelles. XIX Viens jusqu'à notre seuil répandre Ta blanche cendre O neige pacifique et lentement tombée: Le tilleul du jardin tient ses branches courbées Et plus ne fuse au ciel la légère calandre. O neige, Qui réchauffes et qui protèges Le blé qui lève à peine Avec la mousse, avec la laine Que tu répands de plaine en plaine! Neige silencieuse et doucement amie Des maisons, au matin dans le calme endormies, Recouvre notre toit et frôle nos fenêtres Et soudain par le seuil et la porte pénètre Avec tes flocons purs et tes dansantes flammes, O neige lumineuse au travers de notre âme, Neige, qui réchauffes encor nos derniers rêves Comme du blé qui lève! XX Quand notre jardin clair dardait toutes ses fleurs, C'était en des instants de fièvre Que le regret d'avoir diminué nos cœurs Nous jaillissait des lèvres, Et le pardon offert, mais mérité toujours Et l'étalage exagéré de nos misères Et tant de pleurs, mouillant nos tristes yeux sincères, Exaltaient notre amour. Mais, en ces mois de lourde pluie Où tout se tasse et se réduit, Où la clarté même s'ennuie A refouler de l'ombre et de la nuit, Notre âme n'est plus assez vibrante et haute Pour confesser, avec transports, nos fautes. Nous les disons à lente voix Certes, avec tendresse encore, Mais c'est au soir tombant et non plus à l'aurore, Parfois même, nous les comptons sur nos dix doigts Comme des choses qu'on dénombre Et qu'on range dans la maison, Et pour diminuer leur folie ou leur nombre, Nous raisonnons. XXI Avec mes vieilles mains de ton front rapprochées J'écarte tes cheveux et je baise, ce soir, Pendant ton bref sommeil au bord de l'âtre noir La ferveur de tes yeux, sous tes longs cils cachée. Oh! la bonne tendresse en cette fin de jour! Mes yeux suivent les ans dont l'existence est faite Et tout à coup ta vie y paraît si parfaite Qu'un émouvant respect attendrit mon amour. Et comme au temps où tu m'étais la fiancée L'ardeur me vient encor de tomber à genoux Et de toucher la place où bat ton cœur si doux Avec des doigts aussi chastes que mes pensées. XXII Si nos cœurs ont brûlé en des jours exaltants D'une amour claire autant que haute, L'âge aujourd'hui nous fait lâches et indulgents Et paisibles devant nos fautes. Tu ne nous grandis plus, ô jeune volonté, Par ton ardeur non asservie, Et c'est de calme doux et de pâle bonté Que se colore notre vie. Nous sommes au couchant de ton soleil, amour, Et nous masquons notre faiblesse Avec les mots banals et les pauvres discours D'une vaine et lente sagesse. Oh! que nous serait triste et honteux l'avenir, Si dans notre hiver et nos brumes N'éclatait point, tel un flambeau, le souvenir Des âmes fières que nous fûmes. XXIII En ce rugueux hiver où le soleil flottant S'échoue à l'horizon comme une lourde épave, J'aime à dire ton nom au timbre lent et grave Quand l'horloge résonne aux coups profonds du temps. Et plus je le redis, plus ma voix est ravie Si bien que de ma lèvre, il descend dans mon cœur, Et qu'il réveille en moi un plus ardent bonheur Que les mots les plus doux que j'ai dits dans la vie. Et devant l'aube neuve ou le soir qui s'endort Je le répète avec ma voix toujours la même Mais, dites, avec quelle ardeur forte et suprême Je le prononcerai à l'heure de la mort! XXIV Peut-être, Lorsque mon dernier jour viendra, Peut-être Qu'à ma fenêtre, Ne fût-ce qu'un instant, Un soleil frêle et tremblotant Se penchera. Mes mains alors, mes pauvres mains décolorées Seront quand même encor par sa gloire dorées; Il glissera son baiser lent, clair et profond Une dernière fois, sur ma bouche et mon front, Et les fleurs de mes yeux, pâles, mais encore fières Avant de se fermer lui rendront sa lumière. Soleil, ai-je adoré ta force et ta clarté! Mon art torride et doux, de son geste suprême, T'a retenu captif au cœur de mes poèmes; Comme un champ de blé mûr qui houle au vent d'été, Telle page t'anime et t'exalte en mes livres, O toi, soleil qui fais éclore et qui délivres, O toi, l'immense ami dont l'orgueil a besoin, Fais qu'à cette heure grave, impérieuse et neuve Où mon vieux cœur humain sera lourd sous l'épreuve, Tu sois encor son visiteur et son témoin. XXV Oh! tes si douces mains et leur lente caresse Se nouant à mon cou et glissant sur mon torse Quand je te dis, au soir tombant, combien ma force S'alourdit, jour à jour, du plomb de ma faiblesse! Tu ne veux pas que je devienne ombre et ruine Comme ceux qui s'en vont du côté des ténèbres, Fût-ce avec un laurier entre leurs mains funèbres Et la gloire endormie en leurs creuse poitrine. Oh! que la loi du temps m'est par toi adoucie, Et que m'est généreux et consolant ton songe. Pour la première fois tu berces d'un mensonge Mon cœur qui t'en excuse et qui t'en remercie; Mais qui sait bien pourtant que toute ardeur est vaine Contre tout ce qui est et tout ce qui doit être, Et qu'un profond bonheur se rencontre peut-être A finir en tes yeux ma belle vie humaine. XXVI Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière, Baise-les longuement, car ils t'auront donné Tout ce qui peut tenir d'amour passionné Dans le dernier regard de leur ferveur dernière. Sous l'immobile éclat du funèbre flambeau, Penche vers leur adieu ton triste et beau visage Pour que s'imprime et dure en eux la seule image Qu'ils garderont dans le tombeau. Et que je sente, avant que le cercueil se cloue, Sur le lit pur et blanc se rejoindre nos mains Et que près de mon front sur les pâles coussins, Une suprême fois se repose ta joue. Et qu'après je m'en aille au loin avec mon cœur, Qui te conservera une flamme si forte Que même à travers la terre compacte et morte Les autres morts en sentiront l'ardeur! TABLE _LES HEURES CLAIRES O LA SPLENDEUR DE NOTRE JOIE QUOIQUE NOUS LE VOYIONS FLEURIR DEVANT NOS YEUX CE CHAPITEAU BARBARE OU DES MONSTRES SE TORDENT LE CIEL EN NUIT S'EST DÉPLIÉ CHAQUE HEURE OU JE SONGE A TA BONTÉ TU ARBORES PARFOIS CETTE GRACE BÉNIGNE OH! LAISSE FRAPPER A LA PORTE COMME AUX AGES NAIFS JE T'AI DONNÉ MON CŒUR LE PRINTEMPS JEUNE ET BÉNÉVOLE VIENS LENTEMENT T'ASSEOIR COMBIEN ELLE EST FACILEMENT RAVIE AU TEMPS OU LONGUEMENT J'AVAIS SOUFFERT ET QU'IMPORTENT ET LES POURQUOIS ET LES RAISONS A CES REINES QUI LENTEMENT DESCENDENT JE DÉDIE A TES PLEURS, A TON SOURIRE JE NOIE EN TES DEUX YEUX MON AME TOUT ENTIÈRE POUR NOUS AIMER DES YEUX AU CLOS DE NOTRE AMOUR. L'ÉTÉ SE CONTINUE QUE TES YEUX CLAIRS, TES YEUX D'ÉTÉ DIS-MOI MA SIMPLE ET MA TRANQUILLE AMI EN CES HEURES OU NOUS SOMMES PERDUS OH! CE BONHEUR VIVONS DANS NOTRE AMOUR ET NOTRE ARDEUR SITOT QUE NOS BOUCHES SE TOUCHENT POUR QUE BIEN DE NOUS DEUX N'ÉCHAPPE A NOTRE ÉTREINTE BIEN QUE DÉJÀ CE SOIR LE DON DU CORPS, LORSQUE L'AME EST DONNÉE FUT IL EN NOUS UNE SEULE TENDRESSE LE BEAU JARDIN FLEURI DE FLAMMES S'IL ARRIVE JAMAIS _LES HEURES D'APRÈS MIDI_ L'AGE EST VENU, PAS A PAS, JOUR A JOUR ROSES DE JUIN, VOUS LES PLUS BELLES SI D'AUTRES FLEURS DÉCORENT LA MAISON L'OMBRE EST LUSTRALE ET L'AURORE IRISÉE JE T'APPORTE CE SOIR COMME OFFRANDE MA JOIE ASSEYONS-NOUS TOUS DEUX PRÈS DU CHEMIN TRÈS DOUCEMENT, PLUS DOUCEMENT ENCORE DANS LA MAISON OU NOTRE AMOUR A VOULU NAITRE LE BON TRAVAIL, FENÊTRE OUVERTE TOUTE CROYANCE HABITE AU FOND DE NOTRE AMOUR L'AUBE, L'OMBRE, LE SOIR, L'ESPACE ET LES ÉTOILES C'EST LA BONNE HEURE OU LA LAMPE S'ALLUME LES BAISERS MORTS DES DÉFUNTES ANNÉES VOICI QUINZE ANS DÉJÀ QUE NOUS PENSONS D'ACCORD J'AI CRU A TOUT JAMAIS NOTRE JOIE ENGOURDIE TOUT CE QUI VIT AUTOUR DE NOUS AVEC MES SENS, AVEC MON CŒUR ET MON CERVEAU LES JOURS DE FRAICHE ET TRANQUILLE SANTÉ JE SUIS SORTI DES BOSQUETS DU SOMMEIL HÉLAS! LORSQUE LE PLOMB DES MALADIES LE CLAIR JARDIN, C'EST LA SANTÉ C'ÉTAIT EN JUIN, DANS LE JARDIN ET TE DONNER NE SUFFIT PLUS, TU TE PRODIGUES O LE CALME JARDIN OU RIEN NE BOUGE COMME A D'AUTRES L'HEURE ET L'HUMEUR LES BARQUES D'OR DU BEL ÉTÉ ARDEUR DES SENS, ARDEUR DES CŒURS, ARDEUR DES AMES L'IMMOBILE BEAUTÉ VOUS M'AVEZ DIT TEL SOIR DES PAROLES SI BELLES «HEURES DU MATIN CLAIR», «HEURES D'APRÈS-MIDI» _LES HEURES DU SOIR_ DES FLEURS FINES ET MOUSSEUSES S'IL ÉTAIT VRAI LA GLYCINE EST FANÉE ET MORTE EST L'AUBÉPINE METS TA CHAISE PRÈS DE LA MIENNE SOIS-MOI PROPICE ET CONSOLANTE HÉLAS! LES TEMPS SONT LOIN LE SOIR TOMBE, LA LUNE EST D'OR LORSQUE TA MAIN CONFIE ET MAINTENANT QUE SONT TOMBÉS QUAND LE CIEL ÉTOILE COUVRE NOTRE DEMEURE AVEC LE MÊME AMOUR QUE TU ME FUS JADIS LES FLEURS DU CLAIR ACCUEIL LORSQUE S'ÉPAND SUR NOTRE SEUIL SI LE SORT NOUS SAUVA DES BANALES ERREURS NON, MON AME JAMAIS DE TOI NE S'EST LASSÉE QUE NOUS SOMMES ENCORE HEUREUX SUBIRONS-NOUS, HÉLAS! LE POIDS MORT DES ANNÉES LES MENUS FAITS, LES MILLE RIENS VIENS JUSQU'A NOTRE SEUIL RÉPANDRE. QUAND NOTRE JARDIN CLAIR AVEC MES VIEILLES MAINS SI NOS CŒURS ONT BRÛLÉ EN DES JOURS EXALTANTS ET CE RUGUEUX HIVER OU LE SOLEIL FLOTTANT PEUT-ÊTRE OH! TES SI DOUCES MAINS LORSQUE TU FERMERAS MES YEUX A LA LUMIÈRE *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LES HEURES DU SOIR - PRÉCÉDÉES DE LES HEURES CLAIRES, LES HEURES D'APRÈS-MIDI *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. 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START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your possession. 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Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.