Title: Chroniques de J. Froissart, tome 10/13
1380-1382 (Depuis l'avènement de Charles VI jusqu'au commencement de la campagne de Flandre)
Author: Jean Froissart
Editor: Gaston Raynaud
Release date: March 27, 2023 [eBook #70396]
Language: French
Original publication: France: Vve J. Renouard
Credits: Clarity, Hans Pieterse and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))
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IMPRIMERIE DAUPELEY-GOUVERNEUR
A NOGENT-LE-ROTROU.
CHRONIQUES
DE
J. FROISSART
DEUXIÈME LIVRE
PUBLIÉ POUR LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
PAR GASTON RAYNAUD
TOME DIXIÈME
1380-1382
(DEPUIS L’AVÈNEMENT DE CHARLES VI JUSQU’AU COMMENCEMENT DE LA CAMPAGNE DE FLANDRE)
A PARIS
LIBRAIRIE RENOUARD
H. LAURENS, SUCCESSEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L’HISTOIRE DE FRANCE
RUE DE TOURNON, Nº 6
M DCCC XCVII
EXTRAIT DU RÈGLEMENT.
Art. 14.—Le Conseil désigne les ouvrages à publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre la publication.
Il nomme, pour chaque ouvrage à publier, un Commissaire responsable, chargé d’en surveiller l’exécution.
Le nom de l’éditeur sera placé en tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraître sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagné d’une déclaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru mériter d’être publié.
Le Commissaire responsable soussigné déclare que le tome X de l’édition des Chroniques de J. Froissart, préparé par M. Gaston Raynaud, lui a paru digne d’être publié par la Société de l’Histoire de France.
Fait à Paris, le 1er août 1896.
Signé: L. DELISLE.
Certifié:
Le Secrétaire de la Société de l’Histoire de France,
A. DE BOISLISLE.
SOMMAIRE.
1380, septembre. ENTRÉE EN BRETAGNE DE L’ARMÉE DU COMTE DE BUCKINGHAM.—4 novembre. COURONNEMENT DU ROI CHARLES VI A REIMS.—Du commencement de novembre au 2 janvier 1381. SIÈGE DE NANTES PAR LES ANGLAIS.—HIVERNAGE DES ANGLAIS EN BRETAGNE.—15 janvier et 4 avril. TRAITÉ DE PAIX ENTRE LE ROI DE FRANCE ET LE DUC DE BRETAGNE.—11 avril. LES ANGLAIS ÉVACUENT LA BRETAGNE; BUCKINGHAM RENTRE EN ANGLETERRE (§§ 169 à 192).
La nouvelle de la mort du roi Charles V arrive à Buckingham au moment où, après avoir traversé la Sarthe à Noyen, il fait reposer ses gens à Poillé[1]; elle parvient en même temps au Mans[2], au quartier général de l’armée française, dont les chefs se dispersent pour courir aux informations. Les Anglais poursuivent leur route par Saint-Pierre-sur-Erve[3] et par Argentré[4], passent la Mayenne au milieu de marécages dangereux et s’arrêtent à Cossé[5], pour attendre les instructions du duc de Bretagne[6].
II Le duc, qui se trouve à Hennebont, mécontent de l’hostilité continue de ses villes et particulièrement de Nantes, à l’approche des Anglais, députe vers Buckingham ses conseillers habituels: Bertrand de Montbouchier, Étienne Guyon, Guillaume Tannegui, Eustache de la Houssaie, Geoffroi de Kerimel et l’élu de Léon[7], pour lui demander de venir à Rennes conférer ensemble.
Cette ambassade rejoint à Châteaubourg[8] l’armée anglaise, qui de Cossé, à travers la forêt de la Gravelle[9], avait gagné Vitré[10], puis Châteaubourg, sûre désormais de ne plus être poursuivie par les Français. P. 1 à 3, 297, 298.
Après de longs pourparlers au cours desquels Buckingham se plaint de ne pas être accueilli en Bretagne comme il s’y attendait d’après les conventions passées, rendez-vous est pris pour Rennes, où les Anglais arrivent au bout de quelques jours. Mais ils n’y peuvent entrer et les portes de la ville ne s’entr’ouvrent que pour loger le comte et quelques barons avec lui. Ils attendent ainsi plus de quinze jours la venue du duc de Bretagne, qui multiplie ses excuses plus ou moins sincères.
Les Nantais profitent de ce répit pour obtenir des quatre oncles du roi, ayant alors le gouvernement du royaume, six cents lances de renfort, qui les mettent en état de soutenir un siège[11]. P. 4 à 6, 298, 299.
III Las d’attendre, le comte de Buckingham envoie vers le duc de Bretagne comme messagers: Robert Knolles, Thomas de Persi et Thomas Trivet, accompagnés de cinq cents lances, tandis que lui-même, avec le restant de ses hommes, s’achemine vers Combourg[12] par Saint-Sulpice[13]. Le duc, qui s’était décidé à quitter Vannes, où il était allé en partant de Hennebont, rencontre les trois chevaliers et se dirige avec eux sur Rennes. Entrevue à Hédé[14] du duc et de Buckingham; dîner à la Mézière[15]; longues conférences à Rennes entre le duc et les envoyés du comte. P. 6 à 8, 299, 300.
Finalement le duc de Bretagne s’engage à venir mettre le siège devant Nantes, quinze jours au plus tard après l’arrivée des forces anglaises sous les murs de cette ville, et à fournir les barques nécessaires. Le comte revient de Hédé prendre acte de cette convention à Rennes, et le duc retourne à Hennebont, tandis que les Anglais mettent quinze jours encore à faire leurs préparatifs[16].
De leur côté, les Nantais, ayant à leur tête Jean le Barrois des Barres[17], Jean de Châteaumorand[18], le sire de IV Tournemine[19] et autres, s’apprêtent à la défense. P. 8, 9, 300.
Pendant ce temps, à Reims, le dimanche 4 novembre 1380, a lieu le couronnement du jeune roi Charles, entouré de ses quatre oncles, les ducs d’Anjou, de Berry, de Bourgogne et de Bourbon[20], des ducs de Brabant, de Bar, de Lorraine, etc. Le comte de Flandre[21] et le comte de Blois s’étaient excusés. La veille, le samedi, le jeune roi avait fait son entrée solennelle, au milieu d’un concours immense de seigneurs et de jeunes écuyers, comme ses cousins de Navarre, d’Albret, de Bar et d’Harcourt, qu’il devait le lendemain armer chevaliers; il avait veillé une grande partie de la nuit dans l’église Notre-Dame. Le dimanche, le roi est sacré par l’archevêque de Reims, en présence de tous les seigneurs et d’Olivier de Clisson, le V nouveau connétable[22]. Pour célébrer son avènement, il ordonne que toutes impositions, aides, gabelles, fouages, subsides et autres impôts grevant le peuple seront abolis[23].
Après la messe, le roi dîne au palais, sous une tente, avec ses oncles et les prélats; il est servi par des hauts barons montés sur des destriers caparaçonnés d’or: les sires de Couci, de Clisson, Gui de la Trémoïlle, l’amiral de France[24], et autres.
Le lundi, le roi se rend pour dîner à l’abbaye de Saint-Thierri[25], près de Reims; il retourne ensuite à Paris où il est bien accueilli par les habitants[26].
Après ces fêtes, les oncles du roi se partagent le gouvernement: le duc de Berri a le Languedoc; le duc de Bourgogne la Picardie et la Normandie; le duc d’Anjou reste auprès de son neveu, pour diriger en son nom le royaume[27]. Sur la VI demande des ducs de Brabant et d’Anjou, le comte de Saint-Pol peut rentrer en France[28], où il s’établit dans son château de Bohain[29]. P. 9 à 13, 300, 301[30].
Le duc de Bretagne, comme nous l’avons dit, avait quitté Rennes et se dirigeait, avec les seigneurs de Montbouchier, de Montraulieu et tous ses conseillers, vers Hennebont et Vannes. Le comte de Buckingham, passant par Châtillon[31], Bain[32] et Nozay[33], arrive en quatre jours aux faubourgs de Nantes où il se loge à la porte Sauvetout; Guillaume de Latimer, connétable de l’armée, Gautier Fitz-Walter et Raoul Basset se logent à la porte Saint-Pierre; Robert Knolles et Thomas de Persi à la porte Saint-Nicolas; Guillaume de Windsor et Hugues de Calverley à la poterne de Richebourg.
Ils sont aussitôt inquiétés par les défenseurs de la ville, Jean le Barrois des Barres en tête[34], qui, la veille de la Saint-Martin (10 novembre), les surprennent à la porte Saint-Pierre. P. 13 à 15, 301, 302.
Le surlendemain (12 novembre), nouvelle escarmouche du côté de la Loire, que soutiennent Jean de Harleston, Guillaume de Windsor et Robert Knolles. P. 15, 16, 302.
VII Le 18 novembre, les Français font une sortie par la porte Sauvetout; mais les Anglais, gardés par les troupes allemandes, se défendent bien: ils n’en perdent pas moins un de leurs chefs, Thomas de Rhodes, et se laissent faire six prisonniers. P. 16, 17, 302.
Le siège dure toujours, et le comte de Buckingham reste sans nouvelles du duc de Bretagne, malgré les messagers qu’on lui envoie et que guettent sur les chemins les gens du pays. Le duc, en effet, ne peut décider ses hommes à venir avec lui assiéger Nantes: ils refusent de faire guerre et dommage sur la terre de Bretagne, pour le service des Anglais, alors que la cour de France, qu’on voulait effrayer tout d’abord, semble disposée à respecter leurs anciennes coutumes.
D’autre part, les hauts barons, les seigneurs de Clisson, de Dinan, de Laval, de Rochefort, le vicomte de Rohan, menacent le duc de lui faire eux-mêmes la guerre, s’il vient assiéger Nantes; ils lui conseillent, au contraire, de se soumettre au jeune roi de France, qu’il ne peut haïr comme son père[35]. P. 17 à 19, 302, 303.
Sous les murs de Nantes les escarmouches continuent; le soir de la Notre-Dame des Avents (8 décembre), dans une sortie contre Guillaume de Cosyngton[36] et les hommes de guet, le seigneur d’Amboise[37] est fait chevalier par Amauri de Clisson[38], cousin-germain du connétable. P. 19, 20, 303.
Le jeudi d’avant la Noël (20 décembre)[39], les Anglais sont VIII encore attaqués par le Barrois des Barres et le seigneur de Cholet[40]; ils perdent un de leurs chevaliers, Hugues Tyrel[41], mais, malgré leur désir, ils n’osent dégarnir leurs postes pour envoyer, sous bonne escorte, de nouveaux messagers rappeler au duc ses engagements. P. 20 à 22, 303, 304.
La veille de Noël (24 décembre), grande escarmouche, où se distinguent du côté anglais Yves Fitz-Warin et Guillaume Drayton[42]; le chevalier français, Tristan de la Jaille, est fait prisonnier par un écuyer de Hainaut, Thierri de Sommaing[43]. P. 22, 23, 304.
Pendant les fêtes de Noël, les hostilités cessent. P. 23, 24, 304.
Depuis plus de deux mois, les Anglais sont sous les murs de Nantes. Le comte de Buckingham décide alors de lever le siège et d’aller avec toutes ses troupes trouver le duc à Vannes. L’armée anglaise part donc le 2 janvier[44], passe par Nort[45], Moisdon[46], Teillais[47], Bain, traverse la Vilaine et arrive à Lohéac[48] un samedi (12 janvier); de là par Guer[49], Mauron[50], IX la Trinité[51], elle vient traverser l’Oust à Brehan[52], et campe sur la rive droite de la rivière.
Effrayés de l’approche des Anglais, les habitants de Vannes demandent conseil au duc de Bretagne qui les rassure et les engage à ouvrir leurs portes au comte, sous la condition qu’il ne logera que quinze jours dans leur ville. Lui-même, le lendemain, il sort de Vannes au-devant de Buckingham qui, après un arrêt à Brehan, avait, la nuit précédente, couché à Saint-Jean[53].
Le duc s’excuse auprès du comte de son manque de parole: il invoque les résistances qu’il a rencontrées chez ses vassaux et les menaces des seigneurs de Clisson, de Laval et autres hauts barons. La saison, du reste, est avancée; mieux vaut attendre l’été pour recommencer la campagne. Le comte, bien accueilli par les habitants de Vannes, jure de n’y séjourner que quinze jours et est logé au château de la Motte[54], tandis que le duc s’en va à son château de Sucinio[55], d’où il échange des visites avec le comte.
Les lieutenants de Buckingham devaient, d’après les conventions, être logés avec leurs hommes à Hennebont[56], à Quimper-Corentin[57] et à Quimperlé[58]; mais ils ne peuvent réussir à se faire ouvrir les portes de ces villes et sont forcés de se cantonner dans les faubourgs, où ils souffrent du froid et du manque de vivres[59].
Harcelées sans cesse par les garnisons des châteaux de Kaer[60] et de Guéméné-Guingamp[61], appartenant au vicomte de Rohan, X et par celles des châteaux de Josselin[62], de Montaigu[63] et de Moncontour[64], appartenant au seigneur de Clisson, menacées par les forces du connétable qui occupe le pays[65], n’osant ni s’en aller ni se porter mutuellement secours, les troupes anglaises en sont réduites à se contenter de l’intervention douteuse du duc de Bretagne. P. 24 à 30, 304 à 306.
Le duc, en effet, durant ce temps, négocie la paix à Paris avec le roi de France, par l’entremise du vicomte de Rohan, de Charles de Dinan, de Gui de Laval et de Gui de Rochefort, aux conseils desquels il se rend, craignant qu’une fois établis en Bretagne, les Anglais n’en veuillent plus sortir. P. 30 à 32, 306, 307.
Les Anglais ignorent[66] tout cela et passent leur temps en joutes. On se rappelle le combat de Gauvain Michaille et de Janekin Cator dans la forêt de Marchenoir[67]. A cette occasion, plusieurs défis avaient été échangés entre chevaliers anglais et français, mais le comte de Buckingham avait ajourné ces joutes, qui, une fois encore, sous les murs de Nantes, n’avaient pu avoir lieu.
Quand les Anglais sont cantonnés à Vannes et aux environs, les chevaliers français veulent à tout prix tenir leurs engagements, et, grâce à un sauf-conduit donné par le connétable de XI France, des passes d’armes mettent en présence à Château-Josselin des chevaliers des deux nations, entre autres le Galois d’Aunoi[68] et Guillaume Clynton[69], Lionnel d’Airaines[70] et Guillaume Frank[71]. P. 32 à 34, 307, 308.
Les joutes se continuent à Vannes, en présence du comte de Buckingham et des principaux chefs anglais[72]. P. 34, 35, 308.
Joute des seigneurs de Pouzauges et de Vertaing; le seigneur de Pouzauges est blessé. Joute de Jean d’Aubrecicourt et de Tristan de la Jaille. Joute du bâtard de Clarens[73] et d’Édouard de Beauchamp[74], remplacé par Janekin Stonckel. P. 35 à 37, 308, 309.
XII Joute de Janekin Cloton[75] et de Jean de Châteaumorand. Janekin Cloton est jugé trop faible pour lutter. P. 37, 38, 309.
Il est remplacé par Guillaume de Faringdon[76], qui blesse à la cuisse Jean de Châteaumorand. P. 38, 39, 309, 310.
Tandis que les Anglais, logés à Vannes et aux environs, sans autre ravitaillement que ce qui leur vient des îles de la Manche et de Cornouailles, attendent la fin de l’hiver pour recommencer la guerre avec de nouveaux renforts, les barons bretons continuent à Paris leurs négociations en vue de la paix, désirée surtout par le duc d’Anjou qui prépare son expédition d’Italie[77].
On arrive enfin à une entente: le duc de Bretagne s’engage à faire évacuer son duché par les Anglais, auxquels il fournira des navires. Ceux d’entre eux qui appartiennent à la garnison de Cherbourg seront libres de retourner par terre avec un sauf-conduit. Le duc viendra en France faire hommage au roi[78]. P. 39 à 42, 310, 311.
Quand les Anglais apprennent que la paix est conclue entre le roi de France et le duc de Bretagne, ils s’en montrent fort mécontents. Après de longues explications et excuses de la part du duc[79], le comte de Buckingham quitte Vannes le XIII 11 avril 1381[80] et s’embarque aussitôt: il part le soir même pour l’Angleterre, refusant une dernière entrevue que lui demande le duc. P. 42 à 44, 311.
Le connétable fait donner des sauf-conduits aux Anglais qui retournent à Cherbourg; parmi eux se trouvent les chevaliers Jean Burley, Yves Fitz-Warin, Guillaume Clynton et l’écuyer Nicolas Clifford[81]. Ce dernier rencontre à Château-Josselin un écuyer du comte de la Marche, Jean Boucinel, qui l’avait défié autrefois à Valognes. Un nouveau défi a lieu, et, malgré les résistances de Clifford, le connétable, pris comme arbitre, décide que le lendemain le combat se fera. P. 44 à 47, 311, 312.
Jean Boucinel est tué par Clifford. Les Anglais, sous la conduite du Barrois des Barres, s’acheminent vers Cherbourg. P. 47 à 51, 312, 313.
1380, juin. CONCLUSION DE LA PAIX ENTRE LE COMTE DE FLANDRE ET LES GANTOIS.—8 août. REPRISE DES HOSTILITÉS.—27 août. DÉFAITE DES GANTOIS.—Septembre. LE COMTE FAIT LE SIÈGE DE GAND.—5 novembre. VICTOIRE DES GANTOIS A LONGPONT.—10 novembre. PAIX MARTINIENNE.—1381, février. NOUVEAUX DIFFÉRENDS.—13 mai. DÉFAITE DES GANTOIS A NEVELE; LEUR DÉSUNION (§§ 193 à 208).
En Flandre, les Gantois sont toujours en hostilités avec le XIV comte, qui profite d’une émeute populaire à Bruges pour intervenir et mettre la main sur la ville, où il fait de nombreuses exécutions; ce qui entraîne la soumission du Franc de Bruges[82].
Enhardi par ce succès, le comte décide d’aller assiéger Ypres, que viennent secourir 3,000 Gantois, conduits par Jean Boele[83] et Arnould de Clerk[84]. De Bruges, le comte se dirige sur Thourout, puis sur Poperinghe, où il réunit une armée de 20,000 hommes. P. 51 à 53, 313, 314.
Les Gantois envoient alors à Ypres un nouveau renfort de 9,000 hommes, sous les ordres de Rasse d’Herzeele, Pierre du Bois, Pierre de Wintere[85] et Jean de Launoit[86], qui, après être passés par Courtrai, décidés à livrer bataille au comte, attendent à Roulers[87] d’être rejoints par les troupes d’Ypres, déjà renforcées par celles de Jean Boele et d’Arnould de Clerk.
Surprises dans une embuscade, ces dernières troupes sont taillées en pièces par les gens du comte[88] et perdent près de XV 3,000 hommes[89]. Les Yprois rentrent dans leur ville et les Gantois se réfugient à Courtrai. P. 53 à 56, 314.
Mais, dans leur fureur d’avoir été vaincus, ils accusent Jean Boele de trahison et le tuent; ils retournent ensuite à Gand, pendant que Jean de Launoit va s’emparer du château de Gavre sur l’Escaut. P. 56, 57, 315.
Le comte marche alors sur Ypres, qui lui ouvre ses portes et se rend à merci[90]; il fait mettre à mort plus de 700[91] partisans des Gantois, envoie à Bruges 300 otages, et, cela fait, se dispose à assiéger Courtrai. P. 57, 58, 315.
N’espérant plus de secours de la part des Gantois, la ville se rend au comte[92], qui prend 200 otages et, peu de temps après, rentre à Bruges en passant par Deynse[93]. Au bout d’une quinzaine de jours, aux environs de la fête de la Décollation de saint Jean-Baptiste (29 août)[94], le comte convoque de nouveau ses gens et vient s’établir à la Biete[95] pour faire le siège de Gand. Robert de Namur a répondu à son appel, mais non Guillaume, qui alors est en France, auprès du roi. Gautier d’Enghien est maréchal de l’armée. Les Gantois, encouragés dans leur défense par les Liégeois, les gens de Bruxelles et du Brabant, supportent vaillamment le siège, qui ne peut être complet, et sont ravitaillés du côté de Bruxelles et des Quatre-Métiers[96]. P. 58 à 60, 315.
XVI Tandis que le seigneur d’Enghien, que le Hase de Flandre et le jeune sénéchal de Hainaut, Jacques de Werchin, se distinguent dans des escarmouches, les gens de Bruges, de Poperinghe et d’Ypres, envoyés par le comte à Longpont[97], se font battre par les Gantois[98]. P. 60 à 62, 316.
Fiers de ce succès, les Gantois, au nombre de 6,000, vont prendre, brûler et piller Alost[99], dont les seigneurs, Louis de Marbais, Geoffroi de la Tour[100] et Philippe de Jonghe, n’ont que le temps de fuir; ils se rendent maîtres ensuite de la ville de Termonde[101] (Philippe de Masmines est tué dans cette affaire), mais ne peuvent s’emparer du château, défendu par le seigneur de Widescot; enfin ils entrent par force dans Grammont[102], puis retournent à Gand avec leur butin. P. 62, 63, 316.
L’hiver s’approche; le comte se retire alors à Bruges[103] et XVII envoie à Audenarde tenir garnison les seigneurs d’Enghien et de Montigni, pour inquiéter les Gantois.
En mars suivant, au printemps, le comte rassemble une nouvelle armée, dont il fait chef le seigneur d’Enghien. Les contingents de Deynse et d’Audenarde sont attaqués et maltraités par Rasse d’Herzeele et Jean de Launoit, qui revenaient à Gand d’une expédition contre Deynse[104].
Le lendemain, les Gantois vont brûler les faubourgs de Courtrai et rencontrent les troupes du comte à Nevele[105]. Rasse d’Herzeele et Jean de Launoit s’apprêtent à livrer bataille, sans attendre Pierre du Bois et Arnould de Clerk. P. 63 à 66, 316, 317.
L’armée du comte est forte de 20,000 hommes, de 1,500 lances, tant chevaliers qu’écuyers; ce sont: de Hainaut, le seigneur d’Enghien, maréchal de l’armée, Michel de la Hamaide, le bâtard d’Enghien[106], le seigneur de Montigni, Gille de Risoit, Hustin du Lai, le seigneur de Lens et Jean de Berlaimont[107]; de Flandre, Jean et Gui[108] de Ghistelles, le XVIII seigneur d’Escornai, le seigneur de Hulluc, le seigneur et Daniel d’Halewin, le seigneur d’Estaimbourg, Thierri de Dixmude[109], et d’autres, en y comptant le jeune sénéchal de Hainaut, Jacques de Werchin, qui mourut à Obies. Le seigneur de Leeuwerghem[110] porte la bannière du comte. Le choc a lieu, et mal fût avenu aux gens du comte, si Pierre du Bois, qui était arrivé sur le lieu du combat, eût pu secourir les siens; mais il en est empêché par un marais. P. 66 à 68, 317, 318.
Rasse d’Herzeele et Jean de Launoit, assaillis par une armée quadruple de la leur, se replient en désordre sur la ville. Rasse d’Herzeele se fait tuer en défendant l’église où Jean de Launoit[111] est brûlé vif avec tous ceux qui s’y sont réfugiés. P. 68 à 70, 318, 319.
Des 6,000 hommes de Jean de Launoit et de Rasse d’Herzeele, à peine en survit-il 300[112]. Pierre du Bois, qui a assisté au combat, sans pouvoir y prendre part, s’achemine vers Gand, où les fuyards ont déjà annoncé la mauvaise nouvelle, se plaignant de l’inaction de Pierre du Bois.
Aussi, quand ce dernier, bien que poursuivi par le seigneur d’Enghien, arrive à Gand, est-il assez mal accueilli et a grand’peine à se disculper. De là cette haine, dont Gilbert de Grutere et Simon Bette sentirent bientôt les effets. P. 70 à 74, 319, 320.
XIX Le comte retourne à Bruges et licencie son armée; il renvoie le seigneur d’Enghien à Audenarde[113].
Les Gantois, au nombre de 15,000, au moment de la fête de Bruges (mai 1381), vont brûler les faubourgs de Courtrai[114], que le comte se contente de munir d’hommes d’armes.
Sous les murs d’Audenarde, les attaques de Pierre du Bois et de ses gens sont repoussées par les chevaliers.
Trois jours après, Arnould de Clerk et 1,200 chaperons blancs viennent tenir garnison à Gavre, pour faire échec aux gens d’Audenarde; ils en sortent bientôt pour surprendre une route conduite par le seigneur d’Escornai, Blanchard de Calonne[115] et autres, leur font perdre plus de 60 hommes et s’emparent de la ville et de l’abbaye d’Eenaeme[116]; Pierre de Steenhuyse est tué. P. 74 à 77, 320, 321.
Le lendemain, les chevaliers d’Audenarde marchent sur Eenaeme, surprennent les Gantois, les tuent presque tous, et, parmi eux, Arnould de Clerk; ils retournent ensuite à Audenarde. Ces nouvelles comblent le comte de joie. P. 77 à 79, 321, 322.
Désespérés de ces échecs, les Gantois songent à faire leur soumission, mais ils n’osent, par crainte de Pierre du Bois et de ses partisans, qui les imposent et les obligent à continuer la lutte, sous prétexte de défendre leurs franchises. Les honnêtes gens sont ainsi victimes de leur faiblesse, témoin Jean de la Faucille[117], qui, pour éviter d’être compromis, s’exile, XX mais n’en est pas moins accusé par Simon Rym[118], qui le tue en duel à Lille. P. 79 à 81, 322, 323.
Voyant que les notables de Gand sont fatigués de la guerre, et que, d’autre part, il ne peut traiter avec le comte sans risquer sa vie, Pierre du Bois imagine de s’adjoindre un autre chef capable de gouverner la ville de Gand avec lui[119]. Il propose à la nomination des Gantois Philippe d’Artevelde, fils de Jacques d’Artevelde, si populaire autrefois. P. 81 à 85, 323 à 325.
Après bien des hésitations voulues, Philippe se rend aux instances de Pierre du Bois, de Pierre de Wintere et de Sohier d’Herzeele[120]; il accepte et fait donner au seigneur d’Herzeele, ruiné par la guerre, une partie des revenus que le comte possédait dans la ville de Gand. P. 85, 86, 325.
1381, 14 mai. TRAITÉ D’ALLIANCE ENTRE LE PORTUGAL ET L’ANGLETERRE.—HOSTILITÉS ENTRE LE PORTUGAL ET LA CASTILLE.—10 juin. INSURRECTION EN ANGLETERRE; LES BANDES INSURGÉES MARCHENT SUR LONDRES.—13 juin. PILLAGE, MEURTRES ET INCENDIES DANS LA VILLE.—15 juin. MORT DE WAT TYLER.—18 juin. NOUVELLE TRÊVE CONCLUE AVEC L’ÉCOSSE PAR LE DUC DE LANCASTRE.—RÉPRESSION DE L’INSURRECTION DANS LES COMTÉS.—Août. ARRIVÉE DU COMTE DE CAMBRIDGE ET DE SON ARMÉE A LISBONNE (§§ 209 à 227).
La mort du roi Henri de Castille ne met pas fin à la guerre entre la Castille et le Portugal. Aussitôt couronné, lui et sa femme[121], Jean est attaqué par Ferdinand, qui soutient les droits XXI au trône de Castille de ses deux cousines, Constance et Isabelle, filles de Pèdre le Cruel, et mariées, l’une au duc de Lancastre, l’autre au comte de Cambridge. Le roi Jean se défend avec l’aide des chevaliers français[122], qui sont venus se mettre à son service depuis l’entrée des Anglais en Bretagne: le Bègue de Villaines, Pierre[123], son fils, Jean de Berguettes, Guillaume de Nailhac[124], Gauthier de Passac[125], Bertrand de XXII Terride[126], Jean et Tristan de Roye, d’autres encore. Le roi de Portugal songe alors à envoyer en ambassade en Angleterre Jean-Fernandez[127], pour demander au duc de Lancastre de venir à son secours avec une nombreuse armée. Jean-Fernandez s’embarque à Lisbonne et arrive à Plymouth, alors que les troupes du comte de Buckingham, venant de Bretagne, débarquaient en Angleterre après avoir essuyé une violente tempête. Buckingham et l’ambassadeur de Portugal font route ensemble jusqu’à Londres, où est le roi. P. 86 à 89, 326, 327.
Jean-Fernandez est bien accueilli par le roi et ses oncles; il assiste aux fêtes de Saint-Georges (23 avril) à Windsor, en même temps que Robert de Namur, venu auprès du roi relever ses fiefs anglais[128]. Le parlement s’assemble à Westminster et décide que le comte de Cambridge ira en Portugal avec 500 lances et 500 archers, tandis que le duc de Lancastre XXIII partira pour l’Écosse et tâchera d’obtenir pour trois ans une prolongation de la trêve qui prend fin au 1er juin; cela fait, il pourra, en août ou en septembre, aller retrouver en Portugal son frère le comte de Cambridge[129]. Sa présence en Angleterre est, du reste, rendue nécessaire par les négociations du mariage du roi avec la sœur du roi des Romains[130]. P. 89 à 91, 327.
Le duc de Lancastre part; quinze jours plus tard, le comte de Northumberland le suit, pour se rendre à son poste de gouverneur du pays de Northumberland et de l’évêché de Durham, XXIV jusqu’à la Severn[131]. De son côté, le comte de Cambridge fait à Plymouth[132] tous ses préparatifs de départ pour le Portugal[133]. Il emmène avec lui sa femme, la princesse Isabelle, et son fils Jean[134]. Les chevaliers qui doivent l’accompagner sont nombreux; ce sont Matthieu de Gournai[135], connétable de l’armée, le Chanoine de Robersart[136], Raimond de Castelnau[137], Guillaume de Beauchamp[138], maréchal de l’armée, le syndic de Latrau[139], XXV Jean de la Barthe, Richard Talbot[140], Guillaume Elmham, Thomas Simond[141], Miles de Windsor[142], Jean de Sandwich[143] et d’autres encore[144]; parmi eux, Jean-Fernandez[145], le chevalier portugais. L’expédition compte 500 hommes d’armes et 500 archers[146]. Ils attendent plus de trois semaines à Plymouth un vent favorable.
Pendant ce temps, le duc de Lancastre arrive à Berwick[147], obtient un sauf-conduit du roi Robert et s’achemine par Roxburgh vers l’abbaye de Melrose, où il attend que les Écossais soient réunis au Lammerlaw, pour entamer les négociations, qui durent plus de quinze jours. P. 91 à 94, 327, 328.
Une révolution éclate en Angleterre, qui met le royaume bien près de sa perte. Les serfs des comtés de Kent, d’Essex, XXVI de Sussex et de Bedford se soulèvent et prétendent être payés de leur travail[148].
Ils sont poussés à cet esprit de révolte par un prêtre de Kent, Jean Ball[149], puni, à plusieurs reprises, par l’archevêque de Cantorbéry, qui prêche l’égalité de tous les hommes[150], excite le peuple à la haine des riches et des nobles et engage ses auditeurs à aller à Londres demander justice au roi. Les habitants de Londres murmurent de leur côté et appellent à eux les gens des provinces. P. 94 à 97, 328, 329.
Cet appel est entendu; les gens de Kent, d’Essex, de Sussex, de Bedford et des pays environnants, au nombre de 60,000, se dirigent sur Londres. Ils ont pour chefs Jean Ball, Jack Straw[151] et Wat Tyler[152], un couvreur en tuiles, le plus populaire des trois. A leur approche, les habitants de Londres, sauf ceux qui partagent ces idées, ont peur et songent à fermer leurs portes; mais, craignant l’incendie des faubourgs, ils laissent pénétrer dans leur ville ces bandes de paysans, qui, venues parfois de cent lieues, ne savent guère ce qu’ils XXVII veulent et ne demandent qu’à voir le roi. Effrayés, les nobles s’apprêtent à la lutte.
Le jour de leur arrivée à Londres, les gens de Kent rencontrent en chemin la mère du roi[153], qui revenait de Cantorbéry. Molestée par eux, elle se hâte de se rendre auprès de son fils. Elle le trouve entouré de son conseil, du comte de Salisbury, de l’archevêque de Cantorbéry[154], de Robert de Namur, de Jean de Gommegnies et d’autres qui, depuis longtemps déjà, avaient connaissance de ce mouvement populaire et auraient dû y pourvoir[155]. P. 97 à 99, 329 à 331.
C’est le lundi 10 juin 1381 que les bandes commandées par Jean Ball, Wat Tyler et Jack Straw entrent à Cantorbéry et envoient des émissaires dans les autres comtés pour leur donner rendez-vous le jour de la Fête-Dieu (13 juin) ou le lendemain, sous les murs de Londres; elles pillent les abbayes de Saint-Thomas et de Saint-Vincent[156], et, le lendemain, prennent le chemin de Rochester, abattant les maisons des gens de loi et entraînant à leur suite les habitants des villages.
Arrivés à Rochester, les insurgés, bien accueillis par la population, s’emparent de Jean Newton[157], capitaine de la ville, et l’emmènent avec eux sous menace de mort.
Dans toutes les autres parties de l’Angleterre, jusqu’à Lynn[158] XXVIII et à Yarmouth[159], les mêmes violences se produisent, et des chevaliers tels que Thomas de Morley[160], Étienne de Hales[161] et Étienne de Cosyngton sont contraints de marcher avec les révoltés. P. 100 à 102, 331, 332.
Les insurgés partent de Rochester et s’acheminent vers Londres; ils passent la rivière à Brentford[162], puis s’établissent sur la montagne de Blackheath[163], à quatre lieues de Londres. Le maire, Jean Walworth[164], et les notables font fermer et garder la porte du pont de la Tamise. Plus de 30,000 habitants partagent les idées des émeutiers.
Ces derniers députent Jean Newton vers le roi, pour lui demander de venir les trouver et pour se plaindre du mauvais gouvernement du royaume. Le roi leur promet de venir les voir le lendemain jeudi 13 juin. P. 102 à 104, 332, 333.
XXIX Le comte de Buckingham ne quitte pas, durant tout ce temps, le pays de Galles, où sa femme[165], fille du comte de Northampton, possède des terres[166]. Le bruit court cependant à Londres qu’il accompagne les émeutiers, et cela à cause d’un certain Thomas, de Kent, qui lui ressemble.
Le comte de Cambridge et ses barons, craignant de voir arrêter leur expédition par cette révolution, mettent à la voile malgré le vent et sont obligés de jeter l’ancre devant Plymouth.
Le duc de Lancastre, malgré les craintes qu’il ressent pour lui-même du mauvais état des choses, car il se sait peu aimé, n’en continue pas moins à traiter avec les barons écossais, les comtes de Douglas, de Moray, de Sutherland, Thomas d’Erskine[167] et autres, qui se montrent d’autant plus difficiles qu’ils sont au courant de ce qui se passe. P. 104 à 106, 333.
Le jour de la Fête-Dieu arrive (13 juin); le roi entend la messe et, accompagné des comtes de Salisbury, de Warwick, d’Oxford et de quelques chevaliers, il se dirige en bateau vers la rive droite du fleuve, du côté de son château de Rotherhithe[168]. Plus de 10,000 hommes l’accueillent par des cris; très effrayé, il n’aborde pas, et rentre au château de Londres.
Furieux de leur déconvenue, les émeutiers envahissent les XXX faubourgs de Londres, saccagent les maisons des gens d’église et de cour, abattent la prison des Maréchaussées[169], délivrent les prisonniers et se présentent aux portes de la ville.
Le peuple leur ouvre les portes[170]; et ces gens affamés se jettent sans mesure sur les vivres et sur les boissons qu’on leur donne pour les apaiser.
Jean Ball, Jack Straw et Wat Tyler, avec une troupe de plus de 30,000 compagnons, brûlent l’hôtel de Savoie[171], propriété du duc de Lancastre, la maison des Hospitaliers connue sous le nom de Saint-Jean de Clerkenwell[172]; puis parcourent les rues, tuent les Flamands[173] qu’ils aperçoivent, forcent et pillent les habitations des Lombards; enfin, rencontrant un riche homme, Richard Lyons[174], qui avait autrefois, pendant les guerres de France, battu Wat Tyler, son valet alors, ils lui coupent la tête, qu’ils promènent en trophée par toute la ville. P. 106 à 108, 333, 334.
XXXI Le soir, les insurgés campent sur la place Sainte-Catherine[175], devant la Tour et le château de Londres; ils veulent, disent-ils, que le roi écoute leurs doléances et que le chancelier rende compte de tout l’argent qui, depuis cinq ans, a été levé dans le pays.
Le roi et son conseil, se tenant dans la Tour de Londres, sont prêts à écouter l’avis de Walworth, qui veut à minuit tomber sur tout ce monde et le massacrer. Robert Knolles a plus de 120 compagnons sous ses ordres; de même Perducat d’Albret. Avec ses chevaliers, les notables de la ville et leurs valets, le roi peut opposer au moins 7 ou 8,000 hommes aux 60,000 émeutiers. Mais le peuple de Londres n’est pas sûr; mieux vaut, comme le conseillent le comte de Salisbury et d’autres, accorder ce que demandent ces gens. On n’attaque donc point. P. 108 à 110, 334, 335.
Le vendredi matin, le peuple demande à parler au roi; il menace d’assiéger le château. Le roi leur fait dire par le maire d’aller hors de Londres, à Mile-End[176], où il ira les trouver et leur accordera ce qu’ils réclament.
Les émeutiers quittent donc peu à peu la ville, mais non pas tous. Aussitôt que le roi, ses deux frères et les barons de sa suite sont sortis, 400 bandits, conduits par Jean Ball, Jack Straw et Wat Tyler, pénètrent dans les chambres du château[177] et massacrent l’archevêque de Cantorbéry, Simond de Sudbury, chancelier d’Angleterre; de même sont tués le grand prieur des Hospitaliers[178], un frère mineur, médecin du duc de Lancastre[179], et Jean Leg[180], sergent d’armes du XXXII roi; les quatre têtes sont placées sur le pont de Londres[181].
Les misérables entrent aussi dans la chambre de la mère du roi, dont ils mettent le lit en pièces; la malheureuse femme, à demi morte de peur, est transportée en bateau à la Tour royale, à la Garde-robe de la reine[182], où elle reste toute la journée et la nuit suivante[183]. P. 110 à 112, 335, 336.
Le roi s’avance avec une faible escorte sur la place de Mile-End, où l’abandonnent ses deux frères et Jean de Gommegnies. Il s’adresse alors au peuple, et, après des pourparlers, il promet l’abolition du servage; chaque village aura sa charte d’affranchissement et sa bannière; tout est pardonné. L’apaisement se fait, les insurgés rentrent à Londres, et, à mesure que sont écrites les chartes[184], ils les emportent et rentrent dans leurs pays. Tous cependant ne partent pas; près de 30,000 restent à Londres avec Wat Tyler, Jack Straw et Jean Ball, attendant une occasion de pillage[185].
Le roi, voyant la rébellion un moment apaisée, se rend à la Tour royale pour rassurer sa mère: il y passe la nuit du vendredi. P. 112 à 114, 336.
Les mêmes scènes de désordre se présentent ailleurs, à Norwich[186], entre autres, où les bandes de Lynn, de Cambridge et de Yarmouth, conduites par Guillaume Lister[187], ne pouvant XXXIII persuader au capitaine de la ville, Robert Sall[188], de venir avec elles, le tuent lâchement, le jour même de la Fête-Dieu, alors qu’à Londres on brûle l’hôtel de Savoie et qu’on brise les portes de la prison de Newgate[189]. P. 114 à 116, 336, 337.
Le samedi matin, 15 juin, le roi quitte la Tour royale, va à Westminster faire ses dévotions, mais n’ose entrer à Londres; arrivé près de l’abbaye de Saint-Barthélemi[190], il tombe, à Smithfield[191], au milieu des partisans de Wat Tyler, qui, au nombre de 20,000, munis de leurs nouvelles bannières, s’apprêtent à piller la ville, avant que les autres bandes, conduites par Guillaume Lister et Thomas Baker[192], ne soient arrivées des autres comtés.
Wat Tyler s’avance au-devant du roi, se prend de querelle avec un des écuyers et est frappé par le maire de Londres, Jean Walworth: un écuyer, Jean Standish[193], descend de cheval et l’achève. La foule se montre hostile et va faire un mauvais parti au roi, quand des renforts lui arrivent, 7 à 8,000 hommes, amenés par Robert Knolles, Perducat d’Albret, XXXIV les neuf échevins fidèles et Nicolas Brembre. Fort de cet appui, le roi crée trois nouveaux chevaliers[194]: Jean Walworth, Jean Standish et Nicolas Brembre[195], et fait redemander aux insurgés, par ces trois chevaliers, les bannières qui leur avaient été distribuées. Les bannières sont rendues, déchirées sur place, et la foule rentre sans résistance dans Londres, au grand déplaisir de Robert Knolles, qui eût voulu tuer tout ce monde[196]. Le roi rentre à la Tour royale pour revoir sa mère. Défense est faite à quiconque n’est pas natif de Londres ou n’y demeure pas depuis un an d’y séjourner plus tard que le dimanche suivant, sous peine de mort. Chacun s’en retourne donc dans son pays[197]. Jean Ball[198] et Jack Straw[199], découverts dans leur cachette, XXXV sont décapités, ainsi que Wat Tyler[200]. Ces exécutions arrêtent la marche des bandes qui, appelées par les gens du Kent, se disposaient à venir à Londres. P. 116 à 124, 337 à 340.
En Écosse, le duc de Lancastre a conclu une trêve de trois ans[201]; muni d’un sauf-conduit donné par les barons écossais, il veut entrer à Berwick, mais l’entrée de la ville lui est interdite par le capitaine Matthieu Redman[202], au nom du duc de Northumberland, qui a donné ordre de ne laisser pénétrer qui que ce fût dans les villes[203].
Le duc dissimule la colère qu’il ressent de cet affront et se retire à Roxburgh, dont le châtelain lui appartient. P. 124 à 127, 340, 341.
Ignorant de ce qui se passe exactement en Angleterre, le duc demande alors aux barons d’Écosse de le recevoir dans leur pays; ils viennent le chercher avec 500 lances et l’accompagnent à Édimbourg, où, logé au château, il attend de meilleures nouvelles d’Angleterre.
Le bruit court cependant que le duc a trahi le roi et a embrassé le parti écossais; propos haineux et mensongers propagés par les mêmes hommes qui, à Londres, brûlent l’hôtel de Savoie, propriété du duc[204]. P. 127 à 129, 341, 342.
XXXVI Quand le calme est rétabli, que Baker à Saint-Albans[205], Lister à Stafford[206], Tyler, Ball et Straw à Londres ont payé de leurs vies leur rébellion, le roi décide qu’il parcourra son royaume pour punir les coupables et reprendre les lettres d’affranchissement qu’il n’avait accordées que contraint et forcé. Il part pour le comté de Kent avec 500 lances[207], et arrive à Ospringe[208]: sept des coupables sont pendus, les lettres sont déchirées. Les mêmes exécutions (plus de 1,500) ont lieu à Cantorbéry, à Sandwich, à Yarmouth, à Orwell[209] et ailleurs[210].
XXXVII Le roi envoie alors un de ses chevaliers, Nicolas Carnefelle, vers le duc de Lancastre, pour lui donner ordre de revenir[211]. Le duc obéit, quitte Édimbourg et va à Roxburgh remercier de leur bon accueil les barons écossais, qui l’accompagnent jusqu’à Melrose; puis il s’achemine vers Londres par Newcastle, Durham et York[212].
A cette époque, meurt Guichard d’Angle, comte de Huntingdon, aux obsèques duquel assistent le roi et toute la cour[213]. P. 129 à 132, 342, 343.
De retour en Angleterre, le duc de Lancastre expose au roi ce qu’il a fait au sujet des trêves d’Écosse, mais garde en son cœur rancune au comte de Northumberland, qui lui a fermé les portes de Berwick. Les fêtes de l’Ascension (15 août) arrivent; le roi tient cour plénière à Westminster. Désireux XXXVIII d’aller à Reading[214], à Oxford et à Coventry châtier les rebelles, comme en Sussex et en Kent, il crée de nouveaux chevaliers: le jeune comte Jean de Pembroke[215], Robert Brembre[216], Nicolas Twyford[217] et Adam Fraunceys[218]. A cette solennité assistent de nombreux barons. En leur présence, le duc de Lancastre reproche son action au comte de Northumberland et le défie. Le roi s’interpose et justifie le comte, qui n’a agi que par ses ordres. Ses ordres étaient formels; on a seulement oublié de faire une exception en faveur du duc, la faute en est à un scribe négligent. Ces explications et les supplications des barons décident le duc à faire la paix avec le comte[219]. Le roi part le surlendemain avec 500 lances et 500 archers, pour de nouvelles exécutions[220]. P. 132 à 135, 343, 344.
XXXIX Le vent se montre enfin favorable, et le comte de Cambridge cingle vers Lisbonne. Sa flotte est assaillie le troisième jour par une tempête terrible, qui sépare les navires. Le comte de Cambridge et la majeure partie de son expédition entrent dans le port de Lisbonne[221], ignorant ce que sont devenus les chevaliers gascons Castelnau, la Barthe, le syndic de Latrau et quarante hommes d’armes.
Le roi Ferdinand, qui caresse le projet de marier sa fille[222] avec le jeune fils du comte de Cambridge[223], accueille avec joie les chevaliers anglais, qui, au milieu de toutes les réjouissances qu’on leur prodigue[224], songent à leurs compagnons perdus, jetés peut-être par la mer sur les côtes mauresques. Les chevaliers gascons, en effet, ballottés sur les côtes du Maroc et du royaume de Tlemcen, risquent, pendant quarante jours, d’être pris par les Sarrasins. Le vent les ramène enfin dans la mer d’Espagne. Ils se dirigent d’abord sur Séville, où, sur la foi de marchands rencontrés en mer, ils croient que le roi de Castille est assiégé par le roi de Portugal et les Anglais. XL Détrompés par la vue tranquille de la ville, ils arrivent à Lisbonne et entrent au port, juste au moment où, les croyant morts, leurs compagnons célèbrent un service funèbre en leur honneur dans l’église Sainte-Catherine[225]. La joie est grande de leur retour. P. 135 à 139, 344, 345.
1381, juillet. LE COMTE DE FLANDRE ASSIÈGE DE NOUVEAU GAND.—MORT DE GAUTHIER D’ENGHIEN.—Octobre. CONFÉRENCES D’HAERLEBEKE.—1382, janvier. MEURTRES DE SIMON BETTE ET DE GILBERT DE GRUTERE; PUISSANCE DE PHILIPPE D’ARTEVELDE. (§§ 228 à 234[226]).
Philippe d’Artevelde, une fois maître du pouvoir à Gand[227], suit les conseils de Pierre du Bois, qui le pousse à la cruauté, et fait tuer douze des meurtriers de son père; il consolide sa puissance en s’appuyant surtout sur les gens sans aveu. Du reste, tous les partis sont d’accord dans la ville et se soutiennent mutuellement.
Tandis que le doyen des tisserands, chez qui on trouve de la poudre de mine toute mouillée, est accusé de trahison et mis à mort[228], le comte de Flandre s’apprête à faire de nouveau le siège de Gand et convoque ses vassaux. Sa mère, la comtesse d’Artois, vient de mourir[229]. P. 139 à 141, 345.
XLI Gauthier d’Enghien se garde de manquer à l’appel et, durant le siège de Gand, il se distingue dans maintes escarmouches, lui et ses chevaliers de Hainaut. C’est ainsi qu’un dimanche de juin, il prend et brûle la ville de Grammont, y tue plus de 500 hommes, et vient recevoir les félicitations du comte sous les murs de Gand[230]. P. 141, 142, 346.
Un mois après, un jeudi, accompagné de plusieurs chevaliers, il est surpris par une embuscade de Gantois et massacré[231]. Avec lui sont tués le seigneur de Montigni, son fidèle compagnon, le bâtard d’Enghien, son frère, et Gilles du Trisson. Blessé grièvement, Michel de la Hamaide, cousin de Gauthier d’Enghien, n’est sauvé que grâce à Hustin du Lai. Le corps du seigneur d’Enghien est rendu par les Gantois contre paiement de 1,000 francs: on l’enterre à Enghien[232]. P. 142 à 145, 346, 347.
Désespéré de la mort de Gauthier d’Enghien, le comte lève le siège de Gand et s’en retourne à Bruges, après avoir établi des garnisons dans les villes voisines. Il ne peut obtenir des Liégeois qu’ils renoncent à ravitailler les Gantois; il est plus heureux auprès du duc de Brabant. Le duc Aubert transmet ses ordres à son bailli de Hainaut, Simon de Lalaing[233], qui les fait exécuter en Hainaut, mais non en Hollande et en Zélande[234].
XLII Cependant, des conférences s’ouvrent à Haerlebeke, où le comte et les villes de Flandre envoient des représentants[235], comme aussi les pays de Brabant, de Hainaut et de Liège. Les Gantois sont au nombre de douze, parmi eux Gilbert de Grutere[236] et Simon Bette. La paix, désirée par tous les gens paisibles, est décidée sous certaines conditions; et les Gantois rentrent dans leur ville. Gilbert de Grutere et Simon Bette annoncent à leurs amis que bientôt la paix sera signée, joyeuse pour les honnêtes gens, mais funeste pour les mauvais citoyens. P. 145 à 147, 347, 348.
Informé de ce qui se passe et voyant dans les paroles de Gilbert de Grutere et de Simon Bette une menace pour lui, Pierre du Bois, d’accord avec Philippe d’Artevelde, convoque ses gens pour le jour où le traité doit être rendu public dans la halle de Gand. P. 147 à 149, 348, 349.
Le jour dit, à neuf heures du matin, les échevins et les notables de la ville se réunissent pour entendre ceux d’entre eux qui sont allés à Haerlebeke. Gilbert de Grutere et Simon Bette prennent la parole et expliquent comment, grâce à l’intervention des ducs de Brabant et de Bavière, le comte consent à la paix, sous la condition que dans les quinze jours on lui livre 200 otages, qu’il désignera lui-même, pour aller à Lille se mettre à sa merci. Pierre du Bois se montre alors et reproche à Gilbert Grutere d’avoir trahi la ville en disposant ainsi de la vie de 200 de ses concitoyens: tirant sa dague, il le frappe à mort; Philippe d’Artevelde poignarde de son côté XLIII Simon Bette. Une émeute semble poindre; elle se calme bientôt, tandis que le comte, apprenant à Bruges ces deux meurtres, jure de se venger[237]. P. 149 à 151, 349, 350.
Les Gantois pleurent tout bas ces deux victimes, mais ils sont terrorisés[238] et continuent à souffrir de la guerre, exposés à être faits prisonniers par les garnisons qui les guettent, et ne recevant plus de vivres ni du Brabant ni du Hainaut. P. 151, 152, 350.
1382, 24 février. RÉVOLTE A ROUEN.—1er mars. ÉMEUTE DES MAILLOTINS.—14 janvier. MARIAGE DU ROI RICHARD II ET D’ANNE DE BOHÊME.—22 février. LE DUC D’ANJOU ARRIVE A AVIGNON.—13 juin. IL PART POUR L’ITALIE.—14 octobre. IL PÉNÈTRE SUR LE TERRITOIRE NAPOLITAIN.—Mai-juin. CHEVAUCHÉE DES ANGLAIS EN ESTRAMADURE.—Août. COMMENCEMENT DES POURPARLERS DE PAIX ENTRE LE PORTUGAL ET LA CASTILLE.—Octobre. DÉPART DU COMTE DE CAMBRIDGE (§§ 234[239] à 262).
Les Parisiens, eux aussi, s’insurgent à la même époque contre le roi, qui veut rétablir les aides et autres impôts dont la suppression, accordée par feu Charles V, avait été confirmée lors du couronnement à Reims[240].
XLIV Le roi et son conseil sont forcés de se réfugier à Meaux[241]; le peuple de Paris prend les armes[242], massacre les collecteurs, ouvre les portes des prisons[243], pille les maisons[244] et délivre Hugues Aubriot[245], ancien prévôt du Châtelet, condamné à la XLV prison pour ses méfaits dignes du feu: il se hâte de fuir en Bourgogne.
Effrayé de cette émeute, le roi se décide à envoyer aux Parisiens le sire de Couci[246], pour traiter avec eux. P. 152, 153, 350.
Sans autre suite que sa domesticité ordinaire, le sire de Couci se rend à Paris, descend à son hôtel et entre en négociations avec les chefs des émeutiers. En échange de la suppression des aides, ceux-ci s’engagent à payer chaque semaine à un receveur spécial du roi la somme de 10,000 francs, destinée uniquement à la solde des gens d’armes. Le roi, espérant mieux de l’avenir, accepte ce marché, mais reste éloigné de Paris[247]. P. 153 à 155, 350, 351.
XLVI Même insurrection à Rouen au sujet des aides; meurtres du châtelain et des collecteurs. Craignant que l’exemple ne soit contagieux pour les autres villes, le roi arrive à Rouen, apaise la révolte et obtient pour chaque semaine une somme qui sera payée à un receveur spécial[248]. P. 155, 156, 351.
Désireux de conquérir le royaume, dont le pape Clément l’a déclaré héritier, le duc d’Anjou prépare sa campagne d’Italie[249]. XLVII Ne négligeant rien pour se faire bienvenir des Parisiens, dont il espère obtenir des subsides, il s’entend avec le duc de Savoie[250], qui, moyennant 500,000 florins, lui fournira mille lances pour un an. Le duc, de son côté, engage à sa solde 9,000 hommes d’armes[251] et s’occupe de tous les préparatifs nécessaires à un long voyage. P. 156, 157, 351, 352.
Pendant que le comte de Cambridge et ses gens se reposent à Lisbonne, on célèbre le mariage de Jean[252], fils du comte de Cambridge, et de Béatrice, fille du roi de Portugal, tous deux XLVIII âgés de dix ans ou à peu près. Les enfants sont couchés nus dans le même lit.
Après les fêtes du mariage[253], le roi assigne comme garnison au comte de Cambridge et à ses gens la ville d’Estremoz[254]; aux chevaliers anglais et gascons Villa Viçosa[255], leur recommandant de ne faire aucune chevauchée sans sa permission. Pendant ce temps, le roi de Castille[256], séjournant à Séville, fait venir des renforts de France. P. 157 à 159, 352.
Désireux de ne pas rester inactifs dans leur garnison de Villa Viçosa, le Chanoine de Robersart et les autres chevaliers gascons et anglais[257] envoient un des leurs, Jean de Sandwich, demander au roi l’autorisation de faire une chevauchée en pays ennemi. Refus du roi. Les chevaliers décident d’agir quand même, et, avec 400 hommes d’armes et 400 archers, ils partent un jour, sous les ordres du Chanoine, pour aller assiéger le château de Higuera[258], défendu par les frères Pierre et Barthélemi Gouse[259]. P. 159 à 161, 352, 353.
XLIX L’assaut est donné, où se distingue tout particulièrement un jeune écuyer de Hainaut nommé Froissart Meulier[260]. Les Espagnols, ayant perdu un de leurs chefs, Barthélemi Gouse, parlementent[261] et livrent le château, où ils laissent leurs armes et bagages. Ils se dirigent vers Xérès[262], espérant y trouver le grand maître de Saint-Jacques[263], qui, de son côté, à la tête de 400 hommes d’armes, cherche les Anglais pour les combattre. P. 161 à 163, 353, 354.
Les Anglais laissent une garnison à Higuera et retournent en trois routes à Villa Viçosa. La route commandée par le Chanoine de Robersart aperçoit en chemin, entre Olivenza[264] et Alconchel[265], les gens du grand maître de Saint-Jacques, qui, malgré leur nombre, n’osent attaquer. P. 163, 164, 354, 355.
Tout l’hiver se passe sans nouvelle chevauchée[266]. Le roi Jean de Castille demande alors secours au roi de France, qui lui envoie Olivier du Guesclin et autres chevaliers[267] de toutes les provinces de France. Ces nouvelles troupes traversent l’Aragon pour se rendre auprès du roi Jean. P. 164, 165, 355.
L Grâce aux négociations de Simon Burley[268], le mariage du roi d’Angleterre et d’Anne de Bohême est décidé. La sœur du roi des Romains[269], accompagnée du duc de Tesschen[270] et de nombreux chevaliers, s’achemine vers Bruxelles, où elle est reçue avec joie par le duc et la duchesse de Brabant[271] et séjourne plus d’un mois par crainte des bateaux normands qui croisent en vue des côtes.
Le duc envoie alors à la cour de France deux messagers[272] chargés d’obtenir un sauf-conduit, ce qui est facilement accordé. La jeune princesse, escortée par 100 lances brabançonnes, se rend à Gand, puis à Bruges, où le comte de Flandre lui fait bon accueil; de là à Gravelines, puis à Calais, où elle entre en compagnie des 500 lances et des 500 archers[273] que les comtes de Salisbury et de Devonshire lui ont amenés entre Gravelines et Calais[274]. P. 165 à 168, 355, 356.
Anne de Bohême quitte bientôt Calais[275] grâce à un vent LI favorable et débarque à Douvres[276]. De là elle se rend à Cantorbéry, où elle est reçue par le comte de Buckingham, enfin à Londres[277]. (Depuis Maestricht, la nouvelle reine est escortée par Robert de Namur.) Le roi l’épouse à Westminster le 14 janvier 1382, au milieu de grandes réjouissances[278], et l’emmène auprès de sa mère à Windsor, où se trouve aussi la duchesse de Bretagne, Marie, qu’on ne veut pas laisser retourner auprès de son mari, accusé de pactiser avec le roi de France. On propose alors aux deux fils de Charles de Blois, Jean et Gui, prisonniers en Angleterre sous la garde de Jean d’Aubrecicourt, de leur rendre l’héritage paternel sous condition d’en faire hommage au roi d’Angleterre; l’aîné épouserait Philippine, fille du duc de Lancastre et de la duchesse Blanche[279]. Les deux princes refusent, préférant mourir en prison que d’abandonner leur qualité de bons Français. P. 168, 169, 356, 357.
Ayant besoin d’argent pour la solde des gens d’armes qu’il envoie au secours du roi de Castille, le roi demande au receveur de Paris, à qui chaque semaine, comme cela est convenu, est payée une certaine somme de florins, de lui avancer 100,000 francs. Celui-ci refuse de le faire sans le consentement de la commune de Paris. Mécontent, le roi demande l’argent à ses bonnes villes de Picardie[280].
Tandis que le roi, ne venant point à Paris, réside soit à LII Meaux, soit à Senlis, soit à Compiègne[281], le duc d’Anjou se fait le défenseur des Parisiens et sait si bien leur parler que, pour sa campagne d’Italie, il obtient d’eux 100,000 francs sur les sommes recueillies par le receveur royal, auxquelles ni le roi ni ses autres oncles ne peuvent toucher[282] (le duc avait, dit-on, rassemblé à Roquemaure[283], près d’Avignon, deux millions de florins).
Ses préparatifs faits, au commencement du printemps, le duc part pour Avignon[284], où il est bien reçu par le pape[285]; les villes de Provence, excepté Aix[286], lui font hommage. A Avignon ont lieu les paiements convenus au comte Amédée de Savoie et aux chevaliers qu’il a amenés[287].
Le duc, accompagné du comte, fait route par le Dauphiné[288] LIII jusqu’en Savoie[289] et en Lombardie[290]. A Milan, il reçoit les présents des seigneurs Galéas et Bernabo[291], et, tenant état de roi, battant monnaie, il traverse la Toscane et s’approche de Rome[292]. Défendu par les bandes de Jean Hawkwood[293], le pape Urbain ne craint point les 9,000 lances du duc d’Anjou, du comte de Savoie et du comte de Genève[294]. P. 170 à 173, 357, 358.
Le duc évite Rome, côtoyant la marche d’Ancône et le Patrimoine[295]. Pendant ce temps, Charles de la Paix est à Naples, s’apprêtant à soutenir ses droits au trône: héritier naturel de la reine Jeanne[296], il n’admet point, avec les Napolitains et les LIV Siciliens, qu’elle ait pu disposer de son royaume en faveur de l’antipape Clément.
Il se contente de pourvoir d’hommes et de vivres le château de l’Œuf, imprenable sinon par magie, et compte sur le temps pour rentrer en possession de ses provinces, sachant bien qu’une armée, fût-elle de 30,000 hommes[297], finit toujours, loin de son pays, à s’épuiser et à manquer d’argent. P. 173 à 175, 358, 359.
Le duc arrive en Pouille et en Calabre, pays riches et fertiles, et reçoit la soumission des villes. Les habitants de Naples laissent leurs portes ouvertes, sachant bien que les gens du duc n’oseront point s’aventurer dans leurs rues dangereuses[298].
Mise à mort de l’enchanteur, qui propose au duc de le rendre maître du château de l’Œuf[299]. P. 175 à 178, 359, 360.
Au commencement d’avril, les chevaliers qui ont tenu garnison tout l’hiver à Villa Viçosa envoient à Estremoz le syndic de Latrau, pour demander au comte de Cambridge l’autorisation de chevaucher. Le comte leur dit de patienter jusqu’à l’arrivée du duc de Lancastre, qui doit venir avec une grosse armée. Le roi de Portugal, en même temps, leur députe Jean Fernandez[300] pour leur défendre toute action.
Malgré tout, les chevaliers sont résolus à marcher et décident Jean Fernandez à les suivre. P. 178 à 181, 360, 361.
LV Ils partent[301] et arrivent sous les murs de Lobon[302]; la ville se rend, ainsi que le château. Plus loin, ils assiègent et prennent Cortijo[303]. P. 181 à 183, 361, 362.
Ils continuent leur chevauchée: Zafra[304] est pris et pillé; ils s’emparent d’une grande quantité de bétail et rentrent à Villa Viçosa.
De retour à Lisbonne, Jean Fernandez est emprisonné sur l’ordre du roi, pour avoir, contrairement aux instructions données, fait chevauchée avec les chevaliers gascons et anglais. P. 183, 184, 362.
Rentrés à Villa Viçosa, les chevaliers envoient à Lisbonne Richard Talbot demander au roi le paiement de leurs gages, dus depuis près d’un an. Le roi reçoit fort mal le messager et lui reproche de lui avoir désobéi en chevauchant.
Le comte de Cambridge, que les chevaliers accusent d’avoir reçu leurs gages et de ne pas les avoir payés, quitte alors Estremoz pour venir à Villa Viçosa recevoir leurs plaintes. P. 184, 185, 362, 363.
Réunion orageuse des chevaliers, qui lèvent l’étendard de Saint-Georges, mettent à leur tête le bâtard Jean Sounder[305] et veulent guerroyer contre le roi de Portugal. P. 185 à 187, 363.
Le Chanoine les apaise et leur conseille de parler au comte de Cambridge. Celui-ci les engage à envoyer trois des leurs réclamer leurs gages au roi. P. 187 à 189, 363, 364.
Les trois chevaliers sont désignés: Guillaume Elmham par les Anglais, Thomas Simond par les Allemands et autres étrangers, Castelnau par les Gascons. Ils partent. Le roi leur LVI promet qu’ils seront payés dans quinze jours; mais il désire que le comte de Cambridge vienne le voir. P. 189 à 191, 364.
Le comte de Cambridge se rend donc à Lisbonne auprès du roi, et tous deux se résolvent à chevaucher. Le roi convoque ses hommes d’armes, qui devront se trouver le 7 juin au rendez-vous, fixé entre Villa Viçosa et Olivenza.
Le comte, après avoir obtenu la grâce de Jean Fernandez, qui sort de prison, retourne à Villa Viçosa. Peu après, les gages des chevaliers sont payés. P. 191, 364, 365.
Le roi de Castille, apprenant à Séville les intentions du roi Ferdinand, lui fait demander de désigner, soit en Portugal, soit en Espagne, le champ de bataille où les deux armées se rencontreront. Le roi de Portugal choisit un emplacement entre Elvas[306] et Badajoz. P. 191 à 193, 365.
Il vient camper à la place convenue avec environ 15,000 hommes; de même le comte de Cambridge, avec 600 hommes d’armes et 600 archers[307]. A cette nouvelle, le roi d’Espagne prend position à deux petites lieues de Badajoz avec plus de 30,000 hommes[308]. P. 193, 194, 365, 366.
Les deux armées sont séparées par la montagne où est située Badajoz. Pendant quinze jours, ce ne sont qu’escarmouches, où s’exercent les jeunes chevaliers. Le roi de Portugal hésite à livrer bataille: il ne se sent pas assez fort pour s’y risquer et attend toujours les 4,000 hommes d’armes et les 4,000 archers que doit lui amener le duc de Lancastre. Mais les émeutes d’Angleterre et les événements de Flandre[309] ont empêché le départ de ces renforts.
LVII Des négociations s’engagent alors entre Martin, évêque de Lisbonne[310], et Pierre Moniz, grand maître de l’ordre de Calatrava, don Pierre de Mendoça, don Pero Ferrandez de Velasco[311], Fernand d’Osorès, grand maître de l’ordre de Saint-Jacques, et Jean de Mayorga, évêque d’Astorga[312]: la paix est signée[313] à l’insu du comte de Cambridge et des Anglais, qui reprochent au roi de Portugal sa dissimulation[314]. P. 194 à 196, 366.
Après une joute brillante entre Tristan de Roye, jeune chevalier français du roi de Castille, et Miles de Windsor, chevalier anglais, les deux armées se séparent. P. 196 à 198, 366.
Une partie des chevaliers français, parmi eux Tristan de Roye, Geoffroi de Charni le jeune, Pierre de Villaines et Robert de Clermont, prennent congé du roi de Castille pour se mettre au service du roi de Grenade[315], alors en guerre avec les rois de Barbarie[316] et de Tlemcen[317]. Quelques Anglais se joignent à eux, mais en petit nombre; les autres regagnent l’Angleterre avec le comte de Cambridge[318] et le jeune prince, mari de la princesse de Portugal.
LVIII Un an après meurt la reine d’Espagne, Éléonore d’Aragon[319]. Le roi, devenu veuf, épouse Béatrice de Portugal[320], dont le pape annule le mariage avec le fils du comte de Cambridge; il en a un fils[321].
Le roi Ferdinand de Portugal meurt peu de temps après[322]; mais les Portugais, ne voulant pas être gouvernés par le roi d’Espagne, nomment roi le frère bâtard de Ferdinand, Jean, grand maître de l’ordre d’Avis[323]. De là les nombreuses guerres qui divisèrent l’Espagne et le Portugal. P. 198 à 200, 366, 367.
De retour en Angleterre, le comte de Cambridge explique au duc de Lancastre comment le roi de Portugal, ne voyant pas arriver les renforts annoncés, a dû se résoudre à la paix sans combattre. Pour lui, quoi qu’il puisse arriver, il a ramené avec lui son fils, croyant avoir agi pour le mieux[324]. P. 200, 201, 367, 368.
1382, avril. CONFÉRENCE DE TOURNAI; PROPOSITIONS INACCEPTABLES DU COMTE DE FLANDRE.—3 mai. BATAILLE DE BEVERHOUTSVELD; VICTOIRE DES GANTOIS; PRISE DE BRUGES; FUITE DU COMTE.—Commencement de juin. SIÈGE D’AUDENARDE PAR PHILIPPE D’ARTEVELDE.—Août. ASSEMBLÉE A COMPIÈGNE DES NOBLES ET DES PRÉLATS.—Septembre-octobre. PHILIPPE NÉGOCIE AVEC L’ANGLETERRE.—3 novembre. LE ROI DE FRANCE ARRIVE À ARRAS POUR PRÊTER SECOURS AU COMTE DE FLANDRE ET S’APPRÊTE À ENTRER EN FLANDRE AVEC SON ARMÉE (§§ 263 à 312).
La guerre de garnisons continue entre les Flamands fidèles au comte et les Gantois, qui ne reçoivent de vivres que du comté d’Alost et des Quatre-Métiers; encore ceux d’Alost, poursuivis et harcelés par les gens de Termonde, ne peuvent-ils continuer à les secourir.
D’accord avec le duc Aubert et le duc de Brabant, le comte empêche le blé de pénétrer dans la ville de Gand; la famine est imminente[325] et Philippe d’Artevelde fait ouvrir les greniers des abbayes et des riches bourgeois et vendre le blé à un taux fixé[326].
Malgré quelques secours venus de Hollande, de Zélande et parfois de Brabant, la ville manque de tout à l’époque du carême.
Douze mille hommes, poussés par la faim, s’acheminent alors vers Bruxelles et Louvain, où ils trouvent des vivres[327]. Leur LX chef, François Ackerman[328], demande aux Liégeois et à leur évêque, Arnould de Hornes[329], d’intervenir auprès du comte et de leur laisser faire de copieuses provisions. P. 201 à 204, 368, 369.
La permission est accordée; en deux jours, six cents chars sont remplis de farine et de blé. François Ackerman songe alors au retour; mais, en passant par Vilvorde[330], il s’avise d’aller trouver à Bruxelles, au palais de Caudenberg[331], la duchesse de Brabant. Celle-ci, en l’absence du duc, promet aux Gantois d’intercéder pour eux auprès du comte et de provoquer à Tournai la réunion d’une conférence en vue de la paix. P. 205, 206, 369, 370.
Ces vivres permettent aux Gantois de prolonger quelques jours la lutte, mais bientôt ils n’en souffrent pas moins. On était en carême (mars et avril 1382): le comte décide alors[332] de mettre le siège devant Gand et de châtier les Quatre-Métiers. Il convoque ses bonnes villes de Flandre et ses LXI chevaliers de Hainaut, voulant être prêt à partir après la procession de Bruges (3 mai 1382). P. 206 à 208, 370.
Cependant, la conférence de Tournai est fixée au dimanche 13 avril[333]. Le comte de Flandre s’est engagé à s’y rendre. L’évêque de Liège est représenté par douze notables et le chevalier Lambert d’Oupey; le Brabant a envoyé ses députés, le Hainaut les siens, avec le bailli Simon de Lalaing; les Gantois ont choisi douze des leurs, ayant Philippe d’Artevelde à leur tête. Ils sont résolus à accepter toutes les conditions du comte, sauf les sentences de mort. P. 208, 209, 370.
On attend le comte trois jours; puis on lui envoie en députation le seigneur de Crupelant, Lambert d’Oupey, Guillaume d’Hérimez[334] et six bourgeois des villes de Flandre. Le comte leur répond qu’il leur fera bientôt part à Tournai de ses décisions.
Six jours après, en effet, arrivant à Tournai Guillaume de Reighersvliet, Jean de la Gruthuse, Jean Vilain et le prévôt de Haerlebeke[335], porteurs des conditions du comte, qui n’entend faire la paix avec les Gantois que si on lui livre, pour en disposer selon sa volonté, tous les hommes de la ville de Gand de quinze à soixante ans. Philippe d’Artevelde et ses compagnons refusent d’accepter un pareil traité, sans avoir consulté les LXII Gantois; ils retournent à leur ville en passant par Ath. P. 209 à 211, 370, 371.
La conférence de Tournai est donc terminée, à la grande joie du comte, qui ne veut à aucun prix faire la paix avec les Gantois avant d’en avoir tiré un châtiment exemplaire.
Nouvelle émeute des Parisiens, qui, craignant que le roi ne prenne la ville par surprise et ne fasse des exécutions, mettent les quartiers en état de défense et multiplient les patrouilles de nuit[336]. P. 211, 212, 371.
Philippe d’Artevelde, revenu à Gand, hésite à annoncer à ses compatriotes les mauvaises nouvelles qu’il rapporte et ajourne cette communication au lendemain, 9 heures, sur la place du marché du Vendredi. Seul, Pierre du Bois est mis au courant des conditions que veut imposer le comte. C’est une lutte qui se prépare où il faut réussir ou mourir. P. 212 à 214, 371, 372.
Le jour arrivé, un mercredi, en présence du peuple et des capitaines de la ville, Philippe rend compte de sa mission et démontre qu’en réponse aux exigences du comte, ils n’ont d’autre parti à prendre que de marcher sur Bruges au nombre de 5 ou 6,000, et de livrer bataille. Les Gantois acclament Philippe. Rendez-vous est pris pour le lendemain: on choisira les combattants et on partira. P. 214 à 219, 372, 373.
Le jeudi, 1er mai, les 5,000[337] hommes sont choisis; ils partent accompagnés des vœux de la population et viennent gîter à une heure et demie de la ville. Le vendredi, ils sont à une lieue de Bruges[338]. Protégés d’un côté par un grand marais, LXIII de l’autre par leurs bagages, ils passent la nuit dans l’attente de la bataille. P. 219, 220, 373.
Le samedi, 3 mai, jour de la fête et procession de Bruges, le comte est informé de l’arrivée des Gantois. Il fait prendre les armes et envoie en avant trois de ses hommes pour le renseigner; ce sont Lambert de Lambres, Damas de Buxeuil[339] et Jean du Béart[340]. De son côté, Philippe d’Artevelde fait dire la messe dans son camp et prêcher la guerre par les moines qui ont accompagné les Gantois. P. 220 à 222, 373 à 375.
Philippe harangue ses troupes. Le repas a lieu, et les Gantois se préparent au combat en s’abritant derrière leurs ribaudeaux, sortes de brouettes blindées de fer, garnies de piques et armées de canons, qu’ils poussent devant eux. P. 222 à 224, 375.
Les trois chevaliers envoyés en éclaireurs reviennent à Bruges. Le comte fait sonner le départ, et ses gens, au nombre de 40,000[341], viennent prendre position en face des Gantois. La journée est déjà assez avancée[342]. Effrayés par les 300 canons des Gantois[343] et aveuglés par le soleil, qui baisse à l’horizon, les Brugeois se débandent bientôt et s’enfuient vers la ville, poursuivis par leurs ennemis. Les morts sont nombreux[344]. P. 224 à 227, 375, 376.
LXIV Voyant la lâcheté des gens de Bruges[345], le comte, avec quelques chevaliers[346], profite de la nuit qui commence pour rentrer dans Bruges, dont il ordonne de fermer les portes. Il convoque toute la population sur la place du marché. P. 227, 228, 376, 377.
Les Gantois brisent les portes et s’emparent de la ville[347]. Le comte, qui se rend au marché, est forcé de renvoyer son escorte et de revêtir la houppelande de son valet[348]. P. 228 à 231, 377, 378.
A minuit, il se fait reconnaître d’une pauvre femme, qui le cache dans le lit de ses enfants[349]: il échappe ainsi aux recherches des routiers de Gand, qui veulent le remettre vivant aux mains de Philippe d’Artevelde. P. 231 à 233, 378, 379.
Maîtres de la ville, les Gantois, sur l’ordre de François Ackerman, épargnent les marchands et les étrangers, mais sont sans pitié pour les quatre métiers, courtiers, fripiers, bouchers et poissonniers, qui ont toujours été du parti du comte: on en tue plus de 1,200, leurs maisons sont pillées[350], leurs femmes violentées.
Le dimanche matin, 4 mai, à sept heures, les habitants de Gand apprennent la nouvelle de leur victoire et en ont grande LXV joie. A Audenarde, la frayeur est extrême[351], car on craint l’arrivée des Gantois qui, avec 3 ou 4,000 hommes, prendraient facilement la ville. Mais il n’en est rien, et les gens d’Audenarde, encouragés par trois chevaliers, Jean de Baronaige[352], Thierri d’Anvaing[353] et Florent de Heule[354], attendent la venue de Daniel d’Halewyn que le comte va leur envoyer. P. 233 à 235, 379, 380.
Philippe d’Artevelde et les autres chefs des Gantois ne font aucun mal à ceux des menus métiers, dont ils respectent la vie et la propriété[355]. Sans se soucier de ce qu’est devenu le comte, ils songent à ravitailler la ville de Gand. Damme et l’Écluse leur ouvrent leurs portes et leur fournissent du vin et des farines qu’ils expédient à Gand. P. 235, 236, 380.
C’est le dimanche, pendant la nuit, que le comte sort de Bruges, seul, à pied, couvert d’une vieille houppelande. Une fois dans la campagne, il gagne Lille, monté sur un cheval que lui procure Robert le Marescal, un de ses fidèles chevaliers, mari d’une de ses filles bâtardes. Il retrouve, le lundi, à Lille la plupart de ses barons, qui ont échappé au combat[356]. Les LXVI autres, comme Gui de Ghistelles, se sont réfugiés en Zélande et en Hollande. P. 237, 238, 380.
La nouvelle de la défaite du comte est reçue avec plaisir par les habitants des bonnes villes, les Liégeois entre autres, par ceux de Paris et de Rouen, par le pape Clément, qui voit dans cet échec un châtiment céleste[357], et par les gens de Louvain[358], qui se sentent d’autant plus forts pour lutter contre leur seigneur le duc Wenceslas de Brabant. Le comte n’est même pas plaint par les hauts barons, qui n’aiment pas son grand orgueil. P. 238, 239, 380, 381.
Les Gantois décident d’abattre deux portes[359] de Bruges, avec les murs qui sont du côté de Gand, et de prendre comme otages 500 bourgeois notables. Puis ils se font jurer obéissance par toutes les villes du Franc de Bruges et du littoral du comté de Flandre. La soumission est reçue à Bruges par Pierre du Bois et Philippe d’Artevelde, qui tient état de prince. Le château de Male est pillé, toutes ses richesses volées. Pendant quinze jours, deux cents chariots ne font que transporter à Gand l’or, l’argent, les vêtements de prix, la vaisselle, les bijoux que l’on trouve à Bruges[360]. P. 239 à 241, 381.
Les 500 otages partent pour Gand[361] escortés par François Ackerman, Pierre de Wintere et 1,000 de leurs hommes. Pierre du Bois reste à Bruges pour hâter la démolition des murs. Philippe d’Artevelde, avec 4,000 hommes, part pour Ypres, où il reste huit jours pour recevoir la soumission de Cassel, de Furnes et autres villes[362]. Puis il se rend à Courtrai[363], mais LXVII ne peut obtenir qu’Audenarde fasse acte d’obéissance. Les trois chevaliers, gardiens de la ville, ne veulent point trahir le comte et se rient des menaces du fils d’un brasseur d’hydromel[364]. P. 241, 242, 381.
Furieux de cette résistance, Philippe séjourne cinq ou six jours à Courtrai, puis retourne à Gand, où il est accueilli avec les plus grands honneurs. Magnifiquement vêtu, entouré de soldats, menant vie joyeuse et dépensant largement, le nouveau rewaert de Flandre est au comble de sa puissance. P. 242, 243, 381, 382.
Le comte est à Lille[365]; il songe à reconquérir son pays rebelle avec l’aide de son gendre le duc de Bourgogne et du jeune roi de France, qui, certainement, suivra les avis de son oncle. En attendant, il envoie comme capitaine à Audenarde Daniel d’Halewyn, accompagné de 150 lances, de 100 arbalétriers et de 200 hommes de pied. P. 243 à 245, 382, 383.
Le 17 mai, Daniel d’Halewyn entre dans Audenarde; avec lui sont Louis et Gilbert de Leeuwerghem[366], Jean[367] et Florent de Heule, Blanchart de Calonne, Gérard de Rasseghem, Gérard LXVIII de Marquillies, Lambert de Lambres, Enguerran Zannequin[368], Morelet d’Halewyn, Hanghenandin et plusieurs autres chevaliers et écuyers de Flandre et d’Artois. P. 245, 246, 383.
Philippe entreprend alors le siège d’Audenarde, il lève une taille de quatre gros par semaine sur chaque feu et convoque tous les combattants flamands pour le 9 juin sous les murs d’Audenarde. Personne ne manque à l’appel et Philippe se trouve à la tête d’une armée de plus de 100,000 hommes[369], bien approvisionnés de tous côtés. Son premier soin est de planter des pieux dans l’Escaut, pour empêcher les bateaux de Tournai de descendre à Audenarde. P. 246, 247, 383, 384.
Daniel d’Halewyn s’apprête à soutenir le siège; il distribue les provisions, couvre de terre les toits des maisons voisines des murs, exposées plus particulièrement aux coups des nombreux canons des Gantois, renvoie de la ville les vieillards et les bêtes de somme et loge dans les églises les femmes et les enfants. Il soutient ainsi le siège tout l’été, faisant parfois des escarmouches où se distinguent deux frères, écuyers d’Artois, Lambert et Tristan[370] de Lambres.
Philippe d’Artevelde, qui ne veut point donner l’assaut pour ménager son monde, établit sur la montagne qui domine Audenarde un immense mouton destiné à jeter de grosses pierres sur la ville[371]; il a de plus à sa disposition d’autres puissants engins, qui ne peuvent réussir à lasser la patience et le courage des assiégés. P. 247 à 249, 384.
Pendant le siège d’Audenarde, 1,200 routiers environ se détachent de l’armée et s’en vont détruire par toute la Flandre les châteaux des nobles; ils dévastent une seconde fois le château du comte à Male et brisent le berceau où il dormait enfant. De là, ils se rendent à Bruges, où ils sont bien reçus par Pierre du Bois et Pierre de Wintere; et, après quelques jours LXIX de repos, ils passent la Lys à Warneton[372] et viennent devant Lille abattre les moulins à vent et brûler les villages.
Attaqués par 4,000 hommes de la garnison de Lille, les routiers entrent en Tournaisis et, après avoir brûlé Helchin[373] et autres villages, qui sont du royaume de France, ils retournent au siège d’Audenarde[374].
Le duc de Bourgogne apprend ces nouvelles à Bapaume: il en donne aussitôt avis à Charles VI, qui est à Compiègne[375]; c’est pour lui une bonne fortune de voir ainsi mêlé le roi de France à cette affaire, d’où il ne peut advenir que secours pour le comte de Flandre, son beau-père. P. 249, 250, 384, 385.
Le comte apprend à Hesdin[376] le sac de son château de Male: furieux, il se rend à Arras, puis à Bapaume[377] auprès du duc de Bourgogne, son beau-fils, qui lui promet aide contre toute la ribaudaille de Flandre. Revenu à Arras, il délivre de prison plus de deux cents otages et retourne à Hesdin. P. 250 à 252, 385.
Soucieux de tenir sa promesse, le duc de Bourgogne quitte Bapaume avec Gui de la Trémoïlle et l’amiral Jean de Vienne. Il se rend à Senlis auprès du roi, dont la jeunesse ardente ne demande qu’à combattre, d’accord avec les ducs de Berri et de Bourbon. Un conseil de prélats et de nobles est convoqué à Compiègne pour décider ce qu’il y a lieu de faire[378]. P. 252 à 256, 385, 386.
LXX Songe du roi à Senlis; origine du cerf volant adopté par le roi comme emblème[379]. P. 256 à 259, 386, 387.
Le siège d’Audenarde traîne en longueur. Craignant l’intervention du roi de France, Philippe d’Artevelde, qui a déjà dans son armée des archers anglais, songe à une alliance avec le roi d’Angleterre. P. 259 à 261, 387, 388.
Mais, pour masquer son jeu, il écrit au roi de France une lettre où il lui demande d’obtenir la paix du comte de Flandre[380]. Le messager, porteur de la lettre, arrive à Senlis; comme il n’a pas de sauf-conduit, il est arrêté et mis en prison pour plus de six semaines[381]. Le roi et son conseil ne font que rire de la lettre de Philippe. Ne recevant pas de réponse, ce dernier propose alors à ses capitaines de faire alliance[382] avec le roi d’Angleterre, qu’on laissera passer par les Flandres pour entrer en France; moyennant quoi le roi d’Angleterre remboursera les 200,000 vieux écus que le pays flamand prêta autrefois au LXXI roi Édouard III, pour payer ses troupes devant Tournai[383]. P. 261 à 263, 388.
Après avoir pris l’avis de Pierre du Bois et de Pierre de Wintere, capitaines de Bruges[384], et de ceux d’Ypres et de Courtrai, Philippe organise son ambassade: chaque bonne ville enverra un ou deux bourgeois, Gand en enverra six[385], à savoir François Ackerman[386], Rasse vande Voorde[387], Louis de Vos[388], Jean de Scotelaere[389], Martin vande Water[390] et Jacques de Brauwere[391].
LXXII A ces envoyés se joint un clerc[392], parent de Philippe d’Artevelde, qui vient d’être élu évêque urbaniste de Gand en remplacement de Jean de West[393], ancien doyen de Notre-Dame de Tournai.
L’ambassade, composée de douze bourgeois, quitte le camp d’Audenarde au commencement de juillet[394] et arrive à Calais. Le capitaine de la ville, Jean d’Évreux, leur procure des bateaux pour passer en Angleterre. Ils débarquent à Douvres et arrivent à Londres, bien accueillis par la population anglaise.
Le roi venait de donner à Perducat d’Albret, en récompense de ses services, la terre de Caumont en Gascogne, qui, après le décès de Jean de Caumont[395] et d’Alexandre, son frère, morts tous deux sans héritiers, avait été attribuée par le roi à Jean LXXIII Chandos, puis à Thomas de Felton. P. 263 à 265, 388, 389.
Perducat accepte la terre de Caumont et s’engage, lui et son hoir, à servir le roi d’Angleterre contre tout ennemi, excepté contre la maison d’Albret, dont il est issu. Il est mis en possession de sa nouvelle terre par le sénéchal de Bordeaux, Jean de Neuville[396], mais meurt bientôt, laissant son héritage à un jeune cousin, Perducet, qui prend les mêmes engagements vis-à-vis du roi d’Angleterre[397]. P. 265 à 267, 389.
Les ambassadeurs flamands sont reçus par le conseil du roi; ils demandent l’alliance de l’Angleterre et offrent au roi 100,000 hommes pour combattre les Français[398]; mais ils tiennent avant tout à être remboursés des 200,000 vieux écus prêtés autrefois par Jacques d’Artevelde[399]. Les seigneurs LXXIV anglais trouvent les propositions quelque peu risibles et diffèrent leur réponse. Les choses vont ainsi à bien pour le roi de France, qui se prépare à entrer en Flandre. P. 267 à 269, 390.
Charles VI fait relâcher le messager de Philippe d’Artevelde. Échange de prisonniers entre la ville de Courtrai et la ville de Tournai. Philippe d’Artevelde, qui s’attend à être attaqué par le roi de France, défend aux habitants de Tournai de venir s’approvisionner dans les Flandres. P. 269 à 272, 390, 391.
Philippe continue à assiéger Audenarde, mais ne donne pas l’assaut; il espère affamer la ville et la prendre sans risquer de faire tuer ses gens[400]. P. 272, 273, 391.
Le roi de France se résout à intervenir auprès des Flamands[401]; il envoie à Tournai l’évêque de Beauvais Milon de Dormans, l’évêque d’Auxerre[402], l’évêque de Laon[403], Gui de Honcourt[404] et LXXV Tristan du Bos. Ces commissaires[405] apprennent à Tournai de Jean Bonenfant[406] et de Jean Piétart[407], qui se sont occupés de l’échange des prisonniers avec Courtrai, que Philippe d’Artevelde ne veut point entendre parler de traiter avant la prise d’Audenarde et de Termonde; mais, confiant dans le bon sens des Flamands, ils adressent à chacune des trois villes, Gand, Bruges et Ypres, une lettre portée par un messager spécial. P. 273, 274, 391.
Par cette lettre, datée du 16 octobre 1382, les trois bonnes villes sont informées que le roi de France, désirant voir la paix se rétablir entre le comte et son peuple, ne saurait tolérer l’alliance que les villes de Flandre pourraient contracter avec le roi d’Angleterre. En conséquence, les commissaires demandent un sauf-conduit leur permettant de mener à bien les négociations de paix. P. 274, 391, 392.
Les trois messagers arrivent et sont retenus prisonniers. Philippe, qui a lu la lettre à Gand, va la communiquer au seigneur d’Herzeele sous les murs d’Audenarde. P. 274, 275, 392.
Réponse de Philippe, datée d’Audenarde, 20 octobre 1382[408]: LXXVI il s’étonne que son souverain seigneur, le roi de France, veuille aujourd’hui s’interposer en faveur de la paix, alors qu’il ne lui a pas répondu naguères sur le même sujet. Aucun traité n’aura lieu tant que toutes les villes et forteresses de Flandre ne seront pas ouvertes au peuple flamand; jusque-là, tous les messagers seront emprisonnés. P. 275 à 278, 392, 393.
Cette lettre est confiée à un écuyer d’Artois qui avait été fait prisonnier. Il la remet, à Tournai, à l’évêque de Laon et aux autres commissaires royaux, qui la communiquent au prévôt et aux jurés de la ville. P. 278 à 280, 393.
Voulant ne pas trop s’aliéner les gens de Tournai, Philippe leur écrit quelques jours après (23 octobre), pour leur dire qu’il désire vivre toujours en bonne amitié avec eux, qu’il regrette de ne pouvoir encore mettre en liberté les messagers, mais qu’il accorde toute facilité aux marchands pour trafiquer et passer par les Flandres. P. 280 à 282, 393, 394.
Cette lettre est apportée à Tournai par un valet de Douai; elle est lue en présence des commissaires royaux, qui conseillent aux gens de Tournai de ne pas répondre aux avances des Gantois, de crainte de mécontenter le roi de France et le duc de Bourgogne. Trois jours après, les commissaires retournent à Péronne[409] auprès du roi et de ses oncles. P. 282, 283, 394.
La veille, le comte de Flandre était arrivé pour plaider sa cause et faire hommage du comté d’Artois, qu’il venait d’hériter de sa mère. L’orgueil des Flamands et leur désir de s’allier aux Anglais décident le roi à soutenir les droits de son nouveau vassal[410].
LXXVII Le comte retourne à Hesdin, et le roi appelle à Arras tous les gens d’armes du royaume[411]. P. 283 à 285, 394, 395.
Le comte s’occupe des vivres nécessaires à l’armée royale[412]. Le roi arrive à Arras[413], où le comte le rejoint; en recevant son hommage[414], il lui promet de le secourir en Flandre. P. 285, 286, 395.
Bien qu’il affecte de se moquer des entreprises du jeune roi de France, Philippe d’Artevelde n’en appelle pas moins à Audenarde le seigneur d’Herzeele pour le remplacer, tandis qu’il part pour Bruges et Ypres[415]. Craignant que les Français ne traversent la Lys, il charge Pierre du Bois de garder le passage de la rivière à Commines[416] et Pierre de Wintere de défendre le LXXVIII pont de Warneton, avec ordre de rompre les ponts d’Estaires[417], de la Gorgue[418], de Merville[419] et autres jusqu’à Courtrai. Philippe pense ainsi empêcher le roi de France de pénétrer en Flandre, jusqu’à l’arrivée des troupes anglaises, qui ne saurait tarder. P. 286 à 288, 395, 396.
Un certain nombre de chevaliers et écuyers de la garnison de Lille, 120 hommes environ, tentent, sous la direction du Hase de Flandre, de faire une chevauchée. Ils passent la Lys à Menin[420] et dévastent la ville, tuant et chassant tout devant eux; mais au retour, assaillis par les paysans, ne pouvant se servir du pont qui s’est brisé, ils perdent, tant tués que noyés, plus de 60 des leurs, sans parler des blessés[421], parmi lesquels il faut compter Jean de Jeumont. Le châtelain de Bouillon et Bouchard de Saint-Hilaire[422] sont tués; Henri de Duffle[423] se noie. P. 288 à 291, 396, 397.
Tandis que Pierre du Bois démolit le pont de Commines, Philippe apprend à Ypres la défaite des Français et s’en réjouit. Pendant cinq jours, il harangue le peuple, lui faisant entrevoir l’appui de l’Angleterre, et, confiant dans la fidélité des habitants, il retourne au siège d’Audenarde en passant par Courtrai, où il se repose deux jours. P. 291, 292, 397.
CHRONIQUES
DE J. FROISSART.
CHRONIQUES
DE J. FROISSART.
[1] § 169. Encores ne savoient riens li Englès, qui
avoient passet le rivière de Sartre en grant peril, de
la mort dou roi de France; et estoient logiet à Noiion
sus Sartre, et là se rafresquirent et reposèrent deus
5nuis et un jour. Au second jour, il se deslogièrent et
s’en vinrent à Poilli, et là se logièrent à deus petites
lieuwes de Sablé. Et estoit tous li pooirs de France en
la citté del Man[s] et là environ, mais il ne faissoient
que costiier les Englès, et dissoient li aucun que on
10les combateroit. Quant les nouvelles vinrent as uns
et as aultres que li rois de France estoit mors, adont
se desrompi li pourpos des François, car pluiseur
grant baron, qui estoient en le poursieute des Englès,
se deslogièrent, et s’en revinrent en France pour
15savoir des nouvelles. Et demorèrent li Englès à Poilli
trois jours; au quatrime jour, il se deslogièrent et
[2]2 s’en vinrent tout souef jusques à Saint Pière d’Arve, et
là se logièrent. A l’endemain passèrent il la rivière
d’Arve, et vinrent logier à Argentré, et passa l’ost à
l’endemain la rivière del Mainne parmi uns marescages,
5que il ne pooient aller que deus ou troi de front le
plus dou chemin, qui bien dura deus lieuwes. Or
regardés se li François seuissent che convenant et que
il euissent assailli l’avant garde, li arrière garde ne le
peuist avoir conforté, ne li avant garde l’arrière garde.
10Et se doubtèrent moult li Englès de cel affaire; toutesfois
il passèrent et vinrent logier à Kossé, et là
furent quatre jours en iaulx repossant et rafresquissant
iaulx et leurs chevaulx, et esperoient tous les jours
à oïr nouvelles de Bretaigne.
15Li dus de Bretaigne se tenoit en Hainbon en la
marce de Vennes, et ooit bien tous les jours nouvelles
des Englès, comment il aprochoient durement Bretaigne.
Si ne savoit encores comment il se cheviroit, car,
quant on li recorda le mort dou roi de France, il l’eut
20tantos passé et n’en fist conte, car il ne l’amoit que
un petit, et dist adont à ceulx qui dalés li estoient:
«La rancune et haïnne que je avoie au roiaulme de
France, par le cause de ce roi Charle mort, est bien
afoiblie la moitié, et tels a haï le père, qui amera le fil,
25et tels a guerriiet le père, qui aidera le fil. Or fault que
je m’aquitte envers les Englès, car voirement les ai ge
fait venir à ma requeste et ordenance et passer parmi
le roiaulme de France, et me fault tenir ce que je leur
ai proumis. Or i a un dur point pour moi et pour
30eulx, car j’entens que nos bonnes villes de Bretaigne
se cloeront ne point dedens ne les laisseront.» Adont
appella il aucuns de son conseil et chiaulx où il
[3]3 avoit la grignour fiance, le signeur de Montbouchier,
c’on dist messire Bertram, messire Estiène Guion,
messire Guillaume de Tannegui, messire Ustasse de la
Housoie, messire Joffroi de Caresmiel et l’esleu de Lion,
5et leur dist: «Vous chevaucherés deviers monsigneur
de Bouquighem qui aproce durement che païs. Vous
le trouverés, je le croi assés, à l’entrée de ce païs:
vous me recommanderés à lui et me saluerés tous les
barons, et leur dirés de par moi que temprement je
10serai à Rennes à l’encontre de eulx, et que il tiennent
che chemin, et là arons nous ensamble avis et ordenance
comment nous nous maintenrons. Et leur dites
bien que je ne treuve pas mon païs ou convenant où
il estoit quant je envoiai en Engletière, dont il me
15desplaist grandement, et par especial de chiaulx de
Nantes, qui sont plus rebelle que nuls des aultres.»
Chil chevalier respondirent que volentiers il feroient
che message. Si se departirent dou duc et de Hainbon,
et chevauchièrent deviers Rennes, et estoient environ
20soissante lances.
Et li Englès partirent de Kossé, quant il s’i furent
repossé quatre jours, et entrèrent en la forrest de
Gravielle et le passèrent au travers, et s’i logièrent
une nuit et un jour; et à l’endemain il vinrent à
25[Vitré] en Bretaigne. Là furent il plus assegur que il
n’euwissent esté en devant, car bien savoient que il
ne seroient plus poursieuwi des François, enssi comme
il avoient esté en devant. De [Vitré] en Bretaigne, où
il furent trois jours, vinrent il à Chastel [Bourg] en
30Bretaigne, et là se logièrent et arrestèrent pour le
cause des chevaliers dou duc de Bretaigne, qui leur
vinrent là à l’encontre.
[4] 4 § 170. Li contes de Bouquighem et li baron d’Engletière
requellièrent les chevaliers dessus nommés, messagiers
dou duc de Bretaigne, moult honnerablement;
et là eurent grans conssaulx et grans parlemens
5ensamble: et missent li Englès en termes que moult
s’esmervilloient de che que li dus de Bretaigne et li
païs de Bretaigne n’estoit aultrement apparilliés que
il ne monstroient de iaulx requellier, car, à leur
ordenance, requeste et priière, il estoient là trait et
10venu, et pris celle painne, et passé parmi le roiaulme
de France. Li sires de Montbouchier respondi pour
tous en escussant le duch, et dist: «Mi signeur, vous
avés cause et raison de mouvoir che que vous dites,
et est li dus en grant volenté de tenir et acomplir les
15ordenances et convenances que il a à vous et vous à
li, selonc son loial pooir; mais il ne puet pas faire de
ce païs sa volenté, et par especial chil de Nantes, qui
est la clef de Bretaigne, [sont] à present [tous rebelles]
et se ordonne[nt] à requellier gens d’armes de le partie
20des François, dont messires est tous esmervilliés, car
che sont cil qui premiers seellèrent avoecques les autres
bonnes villes de Bretaigne; et croit messires que cil
de Nantes soient en nouviel traitiet entre le jone regent,
lequel on doit à ceste Toussains couronner. Si vous
25priie, messires, que vous l’aiiés [pour] escusé de toutes
ces coses, et oultre il vous mande par nous que vous
tenés et prendés le chemin de Rennes, car temprement
ils venra contre vous et a très grant desir de vous
veoir, et à tout che n’ara nulle deffaute.» Ces parolles
30contemptèrent grandement le conte de Bouquighem
et les Englois; et respondirent liement en dissant enssi
que li dus de Bretaigne ne pooit miex dire. Si se
[5]5 departirent enssi contempt li un de l’autre, et s’en
retournèrent li message dou duch deviers Hainbon,
et trouvèrent le duch à Vennes. Et li Englès se tinrent
à Chastiel [Bourg] quatre jours, et puis s’en partirent
5et vinrent logier ens es fourbours de Rennes. Et
estoient les portes de la citté de Rennes closes que
on n’i laissoit nul homme d’armes entrer, mais li
contes de Bouquighem i fu logiés, et li sires de Latinier,
messires Robers Canolles et cinc ou sis baron
10seullement dou conseil dou duch; et furent là plus de
quinse jours en attendant tous les jours nouvielles dou
duc de Bretaigne, qui point ne venoit, dont il estoient
esmervilliet. Dedens la citté de Rennes estoient li sires
de Montraulieu, li sires de Montfort en Bretaigne, messires
15Joffrois de Karemiel, messires Alains de la Houssoie,
cappitaine de Rennes, et messires Ustasses, ses
frères, et escusoient tous les jours ce qu’il pooient le
duch de Bretaigne, ne sai se c’estoit à bonne cause ou
non, mais li Englès se commenchièrent mal à contempter
20de che que point ne venoit.
Chil de Nantes qui se tenoient tout clos et n’estoient
pas bien assegur des Englès qui estoient logiet à
Rennes, envoiièrent deviers le duch de Ango, qui avoit
fait tous leurs tretiés et par lequel la grignour partie
25dou roiaulme de France se demenoit pour le tamps
de lors, en remonstrant que il n’estoient mies fort
assés de eulx meïsmes de iaulx tenir, garder ne deffendre,
se il avoient siège ou assaut, sans estre pourveu
de bonnes gens d’armes: si prioient que il en
30fuissent rafresqui. A ceste requeste obeïrent tantos li
quatre duch qui avoient en gouvrenement le roiaulme
de France, Ango, Berri, Bourgongne et Bourbon, et
[6]6 i envoiièrent plus de sis cens lances de bonnes gens
d’armes et toutes gens de fait et de grant vaillance.
Enssi furent cil de Nantes reconforté et rafresqui, et
ces gens d’armes entendirent à remparer de toutes
5pars la ville et de mettre en bon estat pour atendre
siège ou assaut, se il leur venoit.
§ 171. Li Englès, qui se tenoient à Rennes et là
environ, se commenchièrent à merancollier sus le duc
que point ne venoit, et eurent conseil que on envoiieroit
10deviers lui. Si furent ordonné de aller messires Robers
Canolles, messires Thumas de Persi et messires Thumas
Trivès, et si fort que atout cinc cens lances, pour
descouvrir et desrompre toutes enbusques qui leur
poroient de nul costé sourdre ne venir. Chil troi baron
15et leurs routes se departirent de Rennes, et se missent
au chemin en tel bataille que de cinc cens lances et
otant d’archiers, et partirent un joedi, et li hoos le
samedi enssieuant. Et vint li contes de Bouquighem
logier à Saint Souplis en Bretaigne, et là demora trois
20jours, et puis vint au quatrime jour à [Combourg] en
Bretaigne, et là demora quatre jours. Li dus de Bretaigne,
qui estoit partis de Hainbon et venus à Vennes,
savoit tous les jours les convenans des Englès, car ses
gens, qui se tenoient en la citté de Rennes, li senefioient:
25si s’avisa, tout consideré, que il venroit parler
à iaulx, car, à son honneur et selonc les grans
aliances que il avoient ensamble, ils ne les pooit longuement
demener. Et entendi que messires Robiers
Canolles, messires Thumas de Persi et messires Thumas
30Trivès venoient deviers li: si se mist au chemin
pour venir viers Rennes et encontra, che propre jour
[7]7 que il se parti de [Vennes], les chevaliers d’Engletière.
Si se fissent grans reconnissances sus les camps, et
demanda li dus de Bretaigne dou conte de Bouquighem.
Li chevalier respondirent que il l’avoient laissiet à
5Rennes tout merancolieus de che que il n’ooient nulles
nouvelles de li. Li dus s’escusa, et dist par sa foi que
il ne l’avoit peut amender. Adont chevauchièrent il
tout ensamble, et fuissent bien venu à Rennes che
jour, mais il entendirent que li Englès estoient à [Combourg]
10pour venir à le Heidé, et là se logièrent et à
la Maisière, car il tournèrent che chemin. A l’endemain
vinrent li contes de Bouquighem et ses routes à le
Heidé, et là se logièrent, car il entendirent que li dus
de Bretaigne venoit: si ne voldrent aller plus avant.
15Là vinrent li dus de Bretaigne et ses consaulx: si
s’entrecontrèrent li dus et li contes de Bouquighem
ensamble, et se monstrèrent grant amour, et s’escusa
li dus de Bretaigne moult bellement au conte et as
Englès de che que il avoit tant demoret à non venir,
20car il ne trouvoit mies voirement tout tel son païs que
il li avoient proumis au commenchement de l’esté.
Dont respondi li contes et dist: «Biau frère de Bretaigne,
pour ce ne demora il mies, se vous volés, que
nous ne corigons les rebelles, car, avoecques l’aide et
25le poissanche que vous avés et que nous avons et qui
tous les jours nous puet venir d’Engletière, nous sousmetterons
si vos subgés que il seront tout aisse quant
il poront venir à merchi.» De tels parolles et de pluiseurs
autres parlementèrent il longement ensamble,
30et puis se traïst cascuns à son hostel. Meïsmement à
l’endemain il chevauchièrent tout doi ensamble, et
vinrent à la Massière, et là disnèrent tout doi ensamble
[8]8 en grant joie, et parlèrent apriès disner de leurs
besongnes moult longement ensamble; et fu adont
ordonné que li consaulx dou conte s’en iroit à Rennes
avoecques le duch, et là ordonneroient il et concluiroient
5finablement toutes leurs besongnes. Si demora
che soir li dus de Bretaigne et li consaulx dou conte
à le Massière, et li contes retourna à ses gens à le
Heidé, car il estoient tout là logiet [et] environ le Masière,
et l’endemain li dus de Bretaigne s’en retourna à
10Rennes, le signeur Latinier, messires Robers Canolles,
messires Thumas de Persi, messires Thumas Trivet et
le conseil dou conte en sa compaignie. Si furent trois
jours à Rennes, toudis consillans leurs besongnes.
§ 172. A che darrain conseil fu acordet, juret et
15fianciet sus saintes evangilles dou duch de Bretaigne,
que il venroit [devant] Nantes mettre le siège, en le
compaignie dou conte de Bouquighem, quinse jours
apriès che que li Englès seroient là venu, et feroit li
dus de Bretaigne venir et amener par le rivière de
20Loire barges et balengiers à plenté, pour mieulx constraindre
par la rivière ceulx de Nantes, et ne s’en
partiroit, ils ne ses gens, si seroit Nantes prisse. Pour
toutes ces coses enteriner et affremer plus plainement
et que li contes de Bouquighem fust à ces obligations
25prendre et faire, ses consaulx le renvoiia
querre à le Heidé, où il estoit logiés et toute li hoos.
Si se deslogièrent et s’en vinrent logier ens es fourbours
de Rennes, enssi que autre fois il avoient esté
logiés. Si entrèrent li contes et li baron en Rennes,
30et là leur donna li dus de Bretaigne à disner moult
grandement. Là eut li dus de Bretaigne en convenant
[9]9 et jura sur sa foi solempnellement et sus saintes
evangilles que il venroit à tout son pooir devant Nantes.
Et sur cel estat il se parti et se retraïst vers Hainbon;
et li contes de Bouquighem et li Englès demorèrent
5à Rennes et furent depuis bien quinse jours en ordenant
leurs besongnes.
De toutes ces coses estoient bien enfourmet et
avisset chiaux de Nantes, que il devoient avoir le
siège: si se ordonnèrent selonc che, et uns des plus
10grans capitainnes qui fust en Nantes, c’estoit messires
Jehans li Barois des Bares, uns vaillans et appers
chevaliers. Avoecques li estoient li cappitainne de Cliçon,
Jehan de Castiel Morant, Morfouace, messires
Jehans de Malatrait, Tournemine et moult d’autres,
15toute fleur de gens d’armes, liquel se pourveïrent
sagement et biellement de tout ce que il leur convenoit,
tant à l’encontre de la rivière que des portes,
des murs et des tours, qui regardent sus les camps
de celle part où il pensoient à avoir le siège.
20Nous meterons ches besongnes ichi un petit en respit,
et parlerons de l’ordenance dou couronnement
dou jone roi Charle, qui fu en celle saison couronnés
à Rains.
§ 173. Vous devés savoir que riens ne fu espargniet
25de noblèces et de signouries à faire au couronnement
dou jone roi Charle de France, qui fu couronnés à
Rains le jour de un diemence, ou dousime an de son
eage, en l’an de grace Nostre Signeur mille trois cens
et quatre vins. A la solempnité de son couronnement
30heut grant fuisson de haulx signeurs; si quatre oncle
i furent, Ango, Berri, Bourgongne et Bourbon, et
[10]10 ossi ses grans oncles, li dus Winchelins de Braibant,
li dus de Bar, li dus de Lorainne, li contes de Savoie,
li contes de la Marce, li contes d’Eu, messires Guillaumes
de Namur; li contes de Flandres et li contes
5Jehans de Blois s’escusèrent. Finablement il i ot trop
grant fuisson de grans seigneurs: jamais je ne les
aroie tous nommés. Et entra li jones rois en la cité
de Rains le samedi à heure de vespres, bien acompaigniés,
che poés vous savoir, de toutes noblèces de
10hauls signeurs et de menestraudies; et par especial
par devant li il i avoit plus de trente trompètes qui
sonnoient si cler que mervelles. Et descendi li jones
Charles de France devant l’eglisse de Nostre Dame de
Rains, si oncle et ses frères en sa compaignie. Là
15estoient si cousin, tout jone enffant ossi, de Navare,
de Labreth, de Bar et de Harcourt, et grant fuisson
de autres jones escuiers, enffans de haulx barons dou
roiaulme de France, lesquels li jones rois à l’endemain,
le diemence, le jour de son couronnement, fist tous
20chevaliers. Et oï che samedi li rois les vespres en
l’eglise Nostre Dame de Rains, et villa en l’eglise, enssi
que usages est, la grigneur partie de la nuit, et tout
li enffant qui chevalier voloient estre avoecques lui.
Quant che vint le diemence, dont le jour de la Tousains
25avoit esté le [joedi] devant, li eglise Nostre
Dame fu parée si très richement que on ne saroit miés
ordonner ne deviser, et là fu à haute solempnité de la
haute messe de l’archevesque de Rains sacrés et beneïs,
ch’est de la sainte ampoule, dont mesires sains Remis
30consacra Clovis, le premier roi qui fu en France, et fu
ceste unction envoïe de Dieu et des chiaux par un
saint angle, et depuis tousjours li roi de France en
[11]11 ont esté consacré, et point s’amenrist. Or regardés se
c’est disne cose et noble!
Avant le consacration, li rois fist là devant l’autel
tous les jones chevaliers nouviaulx. En apriès, on fist
5l’offisse de le messe très solempnellement et très reveranment,
et le canta li arcevesques de Rains. Et là
seoit li jones rois en abbit roial en une caiière eslevée
moult haut, parée et vestie de draps d’or si rices que
on les pooit avoir, et tous li jone nouviel chevalier
10desouls, sus bas escamiaulx couvers de draps d’or,
à ses piés. Enssi se persevera li offices en grant
noblaice et disnité; et là estoit li nouviaulx connestables
de France, messires Oliviers de Cliçon, qui
avoit esté fais et creés connestables puis un petit, qui
15bien faisoit son office et ce qui à lui apartenoit. Là
estoient li haut baron dou roiaulme de France, vesti
et paré si ricement que mervelles seroit à recorder,
et seoit li rois en majesté roial, le couronne très rice
et oultre mesure presieuse ou chief. Li eglise de Nostre
20Dame de Rains fu, à celle heure de le messe et de le
solempnité, si plaine de nobles que on ne savoit son
piet où tourner. Et entendi que, adont ou nouviel
avent dou jone roi et pour resjoïr le peuple parmi le
roiaulme de France, toutes impositions, aides, gabelles,
25fouages, sousides et autres coses mal prisses, dont
li roiaulmes estoit trop blechiés, furent abatues, quittées,
ostées et aliennées, et fu grandement à le contemplation
et plaissance dou peuple.
Apriès le messe, on vint au pallais, et pour ce que la
30salle dou pallais estoit petite pour recepvoir tel peuple,
on avoit enmi la court dou pallais, où il i a grant
place, tendu un hault et grant [tref] sus hautes estaces;
[12]12 et là fu li disners fais et ordonnés, et sissent li jones
rois de France et si cinc oncle, Braibant, Ango, Berri,
Bourgongne et Bourbon, à sa table et bien en sus de
li. Et li arcevesques de Rains et aultres prelas seoient
5à sa destre, et servoient haut baron: li sires de Couchi,
li sires de Cliçon, messires Guis de la Tremoulle,
li amiraulx de France, et enssi des aultres, sus haulx
destriers couvers et parés de draps d’or. Enssi se
continua en toutes honneurs la journée, et à l’endemain,
10le lundi, moult de haulx signeurs prissent congiet
au roi et à ses oncles, et s’en retournèrent en
leurs païs. Si vint li rois che jour disner en l’abbeïe de
Saint Teri à deus lieuwes de Rains, car chil de laiens
li doivent ce pas, et cil de la citté de Rains le sacre
15dou roi. Enssi se departi ceste noble et haute feste de
la consacration dou jone roi Charlle de France, et s’en
vint li rois à Paris, où il fu des Parisiiens de rechief, à son
retour et à l’entrer en Paris, très grandement festiiés.
Apriès toutes ces festes, ces solempnités et ces honneurs,
20il eut grans consaulx en France sus l’estat et
gouvrenement dou roiaulme, et fu ordonné que li dus
de Berri aroit en gouvrenement toute le Langhedock,
li dus de Bourgongne toute Pikardie et Normendie, et
li dus d’Ango demoroit dallés le roi son nepveut, et
25aroit principaument et roiaulment l’aministration et
gouvrenement dou roiaulme. Adont fu li contes de
Saint Pol rappellés, qui en devant avoit esté eslongiés
de la grace dou roi Charle mort, et li fist à Rains li
dus de Braibant sa besongne et li dus d’Ango, en
30laquelle grace et amour li contes de Saint Pol estoit
grandement. Si se departi de Han sus Heure seant en
l’evesquiet de Liège, où il s’estoit tenus un grant
[13]13 tamps, et s’en revint en France, et amena sa femme
ens ou castiel de Bohain; et se deportèrent toutes les
mains misses de ses terres et retournèrent toutes en
son pourfit.
5Nous nous cesserons un petit à parler des besongnes
dessus dites, et retournerons as incidensses de
Bretaigne et au conte de Bouquighem.
§ 174. Vous savés comment les convenances et
ordenances furent prisses et jurées entre le duc de
10Bretaigne et le conte de Bouquighem de venir asseoir
Nantes. Quant li dus de Bretaigne fu partis de Rennes,
le signeur de Montbouchier, messire Estièvene Guion,
le signeur de Montraulieu, le signeur de la Houssoie
et son conseil en sa compaignie, il se retraïssent vers
15Vennes et vers Hainbon, et li contes de Bouquighem
et ses gens s’ordonnèrent pour venir devant Nantes,
et se departirent des fourbours de Rennes et des villages
là environ où il estoient logiet, et se vinrent che
jour logier à Castillon, et à l’endemain à Bain, et le
20tierch jour che fu à Nasçay, et au quart logeïs il vinrent
logier ens es fourbours de Nantes, et fu li contes
de Bouquighem logiés à le porte de Sauvetout, et li
sires de Lattinier, connestables de l’oost, et li sires de
Fil Watier et li sires de Basset furent logiet à le porte
25de Saint Pière, et messires Robers Canolles et messires
Thumas de Persi logiet à le porte de Saint
Nicollai, tout sus la rivière, et messires Guillaumes de
Windesore et messires Hues de Cavrelée à le posterne
de Ricebourc. Enssi estoient cil baron logiet entre
30leurs gens et moult honnerablement, car c’estoit au
plus priès par raison comme il pooient.
[14]14 Dedens la ville avoit grant fuisson de bons chevaliers
et escuiers de Bretaigne, de Biausse, d’Ango et
[du Mainne], qui songnoient de la ville et le gardoient
très bien, et en avoient dou tout le fais et la carge,
5ne cil de la ville ne s’en ensonnioient en riens. Et
avint que le nuit Saint Martin, messires Jehans li
Barois des Bares esmeut aucuns de ses compaignons
qui là dedens estoient, et leur dist: «Biau signeur,
nous sentons nos ennemis priès de chi, et encores ne
10les avons nous resvilliés. Je conseille que en la bonne
nuit nous les alons veoir et escarmuchier.»—«Par
ma foi, respondirent cil à qui il en parla, vous parlés
loiaument; et [est] ce que nous devons faire, et
nous le vollons.» Adont se quellièrent il sus le soir,
15et armèrent iaulx sis vins, toutes gens de fait; si fissent
ouvrir le porte de Saint Pière, et li connestables
et li sires de Basset et li sires de Fil Watier [i] estoient
logiet, et missent bonnes gardes à le porte pour le
retraite. Si estoient cappitainne et meneur de ces gens
20d’armes li Barois des Bares, Jehans de Castel Morant
et li cappitainne de Cliçon, et vinrent si a point au
logeïs des dessus dis que il seoient au souper, et
avoient leur cri: «Les Bares!» Si entrèrent en ces
logeïs, et commencièrent à ferir et à abatre et à
25mehaignier gens. Tantos li Englès furent sailli sus et
pourveu de leur fait, et se rengièrent devant leurs
logeïs. Quant li François en veïrent le manière, il se
retraïssent et tinrent tout ensamble moult sagement,
et retournèrent vers leur ville; et Englès de toutes
30pars commenchent à venir à l’escarmuce. Là en i
ot de boutés et reboutés et abatus de une part et
d’autre, et furent mis li François en leurs barrières.
[15]15 Si en i ot des mors et des blechiés de une part et
d’autre; mais li Barrois des Bares et ses gens rentrèrent
en la ville à petit de damage, et tint on dedens
et dehors ceste escarmuche à bonne et belle.
5§ 175. Quant che vint le jour Saint Martin au soir,
li Barrois des Bares parla as compaignons et leur
dist: «Che seroit bon que demain, au point dou
jour, nous [eussions] pourveu sis ou set gros batiaux,
et deus cens hommes et cent arbalestriers, et par la
10rivière nous alissons visseter nos ennemis; il ne se
donnent de nous à garde de che costé.» Tout furent
de son accord, et se quellièrent celle propre nuit le
somme de gens que li Barois avoit nommés, et eurent
pourveu siis gros batiaux. Devant le jour il entrèrent
15ens et, sans faire friente, il naviièrent contreval la
rivière, et prissent tière au desoulx des logeïs. Messires
Jehan de Harleston et ses gens estoient logiet
assés priès de là en un grant hostel; là vinrent droit
sus le point dou jour li François, qui l’environnèrent
20et commenchièrent à asaillir. Messires Jehans de Harleston
fu tantos aparilliés et armés, et ossi furent ses
gens; si se missent à deffense moult vaillanment, et
archier à traire contre ces arbalestriers. Là eut escarmuce
forte et dure et des navrés et bleciés, et vous di
25que li hostels euist esté prins et conquis, mais messires
Robers Canolles, qui estoit logiés assés priès de
là, le sceut; si s’arma et fist armer ses gens et desvoleper
sa banière, et se traïst moult coiteussement
celle part. D’autre part, messires Guillaumes de Windesore,
30qui en fu segnefiiés, i vint et ses gens ossi
tout le cours, et toudis venoient Englès et sourdoient
[16]16 de tous costés. Adont se retraïssent li François sus le
rivage et vers leurs batiaulx, quant il veïrent que faire
leur convenoit ou rechepvoir grant damage. Là ot sus
le rivage, au rentrer ens es batiaulx, grant escarmuce,
5et moult vaillanment se portèrent les cappitainnes et
i fissent des grans apertisses d’armes, et furent auques
des darrains rentrans. Toutesfois il en i ot au rentrer
des François pris, mors et noiiés, et retournèrent à
Nantes. Encores tinrent ceste emprise tout cil qui en
10oïrent parler de une part et d’autre, à grant hardement
et grant vaillance.
§ 176. Quant li Englès se perchurent que cil de
dedens les resvilloient si souvent, si eurent conseil
entre iaulx que il seroient mieulx sus leur garde que
15[il] n’avoient esté et feroient bon gais. Dont il avint
une nuit, le setime jour apriès que messires li Barois
avoit escarmuchiet sus la rivière, ils issi de rechief
sus la nuit à le porte où li contes de Bouquighem estoit
logiés, et avoit li Barois en se compaignie environ
20deus cens hommes d’armes et cent arbalestriers.
Celle nuit faissoient le ghait li Allemant, et estoient
leurs cappitainnes messires Alghars et messires Thumas
de Rodes; si s’en vinrent ferir les gens le Barrois
et ils meïsmes tout devant et Jehans de Castiel
25Morant et la cappitainne de Cliçon sus ce gait entre
ces Allemans. Là eut grant escarmuce et dure et des
abatus à tière; dont se levèrent cil qui couchiet estoient
ou logeïs dou conte, et s’armèrent et se traïssent tout
de celle part où li escarmuce estoit. Quant li Barois
30des Bares et cil qui avoecques lui estoient issu, perchurent
que force leur sourdoit trop grande, si se
[17]17 retraïssent deviers le porte en combatant, en traiant
et en escarmuchant; si en i ot pluiseurs dou trait blechiés
et navrés de une part et d’autre, et par especial messires
[Thumas] de Rodes, uns chevaliers de Allemaigne,
5fu trais d’un vireton et perchiés tout oultre le
bachinet parmi la teste, douquel cop il morut trois
jours apriès, dont che fu damages, car il estoit moult
appers chevaliers. Si rentrèrent li François et li Breton
en Nantes à point de damage, et eurent sis prisonniers.
10Et demora la cose en cel estat, et tousjours li
Englès sus leur garde, car toutes les nuis il n’attendoient
autre cose que de estre resvilliet.
§ 177. Enssi se tenoient là devant Nantes à siège li
contes de Bouquighem et ses gens, et attendoient tous
15les jours le duck de Bretaigne, que point ne venoit ne
de ce que juret et proumis leur avoit, riens ils n’en
tenoit; dont il estoient tout esmervilliet à quoi il pensoit,
car de li il n’ooient nulles nouvelles. Bien envoiièrent
par devers li aucuns messages et lettres, qui
20remonstroient que il faissoit mal, quant il ne tenoit
les convenances telles que il avoit jurées par sa foi
à tenir et acomplir en la citté de Rennes, mais de
toutes les lettres que li contes de Bouquighem i
envoiia, onques n’en eut response, et suposoient li
25Englès que leur messagier estoient mort sus le chemin,
car nuls n’en retournoit. Et voirement aloient il
en trop grant peril et toutes gens ossi, se il n’estoient
dou païs et bien acompaigniet, entre Nantes et Hainbon,
car li chemin estoient si priès guettié des gens
30dou païs que nuls ne pooit passer que ils ne fust pris
et que on ne seuist quel cose il querroit et voloit; et,
[18]18 se il portoit lettres des Englès au duc et dou duc as
Englès, il estoit mors. Avoecq tout ce li fourrageur de
l’oost n’osoient chevauchier sus le païs en allant à fourage
fors en grant route, car li chevalier et li escuier
5dou païs estoient quelliet ensamble et ne volloient
nullement que leurs terres fuissent foullées ne courues,
siques, quant il trouvoient dis ou vint ou trente
varlès, il les ochioient ou leur tolloient le leur et lors
chevaulx, et les batoient et navroient, ne on n’en pooit
10avoir autre cose; dont cil de l’oost estoient moult
courouchiet et n’en savoient sur qui prendre l’amendement.
Au voir dire, li dus de Bretaigne tiroit trop
fort que il peuist avoir ses gens d’accord pour venir
aidier à mettre le siège devant Nantes par le tière et
15par le rivière, enssi que ordenance se portoit et que
en convent il l’avoit eu à Rennes au conte de Bouquighem,
mais il n’en pooit venir à chief, et dissoient
baron, chevalier et escuier que ja il n’aideroient à
destruire leur tère pour le guerre des Englès, ne, tant
20que li Englès fuissent en Bretaigne, il ne s’armeroient
avoecques lui. Et li dus leur remonstroit pourquoi
dont avoient il consenti et ordonné de commenchement
au mander les Englès. Il respondoient que
ce avoit esté plus pour donner cremeur au roi de
25France et à son conseil, affin que il ne fuissent mené
fors as anciiens usages, que pour autre cose, et, ou
cas que li rois de France ne leur voelt que tout bien,
il ne li voellent point de guere. Autre cose ne autre
response n’en pooit li dus avoir.
30D’autre part, li sires de Cliçon, connestables de
France, li sires de Dignant, li sires de Laval, li
viscontes de Roem, li sires de Rocefort et tout [li]
[19]19 grant baron et haut et poissant ou païs de Bretaigne
se tenoient tout ensamble, leurs villes et leurs castiaulx
clos et bien gardés, et dissoient au duck ou faissoient
dire par leurs messages, que bien s’avisast, car
5il avoit esté simplement consilliés d’avoir mandé les
Englès et de [les] avoir mis ou païs pour guerriier et
destruire sa terre, et que nuls confort il n’aroit d’euls;
mais, se il aloit devant Nantes à siège, enssi que on
avoit entendu que il le devoit faire, il li destruiroient
10sa terre à tous lés, et li donroient tant d’empechement
que il ne saroit auquel lés entendre; mais se
vosist recongnoistre et remettre en l’obbeïssance dou
roi de France, enssi que faire le devoit et que tenus
i estoit, et il se faissoient fort, et porteroient oultre,
15que il li feroient sa pais envers le jone roi de France.
Et li remonstroient encores tels parolles, en dissant enssi
que tels avoit en contrecorage le roi Charle mort, qui
venroit et demorroit grandement en l’amour dou jone
roi son fil. De toutes tels coses des plus haus barons
20de Bretaigne estoit li dus servis; si ne savoit au voir
dire auquel pour le mieulx entendre, car il ne le trouvoit
nul segur estat en ses gens; [si] le convenoit disimuller,
vosist ou non. Et toudis se tenoit li sièges
devant Nantes.
25§ 178. Le jour Nostre Dame des Avens au soir,
eurent conseil li François, qui en Nantes se tenoient,
que il venroient resvillier l’oost, car trop avoient
reposé. Si issirent environ deus cens hommes d’armes,
desquels messires Amauris de Cliçon, cousins germains
30au signeur de Cliçon, et li sires d’Amboise
estoient meneur et gouvreneur, et s’en vinrent ferir
[20]20 sus les logeïs messire Guillaume [de] Windesore, et
issirent par le posterne de Ricebourc sus la rivière; et
faissoient le gait che soir les gens messire Hue de
Cavrelée. A ceste heure là fu fais chevaliers li sires
5d’Amboisse, et le fist chevalier messires Amauris de
Cliçon. Ces gens d’armes bretons et françois se boutèrent
de grant vollenté ou gait, et gaaignièrent de
venues la bare dou gait et le chevalier dou gait, qui
s’appelloit messire Guillaume de Quisenton. Là eut
10forte escarmuce et dure, et maint homme reversé.
Messires Guillaumes de Wi[n]desore et messires Hues
de Cavrelée, qui estoient en leur retrait, entendirent
le hustin: si saillirent tantost sus, si s’armèrent et
apparillièrent, et vinrent celle part où li plus fors hustins
15estoit. Là eut trait, ferut et lanciet et escarmuciet,
et si portèrent toutes les parties vaillanment, et rentrèrent
tout en combatant et escarmuchant li François
et li Breton en le posterne de Richebourc, par laquelle
il estoient issut, et sans damage, car il eurent un chevalier
20prisonnier et siis hommes d’armes, et il en i ot
pris des leurs trois. Enssi se porta ceste nuittie.
§ 179. Le joedi devant la vegille dou Noël, issirent
de Nantes sus le soir par la porte de Sauvetout messires
li Barois des Bares et li sires de [Colet] à sis vint
25hommes d’armes, et s’en vinrent ferir ou logeïs dou
conte de Bouquighem, et faissoit le gait che soir li
contes de Douvesière. Là ot grant escarmuce et forte,
et maint homme reversé et bouté jus à terre des
glaves, mais li Englès furent là plus fort que cil de le
30ville ne furent; si furent recullé et rebouté ens es
barrières et en le porte à force. Si en i ot des leurs,
[21]21 que mors que pris, environ sèse, et là fu trais à l’escarmuce
d’un quarel uns chevaliers englès, qui s’appelloit
messires Huges Tiriel, et ferus tout parmi son
bacinet, de laquelle navrure il morut. Adont se retraïssent
5toutes gens à leurs logeïs, et n’i eut plus nulle cose
fait celle nuit, mais toutes les cappitainnes de Nantes
furent en conseil ensamble que le nuit dou Noël à toutes
leurs puissances il isteroient de la ville et venroient
faire en l’oost une grande escarmuce, et tinrent tout
10chela entre iaulx en secré.
Li contes de Bouquighem et li Englès estoient enssi
resvilliet moult souvent des François et des Bretons
qui en Nantes se tenoient; et d’autre part sus les
camps leurs fourageurs avoient moult de painne en
15querant vivres et fourages pour les chevaulx, et
n’osoient chevauchier fors en grans routes. Et estoient
li contes de Bouquighem et ses consaulx trop esmervilliet
dou duc de Bretaigne, qui point ne venoit ne
dont il n’ooi[en]t nulles nouvelles, et s’en contentoient
20mal, car de tout en tout il trouvoient et avoient
trouvé en li foible convenant, et ne s’en savoient à
qui plaindre qui droit leur en fesist. Et eurent en
conseil environ le Noël que il envoiieroient de rechief
messire Robert Canolle et messire Thumas de Persi et
25messire Thumas Trivet devers li à Vennes ou à Hainbon,
et cil li remonsteroient de par le conte que il
faissoit trop mal, quant autrement il ne s’acquitoit
enviers iaulx. Et puis fu cils pourpos rompus et brissiés,
et dissent, quant il eurent entre iaulx tout consideré
30et imaginé, que il ne pooient bonnement che
faire ne afoiblir leur siège, et que on ne pooit aler
deviers le duck fors tout ensamble, car, se il i aloient
[22]22 cinc cens ou sis cens lances et il en trovaissent sus le
païs mille ou quinse cens de leurs ennemis, che leur
seroit uns trop grans contraires; si poroient bien estre
ruet jus, et li allant deviers le duck et li demorant au
5siège. Pour celle doubte, tant c’à celle fois, ne se
departi nuls de l’oost, mais se tinrent encores tout
ensamble.
§ 180. Quant che vint à le vegille dou Noël au soir,
li Barrois des Barres, messires Amauris de Cliçon, li
10sires d’Amboise, li sires de Collet, li castelains de
Cliçon, Jehans de Castiel Morant, Morfouace et toutes
les cappitainnes de Nantes issirent par le porte Saint
Pière en grant vollenté que de bien faire le besongne, et
avoient en leurs routes bien sis cens hommes d’armes;
15et se partirent, quant il furent hors de la porte, en
deus parties: li une des pars s’en vinrent parmi la rue,
et li autre pars parmi les camps, au logeïs le signeur
Latinier et dou signeur de Fil Watier; et faissoient le
gait messires Yon Fil Warin et messires Guillaume
20[T]raiton; et de venues il gaaignièrent toutes les bailles
dou gait, et ruèrent jus et recullèrent le gait tout oultre
jusques au logeïs le connestable, le signeur de Lattinier,
et s’arrestèrent devant l’ostel le signeur de Vertaing;
et là fu li escarmuce et li grans assaulx, car li François
25avoient jetté leur avis dou prendre, et fu sus le
point de estre pris, et li sires de Vertaing dedens. Là
eurent cil dou gait moult à souffrir avant que li secours
venist, et i furent messires Yon Fil Warin, li sires de
Vertaing et messires Guillaumes Traiton, bon chevalier,
30et i fissent plusieurs grans appertisses d’armes.
A ces cops s’effreèrent cil dou logeïs dou connestable
[23]23 et dou mareschal, et sonnèrent les trompettes;
si s’armèrent partout communaulment. Messires Guillaume
de Windesorre [et] messires Hues de Cavrelée
entendirent la friente et le son des trompettes; si conneurent
5tantos que li avant garde avoit à faire; si fissent
sonner leurs trompettes et alumer grant fuisson
de fallos et desvoleper leurs banières. Si vinrent celle
part où li grignour escarmuce estoit, en leur compaignie
cent hommes d’armes et cent archiers. D’autre part,
10messires Thumas Trivès, messires Thumas de Persi et
li sires de Basset, cascuns sa banière devant lui, vinrent
à l’escarmuce, et bien besongnoit à l’avant garde
que il fuissent hastéement conforté, car il furent sus
le point de perdre tous leurs logeïs; mais, quant cil
15baron et leurs routes furent venu, se recullèrent li
François et li Breton, et se remissent tout ensamble
moult sagement, et se retraïssent vers la ville, lanchant,
traiant et escarmuchant. Là eut fait tamainte
grant apertise d’armes, et s’abandonnoient aucun jone
20chevalier et escuier dou costé des François pour iaulx
monstrer et agraciier de renommée moult avant, et
tant que messires Tristans de la Galle i fu pris par sa
folle emprisse, et le prist uns escuiers de Hainnau, que
on dist Thieris de Sonmaing.
25§ 181. Enssi se continua ceste escarmuce, et rentrèrent
en Nantes tout cil ou en partie, qui issut en
estoient, car il convient que en tels fais d’armes il en
i ait des mors et des navrés et des pris et des bleciés,
car, très dont que on s’arme et que on ist à l’escarmuce,
30on n’en puet autre cose attendre. Toutesfois il
rentrèrent ens à petit de damage, car il eurent bien
[24]24 otant de prisonniers que li Englès avoient des leurs.
Si se retraïssent à leurs hostels, quant la porte fu
refremée, et entendirent à mettre à point les blechiés.
Enssi se retraïssent cil de l’oost, et s’en ralla cascuns
5en son logeïs, mès pour ce ne rompirent il mies leur
gait, anchois gaitièrent il plus fort que devant.
Le jour dou Noël n’i ot riens fait ne toutes les festes;
si n’atendoient li Englès autre cose tous les soirs [fors]
à estre resvilliet, et, ce qui plus leur touchoit et faisoit
10d’anois, c’estoit ce que il n’ooient nulles nouvelles
dou duck de Bretaigne, et leur estoient vivres et fourages
si destroit que à painnes en pooient il recouvrer;
mais cil de dedens en avoient assés, qui leur
venoient d’autre part la rivière de Loire, de ces bons
15païs de Poito, de Saintonge et de la Rocelle.
§ 182. Quant li contes de Bouquighem et li Englès
eurent esté à siège devant la citté de Nantes deus mois
et quatre jours, et il veïrent que il n’en aroient autre
cose et que li dus de Bretaigne ne tenoit nulles de ses
20convenances, car il ne venoit ne n’envoioit deviers
eulx, si eurent conseil que il se deslogeroient de là,
car riens n’i faissoient, et se trairoient deviers Vennes,
et s’en iroient tout ensamble parler au duck, et voldroient
à celle fois savoir son entente. Adont fu sceu
25et nonchiet parmi l’ost au deslogier; si se deslogièrent
à l’endemain de l’an renoef, et chevauchièrent en
bataille et en ordenance, tout enssi que il avoient fait
parmi le roiaulme de France, et vinrent à leur departement
de Nantes che jour logier à Nord, et furent là
30pour eulx rafresquir trois jours. Au quatrime jour, il
se departirent et vinrent à Maide, et à l’endemain à
[25]25 Tillay, et à l’autre jour apriès à Bain; et là demorèrent
trois jours pour le pont qui estoit rompus. Si eurent
moult de mal au refaire, pour passer oultre et leur
carroy; toutesfois li pons fu refais bons et fors, et
5passa l’oost la rivière de Vollain, et fu par un samedi,
et vint logier à Lohiac, et là demora l’oost deus jours.
Et l’endemain, quant il se departirent de Lohiac, il
vinrent logier à Gors, et là demora l’oost deus jours,
et l’endemain au Maron, et là demora l’oost deus
10[jours], et à l’endemain à la Trenitté. Au departement
de la Trenitté, il passèrent la rivière d’Aust au pont de
Brehaing, et là demora oultre l’aige sus les plains li
host ce jour que il eurent passet la rivière.
Cil de la citté de Vennes estoient tout enfourmé par
15ceulx dou païs, que li contes de Bouquighem et li
Englès venoient celle part, et estoit leur entention que
de logier en la ville; si ne savoient comment il s’en
cheviroient dou laissier en leur citté ou non, et vinrent
deviers le duch qui estoit en Hainbon; mais ce jour
20que il venoient vers li, il encontrèrent le duch sus les
camps, enssi que à deus petites lieuwes de Vennes,
qui venoit celle part. Quant li dus de Bretaigne veï
ses bonnes gens de Vennes, il les conjoï et leur
demanda des nouvelles et où il alloient. [Il respondirent:]
25«Monsigneur, des nouvelles vous dirons
assés. Vechi le conte de Bouquighem et toute l’oost
des Englès, qui viennent celle part, et est leur entencion,
sicomme nous sommes enfourmé, que de logier
en vostre ville de Vennes. Si regardés que vous en
30vollés faire, car sans vostre mandement nous n’en
ferons noient; et ja ont il refait le pont à Brehain, que
on avoit romput sus la rivière de Aust.» Quant li
[26]26 dus oï ces parolles, il penssa un petit, et puis respondi:
«Dieux i ait part! Ne vous effraés ne soussiés
de riens. Les coses venront à bien: che sont gens qui
ne vous voellent nul mal. Je sui en aucunes coses tenus
5envers iaulx, et ai tretiés à eulx, lesquels il fault que
je porte oultre et que je m’en acquite. [Si] m’en vois
à Vennes, et demain je croi bien que il venront. Je
isterai contre le conte, mon frère, et li ferai toute
l’onneur que je porrai, car voir je i sui tenus. Dou
10sourplus vous ferés enssi que je vous consillerai: vous
li offerés et presenterés les clefs de la ville, et li dirés
que vous et la ville iestes tout rebrachiet et aparilliet
de l’i rechepvoir, sauf tant que vous li ferés jurer
que, quinse jours après ce que il en sera requis dou
15partir, il partira et vous rendera les clefs de la ville;
c’est tous li consaulx que je vous donne.» Li bourgois
de Vennes, qui chevauchoient dallés le duc, respondirent
enssi et dissent: «Monsigneur, nous ferons à
vostre ordenance.» Depuis chevauchièrent il tout
20ensamble jusqu’à Vennes, et là se loga li dus celle
nuit, et li Englès s’en vinrent logier à Saint Jehan, un
village seant à deus petites lieues de Vennes.
Che soir rechut lettres li contes de Bouquighem
dou duch qui li escripsoit comme à son chier frère,
25et li mandoit que ils estoit li bien venus en la
marce de Vennes. A l’endemain, quant li contes
eut oï messe et beu un cop, il monta à cheval,
et tout montèrent ses gens, et chevauchièrent moult
ordonnéement deviers la citté de Vennes, l’avant
30garde premiers, le conte de Bouquighem apriès en sa
bataille, et l’arierre garde ensieuant la bataille dou
conte. Enssi les encontra li dus de Bretaigne qui issi
[27]27 de Vennes à l’encontre de eulx bien une grant lieue;
et, quant ils et li contes s’encontrèrent, il se fissent
grant honneur. Apriès ces requelloites, qui furent
moult honnerables, et en chevauchant l’un dallés
5l’autre, le conte à destre et le duch à senestre, li
contes de Bouquighem entra en parolles, et dist:
«Sainte Marie! Biaux frère de Bretaigne, que nous
vous avons tant attendu devant Nantes, là estant au
siège, enssi que ordenance se portoit entre moi et vous,
10et [si] n’i estes point venus!»—«Par ma foi, respondi
li dus, monsigneur, je n’en ai peult autre cose
faire, et vous di que j’en ai esté trop durement courouchiés;
mais amender ne le pooie, car mes gens de
ce païs, pour cose que je aie sceu monstrer ne quels
15aliances que à leurs requestes [je aie] fait à vous, il
ne se sont volut traire avant pour aler au siège avoecques
vous devant Nantes; et se tiennent tout pourveu
sus les frontières li sires de Cliçon, li sires de Dignant,
li sires de Laval, li viscontes de Rohem et li sires de
20Rochefort, pour garder les entrées et issues de Bretaigne,
et tout cil qui s’estoient ahers et conjoint
avoecques moi, tant des chevaliers comme des prelas
et des bonnes villes, sont maintenant tout rebelle,
dont je sui trop grandement courouchiés, quant vous
25me trouvés, et par leur coupe, en bourde. [Si] vous
dirai, monsigneur, que vous ferés. Il est à present ou
plain de l’ivier, que il fait froit et mauvais ostoiier:
vous venrés à Vennes, et là tous tenrés tant c’à l’avril
ou au mai, et vous i rafresquirés; et je ordonnerai
30ossi de vos gens, et passeront le tamps au mieulx que
il poront, et de toutes ces coses nous nos revengerons
à l’esté.» Li contes respondi: «Dieux i ait part!»
[28]28 qui bien veï que il n’en pooit avoir autre cose. Si
l’amena li dus de Bretaigne en Vennes, et, à l’entrer
dedens, les gens de la ville furent aparilliet, qui se
misent en la presensse dou conte, et li dissent moult
5douchement et à nus chiés: «Monsigneur, pour la
reverence de vostre haute signourie et l’onneur de
vous, nous ne vous mettons nul contredit à entrer en
nostre ville, mais nous vollons, pour apaissier le peuple,
autrement vous ne seriés pas bien asegur, que vous
10nous jurés sus saintes evangilles, que, quinse jours
apriès ce que vous en serés requis, vous vos partirés
de ceste ville et ferés partir les vostres, et ne nous
ferés ne consentirés damage ne moleste.»—«Par
ma foi, dist li contes de Bouquighem, je vous le jure
15enssi, et le vous tenrai.» En apriès, les signeurs fissent
il ossi jurer sus leurs fois et sus saintes evangilles
de tenir le sierement que li contes avoit fait, et il s’i
acordèrent legierement, et faire leur convenoit, se il
ne voloient dormir as camps.
20Enssi fu li contes de Bouquighem logiés en la citté
de Vennes, et ses corps en l’ostel dou duch, un bien
plaissant castiel qui siet dedans la ville et est nommet
La Motte; et tout cil de sa bataille furent logiet en la
ville et ens es fourbours. Et li dus de Bretaigne s’en
25vint au Suseniot, et là se tint, mais à le fois il venoit
à Vennes veoir le conte, et avoient parlement ensamble,
et puis s’en retournoit [là d’]où il estoit partis. Li sires
de Lattiniers, li sires de Fil Watier, messires Thumas
de Persi, messires Thumas de Trivès et li avant garde
30devoient estre logiet en le ville de Hainbon; mais
onques on ne leur vault ouvrir les portes, et les convint
logier as camps et ens es fourbours. Messires
[29]29 Robers Canolles, messires Hues de Cavrelée, li sires
de Fil Warin et plusieur autre devoient ossi estre logiet
en la ville de Campercorentin; mais onques on ne
leur volt ouvrir les portes, et les convint logier ens es
5fourbours et as camps. [Messires Guillaume de Windesore
et chil de l’arière garde devoient ossi estre
logiet en la ville de Camperlé; mais onques on ne
leur volt ouvrir les portes, mais furent logiet ens
es fourbours et as camps]: si souffrirent et endurèrent,
10le terme qu’il furent là, moult de povretés et
de malaise, car, ce qui ne valloit que trois deniers, on
leur vendoit douse, encores n’en pooient il recouvrer.
Si moroient leurs chevaulx de froit et de povreté, et
ne savoient où aller en fourage, et, quant il i aloient,
15c’estoit en grant peril, car les tierres voisines leur
estoient toutes ennemies.
Li viscontes de Rohem a en le marce de Vennes de
fors castiaulx et grans: l’un appell’ on le Kaire, et
l’autre Commelin Guighant. En ces deus castiaulx
20avoit grant garnisson de par le visconte, qui portoient
trop de contraires as fourageurs englès, et en ruèrent
tamaint jus et ocirent, avoecques trois autres garnissons
au signeur de Cliçon, qui sont ossi en celle frontière:
Chastel Josselin, Montagut et Mont Contour. Et tout
25ce souffroit li dus de Bretaigne, et dissoit que il ne
le pooit amender, car voirement li connestables de
France, li sires de Cliçon, faissoit guerre pour le roi
de France et se tenoit sus le païs à grant gens d’armes,
de quoi li Englès ne s’ossoient ouvrir ne partir l’un de
30l’autre; et encores, tout consideret et regardet comment
il estoient logiet as camps à nulle deffensse, merveilles
fu que il ne rechurent plus de damages, car cil
[30]30 de Vennes soudainnement ne peuissent avoir conforté
chiaulx de Hainbon, ne cil de Hainbon [chiaulx] de
Camperlé, ne cil de Camperlé chiaulx de Campercorentin,
mais, au voir dire, li dus aloit au devant, et
5les deffendoit et gardoit de tout son pooir de estre
envaï ne asailli, et bien dissoit en son requoi et à son
conseil que foiblement et povrement, selonc che que
il leur avoit proumis, ils s’estoit acquittés envers le
conte et ses gens.
10§ 183. En che tamps estoient à Paris par deviers
le roi de France de par [le duch] envoiiet quatre
hault baron de Bretaigne qui li pourcaçoient sa pais,
c’est assavoir li viscontes de Rohem, messires Charles
de Dignant, messires Guis, sires de Laval et messires
15Guis de Rocefort; et l’avoient cil quatre baron de Bretaigne
en conseil, le conte de Bouquighem estant à
siège devant Nantes, enssi que efforciet et li avoient
remonstré par plusieurs fois moult sagement, en dissant
tels parolles: «Monsigneur, vous monstrés à tout
20le monde que vous avés le corage tout englois: vous
avés mis et amenés les Englès en che païs, qui vous
toldront vostre hiretage et toldroient, se il en estoient
au dessus. Quel pourfit ne plaisance prendés vous à
eulx tant amer? Regardés comment li rois de Navare
25se confioit en eulx, et les mist ens ou castiel et en le
ville de Chierebourc; onques depuis il ne s’en vorrent
partir ne ne partiront, mais le tenront comme leur
bon hiretage. Ossi, se vous les euissiés ja mis et
semés en vos villes fremées en Bretaigne, il ne s’en
30partesissent jamais, car tous les jours fuissent il rafresqui
de leurs gens. Regardés comment il tiennent
[31]31 Brest: il n’ont nulle volenté de [le] vous rendre, qui
est de vostre droit demainne et hiretage, [et n’est pas
dus de Bretaigne, qui n’est sires de Breth. Pensés ad
che que vous avez ung des biaux heritages] de crestienneté
5sans couronne, mais que vous soiiés amés de
vos gens. La duceé de Bretaigne et les gens d’icelli
païs ne relenquiroient jamais le roi de France pour
servir et estre au roi d’Engletière. Se vostre moullier
est d’Engleterre, que de ce? Vollés pour chou perdre
10vostre hiretage, qui tant vous a cousté de painne et
de traveil à l’avoir, et tousjours demorer en guerre?
Vous ne poés c’un homme, ou cas que li païs se voelt
clore contre vous. Laiiez vous consillier. Li rois de
France, espoir, que vous n’aviés pas bien à grasce,
15ne ils vous, est mors: il i a à present un jone roi de
bel et bon esperit, et tels haï le père, qui servira le
fil: nous vous ferons vostre pais envers li et metterons
à acord. Si demorrés sires et dux de Bretaigne et en
grant poissance, et li Englès s’en retourneront bellement
20en leur païx.» Tels parolles et pluiseurs [autres]
toutes coulourées avoient cil baron dessus nommet
par moult de fois remonstret au duch, et tant que il
l’avoient enssi que demi conquis à faire leur volenté;
mais encores se faindoit il et dissimulloit contre le roi
25de France et son conseil et contre les Englès, tant que
il verroit à quel fin il en poroit venir. Et de tous ces
tretiés secrés et convers que cil quatre baron de Bretaigne
qui estoient à Paris, faissoient deviers le roi et
ses oncles, ne savoient riens li contes de Bouquighem
30et li baron d’Engletière ne ne seurent jusques en fin
de ordenance. Mais, ansçois que il s’en perchussent
ne que il ississent hors de Bretaigne, il i eut un fait
[32]32 d’armes et une ahatie devant Vennes, present le conte
de Bouquighem et les signeurs qui là estoient, de
laquelle nous vous ferons mention, lesquels coses ne
font mies à oubliier ne à taire.
5§ 184. Avenu estoit, très le terme et le jour que
Gauwains Micaille et Janekins Kator fissent fait d’armes
devant le conte de Bouquighem et les signeurs, que,
avoec le dit Gauwain et en son sauf conduit et pour
veoir les armes, aucun chevalier et escuier de France
10estoient venu à Marceaunoi en la conté de Blois, et tant
que messires Renauls de Touars, sires de Poissances,
un baron de Poito, en prist parolles au signeur de
Vertaing, et dist que volentiers il feroit fait d’armes à
lui de trois pouls de lances, de trois cops d’espées et
15de trois cops de haces. Li sires de Vertaing ne le volt
mies refuser, mais li acorda, et les volt tantos faire
et delivrer le chevalier, à quel damage ne pourfit que
ce fust; mais li contes de Bouquighem ne le volt pas
consentir que adont il en fesissent riens. Nonpourquant
20les parolles des emprisses d’armes demorèrent
en pourpos des deus chevaliers; et tels parolles samblables
eurent là à ce jour à Marceaunoi uns escuiers
de Savoie, qui s’appelloit li bastars [de] Clarins, à
Edouwart de Biaucamp, fil à messire Rogier (mais
25tout se passèrent adont enssi li un comme li autre), et
li Gallois d’Aunai à monsigneur Guillaume Clinton, et
messires Lionnaulx d’Arrainnes à messire Guillaume
Franc.
Quant li contes de Bouquighem et li Englès furent
30logiet ens es fourbours de Nantes, sicomme chi dessus
est dit, cil chevalier et escuier dou costé des François
[33]33 estoient dedens Nantes. Si requissent li sires de Vertaing
et li autre de son lés et fissent requerre à cheulx
qui les avoient aparlé d’armes, que devant Nantes il
les vosissent delivrer. Les cappitainnes de Nantes
5n’eurent mies conseil de chela faire ne acorder, et
escusèrent leurs gens, et dissent que il estoient en
Nantes comme saudoiier et gagiet et ordonné pour
garder la ville. Ces parolles se passèrent tant que li
contes de Bouquighem fu venus et arrestés à Vennes,
10et li autre signeur à Hainbon, à Camperlé et à Campercorentin,
enssi que vous savés. Quant il furent là
asserissiet, messires Renauls de Touwars, messires li
Barrois des Barres, messires Lionniaulx d’Arrainnes
et grant fuisson de chevaliers et d’escuiers s’en vinrent
15au Castiau Josselin à set lieuwes de Vennes, où li connestables
de France se tenoit, et li contes de le Marce
et grant fuisson de chevaliers de France, qui volentiers
les veïrent et bellement les requellièrent. Adont s’esmurent
les parolles devant le connestable en remonstrant
20comment il avoient emprins tels et tels à faire
fait d’armes as Englès. Li connestables oï volentiers
ces parolles et dist: «Envoiiés deviers eulx, et nous
leur donrons sauf conduit de faire fait d’armes, se il
voellent venir.» Si envoiièrent premierement li Gallois
25d’Aunai et messires Lionniaux d’Arrainnes à ceulx
où il s’estoient ahati de faire fait d’armes et de assir
trois cops de glaves à chevalx. Quant messires Guillaumes
Clinton et messires Guillaumes Franc entendirent
que il estoient semons et requis des François à
30faire fait d’armes, si en furent resjoï, et emprissent
congiet au conte de Bouquighem et as barons d’Engletière
de là aler, et i alèrent, et aucun chevalier et
[34]34 escuier en leur compaignie, et joustèrent moult vaillanment
li Englès et li François, et fissent fait d’armes,
enssi que ordenance se portoit. Là furent requis de
messire Renault de [Touwars], de Jehan de Castiel
5Morant et dou bastart de Clarins, cescuns son chevalier
et son escuier, c’est à entendre li sires de Vertaing,
messires Jehans d’Aubrecicourt et Edouwars de Biaucamp.
Li troi Englès en estoient en grant volenté, et
voloient sus le sauf conduit dou connestable aler au
10Castiau Josselin.
§ 185. Quant li contes de Bouquighem [qui se tenoit]
à Vennes, entendi les requestes des François, si respondi
pour les siens et dist enssi au hiraut qui portoit
la parolle: «Vous dirés au connestable de France que
15li contes de Bouquighem li mande que il est bien ossi
poissans de donner et de tenir son sauf conduit as
François, comme il est de donner as Englès, et que
cil qui demandent à faire fait d’armes à ses gens,
viengnent à Vennes, et il leur donra, et qui que il
20voldront en leur compaignie, pour l’amour de euls,
venant et retournant, sauf conduit.» Quant li connestables
oï ceste response, il imagina tantos que li
contes de Bouquighem avoit droit, et que il voloit veoir
le fait d’armes, et che estoit raisons que otant bien il
25en euist à Vennes en sa presence comme il en avoit
eu à Castiel Josselin en le presensse de la sienne. Si
respondi, quant il parla, et dist: «Li contes de Bouquighem
parolle comme vaillans homs et fils de roi,
et je voel que il en soit à sa parolle. Or s’escripsent
30tout cil qui aler i voldront avoec les faissans d’armes,
et nous envoiierons querir le sauf conduit.» Tantost
[35]35 s’escripsirent chevalier et escuier jusques à trente:
si vint uns hiraus à Vennes querre le sauf conduit, et
on leur donna et seela de par le conte de Bouquighem.
Adont se departirent de Castiel Josselin li troi qui faire
5fait d’armes devoient, et tout li autre en leur compaignie,
et vinrent à Vennes et se logièrent, le jour
que il i vinrent, ens es fourbours, et leur fissent li
Englès bonne chière. A l’endemain, il s’ordonnèrent
pour combatre enssi que faire devoient, et vinrent en
10une belle place toute ample et toute ounie au dehors
de la ville. Assés tost apriès vinrent li contes de Bouquighem,
li contes d’Askesuffort, li contes de Douvesciere
et li baron qui là estoient, en sa compaignie, et
cil qui faire devoient fait d’armes: premierement li
15sires de Vertaing contre Renault de Touwars, signeur
de Poussances; apriès, messires Jehans d’Aubrecicourt
contre messire Tristran de le Galle, et Edouwars de
Biaucamp contre le bastart de Clarins. Là se missent
sus le place li François tout d’un lés, et li Englès
20d’autre; et cil qui devoient jouster estoient à piet et
armet de toutes pièces, de bacinès à visière et de
glaves à bon fiers de Bourdiaulx, et d’espées de Bourdiaulx
tous pourveus. Or s’ensieuent li fait d’armes.
§ 186. Premierement li sires de Poussances, de
25Poito, et li sires de Vertaing, de Hainnau, doi baron
de haute emprisse et de grant hardement, s’en vinrent
l’un sus l’autre et tout à piet, tenant les glaves acerées,
et passèrent le bon pas, et noient ne s’espargnèrent,
mais assissent les glaves l’un sus l’autre en poussant.
30Li sires de Vertaing fu ferus sans estre blechiés en
char, [mès il feri par tele manière le sire de Poussances
[36]36 que il] trespercha les mailles et le poitrine d’achier
et tout ce qui desouls estoit, et traïst sanc de sa char:
che fu grant mervelles que il ne le navra plus parfont.
Apriès recouvrèrent il les autres cops et fissent toutes
5leurs armes sans damage, et puis allèrent reposer, et
laissièrent faire les autres et les regardèrent. Apriès
vinrent messires Jehans d’Aubrecicourt, de Hainnau,
et messires Tristans de la Galle, poitevin, et fissent
les armes moult vaillanment sans point de damage;
10et, quant il eurent fait, il passèrent oultre. Et adont
vinrent li autre, Edouwars de Biaucamp et li bastars
de Clarins, de Savoie. Cils bastars estoit uns escuiers
durs et appers et trop mieulx fourmés de tous membres
que li Englès ne fust: si vinrent l’un sus l’autre de
15grant volenté, et assissent les glaves en leurs poitrines
en poussant et tant que Edouwars fu boutés jus et
reversés, dont li Englès furent moult courouchiet.
Quant il fu relevés, il reprist son glave et s’en vint sus
Clarin, et Clarins sur lui. Encores de rechief le bouta
20li Savoiiens jus à la terre, dont furent li Englès moult
courouchiet, et dissent: «Edouwars est trop foibles
contre cel escuier; li diable le font bien ensonniier de
jouster.» Adont fu il pris entre iaulx, et fu dit que il
n’en feroit plus. Quant Clarins en veï le manière, qui
25desiroit à parfaire ses armes, si dist: «Signeur, vous
me faites tort, et puisque vous vollés que Edouwars
n’en face plus, si m’en bailliés un autre, auquel je
puisse parfurnir mes armes.» Li contes de Bouquighem
volt savoir que Clarins dissoit; on li dist.
30Dont respondi li contes, et dist que li François parloit
bien et vaillanment. Adont sailli tantost avant uns
escuiers englès, qui fu depuis chevaliers, qui s’appelloit
[37]37 Janekins Setincelée, et vint devant le conte et s’engenoulla
et li pria que il peuist parfaire les armes. Li
contes li accorda. Lors se mist Jankins en arroi et
s’arma en la place de toutes pièces, enssi comme à lui
5appartenoit, et prist son glave, et li bastars de Clarins
la sienne; et vinrent en poussant l’un sus l’autre moult
asprement, et se poussèrent che premier cop de tel
façon que les deus glaves vollèrent en tronchons par
dessus leurs testes. Adont [recouvrèrent] il le second
10cop, et enssi en avant et enssi dou tierch. Toutes leurs
siis lances furent rompues, dont li signeur de une part
et d’autre, qui les veoient, tenoient che fait à biel.
Adont prisent il les espées qui estoient fortes, et en
siis cops il en rompirent quatre, et voloient ferir des
15haces, mais li contes de Bouquighem leur osta, et dist
que ils ne les voloit pas veoir en oultrance et que
assés en avoient fait. Si se traïssent arrière, et lors
vinrent li autre, Jehans de Castiel Morant, françois, et
Janekins [Clinton], englois: si se apparillièrent pour
20faire fait d’armes.
§ 187. Chils Janekins [Clinton] estoit escuiers d’onneur
au conte de Bouquighem et le plus prochain que il
euist pour son corps, mais il estoit deliés et menus de
membres: si desplaissoit au conte de ce que il avoit
25à faire à un si fort et renommé homme d’armes comme
Jehan de Castiel Morant estoit. Nonobstant il furent
mis en l’assai, et vinrent l’un sus l’autre moult asprement;
mais li Englès n’eut point de durée au François,
anchois fu en poussant jettés à tière moult durement.
30Si dist li contes: «Il ne sont pas parel ensamble.»
Adont vinrent à Janekin [Clinton] aucun chevalier dou
[38]38 conte, et li dissent: «Janekin, vous n’estes pas tailliés
de porter oultre ces fais d’armes, et messires de Bouquighem
est courouchiés de vostre emprise: alés
vous reposer.» Adont se retraïst de une part li Englès,
5et quant Jehans de Castiel Morant en veï le manière,
si dist as Englès: «Signeur, se il vous samble que li
escuiers vostres soit trop menus contre moi, si m’en
bailliés un autre à vostre plaisir, et je vous em priie,
par quoi je parface ce que j’ai empris, car on me feroit
10tort et villonnie, se je me partoie de chi sans faire
fait d’armes.» Dont respondirent li connestables et li
mareschaulx de l’oost: «Vous dites bien et vous
l’arés.» Adont allèrent il au tour as chevaliers et as
escuiers de leur costé, qui là estoient, et leur dissent:
15«Qui s’avance de delivrer Jehan de Castiel Morant?»
A ces parolles respondi tantos messires Guillaumes de
Ferrinton, et dist: «Dittes li que il ne se puet partir
de chi sans faire fait d’armes; il s’en voist reposser un
petit en sa caiière, et tantost sera delivrés, car je
20m’armerai contre li.» Ceste response plaissi grandement
à Jehan de Castiel Morant, et s’en ala seoir et
un petit reposer. Tantost fu armés li chevaliers englès
et vint en place.
§ 188. Or furent l’un devant l’autre messires Guillaumes
25de Ferrinton et Jehans de Castiel Morant, pour
faire fait d’armes. Cescuns prist son glave et apuigna
moult roidement, et devoient de courses venir de piet
l’un contre l’autre et assir les glaves entre les quatre
menbres: autrement à prendre li afaires estoit villains.
30Adont s’en vinrent il de grant volenté, armé au vrai
de toutes pièces et le carne dou bacinet abatu et
[39]39 arresté. Jehans de Castiel Morant assegna le chevalier
moult gentement et li donna grant horion enmi le poitrine
tant que messires Guillaumes de Ferrinton fleca
et, à ce qu’il fist et que li piés li falli un petit, il tenoit
5son glave roit devant li à deus mains, si l’abaissa, car
amender ne le peut, et consieuwi Jehan [de] Castiel
Morant bas en es quisseus et li percha dou glave les
pans tout oultre et les quisieus, [et] li bouta le fier
dou glave tout parmi le quisse tant que il apparoit
10oultre d’aultre part bien une puignie. Jehans de Castiel
Morant pour le cop canchela, mais point ne cheï. Adont
furent li signeur englès et chevalier et escuier de une
part et d’autre moult durement courouchiet, et fu dit
que c’estoit villainement poussé. Li chevaliers s’escusa
15et dist que che li desplaisoit très grandement, [et], se
il cuidast, au commenchement des armes, avoir ainssi
ouvré, il n’euist encores commenchié, et, que, se Dieux
li aidast, il ne l’avoit peut amender, car il glicha dou
piet pour le grant pous que Jehans de Castiel Morant
20li avoit donné. Si demora la cose enssi. Li François se
departirent et prissent congiet au conte de Bouquighem
et as signeurs, et en remenèrent en une litière Jehan
de Castiel Morant jusques au Castiel Josselin, dont il
estoit parti, liquels fu de che cop et de la navrure
25en grant peril de mort. Enssi se departirent cil fait
d’armes, et se retraïst cascuns en son lieu, li Englès
à Vennes, et li François au Castel Josselin.
§ 189. Apriès ces fais d’armes qui furent fait en che
jour que li contes de Bouquighem sejournoit à Vennes,
30n’i eut riens fait cose que à recorder face, et se tenoient
li Englès, enssi comme jou ai chi dessus dit, à Vennes,
[40]40 à Hainbon, à Camperlé et à Campercorentin, et passoient
l’ivier au mieux que il pooient. Si i eurent li
pluiseur moult de damages, de dangiers et moult de
malaisses de vivres pour eulx et pour leurs chevaulx,
5car li fourageur ne trouvoient riens sus le païs, et ossi
en che tamps là les grangnes sont vuides, li fain sont
alet, avoecques che que li François i avoient rendu
grant painne, affin que leur ennemi n’euissent aisse; et
furent li Englès en che dangier moult longuement, car
10li François estoient en es garnissons sus les frontières
trop poissanment, par quoi li fourageur englès n’osoient
chevauchier. [Si] vinrent as Englès aucuns vivres de
mer des illes de Cornuaille et de Gernesée et de Wisque,
et chela les reconforta moult: autrement eulx et leurs
15chevaulx fuissent tout mort de famine.
Entrues estoient à Paris, de par le duch de Bretaigne,
li viscontes de Rohem, li sires de Laval, messires
Charles de Dignant et messires Guis de Rocefort,
qui li procuroient sa pais envers le roi. Il les laissoit
20convenir, car il veoit bien que il ne pooit tenir son
convenant as Englès [de] che que il leur avoit proumis,
se il ne voloit perdre son païs. Che estoit le intention
dou conte de Bouquighem et de ses gens que il
passeroient là l’ivier en la marche de Vennes au plus
25bel que il poroient, et à l’esté il retourneroient en
France et i feroient guerre; et avoient mandet et
escript tout leur estat au roi d’Engletière et au duc de
Lancastre: si estoit li intention dou duc et dou conseil
dou roi que li imaginations dou conte de Bouquighem
30et de leurs gens estoit bonne, et leur avoient rescript
que il fesissent enssi et que à le saisson uns passages
des Englès se feroit de rechief en Normendie, et
[41]41 prenderoient tière à Chierebourc, et se trouveroient ces
deus os en Normendie, pour quoi, quant il seroient
tout ensamble, il poroient faire un très grant fait en
France. Li rois de France, si oncle et li consaulx imaginoient
5bien tous ces poins, et en estoient aucunement
avisset et enfourmet, et dissoient bien entre
iaulx en secré conseil que, se li dus de Bretaigne et
aucunes de ses villes et ses gens estoient contraire au
roiaulme de France avoecques le poissance d’Engletière,
10li roiaulmes de France aroit pour une saison à
porter trop dur fais. Pour quoi cil quatre baron de
Bretaigne, qui representoient le duc et qui concevoient
bien tous ces affaires, avoient mis ces doubtes avant,
et especiaulment il s’en estoient descouvert au duc
15d’Ango qui avoit le souverain gouvrenement pour le
tamps dou roiaulme de France; et li dus d’Ango qui
tendoit à faire un grant voiage et de aller au plus tart
dedens deus ans en Puille et en Callabre, ne voloit
mies que li roiaulmes de France fust si ensongniés
20que ses voiages en fust rompus ne retardés: si s’enclinoit
grandement à che que li dus de Bretaigne venist
à paix, affin que il demorast bons François et loiaulx
et homs de foi et d’omage dou roi de France.
Tant fu parlementé et tretiet par les quatre barons
25dessus nommés que li dus de Bretaigne vint à acort,
et pooit, et sans fourfait, adrechier les Englès de navire
pour raler en Engletière. Encores mist li dus de Bretaigne
en ses ordenances que, se chil de le garnisson
de Chierebourc, qui estoient en che voiage venu servir
30le conte de Bouquighem, s’en voloient par tière
raler en leur garnison, il aroient bon sauf conduit dou
roi et dou connestable de France, pour faire leur
[42]42 chemin parmi le roiaulme de France, voires à chevauchier
sans armeures, et aucun chevalier et escuier
d’Engletière, se il se voloient mettre en leur compaignie;
et, les Englès partis de Bretaigne, li dus de
5Bretaigne devoit venir en France deviers le roi et ses
oncles et recongnoistre foi et homage dou roi, enssi
que uns dus de Bretaigne doit faire à son naturel
signeur le roi de France. Toutes ces coses furent
escriptes et seellées bien et souffissanment, et aportées
10deviers le duch de Bretaigne, qui pour le tamps
se tenoit au Suseniot en la marce de Vennes: si s’acorda,
mais che fu à dur, à che que ses gens en avoient fait,
car bien [savoit] que il ne pooit che faire sans avoir
grant mautallent as Englès.
15§ 190. Quant li connissance vint au conte de Bouquighem
et as Englès que li dus de Bretaigne s’estoit
accordés au roi de France, si en furent moult courouchiet
et se contemptèrent moult mal de li, et dissent
que il les avoit [deceus], car de commenchement il les
20avoit mandés et fait venir en Bretaigne, et onques,
enssi que il deuist avoir fait, il n[e s’]estoit acquités
envers eulx: pour quoi il en tenoient mains de bien
et de loiauté. Assés tost apriès, li dus de Bretaigne
vint à Vennes deviers le conte et les barons, et leur
25remonstra couvertement coment ses gens avoient
tretiet et pourcaciet à Paris deviers le roi et ses oncles
tretiés, lesquels il convenoit que il fesist et tenist, se
il ne voloit perdre son païs. Adont eut grandes parolles
30entre le conte de Bouquighem et les barons d’Engletière
d’une part, et le duc de Bretaigne d’autre, mais
li dus s’umelioit et escusoit ce qu’il pooit, car bien
[43]43 veoit et sentoit que il avoit en aucunes manières tort.
Toutefois faire le convenoit que li Englès partesissent
hors de Bretaigne. Adont fist li contes de Bouquighem
asavoir parmi la citté de Vennes que, se ses gens
5avoient riens acrut, on se traïsist avant, on seroit
paiiet, et rendi as bourgois de Vennes les clés de la
ville, et les remercia de ce que il avoient fait. On
delivra au conte et à ses gens pour leurs deniers
navire à Vennes, à Hainbon et à Camperlé, là où il
10estoient logiet, et se parti de Vennes li contes de Bouquighem
le onsime jour dou mois d’apvril, et toutes
ses [gens], banières desploïes en ordenance de bataille.
Et vinrent enssi sus le havene où leurs nefs estoient;
si entrèrent dedens ordenéement et furent là ou havene
15tout le jour à l’ancre. Et là vint li dus de Bretaigne,
messires Alains de la Houssoie, li sires de Montbouchier,
messires Estièvenes Guion, messires Guillaumes
de Tannegui, messires Joffrois de Karemiel et pluiseurs
aultres de son conseil, et envoiièrent deviers le
20conte qui estoit en sa nef, dire que li dus volloit parler
à lui. Li contes n’i volt mies venir, mais i envoiia
le signeur de Latinier et messire Thumas de Persi.
Chil doi vinrent parler au duc de Bretaigne, et furent
ensamble en parlement bien trois heures, et fu ordonné
25des Englès à leur departement que il feroient tant
deviers le conte que à l’autre jour ils et li dus aroient
plus de parlement ensamble, et revinrent sus cel estat
en leur nef, et remonstrèrent tout ce au conte et quel
cose il avoient trouvé ou duc de Bretaigne. Quant che
30vint apriès mienuit et li flos revint, li maronnier
eurent vent à volenté: si demandèrent au conte quel
cose il voloit faire. Li contes, qui ne voloit plus avoir
[44]44 de parlement au duc de Bretaigne, dist: «Tirés les
ancres amont, avallés le cable, et partons nous.» Tantos
fu fait et desancré. Adont se departirent li Englès
dou havene de Vennes, et singlèrent vers Engletière.
5Ossi fissent chil des autres havenes et pors: tout se
remissent sus le mer ensamble.
Or parlerons nous d’aucuns chevaliers et escuiers
qui retournèrent par tière à Chierebourc, et recorderons
quel cose leur avint sur leur chemin par tière.
10§ 191. Li connestables de France, qui pour che
tamps se tenoit au Chastiel Josselin à set lieuwes priès
de Vennes, avoit donné sauf conduit de aller leur chemin
deboinairement aucuns chevaliers englès et navarois
de la garnisson de Chierebourc, qui avoient en
15che voiage servi le conte de Bouquighem, entre lesquels
messires Yon Fils Warin, messires Guillaumes
Clinton et messires Jehans Burlé estoient. Et se partirent
chil de Vennes, et prissent le chemin de Castiel
Josselin, car c’estoit leur voie, et vinrent là, et se
20logièrent en la ville au dehors dou castiel, et ne quidoient
ne voloient fors que disner, et tantos partir.
Quant il furent descendu à leur hostel, enssi que gens
passans qui se voloient delivrer, li compaignon dou
castiel, chevalier et escuier, les vinrent veoir, enssi
25que gens d’armes s’entrevoient volentiers, especiaulment
François et Englès. Entre les François avoit un
escuier, bon homme d’armes et renommé, liquels
estoit à monsigneur Jehan de Bourbon, le conte de
le Marce, et le plus prochain que il euist et de ses
30escuiers que il amoit le mieulx, et s’appelloit cils
Jehans Boucinel. Chils escuiers avoit dou tamps passé
[45]45 esté en garnisson en [Valongne] avoecques messire
Guillaume des Bordes et les Franchois à l’encontre de
Chierebourc, et avoit eu de ce tamps parolles de fait
d’armes par pluiseurs fois à un escuier englès qui là
5estoit, qui s’apelloit Nicolas Cliffort. Quant cil chevalier
et escuier françois furent venu au bourc bas à
l’ostel où cil Englès estoient, et que il eurent parlé
ensamble et regardé et avissé l’un l’autre, Jehans
[Boucinel] commencha à parler et dist à Nicollas Cliffort:
10«Nicollas, Nicollas, par pluiseurs fois nous sommes
nous heriiet et devisset à faire fait d’armes, et
point ne nous sommes nous trouvé en place, où nous
le puissons faire. Or sommes nous maintenant chi
dallés monsigneur le connestable et les signeurs: si
15les ferons tant seullement, et je vous en requier de
trois pous de lanche.» Nicollas respondi à celle
parolle, et dist: «Jehan, vous savés que nous sommes
enssi que pelerin sus nostre chemin, ou sauf conduit
de monsigneur le connestable, et que ce que vous me
20requerés ne se puet faire maintenant, car je ne sui
pas chiés dou sauf conduit, mais sui desoulx ces
chevaliers qui chi sont, et, se je voloie demorer, si
ne demoroient il pas, se il ne leur venoit bien à
point.» Respondi li escuiers françois, et dist: «Nicollas,
25ne vous escusés point par che parti: laissiés vos
gens partir, se il voellent, car je vous ai en convenent,
les armes faittes, [que] je vous ferai remettre en
la porte de Chierebourc sans damage et sans peril;
anchois vous i conduiroie que vous n’i fuissiés sauvement
30menés, et de tout che je me fai fors de monsigneur
le connestable.» Dont respondi Nicollas, et si
dist: «Or prendés que enssi fust, et dou mener je
[46]46 vous croi assés; mais vous veés que nous chevaucons
parmi che païs tous despourveus d’armeures, et n’en
avons nulles avoecques nous, ne, se je me volloie
armer, je n’ai de quoi.»—«Ha! respondi Jehans,
5Nicollas, ne vous escussés point par ce parti, car je
vous dirai que je vous ferai: je ai des armeures assés
en mon commandement; je vous ferai aporter en le
plache où nous ferons fait d’armes, deus harnas tous
ievols, otels les uns comme les autres, et, quant il
10seront là mis et couchiés, vous les regarderés et avisserés,
et lequel que vous vollés, je vous mech à coes,
vous eslirés et prenderés, et de cheli vous vos armerés,
et de l’autre je m’armerai.» Quant Nicollas Cliffors
se veï argués et pointiiés si avant, si fu tous
15virgongneus et honteuls pour ceuls d’environ qui escoutoient
les parolles, et li sambloit bien que chils li offroit
tant de coses, que il ne le pooit pour son honneur
refuser, car encores li dissoit Jehans: «Prendés tous
les partis que vous vollés: je m’i asentirai avant que
20nous ne fachons fait d’armes.» Et tant que Nicollas li
respondi: «J’en arai avis, et, anchois que je me
parte, je vous en segnefierai aucune cose, et, se il est
enssi que che ne se puist faire bonnement maintenant
et que mi signeur qui chi sont, desous qui je sui, ne
25le me voellent accorder, moi retourné à Chierebourc,
traiés vous à [Valongne], segnefiiés moi vostre venue
tantos, et incontinent je m’en irai vers vous, et vous
delivrerai.»—«Nenil, nenil, dist Jehans, n’i querés
nulle eslonge; je vous ai offert tant de honnerables
30offres que nullement vous ne vous poés partir à vostre
honneur, se vous ne faites chi fait d’armes, quant je
vous en requier.» Encores fu Nicollas de ces parolles
[47]47 plus courouchiés que devant, car il li sambloit, et voirs
estoit, que chils parloit grandement contre son honneur.
A ces cops se retraïssent li François ens ou castiel,
et li Englès se retraïssent à leurs hostels, et se disnèrent.
5Quant li compaignon françois, chevaliers et
escuiers, furent retourné ens ou chastiel, vous poés
bien croire et savoir que il ne se teurent pas des parchons
d’armes que Jehans Boucinel avoit faites et
presentés à Nicollas Cliffort, et tant que li connestables
10en ot la connissance. Si penssa sus un petit, et lors li
priièrent li chevalier et li escuier qui là estoient, que
il vosist rendre painne à che que chils fais d’armes se
fesist, et li connestables, quant il les oï, respondi:
«Volentiers.»
15§ 192. Quant che vint apriès disner, li chevalier
d’Engletière, qui là estoient et qui partir se voloient,
s’en vinrent ou castiel deviers le connestable, pour
l’i veoir et parler à lui, car il leur devoit baillier dou
mains un chevalier qui les devoit conduire et mener
20tout leur chemin parmi Bretaigne et Normendie jusques
à Chierebourcq. Quant il furent venu ou castiel, li
connestables les rechut moult doucement, et puis leur
dist: «Je vous arreste tous, et vous deffens à non
partir meshui. Demain au matin, apriès messe, nous
25verrons ce fait d’armes de vostre escuier et dou nostre,
et puis vous vos disnerés avoecques moi. Le disner
fait, vous vos partirés, et vous baillerai bonnes gides
qui vous menront tant c’à Chierebourc.» Il li accordèrent
et burent de son vin, et puis s’en retournèrent
30à leurs hostels.
Or s’avissent li doi escuier Jehans et Nicollas car il
[48]48 convient que au matin il facent fait d’armes: jamais
n’en [seront] deporté. Quant che vint au matin, tout
doi furent ensamble à une messe et se confessèrent et
acumeniièrent; et puis montèrent aus chevaulx li
5signeur de France de une part, et li Englès d’aultre,
et s’en vinrent tout ensamble en une belle place et
ounie au dehors dou Castiel Josselin, et là s’arrestèrent.
Jehans [Boucinel] avoit pourveu deus harnois
d’armes bons et souffissans, enssi que li affaires demandoit
10et que promis à l’escuier englès avoit: si les fist
là tout parellement estendre et mettre sus la terre, et
puis dist à Nicollas: «Prendés premiers.»—«Par
[ma] foi, respondi li Englès, non ferai. Vous prenderés
premiers.» Là convint que Jehans presist premiers,
15et s’arma de toutes pièces parmi ce que on li aida,
enssi que uns homs d’armes se doit armer: ossi fist
Nicollas. Quant il furent tout armé, il prissent les
lances à bons fiers de Bourdiaux, qui estoient tout de
une longueur, et se mist cascuns où il se devoit
20mettre pour venir de courses et faire fait d’armes; et
avoient avalés et clos les carnes de leurs bacinès, et
puis s’en vinrent pas pour pas l’un contre l’autre.
Quant il deurent aprochier, il abaissièrent les glaves
et les missent en point pour adrechier l’un sus l’autre.
25Tout dou premier cop, Nicollas Cliffort consieuwi de
son glave Jehan Boucinel en le poitrine d’achier amont:
li fiers de glave coulla oultre à l’autre lés et ne se prist
point à le plate d’achier, mais escippa amont en coullant
tout oultre le camail qui estoit de bonnes mailles,
30et li entra ou col et li coppa la vainne orginal et li
passa tout oultre à l’autre lés, et rompi li hanste dallés
le fier, et demora li fiers et li tronçons ens ou hateriel
[49]49 de l’escuier, qui estoit de che cop navrés à mort, che
poés vous bien croire. Li escuiers englès passa oultre
et mist sa lance jus, qui estoit brissie, et s’en revint
viers sa caiière. Li escuiers françois, qui se sentoit
5ferus à mort, s’en alla jusques à sa caiière et là s’asist.
Li signeur de son [costé], qui avoient veut le cop et
qui li veoient porter le tronçon ou hateriel, vinrent
celle part: on li osta tantos le bacinet et li osta on le
tronçon et le fier. Sitretos comme il l’eut hors dou
10col, il tourna d’autre part sans riens dire, et ceï là et
morut, ne onques li escuiers englès qui venoit là le
cours pour li aidier, car il savoit parolles qui faissoient
estanchier, n’i peut venir à tamps que il ne le trouvast
mort. Lors n’eut en Nicollas Cliffort que courouchier,
15quant il veï que par telle mesavenue il avoit
mort un vaillant homme et bon homme d’armes. Qui
veïst là le conte de la Marce, qui amoit l’escuier mort
sus toutes riens, courouchier et dementer et regreter,
il en peuist et deuist avoir grant pité. Li connestables
20de France, qui estoit là presentement, le reconfortoit
et dissoit: «En tels ahaties ne doit on atendre autre
cose. Il est mesavenu à vostre escuier, mais li Englès
ne le peut amender.» Adont dist il as chevaliers d’Engletière:
«Alons, alons disner; il est heure.» Li
25connestables, enssi que maugré eulx, les enmena ou
castiel pour disner avoecques li, car il n’i voloient
aller, tant estoient il courouchiet de la mort de celli.
Li contes de la Marce ploroit moult tenrement et regretoit
son escuier. Nicollas Cliffort s’en vint à son hostel
30et ne voloit nullement aler ou castiel disner, tant
pour le grant courous que il avoit pour le mort de
celli que pour les amis et proïmes de l’escuier, mais li
[50]50 connestables l’envoiia querre, et le convint venir ou
quastel; et, quant il fu devant li, il li dist: «Certes,
Nicollas, je croi assés, et bien le voi, que vous estes
courouchiés de la mort Jehan Bouchinel, mais je vous
5en escuse. Vous ne l’avés peut amender, et, se Dieux
me vaille, se je euisse esté ou parti où vous estiés,
vous n’en avés fait cosse que je n’euisse fait, car mieulx
vault grever son ennemi que ce que on soit grevé de
li. Telles sont les parechons d’armes.» Adont s’asist
10on à table: si disnèrent li signeur tout par loissir.
Apriès disner et le vin pris, li connestables appella
monsigneur le Barrois des Bares, et li dist: «Barrois,
ordonnés vous. Je voel que vous conduissiés ces Englès
jusques à Chierebourc, et faites partout ouvrir villes
15et chastiaulx et eulx amenistrer che qui leur besongne.»
Li Barrois respondi et dist: «Monsigneur, volentiers.»
Adont prissent li Englès congiet au connestable
de France et as chevaliers qui là estoient. Si vinrent à
leurs hostels: tout estoit tourset et apparilliet; si
20montèrent et partirent de Castiel Josselin, et chevauchièrent
devant eulx pour aler à Pont Ourson et au
Mont Saint Miciel. Et estoient ou convoi et en le garde
de che gentil chevalier le Barrois des Barres, qui
onques ne les laissa, ne en Bretaigne, ne en Normendie,
25si furent rentré en Chierebourc. Enssi se departi
li armée dou conte de Bouquighem par mer et par
terre.
Or revenrons nous as besongnes de Flandres et
conterons quels coses estoient avenues en Flandres en
30la saisson que li contes de Bouquighem fist son voiage
parmi France, et comment cil de Gaind se maintinrent,
et ossi d[ou c]onte Loeïs de Flandres, leur signeur,
[51]51 comment il persevera sur iaulx et leur fist guerre
moult forte durement.
§ 193. Bien est verités que li contes de Flandres à
che commenchement n’amiroit et ne doubtoit les Gantois
5que trop petit, et les pensoit bien tous à sousmettre
par sens et par armes petit à petit, puis que
Jehans Lions et Jehans Prouniaulx estoient mort; mais
li Gantois avoient encores des grans cappitainnes
ens esquels il avoient grant fiance et par lesquels
10il ouvroient dou tout. Et estoit Rasses de Harselle
cappitains de ceulx de le castellerie de Gaind,
et Jehans de Launoit, cappitaine de la castellerie
de Courtrai; encores i estoient cappitainne Jehans
Boulle, Piètres dou Bois, Ernouls Clercq et Piètres le
15Wittre.
En che tamps s’esmut uns contens et uns mautallens
entre les gros et les menus de Bruges, car li
menut mestier voloient faire à leur entente, et li gros
ne le peurent souffrir: si revelèrent, et en i ot de
20foulons et de tisserans mors une quantité, et li demorant
s’apaissièrent. Adont mandèrent chil de Bruges
le conte qui estoit à Lille, que pour Dieu il venist vers
eulx, car il le tenoient à signeur, et estoient mestre
des petis. Li contes de Flandres entendi volentiers ces
25nouvelles et se departi de Lille, messire Guillaume de
Namur en sa compaignie et grant fuisson de chevaliers
et d’escuiers de Flandres, et s’en vint à Bruges,
où il fu receus à grant joie parmi le bon conseil que il
eut adont; et furent pris à Bruges à la venue dou
30conte tout cil principaulment qui avoient les cuers
gantois [et] qui en estoient souppechonné de l’avoir,
[52]52 et en furent mis en le Pière en prison plus de cinc
cens, lesquels petit à petit on decolloit.
Quant cil dou Franc de Bruges entendirent que li
contes estoit paisiulement à Bruges, si se doubtèrent
5et se missent tantos en le merci dou conte, liquels les
prist et en eut grant joie, car ses pooirs encroissoit
tous les jours, et ossi chil dou Franc ont esté toudis
plus de la partie dou conte que tous li demorans de
Flandres.
10Quant li contes se veï au dessus de ceuls de Bruges
et dou [Franc], et que il avoit desouls li chevaliers et
escuiers dou païs de Hainnau et d’Artois, si se avissa
que petit à petit il reconquer[r]oit son païs et pugniroit
les rebelles. Et premierement il ordonna et dist
15que il voloit aler veoir cheulx de Ippre, car il les haioit
trop grandement de che que il ouvrirent les portes si
legierement as Gantois, et dist bien que cil qui che
tretiet avoient fait que de mettre ens ses ennemis et
de occire ses chevaliers, le compa[r]roient crueussement,
20mais que il en peuist estre au dessus. Adont
fist il un mandement parmi le Franc de Bruges que
tout fuissent apparilliet, car il voloit aler devant Ippre.
Ces nouvelles vinrent à Ippre que li contes, leurs
sires, s’ordonnoit pour euls venir veoir et asaillir: si
25eurent conseil de segnefiier ces nouvelles à ceuls de
Gaind, adfin que il leur envoiaissent gens et confort,
car il n’estoient mies fort assés de euls tenir sans l’aide
des Gantois, qui leur avoient juret et proumis secours
toutesfois que il leur besongneroit. Si envoièrent
30quoiteusement lettres et mesages à Gaind as cappitainnes,
et leur segnefiièrent l’estat dou conte, comment il les
manechoit de les venir assegier et assaillir. Chil de
[53]53 Gaind regardèrent que il estoient tenu par foi et par
proumesse de iaulx conforter: si avissèrent premierement
deus cappitainnes, Jehan Boulle et Ernoul Clerc,
et leur dissent: «Vous prenderés trois mille hommes
5des nostres et en irés hastéement à Ippre et reconforterés
cheulx de Ippre enssi que nos bons amis.» Tantos
à ceste ordennance se departirent de Gaind tous
cil qui ordonné i furent; li troi mille s’en vinrent à
Ippre, dont cil de la ville eurent grant joie. Li contes
10de Flandres issi de Bruges à tout grans gens, et s’en
vint à Tourout et à l’endemain à Popringhe, et là
sejourna trois jours tant que toutes ses gens furent
venu, et estoient bien vint mille hommes.
§ 194. Chil de Gaind, qui savoient bien tous ces
15convenans et comment li contes voloit poissanment
aler devant la ville de Ippre, regardèrent que il asambleroient
leur poissance et s’en iroient par Courtrai
vers Ippre, et feroient vuidier cheulx de Ippre, et
combateroient le conte et ses gens, et, se il les pooient
20une boine fois ruer jus, jamais ne se relleveroit.
Adont se departirent de Gaind toutes les cappitaines,
Rasses de Harselle, Piètres dou Bois, Piètres le Wittre,
Jehans de Launoit et pluiseurs autres qui estoient centenier
et chiequantenier, par perroces, et se trouvèrent
25as camps plus de noef mille, et cheminèrent tant que
il vinrent à Courtrai où furent recheu à joie, car
Jehans de Launoit en estoit cappitains. Li contes de
Flandres, qui se tenoit à Popringhe et là environ,
entendi que chil de Gaind venoient vers Ippre et que
30ja estoient il à Courtrai: si eut sur che avis et tint
toutes ses gens ensamble. Chil de Gaind, qui estoient
[54]54 venu à Courtrai, s’en partirent, et s’en vinrent à
Roullers, et là s’arestèrent et envoiièrent dire à cheulx
de Ippre que il estoient là venu, et que se il voloient
issir hors à tous ceuls que il leur avoient envoiiés,
5il se trouveroient gens assés pour aler combatre le
conte. De ces nouvelles furent cil de Ippre tout resjoï
et en grant vollenté de che faire, enssi que il le
monstrèrent, et se partirent tantos au matin plus de
huit mille, et les conduissoient Jehans Boulle et Ernouls
10Clerc.
Li contes de Flandres et ses pooirs qui se tenoit en
celle marce, ne sai comment che fu ne par quelle incidensse,
seut que cil de Ippre estoient issu de le ville,
pour euls venir bouter avoec ceulx de Gaind qui
15estoient à Roullers. Si ordonna sus un passage, dont
il estoit tous certains par où chil de Ippre passeroient
et non par ailleurs, deus grandes et grosses enbusques
de son fil le Haze, le bastart de Flandres, dou signeur
d’Enghien et des chevaliers et escuiers de Flandres et
20de Hainnau avoecques ceuls de Bruges et ceuls dou
Franc, et avoit en cascune enbusque bien dis mille
hommes. Quant cil de Ippre et li Gantois, qui premiers
i avoient esté envoiiet avoecques Jehan Boulle et
Ernoul Clerc, furent sus les camps et il eurent cheminé
25environ une lieuwe, il trouvèrent deus chemins: li
uns aloit vers Roullers, et li autres vers Tourout.
Si s’arestèrent et dissent: «Lequel chemin tenrons
nous?» Dist Ernouls Clerc: «Je conseille que nous
alons vers nos gens qui sont à Roullers.»—«Par ma
30foi, dist Jehans Boulle, je les tenroie mieulx logiés sus
le Mont d’Or que autre part, car soiiés tous certains,
je congnois bien de tant Piètre dou Bois et Rasse de
[55]55 Harselle, puisque il nous ont mandés que il voellent le
conte combatre, que il aproceront dou plus priès que
il poront: si conseille que nous alons ce chemin.»
Ernouls Clers le debatoit, mais Jehans Boulle le voloit,
5et les fist tous tourner che chemin.
Quant il eurent allet environ deus lieues et que il
estoient enssi que tous las de cheminer à piet, il s’enbatirent
en milieu de ces deus enbusques. Quant il se
trouvèrent là, si crièrent tout: «Nous sommes trahi!»
10Onques gens ne se missent à si petite deffense que il
fissent adont, mais se boutoient à sauveté à leur pooir,
et retournoient li aucun en Ippre, et li autre prendoient
les camps et s’enfuioient, qui mieux mieux,
sans arroi et sans ordenance. Les gens dou conte qui
15en avoient grant fuisson enclos, les ocioient à volenté
sans nullui prendre à merci. Toutesfois Jehans Boulle
et Ernouls Clers se sauvèrent. Li fuiant qui fuioient
vers Courtrai, trouvèrent leurs gens qui estoient parti
de Roullers et s’en venoient leur chemin vers Rosebèque.
20Quant Piètres dou Bos et li autre veïrent les
fuianx, il leur demandèrent que il leur estoit avenu:
il respondirent que il fuioient comme gens trahis fausement
et desconfis dou conte de Flandres et de ceulx
de Bruges. «Et quel quantité de gens sont cil,
25demanda Piètres dou Bois, qui ont fait ceste desconfiture?»
Il respondirent que il ne savoient et que il
n’avoient mies eu bon losir dou conter, mais tout li
camp en estoient couvert. Là eut Piètres dou Bois
pluiseurs imaginations dou traire avant pour retourner
30les fuians et combatre leurs ennemis qui les cachoient,
ou de retraire vers Courtrai: tout consideret, consilliet
fu que dou retraire pour celle fois ce estoit li plus
[56]56 pourfitables. Si se retraïssent tout en bataille rengie
sans iaulx desrouter, et s’en retournèrent ce jour à
Courtrai, et là se retraioient li fuiant. Si se logièrent
cil de Gaind en Courtrai, et missent garde as portes,
5par quoi il ne fuissent souspris. Comptés leurs gens et
avisés, quant Jehans Boulle et Ernouls Clers furent
retournet, il congneurent que de la ville de Gaind, de
ceulx que il avoient envoiiet à Ippre, estoient bien
mort douse cens, et si en i ot bien de ceulx de Ippre
10otant ou plus ocis, et, se les enbusques dou conte
euissent cachiet en alant vers Ippre et en allant vers
Courtrai, petit en fuissent demoret que tout n’euissent
esté rataint, mais ce que point ne cachièrent ne n’entendirent
à tuer fors ceulx qui cheïrent en leur
15enbusque, en sauva trop grant plenté. Si furent cil de
Ippre moult esbahi, quant il veïrent leurs gens retourner
desconfit le propre jour que il estoient issut,
et demandoient comment che avoit esté. Il dissoient
apriès l’un l’autre que Jehans Boulle les avoit trahis
20e[t] menet mourir maisement.
§ 195. Vous avés pluiseurs fois oï recorder que c’est
dure cose de commun rapaisier, quant il est esmeus;
je le di pour ceulx de Gaind. Quant il furent che jour
retrait à Courtrai, li desconfit seurent que Jehans Boulle
25estoit en la ville; si se missent plus de mille ensamble,
et dissent: «Alons au faulx et très mauvais trahiteur
Jehan Boulle, qui nous a trahi, car par lui, et non
par autrui, fumes nous mené ou chemin dont nous
entrasmes en l’enbusque. Se nous euissons creu
30Ernoul Clerc, nous n’euissons eu garde, car il nous
volloit mener droit sus nos gens, et Jehans Boulle,
[57]57 qui nous avoit vendus et trahis, nous mena là où nous
avons esté desconfit.» Or regardés comment il l’acusoient
de traïson; je ne quide mies que il i euist
cause, car, se il fust enssi que il dissoient et que il les
5euist vendus ne trahis au conte, il ne fust jamais
retournés viers euls et fust demorés avoecques le
conte et ses gens: toutesfois, ce ne le peut escusser,
puisque il estoit aquelliés, que il ne fust mors; je vous
dirai comment. Li Gantois l’alèrent querre et prendre
10en son hostel, et l’amenèrent sus le rue, et là fu
depeciés pièce à pièce: cascuns enportoit une pièce.
Enssi fina Jehans Boulle. A l’endemain li Gantois se
departirent de Courtrai et s’en retournèrent en Gaind
et envoiièrent Jehan de Launoit ou castiel de Gavres,
15qui est castiaulx dou conte, seant sus la rivière d’Escaut,
et le prist Jehans en garde et en garnisson.
§ 196. Or parlerons dou conte de Flandres et de ses
gens. Quant il eurent enssi par leur enbusque rués
jus les Gantois et bien mors trois [mille] ou environ,
20que de ceulx de Gaind, que de ceulx de Ippre, li contes
eut conseil que il se trairoit devant la ville de Ippre et
[i] meteroit le siège. Sicom il fu consilliet, il fu fait,
et se traïst li contes celle part à toutes ses gens et à
belle compaignie de chevaliers et d’escuiers de Flandres,
25de Hainnau et d’Artois, qui l’estoient venu servir.
Quant cil de Ippre entendirent que li contes, leurs
sires, venoient là si efforciement, si furent tout effraé,
et eurent conseil li rice homme de la ville et li notable
que il ouveroient leurs portes et s’en iroient devers le
30conte et se meteroient dou tout en se ordenance et
obeïssance et li crieroient merchi, car bien savoit que
[58]58 de che que il avoient esté gantois, che avoit esté par
force et par le commun, foulons et tisserans et tels
mesceans gens de la ville de Ippre; il le sentoient
bien si notable et si merciable que il les prenderoit à
5merci. Sicom il ordonnèrent, il le fissent, et s’en
vinrent plus de trois cens, tout de une compaignie,
au dehors de la ville de Ippre, et avoient les clés des
portes avoecques eulx, et, quant li contes de Flandres
fu venus, il se jettèrent tout en genoulx devant li et
10li criièrent merchi, et se missent dou tout euls personnellement
et toute la ville en sa vollenté. Li contes en
eut pité et les fit lever et les prist à merchi: si entra,
et toute sa poissance, en le ville de Ippre, et i sejourna
environ trois sepmainnes et renvoia ceulx dou Franc
15et ceulx de Bruges. En che sejour que li contes fist à
Ippre, il en fist decoller plus de set cens, foulons et
tisserans, et telles manières de gens qui avoient mis
premierement Jehan Lion et les Gantois en la ville et
ochis ses vaillans hommes que il avoit là establis et
20envoiés, pour laquel cose il estoit moult irés pour ses
chevaliers. Et, à le fin que il ne fuissent plus rebelle
envers li, il en envoia trois cens des plus notables tenir
prison à Bruges, et, quant il eut tout che fait, il s’en
retourna à Bruges à belle compaignie de gens d’armes,
25mais il prist le chemin de Courtrai et dist que il voloit
ceuls de Courtrai mettre en se obeïssance.
§ 197. Quant cil de Courtrai entendirent que li
contes, leurs sires, venoit efforciement sus eulx et
que cil de Ippre s’estoient mis en se obeïssance, il se
30doubtèrent grandement, car il ne veoient point de confort
apparant en chiaulx de Gaind: si se avissèrent
[59]59 que il se renderoient legierement à leur signeur, et
trop mieulx leur valloit à estre dallés le conte, quant
il li devoient foi et loiaulté, que dallés les Gantois.
Adont s’ordonnèrent il trois cens de la ville, tous des
5plus notables, et se missent tout à piet sus les camps
contre le venue dou conte, les clés de la ville avoecques
eulx. Quant li contes deubt passer, il se jettèrent
tous en genous et li prièrent merchi. Li contes en ot
pité, si les rechut à merchi, et entra en la ville moult
10joieusement, et tout et toutes li fissent honneur et reverensse.
Si prist des bourgois de Courtrai environ deus
cens des plus notables, et les envoiia à Lille et à Douai
en ostagerie, affin que cil de Courtrai ne se revellaissent
plus. Quant il ot esté à Courtrai sis jours, il s’en
15ala à Donse et de là à Bruges, et s’i rafresqui environ
quinse jours. Et adont fist il un grant mandement partout
pour venir assegier la ville de Gaind, car toute
Flandres pour che tamps estoit apparillie à son commandement.
Si se parti li contes de Flandres de Bruges
20moult estofféement, et s’en vint mettre le siège devant
Gaind, et se loga en un lieu que on dist à la Biete.
Là vint messires Robers de Namur servir le conte à
une quantité de gens d’armes, enssi que il estoit
escrips et mandés, mais messires Guillaumes de Namur
25n’i estoit adont point, ains estoit en France deviers
le roi et le duc de Bourgongne. Che fu environ le Saint
Jehan Decollase que li sièges fu mis à Gaind, et estoit
marescaulx de toute l’ost de Flandres li sires d’Enghien
qui s’appelloit Gautiers, qui pour che tamps estoit
30jones, hardis et entreprendans, et ne resongnoit painne
[ne] peril qui li peuist avenir. Quoique li contes de
Flandres fust logiés devant Gaind à grant poissance,
[60]60 [si] ne pooit il si constraindre ceuls de la ville que il
n’euwissent trois ou quatre portes ouvertes, par quoi
tous vivres sans dangier leur venoient; et ossi chil de
Braibant, et par especial cil de Brousselles, leur estoient
5moult favourable. Ossi estoient li Liegois et leur mandoient
chil dou Liège pour eulx reconforter en leur
oppinion: «Bonnes gens de Gaind, nous savons bien
que pour le present vous avés moult à faire et estes
fort travilliet de vostre signeur le conte et des gentils
10hommes et dou demorant dou païs, dont nous sommes
moult courouchié; et sachiés que, se nous estions à
quatre ou à sis lieuwes près marchissans à vous, nous
vous ferions tel confort que on doit faire à ses bons
frères, amis et voisins, mais vous nous estes trop
15loing, et si est Braibans li païs entre vous et nous:
pour quoi il faut que nous nos souffrons, et pour ce,
se vous estes maintenant assegié, ne vous desconfortés
pas, car Dieux scet et toutes bonnes villes que vous
avés droit en ceste guerre. Si en vauldront vos besongnes
20mieux.» Enssi mandoient li Liegois à chiaulx
de Gaind, pour eulx donner bon confort.
§ 198. Li contes de Flandres avoit asegié la ville
de Gaind au lés deviers Bruges et deviers Courtrai,
car par devers Brouselle ne vers les Quatre Mestiers
25ne pooit il venir ne mettre le siège pour les grans
rivières qui i sont, le Lis et l’Escaut; et vous di, tout
consideré, Gaind est li une des plus fortes villes dou
monde, et i faudroit plus de deus cens mille hommes,
qui bien le voldroit assegier et clore tous les pas et les
30rivières, et encores fauroit il que leurs hoos fuissent
separées pour les rivières, ne au besoing il ne poroient
[61]61 conforter l’un l’autre, car il i a trop de peuple dedens
la ville de Gaind, et toutes gens de fait. Il se trouvoient
en che tamps, quant il regardoient à leurs besongnes,
quatre vins mille hommes tous aidables, portans armes
5desoulx soissante ans et deseure quinse ans.
Quant li contes eut esté à siège environ un mois
devant Gaind, et que ses gens et li sires d’Enghien
et li Hasses, ses fils, eurent fait pluiseurs escarmuces
et li jones senescaulx de Hainnau à chiaulx
10de Gaind, dont un jour perdoient et l’autre jour
gaaignoient, enssi que les aventures aportoient, il
fu conssiilliés que il envoieroit cheulx de Bruges et
ceulx de Ippre et de Popringhe escarmuchier à un
pas que on dist au Lonc Pont, et, se on pooit che pas
15gaaignier, che leur seroit trop grans pourfis, car il
enteroient ens es Quatre Mestiers, et si aprocheroient
Gaind de si priès comme il voldroient. Adont furent
cil ordonné pour aler à ce Lonc Pont, et en fu cappitains,
menères et conduissières uns moult entreprendans
20et hardis chevaliers, qui s’appelloit messires
Josses de Haluin: avoec lui i ot encores des chevaliers
et escuiers, mès messires Josses en estoit li chiés.
Quant cil de Bruges, d’Ippre et de Popringhe furent
venu à che pas que on dist au Lonc Pont, il ne le trouvèrent
25pas desgarni, mais pourveu de grant fuisson
de gens de Gaind, et i estoit Piètres dou Bois et Piètre
le Witre et Rasses de Harselle ou front devant. Là
commencha li escarmuce moult grande et moult
grosse, sitretos que les gens dou conte furent venu,
30et traioient canons et arbalestres de une part et d’autre
à effort, dont des quariaulx, tant des canons comme
des arbalestres, il en i ot pluiseurs mors et blechiés.
[62]62 Et trop bien s’i portèrent là li Gantois, car il i recullèrent
leurs ennemis et conquisent par force et par
armes le banière des orfèvres de Bruges, et fu jetté[e]
en l’aighe et là dedens touellie; et en i ot de ces
5orfèvres, et ossi i eult d’autres gens, grant fuisson de
mors et de blechiés, et par especial messires Josses
de Haluin i fu ocis, dont che fu damages. Et retournèrent
cil qui là furent envoiiet sans riens faire. Enssi
se portèrent li Gantois vaillanment.
10§ 199. Le siège estant devant Gaind par la manière
que li contes l’avoit assis, i eut fait pluiseurs escarmuces
autour de la ville, car li sires d’Enghien et li
senescaux de Hainau et li Haze de Flandres en trouvoient
à le fois à descouviert, dont il ne prendoient
15nulles raenchons, et à le fois il estoient rebouté si dur
que il n’avoient mies loissir de regarder derière iaulx.
Adont se requeillièrent en le ville de Gaind euls siis
mille de compaignons moult aidables, et eurent Rasse
de Harselle, Ernoul Clerc et Jehan de Launoit à cappitainnes,
20et se partirent de Gaind sans le dangier de
l’oost, et cheminèrent vers Alos, qui lors estoit une
ville bonne et bien fremée, et i avoit li contes mis en
garnisson pluiseurs chevaliers et escuiers. Mais, quant
cil de Gaind i furent venu, il s’i portèrent si vaillanment
25que par assault il le conquissent, et convint
messires Loeïs de Marbais, messires Godefrois de la
Tour et messires Phelippre le Jovene et pluiseurs
autres chevaliers et escuiers partir et vuidier hors par
la porte de Brouselles: autrement il euissent esté
30mort. Et fu adont par les Gantois Alos toute arsse,
portes et tout, et i conquissent moult grant pillage, et
[63]63 de là il vinrent devant Tenremonde, qui est forte ville;
mais adont par assaut il le conquissent, et i fu mors
messires Phelippres de Mamines. Et furent li Gantois
signeur de la ville et non pas dou castiel, car li sires
5de Widescot le tint vaillanment avoecques ses compaignons
contre eulx. Et de là vinrent li Gantois devant
Granmont, qui s’estoit nouvellement tournée deviers
le conte, par l’effort et tretiet dou signeur d’Enghien.
Ne sçai se il i eut traïsson ou autre cose, mais adont li
10Gantois i entrèrent de force, et en i ot de ceulx dedens
moult de mors, et, quant il eurent fait ces voiages, il
s’en retournèrent à Gaind à tout grant butinage et
grant pourfit.
§ 200. Quant li contes de Flandres veï que il perdoit
15son tamps à seoir devant Gaind, et, quoi que il
seïst là à grant frait et à grant painne pour li et pour
ses gens, cil de Gaind ne laissoient mies à issir ne à
ardoir le païs, et avoient conquis Alos, Tenremonde
et Granmont, si eut conseil que il se partiroit de là,
20car li iviers aproçoit. Si se departi et si renvoiia ses
gens en leurs maissons rafresquir, et envoiia le signeur
d’Enghien et le signeur de Montegni en Audenarde en
garnisson, et avoient sans les gens d’armes deus cens
bons archiers d’Engletière, dont on faissoit grant
25compte, et li contes s’en vint à Bruges; si fissent cil
signeur, qui en Audenarde se tenoient, pluiseurs belles
issues sus les Gantois, et estoient priès toudis sus les
camps, et ne pooit nuls aler à Gaind ne porter vivres
ne autres marchandisses, à painnes que il ne fust
30raconsieuois.
Quant li iviers fu passés, et che vint sus le març,
[64]64 li contes de Flandres rasambla toutes ses gens, et
manda ceuls de Ippre, de Courtrai, de Popringhe, dou
Dan, de l’Escluse et dou Franc, et se parti de Bruges
avoecques ceulx de Bruges, et s’en vint à Male; et là
5se tint une espasse de tamps, et fist de toutes ces
gens d’armes, encores avoec ceulx de Lille, de Douai
et de Audenarde, souverain cappitainne le signeur
d’Enghien. Les gens le conte, qui estoient bien vint
mille, sicomme on dissoit, se ordonnèrent pour venir
10devant Gauvres, où Jehans de Launoit se tenoit. Quant
Jehans seut le venue dou conte et des gens d’armes,
il le segnefia à Gaind à Rasse de Harselle, et li manda
que il fust confortés et que les gens le conte estoient
sus le païs. Rasses de Harselle asambla bien siis mille
15hommes de ceuls de Gaind, et se mist as camps vers
Gauvre, et ne trouva là point Jehan de Launoit, mais
le trouva à Donse, où il pilloit le païs d’autre part le
rivière. Adont se remissent il ensamble, et cheminèrent
che jour, et trouvèrent ceulx de Audenarde et de
20Donse qui en aloient devers le conte: si les asaillirent
et en ocirent bien sis cens, et n’estoit point li sires
d’Enghien en ceste compaignie, mais estoit allés deviers
le conte qui estoit logiés sus les camps entre Donse
et Bruges.
25Quant les nouvelles vinrent au conte et au signeur
d’Enghien que cil de Audenarde avoient recheu tel
damage, si en furent grandement courouchiet, et fu
adont ordonné que li sires d’Enghien se departiroit
atout quatre mille hommes, et s’en [venroit] à Gauvres
30là où on esperoit que Jehans de Launoit estoit, mès
estoit retrais à Gaind atout son pillage et son butin et
ses prisonniers, mais de ce n’avoit il mies grant fuisson.
[65]65 A l’endemain se departirent il, ils et Rasses de
Herselle, atout siis mille hommes, et eurent en pourpos
que d’aler à Donse; mais, quant il furent sus les
camps, [il tournèrent vers] Niewle, car on leur dist
5que li sires d’Enghien et bien quatre mille hommes i
estoient, et que li contes n’i estoit point encores
venus: si les voloient combatre.
Che propre jour que Rasses de Herselle issi de
Gaind, en issi ossi Piètres dou Bois atout siis mille
10hommes, et Ernoul Clerc en sa compaignie, et vinrent
ardoir les fourbours de Courtrai et abattre tous les
moulins qui estoient au dehors de Courtrai; et puis
s’en retournèrent vers Donse pour revenir à leurs
gens, mais che fu trop tart, car, quant Jehans de
15Launoit et Rasses de Herselle furent à Niewle, il trouvèrent
le conte et toute se poissance logiet sus les
camps, qui n’atendoit autre cose que il fuissent venu.
Enssi se trouvèrent ces deus hoos dou conte et des
Gantois sans ce que au matin il seuissent riens l’un de
20l’autre. Quant Rasses de Herselles et Jehans de Launoit
veïrent que combatre les convenoit, si ne s’effrèrent
point, mais se missent en bon convenant, et se
rengièrent sus les camps et se missent en trois batailles;
et en cascune bataille avoit deus mille hommes, tous
25hardis et aventureux compaignons des plus ables et
corrageus de la ville de Gaind, et otant en avoient
Piettres dou Bois et Ernoulx Clers, qui estoient sus le
païs, et riens ne savoient encores de ceste avenue que
leurs gens se deuissent combatre, et au departir de
30Gaind, il avoient pris ordenanche et convenant ensamble
que, se il trouveroient le conte et se poissance, il ne se
combateroient point l’un sans l’autre, car, cascune
[66]66 bataille à par li, il n’estoient point fort assés, et tout
ensamble il estoient fort assés pour combatre otant de
gens trois fois que il estoient. Et tout ce avoient il juret
et fianchiet ensamble Piètres dou Bois et Rasses; et
5au voir dire, Rasses euist bien arresté à non combatre
sitretos, se il vosist, car, se il se fust tenus en la ville
en attendant Piètre dou Bois, li contes ne ses gens ne
les euissent jamais là dedens requis; mais, sitretos
que Rasses sceut la venue dou conte, par orguel et
10par grandeur il se mist sus les camps, et dist en soi
meïsmes que il combateroit ses ennemis et en aroit
l’onneur sans attendre Piètre dou Bois ne les autres,
car il avoit si grant fiance en ses gens et si bonne esperance
en la fortune de ceulx de Gaind que vis li estoit
15que il ne pooit mies perdre, et bien monstra che jour
la grant volenté que il avoit de combatre, enssi comme
je vous recorderai presentement.
§ 201. Moult fu li contes de Flandres resjoïs, quant
il veï que Rasses de Herselle estoit issus de Nieule et
20trais sus les camps pour combatre: si fist ordonner
ses gens et mettre en bonne ordenance. Et estoient
environ vint mille hommes, toutes gens de fait; et i
avoit environ quinse cens lances, chevaliers et escuiers
de Flandres, de Hainau, de Braibant et d’Artois: là
25estoient de Hainnau, li sires d’Engien, mareschaulx
de l’oost, de sa route li sires de Montegni, messires
Mikieulx de le Hamède, li bastars d’Enghien, Gilles
dou Ris[oi], Huistin dou Lai et moult d’autres; et de
Hainnau encores, li sires de Lens et messires Jehans
30de [Berlaimont]; et de Flandres, li sires de Gistelles,
messires Guis de Gistelles, li sires d’Escornai, li sires
[67]67 de Hulut, li sires de Haluin et messires Daniiel de
Haluin, messires Thieris de Disquemue, messires
d’Estainnebourc, li sires de Grutus, messires Jehans Villains,
messires Gerars de Marquillies et pluiseurs
5autres; et là i ot fait aucuns chevaliers nouviaulx.
Et estoit en devant li jovenes senescaulx de Hainnau
mors sus son lit de la boce [à Obies] dalés Mortaigne,
car il i euist esté. Si fist li contes de Flandres
cinc batailles, et en cascune mist quatre mille hommes:
10là estoient il en grant vollenté de courir sus les ennemis;
et porta che jour li sires de Lieureghem la
banière dou conte de Flandres. Toutes ces batailles
faittes et ces ordenances, il aprocièrent, les cinc
batailles contre les trois; mais de commenchement il
15n’en i ot que trois de la partie dou conte qui aprochaissent
ne asamblaissent, car les deus estoient sus
elle pour reconforter les branllans. Là estoit li contes
en present, qui les prioit et amonnestoit de bien faire
et de prendre vengance de ces esragiés de Gaind, qui
20leur avoient fait tant de painne, et dissoit bien à ceulx
des bonnes villes: «Soiiés tout seur, se vous fuiés,
vous serés mieux mort que devant, car sans merci je
vous ferai tous trenchier les testes.» Et mist li contes
ceulx de Bruges en la première bataille, et ceulx dou
25Franc en la seconde, et ceulx de Ippre et de Courtrai
en la tierce, et ceulx de Popringhe, de Berghes, de
Cassiel et de Bourbourc en la quarte, et il avoit retenu
dallés li ceulx de Lille, de Douai et de Audenarde.
Or s’asamblèrent ces batailles, et vinrent l’un contre
30l’autre. Rasses de Herselle avoit la première bataille,
car c’estoit li plus outrageus, hardis et entreprendans
des aultres, et pour ce voloit il estre des premiers
[68]68 asaillans et avoir ent l’onneur, se point [en] i ceoit,
et s’en vint asambler à ceuls de Bruges, que li sires
de Gistelles et si frère menoient. Là eut, je vous dis,
grant bouteïs et grant poussis de premières venues:
5ossi d’autre part les aultres batailles asamblèrent. Là
en i ot pluiseurs reversés à ce commencement de une
part et d’autre, et i faissoient li Gantois des grans
appertisses d’armes; mais cil dou conte estoient trop
plus grant fuisson: quatre contre un. Là ot bon bouteïs
10et qui longuement dura, anchois que on peuist
veoir ne savoir qui en aroit le milleur, et se missent
toutes ces batailles ensamble. Là crioit on: «Flandres
au lion!» en reconfortant les gens le conte; et li
autre crioient à haute vois: «Gaind! Gaind!» Et fu
15tel fois que les gens le conte furent en aventure de
tout perdre, et, se il euissent perdu terre, il estoient
desconffi et mort sans recouvrier, car Piètres dou
Bois et bien sis mille hommes estoient sus les camps,
qui bien les veoient combatre, mais il ne les pooient
20conforter pour un grant plassiet d’aige et de marès,
qui estoit entre eulx et les combatans; mais, se li
contes euist perdu ce jour et que ses gens euissent fui
par cause de desconfiture, Piettres dou Bois leur fust
saillis au devant et les euist eu à volenté, ne ja piés
25n’en fust escappés, ne contes ne autres, que tout
n’euissent esté mort sus le place ou en cace; dont
c’euist esté grant damage, car en Flandres n’euist eu
point de recouvrier.
§ 202. Rasses de Herselle et Jehans de Launoit ne
30l’eurent mies d’avantage à asaillir les gens le conte,
car li contes avoit là grant fuisson de bonne chevalerie
[69]69 et ses commugnes de Bruges, d’Ippre, de Courtrai,
d’Audenarde, dou Dan, de l’Escluse et dou Franc de
Bruges, et estoient les gens dou conte quatre contre
un des Gantois; dont il avint que, quant les batailles
5dou conte furent toutes remisses ensamble, il i ot
grant gent, et ne les peurent souffrir li Gantois, mais
se ouvrirent et recullèrent viers la ville, et li chevalier
et li gent dou conte les commenchièrent fort à aprochier
et à desrompre. Sitos que il les eurent ouviers,
10il entrèrent ens; si les abatoient et les tuoient à
mons.
Adont se retraïssent li Gantois vers le moustier de
Nieule, qui estoit fors, et là se rasamblèrent, et i eut
grant bataille et grant occision des Gantois au rentrer
15ou moustier. Jehans de Launoit, comme tous esbahis
et desconfis, entra ou moustier, et pour li sauver il se
bouta en une grosse tour dou clocier, et cil qui peurent
de ses gens avoecques li; et Rasses de Herselle
demora dehors, qui gardoit l’uis et requelloit ses gens,
20et fist à l’uis grant fuisson d’apertisses d’armes, mais
finablement il fu efforchiés et ferus de une longue
picque tout oultre le corps, et là abatus et tantos paroccis.
Enssi fina Rasses de Herselle, qui avoit esté uns
grans cappitains en Gaind contre le conte, et que li
25Gantois amoient moult pour son sens et pour sa
proèce; mais de ses vaillances il en eut en fin che
leuwier.
Quant li contes de Flandres fu venus en la place
devant le moustier, et il veï que li Gantois se requelloient
30là dedens et estoient requelliet, il commanda à
bouter le feu ou moustier et tout ardoir. Ses commandemens
fu tantos fais, et li feus aportés et grant fuisson
[70]70 d’estrain et de velourdes que on mist et [apoia] tout
autour dou moustier, et puis bouta on le feu dedens.
Chils feus monta tantos amont, qui s’esprist ens es
couvretures dou moustier: là moroient li Gantois qui
5estoient ou moutier à grant martire, car il estoient
ars, et, se il issoient hors, il estoient esboullé et
regetté ou feu. Jehans de Launoit, qui estoit ou cloquier,
se veoit ou point de la mort et estre tous ars,
car li cloquiers s’esprendoit à ardoir: si crioit à ceulx
10qui estoient bas: «Raenchon! Raenchon!» et offroit
sa taisse, qui estoit toute plaine de florins, mais on
n’en faissoit que rire et galler, et li dissoit on: «Jehan,
Jehan, venés cha par ces fenestres parler à nous, et
nous vous requellerons. Faites le biau saut, enssi que
15vous avés euwan fait saillir les nostres; il vous convient
faire che saut.» Jehans de Launoi[t], qui se
veoit en tel parti et que ce estoit sans remède et que
li feus le quoitoit de si priès que il convenoit que il fust
ars, entra en hideurs et avoit plus chier à estre ocis
20que ars; et il fu l’un et l’autre, car il sailli hors par les
fenestres enmi eulx, et là fu requelliés à glaves et à
espées, et detrenchiés, et puis jettés ou feu. Enssi fina
Jehans de Launoit.
§ 203. De bien siis mille hommes que Rasses de
25Herselle et Jehans de Launoit, de la ville de Gaind ou
de environ Gand, qui servoient les Gantois pour leur
argent, avoient là amenet, il n’en escapèrent point
trois cens, que tout ne fuissent mort sur les camps
ou en la ville, ou ars ou moustier; ne onques Piètres
30dou Bos, qui avoit une grosse bataille sus les camps,
ne les peut aidier, car entre sa bataille et les gens de
[71]71 Rasse, qui se combatoient et qui mort estoient, avoit
un grant plasquier tout plain d’aige et grans marescages,
par quoi il ne pooient venir jusques à eulx. Si
se parti de sa place à toutes ses gens bien rengiet et
5bien ordonné en une bataille, et dist: «Alons ent tout
le pas nostre chemin vers Gand. Rasses de Herselle et
Jehans de Launoit et nos gens ont mal exploitié: il
sont desconfit; je ne sai que il nous avenra, se nous
somme[s] poursieuwi ne asailli des gens le conte. Si
10nous tenons tout ensamble et nous vendons et combatons
vaillanment, enssi que bonnes gens qui se combatent
sur leur droit.» Il respondirent, cil qui l’oïrent:
«Nous le volons.» Lors se partirent il de là et se
missent au chemin pour venir vers Gaind en une
15belle bataille rengie et serée. Li fuiant aucun, qui
escappé estoient de la bataille de Nieulle, se retournèrent
vers Gaind et rentrèrent tout effraé, enssi que
gens desconfis, en la ville, et recordèrent ceste dure
aventure comment Rasses de Herselle et Jehans de
20Launoit et leurs gens estoient desconfit et mort par
bataille à Nieulle. Cil de Gand pour ces nouvelles
furent durement effraé et courouchié pour la mort de
Rasse, car mout l’amoient et grant fiance en lui ent
avoient, car il l’avoient trouvé bon cappitaine et loial,
25et, pour ce que Rasses estoient gentils homs, fils de
signeur et de dame, et que ils les avoit servis pour
leur argent, tant l’avoient il plus amé et honnouré.
Si demandèrent as fuians qui retournoient: «Dites
nous et où estoit Piètres dou Bos, entrues que vous
30vos combatiés?» Cil, qui point ne l’avoient veut ne
qui de lui nulles nouvelles ne savoient, respondoient:
«Nous n’en savons riens, ne point veut ne l’avons.»
[72]72 Lors commenchièrent aucunes gens en Gaind à murmurer
sur Piètre dou Bos et à dire que mal s’en estoit
acquités, quant il n’avoit estet à le bataille, qui avoit
sis ou sept mille homme tous armés; et eurent adont
5li Gantois, qui en la ville estoient et qui le gouvrenement
en avoient, en pourpos que, che Piètre lui revenu,
il l’ochiroient, et puis au conte leur signeur s’apointeroient
et accorderoient, et se meteroient dou tout
en sa merchi. Je croi que, se il euissent enssi fait, il
10eussent bien ouvret et fuissent legierement venut à
pais, mais point ne le fissent, dont il le comparèrent
depuis, et ossi fist toute Flandres; ne encores n’estoit
point la cose à che jour là où elle devoit estre ne li
grans maus de Flandres sanchiés, enssi comme il fu
15depuis et sicom je vous recorderai avant en l’istoire.
[A]près la desconfiture des Gantois, qui furent pour
che jour mort et desconfit à Nieule, et Rasses de Herselle
et Jehans de Launoit mort, li contes de Flandres
entendi que Piètres dou Bos et une bataille de Gantois
20estoient sus les camps et s’en raloient à Gaind; adont
s’arresta li contes et demanda conseil à ses chevaliers
se on les iroit combatre. On li respondi en conseil que
pour ce jour on en avoit assés fait et que ses gens
estoient tout lassé, et les convenoit reposser. «Mais,
25sire, che seroit bon que de cinc cens ou sis cens
hommes d’armes, tous bien monté, vous les fesissiés
poursieuir, pour savoir leur convenant. Il poroient
bien che soir gesir en tel lieu que nous seriens à leur
logement.» Li contes s’enclina à ce conseil et fist
30enssi. Tantost furent ordonné cil qui seroient en ceste
chevauchie, et en fu li sires d’Enghien menères et
souverains: si montèrent environ cinc cens lances as
[73]73 chevaulx et se departirent de Nieulle et dou conte, et
prissent les camps, et chevauchièrent à le couverte
pour veoir les Gantois; et tant alèrent que il les veïrent
avaler un tierne, et estoient tout serré et en bon
5convenant, et cheminoient le bon pas sans iaulx desrouter.
Li sires d’Enghien et sa route les poursieuoient
de loing et sour costé. Piètres dou Bos et les Gantois
les veoient bien, mais nul samblant de iaulx desrouter
ne faissoient, et dissoit Piètres dou Bos: «Alons toudis
10nostre chemin et le bon pas, et point ne nous
desroutons, et, se il se boutent en nous, nous les
requellerons; mais je croi bien que il n’en ont nulle
vollenté.» Enssi cheminèrent il li un et li autre sans
rien faire jusques à Gaind, que li sires d’Enghien
15retourna deviers le conte, et Piètres dou Bos et ses
gens rentrèrent en Gaind. Adont fu Piètres aquelliés
de plait et sus le point d’estre là ochis pour la
cause de che que il n’[avoit] autrement confortet
Rasse et [ses] gens. Piètres s’escusa, et de voir, et
20dist que il avoit bien mandé à Rasse que nullement il
ne se combatesist sans li, car li contes estoit trop
poissanment sus les camps, et il fist tout le contraire:
«Se il l’en est mesavenu, je ne le puis amender,
et sachiés que je sui ossi dollans de la mort Rasse
25que nuls poeut estre, car la ville de Gaind i a perdu
un très bon et sage cappitainne: si nous en fault
requerre un aultre, ou nous mettre dou tout en la
volenté et obeïssance dou conte, qui nous fera tous
morir de malle mort. Regardés lequel vous vollés
30faire: ou perseverer en che que vous avés commenchié,
ou mettre en la vollenté et merchi de monsigneur.»
Piètres ne fu adont point respondus, mais
[74]74 tant que de la bataille et avenue de Nieulle et de la
mort de Rasse il fu excusés et descouppés. Dont ce
que on ne le respondi point, il se contempta mal,
et sus aucuns grans bourgois qui là present estoient,
5li plus riche et li plus notable de la ville, tels que sire
Ghisebrest Grute et sire Simon Bete, il n’en fist
adont nul samblant, mais il leur remonstra durement
en l’anée, enssi que vous orés recorder avant
en l’istoire.
10§ 204. Quant li sires d’Enghien et li sires de Montegni,
li Haseles de Flandres et leurs routes furent
retourné à Nieulle devers le conte, et il eurent recordé
ce que il avoient veu, li contes se departi de Nieule
et s’en retourna vers Bruges, et ren[v]oiia ses bonnes
15villes et ceulx dou Franc, et le signeur d’Enghien et
les Hainnuiers en garnison en Audenarde.
Quant cil de Gaind entendirent que li contes estoit
retrais en Bruges et que il avoit donnet congiet toutes
ses gens, si se resmurent par l’esmouvement de Piètre
20dou Bos, qui leur dist: «Alons devant Courtrai et
ne nous refroidons point de faire guerre; monstrons
que nous sommes gens de fait et d’emprise.» Adont
se departirent il de Gand plus de quinse mille, et
s’en vinrent moult estofféement devant Courtrai et i
25missent siège, le feste et le pourcession de Bruges seant,
l’an mil trois cens quatre vint et un; et furent là dis
jours, et ardirent tous les fourbourgs de Courtrai et
le païs d’environ. Quant li contes en sot nouvelles, il
remanda tous ses gentils hommes et ceulx des garnissons
30et les communs d’Ippre et dou Franc, et se
departi de Bruges avoec ceuls de Bruges, et se
[75]75 trouvèrent sour les camps plus de vint et cinc mille. Dont
se missent il au chemin pour venir vers Courtrai et
combatre les Gantois et lever le siège.
Quant Piètres dou Bos et li Gantois entendirent que
5li contes venoit vers euls si efforchiement, si n’eurent
mies conseil que de l’attendre là [à siège], et se
departirent et s’en allèrent logier à Donse et à Nieulle,
et dissent que là il atenderoient le conte et segnefieroient
leur estat à ceulx de Gaind et remanderoient
10l’arière ban pour estre plus fort et plus de gens. Si
se departirent de Gaind bien encores quinse mille
hommes, et s’en vinrent devers leurs gens à Nieule
et à Donse, et se logièrent tout sur les camps, en
attendant le conte. Quant li contes fu venus à Herlebèque,
15dallés Courtrai, il entendi que li Gantois estoient
parti de là et retrait vers Gaind et logiet à Donse et à
Nieule. Si n’eut mies li contes conseil adont dou poursieuir,
et donna congiet ses gens d’armes et ses commugnes,
et en laissa une grant quantité à Courtrai,
20et renvoia le signeur d’Enghien et les Hainuiers et son
fils bastart le Halse en Audenarde en garnisson.
Quant Piètres dou Bos et li Gantois veïrent que li
contes ne venoit point vers eulx, si se departirent de
Donse et de Nieule, et prissent le lonc chemin par
25devers Audenarde pour revenir par là à Gand. Si
envoiièrent, che jour que il passèrent vers Audenarde,
une quantité de leurs gens, desquels Ernouls Clers
estoit cappitains, et s’en vinrent cil escarmuchier
jusques as bailles de la ville. Li chevalier et li escuier,
30qui là dedens estoient, ne se peurent astenir que il ne
venissent escarmuchier à iaulx; et en i ot des mors
et des bleciés de une part et d’autre. A celle fois cil
[76]76 de Gaind ne conquestèrent point plenté à l’escarmuche,
et s’en partirent et s’en retournèrent avoecques leurs
gens à Gand, et se retraït cascuns en sa maison.
Trois jours apriès, fu ordonnés Ernouls Clerc à
5venir à Gauvres atout douse cens des Blans Capprons,
et li fu li castiaulx et la castelerie de Gauvres baillie
par manière de garnisson pour faire frontière à ceulx
d’Audenarde. Si i vint Ernouls Clers à toute sa route
et se tint là, gaires ne fu che mies. Quant il entendi
10que aucun chevalier et escuier qui estoient en Audenarde
estoient issu hors à l’aventure, adont se departi
il de Gauvres avoecques ses gens, et estoient bien en
nombre quinse cens. Si se missent en enbusque sour
ceuls qui au matin estoient issu hors d’Audenarde, li
15sires d’Escornai, li sires de Ramseflies, messires Jehans
Villains, [li sires de Lieureghen], li Gallois de [Mamines],
li bastars d’Escornai, messires Blanchart de Calonne
et pluiseur autre. Enssi que cil chevalier et escuier
qui avoient pris leur retour, s’en revenoient à Audenarde,
20Ernouls Clers et li embusque leur sailli au
devant: là en i ot des ratains et des rués jus et
ochis, car il ne prendoient nullui à merchi. Là vinrent
as chevaliers et as escuiers li cheval bien à point,
car il brochièrent des esperons et retournèrent vers
25Audenarde, et, enssi que il venoient devant les bailles,
il descendoient et se mettoient à d[eff]ense et atendoient
leurs gens et leurs vallès, mais il ne peurent
onques si nettement rentrer en la ville que il n’en i
eust mors et bleciés plus de soissante. Et, quant il
30eurent faite leur empainte, Ernouls Clers retourna che
soir à une abbeïe priès de là, que on nomme Eham:
si trouvèrent cil Gantois en la ville d’Eham Pière de
[77]77 [Stinehus] et le Galois de Mamines et environ cent
compaignons de leur route. Si assallirent l’abbie où
il estoient trait: à grant dur se sauva li Gallois de
Mamines, et se parti par derière et entra en un batiel,
5et s’en vint celle nuit à Audenarde et compta au signeur
d’Enghien, au signeur de Montegni, à messire Daniel
de Haluin et as chevaliers qui là estoient, comment
ce soir Ernouls Clers et li Blanc Cappron estoient entré
en l’abbeïe d’Eham et avoient ochis leurs compaignons,
10et bien penssoit que Pières de Stinehus estoit mors,
et voirement le fu il, car Ernouls Clers et ses gens le
fissent sallir jus de une[s] phenestres enmi le place, et
le requellièrent à glaves, et le ochirent, dont che fu
grans damages.
15§ 205. Quant li chevalier, qui en Audenarde se
tenoient, entendirent que Ernoulx Clers et li Blanc
Cappron environ douse cens, que il avoit adont de
sa carge, estoient aresté à Eham, et mort leurs compaignons
et pris l’abbeïe, si en furent moult courouchié,
20et avissèrent que il envoiieroient celle nuit leurs
espies celle part, pour savoir se à l’endemain il i seroient
trouvet. Enssi comme il l’ordonnèrent il le fissent. Leurs
espies reportèrent au matin que li Blanc Cappron s’ordonnoient
pour demorer là che jour, dont li signeur
25furent resjoï. Adont s’armèrent li sires d’Enghien, li
sires de Montegni, li sires de Lens, li sires de Brifuel,
messires Mikieulx de le Hamaide et plus de cent chevaliers
et escuiers de Hainnau et bien otant de
Flandres, et se departirent de Audenarde environ trois
30cens lanches et plus de mille que arbalestriers que
gros vallès, et vinrent à Eham. Quant il deurent
[78]78 aprochier Eham, il envoièrent devant messire Daniel de
Haluin à cent lances, pour commenchier le hustin et
atraire hors de l’abbeïe Ernoul Clerc, et ossi pour
attendre les gros varllés et arbalestriers qui venoient
5tout de piet, et pour euls mettre en ordenance. Messires
Daniel et li sires de Disquemue et li Hases de
Flandres s’en coururent devant esperonnant, et entrèrent
en la place devant l’abbeïe d’Eham en escriant:
«Flandres au lion au bastart!» Cil Gantois ne se
10donnoient garde de celle enbusque, car il estoit encores
assés matin; si n’estoient mis tout aparilliet. Nonpourquant
chil qui [avoient] fait le gait le nuit, se missent
ensamble et requellièrent et ensonniièrent les chevaliers
et leurs gens qui là venoient, et entrues s’armoient
15li autre. Avant que Ernoulx Clers peust avoir
remis tous ses gens ensamble, li sires d’Enghien, li
sires de Lens, li sires de Briffuel, li sires d’Escornai,
li sires de Montegni et leur bataille entrèrent par
derière en la ville en escriant: «Enghien au signeur!»
20et se boutèrent de grant volenté en ces Gantois et ces
Blans Capprons, qui noient ne du[rè]rent, mais s’ouvrirent,
et ne tinrent onques point de conroi ne d’ordonnance.
Des douse cens en i ot bien mors, que là
qu’en l’abbeïe que sus les camps, onse cens, et i fu
25ochis Ernouls Clers en fuiant et ferus de deus pickes
tout parmi le cors et là apoiiés contre une haie. Après
ceste desconfiture retournèrent li sires d’Enghien et
li chevalier en Audenarde, et tinrent ceste besongne à
grant proèche. Et sachiés que li contes de Flandres,
30qui pour ce tamps se tenoit à Bruges, quant il en
sceut les nouvelles, en fu grandement resjoïs, et dist
dou signeur d’Enghien: «Par ma foi, il i a en lui un
[79]79 bon enfant et qui sera encores vaillant homme.» Au
voir dire dou signeur d’Enghien, c’estoit tous li coers
dou conte de Flandres, et ne l’appelloit mies li contes
de Flandres son cousin, mais son biau fil.
5§ 206. Quant les nouvelles furent venues à Gand
que Ernous Clers estoit mors et leurs gens desconfis,
si se commenchièrent li pluiseur à esbahir et à dire
entre iaulx: «Nos besongnes se portent mal; petit à
petit, on nous ochist nos capitainnes et nos gens; nous
10avons mal exploitié de avoir esmeu guerre contre no
signeur le conte, car il nous usera tous petit à petit.
A mal nous retoura les haïnes de Gisebrest Mahieu et
de Jehan Lion; nous avons trop soustenu et eslevé les
oppinions de Jehan Lion et de Piètre dou Bos: il nous
15ont bouté si avant en ceste guerre et en ceste haïne
envers le conte, nostre signeur, que nous n’i poons
ne savons trouver voie de merci ne de pais. Encores
vauroit il mieux que vint ou trente le comparaissent
que toute la ville.» Enssi dissoient li pluiseur en requoi
20l’un à l’autre, car generaument n’estoi[t] ce mies, pour
le doubtance des mauvais, qui estoient tout de une
sexte et qui s’eslevoient en poissance de jour en jour,
qui en devant estoient povre compaignon et sans nulle
chavance; ores avoient il or et argent assés, car, quant
25il leur en falloit et il s’en complaindoient as leurs cappitaines,
il estoient oï et tantost conforté, car on avissoit
aucuns simples hommes et riches en la ville, et
leur disoit on: «Alés, et [si] dites à tels et à tels que
il viengnent parler à nous.» On les aloit querre: il
30venoient (il n’osaissent contrester); là leur estoit dit:
«Il fault [à] la bonne ville de Gand à present finance
[80]80 pour paiier nos saudoiiers qui aident à garder et à
deffendre nos juridicions et nos francisses; il fault
vivre les compaignons.» Et là metoient avant finance
toute celle que on leur demandoit, car, se il desissent
5dou non, il fuissent tantos mors, et les amesist on
que il fuissent traïtre à la ville de Gaind et que il ne
vosissent mies l’onneur et le pourfit de la ville. Enssi
estoient li garçon et li mauvais maistre et furent tant
que la guerre dura entre eulx et le conte, leur signeur;
10et, au voir dire, se li rice et li noble en la ville de
Gaind estoient batu de tels verghes, on ne les en
devoit ou doit point plaindre, ne il ne se poeuent
excuser par leur record meïsmes que il ne fuissent
cause de ces fourfais. Raison pour quoi? Quant li
15contes de Flandres leur envoia son baillieu, pour constraindre
et justichier aucuns rebelles et mauvais, ne
pooient il tout demorer dallés lui et avoir conforté à
faire justice? Liquel i furent? on en i trueve petit. Il
avoient ossi chier, à ce que il monstrèrent, que la cose
20alast mal que bien et que il eussent guerre à leur
signeur que pais, et bien pooient sentir et congnoistre
que, se il faissoient [guerre], povres gens et mescheans
gens [seroient] signeur de leur ville [et] seroient leur
maistre, et ne les en osteroient mies quant il vorroient,
25enssi comme il en est avenu. Jehans de le Faucille,
par li dissimuller et partir de la ville de Gaind et venir
demorer en Hainnau, s’en cuida purgier et oster, et
que des haïnes de Flandres, tant dou conte son signeur
que de la ville de Gaind, dont il estoit de nation, il
30n’en fust en riens demandés; mais si fu, dont il morut.
Et vraiement che fu damages, car cils Jehans de le
Faucille, en son tamps, fu uns sages et très notables
[81]81 homs; mais on ne poeut à present clopiier devant
[boiteux, c’est à dire devant] les signeurs ne leurs
consaulx: il i voient trop cler. Il avoit bien sceu
les aultres aidier et consillier, et de li meïsmes il
5ne sceut prendre le milleur chemin: je ne sai de
verité se des articles, dont il fut amis de messire
Simon Rin ou chastiel de Lille, il fu coulpables,
mais li chevalier, avoeecq le perverse fortune de li,
qui tourna tout à un fais sour li, le menèrent si avant
10qu’il en morut. Et ossi ont fait toutes les cappitainnes
de Gand, ou quoiement ou ouvertement, qui ont tenu
et soustenu rebellion encontre leur signeur, et ossi
ont moult d’autres gens de la ville de Gand, meïsmement
ceulx, espoir, qui couppe n’i avoient, sicom
15vous orés recorder de point en point en l’istoire chi
après.
§ 207. Quant Piètres dou Bos veï que la ville de
Gaind afoiblissoit de cappitainnes, et se trouvoit enssi
que tous seux, et que li riche homme se commenchoient
20à taner et à lasser de la guerre, si se doubta trop fort
et imagina que, se par nul moiien dou monde pais se
faissoit entre le conte et la ville de Gaind, quels traitiés
ne quels loiens de pais ne d’acord que il i eust,
il convenoit que il i mesist la vie. [Si] li ala souvenir
25et souvenoit souvent de Jehan Lion, qui fu ses maistres,
et par quel art il avoit ouvret; il veoit bien que ils tous
seuls ne pooit avoir tant de sens ne de poissance que
de gouvrener le ville de Gaind, et n’en voloit mies
avoir le principal fais, mais il volloit bien de toutes les
30folles emprisses couvertement avoir le soing. Si se
avissa adont d’un homme de quoi en la ville de Gaind
[82]82 on ne se donnoit garde, sage jovene homme assés,
mais ses sens n’estoit point congneus ne on n’en avoit
eu jusques à che jour que faire. Et celli on appelloit
Phelippre d’Artevelle, et fu fils anchiennement de
5Jaque d’Artevelle, lequel, en son tamps, eut sept ans
tout le gouvrenement de le conté de Flandres; et avoit
cils Piètres dou Bos trop de fois oï recorder Jehan
Lion, son maistre, et les anchiiens de Gaind, que
onques li païs de Flandres ne fu si cremus, si amés
10ne si honnourés que le tams que Jaques d’Artevelle en
ot le gouvrenement, et encores dissoient li Gantois
tous les jours: «Se Jaques d’Artevelle vivoit, nos
cosses seroient en boin estat, nous ariens pais à nostre
vollenté, et seroit nos sires li contes tous liés, quant il
15nous poroit tout pardonner.» Piètres dou Bos s’avisa
de soi meïsmes sur ces parolles et regarda que Jaques
d’Artevelle avoit un fil qui s’appelloit Phelippe, assés
convegnable et gracieux homme, que la roïne d’Engletière
Phelippe avoit anchienement, dou tamps que
20elle reposoit à Gand et que li sièges fu devant Tournai,
levé sus fons, et contre la roïne il ot à non Phelippes.
Piètres dou Bos s’en vint un soir chiés ce Phelippe,
qui demoroit avoecques sa damoiselle de mère,
et vivoient de leurs rentes tout bellement. Piètres dou
25Bos s’aquinta de lui de parolles, et puis li ouvri la
matère pour quoi il estoit là venus, et li dist enssi:
«Phelippe, se vous vollés entendre à mes parolles et
croire mon conseil, je vous ferai le plus grant de toutes
Flandres.»—«Comment le me ferés vous? dist
30Phelippes.»—«Je le vous ferai par telle manière, dist
Piètres dou Bos, [que] vous arés le gouvrenement et la
menistration de la ville de Gaind, car nous sommes en
[83]83 present en grant necessité de avoir un souverain cappitainne
de bon non et de bonne renommée, et vos
pères, Jaques d’Artevelle, resusite maintenant en
ceste ville par le bonne memore de li, et dient toutes
5gens, et il dient voir, que onques li païs de Flandres
ne fu si bien gouvrenés, tant amés ne tant cremus ne
honnourés comme il fu de son vivant. Legierement
vous meterai en son lieu, se vous volés, et, quant
vous i serés, vous vous ordonnerés par mon conseil,
10tant que vous arés apris la manière et le [stille] dou
fait, ce que vous arés apris tantos.» Phelippes, qui
avoit eage de homme et qui par nature desiroit à estre
avanchiés et honnourés et avoir de la chavance plus
qu’il n’eust, respondi: «Piètre, vous me offrés grant
15cose, et je vous en crerai; et, se je sui en l’estat que
vous me dites, je vous jur par ma foi que je ne ferai ja
riens hors de vostre conseil.» Respondi Piètres dou
Bos: «Sarés vous faire le cruel et le hauster? car
uns sires, entre communs et par especial à ce que nous
20avons à faire, ne vault riens, se il n’est cremus et
redoubtés et renommés à le fois de cruauté. Enssi
voellent Flament estre mené, ne on ne doit entre euls
[tenir] conte de vies d’ommes ne avoir pité nient
plus que des arondiaulx ou aloettes, c’on prent en leur
25saisson pour mengier.»—«Par ma foi! respondi
Phelippes, je sarai bien tout ce faire.»—«Et c’est
bien, dist Piètres, et vous serés tels que je pensse,
souverains de tous les autres.» A ces mos, il prist
congiet de li, et se parti de son hostel et retourna
30[au] sien.
La nuit passa, li jours vint: Piètres dou Bos s’en
vint en une place où il avoit plus de trois mille hommes
[84]84 de ceulx de sa sexte et des autres, qui là estoient
asamblé pour oïr nouvelles et pour savoir comment
on se ordonneroit et qui on feroit à cappitainne. Et là
estoit li sires de Hersselles, par lequel en partie des
5besongnes dedentrainnes de Gaind on usoit, mais de
aler au dehors il ne s’en voloit de riens ensongniier ne
traitiier. Là nommoit on aucuns hommes de la ville,
et Piètres dou Bos escoutoit tout. Quant il ot assés oï
parler, il esleva sa vois et dist: «Signeur, je croi
10bien que ce que vous dites est par grant afection et
deliberation de corage que vous avés à garder l’onneur
et le pourfit de la bonne ville de Gaind, et que cil que
vous nommés sont bien idone et merite d’avoir une
partie dou gouvrenement de la ville de Gaind, mais
15j’en sai un qui point n’i vise ne ne pensse, que, se il
s’en voloit ensongniier, il n’i poroit avoir plus propisce
ne de milleur non.» Dont fu Piètres dou Bos requis
que il vosist celi nommer; il le nomma et dist: «C’est
Phelippes d’Artevelle, qui fu tenus as fons en l’eglise
20de Saint Pière de Gaind de la noble roïne d’Engletière,
que on appella Phelippe, et qui fu sa marine, en che
tamps que ses pères, Jaques d’Artevelle, seoit devant
Tournai avoecques le roi d’Engletière, le duc de Braibant,
le duc de Guerlles et le conte de Hainnau, liquels
25Jaques d’Artevelle, ses pères, gouvrena en son tamps
la ville de Gaind et le païs de Flandres si très bien
que onques puis ne fu si bien gouvrenés, à ce que
j’en ai [oï] et oc encores recorder tous les jours
les anchiens qui le connissance en eurent, ne ne fu
30onques si bien tenus ne gardés en droit que il fu de
son tamps, car Flandres estoit un tamps toute perdue,
quant par son grant sens et l’eur de li il le recouvra.
[85]85 Et sachiés que nous devons mieux amer les branques
et les membres qui viennent de si vaillant homme qui
fu que de nul autre.» Sitost que Piètres dou Bos ot
dist ceste parolle, Phelippes d’Artevelle entra en toutes
5manières de gens si en corage que on dist tout de une
vois: «On le voist, on le voist querre! Nous ne volons
autre.»—«Nenil, dist Piètres [dou Bos], nous ne
l’envoierons point querre. Il vault bien que on voist
vers li; encores ne savons nous comment il se vaura
10maintenir ne de nous soi ensonniier.»
§ 208. A ces mos, se missent tout cil, qui là estoient,
et encores plus assés, qui les sieuoient, au chemin, et
vinrent vers le maison Phelippe, qui de leur venue
estoit tous avissés. Li sires de Herselles, Piètres dou
15Bos, Piètres le Wintre et environ dis ou douse des
doiiens des mestiers entrèrent en sa maisson et là [li]
requesrent et li remonstrèrent comment la bonne ville
de Gaind estoit en grant dangier d’avoir un souverain
cappitaine, auquel hors et ens on se peust raloiier, et
20que toutes manières de gens demorant en Gaind li
donnoient leur vois et l’avoient avisset à estre leur
souverains cappitains, car li recorps de son boin nom,
et pour l’amour de son bon père, leur ceoit mieux en
la bouce que de nul autre: pour quoi il li prioient
25affectueusement que de bonne volenté il se vausist
emprendre d’avoir le gouvrenement de la ville et le
fais des besongnes ens et hors; et il li juroient foi et
loiaulté [enterinement] comme à leur signeur, et
feroient toutes gens, com grans qu’il fuissent en la
30ville, venir à son obeïssance. Phelippes entendi bien
toutes leurs requestes et parolles, et puis moult
[86]86 sagement il respondi et dist enssi: «Signeur, vous me
requerés de grant cose, et, espoir, vous ne penssés
mie bien le fais tel comme il est, quant vous vollés que
je aie le gouvrenement de la ville de Gaind. Vous dites
5que l’amour que vostre predicesseur eurent à mon père
vous i atrait: quant il eut fait tous les plus biaus services
comme il peut, il l’ochirent. Se je emprendoie le
gouvrenement tel que vous dites, et j’en fuisse enfin
ochis, j’en aroie petit leuwier et povre guerredon.»
10—«Phelippe, dist Piètres dou Bos, qui happa la parolle et
qui estoit li plus doubtés, ce qui est passé ne poet on
recouvrer. Vous ouverés par conseil et vous serés
tousjours si bien consilliés que toutes gens se loeront
de vous.» Respondi Phelippes: «Je ne le vorroie
15mie faire autrement.» Adont fu il là eslevés entre eus
et amenés ou marchiet et là sermentés; et il sermenta
ossi les maieurs et les eschievins et tous les doiens de
Gaind. Enssi fu Phelippes d’Artevelle souverains cappitains
de Gaind, et aquist en ce commenchement
20grant grace, car il parloit à toutes gens, qui [à lui] à
besoingnier avoient, doucement et sagement, et fist tant
que tout l’amoient, et, une partie des revenues que li
contes de Flandres a en le ville de Gaind de sen hiretage,
il les fist distribuer au signeur de Herselles, pour
25cause de gentillèce et pour parmaintenir au chevalier
son estat, car, tout ce qu’il avoit en Flandres hors de
la ville de Gaind, il avoit tout perdu.
Nous nos soufferons un petit à parler des matères
de Flandres, et parlerons des besongnes d’Engletière
30et de Portingal.
§ 209. Vous avés bien chi dessus oï recorder que,
[87]87 quant li rois Henris de Castille fu trespassés de che
siècle et ses ainsnés fils dans Jehans couronnés à roi
et sa moullier couronnée à roïne, laquelle estoit fille
dou roi Piètre d’Aragon, la guerre se resmut entre le
5roi Ferrant de Portingal et le roi de Castille sus certainnes
actions qui estoient entre eux deus, et princhipalment
pour le fait des deus dames, filles dou roi
dan Piètre, Constanse et Isabel, mariées en Engletière,
la première au duc de Lancastre et la seconde au conte
10de Cambruge. Et disoit cils rois de Portingal que on
avoit à tort et sans cause deshireté ses deus cousines
de Castille, et que ce n’estoit pas cose à consentir que
deus si nobles et si hautes dames fuissent planées de
leurs hiretages, et que les coses se poroient bien tant
15enviesir et eslongier que on les meteroit en oubli, pour
quoi les dames ne retourneroient jamais à leur droit,
laquel cose il ne voloit pas veoir ne consentir, qui
estoit li uns des plus prochains que elles euissent, tant
pour l’amour de Dieu que pour aidier à garder raison
20et justice, à quoi tout bon crestiien doivent entendre
et estre enclin. Si deffia le jone roi dam Jehan de Castille,
que toute Espagne, Galise et Sebille avoient couronnet,
et li fist guerre sus le title des articles ci dessus
dis. Li rois dans Jehans se deffendi grandement à
25l’encontre de li et envoiia sus frontière en ses garnissons
grant fuisson de gens d’armes et de geniteurs,
pour resister contre ses ennemis, tant que à che
commenchement il ne perdi riens, car il avoit de la sage
et bonne chevalerie de France avoecques lui, qui le
30confortoient en sa guerre et consilloient, tel que le
Bèghe de Vellainnes et messire Pierre, son fil, messire
Jehan de Berguettes, messire Guillaume de [Lingnac],
[88]88 messire Gautier de Pasac, le signeur de Taride, messire
Jehan et messire Tristram de Roie et pluiseurs
autres qui i estoient alé depuis que li contes de Bouquighem
fu venus en Bretaigne, car li rois de France,
5qui grans aliances et grans confederations avoit au roi
de Castille, et ont eut longuement ensamble, les i avoit
envoiés, pour quoi li rois de Portingal s’avisa que il
envoieroit certains messages en Engletière devers le
roi et ses oncles, affin que il fust aidiés et confortés de
10ses gens, par quoi il fust fors et poissans de faire une
bonne guerre as Espagnos. Si appella un sien chevalier,
sage homme et vaillant et grant treteur, qui s’appelloit
Jehan Frenando, et li dist toute se ent[ent]e:
«Jehan, vous me porterés ces lettres de creance en
15Engletière. Je n’i puis envoiier plus especial de vous
ne qui mieux sache mes besongnes, et me recommandés
au roi avoecq les lettres, et li dirés que je soustieng
le droit de mes cousines, les hiretières d’Espagne
et de Castille, ses belles antes, et en fac guerre ouverte
20à celi qui s’est boutés et mis par le poissance
de France en leur hiretage, et je ne sui mies fors ne
poissans de moi pour resister à l’encontre d’euls ne
conquerre tels hiretages comme Castille et Espagne,
Galise et Sebille sont, sans sen aide: pour quoi je li
25priie que il me voelle envoiier son bel oncle le duc de
Lancastre, sa femme et sa fille, mes cousines, et une
quantité de gens d’armes et d’archiers; et nous ferons,
eux venus par dechà, bonne guerre avoecq le poissance
nostre, [tant] que nous recouverons, au plaisir de Dieu,
30leur hiretage.»—«Monsigneur, dist li chevaliers, à
vostre plaisir je ferai vostre message.» Depuis ne
demora il gaires de tamps que il entra en un bon vaissiel
[89]89 et fort, pour faire che voiage, et se parti dou
havene de la chité de Lusebonne, et chemina tant
par mer que il vint à Pleumoude.
En celle propre heure et en che propre jour et de
5celle marée i arivèrent li contes de Bouquighem et
aucuns de ses vaissaulx qui retournoient de Bretaigne,
et vous di que li Englès avoient eut si grant fortune
sur mer que il avoient perdu trois de leurs vaissaulx,
cargiés de gens et de pourveances, et estoient espars
10par mauvais vent et arivet en grant peril en trois
havenes en Engletière. De la venue dou chevalier de
Portingal fu grandement resjoïs li contes de Bouquighem
et li fist très bonne chière, et li demanda des
nouvelles: il l’en dist assés, tant d’Espagne comme de
15Portingal. Si chevauchièrent depuis ensamble jusques
à la bonne citté de Londres, où li rois d’Engletière
estoit.
§ 210. Quant li contes de Bouquighem fu venus à
Londres, li Londriien li fissent bonne chière. Si s’en
20ala deviers le roi, qui estoit à Westmoustier, et si doi
oncle dallés li, le duc de Lancastre et le conte de Cambruge,
et avoit le chevalier de Portingal en sa compaignie,
pour lequel il parla premierement au roi et à ses
frères. Quant li rois et li seigneur dessus nommé en
25eurent la congnissance, si en fissent grant samblant de
joie et l’onnourèrent moult. Il presenta ses lettres au
roi: li rois les lissi, present ses oncles. Or devés vous
savoir que li rois ne faissoit riens fors par le conseil
de ses oncles, car pour che tamps il estoit encores
30moult jovenes. Si fu li chevaliers demandés et examinés,
pour tant que il avoit aportés les lettres de creance,
[90]90 sus quel estat il est[oit] issus hors de Portingal et venus
en Engletière. Il en leur respondi bellement et sagement
selonc le premisse que vous avés oï chi dessus;
et, quant li signeur l’eurent bien entendu, si respondirent
5liement et dissent: «Grant merchis à mon
cousin le roi de Portingal, quant si avant il se boute
en nos besongnes que il en fait guerre à nostre aversaire;
et ce que il requiert, c’est requeste raisonnable;
si sera aidiés hastéement, et ara li rois avis comment il
10i ordonnera.» Adont n’i eut plus parolle. Li chevaliers
estraingnes, pour l’amour des nouvelles que il
avoit aporté plaisans au duc de Lancastre et au conte
de Cambruge, fu festiiés et disgna dalés le roi, et puis
demora il là environ quinse jours as octavles de le Saint
15Gorge, dont li rois d’Engletière et si oncle avoient
festiiet la feste ens ou chastiel de Windesore. Et là fu
messires Robers de Namur, liquels estoit alés veoir le
roi et relever ce que il tenoit de lui en Engletière, et
là furent li parlement et li conseil d’Engletière asignet
20à estre à Londres, c’est à entendre au palais de Westmoustier.
Je vous dirai pour quoi: tant pour les
besongnes de Portingal qui estoient frescement venues
que pour les Escos, car les trieuwes falloient entre
euls et les Englès le premier jour de juing. Si eurent
25là li prelat et li baron d’Engletière grans conssaus
ensamble comment il poroient de ces deus coses ordonner,
et estoient en estat de envoiier le duc de Lancastre
en Portingal, et disoient que ce estoit uns trop longs
voiages pour lui et que, se il i aloit, on s’en poroit
30bien repentir, car il entendoient que li Escot faissoient
grant aparant pour entrer en Engletière. Si fu consillié
determinéement pour le milleur que li dus de Lancastre,
[91]91 qui congnissoit le marce d’Escoce et les Escos,
iroit sur les frontières d’Escoce et saroit comment li
Escot se voroient maintenir, car mieux s’en saroit
ensongniier de traitiier que nuls hauls barons d’Engletière,
5et feroient li Escot plus pour li que pour nul
autre; et li contes de Cambruge, atout cinc cens lances
et otant d’archiers, feroit le voiage de Portingal, et,
se li dus de Lancastre pooit tant exploitier as Escos
que, à l’onneur dou roiaulme d’Engletière, unes
10trieuwes fuissent prisses à durer trois ans, il i poroit
bien aler, se li rois le trouvoit en consel, sour le mois
d’aoust ou [sour] le septembre en Portingal et renforchier
l’armée de son frère. Et encore i avoit un
autre point pour quoi li dus de Lancastre besongnoit
15à demorer en Engletière, che estoit pour ce que li rois
d’Engletière avoit renvoiiet certains messages avoecq
le duc de Tassem et l’arcevesque de Ravane deviers le
roi d’Allemaigne, pour avoir sa sereur à moullier ou
pour savoir comment il en seroit, car on en estoit en
20grans tretiés et avoit on estet plus d’un an. Si i estoient
d’Engletière li evesques de Saint David et messires
Simons Burlé, pour toutes ces coses confremer au
mieux que on poroit. A ce conseil s’acordèrent li rois
et tout li signeur, et se departi li parlemens sour cel
25estat, et furent nommet et escript li baron et li chevalier
qui en Portingal iroient avoecques le conte de
Cambruge.
§ 211. Li dus de Lancastre ordonna toutes ses
besongnes et se departi dou roi et de ses frères, et,
30au congiet prendre au conte de Cambruge, son frère,
il li jura par sa foi loiaulment que, li revenu d’Escoce,
[92]92 il ordonneroit tellement ses besongnes que il le sieuroit
hastéement en Portingal, voire se plus grans
empechemens, que il ne veoit encores, ne estoient
apparant en Engletière n’i avenoient. Sus cel estat,
5se departi li dus de Lancastre et prist le chemin d’Escoce,
et chevaucoit tant seullement li et ses hostés.
Encores en che parlement darrainement fait à Londres,
fu ordonnés messires Henris de Persi, contes de
Northombrelande, à estre regars de toute la terre de
10Northombrelande et de l’evesquiet de Durames, rentrant
jusques en Galles et la rivière de Saverne. Si se
departi de Londres pour aler celle part, mais che fu
quinse jours apriès chou que li dus de Lancastre fu
partis. Ossi se departi dou roi et dou conte de Bouquighem,
15son frère, li contes de Cambruge, pour aler
ens ou voiage que il avoit empris. Si fist faire ses pourveances
à Pleumoude, un port sus mer en la conté de
Barquesière, et s’en vint là tout premiers et enmena
avoecques lui sa femme, madame Isabel, et sen fil
20Jehan, et estoit li intention de li telle, et il l’acompli,
que il les menroit en Portingal. Avoec le conte de Cambruge
estoient de signeurs: premierement messires
Mahieux de Gournai, connestables de l’ost, messires li
canonnes de Robersart, messires [Raimons] de Castiel
25Noef, messires Guillaume de Biaucamp, mareschaulx
de l’ost, le soudich de l’Estrade, le signeur de la Barde,
le signeur de Thaleboz, messires Guillaume Helmen,
messires Thumas Simon, Milles de Windesore, messires
Jehans de [Sandevich] et pluiseurs autres; et
30estoient le somme de cinc cens hommes et otant d’archiers.
Si vinrent cil signeur et leurs gens à Pleumoude,
et là se logièrent ou ens es villages d’environ, pour
[93]93 attendre vent et cargier leurs vaissaux petit à petit; et
ne devoient passer nuls chevaulx, car li chemins est
trop loing d’Engletière jusques à Lusebonne en Portingal.
Et estoit li chevaliers portingallois, messires Jehans
5[Frenando] en leur compaignie, qui s’en aloit avoecq
eulx. Si sejournèrent plus de trois sepmaines sus le
mer, en faissant leurs pourveances et en attendant
vent, que il avoient contraire.
Et entrues s’en aloit li dus de Lancastre vers Escoce,
10et fist tant par ses journées que il vint à le chitté de
Beruich, c’est le darrainne ville à ce lés là de toute
Engletière; et, quant il fut là venus, il s’i aresta et
envoia un hirault en Escoce deviers le roi et les barons,
et leur mandoit que il estoit là venus pour traire sour
15marce, enssi que d’usage avoient eu dou tamps passé,
et, se il se voloient traire avant, il en fust segnefiiés:
autrement il savoit bien qu’il en avoit à faire. Li hiraus
dou duc parti de Bervich et chevaucha vers Haindebourcq,
où li rois Robers d’Escoce, li contes de Douglas,
20li contes de le Mare, li contes de Mouret et li
baron d’Escoce estoient tout asamblé, car il avoient ja
entendu que li dus de Lancastre venoit celle part pour
traitier à euls, et pour che s’estoient il mis en la souverainne
ville d’Escoce, sus les frontières d’Engletière,
25tout ensamble, et enssi les trouva li hiraus d’Engletière
envoiés de par le duc de Lancastre, liquels fist
son message bien et à point, et fu bien et volentiers
oïs, et eut responsse de par les signeurs d’Escoce qui
li dissent enssi que volentiers il oroient le duc parler.
30Si rapporta li hiraus sauf conduit pour le duc de Lancastre
et toutes ses gens, à durer tant comme il seroient
sur marce et que il parlementeroient ensamble. Et s’en
[94]94 retourna li hiraus confortés et pourveus des asseurances,
et retourna à Bervich, et monstra au duc tout
ce que fait avoit. Sur ce, li dus de Lancastre se departi
de Bervich, mais à son departement il laissa toutes ses
5pourveances en la ville, et puis prist le chemin de
Rosebourc, et là se loga une nuit, et à l’endemain il
s’en vint logier en l’abbeïe de Mauros sur la [Tuide]
(c’est une abbeïe qui depart les deus roiaulmes, Escoce
et Engletière), et là se tint li dus et ses hostels tant
10que li Escot furent venu à la [Morlane], à trois petites
liewes de là; et, quant il furent venu, li dus en fu
segnefiiés. Si commenchièrent li traitiet et li parlement
entre les Escos et les Englès, et durèrent plus de quinse
jours.
15En ces tretiés durans et parlemens faissans, avinrent
en Engletière très grans meschiés de rebellions et de
esmouvement de menu peuple, par lequel fait Engletière
en fu sus le point que de estre toute perdue sans
recouvrier, ne onques roiaulmes ne païs n’en fu [en
20si] grant peril ne aventure comme il le fu en celle
saisson; et, pour la grant aisse et craisse où li menus
peuples d’Engletière gratoit et vivoit, s’esmut et esleva
ceste rebellion, enssi que jadis s’esmurent et eslevèrent
en France li Jaque Bonhomme, qui i fissent moult de
25maulx et par quels incidensses li nobles roiaulmes de
France a esté moult grevés.
§ 212. Che fu une mervilleuse cose et de povre fondacion,
dont ceste pestillensse commencha en Engletière;
et, pour donner exemple à toutes manières de
30bonnes gens, j’en parlerai et le remonstrerai selonc ce
que dou fait et de le incidensse j’en fui adont infourmés.
[95]95 Uns usages est en Engletière, et ossi est il en
pluiseurs païs, que li noble ont grant francisse sus
leurs hommes et les tiennent en servage, c’est à entendre
que il doivent de droit et par coustume labourer
5les terres des gentils hommes, quellier les grains
et amener à l’ostel, mettre en la grange, batre et vaner,
et par servage les fains fener et amener à l’ostel, la
busce copper et amener à l’ostel, et toutes telles oevres;
et doient cil homme tout ce faire par servage as
10signeurs, et trop plus grant fuisson de tels gens a en
Engletière que ailleurs, et en sont li gentil homme et
li prelat ou doient estre servi, et par especial en la
conté de Kemt, d’Exsexs, de Sousexs et de [Beteforde]
en i a plus que ens ou demorant de toute Engletière.
15Ches meschans gens ens es contrées que j’ai nommées
se commenchièrent à eslever, pour che que il
dissoient que on les tenoit en trop grande servitude,
et que au commenchement dou monde il n’avoit esté
nuls sers ne nuls n’en pooit estre, se il ne faissoit traïson
20envers son signeur, enssi comme Lucifer fist envers
Dieu; mais il n’avoient pas celle taille, car il ne estoient
ne engle ne esperit, mais homme fourmet à la samblance
de leurs signeurs, et on les tenoit comme bestes,
laquel cose il ne voloient ne pooient plus souffrir, mais
25voloient estre tout un, et, se il labouroient ou faissoient
aucuns labourages pour leurs signeurs, il en
voloient avoir leur salaire.
En ces esrederies les avoit dou tamps passet grandement
mis et boutés uns fols prestres d’Engletière,
30de la conté de Kemt, qui s’appelloit Jehans Balle, et,
pour ses folles parolles, il en avoit jeut en prison
devers l’arcevesque de Cantorbie par trop de fois, car
[96]96 cils Jehans Balle avoit eut d’usage que, les jours dou
diemence après messe, quant toutes les gens issoient
hors dou moustier, il s’en venoit en [l’aitre] et là praiechoit
et faissoit le peuple assambler autour de li, et
5leur dissoit: «Bonnes gens, les coses ne poent bien
aler en Engletière ne iront jusques à tant que li bien
iront tout de commun et que il ne sera ne villains ne
gentils homs, que nous ne soions tout ouni. A quoi
faire sont cil, que nous nommons signeur, plus grant
10maistre de nous? A quoi l’ont il deservi? Pour quoi nous
tiennent il en servitude? Et, se venons tout d’un père
et d’une mère, Adam et Eve, en quoi poent il dire ne
monstrer que il sont mieux signeur que nous, fors
parce que il nous font gaaignier et labourer ce que il
15despendent? Il sont vestu de velours et de camocas
fourés de vair et de gris, et nous sommes vesti de
povres draps. Il ont les vins, les espisses et les bons
pains, et nous avons le soille, le retrait [et] le paille,
et [buvons] l’aige. Ils ont le sejour et les biaux manoirs,
20et nous avons le paine et le travail, et le pleue
et le vent as camps, et faut que de nous viengne et
de nostre labeur ce dont il tiennent les estas. Nous
sommes appelé serf et batu, se nous ne faissons presentement
leur service; et [si] n’avons souverain à qui nous
25nos puissons plaindre ne qui nous en vosist oïr ne droit
faire. Alons au roi, il est jovenes, et li remonstrons nostre
servitude, et li dissons que nous vollons qu’il soit autrement,
ou nous i pourverrons de remède. Se nous i alons
de fait et tout ensamble, toutes manières de gens qui
30sont nonmé serf et tenu en servitude, pour estre afranchi,
nous sieuront. Et, quant li rois nous vera ou [orra],
ou bellement ou aultrement, de remède il i pourvera.»
[97]97 Enssi dissoit cils Jehans Balle et parolles semblables
les diemences par usage, à l’issir hors des messes as
vilages, de quoi trop de menues gens l’ooient. Li aucun
qui ne tendoient à nul bien disoient: «Il dist voir!»
5et murmuroient et recordoient l’un à l’autre as camps
ou alans leurs chemins ensamble de village à autre ou
en leurs maisons: «Tels coses dist Jehans Balle, et [si]
dist tout voir.» Li archevesques de Cantorbie, qui en
estoit enfourmés, faissoit prendre che Jehan et le
10mettre en prisson, et l’i tenoit deus ou trois mois pour
li castiier; et mieux vausist que très la première fois
il l’eust condempné à tousjours en prisson ou fait
morir que che que il en faissoit, car il le delivroit et
n’avoit point consience de li faire morir; et, quant
15Jehans estoit hors de le prisson de l’arcevesque, il
rentroit en sa russe comme en devant.
De sa parolle, de sa vie et de ses oevres furent aviset
et enfourmet trop grant fuisson de menues gens en
la citté de Londres, qui avoient envie sur les rices et
20sour les nobles, et commenchièrent à dire entre euls
que li roiaulmes d’Engletière estoit trop mal gouvrenés,
et que il estoit d’or et d’argent desroeubés par
ceulx qui se nommoient nobles: si commenchièrent
ces mescheans gens en Londres à faire le mauvais et à
25iaulx reveler et segnefiier à ceulx des contrées dessus
dites que il venissent hardiement à Londres et amenaissent
leur peuple, il trouveroient Londres ouverte
et le commun de leur acord, et feroient tant devers le
roi que il n’i aroit nul serf en Engletière.
30§ 213. A ces proumesses s’esmurent chil de la conté
de Kemt, cil d’Exsexs, de Sousexses, de Beteforde et
[98]98 des païs d’environ, et se missent au chemin et vinrent
vers Londres; [et se assemblèrent de pluseurs contrées
et de pluseurs villages au retour de Londres], et estoient
bien soissante mille, et avoient un souverain cappitain,
5qui s’appelloit Wautre Tillier; avoecques li estoient, et
de sa compaignie, Jaque Strau et Jehan Balle. Cil troi
estoient li souverain cappitainne de tous, et, le grigneur
entre eulx, c’estoit Wautre Tillier; et cils Wautres estoit
uns couvrères de maisons de tieulle: mauvais gars et
10envenimés estoit. Quant ces mescheans gens se commenchièrent
à eslever, sachiés, li Londriien, excepté cil de
leur sexte, en furent tout effraé, et eurent conseil li
maires de Londres et li rice homme de la ville, quant
il les sentirent enssi venir de tous costés, que il leur
15fremeroient les portes et n’en lairoient nul entrer en
la ville, enssi qu’il fissent. Mais, quant il [eurent] tout
l’afaire bien imaginet, [il dissent] que non feroient et
que il se metteroient en grant peril de tous leurs fourbours
ardoir. Si leur ouvrirent leur ville, et il i entrèrent
20ens par [fous] d’un village cent ou deus cens ou
vint ou trente, enssi que les villes estoient peuplées;
et, enssi que il venoient en Londres, il se logoient. Et
sachiés en verité que bien les troi pars de ces gens ne
savoient que il se demandoient ne qu’il queroient, mais
25sieuoient l’un l’autre, enssi que bestes et enssi que li
Pastouriel fissent jadis, qui dissoient que il aloient
conquerre la Sainte Terre, et puis tout ala à noient.
Enssi venoient ces povres gens et cil villain à Londres
de cent lieues, de soissante lieues, de quarante lieues,
30de vint lieues et de toutes les contrées environ Londres;
mais la grigneur plenté en vint des terres dessus
dittes de la conté de Kemt et d’Exsexs, et demandoient
[99]99 en venant le roi. Li gentil homme dou païs,
chevalier et escuier, se commenchièrent à doubter,
quant il sentirent tel peuple reveler, et, se il furent en
doubte, il i ot bien raison, car pour mains s’effrée on
5bien. Si se commenchièrent à mettre ensamble au
mieux et au plus bel qu’il peurent.
En che jour que ces meschans gens de la conté de
Kemt venoient à Londres, retournoit de Cantorbie la
mère dou roy d’Engletière, la princesse de Galles, et
10venoit de pelerignage. Si en fu en trop grant aventure
de estre perdue par eux, car ces mescans gens saloient
sur son char en venant et li faissoient moult de desrois,
de quoi la bonne dame fu en grant esmai de li
meïsmes que par [aucune] cose il ne li fesissent violensse
15ou à ses damoiselles. Toutesfois Dieux l’en garda,
et vint en un jour de Cantorbie à Londres, ne onques
ne s’osa anuitier sour le chemin.
A ce jour estoit li rois Richars, ses fils, ens ou castiel
de Londres; si vint là le princesse et trouva le roi,
20dalés li le conte de Sasleberi, l’arcevesque de Cantorbie,
messire Robert de Namur, le signeur de Gommegnies
et pluiseurs autres, qui se tenoient tout dalés li
pour le doutance de ces gens qui se reveloient enssi,
et ne savoient que il demandoient. Et cheste rebellion
25estoit bien sceue en l’osteil dou roi avant que il le
monstraissent ne que cils peuples isist hors de leurs
lieux; et, se n’i metoit point li rois remède ne conseil,
dont on se poeut moult esmervillier; et, afin que tout
signeur et bonnes gens qui ne voellent que bien i
30prendent exemple pour corigier les mauvais et les
rebelles, je vous esclarcirai che fait tout plainement,
enssi qu’il fu demenés.
[100]100 § 214. Le lundi, le premier jour de la sepmainne, à
bonne estrine, devant le jour dou Sacrement, en l’an
mille trois cens quatre vins et un, se departirent ces gens
et issirent hors de leurs lieux pour venir vers Londres
5et pour parler au roi et pour estre tout franc, car il
voloient que il n’i eust nul serf en Engletière. Et s’en
vinrent à Saint Thomas de Cantorbie, et là estoient Jehans
Balle, qui quidoit trouver l’arcevesque dou dit leu (mais
il estoit à Londres avoecques le roi), Wautre Tieullier et
10Jaques Strau. Quant il entrèrent en Cantorbie, toutes
gens leur firent feste, car toute li ville estoit de leur
sexte, et là eurent conseil et parlement ensamble que
il venroient à Londres deviers le roi; et envoièrent de
leurs gens et de leurs compaignons oultre le Tamisse
15en Exsexs, en Sousexsexs, en la conté de Stafort et de
Betefort parler au peuple, que tout venissent de l’autre
costé à Londres: si encloroient Londres. Enssi ne leur
poroit li rois escaper, et estoit leur intention que, le
jour dou Sacrement ou l’endemain, il se trouveroient
20tout ensamble.
Cil qui estoient en Cantorbie entrèrent en l’abbeïe
de Saint Thomas et i firent moult de desrois, et pillèrent
et fustèrent le cambre de l’arcevesque, et dissoient, en
pillant et en portant hors: «Cils canceliers d’Engletière
25a eu bon marchié de ce meuble: il nous rendera
conte temprement des revenues d’Engletière et des
grans pourfis que il a levés puis le couronnement dou
roi.» Quant il eurent che lundi fusté l’abbeïe de Saint
Thomas et l’abeïe de Saint Vinchant, il se partirent
30[l’endemain] au matin, et tous li peuples de Cantorbie
avoecq eulx, et prissent le chemin de Roceste. Et
enmenoient toutes gens des villages à destre et à
[101]101 senestre, et, en cheminant et allant, il fondefloient et
abatoient, enssi que uns tempestes, maisons d’avocas
et de procureurs de le court dou roi et de l’arcevesque,
et n’en avoient nulle merci.
5Quant il furent venu à Rocestre, on leur fist grant
chière, car les gens de la ville les attendoient, qui
estoient de leur sexte, et alèrent ou castiel et prissent
le chevalier qui gardiiens en estoit et cappitainne de la
ville, et se nommoit messires Jehans Meuton. [Si] li
10dissent: «Il faut que vous en venés avec nous et que
vous soiés nos souverains menères et cappitains, pour
faire che que nous voldrons.» Li chevaliers s’excusa
moult bellement, et remonstra pluiseurs raisons d’escusances,
se elles peussent riens valloir, mais nenil,
15car on li dist: «Messire Jehan, messire Jehan, se vous
ne faites ce que nous vollons, vous estes mors!» Li
chevaliers veoit che peuple tout foursené et aparilliet
de li ochire: si doubta le mort, et obeï à eux, et se
mist oultre son gré en leur route.
20Tout en tel manière avoient fait cil des autres contrées
d’Engletière, d’Exsexes, de Sousexses, de Kemt,
de Stafort, de Betefort, de l’evesquiet de [Norduich],
jusques à [Gernemue] et jusques à [Line], et mis les
chevaliers et les gentils hommes en leur obeïssance, et
25tels que le signeur de [Morlais], un grant baron, messire
Estièvene de Halles et messire [Estienne] de [Cosington],
et les faissoient venir avoec eux.
Or, regardés le grant derverie. Se il fuissent venu à
leur entente, il eussent destruit tous les nobles en
30Engletière; et après en autres nations tous menus
peuples se fust revelés, et prendoient piet et example
sour cheux de Gaind et de Flandres, qui se rebelloient
[102]102 contre leur signeur. Et en celle propre anée li Parisiien
le fissent ossi et trouvèrent à faire les maillès de fier,
dont il fissent plus de vint mille, sicom je vous recorderai
quant je serai venus jusques à là, mais nous
5poursieurons à parler premierement de ceulx d’Engletière.
§ 215. Quant cils peuples, qui estoit logiés à Rocestre,
eurent fait che pour quoi il estoient là venu, il se departirent
et passèrent la rivière et vinrent à Brainforde,
10et toudis tenant leur oppinion d’abatre à destre et à
senestre devant eux hostels et mansions d’avocas et
de procureurs. Ne nul n’en deportoient, et copèrent
en venant à pluiseurs hommes les testes et cheminèrent
tant qu’il vinrent à quatre lieues de Londres, et se
15logièrent sour une montaigne que on appelle ou païs
Blaquehède, c’est à dire en françois la Noire Bruière,
et dissoient en venant que il estoient au roi et au noble
commun d’Engletière.
Quant cil de Londres seurent que il estoient si priès
20d’eux logiés, il fremèrent le porte dou pont de la
Tamise et i missent gardes; et ceste ordonnance fist
faire li maires de Londres, sire Jehans Walourde, et
pluiseurs rices bourgois de Londres qui n’estoient pas
de leur sexte, mais il en i avoit en Londres de menues
25gens plus de trente mille.
Adont eurent avis chils peuples, qui estoit logiés sour
la montaigne de Blaquehède, que il envoieroient leur
chevalier devers le roi parler à li qui estoit en la Tour,
et li manderoient que il venist parler à eux, et que
30tout ce que il faisoient, c’estoit pour li, car li roiaulmes
d’Engletière un[e] grant fuison d’ennées avoit esté mal
[103]103 gouvrenés à l’honneur dou roiaulme et au pourfit du
menu peuple, et par ses oncles et par son clergiet et
princhipaument par l’arcevesque de Cantorbie, son
cancelier, dont il voloient ravoir compte.
5Li chevaliers n’osa dire ne faire dou contraire, que
il ne venist sus le Tamisse à l’encontre de la Tour, et
se fist naviier oultre l’aighe. Li rois et cil qui estoient
ou castiel de Londres, qui desiroient à oïr des nouvelles,
quant il veïrent le batelet venir fendant la
10Tamisse, si dissent: «Vechi aucune ame qui nous
aporte nouvelles!» Et estoient, je vous di, en grant
doubtance là dedens. Evous venir au rivage le chevalier:
on li fist voie; on le mena devant le roi qui estoit
en une cambre, le princesse sa mère dallés li et ses
15deus frères, messire Thumas le conte de Kemt, messire
Jehans de Hollandes, le conte de Sasebry, le conte de
Waruich, le conte d’Asquesuffort, l’archevesque de
Cantorbie, le grant prieux d’Engletière dou Temple,
messire Robert de Namur, le signeur de Vertaing, le
20signeur de Gommegnies, messire Henri de Senselles,
le maire de Londres et aucuns bourgois notables de
Londres, qui tout se tenoient dalés le roi. Li chevaliers
messires Jehans Meuton, qui bien fu cogneus entre
iaulx, car il estoit officiers dou roi, se mist en genous
25devant le roi, et li dist: «Mon très redoubté signeur,
ne voelliés mies prendre en desplaissance le mesage
que il me convient faire, car, chiers sires, c’est de
force que je sui venus si avant.»—«Nenil, dist li
rois, messire Jehan, dites che dont vous estes cargiés:
30je vous tieng pour excusé.»—«Très redoubtés
sires, li communs de vostre roiaulme m’envoie
devers vous pour traitiier, et vous prient que vous
[104]104 voelliés venir parler à eux sus la montaigne de la
Blaquehède, car il ne desirent nullui à avoir que vous;
et n’aiés nulle doubtance de vostre personne, car il
ne vous feront ja mal, et vous tiennent et tenront tousjours
5à roi; mais il vous monsteront, che dient, pluiseurs
coses qui vous sont necessaires à oïr, quant il
parleront à vous, desquels coses je ne sui pas cargiés
de vous dire. Mais, très chiers sires, voelliés moi donner
response telle qui les apaisse et que il sachent de
10verité que j’aie esté [devers] vous, car il ont mes
enffans en ostages pour moi vers euls et les feroient
morir, se je ne retournoie.» Respondi li rois: «Vous
arés response, et tantos.»
Adont se consilla li rois, et demanda quel cose estoit
15bonne à faire de ceste requeste. Li rois fu adont consilliés
que le matin le joedi il venissent aval sus la
rivière de Tamisse et que sans faute il iroit parler à
eulx. Quant messires Jehans Meuton eut celle response,
il ne demanda plus: il prist congiet au roi et as
20barons et rentra en son batiel et rapassa la Tamisse,
et retourna sus la montaigne où il avoit plus de soissante
mille hommes, et leur donna response que à
l’endemain au matin il envoiaissent leur conseil sus la
Tamisse, que li rois venroit là parler à eux. Ceste
25responsse leur plaissi grandement, et s’en contentèrent
tout, et passèrent le nuit au mieux qu’il peurent. Et
sachiés que les quatre pars d’eus junèrent par deffaute
de vivres, car il n’en avoient nuls, dont il estoient
tout courouchiet, et c’estoit raisons.
30§ 216. En che tamps estoit li contes de Bouquighem
en Galles, car il i tient bel hiretage et grant de par sa
[105]105 femme, qui fu fille au conte de Norhantonne et de
Herffort; mais la vois estoit tout commune aval Londres
que il estoit avoeques che peuple, et dissoient li aucun
pour certain que il l’i avoient veu, pour un Thomas,
5qui trop bien le resambloit, de la conté de Kemt, qui
estoit entre eulx.
Li contes de Cambrage et li baron d’Engletière, qui
gissoient à Pleumonde et qui apparilloient leurs vaissaulx
pour aler en Portingal, estoient tout enfourmé
10de ceste rebellion et dou peuple qui se commenchoit
à eslever: si se doubtèrent que leurs voiages n’en fust
rompus ou que li communs d’Engletierre, de Hantonne,
de Wincestre et de le conté d’Arondiel ne les
venist courir sus. Si desancrèrent leurs nefs et issirent
15hors dou havene à grant painne et à vent contraire,
et se boutèrent en le mer, et là ancrèrent, atendant vent.
Li dus de Lancastre, qui estoit sus marce entre le
Mourlane, Rosebourc et [Miauros], et qui là parlementoit
as Escos, estoit ossi tous enfourmés de ceste rebellion
20et de sa personne en grant doubte, car bien savoit
que il estoit petitement en le grace dou commun d’Engletière;
mais nonobstant toutes ces coses, [si] demenoit
il moult sagement ses traitiés envers les Escochois. Li
contes [de] Douglas, li contes de Mouret, li contes de
25Surlant, messires Thumas de Verssi et chil Escot, qui
pour le roi et le païs d’Escoche faissoient et menoient ces
tretiés, savoient bien toute la rebellion d’Engletière et
comment li peuples se commenchoit de toutes pars à
rebeller contre les nobles; si dissoient: «Engletière
30gist en grant branle et peril que de estre toute destruite.»
Et vous di que ens leurs traitiés il s’en tenoient
plus fort enviers le duc de Lancastre et son conseil.
[106]106 Or parl[er]ons dou commun d’Engletière, comment
il perseverèrent.
§ 217. Quant che vint le jour du Saint Sacrement
au matin, li rois Richars d’Engletière oï messe en la
5Tour de Londres, et tout li signeur. Apriès messe, il
entra en sa barge, li contes de Sasleberi, li contes de
Waruich, li contes d’A[cque]sufort et aucun chevalier
en sa compaignie, et naviièrent à rimes pour venir
oultre la Tamisse sour le rivage, en alant vers le Rideride,
10un manoir dou roi, où plus avoit plus de dis mille
bons hommes qui là estoient descendu de la montaigne,
pour veoir le roi et pour parler à lui. Quant il veïrent
la barge dou roi venir, il commenchièrent tout à huer
et à donner un si grant cri que che sambloit proprement
15que tout li diable d’infer fussent venu en leur
compaignie. Et vous di que il avoient amené messire
Jehan Meuton, leur chevalier, avoecques euls, à le fin
que, se li rois ne fust venus et que il l’euissent trouvé
en bourde, il l’eussent devoret et detrenchiet pièce à
20pièce. Tout che li avoient il proumis.
Quant li rois et li signeur veïrent che peuple qui
enssi se demenoit, il n’i ot si hardi que tout ne fuissent
effraé, et n’eut mies li rois conseil des barons qui là
estoient que il presist terre, mais commenchièrent à
25wauler la barge amont et aval sus le rivière, et dont
dist li rois: «Signeur, que vollés vous? Dites le moi.
Je sui chi venus pour parler à vous.» Il li dirent de
une vois, chil qui l’entendirent: «Nous volons que
tu viegnes sus terre, et nous te monsterons et dirons
30plus aissiement che qu’il nous fault.» Adont respondi
li contes de Sasleberi pour le roi, et dist: «Signeur,
[107]107 vous n’iestes mies en estat ne en arroi que li rois
doie maintenant parler à vous.» A ces mos, il n’i ot
plus riens dit. Li rois fu consilliés dou retourner, et
retourna ens ou castiel de Londres, dont il estoit
5partis.
Quant ces gens veïrent que il n’en aroient autre
cose, si furent tout enflamé d’aïr et retournèrent en
la montaigne où li grans peuples estoit, et recordèrent
comment on leur avoit respondu et que li rois estoit
10rallés en la Tour à Londres. Adont criièrent il tout
de une vois: «Alons tos à Londres!» Lors se missent
il au chemin, et s’avalèrent sus Londres, en fondeflant
et abatant manoirs d’abés, d’avocas et de gens de
court, et vinrent en es fourbous de Londres qui sont
15grant et bel. Si i abatirent pluiseurs biaulx hostels,
et par especial il abatirent les prisons dou roi que
on dist les Mareschauchies, et furent delivret tout li
prisonnier qui dedens estoient; et fissent en ces fourbous
moult de desrois, et manechoient à l’entrée dou
20pont ceulx de Londres pour tant que il avoient clos
les portes dou pont, et dissoient que il arderoient tous
leurs fourbours et conqueroient Londres par force, et
l’arderoient et destruiroient toute.
Li communs de Londres (moult en i avoit, qui
25estoient de leur acord) se missent ensamble et demandèrent:
«Pour quoi ne laist on ces bonnes gens entrer
en la ville? Ce sont nos gens, et tout ce qu’il font, c’est
pour nous.» Adont de force il convint que les portes
fuissent ouvertes. Si entrèrent ens ces gens tous afamés,
30et se boutèrent tantos par ces maisons bien
pourveues de pourveances, et s’ataquièrent au boire
et au mengier. On ne leur veoit riens, mais estoit on
[108]108 tout rebrachiet de faire bonne chière et de mettre avant
vivres et boires, pour iaulx apaissier.
Adont s’en alèrent les cappitainnes, Jehan Balle,
Jaque Strau et Vautre Tieullier, tout droit parmi
5Londres, en leur compaignie plus de trente mille
hommes, à l’ostel de Savoie, ou chemin de Wesmoustier
le palais dou roi, un très bel ostel seant sus le
Tamisse et hostel au duc de Lancastre. Tantos il
entrèrent ens et tuèrent les gardes et l’ardirent en
10feu et en flame. Quant il eurent fait cel outrage, il ne
se cessèrent mies atant, mais s’en alèrent à le maison
de l’Oppitalier de Rodes, que on dist Saint Jehan
de [Calerwille], et ardirent maison, hospital, moustier
et tout. Avoec tout ce, il allèrent de rue en rue, et
15tuèrent che jour tous les Flamens que il trouvèrent en
eglises, en moustiers et en maisons partout, ne nuls
n’estoit deportés. Et efforchièrent pluiseurs maisons
de Lombars et prissent des biens, qui dedens estoient,
à leur vollenté, car nuls ne leur ossoit aler au devant.
20Et tuèrent un rice homme en la ville, que on appelloit
Richart Lion, auquel, dou tamps passé, en France,
Wautre Tieullier, ens es guerres, avoit esté varlès;
mais Richart Lion avoit une fois batu son varlet. Si
l’en souvint et i mena ses gens, et li fist coper la teste
25devant li et mettre sus une glave et porter parmi les
rues de Londres. Enssi se demenoit cils mescheans
peuples comme gens foursenés et esragiés, et fissent
ce joedi moult de desrois parmi Londres.
§ 218. Quant che vint sus le soir, il s’en vinrent
30tout logier et amaignagier en le place que on dist
Sainte Katerine, devant le Tour et le castiel de Londres,
[109]109 et dissent que jamais de là ne partiroient si aroient
eu le roi à leur vollenté, et leur aroit acordé tout che
que il demandoient; et dissoient oultre que il voloient
conter au cancelier d’Engletière et savoir que li grans
5avoirs que on avoit levé parmi le roiaulme d’Engletière
puis cinc ans estoit devenus, et, se il n’en rendoit
boin compte et souffissant à leur plaissance, mal
pour lui. Sus cel estat, quant il eurent tout le jour fait
parmi Londres as estraingniers des mauls assés, se
10logièrent il devant la Tour.
Si poés bien croire et savoir que ce estoit grans
hideurs pour le roi et pour ceuls qui là dedens avoec
lui estoient, car à le fois chils mescheans peuples
huoit si hault que il sambloit que tout li diable d’infer
15fuissent entre iaulx. Sus le soir avoient eu en conseil
li rois d’Engletière, si frère et si baron qui en la Tour
estoient, parmi l’avis de sire Jehan Walourde, maieur
de Londres, et de aucuns bourgois notables de Londres,
que sus le mienuit on venroit tout armet par quatre
20rues de Londres courir sus ces mescheans gens, qui
bien estoient soissante mille, entrues que il dormiroient,
car il seroient tout enivré, et en tueroit on
otant que de mousches, car, de vint, un il n’en i aroit
nul armet, et vous di que ces bonnes gens et rices
25gens de Londres estoient bien aissiet de tout che faire,
car il avoient en leurs maissons repus secretement
leurs amis et leurs varlès, qui estoient tout armet. Et
ossi messires Robers Canolles estoit en son hostel et
gardoit son tresor à plus de sis vint compaignons tous
30aprestés, qui tantos fuissent sailli avant, se il en
euissent esté manchevi; ossi fust messire Perducas de
Labret, qui pour che tamps estoit à Londres. Et se
[110]110 fuissent bien trouvet entre set et uit mille hommes
tous armés; mais il n’en fu riens fait, car on doubta
trop le demorant dou commun de Londres, et dissent
li sage au roi, li contes de Sasleberi et li autre: «Sire,
5se vous les poés apaissier par belles parolles, c’est le
milleur et le plus pourfitable, et leur acordés tout ce
que il demandent liement, car, se nous commenchiens
cose que nous ne peuissiens achiever, il n’i aroit jamais
nul recouvrier que nous et nos hoirs ne fuissons desert
10et Engletière toute deserte.» Cils consaulx fu tenus,
et contremandés li maires que il se tenist tous quois et
ne fesist nul samblant de esmeutin. Il obeï: che fu
raissons. En la ville de Londres avoecques le maieur
a douse eschevins; li noef estoient pour li et pour le
15roi, sicom il le monstrèrent, et li troi de la sexte [de]
ce mescheant peuple, sicom il fu puisedi sceu et cogneu,
dont il [le] comparèrent moult chier[em]ent.
§ 219. Quant che vint le venredi au matin, chils
peuples qui estoit logiés en la place de Sainte Cateline
20devant le Tour se commenchièrent à aparillier et à
criier moult hault et à dire que, se li rois ne venoit
parler à eux, il assauroient le castiel et le prenderoient
de force et ociroient tous ceuls qui dedens estoient.
On doubta ces manaces et ces parolles, et eut li rois
25conseil que il isteroit parler à euls, et leur envoia dire
que il se traïssissent tout au dehors de Londres en
une place que on dist le [Milinde], une moult belle
prée, [où] les gens vont esbattre en esté, et là leur
acorderoit li rois et [otroieroit] tout che que il demanderoient.
30Li maires de Londres leur noncha tout cela
et fist le crit de par le roi que, qui voloit parler au roi,
[111]111 il alast en le place dessus dite, car li rois iroit sans
faute.
Adont se commenchièrent à departir ces gens les
communs des villages et iaus à traire et à aler celle
5part, mais tout n’i alèrent mies, et n’estoient mies
tout de une condition, car il en i avoit pluiseurs qui
ne demandoient que le rihote et le destrution des
nobles et Londres estre toute courue et pillie. Che
estoit le principaulx matère pour quoi il avoient
10commenchiet, et bien le monstroient, car, sitrestos que la
porte dou castiel fu ouverte et que li rois en fu issus
et si doi frère, li contes de Sasleberi, li contes de
Waruich, li contes d’Aquesufort, messires Robers de
Namur, li sires de Vertaing, li sires de Goumegnies
15et pluiseur autre, Wautre Tieullier, Jaques Strau et
Jehan Balle et plus de quatre cent entrèrent ens ou
castiel et l’efforchièrent, et sallirent de cambre en
cambre et trouvèrent l’arcevesque de Cantorbie, que
on appeloit Simon, vaillant homme et preudomme
20durement, cancelier d’Engletière, liquelx avoit tantos
fait le divin office et celebré messe devant le roi; il
fu pris de ces gloutons et là tantos decollés. Ossi fu li
grans prieus de Saint Jehan de l’Ospital et uns frères
meneurs, maistres en medechine, liquels estoit au duc
25de Lancastre; et pour che fu il mors ou despit de son
maistre, et uns sergans d’armes dou roi, que on appelloit
Jehan Laige, et ces quatre testes missent il sus
longes glaves et les faissoient porter devant iaulx parmi
les rues de Londres; et, quant il eurent assés [joué],
30il les missent sus le pont de Londres, comme il euissent
esté traïteur au roi et au roiaulme.
Encores entrèrent cil glouton en la cambre le princesse
[112]112 et despecièrent tout son lit, dont elle fu si eshidée
que elle s’en pasma, et fu de ses varlès et [camberières]
prise entre leurs bras et aportée bas en une
posterne sour le rivage et misse en un batiel, et de là
5acouverte et amenée [par la rivière en la Riole, et puis
menée] en un hostel que on dist la Garde Robe la
Roïne; et là se tint tout le jour et toute la nuit, enssi
que une femme demi morte, tant que elle fu reconfortée
dou roi, son fil, sicom je vous dirai ensieuant.
10§ 220. En venant le roi en celle place que on dist
la Millinde au dehors de Londres, s’emblèrent de li,
pour le doutance de la mort, et se boutèrent hors de
sa route si doi frère, li contes de Kemt et messires
Jehans de Hollandes. Ossi fist li sires de Goumegnies,
15et s’en ala avoecq eulx, et ne s’osèrent amonstrer au
peuple en celle place de la Milinde.
Quant li rois fu venus, et li baron dessus nommé
en sa compaignie, en la place de la Milinde, il trouva
plus de soissante mille homme[s] de divers lieux et
20de divers villages des contrées d’Engletière. Il se mist
tout enmi eux et leur dist moult doucement: «Bonnes
gens, je sui vostres rois et vostres sires. Que vous
fault? Que vollés vous dire?» Adont respondirent cil
qui l’entendirent et dissent: «Nous volons que tu
25nous afranchisses à tous les jours dou monde, nous,
nos hoirs et nos terres, et que jamais nous ne soions
tenu ne nommé serf.» Dist li rois: «Je le vous
acorde. Retraiiés vous bellement en vos lieux et en vos
maissons, enssi que vous estes chi venu par villages
30et laissiés de par vous de cascun village deus ou trois
hommes, et je leur ferai escripre à pooir lettres et
[113]113 seeler de mon seel, que il en reporteront avoec euls
quitement, liegement et francement tout ce que vous
demandés. Et, afin que vous en soiés mieux conforté
et aseuré, je vous ferai par senescaudies, par casteleries
5et par mairies delivrer mes banières.»
Ces parolles apaissièrent grandement ce menu
peuple, voire les simples et les novisses et les boines
gens qui là estoient venu, et ne savoient que il se
demandoient, et dissent tout hault: «C’est bien dit!
10C’est bien dit! Nous ne demandons mieux.» Velà
che peuple apaissiet, et se commenchièrent à retraire
en Londres.
Encores leur dist li rois une parolle qui grandement
les comptenta: «Entre vous, boines gens de la conté
15de Kemt, vous arés une de mes banières, et vous, cil
d’Exsexes, une, et cil de Sousexses, une autre, et cil
de Beteforde, une otant bien, et cil de Cambruge, une,
cil de Gernemue, une, cil de Stafort, une, cil de Line,
une; et vous pardonne tout ce que vous avés fait
20jusques à ores, mais que vous sieuwés mes banières
et en rallés en vos lieux sour l’estat que j’ai dit.» Il
respondirent tout: «Oïl.»
Enssi se departi chils peuples et rentra en Londres,
et li rois ordonna plus de trente clers che venredi,
25qui escripsoient lettres à pooir et seeloient et delivroient
à ces gens. Et puis se departoient cil qui ces
lettres avoient, et s’en ralloient en leurs nations, mais
li grans venins demoroit derière, Wautre Tieullier,
Jaque Strau et Jehan Balle, et disoient, quoique cils
30peuples fust apaissiés, que il ne se partiroient pas
enssi; et en avoient de leur [acort] plus de trente
mille. Si demorèrent en Londres et ne pressoient point
[114]114 trop fort à avoir lettres ne seaulx dou roi, mais
metoient toute leur entente à bouter tel tourble en le
ville que li riche homme et li signeur fuissent mort
et leurs maisons fustées et pillies. Et bien s’en doubtoient
5li Londriien: pour ce se tenoient il pourveu
dedens leurs hostels tout quoiement de leurs varlès et
de leurs amis, cascuns selonc sa poissance. Quant
cils peuples fu ce venredi apaissiés et retrais en
Londres, et que on leur delivroit lettres seellées à tous
10lés, et que il se departoient sitretos que il les avoient
et en ralloient vers leurs villes, li rois Richars s’en
vint en le Riolle en la Garde Robe la Roïne, dist on,
où la princesse sa mère estoit retraite toute effraée.
Si le reconforta, enssi que bien le seut faire, et demora
15avoecques li toute celle nuit.
Encores vous voel jou recorder de une aventure qui
avint, par ces maleoites gens, devant la chitté de Norduich
et par un cappitaine que il avoient, que on
appelloit Willaume Listier, liquels estoit de Stafort.
20§ 221. Che propre jour dou Sacrement, que ces
mescheans gens entrèrent en Londres et que il ardirent
l’ostel de Savoie et le moustier et le maison de l’Ospital
de Saint Jehan dou Temple, et que le prison dou
roi que on dist [Nieugate] fu par euls rompue et brisie
25et tout li prisonnier delivret, et que il fissent tous ces
desrois que vous avés oï recorder, estoient cil des
contrées que je dirai premierement de Stafort, de Line,
de Cambruge, de Beteforde et de Gernemue tout
eslevé et assamblé, et s’en venoient à Londres devers
30leurs compaignons, car enssi l’avoient il ordonné, et
estoit leurs cappitains uns garnemens qui s’appelloit
[115]115 Listier. En leur chemin, il s’arestèrent devant Norduich,
et en venant il en faissoient aler avoecq eux toutes
gens, ne nuls villains ne demoroit derière. La cause
pour quoi il s’arestèrent devant Norduich, je le vous
5dirai.
Il i avoit un chevalier cappitaine de la ville, qui
s’appelloit messires Robers Salle. Point gentils homs
n’estoit, mais il avoit la grace, le fait et le renommée
de estre sages et vaillans homs as armes, et l’avoit
10fait pour sa vaillance li rois Edouwars chevalier, et
estoit de membres li mieux tournés et li plus fors
homs de toute Engletière. Listiers et ses routes s’avissèrent
que il enmenroient che chevalier avoec eux et
en feroient leur souverain cappitainne: si en seroient
15plus cremu et miex amé. [Si] li envoiièrent dire que il
venist as camps parler à euls, ou il asauroient la citté et
l’arderoient. Li chevaliers regarda que il valoit mieux
que il alast parler à eulx, que il fesissent cel outrage; si
monta sus son cheval et issi tous seuls hors de la ville,
20et vint parler à euls. Quant il le virent, il li fissent très
grant chière et l’onnourèrent moult, et lui prièrent
que il vosist deschendre de son cheval et parler à
eulx. Il descendi, dont il fist folie. Quant il fu descendus,
il l’environnèrent, et puis commenchièrent à traitier
25moult bellement, et li dissent: «Robers, vous
estes chevaliers et uns homs de grant creance en ce
païs et de renommée, moult vaillans homs, et, quoique
vous soiiés tels, nous vous connissons bien. Vous
n’estes mies gentils homs, mais fils d’un villain et
30d’un machon, sicom nous sommes. Venés ent avoecques
nous, vous serés nos maistres, et nous vous
ferons si grant signeur que li quars d’Engletière sera
[116]116 en vostre obeïssance.» Quant li chevaliers les oï parler,
[si] li vint à grant contraire, car jamais n’euist
fait ce marchiet; et respondi, en iaulx regardant moult
fellement: «Arière, mescans gens, faus et mauvais
5traïteur que vous estes! Volés [vous] que je relenquisse
mon naturel signeur pour telle merdaille que
vous estes, et que je me deshonneure? J’aroie plus
chier que vous fuissiés tout pendut, enssi que vous
serés, car vous n’arés autre fin.» A ces cops il quida
10remonter sur son cheval, mais il fali de l’estrier, et
li chevaulx s’effrea. Adont huèrent il à lui et criièrent:
«A le mort!» Quant il oï ces mos, il laissa aler son
cheval et traïst une belle longhe espée de Bourdiaux
que il portoit, et vous commenche à estoriier et à faire
15place autour de li, que ce estoit grans biautés dou
veoir, ne nuls ne l’ossoit aprochier. Aucun l’aprochoient,
mais, de cascun cop qu’il jettoit sur euls, il
leur coppoit ou piet ou teste ou brach ou gambe, ne
il n’i avoit si hardit qui ne le resongnast; et fist là cils
20messires Robers tant d’armes que merveilles. Mais
ces mescans gens estoient plus de quarante mille: si
jettoient, traioient et lanchoient sur li, et il estoit tous
desarmés, et, au voir dire, se il eust esté de fier ou
d’achier, [si] convenist il que il fust demorés; mais il
25en tua tous mors douse, sans ceuls que il mehaigna et
afolla. Finablement il fu aterrés, et li decoppèrent les
jambes et les bras, et le detrenchièrent pièce à pièce.
Enssi fina messires Robers Salle, dont che fu damages,
et en furent depuis en Engletière courouchiet tout li
30chevalier et escuier, quant il en seurent les nouvelles.
§ 222. Le samedi au matin, se departi li rois
[117]117 d’Engletière de la Garde Robe le Roïne qui siet en la
Riolle, et s’en vint à Westmoustier, et oï messe en
l’eglise, et tout li signeur avoecques lui. En celle eglise
a une image de Nostre Dame à une petite cappelle,
5qui fait grans miracles et grans vertus, et en lequelle
li [roi] d’Engletière ont tousjours eu grant confidence
de creance. Li rois fist là ses orissons devant cel image,
et se offri à lui, et puis monta à cheval, et tout li
baron ossi qui estoient dallés li, et pooit estre environ
10heure de tierce. Li rois et sa route chevauchièrent
toute la cauchie pour entrer en Londres; et, quant il
eut chevauchiet une espasse, il tourna sus senestre
pour passer au dehors, et ne savoit nuls de verité où
il voloit aler, car il prendoit le chemin pour passer
15au dehors de Londres.
Che propre jour au matin, s’estoient asamblé et
quelliet tous les mauvais, desquels Wautre Tieullier,
Jake Strau et Jehan Balle estoient cappitainne, et venu
parlementer en une grande place que on dist Semitefille,
20où li marchiés des chevaulx est le venredi, et là
estoient plus de vint mille, tout de une aliance; et
encores en i avoit biaucop en la ville, qui se desjunoient
et buvoient par les tavernes à le grenace, à le
malevissie chiés les Lombars, et riens ne paioient:
25encores tout ewireus qui leur pooit faire bonne chière.
Et avoient ces gens, qui là estoient asamblés, les
banières dou roi que on leur avoit bailliet le jour
devant, et estoient sus un propos cil glouton que de
courir Londres et reuber et pillier ce meïsmes jour, et
30dissoient les cappitainnes: «Nous n’avons riens fait:
ces franchisses que li rois nous a donnet nous portent
trop petit de pourfit, mais soions tout d’un acord.
[118]118 Courons ceste grosse ville et riche et poissans de
Londres, avant que cil d’Exsexs et de Sousexsexs, de
Cambruge, de Beteforde et les autres contrées estrangnes
d’Arondiel, de Waruich, de Redinghes, de Barkesiere,
5d’Asquesufort, de Gillevorde, de Conventré,
de Line, de Staffort, de Gernemue, de Lincolle, de
Iorc et de Durames viegnent; car tout venront, et sai
bien que Bakier et Listier les amenront, et, se nous
sommes au dessus de Londres, de l’or et de l’argent et
10des ricoisses que nous i trouverons et qui i sont, nous
arons pris premier, ne ja nous ne nous en repentirons,
car, se nous les laissons, cil qui vienent, che
vous di, le nous torront.»
A ce conseil estoient il tout d’accord, quant evous
15le roi qui vient en chelle place, acompaigniés de soissante
chevaulx, et ne pensoit point à eulx, et quidoit
passer oultre et aler son chemin et laissier Londres.
Enssi que il estoit devant l’abbeïe de Saint Betremieu
qui là est, il regarde et voit che peuple. Li rois s’arreste
20et dist que il n’iroit plus avant si saroit de ce
peuple quel cose il leur falloit, et, se il estoient tourblé,
il les rapaisseroit. Li signeur qui dalés li estoient
s’arrestèrent, che fu raisons, quant il s’arresta.
Quant Wautre Thieullier veï le roi qui estoit arestés,
25il dist à ses gens: «Velà le roi, je voel ale[r] parler
à lui: Ne vous mouvés de chi, se je ne vous acène,
et, se je vous fach che signe ([si] leur fist un signe),
si venés avant, et ochiiés tout, horsmis le roi. Mais
au roi ne faites nul mal: il est jones, nous en ferons
30nostre volenté, et le menrons partout où nous vorrons
en Engletière, et serons signeur de tout le royaulme,
il n’est nulle doubte.»
[119]119 Là avoit un juponnier de Londres, que on appeloit
Jehan Ticle, qui avoit aporté et fait aporter bien soissante
jupons, dont aucun de ces gloutons estoient
revesti, et Thieullier en avoit un vesti. [Si] li demandoit
5Jehans: «Hé sire! qui me paiera de mes jupons?
Il me faut bien trente mars.»—«Apaisse toi, respondi
Tieulliers, tu seras bien paiiés encores anuit.
Tient t’ent à moi: tu as crant assés.»
A ces mos, il esperonne un cheval sur quoi il
10estoit montés, et se part de ses compaignons, et s’en
vient droitement au roi et si priès de li que la queue
de son cheval estoit sus la teste dou cheval dou roi.
Et la première parolle qu’il dist, il parla au roi et dist
enssi: «Rois, vois tu toutes ces gens qui sont là?»
15—«Oïl, dist li rois, pourquoi le dis tu?»—«Je le
di pour ce que il sont tout à men commandement, et
m’ont tout juré foi et loiauté à faire che que je vaurai.»
—«A le bonne heure, dist li rois, je voel bien
qu’il soit enssi.» Adont dist Tieulliers, qui ne demandoit
20que le rihotte: «Et quides tu, di, rois, que cils
peuples qui là est, et otant à Londres, et tous en men
commandement, se doie partir de toi enssi sans porter
ent vos lettres? Nenil; nous les emporterons toutes
devant nous.» Dist li rois: «Il en est ordonné, et il
25le faut faire et delivrer l’un apriès l’autre. Compains,
retraiiés vous tout bellement deviers vos gens et les
faites retraire à Londres, et soiés paisieule, et pensés
de vous, car c’est nostre entente que cascuns de vous
par villages et maries ara se lettre, enssi comme dit
30est.» A ces mos, Wautre Tieullier jette ses ieus sus
un escuier dou roi qui estoit derière le roi et portoit
l’espée dou roi, et haoit cils Tieulliers grandement cel
[120]120 escuier, car autrefois il s’estoient pris de parolles, et
l’avoit li escuiers vilonné: «Voires, dist Tieulliers,
es tu là? Baille moi ta daghe.»—«Non ferai, dist li
escuiers, pour quoi le te bailleroie je?» Li rois regarde
5sus son vallet, et li dist: «Bailles li.» Chils li bailla
moult envis. Quant Tieulliers le tint, il en commencha
à juer et à tourner en sa main, et reprist la parolle
à l’escuier et li dist: «Baille moi celle espée.»
—«Non ferai, dist li escuiers, c’est li espée dou roi;
10tu ne vaulx mies que tu l’aies, car tu n’ies que uns
garchons, et, se moi et toi estièmes tout seul en celle
place, tu ne diroies ces parolles ne eusses dit, pour ossi
grant d’or que cils moustiers de Saint Pol est grans.»
—«Par ma foi, dist Tieulliers, je ne mengerai jamais
15si arai ta teste.» A ces cops estoit venus li maires
de Londres, li dousimes montés as chevauls et tous
armés desous leurs cottes, et rompi la presse, et veï
comment cils Tieulliers se demenoit; si dist en son
langage: «Gars, comment es tu si ossés de dire tels
20parolles en la presence dou roi? C’est trop pour toi.»
Adont li rois se felenia et dist au maieur: «Maires,
mettés le main à li.» Entrues que li rois parloit, cils
Tieulliers avoit parlé au maieur et dit: «Et, de ce que
je di et fach, à toi qu’en monte?»—«Voire, dist li
25maires, qui ja estoit avoés dou roi, gars puans, parle[s]
tu enssi en la presence de mon naturel signeur? Je
ne voel jamais vivre, se tu ne le comperes.» A ces
mos il traïst un grant baselaire que il portoit, et
lasque et fiert che Tieullier un tel horion parmi la
30teste que il l’abat as piés de son cheval. Sitos comme
il fu cheus entre piés, on l’environna de toutes pars,
par quoi il ne fust veus des assamblés qui là estoient
[121]121 et qui se dissoient ses gens. Adont descendi uns
escuiers dou roi, que on appelloit Jehan Standuich,
et traïst une belle espée que il portoit et le bouta, ce
Tieullier, ou ventre, et là fu mors. Adont se perchurent
5ces folles gens là asamblés que leur cappitains
estoit ochis. Si commenchièrent à murmurer ensamble
et à dire: «Il ont mort nostre cappitaine! alons!
alons! ochions tout!» A ces mos, il se rengièrent sus
le place par manière de une bataille, cascun son arc
10devant li, qui l’avoit. Là fist li rois un grant outrage,
mais il fu convertis en bien, car, tantos comme Tieulliers
fu aterés, il se parti de ses gens tous seuls, et dist:
«Demorés chi. Nuls ne me sieue.» Lors vint il au
devant de ces folles gens, qui s’ordonnoient pour vengier
15leur cappitainne, et leur dist: «Signeur, que
vous fault? Vous n’avés autre cappitainne que moi:
je sui vostres rois; tenés vous en pais.» Dont il avint
que li plus de ces gens, sitos comme il veïrent le roi
et oïrent parler, il furent tout vaincu et se commenchièrent
20à defuir, et che estoient li paisiule; mais li
mauvais ne se departoient mies, anchois se ordonnoient
et monstroient que il feroient quel[que] cose.
Adont retourna li rois à ses gens et demanda que il
estoit bon à faire. Il fu consilliet que il se trairoient
25sus les camps, car fuirs ne eslongiers ne leur valloit
riens, et dist li maires: «Il est bon que nous fachons
enssi, car je suppose que nous arons tantos grant
confort de ceuls de Londres des bonnes gens de nostre
lés, qui sont pourveus et armés, eux et leurs amis,
30en leurs maissons.»
Entrues que ces coses se demenoient enssi, couroit
une voix et uns effrois parmi Londres en dissant
[122]122 enssi: «On tue le roi! on tue le maire!» pour lequel
effroi toutes manières de bonnes gens de la partie du
roi sallirent hors de leurs hostels, armés et pourveux,
et se traïssent tout devers Semitefille et sus les camps
5là où li rois estoit trais, et furent tantos environ set
mille ou uit mille hommes, tous armés. Là vinrent
tout des premerains messires Robers Canolles et messires
Perducas de Labreth bien acompaigniés de bonnes
gens, et noef des eschevins de Londres ossi, à plus de
10cent hommes d’armes, et uns poissans homs de la
ville, qui estoit des draps dou roi, que on appelloit
Nicolas [Brambre], et cils amena une grant route de
bonnes gens; et, enssi comme il venoient, il se rengeoient
et se metoient tout à piet et en bataille dallés
15le roi. D’autre part, estoient ces mescans gens tous
rengiés, et monstroient que il se voloient combatre, et
avoient les banières dou roi avoec euls. Là fist li rois
trois chevaliers; l’un fu le maieur de Londres, messire
Jehan Walourde, l’autre fu messire Jehan Standuich,
20et le tierch fu messire Nicolles [Brambre]. Adont
parlementèrent ensamble li signeur qui là estoient, et
dissoient: «Que ferons nous? Nous veons nos ennemis
qui nous euissent volentiers ochis, se il veïssent
que il en eussent le milleur.» Messires Robers Canolles
25consilloit tout oultre que on les alast combatre et tous
ochire, mais li rois ne s’i asentoit nullement, et dissoit
que il ne voloit pas que on fesist enssi: «Mais voel,
dist li rois, que on voist requerre mes banières, et
nous verons, en demandant nos banières, comment il
30se maintenront. Toutesfois, ou bellement ou autrement,
je les voel ravoir.»—«C’est bon,» dist li
contes de Sasleberi. Adont furent envoiiet cil troi
[123]123 nouvel chevalier devers eux. Chil chevalier, en venant,
leur fissent signe que il ne traïssissent point, car il
venoient là pour traitier. Quant il furent venu si priès
que pour parler et estre oï, il dissent: «Escoutés. Li
5rois vous mande que vous li renvoiiés ses banières,
et nous esperons que il ara merchi de vous.» Tantos
ces banières furent baillies et rapportées au roi.
Encore leur fu là commandé de par le roi et sus le
teste que, qui avoit lettre dou roi empetrée, il le
10remesist avant. Li aucun, et ne mies tout, les aportèrent.
Li rois les faissoit prendre et deschirer en leur
presence.
Vous devés et poés savoir que, sitos que les
banières dou roi furent rapportées, ces mescheans
15gens ne tinrent nul arroi, mais jettèrent la grignour
partie de leurs ars jus, et se demuchièrent et se
retraïssent en Londres. Trop estoit messires Robers
Canolles courouchiés de che que on ne les couroit sus
et que on ne ochioit tout; mais li rois ne le voloit
20point consentir et dissoit que il en prenderoit bien
venganche, enssi qu’il fist depuis. Enssi se departirent
et demuchièrent ces folles gens, li uns chà et li autre
là, et li rois et li signeur et leurs routes rentrèrent
ordonnéement en Londres à grant joie. Et le premier
25cemin que li rois fist, il vint devers sa dame de mère,
la princesse, qui estoit en un hosteil en la Riolle, que
on dist la Garde Robe, et là s’estoit tenue deus jours
et deus nuis moult esbahie, il i avoit bien raison. Quant
elle veï le roi son fil, si fu toute resjoïe: «Ha! biaux
30fils, com jou ai hui eu en coer grant paine et grant
angousse pour vous!» Dont respondi li rois, et dist:
«Certes, ma dame, je le sai bien. Or vous resjoïssiés,
[124]124 car il est heure, et loés Dieu, car je ai hui recouvré
mon hiretage et le roiaulme d’Engletière que je avoie
perdu.» Enssi se tint li rois ce jour dallés sa mère, et
li signeur en allèrent cascuns paisiulement en leurs
5hostelx. Là fu fais uns cris et uns bans de par le [roi]
de rue en rue, et tantos que toutes manières de gens
qui n’estoient de la nation de Londres ou qui n’i
avoient demoret un an entier, partesissent, et, se il i
estoient sceu ne trouvé le diemence à soleil levant, il
10estoient tenu comme traïteur envers le roi, et perderoient
les testes. Che ban fait et oï, nuls ne l’ossa
enfraindre, et se departirent incontinent che samedi
toutes gens et s’en rallèrent tout desbareté en leurs
lieux. Jehan Balle et Jaque Strau furent trouvé en une
15viesse maison repus, qui se quidoient embler, mais il
ne peurent, car de leurs gens meïsmes il furent racuset.
De leur prisse eurent li rois et li signeur grant
joie, car on leur trenca les testes, et de Tieullier ossi;
et furent misses sus le pont à Londres, et ostées celles
20des vaillans hommes que le joedi il avoient decollet.
Ces nouvelles s’espardirent tantos environ Londres
pour ceux des estragnes contrées qui là venoient et
qui mandé de ces mesceans gens estoient. Si se
retraïssent tantos en leurs lieux, ne il ne vinrent ne
25ossèrent venir plus avant.
§ 223. Or vous parlerons dou duch de Lancastre,
qui estoit sus les marches d’Escoce en ces jours que
ces avenues avinrent et chils revelemens de peuple en
Engletière, et traitoit as Escos, au conte de Douglas
30et as barons d’Escoce. Bien savoient li Escot tout le
convenant d’Engletière, et ossi faissoit li dus, mais
[125]125 nul samblant n’en faissoit as Escos, anchois se tenoit
ossi fors en ses traitiés, que dont que Engletière fust
toute en bonne pais. Tant fu parlementé et alé de l’un
à l’autre que unes trieuwes furent prisses à durer
5trois ans entre les Escos et les Englès et les roiaulmes
de l’un et de l’autre. Quant ces trieuwes furent acordées,
li signeur vinrent devant l’un l’autre, en iaulx
honnourant, et là dist li contes [de] Douglas au duc de
Lanclastre: «Sire, nous savons bien le rebellion et le
10revelement dou menu peuple d’Engletière et le peril
où li roiaulmes d’Engletière par telle incidense est et
puet venir: si vous tenons à moult vaillant et à très
sage, quant si francement en vos traitiés vous vous
estes toudis tenus, car nul samblant n’en avés fait ne
15monstré. Si vous dissons et offrons que, se il vous
besongne confort de cinc cens ou de sis cens lances
de nostre costé, vous les trouverés toutes prestes en
vostre service.»—«Par ma foi, respondi li dus,
biau signeur, grant mercis. Je n’i renonche pas, mais
20je ne quide point que mon signeur n’ait si boin conseil
que les coses venront à bien, et toutesfois je voel
de vous avoir un seur sauf conduit de moi et des
miens pour moi retourner et tenir en vostre païs, se
il me besongne, tant que les coses soient apaissies.»
25Li contes [de] Douglas et li contes de Mouret, qui
avoient là la poissance dou roi, li acordèrent legièrement.
Adont prissent il congiet et se departirent li un
de l’autre; li Escot s’en rallèrent à Haindebourc, et li
dus et li sien retournèrent vers Beruich, et quidoit li
30dus tout proprement rentrer en la citté de Beruich,
car au passer il avoit là laiiet ses pourveances; mais li
cappitains de le citté, qui s’appelloit messire Mahieux
[126]126 [Rademan], li devea et li cloï la porte audevant de li et
de ses gens, et li dist que il li estoit deffendu dou
conte de Northombrelande, regart et souverain pour
le tamps de toute la marce, le frontière et les païs de
5Northombrelant. Quant li dus entendi ces parolles,
[si] li vinrent moult à contraire et à desplaissance. Si
respondi: «Comment, Mahieu [Rademan], i a en
Northombrelant autre souverain de moi mis et establi,
depuis que je passai et que je vous laiiai mes pourveances?
10Dont vient ceste nouvelleté?»—«Par ma
foi, respondi li chevaliers, monsigneur, oïl et de par
le roi, et che que je vous en fach, je le fach envis,
mais faire le me convient. Si vous prie, pour Dieu,
que vous me tenés pour excusé, car il m’est enjoint
15et commandé, sus men honneur et sus ma vie, que
point n’i entrés ne li vostre.»
Vous devés savoir que li dus de Lanclastre fu moult
esmervilliés et courouchiés de tels paroles, et non pas
sus le chevalier singullèrement, mais sus ceulx dont li
20ordenance venoit, quant il avoit traveliet pour les
besongnes d’Engletière, et on le soupechonnoit tel que
on li clooit et veoit la première ville d’Engletière au
lés devers Escoche, et imaginoit que on li faisoit grant
blasme, et ne descouvri mies là tout son corage ne
25ce que il penssoit, et ne pressa plus avant le chevalier,
car bien veoit que il n’avoit nulle cause dou faire,
et que li chevaliers, sans trop destroit commandement,
ne se fust jamais avanchiés de dire et faire ce
que il disoit et faissoit. Si issi de che pourpos et prist
30un aultre, et li demanda: «Messire Mahieu, des nouvelles
d’Engletière savés vous nulles?»—«Monsigneur,
respondi li chevaliers, je ne sai autres fors telles
[127]127 que li païs est trop fort esmeuz, et a li rois nos sires
escript as barons et as chevaliers de ce païs que il
soient tout prest de venir vers li, quant il les mandera,
et as gardiiens et castelains des cittés, villes et
5castiaulx de Northombrelande mandé destroitement et
sus la teste, que il ne laissent nullui entrer en leurs
lieux et soient bien seur de ce qu’il ont en garde.
Mais dou menu peuple qui se revelle devers Londres,
je ne sai nulle certaine nouvelle que je peuisse recorder
10pour verité fors tant que li officiier de là jus, de
l’evesqué de Lincolle et de la conté de Cambruge, de
Stafort, de Beteforde et de l’evesquiet de Norduich
m’ont escript que les menues gens desoulx eulx sont
en grant desir que les cosses voissent mal et que il i
15ait tourble en Engletière.»—«Et de nostre païs,
dist li dus de Lanclastre, [de] Derbi et de Lincestre i
a nulle rebellion?»—«Monsigneur, respondi li chevaliers,
je n’ai point oï dire que il aient passé [Line],
Lincole ne Saint Jehan de [Bruvelé].» Adont s’apenssa
20li dus, et prist congiet au chevalier, et tourna le chemin
de Rosebourc, et là fu il requelliés dou castelain, car
il meïsmes au passer l’i avoit mis et establi.
§ 224. Or eut li dus de Lancastre conseil et avis,
pour ce que il ne savoit ne savoir justement ne pooit
25comment les coses se portoient en Engletière ne porteroient
encores ne de qui il i estoit amés ne haïs,
que il signifieroit son estat as barons d’Escoce et leur
pri[er]oit que il le venissent querre à une quantité de
gens d’armes sus le sauf conduit que il li avoient
30bailliet. Tantos che conseil et avis eu, il envoia devers
le conte de Douglas, qui se tenoit à Dalquest. Quant li
[128]128 contes veï les lettres dou duc, si en eut grant joie et
conjoï grandement le message, et segnefia en l’eure
cel afaire au conte de Mouret et au conte de le Mare,
son frère, et leur manda que tantost et sans delai, sus
5trois jours, eux et leurs gens, montés et aprestés, fussent
venu à le Morlane. Sitretos que cil signeur en furent
segnefiet, il mandèrent leurs gens et leurs amis les
plus prochains, et s’en vinrent à la Morlane, et là
trouvèrent le conte [de] Douglas. Si chevauchièrent
10tout ensamble, et estoient bien cinc cens lances, et
vinrent en l’abaïe de Mauros, à noef petites lieues de
Rosebourc, et segnefiièrent leur venue au duc de Lanclastre.
Li dus tantos lui et ses gens furent apparilliet;
si montèrent et se partirent de Rosebourc, et encontrèrent
15sur leur chemin les barons d’Escoche. Si s’entrecontrèrent
et fissent grant chière, et puis chevauchièrent
ensamble tout en parlant et en devissant, et
exploitèrent tant que il vinrent en Haindebourc, où li
rois d’Escoce par usage se tient le plus, car il i a biau
20castel et bon, et grosse ville et biau havene. Mais, pour
ches jours li rois n’i estoit point, anchois se tenoit en
la Sauvage Escoche, et là cachoit. Si fu dou conte de
Douglas et des barons d’Escoce, pour plus honnourer
le duc de Lanclastre, li castiaulx de Haindebourc delivrés
25au duc, dont il leur sceut grant gret; et là se tint
li dus un tempore, tant que autres nouvelles lui
vinrent d’Engletière, mais che ne fu mies sitretos, et
que che soit voirs.
Or regardés des malles gens, comment haïneus et
30losengier s’avancent de parler outrageusement et sans
cause. Vois et fame coururent un tamps en Engletière,
ens es jours de ces rebellions, que li dus de Lanclastre
[129]129 estoit traïtres envers le roi, son signeur, et que il s’estoit
tournés escos. Et il fu tantos sceu tous li contraires,
mais ces maleoites gens, pour mieux tourbler
le roiaulme et esmouvoir le peuple, avoient mis avant
5et semet ces paroles, et che congnurent à le mort, quant
il furent executé de mort, Listier, Tieullier, Strau,
Baquier et Jehan Balle. Chil cinc par tout Engletière
estoient li meneur et li souverain cappitainne, et
avoient ordonné et tailliet entre eux que ens es cinc
10parties d’Engletière il seroient maistre et gouvreneur,
et par especial il avoient en trop grant haïne le duc de
Lanclastre, et bien li monstrèrent, car, sitretos de
commenchement que il furent entré en Londres, il li
alèrent ardoir sa maison, le bel hostel de Savoie, que
15onques n’i demora esciel ne mairien, que tout ne fust
ars, et encores avoec tout che meschief avoient il semet
et fait semer par leur malvaisté parolles aval Engletière
que il estoit de la partie dou roi d’Escoce: dont
on li tourna en aucuns lieux en Engletière ses armes
20au desous, comme il fust traïtres; et depuis fu si
chièrement comparet que chil qui che fissent en orent
les tiestes trenchies.
Or vous voel jou recorder la vengance et comment
li rois d’Engletière le prist de ces mescans gens,
25entrues que li dus de Lanclastre estoit en Escoce.
§ 225. Quant ces coses furent rapaissies et que Thome
Baquier ot esté executés à mort à Saint Albens, et Listier
à Stafort, et Tieullier et Jehan Bale et Jake Strau
et pluiseurs autres à Londres, li rois ot conseil que il
30visiteroit son roiaulme, et chevauceroit et iroit par
tout les bailliages et mairies et senescaudies et
[130]130 casteleries et mettes d’Engletière, pour pugnir les mauvais
et reprendre les lettres que de force il avoit ja en
pluiseurs lieus données et accordées, et remeteroit le
roiaulme en son droit point. Si fist li rois un secret
5mandement de gens d’armes à estre tout ensamble un
certain jour, liquel i furent, et se trouvèrent bien cinc
cens lanches et otant d’archiers. Quant il furent venu
tout ensamble, enssi que devissé estoit, li rois parti
de Londres o chiaulx de son hostel seullement, et
10prist le chemin pour venir en le conté de Kemt, de là
où premièrement ces maleoites gens estoient esmeu
et venu. Ches gens d’armes dessus nommé poursieuoient
le roi sus costière et ne chevauchoient point
avoecques lui. Li rois entra en la conté de Kemt, et
15vint en [un] village que on dist [Espringhe], et fist
appeller le maieur et tous les hommes de la ville.
Quant il furent venu en une place, li rois leur fist dire
et monstrer ensi par un homme de sen conseil comment
il avoient esret à l’encontre de lui et s’estoient
20mis en painne de tourner toute Engletière en tribulation
et en perte; et, pour ce que il savoit bien que il
convenoit que ceste cose eust esté faite et commenchie
par aucuns, et non mie par tous, dont mieux valloit
que cil qui che avoient fait le comparaissent que tout,
25il requeroit que on li monstrast les coupables, sus à
estre à tousjours mais en se indignation et [tenu] et
renommé traïteur envers lui. Quant cil qui là asamblé
estoient, ooient ceste requeste, et veoient li non coupable
que il se pooient bien purgier et excuser de ce
30fourfait par enseignier les coupables, si regardoient
entre euls et dissoient: «Sire, vechi celli par qui
ceste ville fu de premiers tourblée et esmeute.»
[131]131 Tantos cils fu pris et pendus. Et en i ot à [Espringhe]
pendus set, et furent les lettres demandées que on
leur avoit données et acordées; elles furent là aportées
et rendues as gens dou roi, liquel, en la presence
5de tout le peuple, les deschirèrent et jettèrent en val,
et puis dissent enssi: «Entre vous, gens qui chi estes
asamblé, nous vous commandons de par le roi et sur
le teste, que cascuns s’en revoist en son hosteil paisiulement
et ne s’en mueve ne esliève jamais contre
10le roi ne ses menistres. Chils meffais chi, parmi la
corection que on en a pris, vous est pardonnés.»
Adont disoient il tout d’une vois: «Dieux le puist
merir le roi et son noble conseil!» En tel manière
que li rois fist à [Espringhe], et à Saint Thomas de
15Cantorbie, à Zanduich, à Gernemue, à Orvelle et ailleurs
fist il, par toutes les parties d’Engletière où ces
gens s’estoient rebellé et revelé, et en furent decollet
et pendut et mis à fin plus de quinse cens.
Adont eut li rois d’Engletière conseil de remander
20en Escoce son oncle, le duc de Lanclastre, car les coses
estoient apaissies. Si le remanda par un sien chevalier
et de son hostel, qui s’appelloit messires Nicolles Carneffelle.
Li chevaliers esploita tant au commandement
dou roi, que il vint en Haindebourc en Escoce, et là
25trouva le duc de Lanclastre et ses gens qui li fissent
grant chière, et là monstra ses lettres de creance de
par le roi. Li dus obeï, che fu raisons; et ossi volentiers
il retournoit en Engletière et en son hiretage. Si
prist son chemin pour venir à Rosebourc; et à son
30departement il remerchia grandement les barons d’Escoche,
qui celle honneur et confort li avoient fait que
de lui avoir soustenu en leur païs le terme que il li
[132]132 avoit pleut à demorer. Si le raconvoièrent li contes de
Douglas et li contes de Mouret et aucun chevalier d’Escoce
jusques à l’abeïe de Miauros, et point ne passèrent
la rivière de Tuide. Li dus de Lanclastre vint
5à Rosebourc, et de là au Noef Castiel sus Thin, et puis
à Durem et à Iorch; et partout trouvoit les villes et
les cittés apparillies: c’estoit raison.
En che tamps trespassa cils vaillans chevaliers en
Engletière, messire Guichars d’Angle, contes de Hostidonne
10et maistres [d’ostel] dou roi. Si fu moult reveranment
ensevelis en l’eglise des frères precheurs de
Londres, et là gist. Et, au jour de son obsèque, fu li rois
d’Engletière et si doi oncle et si doi frère et la princesse
leur mère et grant fuisson de prelas, de barons et des
15dames d’Engletière, et li fissent toute celle honneur;
et vraiement li gentils chevaliers le valoit c’on li fisist,
car en son tamps il eut toutes les nobles vertus que
uns gentils chevaliers doit avoir: il fu liés, loiaux,
amoureux, sages, secrés, larges, preux, hardis, entreprendans
20et chevalereux. Enssi fina messires Guichars
d’Angle.
§ 226. Quant li dus de Lanclastre fu retournés d’Escoce
en Engletière, et il ot remonstré au roi et à son
conseil comment il avoit exploitié des trieuwes qui
25estoient prisses et accordées entre eux et les Escos,
il n’oublia mie comment messires Mahieux [Rademen],
cappitainne de Beruich, quoique il escusast
le chevalier, li avoit clos les portes de Beruich au
devant, au commandement et ordenance dou conte de
30Northombrelande, et que ce fait il ne pooit oubliier,
et en parloit li dus en telle entente que se li rois
[133]133 ses nepveus l’avooit. Et ouïl, il l’avoua voirement,
mais il sambla au duc que ce fust assés morbement.
Dont s’apaissa li dus, et atendi la feste de la Nostre
Dame, en le moiienne d’aoust, que li rois d’Engletière
5tint court solempnelle à Westmoustier. Et là furent
grant fuisson des haus barons d’Engletière, et tant que
li contes de Northombrelant i fu, et li contes de Notinghem
et grant fuisson des barons dou nort; et fist che
jour li rois chevaliers, premiers, le jone conte Jehan
10de Pennebruc, messire Robert B[r]anbre, messire Nicolas
Tinfort et messire Adam François, et les fist li rois
à telle entente que il volloit, le feste passée, aler vers
Redinghes, vers Asquesufort et vers Conventré, et cerquier
toute la frontière et pugnir les mauvais, enssi
15qu’il fist, qui s’estoient rebellé à l’encontre de lui, en
la manière que il avoit fait en la conté de Kemt,
d’Exsexes et de Sousexes, de Beteforde et de
Cambruge.
A celle feste et solempnité qui fu le jour Nostre
20Dame, en mi aoust, à Wesmoustier, apriès disner, ot
grandes parolles et grosses dou duc de Lanclastre au
conte de Nortombrelande, et li dist: «Henri de Persi,
je ne quidoie pas que vous fuissiés si grans en Engletière
que vous ossissiés faire clore et fremer les
25chittés, les villes et les castiaux à l’encontre dou duc
de Lanclastre!» Li contes s’umelia en parlant, et
dist: «Monsigneur, je ne desvoe pas ce que li chevaliers
en fist, car je ne poroie; et ens ou commandement
que j’avoie dou roi, mon signeur que velà, il m’estoit
30si estroitement enjoint et commandé que sus men honneur
et sus ma vie je ne laiaisse ne fesisse laissier nul
homme, signeur ne autre, ens es chités, villes et
[134]134 castiaulx de Northombrelant, se il n’estoient hiretier des
lieux. Et li rois, s’il lui plaist, et mi signeur de son
conseil m’en poeent excuser, car bien savoient que vous
estiés en Escoce: si vous deussent avoir reservé.»
5—«Comment, respondi li dus, contes de Nortombrelant,
dites vous que il convenoit reservation sour moi, qui
sui oncles dou roi et qui ai à garder mon hiretage
otant bien et mieux que nuls des autres n’ait apriès
le roi en Engletière, et qui pour les besongnes dou
10païs estoie alés en che voiage? Ceste response ne vous
puet excuser, que vous ne fesissiés mal et contre men
honneur grandement, et donnés exemple et soupechon
de moi que je voloie faire ou avoie fait aucune traïson
en Escoche, quant à men retour on me clooit les villes
15de mon signeur et celle princhipaument où toutes mes
pourveances estoient: pour quoi je di que vous vos
aquitastes mal. Et, pour le blasme que vous m’en
fesistes et moi purgier, en la presence de mon signeur
que velà, je en jette mon gage: or le levés!» Adont
20sali avant li rois, et dist: «Biaux oncles de Lanclastre,
tout ce qui en fu fait, je l’avoe, et retenés vostre gage
et vostre parolle. Et excuse le conte de Northombrelant
et parolle pour lui, que voirement estroitement
et destroitement nous li aviens enjoint et commandé
25que il tenist clos et priès le marce et le frontière d’Escoce;
et vous savés que nostre roiaulme a esté en si
grant tourble et en si grant peril que, quant vous estiés
par delà, il ne nous pooit pas de tout souvenir. Che
fu la coupe dou clercq qui escripsi les lettres, et la
30negligense de nostre conseil, car, au voir dire, vous
deuissiés estre bien reservés. Si vous pri et voel que
vous mettés ces mautalens jus, car je m’en carge, et
[135]135 en descarge le conte de Northombrelant.» Adont
s’agenoullèrent devant le duc li contes d’Arondiel, li
contes de Sasleberi, li contes d’Asquesufort, li contes de
Stanfort et li contes de Devesiere, et li dirent: «Monsigneur,
5vous oés com amiablement et loiaulment li
rois en a parlé, et vous devés bien descendre à ce
que il dist et fait.» Li dus de Lanclastre, qui estoit
enflamés d’aïr, penssa un petit, et fist les barons lever
en iauls remerchiant, et dist: «Biau signeur, il n’en
10i a nul de vous, se la cause parelle li fust avenue enssi
comme à moi, qui n’en fust courouchiés; et, puisque
li rois le voelt, c’est drois que je le voelle.» Là fu
faite la pais dou duc de Lanclastre et dou conte de
Northombrelant par les moiiens dou roi d’Engletière
15et des barons dou païs, qui en priièrent.
Au second jour apriès, li rois d’Engletière ala en
son voiage, enssi que dessus est dit, ens es contrées
dessus dites, et chevaucoit bien à cinc cens lances et
otant d’archiers, qui le sieuoient sus costière. En che
20voiage fist li rois faire pluiseurs justices des mauvais
qui contre lui s’estoient relevé et rebelé.
Nous nos soufferons à parler dou roi d’Engletière,
et parlerons dou conte de Cambruge, son oncle, et
conterons comment il vint en Portingal.
25§ 227. Vous avés bien chi dessus oï recorder comment
li contes de Cambruge gissoit ou havene de
Pleumoude à cinc cens hommes d’armes et cinc cens
archiers, et atendoient vent pour aler vers le roiaulme
de Portingal. Tant furent il là que vent leur vint, et
30desancrèrent et se departirent tout de une flote, et
singlèrent au plus droit qu’il peurent vers Lusebonne,
[136]136 où il tendoient à aler, et costiièrent che premier jour
Engletière et Cornuaille, et le second jour ossi. Au
tierch jour, à l’entrer en le haute mer d’Espaigne, il
eurent une dure fortune et contraire et tant que tout
5leur vassel furent espars, et furent tout en très grant
peril et aventure de mort, et par especial li vaissel où
li Gascon estoient, messires [Raimons] de Castiel Noef,
li soudis de l’Estrade et li sires de la Barde et environ
quarante hommes d’armes, chevaliers et escuiers, et
10perdirent la veue et la flotte de la navie dou conte
et des Englès. Li contes de Cambruge, messires Guillaumes
de Biaucamp, mareschal de l’ost, messires
Mahieux de Gournai, connestables, li Canonnes de
Robersart et li autre passèrent en grant aventure celle
15fortune, et singlèrent tant au vent et as estoilles que
il arrivèrent et entrèrent ou havene de la chité de
Lusebonne.
Les nouvelles vinrent au roi qui estoit en son palais,
et qui tous les jours n’atendoit autre cose que la venue
20des Englès. Si envoiia tantos à l’encontre d’eus de ses
chevaliers et ses menestrés, et furent li contes de
Cambruge et cil chevalier d’Engletière et estragnier
qui avoecques lui estoient, moult honnerablement et
grandement requelliet et conjoï des gens dou roi, et
25vint li rois dans Ferrans au dehors de son castiel à
l’encontre dou conte, et le requella et conjoï à l’usage
de celli païs moult bellement, et en apriès tous les
aultres; et les envoia en son castiel et fist le vin aporter
et les espisses. Et là estoit Jehans de Cambruge,
30fils au conte, douquel li rois de Portingal avoit grant
joie, car il dissoit au conte: «Vechi mon fil, car il
ara ma fille.» [Et sa fille] proprement, qui estoit de
[137]137 son eage, en avoit grant joie, et se tenoient par les
mains andoi li enffant.
Entrues que li rois de Portingal et si chevalier
honnouroient le conte et les chevaliers estragniers, se
5logoient et ordonnoient en la ville li autre qui estoient
issu de leurs vaissaux, et furent tout logiet bien et
largement et à leur aisse, car la citté de Lusebonne
est grande et bien garnie de tous biens, et ossi les gens
le roi de Portingal avoient fait songnier dou bien pourveïr
10pour la venue des Englès. Si le trouvèrent bien
pourveue et garnie, et estoient li signeur tout aisse et
en grant lièche, mais il leur souvenoit dou signeur de
Castiel Noef, dou soudich de l’Estrade et dou signeur
de la Barde et de leurs gens que il contoient pour
15perdus sus mer ou que fortune de mer les euist bouté
si avant que entre les Mores ou ou roiaulme de Grenade
ou de Bellamari, pour quoi, se enssi en estoit
avenu, il les tenoient là ossi bien perdus comme en
devant; et che leur desplaisoit trop grandement, et
20les regretoient et plaindoient durement. Au voir dire,
il faissoient bien à plaindre, car cil bon chevalier et
escuier desus nommé furent tant et si dur tempesté
de mer que onques gens sans mort ne furent en plus
grant dangier ne peril; et furent [si avant hors de
25leur droit chemin], et passèrent les destrois de Marios
et les bendes dou roiaulme de Tramesainnes et de
Bellamari, et furent par pluiseurs fois en trop grant
aventure de estre pris et arresté des Sarrasins; et
eux meïsmes se contoient pour mort et n’avoient mies
30espoir de venir à terre jamais ne à port de salut. Et
furent quarante jours en che dangier. En le fin, il
eurent un vent qui les rebouta, vosissent ou non, en
[138]138 la mer d’Espaigne. Quant cils vens leur fu fallis, il
waucrèrent et trouvèrent d’aventure deus grosses
nefs de Lusebonne qui s’en venoient, sicom il leur dissent
puis, en Flandres, cargies de marcheandisses.
5Chil signeur tournèrent celle part et boutèrent leurs
pennons et leurs estramières hors, et vinrent à ces
nefs de Lusebonne, où il n’avoit que marceans dedens,
qui ne furent mies bien à seur, quant il veïrent che
vaissel armé et les parures de Saint Jorge en pluisieurs
10lieux. Toutesfois, quant il s’aprochièrent, il se recongneurent
et se fissent grant feste; mais cil marchant
remissent de rechief ces chevaliers en trop grant peril,
je vous dirai pour quoi. Il demandèrent des nouvelles
de Portingal, [et il respondirent que li rois de Portingal]
15et li Englès estoient trait à siège devant
Seville et avoient là le roi dan Jehan de Castille asegiet.
De ces nouvelles furent il moult resjoï et dissent
que il iroient celle part, car il estoient ossi sus la frontière
de Seville. Adont se departirent il l’un de l’autre,
20et leur laissièrent li Portingallois des vins et des
pourveances pour eux rafresquir, et dissent li Gascon
à leurs maronniers: «Menés nous à Seville, car là
sont nos gens au siège.» Li maronnier respondirent:
«Ou nom de Dieu!» et tournèrent vers Seville, et
25singlèrent tant que il l’aprochièrent. Li maronnier,
qui furent sage et ne voloient pas perdre leurs
maistres, fissent monter amont ou castiel de leurs mas
un enffant, asavoir se il veoit nul apparant de siège par
mer ne par tière devant Seville. L’enffant ot bonne
30veue et juste: si respondi que nom. Adont dissent li
maronnier as signeurs: «Entendés, biau signeur,
vous n’estes pas bien enfourmé, car pour certain il
[139]139 n’a siège nul, ne par mer ne par tère, devant Seville,
car, se il i estoit, aucun apparant en seroient ou
havene. Si n’avons que faire de là aler, se vous ne
vollés perdre, car, pour certain, li rois de Castille se
5tient là, et est la chités de son roiaulme où il se tient le
plus volentiers.» A grant dur en peurent li maronnier
estre creu; toutesfois, il furent creu, et singlèrent
toute la bende de Seville et entrèrent en la mer de
Portingal, et vinrent ferir ou havene de Lusebonne.
10A celle propre heure et che propre jour, leur faissoit
on en l’eglise de Sainte Katherine en Lusebonne leur
obsèque, et estoient li baron et li chevalier vesti de
noir, et les tenoient pour mors. Si devés savoir que
la joie i fu très grans, quant il seurent que il estoient,
15com durement que che fust, arivet et venut à port
de salut. Si se conjoïrent et festiièrent moult grandement
ensamble, et eurent chil chevalier gascons tantos
oubliés les paines de la mer.
Nous nos soufferons à parler un petit des besongnes
20de Portingal pour la cause de che que sitrestos il n’i
ot nul fait d’armes, et parlerons des besongnes de
Flandres et de ce que il i avint en celle meïsmes
saison.
§ 228. En ces ordonnances et en ce tamps que ces
25[aventures], sicom chi dessus est dit et recordé, estoient
avenues en Engletière, ne sejournoient mies les guerres
de Flandres, li contes contre les Gantois et cil de
Gaind contre le conte.
Vous savés comment Phelippes d’Artevelle fu eslevés
30à Gaind et [eslus] souverains cappitainne par le
promotion premiers de Piètre dou Bos qui le consilla,
[140]140 à l’entrer en l’office, qu’il fust crueulx et mauvais,
afin que il se fesist cremir. Phelippes retint bien de
son escolle et de sa dotrine, car il n’eut mies esté
longhement en l’office de gouvrener Gaind, quant il
5en fist tuer et decoller devant lui douse, et dient li
aucun que cil avoient esté principaulment à le mort
de son père: si en prist la vengance. Phelippes commencha
à resgner en grant poissance et à lui faire
cremir et ossi à amer de moult de gens et par especial
10des compaignons qui sieuoient les routes et les
armées. A ceuls là, pour eulx faire leur main et estre
en leur grace, n’i avoit riens refusé ne repris; tout
estoit abandoné.
Or me poeut on demander comment chil de Gaind
15faissoient leur guerre, et je en responderai volentiers,
selonc che que je leur ai depuis oï parler. Il estoient si
bien d’acord que tout mettoient main à bourse, quant
il besongnoit, et se tailloient li rice selonc leur quantité,
et deportoient les povres, et, enssi par celle unité
20qu’il eurent, durèrent il en leur poissance, et s’est
Gaind, à tout considerer, une des plus fortes villes
dou monde, puis que Braibans, Hainnau, Hollandes
ne Zellandes ne les voelt point guerroiier; mais, ou
cas que cil quatre païs li seraient contraire avoec
25Flandres, il seroient enclos et perdu et affamé. Or ne
leur furent onques cil païs parfaitement contraire ne
ennemi: de quoi leur guerre en estoit plus belle, et
en durèrent plus longhement.
En che tamps et en la nouvelleté de Phelippe d’Artevelle
30fu li doiens des tisserans acusés de trahison.
Si fu pris et mis en prisson, et pour trouver en voir
che dont il estoit amis et acusés, on alla en se maison.
[141]141 Si trouva [o]n le pourre de salpètre toute moullie,
ne on ne s’en estoit peut aidier en toute l’anée à
siège que il [i] eust fait. Si fu chils doiens decollés et
traïnés aval la ville par les espaulles comme traïtres,
5pour donner example as autres.
Or s’avissa li contes de Flandres que il venroit
mettre le siège devant Gaind; si fist un grant mandement
de chevaliers et d’escuiers et des gens de ses
bonnes villes, et envoia à Malignes, dont il eut ossi
10grant gent. Si manda ses cousins, messire Robert de
Namur et messire Guillaume, et li vinrent grant chevalerie
et gens d’armes d’Artois et de Hainnau, car pour
lors il estoit contes d’Artois, et estoit la contesse d’Artois
sa mère nouvellement trespassée.
15§ 229. A che mandement et asamblée ne s’oublia
mie li sires d’Enghien, mais là vint servir à tout ce
que il peut par raison avoir de gens, et estoit bien
acompaigniés de chevaliers et escuiers de la conté de
Hainnau. Si vint li contes mettre le siège devant Gand
20au lés devers Bruges et au lés devers Hainnau. Si i
ot fait, le siège durant et estant, tamainte escarmuce,
et issoient souvent aucun legier compaignon de Gaind
qui aloient à l’aventure, dont à le fois il estoient
rebouté à leur damage, et à le fois ossi il gaaignoient.
25Et cils qui le plus de fait d’armes i faissoit et qui le plus
de renommée en avoit, c’estoit li jones sires d’Enghien.
En sa route et en se compaignie se mettoient
volentiers et par usage tout jovene baceler qui desiroient
les armes. Et s’en vint li sires d’Enghien à bien
30quatre mille hommes tous bien montés, sans cheux
de piet, mettre le siège devant la ville de Granmont,
[142]142 car elle estoit gantoisse. Autre fois i avoit li sires d’Enghien
estet et eux travilliet et heriiet, mais riens n’i
avoit conquesté. Or i vint il à celle fois poissanment
et par grant ordonnance, et le fist par un diemenche
5asaillir en plus de quarante lieus, et il [meïs]mes à
l’assaut ne se faindi mies, mais s’i esprouva de grant
volenté, et bouta là hors cel jour à cel assaut premierement
sa banière. Chils assauls fu grans et fors et
bien continués, et la ville de tous costés assaillie si
10aigrement et si ouniement que environ heure de nonne
elle fu prisse et conquise; et entrèrent ens, par les
portes qui furent ouvertes et abatues, li sires d’Enghien
et ses gens. Quant cil de Granmont veïrent que
leur ville estoit perdue et que point de recouvrier n’i
15avoit, si s’enfuirent, et cil qui peurent, par autres
portes au contraire de leurs anemis, et se sauva qui
sauver se peut. Là eut grant ochision de hommes, de
femmes et d’enffans, car nuls n’estoit pris à merchi,
et i eut plus de cinc cens hommes de la ville mors, et
20trop grant fuisson de vielles gens et de femmes gissans
en leurs lis ars, dont che fu pités, car on bouta
le feu en le ville en plus de deus cens lieus, par quoi
toute li ville fu arse, moustiers et tout, ne riens n’i
demora entir. Enssi fu Granmons persequtée et misse
25en feu et en flame, et puis retourna li sires d’Enghien
en l’ost devant Gaind, quant il eut fait cel exploit, douquel
li contes de Flandres si l’en sceut très bon gré,
et li dist: «Biaux fieux, en vous a vaillant homme,
et vous ferés encores, se Dieu plaist, bon chevalier,
30car vous en avés un très bon commenchement.»
§ 230. Apriès le destrucion de la ville de Granmont,
[143]143 qui fu par un diemence ou mois de jun toute
arse [et] toute perie, se tint li sièges devant Gaind. Et
là estoit li jones sires d’Enghien, qui s’appelloit Gautiers,
qui petit reposoit et sejournoit en son logis,
5mais queroit tous les jours les armes et les aventures,
une fois bien acompaigniés de si grant fuisson de
gens que il reboutoit ses ennemis, et l’autre fois à si
petit de gens que il n’osoit perseverer en ses emprises,
si retournoit; et priesque tous les jours, ou par li, ou
10par le Halse de Flandres i avenoient armes. Et avint
environ un mois après, un joedi au matin, que li sires
d’Enghien estoit issus hors de son logeïs, le signeur
de Montegni en sa compaignie, messire Mikiel de le
Hamaide, sen cousin, dallés li, le bastart d’Enghien,
15son frère, Gillion dou Trisson, Hustin dou Lai et
pluiseurs autres de ses gens et de son hostel, et s’en
aloient à l’escarmuce devant Gaind, enssi que autre
fois avoient fait. Si se boutèrent si avant que mal leur
en cheï, car chil de Gant avoient au dehors de leur
20ville fait une embusque de plus de cent compaignons
et tous piquenaires. Et voellent li aucun dire que il i
avoit en celle enbusque le plus des escachiés de Granmont,
qui ne tiroient à autre cose que ce que il peuissent
enclore et atraper à leur avantage le signeur
25d’Enghien, pour eulx contrevengier dou grant damage
que il leur avoit fait, car il le sentoient liberal et jovene
et volentrieu de lui aventurer follement; et tant i
pensèrent qu’il l’eurent, dont che fu damages, et pour
ceulx ossi qui là demorèrent avoec li. Li sires d’Enghien
30et sa route ne se donnèrent garde, quant il se
veïrent endos de ces Gantois, qui leur vinrent fièrement
au devant et les escriièrent: «A la mort!»
[144]144 Quant li sires d’Enghien se veï en che parti, si
demanda conseil au signeur de Montegni, qui estoit
dallés lui: «Conseil! respondi messires Ustasse,
sire, il est trop tart; deffendons nous, et [si] vendons
5nos vies che que nous poons. Il n’i a autre cose, ne
chi ne chiet [à] nul raençon.» Adont fissent li chevalier
le singne de la crois devant leurs viaires, et se recommendèrent
à Dieu et à saint Jorge, et se boutèrent en
leurs ennemis, car il ne pooient fuir ne reculler, si
10avant estoient il enbusquiet, et i fissent d’armes che
qu’il peurent, et se combatirent moult vaillanment.
Mais il ne pooient pas tout faire, car leur ennemi
estoient dis contre un, et avoient ces longues picques,
dont il lanchoient les cops trop grans et trop perilleus,
15enssi comme il apparut. Là fu li sires d’Enghien
ochis, et dalés li, li bastars d’Engien, ses frères, et
Gilles dou Trisson, et chils vaillans et preudons chevaliers
de Hainnau, qui estoit ses compains, li sires
de Montegni Saint Cristoffle, et messires Mikieux
20de le Hamaide durement navrés, et euist esté mors,
il n’est nulle doubte, se Hustins dou Lai par force
d’armes et par sens ne l’euist sauvé. Si en ot il
moult de paine pour le sauver; toutesfois, entrues
que cil Flament entendoient à ces chevaliers desarmer
25et à tourser, pour reporter en la ville de Gaind, car
bien savoient que il avoient ochis le signeur d’Enghien,
dont il avoient grant joie, Hustin dou Lai, qui ne veoit
nulle recouvrance, mist hors de la presse et dou peril
messire Mikiel de le Hamaide. Enssi se porta li journée
30pour le signeur d’Enghien. Si devés croire et
savoir de verité que li contes de Flandres en fu trop
durement courouchiés, et bien le monstra, car, pour
[145]145 l’amour de lui, li sièges se desfist de devant Gand, et
ne le pooit li contes oubliier, mais le regretoit nuit et
jour, et dissoit: «A! Gautier! Gautier! biaulx fils!
Comment il vous est tempre mesavenu en vostre jonesche!
5Vostre mort me fera tamaint anoi, et voel bien
que cascuns sache que jamais cil de Gand n’aront paix
à moi si sera si grandement amendé que bien devera
souffire.» La cose demora en cel estat. Si fu renvoiiés
querre en Gand li sires d’Enghien, que li Gantois,
10pour resjoïr la ville, i avoient porté, lequel corps
il ne vaurent onques rendre si en eurent mille frans
tous aparilliés, lesquels on leur paia et delivra, et les
departirent ensamble à butin. Et li sires d’Enghien fu
rapportés en l’ost, et puis fu renvoiiés à Enghien, la
15ville dont il avoit esté sires, et là fu ensevelis.
§ 231. Pour la mort dou jone signeur d’Enghien,
c’est vraie cose, se deffist li sièges de devant Gaind,
et [si] s’en parti li contes, et s’en retourna à Bruges, et
donna congiet pour celle saisson toutes manières de
20gens d’armes, et les envoiia ens es garnissons de Flandres,
ens ou castiel de Gauvres, en Audenarde, en
Tenremonde, à Courtrai et partout sus les frontières
de Gaind. Et manda li contes as Liegois, pour ce que
il confortoient les Gantois de vivres et de pourveances,
25que plus on ne les asegeroit, mais que il [ne] vosissent
en Gaind envoiier nuls vivres. Chil dou Liège respondirent
orguilleusement as messages qui envoiiet i
furent, que de ce faire il aroient avis et conseil à ceulx
de Sainteron, de Hui et de Dignant: li contes n’en
30peut autre cose avoir. Toutesfois, li contes de Flandres
envoiia devers ses cousins le duc de Braibant et le duc
[146]146 Aubert, bail de Hainnau, de Hollandes et de Zellandes,
grans mesages de ses plus sages chevaliers, qui leur
remonstrèrent de par li que la ville de Gaind se tenoit
en son esreur et en sa mauvaistié par le grant confort
5que les gens de celle ville avoient de leurs païs, de
vivres et de pourveances qui leur venoient tous les
jours, et que il i vosissent pourveïr de remède. Chil
doi signeur, qui envis euissent ouvré ne exploitié à la
desplaissance de leur cousin le conte, s’escusèrent moult
10bellement as chevaliers, et leur respondirent que en
devant ces nouvelles il n’en avoient riens sceu, et
aroient tels leurs païs que on [i] metteroit atemprance.
Ceste responsse souffi assés au conte de Flandres.
Li dus Aubers, qui pour ce tamps se tenoit en
15Hollandes, escripsi devers son baillieu en Hainnau,
messire Simon de Lalaing, et li envoiia la coppie des
lettres et par escript les parolles et requestes de son
cousin, le conte de Flandres, et avoec tout che il li
manda et commanda estroitement que il euist tel le
20païs de Hainnau que il n’en oïst plus nulles nouvelles
à le desplaissance dou conte, son cousin, car il s’en
couroucheroit. Li baillieux obeï, che fu raisons, et fist
faire un commandement general parmi le conté de
Hainnau, que nuls ne menast vivres à ceulx de Gaind,
25car, se il estoient sus le chemin veu ne trouvé, il
n’aroient point d’avoé de li. Un tel cri et deffense fist
on en Braibant, ne nuls n’osoit aler en Gand, fors en
larechin, ne mener vivres, dont cil de Gaind se
commenchièrent moult à esbahir, car pourveances leur
30afoiblissoient durement, et eussent eu trop plus tost
grant famine; mais il estoient conforté des Hollandois
et des Zellandois, qui onques ne s’en vaurent deporter
[147]147 pour mandement ne pour destrainte que li dus Aubers
i peuist mettre.
En che tamps, par les pourcas et moiens des consaulx
de Hainnau, de Braibant et de Liège, fu uns
5parlemens assis et acordés à estre à Harlebèque dallés
Courtrai, et se tint li parlemens, et i envoiièrent
chil de Gand douse des plus notables hommes de la
ville, et monstroient tout generaument, excepté li
ribaudaille qui ne desiroient que le rihotte, que il
10voloient venir à pais, à quel meschief que che fust.
A ce parlement furent tout li consaus des bonnes
villes de Flandres, et meïsm[em]ent li contes, et ossi
de Braibant, de Hainnaut et de Liège i eut gens. Là
furent les coses si bien taillies et couchies que sur
15certain article de paix li Gantois retournèrent en leur
ville; et avint que cil de Gand, qui pais desiroient à
avoir, voire li saige et li paisiule, se traïssent devers
les hostels des deus plus notables et rices hommes de
Gaind qui à ce parlement eussent esté, sire Ghisebrest
20Grute [et] sire Simon Bète, et leur demandèrent des
nouvelles. Il se descouvrirent trop tos à leurs amis,
car il respondirent: «Bonnes [gens], nous arons
une belle paix, se Dieu plaist. Chil qui ne voellent que
bien, demoront en pais, et on corr[i]gera aucuns des
25mauvais de la ville de Gand.»
§ 232. Vous savés que on dist communement:
«S’il est qui fait, il est qui dist.» Piètres dou Bos,
qui ne se sentoit mies asseur de sa vie, avoit envoiiet
ses espies pour oïr et raporter des nouvelles. Chil qui
30i furent envoiiet, raporterent che que on dissoit parmi
la ville, et que ces parolles venoient pour certain de
[148]148 Ghisebrest Grute et de Simon Bète. Quant Piètres
entendi che, si fu tous foursenés et hapa tantos ceste
cose pour li, et dist: «Se nuls est corigiés de ceste
guerre, je serrai tous premiers, mais il n’ira pas enssi
5que nos signeurs, qui ont esté au parlement, quident.
Je ne voel pas encores morir; la guerre n’a pas encores
tant duré comme elle dur[r]a; encores n’est pas mes
boins maistres, qui fu Jehan Lion, bien vengiés. Se la
cose est entouellie, encores le voel jou mieux touellier.»
10Que fist Piètres dou Bos? Je le vous dirai.
Cel propre soir, dont à l’endemain li consaulx des
signeurs de Gand devoit estre en la dite halle dou
conseil et li rappors fais des dessus dis qui avoient
estet au parlement à Harlebecque, il s’en vint à l’ostel
15Phelippe d’Artevelle, et le trouva que il avissoit et
penssoit en apoiant sus une phenestre en sa cambre.
Le première parolle que il li dist, il li demanda:
«Phelippes, savés vous nulles nouvelles?»—«Nenil,
dist Phelippes, fors tant que nos gens sont retourné
20dou parlement de Harlebèque, et demain nous devons
oïr en la halle che qu’il ont trouvé.»—«C’est voirs,
dist Piètres, mais je sai ja ce qu’il ont trouvé et comment
[li] traitiet se [portent], car il s’en sont descouvert
à aucuns de mes amis. Certes, Phelippe, tout li traitiet
25c’on fait et que on peut faire, c’est tousjours sur
nous et sur nos testes. Se il i a nulle paix entre Monsigneur
et la ville, sachiés que vous et jou et li sires
de Harselle et tout li cappitaine, dont nous nos aidons
et qui maintiennent la guerre, en moront premierement;
30et li riche homme en iront quite, et nous voellent
bouter en che parti et iaulx delivrer. Et che fu li oppinions
de Jehan Lion, men maistre. Toudis encores a
[149]149 no sires li contes ses marmousès dalés li, Ghisebrest
Mahieu et ses frères et le prevost de Harlebèque, qui
est dou linage, et le doien des menus mestiers qui
s’en fui avoec eulx. [Si] nous faut bien aviser sour
5chou.»—«Et quel cose en est bonne à faire?» dist
Phelipes. Respondi Piètres: «Je le vous dirai: il nous
faut segnefiier à tous nos diiens et nos cappitainnes que
il soient demain tout apparilliet et venu ou marchiet
des devenres, et se tiegnent dallés nous. Nous enterons
10en la halle, moi et vous, et cent des nostres, pour
oïr ces traitiés. Dou sourplus laissiés moi convenir,
mais avoés mon fait, se vous vollés demorer en vie et
en poissance, car, en ceste ville et entre communs, qui
ne s’i fait cremir, il n’i a riens.» Phelippes li acorda.
15Piètres dou Bos prist congiet, et se parti et envoia ses
gens et ses vallès par tous les doiiens et cappitainnes
desoulx li, et leur manda que à l’endemain eulx et
leurs gens venissent tout pourveu ens ou marquiet
des devenres, pour oïr des nouvelles. Il obeïrent, car
20nuls ne l’eust ossé laissier, et ossi il estoient tout
rebrachiet de mal faire.
§ 233. Quant che vint au matin à noef heures, li
maieur, li eskevin et li riche homme de la ville vinrent
ou marchiet et entrèrent en la halle, et là vinrent chil
25qui avoient esté au parlement à Harlebèque; puis
vinrent Piètres dou Bos et Phelippes d’Artevelle, bien
acompaigniés de ceux de leur sexte. Quant il furent
tout asamblé et assis qui seoir volt, on regarda que li
sires de Harselle n’estoit point là. On le demanda,
30mais on l’excusa, car il n’i pooit estre pour la cause
de che que il estoit dehetiés. Avant dist Piètres dou
[150]150 Bos: «Vés me chi pour lui. Nous sommes gens assés:
oons che que cil seigneur ont rapporté dou parlement
de Harlebèque.»
Adont se levèrent comme li plus notable de le compaignie
5Ghisebrest Grute et Simons Bète, et parla li
uns et dist: «Signeur de Gaind, nous avons esté au
parlement de Harlebecque, et avons heu moult de
paine et de travail, et ossi ont [eu] les bonnes gens
de Braibant, dou Liège et de Hainnau, de nous acorder
10envers Monsigneur. Toutesfois, finablement, à la
proiière de monsigneur et de madame de Braibant,
qui là envoiièrent leur conseil, et de monsigneur le
duc Aubert, [qui i envoia] le sien, la bonne ville
de Gand est venue à paix et a acordé envers
15nostre signeur le conte par un moien que deus cent
hommes, [desquels] il nous envoiera [les noms]
dedens quinse jours par escript, iront en sa prisson
ens ou castiel à Lille et se metteront en sa pure
volenté. Il est bien si frans et si nobles que de cheulx
20il ara merchi et pité.» A ces parolles se traïst avant
Piètres dou Bos, et dist: «Ghisebrest, comment estes
vous si ossés que vous avés acordé che traitiet de
mettre deux cens hommes en le vollenté de nostre
ennemi? A très grant vituperation venroit à la ville de
25Gand, et mieux vauroit que elle fust reversée che
desoulx deseure, que ja à ceulx de Gaind fust reprociet
que il euissent guerriiet par tel manière! Bien
savons entre nous qui avons oï, que vous ne serés
pas li uns de ces deux cens, ne ossi ne sera Simon
30Bette. Vous avés pris et cuesi pour vous, mais nous
taillerons et prenderons pour nous. Avant, Phelippe,
à ces traïteurs qui voellent deshonnerer et trahir la
[151]151 noble ville de Gaind!» Tout en parlant, Piètres dou
Bos trait sa daghe et vient à Ghisebrest Grute, et li
fiert ou ventre et le reverse là, et l’abat mort, et Phelippes
d’Artevelle la sienne, et fiert sire Simon Bette
5et l’ochist, et puis commenchent à criier: «Traï!»
Il avoient leurs gens haut et bas dallés eux. Cil tout
ewireus, com riche homme et comme enlinagiet que
il fuissent en la ville, qui se peurent disimuller adont
et bouter hors et sauver! Et ossi pour l’eure il n’en i
10ot plus de mors que ces deus; mais pour le peuple
apaissier et pour eulx tourner en droit, il envoiièrent
leurs gens de rue en rue, criant et dissant: «Li faulx,
li mauvais traïteur Ghisebrest Grute et sire Simon
Bette ont volut trahir la bonne ville de Gand.» Enssi
15se passa ceste cose, li mort furent mort, ne on n’en
eult el, ne nuls n’en leva l’amende.
Quant li contes de Flandres, qui se tenoit à Bruges,
sceut ces nouvelles, si fu durement courouchiés, et
dist adont: «A la priière de mes cousins de Braibant
20et de Hainnau et de ma suer de Braibant, je m’estoie
legierement acordés à la pais à cheux de Gand, et celle
fois et aultre ont il enssi ouvré; mais je voel bien
qu’il sachent que jamais n’aront paix envers moi si
en arai des leurs tant à ma volenté que bien me devera
25souffire.»
§ 234. Enssi furent mors et mourdrit en la ville de
Gaind chil doi vaillant homme rice et sage, et pour
bien faire à l’intencion de pluiseurs gens, dont cascuns
des deus de leur patrimoine tenoient bien [mil]
30frans de revenue hiretable par an. Si furent plaint en
requoi: on n’en eut el, ne nuls n’en euist ossé parler,
[152]152 se il ne vosist estre mors. La cose demora en cel
estat, et la guerre plus felle que devant, car cil des
garnissons autour de Gand estoient nuit et jour
songneusement sus les camps, ne nulles pourveances ne
5pooient venir à Gand, car nuls de Braibant ne de Hainnau
ne s’i osoit aventurer, car, au mieux venir, quant
les gens dou conte les trouvoient en leur presence, il
ochioient leurs chevaulx et souvent eulx meïsmes, ou
il les en menoient en Tenremonde ou en Audenarde
10prisonniers et les renchonnoient. Dont toutes manières
de gens vitailliers resongnoient che peril: si ne s’i
ossoit nuls bouter.
En celle saisson ossi s’elevèrent et revelèrent ossi chil
de Paris à l’encontre dou roi et de son conseil, car li
15rois et ses consaulx voloient remettre sus generalment
parmi le roiaulme de France les aides, les fouages, les
gabelles et les assisses qui avoient courut et estet levées
dou tamps le roi Charle, père à che roi qui resgnoit
pour ce tamps. Li Parisiien furent rebelle à tout ce,
20et dissent que li rois Charles, de bonne memoire, lui
encores vivant, leur avoit quitté, et li rois, ses fils, à
son couronnement à Rains, l’avoit accordé et confremé.
Et convint le jone roi de France et son conseil
vuidier Paris et venir demorer à Miaulx en Brie.
25Sitos que li rois fu partis de Paris, li commun s’esmurent
et s’armèrent, et ochirent tous ceulx qui avoient
[censi] ces gabelles et ces debites, et rompirent et
brissèrent les prissons et les maisons de la ville, et
prisent et pillièrent tout ce que il trouvèrent; et vinrent
30en le maison de l’evesque de Paris en Citté, et
rompirent les prisons et delivrèrent Hughe Aubriot,
qui avoit esté prevos de Chastelet un grant tamps, le
[153]153 roi Charle vivant, liquels estoit par sentence condempnés
en prison, que on dist l’Oubliette, pour pluiseurs
grans mauvais fais que fais avoit et consentis à faire,
et liquel, pluiseur en i avoit, demandoient le feu;
5mais chils peuples de Paris le delivrèrent. Ceste aventure
li avint par l’esmeutin dou commun, de quoi il
se parti au plus tost qu’il peut, afin que il ne fust
repris, et s’en ala en Bourgongne, dont il estoit, et
compta à ses amis sen aventure.
10Chil de Paris, che jour et che terme que il resgnèrent
en leur rebellion, fissent moult de desrois, dont
il en anoioit à aucunes boines gens qui n’estoient pas
de leur acord, car, se tout le fuissent, la cose euist
trop mal alé. Et li rois se tenoit à Miaulx, et si oncle
15dallés lui, Ango, Berri et Bourgongne, qui estoient
tout courouchiet et esmervilliet de ceste rebellion. Si
eurent conseil que il envoieroient le signeur de Couchi,
qui sages chevaliers estoit, traitier devers eulx et
apaissier, car mieulx les saroit avoir et mener que
20nuls autres ne feroit.
§ 235. Adont s’en vint li sires de Couchi, qui
s’apelloit Enguerans, à Paris, non à main armée, mais
tout simplement avoec ceuls de son hostel rieulet.
Et descendi à son hostel; et là manda ceuls qui de
25ceste besongne s’ensonnioient et estoient ensonniiet
le plus avant, et leur remonstra doucement et sagement
que il avoient trop mal esret de che que il avoient
ochis les officiiers et menistres dou roi et romput et
brissiet les maisons et les prisons dou roi et delivret
30ses prisonniers, et que, se li rois et ses consaulx
voloient, il seroit trop grandement amendé. Mais
[154]154 nenil, car sour toutes riens il amoit Paris pour tant
qu’il i fu nés et que Paris est li chiés de son roiaulme:
si ne le voloit pas confondre ne destruire, ne les
bonnes gens de dedens, et leur monstroit comment il
5estoit là venus comme par un moien pour eux mettre
à acordé; et il prieroit au roi et à ses oncles que che
fourfait que il [fait] avoient, il leur vosissent pardonner.
Il respondirent adont que il ne voloient ne guerre
ne mautallent au roi, leur sire, mais il voloient que
10ces impositions, aides, sousides et gabelles fussent
nulles [et] Paris euxemté de tels coses; et il aideroient
le roi en autre manière.—«En quel manière?» respondi
li sires de Couchi.—«En celle manière de une
quantité d’or et d’argent que nous paierons toutes les
15sepmaines à un certain homme qui le recevera, pour
aidier à paiier, avoecq les autres cittés et villes dou
roiaulme de France, les saudoiiers et les gens d’armes
dou roi.»—«Et quelle somme voriés vous paiier
toutes les sepmainnes?»—«Somme telle, respondirent
20li Parisiien, que nous serons d’accord.» Là les
mena li sires de Couchi par biau langage si avant que
il se taillièrent et ordonnèrent de leur vollenté à dix
mille frans le sepmainne et à paiier à un homme que
il ordonneroi[en]t à rechepveur.
25Sus cel estat se departi li sires de Couchi d’eus, et
retourna à Miaulx en Brie devers le roi et ses oncles,
et regarda et remonstra tous ces traitiés. Li rois fu
adont consilliés pour le mieux que il prenderoit l’offre
que li Parisiien li offroient, et que ceste cose estoit
30entrée et commenchement de jeu, et que petit à petit
on enteroit en eux, et enssi feroient les autres bonnes
villes, puisque cil de Paris avoient commenchiet; et,
[155]155 quant on poroit, on aroit mieux. Si retourna li sires
de Couchi à Paris et aporta de par le roi le paix as
Parisiiens, mais que il tenissent les traitiés tels comme
il avoient proposet. Il les tinrent trop volentiers et
5ordonnèrent un rechepveur qui recepveroit le somme
des florins toutes les sepmaines; mais li argens ne
devoit estre contournés ailleurs ne bougier de Paris
fors en paiier gens d’armes, se on les metoit en
besongne; ne riens aultrement n’en devoit venir ne
10tourne[r] au pourfit dou roi ne à ses oncles. Enssi
demora la cose un tamps en cel estat, et li Parisiien
en paix; mais li rois ne venoit point à Paris, dont li
Parisiien estoient courouchiet.
§ 236. Samblablement cil de la citté de Roem s’esmurent
15ossi, et se relevèrent et revelèrent par telle
incidense les menues gens de la ville, et ochissent le
chastelain, qui estoit au roi et gardiiens dou castel, et
tous les impositeurs et gabelleurs, qui ces aides avoient
prises et censsies. Quant li rois de France, qui se
20tenoit à Miaulx, en fu infourmés, [ce] li vint à grant
desplaissance et à son conseil ossi, et se doubtèrent
que parellement les autres villes et cittés dou roiaulme
de France ne fesissent enssi. Si fu li rois de France
consilliés de venir à Roem; et i vint, et apaisa le commun,
25qui estoit moult tourblés, et leur pardonna la
mort de son chastellain et tout ce que fait avoient; et
il ordonnèrent de par eulx un rechepveur, auquel il
paieroient toutes les sepmaines une somme de florins,
et parmi tant il demorèrent à paix. Or, regardés la
30grant deablie qui se commenchoit à eslever en
France: et tout prendoient piet et ordonnance sus les
[156]156 Gantois, et dissoient les communaultés adont tout par
le monde que li Gantois estoient bonnes gens et que
vaillanment il soustenoient leurs franchisses, dont
il devoient de toutes gens estre amé, prisié et
5honneré.
§ 237. Vous savés comment li dus d’Ango avoit une
grande et haute imagination d’aller ens ou roiaulme
de Napples, dont il s’escripsoit rois de Puille et de
Calabre et de Sesille, car pappes Clemens l’en avoit
10ravesti et ahireté par la vertu des lettres que la roïne
de Naples et de Sesille l’en avoit douné. Li dus d’Ango,
qui estoit sages et imaginaulx et de hault corage et de
grant emprisse, veoit bien que, ou tamps à venir,
selonc l’estat que il avoit commenchiet à maintenir,
15dont envis le veïst afoiblir ne amenrir, seroit uns
petis sires en France, et que cils haus et nobles hiretages
de deus roiaulmes, Naples et Sesille, et trois
ducés, Puille, Calabre et Prouvence, li venroient grandement
bien à point, car en ces terres, dont il se tenoit
20drois sires et hoirs par le vertu des dons qui fait l’en
estoient, abondent toutes riquoises. Si mettoit toute
sa cure et diligence nuit et jour comment il peuist
parfurnir ce voiage, et bien savoit que il ne le pooit
faire sans grant confort d’or et d’argent et grosse
25route de gens d’armes, pour resister de force contre
tous ceuls qui son voiage li volroient empechier. Si
asambloit li dus d’Ango de tous lés, en instance de ce
voiage, si grant avoir que mervelles, et tenoit à amour
les Parisiiens che qu’il pooit, car bien savoit que
30dedens Paris a grant misse d’argent. Et tant fist qu’il
en ot sans nombre et envoia devers le conte de Savoie,
[157]157 ouquel il avoit très grant fiance, que à ce besoing il
ne le vosist pas fallir, et, li venut en Savoie, il li feroit
mettre en paiement aparilliet la somme de [cinc cens
mil] florins pour mille lances ou plus, pour un an tout
5entier. Li contes de Savoie de ces nouvelles eut grant
joie, car moult amoit les armes et l’avancement de li et
de ses gens: si respondi as mesages que volentiers il
serviroit monsigneur d’Ango parmi le moiien que il
mettoit. De che fu li dus d’Ango tous resjoïs, car il
10amoit moult la compaignie dou conte de Savoie. De
rechief li dus d’Ango retint tout partout gens d’armes
et tant que il en trouva bien noef mil hommes d’armes
tout en se obeïssance, voire les deniers paians. Si fist,
pour son corps et pour ses gens faire et ordonner et
15aparillier, à Paris le plus grant et le plus bel apareil,
que on avoit onques veu faire faire signeur, de tentes,
de trefs, de pavillons, de cambres et de toutes ordonnances
qu’à un roi appartient, qui voelt aler en un
lontain voiage.
20Nous cesserons un petit à parler de lui, et retourons
au conte de Cambruge et à ses gens, qui pour
che temps estoient en Portingal dallés le roi.
§ 238. Li contes de Cambruge et ses gens se rafresquirent
un grant temps à Lusebonne dallés le roi de
25Portingal, et avissoient li Englois et li Gascon le païs,
pour tant que il n’i avoient onques estet. En che
sejour il me samble que uns mariages fu fais et acordés
de la fille dou roi de Portingal, qui estoit adont
e[n] l’eage de dix ans, et dou fil conte de Cambruge,
30qui pooit estre de cel eage. Bel enffant estoit et a[voit]
à nom Jehan, et la dame fille dou roi Betris. A ces
[158]158 noces de ces deux enffans ot grans festes et grans
esbatemens, et i furent li prelat et li baron dou païs,
et furent couchiet, comme jone qu’il fuissent, tout nu
en un lit ensamble.
5Ces noces faites et les festes passées, qui durèrent
bien uit jours, li consaulx dou roi de Portingal ordonna
que ces gens d’armes, qui se tenoient à Lusebonne et
là environ, se departiroient et iroient d’autre part tenir
leur frontière. Si fu li contes de Cambruge et ses hostels
10ordonnés et assignés de aler en une belle ville en
Portingal, que on dist Estremouse, et li Englès et li
Gascon tout ensamble en une autre ville que on appelle
ou païs Ville Vesiouse; et Jehans de Cambruge demora
dallés le roi et sa femme.
15Quant li Canonnes de Roberssart et li autre chevalier
englès et gascons se departirent dou roi et prissent
congiet pour aler à leur garnisson, li rois leur dist:
«Mi enffant, je vous commande que point vous ne
chevauchiés sus les ennemis sans men sceu, car, se
20vous le faissiés, je vous en saroie mauvais gré.» Il
respondirent: «De par Dieu!» et que, quant il voroient
chevauchier, il li segnefieroient et en prenderoient
congiet. Sus cel estat il se departirent et chevauchièrent
à Ville Vesiouse, qui siet amont ou païs à deus
25journées de Lusebonne et à otant de Seville, où li
rois d’Espaigne se tenoit, qui ja estoit tous enfourmés
et avissés de la venue des Englès et dou conte de
Cambruge, et avoit cel estat segnefiiet en France as
chevaliers et as escuiers dont il penssoit à estre servis.
30Et quant chevalier et escuier dou roiaulme le
seurent et que fais d’armes apparoient en Espagne,
si en furent tout resjoï; et [se] aparillièrent li pluiseur
[159]159 qui se desiroient à avanchier, et se missent au
chemin pour aler en Espaigne.
§ 239. Li Canonnes de Robersart, qui se tenoit en
garnison en Ville Vesiouse avoecques ses compaignons
5englès et gascons, parla une fois à eulx et leur
dist: «Biau signeur, nous sejournons chi, che me
samble, mal honnerablement, quant nous n’avons
encores chevauchiet sus nos ennemis, et mains de bien
il en tiennent de nous. Se vous le vollés et vous le
10consilliés, nous envoierons devers le roi en priant que
il nous donne congiet de chevauchier.» Il respondirent
tout: «Nous le volons.» Adont fu ordonnés
messires Jehans de [Sandevich] à faire che mesage; il
dist que il le feroit volentiers. Si vint à Lusebonne
15devers le roi et fist son mesage bien et à point et che
dont il estoit cargiés. Li rois li respondi que il ne
voloit pas que il chevauchaissent; ne onques li chevaliers
ne le peut tourner en autre voie, et retourna
deviers les signeurs et leur dist que li rois ne voloit
20point que il chevauchaissent. Adont furent il plus courouchiet
que devant, et dirent entre eux que che n’estoit
mies leurs estas ne ordonnances de gens d’armes
de euls tenir si longhement en une garnisson sans
faire aucun exploit d’armes, et convenenchièrent l’un
25à l’autre de chevauchier. Si se missent un jour as
camps bien quatre cens hommes d’armes et otant
d’archiers; et avoient empris en leur chemin d’aller à
Seris, une grosse ville qui est au maistre de Saint
Jaque; mais il se ravissèrent et tournèrent une autre
30voie pour venir devant le castiel de la Fighière, où il
avoit environ soissante hommes d’armes espagnols en
[160]160 garnison, dont Pières Gouses et ses frères estoient
cappitaines.
Li Canonnes de Robertsart, qui se faissoit chiés de
ceste chevauchie, car ossi l’avoit il esmeut et mis sus,
5chevaucha tout devant. Là estoient messires Guillaume
de Biaucamp, messires Mahieus de Gournai, Milles de
Windesore, li sires de Tallebot, messires Adam Simon,
messires Jehans Soudrée, frère dou roi d’Engletière
bastart, li soudis de l’Estrade, li sires de Castiel N[o]ef,
10li sires de la Barde, Rainmonet de Marsen et pluiseur
autre. Et chevauchièrent tant ces gens d’armes que il
vinrent devant le castiel de la Fighière, et l’environnèrent,
et se missent en ordenance pour l’asaillir, et
fissent toutes leurs livrées et parechons, enssi que à
15faire assaut appartenoit.
Quant cil qui dedens estoient, perchurent que il
seroient asailli, si se ordonnèrent de bonne fachon et
se missent à deffense. Environ heure de prime, commencha
li assaus fors et fiers et rades, et entroient cil
20Englès ens es fossés où il n’avoit point d’aighe, et
venoient jusques as murs, targiet et pavesciet pour le
get des pières d’amont, et là hauoient et piquetoient
de pis et de hauiaulx à leur pooir; et on leur jettoit
d’amont pières de fais et grans bariaux de fier, laquel
25cose em blecha pluiseurs. Là estoit li Canonnes de
Robersart qui bien avoit corps de chevalier, qui che
jour i fist grant fuisson d’armes, et ossi fist Esperons,
uns siens varlès. Là estoient li archier d’Engletière
arresté environnéement sus les fossés, qui traioient à
30ceulx d’amont si roit et si ouniement que à paines
osoit nuls apparoir as deffenses, et en i ot de ceus
de dedens les deus pars navrés et blechiés, et i fu
[161]161 mors dou trait li frères de Pière Gouse, cappitaine
dou castiel, qui s’appelloit Betremieu, appert homme
d’armes durement, et, par son appertisse et li trop
follement abandonner, fu il mors.
5§ 240. Enssi se continua chils assaulx de l’eure de
prime jusques à haute nonne, et vous di que li chevalier
et escuier englois et gascon ne s’i espargnoient
mies, mais asailloient de grant corage et de grant
volenté, pour la cause de che que, sans le commandement
10et ordenance dou roi de Portingal, il avoient fait
ceste chevauchie. Si se mettoient en paine de conquerre
le castiel, par quoi la renommée en venist à
Lusebonne que il avoient à che commenchement bien
exploitiet. Là estoit li Canonnes, qui bien avoit corps
15de chevalier et emprisse et fait de vaillant homme,
qui les ammonestoit de bien faire, et leur dissoit:
«Hé! signeur, nous tenra meshui cils fors tant de
bonnes gens que nous sommes? Se nous mettons otant
à conquerir toutes les villes et les castiaulx d’Espaigne
20et de Galise, nous n’en serons jamais signeur.» Adont
s’esvertuoient chevalier [et] escuier à ses parolles et
faissoient mervelles d’armes; et vous di que dou jet
d’amont li Canonnes, quoique il fust bien pavesciés,
rechut tamaint dur horion, dont il fu durement froissiés
25et blechiés. Là avoit il dallés lui un jone escuier
de Hainnau, qui s’appelloit Froissart Meulier, qui
vassaument à l’assaut se porta; et ossi fissent tout li autre.
Li artellerie dou castiel, pières et bariaux de fier,
commenchièrent moult à afoiblir à ceulx de dedens [et]
30eux lasser. Si regardèrent que de vint et cinc hommes
d’armes que il estoient, il n’en i avoit pas trois qui ne
[162]162 fuissent navret et blechiet, et li aucun mis en peril de
mort, et que longhement ne se pooient tenir que de
force il ne fuissent pris, car ja veoient il mort le frère
de leur cappitainne, par qui pluiseurs recouvrances se
5pooient faire: si avisèrent que il prenderoient un
petit de respit, et là en dedens il traiteroient de la
paix. Si fissent signe que il voloient parler as Englès.
Adont fist on cesser l’assaut, et se missent cil qui
asailloient, tout hors des fossés; et, à voir dire, li
10repos à aucuns besongnoit bien, car il en i avoit grant
fuisson de blechiés et de lassés.
Adont se traïssent avant messires Mahieus de Gournai,
connestables de l’ost, et messires Guillaumes de
Windesore, marescal, et demandèrent que il voloient
15dire. La cappitainne dam Piètre Gousse parla enssi et
dist: «Biau signeur, vous nous quoitiés de moult
priès, et veons bien que vous ne vous partirés sans
avoir la forterèce. Vous blechiés nos gens; nous blechons
les vostres: si avons conseil l’un par l’autre, je
20pour tous, qui en sui cappitains, que nous vous renderons
le fort, salve nos vies et nos biens. Si nous
prendés enssi, car c’est droite parechon d’armes.
Vous estes pour le present plus fort que nous ne
soions: ce le nous fait faire.» Li chevalier englès respondirent
25que il s’en consilleroient, enssi qu’il fissent.
Quant il furent consilliet, il fissent responsse, et fu dit
que chil de dedens partiroient, se il voloient; mais la
garnisson, ens ou point où elle estoit, il la[i]roient, ne
riens, fors leurs vies, il n’en porteroient. Quant Piètres
30Gousse veï que il n’en aroit autre cose, si eut plus chier
à prendre che marchié que faire pieur: [si] s’i acorda.
Enssi fu li castiaulx de la Fighière rendus et mis en le
[163]163 main des Englès, et s’en partirent li Espagnol sus le
sauf conduit des Englès, et s’en allèrent viers Sceris, où
li maistres de Saint Jaque se tenoit; mais point ne l’i
trouvèrent, car il avoit entendu que li Englès chevaucoient:
5si s’estoit trais sour les camps, et chevauchoit
à bien quatre cens hommes d’armes espagnols et castellains,
car il esperoit que, se il pooit trouver les
Englès sus son avantage, il les combateroit.
§ 241. Quant cil chevalier d’Engletière, li Canonnes
10et sa route, furent saissi dou castiel de la Fighière, si en
eurent grant joie; si le fissent remparer et remettre à
point et repourveïr d’artellerie, et i laissièrent quarante
compaignons, archiers et aultres, et bon cappitaine
pour le garder; et puis se consillièrent quel
15cose il feroient. Consilliet fu que il se retrairoient vers
leurs logeïs. Et se departirent li Englès et li Gascon,
et fissent trois routes; et la darainière des routes qui
demora sus les camps, che fu celle dou Canonne. Et
estoient aucun Englès et Gascon et Allemant, qui desiroient
20les armes, demoret avoec lui, et pooient estre
environ soissante lances et otant d’archiers; et chevauchièrent
ces gens en la route dou Canonne, un jour
tout entier, en revenant vers Ville Vesiouse.
Le second jour au matin, à heure de prime, que les
25embusques se descuevrent, il chevauchoient tout
ensamble bien ordonnéement et estoient entre une
grosse ville en Portingal que on dist [Olivence] et le
castiel dou Conciel; et droitement au dehors d’un bois,
plus priès dou castiel dou Conciel que de [Olivence],
30estoit en embusque li maistres de Saint Jaque, à bien
quatre cens hommes d’armes. Sitost que li Englès les
[164]164 perchurent, il se remissent tout ensamble et ne monstrèrent
point de samblant d’effroi, et chevauchièrent le
bon pas. Chil Espagnol, com grant fuisson qu’il fuissent,
ne monstrèrent nul samblant ne ne fissent de
5iaulx desbusquier, mais se tinrent toudis en leur
enbusque, et quidoient par imagination que li Englès
eussent assés priès de là leur grosse bataille. Pour che
ne les ossèrent il envaïr, car, se il seuissent justement
leur convenant, il i eust eu hustin. Enssi se departirent
10il li un de l’autre sans riens faire. Li Espagnol retournèrent
che soir à [Seris], et li Canonnes à Ville
Vesiouse, qui recorda à ses compaignons comment il
avoient veu les Espaignols en embusque entre le Conciel
et Olivence, et dist: «Se nous eussions esté tout
15ensamble, nous les eussions combatus.» Si se repentoient
li chevalier grandement de ce que il avoient
laissiet l’un l’autre. Enssi se porta ceste première chevauchie
que li Englès et li Gascon fissent; et quant
les nouvelles en vinrent au roi de Portingal, si monstra
20par samblant que il en fust courouchiés, et pour
tant que il avoient chevauchié hors son commandement
et ordonnance.
§ 242. Enssi se tinrent tout cel ivier li Englès et
Gascon en leurs garnissons, sans point chevauchier ne
25à faire cose qui à recorder face, dont il leur anoioit
grandement, et ne demoroit pas à iaulx que il ne
fesissent armes.
Entrues se pourveoit li rois dans Jehans de Castille,
et avoit envoiiet en France devers le roi et ses oncles
30au secours, en iaulx segnefiant coument li contes de
Cambruge estoit venus et arivés en Portingal, et estoit
[165]165 la vois par tout les roiaulmes de Castille et de Portingal
que li dus de Lancastre, ses frères, poissament
acompaigniés, venroit en leur aide à l’esté; pour quoi
il requeroit au roi, selonc les aliances et confederations
5que il avoient ensemble, France et Espagne, par
grant conjonction d’amour, que il fust sus le tamps
d’esté confortés de bonnes gens d’armes, par quoi il
peuist de force et de fait resister à ses ennemis. Li
consaulx dou roi de France s’asentoit bien à tout che,
10et veoit clerement que li rois d’Espaigne requeroit
raisson. Si fu ordonné en France de donner grace et
congiet toutes manières de gens d’armes, chevaliers
et escuiers qui avanchier se voloient, et leur faissoit
li rois de France le premier prest pour passer oultre.
15Si me samble que messires Oliviers de Claiequin,
frères dou connestable Bertram qui fu, se ordonna
pour aler che chemin sus le printamps. Ossi fissent
pluiseur chevalier et escuier de Bretaigne, de France,
de Biause et de Picardie, d’Ango, de Berri, de Blois
20et du Maine, et passoient par routes, pour mieux aler
à leur aisse, et avoient passage ouvert parmi le roiaume
d’Arragon, et trouvoient pourveances toutes prestes
parmi leurs deniers paians; mais sachiés que il ne
paièrent mie par as tout ce que il prendoient, quant
25il estoient ou plat païs, dont les povres gens le
comparoient.
§ 243. Vous savés comment li rois Richars d’Engletière
avoit eu, un an et plus, traitiés devers le roi
Charle d’Alemaigne, qui pour ce tamps en title s’escripsoit
30rois des Roumains, pour avoir sa soer, madame
Anne, en mariage, et comment mesires Simons Burlé,
[166]166 uns siens chevaliers, en avoit moult travilliet, et comment
li dus de Tassem, d’Alemaigne en avoit esté en
Engletière, pour confremer le mariage. Tant avoient esté
ces coses demenées que li rois des Roumains envoioit
5sa soer en Engletière, le duc de Tassem en sa compaignie
et grant fuisson de chevaliers et d’escuiers, de
dames et de damoiselles en estat et en arroi, enssi
comme à tel dame appartenoit; et vinrent en Braibant
et en le ville de Brousselles. Là requellièrent li dus
10Wincelins de Braibant et la duccoise Jehane, sa femme,
la jone dame et sa compaignie moult grandement, car
li dus en estoit oncles: elle avoit esté fille de l’empereur
Charle, son frère. Et se tint madame Anne de
Behaigne, à Brousselles, dallés son oncle et sa belle
15ante plus d’un mois sans partir, ne bougier ne s’osoit,
je vous dirai raison pour quoi. Elle fu segnefiie et ses
consaulx, que il i avoit environ douse vaissaulx armés,
plains de Normans, sus le mer, qui waucroient entre
Callais et Hollandes, et pilloient et desreuboient sus
20le mer tout ce que il trouvoient, et n’avoient cure sur
qui; et aloit et couroit renommée sus les bendes de
celle mer de Flandres et de Zellandes que il se tenoient
là en attendant la venue de la jone dame, et que li rois
de France et ses consaulx voloient faire ravir la dame,
25pour brisier che mariage, car il se doubtoient grandement
des aliances des Allemans et des Englès. Et dissoit
on encores avant, quant on parloit que ce n’estoit pas
honnerable cose de prendre ne de ravir dames en
guerres de signeurs, en coulourant et en faissant le
30querelle du roi de France plus belle: «Comment ne
veïstes vous pas que li princes de Galles, pères de che
roi d’Engletière, que il fist ravir et consenti le fait de
[167]167 madame de Bourbonnois, mère à la roïne de France,
qui fu prise et emblée des gens dou prince, et tout de
celle guerre, ens ou castiel de Belle Perce? [M’aïst]
Dieu, si fu, et menée ent en Giane et rençonnée. Ossi
5par pareille cose se li François, pour eux contrevengier,
prendoient le moullier dou roi d’Engletière, il ne
feroient à nullui tort.»
Pour ces doubtes et pour les apparans que on en
veoit, se tint la dame et toute sa route à Brousselles
10un mois tout entier, et tant que li dus de Braibant, ses
oncles, en envoiia en France son conseil, le signeur de
Rocelare et le signeur de Bouquehort, pour remonstrer
ces coses au roi de France et à ses oncles, liquel
estoient ossi neveut dou duc de Braibant et fils de sa
15soer. Cil chevalier de Braibant exploitièrent tant et
si bellement parlèrent au roi de France et à son conseil,
que grace li fu faite et bons sauf conduis donnés
de passer où il li plaisoit, li et les siens, fust parmi le
roiaulme de France ou sus les frontières, en allant
20jusques à Calais, et furent li Normant qui se tenoient
sus mer remandé. Tout ce raportèrent li dessus dit
chevalier en Braibant au duc et à la ducoise, et leur
escripsoient li rois et si oncle que, à leur priière et
contemplation et nom d’autrui, il faissoient celle grace
25à leur cousine de Behaigne. Ches nouvelles plaisirent
grandement au duc de Braibant et à la ducoisse et à
ceulx qui passer le mer volloient. Si se ordonnèrent
et se departirent de Brousselles, et prist la dame congiet
à son oncle et à sa belle ante, et as dames et
30damoisselles dou païs qui compaigniet l’avoient, et [si]
le fist li dus convoiier à bien cent lances. Et passèrent
tout parmi Gand et i reposèrent un jour, et fisent li
[168]168 Gantois ce qu’il peurent d’onneur à la dame. Et vint
de là à Bruges, et le rechut li contes de Flandres
moult bellement, et s’i rafresquirent trois jours, et puis
passèrent oultre et chevauchièrent tant que il vinrent
5à Gravelines. Entre Callais et Gravelines estoient li
contes de Sasleberi et li contes de Deuvesiere, à cinc
cens lances et otant d’archiers, qui là l’atendoient. Si
l’enmenèrent à Calais. Adont retournèrent li Braibençon,
quant il l’eurent delivret as barons d’Engletière.
10§ 244. Ceste jone dame ne sejourna gaires à Callais,
quant elle eut vent à volenté. Si entrèrent en
leurs vaissaulx un merquedi au matin, apriès ce que li
cheval furent escipet, et, che jour, il arivèrent à Douvres.
Là se reposa et rafresqui la dame deus jours.
15Au tierch jour, elle parti et vint à Saint Thomas de
Cantorbie, et là trouva elle le conte de Bouquighen,
qui le rechut moult grandement. Tant esploita celle
dame que elle vint à Londres, où elle fu receue très
honnerablement des bourgois, des dames et des damoiselles
20dou païs et de la ville, qui estoient là toutes
asamblées contre sa venue. Si l’espousa li rois en le
cappelle dou palais de Wesmoustier, au vintime jour
dou Noël, et i furent au jour des espoussailles moult
grandes les festes. Et toudis fu en sa compaignie,
25depuis que elle vint à Trec en Alemaigne, chils gentils
et loiaulx chevaliers, messires Robers de Namur,
jusques à tant que elle fu espousée, de quoi li rois
d’Engletière [et li baron] li seurent grant gret. Ossi
fist li rois d’Allemaigne. Si mena li rois d’Engletière
30sa femme à Windesore, et là tint son hostel grant
et bel: si furent moult joieusement ensamble, et
[169]169 se tenoit madame la princesse dalés sa fille, la jone
roïne.
Et ossi pour che tamps i estoit la ducquoise de Bretaigne,
soer du roi Richart, que ses maris, li dus de
5Bretaigne, ne pooit ravoir; ne li baron d’Engletière ne
li consaulx dou roi ne voloient nullement consentir
que on li renvoiiast, pour tant que il estoit tournés
françois. Et dissoient communement en Engletière li
baron et li chevalier: «Chils dus de Bretaigne s’acquita
10lubrement et fausement envers le conte de Bouquighen
et nos gens dou derrenier voiage que il fissent en
France, et il remande sa femme. Nennil, nous ne li
renvoierons pas, mès envoions li ses deus ennemis,
Jehan et Gui de Bretaigne, qui ont plus grant droit à
15l’hiretage de Bretaigne que il n’ait, car il en est dus
par nostre poissance, et mal le recongnoist: [si] li
deveriens pareillement remonstrer sa vilonnie.» Voirs
est que en ce tamps chil doi signeur, Jehan et Gui de
Bretaigne, qui furent enfant à saint Charle de Blois,
20liquel estoient prisonnier en Engletière et enclos en un
castiel en la garde de messire Jehan d’Aubrecicourt,
furent requis et appellé bellement et doucement dou
conseil dou roi d’Engletière, et leur fu dit que, se il
voloient relever la ducé de Bretaigne dou roi d’Engletière
25et recongnoistre en foi et en hommage dou roi,
on leur feroit recouvrer leur hiretage, et aroit Jehans,
li ainsnés, en mariage madame Phelippe de Lancastre,
fille dou duc que il eut de la ducoise Blance de Lancastre.
Mais il respondirent que il n’en feroient riens
30et que, pour morir en prison, il demoroient bon François.
Si demora la cose en cel estat, ne depuis, quant
on sceut leur ferme entente, il n’en furent point requis.
[170] § 245. Vous savés comment li Parisiien s’estoient
composé et acordé envers le roi à paiier une somme
de florins toutes les sepmaines. Li florin estoient paiiet
à un certain rechepveur que li Parisiien i avoient establi
5et ordonné, mais li rois n’en avoit nuls, ne riens
ne s’en tournoit en son pourfit, ne riens ne partoit de
Paris. Et avint, ce te[r]me pendant, que li rois eut
grant besongne d’argent, pour paiier ces gens d’armes
que il envoiioit en Castille, car il voloit aidier et conforter
10à son besoing le roi dam Jehan de Castille, et
tenus i estoit par les aliances de jadis faites. Si manda
à che recheveur de Paris que il fesist la finance de cent
mille frans, et monstroit tout clerement où il les voloit
mettre. Li rechevères respondi as lettres du roi et as
15messages moult bellement, et dist que voirement avoit
il argent assés, mais il n’en pooit rien delivrer sans le
congiet et consentement de la communauté de Paris.
Ces responses ne plaisirent mies bien au roi, et dist
que il i pourverroit de remède, quant il poroit, si qu’il
20fist; et fist finance ailleurs, parmi l’aide de ses bonnes
villes de Picardie.
Enssi avoit un grant different entre le roi de France
et les Parisiiens; et ne venoit point à Paris, mais se
tenoit à Miaulx, ou à Senlis, ou à Compiengne, ou là
25environ, dont li Parisiien estoient tout courouchié. Et
le plus grant resort de seurté qu’il avoient et le grigneur
moien, c’estoit ou duc d’Ango, qui s’escripsoit
rois de Sesille et de Jherusalem, et ja en avoit encargiet
les armes. Chils dus se tenoit communement à
30Paris, et subportoit desous ses elles les Parisiiens, pour
la cause de ce que il avoient grant finance, et contendoit
à ce que il en fust aidiés et departis, pour aidier
[171]171 à faire son fait et son voiage; car il asambloit argent
de tous lés et si grant somme, que on dissoit que il
avoit à Rokemore, dallés Avignon, l’argent de deus millions
de florins. Si traita par devers les Parisiiens, et
5fist tant par biau langage, enssi que cils qui bien le
savoit faire et qui bien estoit enlangagiés, et qui pour
ce tamps de droit avoit le regart et l’amenistration
deseure ses frères, car il estoit ainnés, du roiaulme de
France, que il eut de celle somme de florins asamblés,
10à une seule delivrance, cent mille francs; et li rois n’en
pooit nuls avoir, ne si doi autre oncle, Berri et
Bourgongne.
Quant li dus d’Ango eut fait toutes ses pourveances
et ses ordonnances, à l’entrée dou printamps, il se
15mist au chemin en si grant arroi que merveilles, et
passa parmi le roiaulme, et vint en Avignon, où il fu
grandement festiiés et requelliés dou pappe et des cardinaulx;
et là vinrent li baron et les bonnes villes de
Prouvence tout et toutes, excepté Ais en Prouvence,
20qui le rechurent à signeur et li fissent feaulté et homage,
et se missent en son obeïssance. Et là vint en Avignon
devers li li gentils contes de Savoie, bien acompaigniés
de barons et de chevaliers, qui fut ossi de son cousin
le pape grandement bien venus et de tous les cardinaulx.
25Là en Avignon furent faites les finances et les
delivrances d’or et d’argent dou duc d’Ango au conte
de Savoie et as Savoiiens, qui montoient grant fuisson.
Apriès toutes ces coses faites, li dus d’Ango et li
contes de Savoie prissent congiet au pappe et se departirent
30d’Avignon, et prissent le chemin de la Daufiné
de Viane, et amena li contes le duc en Savoie, et là le
honoura il en ses bonnes villes très grandement. Et
[172]172 toudis passoient gens d’armes devant et apriès, et
trouvoient Lombardie toute ouverte et aparillie. Si
entra li dus d’Ango en Lombardie, et estoit, par toutes
les cittés et les bonnes villes de Lombardie, trop grandement
5recheux, et par especial à Mellans. Là fu il honnourés
oultre mesure de messire Galleas et de messire
Bernabo, et eut de par iaulx si grans dons, au passer,
de riches jeuiaulx et de chevaux de pris, que mervelles
seroit à l’esmer. Et tenoit li dus d’Ango partout tel
10estat comme rois, et avoit ses ouvriers de monnoie,
qui forgoient florins et blances monnoies, dont il faissoient
leurs paiemens, et passèrent enssi toute Lombardie
et la Tosquane. Quant il vinrent en Toskane et
que il aprochièrent Romme, si se remissent plus
15ensamble que il n’euissent esté en devant, car li Rommain,
qui bien savoient la venue dou duc d’Ango, s’estoient
grandement fortefiiet à l’encontre de lui et
avoient à cappitaine un vaillant chevalier d’Engletière,
qui s’appelloit messire Jehan Haccoude, liquels avoit
20de lonc tamps demoret en Rommagne et connissoit
toutes les frontières. Si tenoit grant fuisson de gens
d’armes sus les camps as saulx et as gages des Rommains
et de Urbain, qui se dissoit pappes et que li Roumain
et li Alemant et pluiseurs autres nations tenoient
25à pappe. Et cils pour le tamps se tenoit en la citté de
Romme, ne point ne s’effreoit de la venue dou duc
d’Ango, et, quant on l’en parloit et que on li remonstroit
que li dus d’Ango venoit celle part, le conte de
Savoie en sa compaignie [et] le conte de Genève, et que
30il avoit bien noef mille lances de bonnes gens d’armes,
et ne savoit on encores de verité se il venroit de fait
à Romme pour li oster de son siège, car il estoit tous
[173]173 Clementins, il respondoit en dissant: «Crux Cristi,
protege nos.» C’estoit tous li effrois que il en avoit, et
lequel il respondoit à ceulx qui l’emparloient.
§ 246. Enssi passèrent ces gens d’armes, li dus d’Ango
5qui se dissoit et escripsoit rois de Naples, de Sesille et
de Jherusalem, dus de Puille et de Calabre, et li contes
de Savoie et leurs routes, toute le [Lombardie et]
la Toscane, en costiant la marce d’Anconne et la terre
dou Patrimonne; et point n’entrèrent ne aprochièrent
10Romme, car li dus d’Ango ne voloit nulle guerre ne
mautalent à Romme ne as Roumains, mais faire son
voiage et son emprise deuement sus le point et l’estat
que il estoit partis de France. Et, partout où il passoit
et venoit, monstroit estat très estoffet et poissance de
15roi; et se looient de lui et de son paiement toutes gens
d’armes, car bien savoit que il en aroit afaire.
En che tamps se tenoit en la citté de Napples ses
aversaires, messires Charles de la Pais, qui se dissoit
ossi et escripsoit rois de Naples, de Sesille et de Jherusalem,
20dus de Puille et de Calabre, et s’en tenoit
hoirs droituriers, puis que la roïne de Naples estoit
morte, sans hoir avoir de se char par loiaulté de
mariage. Et tenoit chils messires Charles en vain et à
nul le don que la roïne en avoit fait au pappe, et i
25monstroit à son oppinion deus raisons: li une estoit
que il dissoit, soustenoit et voloit mettre oultre (et [li]
Neapliien et li Sesiliien li aidoient à soustenir) que la
roïne de Napples ne pooit donner ne reserver l’iretage
d’autrui, et, se il estoit enssi que la reservation fust
30bonne et li dons utilles, par le [stille] de le court de
Romme et le droit des pappes, [si] dissoient il que
[174]174 elle ne l’avoit pas fait deuement, car il tenoient Urbain
à pappe et non Clement. Velà la question que il debatoient
et proposoient, et les deffenses que messires
Charles de la Pais i mettoit.
5Chils messires Charles de la Pais de commencement
ouvra trop sagement, car il fist pourveïr le castiel de
l’Uef, qui est uns des plus fors castiaulx dou monde,
car il siet par encantement en mi le mer et ne fait mies
à prendre ne à conquerir, se che n’est par nigremanche
10ou par l’art dou diable; et quant il l’eut fait pourveïr,
pour vivre trois ou quatre ans une quantité de gens
d’armes qui dedens se boutèrent avoec li, il laissa le
païs convenir, et savoit bien la condition de ceulx de
Napples que nullement il ne le relenquiroient, et là
15s’enclost. Se Puille et Calabre se perdoient pour deus
ou pour trois ans, ossi legierement il le raroit, car il
imaginoit que li dus d’Ango se useroit de finance à
tenir si longuement telle somme de gens d’armes sour
les camps, que il avoit amenet oultre. Il n’estoit mies
20en sa poissance: ou vivres leur fauroient, ou finance
et paiement leur fauroit, par quoi il se taneroient, ou
dedens deus ans ou trois, quant il seroient foullé, lassé
et tané, il les combateroit à son avantage. Toutes ces
imaginations eut Charlles de la Paix, dont desquelles
25on en veï bien, en che terme que il i mettoit, [averir]
aucunes, car voirement il n’est nuls sires crestiiens,
excepté le roi de France et le roi d’Engletière, qui hors
de leur païs peuissent, ne trois ans ne quatre, tenir
tel peuple sus les camps de gens d’armes que li dus
30d’Ango avoit et tenoit, et mist oultre les mons bien
trente mille combatans, que il ne fust tous usés et
minés de chavanche et de finance. Et tels coses, à
[175]175 entreprendre un tel fait au commenchement font bien
à glosser et à resongnier.
§ 247. Quant li dus d’Ango et ses routes entrèrent
en Puille et en Calabre, li païs fu tantos tout leur, et
5monstroit li peuples que il ne desiroit autre signeur à
avoir que le duc d’Ango; et vinrent sus un brief terme
tout signeur, cittés et bonnes villes, en son obeïssance.
Or dient cil qui ont estet en ce païx là que c’est li une
des plus crasses marches dou monde et que pour le
10grant plenté de biens qui habondent ou païs, les gens
i sont tout wisseux et n’i font point de labeur. Quant
ces gens d’armes se trouvèrent en che bon païs et cras
et raempli de tous biens, se tinrent tout aisse. Adont
s’en vinrent li dus d’Ango et li contes de Savoie, li
15contes de Vendome, li contes de Genève et la grant
chevalerie de France, de Bretaigne et de Savoie, et
passèrent oultre et vinrent en la marce de Napples.
Onques cil de Naples, pour la doutance de ces gens
d’armes, ne daignièrent clore porte de leur ville, mais
20les tenoient toutes ouvertes. Bien penssoient que li dus
d’Ango ne se bouteroit jamais dedens hors de leur
plaissance, car qui seroit dedens enclos, quels peuples
que che fust, il seroit perdus, ne les maisons ne sont
pas à prendre, car il i a plances que on hoste, quant on
25voelt, et là desouls c’est la mer où nuls ne s’oseroit
embatre.
Avint que uns encantères, maistre de nigremance,
qui estoit en la marce de Napples et avoit conversé un
lonc tamps, vint au duc d’Ango, et [si] li dist: «Monsigneur,
30se vous volés, je vous renderai le castiel de
l’Uef, et ceuls qui sont dedens, à vostre volenté.»
[176]176 —«Et comment, dist li dus, poroit che estre?»
—«Monsigneur, je le vous dirai, dist li encantères, je
ferai par encantement l’air si espès, que dessus la mer
il samblera à ceulx de dedens que il i ait un grant
5pont pour aler dix hommes de front; et quant cil qui
sont ou castiel verront che pont, il seront si esbahi
que il se venront rendre à vostre volenté, car il doubteront
que, se on les assaut, que il ne soient pris de
force.» Li dus ot de ceste parolle grant mervelle, et
10appella de ses chevaliers le conte de Vendome, le conte
de Genève, messire Jehan et messire Pière de Buel,
mesire Meurisse Mauvinet et les autres, et recorda che
que chils maistres encantères dissoit, liquel de ceste
parolle estoient tout esmervilliet et s’asentoient assés
15à ce que on le cruist. Adont demanda li dus d’Ango à
celli et li dist: «Biaux maistres, et sus ce pont que
vous dites que vous ferés, se poront nos gens asseurer
de aler sus jusques au castiel pour asaillir?»
—«Monsigneur, respondi li encantères, tout ce ne vous
20oseroie je pas asseurer, car, se il i avoit nuls de ceulx
qui sus le pont passeroient, qui fesist le signe de le
crois, tout iroit à noient, et cil qui seroient sus,
trebuceroient en la mer.» Adont commencha li dus à
rire, et lors respondirent aucun jone chevalier et
25escuier qui là estoient, et dissent: «Ha! monsigneur,
pour Dieu laissiés le faire. Nous ne ferons pas le signe
de le crois, et plus legierement ne poons nous avoir
vos ennemis.» Dist li dus d’Ango: «Je m’en consillerai.»
A ces parolles n’estoit point li contes de Savoie,
30mais il vint assés tost.
§ 248. Quant li contes de Savoie fu venus en la tente
[177]177 dou duc d’Ango, li maistres encantères estoit partis.
Adont li recorda li dus la parolle dou maistre et quel
cose il li offroit. Li contes de Savoie penssa un petit,
et puis dist: «Envoiés le moi en mon logis, et je le
5examinerai; c’est li maistres encantères par lequel la
roïne de Napples et messires Ostes de Bresuich, ses
maris, furent jadis pris ens ou castiel de l’Uef, car il
fist la mer si haute que il sambloit que elle montast
desus le castiel: s’en furent si eshidé cil qui ou castel
10estoient, que il leur sambloit que il deuissent estre tout
noiiet. On ne doit point avoir fiance trop grande en
tels gens. Or regardés de la nature des malandrins de
ce païs: pour seullement complaire à vous et avoir
vostre bienfait, il voelt trahir ceulx à qui il livra une
15fois la roïne de Napples et son mari à Charle de la
Pais.» Dist li dus d’Ango apriès: «Je le vous
envoierai.» Adont entrèrent li signeur entre autres
parolles, et consillièrent un tamps de leurs besongnes
li dus et li contes de Savoie, et puis retourna li contes
20à son logeïs.
Quant ce vint le jour, apriès que li signeur furent
levet, li maistres encantères vint devers le duc et l’enclina.
Sitos que li dus le veï, il dist à un sien varllet:
«Va, [si] le mainne au conte de Savoie.» Li varlès le
25prist par le main et li dist: «Maistres, monsigneur
voelt que vous venés parler au conte de Savoie.» Il
respondi: «Dieux i ait part!» Adont s’en vint il en
la tente dou conte. Li varlès li dist: «Monsigneur,
vechi le maistre que messires vous envoie.» Quant li
30contes le veï, si en ot grant joie, et li demanda:
«Maistres, dites vous pour certain que vous nous
ferés avoir le castiel de l’Uef à si bon marchié?»
[178]178 —«Par ma foi, monsigneur, respondi li encantères,
oïl, car par oevre pareille, je le fis jadis avoir à cellui
qui est dedens, messire Charlle de la Pais, et la roïne
de Naples, et sa fille et son marit, messire Robert
5d’Artois, et messire Ostes de Bresuich; et je sui
l’omme ou monde maintenant que messires Charles
resongne le plus.»—«Par ma foi, dist li contes de
Savoie, vous dites bien; et je voel que Charle de la
Pais sache que il a grant tort se il vous crient, car je l’en
10aseur[er]ai, ne jamais vous ne ferés encantement pour
decepvoir lui ne autrui; ne je ne voel pas que il nous
soit reprochié, ou tamps à venir, que en si haut fait
d’armes que nous sommes et tant de vaillans hommes,
chevaliers et escuiers, asamblés, que nous ouvrons par
15encantement ne que nous aions par tel art nos ennemis.»
Adont appella il son varlet, et dist: «Prendés
le bouriel, et li faites trenchier la teste.» Tantos que
li contes de Savoie ot dit ceste parolle, che fu fait: on
li trencha, au dehors des logeïs, la teste. Enssi fina
20chils maistres encantères, et fu paiiés de ses leuwiers.
Nous nos soufferons à parler dou duc d’Ango et de
ses gens et de leur voiage, et retournerons as besongnes
de Portingal, et conterons comment li Englès et
li Gascon perseverèrent.
25§ 249. Quant che vint à l’entrée dou mois d’apvril,
li chevalier qui estoient en garnison à Ville Vesiouse
et qui avoient là sejourné tout le tamps [d’ivier] et
n’avoient plus chevauchié, fors que quant il furent
devant le Fighière, s’avisèrent l’un parmi l’autre que
30il chevaucheroient. Et avoient entre iaulx grant merveilles
à quoi li rois de Portingal ne li contes de Cambruge
[179]179 pensoient, quant il avoient ja esté noef mois ou
païs de Portingal, et n’avoient chevauchiet que une fois,
et que il se portoient grant blasme. Si regardèrent que
il envoieroient devers le conte Ainmon de Cambruge,
5pour remonstrer ces besongnes, et me samble que li
soudis de l’Estrade i fu envoiiés, et vint à Estremouse,
où li contes estoit logiés. [Si] li dist: «Sire, li compaignon
m’envoient devers vous à savoir quel cose
vous vollés faire, car il ont grant mervelles pour quoi
10on les a amenés en che païs, quant tant i sejournent,
et que che leur tourne à grant desplaisance. Si me respondés
que vous vollés qu’il facent, car il ont grant
désir de chevauchier.»—«Soudis, dist li contes,
vous savés que, quant je me parti d’Engletière, messires
15mes frères, li dus de Lanclastre, me proumist
par sa foi que, li revenu d’Escoce où il aloit, il venroit
par de dechà à une grant quantité de gens d’armes de
deus ou de trois milliers et otant d’archiers, et n’estoie
dechà envoiiés sus l’estat que je vins, fors que
20pour avisser le païs; et temprement nous en deveriens
oïr nouvelles, car ossi ai jou grant mervelle pour
quoi il sejourne tant. [Si] me salués les compaignons,
et leur dirés che que je vous di. Au fort, je ne les puis
ne ne voel mies tenir de chevauchier, se il i ont bonne
25affection; mais vous savés que li rois de Portingal
paie les gages: si se doit on ordonner par li.»
—«Par ma foi, dist li soudis, il paie mal, car ossi li
compaignon se plaindent trop fort de son paiement:
il nous doit encores tous les gages de siis mois.»
30—«Il vous paiera bien, dist li contes, toudis vient argens
à point.» Sus cel estat se departi li soudis dou conte,
et retourna devers les compaignons. Si leur recorda
[180]180 tout che que vous avés oï. «Signeur, dit li Canonnes,
ja pour ce ne demeure. Je voi bien [que] on se disimulle
de nostre chevauchement; on ne voel[t] point
que nous chevauchons, afin que nous n’aions cause
5de demander argent, et je lo dont que nous chevauchons.»
Là ordonnèrent et acordèrent entre iaulx que
il chevaucheroient, et i preficièrent le jour.
Le soir dont il devoient chevauchier à l’endemain et
avoient leurs harnois tous près, vint messires Jehans
10Frenande, uns chevaliers dou roi de Portingal, qui
estoit enformés que il voloient chevauchier, et aporta
lettres au Canonne de Robersart. Li Canonnes les ouvri,
et lissi comment li rois li deffendoit que point ne chevauchast,
et que bien savoit que par li et par son
15esmouvement se faissoient les emprisses et les chevauchies.
De ces nouvelles fu li Canonnes courouchiés, et
dist au chevalier: «Messire Jehan, je voi bien que li
rois ne voelt point que je chevauche. Or prendés, biau
sire, que je sejourne à l’ostel: pensés vous pour ce
20que li autre, qui sont milleur chevalier et plus vaillant
que je ne soie, doient pour ce demorer que il ne facent
leur emprise? Par ma foi, nenil. Et vous le verrés
demain, car il se sont tout aresté et ordonné à
chevauchier.»—«Sire, dist Frenando, commandés leur
25de par le roi que point il ne chevauchent.»—«Par
ma foi, sire, dist li Canonnes, je n’en ferai riens, mais
commandés leur, qui estes au roi, sus cel escript.»
La cose demora enssi la nuit.
Quant che vint au matin, on sonna les trompètes
30parmi la ville. Chevalier s’armèrent, et toutes gens
s’aparillièrent et montèrent as chevaulx, et vinrent
devant l’ostel le Canonne qui point ne s’armoit. Là
[181]181 s’arestèrent tout li chevalier englès et gascon. Il vint
as phenestres parler à eux, et leur dist que li rois de
Portingal ne voloit point que on chevauchast. «Par
ma foi, respondirent il, nous chevaucherons, puisque
5nous sommes si avant, et ossi chevaucherés vous; ne
ja ne vous sera reprochié que nous chevaucherons et
vous reposerés à l’ostel.» Là convint le Canonne de
Robersart armer et monter à cheval, et ossi fist le chevalier
portingallois messire Jehan Frenande, dont il fu
10puis près pendus dou roi, car tant li priièrent li compaignon
que il s’arma. Adont issirent il de le Ville
Vesiouse, et se missent as camps, et estoient bien
quatre cens lances et otant d’archiers, et prissent le
chemin de Sebille et devers un castel et une bonne ville
15que on dist le Ban.
§ 250. Tant chevauchièrent Englès et Gascon que il
vinrent devant le Ban. Si l’environnèrent à l’une des
pars là où elle estoit le plus prendable et le plus legière
à l’asallir. Si descendirent toutes gens d’armes à piet,
20et se missent en arroi et en ordonnance d’assaut, et
entrèrent ens es fossés, où il n’avoit point d’aighe, et
vinrent jusques as murs, et commenchièrent à pikier
et à hauer et fort à assallir. Pour ce jour n’avoit en la
ville dou Ban nulles gens d’armes fors que les hommes
25de la ville, qui estoient moult mal armet. Toutesfois il
estoient à leurs deffenses, et avoient lanches et gavrelos
et archigai[e]s, dont il traioient et lanchoient, et
se deffendoient che qu’il pooient; mais il veïrent bien
que à le longhe il ne pooient durer ne contrester que
30il ne fuissent pris. Si commenchièrent à traitier à ceuls
qui les asalloient. Finablement il se rendirent sauve
[182]182 leurs vies et le leur, et dirent que il se meteroient et
demor[r]oient en l’obeïssance dou roi Ferrant de Portingal.
Enssi furent il rechut, et entrèrent en la ville
toutes gens et s’i rafresquirent, et alèrent aviser et
5regarder che jour comment il se poroient chevir dou
castiel, et perchurent que il estoit bien prendables.
Très le soir commenchièrent li aucun de l’ost à escarmuchier.
Quant che vint au matin, on commencha à
asaillir de grant ordonnance, et cil qui dedens estoient
10à eux deffendre. Ens ou castiel estoit un gentil homme
dou païs, qui en estoit cappitaine, et n’estoit mies trop
bons homs d’armes, et bien le monstra: si se nommoit
Piètres [Raconstes], car, sitrestos que il se veï asaillir
et tant de bonnes gens d’armes devant li, il s’effrea
15et entra en tretiés, et rendi le fort, salve se vie et
ceulx qui dedens estoient. On le prist, et le rafreschist
on de bonnes gens d’armes et d’archier[s], et puis
s’en partirent et chevauchièrent devers un autre castiel
à sis lieues de là que on dist la Courtisse. Quant il
20furent venu jusques à là, si se missent en ordonnance
d’assallir, et assallirent fort et roit. Chil qui dedens se
tenoient estoient vaillans gens, et bien se deffendirent
che qu’il peurent, et ne se daignièrent rendre. A l’assaut
qui fu grans et fors, fu mors li cappitainne dou
25castiel, qui s’appelloit Radighos. Soutis et apert homme
d’armes estoit, et fu mors de trait de la flèche d’un
archier d’Engletière, car il s’abandonnoit trop avant
à la deffense. Depuis que il fu mors, li autre n’eurent
point de durée, et fu li castiaux pris, et li plus de ceuls
30qui dedens estoient, mort. Enssi eurent li Canonnes
et ses gens le castiel de la Courtisse. Si le rafresquirent
de nouvelles gens et le remparèrent biel et fort,
[183]183 et puis passèrent oultre en aprochant la citté de Sebille
la grande.
§ 251. Tant exploitièrent cil Englès et cil Gascon
que il vinrent à Jaffre, à dis lieues de Sebille. Une ville
5est Jaffre mal fremée, mais il i a un grant moustier
assés fort, que cil dou païs et de la ville de Jaffre avoient
fortefiiet, et là s’estoient retrait sus la fiance dou lieu.
De venues, la ville de Jaffres fu tantos prise et toute
arsse, et li moustiers asaillis, liquels à l’assault ne dura
10pas une heure que il ne fust pris; et là eut grant pillage
pour ceulx qui premiers i entrèrent, et moult
d’ommes mors. Apriès il chevauchièrent oultre, car
il furent enformé que ens uns grans marès qui là sont
en une vallée, avoit la plus belle proie dou monde,
15plus de vint mille bestes, pors, buefs, vaces, moutons
et brebis. De celle proie eurent li signeur grant joie, et
s’en vinrent de celle part et entrèrent en ces marès, et
fissent toutes ces bestes vuidier par leurs gens de piet
et cachier devant eulx. Adont eurent il conseil de
20retourner à Ville Vesiouse leur il logoient, et prisent
tout le retour et ce chemin, et vinrent là au soir, à
l’endemain, eux et leur proie, dont il furent depuis
moult largement pourveu et avitailliet. Enssi se porta
ceste chevauchie.
25Quant messires Jehans Frenande fu revenus à Lusebonne
devers le roi, et il li eut recordé comment il
avoient exploité, et le chevauchie que leurs gens
avoient fait sus les ennemis, et la belle proie que il
avoient ramenet, il quida trop bien dire et que li rois
30l’en deust savoir trop grant gret, mais non fist, car il
li dist: «Et comment, gars ordouls, as tu esté si ossés
[184]184 que sus la deffense que je avoie fait, tu leur as consenti
à chevauchier et as esté en leur compaignie? Par
monsigneur saint Jacob, je te ferai pendre.» Adont
se jetta li chevaliers en genoulx, et li cria merchi, et li
5dist: «Monsigneur, la cappitainne d’eus, li Canonnes,
s’en aquita à son pooir loiaument, mais de force li
autre le fissent chevauchier, et moi aussi, pour enseignier
le païs; et quant leur chevauchie est à bien tournée,
vous le nous devés pardonner.» Nonobstant
10toutes ces parolles, li rois commanda que on le meïst
en prisson. Et i fu mis, et i sejourna tant que li contes
de Cambruge l’en fist delivrer, quant il vint à Lusebonne:
vous orés sus quel estat.
§ 252. Apriès che que cil gentil englès et gascon
15furent de leur chevauchie retourné à Ville Vesiouse, où
il se logoient et estoient tenu toute la saisson, il regardèrent
que il envoieroient devers le roi de Portingal,
pour estre paiet de leurs gages. Si i envoièrent tout
generaulment le signeur de Taillebot, un baron de la
20marche de Galles. Quant li sires de Taillebot fu venus
à Lusebonne, et il eut parlé au roi et remonstré ce
pour quoi il estoit venus, li rois respondi follement
que deus fois avoient chevauchiet oultre sa deffense,
pour quoi il l’avoient courouchiet et atargiet leur paiement,
25ne il n’en peut avoir adont autre cose ne autre
response. Li sires de Taillebot se parti et retourna à
ses compaignons et leur recorda la response du roi,
dont il furent tout courouchiet.
En celle propre sepmainne se parti li contes de Cambruge
30de Estremouse, et s’en vint à Ville Vesiouse
logier en une eglise de Cordeliers au dehors de la ville.
[185]185 Si en eurent li chevalier englès et gascon grant joie.
Entre ces chevaliers i avoit des petis compaignons qui
ne pooient pas atendre le lontain paiement dou roi, et
dissent l’un à l’autre: «Nous sommes menet mervilleusement;
5nous avons ja esté en che païs près d’un
an, et si n’avons point eut d’argent. Il ne puet estre que
nostre cappitainne n’en aient receut, car jamais ne
s’en fuissent souffert si longhement.» Ces parolles et
murmurations montepliièrent entre iaux tellement que
10il dissent que il n’en voloient plus souffrir, et ordonnèrent
une journée entre iaulx de parler ensamble et
de estre en parlement en un bel moustier qui siet au
dehors de la Ville Vesiouse, à l’opposite des Cordeliers,
où li contes de Cambruge estoit logiés. Et dist li
15Canonnes de Robersart que il i seroit, et, au voir dire,
bien i besongnoit, car, se il n’i eust esté, la cose fust
alée mauvaisement.
§ 253. Quant che vint environ heure de tierche que
tout furent là asamblé, excepté li Canonnes de Robersart,
20et encores n’estoit point venus, messires Guillaumes
de Biaucamp, messires Mahieux de Gournai,
ses oncles, li sires de Taillebot, messires Guillaumes
Helmen, et li Gascon, li sires de la Barde, li sires de
Castiel Noef, li soudis de l’Estrade et pluiseurs autres,
25si commenchièrent à parler et à faire leur plainte l’un
à l’autre. Et là avoit un chevalier bastart, frère au roi
d’Engletière, qui s’appelloit messire Jehans Soutrée,
qui estoit plus tenres en ses parolles que nuls des
autres et dissoit: «Li contes de Cambruge nous a chi
30amenés, et tous les jours nous aventurons et volons
aventurer nos vies pour lui, et [si] retient nos gages:
[186]186 je conseille que nous fuissions tout de une aliance et
d’un acord, et que nous eslevons de nous meïsmes le
pennon Saint Jorge, et soions amit à Dieu et anemit à
tout le monde; autrement, se nous ne nous faissons
5cremir, n’arons nous riens.»—«Par ma foi! respondi
messires Guillaumes Helmen, vous dites bien, et
nous le ferons.» Tout s’acordèrent à celle voix, et
regardèrent qui il feroient leur cappitaine. Si avissèrent
que pour tel cas il ne pooient avoir milleur cappitaine
10que Soustrée, car il [aroit] de mal faire plus grant
loisir et plus de port que nuls des aultres. Là boutèrent
il hors le pennon Saint Jorge, et criièrent tout: «A
Soustrée, che vaillant bastart! Amis à Dieu et anemis
à tout le monde!» Et estoient adont en volenté et tout
15esquelliet de venir courir premièrement Ville Vesiouse
et de faire guerre au roi de Portingal. Bien avoient
messires Mahieux de Gournai [et] messires Guillaumes
de Biaucamp [debatu] ces parolles de non courir la
ville, mais il n’en avoient point esté oï. A ces cops
20que il avoient levé le pennon Saint Jorge et que il
devoient partir dou moustier, li Canonnes vint et
ouvri la presse et entra ens, et s’aresta devant l’autel,
et dist tout haut: «Biau signeur, que volés vous faire?
Aiiés ordonnance et atemprance en vous. Je vous voi
25durement esmeus.» Adont vinrent en sa presence
messires Jehans Soustrée, messires Guillaumes Helmen
et aucun des autres, et li remonstrèrent tout ce que
il avoient fait et quel cose ossi il voloient faire. Adont
les rafrena li Canonnes par biau langage, et leur dist:
30«Signeur, penssés et imaginés bien vostre fait, avant
que vous entrependés à faire nulle follie ne nul outrage.
Nous ne nos poons mieux destruire que de nous
[187]187 meïsmes. Se nous guerrions che païs, nostre ennemi
en aront nouvelles; si s’efforceront et i enteront de
une part, et couront, quant il verront que point ne
leur irons au devant. Enssi perderons nous en deus
5manières: nous resjoïrons nos ennemis et aseur[er]ons
de ce qu’il sont en doubte, et si fauserons nostre
loiauté envers monsigneur de Cambruge.»—«Et que
volés vous dont, dist Soustrée, Canonnes, que nous
fachons? Nous avons despendu plus avant que nos
10gages, et si n’avons eu ne prest ne paiement nul,
depuis que nous venismes en Portingal. Se vous avés
esté paiiés et nous ne le sommes point, vous avés biau
souffrir.»—«Par ma foi, Soustrée, dist li Canonnes,
je n’ai eut non plus avant paiement que vous, ne, sans
15vous, je n’en rechepverai riens.» Respondirent aucun
autre chevalier qui là estoient: «Nous vous en creons
bien, mais il fault que les coses aient un coron. Monstrés
nous comment honnerablement nous puissons
issir de ceste matère et avoir hastieue delivrance, car,
20se nous ne sommes paiiet briefment, les coses iront
mal.» Adont commencha li Canonnes de Robersart à
parler, et dist:
§ 254. «Biau signeur, je conseille que de chi endroit,
en l’estat où nous sommes, nous alons parler au conte
25de Cambruge et li remonstrons nostre entente.»
—«Et liquels de nous li remonstera? dissent il entre
eulx.»—«Je tous seulx, respondi Soustrée, mais
avoés ma parolle.» Tout li eurent en convenant de
l’avoer. Adont se departirent il en l’estat où il estoient,
30le pennon Saint Jorge devant eux que il avoient che
jour levet, et s’en vinrent as Cordeliers où li contes
[188]188 estoit logiés et devoit aler disner. Tout cil compaignon,
qui estoient plus de set cens uns c’aultres, entrèrent
en la court. Il demandèrent le conte. Il issi hors de sa
cambre et vint en la salle parler à eulx. Adont s’avanchièrent
5tout li chevalier qui là estoient, et Soustrée
tout devant, qui remonstra de bon visage la parolle et
dist: «Monsigneur, vous nous avés, qui chi sommes
en vostre presensse, et encore assés d’autres qui sont
là hors, atrait et mis hors de nostre nation d’Engletière,
10et estes nos chiés; et de nos gages dont nous
n’avons eu nuls, nous ne nous en devons traire fors à
vous, car pour le roi de Portingal nous ne fuissions
jamais venu en che païs ne en son service, se vous ne
nous deussiés paiier. Et, se vous volés dire que la
15guerre n’est pas vostre, mais le roi de Portingal, nous
nos paierons bien de nos gaiges, car nous courrons ce
païs, et puis si en ait qui en poet avoir.»—«Soustrée,
dist li contes, je ne di mies que vous ne soiiés
paiiés; mais de courir che païs vous me feriés blasme,
20et au roi d’Engletière ossi, qui s’est par aliance conjoins
avoec le roi de Portingal.»—«Et que volés
vous, dist Soustrée, sire, que nous façons?»—«Je
voel, dist li contes, que vous prendés trois de nos chevaliers,
un Englès, un Gascon et un Alemant, et cil
25troi s’en voissent devers le roi à Lusebonne, et li
remonstrent ceste besongne et le lontain paiement que
il fait as compaignons. Et quant vous l’en arés sommé,
lors arés vous mieux cause de faire vostre entente.»
—«Par ma foi, dist li Canonnes de Robersart, monsigneur
30de Cambruge dist bien et se parolle sagement
et vaillanment.» A ce darrain pourpos s’acordèrent;
mais pour ce n’ostoient il pas le pennon Saint Jorge,
[189]189 et dissent, puis que il l’avoient levé d’un acord en Portingal,
que tant qu’il i seroient, point ne l’abateroient.
Adont furent avisset qui iroient en che voiage devers
le roi: si furent nommé messires Guillaumes Helmen
5pour les Englès, messires Thomas Simon pour les
estraingniers, et li sires de Castiel Noef pour les
Gascons.
§ 255. Chil troi chevalier dessus nommé esploitièrent
tant que il vinrent à Lusebonne et trouvèrent le roi,
10qui leur fist bonne chière et leur demanda des nouvelles
et que li compaignon faissoient. «Monsigneur,
respondirent cil, il sont tout hetiet et en bon point, et
chevaucheroient volentiers et enploieroient la saison
autrement que il ne font, car li lontains sejours ne leur
15est mies agreables.» Che dist li rois: «Il chevaucheront
temprement, et je en leur compaignie, che leur
dirés vous de par moi.»—«Monsigneur, dist messires
Guillaumes Helmen, nous sommes chi envoiiet
de par eux et chergiet que nous vous dissons que,
20depuis que il vinrent en che païs, il n’ont eut prest ne
paiement nul de par vous; dont il vous mandent par
nous, qui generaulment sommes chi envoiiet, que ce
n’est pas assés, car qui voelt avoir l’amour et le service
des gens d’armes, il les faut autrement paiier que
25vous n’aiiés fait jusques à ores. Et s’en sont souffert
un grant tamps pour la cause de che que il ne savoient
point en quoi il perissoit, et en ont encouppé nos
cappitainnes, dont la cose a près mal alé; mais il s’en sont
excusé parmi che que on a bien sceu que il n’en ont
30riens eu ne receu; et vous savés se il dient voir. Si
voellent estre paiet tout entirement de leurs gaiges,
[190]190 se vous en vollés avoir le service; et, se vous ne faites
che, il vous acertefient que il se paieront dou vostre.
Si aiiés conseil sur che, et [nous donnés] response
que nous en puissons porter, car il n’atendent autre
5cose que no retour.» Li rois penssa un petit, et puis
dist: «Messire Guillaume, c’est raissons que il soient
paiiet, mais il m’ont courouchiet de ce que il ont
oultre ma deffence chevauchié deus fois; et, se chils
mautallens n’eust esté, il fussent ores satisfait de tous
10poins.»—«Sire, dist li chevaliers, se il ont chevauchiet,
che a estet à vostre honneur et pourfit: il ont
pris villes et castiaulx, et courut sus la terre de vos
ennemis priès jusques à Sebille, pour quoi che a esté
honnerablement esploitiet. [Si] n’en doivent pas perdre
15leur saisson, et ossi il ne le voellent pas avoir perdu,
car, nous retourné, il dient que il se paieront, se il
n’ont certaine et courtoise response de par vous, autre
que il n’ont eu jusques à ores.»—«Oïl, dist li rois,
vous leur dirés que dedens quinse jours au plus tart
20je les ferai paiier et delivrer tous leurs gages, jusques
à un petit denier, mais dites au conte de Cambruge
que il viegne parler à moi.»—«Sire, dist messires
Guillaumes, je le ferai, et vous dites bien.» A ces cops
fu heure d’aler disner: si disnèrent ensamble, et les
25festia li rois tous trois ensamble et fist seoir à sa table,
et là furent che jour. Et à l’endemain il retournèrent
devers leurs gens. Sitretos comme on sceut leur revenue,
li chevalier se traïssent devers eulx, pour savoir
quel cose il avoient trouvet. Si leur record[èr]ent la
30response et la parole dou roi, et tant que tout s’en
contentèrent. «Or regardés, ce dist Soustrée, se
rihote n’a [à] le fois bien son lieu: encores avons nous
[191]191 avanchiet nostre paiement par estre un petit remorous;
bien ait qui on crient.»
§ 256. Li chevalier tout troi alèrent devers le conte
de Cambruge et li recordèrent comment il avoient
5exploitié, et que li rois le mandoit. Li contes se parti
de Ville Vesiouse au matin, et chevaucha tant que il
vint à Lusebonne. Si fu recheus de son fils et de sa fille
et dou roi moult amiablement. Là eurent li rois et ils
parlement ensamble et certain acord et arest de chevauchier.
10Si fist li rois un mandement par tout son
roiaulme à estre sus les camps, entre Ville Vesiouse et
[Olivence], le setime jour de jun. Chils mandemens
s’espandi parmi le roiaulme de Portingal: si s’ordonnèrent
toutes gens d’armes [de cheval et] à piet, pour
15estre là à ce jour au plus estofféement comme cescuns
endroit de li poroit.
A la venue dou conte de Cambruge à Lusebonne fu
delivrés messires Jehans Frenande de prison, sur lequel
li rois pour ces chevauchies avoit esté durement
20courouchiés. Si prist li contes congiet dou roi, et s’en
retourna devers les compaignons à Ville Vesiouse, et
leur recorda comment il avoit exploitié et que il
chevaucheroient temprement. De ces nouvelles furent li
compaignon tout resjoï, et s’ordonnèrent à estre tout
25prest sus cel estat. Assés tost apriès vint paiemens et
finance as compaignons, as cappitaines premierement,
et tant fissent que tout se tinrent pour content, mais
toudis se tint li pignons Saint Jorge.
§ 257. Li rois dans Jehans de Castille, qui toute la
30saisson avoit fait son amas de gens d’armes qui li
[192]192 estoient venu dou roiaulme de France, et tant que il en
avoit bien deus mille lances, chevaliers et escuiers, et
quatre mille gros vallès, sans ceulx de son païs dont il
pooit bien avoir dis mille hommes à chevaux et otant
5de geneteurs, seut ces nouvelles, car il estoit à Sebille,
comment li rois de Portingal s’ordonnoit pour chevauchier.
Si avisa pour plus honnerablement user de ceste
guerre, ou cas que il se sentoit fors assés de gens et
de poissance, que il manderoit au roi de Portingal la
10bataille et que il vosist livrer pièce de tière en Portingal,
pour combatre poissance contre poissance; et, se che
ne voloit faire, il li liveroit en Espagne. Si en fu cargiés
de porter ces nouvelles li hiraus dou roi; et chevaucha
tant que il vint à Lusebonne, et là trouva le
15roi, et fist son message bien et à point. Li rois respondi
et dist au hiraut que il en aroit avis et temprement
conseil laquelle parchon il prenderoit, et que ce qui
en seroit, il le remanderoit au roi d’Espaigne. Li
hiraus, quant il eut fait sa semonse et il eut response,
20il se departi dou roi en prendant congiet, et retourna
à Sebille. Là trouva il le roi et les barons de France,
d’Arragon et de Gallisse, qui l’estoient venu servir. Si
recorda tout che que il avoit oï, veu et trouvé, et
tant que il souffi à tous.
25Depuis ne demora gaires de temps que li rois de
Portingal fu consilliés, par l’avis que il eut des Englès,
que il liveroit en son païs place et terre pour combatre;
et furent ordonné de l’aler aviser où che seroit,
de par le roi, messires Thumas Simons et li soudis
30de l’Estrade, et avissèrent la place entre Elvès et
[Badeloce], bon lieu ample et plentiveux pour bien
combatre. Et vous di que chil doi chevalier et leurs
[193]193 routes furent escarmuchiet, en alant avissant celle
place, des geniteurs dou roi de Castille, et i ot grant
hustin de mors et de blechiés d’une part et de l’autre.
Toutesfois il retournèrent devers le roi de Portingal et
5les chevaliers, et recordèrent ù et comment il avoient
aviset plache et le nommèrent: ce souffi bien as dessus
dis. Adont fu ordonnés uns chevaliers alemans qui
s’appelloit messires Jehans Tieste d’or, de faire che
message, avec un hiraut, au roi d’Espaigne. Si se departi
10li chevaliers et chevaucha tant que il vint à Sebille, et
là trouva le roi, et fist son mesage et conta tout ce
que li rois de Portingal mandoit, et comment de grant
volenté il acordoit la bataille et liveroit place entre
Elvès et [Badeloce], et là dedens cinc jours, li retourné
15à Lusebonne, il trouveroit le roi de Portingal logiet
et toutes ses gens, qui ne desiroient el que le bataille.
De ces nouvelles furent li Espagnol tout resjoï, et
ossi furent li François, et prissent messires Tristrans
de Roie, messires Jehans de Berghettes, messires
20Pières de Velinnes et autre le chevalier de Portingal
entre eux, et le festiièrent un jour tout entier moult
grandement à Sebille et li fissent toute la bonne compaignie
que on poeut faire à chevalier, et le reconvoiièrent
jusques à Safre, et puis retournèrent arière
25à Sebille. Et li chevalier[s] chevaucha tant que il vint
devers le roi de Portingal et les signeurs, et recorda
son mesage, enssi comme il l’avoit fait, et le response
que on li avoit donné. De ce se contemptèrent li rois
et li chevalier.
30§ 258. Depuis ne demora gaires de tamps que li rois
de Portingal s’en vint logier en la place que ses gens
[194]194 avoient aviset entre Elvès et [Badeloce], ens uns biaus
plains desous les oliviers, et là amena le grigneur
partie de ceulx de son roiaulme, dont il se pooit
aidier, et estoient environ quinse mille hommes. Le
5tierch jour apriès, vint li contes de Cambruge et tout
li Englès moult ordonnéement, et estoient en compte
environ sis cens hommes d’armes et otant d’archiers,
et s’en vinrent logier en che propre lieu, et prissent
place pour eux, et se severèrent des gens le roi et se
10tinrent tout ensamble.
Quant li rois d’Espaigne sceut que li rois de Portingal
estoit venus et trais sour les camps où la bataille
devoit estre, si en fu par samblant moult liés et
dist: «Or avant! Nostre ennemi nous atendent; il
15est heure que nous chevauchons. Nous leur mandames
la bataille, il le nous ont acordé et tiennent la journée
selonc leur convenant. Ne puet remanoir que il n’i ait
besongne: traions nous tout de celle part.» Adont
furent segnefiiet toutes gens d’armes à leurs livrées de
20traire avant, car li rois voloit chevauchier. Si se departirent
de leurs logis tout chevalier et escuier et gens
d’armes, Genevois et geniteurs, et sieuirent toutes les
banières dou roi dam Jehan de Castille, qui s’en vint
logier francement à deus petites lieues de [Badeloce] et
25des plains de Elvès; et avoit li rois d’Espaigne en sa
compaignie plus de trente mille combatans, parmi les
geniteurs; et estoient en toute somme soissante mille
hommes.
§ 259. En cel estat se tinrent ces deus hoos l’un
30devant l’autre, et n’i avoit d’entre deus que la montagne
de Badeloce, qui est une grosse ville dou roi
[195]195 d’Espagne, et là s’aloient ses gens, quant il voloient,
rafreschir; et la citté de Elvès siet d’autre part, qui
est au roi de Portingal. Entre ces deus hoos et sus la
montaigne de Badeloce avoit tous les jours fais d’armes,
5car li jone baceler, qui se desiroient à avanchier,
queroient là les armes et les faissoient, et escarmuchoient
l’un à l’autre, puis retournoient en leur logeïs.
En cel estat furent il quinse jours et plus, et ne fu
mies la deffaut[e] dou roi de Castille que la bataille
10n’adrechoit, mais demoroit ou roi de Portingal pour
tant que il ne se veoit pas fors assés de combatre les
Espaignols et resongnoit le peril, car bien sentoit que,
se il estoit desconfis, ses roiaulmes seroit perdus. Et
toute la saison il avoit atendu le duc de Lancastre et
15le grant confort d’Engletière, que il esperoit à avoir
quatre mille hommes et otant d’archiers, car li contes
de Cambruge en avoit certefiiet le roi de Portingal et
ne pensoit point dou contraire, car li dus de Lancastre
au departir li avoit juret par sa foi que, lui revenu
20d’Escoce, il n’entenderoit à autre cose si venroit en
Portingal si fors que pour combatre le roi d’Espaigne.
Bien est verités que li dus de Lancastre, li revenu
d’Escoce, en fist son plain pooir de remonstrer toutes
ces besongnes au roi et à son conseil, mais, pour le
25tourble qui estoit avenus en Engletière en celle meïsmes
anée, et aussi pour aucunes incidensses de Flandres
qui apparoient, dont li rois avoit besoing de avoir son
conseil dalés lui et ses hommes, on ne consenti point
che voiage pour celle saisson en Portingal, et demorèrent
30toutes gens d’armes en Engletière sans partir.
Et, quant li rois de Portingal veï che et que point ne
seroit autrement confortés des Englès que il estoit,
[196]196 si se ordonna par une autre voie, car li maistres
de Caletrave et dans Piètres de Mondesque et dan
Ferant de Valesque et li grans maistres de Saint Jaque,
avoecques l’evesque [d’Esturges] et l’evesque de Lusebonne,
5traitoient de la pais entre Portingal et Espaigne;
et tant fu traitiet, parlementé et alé que paix i vint,
ne onques li Englès n’i furent appellé, dont li contes
de Cambruge se merancolia et euist volentiers fait
guerre au roi de Portingal de ses gens, se il se sentesist
10fors assés sus le païs, mais nenil. Et pour che
li convint souffrir ceste paix, vosist ou non; mais li
Englès dissoient bien que li rois de Portingal s’estoit
lubrement aquités envers euls et que toudis de
commenchement jusques en fin il s’estoit disimullés as
15Espagnos et que onques n’avoit eut volenté de euls
combatre; et li rois de Portingal s’escusoit et dissoit
que la deffaute venoit des Englès et dou duc de Lancastre,
qui devoit venir et point n’estoit venus, et que
pour celle fois il n’en pooit faire autre cose.
20§ 260. En l’ost le roi de Castille avoit un jone chevalier
de France qui s’appelloit Tristran de Roie, liquels
se desiroit grandement à avanchier. Quant il veï que
pais seroit entre ces parties et que nulle besongne de
25bataille n’i aroit, si s’avisa que il n’isteroit pas d’Espaigne
enssi sans faire quelque cose, et envoia un
hiraut de leur costé en l’oost des Englès, en requerant
et priant, puisque les armes par bataille de ces rois
falloient, que on le vosist requellir de trois cours de
fier de glaves devant la citté de Badeloce. Quant les
30nouvelles vinrent en l’oost des Englès, si en parlèrent
li compaignon li un à l’autre, et dissent bien que il ne
197197 devoit pas estre refussés. Adont s’avancha de parler
et d’acorder les armes uns jones escuiers d’Engletière
qui s’appelloit Milles de Windesore, fils à messire
Guillaume de Windesore, qui voloit à son honneur estre
5chevaliers en che voiage, et dist au hiraut: «Amis,
retournés devers vos maistres, et dites à messire
Tristran de Roie que Milles de Windesore li mande
que demain devant la citté de Badeloce, ensi qu’il le
requiert, il l’ira delivrer.» Li hiraus retourna et
10recorda ces nouvelles à ses maistres et à messire Tristran,
qui en fu tous resjoïs.
Quant che vint au matin, Milles de Windesore parti
de l’oost le conte de Cambruge, et s’en vint vers Badeloce,
qui estoit moult priès de là (il n’i avoit que la
15montaigne à passer), bien acompaigniés de ceulx de
son costé, de messire Mahieu de Gournai, de messire
Guillaume de Biaucamp, de messire Thomas Simon,
de messire le Soudich, dou signeur de Castiel Noef,
dou signeur de la Barde et des autres, et estoient bien
20cent chevaulx sus la place où les armes devoient estre
faites. Et estoit ja venus messires Tristrans de Roie,
bien acompaigniés de Franchois et de Bretons: ils et
Milles de Windesore savoient bien quel cose il devoient
faire. Là fu Milles fais chevaliers de la main de messire
25le soudich de l’Estrade pour le milleur chevalier de la
place et qui le plus avoit travilliet et s’estoit trouvés
en belles besongnes. Il estoient armés de toutes pièces
et avoient leurs trois lances toutes prestes et leurs
chevaux ossi et tout en plates selles. Adont esperonnèrent
30il l’un contre l’autre et abaissièrent les glaves,
et se consieuirent en venant l’un sus l’autre moult
roidement, et rompirent contre leurs poitrines les
[198]198 glaves, et passèrent oultre francement sans cheoir.
Ceste première jouste fu volentiers veue de tous ceulx
qui là estoient, et prisiet li doi chevalier. A la seconde
fois il recouvrèrent et s’entrecontrèrent de grant randon
5et rompirent leurs lances, mais point de damage ne se
portèrent. Adont recouvrèrent il la tierce lance, et se
consieuirent enmi les escus si roidement que li bon fier
de Bourdiaulx entrèrent ens et les pe[r]trusièrent et
passèrent le pièche d’achier, les plates et toutes les
10armeures jusques en char, mais point ne se blecèrent;
et rompirent les lances en gros tronçons et volèrent
par dessus les hiaumes. Ceste jouste fu moult prisie
des chevaliers de une part et d’autre, et adont prissent
il congiet li un à l’autre moult honnerablement, et s’en
15retournèrent cascuns devers son lés; ne depuis il n’i
ot riens fait d’armes, car pais estoit entre les deus
roiaulmes, et s’en rallèrent [li Espaignol] cascuns en
leurs lieux, et li Portingallois ossi en leur lieu.
§ 261. Enssi que vous poés oïr recorder, se desrompi
20en celle saison ceste armée et asamblée des Espagnols,
des Englès et des Portingallois. En ce tamps estoient
venues nouvelles en l’ost le roi d’Espaigne, que li rois
de Grenade avoit guerre contre le roi de Barbarie et le
roi de Tramesainnes: pour quoi toutes gens d’armes
25qui celle part traire se vodroient i seroient receu à
saulx et à gages, et leur envoioit li rois de Grenade
bon sauf et seur conduit, et leur faissoit savoir par
leurs messages que eux venus en Grenade il leur
feroit prest pour un quartier d’an. Dont aucun chevalier
30de France qui se desiroient à avanchier, tels que
messires Tristrans de Roie, messires Joffrois de Carni,
[199]199 fils au bon Joffroi de jadis, messires Pières de Velinnes,
messires Robers de Cleremont et pluiseurs autres
prissent congiet dou roi dan Jehan de Castille, et s’en
allèrent celle part pour trouver les armes. Et aussi i
5ot aucuns Englès, mais plenté ne fu ce pas, car li
contes de Cambruge les ramena arière en Engletière
et son fil ossi; et monstroit que il se departoit dou roi
mal contemps, pour tant qu’il ramenoit son fil arière
en Engletière, qui avoit espousé la fille dou roi de Portingal,
10ne pour cose que li rois seuist dire ne faire, li
contes ne le volt point laissier derière, et dissoit que
ses fils estoit trop jones pour demorer encores en
Portingal et que il ne poroit porter ne souffrir l’air
dou païs: dont il en avint che que je vous dirai.
15Environ un an apriès ce que la pais fu faite entre
Espaigne et Portingal et li contes de Cambruge et ses
gens retourné arière en Engletière, la femme dou roi
dan Jehan de Castille ala morir, qui estoit fille dou
roi d’Arragon: enssi fu li rois d’Espaigne vesves. Si
20fu aviset et regardé de prelas et des haus barons de
l’un roiaulme et de l’autre, d’Espaigne et de Portingal,
que on ne pooit mieux ne plus hautement asener
madame Betris de Portingal que au roi d’Espaigne,
et pour entretenir les roiaulmes en pais. A ce mariage
25s’acorda legierement li rois de Portingal, et desmaria
sa fille dou fil dou conte de Cambruge par le dispensation
dou pappe, qui confrema ce mariage. Enssi fu
la dame fille au roi de Portingal roïne d’Espaigne, de
Galisse et de Castille, par l’ordenance dessus dite; et
30en ot li rois d’Espaigne, la première anée de son
mariage, un biau fil, dont on ot grant joie.
Depuis morut li rois Ferrans de Portingal, mais
[200]200 pour ce ne vorent pas li Portingalois que li roiaulmes
venist [à sa fille] ne au roi d’Espaigne, ançois se bouta
en l’iretage uns siens frères bastars, qui s’apelloit
dans Jehans, maistres de Vis. Chils dans Jehans estoit
5as armes vaillans homs durement, et tousjours s’estoit
fais amer des Portingallois et tant que il li monstrèrent,
car il le couronnèrent à roi et le tinrent, pour sa grant
vaillance, à signeur, pour quoi grans guerres s’esmurent
depuis entre Espaigne et Portingal, sicom vous orés
10recorder avant en l’istoire.
§ 262. Quant li contes de Cambruge, li Canonnes de
Robersart et li baron et chevalier d’Engletière, qui en
che voiage de Portingal avoient esté, furent retourné
arière en Engletière et venu devers le roi et le duc de
15Lancastre, on leur fist moult bonne chière, che fu
raissons, et puis leur demandèrent des nouvelles: il
en dissent assés et toute l’ordenance de leur guerre.
Li dus de Lancastre, auquel la besongne touchoit plus
c’à nul autre pour la cause dou calenge de Castille,
20car il s’en dissoit hoirs de par sa femme madame
Constance, qui fille fu jadis dou roi dan Piètre, demanda
à son frère le conte moult avant des nouvelles et comment
on s’estoit demené en Portingal. Li contes li
recorda comment il avoient esté à hoost l’un devant
25l’autre plus de quinse jours tous entiers. «Et pour ce,
biau frères, que on n’ooit nulles nouvelles de vous,
s’acorda li rois de Portingal legierement à la pais, ne
onques ne le [peusmes] veïr que il se vosist asentir à
la bataille, dont cil de nostre costé furent tout merancolieux,
30car volentiers il se fuissent aventuré. Et, pour
celi cause que je n’i voi point de seur estat, je ai
[201]201 ramené mon fil, quoique il ait espousé la fille dou roi
de Portingal.» Che dist li dus: «Je croi que vous
avés eu cause, fors tant que il poroient, se il leur
venoit à point, rompre che mariage et donner d’autre
5part à leur plaissance.»—«Par ma foi! dist li contes,
il en aviegne ce que avenir puet, mais je n’ai fait cose
dont je me doie ja repentir.» Enssi finèrent leurs
parolles li dus de Lancastre et li contes de Cambruge,
et entrèrent en autres matères.
10Nous nos soufferons à parler de eulx et de leur
guerre, des Espaignos et des Portingallois, et retournerons
as besongnes et as guerres de Gand, dou conte
et dou païs de Flandres, qui furent grandes.
§ 263. Toute celle saison, depuis la destrution et
15arsin de la ville de Grammont et le departement dou
siège de Gand, qui se desfist pour le courous que li
contes de Flandres ot de son cousin le jone signeur
d’Enghien, qui fu ochis par enbusque devant Gand,
enssi comme il est recordé chi dessus en l’istoire, ne
20guerriièrent li Flament, chevalier et escuier et bonnes
villes, les Gantois, fors que par garnisons, et estoit
tous li païs à l’encontre de ceulx de Gand pour le
conte, excepté les Quatre Mestiers, dont aucunes douceurs
venoient en la ville de Gand, et ossi faissoient
25de la conté d’Alos. Mais li contes de Flandres, quant il
sceut que de bures, de lais et de froumages, qui aloient
à Gand de la conté d’Alos et des villes voisines, il
estoient rafresqui, si i mist remède, car il manda à
ceux de la garnisson de Tenremonde que cils plas païs
30fust tous ars et exilliés. Ce fu fait à son commandement,
et convint adont les povres gens, qui vivoient
[202]202 de leurs bestes tout parperdre et enfuir en Braibant
et en Hainnau, et la grigneur partie mendiier. Encores
demora uns païs pour ceulx de Gand, qui s’appelle
les Quatre Mestiers, car on n’i pooit avenir et toute
5la douceur que il avoient leur venoit de ce costé.
Tout cel ivier, li contes de Flandres avoit si astrains
ceulx de Gaind que nuls blés ne leur venoient ne par
terre ne par aigue, car il avoit tant exploitié envers
ses cousins, le duc de Braibant et le duc Aubert, que
10leur païs estoient clos à l’encontre de ceulx de Gaind,
ne riens ne leur venoit, fors en larechin et en grant
peril pour ceulx qui s’aventuroient de mener vivres.
Dont il estoient en Gand moult esbahit, et dissoient li
sage que ce ne pooit longuement demorer que il ne
15fuissent tout mort par famine, car li grenier estoient
ja tout vuit ne on n’i trouvoit nuls blés, et ne pooient
trop de peuple avoir point de pain pour leur argent.
Et, quant li fournier avoient quit, il convenoit garder
leurs maissons à force de gens: autrement li menus
20peuples, qui moroient de faim, eussent efforciet les lieus.
Et estoit grans pités dou veoir et oïr les povres gens;
et proprement hommes, femmes et enffans bien notables
ceoient en ce dangier, et tous les jours en venoient
les plaintes, li plour et li cri à Phelippe d’Artevelle,
25qui estoit leurs souverains capitains, liquels en avoit
grant pité et grant compacion, et i mist pluiseurs
bonnes ordonnances, dont il fu moult agraciiés, car il
fist ouvrir les greniers des abbeïes et des rices hommes
et departir le bled parmi un certain pris d’argent et
30fuer que il i fist mettre. Che reconforta et mena moult
avant la ville de Gand.
A le fois leur venoient en larechin de Hollandes et de
[203]203 Zellandes vivres en tonniaux, farines et pains quis,
qui moult les reconfortoient, et eussent esté trop plus
tos desconfit que il ne fuissent, se chela n’euist esté et
li reconfors des païs dessus dis. Il estoit deffendu en
5Braibant de par le duc que sus la teste on ne leur
menast riens, mais, se il le venoient querre à leur
peril, on leur pooit bien vendre ou donner. Dont il
avint ens ou quaresme que il furent en Gand à trop
grant destroit, car des vivres de quaresme n’avoient
10il nuls.
Si s’en partirent en une compaignie bien douse
mille saudoiiers et gens qui n’avoient de quoi vivre
et qui estoient ja tout taint et velu de famine, et s’en
vinrent devers la bonne ville de Brouxelles. On Leur
15cloï les portes au devant, car on se doubta d’eus, ne
on ne savoit à quoi il pensoient. Quant il se trouvèrent
en la marce de Brouxelles, il envoiièrent de leurs
gens tous desarmés devant l’amant de Brouxelles et
les jurés, en dissant, pour Dieu, que on eust d’eus
20pité et que il eussent des vivres pour leur argent, car
il moroient de fain et ne voloient que tout bien au
païs. Les bonnes gens de Brouxelles en eurent pité et
leur portèrent des vivres assés pour eulx passer. Et
se rafresquirent là ou païs environ trois sepmaines,
25mais point n’entroient ens es bonnes villes, et furent
jusques à Louvaing, liquel [de Louvaing] en eurent
grant pité et leur fissent moult de biens. Et estoit
leurs souverains cappitains et menères François Acremen,
qui les consilloit et faissoit pour eux les traitiés
30as bonnes villes et sur ce voiage. Entrues que cil
Gantois sejournèrent et se rafresquirent en le marce de
Louvaing, [s’en] vinrent François Acremen lui dousime,
[204]204 en le citté de Liège, où il se remonstrèrent as
maistres de Liège et parlèrent si bellement que cil de
Liège leur eurent en convenant, et ossi eut li evesques,
messires Ernouls [de Hornes], de envoiier devers le
5conte de Flandres et tant faire que il les metteroient à
paix devers lui, et leur dissent: «Se chils païs de Liège
vous fust ossi prochains de vi[s]nage comme sont Braibans
et Hainnau, vous fuissiés autrement confortés de
nous que vous ne soiiés; car nous savons bien que
10tout ce que vous faittes, c’est sus vostre boin droit et
pour garder vos francisses; et, nonobstant tout ce, si
vous aiderons nous et conforterons che que nous
porons, et volons que presentement vous le veés.
Vous estes marcheant, et marcandisses doivent et
15pueent par raison aler en tous païs. Quelliés et levés
en che païs chi jusques à le somme de cinc cens ou de
sis cens chars chargiés de blés et de farines, nous le
vous acordons, mais que les bonnes gens dont les
pourveances venront soient satisfait. On laissera bien
20nos marcheandisses passer parmi Braibant. Li païs ne
nous voelt nul mal, et ossi ne faissons nous à lui; et,
quoique Brouxelle vous soit close, si savons nous
bien que c’est plus par constrainte que de vollenté,
car de vos anois li Brouselois ont grant compation;
25mais li dus de Braibant et la ducoise, par priière de
leur cousin le conte de Flandres, s’enclinent plus à lui
que à vous, et c’est raisons, car tousjours sont li
signeur l’un pour l’autre.» De ces offres et de ces
amours que li Liegois offroient de bonne volenté as
30Gantois furent il tout resjoï, et les en remerchiièrent
grandement, et dissent bien que de tels gens et de tels
amis avoit bien la ville de Gand à faire.
[205] § 264. François Acreman et li bourgois de Gand,
qui estoient venu avoecq lui en la citté de Liège, quant
il eurent fait che pour quoi il estoient là venu, prissent
congiet as maistres de Liège, liquel ordonnèrent
5avoecq eux certains hommes pour aler sour le païs,
pour requellier chars et harnois; et en eurent sus deus
jour six cens cars tous chergiés de blés et de farines,
car tels pourveances leur estoient plus necessaires que
autres. Si se missent ces pourveances au chemin, et
10passèrent tout li char entre Louvaing et Brouxelles.
Au retour que François Acremen fist à ses gens qui
estoient sus le frontière de Louvaing, il leur recorda
l’amour et le courtoisie que cil de Liège leur avoient
fait et offroient encores à faire, et leur dist que il iroit
15à Brouxelles parler à la ducoise de Braibant et li
remonsteroit en priant, de par la bonne ville de Gand,
que elle vosist descendre à ce que de envoiier devers
le conte de Flandres, leur signeur, par quoi il peussent
venir à paix. Il respondirent: «Dieux i ait part!»
20François se parti de [Villevort], et s’en vint à Brouxelle.
Pour ce tamps estoit li dus de Braibant pour
ses besongnes en Lusenbourc. François, lui troisime
tant seullement, entrèrent en Brouxelles, par le congiet
de la ducoise qui les volt veoir, et vinrent cil troi en
25l’ostel de la ducoise à Coleberghe. Là avoit la ducoise
une partie de son conseil dalés li. Cil troi se missent
en genoulx devant la dame, et parla François pour
tous, et dist: «Très honnourée et chière dame, par
vostre grant humilité, plaise vous à avoir pité et compation
30de ceulx de la ville de Gand qui ne pueent venir
à merchi ne à paix deviers leur signeur, ne nuls
moiens ne s’en ensongnie. Et vous, très chière dame,
[206]206 se, par un bon moiien, il vous plaissoit à entendre
par quoi nos sires li contes vosist descendre à raison
et avoir pité de ses gens, vous feriés grant aumosne,
et nos bons voisins et amis de Liège i entenderont
5volentiers, là où il vous i plaira à ensonnier.» Dont
respondi la ducoise moult humblement, et dist que de
la dissention qui estoit entre son frère le conte et eulx
elle estoit courouchie, et que volentiers, de grant
tamps avoit, i eust mis atemprance, se elle peuist ne
10seuist. «Mais vous l’avés par tant de fois courouchié
et avés tant de mervilleuses oppinions tenu contre lui
que che le soustient en son aïr. Nonobstant tout ce,
pour Dieu et pour pité, je m’en ensonniierai volentiers,
et envoiierai devers lui en priant que il voelle
15venir à Tournai; et là je envoierai de mon plus especial
conseil, et vous ferés tant ossi que vous arés le
conseil de Hainnau avoec celli de Liège, que vous dites
qui vous est apparilliés.»—«Oïl, madame, che
respondirent il, car il le nous ont proumis.»—«Or
20bien, dist la ducoise, et je en esploiterai tant que
vous vos en perceverés.» Et cil troi respondirent:
«Madame, Dieux le vous puist merir et valloir au
corps et à l’ame!» Adont prissent il congiet à la
ducoise et à son conseil, et se partirent de Brouxelles,
et s’en vinrent vers leurs gens et leur charoi qui les
25souratendoit. Si esploitièrent tant que il aprochièrent
le bonne ville de Gand.
§ 265. Quant les nouvelles vinrent en la ville de
Gand que leurs gens retournoient et amenoient plus
30de sis cens chars chargiés de pourveances, dont il
avoient grant nécessité, si en furent moult resjoï,
[207]207 quoi que toutes ces pourveances, qui veunoient dou païs
de Liège, n’estoient pas fortes assés pour soustenir la
ville de Gand quinse jours, mais toutesfois as desconfortés
che fu uns grans confors. Et se departirent de
5Gant trop grant fuisson de gens à manière et en ordenance
de pourcession contre che caroi, et à cause de
humelité il s’engenillèrent à l’encontre, et joindirent
leurs mains vers les marcheans et les charetons, en
dissant: «Ah! bonnes gens, vous faites grant aumosne,
10qui reconfortés le povre menu peuple de Gand, qui
n’avoient que vivre, se vous ne fuissiés venus. Graces
et loenges à Dieu premierement et à vous ossi!»
Enssi furent convoiies de pluiseurs gens de la ville ces
pourveances jusques ou marchié des venredis, et là
15deschergies. Si furent ces blés et ces farines par fuer
ordonné, que on i mist, et departi as plus diseteurs,
et furent de eux cinc mille tous armés de la ville de
Gaind raconvoiié li char jusques en Braibant et hors
dou peril.
20De toutes ches besongnes et affaires fu li contes de
Flandres, qui se tenoit à Bruges, enfourmés, et comment
chil de Gand estoient si astraint et si menet que
il ne pooient longhement durer. Si poés croire et
savoir que de leur povreté il n’estoit mies courouchiés
25ne ossi n’estoient cil de son conseil, qui la destrution
de la ville de Gand veïssent volentiers, Ghisebrest
Mahieu et si frère, et li doiiens des menus mestiers de
Gand, et li prevos de Harlebecque. Toutes ces coses
avinrent en quaresme, ou mois de march et d’apvril
30l’an mil trois cens quatre vins et un. Si ot li contes de
Flandres pourpos et conseil que de venir, plus poissanment
que onques n’euist en devant fait, mettre le
[208]208 siège devant Gand, et se dissoit bien si fors que pour
entrer de poissance ens es Quatre Mestiers et tout
ardoir et destruire, car trop avoient esté soustenu li
Gantois de ce costé. Si senefia li contes se intention et
5pourpos à toutes les bonnes villes de Flandres que il
fuissent tout prest, car, le jour de le Pourcession de
Bruges passée, il se departiroit de Bruges et venroit
mettre le siège devant Gand pour eux pardestruire.
Et escripsi devers tous chevaliers et escuiers qui de li
tenoient en la conté de Hainnau, que, dedens che jour
10ou uit jours devant, il fuissent devers lui à Bruges.
§ 266. Nonobstant ces semonses, mandemens et
ordenances que li contes de Flandres faissoit et aproprioit,
si travilloient madame la ducoisse de Braibant,
15li evesques de Liège et li dus Aubers que une asamblée
de leurs consaulx sur traitiés de pais fust assignés
et mis en la citté de Tournai. Li contes de Flandres,
à la priière de ces seigneurs et de madame de
Braibant, quoi que il pensoit bien à faire tout le contraire,
20s’i acorda à estre pour ses raisons tourner en
droit, et furent cil parlement assis à la Close Pasque,
en la chité de Tournai, l’an mil trois cens quatre vins
et deus. Si i vinrent de l’evesquiet de Liège des bonnes
villes, jusques à douse hommes des plus notables, et
25messires Lambers [d’Oupé], uns chevaliers moult sages.
Ossi la ducoise de Braibant i envoia son conseil et des
bonnes villes de Braibant des plus notables. Li dus
Aubers i envoiia ossi de la conté de Hainnau son conseil,
messire Simon de Lalain, son baillieu, et des
30autres; et furent ces gens tout venu à Tournai très le
sepmaine de la Pasque. Chil de Gand i envoiièrent
[209]209 douse hommes des leurs, desquels Phelippes d’Artevelle
fu tous chiés; et estoient cil de Gand adont si
bien d’accord que pour tenir ferme et estable tout che
que chil douse raporteroient, excepté que nuls de
5Gand ne rechust mort. Mais, se il plaissoit au conte,
leur signeur, que chil qui estoient demorant en la ville
outre sa volonté fuissent pugni par ban [et] bani de
Gand et de la conté de Flandres à tousjours sans nul
rappel ne esperance de ravoir la ville ne le pais, sus
10cel estat estoient il tout fondé; et voloit bien Phelippes
d’Artevelle, se il avoit courouchié le conte,
quoi que moult petit euist esté encore en l’office de
estre cappitaine de Gaind, [estre] li uns de ceulx qui
perderoient la ville et le païx, pour la grant pité que
15il avoit dou menu peuple de Gand; et comment, quant
il se departi de Gand pour venir à Tournai, hommes,
femmes et enffans sus les rues se jetèrent en genoulx
devant lui en joindant les mains et em priant, à quel
meschief que ce fust, que à son retour il raportast la
20pais, pour celle pité ot il si grant compasion que il
voloit faire che que je vous ai dit.
§ 267. Quant chil de Braibant, de Hainnau et de
Liège, qui là estoient envoiiet à Tournai en cause de
estre bons moiiens, eurent sejourné en la citté de
25Tournai trois jours, en atendant le conte qui point ne
venoit ne apparant n’estoit de venir, si en furent tout
esmervilliet, et eurent conseil et accord l’un par l’autre
que il envoiieroient à Bruges devers li, enssi comme
il fissent; et i envoiièrent messire Lambiert [d’Oupé],
30et de Braibant le seigneur de Crupelant, et de Hainnau
messire Guillaume de Herimés et sis bourgois des trois
[210]210 païs. Quant li contes de Flandres veï ces chevaliers,
il les festoia par raisson assés bien, et leur respondi
que il n’estoit point aissiés tant que à present de venir
à Tournai, mais, pour la cause de che que il s’estoient
5travilliet de venir à Bruges et pour l’onneur de leurs
signeurs et dame, madame de Braibant, sa suer, le
duc Aubert, son cousin, et l’evesque de Liège, il
envoieroit à Tournai par son conseil hastéement response
finable et ce qu’il en avoit en pourpos de faire.
10Chil troi chevalier ne cil bourgois n’en peurent avoir
autre cose. Si retournèrent à Tournai, et recordèrent
ce que il avoient oï dou conte et trouvé.
Siis jours apriès vinrent là à Tournai de par le conte
li sires de Ramseflies, li sires de Grutus, messires
15Jehans Villains et li prevos de Harlebèque. Cil escusèrent
le conte envers les consaulx des trois païs de
che que point n’estoit venus ne ne venoit, et puis dissent
et remonstrèrent se intention que cil de Gand ne
pooient venir à pais envers lui, se tout li homme
20generaulment de Gand, dessus l’eage de quinse ans
jusques à soissante ans, ne wuidoient tout de la ville
et tout nu chief et en pur leurs chemises, les hars ou
col; et enssi venroient entre Bruges et Gand où li
contes les atenderoit, et là feroit de eulx sa pure
25volonté dou mourir ou dou pardonner. Quant ceste
response fu faite et la connissance en fu venue à ceulx
de Gand par le relation faite de ceulx des consaulx
des trois païs, il furent plus esbahi que onques mais.
Adont leur dist li baillieux de Hainnau: «Biau
30signeur, vous estes tout en grant peril, et cascuns de li
meïsmes. Si aiiés avis sur ce, car ce que li contes nous
a daraine[ment] estroitement segnefiiet, nous le vous
[211]211 ferons plainement acertefiier, et, quant vous vos serés
mis plainement par che parti en sa volenté, il ne fera
pas morir tous ceux que il vera en sa presence, mais
aucuns qui l’ont plus courouchié que li autre; et i ara
5tant de bons moiiens, avoec pité qui s’i metera, que,
espoir, cil qui se quideront ou peril et ou dangier de
la mort, venront à merchi. Si prendés ceste offre
avant que vous le refussés, car, quant vous l’arés
refussé, espoir, n’i porés vous retourne[r].»
10—«Sire, respondi Phelippes d’Artevelle, nous ne sommes
pas chargiet si avant que les bonnes gens de la ville
de Gand mettre en ce parti, ne ja ne le ferons; et, se
li autre qui sont en Gand, nous revenu vers eux et
remonstré le pourpos de Monsigneur, [le voellent], ja
15pour nous ne demo[r]ra que il ne se face. Si vous
remercions grandement de la bonne diligence et dou
grant traveil que vous avés eu en ce pourcas.» Adont
prissent cil congiet as chevaliers et as bourgois des
bonnes villes des trois païs, et monstrèrent bien par
20samblant que il n’acorderoient pas ce darainier pourpos
ne traitiet. Si vinrent Phelippes d’Artevelle et si
compaignon à leurs hostels, et paiièrent partout, et s’en
retournèrent par At en Braibant à Gand.
§ 268. Enssi se departi icils parlemens fais et assemblés
25en istance de bien à Tournai, et retournèrent
cascuns en son lieu. Encores a li contes de Flandres à
demander quel cose cil de Gand avoient respondu; si
petit les amiroit ne prisoit il, ne pour riens adont il ne
vosist nul traitiet de paix, car bien savoit que il les
30avoit si avant menés que il ne pooient plus et que
nullement il ne pooit [demorer] que temprement il
[212]212 n’euist fin de guerre honnerable pour lui, et metteroit
Gand en tel parti que toutes autres villes se exemplieroient.
En ce temps se revelèrent encores ceulx de Paris
5pour tant que li rois de France ne venoit point à Paris,
mais aloit tout à l’environ prendre ses esbatemens,
sans entrer en Paris. Si se doubtèrent que de nuit par
gens d’armes il ne feïst enforchier Paris et courir la
citté et faire morir lesquels que il voroit; et, pour la
10doutance de ce peril et de ceste aventure, dont il
n’estoient pas bien asseuré, il faissoient dedens Paris
toutes les nuis par rues et par quarfors grans gais et
levoient toutes les quaisnes, adfin que on ne peuist
chevauchier ne aler à piet entre eux; et, se nuls estoit
15trouvés puis le son de noef heures, se il n’estoit de
leur connissance ou de leurs gens, il estoit mors. Et
estoient, en la citté de Paris, de rices et poissans
hommes armet de piet en cap, la somme de trente
mille hommes, ossi bien ar[re]és et aparilliés de toutes
20pièces comme nuls chevaliers poroit estre, et avoient
leurs varlès et leurs maisnies armés à l’avenant, et
avoient et portoient maillès de fier et d’achier, perilleus
bastons pour effondrer hiaumes et bachinès; et
dissoient en Paris, quant il se nombroient, que il
25estoient bien gens, et se trouvoient par paroces, tant
que pour combatre de eux meïsmes, sans autre aide,
le plus grant signeur dou monde. Si appelloit on ces
gens les routiers et les maillès de Paris.
§ 269. Quant Phelippes d’Artevelle et si compaignon
30rentrèrent en Gand, moult grant fuisson de menu
peuple qui ne desiroit que paix furent moult resjoï
[213]213 de leur venue, et quidoient oïr bonnes nouvelles. Si
vinrent à l’encontre de li, et ne se peurent astenir que
il ne li demandaissent, en dissant: «A! chiers sires
Phelippes, resjoïssiés nous. Dittes nous comment vous
5avés exploitié.» A ces parolles et demandes ne respondoit
point Phelippes, mais passoit oultre et baisoit
la teste; et plus se taissoit, et plus le sieuoient et
le pressoient d’oïr nouvelles. Une fois ou deus, en
alant jusques à son hostel, il leur respondi et leur dist:
10«Retournés à vostres hostels maishui, Dieux nous
aidera; et demain, à noef heures, venés ou marchiet
des devenres; là orés vous toutes nouvelles.» Autre
response n’en peurent il avoir; et vous di que toutes
manières de gens estoient moult eshahi. Quant Phelippes
15d’Artevelle fu descendus à son hostel, et cil qui
à Tournai avoient estet avoec li ralé as leurs, Piètres
dou Bos, qui desiroit à oïr nouvelles, s’en vint à l’ostel
Phelippe et s’encloï en une cambre avoecques lui,
et li demanda des nouvelles et comment il avoit exploitié.
20Phelippes li dist, qui riens ne li volt celler: «Par
ma foi, Piètres, à ce que messires de Flandres a respondu
par ceulx de son conseil que il a envoiiet à
Tournai, il ne prendera en la ville de Gand nullui à
merchi, non plus l’un que l’autre.»—«Par ma foi!
25dist Piètres dou Bos, il a droit et est bien consilliés de
tenir ce pourpos et de enssi respondre, car tout i sont
participant otant bien li un que li autre. Or sui je
venus à me entente et à celle de mon bon maistre
Jehan Lion qui fu, car la ville est si entoueillie que on
30ne le scet par [quel] coron destouellier. Or nous faut
prendre le frain as dens; or vera on les sages et les
hardis. En dedens briefs jours, la ville de Gand sera
[214]214 la plus honnourée ville des crestiiens ou li plus abatue.
A tout le mains, se nous morons en ceste querelle,
ne morons nous pas seulx. Or penssés anuit, Phelippe,
comment vous leur puissiés demain faire relation de
5che parlement qui a esté à Tournai, par telle manière
que toutes gens se contentent de vous, car vous estes
grandement en la grace de tout le peuple par deus
voies: li une si est pour la cause dou non que vous
portés, car moult amèrent jadis en ceste ville Jaquemart
10d’Artevelle, vostre père; et li autre est que vous
les aparlés doucement et sagement, sicom il le dient
communalment parmi la ville; pour quoi il vous creront,
pour vivre et pour mourir, de tout che que
vous leur remonsterés et que en fin de conseil vous
15leur dirés: «Pour le milleur, je feroie enssi.» Pour
tant vous faut il que vous aiiés bon avis et seur de
remonstrer parolle où vous aiiés honneur au tenir.»
—«Piètres, dist Phelippes, vous dites verité, et je
pensse tellement à parler et à remonstrer les besongnes
20de Gand que entre nous, qui en sommes gouvreneur
à present et cappitainnes, i morons ou viverons à
honneur.» Il n’i eut pour celle nuit plus dit ne fait,
mais prissent congiet l’un à l’autre. Piètres dou Bos
retourna à son hostel, et Phelippes d’Artevelle demora
25ou sien.
§ 270. Vous devés savoir et croire veritablement que,
quant chils jours desirés fu venus que Phelippes d’Artevelles
deut generallement recorder les nouvelles
telles que raportées avoit dou parlement de Tournai,
30toutes gens de la ville de Gaind se traïssent ou
marchiet des devenres; et fu par un merquedi au
[215]215 matin. Dou peuple qui là estoit asamblés, fu li marchiés
tous plains. Droit à noef heures, Phelippes d’Artevelle,
Piètres dou Bos, Piètres le Vintre, François
Acreman et les cappitaines vinrent: si entrèrent en
5la halle et montèrent amont. Adont se amonstra Phelippes
as phenestres, qui commencha à parler et dist:
«Bonne gent de Gent, il est bien voirs que, à la priière
et traitié de très honnourée, haute et noble dame
madame de Braibant et de nos chiers et nobles signeurs
10monsigneur le duc Aubert, bail de Hainnau, de Hollande
et de Zellande, et de monsigneur l’evesque de
Liège, uns parlemens fut assignés et acordés à estre à
Tournai les jours passés; et là devoit estre personnellement
nos sires, monsigneur de Flandres, et l’avoit
15acertefiiet as dessus dis, liquel s’en sont grandement
aquité, car il ont là envoiiet notablement de leur
plus especiaulx consaulx, chevaliers et bourgois des
bonnes villes, eux, et nous de par la ville de Gaind.
Nous et eux fumes là et avons esté tous les jours, atendans
20monsigneur de Flandres, qui point n’i est apparus
ne venus. Et quant on veï que point n’i apparoit
ne venoit ne n’envoioit, troi chevalier des trois païs et
sis bourgois des bonnes villes se travillèrent tant pour
l’amour de nous que il allèrent à Bruges, et là trouvèrent
25Monsigneur qui leur fist bonne chière, sicom il
dient, et les oï volentiers parler. Il respondi à leur
parolle, et dist que, pour l’onneur de leurs signeurs
et de sa belle suer, madame de Braibant, il envoieroit
de son conseil à Tournai, dedens cinc jours ou sis, si
30bien fondé de par lui que cil diroient et remonsteroient
plainement se intention et ce que arestéement il en
feroit. Il ne peurent avoir autre response: bien leur
[216]216 souffi, il retournèrent. Ou jour que messires i assigna,
vinrent à Tournai de par lui li sires de Ramseflies, li
sires de Grutus, messires Jehans Villains et li prevos
de Harlebecque. Chil remonstrèrent moult bellement la
5volenté [de Monsigneur] et le certain arrest de ceste
guerre comment pais i puet estre entre Monsigneur et
la ville de Gand. Il voelt, et determinéement il dist que
autre cose il n’en fera, que tout homme de la ville de
Gand, excepté les prelas d’eglise et les religieux, dessus
10l’eage de quinse ans et desouls l’eage de soissante ans,
soient tout nu en leur lingnes draps, nus chiefs et [nus]
piés, et, les hars ou col, partent et vuident de la ville de
Gand et voissent jusque à Donze et oultre ens es plains
de Burlesquans; et là sera mesires de Flandres et ceuls
15que il li plaira à amener. Et, quant il nous vera en ce
parti tout en genoulx et mains jointes crians merchi,
il ara pité et compasion de nous, se il li plaist; mais
je ne puis pas veoir ne entendre par le relation de
son conseil que il n’en conviengne morir honteussement,
20par pugnition de justice et de prisons, la grigneur
partie dou peuple qui là sera venu en ce jour. Or
regardés se vous vollés venir à pais par ce parti.»
Quant Phelippes ot parlé, ce fut grans pités de veoir
hommes, femmes et enffants plorer et tordre leurs
25poins pour l’amour de leurs maris, de leurs pères, de
leurs voisins, de leurs frères. Après ce tourment de
noisse, Philippes reprist la parolle et dist: «Or paix!
paix!» Et on se teut tout, sitretos comme il recommencha
à parler et dist: «Bonnes gens de Gand,
30vous estes en ceste place la grigneur partie dou peuple
de Gand chi assamblé. [Si] avés oï che que jou ai dit:
[si] n’i voi autre remède ne pourveance nulle que brief
[217]217 conseil, car vous savés comment nous sommes menet
et astraint de vivres; et il i a tels trente mille testes
en ceste ville qui ne mengièrent de pain, passet a
quinse jours: [si] nous faut faire des trois coses l’une.
5La première si est que nous nos encloons en ceste ville
et entièrons toutes nos portes, et nous confessons à
nos loiaux pooirs et nous boutons en eglises et en
moustiers, et là morons confès et repentans, comme
gens martirs de qui on ne voelt avoir nulle pité. En
10cel estat, Dieux ara merchi de nous et de nos ames,
et dira on, partout où les nouvelles en seront oïes et
sceues, que nous sommes mort vaillanment et comme
loial gent. Ou nous nos mettons tout en tel parti que
hommes, femmes et enffans alons criier merchi, les
15hars ou col, nus piés et [nus] chiefs, à monsigneur de
Flandres: il n’a pas le coer si dur ne si oscur que,
quant il nous vera en cel estat, que il ne se doie
humelier et amoliier et de son povre peuple il ne doie
avoir merchi; et je tous premiers, pour li oster de sa
20felonnie, presenterai ma teste et voel bien morir pour
l’amour de ceulx de Gand. Ou nous nos eslissons en
ceste ville cinc ou sis mille hommes les plus aidables et
les mieux armés, et l’alons querir hastéement à Bruges
et l’i combatre. Se nous sommes mort en che voiage,
25che sera honnerablement, et ara Dieux pité de nous
et li mondes ossi; et dira on que loiaument et vaillanment
nous avons soustenu et parmaintenu nostre
querelle. Et, se en celle bataille Dieux a pité de nous,
qui anchiennement mist poissance en le main de
30Judith, ensi [que] nos pères le nous recordent, qui
ochist Olifernès qui estoit desous Nabugodonosor dus
et maistres de sa chevalerie, par quoi li Asseriien
[218]218 furent desconfit, nous serons li plus honnourés peuples
qui ait resgné puis les Roumains. Or regardés
laquelle des trois coses vous vollés tenir, car l’une
faut il faire.»
5Adont respondirent cil qui plus prochain de lui
estoient et qui le mieux sa parolle oï avoient: «Ha!
chiers sires, nous avons tout en Gant grant fiance en
vous que vous nous consillerés: si nous dites lequel
nous ferons.»—«Par ma foi! respondi Phelippes,
10je conseille que nous alons tout à main armée devers
Monsigneur. Nous le trouverons à Bruges, et, lorsque
il sara nostre venue, il istera contre nous et nous combatera,
car li orgoes de ceux de Bruges, qui nous het,
est avoec lui; et cil qui nuit et jour l’enfourment sur
15nous li consilleront de nous combatre. Se Dieux
ordonne par sa grace que la place nous demeure et
que nous desconfissons nos ennemis, nous serons
recouvré à tousjours mais et les plus honnerées gens
dou monde; et, se nous sommes desconfi, nous morons
20honnerablement, et ara Dieux pité de nous. Et parmi
tant li demorans de Gand se passera, et en ara merchi
li contes nos sires.»
A ces parolles respondirent il tout de une vois:
«Et nous le volons, ne autrement nous ne finerons.»
25Lors respondi Phelippes: «Or, [beaulx] signeur,
puisque vous estes en celle volenté, or retournés en
vos maissons, et apparilliés vos armeures, car demain
dou jour je voel que nous partons de Gand, et en alons
vers Bruges, car li sejourners ichi ne nous est point
30pourfitables. Dedens cinc jours, nous sarons se nous
viverons à honneur ou nous morons à dangier, et je
envoiierai les connestables des parosces de maison en
[219]219 maison pour prendre et eslire à cues les plus aidables
et les mieux armés.»
§ 271. Sus cel estat se departirent en la ville de
Gand toutes gens qui à ce parlement avoit estet dou
5marchiet des devenres, et retournèrent en leurs maisons;
et se apparillièrent, cascuns endroit de li, de ce
que à lui appertenoit, et tinrent che merquedi leur
ville si close que onques homs ne femme n’i entra ne
n’en issi jusques au joedi à heure de relevée, que cil
10furent tout prest qui partir devoient. Et furent environ
cinc mille hommes et non plus, et cargièrent environ
deus cens chars de canons et d’artellerie, et set
chars seullement de pourveances, cinc chars chergiés
de pain quit et deus chars de vins; et tout partout
15n’en i avoit que deus tonniaulx, ne riens n’en demoroit
en la ville. Or regardés comment il estoient astraint et
menet. Au departement et au prendre congiet, che
estoit une pités de veoir ceulx qui demoroient et ceuls
qui s’en aloient, et dissoient li demorant: «Bonnes
20gens, vous veés bien à vostre departement que vous
laissiés derrière. N’aiiés nulle esperance de retourner,
se ce n’est à vostre honneur, car vous ne trouveriés
riens, et, sitos que nous orons nouvelles se
vous estes mort et desconfi, nous bouterons le feu en
25la ville, et nous destruirons nous meïsmes, ensi que
gens desesperés.» Chil qui s’en aloient dissoient, en
iaulx reconfortant: «De tout che que vous dites, vous
parlés bien. Priiés pour nous à Dieu: nous avons
espoir que il nous aidera et vous ossi avant nostre
30retour.» Enssi se departirent cil cinc mille hommes de
Gand et leurs petites pourveances; et s’en vinrent ce
[220]220 joedi logier et jesir à une heure et demie de Gand, et
n’amenrirent de riens leurs pourveances, mais se passèrent
de ce que il trouvèrent sus le païs. Le venredi
tout le jour il ch[e]minèrent, et encores n’atouchièrent
5il de riens à leurs pourveances, et trouvèrent li fourageur
sus le pais aucunes coses, dont il passèrent le
jour; et vinrent che venredi logier à une grande lieue
de Bruges, et là s’arestèrent, et prisent place à leur
avis et pour atendre leurs ennemis, et avoient au devant
10d’eus un grant plachiet plain d’aighe dormant.
De che lés là se fortefiièrent il à l’une des pars, et à
l’autre lés de leur charroi, et passèrent enssi la nuit.
§ 272. Quant che vint le samedi au matin, il fist moult
bel et moult cler, car che fu le jour Sainte Elaine et
15le tierch jour dou mois de mai. Et che propre jour
siet la feste et le pourcession de Bruges, et à che jour
avoit plus de peuple en Bruges estragniers et autres,
pour la cause de la solempnité de la feste et pourcession,
que il n’eust en toute l’anée. Nouvelles avolèrent à
20Bruges en dissant: «Vous ne savés quoi? Li Gantois
sont venu à nostre pourcession.» Dont veïssiés en
Bruges grant murmure et gens resvillier et aler de
rue [en rue] et dire l’un à l’autre: «Et quel cose atendons
nous que ne les alons nous combatre?» Quant
25li contes de Flandres, qui se tenoit en son hostel, en
fu enfourmés, [si] li vint à grant mervelle, et dist: «Velà
folle gent et outrageus! La male mescance les cache
bien. De toute le compaignie jamais piés n’en retournera.
Or arons nous maintenant fin de guerre.» Adont
30oï li contes sa messe; et toudis venoient chevalier de
Flandres, de Hainnau et d’Artois, qui le servoient,
[221]221 devers li, pour savoir quel cose il voroit faire. Enssi
comme il venoient, il les requelloit bellement, et leur
dissoit: «Nous irons combatre ces mesceans gens;
encores sont il vaillant, disoit li contes: il ont plus
5chier à morir par espée que par famine.»
Adont fu consilliet que on envoiieroit trois hommes
d’armes chevaucheurs sour les camps, pour aviser le
convenant de ceux de Gand et comment il se tenoient
ne quelle ordonnance il avoient. Si furent dou mareschal
10de Flandres ordonné troi vaillant homme d’armes
escuier, pour les aler aviser: Lambert de Lambres,
Damas de Bussi [et] Jehans du [Beart]; et partirent
tout troi de Bruges et prissent les camps, montés sus
fleurs de coursiers, et chevauchièrent vers les ennemis.
15Entrues que chil troi fissent che dont il estoient cargiet,
[s’ordonnèrent] en Bruges toutes manières de
gens en très grant volenté que pour issir et venir
combatre les Gantois, desquels je parlerai un petit et
de leur ordenance.
20Che samedi au matin, Phelippes d’Artevelle ordonna
que toutes gens se meïssent envers Dieu en devotion,
et que messes fuissent en pluiseurs lieux cantées, car
il avoient là en leur compaignie des Frères Religieux,
et que ossi cascuns se confessast et adrechast à son
25loial pooir et [mesist] en estat deu, enssi que gens
qui atendoient la grace et la mesericorde de Dieu. Tout
che fu fait: on celebra en l’ost en set lieux messes, et
à cascune messe ot sermon, liquel sermon durèrent
plus de heure et demie. Et là leur fu remonstré par ces
30clers, Frères Menours et autres, comment il se figuroient
au peuple d’Israël que li rois Faraon d’Egipte tint
lonc tamps en servitude, et comment depuis, par la
[222]222 grace de Dieu, il en furent delivret et menet en tère
de promision par Moïse et Aaron, et li rois Pharaon
et li Egiptiien mort et peri. «Enssi, bonnes gens,
dissoient chil Frère Preceur en leurs sermons, estes
5vous tenu en servitude par vostre signeur le conte et
vos voisins de Bruges, devant laquelle ville vous estes
venu et arresté, et serés combatu, il n’est mie doubte,
car vostre ennemi en sont en grant volenté, qui petit
amirent vostre poissance. Mais ne regardés pas à cela,
10car Dieux, qui tout puet, tout set et tout congnoist, ara
merchi de vous; et ne penssés point à cose que vous
aiiés laissiet derière, car vous savés bien que il n’i a
nul recouvrier ne restorier, se vous estes desconfi.
Vendés vous vaillanment, et morés, se morir convient,
15honnerablement, et ne vous esbahissiés point,
se grans peuples ist de Bruges contre vous; car
la victoire n’est pas ou [grant] peuple, mais là où
Dieux l’envoie et maint par sa grace; et trop de fois
on a veu, par les Macabiiens ou par les Roumains, que
20li petis peuples de boine volenté et qui se confioit
en la grace de Nostre Signeur, desconfissoit le grant
peuple. Et en ceste querelle vous avés bon droit et
juste cause par trop de raisons: si en devés estre plus
hardi et mieux conforté.» De telles parolles et de
25pluiseurs autres furent [par] les Frères Preceurs che
samedi au matin li Gantois prechiet et remonstré, dont
moult il se contentèrent; et se acumeniièrent les troi
pars des gens de l’oost, et se missent tout en grant
devotion, et monstrèrent tout grant cremeur avoir à
30Dieu.
§ 273. Appriès ces messes, tout se missent ensamble
[223]223 en un mont, et là monta Phelippes d’Artevelle sur un
char pour li monstrer à tous et pour estre mieus oïs.
Et là parla de grant sentement, et leur remonstra de
point en point le droit que il penssoient à avoir en ceste
5querelle, et comment par trop de fois la ville de Gand
avoient requis et priiet merci envers leur signeur le
conte, et point n’i avoient peut venir sans trop grant
confusion et damage de ceulx de Gand. Or estoient il
si avant trait et venut que reculler il ne pooient, et
10aussi au retourner, tout consideré, riens il ne gaigneroient,
car nulle cose derière fors que povreté et
tristrèce laissiet il n’avoient. [Si] ne devoit nuls pensser
après Gand ne à femme ne enfans que il eusist,
fors que tant faire que li honneurs fust leur. Pluseurs
15belles parolles leur remonstra Phelippes, car bien fut
enlangaigiés et mout bien sçavoit parler, et bien lui
avenoit, et, sur la fin de sa parole, il leur dist:
«Biaulx seigneurs, vous veés devant vous toutes vos
pourveances; si les vuelliés bellement departir l’un à
20l’autre, ensi que frères, sans faire nuls outraiges, car,
quant elles seront passées, il vous fault conquerir des
nouvelles, se vous voulés vivre.»
A ces paroles se ordonnèrent il mout humblement,
et furent les chars deschargiés et les sachiées de pain
25données et departies par connestablies et li tonnel de
vin tourné sus le fons. Là desjeunèrent il de pain et
de vin raisonnablement et en heurent pour l’eure
chascuns assés, et se trouvèrent après le desjunner
fors et en bon point et plus aidables et mieux aidant
30de leurs membres que se il eussent plus mengié.
Quant [ce] disner fu passés, il se misent en ordonnance
de bataille et se catirent entre leurs ribaudiaux.
[224]224 Ces ribaudiaux sont brouettes haultes, bendées de fer,
à longs picos de fer devant en la pointe, [qu’il] font par
usage mener et brouetter avoec eulx; et puis les arroutèrent
devant leurs batailles, et là dedans s’[encloïrent].
5En cel estat les veïrent et trouvèrent les
trois chevaucheurs dou conte, qui i furent envoiié
pour aviser leur couvenant, car il les approchièrent
de si près que jusques à l’entrer en leurs ribaudiaux,
ne oncques les Gantois ne s’en esmeurent, et monstrèrent
10par samblant que il feussent tout resjouï de
leur venue.
§ 274. Or retournèrent chil coureux à Bruges devers
le conte, et le trouvèrent en son hostel à grant fuison
de chevaliers qui là estoient, qui attendoient leur
15revenue pour oïr nouvelles. Il rompirent la presse et
vinrent jusques au conte, et puis parlèrent tout hault,
car li contes volt que il fussent oï des circonstans qui
là estoient, et remonstrèrent comment il avoient
chevauchié si avant que jusques ou trait des Gantois, se
20trairent volsissent, mais tout paisiblement il les avoient
laissié approuchier, et comment il avoient veu leurs
banières et comment il s’estoient repeus et quatis
entre leurs ribaudiaux. «Et quel quantité de gens,
dist li contes, puent il estre par advis?» Ceulx
25respondirent, selon leur advis au plus justement qu’il
peurent, que il estoient de cinc à sis mille. Adont dist
li contes: «Or tost, faittes apparillier toutes gens; je
les vueil aller combatre, ne jamais dou jour ne partiront
sans estre combatu.» A ces parolles sonnèrent
30trompettes parmi Bruges, et s’armèrent toutes gens
et se assemblèrent sur le marchié. Et ensi comme il
[225]225 venoient, il se traioient tous et mettoient dessoubs les
banières, ensi que par ordonnance et connestablies il
avoient eu de usaige. Pardevant l’ostel dou conte se
assembloient barons, chevaliers et gens d’armes. Quant
5tous furent apparilliés, li contes vint ou marché et veï
grant fuisson de peuple rengié et ordonné, dont il se
resjoï: adont commenda il à traire sus les champs.
[A son commandement nuls ne desobeï, mais se departirent
tous de la place et se mistrent au chemin par
10ordonnance et se traïrent sus les champs], et gens
d’armes après.
Au vuider de la ville de Bruges, ce estoit grant plaisance
dou veoir, car bien estoient quarante mil testes
armées. Et ensi tout ordonnéement à cheval et à piés
15il s’en vinrent assés près dou lieu où li Gantois estoient,
et là se arrestèrent. A celle heure, quant li contes de
Flandres et ses gens vinrent, il estoit haulte remontée
et le souleil s’en alloit tous jus. Bien estoit qui disoit
au conte: «Sires, vous voiés vos ennemis; il ne
20sont au regard de nous que une pungnée de gens. Il
ne puent fuir; ne les combatons meshui. Attendés
jusques à demain que le jour venra sur nous; si verrons
mieux quel chose nous devrons faire et se seront
plus affoiblis, car il n’ont riens que mangier.» Li
25contes s’acordoit assés à ce conseil, et eust voulentiers
veu que on eust ensi fait, mais chil de Bruges par
grant orgueil estoient si chaulx et si hastifs de eulx
combatre que il ne vouloient nullement attendre, et
disoient que tantost les aroient desconfis, et puis
30retourneroient en leur ville. Nonobstant ordonnance
de gens d’armes, car li contes en avoit là grant fuison,
plus de uit cens lances, chevaliers et escuiers, ceulx
[226]226 de Bruges approchèrent et commencèrent à traire et
à jetter de canons. Adont ceulx de Gand se misent
tous en ung mont et se recueillirent tous ensamble et
fisent tous à une fois desclicquer plus de trois cens
5canons, et tournèrent autour de ce plasquier, et misent
ceulx de Bruges le souleil en l’ueil, qui mout les greva,
et entrèrent dens eulx en escriant: «Gand!» Sitost
que ceulx de Bruges oïrent la voix de ceulx de Gand
et les canons desclicquer, et que il les veïrent venir
10de front sur eulx et assaillir asprement, comme lasches
gens et plains de mauvais convenant, il se ouvrirent
tous et laissièrent les Gantois entrer dens eulx
sans deffence, et jettèrent leurs bastons jus, et tournèrent
le dos.
15Les Ganthois, qui estoient fors et serrés et qui
congneurent bien que leurs ennemis estoient desconfis,
commencèrent à abatre devant eulx à deux costés et
à tuer gens, et tousjours aller devant eulx, sans point
desrouter, le bom pas, et crier: «Gand! Gand!» et
20à dire entr’eux: «Avant! avant! suivons chaudement
nos ennemis, il sont desconfis, et entrons en Bruges
avoecq eulx. Dieu nous a ce soir regardés en pitié.»
Et ensi fisent il tous. Il poursuivirent ceulx de Bruges
asprement, et, là où il les raconsuivoient, il les abatoient
25et occisoient, ou sus eulx il passoient, car point
il n’arrestoient ne de leur chemin il n’issoient; et ceulx
de Bruges, ensi que gens mors et desconfits, fuioient.
Si vous di que en celle chace il en i ot mout de mors
et de desconfits et d’abatus, car entr’eux point de deffence
30il n’avoient, ne onques si meschans gens que
ceulx de Bruges ne furent ne qui plus recreanment ne
laschement se maintinrent scelon le grant bobant que
[227]227 au venir sus les champs fait il avoient. Et veulent li
aucun dire et supposer par imagination que il i avoit
traïson, et les autres disent que non heut, fors povre
deffence et infortunité qui cheï sur eulx.
5§ 275. Quant li contes de Flandres et les gens
d’armes qui estoient sus les champs veïrent le povre
arroi de ceulx de Bruges et comment d’eulx meïsmes
il estoient desconfi ne point de recouvrer il n’i veoient,
car chascuns qui mieux mieux fuioient devant les Gantois,
10si furent eshahis et eshidé de eulx meïsmes, et se
commencèrent ossi à desrouter et à saulver et à fuir
l’un sà et l’autre là. Il est bien vrai que, se il eussent
point veu de bon convenant ne d’arrest de retour à
ceulx de Bruges sur ceulx de Gand, il eussent bien fait
15aucun fait d’armes et ensonniet les Gantois, par quoi,
espoir, il se fussent recouvrés; mais nennil, il n’en i
veoient point, mais s’enfuioient chascuns qui mieux
mieux vers Bruges, ne le fils n’attendoit mie le père
ne le père le fils. Adont se desroutèrent ossi ces gens
20d’armes et ne tinrent point d’arroi, et n’eurent li pluseurs
talant de traire vers Bruges, car la foule et la
presse estoit si très grande sus les champs et sur le
chemin en venant à Bruges que c’estoit grant hideur
à veoir et de oïr les navrés et les blechiés plaindre et
25crier, et les Gantois aux talons de ceulx de Bruges
crier: «Gand! Gand!» et abatre gens et passer
oultre sans arrester. Ces gens d’armes le plus ne se
fussent jamais boutés en ce peril. Meïsmement li contes
fu conseilliés de retraire vers Bruges et de entrer
30premiers en la porte, et de faire garder la porte ou
clorre, par quoi les Gantois ne l’esforchassent et feussent
[228]228 seigneurs de Bruges. Li contes de Flandres, qui
ne veoit point de recouvrer de ses gens sus les champs
et que chascuns fuioit et que ja estoit toute noire nuit,
creï ce conseil et tint ce chemin et fist sa banière chevaucher
5devant lui, et chevaucha tant qu’il vint dedans
Bruges, et entra en la porte auques des premiers,
espoir, lui quarantime, ne plus ne se trouva il. Adont
ordonna il ses gens pour garder la porte et pour
clorre, se les Gantois venoient, et puis chevaucha li
10contes vers son hostel et envoia par toute la ville gens,
et [fist] commandement que chascuns sus la teste perdre
se traisist vers le marché. L’intention dou conte estoit
telle de recouvrer la ville par ce parti, mais non fist,
sicomme je vous recorderai.
15§ 276. Entretemps que li contes estoit en son hostel
et que il envoioit les clers des doiens des mestiers
de rue en rue, pour traire sur le marché et [recouvrer]
la ville, li Gantois qui entrèrent en la ville de Bruges en
poursuivant asprement leurs ennemis, le premier chemin
20qu’i fisent sans tourner chà ne là, il s’en allèrent
tout droit sus le marchié, et là se rengièrent et arrestèrent.
Messires Robert Mareschaux, ung chevalier dou
conte, avoit esté envoié à la porte pour sçavoir comment
on s’i maintenoit, entretemps que li contes faisoit
25son commandement qui cuidoit recouvrer la ville,
mais il trouva que la porte estoit volée hors des gons
et que li Gantois en estoient maistre; et proprement il
trouva de ceulx de Bruges qui lui disent: «Robert,
Robert, retournés et vous sauvés, car la ville est conquise
30de ceux de Gand.» Adont retourna li chevaliers
au plus tost qu’il peut devers le conte, qui se partoit
[229]229 de son hostel tout à cheval et grant fuison de falots
devant lui, et s’en venoit sus le marchié. Si lui dist ce
chevalier ces nouvelles. Nonobstant, li contes, qui vouloit
tout recouvrer, s’en vint vers le marchié; et, ensi
5comme il i entroit à grant fuison de falots, en escriant:
«Flandres au lion au conte!» ceulx qui estoient à
son frain et devant lui regardèrent et veïrent que la
place estoit toute chargée de Gantois; si lui disent:
«Monsigneur, pour Dieu, retournés. Se vous alés plus
10avant, vous estes mors, ou pris de vos ennemis au
mieux venir, car il sont tous rengiés sus le marchié et
vous attendent.» Et ceulx lui disoient verité, car li
Gantois disoient ja, si trestost comme il le veïrent
naistre d’une ruelle: «Veci Monsigneur, veci le
15conte! Il vient entre nos mains.» Et avoit dit Phelipes
d’Artevelle et fait dire de renc en renc: «Se li contes
vient sus nous, gardés bien que nuls ne lui face mal,
car nous l’enmenrons vif et en sancté à Gand, et là
arons nous paix à nostre voulenté.» Li contes, qui
20venoit et qui cuidoit tout recouvrer, encontra, assés
près de la place où li Gantois estoient tous rengiés,
de ses gens qui lui disent: «Ha! Monsigneur, pour
Dieu, n’alés plus avant, car li Gantois sont seigneurs
dou marchié et de la ville; et, se vous entrés
25ou marchié, vous estes mort; et encores en estes
vous en aventure, car ja vont grant fuison de Gantois
de rue en rue, querant leurs ennemis, et ont
mesmement assés de ceulx de Bruges, qui les mènent
querir d’ostel en hostel ceulx qu’i veullent avoir;
30et estes [tous] ensonniés de vous sauver, ne par
nulles des portes de Bruges ne vous poués [issir ne
partir que vous ne soiés ou mors ou pris, car] li Gantois
[230]230 en sont seigneur, ne à vostre hostel ne poués
vous retourner, car il i vont une grant route de
Gantois.»
Quant le conte entendi ces nouvelles, si lui furent
5très dures, et bien i ot raison, et se commença grandement
à eshider et à imaginer le peril où il se veoit,
et creut conseil de non aler plus avant et de lui saulver,
se il pouoit. Et fu tantost de lui meïsmes conseilliés:
il fist estaindre tous les falots qui là estoient, et dist
10à ceulx qui dalés lui estoient: «Je voi bien qu’il n’i a
point de recouvrer. Je donne congiet à tout homme,
et chascuns se saulve qui puet ou scet.» Ensi comme
il ordonna, il fu fait; les falots furent estaints et gettés
dedans le[s] russiaux, et tantost s’espardirent et demuchièrent
15ceulx qui là estoient. Si se tourna li contes en
une ruelle, et là se fist desarmer par ung sien varlet
et jetter toutes ses armeures aval, et vesti la hoppelande
de son varlet, et puis li dist: «Va t’an ton chemin,
et te saulve, se tu pues. Aies bonne bouche: se
20tu eschiés es mains de mes ennemis et on te demande
de moi, garde bien que tu n’en dies riens.»—«Monsigneur,
respondi chil, pour mourir ossi ne ferai je.»
Ensi demora li contes de Flandres tout seul, et pouoit
bien adont dire que il se trouvoit en grant aventure,
25car, à celle heure, [se] par aucune infortunité, il fust
escheus ens es mains des routes qui aval Bruges
estoient et alloient et qui les maisons serchoient et les
amis dou conte occisoient ou ens ou marchié les amenoient,
et là tantost devant Phelippe d’Artevelle et les
30cappitaines il estoient mort et esservelé, sans nul moien
ou remède il eust esté mort. Si fu Dieu proprement
pour lui, quant de ce peril il le délivra et saulva, car
[231]231 onques en si grant peril en devant n’avoit esté ne ne
fu depuis, sicomme je vous recorderai presentement.
§ 277. Tant se demucha, à icelle heure, environ mienuit
ou ung peu oultre, li contes de Flandres par rues
5et par ruelles que il le convint entrer de nécessité,
autrement il eust esté trouvé et pris des routiers de
Gand et de Bruges ossi qui parmi la ville aloient, en
l’ostel d’une pouvre femme. Ce n’estoit pas hostel de
seigneur, de sales, de cambres ne de manandries,
10mais une povre maisonnette enfumée, ossi noire que
arremens de fumiere de tourbes, et n’i avoit en celle
maison fors le bouge devant et une povre tente de
vièle toille enfumée pour esconser le feu, et pardessus
un povre solier ouquel on montoit à une eschelle de
15set eschellons. En ce solier avoit un povre litteron où
li povre enfant de la femmelette gisoient.
Quant li contes fut, tout seul et tout esbahi, entré en
celle maison, il dist à la femme, qui estoit toute
effreé[e]: «Femme, sauve moi! Je suis tes sires le
20conte de Flandres, mais maintenant il me fault repourre
et mussier, car mes ennemis me chassent, et dou bien
que tu me feras je t’en donrai bon guerdon.» La povre
femme le recongneut assés, car elle avoit esté plusieurs
fois à l’aumosne à sa porte: si l’avoit veu aller et
25venir, ensi que ungs sires va en ses deduis, et fu tantost
avisée de respondre, dont Dieu aida au conte, car
elle n’eust peu si petit detrier que on eust trouvé le
conte devant le feu parlant à elle: «Sire, montés
amont en mon solier, et vous bout[és] dessoubs un lit
30où mes enfans dorment.» Il le fist, et entretemps la
femme se essonia en son hostel entour le feu et à ung
[232]232 autre petit enfant qui gisoit en ung repos. Li contes de
Flandres entra en ce solier et se bouta, au plus bellement
et souef que il pot, entre la coute et l’estrain de
ce povre literon; et là se quati et fist le petit: faire li
5convenoit.
Evous ces routiers de Gand qui routoient, qui
entrent en la maison celle povre femme, et avoient, ce
disoient aucuns de leur route, veu un homme entrer
ens. Il trouvèrent celle povre femme seant à son feu,
10qui tenoit son enfant. Tantost il lui demandèrent:
«Femme, où est uns homs que nous avons veu entrer
seans et puis reclorre l’uis?»—«Et, par ma foi,
dist elle, je n’i veï de celle nuit entrer homme ceans;
mais j’en issi, n’a pas granment, et jettai hors un pou
15d’eaue, et puis recloï mon huis. Ne je ne le sçaroie où
mussier; vous veés toutes les aisemences de ceans;
velà mon lit, là sus gisent mes enfans.» Adont prist
li uns une chandelle, et monta amont sus l’eschellette
et bouta sa teste ou solier, et n’i veï autre chose que
20le povre litteron des enfans qui dormoient. Si regarda
il bien partout hault et bas. Adont dist il à ses compaignons:
«Alons! alons! nous perdons le plus pour
le mains. La povre [femme si] dist voir: il n’i a ame
ceans fors elle et ses enfans.» A ces parolles issirent
25il hors de l’hostel de la femme et s’en allèrent router
autre part. Onques puis nuls n’i rentra qui mal i
voulsist.
Toutesfois ces paroles avoit oïes li contes de Flandres,
qui estoit couchés et catis en ce povre litteron.
30Si poués bien imaginer que il fu adont en grant effroi
de sa vie. Quel chose pouoit il là, Dieux, penser ne
imaginer? Quant au matin, il pouoit bien dire: «Je
[233]233 suis li uns des grans princes dou monde des crestiens,»
et la nuit ensuivant il se trouvoit en telle petitesse,
il pouoit bien dire et imaginer que les fortunes
de ce monde ne sont pas trop estables. Encores grant
5heur pour lui, quant il s’en pouoit issir saulve sa vie.
Toutesfois ceste perilleuse et dure aventure lui devoit
bien estre ung grant mirouer et doit estre toute
sa vie.
Nous lairrons le conte de Flandres en ce parti, et
10parlerons de ceulx de Bruges et comment les Gantois
perseverèrent.
§ 278. François Acremen estoit li ungs des plus
grans capitaines des routiers, et envoiés de par Phelippe
d’Artevelle et Piètre dou Bois, pour cherchier et
15router en la ville de Bruges; et il gardoient le marchié
et gardèrent toute la nuit et au landemain, quant on se
veï comme seigneur de la ville. Bien estoit deffendu
aux routiers que il ne portassent nul dommaige ne nul
contraire aux marchans ne bonnes gens estrangiers
20qui pour ce temps estoient à Bruges, car il n’avoient
que faire de comparer leur guerre. Chils commandemens
fut assés bien tenu et gardés, ne oncques François
ne sa route ne fisent nul dommaige à nul homme
estrange. La buschette cheue estoit et jettée des Gantois
25sus les quatre mestiers de Bruges, colletiers, vieswariers,
bouchiers et poissonniers, à tous occire sans
nul deport quanques on en trouveroit, pour tant que
toudis il avoient estés de la faveur dou conte et devant
Audenarde et ailleurs. On alloit par ces hostels querre
30ces bonnes gens, et, là où il estoient trouvé, [il estoient]
mort sans merci. Celle nuit en i ot occis plus
[234]234 de douse cens, que ungs que autres, et fais plusieurs
autres murdres, larrechins et autres mauvais fais qui
point ne vinrent tous à congnoissance, et mout de maisons
et de femmes robées et pillées et destruittes et de
5coffres effondrés, et tant fait que les plus povres de
Gand furent tous riches.
Le dimanche au matin, à set [heures], vinrent les
joieuses nouvelles en la ville de Gand que leur gens
avoient desconfi le conte, sa chevalerie et ceulx de
10Bruges, et estoient par conquest seigneurs et maistres
de Bruges. Vous poués bien croire et savoir que, à ces
nouvelles à Gand, ce fu uns peuples resjouïs, qui en
transses grandes et tribulations avoient esté, et fisent
par les eglises plusieurs processions et afflictions, en
15louant Dieu, qui tellement les avoit gardés et tellement
reconfortés que envoié ha à leurs gens victoire. Plus
leur venoit li jours avant, plus leur venoit bonnes nouvelles,
et estoient si tresperchié de joie que il ne sçavoient
auquel entendre; et je le di pourtant que, se li
20sires de Harselles, qui demorés estoit en Gand, heust
prins, ce dimanche ou le lundi ensuivant, trois ou
quatre mil hommes et si s’en fust venu à Audenarde,
il eust la ville à sa voulenté, car chil de Audenarde
estoient si esbahi, quant ces nouvelles oïrent, que à
25paines pour la paour de ceulx de Gand que il ne vuidoient
leur ville et fuioient à sauveté en Hainnau ou
ailleurs, et furent tous apparilliés, mais nouvelles n’en
ooient. Si recuillirent couraige et confort, quant il veïrent
que [ceulx de Gand ne venoient point ne] nulles nouvelles
30n’en oïrent, et ossi trois chevaliers qui là estoient et qui
s’i boutèrent, messires Jehans Barnages, messires Thierris
d’Anvaing et messires Florens de Heule, chil troi chevalier
[235]235 gardèrent, conseillièrent et confortèrent les gens
d’Audenarde jusques à tant que messires Daniaux de
Halwin i vint depuis et i fu envoiés de par le conte, ensi
que je vous recorderai, quant je serai venus jusques à là.
5§ 279. Oncques gens qui sont au desure de leurs
ennemis, ensi que ceulx de Gand furent adont de ceulx
de Bruges, ne se portèrent ne passèrent plus bellement
de ville que ceulx de Gand fisent adont de ceulx de
Bruges, car oncques il ne fisent mal à nul homme des
10menus mestiers, se il n’estoit trop villainement accusés.
Quant Philippes d’Artevelle, Piètres dou Bois et
les cappitainnes de Gand se virent au deseure de la
ville de Bruges, et que tout estoit en leur commandement
et obeïssance, on fist un ban de par Philippe
15d’Artevelle, Piètre dou Bois et les bonnes gens de Gand,
que sur la teste toutes manières de gens se traïssent
bellement à leurs hostels, et que nuls ne pillast ne
efforsast maisons ne ne presist riens de l’autrui, se il
ne le paioit, et que nuls ne se logast ou logement d’autrui,
20et que nuls ne esmeut meslée ne debas sans commandement,
et tout sus la teste.
Adont fu demandé se on sçavoit que li contes estoit
devenus. Li aucuns disoient que il estoit issus de la
ville très le samedi, et li autres disoient que encores
25estoit il à Bruges et repus quelque part où on le porroit
trouver. Les capitaines de Gand n’en fisent compte,
car il estoient si resjoïs de la victoire que il avoient et
de ce que au dessus de leurs ennemis se veoient, que il
n’acontoient riens à conte ne à baron ne à chevalier
30qui fust en Flandres, et se tenoient si grant que tout
venroient, se disoient il, en leur obeïssance. Et
[236]236 regardèrent Phelippes d’Artevelle [et Piètres dou Bos] que,
quant il se partirent de Gand, il l’avoient laissiée desgarnie
et despourveue de tous vivres tant que de vins
et de blés il n’i avoit riens. Si envoièrent tantost une
5quantité de gens au Dan et à l’Escluse, pour estre seigneur
de ces villes et des pourveances qui dedans
estoient, et repourveïr la ville de Gand. Quant ceulx
qui envoiés i furent vinrent au Dam, on leur ouvri les
portes, et fu toute la ville et les pourveances mises en
10leur commandement. Adont furent trais de ces biaux
celliers au Dam tout le vin qui là estoit de Poitou, de
Gascoingne, de la Rochelle et des loingtaines marches,
plus de sis mil tonniaux, et mis à voitures et à nefs, et
envoiés à Gand par chars et par la rivière, que on dist
15le Lieve. Et puis passèrent ces Gantois oultre, et vinrent
à l’Escluse, laquelle ville se ouvrit contre eulx et
se mist en leur obeïssance; et là trouvèrent il grant
fuison de blés [et] de farines en tonniaux, en nefs et en
greniers de marchans estrangiers. Tout fu mis pour
20ceulx de Gand à voiture et envoié à Gand tant par
chars comme par eaue. Ensi fu la ville de Gand rafreschie
et repourveue et delivre de misère par la grace
de Dieu. Autrement ne fut che mies, et bien en deubt
souvenir à ceulx de Gand que Dieu leur avoit aidié
25plainement, quant de cinc mil hommes tous affamés
avoient devant leurs maisons desconfi quarante mil
hommes. Or se gardent de eulx enorgueillir et leurs
cappitaines ossi! Mais non feront: il s’enorgueilliront
tellement que Dieu s’en courroucera et leur remonstrera
30leur orgueil avant que l’an soit oultre, sicomme
vous recorderons en l’istoire, et pour donner exemple
à tous autres.
[237]237 § 280. Je fus adont informés, et je le vueil bien
croire, que le dimanche de nuit le conte de Flandres
issi de la ville de Bruges. La manière, je ne le sçai pas,
ne ossi se on lui fist voie à aucune des portes; je croi
5bien que oï, mais il issi tout seul et à piés, vestu d’une
povre et simple hoppelande. Quant il se trouva aux
champs, il fu tout resjoïs, et pooit bien dire que il
estoit issus de grant peril, et commença à cheminer
à l’aventure, et s’en vint desoubs ung buisson pour
10aviser quel chemin il tenroit, car pas ne congnoissoit
les chemins, car oncques à piés ne les avoit allés. Ensi
que il estoit desoubs ce buisson et là quatis, il entent
et oi parler ung homme; et c’estoit un sien chevalier
qui avoit espousée une sienne fille bastarde, et le nommoit
15on messire Robert Marescaut. Le conte le recongneut
au parler; si lui dist en passant: «Robin, es tu
là?»—«Oï, Monseigneur,» dist li chevaliers qui
tantost recongneut le conte; «vous m’avés hui fait
biaucop de paine à serchier autour de Bruges. Comment
20en estes vous issus?»—«Allons, allons, dist
li contes, Robin, il n’est pas heure de chi recorder ses
aventures. Fai tant que je puisse avoir un cheval, car
je suis ja las d’aller à piés, et prens le chemin de Lisle,
se tu le scés.»—«Monseigneur, dist Robin, oï, je
25le sçai bien.» Adont cheminèrent il toute ceste nuit
et le landemain jusques à prime, ainchois que il peussent
recouvrer d’ung cheval. Et, le premier que le
conte heut, ce fu une jument que il trouvèrent cheux
ung preudomme en ung villaige. Si monta sus li contes
30sans selle et sans painel, et vint ensi ce lundi au soir,
et se bouta par les champs, ou chastiau de Lisle. Et là
se retrouvoient la greigneur partie des chevaliers qui
[238]238 estoient eschappet de la bataille de Bruges et s’estoient
sauvet au mieux qu’il avoient peu, li aucuns à piés et
les autres à cheval. Et tous ne tinrent mie ce chemin,
mais s’en allèrent li aucuns par mer en Hollande et en
5Zelande, et là se tinrent tant qu’il oïrent autres nouvelles.
Messires Guis de Ghistelles arriva à boin port,
car il trouva en Zelande en l’une de ses villes le conte
Ghui de Blois, qui lui fist bonne chière et lui departi
de ses biens largement, pour lui remonster et remettre
10en estat deu, et le retint dalés lui tant que il volt
demourer. Ensi estoient li desbareté reconfortés par
les seigneurs de là où il se traioient, qui en avoient
pitié, et c’estoit raisons, car noblesse et gentillesse
doivent estre aidies et conseillies par gentillesse.
15§ 281. Ces nouvelles s’espardirent en trop de lieux
et de païs, et de la desconfiture de ceulx de Bruges et
de la desconfiture leur seigneur, comment les Gantois
les avoient desconfis. Si en estoient toutes manières
de gens resjoï, et especiallement communautés, tant
20ceulx des bonnes villes [que autres; mesmement celles]
de l’eveschié de Liège en estoient si lies qu’il sambloit
proprement que la besoingne fust leur. Ossi furent
ceulx de Rouam et de Paris, se plainement en osassent
parler. Quant pape Clement oït les nouvelles, il pensa
25ung petit et puis dist que celle desconfiture avoit esté
une verge de Dieu pour exemplier le conte, et que il
lui envoioit celle tribulacion pour la cause de ce qu’il
avoit esté rebelles à ses oppinions. Aucun autre grant
seigneur disoient en France et ailleurs que li contes ne
30faisoit que ung peu à plaindre, se il avoit ung petit à
porter et à souffrir, car il avoit esté si presumptueux
[239]239 que il n’amiroit nul seigneur voisin que il eust, ne roi
de France ne aultre, se il ne venoit bien à point audit
conte; pour quoi il le plaindoient mains de ses persécutions.
Ensi avient, et que li proverbes soit voirs que
5on dist, car, à cellui à qui il meschiet, chascuns lui
mesoffre. Par especial, ceulx de Louvaing furent tout
resjoï de la victoire des Gantois et de l’anoi dou conte,
car il estoient en differend et en dur parti envers le
duc Wincelin de Braibant, leur seigneur, qui les vouloit
10guerroier et abatre leurs portes; mais ores s’en
tenra il mieux en paix. Et disoient ensi en la ville de
Louvaing: «Se Gand nous estoit ossi prochaine sans
nul contredit que la ville de Brouxelles est, nous serions
tout ung avoecq eulx, et eulx avoecq nous.» De toutes
leurs devises et leurs parolles estoient informet li dus
15de Braibant et la duchesse, mais il convenoit clugnier
leurs ieulx et baissier les chiefs, car pas n’estoit heure
de parler.
§ 282. Ceulx de Gand, eulx estans en Bruges, i
20fisent moult de nouvelletés, et avisèrent que il abatroient
au lés devers eulx deux portes et les murs, et
feroient emplir les fossés, affin que ceulx de Bruges
ne fussent jamais rebelles envers eulx, et, quant il s’en
partiroient, il enmenroient cinc cens hommes bourgois
25de Bruges des plus notables avoecq eux en la ville
de Gand, pour quoi il fussent tenu en plus grant [cremeur
et] subjection.
Entretemps que ces capitaines se tenoient à Bruges
et que il faisoient abatre portes et murs et remplir
30fossés, il renvoièrent à Ippre et à Courtrai, à Berghes
et à Cassiel, à Propringhe et à Bourbourcq, par toutes
[240]240 les villes et chasteleries de la conté de Flandres sus
la marine et dou Franc de Bruges, que tous venissent
à l’obeïssance à eulx et leur apportassent ou envoiassent
les clefs des villes et des chastiaux, en remonstrant
5service, à Bruges. Tous obeïrent, ne nuls n’osa
adont contrester, et vinrent tous à obeïssance à Bruges
à Phelippe d’Artevelle et à Piètre dou Bois. Ces deux
se nommoient et escripsoient souverains capitaines de
tous, et par especial Phelippes. Celui estoit qui le plus
10avant s’en ensonnioit et se chargoit des besoingnes de
Flandres; et, tant que il fu à Bruges, il tint estat de
prince, car tous les jours par ses menestrés il faisoit
sonner et corner devant son hostel ses disners et ses
souppers, et se faisoit servir en vaisselle couverte
15d’argent, ensi comme s’il fust conte de Flandres; et
bien pooit tenir cel estat, car il avoit toute la vesselle
d’or et d’argent au conte de Flandres et tous les joiaux,
cambres et sommiers qui avoient esté trouvés en l’ostel
dou conte à Bruges, ne riens on n’en avoit sauvé.
20Encores furent envoié une route de Gantois à Male,
un très bel hostel dou conte à demie lieue de Bruges.
Ceux qui i allèrent i fisent mout de desrois, car il
deschirèrent tout l’ostel et abatirent, et effondrèrent les
fons où li contes avoit esté baptisés, et misent à voiture
25sus chars tous les biens, or, argent et joiaulx, et
envoièrent tout à Gand. Le terme de quinse jours,
avoit, allant de Bruges à Gand et de Gand à Bruges,
tous les jours charians, deus cens chars qui menoient
or, argent, vessellemenche, joiaux, draps, pennes et
30toutes richesses prises et levées à Bruges, de Bruges
à Gand; ne dou grant conquest et pillaige que Phelippes
d’Artevelle et li Gantois prisent là à celle prise
[241]241 de Bruges, à paines le polroit on prisier ne extimer,
tant i eurent il grant proufit.
§ 283. Quant chil de Gand heurent fait tout leur
bon de la ville de Bruges, il envoièrent de Bruges à
5Gand cinc cens bourgois des plus notables pour là
demorer en cause d’ostagerie, et François Acremen et
Piètre le Wintre et mil de leurs hommes, qui les convoièrent.
Et demora Piètres dou Bois capitaine de
Bruges, tant que chil mur, ces portes et chil fosset
10furent tous mis à l’onni, et adont se departi Phelippes
d’Artevelle à quatre mil hommes, et prist le chemin
d’Ippre et fist tant qu’il i parvint. Toutes manières
de gens issirent au devant de lui et le recueillirent
ossi honnourablement comme se ce fust leurs sires
15naturels qui venist premierement à terre, et se misent
tous à son obeïssance; et renouvella maïeurs et eschevins
et fist toute nouvelle loi. Et là vinrent ceulx des
chastelleries d’[oultre] Ippre, de Cassiel, de Berghes, de
Furnes et de Propringhe, qui tous se misent en son
20obeïssance et jurèrent foi et loiaulté à tenir ossi bien
comme à leur seigneur le conte de Flandres. Et, quant
il heut ensi exploitié et que il heut de tous l’asseurance,
et heut sejourné à Ippre huit jours, il s’en parti et s’en
vint à Courtrai, où il fut receu à grant joie, et s’i tint cinc
25jours et envoia ses lettres et messages à la ville d’Audenarde,
en eux mandant que il venissent devers lui
à obeïssance et que trop i avoient mis, quant il veoient
que tous li païs se tournoit avec ceulx de Gand, et il
demoroient derrière; et, se che ne faisoient, il se
30pooient bien venter que temprement il aroient le siège,
et jamais de là ne se partiroient si aroient la ville et
[242]242 la metroient tout à l’onni et à l’espée tout ce que
dedans trouveroient.
Quant ces nouvelles vindrent en Audenarde de par
Phelippe d’Artevelle, encores n’i estoit point venus
5messire Daniaux de Halluin, qui en celle saison en fu
cappitaine, et n’i estoient que les trois chevaliers dessus
nommés, qui respondirent franchement que il ne
faisoient compte des menaches d’u[n] varlet, fils d’un
brasseur de miel, et que l’eritaige de leur seigneur le
10conte de Flandres il ne pooient ne voloient pas donner
ne amenrir, mais le deffendroient et garderoient
jusques au morir. Ensi retourna li messages jusques à
Courtrai, et recorda à Phelippe d’Artevelle ceste response.
15§ 284. Quant Philippes d’Artevelle ot oï son message
ensi parler que ceulx de la garnison de Audenarde ne
faisoient compte de lui ne de ses menaces, si en fu
grandement courrouciés et jura que, quoi que il deust
couster au païs de Flandres, il n’entendroit jamais à
20autre chose si aroit pris et rué par terre toute Audenarde;
et disoit que de tout ce faire estoit bien en sa
poissance, puis que le païs de Flandres estoit enclins
à lui.
Quant il heut sejourné cinc ou sis jours à Courtrai
25et renouvellée la loi et de tous pris le feaulté et l’ommage,
ossi bien que se il fust conte de Flandres, il s’en
parti et retourna à Gand. A l’encontre de lui, on issi
à procession et à si grant joie que oncques li contes
leurs sires en son temps ne fu de trop receu ossi
30honnourablement comme il fu; et l’aouroient toutes gens
comme leur Dieu, pour tant qu’il avoit donné le conseil
[243]243 dont leur ville estoit recouvrée en estat et en poissance,
car on ne polroit mie dire la grant foison de
biens qui leur venoit par terre et par eaue de Bruges,
dou Dam et de l’Escluse. Uns pains, n’avoit pas trois
5sepmaines qu’il i valoit un viés gros, n’i valoit que
quatre mittes; li vins, qui valloit vint et quatre gros,
n’i valloit que deux gros. Toutes choses estoient à
Gand à meilleur temps que à Tournai ou à Valenchiennes.
10Phelippes d’Artevelle encharga un grant estat de
biaux coursiers et destriers, et avoit son sejour comme
uns grans princes, et estoit ossi estofféement dedans
son hostel que li contes de Flandres estoit à Lisle, et
avoit parmi Flandres ses officiers, baillifs, chastelains,
15recepveurs [et] sergens, qui toutes les sepmaines raportoient
la mise très grande devers lui à Gand, dont il
tenoit son estat, et se vestoit de sanguines et d’escarlattes,
et se fourroit de menu vairs, ensi que faisoit li
dus de Braibant ou li contes de Hainnau, et avoit sa
20chambre aux deniers où on paioit ensi comme li
contes; et donnoit aux dames et aux damoiselles disners,
souppers, banquets, ensi comme avoit fait dou
tamps passé li contes, et n’espargnoit non plus or et
argent que se il lui pleust des nues, et se escripsoit et
25nommoit en ses lettres Phelippes d’Artevelle, regars
de Flandres.
§ 285. Or a li contes de Flandres, qui se tient ens
ou chastel de Lisle, assés à penser et à muser, quant
il voit tout son païs plus que onques mais rebelle à
30lui, et ne veoit mie que de sa poissance singulière il
le puist recouvrer, car toutes les villes sont si en unité
[244]244 et d’un accord que on ne les en puet jamais roster, se
ce n’est par trop grant poissance, ne on ne parle par
tout son païs de Flandres de lui non plus en lui honnourant
ne recongnoissant à seigneur, que dont que il
5n’eust oncques esté. Or lui reviendra l’aliance que il a
au duc de Bourgongne, liquels a sa fille madame Marguerite
en mariage, dont il a des biaux enfans, bien à
point. Or est il heureux que li rois Charles de France
est mort et que il i a un jeune roi en France ou gouvernement
10de son oncle le duc de Bourgoigne, qui le
menra et ploiera du tout à sa voulenté, car, ensi
comme de l’osier que on ploie jeune autour de son
doi, et, quant elle est aagée, on n’en peut faire sa
voulenté, ensi est il dou jeune roi de France et sera,
15sicomme je croi, car il est de si bonne voulenté, et si se
desire à faire et à armer si croira son oncle de Bourgoingne,
quant il lui remonstrera l’orgueil de Flandres
et comment il est tenus de aidier ses hommes, quant
leurs gens veullent user de rebellion. Mais li rois
20Charles, ce supposent li aucun, n’en heust riens fait;
et, se aucune chose en eust fait, il eust attribuée la
conté de Flandres au demaine du roiaume de France,
car li contes n’estoit point si bien en sa grace que il
heust riens fait pour lui, se il ne sceust bien comment.
25Nous nous souffrerons à parler de [ces] devises, tant
que temps et lieux venrra, et dirons que li contes de
Flandres, qui se tenoit à Lisle depuis la grant perte
que il avoit eue devant Bruges et dedans Bruges, fist.
Il entendi que messires Jehans Bernages, messires
30Thierris d’Anvaing et messires Florens de Heule
tenoient la ville d’Audenarde et avoient tenu depuis la
dure besoingne de Flandres avenue devant Bruges, et
[245]245 bien sçavoit que [ces] trois chevaliers n’estoient mie
fors assés de resister contre la poissance de Flandres,
se il venoient là pour mettre le siège, ensi que on
esperoit que ossi feroient il hastivement. Adont, pour
5rafreschir la ville d’Audenarde et repourveoir de toutes
choses, li contes appella messire Daniel de Halluvin et
lui dist: «Daniel, vous en irés en Audenarde, je vous en
fois cappitaine, et aiés de vostre route cent et cinquante
lances de boines gens d’armes, cent arbalestriers et
10deus cens gros varlets à lances et à pavois. Si sonni[és]
de la garnison, car je vous en charge feablement, et
le faittes hastivement pourveoir de blés, d’avaines, de
chars sallées et de vins par nos bons amis et voisins
de Tournai. Il ne nous faulront point sceloncq nostre
15espoir.»—«Monsigneur, respondi li chevaliers, à
vostre ordonnance tout sera fait, et je en prans le faix
et la paine de la garde d’Audenarde liement, ne ja
mal n’i aviendra par moi ne par ma songne.»—«Je
le sçai bien,» dist li contes.
20§ 286. Ne demora gaires de temps puissedi que
messires Daniel de Halluin, establis capitaine souverain
d’Audenarde, s’en vint, à toute la charge que avoir
deubt et que baillie lui fu de par le conte, bouter
dedans la ville d’Audenarde, dont ceulx qui i estoient
25furent tous resjoïs; et i entrèrent le dis et setime jour
dou mois de mai et s’i tinrent toute la saison très
honnourablement, ensi que vous orrés recorder avant en
l’istoire.
Avoec messire Daniel de Halluvin estoient de gens
30d’armes messires Loïs et messires Ghillebers de
Lieureghien, messires Jehans de Helle, messires Florens
[246]246 de Heule, messires Blanchars de Calonne, li sires de
Rassenghien, messires G[e]rars de Marqueillies, Lambrot
de Lambres, Enguerrammet Zendequin, Morelet
5de Hallwin, Hanghenardin et plusieurs autres chevaliers
et escuiers de Flandres, d’Artois et de la chastelerie
de Lisle, et tant que il se trouvoient bien cent et
cinquante lances de bonnes gens d’armes, hardis et
entreprendans et tous reconfortés d’attendre le siège.
Messires Daniel de Halluvin, qui cappitaines estoit,
10n’encloï en la ville d’Audenarde avoec lui fors toute
fleur de gens d’armes, et bien li besoingna.
§ 287. Quant Philippes d’Artevelle, qui se tenoit à
Gand, entendi que ceulx d’Audenarde estoient ensi
rafreschi de gens d’armes et de pourveances, si dist
15que il i pourverroit de remède et que ce ne faisoit mie
à souffrir, car c’estoit trop grandement ou prejudice
et [des]honneur dou païs de Flandres que celle ville se
tenoit là ensi; et dist que il i venroit mettre le siège et
jamais ne s’en partiroit si l’aroit abatue et tous ceulx
20mors qui dedans estoient, chevaliers et autres. Adont
fist il un mandement par tout le païs de Flandres que
tous feussent apparilliés et venus le nuevime jour du
mois de juing devant Audenarde. Nuls n’osa desobeïr;
tous s’apparillièrent des bonnes villes de Flandres et
25dou Francq de Bruges, et vinrent mettre le siège devant
Audenarde, et s’estandirent par champs, par prés,
par marès tout à l’environ. Et là estoit Philippes d’Artevelle,
leurs souverains cappitaines, par qui il s’ordonnoient
tous, qui tenoit grant estat devant Audenarde.
30Adont fist il une taille en Flandres que chascuns
feus toutes les sepmaines pai[er]oit quatre gros; [si
[247]247 porteroit le riche le povre]. De ceste taille acquist et
assembla Philippes grant argent, car nuls ne nulle
n’[estoit] excusés ne deportés que il ne paiast; car il
avoit ses sergens espars parmi Flandres pour faire
5paier povres et riches, volsissent ou non. Et disoit on
que il avoit à siège devant Audenarde, quant il furent
tout assemblé dou païs de Flandres, plus de cent mille
hommes, et fisent ces Flamencq au dessus d’Audenarde
en l’Escaut fichier et planter grans [et] gros mairiens,
10par quoi point de navire de Tournai ne peust venir en
Audenarde. Et avoient de toutes choses en l’ost à
planté, halles de draps, de pelleteries et de merceries
et marchié tous les samedis; et leur apportoit on des
villages environ toutes choses de doulceurs, fruits,
15beurres, laitaiges, fromages, poullailles et autres
choses, et avoit en l’ost tavernes et cabarès ossi boins
et ossi plantureux comme à Bruges ou à Bruxelles, et
vins de Rin, de Poitou, de France, garnaces, malevaisées
et autres vins estranges et à bon marchié. Et
20pouoit on aler, passer, venir et retourner parmi leur
host saulvement et sans peril, voires ceulx de Hainnau,
de Braibant, d’Alemaigne et dou Liège, mais non
ceulx de France.
§ 288. Quant messires Daniaulx de Hallwin, capitaine
25d’Audenarde, entra premierement en la ville, il
fist toutes les pourveances departir onniement et donner
à chascun, scelon lui et à sa charge, sa portion, et
renvoia tous les chevaulx sur quoi il estoient venu, et
fist toutes les maisons près des murs abatre ou couvrir
30de terre pour le trait dou feu des canons, car en
l’ost il en avoient merveilleusement grant fuison; et
[248]248 fist toutes les femmes et les enfans et les anchiennes
gens logier ens es moustiers et plusieurs vuider la
ville; et ne demora gaires de chiens en la ville que
tous ne feussent mors ou jettés ens es fossés ou en la
5rivière. Si vous di que les compaignons qui là estoient
en garnison faisoient souvent de belles issues dou soir
et dou matin, et portoient à ceulx de l’ost grant
domaige. Et là avoit entre eulx deux escuiers d’Artois,
frères, Lambrot de Lambres et Tristan. Chil doi
10par plusieurs fois i fisent de grans apertises d’armes,
et ramenoient souvent des pourveances de l’host et des
prisonniers, voulsissent ou non leurs ennemis. Ensi se
tinrent il tout l’esté, et estoit l’intention de Philippe
d’Artevelle et de son conseil que il seroient là tant que
15il les affameroient, car à l’assaillir il leur cousteroit trop
grandement [de leurs gens], et fisent faire ceulx de Gand,
ouvrer et charpenter à force sur le mont d’Audenarde
un engin merveilleusement grant, liquels avoit vint piés
de large et vint piés jusques à l’estaige et quarante
20piés de long, et appelloit on cel engin un mouton,
pour jetter pierres de fais dedans la ville et tout effondrer.
Encores de rechief, pour plus esbahir ceulx de
la garnison d’Audenarde, il firent faire et ouvrer une
bombarde merveilleusement grande, laquelle avoit cinquante
25et trois pols de bée et jettoit quarreaux merveilleusement
grans, gros et pesans; et, quant celle
bombarde desclicquoit, on l’ooit par jour bien cinq
lieues loing et par nuit de dix, et menoit si grant tempeste
au desclicquer que il sambloit que tous les deables
30d’enfer feussent sur le chemin. Encores fisent
faire ung engien les Gantois et assoir devant la ville,
qui jettoit vint croiseules de cuivre tout boulant. De
[249]249 tels engiens, de canons, de bombardes, de truies et de
moutons se mettoient en paine ceulx de Gand de adomagier
ceulx de Audenarde; et de tout ce se confortoient
bellement les compaignons qui dedans estoient,
5et remedioient à l’encontre, et faisoient des issues
trois ou quatre la sepmaine, dont il avoient plus d’onneur
que de blasme et de proufit que de domaige.
§ 289. Entretemps que on seoit devant Audenarde,
se departirent bien douse cens hommes de l’ost et s’avisèrent
10que il iroient voir là le plat païs et abatre et fuster
les maisons des chevaliers qui issus de Flandres
estoient et venus demorer en Hainnau, en Braibant et
en Artois, eulx, leurs femmes et leurs enfans. Si acomplirent
tous leurs propos chil routier et fisent mout de
15desrois parmi Flandres, et ne laissièrent oncques maisons
ne ostels de gentils hommes, que tous ne feussent
ars et rués par terre. Et s’en vinrent de rechief à Male,
l’ostel dou conte, et le parabatirent, et trouvèrent le
repos où li contes avoit esté mis d’enfance, et le despechièrent
20par pièces, et le cuvelette où on l’avoit baignié
et la despechièrent ossi toute. Et abatirent la
chappelle et aportèrent la cloche, et puis s’en vinrent
[à] Bruges, et là trouvèrent il Piètre dou Bos et Piètre
le Wintre, qui leur fissent bonne chière, et, de ce que
25il avoient fait, il [leur] dissent que il avoient trop
bien exploitiet.
Quant chil routier se furent rafresqui quatre jours,
il prissent leur chemin vers le pont à Warneston, et
passèrent le rivière dou Lis et s’en vinrent devant le
30ville de Lille, et abatirent aucuns moulins à vent et
boutèrent le feu en aucuns villages devers Flandres.
[250]250 Adont s’armèrent cil de Lille et s’en vuidièrent à piet
et à cheval plus de quatre mille; et en i ot ratains de
ces Flamens: si en i eut des mors et des pris à qui on
trencha depuis à Lille les testes, et, se il euissent esté
5bien poursieui, ja piés n’en fust escapés. Toutesfois,
cil routier de Gand entrèrent en Tournesis et i fissent
moult de desrois et ardirent la ville de Helchin et des
autres villages environ qui sont dou roiaulme de
France, et retournèrent à tout grant proie au siège
10d’Audenarde.
Ces nouvelles vinrent au duc de Bourgongne, qui
se tenoit à Bapaumes en Artois, comment li Gantois
avoient courut, ars et pilliet sour le roiaulme de
France. Si en escripsi tantos tout le convenant li dus
15de Bourgongne devers son nepveut le roi de France,
qui se tenoit à Compiègne, et aussi au duc de Berri,
son frère, et au duc de Bourbon et au conseil dou roi,
afin que il en euissent avis, et ne vosist mie li dus de
Bourgongne que ce ne fust avenut et que li Flament
20euissent autrement fait, car il suposoit bien que encores
en conven[r]oit ensonniier le roi de France: autrement
ses sires li contes ne revenroit jamais à l’iretage
de Flandres; et ossi, tout considéré, ceste guerre le
regardoit trop grandement, car il estoit de par sa
25femme, après la mort de son signeur le conte, hiretiers
de Flandres.
§ 290. En che tamps se tenoit li contes de Flandres
à Hesdin. [Si] li fu recordé comment li routier de Gand
avoient esté à Malle et abatu l’ostel ou despit de lui,
30et le cambre où il fu nés arse, et les fons où il fu
batissiés rompus, et le repos où il fu couchiés enffes,
[251]251 armoiiés de ses armes, qui estoit tout d’argent, et la
cuvelette ossi où on l’avoit d’enffanche bagniet, qui
estoit d’or et d’argent, toute deschirée et aporté[e] à
Bruges, et là fait leurs galles et leurs ris; [ce] li vint
5et tourna à grant desplaissance.
Si eut li contes, lui estant à Hesdin, tamainte imagination,
car il veoit tout son païs perdu et tourné
contre lui, excepté Tenremonde et Audenarde, et ne
veoit nul recouvrier de nul costé, fors de la poissance
10de France. Si s’avisa, tout considéré, que il venroit
parler à son fil le duc de Bourgongne, qui se tenoit
à Bappaumes, et li remonstrer ses besongnes. Si se
departi de He[s]din et s’en vint à Arras, et là se
repossa deus jours. A l’endemain il vint à Bappaumes;
15si descendi à l’ostel dou conte, qui estoit siens, car
pour ce tamps il estoit contes d’Artois, car sa dame
de mère estoit morte. Li dus de Bourgongne, ses fils,
eut grant compation de lui et le reconforta moult
doucement, quant il l’eut oï complaindre, et li dist:
20«Monsigneur, par la foi que je doi à vous et au roi, je
n’entenderai jamais à autre cose si serés resjoïs [de
vos] mescances, ou nous parperderons tout le demorant,
car ce n’est pas bon ne cose deue de tel ribaudaille,
comme il sont ores en Flandres, laissier gouvrener
25un païs, et toute chevalerie et gentillèce en
poroit estre honnie et destruite, et en consequent
sainte crestiennetté.» Li contes de Flandres se reconforta
parmi tant que li dus de Bourgongne li eut en
convenant de aidier, et prist congiet à lui et s’en revint
30en la chitté d’Arras. A ce jour i tenoit li contes de
Flandres plus de deus cens hommes des bonnes villes
de Flandres [ostagiers], et estoient au pain et à l’aighe
[252]252 en diverses prisons, et leur disoit on tous les jours
que on leur trenceroit les testes, ne il n’en atendoient
autre cose. Quant li contes fu venus [à] Arras, il les fist
en l’onneur de Dieu et de Nostre Dame tous delivrer,
5car bien veoit, à ce qui avenoit en Flandres, que il
n’avoient nulles coupes, et leur fist jurer à estre bons
et loiaux envers lui, et puis leur fist delivrer à cascun
or et argent pour aler à Lille ou à Douai ou ailleurs, là
où mieux leur plairoit, dont li contes acquist grant
10grace. Et puis se departi li contes d’Arras, et s’en
retourna à He[s]din, et là se tint une espasse.
§ 291. Li dus de Bourgongne ne mist mies en oubli
les convenances qu’il avoit eues à son signeur de père,
le conte de Flandres. Si se departi de Bappaumes,
15messire Gui de la Tremoulle en sa compaignie et messire
Jehan de Viane, amiral de France, qui rendoient
grant paine de conseil à ce que li contes fust confortés;
et cil doi estoient li plus grant et li plus haut de
son conseil. Tant chevaucha li dus de Bourgongne
20avoecques sa route que il vint à Senlis, où li rois
estoit et si doi oncle, Berri et Bourbon. Si fu là
recheus à joie et puis demandés des nouvelles de
Flandres et dou siège d’Audenarde. Li dus de Bourgongne,
à ces premières parolles, en respondi moult
25sagement au roi et à ses oncles; et, quant che vint au
loisir, il traïst à une part son frère le duc de Berri, et
li remonstra comment cil Gantois orgilleux se mettoient
en paine de destruire toute gentillèce, et ja
avoient il ars et pilliet sus le roiaulme de France, qui
30estoit une cose moult prejudiciable, à la confusion et
vitupère dou roiaulme, et que on ne leur devoit mies
[253]253 souffrir. «Biaux frères, li dist li dus de Berri, nous
en parlerons au roi. Nous sommes, je [et] vous, li doi
plus hault de son conseil: le roi enfourmé, nuls n’ira
au devant de nostre entente; mais, à esmouvoir
5guerre le roi de France et le roiaulme à Flandres, qui
ont esté en bonne pais ensamble, il convient que il i
ait title et que li baron de France i soient conjoint.
Autrement nous en seriens demandé et encoupé, car li
rois est jones, et sévent bien toutes gens que il fera
10en partie ce que nous vorons et li consillerons. Se biens
l’em prendoit, la cose se paseroit en bien; se maus
li en venoit, nous en seriens demandé et trop plus
blasmé que li autre et à bonne cose, et diroit on partout:
«Veés les oncles dou roi, le duc de Berri et le
15duc de Bourgongne, comment il l’ont consilliet jovenement!
Il l’ont bouté en guerre et le roiaulme de
France, dont il n’eust que faire.» Pour quoi je di,
biau frère, que nous meterons ensamble le grigneur
partie des prelas et des nobles dou roiaulme de France
20et leur remonsterons, le roi present, vous personnellement
à qui il en touche pour l’iretage de Flandres,
toutes ces incidensses. Nous [verrons] tantos la generale
volenté dou roiaulme.» Respondi li dus de Bourgongne:
«Biaux frères, vous parlés bien, et ensi sera
25fait com vous le dittes.»
A ces parolles evous le roi, qui entra en la cambre
où si doi oncle estoient, un esprivier sus son puing, et
se feri en leurs parolles, et leur demanda moult liement
en riant: «De quoi parlés vous maintenant, mi
30bel oncle, en si grant conseil? Je le saroie volentiers,
se c’est cose que on puist savoir.»—«Oïl, Monsigneur,
dist li dus de Berri, qui fu avissés de parler,
[254]254 car à vous en apartient de ce conseil grandement. Veschi
vostre oncle, mon frère de Bourgongne, qui se
complaint à moi de ceulx de Flandres; car li villain de
Flandres ont bouté hors de leurs hiretages le conte de
5Flandres, leur signeur, et tous les gentils hommes, et
encores sont il à siège devant la ville d’Audenarde
plus de cent mille Flamens, qui ont là assis grant fuisson
de gentils hommes, et ont un cappitaine qui s’appelle
Phelippes d’Artevelle, pur Englois de corage,
10liquels a juret que jamais de là ne partira si ara sa
volenté de ceulx de sa ville, se vostre poissance ne
l’en liève, tant i a il reservé. Et vous, qu’en dites?
Volés vous aidier vostre cousin de Flandres à raquerir
son hiretage, que chil villain par orguoel et cruaulté
15li tollent et efforcent?»—«Par ma foi, respondi li
rois, biaus oncles, oïl, je en sui en très grant volenté,
et, pour Dieu, que nous i alons: je ne desir autre cose
que moi armer, et encores ne m’armai je onques. [Si]
me fault il, se je voel resgner en poissance et en honneur,
20aprendre les armes.»
Chil doi duc regardèrent l’un l’autre, et leur vint
grandement à plaissance la parolle que li rois avoit
respondu; et dist encores li dus de Berri: «Monsigneur,
vous avés bien parlé, et à ce faire vous estes
25tenus par pluiseurs raisons. On tient la conté de Flandres
dou demaine de France, et vous avés juré, et
nous pour vous, à tenir en droit vos hommes et vos
liéges, et ossi li contes de Flandres est vos cousins, et
si portés de ses cauches, par quoi vous li devés
30amour; et, puisque vous en estes en boine volenté,
ne vous en ostés jamais, et en parlés enssi à tous
ceulx qui vous en parleront, car nous asamblerons
[255]255 hastéement les prelas et les nobles de vostre roiaulme,
et leur remonsterons, present vous, toutes ces coses.
Si parlés ensi hault et cler que vous avés ichi parlé à
nous, et tout dirons: «Nous avons roi de haulte
5emprise et de bonne volenté.»—«Par ma foi!
biaux oncles, je voroie que che fust à dematin aler
celle part, car, de or en avant, che sera le plus grant
desir que je arai que je voise en Flandres abatre l’orgoel
des Flamens.» De ceste response orent li doi duc
10grant joie.
Adont vint là li dus de Bourbon. Si fu appellés des
deus dus, et li recordèrent toutes les parolles que vous
avés oïes et la grant volentet que li rois avoit d’aler
en Flandres, dont li dus de Bourbon ot grant joie. Si
15demorèrent les coses en cel estat, mais li rois escripsi,
et si oncle ossi, à tous les signeurs dou conseil dou
roiaulme de France, que il venissent sus un jour, qui
asignés i estoit, à Compiengne, et que là aroit parlement
pour les besongnes dou roiaulme de France. Tout
20obeïrent, che fu raisons, et sachiés que li rois estoit
si resjoïs de ces nouvelles et si pensieus en bien [acomplir
son plaisir], que il n’en pooit hors, et disoit trop
souvent que tant de parlemens tenoit on pour faire
bonne besongne: «Il me samble que, quant on voelt
25faire et emprendre aucune besongne, que on ne le
doit point tant demener, car, au detriier, on avisse
ses ennemis.» Et puis se dissoit encores oultre, quant
on li metoit devant les perils qui venir en pooient:
«Oïl, oïl; qui onques rien n’enprist riens n’achieva.»
30Enssi se divissoit li jovenes rois de France, et gengloit
à le fois as chevaliers et as escuiiers de sa cambre, qui
dalés lui estoient et qui le servoient. Or vous voel jou
[256]256 recorder de un songe qui lui estoit avenu en celle saisson,
lui estant en la citté de Senlis, et sur quoi il s’ordonna
de sa devise dou cerf vollant, sicom je fui adont
enfourmés.
5§ 292. Advenu estoit, point n’avoit lonc terme, au
jone roi Charle de France, entrues que il sejournoit
en la citté de Senlis, que, en dormant en son lit, une
vission li vint, et li estoit proprement avis que il se
trouvoit en la citté d’Arras, où onques à che jour
10n’avoit esté, et là estoit et toute la fleur de la chevalerie
de son roiaulme, et là venoit li contes de Flandres
à lui, qui li aseoit sus son poing un faucon pelerin
moult gent et moult biel, et li dissoit enssi: «Monsigneur,
je vous donne à bonne estrine ce faucon pour
15le milleur que je veïsse onques, le mieux volant, le
mieux et le plus gentieument cauçant et le mieux
abatant oisiaux.» De ce present avoit li rois grant
joie, et disoit: «Biaux cousins, grant merchis.»
Adont estoit il avis au roi que il regardoit sus le connestable
20de France, qui estoit dalés li, messire Olivier
de Clichon, et li disoit: «Connestables, alons, vous
et moi, as camps pour esprouver che gentil faucon
que mon cousin de Flandres m’a donné.» Et li connestables
respondoit: «Sire, alons.» Adont montoient
25il as chevaulx entre eus deus seulement, et venoient
as camps, et prendoit li connestables ce faucon de la
main dou roi, et trouvoient moult bien à voler et
grant fuisson de hairons. Adont dissoit li rois: «Connestables,
jettés l’oiseil, si verons comment il cachera
30et volera.» Et li connestables le jettoit; et cils faucons
montoit si haut que à paines le pooit il cuesir en l’air,
[257]257 et prendoit son chemin sus Flandres. Adont disoit li
rois au connestable: «Connestables, chevauchons
après mon oiseil; je ne le voel pas perdre.» Et li
connestables li acordoit, et chevauchoient, che estoit il
5vis au roi, au ferir des esperons parmi uns grans marès,
et trouvoient un bois trop durement fort et drut d’espines
et de ronses et de mauvais bos à chevauchier.
Là dissoit li rois: «A piet! à piet! nous ne poons
passer che bos à cheval.» Adont descendoient il et
10se mettoient à piet; et varlet venoient, qui prendoient
les chevaulx, et li rois et li connestables entroient en
che bos à grant paine, et tant aloient que il venoient
en une trop ample lande, et là veoient le faucon qui
cachoit hairons et abatoit, et se combatoit à eulx et
15eulx à lui; et sambloit au roi que ses faucons i faisoit
très grant fuisson d’apertisses et cachoit oisiaulx
devant lui et tant que il en perdoient la veue. Adont
estoit li rois trop courouchiés que il ne pooit sieuir
son oisel, et dissoit au connestable: «Je perderai
20mon faucon, dont je averai grant anoi, ne je n’ai loire
ne ordenance dont je le puisse reclamer.» En che sousi
que li rois avoit, li estoit vis que uns trop biaux chers
qui portoit douse [rains], et à elles, apparoit à iaulx
en issant hors de ce fort bois et venoit en celle lande,
25et s’enclinoit devant le roi; et li rois dissoit au connestable,
qui regardoit ce cerf à mervelles et en avoit
grant joie: «Connestables, demorés ichi; je monterai
sus che cerf qui se represente à moi, et sieurai
mon faucon.» Li connestables li acordoit. Là montoit
30li jones rois de grant volenté sus che cerf volant, et
s’en aloit à l’aventure après son faucon; et chils chers,
comme bien dotrinés et avissés de faire le plaisir dou
[258]258 roi, le portoit par desus les grans bois et les haulx
arbres. Et veoit que ses faucons abatoit oisiaux à si
grant plenté que il en estoit tous esmervilliés comment
il pooit ce faire, et sambloit au roi que, quant cils
5faucons ot asés volet et abatu de hairons et de oisiaux
tant que bien devoit souffire, li rois reclama son faucon;
et tantos cils faucons, comme bien duis, s’en
vint assir sus le poing dou roi. Et estoit vis au roi
que il reprendoit le faucon par les longnes et le metoit
10à son devoir, et cils cers ravaloit par desus ces bois
et raportoit le roi en la propre lande là où il l’avoit
encargié et où li connestables de France le atendoit,
qui avoit grant joie de sa venue. Et, sitos comme li
rois fu là venus et descendus, li cers s’en raloit et
15rentroit au bos, et ne le veoient plus; et là recordoit
li rois au connestable, che li estoit vis, comment il
li estoit avenu, et dou cerf comment il l’avoit doucement
porté. «Ne onques, dist li rois, je ne chevauchai
plus aise.» Et li recordoit encores la bonté de
20son faucon, comment il avoit abatu tant d’oisiaulx que
il en estoit esmervilliés, et li connestables l’ooit volentiers.
Adont venoient li varlet qui les poursieuoient,
qui ramenoient leurs chevaulx; si montoient sus, et
trouvoient un chemin bel et ample qui les ramenoit à
25Arras. Adont s’esvilloit li rois, et avoit grant mervelle
de celle vission, et trop bien li souvenoit de tout, et
le recorda à aucuns de ceulx de sa cambre, qui le
plus prochain li estoient; et tant li plaissoit li figure
de che cerf que à paines en imaginations il n’en pooit
30partir, et fu li une des incidenses premiers, quant il
descendi en Flandres combatre les Flamens, pour quoi
le plus il encarga en sa devise le cerf vollant à porter.
[259]259 Nous nos soufferons un petit à parler de li, et parlerons
de Phelippe d’Artevelle et des Flamens qui se
tenoient à siège devant la garnisson et ville d’Audenarde.
5§ 293. Phelippe d’Artevelle, quoi que il li fust bien
avenu en son commenchement de la bataille de Bruges
et que il euist eu là celle grace et celle fortune de
desconfire le conte et ceulx de Bruges, n’estoit mies
bien soutils de guerres ne de faire sièges, car de
10jonèche il n’i avoit point esté nouris ne introduis,
mais de pesquier à le verghe as pissons en la rivière
dou Lis et de l’Escaut. De cela faire avoit il estet
grans coustumiers, et bien le monstra, lui estant
devant Audenarde, car onques ne sceut la ville assir
15et quidoit bien, par grandeur et presomption qui
estoit en lui, que chil d’Audenarde se deuissent de
fait venir rendre à lui; mais il n’en avoient nulle
volenté, ainçois se portoient comme très vaillans gens,
et faissoient souvent [de belles] issues, et venoient
20escarmuchier as barrières à ces Flamens, et en
ochioient et mehaignoient, et puis si se retraioient
en leur ville sans damage; et de ces apertisses, issues
et envaïes Lambert de Lambre et Tristrans, ses frères,
et li sires de L[ieur]eghien en avoient grant renommée.
25Li Flament regardèrent que li fosset d’Audenarde
estoient larghe et rempli d’iaue: [si] ne les pooit [on]
aprochier pour asalir fors à grant paine. Si fu consilliet
et avisset entre iaulx que il asambleroient sus
les fossés grant fuisson de fagos et d’estrain, pour
30raemplir les fossés et pour venir jusques as murs et
combatre à eux main à main. Ensi comme il fu
[260]260 ordonné, il fu fait. On ala as bos lontains et prochains,
et commença on à fagoter fagos à grant plenté et à
aporter et à chariier sus les fossés et là faire moies,
pour plus esbahir ceulx de la garnison; mais li compaignon
5n’en faissoient compte, et disoient que, se
traïson ne couroit entre eulx de ceulx de la ville, il
n’avoient garde pour siège que il veïssent; et de ce
trait, messires Daniaux de Haluin, qui capitaine en
estoit, pour li oster de toutes doubtes, estoit si au
10desus de ceulx de la ville nuit et jour que il n’avoient
poissance, ordonnance ne regard [nul] sus eux, et
n’osoit nuls homs de la nation d’Audenarde, nuit ne
jour, aler sus les murs de la ville sans la compaignie
des saudoiiers estragniers: autrement, qui i fust trouvés,
15il estoit de corection ou point de perdre la teste.
Enssi se tint là li sièges tout che tamps, et estoient
li Flament en leur ost moult au large de tous vivres
qui leur venoient par mer et par les rivières, car il
estoient signeur de tout le païs de Flandres, et avoient
20ouvert et aparilliet les païs de Hollande, de Zellandes
et de Braibant et ossi une partie de Hainnau, car toudis
en larechin li villain et li païssant de Hainnau,
pour gaegnier, leur menoient en leur ost assés de
vivres.
25Chils Phelippes d’Artevelle avoit le corage trop plus
englois que franchois, et euist volentiers veu que il
se fuissent ahers et aloiiet avoecques le roi d’Engletière
et les Englois, par quoi, se li rois de France ne
li dus de Bourgongne venoient sus eux à main armée
30pour recouvrer le païs, il en fuissent aidiet et confortet
et consilliet. Et ja avoit Phelippes en son ost bien
deus cens Englès, archiers d’Engletière, liquel s’estoient
[261]261 emblet de leurs gages de Calais et là venu pour
gaegnier, desquels archiers il avoit grant joie, et
estoient cil très bien paiiet toutes les sepmaines.
§ 294. Phelippes d’Artevelle, pour coulourer son
5fait et pour veoir quel cose on disoit et diroit de lui
en France, se avisa que il escriproit et feroit escripre
le païs de Flandres au roi de France, en eux humeliant
et en priant que li rois se vosist ensonniier de eux
remettre en parfaite paix et amour envers leur signeur
10le conte. De ceste imagination il fu creux sitretos
comme il en parla à ses gens, et escripsi unes lettres
moult douces et moult amiables devers le roi de
France et son conseil; et les baillièrent [à] un mesagier
à cheval Phelippes et ses consaulx, et li disent que
15il s’en alast devers le roi de France et li baillast ces
lettres. Chil respondi que volentiers, et chevaucha
tant par ses journées que il vint à Senlis. Là trouva il
le roi et ses trois oncles; si delivra ses lettres. Li
rois les prist et les fist lire, present ses oncles et son
20conseil. Quant on les ot leutes et entendues, on n’en
fist que rire, et fu adont ordonné de retenir le mesagier
et dou mettre em prison pour tant que il estoit
venus en la presence dou roi sans sauf conduit; et
lors fu mis en prison et i demora plus de sis sepmaines.
25Phelippes d’Artevelle le sceut, car ses mesagiers
point ne retournoit: si le prist en grant indination,
et fist venir devant lui toutes les cappitaines de
l’ost, et leur dist: «Or, veés vous quelle honneur li
rois de France nous fait, quant si amiablement nous
30li avons escript, et sur ce il a retenu nostre mesagier!
Certainement, nous mettons trop longuement à nous
[262]262 fortefiier dou costé d’Engletière; [si] nous en poront
bien maulx prendre, car ne pensés ja dou contraire
que li dus de Bourgongne, qui est tout en France
maintenant et qui maine le roi enssi comme il voelt,
5car c’est uns enffes, doie laissier les besongnes avenues
en cel estat; certes nenil, et exemple par nostre
mesagier que il a retenu. Et si avons trop bien cause
et matère de envoiier en Engletière, tant pour le commun
pourfit de Flandres que pour nous mettre à seur et
10donner doubte à nos ennemis. Je voel bien, dist Phelippes,
que nous envoions en Engletière dis ou douse
de nos hommes des plus notables, par quoi la congnissance
en viengne en France, et que li rois et ses
consaulx quide que nous nos volons aloiier au roi
15d’Engletière, son aversaire; mais je ne voel mies que
tels aliances soient sitretos faites, se il ne nous besongne
autrement que il ne face encores; mais voel que nos
gens demandent au roi d’Engletière et à son conseil
d’entrée, et de ce avons nous juste cause de demander,
20la somme de deus cens mille viés escus que
Jaquemes d’Artevelle, mes pères, et li païx de Flandres
prestèrent jadis au roi d’Engletière, lui estant
devant Tournai, pour aidier à paiier ses saudoiiers,
et que on die au roi d’Engletière et à ses oncles et à
25tous leurs consaulx que la conté de Flandres generallement
et les bonnes villes de Flandres qui jadis fissent
ce prest, font de tout ce ravoir requeste et demande.
Et, quant on nous ara rendu et restitué che en quoi
li rois d’Engletière et li roiaulmes est par debte endebtés
30et tenus et obligiés envers nous, li rois d’Engletière
et ses gens aront belle entrée de venir en Flandres.
Encores vault mieux, che dist Phelippes, que nous nos
[263]263 aidons dou nostre que li estragnier, et jamais ne le
poons ravoir plus legierement que maintenant, car li
rois d’Engletière et li roiaulmes d’Engletière ne se
eslongeront mie de avoir l’entrée, l’amour, le confort
5et l’aliance d’un tel païs comme à present est la conté
de Flandres, car encores n’ont li Englès dessus les
bendes de mer mouvant de l’Escluse jusques à Bourdiaux,
excepté Callais, Chierebourc et Brest, nulle
entrée par où il puissent passer en France. [Si] leur
10venra li païs de Flandres grandement à point, car
Bretaigne, excepté Brest, leur est toute close, et est
li dus de Bretaigne jurés à estre bon François, et, se
il ne l’estoit, [si] le devenroit il pour l’amour de son
cousin germain, no signeur le conte de Flandres.»
15Adont respondirent tout cil qui entendu l’avoient et
qui à ce conseil estoient, et dissent: «Phelippe, vous
avés très bien dit et sagement parlé, et nous volons
que il soit enssi que vous l’avés ordonné et devisé, et
qui ordonnerait dou contraire, il ne voroit pas le
20pourfit de Flandres.»
§ 295. Phelippes d’Artevelle ne sejourna pas adont
longhement, mais ordonna sus che conseil et pourpos,
et en escripsi à Piètre dou Bos et à Piètre le Wintre,
qui estoient à Bruges cappitaines, et ossi à ceulx de
25Ippre et de Courtrai. Il sambla à cascun bon de enssi
faire: si furent esleu et avisé des bonnes villes de
Flandres de cascune un bourgois ou deux, et de la
ville de Gand sis. Et tout premiers François Acremen i
fu esleux, Rasses de le Vorde, Loïs de Vos, sire Jehan
30Scotelare, Martin Vandreware, Jacob de Brouère
et uns clers qui estoit esleus à estre evesques de
[264]264 Gand de par Urbain, car maistres Jehans de West,
qui avoit esté doiens de l’eglise Nostre Dame de Tournai,
avoit aviset en son tamps que on feroit un evesque
en Gand, qui posesseroit des pourfis que li evesques
5de Tournai i devoit avoir, mais en ce procurant il
estoit mors. Or estoit revenus avant uns clers de la
ville de Gaind et de très bon linage en Gand, qui s’appelloit
[Baude Quintin], et cil s’en ala avoecques leurs
gens en Engletière, et l’i envoia Phelippes d’Artevelle,
10pour aidier à faire ces traitiés, car il estoit de son
linage. Quant cil douse bourgois de Gand et de Flandres
furent tout ordonné et apparilliet et cargiet et
enditté de ce que il devoient faire et dire, si prissent
congiet à leurs gens et se departirent dou siège d’Audenarde
15environ l’entrée dou mois de jullet, et chevauchièrent
vers Ippre et de là à Bourbourc, et puis à
Gravelines, ét esploitièrent tant que il vinrent à Calais.
Le capitaine de Calais, messires Jehans d’Ewrues, les
requella liement quant il sceut que il voloient aler en
20Engletière, et les pourveï de nefs pasagière[s], et ne
sejournèrent à Calais que trois jours. Quant il se partirent,
et eurent [vent à] volenté et furent tantos à
Douvres, et chevauchièrent tant parmi Engletière que
il vinrent à Londres. Et partout estoient bien venut,
25especialment dou commun d’Engletière, quant il dissoient
que il estoient de Gaind, pour tant que li Gantois
s’estoient si bien porté que il avoient desconfit le
conte et se poissance et estoient signeur dou païs; et
dissoient que Gantois estoient bonnes gens.
30En che tamps que chil de Gand arivèrent à Londres,
estoit li rois d’Engletière et ses consaulx messires
Jehans de Montagut, messires Simons Burlé et messires
[265]265 Guillaumes de Biaucamp à Westmoustier, pour
ahireter messire Perducas de Labreth de toute la tère
et baronnie de Chaumont en Gascongne, laquelle tère
estoit en la main dou roi pour fair[e] ent sa volenté,
5et je vous dirai par quel manière. Messires Jehans de
Chaumont et messires Alixandres, ses frères, estoient,
grant temps avoit, mors sans hoirs; si estoit leurs
hiretages, selonc l’usage de Gascongne, retournés à
leur liége signeur, le roi d’Engletière. Li rois Edouwars
10dou tamps passet l’avoit donnet à messire Jehan Camdos,
et le tint tant comme il vesqui. Après sa mort, il
le rendi à messire Thumas de Felleton. Or estoit nouvellement
messires Thumas mors; si estoit la terre
en la main dou roi d’Engletière, laquelle terre ne
15pooit longhement estre sans gouvreneur demorant
sus, car elle joinst et marchist à la tère le signeur de
Labreth, qui pour che tamps estoit bons Frans. Si fu
regardé et avisé dou conseil le roi d’Engletière que
messires Perducas de Labreth, qui avoit servis les rois
20d’Engletière Edouwart et Richart et le prince et le
païs de Bourdelois bien et loiaument plus de trente
ans, estoit bien merites de avoir telle terre, et que il
le garderait bien et deffenderoit contre tout homme.
§ 296. Messires Perducas de Labreth, quant il rechut
25le don de la terre de Chaumont en Gascongne, dist
enssi au roi qui l’en pourveoit et ahiretoit, present les
nobles de son païs: «Sire, je preng et rechoi cel
hiretage pour moi et pour mon hoir, à condition telle
que contre tous hommes je vous servirai et ferai servir
30de mon hoir ensieuant, excepté contre l’ostel de
Labreth; mais contre cellui dont je sui issus ne
[266]266 ferai je ja guerre tant que on m’i voelle laissier
mon hiretage en paix.» Li rois et ses consaulx respondirent
que Dieux i eust part, et que enssi on li
deliveroit.
5Or vous dirai, puis que en ceste matère je sui, que
il avint de messire Perducas de Labreth. Quant il fu
venus en Gascongne et il eut pris la posession de la
terre, et que messires Jehans de Noefville, senescaulx
de Bourdiaulx et de Bourdelois pour le tamps, l’en
10ot mis en posession par la vertu des lettres dou roi
d’Engletière que il monstra, li sires de Labreth en ot
grant joie, car bien savoit que ses cousins ne li feroit
point de guerre. Et demorèrent ces terres de Labreth
et de Caumont toutes en paix, et tenoit à amour li
15sires de Labreth grandement son cousin, car il contendoit
à ce que après son dechiès il le vosist mettre
en posession des castiaulx qui sont en la baronniie
de Chaumont; mais Perducas n’en avoit nulle volenté,
et avint que il s’acoucha malades au lit de le mort.
20Quant il veï que morir le convenoit, il appella tous les
hommes de la terre et fist devant lui venir un sien
cousin, un jone escuier et bon homme d’armes, qui
s’appelloit [Perducet], et li dist: «[Perducet], je te
raporte, en la presence de mes hommes, toute la terre
25de Chaumont. Si soies bons Englès et loiaus envers le
roi d’Engletière, dont li dons m’en vient, mais je voel
que à l’ostel de Labreth, dont nous issons, tu ne faces
point de guerre, se il ne te sourquièrent ou efforcent.»
Li escuiers respondi liement, qui tint à grant che don:
30«Sire, volentiers.» Enssi fu [Perducès] de Labreth
sires de Chaumont en Gascongne, et morut messires
Perducas, qui en son tamps avoit esté uns grans capitains
[267]267 de gens d’armes et de routes; de li ne sai je
plus avant.
§ 297. Quant cil Gantois furent venu à Londres,
leur venue fu tantos segnefie au roi et à son conseil.
5On envoia devers eux pour savoir quel cose il voloient
dire. Il vinrent tout en une compaignie au palais à
Wesmoustier, et là trouvèrent premierement le duc
de Lancastre, le conte de Bouquighen, le conte de
Saleberi, le conte de Kemt, messire Jehan de Montagut,
10maistre d’ostel dou roi, messire Simon Burlé,
messire Guillaume de Windesore et la grigneur partie
dou conseil dou roi; et n’estoit mies li rois presens à
celle première venue. Ces gens de Gand et de Flandres
enclinèrent ces signeurs d’Engletière, et puis
15commencha li clers esleux de Gand à parler pour tous,
et dist enssi: «Mi signeur, nous sommes chi venu, et
envoiiet de par le bonne ville de Gand et tout le païs
de Flandres, pour avoir conseil, confort et aide dou
roi d’Engletière sus certains articles et bonnes raisons
20que il i a de aliances anchiennes entre Engletière et
Flandres. Si le[s] vollons renouveller, car il besongne
au païx de Flandres à present, car il est sans signeur
et n’ont les bonnes villes et li païx que un regard,
c’est uns homs qui s’appelle Phelippes d’Artevelle,
25liquels princhipaument se recommende au roi et à
vous tous qui estes de son conseil, et vous prie que
vous requelliés ce don en bien, car, où li rois d’Engletière
volra ariver en Flandres, il trouvera le païs
ouvert et aparilliet pour reposer, rafresquir et demorer
30tant comme il lui plaira, lui et ses gens, et pour
mener avoecques lui dou païx de Flandres cent mille
[268]268 hommes tous armés. Mais oultre, li païx fait requeste
que de deus cens mille viés escus que jadis Jakemes
d’Artevelle et les bonnes villes de Flandres prestèrent
au roi Edouwart de boine memoire au siège de Tournai
5et ensieuant au siège de Calais, il les voellent
ravoir, et est li intention des bonnes villes de Flandres,
anchois que les aliances passent oultre, que la somme
que dit est soit misse avant, et, là où elle le sera, li
rois d’Engletière et tout li sien pueent bien dire que
10il sont amit as Flamens et que il ont entrée à leur
volenté en Flandres.» Quant li signeur eurent oï ceste
parolle et requeste, il regardèrent l’un l’autre et commenchièrent
li aucun à sousrire. Adont parla li dus de
Lanclastre, et dist: «Biau signeur de Flandres, vostre
15parolle demande bien à avoir conseil, et vous vous
retrairés à Londres, et li rois se consillera sur vos
requestes, et vous en responderons tellement que bien
vous devera par raison souffire.» Chil Gantois respondirent:
«Dieux i ait part!» Adont issirent il
20hors de la cambre, et li signeur dou conseil demorèrent
qui commenchièrent à rire entre eux et à dire:
«Et ne avés vous oï ces Flamens et les requestes que
il ont faites? Il prient à estre consillié, conforté et
aidié, et dient que il leur besongne, et [si] demandent
25avoec tout ce à avoir nostre argent. Ce n’est pas
requeste raisonnable que nous paions et si aiderons.»
Lors se departi li consaulx sans riens plus avant adont
consillier, et assignèrent journée de estre de rechief
ensamble. Et li Gantois s’en retournèrent à Londres,
30et là se logièrent et s’i tinrent un grant tamps, car il
ne pooient estre respondu [du] roi ne de son conseil,
car li conssaus d’Engletière sus leurs requestes estoit
[269]269 en grant different et [tenoit] les Flamens à orguilleux
et presomptieux, quant il demandoient à ravoir deus
cens mille escus, si anchienne debte que de quarante
ans. Onques cose ne cheï si bien à point pour le
5roi de France, qui voloit venir sus Flandres, que ceste
cose fist qui fu enssi demenée, car, se li Flament
n’euissent point demandé la somme des florins dessus
dis et n’euissent singullèrement fors requis le roi d’Engletière
de confort et de aide, li rois d’Engletière fust
10venus en Flandres ou euist envoiiet si poissanment que
pour atendre à bataille, avoecques l’aide des Flamens
qui estoient adont tout ensamble, la poissance dou
plus grant signeur dou monde; mais il ala tout autrement,
dont il leur en mesvint, sicom vous orés recorder
15avant en l’istore.
§ 298. Nouvelles vinrent en France au conseil dou
roi que Phelippes d’Artevelle, qui avoit le corage
englois, et li païs de Flandres avoient envoiet en
Engletière une quantité de homes des villes de Flandres,
20pour faire aliances au roi d’Engletière et as
Englès; et couroit vois enssi que li rois d’Engletière à
poissance venroit en celle saisson ariver en Flandres,
et se tenroit en Gand. Ces nouvelles et ces coses estoient
assés à soustenir et à croire que li Flament se fortefieroient
25en aucune manière. Adont fu avissé ou conseil
dou roi que le messagier Phelippe d’Artevelle, que on
tenoit en prison, on deliveroit, et que au voir dire on
n’avoit nulle cause dou tenir. Si fu delivrés et renvoiiés
en Flandres et devant Audenarde, où li os
30estoit.
En che tamps avoient cil de Bruges pris des bourgois
[270]270 de Tournai et retenu et mis en prison, et monstroient
li Flament que il avoient ossi chier la guerre as
François comme la pais. Quant cil de Tournai veïrent
ce, si fissent tant que il atrapèrent et retinrent devers
5eux des bourgois de Courtrai, et les amenèrent prisonniers
à Tournai. Enssi se nourissoient haïnes entre
les Tournisiens et les Flamens. Toutesfois li signeur
de Tournai, qui ne voloient mies de leur fait avoir
10title de guerriier les Flamens qui estoient leurs voisins,
sans avoir commandement dou roi de France,
dont il n’avoient encores nul, avisèrent que il envoieroient
deus de leurs bourgois devant Audenarde parler
à Phelippe d’Artevelle, pour savoir se intention et
pour ravoir leurs bourgois et rendre ossi en escange
15ceulx qu’il tenoient. Si i furent esleu de aler, et i
alèrent, Jehan Bonenffant et Jehan [Pietart], et vinrent
au siège devant Audenarde, et parlèrent à Phelippe,
liquels, pour l’onneur de la citté de Tournai,
non pour le roi de France, sicomme il leur dist, les
20requelloit amiablement, «car li rois ne l’avoit pas
deservi ne aquis envers le païs de Flandres, quant un
mesagier pour bien envoié devers lui on avoit retenu
et mis en prison.»—«Sire, respondirent li doi
bourgois, vostre mesagier, vous le ravés.»—«C’est
25voirs, dist Phelippes, le plus par cremeur que autrement.
Or me dites, dist Phelippes, pour quelle besongne
vous venés maintenant ichi.»—«Sire, respondirent
li bourgois, c’est pour ravoir nos bonnes gens de
Tournai que on tient en prison à Bruges.»—«Ha!
30respondi Phelippes, se on les i tient, ossi tenés vous
de ceulx de Courtrai par devers vous. Vous ne devés
pas perdre à vostre venue; rendés nous les nostres,
[271]271 vous rarés les vostres.» Respondirent cil de Tournai:
«Vous parlés bien, et nous le ferons enssi.»
Là fu acordé de faire cel escange, et en escripsi Phelippes
à Piètre dou Bos et à Piètre le Wintre, qui se
5tenoient à Bruges, que on delivrast les bourgois de
Tournai que on tenoit en la Pière en prisson, et on
deliveroit à Tournai ceulx de Courtrai, car il s’en tenoit
bien à ce que la citté de Tournai en avoit ordonné et
escript. Enssi exploitièrent li doi bourgois de Tournai,
10et vous di que, quant che vint au congiet prendre,
Phelippes d’Artevelle leur dist enssi: «Entendés,
signeur, je ne vous voel mie trahir; vous estes de
Tournai, laquelle ville est toute liége au roi de France,
auquel nous ne volons avoir nul traitiet jusques à tant
15que Audenarde et Tenremonde nous seront ouvertes,
et ne revenés plus par devers nous ne renvoiiés, car
cil qui i venroient demor[r]oient; et contregardés vos
gens et vos marcheans de aler ne venir ne envoiier ne
marcander en Flandres, car, se il i vont, il seront
20retenu et li leurs pris, combien que il vaille; et, se li
nostre i vont, nous [les] abandonnons à estre pris et
retenus sans nul pourcas, car bien savons, quoi que
nous atendons, que li rois de France, vostres sires,
nous fera guerre.» Chil bourgois de Tournai entendirent
25bien ces parolles; si les retinrent et glosèrent, et
dissent que de tout ce, iaulx revenu à Tournai, il en
aviseroient la bonne ville et les gens. Si se departirent
dou siège d’Audenarde et retournèrent à Tournai;
si recordèrent tout ce que vous avés oï. Adont fu faite
30une deffense que nuls n’alast ne marcandast à ceulx
de Flandres sus à estre escheu en le indination dou
roi. Toutesfois li bourgois de Tournai, qui estoient
[272]272 prisonnier à Bruges, revinrent, et cil de [Courtrai]
furent renvoiiet. Enssi n’ossoit nuls marchans de Tournai
marchander as Flamens, mais, quant il leur convenoit
[avoir] des marcheandisses de Flandres, il les
5venoient querir ou acater à ceulx de Valenchiennes,
car cil de Hainnau, de Hollande et de Zellandes et de
Braibant et dou Liège pooient seurement aler demorer
et marchander par toute Flandres.
§ 299. Ensi se tint li sièges devant Audenarde
10grans et biaux, et toute celle saisson Phelippes d’Artevelle
et cil de Gand estoient logiet sus le mont
d’Audenarde, au lés deviers Hainnau; et là seoient li
engien et li grande bombarde qui jettoit les grans
[quariaux] et qui rendoit tel noise au descliquier que
15on l’ooit de sis lieues loing. Ens es prés desoulx
avoit on fait un pont sus l’Escaut de nefs et de cloies,
couvert d’estrains et de fiens, et par delà che pont
estoient logiet chil de Bruges, en remontant sus les
camps oultre le porte de Bruges. Après estoient logiet
20cil de Ippre et de Courtrai, de Popringhe et de Cassel
et dou Franc de Bruges, et comprendoient le tour de
la ville en rallant jusques à l’autre part de l’Escaut.
Enssi estoit toute la ville de Audenarde environnée,
et quidoient bien par tel siège li Flament afamer ceulx
25de dedens, mais à le fois li compaignon issoient et
faissoient des envaïes. Une eure perdoient, l’autre
gaagnoient, ensi comme à tels besongnes li fait d’armes
aviennent; mais toutesfois d’assaus n’i avoit nuls fais,
car Phelippes ne voloit pas follement aventurer ses
30gens, et dissoit que tout sans asallir il aroient la ville
et que par raison elle ne se pooit tenir longhement,
[273]273 quant il n’estoient conforté ne ne pooient estre de nul
costé, ne à paines uns oisellès ne [volast] mies en Audenarde
que il ne fust veus de ceulx de l’ost, tant bien
avoient il environné la ville à tous lés.
5§ 300. Or retournons au roi de France et à son conseil.
Li oncle dou roi et li consaulx de France avissèrent
pour le mieux que il envoieroient à Tournai
aucuns prelas et chevaliers dou roiaulme, pour traitier
à ces Flamens de Flandres et pour savoir plus
10plainement leur entente. Si furent esleu et ordonné
de venir à Tournai messires Milles des Dormans,
evesques de Biauvais, li evesques d’Auchoire, li evesques
de Laon, messires Guis de Honcourt et messires
Tristrans dou Bos; et vinrent chil à Tournai comme
15commissaire de par le roi de France, et là s’arestèrent.
Quant il furent venu, asés nouvellement estoient
retourné de l’ost de devant Audenarde Jehan Bonenfant
et Jehans Pietars, qui remonstrèrent à ces prelas
et chevaliers commissaires dou roi comment Phelippes
20d’Artevelle, au congiet prendre, leur avoit dit et que
li Flament n’entenderoient jamais à nul tretiet jusques
à tant que Audenarde et Tenremonde leur seroient
ouvertes. «Bien, respondirent li commissaire, se
chils Phelippes, par orguoel et beubant dont il est
25plains, fait sa grandeur, espoir, che n’est pas li acors
des bonnes villes de Flandres. Si escriprons à Bruges,
à Gand, à Ippre, et envoierons de par nous à cascune
ville une lettre et un mesagier. Par aucune voie faut il
entrer ens es coses, puis que on les voelt commenchier,
30et nous ne sommes pas chi venut pour guerriier, mais
pour traitiier envers ces maleois Flamens.» Adont
[274]274 escripsirent cil commissaire trois lettres as trois villes
et princhipaux de Flandres, et i mettoient en cascune
Phelippe d’Artevelle en ligne et ou premier chief. Si
contenoient les lettres enssi:
5§ 301. «A Phelippe d’Artevelle et à ses compaignons
et as bonnes gens des trois bonnes villes de Flandres
et le Franc de Bruges.
«Plaise vous savoir que li rois, nostres sires, nous
a envoiiés en ces parties en espèce de bien, pour paix
10et acord faire, comme souverain signeur, entre noble
prinche, son cousin, monsigneur de Flandres, et le
commun païs de Flandres; car renommé[e] queurt que
vous querés à faire aliance au roi d’Engletière et as
Englès, laquelle cose seroit contre raison et ou prejudice
15dou roiaulme de France et de la couronne, et
ne le poroit le roi souffrir aucunement. Pour quoi nous
vous requerons de par le roi que vous voelliés à nous
baillier sauf conduit, alant et venant, pour ceste pais
faire amener à bonne conclusion, sique le roi vous en
20sache gré, et nous rescripsiés response de vostre
intention. Nostres Sires vous voelle garder. Escript à
Tournai, le sesime jour de octembre.»
§ 302. Quant ces trois lettres, toutes contenans une
meïsmes cose, furent escriptes et seellées, on les
25bailla à trois hommes, et leur fu dit: «Vous irés à
Gand, et vous à Bruges, et vous à Ippre, et nous
rapporterés response.» Il respondirent: «Volentiers
response vous rapporterons nous, se nous le poons
avoir.» A ces mos il partirent, et ala cascuns son
30chemin. Quant cil de Gand vint à Gand, pour ce jour
[275]275 Phelippes d’Artevelle i estoit; autrement cil de Gand
n’euissent point ouvert la lettre sans lui. Il l’ouvri et
le lissi; et, quant il l’eut leu, il n’en fist que rire et
se parti assés tos de Gand, et s’en retourna devant
5Audenarde, et enporta la lettre avoecques li; mais li
mesagiers demora em prison à Gand. Et, quant il fu
venus devant Audenarde, il appella le signeur de Harselles
et aucuns de ses compaignons, et leur lissi la
lettre des commissaires, et dist: «Il samble que
10ces gens de France se truffent de moi et dou païx de
Flandres. Ja avoie je dit as bourgois de Tournai, quant
il furent avant hier chi, que je ne voloie mais oïr nulles
nouvelles de France ne entendre à nul traitié que on
me peuist faire, se Audenarde et Tenremonde ne
15nous estoient rendues.» A ces mos vinrent nouvelles
de Bruges et de Ippre des cappitainnes qui là estoient,
comment ossi on leur avoit escript, et que briefment
li mesagier qui ces lettres avoient aportées estoient
retenu ens es villes et mis en prison. «Ce est bien
20fait,» che dist Phelippes. Adont busia il sus ces
besongnes un petit, et, quant il eut merancoliet une
espasse, il s’avisa que il rescriproit aus commissaires
dou roi de France. Si rescripsi unes lettres; si avoit en
le superscrision: «A très nobles et discrés signeurs
25les signeurs commissaires dou roi de France.
§ 303. «Très chiers et poissans signeurs, à vostres
très nobles discreptions plaise vous savoir que nous
avons recheu amiables lettres à nous envoiies de très
exellent signeur Charles, roi de France, faissans mention
30comment vous, très nobles signeurs, estes envoiiet
de par lui par dechà pour traitier de paix et d’acord
[276]276 entre nous et haut prince monsigneur de Flandres et
son païs, et par le roi devant dit et sen [conseil] aians
plaisance de ce conduire et acomplir, siques ceux de
Tournai, nos chiers et boins amis, nous tesmongnent
5par leurs lettres patentes par nous veues. Et, pour ce
que li rois escripst que à lui moult desplaist et a despleut
que li discors ont si longhement esté et encores
sont, dont nous avons grant mervelle comment che
puet estre, en tamps passé, quant la ville de Gand fu
10asisse et la paix d’Audenarde n’estoit de nulle valeur,
et ossi quant nous dou commun conseil des trois
bonnes villes de Flandres à lui escripsimes, sicom à
nostre souverain signeur, que il vosist faire la paix et
acord, que adont ne li pleut en otant faire enssi que il
15nous samble maintenant que volentiers feroit. Et aussi
en telle manière avons receu unes lettres patentes contenans
que deus fois nous avés escript que vous estes
venu, dou roi devant dit chargiet, sicomme chi dessus
est declairiet; mais il nous samble que, selonc nostre
20response à vous sur ce envoie, que nous avons volenté
d’entendre au traitiet ce que fermement nul traitiet
n’est à querre entre nous et le païs de Flandres, se
ce n’est que les villes et forterèches, à la volenté de
nous, regars de Flandres et de la dite ville de Gaind,
25fremée[s] contre le païx de Flandres et nomméement
et expresséement contre la bonne ville de Gand, dont
nous sommes regard, seront descloses et ouvertes à
la volenté de nous, regars, et de la dite ville. Et, se
ce estoit, nequedent ne poriens nous traitier à la
30manière que vous le requerés, car il nous samble que
li rois ou nom de vous a et puet asambler en l’aide de
son cousin, nostre signeur, grant poissance, car nous
[277]277 savons et veons que fauseté i a, enssi comme autrefois
i a eu. Dont nostre intention est de ce estre seur et
sur nostre garde et deffence, sicomme nous sommes
après atendans. Il trouvera l’ost apparilliet pour lui
5deffendre contre ses ennemis, car nous esperons, à
l’aide de Dieu, avoir victore, enssi comme autrefois
avons eu à vous, oultre donnant à entendre que
renommée est que vous avés entendu que nous ou
aucuns de Flandres traitent aliances envers le roi
10d’Engletière, et que nous esrommes pour ce que nous
sommes subjet à la couronne de France et que li rois
est nostre signeur souverain à qui nous sommes tenu
de nous i aquiter; ce que fait avons, en tant que en
tamps passé à lui avons envoiiet nostres lettres, ensi
15comme à nostre signeur souverain, enssi que il vosist
faire la pais; et sur quoi il pas ne respondi, mais nos
mesagiers fu pris et detenus, ce que grant blasme nous
sambloit de tel signeur. Et encores li est plus grans
blasmes [et fait] à blasmer que desour ce il a à nous
20escript sicomme souverain signeur, et il ne nous daigna
envoiier response, quant à lui escrisimes comme à
nostre souverain signeur. Et, pour tant que adont che
ne li pleut à faire, pensames nous à querir le pourfit
dou païs de Flandres à qui que ce fust à faire, sicomme
25fait avons. Nientmains que aucune cose en est encore,
pora li rois bien venir à tamps à manière que toutes
forterèces soient ouvertes, et pour ce que nous
deffendesimes ceux de Tournai, quant darrainement
furent en nostre ost, que nuls ne venroit mais en telle
30manière cargiés de lettres ne de bouce sans avoir sauf
conduit, et oultre se sont venut portant lettres, sans
sent ne consent de nous, à Gand et à Bruges [et à
[278]278 Ippre], si avons les mesagiers fait prendre et detenir,
et leur aprenderons à porter lettres tellement que
autres i prenderont exemple, car nous sentons que
traïson aquerés, especiaulment pour moi, Phelippe
5d’Artevelle, dont Dieux me voelle deffendre, et aussi
faire et mettre discord ou païs. Pour quoi nous vous
laissons savoir que de ce ne vous travilliés plus, se ce
n’est que les villes devant dites soient ouvertes, che
que briefment, à l’aide de Dieu, elles le seront, liquels
10vous ait en sa sainte garde. Escript devant Audenarde,
le vintime jour dou mois d’octembre, l’an mille trois
cens quatre vins et deus. Phelippe d’Artevelle,
regard de Flandres, et ses compagnons.»
§ 304. Quant Phelippes d’Artevelle eut enssi escript,
15present le signeur de Harselles et son conseil, [si]
leur sambla que riens n’i avoit à amender, et seellèrent
la lettre, et puis regardèrent [à] qui il le bailleroient.
Bien savoient que, se nuls de leur costé apa[r]tenans
à eulx portoit ces lettres à Tournai, il seroit
20mors ou retenus, pour tant que il tenoient les trois
mesagiers des commissaires en trois villes en prison.
Si demanda Phelippes: «Avons nous nul prisonnier
de ceulx d’Audenarde?» On li respondi: «Oïl, nous
avons un vallet qui fu hier pris à l’escarmuce, mais il
25n’est pas d’Audenarde; il est d’Artois, vallès à un
chevalier d’Artois, messire G[e]rart de Marquillies,
sicomme il dist.»—«Tant vault mieux, dist Phelippes,
faites le venir avant; il portera ces lettres, et
parmi tant il sera delivrés.» On le fist venir avant.
30Adont l’appella Phelippes et li dist: «Tu ies mon prisonnier,
et te puis faire morir, se je voel, et tu en as
[279]279 esté en grant aventure; et, puis que tu es chi, tu seras
delivrés parmi tant que tu m’aras en convenant sour
ta foi que ces lettres tu me porteras à Tournai et les
bailleras as commissaires dou roi de France que tu
5trouveras là.» Li varlès, quant il l’oï parler de sa
delivrance, ne fu onques si liés, car il quidoit bien
morir; si dist: «Sire, je vous jure par ma foi que je
les porterai là où vous volrés, se ce estoit pour porter
en infier.» Et Phelippes commencha à rire et dist:
10«Tu as trop bien parlé.» Adont li fist il baillier deux
escus et le fist convoiier tout hors de l’ost et mettre
ou chemin de Tournai.
Tant exploita li varlès et tant chemina que il vint à
Tournai et entra ens es portes, et demanda où il trouveroit
15les commissaires; on li dist que il en oroit
nouvelles sus le marchiet. Quant il fu venus sus le
marchiet, on li enseigna l’ostel de l’evesque de Laon:
il se traïst celle part, et fist tant que il vint devant
l’evesque, et se mist en genous et fist son mesage bien
20et à point. On li demanda des nouvelles de Audenarde
et de l’ost. Il respondi ce qu’il en savoit et compta
comment il estoit prisonniers, mais on l’avoit en l’ost
delivret pour tant que il avoit aporté celle lettre. On
li donna à disner; entrues que il disnoit, il fu très bien
25examinés des gens de l’evesque. Quant il ot à grant
loisir disné, il se parti. Li evesques de Laon ne volt
mies ouvrir ces lettres sans ses compaignons, et envoia
devers eux; et, quant il furent tout troi li evesque et
li chevalier ensamble, on ouvri ces lettres: si furent
30leutes à grant loisir, et bien examinées et considérées.
Adont parlèrent il ensamble, et dissent: «Cils Phelippes,
à ce que il monstre, est plains de grant orguoel
[280]280 et presomption, et petitement amire la majesté roial
de France; il se confie en la fortune que il eut pour
li devant Bruges. Quel cose est il bon, ce dissent
5il, en chechi à faire?» Lors consillièrent il longhement,
et, eux consilliet, il dissent: «Li prevos et
li juret et li consaulx de Tournai, en quelle citté nous
sommes, sevent bien que nous avons envoiiet à Phelippe
d’Artevelle et aux villes de Flandres: s’est bon
que il oent la response telle que Phelippes nous fait.»
10Chils consaulx fu tenus. Messires Tristrans dou Bos,
gouvernères de Tournai, envoia querir les prevos [et
jurés]; on ouvri la halle, on sonna la cloque: tout cil
dou conseil vinrent. Quant il furent venu, on lissi et
relissi par deus ou par trois fois tout generalement
15ces lettres. Li sage se mervilloient des grosses et
presomptieuses parolles qui dedens estoient. Adont fu
consilliet que la copie de ces lettres [demorroit] à Tournai,
et li commissaire dedens deus ou trois jours s’en
retourneroient devers le roi et i reporteroient ces
20propres lettres seellées dou seel Phelippe d’Artevelle.
Atant se departi cils consaulx, et s’en retourna cascuns
en son hostel.
§ 305. Phelippes d’Artevelle, qui se tenoit à host
devant Audenarde, enssi comme vous savés, ne se
25repentoit mies de ce se durement et poindanment il
avoit escript en aucunes manières aux commissaires
dou roi de France, mais il se repentoit de ce que
parellement ou plus doucement il n’avoit escript aux
prevos et jurés de Tournai, en faindant et en monstrant
30amour, quoique petit en i eust. Par voie de
disimulation il dist que il i escriroit, car il n’i voroit
[281]281 mie nourir toute le haïne ne male amour que il poroit
bien. Si escripsi Phelippes en le fourme et manière
comme chi s’enssieut, et fu li supercription telle: «A
honnerables et sages nos chiers et bons amis les prevos
5et jurés de la ville et cité de Tournai.
§ 306. «Très chier et bon ami, vous plaise savoir
que nous avons recheu unes lettres mention faissant
de deus vos bourgois et manans, portant lettres à
Gand et à Bruges des commissaires dou roi de France,
10pris et detenus par nous, pour avoir hors de prison
à la prière de vous, par quoi la bonne amour
et afection qui est, et, se Dieux plaist, perseve[r]ra
entre vous et le commun païx de Flandres, soit de
tant plus perseverée; laquelle amour, très chier amit,
15nous samble bien petite, car à nostre connissance est
venu que li rois de France, li dus de Bourgongne, li
dus de Bretaigne et pluiseur autre grant signeur
assamblent forment pour venir en l’aide de monsigneur
de Flandres sour le païs de Flandres et pour
20avoir le dit païs pour combatre, nonobstant les lettres
que il à nous envoiièrent pour traitier pais et acord:
ce que à nous ne samble pas voie faisable, à ceux
appartenant: dont nous sommes sour nostre garde
et deffence, et serons d’ores en avant de jour et de
25nuit. Et tant que des prisons vos bourgois, si sachiés
que nous les detenrons devers nous tant que nous
sarons le vrai de l’asamblement des signeurs et que
à nous aplaira de eux delivrer, car vous savés que,
quant vos bourgois furent darainement en Flandres
30pour trouver la pais, que là fu dit, ordonnet et commandet
que on n’envoieroit mais nulle personne, ne
[282]282 par lettres ne autrement, à savoir est sans sauf conduit,
che que li signeur commissaire là estant ont
fait, pour faire discort et content ou dit païx. Si vous
prions, chiers amis, que ne voelliés plus envoiier nulle
5personne en Flandres de vos bourgois ne de autres
de par les dis signeurs; mais, se aucune cose vous
plaist, à vous touchant ou à vos bourgois, ce que nous
porons faire, nous rechepverons vos besongnes en
telle manière comme nous volriens que les nostres
10fuissent recheues par vous, en qui nous avons aucunement,
en ce cas et en plus grant, fiance, sicom
on doit avoir en ses bons voisins; et est nostre
intention, et generallement dou païx de Flandres,
que tout marceant et leurs marceandisses passent
15et voissent sauvement de l’un païs en l’autre, sans
eux ne aux marceandisses riens fourfaire. Et Dieux
vous gard! Escript en nostre ost devant Audenarde,
le vint et troisime jour dou mois d’octembre, l’an mil
trois cens quatre vins et deus. Phelippes d’Artevelle,
20regard de Flandres, et ses compaignons.»
§ 307. Au chief de trois jours apriès ce que la première
lettre fu envoiie aux commissaires dou roi,
enssi que li seigneur de Tournai estoient en [la] halle
asamblé en conseil, vinrent ces secondes lettres, et
25furent aportées par un varlet de Douai, sicom il disoit,
que cil de [Gand] estant au siège devant Audenarde
leur envoioient. Les lettres furent recheues et portées
en halle, et li commissaire appellet, et là furent leutes
à grant loisir et consillies. Finablement li commissaire
30dissent ensi as provos et jurés de Tournai, qui
demandoient conseil de ces besongnes: «Signeur,
[283]283 nous vous dissons pour le mieux que vous n’aiiés nulle
aquintance ne canlandisse à ceux de Flandres, car on
ne vous en saroit gret en France; ne ne ouvrés ne
rechevés mais nulles lettres que on vous envoie de che
5lés là, car, se vous le faites et on le scet au conseil
dou roi, vous en recheverés blasme et damage, et
sera grandement ou prejudice dou roiaulme. Chils Phelippes
d’Artevelle monstre et nous enseigne par ses
escripsions que il ne fait pas grant compte dou roi ne
10de sa poissance; mais se laira trouver au debout de
la conté de Flandres, qui est hiretages au conte, à
toute sa poissance. Che sont parolle[s] impetueuses
et orguilleuses, et li rois et monsigneur de Bourgongne
en aront à nostre retour grant indignation; si ne
15demo[r]ront pas les coses longhement en cel estat.»
Et cil de Tournai respondirent que par leur conseil
il perseve[r]roient et que, se à Dieu plaisoit, il ne
feroient ja cose dont il fussent repris. Depuis ne
demora que trois jours que li commissaire partirent
20de Tournai, et s’en retournèrent devers le roi, et le
trouvèrent à Peronne, et ses trois oncles les dus dallés
lui, Berri, Bourgongne et Bourbon.
§ 308. Le jour devant estoit là venus li contes de
Flandres, pour remonstrer ses besongnes au roi et à
25son conseil, et pour relever la conté d’Artois, en quoi
il estoit tenus, car encores ne l’avoit il point relevée.
Si en estoit il contes par la sucession de la contesse
d’Artois, sa mère, qui estoit morte en l’anée. Quant
chil commissaire furent venu, li consaulx dou roi se
30mist ensamble, present le jone roi, et là furent leutes
les deus lettres dessus dites que Phelippes d’Artevelle
[284]284 et cil de Flandres avoient envoiies à Tournai. De ce
que on les converti en grant mal et que il fu dit que,
en le nouveleté dou roi de France, si grans orgieux
qui estoit en Flandres ne faissoit mies à souffrir ne à
5soustenir, de ce ne fu pas li contes de Flandres courouchiés,
che fu raisons, car bien veoit et congnissoit
que, sans l’aide et poissance dou roi de France, il ne
pooit jamais retourner à son hiretage de Flandres. Si
fist là li contes de Flandres au roi, present son conseil,
10ses complaintes bien et à point, et fu bien oïs et respondus
en dissant des dus: «Cousins, des Flamens ne
poés vous à present dire ne parler de nul raisonnable
traitiet, sicom il appert par leurs [lettres] seellées,
et sont orgilleux et presomptieux et trop fourfait,
15quant il querent aliances à estragne signeur tel comme
le roi d’Engletière, qui est nostres aversaires; et ce ne
sera point soustenu, mais les ira li rois hastéement
combatre, et de che soiés tous asseurés.» Lors se offri
et presenta li contes de Flandres au roi de relever la
20conté d’Artois, enssi comme à son naturel signeur et
que il le devoit faire. Li rois fu consilliés de respondre
et dire enssi: «Contes, vous retournerés en Artois,
et tremprement nous serons à Arras, et là ferés vous
vostre devoir, presens les pers de France, car mieux
25ne poons nous monstrer que la querelle est nostre
que de aprochier nos ennemis.»
Li contes se contempta moult de ceste response, et
se parti de Peronne trois jours après, et s’en retourna
en Artois, et vint à Hesdin. Et li rois de France, comme
30chils qui de grant volenté voloit venir en Flandres et
abatre l’orgoel des Flamens, enssi que autrefois si
predicesseur avoient fait, mist clers en oevre à tous
[285]285 lés et envoiia lettres et mesagiers et mandemens qui
s’estendirent par toutes les parties de son roiaulme,
en mandant que tantos et sans delai cascuns venist
vers Arras pourveux au mieux que il peuist, car au
5plaisir de Dieu il voloit aler combatre les Flamens en
Flandres. Nuls sires tenant de lui n’osa desobeïr, mais
fissent leurs mandemens de leurs gens, et s’aparillièrent
et se departirent li lontaing d’Auvergne, de
Roerghue, de Quersin, de Toulousain, de Gascongne,
10de Limosin, de Poito, de Sainctonge, de Bretaigne et
d’autre part, de Bourbonnois, de Forois, de Bourgongne,
de la Daufiné, de Savoie et de Loeraingne,
de Bar et de tous les circuités et chaingles dou
roi[aume] de France et des tenances. Et tout avaloient
15aval vers Artois: là se faissoit li amas des gens d’armes
si grans et si biaux que mervelles estoient à considerer.
§ 309. Li contes de Flandres, qui se tenoit à He[s]din
et qui tous les jours ooit nouvelles dou roi et dou
20duc de Bourgongne et dou grant mandement qui se
faissoit en France, fist une deffense par tout Artois
ou plat païs que nuls, sus à perdre corps et avoir, ne
traisist ne mesist hors de son hostel, en forterèce ne en
bonne ville, cose que il euist, car il voloit que les gens
25d’armes fuissent aissiet et servit de ce qui estoit ou
plat païs. Adont s’en vint li rois en Arras, et là s’aresta;
et les gens d’armes de tous lés venoient et aplouvoient
tant et si bien estofé que ce estoit grant biauté dou
veoir, et se logoient enssi comme il venoient sus le
30plat païs, et trouvoient les granges toutes plaines et
bien pourveues, lesquels pourveances leur venoient
[286]286 bien à point, car tout estoit abandonné, et li corps
des grans signeurs se logoient ens es bonnes villes.
Adont vint li contes de Flandres en Arras, et conjoï
grandement le roi et les signeurs qui là estoient venu,
5et fist là hommage au roi, present les pers qui là
estoient, de la conté d’Artois, et li rois le rechut à
homme, et li dist: «Biaux cousins, se il plaist à Dieu
et à saint Denis, nous vous remeterons temprement
en l’iretage de Flandres, et abaterons tellement l’orguoel
10de ce Phelippe et de ses Flamens que jamais
[n’aront] cure ne poissance de eulx reveler ne relever.»
—«Monsigneur, dist li contes, je i ai bien
fiance, et vous i aque[r]rés tant d’onneur et de grace
que à tous les jours dou monde vous en serés prisiés,
15car maintenant voirement est li orgieux moult grans
en Flandres.»
§ 310. Phelippes d’Artevelle, lui estant [au siège]
devant Audenarde, estoit tous avisés et enformés
comment li rois de France voloit à poissance venir sur
20lui. Par samblant il n’en faissoit compte, et disoit à ses
gens: «Mais par où quide cils roitiaux entrer en Flandres?
Il est encores trop jones d’un an, quant il nous
quide esbahir par ses asamblées. Si ferai tellement
garder tous les passages et les entrées de Flandres
25que il ne sera mies en leur poissance que il se voient
de ceste anée dechà le rivière dou Lis.» Adont manda
il à Gand le signeur de Harselles que il venist devant
Audenarde: il vint. Quant il fu venus, Phelippes li
dist: «Sires de Harselles, vous savés bien et entendés
30tous les jours comment li rois de France se apparelle
pour nous destruire; il faut que nous aions avis
[287]287 et conseil sur ce. Vous demor[r]és chi et tenrés le
siège, et je m’en irai à Bruges et à Ippre aprendre
encores mieux des nouvelles, et rafresquirai, par
parolles et monitions de bien faire et de eux encoragier,
5les bonnes gens des bonnes villes, et establirai
sus la rivière dou Lis aux passages tant de gens que
li François ne poront oultre.» A tout ce s’acorda
bien li sires de Harselles. Lors se departi Phelippes
dou siège, et s’en chevauca vers Bruges; et chevauchoit
10comme sires, et faissoit porter son pennon
devant lui tout desvolepet, armoiiet de ses armes, et
portoit de noir à trois cappiaulx d’argent.
Quant il fu venus à Bruges, il trouva Piètre dou
Bos et Piètre le Wintre, qui là estoient gardiien et
15cappitaines de Bruges. Si parla à eulx et leur remonstra
comment li rois de France atout sa poissance
voloit venir en Flandres, et que il convenoit aler au
devant pour i remediier et garder les passages: «Si
voel, Piètre dou Bos, que vous allés au pas à Commines:
20vous garderés là la rivière. Et vous, Piètre le
Wintre, vous irés au [pont] à Warneston et là garderés
vous le passage. Et faites tous les pons en dessus
la rivière jusques à la Gorge et à Estelles et à
Menreville rompre, et en desous jusques à Courtrai.
25Par enssi ne poront li François passer, et je m’en
irai à Ippre parler à ceux de Ippre et eux en amour
rafresquir et reconforter, et remonstrer comment nous
sommes conjoint ensamble par une unité, et que nuls
ne se fourvoie ne isse de ce que nous avons juret
30ensamble à tenir. Il n’est mies en la poissance dou roi
de France ne de ses François que il puisent passer la
rivière dou Lis ne entrer en Flandres, puis que li pas
[288]288 seront gardé, se il ne vont au lonc de la rivière querre
passage vers Saint Omer et Berghes. Et, se il faissoient
che chemin, il trouveroient tant d’empecemens, de
crolières et de mauvais pas que il ne se poroient tenir
5ensamble, avoec ce que il est iviers et que il fait
fresc et mauvais chevauchier, que il seroient tout
perdu d’avantage.» Che respondirent cil doi Piètre:
«Phelippe, vous dites voir, et nous ferons ce que
vous dites. Et de nos gens qui sont en Engletière,
10avés vous oï nulles nouvelles?»—«Par ma foi! respondi
Phelippes, nenil, dont je m’esmervelle. Li parlement
sont maintenant à Londres, si en deverons
temprement oïr nouvelles. Li rois de France ne se
puet jamais tant haster que nous ne soions conforté
15des Englès, anchois que il nous porte point de contraire.
Espoir, fait li rois d’Engletière son mandement,
et venront Englois à l’Escluse sus une nuit, quant nous
ne nos en donrons garde, car il ont vent pour issir
hors d’Engletière à volenté.» Ensi se devisoient chil
20troi compaignon ensamble. Auques pour ce tamps
toute Flandres estoit en obeïssance à eux, excepté
Tenremonde et Audenarde.
§ 311. Entrues que ces ordonnances se faissoient,
et que li rois de France sejournoit à Arras, et que
25gens d’armes s’amassoient en Artois, en Tournesis et
en le castelerie de Lille, se avissèrent aucun chevalier
et escuier qui sejournoient à Lille et là environ,
par l’emprise et ennort dou Halse de Flandres, que il
feroient aucun exploit d’armes, par quoi il seroient
30renommé. Si se quellièrent un jour environ sis vins
hommes d’armes, chevaliers et escuiers, et vinrent
[289]289 passer la rivière dou Lis au pont à Menin, à deux
lieues de Lille, liquels pons n’estoit point encores
deffais, et chevauchièrent en la ville et l’estourmirent
moult grandement, et tuèrent et decopèrent en la
5ville et là près grant fuisson de gens, et les cachièrent
priès tous hors de leur ville. Li haros commencha à
monter; les villes voisines commenchièrent à sonner
leurs cloques à herlle et à traire vers Menin, car li
haros venoit de là. Si s’[as]amblèrent grant fuisson
10de gens, et se requellièrent tout ensamble en Menin.
Quant li Halses, messires Jehans de Jeumont, li castelains
de Buillon, messires Henris de Dufle et li chevalier
et escuier eurent bien esmeu le païs et leur fu
vis que il estoit tamps dou retourner, il se missent au
15retour pour rapasser à ce pont la rivière, enssi que il
avoient passé; et ja le trouvèrent il fort et pourveu de
Flamens qui le deffaissoient ce qu’il pooient, et, quant
il en avoient rosté une ais, il le couvroient de fiens,
afin que on ne veïst point le mehaing. Evous chevaliers
20et escuiers retourner, montés sur fleurs de coursiers
et de chevaux, et truevent en la ville plus de
deus mille de ces païssans qui là s’estoient requelliet,
liquel se mettent tout en bataille pour venir sus eux.
Quant cil gentil homme en veïrent le convenant, si
25dissent: «Il nous faut, par force de chevaux, rompre
ces villains, ou nous sommes atrapet.» Adont se
missent il tout ensamble, et abaissièrent les lances et
les espées roides de Bourdiaux, et esperonnèrent les
chevaux de grand randon, et missent devant les plus
30fors montés, et commenchièrent à huer. Chil Flament
s’ouvrirent qui ne les osèrent atendre, et li autre
dient que il le fissent tout par malisse, car il savoient
[290]290 bien que li pons ne les poroit porter; et dissoient
entre eux li Flament: «Faissons leur voie; tous
verés ja biau jeu.» Li Halse[s] de Flandres, li chevalier
et li escuier qui se voloient sauver, car li sejourners
5leur estoit contraires, fièrent chevaux des esperons
sus ce pont, liquels n’estoit pas fors pour porter un
si grant fais. Toutesfois li Halses de Flandres et aucun
autre eurent l’eur et l’aventure de passer oultre, et passèrent
environ trente, et, enssi que li autre voloient
10passer, li pons rompi desous eulx. Là eut des chevaus
enrasquiés, qui ne se peurent ravoir, qui i
furent mort et leurs maistres. Chil qui estoient
derière veïrent che meschief: si furent moult esbahi
et ne sceurent où fuir pour eux sauver. Si ferirent li
15aucun en la rivière, qui le quidoient noer, mais il ne
pooient, car elle est parfonde et de hautes rives où
cheval ne se pueent aherdre ne [rescoure]. Là eut grant
meschief, car li Flament venoient, qui les encauchoient
et ochioient à volenté et sans merchi, et les faissoient
20saillir en l’aige, [et] là se noioient. Là fu messires
Jehans de Jeumont en grant aventure d’estre perdus,
car li pons rompi desous li, mais, par grant apertisse
de corps, il se sauva. Toutesfois, il fu navrés dou
trait moult durement ou chief et ou corps, dont il jut
25puis plus de sis sepmaines et ne se peut armer en
grant tamps. A che dur rencontre furent mort li castelains
de Buillon et [Bouchars] de Saint Hilaire et
pluiseur autre, et noiiés messires Henris de Dufle; et
en i eut que mors que noiiés plus de soissante, et cil
30tout ewireux qui sauver se peurent, et grant fuison
de blechiés et de navrés. Enssi ala de ceste emprisse.
Les nouvelles en vinrent as signeurs de France qui
[291]291 estoient à Arras, comment leurs gens avoient perdu,
et comment follement li Halses de Flandres avoit chevauchiet.
Si furent des aucuns plains, et des autres
non; et disoient cil qui le plus estoient usé d’armes:
5«Il ont fait une folle emprisse de passer une rivière
sans gué et aler courir une grosse ville, et entrer ou païs,
et retourner au pas par où il avoient passet, et non
[garder] che pas jusques à leur retour; che n’est pas
emprise faite de sages gens d’armes qui voellent venir
10à bon chief de leur besongne, à faire enssi, et pour
ce que outrequidiet il ont chevauchiet, leur en est il
mal pris.»
§ 312. Cheste cose se passa; on le mist en oubliance,
et Phelippes d’Artevelle se departi de Bruges et s’en
15vint à Ippre, où il fu requelliés à grant joie. Et Piètres
dou Bos s’en vint à Commines, où tous li plas païs
estoit asamblés, et là entendi as besongnes et fist
toutes les ais dou pont de Commines desclauer et desquevillier,
pour estre tantos, se il besongnoit, [deffait];
20mais encore ne vaut il mies le pont condempner de tous
poins, pour l’avantage de ceulx dou plat païs requellier,
qui passoient tous les jours leurs bestes à grant fuisson
et mettoient oultre le Lis à sauveté et cachoient
ens es bos et ens es praieries sus le païs et environ
25Ippre. Si en estoit li païs si cargiés que à grans mervelles.
Che propre jour que Phelippes d’Artevelle vint à
Ippre, vinrent les nouvelles, comment, au pont à
Menin, li François avoient perdu et li Halses avoit esté
30priès atrappés. De ces nouvelles fu Phelippes tous resjoïs,
et dist en riant, pour rencoragier ceulx qui dallés
[292]292 lui estoient: «Par la grace de Dieu et le bon droit
que nous avons, tout li autre venront à celle fin, ne
jamais cils rois de France, jonement consilliés selonc
che qu’il est d’eage, se il passe la rivière dou Lis,
5ne retournera en France.»
Phelippes d’Artevelle fu cinc jours à Ippre, et
preecha em plain marchiet pour rencoragier son
peuple et tenir en leur foi; et leur remonstra comment
li rois de France, sans nul title de raison, venoit
10sus eux pour eux destruire: «Bonnes gens, dist Phelippes,
ne vous esbahissiés point se il viennent sur
vous, car ja n’aront poissance de passer la rivière
[dou Lis]. J’ai fait tous les pas bien garder, et est
ordonnés à Commines Piètres dou Bos atout grant
15gent, qui est uns loiaux homs et qui aime l’onneur de
Flandres; et Piètre le Wintre est à Warneston, car
tout li autre passage [sus] la rivière dou Lis sont
romput, ne il n’i a passage ne gué fors à ces deus
villes là où il puissent passer. Et si ai oït nouvelles
20de nos gens que nous avons envoiiet en Engletière.
Nous arons temprement un très grant confort des
Englès, car nous avons bonnes aliances à eux: il se
sont ahers avoecq nous pour aidier à faire nostre
guerre contre le roi de France qui nous voelt heriier.
25Si vivés loiaument en cel espoir, car li honneurs nous
demor[r]a, et tenés che que vous avés juret et promis
à moi et à la bonne ville de Gand, qui tant a eu de
paine et de frait pour soustenir et garder les droitures
et les francisses des bonnes villes de Flandres.
30Et tout cil qui voellent demorer dalés moi, enssi
comme il l’ont juret, [lièvent] le main vers le chiel en
segnefiant loiauté.» A ces mos, tout cil qui ou marchiet
[293]293 estoient et qui oït l’avoient levèrent le main
amont, et le aseurèrent que tout demor[r]oient dalés
lui. Adont descendi Phelippes de l’escafaut où il avoit
pre[e]chiet, et s’en vint fendant parmi le marchiet
5jusques à son hostel, et se tint là tout ce jour. A
l’endemain, il monta à cheval et retourna à toute sa
route vers Audenarde, où li sièges se tenoit, qui point
ne se deffaissoit pour nouvelles que il oïssent; mais il
passa parmi Courtrai, et reposa là deus jours.
FIN DU TEXTE DU TOME DIXIÈME.
VARIANTES
§ 169. P. 1, l. 2: Sartre.—Ms. B 12: Chartres.
P. 1, l. 3: Noiion.—Ms. A 2: Nogent.
P. 1, l. 5: deslogièrent.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: et puis se partirent.
P. 1, l. 6: là.—Le ms. B 20 ajoute: s’arrestèrent et.
P. 1, l. 7: Sablé.—Mss. B 5, 7: Sales.
P. 1, l. 8: Mans.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: Man.—Ms. B 12: Mayens.
P. 2, l. 1: d’Arve.—Mss. B 1, 2, 12, 20: d’Arne.
P. 2, l. 4: marescages.—Mss. A 7, B 7: marez.—Ms. B 5: marès.
P. 2, l. 7-9: seuissent... garde.—Ms. B 12: les eussent là assailliz, ilz n’eussent aucunement peu secourir à l’un l’autre.
P. 2, l. 7: convenant.—Ms. B 20: inconvenient.
P. 2, l. 11: passèrent.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: oultre.
P. 2, l. 12-13: en iaulx... esperoient.—Mss. A 7, B 5, 7: en esperant.
P. 2, l. 15: Hainbon.—Mss. A 2, B 12: Hennebont.
P. 2, l. 19: recorda.—Ms. A 2: compta.
P. 2, l. 19-20: l’eut tantos passé.—Ms. B 20: en eut de legier passé son deuil.
P. 2, l. 22: je avoie.—Mss. B 1, 2: il avoit.
P. 2, l. 24: la moitié.—Manquent aux mss. B 1, 2.—Ms. B 12: plus de la moittié.
P. 2, l. 28: me fault.—Ms. B 12: ainsi pour la cause de ce roy Charles mort il m’est besoing de.
P. 2, l. 31: laisseront.—Les mss. A 2, B 5, 12 ajoutent: entrer.
298 P. 2, l. 32 à p. 3, l. 1: et chiaulx... fiance.—Mss. B 5, 7: telz que.
P. 3, l. 2: c’on dist... Guion.—Manquent au ms. B 12.
P. 3, l. 2: messire Bertram.—Manquent aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 3, l. 2: Guion.—Le ms. A 2 ajoute: admiral de Bretaigne.
P. 3, l. 3: Tannegui.—Ms. A 2: Aubigny.—Ms. B 1: Chavregni.—Ms. B 2: Channi.—Ms. B 20: Cauvegny.
P. 3, l. 4: Caresmiel.--Ms. A 2: Carismel.—Ms. B 12: Carmel.—Ms. B 20: Karennel.
P. 3, l. 4: l’esleu de Lion.—Ms. A 2: grant gouverneur de Leon.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 3, l. 25 et plus bas: Vitré.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: Viteri.—Mss. A 2, B 12, 20: Vitry.
P. 3, l. 28-29: où il... jours.—Mss. A 7, B 5, 7: et de là.
P. 3, l. 29: Chastel Bourg.—Leçon du ms. B 12.—Ms. A 1: Chastel Brout.—Mss. A 7, B 5, 7: Chastel Briant.—Mss. B 1, 20: Chastel Bronc.—Ms. B 2: Chasteaubriant.
P. 3, l. 29-30: Chastel Bourg en Bretaigne.—Ms. A 2: Bron, qui estoit le propre heritaige de messire Bertran du Guesclin, connestable de France qui avoit esté, car il estoit mort, n’avoit guaires, devant Chasteau Neuf de Randon, si comme nous avons dit ci devant.
§ 170. P. 4, l. 6-7: et li... n’estoit.—Ms. B 20: et les barons de son païs de Br. n’estoient.
P. 4, l. 11: de France.—Ms. A 2: bon ou maugré leurs ennemis.
P. 4, l. 17: chil.—Mss. A 7, B 2, 5, 7, 12: de ceulx.
P. 4, l. 18: sont.—Leçon du ms. A 7.—Mss. A 1, B 1, 20: est.—Ms. B 2: et qui est.—Mss. B 5, 7: lesquelz sont.—Ms. B 12: laquelle est.
P. 4, l. 18: tous rebelles.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Mss. A 1, B 1, 2, 12, 20: toute rebelle.
P. 4, l. 19: ordonnent.—Leçon des mss. B 5, 7, 12.—Mss. A 1, 7, B 1, 2, 20: ordonne.
P. 4, l. 21: seellèrent.—Ms. A 7: s’alièrent.
299 P. 4, l. 23: regent.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: de France.
P. 4, l. 25: pour.—Leçon des mss. A 7, B 1, 5, 7, 12, 20.—Manque au ms. A 1.
P. 4, l. 31: et... enssi.—Ms. A 7: distrent.—Mss. B 5, 7: dirent.
P. 5, l. 4: à Chastiel Bourg.—Ms. A 2: en la ville de Bron.
P. 5, l. 7: entrer.—Le ms. B 12 ajoute: ne autres.
P. 5, l. 7: mais.—Le ms. A 2 ajoute: pour l’amour et honneur du duc.
P. 5, l. 22: qui estoient.—Mss. A 7, B 5, 7: qu’ilz sentoient.
P. 5, l. 25: se.—Le ms. B 20 ajoute: conduisoit et.
P. 5, l. 29: prioient.—Le ms. A 2 ajoute: moult humblement.
P. 6, l. 5: de mettre.—Mss. B 1, 2: demorèrent.—Ms. B 20: remettre.
§ 171. P. 6, l. 10-11: messires Robert Canolles.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 6, l. 19: trois.—Ms. B 1, 2: quatre.
P. 6, l. 20 et plus loin: Combourg.—Mss. A 1, B 1, 2, 5, 20: Combrout.—Ms. A 2, 7: Combour.—Ms. B 7: Combrenc.—Ms. B 12: Cambourg.
P. 6, l. 23: les convenans.—Ms. B 20: la conduite.
P. 7, l. 1: de Vennes.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 7, l. 1: Vennes.—Leçon des ms. A 2, 7, B 5, 7.—Mss. A 1, B 12, 20: Rennes.
P. 7, l. 9: jour.—Le ms. A 2 ajoute: se ilz eussent voulu.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: se il voulsissent.
P. 7, l. 10 et plus loin: le Heidé.—Mss. A 7, B 5: la Heidé.—Mss. B1, 2: le Herdé.—Ms. B 7: la Herdé.—Ms. B 12: la Heydé.
P. 7, l. 17: amour.—Ms. A 2: signe d’amour par semblant.—Ms. B 20: signe d’amour.
P. 7, l. 21: de l’esté.—Ms. B 1: de li estre.—Ms. B 2: de lui estre.
P. 7, l. 28: merchi.—Le ms. B 12 ajoute: et en seront tous aises et joyeulx.
300 P. 8, l. 8-9: tout... Masière.—Ms. B 12: là tout autour logiez.
P. 8, l. 8: et.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 8, l. 9: Bretaigne.—Le ms. A 2 ajoute: et le conseil du conte.
P. 8, l. 11-12: et... compaignie.—Ms. A 2: ces.iiii. barons estoient propres conseilliers du conte.
P. 8, l. 13: besongnes.—Le ms. A 2 ajoute: et pour sçavoir comment ilz se pourroient maintenir contre ceuls de Nantes.
§ 172. P. 8, l. 16: devant.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Manque au ms. A 1.—Mss. A 7, B 5, 7: à.
P. 8, l. 24-25: et que... le.—Mss. A 7, B 5, 7: on.
P. 8, l. 24: ces.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: besoingnes et.
P. 8, l. 26: querre.—Le ms. A 7 ajoute: le conte.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: le conte de B.
P. 8, l. 26: où il... hoos.—Mss. A 7, B 5, 7: pour estre à ces obligacions et consaulx.
P. 9, l. 5: à Rennes.—Ms. A 2: encores es faubours de Rennes et le conte et ses barons en la ville.
P. 9, l. 9: che.—Le ms. B 20 ajoute: que ilz l’attenderoient francement.
P. 9, l. 13: Morfouace.—Le ms. A 2 ajoute: de Saint Maslou de l’Isle.
P. 9, l. 14: Malatrait.—Le ms. B 20 ajoute: le Besgue.
P. 9, l. 14: Tournemine.—Ms. A 2: mons. Jehan T.—Mss. A 7, B 5, 7: le sire de T.
§ 173. P. 10, l. 2: li contes de Savoie.—Manquent au ms. B 20.
P. 10, l. 4: li.—Mss. A 7, B 5, 7: mais li.
P. 10, l. 22-23: et tout li enffant.—Ms. B 20: et tous les jouvenceaulx o lui, et par especial ceulx.
P. 10, l. 24-25: dont... devant.—Mss. A 7, B 5, 7: jour de la Toussains.
P. 10, l. 25: joedi.—Leçon du ms. A 2.—Mss. A 1, B 1, 2, 12, 20: venredi.
301 P. 10, l. 30: roi.—Le ms. B 20 ajoute: chrestien.
P. 11, l. 8: vestie.—Ms. B 1: vestus.—Ms. B 2: vestu.
P. 11, l. 8-9: si... avoir.—Ms. B 20: et le roy estoit tant richement et noblement vestu que l’on ne pouoit plus.
P. 11, l. 10: escamiaulx.—Mss. B 5, 7: eschafaulx.
P. 11, l. 11: à ses piés.—Ms. A 2: assez près du roy.
P. 11, l. 27: aliennées.—Le ms. A 2 ajoute: au moins lors.
P. 11, l. 32: tref.—Leçon des mss. A 2, B 2, 5, 7, 12.—Mss. A 1, 7, B 1: tret.
P. 12, l. 2: cinc.—Mss. B 1, 2: quatre.
P. 12, l. 2: Braibant.—Manque aux mss. B 1, 2.
P. 12, l. 3: Bourbon.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: avoecques eulx son grant oncle.
P. 12, l. 5: servoient.—Ms. B 12: seroient.
P. 12, l. 6: li sires de Cliçon.—Manquent au ms. A 2.
P. 12, l. 7: France.—Mss. A 7, B 5, 7: la mer.
P. 12, l. 14: pas.—Mss. A 2, B 12: repas.
P. 12, l. 28: mort.—Mss. A 7, B 5, 7: qui estoit trespassez.
§ 174. P. 13, l. 13: Montraulieu.—Ms. A 2: Montauban.—Ms. B 12: Monstreuil.
P. 13, l. 13: Houssoie.—Le ms. A 2 ajoute: mons. Geffroy de Karrismel.
P. 13, l. 29: Ricebourc.—Ms. B 12: Chierbourg.
P. 13, l. 31: priès.—Le ms. B 20 ajoute: des portes de la cité.
P. 14, l. 2: d’Ango.—Le ms. A 2 ajoute: de Touraine.
P. 14, l. 3: du Mainne.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: de Humaine.
P. 14, l. 11: nuit.—Le ms. A 2 ajoute: où nous sommes.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: de huy.
P. 14, l. 11: escarmuchier.—Le ms. A 2 ajoute: espoir ont les aucuns tant beu que le mal Saint Martin les tient es testes tellement qu’ilz sont ja endormiz, et ainsi cuident ilz de nous.» Si commencièrent tous à rire.
P. 14, l. 13: est.—Leçon du ms. B 2.—Manque aux mss. A 1, B 1.—Mss. A 2, 7, B 5, 7, 20: dites.
P. 14, l. 13: et est... faire.—Ms. B 12: ainsi devrions faire.
302 P. 14, l. 13-14: et nous le vollons.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 14, l. 15: sis vins.—Ms. A 2: VIIxx.
P. 14, l. 17: i.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7, 12.
P. 14, l. 25: mehaignier.—Ms. B 12: decopper.—Le ms. A 2 ajoute: et mettre en grant meschief.
§ 175. P. 15, l. 8: eussions.—Leçon du ms. B 2.—Ms. A 1: issions.—Mss. A 7, B 7, 12: yssions.—Ms. B 1: heussions.—Ms. B 5: yssissions.
P. 15, l. 8: sis.—Mss. B 2, 5, 7, 12: de sis.
P. 15, l. 8: set.—Ms. B 20: huit.
P. 15, l. 15: friente.—Ms. A 2: nul semblant.—Ms. B 5: bruyt.—Ms. B 7: frieme.—Ms. B 12: frainte.
P. 15, l. 28: moult coiteussement.—Ms. A 2: moult courtoisement.—Ms. B 20: tout à la couverte.
P. 16, l. 9: Nantes.—Le ms. A 2 ajoute: à pou de dommaige.
§ 176. P. 16, l. 13: les.—Le ms. B 20 ajoute: escarmuchoient et.
P. 16, l. 15 et ailleurs: il.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: ilz.
P. 16, l. 16: setime.—Ms. A 2: VIIIe.
P. 16, l. 22: Alghars.—Ms. A 2: Alehart.
P. 16, l. 22-23: Thumas.—Ms. B 1: Thuns.—Ms. B 2: Tun.
P. 16, l. 23: Rodes.—Ms. B 5: Rodez.
P. 17, l. 4: Thumas.—Ms. A 1: Thunez; cf. plus haut p. 16, l. 22-23.—Mss. B 1, 2: Thomas.
P. 17, l. 9: point.—Mss. A 7, B 7: pou.—Ms. B 5: peu.
P. 17, l. 12: resvilliet.—Le ms. B 20 ajoute: par les saillies des François.
§ 177. P. 17, l. 15: duck.—Le ms. B 20 ajoute: Jehan.
P. 18, l. 2: mors.—Le ms. B 20 ajoute: sans nul remède.
P. 18, l. 6: foullées.—Ms. A 2: pillées ne foullées.—Mss. B 1, 2: violées.—Ms. B 12: pillées.
P. 18, l. 12: tiroit trop.—Ms. B 20: traveilloit moult.
303 P. 18, l. 32: Roem.—Le ms. A 2 ajoute: le seigneur de Beaumanoir.
P. 18, l. 32: Rocefort.—Le ms. A 2 ajoute: le conte de Longueville, le viconte de la Bellière.
P. 18, l. 32: li.—Manquent aux mss. A 1, 7, B 1, 7.—Mss. B 2, 5, 12: les.
P. 19, l. 6: les.—Leçon des mss. B 2, 5, 7, 12.—Manque aux mss. A 1, 7, B 1, 20.
P. 19, l. 8: à siège.—Ms. A 1: assiège.
P. 19, l. 10: tant.—Le ms. B 20 ajoute: de soussy et.
P. 19, l. 21: auquel.—Le ms. A 2 ajoute: aler.
P. 19, l. 22: si.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: se.
§ 178. P. 19, l. 28: hommes d’armes.—Mss. A 7, B 5, 7: lances.
P. 20, l. 1: de.—Leçon du ms. B 1.—Manque au ms. A 1.
P. 20, l. 5: Amauris.—Ms. B 12: Aymeri.
P. 20, l. 9: de Quisenton.—Mss. B 1, 2: de Guisenton.—Ms. B 5: de Gousuicenton.—Ms. B 7: de Gouçuicenton.—Manquent au ms. B 12.
P. 20, l. 20: siis.—Ms. A 2: VIII.—Ms. A 7: dix.—Mss. B 5, 7: des.
P. 20, l. 21: trois.—Mss. B 1, 2: quatre.
§ 179. P. 20, l. 24: Colet.—Leçon des mss. B 1, 2, 12; cf. plus loin p. 22, l. 10.—Mss. A 1, B 20: Celet.—Ms. A 2: Rieux.—Mss. A 7, B 5, 7: Selete.
P. 20, l. 27 et plus loin: Douvesière.—Ms. A 1: Domescière.—Ms. A 7: Douvestre.—Mss. B 1, 2, 12, 20: Dennesière.—Ms. B 5, 7: Dunestre.—Le ms. A 2 donne comme leçon: Hostidonne et ses gens.
P. 21, l. 3: Tiriel.—Ms. A 2: Tinciel.—Ms. A 7: Ticiel.—Mss. B 1, 2, 20: Titiel.—Mss. B 5, 7: Ciciel.—Ms. B 12: Titel.
P. 21, l. 13: tenoient.—Le ms. B 20 ajoute: pour le roy de France en garnison.
P. 21, l. 14: fourageurs.—Mss. A 7, B 5, 7: fouriers.
P. 21, l. 18-19: qui... nouvelles.—Manquent aux mss. B 1, 2.
304 P. 21, l. 18-22: qui... fesist.—Manquent au ms. B 12.
P. 21, l. 19: n’ooient.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Ms. A 1: n’ooit.
P. 22, l. 2: ou.—Le ms. B 20 ajoute: XIIc ou.
P. 22, l. 5-6: ne... l’oost.—Ms. B 20: le dit messire Robert Canolle ne nulz autres ne departirent point de l’ost.
§ 180. P. 22, l. 10: Collet.—Ms. A 2: Rieux.
P. 22, l. 11: Morfouace.—Manque aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 22, l. 20: Traiton.—Mss. A 1, 7, B 1, 2, 5, 7, 20: Raiton.—Ms. A 2: Raton.—Mss. A 7, B 5, 7: Roiton; cf. plus bas l. 29.
P. 22, l. 28-30: et i... chevalier.—Manquent au ms. B 12.
P. 22, l. 29: Traiton.—Leçon des mss. A 1, 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 2: Tinton.—Ms. B 20: Traicon.
P. 23, l. 2-15: si s’armèrent... venu.—Mss. B 1, 2: si vinrent tantost moult estofféement à l’escarmuce [B 2 ajoute: et tellement que].
P. 23, l. 3: et.—Leçon du ms. A 7.—Manque au ms. A 1.
P. 23, l. 5: à faire.—Ms. A 1: affaire.
P. 23, l. 20-21: pour... avant.—Ms. B 20: moult avant pour acquérir loz et pris.
P. 23, l. 21: agraciier... avant.—Ms. B 12: acquerir honneur.
P. 23, l. 22: Galle.—Ms. A 2: Jaille.
§ 181. P. 23, l. 31: ens.—Ms. B 20: en la cité.
P. 24, l. 8-9: si... touchoit et.—Ms. B 12: mais estoient toujours les Anglois sur leur guet, et ce que plus leur.
P. 24, l. 8: fors.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque au ms. A 1.—Mss. B 1, 2, 12: que.
P. 24, l. 13: mais... assés.—Ms. B 20: et ceulx de la cité en avoient à plenté.
§ 182. P. 24, l. 17-21: deus... eulx.—Ms. A 2: moult travaillez et endurans assez de mesaises, deus mois et quatre jours attendans la venue du duc de Br. ainsi qu’il leur avoit promis, et ilz virent que point ne venoit ne ses convenances point ne tenoit, et qu’ilz n’en aroient autre chose.
305 P. 24, l. 21 et ailleurs: il.—Ms. A 1: ilz.
P. 24, l. 25: au deslogier.—Ms. A 7: le deslogier.
P. 24, l. 26: de l’an renoef.—Mss. A 7, B 5, 7: de l’an revolu.—Ms. B 12: du jour de l’an.—Ms. B 20: de l’an renouvellé.
P. 24, l. 29: Nord.—Ms. A 2: Aunoy.—Mss. A 7, B 5, 7: Niorch.—Ms. B 12: North.
P. 24, l. 31: Maide.—Ms. A 2: Haidé.—Mss. B 1, 2: Marde.
P. 25, l. 6: Lohiac.—Mss. B 1, 2: Loheric.
P. 25, l. 8: Gors.—Ms. A 2: Guer.—Mss. A 7, B 5, 7: Gros.
P. 25, l. 8-10: deus... Trenitté.—Ms. A 2: trois jours pour eulx aisier et reposer leurs chevaulx, et l’endemain au matin ilz s’en partirent et vindrent logier à la Trinité en Forhouet, et là demoura l’ost deus jours.
P. 25, l. 9: Maron.—Ms. B 12: Maurot.
P. 25, l. 9: au Maron.—Ms. B 20: ilz se arrestèrent à la Trinité soubz Amauron.
P. 25, l. 10: jours.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 25, l. 12: Brehaing.—Ms. A 2: Brehal.—Ms. B 12: Beliaing.
P. 25, l. 18: et vinrent.—Ms. B 20: Adont ilz envoièrent deux bourgois de la ville.
P. 25, l. 24-25: Il respondirent.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 7, B 5, 7: Ceulx resp.—Ms. B 12: Les bourgois de Vennes resp.
P. 25, l. 30-31: nous... noient.—Ms. B 20: ceulx de Vennes ne sont point conseilliez de leur faire ouverture ne de les y recepvoir.
P. 25, l. 31: Brehain.—Ms. B 12: Bain.
P. 26, l. 6: Si.—Leçon du ms. B 5.—Ms. A 1: Se.—Ms. B 20: Je.
P. 26, l. 13: rechepvoir.—Le ms. B 20 ajoute: en toute humilité et bonne amour.
P. 26, l. 13: tant.—Ms. A 7: tout.—Ms. B 5: ce commant.
P. 26, l. 24: frère.—Le ms. A 2 ajoute: car le duc avoit 306 la seur du conte espousée, qui estoit fille du roy d’Angleterre.
P. 26, l. 27: un cop.—Ms. B 5: une fois.
P. 27, l. 10: si.—Leçon du ms. A 7.—Mss. A 1, B 1: se.
P. 27, l. 13-18: mes gens... frontières.—Ms. B 12: il y a eu sur les frontières, le siège durant, grant plenté de gens d’armes, chevaliers et escuiers de ce pays, telz que.
P. 27, l. 15: je aie.—Leçon du ms. B 5.—Mss. A 1, B 1: il aient.—Ms. A 2: ilz ont.—Mss. A 7, B 2, 7, 20: ilz aient.
P. 27, l. 19: Laval.—Mss. A 7, B 5, 7: Derval.
P. 27, l. 20: Rochefort.—Le ms. A 2 ajoute: le sire de Rain, le sire de Montauban, le sire de Montfort, le sire de Quintin, le viconte de la Bellière et mons. Olivier du Guesclin, conte de Longueville.
P. 27, l. 25: Si.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: Se.
P. 28, l. 24: ens es.—Ms. B 20: long des.
P. 28, l. 25: Suseniot.—Ms. B 7: Susemont.
P. 28, l. 27: là d’où.—Leçon du ms. B 5.—Mss. A 1, 7, B 7, 20: de là où.
P. 28, l. 28-29: li sires... Trivès.—Ms. B 12: de Fitz Warin.
P. 28, l. 32: fourbours.—Le ms. B 20 ajoute: en grant destroiteté.
P. 29, l. 5-9: Messires... camps.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 12, 20.
P. 29, l. 13: chevaulx.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: de fain.
P. 29, l. 17-26: Li viscontes... amender.—Mss. B 1, 2: Les grans barons de Bretaigne et leurs castiaus.
P. 29, l. 19: Commelin Guighant.—Ms. A 2: Kemere Guingant.—Ms. B 12: Commelinghant.
P. 29, l. 24: Mont Contour.—Ms. B 12: Montroutoier.—Le ms. A 2 ajoute: que plus n’osoient aller fourrer celle part.
P. 29, l. 29: ouvrir... de.—Ms. B 20: eslargir ne deffouquier l’un d’avec.
P. 30, l. 2-4: chiaulx de Hainbon... Campercorentin.—Mss. B 1, 2: l’un l’autre.
P. 30, l. 2: chiaulx de Camperlé.—Ms. A 1: cil de C.
§ 183. P. 30, l. 11: le duch.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Mss. A 1, B 1, 2: lui.—Mss. B 12, 20: le duc de Bretaigne.
307 P. 30, l. 31 à p. 31, l. 7: il tiennent... le roi de France.—Ms. A 2: on les trouve prests de vous rendre ce qui est de vostre droit demaine, le plus noble hiretage de crestienneté sans couronne, mais que vous soiés amés de vos gens; car se ainsi vous le faittes, pour certain la duchié et les gens d’icellui païs vous ameront et obeïront, mais jamais ilz ne laisseroient le roi de France.
P. 31, l. 1: le.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7, 12.
P. 31, l. 2-4: et n’est... heritages...—Leçon des mss. B 1, 2.—Manquent aux mss. A 1, B 20.
P. 31, l. 2-5: et n’est... couronne.—Mss. A 7, B 5, 7: si vous souffise atant vostre seignourie.
P. 31, l. 2-6: et n’est... Bretaigne et.—Manquent au ms. B 12.
P. 31, l. 8-9: Se vostre... de ce.—Manque aux ms. A 2.
P. 31, l. 8: moullier.—Mss. A 7, B 5, 7: femme.
P. 31, l. 20: autres.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 32, l. 1: ahatie.—Mss. A 7, B 5, 7: jouste.
P. 32, l. 4: taire.—Le ms. A 2 ajoute: car ilz embellissent moult grandement nostre histoire.
§ 184. P. 32, l. 14: pouls.—Ms. A 2: pointes.—Mss. B 1, 2: fers.—Ms. B 7: cops.—Ms. B 12: coups.
P. 32, l. 15: haces.—Le ms. A 2 ajoute: et trois cops de dague.
P. 32, l. 16: refuser.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: car il ne demandoit autre marchandise.
P. 32, l. 18-19: ne le volt pas consentir.—Ms. B 12: ne voult point souffrir.—Ms. B 20: ne le volt pas souffrir ne c.
P. 32, l. 18-19: pas consentir.—Mss. A 7, B 7: et commanda.—Ms. B 5: mie souffrir et commanda.
P. 32, l. 19: que... riens.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 32, l. 23: de.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7, 12, 20.
P. 32, l. 26: Clinton.—Ms. A 7: Gliçon.—Ms. B5: Clisson.—Ms. B 7: Cliçon.—Ms. B 12: Clichon.—Ms. B 20: Clinchon.
308 P. 33, l. 12: asserissiet.—Mss. A 7, B 5, 7: assegrisiez.—Ms. B 12: arrestez.
P. 33, l. 22: Envoiiés.—Le ms. A 2 ajoute: un herault.
P. 33, l. 26: ahati.—Ms. A 7: aers.—Mss. B 5, 7: ahers.—Ms. B 12: aatiés.
P. 33, l. 27: à chevalx.—Ms. A 2: trois coups de hache, trois coups d’espée et trois coups de dague.
P. 33, l. 30: d’armes.—Le ms. B 12 ajoute: et de asseoir trois coups de glave.
P. 34, l. 4: Touwars.—Ms. A 1: Couwars.—Ms. B 1: Thouart.
P. 34, l. 10: Josselin.—Le ms. A 2 ajoute: ouquel le connestable si se tenoit.
§ 185. P. 34, l. 11: qui se tenoit.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Manquent au ms. A 1.—Mss. A 7, B 5, 7: fut.
P. 34, l. 12: Vennes.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: et.
P. 34, l. 13-14: qui portoit la parolle.—Mss. A 7, B 5, 7: tout en hault.—Le ms. A 2 ajoute: ainsi qu’il lui plaira.
P. 34, l. 18: à ses gens.—Mss. A 7, B 5, 7: aux siens.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 34, l. 25: en sa presence.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 34, l. 26: eu.—Le ms. B 5 ajoute: en la siene.
P. 34, l. 26: en le presensse de la sienne.—Mss. B 1, 2, 12: en sa presence.—Manquent au ms. B 5.
P. 34, l. 30: faissans.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: fais.
P. 35, l. 9: devoient.—Le ms. B 12 ajoute: et tous les autres en leur compaignie.
P. 35, l. 17: Tristran de le G.—Ms. B 12: Jehan de G.
P. 35, l. 19: François.—Mss. B 12, 20: Haynuyers.
P. 35, l. 22-23: et d’espées de Bourdiaulx.—Manquent aux mss. B 1, 2, 5, 7, 12.
§ 186. P. 35, l. 31 à p. 36, l. 1: mès il... que il.—Leçon des mss. B 5, 7.—Ms. A 2: car le sire de Busançois le ferit par tele manière qu’il.—Mss. A 1, 7, B 20: ly sires de Vertaing le feri par tel manière qui.—Mss. B 1, 2: mais li sires le feri par telle manière que il lui.—Ms. B 12: et le sire de Pousances fu feru du sire de Vertaing par telle manière qu’il lui.
309 P. 36, l. 20-21: moult courouchiet.—Ms. B 12: plus courouchiez que devant.
P. 36, l. 22: cel.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: cest.
P. 36, l. 22-23: ensonniier de jouster.—Mss. A 7, B 5, 7: à Savoyen jouster ne ensonnier de querir jouste.
P. 37, l. 1: Janekins Setincelée.—Mss. A 7, B 7: Janekin Setincelles.—Ms. B 5: Jenekin de Stincelles.—Ms. B 12: Jennequin Stincelle.
P. 37, l. 9: Adont recouvrèrent il le.—Mss. B 1, 2: et ainsi du.
P. 37, l. 9: recouvrèrent.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: retournèrent.—Ms. B 12: recouvrèrent [au second]; cf. plus haut, p. 36, l. 4.
P. 37, l. 12: à.—Le ms. B 12 ajoute: bon et.
P. 37, l. 19 et ailleurs: Clinton.—Leçon du ms. A 7.—Mss. A 1, B 1, 2, 20: Cloton.—Mss. B 5, 7: Gliton.—Ms. B 12: Clichon.
§ 187. P. 37, l. 25: à faire.—Ms. A 1: affaire.
P. 37, l. 30: contes.—Le ms. A 2 ajoute: «Ostez.
P. 38, l. 8: plaisir.—Le ms. A 2 ajoute: et vous prie que ce soit le plus fort de toute vostre compaignie et le choisissez à vostre bon loisir.
P. 38, l. 12: l’oost.—Le ms. A 2 ajoute: qui tindrent ce à grant vaillance.
P. 38, l. 13-14: et as... dissent.—Mss. B 1, 2: et demandèrent.
P. 38, l. 17 et ailleurs: Ferrinton.—Mss. A 1, B 20: Fermitton.—Mss. A 2, B 12: Fremeton.
P. 38, l. 23: place.—Le ms. A 2 ajoute: pour faire fait d’armes.
§ 188. P. 38, l. 30 à p. 39, l. 1: armé... arresté.—Mss. B 1, 2: l’un contre l’autre.
P. 38, l. 31: le carne.—Mss. A 2, 7, B 5, 7, 12, 20: la visière.
P. 39, l. 3: fleca.—Ms. A 7: flechy.—Ms. B 5: fleschy.—Le ms. A 2 ajoute: en reculant lourdement jusques bien près de cheoir.
310 P. 39, l. 6: de.—Leçon des mss. A 7, B 1, 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 39, l. 7-9: et li... tant.—Mss. B 12, 20: tant que le fer lai coulla parmi la cuisse tellement.
P. 39, l. 8: et.—Leçon du ms. A 7.—Ms. A 1: à.
P. 39, l. 10: une puignie.—Ms. A 2: demi pié.
P. 39, l. 12-13: et chevalier... durement.—Mss. B 1, 2: mout.
P. 39, l. 13: courouchiet.—Le ms. A 2 ajoute: aussi fut le conte.
P. 39, l. 15: et.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.
P. 39, l. 19: piet.—Le ms. A 2 ajoute: et lui convient reculer ou cheoir.
§ 189. P. 40, l. 7: alet.—Mss. B 12, 20: alouez.
P. 40, l. 12: chevauchier.—Le ms. B 20 ajoute: au large.
P. 40, l. 12: Si.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: Il.
P. 40, l. 13: illes.—Ms. B 12: parties.
P. 40, l. 13: Cornuaille.—Le ms. A 2 ajoute: de Jarsy.
P. 40, l. 17-18: li viscontes... Rocefort.—Mss. B 1, 2: les.iiii. barons dessus nommés.
P. 40, l. 21: de che.—Leçon du ms. A 7.—Ms. A 1: che.—Mss. B 5, 7: ne ce.—Ms. B 12: ainsi.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 40, l. 24-25: en la... poroient.—Mss. B 1, 2: au mains mal.
P. 40, l. 28-30: si... bonne et.—Mss. B 1, 2: qui.
P. 41, l. 10: li.—Ms. B 5: si que li.—Ms. B 7: que li.
P. 41, l. 15: le souverain gouvrenement.—Ms. A 2: le gouvernement, au moins la plus grant partie.
P. 41, l. 17-20: tendoit... retardés.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 41, l. 17: tart.—Mss. B 5, 7: tost.
P. 41, l. 18: ne.—Mss. A 7, B 5, 7: et ne.—Ms. B 12: si ne.
P. 41, l. 21-22: à che... à paix.—Mss. B 1, 2: à la paix dou duc de Br.
311 P. 41, l. 22-23: il... France.—Mss. B 1, 2: ses voiagez n’en fust brisiés, car il tendoit devant.ii. ans aller en Pulle et en Callabre.
P. 42, l. 11: Suseniot.—Ms. B 5: Suseniout.—Mss. B 7, 20: Susemont.—Ms. B 12: Susseur.
P. 42, l. 12: dur, à che.—Ms. A 2: peine et avoit contre cuer ce.
P. 42, l. 13: savoit.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: savoient.
P. 42, l. 13: pooit.—Mss. B 5, 7: pouoient.
P. 42, l. 14: mautallent.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: au conte de Bouq. et.
§ 190. P. 42, l. 15-16: Quant... Englès.—Ms. B 5: Quant le conte de B. et les Angloys sceurent et eurent cognoissance.
P. 42, l. 19: deceus.—Leçon des mss. A 7, B 2, 12.—Ms. A 1: de ceulx.
P. 42, l. 19-20: deceus... avoit.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 42, l. 21: ne s’estoit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: n’estoit.
P. 42, l. 25: couvertement.—Ms. B 20: ouvertement.
P. 43, l. 6: Vennes.—Ms. A 7: Rennes.
P. 43, l. 9: Camperlé.—Le ms. A 2 ajoute: et à Quimper Corentin.
P. 43, l. 12: gens.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7, 12.
P. 43, l. 16: Houssoie.—Le ms. A 2 ajoute: capitaine de Rennes.
P. 43, l. 17: Guion.—Le ms. A 2 ajoute: admiral de Bretaigne.
P. 43, l. 18: Tannegui.—Ms. B 12: Chavegny.
P. 43, l. 18: Karemiel.—Ms. B 5: Kaermel.—Le ms. A 2 ajoute: Tristan de Pastinien, Tristan d’Engoulevent.
P. 43, l. 21: lui.—Le ms. A 2 ajoute: et qu’il lui pleust venir à terre.
P. 44, l. 3: et desancré.—Ms. A 7: et des autres.—Ms. B 5: et des autres navires aussi.—Ms. B 7: et des autres aussi.—Manquent au ms. B 12.
§ 191. P. 44, l. 28: estoit... le conte.—Mss. B 5, 7: avoit 312 à nom Jehan, seigneur de Bourbon et ung de l’ostel au conte.
P. 44, l. 31: Boucinel.—Ms. B 1: Bourniel.—Ms. B 2: Bournel.—Mss. B 12, 20: Bourcinel.
P. 45, l. 1: en Valongne.—Leçon du ms. B 12.—Mss. A 1, B 1, 2, 20: en Avalongne.—Ms. A 7: de Boulongne.—Mss. B 5, 7: de Bouloigne.
P. 45, l. 5: Cliffort.—Ms. A 1: Criffort; cf. plus loin, l. 9-10.
P. 45, l. 9: Boucinel.—Ms. A 1: Bourcinel; cf. plus haut, p. 44, l. 31, et plus loin, p. 47, l. 8.
P. 45, l. 11: heriiet.—Mss. A 7, B 5, 7: ahaitis.
P. 45, l. 16: à celle.—Mss. A 7, B 5: à celle heure et.
P. 45, l. 27: que.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7.
P. 46, l. 8-9: deus... otels.—Ms. A 7: tous telz.—Mss. B 5, 7: des armeures tous telz.
P. 46, l. 9: ievols.—Manque au ms. A 2.—Ms. B 1: egalz.—Ms. B 2: egaulz.—Mss. B 12, 20: pareilz.
P. 46, l. 14: pointiiés si avant.—Ms. B 20: poursieuvy de si près.
P. 46, l. 17: coses.—Le ms. A 2 ajoute: et tant de parçons.
P. 46, l. 26: venue.—Mss. B 1, 2: entente.
P. 47, l. 3: cops.—Ms. B 20: mots.
P. 47, l. 7-8: des parchons.—Mss. A 7, B 5, 7: des paroles.—Ms. B 12: de ces traittiez.
§ 192. P. 47, l. 24-25: nous verrons.—Mss. A 7, B 5, 7: vous verrés.
P. 47, l. 27: gides.—Mss. A 7, B 5, 7: gardes.
P. 48, l. 2: seront.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: serons.—Ms. A 2: seroient plus.—Ms. B 12: seroient.
P. 48, l. 4: acumeniièrent.—Ms. B 12: administrèrent.
P. 48, l. 11: parellement.—Ms. B 12: plainement.
P. 48, l. 13: ma.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.
P. 48, l. 16: se doit armer.—Ms. A 2: doit faire à ung autre.
313 P. 48, l. 21: avalés.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: leurs bacinetz.
P. 48, l. 21: les... bacinès.—Mss. B 5, 7, 12: leurs visières.
P. 48, l. 28: escippa.—Ms. A 7: esclicha.—Mss. B 1, 2, 12: esquipa.—Mss. B 5, 7: esclissa.
P. 48, l. 30: orginal.—Mss. A 7, B 7: orgonal.—Ms. B 5: organal.
P. 48, l. 32: tronçons.—Ms. B 1: trenchans.—Ms. B 2: trenchant.
P. 49, l. 6: de son costé.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Ms. A 1: de son cop.—Manquent aux mss. A 2, 7, B 5, 7.
P. 49, l. 21: ahaties.—Ms. A 7: fait.—Mss. B 5, 7: faiz.
P. 49, l. 24: heure.—Mss. A 7, B 5, 7: temps.
P. 50, l. 1-2: l’envoiia... et.—Ms. B 5: envoya ung de ses escuyers pardevers luy et luy commanda luy dire qu’il le prioit qu’il venist parler à lui, et il y vint.
P. 50, l. 9: parechons.—Ms. B 5: usances.—Ms. B 7: parçons.—Ms. B 12: adventures.
P. 50, l. 11: pris.—Ms. A 2: et les espices données et prinses.
P. 50, l. 21: Pont Ourson.—Mss. B 5, 2: Pontrouson.
P. 50, l. 31: et.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: dirons.
P. 50, l. 32: dou conte.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: donte.
§ 193. P. 51, l. 4: n’amiroit.—Ms. A 2: n’amoit.—Mss. B 5, 7: ne craignoit.
P. 51, l. 23: signeur.—Le ms. A 2 ajoute: et bon ami.
P. 51, l. 23: estoient.—Mss. A 7, B 5: estoit.
P. 51, l. 27: Flandres.—Le ms. A 1 ajoute de nouveau: en se compaignie.
P. 51, l. 31: et.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 52, l. 1: Pière.—Ms. B 7: Prière.
P. 52, l. 11: Franc.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Ms. B 1: Francq.—Manque au ms. A 1.
P. 52, l. 13: reconquerroit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: reconqueroit.
314 P. 52, l. 19: comparroient.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: comparoient.
P. 52, l. 29-30: quoiteusement.—Mss. B 5, 12: secretement.—Ms. B 7: couvertement.
P. 53, l. 2: proumesse.—Ms. B 5: serement.—Ms. B 7: serment.
P. 53, l. 3: Ernoul.—Mss. B 1, 2: Jehan.
P. 53, l. 6: cheulx... amis.—Ms. A 2: nos bons amis de la ville, ainsi que tenuz y sommes.
§ 194. P. 53, l. 14-15: tous ces convenans.—Mss. B 1, 2: ces convenances estre vraies.
P. 53, l. 20: relleveroit.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7: releveroient.
P. 53, l. 24: chiequantenier.—Le ms. A 2 ajoute: et dizeniers.
P. 53, l. 25: noef.—Ms. A 2: dix.
P. 54, l. 19: d’Enghien et.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: y ot.
P. 54, l. 24: Ernoul.—Ms. B 20: Piettre.
P. 54, l. 27: dissent.—Mss. A 7, B 5, 7: demandèrent l’un à l’autre.
P. 55, l. 7: las.—Ms. B 12: lassez.—Manque au ms. B 1.
P. 55, l. 20-21: et li... fuianx.—Ms. B 1: les veï.—Ms. B 2: les vit.
P. 56, l. 3-4: Si se... Gaind.—Ms. A 2: Si se deslogièrent du milieu des champs et se mistrent plus seurement.
P. 56, l. 8: Ippre.—Le ms. B 20 ajoute: si que dit est.
P. 56, l. 9: douse cens.—Ms. A 2: .XVIIIc.[include superscript and ending. in sc?] hommes tuffes et tacriers.
P. 56, l. 13: rataint.—Ms. B 12: occiz et mors.
P. 56, l. 16: gens.—Manque au ms. B 1.—leurs gens manquent au ms. B 2.
P. 56, l. 18: comment.—Le ms. A 2 ajoute: diable.
P. 56, l. 20: et.—Ms. A 1: e.
P. 56, l. 20: et menet mourir maisement.—Ms. B 12: livrez.
P. 56, l. 20: maisement.—Ms. A 7: mauvaisement.—Mss. B 5, 7: faulcement et mauvaisement.
315 § 195. P. 56, l. 31: mener.—Mss. B 1, 2: amener et adrechier.
P. 57, l. 2: il.—Ms. A 2: ces communes.
§ 196. P. 57, l. 19: trois mille.—Ms. A 2: IIIIm.
P. 57, l. 19: mille.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 57, l. 22: i.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 12.—Manque aux mss. A 1, 7, B 7.
P. 58, l. 2-3: par le... Ippre.—Ms. B 12: que.
P. 58, l. 3: gens.—Le ms. A 2 ajoute: qui sont marrados et craffeurs.
P. 58, l. 4: notable et si merciable.—Mss. B 1, 2: noble.
P. 58, l. 4: merciable.—Mss. A 7, B 5: piteable.—Ms. B 7: pitable.
P. 58, l. 6: trois cens.—Ms. A 2: IIIIc.
P. 58, l. 11: vollenté.—Les ms. B 1, 2 ajoutent: et bonne merci.
P. 58, l. 16: set cens.—Ms. A 2: VIxx.
P. 58, l. 17: gens.—Ms. A 2: meschans gens, compaignons des chaperons blans de Gand et.
P. 58, l. 21: chevaliers.—Le ms. A 2 ajoute: qu’ilz avoient tuez.
§ 197. P. 59, l. 2-3: dallés... loiaulté.—Ms. B 12: avecq lui.
P. 59, l. 14: sis.—Ms. A 2: VIII.
P. 59, l. 21: Biete.—Mss. A 2, 7, B 5, 7, 12: Biette.—Ms. B 20: Bietre.
P. 59, l. 26: Bourgongne.—Ms. A 2: Bretaingne.
P. 59, l. 30-31: painne ne peril.—Leçon des mss. A 7, B 1, 7.—Ms. A 1: ne painne peril.—Mss. B 2, 12: paine ne traveil.
P. 60, l. 1: si.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Mss. A 1, B 1: se.
P. 60, l. 8: à faire.—Ms. A 1: affaire.
P. 60, l. 12: quatre ou à sis.—Ms. A 2:.VIII. ou à.X.
P. 60, l. 12: marchissans à.—Mss. B 1, 2: de.
P. 60, l. 15: Braibans li païs.—Mss. A 7, B 2, 5, 7, 12: le pays de Braibant.
316 § 198. P. 60, l. 22: Flandres.—Les mss. F 1, A 1, 2, 4, 7, 9, B 1, 2, 5, 7, 12, 15, 16, 20 ajoutent: qui.
P. 60, l. 28: deus cens.—Ms. B 5: cent.
P. 60, l. 31: separées... ne.—Ms. B 12, 20: estoffez et ce pour les rivières que merveilles, car.
P. 61, l. 4: tous.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: deffendables et.
P. 61, l. 6: à siège.—Ms. A 1: assiège.
P. 61, l. 6: un.—Ms. A 2: deux.
P. 61, l. 10: jour.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: il avint que.
P. 61, l. 14: Lonc Pont.—Ms. B 12: passage.
P. 61, l. 22: chiés.—Mss. A 7, B 5, 7: le souverain chief.
P. 61, l. 27: le Witre.—Mss. B 5, 7: de Mittre.
P. 61, l. 29: sitretos.—Ms. B 20: incontinent.
P. 61, l. 31: à effort.—Ms. A 2: à grant effort.—Ms. B 5: que merveilles.—Ms. B 7: que effort.
P. 62, l. 3: jettée.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Mss. A 1, B 12: jetté.
§ 199. P. 62, l. 17: siis mille.—Ms. A 2:.VIIIm.
P. 62, l. 23-28: et escuiers... et vuidier.—Mss. A 7, B 7: que, quant ilz sçorent la prise [B 7: l’emprise], s’en vuidèrent.—Ms. B 5: lesquelz, quant ilz sceurent l’emprise, s’en vindrent.
P. 63, l. 3: Mamines.—Ms. A 2: Mauvinet.—Ms. B 5: Nammur.
P. 63, l. 6: contre eulx.—Ms. B 12: si qu’ilz n’eurent point de dommaige.
§ 200. P. 63, l. 16: à grant frait et à grant painne.—Mss. B 12, 20: à grans despens et à grant traveil.
P. 63, l. 19: Granmont.—Le ms. B 12 ajoute: et tout le plat pays.
P. 63, l. 25-27: si... et.—Ms. B 12: se rafreschir. En ce temps furent faittes de ceulx de Gand pluseurs belles issues sur ceulx d’Audenarde qui.
P. 64, l. 10-17: où Jehans... à Donse.—Ms. B 12: et d’autre part Jehan de Lannoy estoit à Denze.
P. 64, l. 12: Rasse de.—Ms. B 20: Jaques.
P. 64, l. 14-15: siis mille hommes.—Ms. A 2:.VIIIm. compaignons tuffaulx.
317 P. 64, l. 18-19: Adont... trouvèrent.—Ms. B 12: trouva.
P. 64, l. 29: venroit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: venront.—Ms. B 12: yroit.
P. 64, l. 30: mès.—Les mss. B 1, 2, 20 ajoutent: Jehans de Launoit n’i estoit point, mais [B 2: car; B 20: ainchois].
P. 65, l. 2: siis.—Ms. A 2: huit.—Mss. A 7, B 5, 7: dix.
P. 65, l. 4: il tournèrent vers.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. B 20: ilz s’en alèrent vers.—Manquent au ms. A 1.
P. 65, l. 4: il tournèrent vers Nieule, car.—Ms. A 2: ilz eurent autre conseill, car.—Manquent aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 65, l. 15: Niewle.—Mss. B 5, 7: demye lieue.
P. 65, l. 25: ables.—Mss. A 7, B 5: abilles.—Ms. B 5: abiles.—Ms. B 12: hardis.—Ms. B 20: aidans.
P. 65, l. 31: trouveroient.—Mss. B 1, 2, 5, 7, 12: trouvoient.
P. 66, l. 1: à par li.—Ms. B 12: à par elle.—Manquent aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 66, l. 10: grandeur.—Ms. B 5: oultrecuydance.
§ 201. P. 66, l. 23: quinse cens.—Ms. A 2:.XVIc.
P. 66, l. 28: Risoi.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7, 20: Risson.—Ms. A 2: Busson.
P. 66, l. 30: Berlaimont.—Leçon du ms. B 2.—Ms. A 1: Barbaumont.—Ms. A 2: Barbamont.—Mss. A 7, B 20: Barbammont.—Ms. B 1: Berlaumont.—Mss. B 5, 7: Barbommont.
P. 66, l. 31: messires Guis de Gistelles.—Manquent au ms. B 20.
P. 67, l. 2-4: messires Thieris... Villains.—Manquent au ms. A 2.
P. 67, l. 3: Grutus.—Ms. A 7: Gentus.
P. 67, l. 6: en devant.—Mss. B 1, 2: en la saison en devant.—Ms. B 12: un petit en devant.—Ms. B 20: un petit devant ce.
P. 67, l. 7: à Obies.—Mss. A 1, B 1, 2: au Bies.—Mss. A 2: à Doubies.—Ms. A 7: au Biez.—Mss. B 5, 7: à Aubiez.—Mss. 12, 20: en un lieu nommé le Biez.—Corrigé d’après une leçon antérieure, t. IX, p. 228.
P. 67, l. 14: trois.—Le ms. B 12 ajoute: de ceulx de Gand.
318 P. 67, l. 17: les.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: batailles.
P. 67, l. 18: amonnestoit.—Ms. B 12: administroit.
P. 67, l. 20: painne.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et de dangiers.
P. 68, l. 1: en.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: on.
P. 68, l. 1: ceoit.—Mss. A 7, B 5, 7: en y avoit.
P. 68, l. 3-4: je vous... poussis.—Mss. B 12, 20: un merveilleux estour moult aspre et dangereux.
P. 68, l. 9-10: bon bouteïs.—Mss. B 12, 20: ung moult fier estour.
P. 68, l. 18: sis.—Ms. A 2:.VIIIm.
P. 68, l. 20: plassiet d’aige et de marès.—Mss. B 12, 20: marescage couvert d’eaue.
P. 68, l. 26: cace.—Ms. B 5: fouyte.
P. 68, l. 28: recouvrier.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: que tout le pays fors ceulx qui tenoient le party des Gantois ne feust allé en essil et à perdition par feu et par glaive [B 12 ajoute: et eussent tout destruit].
§ 202. P. 69, l. 1: ses commugnes.—Mss. B 5, 7: les compaignons.
P. 69, l. 10-11: les tuoient à mons.—Ms. B 12: occioient à tous lez.
P. 69, l. 10-11: à mons.—Mss. A 2, 7, B 5, 7: à monceaulx.—Ms. B 20: de toutes pars.
P. 69, l. 16: ou moustier.—Mss. B 12, 20: dedens l’eglise avecq maint autre.
P. 69, l. 19: dehors.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: derrière.
P. 69, l. 24: contre le conte.—Mss. B 12, 20: à l’encontre de son droiturier seigneur.
P. 69, l. 31: feu.—Le ms. B 12 ajoute: dedens à tous costez.
P. 70, l. 1: velourdes.—Mss. A 7, B 5: balourdes.—Mss. B 12, 20: menuz fagoz.
P. 70, l. 1: apoia.—Ms. A 1: apaia.
P. 70, l. 5: à grant martire.—Mss. B 12, 20: en grant misère.
P. 70, l. 6: esboullé.—Mss. B 12, 20: effondrez.
319 P. 70, l. 12: galler.—Mss. A 7, B 1, 5, 7, 12, 20: gaber.—Ms. B 2: moquer.
P. 70, l. 14: biau.—Ms. B 12: sombre.
P. 70, l. 15: euwan.—Mss. 12, 20: en vain.
P. 70, l. 16: Launoit.—Ms. A 1: Launoy.
P. 70, l. 17: tel parti.—Mss. B 1, 2: ce peril.
P. 70, l. 18: le quoitoit de si priés.—Mss. B 12, 20: lui commença à approchier [B 20: le oppressoit] de si près que plus ne le pouoit souffrir et.
P. 70, l. 19-20: entra... car.—Ms. B 12: par feu ou saillir de hault en bas, si.
P. 70, l. 22: Enssi.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: que vous oez.
P. 70, l. 23: Launoit.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: sa vie miserablement.
§ 203. P. 70, l. 29: ville, ou ars ou moustier.—Ms. B 12: ville et en l’eglise de Nyeule.—Ms. B 20: ville de Nieule ou ars en l’eglise.
P. 71, l. 2: plasquier.—Ms. A 2: marestz.—Ms. A 7: flaichis.—Ms. B 2: placart.—Mss. B 5, 7: flachis.—Ms. B 12: palliz.—Ms. B 20: palus et marescage.
P. 71, l. 3: eulx.—Mss. B 12, 20: Rasse ne le secourir.
P. 71, l. 9: sommes.—Ms. A 1: somme.
P. 71, l. 11: gens.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: faire doient et.
P. 71, l. 22: la mort.—Ms. B 5: l’amour.
P. 72, l. 6-7: que... il l’ochiroient.—Ms. B 12: de le occire.
P. 72, l. 12: toute.—Ms. A 1: toutes.
P. 72, l. 12: toute Flandres.—Mss. B 5, 7: la comté de Flandres toute.
P. 72, l. 14: maus.—Le ms. A 2 ajoute: qui devoient advenir au païs.
P. 72, l. 14: sanchiés.—Ms. A 4: sachiez.—Mss. A 7, 9, B 5, 7: ce saichiez.—Ms. B 2: rapaisez.—Mss. B 12, 15, 16: advenuz.
P. 72, l. 16: Après.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7, 12.—Mss. A 1, 7: Près.—Un nouveau paragraphe commence ici dans les mss. B 1, 2, 12.
320 P. 72, l. 24: tout lassé.—Ms. A 2: touz lassez et travaillez.—Ms. B 12: assez traveilliez et lassés, si.—Ms. B 20: travailliez et lassez.
P. 72, l. 25: cinc cens ou sis cens.—Ms. B 12: six ou sept cens.
P. 72, l. 27: poursieuir.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et costoier.
P. 72, l. 29: logement.—Mss. A 7, B 5, 7: deslogement.—Ms. B 12: logiez.
P. 72, l. 32: cinc cens.—Ms. A 2: VIc.
P. 73, l. 4: tierne.—Mss. A 2, 7, B 2, 12, 20: tertre.—Ms. B 1: tiertre.—Mss. B 5, 7: tartre.
P. 73, l. 12: requellerons.—Le ms. A 2 ajoute: hardiement.—Le ms. B 12 ajoute: lourdement.
P. 73, l. 18: n’avoit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: n’avoient.
P. 73, l. 19: ses gens.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Mss. A 1, B 1, 2, 20: leurs gens.—Ms. B 12: Jehan de Launoy.
P. 73, l. 24: dollans.—Mss. A 7, B 5, 7: courrouciez.
P. 73, l. 24: Rasse.—Le ms. A 7 ajoute: et aussi doullant.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et de toute sa compaignie.
P. 73, l. 32: ne... respondus.—Ms. B 12: n’eut adont point de responce.
P. 74, l. 2: Dont.—Les mss. A 7, B 5, 7, 12 ajoutent: de.
P. 74, l. 8: anée.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: ensieuant.
§ 204. P. 74, l. 14: renvoiia.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: renoiia.
P. 74, l. 21: guerre.—Le ms. A 2 ajoute: puisque nous y avons commencié, à noz ennemis.
P. 74, l. 23 et p. 75, l. 11: quinse mille.—Ms. A 2: XVIm.
P. 75, l. 6: à siège.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: assegié.
P. 75, l. 6: conseil... siège, et.—Mss. A 7, B 5, 7: conseil de là plus tenir le siège.—Ms. B 2: conseil de demourer là, mais.
P. 75, l. 8-9: segnefieroient.—Mss. B 1, 2, 5, 7: segnefièrent.
321 P. 75, l. 9: remanderoient.—Mss. B 1, 2, 5, 7: remandèrent.—Ms. B 12: demandèrent.
P. 75, l. 14: Herlebèque.—Leçon des mss. A 7, B5, 7.—Ms. A 1: Horlebèque.—Mss. B 12, 20: Harlebèque.
P. 76, l. 3: sa maison.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: son hostel.
P. 76, l. 4: Trois.—Ms. A 2: Environ.VI. ou.VII.
P. 76, l. 13: quinse cens.—Ms. A 2:.XVIc.—Ms. B 20: quinse mille.
P. 76, l. 15: Ramseflies.—Mss. B 1, 2: Rengheillut.
P. 76, l. 16: li sires de Lieureghen.—Leçon des mss. B 1, 2, 20.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: le sire d’Anghien.—Manquent au ms. A 2.
P. 76, l. 16: Mamines.—Leçon des mss. B1, 2.—Ms. A 2: Mauvinès.—Mss. B 5, 7: Maninez.
P. 76, l. 17: Calonne.—Ms. A 7: Callemie.—Mss. B 5, 8: Colenne.
P. 76, l. 26: deffense.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: dense.
P. 76, l. 30: empainte.—Ms. B 5, 7, 12: emprise.
P. 76, l. 31 et ailleurs: Eham.—Ms. A 7: Ham.—Mss. B 1, 2: Exhan.—Ms. B 5: Cham.—Ms. B 7: Champ.—Ms. B 12: Eenham (leçon à adopter).
P. 76, l. 32: Pière.—Ms. A 1: Pièrez.
P. 77, l. 1: Stinehus.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1, 2, 7: Stunehus.—Ms. B 12: Scamuches.
P. 77, l. 3: dur.—Mss. A 7, B 5, 7: peine.
P. 77, l. 6-7: au signeur... Haluin.—Manquent au ms. A 2.
P. 77, l. 6-7: à messire... estoient.—Ms. B 12: et aux autres.
P. 77, l. 12: unes.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2.—Ms. A 1: une.
P. 77, l. 13-14: à glaves... damages.—Mss. B 12, 20: sur les pointes de leurs picques et de leurs glaives.
P. 77, l. 13-14: et le... damages.—Mss. B 1, 2: et là endroit morut.
§ 205. P. 77, l. 17: douse.—Mss. B 5, 7: quinse.
P. 77, l. 18-19: et mort... abbeïe.—Ms. B 20: l’abbaye et que ilz avoient prins le cloistre et occis leurs compaignons.
322 P. 77, l. 23-24: s’ordonnoient... jour.—Mss. B 5, 7: demoureroient là ce jour, car ilz s’ordonnoyent pour y demourer.
P. 78, l. 2: pour.—Le ms. A 7 ajoute: approuchier et.
P. 78, l. 12: avoient.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: aroient.
P. 78, l. 21: Capprons.—Le ms. A 2 ajoute: qui devindrent rouges.
P. 78, l. 21: durèrent.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: durent.
P. 78, l. 23: douse cens.—Mss. B 5, 7: quinse cens.
P. 78, l. 24: onse cens.—Ms. B 12: de wit à noef cens.
P. 78, l. 26 haie.—Le ms. A 2 ajoute: après que il fust congneu d’entre les autres.
§ 206. P. 79, l. 9: gens.—Le ms. A 2 ajoute: et se manque nostre avoir.
P. 79, l. 12: retoura.—Ms. B 12: redonderont.—Ms. B 20: redondra.
P. 79, l. 28: si.—Mss. A 1, B 1, 2: se.—Manque aux mss. A 7, B 5, 7, 12.
P. 79, l. 31: à—Leçon des mss. A 7, B 2.—Manque aux mss. A 1, B 1.
P. 79, l. 31: present.—Le ms. B 2 ajoute: faire.—Le ms. B 20 ajoute: certaine.
P. 80, l. 5: les amesist on.—Mss. B 5, 7: leur meïst on sus.—Ms. B 12: leur eust on mis sur.
P. 80, l. 8: mauvais.—Ms. A 2: guieliers.
P. 80, l. 16: mauvais.—Le ms. A 2 ajoute: garçons qui avoient prins livrée des Blans Chaperons.
P. 80, l. 17-18: à faire justice.—Ms. A 2: et aidié, se mestier en eust.
P. 80, l. 22: guerre.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque aux mss. A 1, 2, B 1, 2, 20.
P. 80, l. 22: gens.—Ms. A 2: truans.
P. 80, l. 22-24: guerre... maistre.—Ms. B 12: de meschans gens leurs seigneurs, ilz feroient les maistres.
P. 80, l. 22-23: et... seraient.—Manquent aux mss. B 1, 2.
323 P. 80, l. 23: seroient.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque aux mss. A 1, 2, B 20.
P. 80, l. 23: ville et.—Mss. B 1, 2: maistre, ce.
P. 80, l. 23: et.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Ms. A 1: che.—Ms. B 20: ce.—Ms. A 2: et avoir finances et porter estat, qu’ilz.
P. 80, l. 29-30: dont... demandés.—Ms. B 5: dont il pensoit en riens n’en pouoir estre ataint.—Ms. B 7: dont on ne lai peust riens demander.
P. 80, l. 30: morut.—Le ms. A 2 ajoute: honteusement.
P. 81, l. 2: boiteux... devant.—Leçon du ms. B 12.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 1, 2, 5, 7, 20.
P. 81, l. 6: amis.—Ms. A 2: accusé.—Mss. B 12, 20: chargié.
P. 81, l. 7: Simon.—Ms. A 2: Jehan de.
P. 81, l. 7: Rin.—Ms. B 12: Ruy.
P. 81, l. 8: chevalier.—Ms. A 1: chevaliers.
P. 81, l. 10: ont.—Mss. B 1, 2: en sont mort.
P. 81, l. 14-16: sicom... après.—Ms. B 12: comme il sera plus à plain cy après declairé avant en l’istoire.—Ms. B 20: si com plus à plain sera ci après racompté.
P. 81, l. 15: en l’istoire.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 81, l. 15-16: chi après.—Manquent aux mss. B 1, 2.—Mss. B 5, 7: ensuyvant.
§ 207. P. 81, l. 18: afoiblissoit.—Mss. B 1, 2: n’establissoit nuls.
P. 81, l. 24: que il... Si.—Ms. B 12: qu’il en morust, pour quoy.
P. 81, l. 24: Si.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7.—Mss. A 1, B 1: Se.
P. 82, l. 1: sage.—Le ms. B 20 ajoute: courtois et.
P. 82, l. 1: assés.—Le ms. B 12 ajoute: et courtois et bien loquent.
P. 82, l. 7: recorder.—Le ms. B 12 ajoute: par.
P. 82, l. 21: et contre la roïne.—Ms. A 7: et tenu, pour l’amour de qui.—Mss. B 5, 7: et tenu, par l’amour de laquelle.
P. 82, l. 21-22: et... Phelippes.—Ms. B 12: et donné son nom.
324 P. 82, l. 25: s’aquinta de lui.—Mss. A 7, B 7: s’acquitta à lui.—Ms. B 5: s’adroissa à luy.
P. 82, l. 29: ferés.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: feriés.
P. 82, l. 30: ferai.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: diray.
P. 82, l. 31: que.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7, 12, 20.
P. 83, l. 3: resusite.—Mss. A 7, B 5, 7: resuscitera.
P. 83, l. 10: stille.—Ms. A 1: se tille.
P. 83, l. 18: hauster.—Mss. A 7, B 5, 7: haultain—Ms. B 12: austre.
P. 83, l. 18: car.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: ungs homs et.
P. 83, l. 23: tenir.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 83, l. 23: tenir... ne.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 83, l. 23: nient.—Mss. B 1, 2: de vies d’ommes non.
P. 83, l. 24: des arondiaulx.—Mss. B 12, 20: d’oiseletz.
P. 83, l. 30: au.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Ms. A 1: à.—Mss. A 7, B 5, 7: ou.
P. 83, l. 31: Bos.—Le ms. B 12 ajoute: se leva.
P. 84, l. 1: sexte.—Mss. B 1, 2: sorte.
P. 84, l. 3: ordonneroit.—Ms. B 12: pourrait maintenir.
P. 84, l. 5: dedentrainnes.—Mss. A 7, B 5, 7: et des affaires.—Ms. B 1: deventraines.—Ms. B 2: dedens.—Mss. B 12, 20: d’entre eulx.
P. 84, l. 5: usoit.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et de son conseil.
P. 84, l. 6: au dehors.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: sur les champs à main armée.
P. 84, l. 13: bien.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: aidables et.
P. 84, l. 19: as.—Mss. A 7, B 5: sus.—Mss. B 7, 12: sur.
P. 84, l. 28: oï.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7.—Manque aux mss. A 1, 7.
P. 84, l. 29: les.—Mss. A 7, B 5, 7: des.—Ms. B 12: par les.
P. 84, l. 30: droit.—Ms. B 12: droit ne en justice.—Ms. B 20: droit et justice.
P. 85, l. 2: qui.—Mss. A 7, B 5, 7: qu’il.—Ms. B 12: comme il.
325 P. 85, l. 7: dou Bos.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Manquent aux mss. A 1, B 1, 2.
P. 85, l. 10: ne... ensonniier.—Mss. A 7, B 5, 7: nous ne le devons mie ensonnier.
P. 85, l. 10: de nous soi ensonniier.—Ms. B 12: emprendre nos besongnes.
§ 208. P. 85, l. 16: li.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 85, l. 16-17: là li requesrent.—Mss. B 1, 2: le araisonnèrent.—Ms. B 20: l’arrenguèrent.
P. 85, l. 21: avisset.—Ms. B 5: esleu.—Ms. B 20: entre tous autres choisi.
P. 85, l. 23: ceoit.—Mss. A 7, B 5, 7: seoit.
P. 85, l. 25-26: que de... ville.—Ms. B 5: qu’il luy pleust prendre en cure les affaires de la ville de Gant.—Ms. B 7: de la ville.
P. 85, l. 28: enterinement.—Leçon des mss. A 7, B 1, 7.—Ms. A 1: et terimement.—Mss. B 2, 5, 12, 20: entièrement.
P. 85, l. 29: com grans qu’il fuissent.—Ms. A 2: de quelconques estat qu’ilz fussent.—Ms. B 5: qui pour lors estoient.
P. 85, l. 30: ville.—Le ms. B ajoute: seroyent contrains.
P. 85, l. 31: moult.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: aviséement et.
P. 86, l. 4: Vous.—Mss. B 1, 2, 5: Et.—Manque au ms. B 7.
P. 86, l. 6: atrait.—Le ms. A 2 ajoute: mais il est vray que.
P. 86, l. 7: peut.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: ne sceu [B 12 ajoute: faire].
P. 86, l. 15: eslevés.—Mss. B 5, 7: esleu.
P. 86, l. 17: les maieurs et les eschievins.—Ms. B 12: la loy.
P. 86, l. 18: Phelippes.—Ms. A 2: Jaquemart.
P. 86, l. 20-21: à lui à besoingnier.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 7, B 5, 7: à besongner à lui.—Ms. B 12: à besongner avecq lui.—à lui manquent au ms. A 1.
326 § 209. P. 87, l. 3: mouiller.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7: femme.
P. 87, l. 6: actions.—Mss. B 12, 20: condicions.
P. 87, l. 7: pour le fait des.—Mss. B 1, 2: les.
P. 87, l. 13: planées.—Mss. A 7, B 5, 7: desheritées.—Mss. B 1, 2: privées.—Ms. B 12: bannis (sic).—Le ms. B 20 ajoute: et mises hors.
P. 87, l. 20: bon.—Mss. B 1, 2: roi et prince.
P. 87, l. 22: Galise.—Les mss. A 2, B 20 ajoutent: Castille.
P. 87, l. 22-23: couronnet.—Mss. B 1, 2: à gouverner.
P. 87, l. 26: geniteurs.—Mss. B 12, 20: routiers.
P. 87, l. 32: Berguettes.—Ms. B 12: Bergerettes.
P. 87, l. 32: Lingnac.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: Luicinac.—Ms. A 2: Neilhac.
P. 88, l. 1: le signeur de Taride.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 88, l. 12: grant treteur.—Mss. B 12, 20: qui parloit trop bien.
P. 88, l. 13: Frenando.—Mss. A 2, 7: Ferrando.—Mss. B1, 2: Frenande.—Mss. B 5, 7: Ferrand.
P. 88, l. 13: entente.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5.—Ms. A 1: ente.—Mss. B 12, 20: intencion.
P. 88, l. 15: Engletière.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: devers le roy.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et les presenterez de par moy au roy Bichart [B 20: Edouard].
P. 88, l. 17: lettres.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: qui portent creance.
P. 88, l. 19: fac.—Mss. A 7, B 5, 7: est ja.
P. 88, l. 19-20: ouverte.—Manque aux mss. B 1, 2.
P. 88, l. 28: bonne.—Mss. B 1, 2: si bonne.
P. 88, l. 29: nostre.—Mss. B 1, 2: vostre.
P. 88, l. 29: tant.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque aux mss. A 1, B 1, 2, 12, 20.
P. 88, l. 31: plaisir.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: Dieu devant.
P. 89, l. 3: Pleumoude.—Mss. B 5, 7: Pelerimoude.
P. 89, l. 7 et ailleurs: Englès.—Ms. A 1: Englescq.
P. 89, l. 10: mauvais vent.—Mss. B1, 2: vent contraire.
327 P. 89, l. 10: arivet.—Mss. A 7, B 7: arriva.—Mss. B 1, 2, 5, 12, 20: arrivèrent.
P. 89, l. 16-17: li... estoit.—Ms. A 2: ilz trouvèrent le roi d’Engl.
§ 210. P. 89, l. 19: li Londriien.—Mss. A 7, B 5, 7: ceulx de la cité.
P. 89, l. 20: si doi.—Mss. B 1, 2: ses trois.
P. 89, l. 24: frères.—Ms. B 5: oncles.
P. 89, l. 30: demandés.—Le ms. B 2 ajoute: enquis.
P. 90, l. 1: estoit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: est.
P. 90, l. 10: parolle.—Mss. A 2, 7, B 1, 2, 5, 7, 12: parlé.—Le ms. A 2 ajoute: de ceste matière.
P. 90, l. 11: estraingnes.—Ms. B 1: estrangiers.—Ms. B 2: estranger.—Mss. B 12, 20: portingalois.
P. 90, l. 13: dalés le.—Ms. B 20: à la table du.
P. 90, l. 14: quinse.—Ms. A 2: XVIII.
P. 90, l. 22: frescement.—Mss. B 1, 2: nouvellement.
P. 90, l. 24: juing.—Mss. B 1, 2: l’an.
P. 90, l. 27-29: et estoient... lui.—Ms. B 12: car le duc de Lancastre ne pouoit aller en Portingal, car c’estoit ung trop loing voyage pour lui, comme ilz disoient.
P. 90, l. 29-30: on... repentir.—Ms. B 20: qu’on en pourrait venir tart au repentir.
P. 91, l. 4: hauls.—Ms. B 20: autres.
P. 91, l. 7: otant d’archiers.—Ms. A 2: mil archiers.
P. 91, l. 12: sour.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: soulz.—Ms. A 7: soubz.
P. 91, l. 14-15: besongnoit à.—Ms. A 2: ressongna le voiage de Portugal pour.
P. 91, l. 17: Tassem.—Mss. A 2, B 20: Cassem.—Mss. A 7, B 5: Tasson.—Ms. B 7: Casson.—Ms. B 12: Sasses.
P. 91, l. 17: Ravane.—Le ms. A 2 ajoute: et le seigneur de Beauchamp et mons. Symon Burlé.
P. 91, l. 21: li evesques de Saint David.—Ms. B 12: l’archevesque de Cantebery.
§ 211. P. 92, l. 6: hostés.—Mss. A 2, 7, B 5, 7: gens de son hostel.
328 P. 92, l. 9: regars.—Ms. B 20: regent.
P. 92, l. 9-10: regars... et.—Mss. B 5, 7: gouverneur.
P. 92, l. 17: Pleumoude.—Manque aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 92, l. 23-24: li canonnes.—Ms. B 20: Julien.
P. 92, l. 24: Raimons.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 2, 7, B 5, 7, 12: Jehans.
P. 92, l. 24-25: messires... Noef.—Manquent au ms. B 20.
P. 92, l. 26-27: le soudich... Thaleboz.—Manquent au ms. B 20.
P. 92, l. 27: Thaleboz.—Ms. A 2: Taillebourc.—Mss. B 5, 7: Cabbor.
P. 92, l. 29: Sandevich.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 12, 20: Chaudevic.
P. 92, l. 31: Pleumoude.—Mss. B 5, 7: Pleumon.
P. 93, l. 1: cargier.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7: chargièrent.
P. 93, l. 5: Frenando.—Ms. A 1: Frenaube.—Ms. A 7: Ferrando; voy. plus haut, p. 88, l. 13.
P. 93, l. 18 et plus bas: Bervich.—Lisez: Beruich.
P. 93, l. 20: le Mare.—Mss. B 1, 2, 12: la Marche.
P. 94, l. 7: Tuide.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: Ruide.—Ms. A 2: rivière de Thui.
P. 94, l. 10: Morlane.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 20: Mourbane.
P. 94, l. 10: trois.—Ms. B 12: quatre.
P. 94, l. 19-20: en si.—Ms. A 1: enssi.
P. 94, l. 22: gratoit et vivoit.—Ms. A 7: lors estoit et.—Mss. B 5, 7: estoit lors et.—Ms. B 12: se sentoit.
P. 94, l. 24: Jaque.—Le ms. A 2 ajoute: vilains.
§ 212. P. 94, l. 27: cose et.—Mss. B 1, 2: aventure et chose.
P. 94, l. 27-28: cose et... fondacion.—Ms. B 12: besoigne de petite conduite.—Ms. B 20: cose et de petite conduitte et fondacion.
P. 94, l. 30: bonnes gens.—Ms. A 2: gens qui veulent tout bien et tout honneur.
P. 95, l. 8: oevres.—Mss. A 2, B 1, 2, 20: corvées.—Mss. A 7, B 5, 7: choses.—Ms. B 12: courroées.
P. 95, l. 13 et plus loin: d’Exsexs.—Mss. B 1, 2: d’Exestre.
329 P. 95, l. 13: Beteforde.—Leçon du ms. B 1.—Mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 20: Betefoude.
P. 95, l. 22: engle.—Ms. A 1: engles.
P. 95, l. 28: esrederies.—Ms. A 2: erreurs et folies.—Mss. A 7, B 5, 7: machinacions.—Mss. B 12, 20: mauvaistiés et enfermetez.
P. 95, l. 30: Balle.—Ms. B 5: Baille.
P. 96, l. 3: l’aitre.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: lettre.—Ms. A 7: l’estre.—Ms. B 2: la place.—Mss. B 5, 7: l’aitre ou cimetière.—Ms. B 12: cimetière.
P. 96, l. 15: camocas.—Ms. B 20: d’autres fins draps.
P. 96, l. 17: espisses.—Le ms. A 2 ajoute: les poucins.
P. 96, l. 18: le retrait et.—Ms. A 2: et tout le gros de.—Ms. B 2: et le son.
P. 96, l. 18: et.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.
P. 96, l. 19: buvons.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: buvez.
P. 96, l. 23: batu.—Le ms. A 2 ajoute: comme asnes à oont.
P. 96, l. 24: si.—Leçon des mss. B 1, 5.—Ms. A1: se.
P. 96, l. 28: pourverrons.—Ms. A1: pourveurons.
P. 96, l. 31: orra.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: ara.—Ms. B 20: avra.
P. 97, l. 3: l’ooient.—Le ms. A 2 ajoute: et escoutoient voulentiers.
P. 97, l. 7: si.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Ms. A 1: se.
P. 97, l. 10: mois.—Ms. A 2: ans.
P. 97, l. 12-13: à... faissoit.—Ms. A 2: à mourir en prison.
P. 97, l. 13: délivroit.—Ms. A 7: vouloit delivrer.—Mss. B 5, 7: faisoit delivrer.
P. 97, l. 16: russe.—Ms. A 2: ruse et sermon.—Ms. B 12: frenaisie.
P. 97, l. 17-18: aviset.—Ms. B 1: acusez.—Ms. B 2: abuvrez.
P. 97, l. 29: en.—Mss. B 5, 7: ou royaume de.
§ 213. P. 97, l. 31 à p. 98, l. 1: de Kemt... d’environ.—Ms. A 2: de Betephoude et de Douzières.
330 P. 98, l. 2-3: et se... Londres.—Leçon des mss. B 1, 2, 12, 20.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 5, 7.
P. 98, l. 3: au retour.—Ms. B 12: entour.
P. 98, l. 6: troi.—Mss. A 2, B 20: quatre.
P. 98, l. 9: gars.—Ms. A 2: villain.
P. 98, l. 10: envenimés.—Mss. A 7, B 5, 7: ennemis.—Mss. B 12, 20: plain de l’ennemi.
P. 98, l. 16: eurent.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: l’eurent.
P. 98, l. 17: il dissent.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7.—Manquent aux mss. A 1, 7.—Ms. A 2: il s’avisièrent.—Mss. B 12, 20: ilz conclurent.
P. 98, l. 20: par fous.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: par fons.—Ms. A 2: ces meschans gens.—Ms. B 2: par feux.
P. 98, l. 20: fous d’un village.—Mss. A 7, B 5, 7: les portes par l’une.—Mss. B 12, 20: assemblées de villaiges.
P. 98, l. 20: ou.—Mss. B 5, 7: et par l’autre.
P. 98, l. 21: ou.—Mss. B 5, 7: par l’autre.
P. 98, l. 23: troi.—Mss. B 1, 2: deux.
P. 98, l. 28: villain.—Ms. A 2: archivillains tuffaulx.
P. 98, l. 29: cent lieues.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: de cinquante lieues.
P. 98, l. 29: de soissante lieues.—Manquent aux mss. B 5, 7.
P. 98, l. 31: plenté.—Mss. B 1, 2: partie.
P. 99, l. 3: reveler.—Ms. B 20: eslever et rebeller.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: et eslever.
P. 99, l. 7: meschans.—Mss. B 12, 20: povres.
P. 99, l. 14: aucune.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7.—Mss. A 1, 2: ennemies.—Ms. A 7: annemie.—Mss. B 12, 20: hayne couverte ou autrement.
P. 99, l. 17: s’osa anuitier.—Ms. B 12: lui firent mal, mais elle ne se osa arrester ne anuytir.
P. 99, l. 17: anuitier.—Mss. B 5, 7: sejourner.
P. 99, l. 23: gens.—Ms. A 2: meschans gens.
P. 99, 1. 23: reveloient.—Mss. B 6, 7: eslevoyent.
P. 99, l. 31: esclarcirai.—Ms. B 5: declareray.—Ms. B7: esclareray.
P. 99, l. 31-32: che fait... demenés.—Ms. B 12: ceste 331 chose et mauldite besoingne de point en point, ainsi qu’elle advint et qu’elle fut demenée.—Ms. B 20: ceste mauvaise besoingne, tout ainsi qu’elle fut demenée.
§ 214. P. 100, l. 1-2: sepmainne... Sacrement.—Ms. B 20: sepmainne du Sacrement devant le jour à bonne estrine.
P. 100, l. 3: gens.—Ms. A 2: meschans g.—Ms. B 20: povres g.
P. 100, l. 9-10: Wantre... entrèrent.—Ms. B 2: Et lorsque Wautre Strate Tuilier et Jaques Strau entrèrent.
P. 100, l. 12: sexte.—Mss. A 7, B 5, 7: sorte.
P. 100, l. 14: compaignons.—Ms. B 5, 7: capitaines.
P. 100, l. 14: oultre le Tamisse.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 100, l. 15: de Stafort.—Mss. B 5, 7: d’Estanfort.
P. 100, l. 18: escaper.—Mss. A 7, B 5: estouper le pas.—Ms. B 7: estouper le chemin.
P. 100, l. 23: fustèrent.—Ms. B 12: frustrèrent.
P. 100, l. 24: hors.—Ms. A 2: ses biens meubles.—Ms. B 20: les biens.
P. 100, l. 30: l’endemain.—Leçon du ms. B 12.—Mss. A 1, 7, B 1: le lundi.—Mss. A 2, B 20: le mardi.—Mss. B 2, 5, 7: ce lundi.
P. 101, l. 1: fondefloient.—Ms. A 2: confundoient.—Ms. A 7: fondoient.—Ms. B 1: fondeflioient.
P. 101, l. 1-2: fondefloient et abatoient.—Ms. B 2: demolissoient, abatoient et ruoient.—Mss. B 5, 7: abatoient et fondroyoyent.—Mss. B 12, 20: abatoient et craventoient.
P. 101, l. 4: merci.—Ms. B 2: pitié.
P. 101, l. 9: Meuton.—Mss. B 1, 2, 12, 20: Menton.—Mss. A 7, B 5, 7: Mouton.
P. 101, l. 9: Si.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5.—Mss. A 1, B 1: Se.—Mss. B 12, 20: Et.
P. 101, l. 9: Si li.—Ms. B 7: Ceulx.
P. 101, l. 18: obeï.—Ms. B 12: s’acorda.
P. 101, l. 21: Sousexses.—Ms. A 1: Sousexsexes.
P. 101, l. 22: Norduich.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 2: Warwich.—Mss. A 1, B 5, 7, 12, 20: Verduich.
P. 101, l. 23: Gernemue.—Leçon des mss. B 1, 2.-Ms. 332 A 1: Genoume.—Mss. A 7, B 5, 7: Genomme.—Ms. B 12: Genuine.
P. 101, l. 23: Line.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: Lime.
P. 101, l. 25: Morlais.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7, 12: Moylais.
P. 101, l. 26: Estienne.—Leçon des mss. B 12, 20.—Mss. A 1, 2, 9, B 1, 2, 5, 7: Thomas.
P. 101, l. 26-27: Cosington.—Leçon de Johnes.—Mss. A 1, 2, 7, 9, B 1, 2, 5, 7, 12, 20: Ghisinghem.
P. 102, l. 2: le... faire.—Ms. B 2: se rebellèrent contre le roy de France et firent.
P. 102, l. 3: de.—Le ms. B 5 ajoute: dix, voire plus de.
P. 102, l. 5-6: Engletière.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: et des marches dessus dites.
§ 215. P. 102, l. 11: mansions.—Mss. B 1, 2, 12: manoirs.—Mss. A 7, B 5, 7: maisons.
P. 102, l. 12: procureurs.—Le ms. A 2 ajoute: du roy et de l’arcevesque.
P. 102, l. 13: testes.—Ms. B 20: hatereaulx.
P. 102, l. 26: sour.—Le ms. B 20 ajoute: la Tamise et sur.
P. 102, l. 28-29: devers... venist.—Mss. B 5, 7: au roi et dire.
P. 102, l. 31: une.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: un.—Mss. A 7, B 5, 7: par.
P. 103, l. 2: menu.—Ms. A 7: commun.—Mss. B 5, 7: commun et menu.
P. 103, l. 15: messire Thumas.—Manque aux mss. A 7, B 5, 7, 12.
P. 103, l. 20: Senselles.—Ms. B 5: Faucelles.—Ms. B 7: Sautelles.
P. 103, l. 27-28: faire... avant.—Ms. A 2: faire maugré moy et par force, car, chier sire, ces villains m’ont mis si avant que je suis.
P. 103, l. 29: dont.—Ms. B 12: pour quoi estes vous venus, et de ce que.
P. 104, l. 2: que.—Ms. B 1: plus que.
P. 104, l. 10: devers.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Ms. 333 A 1: vous.—Mss. A 7, B 5, 7, 20: vers.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: et parlé proprement à vous.
P. 104, l. 14-15: quel... ceste.—Ms. B 20: qu’il estoit de faire pour le mieulx sur celle.
P. 104, l. 16: le matin le joedi.—Ms. B 12: l’endemain au matin qui estoit le lundy.
P. 104, l. 20: batiel.—Mss. A 7, B 5, 7: vaissel.
P. 104, l. 24: rois.—Mss. B 1, 2: personnellement sans nulle faulte.
P. 104, l. 29: et c’estoit raisons.—Mss. B 1, 2: et se les enfelenioit trop.—Mss. B 5, 7: par raison.—Manquent aux mss. B 12, 20.
§ 216. P. 105, l. 1: Norhantonne.—Mss. A 7, B 5, 7: Northombrelande.
P. 105, l. 18: Miauros.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, B 5, 7: Miaurés.—Ms. A 7: Maurés.—Ms. B 20: Miaurez.
P. 105, l. 20: car bien savoit.—Mss. B 1, 2: si se dissimuloit ce qu’il pooit, car dur lui estoit à entrer en traictié à le deshonneur dou roy ne dou royaulme d’Engleterre, et ot pluseurs ymaginacions sur ce, car bien sentoit.
P. 105, l. 22: si.—Leçon des mss. B 5, 7.—Mss. A 1, 7, B 1, 2, 12, 20: se.
P. 105, l. 24: de.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Manque aux mss. A 1, B 1.
P. 105, l. 32: fort.—Le ms. A 2 ajoute: et en estoient plus maltraitables.
P. 106, l. 1: parlerons.—Leçon des mss. A 1, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: parlons.
P. 106, l. 2: perseverèrent.—Mss. B 1, 2: persevera.—Le ms. B 12 ajoute: en leurs rebellions et en leurs mauldittes mauvaisetez, et comment le roy se porta contre eulx.
§ 217. P. 106, l. 7: d’Acquesufort.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: d’Asufort.—Ms. A 7: de Sufforch.—Mss. B 5, 7: de Suquefort.
P. 106, l. 9: rivage.—Les mss. B1, 2, 20 ajoutent: et contreval le rivage.
334 P. 106, l. 25: wauler.—Mss. A 7, B 1, 2, 7, 12, 20: waucrer.—Ms. B 7: haucrer.
P. 106, l. 27: vous.—Le ms. A 2 ajoute: et ay fait vostre mandement.
P. 106, l. 30: plus aissiement.—Mss. B 5, 7: tout au long.
P. 107, l. 1: en estat.—Manquent aux mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.
P. 107, l. 1: arroi.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: ne en ordonnance.
P. 107, l. 6: gens.—Ms. B 20: populaires.
P. 107, l. 7: d’aïr.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: d’ire.
P. 107, l.12: fondeflant.—Ms. B 2: ruant jus.—Mss. B 5, 7: fouldroyant.—Mss. B 12, 20: craventant.
P. 107, l. 31: pourveues.—Ms. B 5: garnies.
P. 108, l. 1: rebrachiet.—Mss. A 7, B 5, 7: appareilliez.—Mss. B 1, 2: apparilliet et tout rebrachiet.—Ms. B 12: advancié.
P. 108, l. 5: trente.—Mss. B 1, 2: vint.
P. 108, l. 9: gardes et.—Le ms. A 2 ajoute: puis boutèrent le feu dedans.
P. 108, l. 12: l’Oppitalier.—Mss. B 1, 2: des Hospitaliers.
P. 108, l. 13: Calerwille.—Mss. A 1, 7, B 1, 2, 5, 7, 12, 20: Calermille.—Ms. A 2: Carlewille.
P. 108, l. 27: esragiés.—Ms. B 20: hors de leur bon sens.
§ 218. P. 108, l. 30: amaignagier.—Mss. B 5, 7: assembler.—Ms. B 20: arrester.
P. 109, l. 6: cinc.—Le ms. A 2 ajoute: ou six.
P. 109, l. 7-8: mal pour lui.—Ms. A 2: ilz lui couperoient la teste.
P. 109, l. 18: de Londres.—Ms. A 7: et riches.
P. 109, l. 23: mousches.—Mss. B 12, 20: moutons.
P. 109, l. 27: armet.—Le ms. A 2 ajoute: en certains lieux tous tapiz et muciez.
P. 109, l. 31: esté manchevi.—Mss. A 7, B 5, 7: esté menaciez.—Mss. B 1, 2: esté avertit.
P. 109, l. 31: Perducas.—Ms. B 12: Thomas.
P. 110, l. 3: commun.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: estans en la dicte ville.
335 P. 110, l. 12: esmeutin.—Ms. A 2: lui esmouvoir contre ces meschantes gens.—Mss. B 5, 7: esmouvement.—Ms. B 20: nulz esmouvoir.
P. 110, l. 15: de.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Manque aux mss. A 1, B 1.
P. 110, l. 16: puisedi.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: de puis.
P. 110, l. 17: le.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Manque au ms. A 1.
P. 110, l. 17: moult chièrement.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Ms. A 1: moult chierent.—Ms. B 20: moult amèrement.—Manquent aux mss. B 1, 2.
§ 219. P. 110, l. 19: de.—Mss. A 7, B 5, 7: devant.
P. 110, l. 20: aparillier.—Mss. B 12, 20: lever et prendre leurs bastons.
P. 110, l. 24: parolles.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et non sans cause.
P. 110, l. 27: le Milinde.—Ms. A 1: Milieude; cf. plus loin p. 112, l. 18.—Mss. A 7, B 5, 7: le milieu de.—Ms. B 1: au milieu de.—Ms. B 2: le Millinde, qui est.
P. 110, l. 28: où.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7, 12.—Ms. A 1: u.—Ms. B 2: y.—Manque au ms. B 1.
P. 110, l. 29: otroieroit.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: otroieroient.
P. 110, l. 30: demanderoient.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: ou vouloyent demander.
P. 111, l. 7: rihote.—Mss. A 7, B 5, 7: richesce.—Ms. B 20: butin.
P. 111, l. 16: quatre cent.—Ms. B 12: trois cens.—Le ms. A 2 ajoute: villains, marados et petaulx.—Le ms. B 20 ajoute: d’iceulx meutins.
P. 111, l. 17: et sallirent.—Ms. B 1: de trou et.—Ms. B 2: de trou en trou et.
P. 111, l. 27: Jehan.—Mss. B 12, 20: Laurens.
P. 111, l. 27: Laige.—Mss. B 1, 2: Lagne.—Mss. B 5, 7: Large.
P. 111, l. 27: quatre.—Mss. B 1, 2: trois.
P. 111, l. 29: Londres.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: comme se il eussent esté traïctres au roy et au royaulme.
336 P. 111, l. 29: joué.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: jurez.—Ms. A 7: jouez.
P. 111, l. 30-31: il... roiaulme.—Mss. B 1, 2: traïtres.
P. 111, l. 32: cil.—Le ms. A 2 ajoute: villains puans.
P. 112, l. 1: despecièrent.—Ms. B 1: depestillèrent.—Ms. B 2: pestillèrent.
P. 112, l. 1: eshidée.—Ms. A 2: courrocée.—Mss. A 7, B 5, 7: espouentée.—Ms. B 12: esbahie.
P. 112, l. 2-3: camberières.—Ms. A 1: cambourièrez.
P. 112, l. 5-6: par... menée.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 5, 7.
§ 220. P. 112, l. 15-16: au peuple.—Ms. A 2: à ces communes où ilz estoient.
P. 112, l. 29: maissons.—Ms. B 5: manoirs.
P. 113, l. 5: banières.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et en tout ce ne trouverez quelque faulte, car je n’en seray ja reprins.
P. 113, l. 27: nations.—Mss. B 5, 7: contrées.
P. 113, l. 31: acort.—Ms. A 1: acors.
P. 113, l. 32: mille.—Le ms. A 2 ajoute: villains, termulons et bomules.
P. 114, l. 7: poissance.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: au mieulx qu’ilz porent.
P. 114, l. 10: que il les avoient.—Ms. B 20: qu’ilz en estoient saisis.
P. 114, l. 18: un.—Le ms. A 2 ajoute: paillart.
P. 114, l. 19: Listier.—Mss. B 5, 7: Histier.
P. 114, l. 19: de Stafort.—Ms. A 2: de Steinforth.—Mss. A 7, B 5, 7: d’Estanfort.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: une bonne forte ville.
§ 221. P. 114, l. 24: Nieugate.—Leçon du ms. B 1.—Mss. A 1, B 2, 12, 20: Mengate.—Mss. A 7, B 5, 7: Mangate.
P. 114, l. 26: recorder.—Mss. B 5, 7: compter.
P. 114, l. 31: uns.—Le ms. A 2 ajoute: très mauvais.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: mauvais.
P. 115, l. 7: Robers.—Ms. A 2: Jehan.
P. 115, l. 11: tournés.—Mss. B 1, 2: formés.
337 P. 115, l. 15: amé.—Ms. B 20: menet.—plus... amé.—Mss. B 1, 2: trop mieux menet.
P. 115, l. 15: Si.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7.—Ms. A 1: Se.—Ms. B. 12: Ilz.—Ms. B 20: Adont.
P. 115, l. 16: citté.—Le ms. A 2 ajoute: et la prandroient par force.
P. 115, l. 16: euls.—Le ms. A 2 ajoute: pour sçavoir qu’ilz lui vouloient.
P. 115, l. 25: moult bellement.—Ms. A 7: bellement et moult doucement.—Mss. B 5, 7: bellement et doucement.—Ms. B 12: bien gracieusement à luy.
P. 115, l. 31: serés.—Le ms. A 7 ajoute: avecques nous et.
P. 116, l. 2: si.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2.—Mss. B 5, 7: ce.—Ms. B 12: il.—Ms. B 20: certes il.
P. 116, l. 2: vint.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: mout grant merveille et à.
P. 116, l. 4: gens.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: tous forsennez et plains d’oultrecuidance [B 20: de folle oultr.].
P. 116, l. 5: vous.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 116, l. 8: pendut.—Le ms. B 5 ajoute: par les gorges.
P. 116, l. 14: estoriier.—Ms. A 2: ferir et à frapper d’estoc et de taille.—Mss. A 7, B 5, 7, 12: escarmouchier.—Ms. B 20: escarmuchier autour de luy.
P. 116, l. 20: tant d’armes.—Ms. A 2: telle fouison d’armes d’une espée.
P. 116, l. 21: quarante.—Mss. B 5, 7: soissante.
P. 116, l. 22: li.—Le ms. A 2 ajoute: si espessement.
P. 116, l. 23: desarmés.—Le ms. A 2 ajoute: qu’il ne pot durer longuement contre ces villains.
P. 116, l. 24: si.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: se.
§ 222. P. 117, l. 6: li roi.—Ms. A 1: li rois.—Mss. A 7, B 2, 5, 7, 12: les rois.—Ms. B 1: le roy.
P. 117, l. 6: Engletière.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: crestiens.
P. 117, l. 17: quelliet.—Mss. B 1, 2: esveilliet.
P. 117, l. 17: mauvais.—Le ms. A 2 ajoute: villains de toutes ces communes.—Le ms. B 20 ajoute: de ces paysans.
338 P. 117, l. 19: place.—Le ms. B 12 ajoute: qu’on dit Sementer et une grant place.
P. 117, l. 19-20: Semitefille.—Ms. B 1: Semitefillier.—Ms. B 2: Semitefiller.
P. 117, l. 22: en la ville qui se.—Mss. B 5, 7: et parloyent et.
P. 117, l. 25: tout.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: aise et tout.
P. 117, l. 28: cil.—Ms. B 5: ces Angloys.
P. 118, l. 7: Iorc.—Ms. A 2: Rocestre.
P. 118, l. 16: eulx.—Ms. A 2: ces villains.—Ms. B 20: eulx gloutons.
P. 118, l. 19: regarde et voit.—Mss. B 5, 7: s’arresta et regarda.
P. 118, l. 19: che peuple.—Ms. A 2: ces meschans gens qui là estoient.
P. 118, l. 25: aler.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: alé.
P. 118, l. 26: acène.—Mss. B 5, 7: signe.—Ms. B 12: fay signe.
P. 118, l. 27: si.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7: se.—Mss. B 5, 7: et.
P. 119, l. 1: juponnier.—Mss. A 7, B 5, 7: pourpointier.—Le ms. B 2 ajoute: ou pourpointier.
P. 119, l. 2: Ticle.—Mss. B 1, 2: Tube.
P. 119, l. 3 et 5: jupons.—Mss. A 7, B 5, 7: pourpoins.
P. 119, l. 4: Si.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5: Se.
P. 119, l. 4-5: Si... Jehans.—Ms. B 20: Quant le dit Jehan fut quitte de ses juppons, il dist à Wautre.
P. 119, l. 6: Il... mars.—Mss. B 12, 20: J’en ai delivré à voz gens plus de trente.
P. 119, l. 8: crant.—Mss. B 5, 7, 20: plège.
P. 119, l. 20: rihotte.—Mss. B 12, 20: huttin.
P. 119, l. 25: faire.—Le ms. B 20 ajoute: à toute haste.
P. 119, l. 29: villages.—Ms. A 2: bailliages.
P. 120, l. 4: regarde.—Mss. A 7, B 5, 7: regarda.
P. 120, l. 6: Tieulliers.—Ms. B 20: le glouton.
P. 120, l. 7: juer.—Le ms. A 2 ajoute: et à le manier.
339 P. 120, l. 7: tourner.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et virer.
P. 120, l. 10: l’aies.—Le ms. A 2 ajoute: ne la tiegnes en ta main, traïtre et mauvais.
P. 120, l. 16: Londres.—Le ms. B 20 ajoute: en celle place et en la presence du roy.
P. 120, l. 17: leurs cottes.—Mss. B 5, 7: la robe.—Mss. B 12, 20: leurs robes.
P. 120, l. 20: parolles.—Le ms. A 2 ajoute: et si oultrageuses.
P. 120, l. 25: parles.—Ms. A 1: parle.
P. 121, l. 5: folles.—Mss. A 7, B 5, 7: mescheans.
P. 121, l. 10: devant li.—Mss. B 1, 2: en sa main.
P. 121, l. 14: s’ordonnoient.—Le ms. B 20 ajoute: et rengoient.
P. 121, l. 19: vaincu.—Mss. B 5, 7: honteux.
P. 121, l. 20: defuir.—Mss. B 1, 2: fuir et à departir.—Mss. B 12, 20: desroier et à departir.
P. 121, l. 22: quelque.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: quel.
P. 121, l. 25-26: valloit riens.—Ms. B 20: pouoit que dommagier.
P. 121, l. 29: lés.—Mss. B 5, 7: cousté.—Mss. B 12, 20: parti.
P. 122, l. 1: maire.—Mss. B 1, 2: roi.—Le ms. B 20 ajoute: on tue tout.
P. 122, l. 3: hostels.—Mss. B 1, 2: maisons.
P. 122, l. 6: armés.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et bien en point.
P. 122, l. 9: noef.—Mss. A 7, B 5, 7: pluseurs.
P. 122, l. 10: cent.—Ms. A 2:.IIIc.—Mss. A 7, B 5, 7: sis cens.
P. 122, l. 12: Brambre.—Leçon des mss. A 7, B 7.—Ms. A 1: Lambre.—Mss. B 1, 2, 12: Bambre.—Ms. B 5: Braubre.
P. 122, l. 15: roi.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: d’une part.
P. 122, l. 20: Standuich.—Le ms. A 2 ajoute: qui portoit l’espée du roy, à qui Tieullier ot debat.
340 P. 122, l. 20: Brambre.—Ms. B 12: Lambre.
P. 123, l. 1: eux.—Ms. B 20: ces populaires.
P. 123, l. 10-11: aportèrent.—Ms. B 20: rebaillièrent oultre; et ainsi qu’ilz les apportoient.
P. 123, l. 16: demuchièrent.—Mss. A 7, B 5, 7: desroutèrent.
P. 123, l. 17: retraïssent.—Le ms. B 2 ajoute: vers Londres, l’un ça, l’autre là, et le roy et les seigneurs et leurs routes rentrèrent.
P. 123, l. 21-24: Enssi... en Londres.—Ms. B 2: Si les laissa lors partir et le roi rentra en Londres à grant ordonnance et.
P. 123, l. 22: demuchièrent.—Mss. A 7, B 5, 7: degastèrent.
P. 123, l. 28: esbahie.—Mss. B 5, 7: courroucée.
P. 123, l. 29: biaux.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: doulz.
P. 123, l. 32: Or.—Le ms. A 2 ajoute: faictes bonne chière.
P. 124, l. 1: car... Dieu.—Mss. A 7, B 7: et loés Dieu, car il est heure de loer Dieu.—Ms. B 5: et loés Dieu, car il est heure de le loer.
P. 124, l. 5: roi.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: roie.
P. 124, l. 6: et... gens.—Mss. A 7, B 5, 7: c’estoit que toutes gens.
P. 124, l. 9: soleil levant.—Ms. A 2: heure de prime.
P. 124, l. 17: eurent.—Mss. A 7, B 7: furent.
P. 124, l. 17-18: grant joie.—Mss. A 7, B 5, 7: grandement resjouyz.
P. 124, l. 18: ossi.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: combien qu’il fust par avant mort.
P. 124, l. 22: pour.—Ms. A 2: par ceuls des communes qui venoient de Londres et s’en retournoient; et quant.
P. 124, l. 23: estoient.—Le ms. A 2 ajoute: sceurent comment ilz avoient mal ouvré.
§ 223. P. 124, l. 28: avenues.—Mss. B 5, 7, 12: aventures.
P. 124, l. 28: revelemens.—Mss. B 1, 2, 12: ceste rebellion.
341 P. 125, l. 8 et plus loin: de.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 125, l. 13: si.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: vaillanment et si.
P. 125, l. 16: cinc.—Ms. A 2:.VI.
P. 125, l. 16: sis.—Mss. A 2, B 1, 2: set.
P. 125, l. 24: les coses soient apaissies.—Ms. B 20: la rumeur soit ung petit rapaisie.
P. 126, l. 1 et 7: Rademan.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, B 12: Rademon.—Mss. A 7, B 5, 9: Rademen.
P. 126, l. 6: si.—Leçon des mss. A 7, B 2.—Mss. A 1, B 1: se.—Mss. B 5, 7: ce.—Ms. B 12: moult.
P. 126, l. 22: la.—Ms. B 20: l’entrée de la.
P. 126, l. 27: et.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: bien sentoit.
P. 126, l. 27: et que.—Mss. B 5, 7: car.
P. 126, l. 31-32: Monsigneur... autres.—Mss. B 5, 7: non.—Manquent au ms. A 7.
P. 127, l. 2: escript.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: aux bonnes villes et.
P. 127, l. 16: de.—Manque aux mss. A 1, 7, B 1, 5, 7, 12.
P. 127, l. 16: Lincestre.—Mss. B 1, 2: Wincestre.
P. 127, l. 18: Line.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: Cluine.—Manque aux mss. B 12, 20.
P. 127, l. 19: Bruvelé.—Leçon du ms. B 12.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: Bumelé.—Mss. B 1, 2: Vinuellé.—Ms. B 20: Burnelé.
P. 127, l. 22: establi.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: pour en estre garde.
§ 224. P. 127, l. 28: prieroit.—Leçon des mss. B 5, 7, 12.—Mss. A 1, 7, B 12: prioit.
P. 128, l. 3: afaire.—Mss. B 1, 2: estat.
P. 128, l. 5: trois.—Ms. A 2:.iiii.
P. 128, l. 7: segnefiet.—Mss. B 12, 20: advertiz.
P. 128, l. 15: Escoche.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: et leurs routes.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: et toute leur routte.
P. 128, l. 15-16: s’entrecontrèrent.—Mss. A 9, B 5, 7: s’entracolèrent.—Mss. B 12, 20: s’entrefestoièrent.
P. 128, l. 20-21: pour ches jours.—Mss. B 1, 2: adont.
342 P. 128, l. 26: tempore.—Mss. A 7, B 5, 7: temps.
P. 128, l. 31: cause.—Le ms. B 12 ajoute: contre verité.—Le ms. B 20 ajoute: à la verité.
P. 129, l. 3 et p. 130, l. 11: maleoites.—Mss. A 7, B 5, 7: mescheans.
P. 129, l. 15: esciel.—Ms. B 2: table, tronche.—Mss. B 12, 20: bois.
P. 129, l. 17: malvaisté.—Mss. B 5, 7: mauvaises.
P. 129, l. 20: il.—Mss. A 7, B 5, 7: se il.—Mss. B 1, 2, 12: s’il.
§ 225. P. 129, l. 26: coses.—Ms. B 12: troubles et rebellions.—Le ms. B 20 ajoute: et ces troubles et rebellions.
P. 129, l. 28: Stafort.—Mss. B 5, 7: Estanfort.
P. 129, l. 28: et Jake Strau.—Manquent aux mss. A 7, B 5, 7.
P. 129, l. 31: bailliages.—Mss. B 5, 7: vilages.
P. 129, l. 31: senescaudies.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12: senescaucies.
P. 130, l. 14: entra en.—Ms. B 20: ne entra pas aillieurs de venue qu’en.
P. 130, l. 15: un.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 130, l. 15: Espringhe.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: Ooupringhe.—Mss. A 2, 7, B 5, 7: Compringhe.—Ms. B 2: Espringue.—Ms. B 12: Compringhen.—Ms. B 20: Conspringhe.
P. 130, l. 18-19: comment.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: par leur folie.
P. 130, l. 25: sus à.—Mss. A 7, B 5, 7: sus peine de.
P. 130, l. 26: tenu.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 7, B 7: tenir.—Ms. B 5: estre tenuz.—Ms. B 12: d’estre tenus.
P. 131, l. 1: Espringhe.—Leçon des mss. B 1, 2.—Ms. A 1: Conspringhe.—Mss. A 7, B7: Pourpringhe.—Ms. B 5: Propinhes.
P. 131, l. 14: à Espringhe et à.—Mss. B 12, 20: traittier ceulx de Conspringhe et de.
P. 131, l. 14: et.—Mss. B 1, 2, 5, 7: fist il.
343 P. 131, l. 14-16: et... il.—Ms. B 12: il traita les autres.
P. 131, l. 16: fist il.—Manquent aux mss. B 1, 2, 5, 7.
P. 131, l. 16: ces.—Mss. A 7, B 5, 7: ses.
P. 131, l. 22-23: Carneffelle.—Mss. B 12, 20: Carnefoulle.
P. 131, l. 30: departement.—Le ms. A 2 ajoute: il fist partout paier là où riens on devoit, et puis print congié des barons d’Escoce et les.
P. 132, l. 4: Tuide.—Mss. A 7, B 5, 7: Thin.
P. 132, l. 9-10: Hostidonne.—Mss. A 7, B 20: Hestidonne.—Ms. B 1: Hungtindon.—Ms. B 2: Huntidon.—Mss. B 5, 7: Histidonne.—Ms. B 12: Hostidone.
P. 132, l. 10: d’ostel.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7.—Manquent aux mss. A 1, 7, B 12.
P. 132, l. 18: liés.—Le ms. A 2 ajoute: gay, jolis, chantant.
P. 132, l. 20: entreprendans.—Le ms. A 2 ajoute: preudomme.
§ 226. P. 132, l. 24: avoit.—Ms. A 1: l’avoit.
P. 132, l. 26: mie.—Les mss. B 1, 2, 20 ajoutent: à parler.—Le ms. B 12 ajoute: à racompter.
P. 132, l. 26-27: Rademen.—Leçon des mss. A 7, 2, 5, 7.—Mss. A 1, B 20: Radanen.—Ms. B 12: Rademon.
P. 132, l. 31: que.—Le ms. B 12 ajoute: savoir voloit.
P. 132, l. 31: se.—Manquent aux mss. B 2, 5.
P. 133, l. 2: morbement.—Ms. A 7: morlement.—Mss. B 1, 5, 7: molement.—Ms. B 2: voirement.—Ms. B 12: tendrement.—Ms. B 20: mourmement.
P. 133, l. 7: Notinghem.—Ms. A 2: Vertigem.
P. 133, l. 10: Branbre.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Ms. A 1: Banbre.
P. 133, l. 27: desvoe.—Mss. A 7, B 5, 7: denye.
P. 134, l. 6: convenoit.—Mss. A 7, B 5, 7: convient.
P. 134, l. 18: moi purgier.—Ms. B 5: pour m’en purifier.
P. 134, l. 19: levés.—Le ms. A 2 ajoute: car sur ce je vous vueil combatre.
P. 134, l. 25: et priès le marce.—Mss. A 7, B 5, 7: portes et marches.
P. 134, l. 25: et le.—Ms. B 5: sur les.—Ms. B 7: et les.
344 P. 134, l. 26: esté en.—Mss. B 1, 2: heu.
P. 134, l. 29: coupe.—Mss. A 7, B 5, 7: faulte.
P. 135, l. 3-4: li contes de Stanfort.—Manquent aux mss. B 1, 2, 12.
P. 135, l. 8: d’aïr.—Ms. A 2: de mautalent.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: se tust et puis.
P. 135, l. 24: Portingal.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: et de la infortune que une partie de ses gens heurent sour mer.
§ 227. P. 135, l. 27: hommes d’armes.—Mss. B 5, 7: lances.
P. 136, l. 7: Raimons.—Leçon des mss. B 1, 2.—Mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 12, 20: Jehan.
P. 136, l. 18: qui estoit.—Ms. B 20: et aux princes et chevalliers qui là estoient.
P. 136, l. 21: menestrés.—Mss. B 1, 2: menestrelz.—Mss. B 5, 7: ministres.—Ms. B 12: menistres.
P. 136, l. 32: Et sa fille.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manquent aux mss. A 1, 7, B 5, 7.
P. 137, l. 17: Bellamari.—Ms. A 2: Bellamarin.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7: Bellemarine.—Ms. B 12, 20: Belmarin.
P. 137, l. 18: bien.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: pour.
P. 137, l. 22: tant et si dur tempesté.—Mss. B 5, 7: en si grande tempeste.
P. 137, l. 23: de mer.—Ms. B 12: et demenez en la mer.
P. 137, l. 24-25: si avant... chemin.—Leçon partielle des mss. B 12, 15, 16, 20, dans lesquels on lit, entre peril et les destrois: car ilz nagièrent si avant hors de leur droit chemin qu’ilz passèrent.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, 9, B 5, 7.—Mss. B 1, 2: de mer.
P. 137, l. 25: Marios.—Mss. B 1, 2, 5, 7: des Mores.
P. 137, l. 26: Tramesainnes.—Ms. A 2: Transmenes.—Mss. B 12, 20: Trapesonde.
P. 138, l. 2: waucrèrent.—Ms. B 5: vaguèrent.
P. 138, l. 6: estramières.—Ms. B 1: estranières.—Ms. B 2: estendars.—Mss. B 12, 20: banières.
P. 138, l. 14-15: et il... Portingal.—Leçon du ms. B 1.—Manquent aux mss. A 1, 2.
P. 138, l. 14: il.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: leur.
345 P. 138, l. 14-15: li rois de P. et li.—Mss. A 7, B 5, 7: leur roy avecques les.
P. 138, l. 15-16: trait... Seville.—Mss. A 7, B 5, 7: en Espaigne.
P. 138, l. 16: Jehan.—Ms. B 12: Ferrant.
P. 138, l. 17: asegiet.—Le ms. A 2 ajoute: les marchans respondirent que ouïl et que ainsi en couroient les nouvelles en Castille.
P. 138, l. 26: pas.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: faire.
P. 138, l. 27: ou castiel.—Mss. B 1, 2: en la gabie.—Ms. B 12: en la hune.
P. 138, l. 28: enffant (sic).—Ms. B 12: jeune filz.
P. 139, l. 6: dur.—Mss. B 5, 7, 12: peine.
P. 139, l. 16: festiièrent.—Mss. B 1: frescirent.
P. 139, l. 23: saison.—Le ms. B 12 ajoute: tant par guerre que autrement.—Le ms. B 20 ajoute: par la guerre et autrement.
§ 228. P. 139, l. 24-25: En ces... aventures.—Mss. A 7, B 5, 7: En ce temps que ces adventures et ces ordonnances.
P. 139, l. 25: aventures.—Leçon du ms. B 2.—Ms. A 1: avenue.—Ms. A 2: advenues.—Ms. B 1: avenues.
P. 139, l. 30: eslus.—Leçon du ms. B 12.—Manque aux mss. A 1, 2, 7, B 1, 2, 5, 7.
P. 140, l. 5: douse.—Mss. B 1, 2: dis.
P. 140, l. 12: repris.—Ms. B 20: repus.
P. 140, l. 16: parler.—Le ms. B 20 ajoute: depuis en maint lieu.
P. 140, l. 18: rice.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: quant il estoit de neccessité.
P. 140, l. 19: deportoient.—Ms. B 5: suportoyent.
P. 140, l. 26: parfaitement.—Mss. A 7, B 5, 7: dessus diz.
P. 140, l. 32: che... acusés.—Mss. B 12, 20: de ce dont on le chargeoit et accusoit.
P. 141, l. 1: on.—Ms. A 1: o.
P. 141, l. 1-2: moullie.—Ms. B 12: fresche.
P. 141, l. 3: i.—Leçon des mss. B 1, 12.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7.
346 § 229. P. 141, l. 22: aucun.—Le ms. A 2 ajoute: seigneurs et.
P. 141, l. 26: avoit.—Le ms. B 20 ajoute: par tout le siège à la verité.
P. 142, l. 5: meïsmes.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: mes.
P. 142, l. 10: ouniement.—Ms. B 5: vivement.—Mss. B 12, 20: continuellement.
P. 142, l. 16: anemis.—Le ms. B 20 ajoute: prindrent les champs.
P. 142, l. 21: on bouta.—Ms. B 20: les Haynnuiers boutèrent partout.
P. 142, l. 29: ferés.—Mss. A 6, 7, B 1, 2, 5, 7, 12, 20: serés.
P. 142, l. 30: commenchement.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: comme il appert.
§ 230. P. 143, l. 2: et.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7, 12.—Manque au ms. A 1.
P. 143, l. 8: perseverer en.—Ms. B 20: paroultrer.
P. 143, l. 10: armes.—Mss. A 7, B 5, 7: adventures.—Mss. B 12, 20: nouvelles armes.
P. 143, l. 12: d’Enghien.—Ms. B 20: Gaultier.
P. 143, l. 13: messire Mikiel.—Ms. B 20: le seigneur.
P. 143, l. 15: Gillion.—Mss. A 7, B 5, 7: Jullien.
P. 143, l. 20: cent.—Mss. B 12, 20: deux cens.
P. 143, l. 23: tiroient à.—Ms. B 1: desirroient.—Ms. B 5: tendoient.—Ms. B 12: n’entendoient.
P. 143, l. 27: volentrieu.—Mss. A 7, B 5, 7: en voulenté.
P. 144, l. 4: tart.—Le ms. B 20 ajoute: de conseil demander.
P. 144, l. 4: si.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7.—Mss. A 1, B 1: se.
P. 144, l. 6: à.—Manque aux mss. A 1, 7, B 1, 2, 5, 7, 12.
P. 144, l. 6: nul.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12: nulle.
P. 144, l. 10: enbusquiet.—Ms. B 12: embatuz.
P. 144, l. 19: Montegni.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: criant.
347 P. 144, l. 19: Cristoffle.—Le ms. B 12 ajoute: et St Michiel.
P. 144, l. 29-30: li... d’Enghien.—Ms. B 20: le seigneur d’Enghien pour celle journée quy trop luy fut contraire.
P. 145, l. 4: tempre.—Mss. A 7, B 5, 7: temprement.—Ms. B 12: tost.
P. 145, l. 5: me fera tamaint anoi.—Mss. B 5, 7: a maint ennuyé.—Ms. B 20: me donnera maint desplaisir.
P. 145, l. 12: aparilliés.—Mss. B 12, 20: comptans.
§ 231. P. 145, l. 16: la mort.—Ms. B 5: l’amour.
P. 145, l. 18: et si s’en.—Ms. B 12: si se.
P. 145, l. 18: si.—Leçon du ms. A 7.—Ms. A 1: se.—Manque aux mss. B 1, 2, 5, 7.
P. 145, l. 20: envoiia.—Le ms. B 20 ajoute: retraire.
P. 145, l. 22: partout sus.—Mss. B 12, 20: par tous les fors sur.
P. 145, l. 25: ne.—Leçon des mss. A 6, 7, B 1, 2, 5, 7, 12, 20.—Manque au ms. A 1.
P. 146, l. 3: tenoit.—Le ms. B 20 ajoute: et continuoit tousjours.
P. 146, l. 4: mauvaistié.—Ms. B 20: rebellion.
P. 146, l. 4: confort.—Le ms. B 20 ajoute: et par le secours de tous vivres.
P. 146, l. 8: signeur.—Ms. B 12: princes.
P. 146, l. 12: leur païs.—Mss. B 5, 7: regart.
P. 146, l. 12: i.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.—Mss. A 7, B 5, 7: leur.
P. 146, l. 12: metteroit.—Le ms. A 2 ajoute: moderation et.
P. 146, l. 12-13: atemprance.—Ms. B 12: remède.—Le ms. B 20 ajoute: par bon remède.
P. 146, l. 25: veu.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: sceu.
P. 146, l. 26: d’avoé.—Ms. B 12: l’adveu.
P. 147, l. 1: destrainte.—Ms. B 20: deffense.
P. 147, l. 4: Braibant.—Le ms. B 20 ajoute: de Namur.
P. 147, l. 8: li ribaudaille.—Ms. B 12: les mauvais.—Ms. B 20: les mauvais et la rib.
P. 147, l. 9: desiroient.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: nulle autre chose.
348 P. 147, l. 9: que.—Le ms. A 2 ajoute: la noise et.—Le ms. B 20 ajoute: le tourble et.
P. 147, l. 12: meïsmement.—Leçon des mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12.—Ms. A 1: meïsment.
P. 147, l. 14: couchies.—Mss. A 7, B 5, 7: touchées.
P. 147, l. 15: paix.—Le ms. A 2 ajoute: qui là fut divisée et ordonnée entr’eulx.
P. 147, l. 20: et.—Leçon des mss. B 1, 2, 5, 7, 12.—Manque aux mss. A 1, 7.
P. 147, l. 22: Bonnes gens.—Manque au ms. B 12.
P. 147, l. 22: gens.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque aux mss. A 1, 7, B 5, 7.
P. 147, l. 24: corrigera.—Ms. A 1: corrugera.
§ 232. P. 148, l. 7: durra.—Leçon du ms. B 1.—Ms. A 1: dura.—Mss. A 7, B 2, 5, 7, 12: durera.
P. 148, l. 11: soir.—Ms. B 12: jour.
P. 148, l. 12: de Gand.—Mss. B 1, 2: et chil qui le plus s’ensonnoient [B 2: se mesloient] des besoingnes de la ville.
P. 148, l. 15: avissoit.—Mss. A 2, B 5, 7, 12, 20: musoit.
P. 148, l. 16: penssoit en.—Le ms. A 7 ajoute: se.—Le ms. B 7 ajoute: soy.
P. 148, l. 23: li.—Leçon du ms. B 1.—Mss. A 1, 7, B 5, 7: le.—Mss. B 2, 12, 20: les.
P. 148, l. 23: portent.—Leçon des mss. B 1, 2, 20.—Ms. A 1: portoit.—Mss. A 7, B 5, 7: portera.
P. 148, l. 31: delivrer.—Ms. B 12: deschargier.—Le ms. B 20 ajoute: et deschargier.
P. 148, l. 32: Toudis.—Mss. B 12, 20: Vous devez savoir que.
P. 149, l. 4: eulx.—Le ms. B 12 ajoute: qui sont tous d’une bende.
P. 149, l. 4: Si.—Leçon des mss. A 7, B 2, 5, 7, 12.—Mss. A 1, B 1: Se.
P. 149, l. 9: devenres.—Ms. A 2: menues denrées.—Mss. A 7, B 5, 7: denrées.—Mss. B 12, 20: vendredis.
P. 149, l. 10: des nostres.—Mss. B 1, 2: de nos gens.
P. 149, l. 13: communs.—Le ms. B 12 ajoute: n’y a nulle audience.
349 P. 149, l. 14: riens.—Le ms. B 20 ajoute: de audience.
P. 149, l. 20-21: tout... faire.—Ms. B 12: appareilliez de bien faire ce commandement, car bien pensoient que c’estoit pour mal faire.
P. 149, l. 21: rebrachiet.—Mss. A 2, 7: prests et appareilliez.
§ 233. P. 149, l. 27: sexte.—Ms. B 12: secret et secte.
P. 149, l. 30: estre.—Mss. B 1, 2: venir.
P. 150, l. 7: Harlebecque.—Le ms. A 2 ajoute: où nous avons travaillé.
P. 150, l. 8: eu.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.
P. 150, l. 11: proiière.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: et requeste.
P. 150, l. 13: qui i envoia.—Leçon du ms. A 6.—Mss. B 1, 2: et.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 12.
P. 150, l. 14: acordé.—Mss. A 7, B 1, 2, 5, 7, 12: acord.
P. 150, l. 16: desquels.—Leçon des mss. F 1, B 2.—Mss. A 1, 2, 7, B 1, 5, 7, 12, 20: lesquels.
P. 150, l. 16: les noms.—Leçon des mss. F 1, B 1, 2.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 5, 7, 12, 20.
P. 150, l. 18: se metteront.—Mss. A 7, B 5, 7: si nous mettrons.
P. 150, l. 27: guerriet par tel manière.—Mss. B 12, 20: guerriez [B 12: en guerre] pour parvenir à une telle fin et conclusion.
P. 150, l. 28: avons.—Les mss. A 7, B 5, 7 ajoutent: ce.
P. 151, l. 5: Traï.—Les mss. B 1, 2, 5, 7, 12 répètent ce mot.
P. 151, l. 6: Cil tout.—Mss. B 5, 7: Comme.
P. 151, l. 6-7: Cil... com.—Ms. B 20: Adont tous combien.
P. 151, l. 6-9: Cil... sauver.—Ms. A 2: mais combien qu’ilz fussent avironnez de leur linaige, qui estoit le plus grant de la ville, chascuns se dissimula et se mist hors de la presse au plus tost qu’il pot pour se sauver.
P. 151, l. 9: hors.—Le ms. B 12 ajoute: de la presse.
P. 151, l. 9: Et... l’eure.—Ms. B 20: se tindrent à bien eureux toutefois pour ce jour.
350 P. 151, l. 10: plus... deus.—Mss. A 7, B 5, 7: que deux mors.
§ 234. P. 151, l. 26: Enssi.—Mss. B 12, 20: Comme entendre vous pouez.
P. 151, l. 29: mil.—Leçon des mss. B 1, 2.—Manque au ms. A 1.—Ms. A 2: dix mille.—Mss. A 7, B 5, 7: deux mille.
P. 152, l. 13: s’elevèrent (lisez: se levèrent, ou corrigez: s’eslevèrent) et revelèrent.—Mss. B 1, 2: se rebellèrent.
P. 152, l. 17: assisses.—Ms. B 12: imposicions.
P. 152, l. 18: tamps.—Le ms. A 2 ajoute: passé, vivant.
P. 152, l. 19: ce.—Les mss. B 12, 20 ajoutent: si que nullement ilz ne se vouloient consentir [B 20: le voulurent accorder].
P. 152, l. 27: censi.—Ms. A 1: censist.—Ms. A 2: consenti.—Ms. A 7: assencies.—Ms. B 1: censé.—Ms. B 2: censé et mis en fermes.—Mss. B 5, 7: assencé.—Ms. B 12: assiz.
P. 152, l. 27: debites.—Mss. B 5, 7: imposicions.
P. 152, l. 32: qui.—Ms. B 12: lequel avoit esté prisonnier un long temps et.
P. 152, l. 32: Chastelet.—Mss. A 7, B 5, 7: Paris.
P. 153, l. 1: sentence.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: diffinitive.
P. 153, l. 6: l’esmeutin.—Mss. A 7, B 5, 7: l’esmouvement.—Ms. B 12: la rebellion.
P. 153, l. 11: desrois.—Ms. B 20: grans oultrages avant Paris.
P. 153, l. 12: anoioit.—Ms. A 7: advint.—Mss. B 5, 7: mesavint.—Ms. B 12: tournoit à grant desplaisance.
§ 235. P. 153, l. 23: rieulet.—Manque aux mss. A 2, 7, B 5, 7.—Ms. B 12: rieulez.
P. 153, l. 23-24: rieulet. Et descendi à son hostel.—Manquent aux mss. B 1, 2.
P. 153, l. 24: hostel.—Le ms. A 2 ajoute: près Saint Jehan en Greve.
P. 153, l. 27: trop mal esret.—Mss. B 1, 2: esté mal conseilliés.
351 P. 154, l. 7: fait.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque aux mss. A 1, 2.—Ms. B 20: commis.
P. 154, l. 11: et.—Leçon des mss. B 1, 2, 12.—Mss. A 1, 2, B 5, 7: à.—Ms. B 20: et que.
P. 154, l. 11: Paris.—Les mss. A 2, B 5 ajoutent: et qu’ilz fussent.—Les mss. A 7, B 7 ajoutent: et.
P. 154, l. 19: sepmainnes.—Les mss. B 1, 2, 12, 20 ajoutent: dist li sires de Coucy.
P. 154, l. 24: ordonneroient.—Leçon des mss. B 1, 2, 5,7.—Mss. A 1, B 12: ordonneroit.—Mss. A 2, 7: ordonnèrent.
P. 154, l. 27: regarda.—Mss. B 1, 2, 5, 12: recorda.
P. 154, l. 30: entrée et.—Mss. B 5, 7: entrée en.
P. 155, l. 4: proposet.—Ms. B 12: exposé.
P. 155, l. 10: tourner.—Ms. A 1: tourné.
P. 155, l. 13: li Parisiien.—Mss. B 5, 7: ceulx de Paris.—Ms. B 12: ceulx de la ville.
§ 236. P. 155, l. 17-18: au roi... gabelleurs.—Mss. B 1, 2: gabelier.
P. 155, l. 18: aides.—Ms. A 2: males toultes.
P. 155, l. 20: ce.—Leçon des mss. A 7, B 5, 7.—Manque au ms. A 1.—Ms. B 1: se.—Ms. B 2: si.—Ms. B 12: il.
P. 155, l. 20: grant.—Les mss. B 5, 7 ajoutent: contraire et.
P. 155, l. 26: tout... avoient.—Ms. B 20: tous autres oultrageux cas que commis avoient.
P. 155, l. 30: deablie.—Ms. A 7: deablisse.—Mss. B 5, 7, 12: deablerie.
P. 156, l. 3: leurs.—Le ms. B 12 ajoute: querelles et gardoient leurs.
§ 237. P. 156, l. 9: Calabre.—Le ms. B 20 ajoute: et de Prouvence.
P. 156, l. 9: Sesille.—Ms. B 12: Prouvence.
P. 156, l. 22: comment.—Mss. B 12, 20: à penser par quelle voye et façon.
P. 156, l. 29: les Parisiiens.—Mss. A 7, B 5, 7: ceulx de Paris.
P. 156, l. 30: misse d’argent.—Ms. A 2: finances.—Ms. B 20: richesses.
352 P. 157, l. 3: cinc cens mil.—Leçon du ms. B 12.—Manquent aux mss. A 1, 2, 7, B 1, 2, 5, 7, 20.
P. 157, l. 4: florins.—Ms. B 12: escuz.
P. 157, l. 12: noef.—Ms. A 2: dix.
P. 157, l. 16: faire signeur.—Ms. B 20: en France à prince ne à seigneur nul, c’est assavoir.
P. 157, l. 16: signeur.—Les mss. B 1, 2 ajoutent: de France.
P. 157, l. 17: cambres.—Mss. A 7, 9, B 5, 7: hampres.
§ 238. P. 157, l. 23-25: Li contes... païs.—Mss. B 12, 20: Quant le conte de Cantebruge et sa compaignie furent arrivez [B 20 aj.: par mer] au port de Luxebonne, ainsi que dist