The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3245, 6 Mai 1905

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Title: L'Illustration, No. 3245, 6 Mai 1905

Author: Various

Release date: September 4, 2010 [eBook #33633]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3245, 6 MAI 1905 ***







(Agrandissement)

Ce numéro contient L'ILLUSTRATION THÉÂTRALE
avec le texte complet de L'ARMATURE.


La comtesse Tornielli. M. Loubet.                        Mme Loubet. Edouard VII.            Le comte Tornielli.
LE DINER A L'ÉLYSÉE EN L'HONNEUR DU ROI D'ANGLETERRE
Entrée du roi, du président et du cortège des invités dans la grande salle des Fêtes, où la table était dressée.
Voir l'article, page 29.


Courrier de Paris

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Chaque fois que s'ouvre à Paris un Salon d'art, un peintre de mes amis, qui sait mon goût pour les «images», m'envoie le petit carton rose, ou vert, ou jaune, ou bleu qui confère à quelques milliers de «privilégiés» le droit de venir admirer ou dénigrer, au fur et à mesure qu'elle s'exhibe quelque part, la peinture fraîche... Je viens de tirer du chiffonnier où ils s'accumulaient depuis sept mois--depuis le Salon d'automne--ces petits cartons de toutes couleurs, souvenirs de tant de promenades en rond, le long des cimaises, qui amusèrent mes après-midi d'hiver, et je suis effarée de la quantité folle de toile et de châssis que cela représente... Expositions de sociétés, expositions de cercles, expositions nationales et internationales, expositions féministes et d'employés de chemins de fer, expositions d'arts «indépendants», expositions d'oeuvres particulières où Jean montre ses paysages, Jacques ses animaux, Pierre ses portraits, Madeleine ses fleurs; en tout, une trentaine de salons à visiter. Et ce n'était là qu'un commencement, une façon de nous mettre en appétit; les petits salons, ce sont les zakouskis que l'on déguste sans s'asseoir, en attendant le repas sérieux où l'on se nourrira pour tout de bon... Nous voilà servis. Les deux Salons--les vrais!--nous ont ouvert leurs portes; et ce ne sont point des salons, c'est un palais tout entier que, cette fois, la peinture illumine et fleurit...

On lui reproche même, à cette occasion, de tenir chez nous un peu trop de place. L'empressement de curiosité qu'elle provoque, l'abondance et la véhémence des commentaires qu'elle suscite, agacent quelques écrivains qui souhaiteraient qu'on s'occupât un peu moins de ceux qui font des tableaux et un peu plus de ceux qui font des livres. Je ne suis pas de leur avis; je trouve que le grand éclat donné à ces fêtes annuelles est, pour le peintre, la juste réparation des misères de son état.

Car on ne réfléchit pas que, sans les expositions, il n'y aurait rien de plus malaisé, pour les hommes dont le métier est de peindre des tableaux, que de conquérir un peu de gloire. Une belle statue, un beau monument sont des oeuvres autour desquelles la foule va et vient et dont les mérites s'offrent continuellement d'eux-mêmes à tous les yeux; un chef-d'oeuvre dramatique, un bel opéra sont des choses qui circulent, peuvent, sur cent points à la fois, dans le même moment, solliciter nos admirations et les satisfaire; un bon livre s'étale, se multiplie en milliers d'exemplaires dont chacun va éveiller à domicile une curiosité, remuer une conscience, conquérir à son auteur une sympathie; et cela aussi longtemps que durent les raisons qu'on peut avoir de lire ce livre et de l'aimer.

Où vont les oeuvres du peintre? On ne sait pas. Elles se dispersent et se cachent. Elles s'accrocheront demain aux murs d'appartements bien clos où ne jouiront d'elles que ceux qui les ont payées; aux cimaises de musées que la foule ne fréquente guère;--peut-être au fond de quelque chapelle noire, où le guide indiquera respectueusement la présence du chef-d'oeuvre au visiteur qui n'en distinguera rien.

Ouvrons donc toutes grandes aux peintres les portes des expositions; laissons-les goûter ces minutes de popularité, jouir de l'occasion qui leur est offerte, une fois l'an, de nous crier qu'ils existent, et, quand ils ont un peu de génie, d'en informer la foule. Heureux ceux dont elle aura retenu les noms! On lui crie, à cette foule, tant de choses à la fois...

Je demande, en revenant de vacances, à mon amie Natenska ce qu'il y a de nouveau dans Paris depuis quinze jours. Elle me répond; «Une chose curieuse: la rue Bréda est débaptisée; on l'appellera désormais, par pudeur, rue Henry-Monnier: cela a été décidé par le Conseil municipal la semaine dernière.»

Je me souviens, en effet, d'avoir entendu parler, cet hiver, d'une pétition où quelques habitants de ce coin de Paris, décidément honteux d'habiter «rue Bréda», demandaient qu'on changeât le nom de cette rue. La requête m'avait amusée et j'attendais avec curiosité la réponse qu'y ferait le Conseil municipal; j'imaginais même ce que pourrait être cette réponse;--ce qu'elle eût été si j'étais du Conseil municipal et chargée de parler en son nom:

--Mesdames et messieurs, aurais-je dit aux protestataires, vous vous méprenez sur la cause véritable du discrédit qui s'attache au nom de la rue que vous habitez. Je le reconnais: il est pénible à de vertueux rentiers, à de bonnes mères de famille, à des fonctionnaires soucieux de leur réputation, de prononcer; «Je demeure rue Bréda.» Pour peu que la personne à qui cette adresse est donnée ait, en effet, quelque notion des choses de Paris, on la voit sourire à ce mot d'un sourire gouailleur--ou sérieusement s'étonner. Mais est-ce ce nom lui-même qui fait sourire ou qui choque? Point du tout. Le vocable en soi n'a rien d'impudique: c'est le nom d'un propriétaire qui l'inscrivit, il y a quatre-vingts ans, sur la plaque d'une rue qu'il faisait construire. Il s'appelait Bréda; il eût pu s'appeler Durand. Par malheur, il se trouve qu'une clientèle un peu mêlée s'est installée dans ses immeubles, et qu'aujourd'hui encore y résident un grand nombre de personnes dont le contact est à bon droit désagréable aux honnêtes femmes; il s'ensuit que ce n'est pas M. Bréda qui vous déshonore, mais vous (j'entends certains voisins et voisines, au milieu de qui vous vivez) qui déshonorez M. Bréda...

»Supposez que ces voisins et ces voisines se transportent demain au boulevard Pasteur ou dans la rue Saint-Vincent-de-Paul: un moment viendra où, en dépit de la pure et éclatante gloire qui s'attache au nom du plus illustre des savants et du plus admirable des philanthropes, il sera difficile à une honnête femme d'avouer sans un peu d'embarras: «Je demeure rue Saint-Vincent-de-Paul», ou: «Je demeure boulevard Pasteur.»

»Ce n'est donc pas, mesdames et messieurs, la plaque de la rue Bréda qu'il faudrait changer, mais la population même qui en occupe les maisons. Elle ne veut pas déménager; vous non plus; la situation, par conséquent, reste la même; vous serez tous aussi ennuyés demain de demeurer rue Henry-Monnier que vous l'étiez hier de demeurer rue Bréda, et les gens à qui vous donnerez votre adresse continueront de sourire...»

Mais le Conseil municipal en a jugé autrement: il changera la plaque... c'est une des meilleures plaisanteries dont Paris, depuis que je l'habite, m'ait donné le spectacle.

Il est vrai que, si les Parisiens ont des naïvetés dont on peut rire, ils ont aussi de bonnes idées quelquefois: j'entends dire qu'ils songent très sérieusement à mettre en circulation dans leurs rues de légers omnibus automobiles, à la place des maisons roulantes, à trois chevaux, qu'on y voit aujourd'hui déambuler, se traîner d'un trottoir à l'autre, si douloureusement.

Je n'oublierai jamais l'étonnement profond que me causa la vue de la première de ces voitures où je montai. Cette chose très simple qui consiste à faire une course en omnibus m'apparaissait brusquement comme une opération intimidante et très compliquée: sous l'oeil dur de fonctionnaires galonnés d'argent, j'avais dû pénétrer d'abord en un édicule où l'on s'écrasait, m'y munir d'un petit morceau de carton, stationner longtemps sur le trottoir, puis me précipiter vers une plate-forme où l'on m'arrêta. Un groupe fiévreux s'était formé et l'on eût dit qu'une loterie s'organisait; d'une voix de commandement, un homme que tout le monde semblait craindre appelait des numéros, nous bousculait un peu. Le véhicule s'emplit. Alors un autre homme, dont les prérogatives semblaient supérieures à celles du premier, se présenta. Nous avions remis à celui-ci de petits cartons de forme ovale: l'autre en réclamait de différents, qui étaient carrés. Puis il développa une large feuille de papier, pliée à la façon d'un paravent, tira de sa poche une sorte de gros poinçon et, parmi les quadrillages du papier blanc, fit des ronds et des trous. Les deux hommes se chuchotèrent à l'oreille quelque chose, eurent l'air d'échanger une consigne; un cordon de sonnette fut violemment tiré et très lentement, dans un bruit de craquement et de grincement effroyable, la maison s'ébranla.

Elle avançait en cahotant, raclant les trottoirs ou, de façon brusque, zigzaguant au choc des rails où circulent les tramways; notre allure ne dépassait pas sensiblement en vitesse celle des piétons de la rue. L'homme qui nous surveillait vint à moi et me demanda six sous. Jamais, en aucune ville de France ou de l'étranger, je n'avais payé aussi cher le droit d'être aussi lentement véhiculée... Ensuite il prit dans son sac un des petits cartons roses qu'il venait de timbrer en les poussant avec bruit dans une mâchoire métallique accrochée à l'entrée de la voiture, me regarda fixement et, d'un ton de menace, me tendant le petit carton rose: «Correspondance?» J'eus peur. Il me sembla que les inconnus alignés devant moi en rang d'oignons guettaient curieusement ma réponse. Je fis: «Oui, monsieur.» Et je pris le petit carton rose, à tout hasard.

Nos arrière-neveux s'étonneront que les Parisiens, gens de progrès et gens d'esprit, aient pu si longtemps demeurer pliés à la tyrannie d'aussi comiques usages...

Il est vrai que le Parisien, homme de progrès, est aussi un homme de tradition; il vit et se meut, d'une manière un peu machinale, au milieu d'habitudes dont il finit par ne plus apercevoir ni les causes ni l'objet. Pourquoi est-il allé, la semaine dernière, à la foire au pain d'épice? Il n'en sait rien. Pourquoi même y a-t-il, à Paris, une foire au pain d'épice? Il l'ignore. J'ai fait comme tout le monde. Je suis allée passer une heure au bout de Paris, place du Trône, parmi les odeurs de fritures et le tumulte des manèges de chevaux de bois; j'ai vu des Loubets, des Oyamas, des Stoessels en pâte jaune, coloriée de pistache et parsemée d'anis. J'en ai acheté; j'en ai mangé; ce n'est pas très bon. Et j'étais entourée d'honnêtes gens qui goûtaient, eux aussi, de ce pain d'épice, qui trouvaient cela mauvais et qui ne comprenaient pas plus que moi par quel enchaînement de causes mystérieuses a pu s'instituer ce marché public, officiellement consacré à la vente d'un gâteau qu'on ne mange plus, et où il est cependant certain que, dans cent ans, la semaine de Pâques venue, les Parisiens continueront d'aller religieusement mordre, en faisant la grimace.
SONIA.



NOTES ET IMPRESSIONS

L'homme n'est bon que quand il rêve.
                        RENAN

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* *

Des leçons de la vie éternel apprenti,
Le juste n'est jamais qu'un pécheur converti.
                        G. COURTELINE.

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Comme en littérature, la statistique a ses romanciers.
                        VICTOR DU BLED.

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* *

Chaque époque a son genre spécial de folie; le nôtre est sans doute la folie de la vitesse.
                        G. TOURNADE.

*
* *

On nous redit, chaque année, à propos des Salons, que l'art traverse une crise. Est-il un seul grand élément de l'histoire humaine qui ne soit en perpétuel travail de renouvellement?
G.-M.. VALTOUR.




Le roi Edouard VII. M. du Bos.
Arrivée du roi Edouard VII au champ de courses de Saint-Cloud.


Aux courses de Saint-Cloud: le roi Edouard VII et M.
Ruau, ministre de l'agriculture.
--Phot. Chusseau-Flaviens.

Samedi dernier 28 avril, le Victoria-and-Albert, après une escale en Corse, mouillait à Marseille, et, le lendemain, le roi d'Angleterre, laissant la reine Alexandra continuer sa croisière dans la Méditerranée, partait pour Paris et s'installait, le soir même, à l'hôtel Bristol, où, de longue date, on a l'habitude de son service. Le dimanche 30, le président de la République étant revenu tout exprès de Montélimar pour le recevoir, les deux chefs d'État échangèrent, vers le milieu de l'après-midi, les visites d'usage. M. Delcassé, ministre des affaires étrangères, alla présenter ses hommages au souverain; puis, un dîner en l'honneur d'Édouard VII fut donné à l'Élysée dans la salle des fêtes. Comme, selon les conventions protocolaires, malgré son ordonnance de gala, le nombre et la qualité des convives (ministres, ambassadeurs, etc.), ce dîner n'était pas «officiel», le roi portait l'habit noir, avec le grand cordon de la Légion d'honneur; il conduisit Mme Loubet à la place qu'elle devait occuper à sa droite et lui offrit encore le bras, à l'issue du repas, suivi d'un concert.--

Le matin, il s'était invité à un déjeuner intime chez des amis personnels, M. et Mme Henry Standish, née des Cars, et ainsi sans doute avait-il voulu marquer son désir de conserver à son séjour en France le caractère de l'«incognito».

Ce désir, d'ailleurs, s'affirma dans la journée du lundi, dont Edouard VII régla le programme tout à fait à sa fantaisie: premier sportsman du pays des sports par excellence, il en consacra la majeure partie à sa distraction favorite. Après avoir passé la matinée aux remarquables établissements hippiques de M. Edmond Blanc, à la Chataigneraie, et déjeuné à Versailles, à l'hôtel des Réservoirs, il se rendit en automobile aux courses de Saint-Cloud, auxquelles il entendait assister sans le moindre apparat. Toutefois, une travée lui avait été réservée dans la tribune des commissaires, où le conduisit M. Du Bos, commissaire de la Société des Steeple-Chases, et où M Ruau, ministre de l'agriculture, vint le saluer; il suivit très attentivement les courses, causa élevage avec les notabilités du monde sportif, enfin voulut, avant de rentrer à Paris, visiter les écuries d'entraînement. Ce fut certainement une des meilleures journées du roi.


La chambre du roi à l'hôtel Bristol.                              M. Delcassé sortant de l'hôtel Bristol.

LE ROI D'ANGLETERRE A PARIS


LE JOUR DU VERNISSAGE AU SALON DES ARTISTES FRANÇAIS:
LE JARDIN DE LA SCULPTURE

(Agrandissement)
[Note du transcripteur: L'agrandissement indique les titres et les auteurs des sculptures en arrière-plan, ainsi que les noms des personnages présents dans la photo.]


(Agrandissement)
(L'agrandissement indique les noms des principaux convives.)

LE DÉJEUNER DU VERNISSAGE.--La table du maître Harpignies et du sous-secrétaire d'État des Beaux-Arts.


Un incident au vernissage: le portrait du
général Percin, par Mlle Sédillot, gardé par
un agent après les voies de fait de
M. Gaucher.

LE VERNISSAGE

Le vernissage du Salon est une de ces fêtes mondaines que chaque année on enterre et qui, douze mois plus tard, sont chômées toujours avec le même empressement. Interrogez les visiteurs qui sortent fourbus, blancs de poussière, du Grand Palais. Combien vous répondront que «ce n'est plus ça», qu'on ne les y «repincera plus» et que vous rencontrerez pourtant, l'année suivante, au milieu de la même foule pressée,--et très amusée.

Le «Vernissage», aucun Parisien digne de ce nom ne l'ignore, c'est exclusivement le vernissage de l'exposition de la Société des Artistes français, comme le «déjeuner du Vernissage», le déjeuner traditionnel, est celui qui réunit, le matin de ce grand jour, au restaurant Ledoyen, le Tout-Paris, celui des arts, celui du monde, repas joyeux, mouvementé, abondant en incidents amusants. Le sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, M. Dujardin Beaumetz, aurait cru négliger un des devoirs de sa charge en ne présidant pas, ce matin-là, le déjeuner traditionnel qu'offre chaque année à ses amis le maître Harpignies. Il fut peintre et aime à se le rappeler. Il se mêle toujours avec plaisir aux camarades demeurés sur la brèche, sûr de rencontrer parmi eux la plus cordiale sympathie.

Le sous-secrétaire d'État ayant à sa gauche le paysagiste Antoine Guillemet, s'était assis en face de l'excellent maître Harpignies, coiffé de sa calotte, plus gai, plus vert que jamais, et que l'assistance a acclamé quand il s'est tourné, plein d'entrain, devant l'objectif de l'Illustration.

La fête, enfin, fut de tous points charmante et, le café pris, on s'en retourna vers le Grand Palais, où continuaient de défiler des flots sans cesse renouvelés de promeneurs.

Mais ce vernissage devait être marqué par un incident où les préoccupations d'art n'avaient qu'une faible part. A la salle 7 est exposé un portrait du général Percin, ancien chef du cabinet militaire du général André, oeuvre très honorable de Mlle Anna Sédillot. Or, un rédacteur de l'Autorité, M. André Gaucher, le même qui, il y a quelques mois, se livrait, en plein boulevard, à des voies de fait contre M. Joliet, préfet de la Vienne, pris d'une pareille fureur contre l'effigie du général Percin--qui n'avait garde de riposter--le frappa d'un coup de parapluie en pleine figure et le balafra de l'oeil au nez.

Immédiatement, avec un bout de toile, de la colle forte, on pansa la plaie, et depuis, un agent veille auprès du tableau pour le préserver de tout nouvel attentai.

LE MONUMENT LAMY


Le buste du commandant Lamy à Cannes.--Phot. Cresp.

On a inauguré, le dimanche 30 avril, à Mougins, près Cannes, sous la présidence du ministre des colonies, M.-Clémentel, un monument élevé par ses compatriotes, à la mémoire du commandant Lamy, né à Mougins, et qui trouva une mort glorieuse sur les bords du Chari, à la fin d'un combat où il venait de vaincre le sultan Rabah, tombé lui-même dans la mêlée. Ce monument est dû à la collaboration de l'architecte distingué du palais de l'Élysée, M. Louis Bonnier, pour la partie architecturale, et du sculpteur Vaury, auteur du buste très vivant qui couronne la stèle.

INAUGURATION DE L'EXPOSITION UNIVERSELLE DE LIÈGE


Porte monumentale et façade principale de l'Exposition de Liège.


Les arènes liégeoises.                                           Le prince et la princesse de Belgique
                                                                         débarquant à l'Exposition.


INAUGURATION PAR LE DUC DE GÊNES, DE LA 6e EXPOSITION
INTERNATIONALE D'ART, A VENISE
.
Photographies des correspondants de l'Illustration.

L'INSTITUT OPHTALMOLOGIQUE DES BUTTES-CHAUMONT


Le nouvel Institut ophtalmologique des Buttes-Chaumont à
Paris.
(Fondation du baron Adolphe de Rothschild.)

L'Institut ophtalmologique édifié rue Manin, près des Buttes-Chaumont, grâce à la libéralité du baron Adolphe de Rothschild qui, par testament, avait légué l'argent destiné à cette fondation, cet Institut vient d'ouvrir ses portes. La direction en est confiée à M. Albert Surlauly et M. le docteur Trousseau a été choisi comme médecin en chef. Au point de vue médical, c'est, à tous égards, un établissement modèle, doté des perfectionnements les plus récemment réalisés. Comme oeuvre architecturale, l'institut de la rue Manin est également remarquable et honore grandement ses auteurs. MM. Chatenay et Rouvre.

Ayant à ériger leur édifice entre le beau parc verdoyant des Buttes-Chaumont et des terrains ravinés, vallonnés, aux pentes couvertes d'herbe, dans un site qui donne presque l'illusion de la campagne, ils ont eu le bon goût de s'efforcer d'imprimer en tout, à ces constructions immenses, un caractère aussi rustique que possible, tout en conciliant ce souci artistique avec les exigences du programme que leur traçait la destination de leur bâtisse. Et ces hauts combles, ces pignons bruns et rouges évoquent, en plein Paris, au milieu de ce quartier populeux, des ressouvenirs de castels normands, confortables et charmants.


              M. B. Detaille.               Edouard VII.
     Le roi Edouard VII sortant du Salon
                 des Artistes français.

LE ROI D'ANGLETERRE A PARIS

Le roi Edouard VII a partagé les trois derniers jours qu'il a passés à Paris entre des promenades en automobile, des visites et des déjeuners intimes chez des amis particuliers. Il a passé une soirée à la Comédie-Française, où l'on joue le Duel, une soirée à la Renaissance, où l'on joue Monsieur Piégois. Enfin, mercredi matin, accompagné de M. Edouard Détaille, il a visité le Salon des Artistes français, s'arrêtant surtout devant les tableaux militaires ou d'histoire, qu'il a déclaré l'intéresser particulièrement.

LE VENDREDI SAINT A LA COUR DE BAVIÈRE

A la cour de Bavière, restée fidèle à la vieille tradition chrétienne, on continue, comme jadis, de commémorer, le vendredi saint, la cène et le lavement des pieds. Le 21 avril dernier, la pratique de cet usage a offert une curieuse particularité. Les douze vieillards de Munich, choisis pour y figurer les douze apôtres, avaient tous atteint un âge extrêmement avancé: l'aîné était centenaire, les plus «jeunes» ne comptaient pas moins de quatre-vingt-douze hivers, et, additionnées, les existences de ces hommes vénérables représentaient un total de 1.124 ans. Voilà, certes, une réunion peu banale; elle n'a pu qu'accentuer le caractère essentiellement archaïque de la cérémonie.

L'OPÉRA ITALIEN A PARIS:
M. UMBERTO GIORDANO


        M. Umberto Giordano.
          Ph. Varischi-Artico.

M. Umberto Giordano, l'auteur de Siberia, le drame musical qui vient d'obtenir un si gros, succès au théâtre Sarah-Bernhardt cette semaine, est un jeune, un très jeune. Il a quarante-deux ans, il est né en 1803, à Feggia.

Au programme de la saison italienne actuelle, il a trois oeuvres: Siberia, André Chénier (1896), joué à Lyon en 1903, et Fedora (1899) qui représentent trois succès en Italie.

M. Umberto Giordano a étudié la musique au conservatoire de Naples, sous la direction de Paolo Serrao, le célèbre professeur d'harmonie et de contrepoint. Il avait écrit une oeuvre, Malavita, quand il eut l'idée d'envoyer Marina, son premier opéra, au concours Sonzogno, qui a lieu tous les deux ans à Milan. Il remporta le premier prix à l'unanimité.

La caractéristique de M. Umberto Giordano, c'est un prodigieux tempérament de théâtre, une habileté scénique et une sincérité rares. Son orchestration est très soignée et sa mélodie est simple et a de l'expression. M. Umberto Giordano est certainement le plus intéressant des compositeurs de la jeune école italienne et celui que nous connaissions le moins en France.L. S.




95 ans, 92 ans, 93 ans, 93 ans, 92 ans, 92 ans, 100 ans, 92 ans, 94 ans, 95 ans, 92 ans, 94 ans.
Douze vieillards faisant ensemble un total de 1.124 ans d'âge.


LA SCULPTURE AUX SALONS DE 1905.


THÉODORE-RIVIÈRE.--Tragédie.
Mme Segond-Weber, de la Comédie-Française.


H. LOMBARD.--Pierre Puget.
Pour un monument qui sera érigé à Marseille.


Mme COUTAN-MONTORGUEIL
--La Fortune.



E. PEYNOT.--Poésie pastorale.


HECTOR LEMAIRE.--Fontaine de Jouvence.


PEYRE.--Musique profane.


HENRI ALLOUARD--Musique profane.


J. PERRIN.--L'immortel rémouleur.


A. MERCIE.--Monument d'Armand Silvestre.


SEGOFFIN.--Danse sacrée.


VERMARE.--Le Rhône et la Saône.


LECOMTE DU NOUY.
--Le fer qui donne du pain.


J.-M. CAMUS.--Byblis pleure.
(Fontaine).

ALEXANDRE CHARPENTIER.
--La famille heureuse.

Société Nationale des Beaux-Arts.
V. PIGNON--Jeunes filles au piano.


Mme A. DEFRUMERIE.--Le grain de sel.
(S.N.B.A.)


INJALBERT.--Vase aux mascarons.
(S.N.B.A.)


P. ROGER-BLOCHE.--Apprenti.


CH. VINCENT.--Le berger.


FÉLIX CHARPENTIER.--Bacchante.


DÉCORCHEMONT.--Psyché.


A. ZETLIN.--La vie.


LEVASSEUR.--Nymphe à la source.


BOISSEAU.--Fleurs de printemps.


AUGUSTE RODIN.--Torse de femme. (S.N.B.A.) (L'oeuvre de Rodin,
J.-E. BULLOZ, édit.)


L. RICHÉ.--Lion et lionne.


PERRAULT-HARRY--Chiens courants.


CANOT AUTOMOBILE EN PLEINE MER PAR GROS TEMPS.


(Agrandissement)

Les concurrents de la grande course de canots automobiles Alger-Toulon vont entreprendre la traversée de la Méditerranée, le jour même où paraîtra ce numéro de l'Illustration. Toutes les précautions seront prises pour qu'aucune catastrophe ne vienne interrompre cette audacieuse et intéressante tentative: des torpilleurs nombreux escorteront les canots; le départ n'aura lieu, d'ailleurs, que si l'état de la mer le permet. Il est donc peu probable que les merveilleux petits navires, si puissants mais si frêles, aient à lutter avec la grosse mer. Mais le beau dessin de Johanson rend bien la tragique disproportion des forces entre le petit engin humain et la mer qu'il prétend affronter: qu'est-ce qu'un moteur de 400 chevaux contre la moindre des vagues de l'Océan?


Documents et Informations


Projet d'embellissement de l'avenue de l'Opéra adopté par la Préfecture de la Seine.

Les embellissements de l'avenue de l'Opéra.

Un syndicat composé des propriétaires et commerçants du quartier de l'Opéra vient de se fonder afin d'embellir ce coin du Paris élégant à l'occasion de l'arrivée du roi d'Espagne.

Le projet de décoration dû à la collaboration de MM. Formigé, architecte de la ville de Paris, et Jambon, le décorateur, a été agréé par le préfet de la Seine et deviendra par la suite définitif, si l'essai qui va en être fait à la fin du mois répond aux exigences esthétiques de l'administration. Des motifs en carton-pâte--exécutés plus tard en bronze--se dresseront de chaque côté de l'avenue. Ce seront des colonnes ornées de cariatides et supportant un grand vase artistique d'où jailliront des palmiers et des fleurs. Des refuges, au milieu desquels se dresseront des candélabres électriques, seront placés au milieu de la chaussée. Une vasque ayant la forme du vaisseau qui figure dans les armes de la ville de Paris figurera sur chacun de ces refuges. Le fût des candélabres formera le grand mât de ce vaisseau, où fleuriront les roses, les hortensias, les chrysanthèmes. Sur la place de l'Opéra, des colonnes rostrales, surmontées de gracieux motifs de décoration, fuseront dans le ciel. On compte, dès à présent, qu'une somme de 50.000 francs au moins sera nécessaire pour la réalisation de la décoration provisoire.

Des fontaines lumineuses jailliront des bassins de la place du Théâtre-Français. Ce n'est pas tout: pour assurer le développement commercial de l'avenue de l'Opéra, des expositions périodiques d'étalages seront organisées. Le syndicat espère aussi que toutes les devantures des magasins resteront éclairées une partie de la soirée.

Il y a encore un projet de balcons fleuris, avec jardinières montées tout exprès et plantes retombantes en guirlandes... Toutes ces innovations obtiendront vraisemblablement un succès mérité, car elles sont basées sur les deux éléments de décoration qui produisent toujours les plus charmants effets: les fleurs et la lumière.

LES AUTOMOBILES PUBLIQUES A PARIS

Pour visiter en quelques heures la capitale immense, les étrangers en tournée, conduits par les agences de voyage, étaient jusqu'à présent véhiculés dans d'immenses «paulines» ou «tapissières» qui roulaient avec fracas au galop peu rapide de cinq chevaux fouettés à tour de bras. Une de ces grandes agences vient de moderniser ce service en mettant à la disposition de ses clients une automobile, mais une automobile de proportions inusitées, à cinq rangées de banquettes s'étageant en gradins et qui promène, d'ores et déjà, les visiteurs étrangers avec plus de rapidité, quand il est nécessaire; avec, toujours, plus de confortable.

Automobile publique de 24 places utilisée pour visiter Paris par les étrangers en tournée. M. de Pellerin. M. Villain. M. Pérouse. M. Charles-Roux. M. Lévy. M. Maruéjouls. M. Boix. Groupe de délégués au Congrès international des chemins de fer de Washington, sur le pont du paquebot "La Lorraine".--Phot. Dejean.

LE CONGRÈS DES CHEMINS DE FER A WASHINGTON.

Prochainement va s'ouvrir, à Washington, un Congrès international des chemins de fer, auquel la France doit, comme il convient, prendre une large part. Au nombre de ses principaux représentants, on compte: MM. Pellerin de Latouche, administrateur de la Compagnie P.-L.-M.; Georges Villain, directeur du contrôle commercial, et Pérouse, directeur des chemins de fer au ministère des travaux publics; Maruéjouls, ancien ministre; Wickersheimer, ingénieur en chef. Les congressistes sont partis du Havre, le 22 avril, sur le paquebot la Lorraine, accompagnés de M. Jules Charles-Roux, président de la Compagnie Transatlantique.

POUR ÉVITER LES INHUMATIONS PRÉMATURÉES.

Deux physiologistes ont fait connaître, à une récente séance de la Société de biologie, une méthode simple pour avoir la certitude de la mort. Cette méthode repose sur une constatation d'ordre chimique. Chez l'homme vivant, la réaction des viscères est alcaline; chez le sujet mort, cette réaction devient acide. Ce signe est constant; on peut considérer le changement de réaction comme un signe certain de la mort. Ceci posé, et toutes les observations faites confirment le fait qui sert de point de départ, MM. Brissemoret et Ambard ont montré de quelle manière le médecin doit mettre en évidence la certitude de la mort. La méthode est très simple et ne demande aucune instrumentation spéciale. Elle consiste, dans les cas où quelque doute subsisterait, où les taches cadavériques n'auraient pas fait leur apparition, à vérifier la réaction chimique d'un des viscères de l'abdomen, du foie ou de la rate, par exemple. Pour procéder à cette vérification, il suffit d'une seringue hypodermique à aiguille un peu longue et d'un peu de papier de tournesol bleu. On enfonce l'aiguille de la seringue, à travers la peau, dans la pulpe du foie ou de la rate; on tire sur le piston de manière à faire passer un peu de pulpe dans l'aiguille; on retire le tout et l'on étale le contenu de l'aiguille sur le papier de tournesol. Celui-ci présente aussitôt une tache rose, très visible sur la face opposée à celle sur laquelle on a posé la pulpe, et qui est la preuve de l'acidité de cette dernière. S'il y avait un peu de sang avec la pulpe et si l'on cherchait le signe une heure ou deux après la mort, on commencerait par essuyer la pulpe sur du papier buvard pour qu'il absorbe le sang, lequel peut être encore alcalin. En ayant la précaution de flamber l'aiguille avant de l'introduire, on la rend aseptique et l'on évite tout danger, pour le cas où le sujet reviendrait à lui et ne serait pas réellement mort. L'acidification des viscères est déjà nette deux heures après la mort. Après vingt-quatre heures, elle est très forte; il ne peut y avoir aucun doute à son égard. Et elle est constante. Dans ces conditions, la constatation de l'acidité des viscères constitue un signe certain de la mort auquel il conviendra d'avoir recours dans tous les cas où il peut y avoir le moindre doute au sujet de la réalité du trépas.

LES NATURALISATIONS EN FRANCE.

Dans un pays comme le nôtre, où la population ne s'accroît pour ainsi dire plus du fait des naissances, il serait souhaitable que les naturalisations s'élevassent à un chiffre important.

Mais, hélas! les personnes qui demandent notre nationalité sont actuellement en nombre infime. On n'en a compté, en 1904, que 2.316; 183 de plus, il est vrai, qu'en 1903.

Parmi ces 2.316 naturalisés, on trouve: 378 Belges, 200 Alsaciens, 81 Espagnols, 79 Russes, 61 Allemands, 54 Luxembourgeois, 33 Autrichiens, 12 Anglais, 6 Grecs, 5 Hongrois.

Les proportions sont à peu près les mêmes que celles des années précédentes. Il y a eu cependant, sur 1903, une augmentation d'envîron 3% pour les Italiens, et de 0,5% pour les Espagnols et pour les Russes. Mais il y a eu diminution d'environ 1,5% pour les Alsaciens-Lorrains et les Belges et de 0,5% pour les Anglais.

Le nombre des naturalisations algériennes, de 754 en 1903, n'a été que de 724 en 1904.

UN PIÈGE A RATS VÉGÉTAL

Il y a, à l'université de Pensylvanie, un petit bâtiment tout entier consacré aux plantes carnivores, aux différentes plantes qui capturent et digèrent plus ou moins des insectes et d'autres animaux. Parmi ces plantes, il y en a une qui, à l'occasion, s'empare de proies relativement volumineuses. C'est un népenthès. Sa fleur est en forme de petite urne et, au fond de celle-ci, il y a un liquide qui est clair et limpide comme de l'eau, mais qui aurait des propriétés stupéfiantes. En outre, elle est pourvue d'appendices qui se rabattent sur la tête de l'animal qui est venu soulager sa soif et l'immobilisent. On a vu des souris et des rats tués par le népenthès: et il paraîtrait qu'avec le temps, les appendices poussent l'animal au fond de l'urne, où il est désagrégé et digéré par des sucs digestifs. Le népenthès serait un piège à rats qui ferait disparaître sa proie en l'utilisant. Mais c'est un piège peu sûr. Dans la serre où il faut tenir la plante, celle-ci perd assez vite l'appétit: la chaleur artificielle ne lui convient guère. Elle se met à la diète et ne rend plus de services. Aussi ne faut-il guère compter sur les népenthès pour faire office de pièges à rats dans les appartements, même les mieux chauffés. Dans les pièces froides, inutile de dire qu'ils ne feront rien: rien que mourir, étant des plantes tropicales.

UN AVERTISSEUR DE LA PRÉSENCE DE GAZ TOXIQUES DANS LES APPARTEMENTS.

En raison des défauts d'installation des appareils de chauffage, du manque d'aération suffisante, ou d'accidents survenant dans la tuyauterie ou la manoeuvre des robinets des appareils à gaz, les appartements sont exposés à être envahis par des gaz toxiques de diverse nature: acide carbonique, oxyde de carbone, carbures d'hydrogène, etc, plus ou moins lourds que l'air.

Il existe bien des appareils avertisseurs de la présence de ces gaz, mais ces appareils ne sont valables que pour un gaz déterminé.

MM. Hanger et Pescheux viennent de présenter à l'Académie des sciences un appareil avertisseur qui a le grand avantage de s'appliquer à tous les gaz toxiques, qu'ils soient plus lourds ou moins lourds que l'air.

Cet appareil consiste en une balance très sensible. A l'extrémité d'une des branches du fléau se trouve un récipient d'air normal hermétiquement clos, équilibré à l'autre extrémité par un plateau. Il est évident que, si le récipient est plongé dans un gaz plus léger ou plus lourd que l'air, l'équilibre se trouve rompu. Une aiguille attachée au fléau descend alors dans un bain de mercure et, en fermant un circuit électrique, fait tinter une sonnette d'alarme. Les effets de température et de pression sont corrigés par un thermomètre métallique et un baromètre anéroïde.

Dans ces conditions, la plus petite invasion d'un gaz autre que l'air fait fonctionner l'appareil.

Dans les mines, cet appareil dénoncerait la présence du grisou avec la plus grande sensibilité.

Mouvement littéraire.

Lamennais, sa vie et ses doctrines, par l'abbé Charles Boutard (Perrin, 5 fr.).--Louis XIV et la Grande Mademoiselle, par Arvède Barine (Hachette, 3 fr. 50).--Au service de l'Allemagne, par Maurice Barrés (Fayard, 1 fr. 50).
Lamennais.


Le livre de M. l'abbé Boutard est d'une vive actualité N'est-ce pas Lamennais qui, encore dans l'Église, a demandé le premier la séparation de l'Église et de l'État? Il l'a réclamée dans l'Avenir, après 1830, avec une singulière énergie. Déjà même, en pleine Restauration, quand il combattait le gallicanisme et se faisait déférer, sous Charles X au tribunal de police correctionnelle, on avait senti poindre, dans ses écrits, la théorie de la séparation M. l'abbé Boutard, dans le volume qu'il nous livre et auquel il nous promet une suite, étudie en ses origines et en ses premières manifestations, l'illustre et âpre polémiste, qui fut en même temps un si grand poète. Son travail s'arrête à l'année 1828. Né le 29 juin 1782. Félicité Robert de Lamennais montra dès son enfance un tempérament nerveux et enclin à la colère. Il aimait l'isolement. D'une farouche indépendance, il fit presque seul son éducation intellectuelle et fut son propre maître à lui-même. Près que malgré lui, après de nombreuses hésitations et au milieu d'inquiétudes mortelles, il entra dans le sacerdoce, poussé par son frère Jean, par un sulpicien, l'abbé Teysserre, et surtout par l'abbé Garron, qu'il avait connu à Londres pendant les Cent-Jours. Les volumes successifs de l'Essai sur l'indifférence obtinrent, surtout le premier, un prodigieux succès. C'est là qu'il établit comme critérium de la certitude le sens commun, le consentement général des hommes, mettait, pensait-il, à la base des connaissances humaines le principe d'autorité là où Descartes avait mis la raison individuelle. Impétueux, n'admettant la tyrannie d'aucun groupe, royaliste indépendant, catholique peu soumis à l'épiscopat français, répandant avec vigueur et sans atténuation ses sentiments, prenant souvent le ton d'un prophète, tel nous apparaît Félicité de Lamennais. M. Boutard termine son premier volume au moment où le grand Breton recrute des disciples et commence de fonder, avec l'abbé Gerbet, l'école de La Chesnaie. Qu'il me soit permis de dire ici toute ma pensée: le Lamennais de M. l'abbé Boutard est une des oeuvres les plus étonnantes et les plus inattendues. Dans la dédicace à M. Emile Olivier, l'auteur appelle Lamennais une âme haute et complexe. Croyant, d'une sûre doctrine. M. Boutard a traité celui qui a écrit les Paroles d'un croyant avec un respect presque attendri. Il signale évidemment ce qu'il estime les erreurs de Lamennais; il regrette que celui-ci ait reçu le sacerdoce sans préparation, sans même la préparation du grand séminaire; il sait tout ce qu'il y eut parfois de violent et d'amer dans l'indomptable Breton. Mais quelles nuances dans les jugements de M. Boutard! Quelle tolérance chez cet écrivain, attaché à la doctrine catholique et la connaissant si parfaitement! Quelle subtile psychologie! Son livre est un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps. Catholiques, protestants, libres penseurs, trouveront un charme extrême dans ces pages si fermes, si attrayantes, si apaisées et qui portent l'imprimatur de l'autorité ecclésiastique.

Louis XIV et la grande Mademoiselle.



Avec une aimable érudition, Mme Arvède Barine (alias Mme Vincens), une favorite de l'Académie française, a raconté les jeunes amours de Louis XIV, son adolescence, ses fêtes galantes, son inclination première vers les libertins. Mais ce qui domine dans le livre de Mme Arvède Barine, c'est la Grande Mademoiselle. Dans un précédent volume, elle nous l'avait dépeinte au milieu de la Fronde, héroïque, batailleuse. Ici, c'est une autre Mademoiselle qui apparaît. La Fronde a éteint ses derniers feux; nous sommes en 1692. Mlle de Montpensier est reléguée dans le château de Saint-Fargeau, où elle s'ennuie, ne cherchant qu'un prétexte pour faire sa paix avec Mazarin, auquel elle finit par se soumettre. Elle se débat avec son père, Gaston d'Orléans, et avec sa belle-mère, qui voudraient lui enlever de son bien pour le faire passer à ses demi-soeurs. Aidée de Préfontaine, elle sait résister et parfaitement établir ses comptes. Mais, ce qui l'occupe surtout, c'est la recherche d'un mari. Un moment elle espère le grand Condé dont la femme est malade; mais celle-ci se rétablit. Epousera-t-elle Monsieur, frère du roi, qui a dix-sept ans?--elle en a trente. Mais cet adolescent, cette fille manquée, lui échappe. Le roi lui veut donner pour mari Alphonse VI, roi de Portugal, un être qui n'a rien d'humain et dont le corps exhale une odeur pestilentielle. Cette fois-ci, Mademoiselle, malgré son désir d'un époux, recule et refuse d'obéir au roi, son cousin. Charles-Emmanuel II, veuf de Mlle de Valois, aurait parfaitement convenu à la duchesse de Montpensier, mais le duc de Savoie la déclare trop âgée, ce qui la jette dans le désespoir.

Le comte de Lauzun était le plus petit et le plus insolent des cadets de Gascogne. La voilà éprise, elle, géante de quarante-deux ans, de ce nain rusé, malfaisant et le plus plat des courtisans. Le dessein de Louis XIV était alors de la marier avec Monsieur--on revenait à Monsieur, veuf de Henriette d'Angleterre.--Mais il lui faut Lauzun. Après avoir cédé sur ce point, le roi retire son consentement, ce qui amène des cris, des évanouissements, un beau tapage de Mademoiselle. Toute la cour et tout Paris s'amusèrent de cette vieille fille amoureuse. Comme Mme de Montespan passait pour s'être opposée au mariage, Lauzun poursuivit celle-ci de ses injures, ce qui lui valut un long exil dans la forteresse de Pignerol Pour le délivrer, Mademoiselle subit un chantage de la maîtresse royale et livra quelque beau morceau de sa fortune au duc du Maine. Mais si licencieux s'étalait Lauzun, qui lui coûtait cher, que Mademoiselle le chassa après l'avoir battu. Il est vrai qu'elle le reprit ensuite, mais pour peu de temps. Tel fut ce roman qui égaya si fort les contemporains. Mademoiselle mourut, sans connaître les charmantes douceurs de l'état conjugal--il est peu probable qu'il y eut un mariage secret entre elle et Lauzun--le 5 avil 1693, à l'âge de soixante six ans. Plus négligé, plus malpropre que jamais, Lauzun, à soixante-quatre ans, épousa Mlle de Lorges, qui comptait rapidement l'enterrer; il mourut à quatre-vingt-dix ans passés, en 1723. Une charmante vivacité tout académique anime et enchante le récit de Mme Arvède Barine.

Au service de l'Allemagne.



Il y a deux parties dans le volume de M. Barrés: la première historique et philosophique sur les races, sur la lutte entre l'esprit germain et l'esprit latin, établie à la pointe de la Lorraine. Peut-être désirerait-on là plus de rigueur scientifique; toutefois, M. Barrés excelle à analyser ce qui doit se passer dans l'âme d'un Alsacien, sous le casque pointu. Ehrmann a voulu demeurer dans la terre où l'on entend la voix des ancêtres et y maintenir la France. Est-ce que les émigrés servent vraiment la cause française? Ne vaut-il pas mieux, dans l'intérêt de la vieille patrie, ne pas abandonner le sol alsacien? Pendant son volontariat, Ehrmann se sent d'une autre race que ceux qui l'entourent; il n'a rien de commun avec les Allemands; il a le geste français, libre, souple, non les mouvements automatiques. Au moral, il montre une politesse, une délicatesse, un altruisme, une fleur dont ses compagnons sont dépourvus: ça, c'est la France. Son passage par le régiment ne lui fera que mieux comprendre jusqu'à quel point il diffère des Prussiens et quels liens l'attachent à la vraie mère. De plus, il aura été pour les autres un beau spectacle et des plus utiles, il leur aura découvert ce que vaut l'âme française, de quelles vertus elle est formée. Ingénieuse, serrée et d'une belle noblesse patriotique, la seconde partie du livre de M. Barrés nous émeut. J'aurais voulu, en même temps, donner mon sentiment sur le Préjugé des races, dans lequel M. Finot soutient une thèse qui n'est pas précisément celle de: Au service de l'Allemagne; mais je réserve l'oeuvre si nourrie de M. Finot pour l'article que je me promets de consacrer à la philosophie.E. LEDRAIN.


LES THÉÂTRES

Le Palais-Royal nous a donné cette semaine Chambre à part, trois actes de M. Pierre Veber, qui sortent un peu de son répertoire habituel: c'est l'histoire de deux époux qui s'adorent en croyant se détester et reviennent à l'amour en passant par le divorce, et elle nous est contée sans bouffonnerie, avec plutôt quelque esprit d'observation et quelque délicatesse. Bien interprétée par l'ordinaire troupe du Palais-Royal, elle a réussi. Elle était précédée d'un agréable proverbe de MM. Bilhaud et Hennequin: le Gant.

A la Gaîté, M. Coquelin a repris le Maître de forges. Il n'y joue qu'un rôle de second plan, celui de Moulinet, mais il est à peine utile de dire qu'il y est parfait de bonhomie naturelle. Mlle Jane Hading triomphe, comme il y a vingt ans, dans le rôle de la belle Claire de Beaulieu. L'«écriture» de cette pièce a un peu vieilli, mais l'intrigue en est toujours fort émouvante.

Aux Variétés, MM. Georges Feydeau et Maurice Desvallières nous ont offert, accompagnée d'une pimpante musique de M. Louis Varney, une féerie en douze tableaux, l'Age d'or, spectacle kaléidoscopique qui divertit les yeux sans fatiguer l'esprit.


          Le jockey Woodland et Mlle
              Émilienne André.

FIANÇAILLES SPORTIVES

Le monde sportif a appris ces jours derniers--sans autrement s'en étonner, car c'est un monde où l'on ne s'étonne de rien--les fiançailles officielles de deux personnalités bien connues sur les hippodromes: Percy Woodland, le célèbre jockey d'obstacles, et Mlle Émilienne André, qui a eu la fantaisie de faire courir des pur sang après avoir présenté des lapins blancs, gentiment dressés, sur la scène d'un music-hall. Mlle André s'appelait alors Mlle d'Alençon. Le code des courses, peu galant, l'a dépossédée de son pseudonyme. Peu importe, puisqu'elle sera dans quelques jours, très légalement Mrs Woodland.

ENCORE UN CYCLONE A LA RÉUNION

L'île de la Réunion, cruellement éprouvée par le terrible cyclone du 21-22 mars 1904, vient, cette année, exactement à la même date, d'être à nouveau ravagée par un ouragan. Les plantations ont beaucoup souffert (les pertes sont évaluées à 15% environ) et le pays, qui espérait se relever un peu avec la perspective d'une bonne récolte, est de nouveau dans la consternation.

La voie ferrée entre la pointe des Galets et Saint-Paul est en bonne partie détruite et les travaux de reconstruction dureront au moins deux mois.

L'abattoir de Saint-Denis n'est plus qu'une ruine ainsi que l'indique notre photographie prise le lendemain du sinistre. Cette malheureuse colonie, si éprouvée par ces fléaux successifs, projette, dit-on, de contracter en France un emprunt pour la construction d'usines centrales perfectionnées qui permettraient à ses cultivateurs et à ses industriels d'extraire toute la quintessence des sucres contenus dans les cannes.


L'abattoir de Saint-Denis de la Réunion après le passage du dernier cyclone.--Phot. E. Chardon.


Deux fiancés de sang royal: la princesse
Marguerite de Connaught et le prince
Gustave-Adolphe de Suède.
--Phot. Reutlinger.

FIANÇAILLES PRINCIÈRES

Le mois dernier, Paris comptait parmi ses hôtes de marque le duc Arthur de Connaught, frère du roi d'Angleterre et la duchesse, sa femme, accompagnés de leurs filles, les princesses Marguerite et Victoria. Après un échange de visites, le président de la République et Mme Loubet offrirent, en leur honneur, à l'Élysée, un déjeuner auquel ils avaient également convié le prince Gustave-Adolphe, duc de Scanie, fils aîné du prince royal de Suède. Or, la réunion de ces personnages à la table présidentielle ne résultait pas d'une simple coïncidence, et c'est à bon escient qu'elle avait été ménagée La princesse Marguerite, fille aînée du duc de Connaught, doit, en effet, épouser prochainement le prince Gustave-Adolphe. La fiancée est née le 15 janvier 1882 et le fiancé le 11 novembre de la même année.

LE TOMBEAU DU PAPE LÉON XIII

Le 25 juillet 1903, le triple cercueil contenant le corps de Léon XIII fut transporté à la chapelle du choeur des chanoines de Saint-Pierre de Rome et hissé au-dessus de la porte, toujours close, dans une niche masquée en temps ordinaire par un sarcophage très simple en bois peint imitant le marbre. C'est là qu'il est d'usage de déposer provisoirement les restes du pape, en attendant la construction de la sépulture définitive dont il a lui-même désigné le lieu. Léon XIII a fait choix de la basilique de Saint-Jean de Latran, et, pour recevoir sa dépouille mortelle, le statuaire Jules Talodini a été chargé d'exécuter un tombeau monumental. Une commission de cardinaux vient d'approuver la maquette qui promet une oeuvre sculpturale de grand caractère conçue dans le goût de la Renaissance.


Maquette du tombeau définitif de S. S. Léon XIII,
dans la basilique de Saint-Jean de Latran, à Rome.
--Phot Ch. Abeniacar.

PÈLERINS MUSULMANS AU LAZARET DE MATIFOU

Le pèlerinage traditionnel des musulmans à la Mecque fut toujours, on le sait, le sujet de sérieuses préoccupations au point de vue sanitaire; car on a lieu de redouter qu'à la suite de ce déplacement en masse les croyants ne rapportent en Occident les maladies épidémiques contractées là-bas. La peste ayant, cette année, sévi en Arabie, on a redoublé de vigilance et de précautions, notamment dans notre grande colonie méditerranéenne, et, à leur retour de la ville sainte, les pèlerins algériens, débarqués au lazaret du cap Matifou, étaient, comme l'atteste la photographie reproduite ici, soumis à une visite médicale des plus rigoureuses.


EN REVENANT DE LA MECQUE.--Au lazaret du cap Matifou: examen médical des musulmans algériens revenant du pèlerinage de la Mecque.



(Agrandissement)



[Note du transcripteur: Les suppléments ont, pour
la plupart, été perdus; ils ne sont par ailleurs
pas contenus dans les éditions reliées de 26 numéros.]