The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3261, 26 Août 1905

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: L'Illustration, No. 3261, 26 Août 1905

Author: Various

Release date: April 16, 2011 [eBook #35880]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3261, 26 AOÛT 1905 ***







L'Illustration, No. 3261, 26 Août 1905


(Agrandissement)

Suppléments de ce numéro:
1° Une double page en couleurs: le Mont-Blanc.
2° Un portrait hors texte de W. Bouguereau.


Les délégués russes et japonais discutant, à Portsmouth (États-Unis), les conditions de la paix. La mobilisation à Saint-Pétersbourg: devant un bureau de recrutement.
LA PAIX OU LA GUERRE

Photographies prises à Portsmouth (États-Unis) par Grantham Bain, et à Saint-Pétersbourg par C.-O. Bulla.


COURRIER DE PARIS

Journal d'une étrangère

Paris-Biarritz.



On est lâche... On a passé quelques semaines à jouir égoïstement d'un Paris délicieux dont ceux qui vont prendre au loin leurs vacances ne soupçonnent pas le pittoresque et la grâce; on a savouré la paix de ses beaux jardins désertés, de ses rues presque silencieuses; autour des petites tables des cabarets du boulevard on a pu choisir sa place, sans hâte, et commander son dîner à des maîtres d'hôtel que l'oisiveté rendait affables; on a connu le sourire des cochers de fiacre... En compagnie de «ceux qui restent», on s'est efforcé de médire très spirituellement de «ceux qui sont partis»; et puis, un beau jour, on s'éveille toute troublée; une vague curiosité vous prend, je ne sais quel besoin de changer de place,--une nostalgie de l'ailleurs.

Et l'on fuit Paris, comme l'ont fui tous ceux dont on se moquait la veille.

Mais suis-je bien sûre d'avoir fui Paris? Et, parmi ce branle-bas joyeux de la «saison» commençante (la saison ici commence tard), n'est-ce pas Paris que je retrouve, aussi vivant, aussi fiévreux et fumeux que jamais?

C'est dommage... Et j'imagine la chose à la fois grandiose et charmante que serait un Biarritz à peu près solitaire, un tantinet sauvage; un Biarritz qu'ignorerait la mode; où, le long des rochers rouges, l'écume dû flot viendrait mousser et gronder, sans nul accompagnement d'orchestre,--devant un amphithéâtre silencieux de maisonnettes basques aux façades toutes blanches, coiffées de tuiles.

L'industrie moderne ne permet pas ces choses. Elle entend «exploiter» la nature et utiliser ses beautés. Elle ne saurait souffrir que, pour les spectacles coûteux où elle nous convie, tant de beaux décors soient perdus.

L'industrie s'est donc emparée de Biarritz et, si je n'aime pas beaucoup ce qu'elle y a fait, je reconnais que, tout de même, ce qu'elle y a fait est très digne d'être admiré.

Elle a construit là des palais; elle a tracé, aux flancs de cette colline, des avenues somptueuses et les a bordées d'hôtels princiers; elle en a, si je puis dire, discipliné les splendides végétations naturelles au gré de ses besoins; elle y a traité le fusain, le tamaris et l'acacia comme nos coiffeurs traitent une chevelure ou une barbe.

Les rochers n'étaient pas partout, à Biarritz, d'une fréquentation commode. L'industrie en a facilité l'accès; elle a pratiqué les «raccords» et donné les coups de lime nécessaires; et, cependant, elle a su conserver à l'ensemble du décor une apparence assez tragique pour qu'il fût possible au promeneur de goûter, parmi tant d'escalades inoffensives, l'illusion flatteuse d'un petit danger couru...

Elle a (naturellement) doté Biarritz d'un beau théâtre et du plus opulent des casinos; elle a déguisé ses cochers en postillons de l'autre siècle et paré sa plage de petites tentes rondes, très coquettes, qui semblent, à distance, un plant de champignons blancs rayés de rose...

Il était impossible que les gens amoureux d'élégance et de confort restassent insensibles à de si prodigieuses séductions. Ils sont donc venus... Et, derrière eux, se sont précipités tous ceux qu'appelait à elle cette clientèle délicieuse de flâneurs riches... Je me promenais, tout à l'heure, le long de ces rues aux devantures luisantes, astiquées comme des meubles neufs. J'y retrouvais nos «grands noms» de Paris,--l'enseigne du joaillier, du couturier, de la modiste en renom. Des terrasses des cafés s'échappaient, çà et là, comme par bouffées, des bruits d'orchestre; aux murs s'affichaient des programmes de spectacles, des noms de comédiens connus, l'annonce d'un prochain festival de Saint-Saëns...

C'est ici que mon amie la baronne P.... et son fils «se reposent» des fatigues de l'hiver parisien. Ils m'avaient conviée à venir partager avec eux ce repos. Je suis venue. Et je les regarde se reposer.

Ce spectacle me divertit infiniment. La baronne, à Paris, faisait deux toilettes par jour: toilette d'intérieur ou de visite; toilette de dîner ou de soirée. Elle n'en fait, ici, jamais moins de quatre: elle s'habille pour le bain; elle s'habille pour la plage ou pour la promenade; elle s'habille pour la table d'hôte; elle s'habille pour le casino.

Son fils Jean n'est pas moins occupé qu'elle, et je ne croyais pas--avant de l'avoir vu--qu'un homme pût avoir l'héroïsme de s'habiller et de se déshabiller si souvent en l'espace d'une seule journée. Jean m'émerveille. Entre neuf heures du matin et neuf heures du soir, je l'ai vu successivement chaussé de souliers blancs, de souliers gris, de bottines fauves et d'escarpins noirs. Je l'ai vu coiffé d'un chapeau de drap, d'un «canotier» de paille, d'une casquette blanche ou bleue de yachtsman, d'un tyrolien de feutre noir. Tous les matins, il exhibe une chemise de couleur d'un dessin nouveau, et la série de ses complets est très remarquée.

Chacune de ces tenues correspond à une besogne différente de la journée et du soir; et ces besognes sont d'une extrême diversité.

Le matin, après le bain, promenade à bicyclette. Déjeuner; puis footing, visite à la plage; automobile pendant une heure ou deux. Retour en ville; thé, flânerie au casino. Dîner; musique ou théâtre.

Je demande à mes amis:

--Vous ne connaissiez pas la pièce qu'on joue ce soir?

--Si. Nous l'avons vu jouer à Paris.

--Moins bien qu'ici?

--Non pas. Beaucoup mieux.

--Alors, quelle espèce de plaisir allez-vous prendre, à la revoir?

Jean, mélancoliquement, me répond:

--Nous sommes abonnés. Nous n'allons pas au théâtre pour nous divertir, mais pour tuer le temps.

Je les y ai suivis, l'autre soir. On jouait le Bercail. Dans les loges, aux avant-scènes, quelques familles d'Anglais, d'Espagnols--très attentifs --qui essayent de comprendre et s'ennuient avec politesse. Autour de ces groupes d'étrangers et dans tout l'orchestre, un va-et-vient d'amateurs distraits, de snobs souriants, qui viennent potiner, entre deux parties de bridge, saluer quelques femmes, ébaucher un flirt. La pièce qu'on joue, visiblement, n'intéresse personne. Elle est une occasion de se déplacer, de s'habiller, et aussi, comme dit mon ami Jean, un moyen de tuer le temps. Ce qu'ils appellent: se reposer des fatigues de Paris, c'est, en réalité, changer de fatigue. C'est changer d'ennui.

... Que ne suivent-ils l'exemple de sagesse qui leur est donné, à 30 kilomètres d'ici, par un des plus célèbres écrivains de ce temps?

L'automobile de Jean nous conduisait hier à la frontière: Hendaye... un paysage de lumière et de douceur. Au pied de la petite ville silencieuse, la rivière, et puis la mer bleue, étalée au long de l'immense plage de sable, où les tamaris répandent l'ombre de leurs chevelures pâles. En face, sur la rive espagnole, la pointe verte, allongée sur la mer, du cap Figuier; les maisonnettes d'Irun; la silhouette romantique de Fontarabie, avec son menu clocher dressé en plein ciel.

La plage est déserte; et l'on voit s'ériger, à quelques mètres de là, dans un terrain plein de verdures incultes, un mur nu: le fronton des joueurs de pelote. C'est l'heure de «la partie». Les joueurs, coiffés du béret basque, vêtus d'une chemise de flanelle et d'un pantalon blanc, s'agitent, courent, se croisent; la balle traverse l'air, frappe le fronton, rebondit, rase le sol, et repart, incessamment cueillie au vol et relancée. Un homme, au milieu des autres, nous intéresse par l'ardeur passionnée qu'il apporte à ce jeu. Il est le plus vieux de tous et le moins adroit peut-être... Cependant on l'écoute, on le suit comme un chef. Quelqu'un nous dit:

--Vous le reconnaissez?

--Non.

--C'est Pierre Loti.

Mes compagnons se mettent à rire et nous poursuivons notre promenade. Ils finiront leur journée au casino de Biarritz et s'y moqueront de cet académicien qui se repose d'écrire en jouant à la balle avec des paysans, très loin des lieux où l'on s'amuse...
Sonia.



LE PARDON DES FLEURS D'AJONC
Voir les gravures, page 142.

La petite ville de Pont-Aven, affectionnée des artistes, vient d'offrir à ses hôtes d'été et à de nombreux visiteurs accourus tout exprès à son appel, une fête d'un charmant pittoresque. Placé sous le haut patronage du poète Mistral, organisateur, dans sa province, de fêtes semblables, et sous la présidence du délicat écrivain M. André Theuriet, ce «Pardon des Fleurs d'ajonc» a rencontré le plus éclatant succès, encore que le temps ne lui ait guère été favorable.

Son grand attrait consistait en un concours de costumes bretons, où l'on a revu toutes ces courtes vestes à boutons de métal, brodées de soies multicolores, ces jupes relevées de passementeries d'argent, ces coiffes légères de dentelles et ces collerettes plissées fin, ces larges ceintures, tous ces vieux ajustements si seyants de Scaer, Bannalec, de Pont-Aven même, dont l'harmonie, un peu vive parfois, est d'un si joli contraste dans le paysage âpre de la Bretagne.

Une reine des Fleurs d'ajonc avait été élue. En son honneur, on a chanté de vieux airs, dit des vers et poussé des vivats. Et elle a exercé avec infiniment de bonne grâce et de sagesse son empire éphémère sur la foule bariolée pressée autour d'elle.

Enfin on a dansé, au son du biniou, ces pas lents, graves, presque hiératiques, qui sont les danses de la Bretagne.


NOTES ET IMPRESSIONS

Chaque temps a ses choses que le temps d'après ne comprend plus: ce qui n'empêche pas que ces choses n'aient été autrefois légitimes. Ernest Lavisse.


*
* *

Ceux auxquels manque la famille n'entrent pas dans la vie par la bonne porte. A ménages mal assortis, enfants malheureux; à fils de divorcés, jeunesse gâchée. Léon Daudet.


*
* *

Les beaux mouvements, c'est la musique des yeux. Anatole France.


*
* *

La tendresse maternelle, qui ignore tout, devine tout. Ernest Bertin.


*
* *

Boire à la santé d'un mort, n'est-ce pas parfois une façon de rendre hommage à des idées, à des sentiments qui ne meurent pas? Edmond Frank.


*
* *

Il n'y a guère de confidences qu'on ne regrette.Mme Marion Crawford.


*
* *

Tel est le sort de l'humanité que les contraires mêmes, comme la paix et la guerre, lui sont également des fléaux.

*
* *

L'homme sincère est humilié de ses défauts, le vaniteux de les voir connus. G.-M. Valtour



LES SOIXANTE-QUINZE ANS
DE FRANÇOIS-JOSEPH

Il y a huit jours à peine, c'était, dans tout l'empire austro-hongrois, une grande fête carillonnée. En Bohême, dans le royaume de Hongrie, en Styrie, en Transylvanie, en Galicie, en Croatie, dans le Tyrol, à Trieste même, des bords de la Vistule aux rives de l'Adriatique, les cloches jetaient au vent des notes joyeuses d'alléluia. Et, dès l'aurore, dans les églises, où commença cette fête presque religieuse, des prières étaient dites dans toutes les langues, dans tous les idiomes des deux monarchies pour le souverain vénérable qui venait d'atteindre sa soixante-quinzième année.


L'empereur François-Joseph Ier, dont l'Autriche et la
Hongrie viennent de célébrer le 75e anniversaire.
--Dessin d'après nature de Theo Zasche.

Assurément, si, de nos jours, régner c'est non plus diviser, mais savoir être aimé, François-Joseph d'Autriche et de Hongrie s'est heureusement acquitté de sa mission de roi. Ce vieillard au regard triste, au front las, accablé par cinquante-sept ans de pouvoir souverain, meurtri par les deuils de sa maison, angoissé par la fragilité de ses couronnes, a plus obtenu de l'amour de ses peuples que de l'habileté de sa politique. Un grand diplomate russe, le prince Gortschakof, qui fut un irréconciliable ennemi de l'Autriche, disait de cet empire qu'il était un gouvernement et non point un État. Le mot fit fortune, car il était juste et cruel. Un enchevêtrement de nationalités ne constitua jamais une nation. Les peuples soumis au sceptre des Habsbourg ne sont même pas des peuples frères. Ce sont des demi-frères ennemis ou même seulement, comme les Croato-Serbes et les Roumains, des frères adoptifs peu satisfaits de l'adoption et qui demandent à reprendre leur place ancienne dans leurs familles d'origine. Et, cependant, malgré ces divisions nationales, ces revendications séparatistes exclusives d'un patriotisme commun, en dépit de la crise hongroise actuelle, l'empire se maintient intégral avec une cohésion apparente. C'est qu'entre ces peuples désaffectionnés les uns des autres subsiste encore un lien magnétique admirable et rare, qui est la vénération presque unanime vouée au souverain. Si les peuples ont les caprices, la turbulence et l'enthousiasme des enfants, ils en ont aussi les attendrissements faciles. La redoutable question d'Autriche ne se posera pas tant que vivra François-Joseph. On évitera à son grand âge la tristesse d'une dislocation monarchique. Il est si vieux, le père Franz, si blanc, il a tellement souffert dans sa maison, qu'on n'oserait lui imposer encore le plus cruel de tous les chagrins de sa vie. Et c'est bien assez que François-Joseph, demeuré le point d'attraction de toutes ces forces centrifuges, ait l'amertume de constater que ses sujets si divers ne communient plus les uns les autres qu'en cet amour de lui-même.

Qu'il règne encore longtemps, le vieux souverain paternel! Ce n'est pas seulement le voeu de ses peuples, c'est encore le voeu de l'Europe, que les complications éventuelles effrayent et qui a peur des lendemains. C'est aussi, moins intéressé et tout affectueux, le voeu d'un ami de longue date de François-Joseph, du roi d'Angleterre, qui a tenu à porter lui-même à l'auguste septuagénaire ses félicitations royales. On a beaucoup écrit au sujet de cette rencontre, à Ischl, d'Édouard VII et de François-Joseph. Des esprits imaginatifs ont voulu lui donner la portée d'une grave manifestation politique. Rien n'est plus inexact. Les jours de fête, on ne parle pas d'affaires. On s'est inquiété du long détour qu'Edouard VII, se rendant à Marienbad, a fait pour s'arrêter à Ischl. Cela n'est pas de nature à modifier le caractère de l'entrevue. Le souverain britannique est très capable de s'imposer un supplément de fatigue pour remplir un devoir de convenance respectueuse; car, si l'empereur d'Autriche et le roi de Danemark sont les souverains les plus vénérés de l'Europe, il est également vrai qu'Edouard VII en est le plus courtois des princes.


LE PLÉBISCITE UNANIME DU PEUPLE NORVÉGIEN EN FAVEUR DE LA SÉPARATION

Photographie prise à Bergen le jour du vote: la population défile devant la statue du président Christie, ornée d'un cartouche avec le «Ia» (oui) patriotique.--Cliché Meyer.

Le 15 août avait lieu le plébiscite national qu'avaient réclamé les Chambres suédoises, par lequel le peuple norvégien devait donner son avis sur la question de la dissolution de l'union entre la Suède et la Norvège. Les résultats en ont émerveillé ceux-là mêmes qui étaient les plus sûrs des sentiments séparatistes de la nation norvégienne. Alors, en effet, que 368.200 voix se prononçaient pour la rupture, 184 seulement étaient contre. Jamais on ne vit unanimité plus complète dans les voeux d'un pays.

Partout, on est allé au scrutin, joyeusement, comme à une fête. Mais l'une des manifestations les plus originales de l'allégresse des Norvégiens a été faite à Bergen. Sur la place Torv-Almenning se dresse la statue de Christie, qui fut le président du premier Storthing norvégien, en 1814, au moment où la Norvège rompit le pacte d'union qui la liait au Danemark et déjà se proclama indépendante. Cette statue avait été ornée de fleurs et, sur la tête du grand patriote, on avait posé une couronne. En avant du piédestal, un cartouche portait le vote de Christie, comme si, du fond de la tombe, la voix de l'homme d'État dictait leur devoir à ses compatriotes: «Oui. Nous aimons notre pays.» Et les cortèges populaires, où des femmes, qui n'étaient pas les moins enthousiastes, accompagnaient les électeurs, leurs proches, se rendant au scrutin, défilèrent tout le jour devant le monument.


M. Adatchi. M. Otchini. Baron Komura. M. Takahira. M. Sato de Plançon. M. Naboukof. M. Witte, baron de Rosen. M. Korostovetz.
LES NÉGOCIATIONS DE PAIX A PORTSMOUTH.
--Les plénipotentiaires en séance, le 14 août.

Photo copyright Grantham Bain, New-York.



M. William Bouguereau sur son lit de mort.--Phot. Godefroy.]

M. WILLIAM BOUGUEREAU

Peu de peintres, en ces cinquante dernières années, ont joui d'une notoriété égale à celle de M. William Bouguereau. Il vient de mourir à quatre-vingts ans. Depuis 1849, année de son début, avec l'Égalité devant la mort, il n'avait cessé de peindre, très vaillamment, sans jamais un repos, sans une halte. Peut-être, dans ce long espace de temps, n'a-t-il pas déserté un seul Salon.

Il était né en 1825 dans cette même ville de la Rochelle, où il s'est éteint dans la nuit de samedi à dimanche, à laquelle il était demeuré affectueusement attaché et où il avait gardé un hôtel qu'il habitait chaque été. Elevé par son oncle, l'abbé Bouguereau, archiprêtre de Saint-Louis de Rochefort, il avait d'abord embrassé la carrière commerciale et travaillé quelque temps chez un négociant de Bordeaux. Puis, les goûts artistiques s'éveillant en lui, il vint à Paris, doté d'une bourse de son département, et entra dans l'atelier de Picot. Prix de Rome ex aequo avec Paul Baudry en 1850, il partait pour la Villa Médicis.

Au Salon de 1857, l'apparition de tout un ensemble de décorations destinées à l'hôtel de M. F. Bartholoni et où se coudoyaient l'Amour et l'Amitié, l'Été et le Printemps, la Fortune et la Danse, valut au peintre la première médaille. Ces allégories d'une élégance très cherchée obtinrent un succès très vif qui décida peut-être de la destinée de M. Bouguereau. Il s'orienta, tout naturellement, vers cette grâce qui avait tant plu, et les sujets dramatiques furent désormais sous son pinceau comme une exception. Il se voua aux mythologies, aux nudités classiques, ne les abandonnant un moment que pour peindre de petites scènes de la vie familière, des jeux d'enfants, d'aimables figures toujours enjolivées et idéalisées. Ce goût du joli, de l'élégant à tout prix, éclate, domine dans toutes ses productions, qu'il s'agisse de ses Pietas, de ses Vierges--la Vierge consolatrice, qui date de 1877 et figure au Luxembourg, est l'une des plus célèbres--de ses peintures religieuses, à Saint-Augustin, à Sainte-Clotilde, à Saint-Vincent de Paul, ou encore de ses grands panneaux décoratifs comme le plafond de la salle de concert du théâtre de Bordeaux représentant Apollon et les Muses. Mais il s'est donné la plus libre carrière dans les compositions mythologiques où M. Bouguereau semble s'être surtout complu: ces nymphes, ces oréades, ces océanides et ces bacchantes parées de grâces jusqu'à la limite dangereuse de la mièvrerie, que l'on s'arrachait à prix d'or parce qu'elles répondaient à un certain idéal qui captivera toujours nombre de fervents.


Philomèle et Progné
(musée du Luxembourg).

La Vierge consolatrice
(musée du Luxembourg).

Même ceux qui sont fermés à cet idéal ne pourront se défendre d'être séduits par la distinction de telles de ces figures, comme par exemple cette Philomèle et Progné, également au Luxembourg, oeuvre déjà ancienne et où l'effort vers la joliesse est moins sensible. Mais ce que préfèrent les vrais fanatiques, les admirateurs convaincus de l'art de M. Bouguereau --la légion--ce sont ces figures, nues ou voilées à peine, comme l'Amour se balançant sur les eaux, où se retrouve un lointain ressouvenir du charme prud'honien, comme ce Rêve de printemps, ou bien ces nudités étendues sur des plages trop molles à leurs chairs roses, au bord de mers d'un vert de féerie.

Nous donnons en hors texte un beau portrait de M. Bouguereau gravé sur bois, d'après une photographie prise dans son atelier.

L'Amour se balançant
surles eaux.
Rêve de printemps. Les Deux Soeurs.

Quelques oeuvres récentes de M. W. Bouguereau,
exposées aux derniers Salons (1901, 1902, 1904).

Phot. copyright Braun, Clément et Cie.



UNE ÉCLIPSE TOTALE DE SOLEIL
D'après le dessin pris en Égypte, le 17 mai 1882, par M. Tacchini.

En attendant les photographies ou les dessins de l'éclipse totale du 30 août prochain, nous sommes heureux de pouvoir reproduire le beau dessin pris en Égypte par M. Tacchini, directeur de l'observatoire de Rome, pendant celle du 17 mai 1882. Comme l'expliquait dans L'Illustration de la semaine dernière notre éminent collaborateur M. Camille Flammarion, l'éclipse de cette année se présente, comme celle de 1882, à une époque de grande activité ou de maximum. La couronne entoure alors entièrement le disque du soleil et approche de la forme circulaire, tandis qu'aux époques de minimum (comme en 1900) elle se montre allongée dans le sens de l'équateur solaire. Le 30 août prochain, on peut s'attendre à voir l'éclipse, dans la zone de totalité, offrir sensiblement l'aspect du dessin de M. Tacchini, quoique sans doute avec moins de régularité et avec des jets de lumière lancés au loin en diverses directions. En 1882, une petite comète gravitait tout près du soleil et n'a été vue qu'au moment de l'éclipse: M. Tacchini l'a représentée sur son dessin. Peut-être le 30 août réserve-t-il de même des surprises aux astronomes.


Lithuanien de Kowno.

Bouriate de la Transbaïkalie.

Kurde d'Arménie.

Maire de village du Caucase.

Chefs de villages de Podolie.

Finnois de la Carélie

Mingrélien de Koutaïs.

Propriétaire foncier de Toula.


Trois «intelligents»: les professeurs S.-P. Iarochenko, J.-W. Zoutchisky et E.-W. de Roberty.
Photographie prise au récent Congrès des zemstvos, à Moscou.


Marchands de Nijni-Novgorod: types de Grands-Russiens.
Photographies communiquées par la Société de Géographie (collection
Elisée Reclus) et par MM. Verneau et Chantre.


Samoyèdes de la Nouvelle-Zemble.

Finnois du Tavastland.

Arménien du Caucase.

Tatare de Kazan.

Roumain de Bessarabie.

Vieux-Cosaque de Borispol.

Arménien d'Erivan.

Juif riche d'Odessa.

AVANT LA PREMIÈRE ASSEMBLÉE NATIONALE RUSSE: TYPES D'ÉLECTEURS.

L'oukase, depuis de longs mois attendu, créant en Russie une Gosoudartsvennaïa douma, assemblée nationale élue, associée dans une certaine mesure au gouvernement de l'empire, vient d'être publié le 19 août. C'est une ère nouvelle qui s'ouvre pour la Russie. Mais il reste à assurer l'exécution des volontés impériales, à régler le mode d'élection des députés à la Douma. Une commission a été nommée pour y pourvoir. Un des problèmes graves qu'elle aura à résoudre vient de l'extraordinaire variété des races qui peuplent les territoires soumis au sceptre des tsars de toutes les Russies», pour employer la formule protocolaire. Nous avons cherché à donner, par l'image, une idée frappante de ce mélange hétéroclite de races, de familles, de tribus, de peuplades, dont est constitué le peuple russe. Nous n'avons pas la prétention d'avoir représenté en son ensemble cette étonnante agglomération. Sans parler de la Russie d'Europe, habitée par près de vingt peuples différents, les populations de la région du Caucase sont issues de plus de quinze souches diverses, et la Sibérie, en dehors des immigrants ou des exilés russes, est occupée par une dizaine de races, pas même parentes lointaines, puisqu'elles sont de descendance turque, mongole ou finnoise. Ajoutons que les types que nous avons choisis comme représentatifs des électeurs russes de demain peuvent aussi, demain, être les élus du peuple. Il y a là des starostes ou maires de village, auxquels la popularité peut-être sourirait, des marchands opulents des grandes villes, des juifs millionnaires, groupés autour de quelques «intelligents» promoteurs du mouvement libéral qui vient d'aboutir à cette réforme, et qui, eux, ont les origines les plus diverses. On imagine à quel point pourra être panachée et curieuse d'aspect une assemblée parlementaire où se coudoieront Grands et Petits-Russiens, Lithuaniens, Esthoniens, Arméniens, Finnois, Géorgiens, Tatares, Tcherkesses, Bouriates, Roumains de la Bessarabie, tous ayant des croyances, des coutumes, des moeurs différentes, et qui seraient incapables de se comprendre les uns les autres si chacun s'exprimait dans sa langue maternelle: mais l'oukase a eu soin, du moins, de faire de la connaissance de la langue russe la première condition d'éligibilité.


LE PARDON DES FLEURS D'AJONC A PONT-AVEN (FINISTÈRE)
Concours de costumes locaux et de rondes populaires.

--Photographies Hamonic.--Voir l'article, page 134.


LE MONT-BLANC

Nous reproduisons en supplément une belle photographie du Mont-Blanc vu du Brévent. Cette reproduction est teintée: on s'est efforcé de rendre aussi exactement que possible la gamme de nuances qui glisse sur cette masse de neige et de glace au coucher du soleil. Le Mont-Blanc est par excellence la Montagne. Nous avons inscrit cette légende sous notre gravure, à laquelle nous donnerons, dans un prochain numéro, un pendant: la Mer.

Nous avons pensé, d'autre part, être agréables à nos lecteurs en leur fournissant quelques renseignements pratiques sur l'ascension du Mont-Blanc. Bien peu y grimperont sans doute, mais tous sauront ainsi comment ils pourraient y grimper.

Le croquis schématique ci-dessous, qui reproduit exactement notre grande photographie, fait ressortir tous les détails de l'itinéraire. Voyons ce que cette ascension représente comme danger, comme fatigue, comme dépense et comme intérêt:

Difficultés de l'ascension.--Il est reconnu que l'ascension du Mont-Blanc ne présente aucune difficulté. On peut gagner à mulet le chalet de Pierre-Pointue; un sentier ordinaire mène de ce point à la Pierre-à-l'Échelle où l'on aborde le glacier des Bossons. Cette traversée du glacier, jusqu'à la cabane des Grands-Mulets, représente la partie la plus accidentée du voyage. Pour les personnes ignorant ce terrain spécial, on ne saurait mieux comparer l'aspect d'un glacier qu'à celui d'une terre labourée, aux sillons inégaux, dont les creux, larges de 20 centimètres à 2 mètres, avec une profondeur atteignant parfois une trentaine de mètres, sont séparés et coupés tantôt par des paliers, tantôt par des reliefs de largeur et de hauteur très variables. On enjambe les petites crevasses, on contourne les autres et l'on escalade les bosses. Cette gymnastique réclame de l'attention et de la prudence, mais n'exige aucune disposition spéciale pour l'acrobatie.

A peine après avoir dépassé la cabane des Grands-Mulets, on quitte le glacier, et, jusqu'au sommet, on gravit des champs de neige. La pente est souvent raide, mais on ne l'aborde presque jamais de flanc et il n'existe point de passage vertigineux. La fameuse arête des Bosses, qui présente une inclinaison d'environ 40 degrés, n'a rien d'effrayant et, à moins d'y être contraint par la violence du vent, personne ne songe à l'éviter en prenant l'itinéraire du Corridor, qui exige environ une heure de plus.

Le tableau suivant résume toutes les données de l'ascension:

M. Janssen, membre de l'Institut, qui est impotent, a gravi deux fois le Mont-Blanc... en chaise à porteurs. Avant lui, en 1881, je crois, l'ascension a été faite par un aveugle accompagné de sa fille.


Pierre pointue    Pierre à l'échelle
    2049m.        2411m.


L'ascension du Mont-Blanc.
Croquis schématique d'après la grande photographie reproduite hors texte. Le trait plein indique l'itinéraire ordinaire d'ascension par l'arête des Bosses.--Le trait pointillé indique les variantes.

Les dangers.--Comment concilier ces faits qui semblent exclure toute idée de danger réel avec les accidents nombreux qui se sont produits au Mont-Blanc. Ici, encore, je ne crains pas d'être très affirmatif: l'ascension ne présente, pour ainsi dire, aucune espèce de danger, si l'on ne commet pas de grave imprudence.

De 1786, date de la première ascension de Jacques Balmat, jusqu'à l'année 1900 incluse, 2.600 personnes sont montées au Mont-Blanc. On compte 21 accidents ayant fait 50 victimes, proportion assez faible (2%). Sauf un ou deux cas où la fatalité joua son rôle, toutes ces catastrophes résultent d'imprudences de la part des touristes ou... des guides. Car, il faut bien le dire, si l'on compte à Chamonix quelques guides de premier ordre, l'élévation des tarifs et l'absence de tout contrôle sérieux sur le recrutement ont poussé tous les gens de la vallée à se faire guides, et la plupart constituent des auxiliaires plutôt dangereux.

Comme on l'a vu plus haut, il n'existe aucun passage difficile, aucun point de dégringolade. Jusqu'aux Grands-Mulets, on peut, comme chaque fois qu'on s'engage sur un glacier, tomber dans une crevasse masquée par un pont de neige; mais, si l'on marche comme on doit marcher et si l'on n'est pas attaché avec une corde usée, le cas n'est point grave: les camarades vous retiennent ou vous repêchent. Quant aux avalanches, leur «lit» est aujourd'hui bien connu, et le chemin définitivement adopté s'en trouve abrité à partir d'une certaine époque de l'année.

La seule chose à craindre est de se voir surpris par une tempête de neige ou même simplement par le brouillard; la situation peut alors devenir terrible. Mais c'est encore un cas auquel un touriste prudent ne se trouvera pas exposé. A certains signes locaux qui ne trompent guère, surtout quand leurs indications concordent avec celles du baromètre, on sait toujours, dans les pays de montagne, si une perturbation se prépare. On l'attend souvent huit et dix jours; parfois le temps se rétablit sans qu'elle arrive; mais, quand elle se manifeste, elle ne surprend personne.

La fatigue.--Donc, pas de danger; mais, bien entendu, de la fatigue. Le premier jour, on va déjeuner à la Pierre-Pointue d'où l'on gagne les Grands-Mulets en quatre heures. Le lendemain, on repart entre deux et trois heures du matin, pour toucher le sommet vers dix ou onze, et l'on rentre à Chamonix pour dîner. Cela représente, évidemment, une journée un peu dure. La descente n'est pas plus scabreuse que la montée; elle ne ménage, en aucun point, la légendaire sensation de vide si désagréable sur d'autres montagnes. Avec neige ferme, on descend très vite par de longues glissades; si le soleil a été chaud, on doit marcher et, souvent, on enfonce littéralement jusqu'à mi-jambe. A la fatigue musculaire qu'engendre cet exercice vient alors s'ajouter une sensation très pénible, faite de l'inquiétude d'enfoncer... tout à fait, et dont, en faisant appel à toute sa raison, on n'arrive pas à se dégager complètement. Quoi qu'il en soit, cette somme de fatigue, commune à toutes les grandes ascensions, est peu de chose pour les gens entraînés.

La dépense.--Si la crainte injustifiée du danger empêche, seule, quelques touristes de tenter l'ascension, d'autres sont surtout arrêtés par la question de dépense. Pour une ou deux personnes, il faut un guide à 100 francs et un porteur, euphémisme désignant un guide de second ordre, qui coûte 50 francs. Le séjour à la cabane des Grands-Mulets est cher: lit, 12 francs; dîner, 6 francs; vin ordinaire, 4 francs, etc. Ces prix sont plus élevés que ceux de n'importe quelle autre cabane des Alpes située à la même altitude, et il faut ajouter que l'auberge n'est pas des mieux tenues: à peine de feu; on mesure, à 10 grammes près, une tranche de viande souvent fort médiocre; le lit coûte 18 ou 24 francs au lieu de 12 si l'on n'achète pas les provisions de route à la cabane. Ces provisions réglementaires, cotées 6 francs, comprennent: deux ou trois oeufs durs, une très modeste tranche de viande, un morceau de fromage et un morceau de pain, c'est-à-dire de quoi mourir de faim si l'on n'emportait pas autre chose. Cette exploitation dure depuis vingt-cinq ou trente ans, malgré les réclamations des alpinistes de tous pays, considérée d'un oeil bienveillant par la commune de Chamonix, propriétaire de la cabane, dont elle tire un revenu de 3.000 francs.

La vue.--Et maintenant, il serait puéril de supputer dans quelle mesure ces dangers relatifs, cette fatigue, cette dépense, sont en rapport avec les agréments de l'ascension. Les amis de la montagne, qui ont simplement franchi les cols du Grimsel ou du Saint-Bernard, ignorent l'aspect des suprêmes altitudes et l'impression que l'on éprouve à se trouver perdu dans ces chaos de glace et de neige, au milieu d'une lumière vierge de toute souillure et d'une atmosphère spéciale où, seuls, le craquement de la glace et la chute d'une pierre viennent, par instants, troubler le plus grand silence existant dans l'univers.

Quant à la vue que l'on a du sommet du Mont-Blanc, elle ne ressemble en rien à celle dont on jouit sur d'autres cimes célèbres. A la Jungfrau ou au Cervin, par exemple, on se trouve isolé au milieu d'un ravin de glace étroit bordé ou semé de masses blanches énormes se découpant brutalement, à quelques centaines de mètres en apparence, sur des fonds qui s'étagent jusqu'à l'horizon. La situation du Mont-Blanc est toute particulière. Entre la vallée de Chamonix et le val d'Aoste, il émerge d'une contrée verdoyante, et il n'y a de neiges rapprochées que celles qui couvrent ses propres flancs. Les hautes montagnes sont éloignées et n'apparaissent que derrière des premiers plans secondaires; leurs bastions de neige se détachent des teintes violettes et grises; mais, dans la succession indéfinie de ces profils collés les uns aux autres, la majesté particulière de leurs crêtes s'évanouit. Cet horizon unique, déconcertant, donne une sensation de puissance grandiose, plus douce, plus floue qu'ailleurs, et cette sensation est une des plus étrangement impressionnantes que nous offre la nature.
Jean Cervin.





PREMIÈRE SORTIE DU "SANTOS-DUMONT N° 14", A TROUVILLE

Certainement, parmi tous les vaillants de la navigation aérienne, M. Santos-Dumont demeure l'enfant gâté du public. Ses sorties, aussi fantaisistes qu'audacieuses, dans des dirigeables sans cesse perfectionnés, provoquent chaque fois un enthousiasme nouveau. Mardi dernier, il lui a pris fantaisie d'évoluer au-dessus de la mer et de la plage de Trouville, avec le vent et contre le vent, pour inaugurer le Santos-Dumont n° 14. Le nouveau dirigeable diffère des précédents par quelques simplifications intéressantes. Ainsi, l'hélice a été déplacée de l'arrière à l'avant. De cette façon, on a pu supprimer l'arbre de commande de l'hélice, qui est fixée tout à côté de la nacelle et contre le moteur. Il en résulte qu'au lieu d'être poussé par l'hélice le dirigeable est tiré par elle, ce qui donne, comme on en eut la preuve, d'excellents résultats.


UN CENTENAIRE A VERJUX (SAONE-ET-LOIRE), VILLAGE NATAL DE Mme BOUCICAUT


M. Farion, le centenaire de Verjux, et sa femme.

Partout en France, sauf à Verjux--près de Chalon-sur-Saône--la moyenne de la mortalité humaine est trente-trois ans, dit-on. A Verjux, par exception, et pendant les trois dernières années, cette moyenne s'est élevée à soixante-quatre, soixante-cinq et soixante-six ans. Pour peu que la progression continue, tout le monde, dans ce pays-là, deviendra centenaire comme M. Augustin Farion.

M. Farion est né à Verjux le 17 août 1805. Il a vu et entendu beaucoup de choses, pendant un siècle, sans quitter son lopin de terre. Il a connu et vénéré Mme Boucicaut, la bienfaitrice du pays. Il a élevé trois enfants qui sont maintenant des vieillards.

Actuellement, le centenaire de Verjux a toujours bon pied, bon oeil, ou presque. Il possède encore sa femme, l'heureux homme! Ah! dame, ce n'est pas une jeunesse, la femme du père Farion. Elle va bien sur ses quatre-vingt-onze ans puisqu'elle est née le 7 mars 1815. Mais cela n'empêche pas le ménage d'être très uni, au contraire. Et l'on a pu se convaincre, la semaine dernière, tandis que l'on célébrait leurs noces de platine--organisées par le châtelain de Gergy, M. Louis Morin--que les deux bons vieux s'aimaient encore et se taquinaient comme à vingt ans. Ah! ces noces! Imaginez-vous une escorte d'honneur d'octogénaires, un garçon d'honneur de quatre-vingt-six ans et une fille d'honneur de quatre-vingt-sept, échangeant des galanteries chevrotantes, un banquet et un bal de vieux, tout cela formant un très attendrissant tableau. Ajoutons que l'on accède à Verjux par un pont que fit construire Mme Boucicaut. Sur l'une des places du village, un monument commémore la vie charitable de la noble femme dont la maison natale--une simple chaumière--est située à Monts, à un kilomètre de Verjux.


Maison natale de Mme Boucicaut, fondatrice du Bon Marché.--Clichés Ronco, Beaune.


LA FÊTE DE LA PROMOTION D'AUSTERLITZ,
A L'ÉCOLE DE SAINT-CYR

Le triomphe de Saint-Cyr du 17 août dernier a eu le succès habituel de cette fête de tous les ans. Le Père Système--le dernier de la promotion--qui organisa cette solennité bouffonne, avait bien fait les choses... D'abord, en l'honneur de la promotion de la Tour d'Auvergne, autant que pour décider un cheik arabe à s'allier avec lui contre l'Europe coalisée, l'empereur du Sahara voulut bien passer une revue de ses troupes très spéciales. Puis il y eut des sauts d'obstacles, fort applaudis, par des couples d'élèves costumés en officiers étrangers. La Croisade contre la Pompe, c'est-à-dire contre les matières non militaires du programme, mit aux prises une bête apocalyptique avec des chevaliers du moyen âge. Bien entendu, ce fut le monstre qui périt. Le programme comportait bien d'autres numéros pittoresques ou gracieux, comme le carrousel des gardes-françaises, le baptême de la promotion, le discours du Père Système. Signalons particulièrement le curieux défilé dans lequel tous les personnages qui donnèrent leurs noms aux bâtiments de l'École, depuis saint Louis jusqu'à Napoléon, reçurent de multiples ovations. Au cours de cette fête, Mme de Maintenon et une demoiselle de Saint-Cyr, souriantes et minaudières, furent très galamment accueillies, en dépit de leur taille un peu forte et de leurs moustaches naissantes.

Demoiselle de Saint-Cyr
et Saint-Cyrien.
Le «Père Système» (x) et les gloires militaires de la France.


Grenadiers de l'Empire.



L'accident de la voiture 82, le premier jour, au pont de la Métairie. 1. La voiture au départ de Toulouse (Cliché Fac). 2. et 3. Après l'accident qui a coûté la vie à un des voyageurs, M. Louis Salvaire.


Une demi-heure d'arrêt à Carcassonne.


La voiture 29, qui a versé dans un champ le 3e jour, près de Foix.


A Perpignan, devant le Castillet.


Le garage des voitures à Bourg-Madame.


Sortie de la grotte du Mas-d'Azil.

L'arrivée à Luchon.

LA COUPE DES PYRÉNÉES

La «Coupe des Pyrénées», dernière épreuve importante de cette saison automobile, concours de tourisme en montagne organisé par le grand journal quotidien du Sud-Ouest, la Dépêche de Toulouse, de concert avec la Vie au Grand Air, s'est courue cette semaine. La première journée--le dimanche 20--a été malheureusement attristée par un accident qui a coûté la vie à l'un des voyageurs. Mais la course s'est poursuivie ensuite dans des conditions excellentes, à travers cette admirable région pyrénéenne, de l'une à l'autre de ces aimables villes ensoleillées: Toulouse, Carcassonne, Perpignan, Poix, Luchon, Bagnères, Argelès, Cauterets, Oloron, Biarritz, Bayonne,--pour ne citer que les plus fameuses.


MOUVEMENT LITTÉRAIRE

LES CORRESPONDANTS DE GUERRE EN MANDCHOURIE

Nous avons déjà signalé le Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient, de M. Reginald Kann, qui suivit l'armée japonaise jusqu'à Liao-Yang; Dix Mois de guerre en Mandchourie, par M. Raymond Recouly, qui fut attaché à l'armée russe, et Pays de mousmés, pays de guerre, amusant tableau satirique du Japon pendant la guerre, par M. Charles Pettit.

Voici trois livres nouveaux sur la guerre russo-japonaise, par trois témoins, MM. Victor Thomas, Villetard de Laguérie et Georges de la Salle[1]:

[Note 1: Trois mois avec Kuroki, préface de M. Henri Houssaye, par Ch.-Victor Thomas (Challamel).--Trois Mois avec le maréchal Oyama, par Villetard de Laguérie (Hachette, 3 fr. 50).--En Mandchourie, par Georges de la Salle (Armand Colin, 3 fr. 50).

MM. Thomas et Villetard de Laguérie ont été correspondants de guerre, l'un pour le Gaulois, l'autre pour le Petit Journal, dans l'armée japonaise. Arrivé avant M. de Laguérie et de la première fournée, M. Thomas a essayé de voir la bataille du Yalou (1er mai 1904). Il l'a vaguement entrevue. Pendant que le canon grondait, on tenait les représentants de la presse emprisonnés dans un emplacement déterminé. Quelle amabilité montraient les Japonais! Par quelles prévenances ils tentaient d'adoucir leur rude règlement! Mais le petit Nippon est défiant; il craint les indiscrétions et, pratiquant avec maestria l'espionnage, ne veut pas le subir lui-même. Envoyaient-ils des dépêches sur le peu que leur oeil ou leur oreille avait saisi, les correspondants de guerre ne pouvaient se faire d'illusions. On arrangeait leurs missives; on les expédiait singulièrement raccourcies et défigurées. Une dépêche de cent trente mots, par exemple, ne parvint à Londres qu'avec huit mots, adresse comprise. Que fit donc, pendant la campagne, M. Thomas? Il observa le Nippon, brave, patriote, courtois, mais rusé jusqu'à la fourberie, tout à fait aux antipodes moraux de notre race. Nous mettons le point d'honneur dans la loyauté, tandis que lui considère l'art de tromper et de mentir comme une vertu. Eloigné des engagements et des batailles, M. Thomas put cependant se rendre compte de ce qui fait la faiblesse de l'armée nippone et de ce qui a rendu si longue cette guerre interminable. Les Japonais sont d'excellents stratèges; d'avance ils tracent leur plan avec beaucoup de minutie, mais sur le terrain ne savent pas le modifier suivant les circonstances; de là une certaine lenteur et une absence réelle de tactique. Ils ont été pareillement les dupes du bluff de Kouropatkine, lequel, au début, avec peu de troupes sous la main, a su déployer celles-ci de telle sorte qu'on l'a cru en possession d'une armée suffisante. Si faibles étaient les forces russes que les Japonais eussent dû rapidement terminer la campagne.

Comme M. Thomas, ancien officier de cavalerie, s'occupe presque exclusivement de choses militaires et qu'on les lui cachait, il n'a pas séjourné longtemps là-bas et, désespéré, avec un livre honnête où n'est consigné que ce qu'il a vu, a regagné la France, en septembre 1904.

M. Villetard de Laguérie n'a pas été plus libre que M. Thomas; mais, s'il n'a pu contempler mieux que ses confrères les mouvements des troupes nippones et le détail des grandes luttes, il a recueilli, en dehors de cela, une masse de renseignements fort précieux. Pour se rendre au Japon, il a pris la route des États-Unis, ce qui lui a permis de constater jusqu'à quel point la grande République était japonophile. Les sentiments de l'oncle Jonathan, de quelque grande idée qu'il essaye de les masquer, ne sont pas souvent désintéressés. Il craignait, pour son commerce avec la Chine et avec la Mandchourie, l'habitude qu'a la Russie de monopoliser les ressources naturelles des pays qu'elle s'annexe. Débarqué à Yokohama, le 22 mars 1904, M. de Laguérie eut tout le loisir de se promener dans la ville et ses environs et d'examiner sur place le Japon. Il ne fut autorisé que le 15 juillet à suivre l'armée du maréchal Oyama! Ne nous en plaignons pas trop. Pendant son séjour forcé dans le pays nippon, M. de Laguérie a fait une ample moisson de faits précis. Par le menu, il a analysé cette grande caserne. Peu de manoeuvres routinières. Ce que l'on enseigne aux soldats, c'est-à-dire à tout le peuple, c'est surtout le tir et l'assaut. Supprimés chez nous, les bataillons scolaires sont florissants au Japon et, dès les premiers pas, s'emparent de l'enfant pour le dresser à la guerre, la grande chose de ce peuple qui a maintenant six cent mille hommes sous les armes. Mais comment entretenir une pareille multitude et la munir des engins dont elle est si bien approvisionnée? Le Japon s'endette, de telle sorte que le marquis Ito lui-même, le vieux diplomate, a, dans une réunion de banquiers, laissé un peu échapper l'expression de ses inquiétudes. Au mois de juillet 1904, les frais de guerre s'élevaient déjà à près d'un milliard et demi. Le Japon eut recours à ses bons et riches amis d'Amérique pour un emprunt de 250 millions à 6%. Défiant, l'oncle consentit à l'emprunt, mais à la condition de prendre une hypothèque de 60% sur les douanes japonaises. Un emprunt intérieur de 250 millions vint s'ajouter à la dette publique en mai 1905. La mauvaise récolte du riz, l'année dernière, n'a pas contribué à relever les finances du Japon. De Saïgon les navires français ont apporté environ 800.000 tonnes de riz. Au fond, le volume de M. de Laguérie est d'un historien soucieux de tout rassembler et avec méthode.

Le 25 juillet, il fut autorisé à se rendre en Mandchourie. Il assista à cette grande bataille de Liao-Yang qui dura du 30 août au 3 septembre, mais ne put guère qu'entendre le sifflement des shrapnells et en apercevoir de loin la blanche fumée. Avec calme, le général Kouropatkine fit replier ses troupes et présida à leur retraite. Après avoir vu, toujours de très loin, les batailles du Cha-Ho, en octobre, M. de Laguérie, auquel on ne communiquait, sur les opérations militaires, que des rapports officiels, embellis et arrangés, et dont les dépêches étaient mutilées, quitta, au commencement de novembre, l'armée du maréchal Oyama. Il rentra en France, exaspéré contre les vexations de toutes sortes qu'il avait subies.

M. Georges de la Salle a rempli sa mission dans l'armée russe. Sans doute on lui a fait attendre, mais plutôt par amour de la paperasserie que par mauvaise volonté, son autorisation. De même que M. de Laguérie il a récolté de riches renseignements en dehors des faits militaires. Comme ses révélations jettent une lueur singulière sur les événements! A la frontière mandchoue, voici Kharbine, une sorte de Capoue lointaine, avec ses cafés-concerts, ses lieux de plaisir, sa grande consommation d'alcool, sa Banque russo-chinoise. M. de la Salle a commencé de voir là les officiers russes qu'il accuse d'avoir moins de sobriété, de féroce patriotisme et de discipline qu'on n'en montre au Japon. Après Kharbine, c'est Moukden, la sainte, tirée, par la guerre, de son heureuse somnolence. Occupé à considérer toutes choses en Mandchourie, notant, avec conscience, tout ce qu'il aperçoit, de méchante humeur souvent, étonné de ne guère rencontrer là-bas le type classique de l'officier français, M. de la Salle n'assiste pas à la grande bataille de Liao-Yang. Mais il raconte avec une vie extraordinaire les batailles du Cha-Ho, en octobre 1904. Plus de chevauchées héroïques, plus de charges à la baïonnette. Invisibles, les Japonais ne se manifestent guère que par leur machinisme, par l'envoi des shrapnells. Quel portrait touchant M. de la Salle nous trace de Kouropatkine, maître de lui, pourvoyant à tout, relevant le courage des désespérés! En proie au spleen, M. de la Salle abandonna la Mandchourie. Sensitif à l'excès, ému de tout ce qui tombe sous ses yeux, ce correspondant de guerre a composé son livre avec des faits très nombreux et aussi avec ses nerfs délicats.

A côté de ces oeuvres, il convient de mentionner: Du Kremlin au Pacifique, de M. Georges Ducrocq (Honoré Champion), et les Cosaques de Transbaïkalie en Mandchourie (1900), du prince Orlov (Charles-Lavauzelle, 3 fr. 50).

Qui voudra se distraire de ces sombres tableaux et visiter un pays où les hommes ne se tuent pas entre eux, mais s'exposent cependant en chassant les grands fauves, lira le beau livre avec illustrations: Chasses en Abyssinie, par M. Decaux (Delagrave, 7 fr. 50).
E. Ledrain.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

Pour apprendre l'espéranto.

Dans notre dernier numéro, nous avons exposé sommairement les principes et les avantages de l'espéranto, et nous avons indiqué que les ouvrages approuvés par le docteur Zamenhof, inventeur de cette langue universelle, sont édités par la maison Hachette. Un certain nombre de lecteurs nous demandent de compléter notre information en les guidant pour le choix de ces ouvrages. Nous leur conseillons d'acheter simplement les livres suivants:

L'Espéranto en dix leçons (cours du Touring-Club de France), par Cart et Pagnier (0 fr. 75).--Corrigé des exercices sur l'Espéranto en dix leçons, par Cart et Procureur (0 fr. 50).

Ou bien:

Grammaire et Exercices de la langue internationale espéranto, par de Beaufront (1 fr. 50).--Corrigé de Grammaire et Exercices de la langue internationale espéranto, par de Beaufront (0 fr. 75).

En ajoutant à l'un de ces deux groupes le Vocabulaire français-espéranto et Vocabulaire abrégé espéranto-français, par Cart, Merkeins et Berthelot (2 fr. 50), on possédera tous les éléments nécessaires pour apprendre, sans professeur, à écrire et à parler couramment la langue internationale.

Ces divers ouvrages sont publiés par la maison Hachette.

Du côté des périodiques, il faut mentionner:

Linguo internacia, petite revue mensuelle, rédigée exclusivement en espéranto, où l'on trouve surtout des traductions d'oeuvres très connues, par exemple Paulo kaj Virginio (Paul et Virginie), 5 francs par an; 7 fr. 50 avec supplément littéraire.

L'Espérantiste, également mensuel, donnant des articles plus courts, par conséquent plus variés, avec texte français en regard du texte espéranto. 3 francs par an.

On s'abonne Presa esperantista societo, 33, rue Lacépède, Paris.

Cette société commence la publication d'un Grand Dictionnaire français-espéranto devant comprendre environ deux mille cinq cents pages, dans lequel on se propose de fixer les moindres nuances de la langue et «d'introduire des racines ne figurant pas dans le vocabulaire du docteur Zamenhof». On ne saurait traiter avec plus d'illogisme une langue n'ayant de raison d'être et de chances de se propager, par conséquent de devenir pratique, qu'à la condition de rester extrêmement simple et facile à apprendre.

Signalons enfin, pour mémoire, une revue conçue non pas en vue des personnes désirant s'entretenir dans la connaissance de l'espéranto, mais s'adressant aux savants de tous pays possédant cette langue: Internacia Scienca Revuo (mensuelle, 6 fr. 50 par an, chez Hachette).

La puériculture au Creusot.

Il résulte d'un mémoire présenté à l'Académie de médecine par le docteur Variot, que le taux de la mortalité infantile, au Creusot, pendant la période décennale de 1893 à 1902, n'a pas dépassé 11,04%, chiffre bien inférieur à celui de la mortalité infantile moyenne en France pendant la même période (16%), et surtout beaucoup plus faible que celui qui a été constaté dans les centres manufacturiers ou industriels en général et dans les villes (20,8% dans les villes de 30.000 à 100.000 habitants).

Le facteur principal qui, au Creusot, diminue la mortalité infantile, c'est l'élévation du salaire, qui permet aux femmes d'allaiter leurs enfants; en outre, la «puériculture avant la naissance» y est réalisée par ce fait que les filles-mères cessent leur travail et reçoivent l'assistance vers le cinquième mois environ de leur grossesse; enfin, après l'accouchement, les femmes ne sont autorisées à reprendre leurs occupations que si un certificat médical constate qu'elles peuvent le faire sans nuire à leur santé ni à celle de leur enfant.


         M. Georges Adam, de Boulogne, qui a traversé
                  le pas de Calais à l'aviron.
Phot. Meys.

La traversée du détroit à l'aviron.

Un sportsman boulonais, M. Georges Adam, membre du Boulogne-Club, vient d'accomplir une jolie prouesse, en effectuant, à l'aviron, la traversée de Boulogne à Folkestone.

M. Georges Adam montait une yole de rivière à clins, pontée très légèrement. Le lundi 14 août, à 11 h. 25 du matin, il se mettait en route et ramait vers le large, convoyé par un canot automobile. Il eut à lutter contre une mer très rude et contre une assez forte brise du nord-est, sans compter les courants très violents qui parcourent le détroit en sens divers d'une marée à l'autre. A 7 h. 55 du soir, il abordait à Folkestone. Il aurait donc fait en huit heures trente minutes les 48 kilomètres qui séparent les deux côtes, à vol d'oiseau, mais, en réalité, on estime qu'il a dû parcourir 60 kilomètres environ en raison de la dérive.

La télégraphie sans fil en France.


Le poste de télégraphie sans fil de Villejuif: vue extérieure.

Depuis l'invention, par Marconi, du premier appareil de télégraphie sans fil, de nombreux savants, le professeur Saby en Allemagne, M. Popof en Russie, M. Forest en Amérique, le capitaine Cervera en Espagne, MM. Ducretet et Rochefort en France, se sont efforcés d'apporter au système les perfectionnements indispensables: amélioration des installations; isolement des communications ou syntonisation des postes; augmentation de la distance de transmission.


Le poste de télégraphie sans fil de Villejuif: vue intérieure.

La télégraphie, sans fil emploie les ondes électriques produites dans des conditions déterminées et dont, avant Marconi, MM. Maxwell, Herz et Branly avaient révélé les propriétés et indiqué l'utilisation possible. Ces ondes sont analogues aux ondes lumineuses qui émanent des corps incandescents. Pour faciliter leur production, le poste transmetteur et le poste récepteur sont munis chacun d'une antenne, sorte de tige métallique fixée à une hauteur du sol qui varie avec la portée de transmission à obtenir et qui, pour un rayon d'action de 50 kilomètres sur mer, doit atteindre jusqu'à 40 ou 50 mètres, ce qui est beaucoup. Les ondes partent de l'antenne du poste transmetteur; celle du poste récepteur les recueille et les dirige sur l'appareil enregistreur ou cohéreur. Mais, trop fréquemment, il arrive que les cohéreurs se permettent d'enregistrer des communications qu'on ne leur destine pas. Si, en effet, plusieurs postes récepteurs se trouvent situés dans la zone d'action ou champ d'un même poste transmetteur, le cohéreur de chaque poste récepteur se laisse impressionner par les ondes émanant du poste transmetteur. Il se produit quelque chose d'analogue avec ce qui se passe lorsqu'on jette une pierre dans une eau tranquille et que plusieurs bouchons de liège flottent dans l'espace où se forment les ondes aquatiques: tous ces bouchons exécutent des mouvements de bas en haut déterminés par la production des ondes.

En dépit de ces désavantages auxquels on remédiera certainement avec un peu de temps, la télégraphie sans fil est appelée à rendre les plus grands services au commerce maritime et à la navigation en général. Elle permettra de maintenir en pleine mer des communications avec la côte et surtout de donner aux navires en détresse la possibilité d'obtenir des secours, même s'ils se trouvent à une distance considérable d'un port.

Ces considérations n'avaient pas échappé à notre administration des postes et télégraphes qui, dans le but de généraliser ce mode de transmission entre la mer et le littoral, songea à faire valoir son monopole des communications aériennes. Aussi, après avoir établi, à Villejuif et au moulin de Chérisy, deux postes d'expérimentation de télégraphie sans fil, cette administration, autorisée par décret du 27 février 1904, a-t-elle pris possession, d'accord avec la marine, de tous les postes que l'administration de la rue Royale possédait sur le territoire français. Grâce à ce changement de mains, ces postes, occupés par un personnel spécialisé, pourront être ouverts à la télégraphie privée sans cesser de rendre au département de la marine tous les services désirables. On évitera de la sorte les inconvénients auxquels pouvait donner lieu le fonctionnement de deux réseaux parallèles, ressortissant à deux administrations différentes, notamment une dualité de personnel, des frais superflus et surtout un enchevêtrement des communications qui nous eût ramenés aux plus beaux jours des malentendus téléphoniques.

L'administration des postes et des télégraphes a ouvert, dans le courant de l'année dernière, deux postes que possédait antérieurement la marine: l'un à Ouessant, l'autre à Porquerolles. On procédera prochainement à une installation analogue à Cherbourg, tandis que des expériences seront faites en vue de la construction d'un poste extra-puissant à Toulon.

La variole, maladie évitable.

Sans doute, on admettrait difficilement, en certains pays, en France, notamment, et particulièrement à Paris, que la variole est une maladie évitable.

En effet, voici que Paris vient de subir une petite recrudescence épidémique locale de cette maladie et, l'année dernière, on a relevé, dans notre capitale, 88 décès par variole, soit 3,2 pour 100.000 habitants.

Or, ce qui prouve bien que la variole est une maladie évitable, c'est que, grâce à des mesures de vaccination et de revaccination rigoureuses, Berlin, Breslau, Dresde, Stuttgart, Hambourg, Vienne, Zurich, Edimbourg, la Haye, Copenhague, Stockholm, Christiania, Bucarest, etc., n'ont pas un seul décès depuis 1902.

Même en France, d'ailleurs, Lyon, en 1902, n'a pas eu de décès par variole.

Un pays tout entier, la Norvège, n'a pas eu un seul décès. Nous pouvons ajouter que, dans 75 villes du Danemark et dans 92 villes de Suède, c'est-à-dire dans la presque totalité de ces deux pays, il n'y a pas eu non plus de décès par variole. Alors que la mortalité par variole, pour 100.000 habitants, est à Paris de 3,2, cette mortalité est en Italie de 7,3, en Angleterre de 7,5, et en Belgique de 9,05.

Mais, en Allemagne, elle n'est que de 0,02; en Irlande, en Suisse, en Hollande, de 0,01; et, en Ecosse, elle n'est que de 1,8. On voit combien nous sommes à un degré inférieur de l'échelle dans la lutte contre la variole.

Un procédé à retenir.

Il arrive assez souvent à des enfants, et même à des adultes, d'avaler sans le vouloir des corps étrangers capables de déterminer des lésions de l'estomac ou des intestins: des corps durs, métalliques, présentant des aspérités ou des pointes. Evidemment, ces corps ont toutes les chances d'être expulsés par les voies naturelles; mais, ce qui doit préoccuper le malade et son entourage, c'est la possibilité, pour les parties dures et pointues, de blesser le tube digestif. Peut-on écarter ce danger? Un médecin anglais, M. Blair Bell, s'est posé cette question à propos d'un enfant auprès de qui il fut appelé et qui avait avalé une broche en or, et il l'a résolue de façon satisfaisante en faisant avaler à la petite victime une certaine quantité d'ouate hydrophile, en partie dans du lait, en partie sous forme de sandwich avec des confitures. Quelques heures après, il fit prendre un peu d'huile de ricin, et l'expulsion se fit. La broche était bien empaquetée dans le coton hydrophile et n'occasionna aucune blessure. La même méthode fut suivie dans un autre cas, celui d'un enfant ayant avalé un bouton de cuivre. Et un autre médecin, un Irlandais, avait eu la même idée, avec plein succès d'ailleurs, pour traiter un enfant qui avait avalé un râtelier métallique. Il semble que le coton hydrophile soit particulièrement attiré par le corps étranger: il l'englobe, et, par surcroît, les matières fécales s'agglomèrent volontiers autour de ce noyau en augmentant encore la protection contre le corps étranger et en diminuant les chances qu'il a de blesser les organes qu'il traverse. En pareil cas, on a souvent conseillé la mie de pain: mais celle-ci se désagrège sous l'action des sucs digestifs; mieux vaut se servir de coton hydrophile qui, lui, n'est pas attaqué et garde sa solidité et sa cohérence.

Une maladie due à la cueillette des pêches.

Un médecin de Lyon, M. J. Eraud, a observé que les cultivateurs employés à la cueillette des pêches ou à l'emballage de ces fruits étaient exposés à des démangeaisons plus ou moins vives sur les parties découvertes du corps.

Ces démangeaisons se manifestent particulièrement dans la matinée, alors que le corps est en moiteur et que le fruit est encore quelque peu imprégné de la rosée de la nuit.

Il est fréquent de les voir s'exaspérer la nuit, sous l'influence de la chaleur du lit.

M. Eraud pense qu'on doit attribuer ce petit accident à des champignons inférieurs répandus à la surface des pêches, et dont il est facile de constater la présence.


           Un grand Africain: Tipu Tipu.

Un grand Africain.

Mahomed ben Ahmed Tipu Tipu, qui vient de mourir à Zanzibar, à l'âge de soixante-seize ans, avait joué en Afrique un rôle considérable. A l'époque où Livingstone, Stanley, accomplissaient leurs explorations fameuses, son influence, sa domination, pourrait-on dire, s'étendait du Congo à l'océan Indien, et l'ascendant, dont il jouissait dans le continent noir, mis au service de Stanley, rendit au grand voyageur les plus signalés services.

Après avoir été un guerrier redoutable, que les peuplades soumises par lui avaient surnommé Mti Pura, le Batailleur, il coula ses dernières années en paix dans les immenses biens qu'il avait acquis à Zanzibar. Il vivait là comme un patriarche, entouré de l'estime des Européens, du respect et de l'affection des indigènes, dont il avait été constamment le bienfaiteur. C'est là qu'il vient de s'éteindre, succombant brusquement à une hémorragie cérébrale.

LA VICE-ROYAUTÉ DES INDES

Après une brillante et très active vice-royauté de sept ans, lord Curzon vient de démissionner. Cet événement est le résultat prévu du conflit qui s'était élevé entre lord Kitchener et le vice-roi au sujet du commandement de l'armée des Indes. Lord Kitchener étant soutenu par le ministre, lord Curzon devait se soumettre ou se démettre; il a préféré se démettre.


         Lord Curzon, vice-roi démissionnaire de l'Inde.

On se rappelle les notes flatteuses qui, dans la presse, saluèrent la nomination de lord Curzon. On a encore présents à la mémoire les fastes du durbar de Delhi, où le vice-roi, en grand costume, fit défiler les princes indiens devant les héritiers d'Angleterre. Les voyages d'études du noble lord, son ouvrage, aujourd'hui classique, sur la Perse, l'avaient, autant que la faveur de la reine, désigné pour occuper le poste difficile et envié de vice-roi des Indes. Sous son gouvernement, plus occupé d'acquisitions territoriales que de réformes intérieures, l'activité anglo-indienne avait résolument franchi les frontières et provoqué, tant en Europe qu'en Asie, de légitimes inquiétudes. Récemment, lord Curzon entreprit l'expédition thibétaine. Sa façon de réorganiser l'administration du Bengale le rendit nettement impopulaire.

Le nouveau vice-roi, lord Minto, participa aux campagnes d'Afghanistan, d'Égypte et à la répression de l'insurrection canadienne de 1885; c'est un vaillant soldat, doublé d'un économiste avisé. Il fut gouverneur général du Canada de 1898 à 1904.


     Lord Minto, le nouveau vice-roi
                    de l'Inde.

LES «HÉRÉTIQUES», A BÉZIERS


   Plantation d'un décor des Hérétiques aux Arènes de
                                              Béziers.

On procède en ce moment, au théâtre des Arènes de Béziers, aux dernières répétitions des Hérétiques, opéra en trois actes de M. Ferdinand Hérold, musique de M. Charles Levadé. Les rôles sont tenus par des artistes de choix, dont plusieurs de l'Opéra, de l'Opéra-Comique et de la Monnaie.

Le divertissement du second acte, réglé par M. Belloni, de la Scala de Milan, sera exécuté par quatre-vingts danseuses, parmi lesquelles Mlles Julia Antonicci et Ida Cecchini.

L'orchestre sera composé de deux cent cinquante musiciens. On dit merveille des décors et de la mise en scène.



DEUX FAITS DIVERS

Cette semaine, deux faits divers ont occupé, dans les journaux, la place réservée à la «grande actualité».

Le premier, effroyable, a été «la tragédie de Nogent-sur-Marne». Ici, on a vu un ingénieur, M. Victor Ronfaut, affolé par la peur de la misère, se suicider après avoir tué à coups de carabine, ou égorgé à l'aide d'un rasoir, sa femme et ses trois enfants. Mme Ronfaut a évidemment été complice de ce crime. Quant aux trois petites victimes, c'étaient trois garçonnets: Jean, âgé de quinze ans, Mathieu, treize ans, et Marius, douze ans, très bien élevés, de charmants écoliers, studieux, adorés de leurs camarades et de leurs maîtres.

L'autre fait divers est du genre rocambolesque et assez neuf dans ses péripéties: c'est «le vol d'un million».


Marius, Jean et Mathieu Ronfaut, les trois victimes de la tragédie de Nogent-sur-Marne.

Un employé du Comptoir National d'Escompte, Jean Gallay, a disparu en enlevant, à cet établissement de crédit, non tout à fait un million, au dire des administrateurs, mais 850.000 francs.


Jean Gallay.

Gallay avait été inspecteur au service de la Sûreté générale. Aux heures de travail, employé ponctuel, il était, le soir, grand seigneur et, sous le nom de baron de Gravald, traînait dans les lieux de plaisir l'existence des riches désoeuvrés. Il avait, bien que marié et père de famille, une liaison coûteuse avec une demi-mondaine, Mme Merelli, qui le secondait dans ses virements. A la fin du mois dernier, il disparaissait. La semaine dernière seulement, on a appris ce qu'il était devenu: le baron de Gravald s'est embarqué, le 1er août, au Havre, avec son amie Merelli, la femme de chambre d'icelle et un médecin, qui sera bien surpris de l'aventure, sur un yacht luxueux, loué par l'intermédiaire de la Yachting Gazette, la Catarina. Et, sous pavillon anglais, il vogue vers une destination inconnue.


Le yacht Catarina, qui porte Jean Gallay, Mme Merelli
et leur fortune.

Mme Merelli.--Phot. Ogereau.


(Agrandissement)


NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LE RÉPERTOIRE «ETNALAG»

Il est d'usage courant, pour éviter de feuilleter incessamment l'annuaire, d'apposer près d'un téléphone un tableau sur lequel sont inscrits les noms et les numéros des abonnés auxquels on a à faire des appels fréquents, sinon journaliers.

Le procédé est fort pratique, mais il n'est pas indemne de tout inconvénient.

Le tableau ne peut d'abord contenir qu'un nombre de noms toujours assez restreint, par conséquent insuffisant le plus souvent, et il est difficile de le maintenir dans l'ordre alphabétique absolu.

Il y a ensuite les erreurs de lecture qui font attribuer à un correspondant les numéros de ceux qui le précèdent ou le suivent sur la liste. Ce n'est certes pas utile d'insister sur les ennuis de tous genres que causent ces méprises et sur les retards qu'elles apportent aux communications.

Puis ce tableau est indiscret. Il livre au premier venu, auquel un devoir de simple obligeance ne permet pas de refuser l'usage de l'appareil, les noms des personnes et des maisons avec lesquelles on est en relations constantes; renseignements qui peuvent ne pas être sans inconvénient pour celui qui les fournit, en quelque sorte inconsciemment, et aussi fort gênants pour la personne qui téléphone, condamnée ainsi à un manque de discrétion aussi inévitable qu'involontaire.

L'indiscrétion est encore plus facile et plus forcée quand le téléphone, au lieu d'être installé dans une cabine, est placé dans un bureau, où le tableau est à la vue de tous venants.

Pour garantir contre toute méprise et toute indiscrétion, M. Galante a imaginé le Répertoire «Etnalag» pour appels téléphoniques.

Le Répertoire «Etnalag», comme le montre notre figure, se présente sous la forme d'une boîte oblongue que l'on applique verticalement contre la cloison, à côté de l'appareil.

Un bouton, sur lequel on n'a à faire qu'une simple traction, permet de rabattre, suivant l'horizontale, le panneau antérieur.

Ce panneau constitue alors une tablette munie, sur trois de ses côtés, de rebords entre lesquels sont maintenues deux cents fiches.

Sur chacune de ces fiches sont inscrits le nom et le numéro d'un des abonnés au téléphone, avec lesquels on peut avoir à causer d'une façon fréquente et régulière.


Le classement peut donc se faire aisément dans l'ordre alphabétique absolu, les fiches étant indépendantes les unes des autres, et chaque groupe d'une même lettre étant séparé des autres par un carton de couleur portant en référence un des vingt-six caractères de l'alphabet.


La recherche est ainsi des plus faciles et des plus rapides.

En outre, on n'a et l'on ne peut jamais avoir sous les yeux d'autre fiche que celle dont on a besoin. Aucune indiscrétion n'est par conséquent plus à craindre et toute méprise devient impossible, chaque fiche ne portant qu'un seul nom et qu'un seul numéro.

On n'est donc plus exposé à des erreurs assez faciles à commettre avec le tableau, où, à moins de suivre avec le doigt, on peut aisément prendre pour le numéro de l'abonné celui qui figure sur la ligne au-dessus ou sur celle au-dessous.

Dans le but de rendre les recherches plus faciles encore, M. Em. Galante a fait établir un double jeu de cartons de classement, de deux couleurs différentes, dont, entre autres exemples, le commerçant pourra affecter l'un à ses vendeurs, l'autre à ses acheteurs, tandis que le simple particulier aura, d'une couleur, les fiches spéciales de ses fournisseurs, d'une autre, celles de ses relations mondaines.

Mais le Répertoire «Etnalag» ne préserve pas seulement des indiscrétions et des erreurs. Il évite encore les appels inutiles.

La fiche comporte, en effet, un espace suffisant pour permettre de noter quantité d'indications d'une réelle utilité: les adresses, les jours et heures de présence, les divers numéros sous lesquels est desservi l'abonné, c'est-à-dire ceux aussi bien de son usine, de sa maison de commerce ou de son administration, que de son domicile particulier.

Pour les relations mondaines, on peut noter de la même façon les jours et heures de réception, ainsi que les époques de villégiature.

C'est là une très grande facilité qui évite toute une série d'appels infructueux. On sait ainsi avec certitude, sans avoir à faire la moindre recherche sur un agenda ou sur un carnet, ou à se fier à une mémoire qui peut être indécise ou infidèle, l'endroit et le moment opportuns pour la communication. On évite ainsi encore une perte de temps appréciable.

Le Répertoire «Etnalag» a, en plus, sur le tableau, une indiscutable supériorité au point de vue de l'esthétique. C'est, en effet, un élégant coffret en beau bois verni, plus seyant et agréable à l'oeil qu'un simple carton qui, au bout d'un certain temps d'usage, est, le plus souvent, singulièrement sali.

Cet appareil se trouve en vente chez M. Galante, 75, boulevard Montparnasse, Paris, aux prix de 12 fr. 50 (chêne verni) et 15 francs (acajou verni).


SUPPLÉMENTS.

1° Une double page en couleurs: le Mont-Blanc.
2° Un portrait hors texte de W. Bouguereau.

Note du transcripteur: Ces suppléments ne nous ont pas été fournis.