The Project Gutenberg eBook of Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

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Title: Livre d'amours, auquel est relatee la grant amour et façon par laquelle Pamphille peut jouir de Galathee et le moyen qu'en fist la maquerelle

Author: Anonymous

Release date: June 26, 2009 [eBook #29251]
Most recently updated: January 5, 2021

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LIVRE D'AMOURS, AUQUEL EST RELATEE LA GRANT AMOUR ET FAÇON PAR LAQUELLE PAMPHILLE PEUT JOUIR DE GALATHEE ET LE MOYEN QU'EN FIST LA MAQUERELLE ***


page de titre
Livre d'amours: ouquel est relatee
La grant amour: et façon par laquelle
Pamphille peut: jouyr de galathee
Et le moyen: qu'en fist la maquerelle

première page
Le dieu d'amours qui par amour loial
Voulut aymer du monde la plus belle
Tant par amours que son palais royal
Prendre voulut et eslire avec elle
Par sa bonté infinie eternelle
Acroisse bruit au puissant roy de france
Charles huittiesme pour lequel en substance
De pamphille et galathee saige
Traicté d'amours j'ay les faitz a plaisance
Pour passer temps car sans quelque doubtance
Siege d'amours gist en noble couraige

Qui aime bien n'est jamais desloyal
Mais doulx bening et gracieux a celle
Qu'il veult aimer sans penser a nul mal
La vraye amour doit tousjours estre telle
Qui veult aymer dame ou damoiselle
De pamphille maintienne l'ordonnance
Et compasse ses faitz par attrempance
Sans se monstrer instabile et vollaige
Soit doulx parlant en termes d'ellegance
Si trouvera comme en toute naissance
Siege d'amours gist en noble couraige

Les haultz princes ont a pié et cheval
Servi amours et tenu leur querelle
Joustes faisant par tout amont aval
Tournes plaisans a la mode nouvelle
Mais pamphille par une maquerelle
L'assault gaigna: sans frapper a oultrance
Sans se tuer et sans rompre la lance
Galathee sumist en son servaige
Et si monstra que venus par puissance
Luy secourut et qu'en telle aliance
Siege d'amour gist en noble couraige

Prince puissant mon chief mon asseurance
Mon seul escu et ma seulle esperance
Prenez a gré ce trespetit ouvraige
Cest passe temps une resjouyssance
Et si voit on dedans que en ceste dance
Siege d'amours gist en noble couraige

Comme pamphille amoureux de galathee commence ses complaintes de tant qu'il ayme et ne l'ose declairer et dit

[V]ulneror et clausum porto sub pectore tellum
Crescit et assidue plaga dolorque michi

D'ung glaive agu suis vulneré
Et porte dessoubz ma poitrine
Le glaive qui m'a vulneré
Duquel n'ose monstrer le signe
La playe croist et ne decline
Point la douleur en moy enclose
Tel est batu qui plourer ne ose

Et ferientis adhuc non audeo dicere nomen.

J'ay sus une mon cueur assis
Je ne sçay se g'y perviendray
Mais se une fois en grace suis
Je feray ce que je vouldray
C'est hault lieu mais g'y pretendray
Si voit on ce que je doy craindre
A trop embrasser pou estraindre

Je ne sçay s'elle m'ayme ou non
Mais je croy qu'elle m'aimera
Et si n'ose dire son nom
Par moy point on ne le sçaura
Je pense que elle accordera
A moy/ mais en tel differance
Moult remaint de ce que fol pense

Nec sunt aspectus/ plaga videre suos

Ma plaie croist en toutes pars
Et ne veult pas tant seulement
Laisser qu'on voye ses regars
Pour me donner guarissement
Mais encore finablement
Se je parvien a mon entente
Je n'y pers que la longue attente

Unde futura meis majora pericula dampnis

Pourtant donc que je n'ose dire
Ma douleur je suis en doubtance
Que l'ung dangier l'aultre ne tire
Et que je n'en aye habundance
J'ay de mon salut esperance
J'espoir reconfort a mon dueil
Mais ung mal jamais ne vient seul

Spero salutis opem nec medicina dabit.

L'esperance que j'ay d'avoir
Salut me donne aulcun confort
Mais si fault il faire debvoir
Au residu c'est du plusfort
Espoir est mon seul reconfort
Touteffois disent les subtilz
Qu'esperance paist les chetifz

Les considerations que pamphille fait devant que aler parler a galathee et les moyens qu'il doit tenir et dit

Quam prius ipse viam meliorem carpere possum

Quelle voye doy je donc prendre
Pour la meilleure a parvenir
A ce lieu ou je vueil pretendre
Je ne sçay quel chemin tenir
Car bien y vouldroye venir
Par bon moyen se je sçavoye
Mais dangier est tousjours par voye

Heu michi quid faciam non bene certus eo

Helas doncques que doy je faire
Je craing dangier le mal parlant
Mon tresgrant ennemy contraire
Qu'il ne me rencontre en alant
En montant ou en devallant
Se je y voys c'est en ceste doubte
Mal asseur va qui ne voit goute

Conqueror est que mee justissima causa querelle
Cum sit consilii copia nulla michi

Pourtant doncques je me complains
A parmoy car en ma querelle
J'ay tresjuste cause de plains
Quant il n'y a celluy ne celle
Qui de conseil une estincelle
Me presente/ ou ayt presenté
Plainte n'est pas cry de santé

Sed quia multa nocent opus est michi querere multa

Mais pourtant qu'en telle entreprinse
Plusieurs choses peuent encourir
Qui seroyent cause de reprise
Plusieurs moyens doy enquerir
Et le plus utille querir
Par art secret se ainsi peult estre
Souvent ayde l'art a son maistre

Si mea plaga suos denudet in ordine vultus
Quis sit et unde venit armaque quis posint

S'il fault que je quiere advocas
Pour leur dire par ordonnance
Toute ma douleur et mon cas
Qui elle est dont vient sa naissance
Qui cause aussi ma douleance
Je craingz conseillers desloyaulx
Tel se dit amy qui est faulx

Perdet et ipsa sue fortassis spem medicine
Spes reficit donum fallit et ipsa suum.

Ainsi donc se la congnoissance
De ma plaie je determine
Perdre je pourray l'esperance
Que j'ay d'en avoir medicine
Or est esperance si fine
Que son seigneur souvent repaist
Et le deçoit quant il luy plaist

Si tegat ex toto faciem motusque doloris
Et nunquam querat plaga salutis opem.

D'aultre part s'il fault que je cueuvre
Du tout ma face et ma couleur
Sans que aulcunement je descueuvre
Les mouvemens de ma douleur
Sans querir moyen de valeur
Pour avoir aidance du mire
Je fais doubte qu'il ne me empire

Forsitan evenient pejora prioribus istis.
Et me continget protinus inde mori

Par trop secret mon cas tenir
En grant continuation
Il me pourroit: pire venir
Que devant en conclusion
Tellement par succession
De temps que mourir en pourroye
Doubter doit qui a double voie

Estimo monstrari melius nam conditus ignis
Defficit et subito perditur ipse calor

Toutesfois a la verité
Le mieulx comme je puis entendre
Est que mon mal manifesté
Soit a quelque ung sans plus attendre
Car le feu condict en la cendre
Par trop estre couvert perit
Souvent cueur ploure et bouche rit

Ergo loquar veneri/ venus est mors/ vitaque nostra.
Ducunturque suis omnia consiliis

Pourtant parleray je a venus
Des amans princesse et amye
A qui nous sommes tous tenus
C'est nostre mort et nostre vie
C'est celle qui tout seigneurie
Duyt et conseille toute chose
Mon mal fault que je luy expose.

Comme Pamphillus salue la deesse venus et l'incite d'ouyr ses prieres.

[U]nica spes vite nostre venus inclita salve
Que facis imperio cuncta subire tuo

Salut a toy venus haulte princesse
Nostre salut nostre espoir nostre adresse
Qui tous humains peulz regir et conduire
Tu peulz par droit comme dame et maistresse
Tout gouverner et par ta grant noblesse
Toutes choses submettre a ton empire.
Le seul espoir tu es de nostre vie
Et des plus grans requiers estre servie
Comme droit est car tu es souveraine
Throsne d'honneur de beaulté la fontaine
Medecine des povres langoreux
Et pour ce cas chascun jour de sepmaine
Salut te doit tout loyal amoureux.

Quam timet alta ducum seruitque potentia regum.
Supplicibus votis tu pia parce meis

Tu es celle chastellaine une fois
Que sert et craint la puissance des roys
Des ducz aussi qui te rendent hommaige
Les plus vaillans a tout leurs grans arrois
Comme je voy clerement et congnois
Par chascun jour viennent a ton seruaige
Tu es celle qui sans quelque rigueur
Les ostes hors de peine et de langueur
Si vien a toy pour faire mon devoir
Te suppliant que vueilles recevoir
Les simples veux qu'il fault que je te face.
Car pour certain je puis veoir et sçavoir
Si n'est par toy que je n'auray point grace

Ne sis dura michi precibus que resistere noli

Ne me soyes point de dure maniere
Ne resister a ma simple priere
Vueilles aussi en ma necessité
Esperance j'ay en toy singuliere
Fay donc cella qu'il fault que je requiere
Pouoir en as et seulle auctorité
Tu le me peulz doulcement accorder
Pas grans choses ne te vien demander

Sed fac quod posco non ego magna peto
Dixi non magna misero michi magna videntur.
Sed tamen ista dare non tibi difficile est

Non pas grandes quant au regart de toy
Mais tresgrandes quant au regart de moy
Qui suis dolent langoureux et debille
Pour mon salut a toy recourir doy
Car ce donner ne t'est point difficille

Anno dic tantum jam jamque beatus habebor
Et sic evenient prospera cuncta michi

Dy seullement pamphille je te octroie
Tes demandes et je croy fermement
Que plus joyeulx n'y a que je seroye
Et bien euré dessoubz le firmament
Par ton octroy viendront prospereement
Tous mes desirs comme dire te voys
Et desclarer du tout mon pensement
Plaise toy donc a escouter ma voix

Comme pamphille descript devant venus la beaulté de celle dont il estoit amoureux et les causes qui le retardent de parler a elle.

[E]st mihi vicina vellem non esse puella
Si non subveniat gratia vestra michi.
Nam solet ammoto plus ledere proximus ignis
Sed si vota feret lederet ipsa minus

Dame j'ay une voysine
La plus plaisante poupine
Qui soit pour une pucelle
Ainsi comme je ymagine
Se ta grace ne se incline
A me mettre en grace d'elle
Je vouldroie tant soit belle
Que jamais n'en fust nouvelle
Car tant plus on se reculle
Du feu et moins on se brusle
Par quoy quant elle seroit
Si loing de moy qu'elle ne auroit
Mes regars en façon nulle
Sa beaulté ne me nuyroit

Est in vicinis formosior omnibus illa.
Aut me fallit amor omnibus aut superest
Hec mea trajascit certis precordia tellis
Que nunc inde quero vi removere mea

Entre toutes autres pucelles
Je croy que la plus belle soit
C'est la fleur de toutes les belles
Ou je dy que amours me deçoit
Si tost que mon oeil apperçoit
Son doulx maintien sa belle face
Tout a travers de mon cueur passe
Ung feu d'amours dont bruslé suys
Voulentiers a force l'ostasse
Mais par mon ame je ne puys

Vulneris inde nude crescit dolor omnibus horis.
Mutaturque color vis que calor que meus.
Hoc nulli dixit nec que michi vulnera fecit
Nullaque causa fuit dicere que metuit

De jour en jour croist ma douleur
Et d'heure en heure multiplie
Qui me destruit chaleur couleur
Et me trouble la fantasie
La peine qui me contrarie
A personne n'ay revellee
De peur de honte et villennie
J'ayme mieulx la tenir cellee

Dicitur et fateor me melioribus orta est.
Hinc igitur metuo dicere velle meum

Elle est doulce moriginee
Plaisante gratieuse saige
Et de plus noble ligne nee
Que moy je congnois son lignaige
Par quoy descouvrir mon couraige
Je doubte car ainsi qu'on dit
Ung franc voulloir transist de raige
Quant il fault qu'il soit escondit.

Fertur et est verum quod me scit ditior illa
Et decus et dotes copia sepe rogat
Nec michi sunt dotes decus ingens copia grandis.
Sed quo habere queo quero labore meo

On dit et aussi je confesse
Qu'elle a plus que moy de richesse
C'est une chose veritable
Or requiert noblesse noblesse
Et avoir avoir ce me blesse
Car je ne suys que ung povre diable
Qui n'ay richesse ne avoir
Et ne sçay moyen d'en avoir
Fors du labeur que je puis faire
C'est ung des poings qui me fait taire
Car honneur et richesse aussi
Demandent avoir grant douaire
Et je ne puys fournir cecy

Cum vero sit dives cujusdem nata bubulci.
Eligit e nulle quemlibet illa virum

Son pere a de beufz si grant somme
Qu'il peut pour donner a sa fille
Eslire et choisir ung homme
Le mieulx a son gré entre mille
C'est le plus riche de la ville
Conclusion par quoy je doubte
Que au long d'elle ne me reboute
Par povreté a ce besoing
J'ay bien cause de faire doubte
De peur d'estre jetté au loing

Concipit ingentes animos fiducia forme
In que modum dominum non sunt esse suum.

Toutesfois sont de ardeur esprins
Mes membres pour sa grant beaulté
Mais tout regarde et comprins
Dire n'ose ma voulenté
Fiance de formosité
Souvent conçoit les grans couraiges
Et voit on a la verité
En estre atrappez les plus saiges

Has de corde meo tamptem demere curas
Sepius obstanti tunc magis arsit amor

Toutes ces curiositez
J'ay essayé hors mon cueur mettre
Par prendre autres felicités
Mais amour ne l'a peu permettre
Ains tant que possible peut estre
La ou je me ay voulu contraindre
Le feu d'amours a fait acroistre
Et jamais ne l'ay peu estaindre.

Comme pamphille en maniere de epillogue reitere ses prieres et se plaint de venus qui ne luy respont point.

En mala nostra vides et nostra pericula nosti
Unde precor precibus mitis adesto meis

Ainsi venus tu vois les sommes
De noz maulx et perilz mortelz
En quoy a toute heure nous sommes
Se par toy n'en sommes ostés
Par quoy je requiers tes bontés
Que tu soyes doulce et benigne
Aux veux qui te sont presentés
Par moy qui devant toy me incline.

Non michi respondes non dictis porrigis aures
Non tua clara meum/ lumina lumen habent

Venus tu ne me respons point
Ne prestes l'oreille a mes ditz
Je ne sçay se tu me escondis
Ce me viendroit trop mal apoint
D'autre part je regarde ung point
C'est que tes loyaulx yeulx seullement
Sus moy qui suis si mal en point
Tourner ne veux aucunement.

Aut tu tolle tuas nostre de corde sagittas.
Aut tu sceva tuis/ vulnera pasce modis.

Au moins se noz greves douleurs
Rapaiser ne veulx et guarir
Oste tes saiettes de noz cueurs
Sans si asprement nous ferir
Ou par moyen nous secourir
Sans faire plaies si cruelles
Car assez seroit pour mourir
Se tu ne metz mesure en elles

Quis posset tanti curam tollerare laboris
Que domino flenti premia nulla daret.

Qui esse qui pourra porter
De si tresgrant labeur la cure
Se tu ne le veulx supporter
Et conforter en sa laidure
Bien est la cure forte et dure
Qui son seigneur par desconfort
Seuffre souspirer et endure
Sans luy donner aucun confort.

Justo precando tibi mihi nam dolor anxius instat
Assiduas que preces concipit ipse dolor

Justes choses je te supplie
Tu ne me dois point escondire
Et si fault que je multiplie
Mes prieres et te les dire
Par plusieurs foys/ car le martire
Que j'ay nuyt et jour me contraint
Faisant doubte qu'il ne me empire
Car tant plus gelle plus estraint.

Quant pamphille eut parlé
Devant venus en lamentant
En demandant grace et mercy
Des douleurs dont il avoit tant.
Venus en le resconfortant
Parla et dist ce qui ensuyt
Que pamphille fust escoutant
Doulcement sans faire grant bruit.

Comme venus deesse d'amours parle a pamphille et luy enseigne les moyens pour jouyr de ses amours

[N]unc venus hec inquit labor improbus omnia vincit.
Quolibet et poteris ipse labore frui.

O pamphille j'ay ouy tes clamours
Ce dist venus la deesse d'amours
Tes complaintes et lamentations
Et diz que a moy seulle tu as recours
Pour te donner allegence et secours
En tes grandes et dures passions
Tu dis avoir pené et labeuré
Et des douleurs grandement enduré
Mais il te fault encor en endurer
Et cent fois plus que jamais labeurer
Car par labeur sans aucune doubtance
Vaincre pourras et de toy procurer
Toutes choses ou tu as esperance

Et monstrare tuos animos nulli verearis.
Vix erit mille que neget una tibi

Ne doubte/ soit a femme ou fille
Dire et monstrer ta fantasie
Car a grant peine une entre mille
Tu trouveras qui te denie
Que voulentiers ne soit ta mye
Et pour tant sans estre paoureux
Ta voulenté ne celle mie
A celle dont es amoureux

Quamque precando petes prius aspera forte negabit
Venales sensus improbus emptor habet.

Peut estre de commencement
Que ung peu aspre se monstrera
Mais prie tousjours doulcement
Car en la fin se moderera
Et ton parler escoutera
Se tu es doulcement preschant
Finablement tienne sera
Rien n'eschappe a ung bon marchant

Non mare transsisset pavidus si nauta fuisset
Turgida cum primum restitit unda rati

Se tu es loyal amoureux
Ne crains point a demander grace
Ung marinier qui est paoureux
A bien grant peine la mer passe
Quant il voit le vent qui dechasse
Les vagues en mer rudement
Et l'eaue qui l'une fois est basse
L'autre grande soudainement.

Ergo tuis primum si non favet illa loquelis
Arte vel officio fac tamen ut faveat.

Et pour tant si de prime face
Elle ne obeist a ton dit
Ne cuyde pas qu'elle te chasse
Et ne te tien point escondit
Mais par art saige et bien conduit
Par obedience et service
Que lui feras ainsi qu'il duyt
Pourchasse tant qu'elle obeisse.

Comme venus monstre a pamphille que toutes choses se font par art ou service agreable.

Ars animos frangit et firmas dirruit urbes
Arte cadunt turres arte levatur onus

Art froisse les fermes couraiges
Art abat les fermes cités
Par art chaient les fors ouvraiges
Tours chasteaux en hault lieu boutez
Par art aussi sont haulz montez
Les grans fais et pesans fardeaux
Enfin art fait toutes bontés
Art aussi fait faire tous maulx

Et piscis liquidis deprenditur arte sub undis
Et pedibus siccis per mare transit homo

Par art dedans caves courans
Est prins le poisson a la rayz
Par art sont dessus l'eaue courans
Les hommes a pié sec par quoy
Pamphille considere en toy
Que devant que avoir gallathee
Et la convertir a ta loy
Il fault que par art soit temptee

Rebus et in multis ars adjuvat officiumque.
Pauper sepe suo pascitur officio

Tu vois ung povre loricart
Par artifficiel office
Devenir ung riche pinarc
Et acquerir grant benefice
Il n'est rien que avoir on ne puisse
Par art ou service agreable
En effait rien n'est plus propice
En amours que estre serviable.

Et quamvis juxta sedatur principis ira.
Servat et illesum/ corpus opesque reus

On voit souvent que le coulpable
Rabat l'ire de son seigneur
Combien qu'elle soit equitable
Par avoir blessé son honneur
Et si garde de deshonneur
Ses richesses et de dommaige
Son corps qui est le point greigneur
Par art subtil et façon saige

Et gaudet locuplex qui flere solebat egenus
Et modo vaditur eques qui solet ire pedes

On voit le riche en grant liesse
Mener joye et felicité
Qui par deffaulte de richesse
Soulloit plourer en povreté
Cellui aussi qui a esté
Mille fois a pié par les champs
Par art estre a cheval monté
Art a fait mille bons marchans

Quod donare sibi minime potuere parentes
hoc excersenti jam dabit officium

Se serviable tu te rens
Envers elle/ elle te aymera
Et ce que donner tes parens
Ne pourroient/ te donnera
Quant continuer te voirra
A service lui presenter
Trop fort orgueilleuse sera
Se tu ne la faiz contenter

Officium que tuum primum si forte recuses
Tu servire tamen este paratus ei

Se ton service elle reffuse
Depremier que a elle viendras
Ne te chaille ce n'est que ruse
Point a desdaing ne le prendras
Par ce point tu l'entretendras
En amour tant qu'en fin finalle
A ton entente parviendras
Et te aymera d'amour loyalle

Hiis poteris superare minas causantis amice
Fiet amica tibi que prius hostis erat

Par les moyens que je t'ay dis
Toutes les rigueurs de t'amye
Se saigement tu te conduys
Suppereras n'en doubtes mye
Et sera je te certiffie
Enfin de toy fort amoureuse
Celle qui te estoit ennemie
Au devant se fort rigoreuse.

Comme venus enseigne pamphille faire jeux et dire plaisantes parolles devant gallathee et frequenter les lieux ou elle frequente.

In quibus esse solet loca sepius ipsa frequenta
Sine potes pulchris pascere pasce jocis

Il te fault aussi mettre entente
A souvent les lieux frequenter
Ou voulentiers elle frequente
Et ou elle hante hanter
Devant elle rire chanter
Et la repaistre de beaux jeux
Dire beaux motz doulx caqueter
Et tenir termes gratieux

Gaudia semper amat et ludi verba juventus
Et juvenum mentes hec in amore movent

Tousjours joyes ayme jeunesse
Et parolles de jeu aussi
Amours ne veullent que liesse
Point n'y fault parler de soucy
Mais de tout jeu car par cecy
Et tenir termes beaux et gentz
Souvent se mettent a mercy
Les pensees des jeunes gens

Nec non semper ei letis te ultibus offer
Est cum letitia pulchrior omnis homo

D'abiz te convient acoustrer
Le plus mignot que tu pourras
Et devant elle te monstrer
Joyeux ou tu la trouveras
Car plus beau tu luy sembleras
De luy monstrer joyeuse face
Jamais beaulté en toy n'auras
S'il fault que tristesse te chasse

Nec nimium taceas nec verba superflua dicas
Despicit et nimio sepe puella virum

De tenir trop grant gravité
En langaige te dois garder
Aussi en superfluyté
De parolles trop habonder
Car la pucelle a regarder
L'homme trop pensant et songart
De l'aimer se peut retarder
Et ne l'appelle que busart.

Exitat et nutrit/ facundia dulcis amorem.
Multotiens animos mitigat illa feros

La chose qui plus en ce monde
Excite et nourrist amours
C'est doulce et plaisante faconde
Sans avoir langaige a rebours
Tousjours beau parler est en cours
Et si voit on les haultz couraiges
Estre moderez tous les jours
Et convaincus par beaux langaiges

Si locus est illi jocundis vocibus insta
Quod vix sperasti jam dabit illa tibi

Apres agreable service
Receu pour le commencement
Se elle se treuve en lieu propice
Dy luy quelque mot hardiement
En amours tout secretement
Car par adventure que adoncques
Auras d'elle courtoisement
Cella que avoir tu ne peuz oncques.

Non scivit interdum pudor illi promere votum.
Sed quod habere cupit hoc magis illa vocat

Il te fault entendre que honte
Ne seuffre pas aucuneffois
Une pucelle tenir conte
De ce qu'elle ayme touteffois
Se elle trouvoit bien a son choys
Lieu propice elle accorderoit
La chose que souventeffois
Au paravant neyee auroit.

Pulchrius esse putat vi perdere virginitatem.
Quam dicat de me fac modo velle tuum.

A parler a la verité
Pucelle croit chose plus belle
Perdre a force virginité
Et se tenir ung peu rebelle
Que de dire a l'homme que de elle
Il face a sa voulenté
Jamais on ne a une pucelle
Sans aucune difficulté.

Hoc nimium caveas ne sit tibi circa supellex.
Nesciat esse tuum pauperiam que tuam.

Sus toutes choses garde bien
D'avoir mauvais habillement
Se tu es povre n'en dy rien
A elle principallement
Et si garde totallement
De luy dire ta residence
Ou elle puisse aucunement
Savoir se tu as indigence

Exiguo pulchram ducit solertia vitam
Jocundo que suas ore tegit lachrimas

Le saige maine vie honneste
De si petit qu'il peut avoir
Sans que son estat magnifeste
Qu'il n'est ja mestier de sçavoir
Se tu veulx faire ton devoir
Garde toy de dire nulle heure
Que tu as souffrance d'avoir
Souvent bouche ryt que cueur pleure

Quod non esses simulare potes dictis habitu que.
Maxima sors parvo contigit ingenio

A celle fin de mieulx attaindre
Et venir a fin de ton fait
Aucuneffois tu peulz bien faindre
Estre tel que n'es pas de fait
Le dit et l'abit en effect
Aucuneffois aydent a l'homme
Et apparaist estre parfait
Tel qu'il ne vault pas qu'on le nomme

Plurima mundus habet sua que vicinia nescit.
De quibus apta sibi plura referre potest.

Le monde a plusieurs povretés
De quoy son voysin ne sçait rien
Tel a de grans necessités
Qui dit qu'il est tout plain de bien
Pour ce pamphille garde bien
De dire que soies souffreteux
Mais dy plus tost que tout est tien
Ou tu n'es point vray amoureux.

Crede quod interdum multis mendatia prosunt.
Et quandoque nocet omnia vera loqui

Croy pamphille que bien mentir
Aucuneffois est treslicite
Il ne s'en fault point repentir
On voit que a plusieurs il proffite
Verité aussi estre dicte
A toute heure n'est pas louable
En une amoureuse poursuyte
Mentir est souvent convenable.

Comme venus admonneste pamphille de estre gratieux et habandonné aux serviteurs de la maison la ou il veult estre amoureux.

Et famulos famulas que dominus sibi sepe loquentes
Allice colloquus muneribus que tuis

Aux serviteurs et serviteures
De celle que tu aimeras
Monstrer te fault a toutes heures
Begnin quant a eulx parleras
Par les dons que tu leur feras
Et beau parler a ta mignonne
Cent fois recommandé seras
Et diront bien de ta personne.

Ut semper referant de te bona verba vicissim
Et pascant dominam laudibus usque tuis.

Je te exorte estre habandonné
Aux servans sans les escondire
Car si tu leur as rien donné
A leur maistresse le yront dire
Et ta grant largesse descrire
Tes vertus et grans preminence
Si qu'en la fin sans contredire
Elle aura en toy confidence.

Dum dubio dubias mentes in pectore versat
An faciat vel non nesciat velle tuum.

Plusieurs doubtes elle fera
Premierement que se accordez
Et plusieurs fois reffusera
Devant qu'en puisses aborder.
Mais se tu sçaiz beau demander
En la fin tu en jouyras
Pourtant pense de recorder
Les beaulx motz que tu luy diras

Tunc illam multo certamine sepe fatiga
Ut cicius possis victor amore frui

Pour te cuyder rendre confus
De grans raisons alleguera
En tenant termes de refus
Mais a l'heure que ce sera
Reprouve ce qu'elle dira
Par belles raisons sophistiques
En quoy elle s'abusera
Se sagement tu les applicques

Pellitur huc animus hominum vel pellitur illuc
Sepe labore brevi dum manet in dubio.

Doubter ne doibz aulcunement
Car le vouloir d'homme doutable
Change propos incessamment
Comme inconstant et variable
Mais il te fault estre immuable
Ferme constant en ung propos
Et pourchasser comme notable
Ta proye sans avoir repos

Et placeat nobis interpres semper utriusque
Quod caute referat hoc quod uterque cupit

Je ne sçay se tu es constant
A tenir nostre enseignement
Ainsi que dit est et pourtant
Nous qui tenon le jugement
Des amans jugeron comment
Tu qui es en fleur de jeunesse
Auras pourchassé vaillamment
Au regart de nostre vieillesse

Des operations aux jeunes
Doivent jugier les anciens
Car par leurs oeuvres anciennes
De droit ilz sont praticiens
Et tous les utilles moyens
Du train d'amours ilz sçayvent bien
Pourtant disent les plus sciens
Qu'il n'est trace que de viel chien

Emula nam juvenum dijudicat acta senectus
Et simul hos prohibet litigiosa loqui

Quant les jeunes sont en debat
Et en parler litigieux
Leur ire rappaise et rafait
Souvent la doctrine des vieulx
Et leur deffent user entre eulx
De parolles litigeuses
Mais avoir termes gracieux
Et en parolles amoureuses

Incipe spe melius dedit et dabit omnia tempus.
Non timor ullus erit in quibus esse times.

Pource pamphille hardiement
Commence par bonne esperance
A ton joyeulx commencement
Faire ne doibz quelque doubtance
Le temps te donra asseurance
Et ou tu craingz qu'elle repugne
De vouloir faire a ta plaisance
Tu ne trouveras crainte aucune

Non tibi plus dicam vinces studiosus amicam
Inceptum que viis mille patebit opus.

Plus ne t'en dy ne te diray
Mais se tu es bien studieux
Tu vaincras car je t'aideray
Mais il te fault estre soingneux
Car par nulles voyes et lieux
L'oeuvre de ton inception
Apparoistra de mieulx en mieulx
Pour venir a perfection

Comme pamphille dit que par le conseil de venus il ne luy est point amendé Ains que sa douleur est aussi grande ou plus que devant

[I]ncolumis leviter egro solatia prebet
Nec minus infirmus sentit adesse malum

On dit que ung sain legierement
Au malade donne soulas
Bien est legiere voirement
L'ayde que me donne en mon cas
Venus: car je me sens plus las
Ou autant que devant estoye
Je puys bien dire dieux helas
Je croy que jamais n'auray joye

Consilio veneris michi non dolor alleviatur
Sed meus in tristi pectore versat amor.

Le conseil de dame venus
Ne m'a point la douleur ostee
De qui mes membres sont tenus
Ains croy qu'elle soit augmentee
Et pour l'amour de galathee
Que j'ay cloz dedens ma poitrine
Incessantement tourmentee
Du feu d'amour qui point ne fine

Hactenus auxilii mihi spes fuit omnia nulla
Spes modo discessit et manet ipse dolor

Maintenant esperance avoye
En venus que totallement
Par elle conforté seroye
Mais je ne apperçoy nullement
Que j'aye aulcun allegement
Esperance s'est separee
De moy/ et m'est entierement
Toute la douleur demouree

Non miser evadam me nauta reliquit in undis
Et portum quero nec reperire queo.

Point ne esvaderay ce dangier
Car le marinier me delaisse
Es eaux ou je ne puis nagier
C'est venus la haulte deesse
Ou je cuydoye avoir adresse
En ma douleur et reconfort
Mais il fault bien que je congnoisse
Que j'ay cherchié sans trouver port

Sed modo quid faciam mea spes modo spectat ad illam
Illi me noviter convenit ire loqui

Maintenant que feray je doncques
Plus d'esperance n'ay en elle
Plus esbahy que ne fuz oncques
Je suis: pour neant je l'appelle
Aler me fault parler a celle
Pour qui ceste douleur me tient
Helas la gracieuse et belle
Voycy ou vers moy elle vient

Comme pamphille en appercevant galathee qui vient vers luy se esbahit tellement qu'il ne sçait quel propoz tenir vers elle tant se treuve entreprins et dit

Quam formosa deus nudis venit illa capillis
Quantus inesset ei nunc locus inde loqui

Qu'elle est belle beau sire dieu
Doulce gracieuse et honneste
La voycy venir en ce lieu
En beaux cheveulx toute nue teste
Quel lieu pour faire ma requeste
Luy seroit maintenant propice
Qui de faire estoit toute preste
Je ne sçay ou faire la puisse

Sed subito quanti michi nunc venere timores
Nec mea mens mecum nec mea verba manent

Je ne sçay dont ces craintes viennent
Qui me ont feru soubdainement
Et de luy declairer me tiennent
Ce qui gist en mon pensement
Plus n'ay sens ne entendement
Toutes mes parolles se changent
Ma pensee pareillement
Et mes espris de moy se estrangent

Nec michi sunt vires tripidantque manus que pedes que
Actonio nullus congruus est hatubis

J'ay toute ma force perdue
Mes piez tremblent incessemment
Tout aussi tost que je l'ay veue
A commencé leur tremblement
Des mains aussi semblablement
Et n'est habitude congrue
De luy aler dire comment
Elle me a la force tollue

Mentis in affectu sibi dicere plura pavi
Sed timor excussit dicere que volui.

Au devant que je la trouvasse
Plusieurs choses pensé avoye
Qu'il failloit que luy declairasse
Et que declairer luy pensoye
Mais je ne sçay par quelle voye
Crainte m'est venu attraper
Tant que de tout ce que vouloye
Ung mot ne sçauroit eschapper

Non sum qui fueram vix me cognoscere possum
Non bene vox sequitur sed tamen inde loquor

Plus ne suis cil que j'ay esté
A peine je me recongnois
Puis que mon esperit me est osté
Je voys et ne sçay ou je vois
Si fault il parler touteffois
Mon esperit n'a point de repoz
Je le congnois bien a ma voix
Qui ne peult suyvre mon propoz

Comme pamphille salue galathee Et est si surprins et esmeu qu'il ne tient comme point de propoz

Ulterius ville mea neptis mille salutes
Per me mandavit officium que tibi
Hec te cognoscit dictis et nomine tantum
Sed te si locus est ipsa videre cupit

Belle gracieuse et plaisante
J'ay en ceste ville une tante
Qui fort se recommande a toy
Et si te mande depar moy
Qu'elle est toute tienne servante
De te congnoistre elle se vante
De dict et de nom seulement
Mais de te voir est desirante
Se possible est aulcunement

Illic me voluere unde retinere parentes.
De quibus electis villa redundat ibi.

La me ont bien voulu retenir
Les parens d'une belle et gente
Mais il m'en a faillu venir
Car j'avoye ailleurs mon entente
Ilz me ont offert douaire et rente
Avecques la doulce pucelle
Des aultres choses plus de trente
Qu'il n'est ja mestier qu'on revelle

Hii michi cum umma spondebant dote puellam.
Pluraque: que non est cura referre modo.

Toute leur offre entierement
Refusee ay par ordonnance
Sans y donner consentement
Car en toy seule ay prins plaisance
Et n'y a au monde chevance
Argent contant ne or en masse
Que pour avoir la jouyssance
De ton amour ne refusasse

Omnia postposui tu mihi sola placuisti
Respuere pro te quicquid in orbe manet

Belle ne te vueille desplaire
Je ne parle qu'en m'esbatant
J'aymeroye mieulx a moy taire
Que de toy desplaire et pourtant
Soit ton bon plaisir consentant
A me ouyr parler en ce lieu
Ainsi que amoureux combatant
Mais ce que je dy n'est que jeu

Ludendo loquimur loquitur sic sepe juventus
Verbula ficta jocis jurgia nulla movent.

Jeunesse parle voulentiers
D'amours il est bon a sçavoir
Entre les saiges et entiers
Jeu honneste est a recepvoir
Et si ne doivent point mouvoir
Parolles de jeu nul debat
Quant on peult bien appercevoir
Qu'on ne les dit que par esbat

Sed modo dicamus cordis secreta vicissim
Dicta que preter nos nesciat alter homo

Mais pourtant belle qu'il me semble
Que voycy lieu assez decent
Que nous pouons parler ensemble
Se vostre plaisir se y consent
Car le monde est de nous absent
Oultre je ne desire point
Rien dire qui soit indecent
Et qui blasme touche ung seul point

Demus et inde fidem fieri sic postea dicam
Primitus incepi/ primitus inde loquar

Nos modo concordes debemus vera fateri
Gratior in mundo te michi nulla manet
Mais devant que nous nous metton
A rien dire plus amplement
L'ung a l'aultre foy prometton
De tout garder secretement
Touteffois au commencement
Je parleray c'est la rayson
Car j'ay parlé premierement
Et ay commencé le blason

Comme pamphille dit a galathee qu'il l'aime et l'espace du temps qu'il l'a aymee sans luy dire

[N]os modo concordes debemus vera fateri
Gratior in mundo te michi nulla manet

Maintenant nous sommes d'accord
Il ne reste que recorder
Chascun son faict/ c'est du plus fort
Pour voir se pourrons acorder
Gallathee sans me bourder
Saches que ta doulce faconde
Plus m'est plaisante a regarder
Que toutes les choses du monde

Ut te dilexi jam te pertransiit annus
Nostra nec ausus eram vota referre tibi.

Il y a ja ung an passé
Que je t'aime d'amour certaine
Et ay couru et tracassé
Pour te voir par mainte sepmaine
Mais craignant reproche vilaine
Jamais dire la cruaulté
Ne osay ne la douleur et peine
Que j'avoye pour ta beaulté

Tempore non longuo loquitur sapientia surdo
Nos que diu frustra non decet inde loqui

Je te dy mon vouloir en court
Il n'y fault point de long languaige
Tenir long procés a ung sourt
N'est point maniere d'homme saige
Je te desclaire mon couraige
Mais se tu veulx faire la sourde
Je pers mon temps et mon ouvrage
Qui me seroit chose bien lourde

Te constanter amo modo plus tibi dicere nolo.
Donec tu dices quid placet inde tibi

Je te aime tres constantement
Maintenant plus ne t'en vueil dire
Tant que tu diras plainement
Pamphille que veulx tu beau sire
Je ne te vueil point escondire
Adoncques je me enhardiray
Et la grant douleur et martire
Que j'ay chascun jour te diray

Comme galathee respont a pamphile et luy dit que plusieurs pucelles ont esté deceues par le doulx parler des amoureux

[S]ic multi multas multo temptamine fallunt.

Pamphille tu me diz aymer
Mais ce ne sont que parabolles
Beau parler jurer affermer
En amours ne sont que frivolles
Plusieurs par leurs doulces parolles
Et temptation mise en voye
Ont deceu plusieurs jeunes folles
Comme moy se je te creoye

Sic multas fallit ingeniosus amor

Je sçay bien que tous amoureux
Sont subtilz en temptation
Puis amour est ingenieux
De sa propre condition
Parquoy en la deception
D'amours sont souvent attrappés
Ceulx qui par adulation
De beau language sont frappés

Infamare tuo sermone vel arte putasti.
Quam falli nostro non dece ingenio

Je sçay bien et me tiens asseur
Que tu croys mon entendement
Changier par art et par doulceur
De ton amoureux parlement
Mais pamphille croy fermement
Que par l'art que tu peulz sçavoir
Il ne apartient aulcunement
Que je me laisse decepvoir

Quere tuis alias in cestis moribus aptas.
Quas tua falsa fides et dolus infatuet

Va pourchasser aultre que moy
A tes folles meurs convenables
Car je ne vueil ouyr de toy
Quelques regretz ou fainctes fables
Tes juremens sont decepvables
En tel cas ta foy n'y vault rien
Pourtant va querir tes semblables
Aultres que moy tu feras bien

La responce de pamphille contre ce que galathee a cy devant dit et argue que les bons ne doivent point estre pugnis pour les maulvais et dit

Et sic impediunt justos peccata malorum
Hic nocet alterius non mea culpa michi.

Ha ha galathee je regarde
Que tu prens excusation
Et aux oeuvres des mauvais garde/
Pour me donner objection
Bien voy que l'operation
Et la coulpe d'aultruy me nuyt
Les maulvais sont occasion
De tollir aux justes leur fruyt

Sed tamen ascultet me gratia vestra benigne
Et liceat domine dicere pauca mee.

Mais galathee nonobstant
Je vous prie que prenez espace
De reposer en me escoutant
Ung peu de vostre bonne grace
Sans que je die ne que face
Chose en quoy soit trouvé blasme
Si non qu'on me donne l'audace
De parler ung peu a ma dame

Inde deum celi testorum quoque numina terre
Non loquor ista tibi fraude vel ingenio

Galathee donne moy lieu
De te dire ma voulenté
Du ciel je tesmoigne le dieu
Et de terre la deité
Que par quelque infidelité
Mal engin ou abusement
Ne sera par moy recité
Quelque petit mot seulement

Nec manet in mundo modo te michi gratior ulla.
Carnis et nullum mens animusque videt

J'ay dit qu'il n'y a celle au monde
Qui tant me plaise que tu fais
Je le dy pour la fois seconde
Ainsi que j'ay dy une fois
Tant chierement je voy tes fais
Que cueur voulenté et couraige
Et tous mes espris sont refais
Quant je voy ton biau personnaige

Sed loquor inde casum tua mens puerilis et etas.
Quid nocet aut prodest noscere nescit adhuc

Mais je parle a toy vainement
Car trop es encor jeune et tendre
Pour congnoistre si promptement
Le bien a quoy je vueil pretendre
Ton aage ne peult pas comprendre
Tant est encor jeune et petite
Si ce que je te donne entendre
Porte dommaige ou s'il profite

Junior antiqua quamvis sit acutior etas
Nam cum multa senes plura vident

Touteffois jeunesse est habille
Pour plus ung cas tost concepvoir
Que vieillesse qui est debille
Combien qu'elle ait plus de sçavoir
On peult souvent apparcevoir
Que les jeunes ingenieulx
Peuent la congnoissance avoir
De plus de choses que les vieulx

Et quamuis juvenis fac ut cognoscere possis
Quis sim que mea res quisve meus sit amor.

Combien doncques que jeune soyes
Montre toy antique en prudance
Et que tu congnoisses et voyes
La fin ou parvenir je pense
Et que par certaine science
Me congnoisse et qui je suis
L'amour aussi grande et immense
Dont je te ayme tant que je puis

Cunctarum rerum prudentia ducitur usu.
Usus et ars docuit quod sapit omnis amor

De toutes choses par usaige
Peult on la verité congnoistre
Pourtant le proverbe du saige
Nous dit que l'usaige rent maistre
Tout ce qui en amour peult estre
Est sceu par usaige et par art
Pourtant la belle tu dois mettre
A me congnoistre ton regart

Ire venire loqui nec non dare verba vicissim
Esse simul tantum deprecor vt liceat.

Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie
Et pourtant belle je te prie
Que ce permettes seulement
Estre pouons licitement
Ensemble amoureurement
Sans estre reprins car m'amie
Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie

Non nisi colloquio cognoscimus intima cordis.
Ipsa referre potes quid placet inde tibi

Du dedans du cueur clerement
La congnoissance proprement
Premier par parolle est baillie
Pource dy moy je te supplie
Qu'il t'en plaist/ car certainement
Aler venir secretement
Parler ensemble honnestement
N'est point cause de vilennie
Et pourtant belle je te prie
Que ce permettes seulement

Comme galathee acorde a pamphile escouter ce que il vouldra dire qui est la premiere cause de sa deception

[I]re venire loqui tibi nec cuiquam prohibebo.
Quisquis ubique vias ire viator habet

Aller et parler ne pourroye
A toy ne a aultres deffendre
Car chascun viateur peult prendre
Ainsi que bon luy semble voye
Tu ditz que trop rude seroye
Se ton parler ne vueil entendre
Aler et parler ne pourroye
A toy ne a aultre deffendre

Quant mille fois j'escouteroye
La fin a quoy tu veulx pretendre
Si ne me ferois tu pas rendre
A ton plaisir mais chose vraye
Aler et parler ne pourroye
A toy ne a aultre deffendre
Car chascun viateur peut prendre
Ainsi que bon luy semble voye

Convenit est et honor ut det responsa patenti.
Et quoscunque videt queque puella nocet

Chose convenable et decente
Est a toute jeune pucelle
Sans que a mal faire se consente
De parler quant on parle a elle
De respondre quant on l'appelle
Voulentiers: chascun saluer
Sans se monstrer fiere et rebelle
On ne la peult redarguer

Hoc concedo satis tibi tu vel quilibet alter
Ut veniat salvo semper honore meo

Pource pamphille je concede
Que toy ou aultre parle a moy
Fors que le parler ne procede
Que en honneur: car d'aultre ou de toy
Le parler escouter ne doy
Se je apperçoy que en deshonneur
Vueille touchier je ne sçay quoy
Mais assés en termes de honneur

A stultare licet et reddere verba puellis
Convenit ista tamen ut moderanter agant

Chose licite est escouter
Et rendre responce aux pucelles
Touteffois ilz doyvent doubter
Qu'on ne touche point l'honneur d'elles
Par moyen en parolles belles
Respondre a ce qu'on parlera
Car porteurs de faulces nouvelles
Sont prestz d'ouyr ce que on dira

Verbula si dederis ludendo verbula reddam
Sed si forte nocent hec tibi non patiar.

Pource pamphille en t'esbatant
Se tu ditz parolles plaisantes
Je rendray autant pour autant
Toutes parolles esbatantes
Mais se tu dictz choses nuysantes
Jamais ne te le permettroye
Se ce sont parolles cuisantes
Pour rien ne les escouteroye

Nos simul esse petis solos simul esse recuso
Quere locum publicum non tibi sola loquar

Que soyons seul a seul ensemble
Tu demandes: certainement
Ce n'est pas honneur ce me semble
Mieulx vault parler publiquement
Qu'il ne fait solitairement
Dont il peult venir villennie
Se faire le veulx aultrement
Point ne te presteray l'ouye

Nam loca sola nocent infamia nascitur inde

Par ce pamphille se tu veulx
Que devant tous en general
Ensemble nous parlon nous deux
Je l'offre de cueur liberal
Car le monde est si desloial
S'il voit gens ensemble parler
Que plustost y pense le mal
Que le bien pour le flajoller

Tutius inde loqaar plebe videntur tibi

Et pource quant les gens seront
Presens qui de joyeuseté
Ensemble parler nous verront
Je parleray plus a seurté
Car je sçay qu'en communité
Tousjours y a quelque envieux
Et a grande difficulté
On se peult garder de tant de yeulx

Comme pamphille remercye galathee de ce qu'elle lui permet parler a elle puys en fin lui demande ung baiser faignant n'oser ce faire.

[N]on michi parva modo sed munera magna dedisti.
Nempe michi tantum sufficit alloquium

Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercye
De ce que m'as habandonné
Tu ne m'as pas icy donné
Peu de chose par courtoisie
Seullement me prester l'ouye
En quoy soit ma parolle ouye
Je suys haultement gardonné
Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercie
De ce que m'as habandonné

Du demeurant ne me soucye
Puis que parler en compaignie
Je puys dieu me y a amené
Jamais ne fuz mieulx assigné
Pour faire mon oeuvre acomplye
Gallathee ma doulce amye
Humblement je te remercie
De ce que m'as habandonné
Tu ne m'as pas icy donné
Peu de chose par courtoisie

Hiis meritis dignas nequeo tibi reddere grates.
Equari meritis non valet hoc meritum.

Je ne puis graces assés dignes
Te rendre a si grant merite
Trop grandement a moy te inclines
Louenge n'est assez licite
Qui devant toy puisse estre dicte
Pour ce merite equaliser
Ma bouche seroit trop petite
Pour suffisamment le priser

Sed fortassis adhuc venient tempus que dies que
Quo se monstrabit si quis amicus erit.

Mais par adventure le temps
Et les jours viendront qu'on voirra
S'il vient ainsi comme je entens
Qui est vray amy et sera
Qui est amy se monstrera
Ung jour qui vient ce ay je esperance
Et que chascun dire pourra
J'ay prins amours a ma plaisance.

Nec tibi displiceat non audeo dicere plura
Quamvis te peterem pauca libenter adhuc.

Jamais ne fuz si a mon aise
Que je le suys c'est chose vraye
Gallathee ne te desplaise
J'ay cella que je demandoie
Plus rien demander n'oseroie
Combien qu'il y ait quelque chose
Que voulentiers demanderoie
Elle est petite mais je n'ose

Nos alternatim complexus basia tactus
Ut dare possimus cum locus affuerit

Si me le fault il exposer
C'est s'il te plaisoit de ta grace
Que l'ung l'autre peussions baiser
Quant temps nous viendroit et espace
Car de baiser ta doulce face
Et accoller ton beau corps gent
Me seroit trop plus grande grace
Que avoir l'or du monde et l'argent

Comme gallathee accorde que pamphille la baise et accolle seullement et pour couvrir son cas luy deffent que autre chose ne luy demande

Quamvis illicitum complexus nutrit amorem
Et fallunt dominam basia sepe suam.

Combien que le baiser nourrisse
Amour illicite et infame
Et qu'il soit fontaine de vice
Et de vitupere a sa dame
Touteffois sans penser a blasme
Pamphille se lieu vient apoint
Je cuyde bien que je suis femme
De ne vous escondire point

Hoc patiar solum sed tu nichil amplius addas
Nam cuiquam sine te talia non paterer.

Pour ung baiser tant seullement
Contente suys de l'accorder
Fors que ce soit secretement
Qu'on ne nous puisse regarder
Mais garde de plus demander
Car jamais ne me accorderoie
Que autre me venist aborder
Pour baiser je ne daigneroie

Sed modo de templo venient uterque parentes.
Est michi ne causer convenit ire domum

A dieu te dy car je contemple
Que tantost mon pere et ma mere
Sont prestz de revenir du temple
Je m'en voys je crains vitupere
Car s'il advenoit que mon pere
Fust arrivé a la maison
Il me batroit c'est chose clere
Je m'en vois il en est saison.

Tempora sat veniant pariter quibus ambo loquimur
Et memor alterius quisque sit interea

Icy trop longuement je attens
Je m'en voys il m'en fault aller
Mais il viendra assés de temps
Que pourrons ensemble parler
Entrebaiser et accoller
Comme dit est mais nonobstant
Vueille soy tousjours recoller
Chascun l'ung de l'autre entretant.

Comme pamphille apres le depart de gallathee loue son beau commencement et fait plusieurs considerations pour la perfection de son oeuvre.

Letior in toto me non est nec fuit orbe
Figitur in rippis anchora nostra suis

Or doy je bien dieu mercier
Et fortune pareillement
Je ne me doy point soucyer
J'ay fait ung beau commencement
Je croy que soubz le firmament
N'y ayt plus joyeux que je suys
Puys que une fois dire je puys
Que j'ay ataché a son port
Mon ancre est fichie sus le bort
A peine pourroit eschapper
Oncques més si grant resconfort
En mon cueur ne se vint frapper

Me subito nimium deus et fortuna beavit
Nam dives redeo qui miser ante fui

Or me ont bien tost dieu et fortune
Fait venir a heure opportune
Pour mes requestes obtenir
Je croy qu'il n'est personne aucune
Dessoubz le siecle de la lune
Qui mieulx y eust sceu parvenir
Bien en haste suys devenu
Riche qui povre suis venu
Et m'en retourne maintenant
Bieneureux je suys obtenant
Mon desir qui en grant tristesse
Naguaires estoie en venant
Et je m'en revois en liesse

Illius et frustra quod sim memor illa rogavit
Quam te mente mea nec labor excuteret

Helas c'estoit bien pour nyant
Qu'elle m'a prié que je fusse
D'elle memor/ il m'en souvient
Plus que dire peu ne luy eusse
Car il n'est labeur que je peusse
En tout ce monde icy porter
Par lequel bonnement je sceusse
Hors de mon couraige l'oster

Non mecum sentit nec ut desidero noscit
Sum velut ipse sui sit memor illa mei

Mais la povre fille ne sçait
Pas la grant amour de nature
Dont je l'aime ne ne conçoit
Pas le mal que pour elle endure
Qui sans termination dure
Si prie dieu qu'elle soit de moy
Aussi souvenante en droicture
Comme je le serai de soy

Pluribus expedior et adhuc me plura cohercent.
De quibus ipse meum nescio consilium.

J'ay essayé plusieurs moyens
Ains que venir en consequence
Si que des plus conveniens
J'ay trouvee l'experience
Mais il y a grant difference
Les ungs des autres sont meilleurs
Et pourtant m'en fault il plusieurs
Que jamais querir et trouver
Pour essayer et esprouver
Se a bonne fin je perviendray
Mais a la verité prouver
Je ne sçay quel train je tiendray.

Si studiosus eam verbis que iocis que frequentes
Auferet assuetas garrula fama vias

S'il fault que je soye studieux
A faire plaisances et jeux
Devant elle on en parlera
Et y aura quelque envieux
Qui me trouvera sus les lieux
Souvent et en murmurera
Par ce point la elle pourra
Encontre moy se courroucer
Et a tout amour renoncer
Si suys esbahi que je face
Et ne sçay quel chemin penser
Pour tousjours maintenir sa grace

Firmet amiciciam si nulla frequentia nostram
Non bene firmus adhuc forsan alibit amor

D'autre part s'il fault que je laisse
A luy monstrer signe d'amer
Je faiz doubte qu'elle ne cesse
Sans voulloir le fait confermer
Bien aise est a deffermer
L'ancre qui ne tient comme point
Et comme je puis estimer
De noz amours est en ce point

Perpetuo crescit: lignis crescentibus ignis
Detrahe ligna foco protinus ignis abest

Tant plus on met au feu de bois
Tant plus croist c'est chose congneue
Mais ostez le bois une fois
Le feu a sa force perdue
Amour aussi se continue
Par longue frequentation
Pareillement se diminue
Par absence et dillation.

Solicitus tantis curis tantis que periculis
Detrahor in quantis nescio mente modis

Ainsi donc en sollicitant
Si grans dangiers et adventures
Des passions je seuffre tant
Que jamais n'en fut de si dures
Je voy cent mille conjectures
Opposites aux deux cartiers
L'une fois il me semblent seures
L'autre je y treuve des dangiers

Hac in re nullam: modo cerno prosperitatem.
Non habet et tutum mens mea consilium

Pour ceste cause en ceste chose
Plaine de grant difficulté
Je ne juge point ne suppose
Qu'il y ait de prosperité
Et en ceste duplicité
Ma pensee ne peut trouver
Bon conseil de securité
Pour mieulx a son port arriver

Obstat et interdum satis. fortuna virorum
Propositum que suo: non scivit esse loco

Aussi fortune la diverse
Souventeffois les destinees
Des hommes varie et renverse
Et ne peuent estre menees
Ou les dieux les ont ordonnees
Car fortune sans nul repos
Par ses malices obstinees
Chascun jour change leur propos

Sic multis nocuit multos tamen illa beavit
Vivit in hoc mundo taliter omnis homo.

Aussi en divers changemens
Elle a aux ungs esté grevable
Leur a donné de grans tourmens
Aux autres a esté aydable
En son fait n'y a rien estable
Mais vella en quoy je me fonde
Que soubz fortune variable
Tout homme est vivant en ce monde

Comme pamphille prie dieu qu'il luy vueille supporter son labeur et dit qu'il n'y a en ce monde confidence que en soy mesme et en dieu.

Providet et tribuit deus et labor omnia nobis.
Proficit absque deo nullus in orbe labor

Parfaictement croire devon
Que dieu avec labeur nous donne
Toute chose que nous avon
En ce monde soit malle ou bonne
Dieu a son appetit ordonne
Et le labeur en aucun lieu
Ne peut proffiter a personne
Si ce n'est par l'ayde de dieu

Sit deus ergo mei custos/ rector que laboris
Omne guberent opus/ propositum que meum

Pourtant je pry dieu humblement
Que mon oeuvre vueille tenir
En si bon propoz tellement
Que a bonne fin puisse venir
Vueille moy tousjours subvenir
Et estre de mes faiz recteur
Les garder conduyre et tenir
En bon estat le createur.

Non meus interpres fiunt frater que nepos que
Nam nullus leviter invenit unde fidem

En tel cas j'ay ma confidence
En dieu seul non pas a mon frere
Car souvent y a diffidence
De pere a filz de filz a pere
Par tant pour fouyr vitupere
Il n'y a frere ne nepveu
Il n'y a ne pere ne mere
Qui de mon estat ayt rien veu

Jura fidem que nepos nescit servare nepoti.
Nec frater fratri/ cum furor ille venit

Maintenant n'y a point de foy
Entre frere et frere on le voit
Maintenant chascun est pour soy
Et souvent l'ung l'autre deçoit
En plusieurs lieux on l'apperçoit
Que ung frere a l'autre dit injure
Ou quelque opprobre s'il le sçait
Pour une petite murmure.

Causa pusilla nocet: sapiens nocentia vitat.
Ergo nos aliam convenit ira viam.

Peu de cause pour ce nuysance
Le saige voulentiers evite
Choses nuysantes a puissance
Qui viennent de cause petite
Pourtant esse chose licite
De proceder qu'on ne nous voye
Secretement car la mauldicte
Envie est tousjours par voye.

Comme pamphille propose de aller veoir une vieille de la ville et en faire sa courtiere d'amours.

Hic prope degit avus subtillis et ingeniosa.
Artibus et veneris apta ministra satis.

Je sçay bien que assez pres d'icy
Est une vieille maleureuse
Laquelle vit en grant soucy
Et en povreté douloreuse
Mais subtille et ingenieuse
Fine mauvaise et cautelleuse
Pour servir aux ars de luxure
C'est le mieulx que je me adventure
De luy aller dire mon cas
Elle m'y vauldra deux advocas
Car elle a ce mestier aprins
Tout consideré et comprins
Je ne puys mieulx en cest office
Commettre sans estre reprins
Pour me faire utille service

Postpositis curis ad eam vestigia tandam
Et sibi consilium notificabo meum

Toutes cures mises arriere
Je la feray d'amours courtiere
Et me yray adresser a elle
C'est une droicte messaigere
Une maistresse langaigere
Pour attrapper une pucelle
En elle seulle me fieray
Mon conseil luy notiffieray
En la requerant humblement
Que employer son entendement
Veille ainsi qu'il appartiendra
Pour moy et que de son payement
A chose qui soit ne tiendra

Comme pamphille salue la vieille et la persuade de louenges avant que luy dire son cas

Fama tue laudis nullum que tue bonitatis
Causaque/ miserunt me tibi consilii

Belle mere je vien a toy
Pour les grans louenges de quoy
On te loue en ceste cité
J'ay aucunes choses en moy
Pour qui avoir recours je doy
A toy seulle pour la bonté
Sagesse foy et loyaulté
De qui tout le monde te fame
En la cité plus que autre femme
C'est ce qui devers toy me amaine
Car je sçay que tu es certaine
Juste secrete et honnourable
Autant ou plus que femme humaine
Pourtant soyes moy secourable

Que loquor ascultet pietas et gratia vestra
Alter et assensu nescit absque meo.

Si te prie par amitié
Que escoutes ce que vueil dire
Et ayes de moy pitié
Car la douleur et martire
Que nuyt et jour mon cueur tire
Est si grant que dire n'ose
Si fault il que te l'expose
Mais je te prie humblement
Qu'on n'en saiche aucune chose
Tenon l'ay secretement

Diligo vicinam tibi/ quam noscis galatheam
Ipsa suis dictis me nisi fallor amat

J'ay une voisine prochaine
Que j'aime d'amour souveraine
Gallathee tu la congnois
Je suys chascun jour de sepmaine
Pour elle en douleur et en peine
Tu le peulz entendre a ma voix
Elle m'aime bien touteffois
Veu cella que j'ay apperceu
Ou par ses dictz je suys deceu
Tu la congnois et peuz sçavoir
Se femme est pour me decevoir
Si te pry dy m'en verité
Et vrayement je feray devoir
De payer a ta voulenté

Non loquor ut vellem nam mille pericula vtto.
Quicquid in orbe nocet solicitus timeo

Plus emplement
Mon pensement
Te diroye
Et mon tourment
Totallement
Monstreroye
Se je osoye
Mais par voye
Sont les dangiers incessamment
Je crains ce que ja ne vouldroie
Voir et aussi que je ne voie
Ce que je crains totallement

Ex minimo crescit sed non cito fama quiescit.
Quamvis mentitur crescit eundo tamen.

Il ne fault que ung peu de fumee
Pour acroistre la renommee
De la personne ou luy tollir
Or est gallathee famee
De tout le monde et renommee
Je crains a vers elle faillir
Car je luy pourroye abollir
Plus tost son bon nom que hausser
Car ceulx qui veullent mal penser
Donnent plus tost le mal entendre
Pour la renommee abaisser
D'autruy que la voulloir deffendre.

Parva nocent miseris miseros mala multa secuntur
Res que laborque michi spe manet in dubia

Petites choses sont nuysables
Aux miserables.
Le vireton aux maleureux
Mille maulx et choses grevables
Sont doubtables
Et suyvantes les douloureux
Donc pour eulx
Suys paoureux
Et peine qui m'est angoisseuse
Tient mes besongnes en tous lieux
En esperance dubieuse

Tu mala nostra vides tua vox erit inter utrunque
Deprecor ut nostrum crimen eundo tegas

Bonne mere tu vois noz maulx
Je ne t'en vueil plus exposer
Tu sçaiz que c'est de telz travaux
Que nous souffrons sans reposer
Plaise toy donc interposer
Ta voix entre moy et la belle
Tant que puisses tourner vers elle
Ma voye et mon appointement
Mais je te pry rien n'en revelle
Tien nostre cas secretement.

Comme la faulse vieille respont a pamphille que plus grant que luy aime gallathee qui ne la peut avoir et que si n'est par le moyen d'elle a peine on l'aura et ce fait pour avoir des dons

Alter amat quod amas: et quod petis hoc petit alter
Sed tamen assensum non habet inde meum.

Pamphille tu es amoureux
De celle que autre ayme que toy
Vous demandez avoir tous deux
Ce que ung seul n'aura que par moy
Tu es fort feru je le voy
De gallathee la joyeuse
Je ne sçay s'elle est amoureuse
De toy mais je suys fort en doubte
Que non car a peine se boute
En amour d'aucun parsonnaige
Et si ne croy point somme toute
Qu'elle ayt en homme son couraige

Est nimis ille probus et honesta conjuge dignus
Sed michi displicuit quod dare disposuit

Ung autre que toy l'aime bien
Qui me pria que son moyen
Envers elle je pourchassasse
Mais en effait il n'y fist rien
Car il n'est pas homme de bien
Assez pour avoir ceste grace
Cent foys me pria que j'allasse
Voir se la trouveroye a point
Mais il me desplaisoit d'ung point
C'estoit de faire grant promesse
De donner tresors et richesse
A elle assez mais de ma part
Qui devoye faire l'adresse
Il n'avoit que ung peu de regart

Promisit veteres cum pellicio michi pelles
Sit sibi velle meum munus ademit opus.

Bien appert que villain estoit
Quant pour faire ceste façon
Tant seullement me promettoit
Je ne sçay quel vieil pelliçon
J'entendy bien ceste leçon
Autant que femme de la ville
Et qu'il me reputtoit bien ville
De villain don me presenter
En effait oncques si abille
Il ne fut d'en sçavoir gouster.

Si datur ad tempus dat et affert commoda munus
Jus leges que suo destruit imperio.

Je suis assés saige et entens
Que quant on donne a la personne
Cella qu'on donne c'est a temps
Car c'est raison qu'on le guerdonne
Le don que aucuneffois on donne
Peut porter proffit ou dommaige
Et n'est loy ne droit ne usaige
Sus quoy le don par son empire
Ne ayt preference et avantaige
Et qu'il ne les puisse destruire

Quam petis ut credo per me nisi nullus habebit.
Nam nimis imperio subjacet illa meo.

J'ay des necessités bien grandes
Chascun le voit visiblement
Mais la celle que tu demandes
Homme n'aura aucunement
Si non par mon consentement
Car plus que a femme de ce monde
Elle est a mon commandement
C'est la raison ou je me fonde

Insuper ipsa sui sum dux et conscia facti
Et facit illa meis viam consiliis

En oultre plus je suis compaigne
Et conducteure de son fait
Tout cella que je luy enseigne
Sans contredit elle le fait
Et si ne fait rien en effait
Que par mon conseil et doctrine
Et si me ayme de cueur parfait
Plus qu'elle ne fait autre voysine

Non loquar ipsa diu tibi/ nam me previt altera cura.
Carpat quisque vias et sibi querat opem.

A toy je ne parleray plus
Longuement j'ay ailleurs affaire
Et face chascun au surplus
Cella qu'il voirra bon de faire
Ainsi qu'il luy est necessaire
Chascun sçait sa necessité
A dieu ne te vueille desplaire
Pamphille dieu te doint santé.

Comme pamphille apperçoit bien que la vielle ne luy veult point faire son moyen s'il ne marchande a elle et veult sçavoir combien

Hoc mihi perstat opus nec me previt altera cura.
Hanc michi si dederis omnia prestiteris

Tu dis avoir a besoingnier
Ailleurs que icy et aultre part
Mais s'il te plaisoit de soignier
A mon fait et avoir regart
La ou je pense tost et tart
Sans aultre cure ne soucy
Tu me donroyes par ton art
Tous les biens de ce monde icy

Convenit externos mercari sepe labores
Emptus et ut capiat premia digna labor.

Toute peine requiert salaire
Je le congnois c'est verité
Point ne vueil aler au contraire
Et pourtant de necessité
Et mieulx tenir fidelité
De marchander et convenir
Marchié fait en bonne equité
Sans difference doit tenir

Nulla partem tuum frustabor crede laborem.
Nunc quibus indigeo si michi provideas.

De ce dont je suis indigent
S'il fault que par toy pourveu soye
J'ay des biens de l'or de l'argent
N'espargne ne or ne monnoye
Ne doubte que je ne te paye
Sans te frustrer car c'est raison
Et que je ne mette en ta voye
Tout ce qui est en ma maison

Deprecor hoc unum me credis dic inde nullum
Et quodcunque mihi dixeris ipse dabo.

Mais je te pry dy moy combien
De moy tu demandes avoir
Pour me vouloir faire ce bien
S'il te plaist je le vueil sçavoir
Ce que vouldras de mon avoir
Dy moy je le te donneray
Voulentiers sans te decepvoir
Mais dy moy ce que je payeray

Comme la vieille dit qu'elle ne veult point de attente en ce marchié Mais avant que commencer ouvraige voir de quoy sans promesse

[P]lura volunt et plura petunt quibus instat egestas.

Plusieurs choses avoir vouldroyent
Ceulx qui sont en mandicité
Que voulentiers demanderoyent
S'ilz sçavoient sans faulceté
Qu'on ne feist point difficulté
D'oubtemperer a leur demande
Mais te dire ma povreté
Je n'ose car elle est trop grande

Quantis indigeo tanta referre pudet.

De dire honteuse seroye
Toutes mes miserabletés
Car au vray parler ne pourroye
Dire toutes mes povretés
Car j'ay tant de necessités
Qu'il n'y a se croy creature
Es quattre prochaines cités
Qui tant que je fais en endure

Divitias multas habui dum floruit etas
Commoda nulla facit ars que labor que meus.

Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Chascun prenoit en moy plaisance
Et me venoit toute richesse
Present me tourne a grant tristesse
De estre povre car sans doubtance
Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Mon art maintenant en vieillesse
Ne me donne point de substance
Mon labeur me laisse en souffrance
Et touteffois comme princesse
Tant que j'ay fleury en jeunesse
J'ay eu des biens par habondance
Chascun prenoit en moy plaisance
Et me venoit toute richesse

Si modo nostra tibi prodesse juvamina sentis.
Deprecor ut pateat hinc michi nostra manus

Pource pamphille se tu sens
Que te puisse estre profitable
Et ayder comme je consens
Monstre toy large et honnorable
Monstre dequoy soyes veritable
Je te prie baille content
Car ung tien/ est si agreable
Qu'il n'y a rien au monde tant

Comme pamphille luy donne de premier une quantité d'argent sans regarder combien a celle fin qu'elle voise faire son pont vers galathee.

Hinc tibi nostra manus et cetera nostra patebunt.
Sic que sub imperio copia nostra tuo.

Tien vela de commencement
A celle fin que il te apparesse
Et que congnoisse clerement
Que ung vray amant aime largesse
Mais aussi monstre toy maistresse
De faire cest appointement
Tous noz biens et nostre richesse
Seront a ton commendement

Multum grata michi modo nos concordia junxit.
Pactaque sollicitet inter utrumque fides

Moult m'est ce concord agreable
Et que je te puis contenter
Aussi monstre toy serviable
Et va mon cas soliciter
Se tu peulz une fois traicter
L'appointement d'elle et de moy
Je pourrai dire sans doubter
Que tu seras femme de foy

Hinc precor vigilet solercia nostra labor que
Et ratione sua rem bene provideant

Pourtant je te pry que tu veilles
Si convenablement que en vain
Et pour neant ne te travailles
Et que ton labeur ne soit vain
Tu sçais que pour faire bon pain
Le bon fournier ou la fourniere
Regarde a faire bon levain
Faire dois en ceste maniere

Principium finem que simul prudentia spectet
Rerum finis habet crimen et omne decus.

Tu sçais que prudence regarde
La fin et le commencement
Et pourtant je te pry pren garde
A besongnier prudentement
Car la fin et consonnement
De toutes choses par honneur
Se bien viennent pareillement
Se mal viennent le deshonneur

Verbi principium fidem quoque respice verbi.
Ut melius possis premeditata loqui

La fin de ce que vouldras dire
Et le commencement aussi
Regarde pour le mieulx eslire
Avant que tu partes d'icy
Tu le dois faire par ainsi
De parvenir a ton attente
Tu n'auraz que ung peu de soucy
Car tu portes parler sans crainte

Comme la vieille voit galathee assise a la porte de son pere et faignant la vieille de ne la veoir point se va mettre au pres d'elle et apar soy parler et dire des biens de pamphille Si que la fille le peult ouyr

Hac manet in villa nimium formosa juventus.
Crescit et in cunctis moribus ipsa bonis.

Dieu qu'il demeure en ceste ville
Ung filz plain de belle jeunesse
Gracieulx doulx honneste habille
C'est des jouvenceaux la noblesse
Heure n'est au jour qu'il ne croisse
En vertus et en bonnes meurs
C'est une parfaicte liesse
De le voir entre les greigneurs

Non fuit in nostro melior nec dulcior evo
Suscipit ipse meam tam bene pauperiam.

Je suis vieille mais en mon aage
Je n'oy parler du semblable
Doulx courtois gracieux et saige
Compacient et amiable
Que je l'ay trouvé pitoyable
De l'heure que a luy suis venue
Et de vouloir tant honnorable
Il a ma povreté receue

Precellit cunctos omni bonitate coevos.
Pamphilus et socios laudibus exuperat

Il precelle en toute bonté
Ceulx de son aage et en beaulté
Pamphille porte l'excellence
De doulceur et de loyaulté
Sans aulcune desloiaulté
Il a sus tous la preference
C'est l'honneur de ses compaignons
C'est la fleur des gentilz mignons
C'est des humains le plus humain
C'est des aultres le souverain
Ses vertus sont inestimables
En son fait n'y a rien villain
Mais toutes choses honnorables

Est stulto stultus est miti mitis ut agnus
Stultitie sapiens jure resistit homo.

Il fait le fol avec les folz
Et le saige avecques les saiges
Il fait le doulx avec les doulx
Plus que ung aigneau en tous ouvrages
En luy n'y a que doulx languaiges
Jamais ne partit de sa bouche
Parolle d'aultres personnaiges
Qui tant soit peu deshonneur touche

Non manet ac tante pubes probitatis in urbe
Quas acquirit opes non vorat ingluvies

En ceste cité pour ceste heure
A bien pamphille regarder
Je ne sache point qu'il demeure
Si digne enfant de collauder
Prudent a saigement garder
Ses biens qu'il acquiert largement
Sans les despendre a gourmender
Ou les dissiper folement

Est nimis ille probus bona nam fuit ejus origo
Arbore de dulci dulcia poma cadunt.

Il est de fort bonne nature
Et aussi naturellement
Il est de bonne geniture
Qui est ung beau commencement
D'ung arbre doulx communement
Chayent pommes doulces et bonnes
Le bon enfant semblablement
Engendre de justes personnes

Premonstrat signis prolem natura frequenter.
Sepe solet similis filius esse patri

On congnoist coustumierement
Par les oeuvres que ung enfant fait
Quel fut de luy l'engendrement
Et s'il y eut aulcun forfait
Car souvent en dit ou en fait
Le filz est semblable a son pere
Mais pamphille monstre en effait
Que engendré fut sans vitupere

Comme apres ce que la vieille a dictes toutes ces louenges de pamphille elle se tourne vers galathee en faisant une admiration et faindre ne l'avoir point veue

En juxta portam video stantem galatheam
Queque locuta fui forsitan audierit.

Comment dieux voicy galathee
Aupres de ceste porte assise
D'elle j'ay esté escoutee
A ceste heure je m'en advise
Au fort en ce que je devise
De pamphille le triumphant
Avoir ne puis quelque reprise
Car c'est ung gracieulx enfant

Hic non esse modo galatheam certe putabam.
sed tamen ipsa nimis/ vera locuta fui

Galathee certainement
Pas icy je ne te cuydoye
Si pres de moy presentement
Que de pamphille je parloye
Touteffois ce que j'en disoye
Aussi vray est que l'evangille
Et bref dire je ne sçauroye
Toutes les vertus de pamphille

Pamphilus ac certe cunctos precellit in urbe
Egregie vitam providet ille suas

En toutes vertus et bonté
Il precelle certainement
Tous les ceulx de ceste cité
Tant est de beau gouvernement
Il se pourvoie noblement
Sans faire aulcune vilennie
Bref c'est ung resjouissement
Que contempler sa belle vie

Illi semper honor et laus et gloria crescit
Et merito nullus invidet inde sibi

Tousjours luy croist honneur et gloire
Non sans cause c'est bien raison
Toute la cite fait memoire
Du grant honneur de sa maison
Qui de richesses a foison
Est plantureusement fournie
Et ne donne quelque achoison
Qu'on doive avoir sur luy envie

Est nimium locuplex et non tamen inde superbit
Illius et nullum copia crimen habet.

Il a richesses a planté
Et n'en est point plus orgueilleux
Mais tousjours en humilité
Se monstre doulx et gracieulx
Son fait n'est en rien vicieux
Mais a tout le monde agreable
Je ne croy pas que soubz les cieulx
Peult estre trouvé le semblable

Esset vt ipse tuus vellem galatea maritus
Hanc eandem velles rem bene si saperes.

Galathee ma gente fille
Plust a dieu et la belle dame
Que ce beau gracieulx pamphille
Fust ton mari et toy sa femme
Car je cuide et croy sus mon ame
Se bien son estat congnoissoies
Et comme chascun le reclame
Toy mesmes le desireroyes

Velle meum dixi sed non tamen ille rogavit.
Vos simul esse meum judicat arbitrium

J'ay dit que vous fussiez ensemble
Mariez beaucop je desire
Grant prouffit seroit ce me semble
Nompas qu'il le me face dire
Je ne te vouldroye pas nuyre
Galathee tu le sçais bien
Mais plus que a fille de l'empire
Je desireroye ton bien

Et genus et probitat et forma decens utriusque
Mecum concendunt vos simul esse duos.

Je arbitre que le mariage
De vous deux seroit convenable
Car la preudommie et lignaige
De tous deux est assés semblable
Oultre plus la forme honnorable
De voz corps gracieulx et gens
Monstre ceste chose traictable
Autant que fut onc de deux gens

Nostra modo vacuis deducimus ocia verbis.
Res tamen interdum grandia parva movet
E minima magnus scintilla nascitur ignis
Et generat parvum grandia principium

Cela que nous dison icy
C'est temps perdu: mais touteffois
Mariage ce font ainsi
Par peu de chose aulcuneffois
Ung grant feu peut faire en ung bois
Une bien petite estincelle
Commencer convient une fois
En toute chose naturelle

Mens mea concepit harum primordia rerum.
Atque loqui nostris cepimus inde jocis.

Jamais jour ne me apperceu
Que pamphille eu le couraige
De soy marier mais conceu
J'ay apar moy ce mariage
Puis quant j'ay veu ton personnaige
Et que la chose vient a lieu
J'en ay commencé le langaige
Mais tout cela ce n'est que jeu

Sed si rebus in hiis mea mens animus que movetur
Si placet an potius desplicet inde loqui.

Touteffois galathee dy moy
S'il te desplaist aulcunement
De ce que j'ay fait devant toy
A cest heure ce parlement
Car je te jure mon serment
Que tu es du monde la fille
Que j'ayme plus parfaictement
Mais aussi bien fais je pamphille

Deprecor ut dicas/ quod dixeris ipsa tacebo.
Si celare velis sine referre loquar.

Je te pry dy moy s'il te plaist
Entre nous deux secretement
Quelle ton oppinion est
De cecy parle seurement
Se tenir le vueil celeement
Voulentiers je le celeray
Se parler veulx publicquement
Pareillement je parleray

Dic michi ne dubita sculeum depone timorem
Hic venit a sola ruscicitate timor

Dy moy tout belle je te prie
Se pamphille vouloit te avoir
Le vouldrois tu point/ ne crains mie
A me faire cecy sçavoir
Pas ne vien pour te decepvoir
Se tu es en difficulté
Se te crainte te font mouvoir
Folie et rusticité

Comme galathee respont a la vieille et luy dit que les persuasions qu'elle fait ne sont que flateries et pour avoir aulcuns dons

[N]on michi rusticitas stultus mihi nec pudor obstat
Sermo sed admiror quo venit iste tuus.

Rusticité n'y a qui viengne
Ou follie pareillement
Qui aulcunement me retienne
De tout dire mon pensement
Mais je m'esbahy grandement
Qui te meult de venir icy
Parler de cest appointement
Dequoy tu me parles ainsi

Huc miror si te casus transmisit an ille
Pamphilus querit premia sermo tuus.

A ce esté par cas de fortune
Ou se pamphille te y envoye
Le fais tu pour avoir pecune
Ou quoy/ bien je m'en doubteroye
Car jamais ouy je n'avoye
De pamphille parler ainsi
Parquoy fault que esbahie soye
Qui te fait parler de cecy

Comme la maquerelle se excuse et dit que elle n'y vient point pour gaing ne pour la decepvoir et dit

Semper iniquorum scelus impedit acta bonorum.
Penas sepe luit quas homo non meruit

Tousjours le pechié des maulvais
Ainsi qu'on dit notoirement
Empesche des justes les faitz
Et des bons j'appercy comment
Tel aussi pleure tendrement
Souvent les peines et folies
De qui coulpable aulcunement
N'est et ne les a desservies

Quamvis pauper ego non sic tua premia quero
Nam michi sufficiens est mea pauperies

Tu cuydes pour ma povreté
Que affin que de toy loyer aye
Je t'ay ce messaige apporté
Mais non fais je ne daigneroye
Combien que povre femme soye
Ainsi ne requier point ton bien
Ne requerir ne le vouldroie
Ma povreté me suffist bien

Primitus ut dixi mea mens conceperat istud.
Altera non novit conscius omnis habest.

Comme j'ay dit premierement
Ma pensee a cecy conceu
Et pour certain ce mouvement
D'aultre que moy ne fut onc sceu
Homme ne s'en est apperceu
Croy moy c'est chose veritable
J'en suis seule a par moy coulpable
Et croy que dieu me ait advertie
De ce cas qui est honnorable
Et qui peult estre pouvitable
A l'une et a l'aultre partie

Hoc satis esse potest si vos simul esse velitis
Hoc et uterque potest absque pudore pati

Cela suffiroit ce me semble
S'en quelque lieu secretement
Vous deux vouliez estre ensemble
En tout honneur non aultrement
Et si le peult facillement
Souffrir ung chascun de vous deux
Sans estre de ce fait honteux
Car en ce n'y a point de honte
Et me semble que pour le mieulx
Faire devés de cueur joyeulx
En ce point ce que je le vous conte

Nobilis ille quidem nec nobilis es minus ipsa
Est utriusque satis nota propago michi

Quant est de meurs et de couraige
Noble est et toy pareillement
Je congnois assés le lignaige
De tous deux d'anciennement
Tous avés vescu noblement
Et vivre pourrés en liesse
En augmentant vostre noblesse
L'ung par l'aultre en amour certaine
Croy mon conseil point ne le laisse
Galathee toute richesse
Te viendra et en seras plaine

Pulchrior hic sociis sociabus pulchrior ipsa es.
Cum specie species convenit atque placet.

Combien qu'il soit de biaulx mignons
Et gorgias en ceste ville
Si est entre ses compaignons
Pour le plus beau tenu pamphille.
Pour pucelle aussi belle fille
Entre toutes aultres pucelles
Par haulte beaulté tu precelles
Et pourtant chose convenable
Est voir beaultés jointes entre elles
Et les beaulx avecques les belles
Car c'est une chose plaisante

Hoc utriusque probat par copia/ par que juventa
Fama que si fieret/ ipsa probaret idem.

Vous estes pareilz et semblables
En richesse et en enfance
De parens aussi honnorables
Pareilz et de noble naissance
Cecy appreuve l'abondance
De tous deux et aussi feroit
Renommee quant elle sçauroit
Le cas tel que je le pourchasse
Et bien maulvais celluy seroit
Qui par sa malice diroit
Qu'il n'est pas bon que ainsi se face

Quando pares estis sociari jure potestis.
Defficit in vobis nil nisi solus amor

Puis doncques que pareilz vous estes
Vous vous pouez acompaignier
Par raison en amours honnestes
Et par ung accord besongnier
Il n'y aura point de dangier
Il ne reste que amour parfait
Entre vous que ce ne soit fait
Pourtant belle doulce et honneste
Considere ung petit ce fait
Car bien te viendra en effect
Se fais ce dont je te amonneste

Comme galathee se excuse et dit que ce est a ses parens a qui on doit parler premierement que a elle

Quod michi nunc dicis dici deberet amicis
Assensa quorum conjugis opto thorum

A moy dresser ne se convient
De me raporter tel langaige
Mais aler faire le messaige
A mes amys il apartient
S'aulcun pour me demander vient
Voise aux amis de mon lignaige
A moy dresser ne se convient
De me reporter tel languaige
Se leur consentement advient
Que mise je soye a mesnage
Ainsi le lit de mariage
Desire vela ou tout tient
A moy dresser ne se convient

Hos prius aloquere vel tu vel pamphilus ille

Va se tu veulx
Parler a eulx
Touchant ce cas
Tu ne peulz mieulx
Ou l'amoureux
Sans advocas
La tu sçairas
Ce que feras
Tu ou pamphille ou vous tous deux
Quant a ce les convertiras
A leur plaisir tu trouveras
La chose plus belle en tous lieux

Res erit ad libitum pulchrior ipsa suum

A leur plaisir plus honnorable
Sera la chose et agreable
Que s'elle estoit faicte par moy
Sans me monstrer si accordable
Et a aimer homme traictable
Par l'amonition de toy
Car je ne doy
Promettre foy
Ne me acorder
Sans demander
Congié a ceulx a qui je voy
Qui sus moy peuent commander
Mes amis me doivent garder
Et a mon honneur regarder
Selon la naturelle loy

La responce que la vieille fait a galathee quant elle se excuse sus ses parens.

[C]onvenit ut tua sit concessu teda parentum
Si tuus interea mulceret ignis ei

Gallathee pucelle delectable
Honnourable
Responce tu ne me rens
Disant ainsi que sans tes bons parens
Vraiz conducteurs et amis apparens
De ton voulloir a nul ne es mariable
Mais sans fable
C'est chose veritable
Quelques parens que tu diez avoir
Convenable est et facille a sçavoir
Qu'il esconvient que ta torche et lumiere
En fait d'amours procede la premiere
Pour acquerir de eulx le consentement
Par quoy tu peulz monstrer aucunement
Pamphille de bien aymer couraige
En attendant cestuy appointement
A celle fin au moins que seullement
Signe d'amour son ardeur assouaige

Excercet corda juvenum venus ingeniosa
Qnisque per hoc studium colligit ingenium

Venus dame de hault paraige
Sus toutes deesses tressaige
La fleur de beaulté et l'eslite
Ingenieuse en tout ouvraige
En enseignant d'amours l'usaige
Les cueurs des jeunes excercite
Et a bien aimer les incite
Tant que chascun s'il n'est trop rude
Recueillir peut en son estude
Engin et esperit pour conduyre
Ses amours qui si veult reduyre
Et pourtant plaisante pucelle
Cecy je te suys venu dire
Car saiches que venus desire
Que tu te gouvernes par elle

Incitat hec animos dat largis odit avaros.
Letitiam sequitur tristitiam que fugit

Venus incite les couraiges
Des amans qui sont gratieux
De ses biens elle donne aux larges
Et tolz aux avaricieux
Elle suyt liesse en tous lieux
Et fait son repos de liesse
Au contraire elle fait tristesse
Car ung amoureux gent et miste
S'il ensuyt venus la deesse
En tout lieu et en toute adresse
Jamais ne sçauroit estre triste.

Narraret nullus quantum valet veneris usus.
Hinc nisi pueris rustica semper eris.

A homme seroit impossible
Tant eust l'esprit intelligible
De dire les biens qui venus/
Sont de la deesse venus
Haulte princesse inconfusible
Sens humain n'est point susceptible
Combien eslevé qu'il puisse estre
De tout son usaige congnoistre
Qui tant est merveilleux et hault
Ne de narrer combien il vault
Car c'est liesse souveraine
Paradis de nature humaine
Et se tu ne viens gallathee
A ceste plaisance haultaine
Tu en demeureras villaine
A tousjours et fille gastee.

Responce de gallathee a l'incitation precedente.

[P]er veneris morem virgo cito perdit honorem
Igneus ille furor nescit habere modum

Par la coustume decevable
De venus princesse mortelle
Pert son honneur une pucelle
En haste c'est chose prouvable
Port d'ennuy voye diffamable
Souvent treuve une jouvencelle
Par la coustume decevable
De venus princesse mortelle

Son feu ingent non reffrenable
Qui tousjours art et estincelle
Ne sçait tenir quelque querelle
Ne mesure qui soit louable
Par la coustume decevable
De venus princesse mortelle
De plaisant attrait est son hable
Mais la demeure n'est pas telle
Car depuis que l'en est en elle
C'est une douleur importable
Une maladie incurable
Une attraction par laquelle
Pert son honneur une pucelle
En haste c'est chose prouvable

Non leve vulnus habent vuiolenta cupidis arma
Hiis male subduci queque puella timet

Les fortes armes d'avarice
N'engendrent point playe legiere
Chascune pucelle novice
Craint a tomber soubz leur banniere
A y entrer a bien maniere
Car quant une pucelle y est
Elle ne s'en tire pas arierre
A toutes les fois qu'il luy plaist
Je considere assez que c'est
De tout ce que tu me as promis
Et qu'en la fin souvent desplaist
D'avoir onc acquiz telz amis

Sepius immeritas incusat fama puellas
Omnia nec cessat carpere livor edax

Par les communes renommees
Tu congnois que c'est verité
Jeunes pucelles sont blasmees
Sans l'avoir en rien merité
Envieuse locacité
Baveresse tousjours se aproche
Pour donner a autruy reproche
Et prent par tout d'amont d'aval
Toutes choses soit bien soit mal
Sans avoir cesse de tout prendre
Plus viste court que le cheval
Renommee en especial
Quant elle treuve que reprendre

Quod petis admiterem fame nisi barba timerem
Que magis in tali/ crimine lumen habent

Se la commune renommee
Qui legier court je ne doubtoie
Et par elle estre diffamee
A ton plaisir me accorderoie
Ce que demandes octroiroie
Mais tu sçaiz que commune fame
A plus de regart a tel blasme
Pour en rapporter choses folles
Se ne fust cella sus mon ame
A toy je me accordasse d'ame
Mais je n'ose pour ses parolles

Comme la vieille respont a ce que gallathee se excusoit sus la commune renommee et sentit alors la vieille qu'elle estoit vaincue

Rebus in hiis major minus est infamia vero.
Sed prestat verum rumor et ipse cadet.

O belle qu'esse que tu dis
Je m'esbahyz que dire l'oses
As tu doubte des communs dictz
Qui sont si tres petites choses
Tu me diz icy et exposes
Que par sus autres choses toutes
Renommee commune doubtes
Dont pourroit venir infamie
Considere ma doulce amie
Que c'est tout que la verité
Il est vray que communité
Pour peu de chose son bruyt leve
Mais ce n'est que simplicité
D'y penser et fatuité
Car tel rumeur chiet et est brefve.

Murmura rumoris curas que levabo timoris
Vos vestros que rocos calliditate tegam

Pour cella ne dois faire fainte
Car de la rumeur les murmures
Leveray et toutes les cures
Desquelles tu dis avoir crainte
Tu voys que je sçay chose mainte
Ne te chaille je leveray
Bon nom de vous et couvriray
Vous et voz jeux par façon telle
De cautelle que je feray
Que jamais n'en sera nouvelle

Nam veneris mores cognoscimus secundus artes.
Et sic tuta modo res erit ingenio

Tu ne te dois point abuser
A faire ces vaines doubtances
Car je congnois pour excuser
Faiz d'amours et jeunes enfances
Tu sçaiz que j'ay les congnoissances
Et si ont celles de mon aage
De venus sçavoir son usaige
Ses ars meurs et conditions
Pourtant oste suspections
Et te confie seullement
En nostre engin croy fermement
Que ce sera chose cellee
Et gouvernee saigement
Sans pouoir estre revellee.

Illum cum videam michi consule quid sibi dicam
Quod michi tu dices tutus ipsa loquaris

Conseille moy ce que tu veulx
Que je dye a ton amoureux
Pamphille mais que je le voye
Et s'il y a entre vous deux
Aucune amour/ car tu luy peuz
Donner ou desconfort ou joye
Mais que ton oppinion aye
Plus seurement je parleray
De ce pour quoy je suis envoye
Pour tant dy moy que je diray

Comme gallathee dit a la vieille que tant l'a temptee qu'elle fait doubte de luy reveller son couraige et dire comme elle est prinse de l'amour de pamphille

[H]esito velle nostrum tibi secretum que fateri
Nam dolus insidias tendit ubique suas

Beaucoup doubte a te confesser
Mon voulloir et secret aussi
Car le mal je doy prepenser
Qui pourroit venir de cecy
De ce que avon parlé icy
Doubte dire ma voulenté
Car trayson et faulseté
Vont en tous lieux leur fillez tendre
Et ne sçay a la verité
Se tu le faiz pour me surprendre
A tout comprendre
Et bien l'entendre
Je suys doubteuse
Et puys honteuse
De raison rendre

Sed tamen experiar que sit tua lingua fides que
Et qua parte tuum me trahat ingenium

Mais touteffois je experimenteray
Et prouveray
Quelle sera ta foy
Pareillement ta langue tempteray
Et essayeray
Se au vray je trouveray
Ce que je auray
Ouy dire par toy
Pas je ne voy
Que veulx faire de moy
Mais je essayeray ce que tu en veulx faire
Et quelle part ton engin me veult traire

Pamphilus illineum pellitur nuper amorem
Nos simul et vera junxit amicicia

Veu ce que tu m'as recité
De pamphille il est verité
Qu'il desire parfaictement
Mon amour et affinité
Et sans grande difficulté
Je le croy aussi fermement
Par ton gratieux parlement
Qui disoit des biens largement
Lesquelz sont en luy ce me semble
Vraye amitié soudainement
Pour te le dire clerement
Nous a desja conjoings ensemble
Vela le point
Qui nous conjoinct
En ung cueur deux
Je n'en mens point
Se l'en nous joinct
C'est pour le mieulx
Jeunes et vieulx
Vrais amoureux
Dieu grace parfaicte nous doint
De bien vivre ensemble en tous lieux
Sans que par ses faulx envieux
Nostre assemblement soit desjoinct

Sed nimis hoc cella soli sibi posco revela
Non tamen incipies hac ratione sequi

Je te desclare mon couraige
Et ne sçay se je faiz que saige
Mon honneur a toy habandonne
Mais je te requier que a personne
Tu n'en faces quelque langaige
Tant seullement au personnaige
Lequel j'ayme tant que c'est raige
De cecy congnoissance donne
Je te desclare mon couraige
Et ne sçay se je fais que saige
Mon honneur a toy habandonne
Touteffois pour bien le messaige
Luy faire de premier passaige
Pas a luy ne t'en arraisonne
Mais quelque raison ordonne
Qui lui soit ung petit sauvaige
Je te desclare mon couraige
Et ne sçay se je fais que saige
Mon honneur a toy habandonne
Mais je te requier que a personne
Tu n'en faces quelque langaige

Illum sepe prius multo mellumine tempta.
Quod dixi decet forsitan ipse tibi

Ne luy dy pas du premier sault
Ma responce subtillement
Souventeffois tempter le fault
Premier par grant efforcement
Pour congnoistre et sçavoir comment
Il me ayme de bonne nature
Car iceluy par adventure
Ainsi que je t'ay dit dira
Et que de moy il n'aura cure
Nonobstant ce que je suis seure
Que s'il le dit il mentira

Hinc modo discede fac et prior omnia caute.
Et tibi que dicet cra michi cuncta refer

Or te depars d'icy m'amie
Et toutes choses que feras
Fay les caultement je t'en prie
Du tout en toy je me confie
Besongne au mieulx que tu pourras
Demain icy retourneras
Et au vray me raporteras
Toutes choses qu'il te dira
Par ce que m'en reciteras
Pourveu que point ne mentiras
Je sçauray bien si me aymera.

Comme la vieille s'en retourne vers pamphille et de commencement fait qu'elle ne a rien fait

[M]ultotiens homines frustrantur spes que labor que
Non res ut volumus pamphile nostra venit.

Pamphille vers toy je revien
Bien desconfite et esperdue
A brief parler je n'ay fait rien
De quoy il te vienne aulcun bien
Nous n'avons que peine perdue
Nostre chose n'est point venue
En ce point comme j'esperoye
Galathee est trop resolue
Pour estre d'amours abatue
Convaincre je ne la sçauroye
Bien abatre je la cuydoye
Par dire choses a plaisance
A grant fiance grant faillance
Moult souvent sont frustrés les hommes
De leur labeur et esperance
En la maniere que nous sommes

Tardius ad vestrum nimis advocor ipsa juvamen.
Nam prodesse nequit ars que labor que meus.

Je suis appellee trop tart
A vous donner ayde et secours
Prouffiter ne peult de ma part
A vous mon labeur ne mon art
Ma cautelle et mes subtilz tours
Car de ne aymer point par amours
Galathee est determinee
Soit en la ville ou aux faubours
La chose va tout au rebours
Qu'on ne l'avoit ymaginee

Res ut testatur galathee theda paratur
Miror enim cultus/ quos parat illa domi.

Ainsi que la chose tesmoigne
Galathee a son mariage
Apresté j'ay veu la besoingne
C'est grant cas comme elle besoingne
Et de ce qu'el fait au mesnage
C'est ung estat de hault parage
De ce que a l'hostel appareille
Et du train come elle mesnage
Tant et si tresbien que c'est rage
En effet je m'en esmerveille
Se les biens sont grans a merveille
La maison riche et honnorable
C'est une chose non pareille
Du train qu'elle y tient admirable

Sunt centum cause quibus est suspicor esse
Sed suus istam tamen celat uterque parens

De marier elle est prochaine
Il y a cent causes pourquoy
Je men doubte chose certaine
Veu le train que a l'hostel on maine
Elle en est preste par ma foy
C'est pour ung aultre que pour toy
Combien que les parens d'icelle
L'ung et l'autre lesquelz veuz ay
Ne m'en ont dit je ne sçay quoy
Mais je suis seure qu'on le celle
Et bref la chose sera telle
Et de bien brief je le sçay bien
Car en parlant avec la belle
Je l'ay assés entendu d'elle
Mais ses parens n'en disent rien

Hec tibi que dico/ sapientius accipe posco
Mitte quod esse nequit quere quod esse potest

Ce que present je te raporte
Pren a gré sapientement
Puis que le cas va en tel sorte
Voyse a dieu ne t'en desconforte
En rien/ passé l'ay doulcement
Je te requier tres humblement
Laisse cela qui ne peul estre
Demande cela seulement
Avoir en ton gouvernement
De quoy tu peulx estre le maistre
Et te garde de te enttremettre
De cella ou tu ne peulz rien
Ton honneur n'y sçauroit acroistre
Et si peulz sçavoir et congnoistre
Qu'il ne t'en sçauroit venir bien

Comme pamphille commence a se tourmenter apres ce qu'il a ouy le raport de la faulse vieille qui au loing de sa pensee parloit et le fais soit affin de luy mettre plus fort le feu en la teste qu'il ne avoit.

Heu michi quo fugiunt vires et corporis usus.
Mens mea non servit nec mea lingua michi.

Helas helas voicy piteux rapors
Ou s'en fuyent les forces de mon corps
Et l'usaige ilz en sont jectez hors
Ma pensee plus ne sert de rien
Ne ma langue qui n'a plus de soustien
Car tous les espriz de mon corps sont tous mors

Heu miser in nostris est nulla potentia membris.
Horum quodque suum denegat officium

O miserable que je suys
Que seray je quant je ne puys
Prendre avec celle ma plaisance
Pour qui je seuffre tant d'ennuys
Tous les jours et toutes les nuyz
Et n'en puys avoir allegence
Or sont tous mes membres destruiz
Et de leurs office seduyz
Chascun deneye sa puissance
Il ne reste pour tous les fruyz
De mon labeur que mort a l'huys
Qui me donne le coup de lance

Spes mea me lesit per spem Venus ossibus hesit.
Spes procul abscessit nec tamen ignis abest.

Mon esperance m'a blessé
Venus a hers par esperance
A mes os par ainsi blessé
Ma esperance delaissé
Et est allé mener la dance
Au loing de moy/ nonobstant ce
Le feu dont venus m'a bruslé
Et fait vivre en son asserance
Dure tousjours en abrasance
Et n'est point de moy recullé

Nulla per te suos mea cernunt carbasa portus
Nec sentire potest anchora nostra solum

Les voilles de mon corps/ regart
Ne ont point aucun pour aviser port
L'ancre ne sçait en quelle part
Sentir terre pour avoir port
Mon cueur vague cent foys plus fort
Que nef en mer sans gouvernail
En lieu de repoz j'ay travail
En lieu d'espoir j'ay diffidence
En lieu de seurté pestillence
En lieu de plaisir desconfort
En lieu de paix impatience
En lieu de soustien decadence
Il ne reste plus que la mort

Nescit nostra suam quo querat cura salutem
Fert galathea mei sola doloris opem.

Nostre curiosité
Pour sa grant necessité
Ne sçait ou salut querir
Mais galathee guarir
Peult nostre debilité
Seule par auctorité
Galathee en dignité
Peult donner allegement
A la douleur et tourment
Dont je suis debilité

Causa mee mortis hec est et cura salutis
Qua si non ponar tunc placet ut moriar

Cause de ma mort
Est se reconfort
Ne me veult donner
Sans elle regner
Ne puis: je suis mort
Mort au cueur me mort
Galathee a tort
Me fait demener
Cause de ma mort
Est se reconfort
Ne me veult donner
S'elle fust d'acort
De m'aimer au fort
Sans mot en sonner
Bien: mais se obstiner
De me mettre a bort
Cause de ma mort
Est se reconfort
Ne me veult donner
Sans elle regner
Ne puis: je suis mort

Comme la vieille voiant que pamphille se tourmentoit de ce que elle luy avoit raporté pour l'embraser plus fort le parsuade subtilement et dit.

Stulte quid insanis cur te dolor urget inanis.
Acquirit gemitus premia nulla tuus.

Fol que tu es quelle douleur ou peine
Te demaine
Si vehementement
Tu congnois bien que ta douleur est vaine
Toute plaine
Desperance incertaine
Qui te maine/ a ce regrettement
Tu souspire vainement
Ton cry et gemissement
Pas ne vault ton pleurement
Ung festu
Quel louyer par ton serment
Acquiert ton souspirement
Pourquoy donc si folemment
Ploures tu

Temperet ergo tuum modus et prudentia fletum.
Terge tuas lacrimas prospice quid facias

Tempere donc par mesure et prudence
Le pleurement et suspirs par toy faiz
Ters tes lermes regard que tu fais
Celuy est fol qui a son fait ne pense
Avoir ne peulx de cecy recompence
Comme je t'ay desja dit une fois
Tempere donc par mesure et prudence
Le pleurement et souspirs par toy faiz
Tu sçays que j'ay fait toute diligence
Envers elle et prié plusieurs fois
Qu'elle voulsist te aymer et touteffois
Riens ne t'y a proffité ma science
Tempere donc par mesure et prudence
Le pleurement et lermes par tu faiz
Ters lermes regarde que tu fais
Celluy est fol qui a son fait ne pense

Concipit ingentes animos majus egestas
Et facit artificem sepius hec hominem

Vainne povreté douloureuse
Les grans couraiges en sa lice
Souvent conçoit et est eureuse
De mettre l'homme en son service
Et souvent le fait artifice
Maistre passe besongnant bien
Autant que aultre de son office
Au mestier dont il ne sçait rien
Se tu veulx donc venir au bien
Que tu as si fort appeté
Qui t'enseignera le moyen
Croy et pour asseuré te tien
Qu'il fault que ce soit povreté
Povreté a trouvé les ars
Povreté a fait les sciences
Povreté a mille regars
Hault et bas et en toutes pars
Pour faire mille diligences

Ars hominis magnum superat studiosa periculum
Te labor ars que vigil forte juvabit adhuc

L'art de l'homme studieux
Supere le grant dangier
Nef ne peult a droit nagier
Que par art industrieux
Art et labeur curieux
Te ayderont par adventure
Mais il te fault mettre cure
De te gouverner par eulx
Se tu le faiz je te asseure
Se venus ne te est trop dure
Que en la fin seras eureux

Comme pamphille se tourmente pour le faulx donner a entendre que la vieille luy baille

Quis labor heu tantum posset superare periculum
Spes mea tota perit imminet hora thori

Helas quel labeur seulement
Pourra ce dangier superer
Car pery est totalement
Mon espoir qui n'a peu durer
Moult de mal me fault endurer
L'heure vient de son mariage
J'ay perdu peine a procurer
L'amour de son beau personnaige

Nec vivente suo mihi nuberet illa marito
Crimen legitimos est violare thoros.

Se une fois elle se marie
Jamais el ne m'espouseroit
Tant que son mary soit en vie
Qui a ce cas s'opposeroit
Et oultre plus crisme seroit
Et est entre les plus grans crismes
Qui violle ou violeroit
Les mariages legitimes

Ad nichillum prorsus/ meus est labor inde redactus
Et mea cura sue/ perdidit artis opem

A cest heure je apperçoy bien
Que tout mon labeur et ma peine
Que j'ay prins sont venus a rien
Et ma curiosité vaine
Ma grande cure souveraine
A perdu l'ayde de son art
Puis que ung aultre que moi l'emmaine
Vela g'y suis venu trop tart

Nulla dies mittem nec vox dabit illa quietem
Semper me miserum vexat majus amor

Puis que je suis en ce propoz
Jamais jour quel qu'il soit ne voix
Ne me donnera doulx repoz
Puis que je la pers une fois
Tousjours et a chascune fois
Me vexe amour vaint et travaille
Je pers tout cela que je fais
Mon labeur n'est chose qui vaille

Comme la vieille reconforte pamphille et luy declaire que galathee est preste de luy obeir et icy parlent par maniere de dialogue

Sepius exigua dolor ingens labitur hora
Junges et parvis imbribus aura cadit

Souvent en une petite heure
Chiet grant douleur soudainement
Et tantost rit celluy qui pleure
Par ung seul petit mouvement
Grant vent aussi pareillement
Chiet souvent par petites pluyes
Ainsi est de toy proprement
Tu pleures il fault que tu ries

Est que serena dies post longuos gratior imbres
Et post triste malum gratior ipsa salus.

Ainsi que souvent il advient
Apres longues pluyes maulvaises
Le jour serain et plaisant vient
Et se treuvent les gens bien aises
Apres triste mal et mesaises
Salut semble plus agreable
Que avoir tousjours suyvy ses aises
Apres amer doulx amiable

Tum modo respira dolor absit tristis et ira.
Sunt quoque tristitie gaudia magna tue.

Adoncques maintenant respire
Et soit de toy entierement
Absent triste douleur et ire
Pren en toy resjouyssement
De ton ire presentement
Sont les joyes haultes et grandes
Puis que tu peulz jouyssement
Avoir de ce que tu demandes

Nostrum velle tua/ nobis faciet galathea.
Omnino vesris fedat imperiis.

Croy pamphille que galathee
Du tout nostre vouloir fera
Je l'ay si saigement tentee
Que a nostre vouloir complaira
A faire ce qu'il te plaira
Du tout se donne entierement
Ne en rien ne contredira
Elle est a ton commandement

Pamphille

Ut pia promissis matrum solercia donis Plorantes pueros admonet ut taceant.
Quant enfants pleurent la sagesse Des meres pour les faire taire Est user de quelque promesse Je cuide que ainsi me veulz faire Dolent suis jusque a la mort traire Tu le vois ainsi que la mere Son enfant qu'elle veult retraire De plourer c'est pareil mistere
Sic me fortassis falso solamine pascis Ut dolor a tristi pectore tristis erit
Plourer me vois et dire helas Je ne sçay se tu me veulz paistre De quelque vain et faulx solas Affin de la douleur hors mettre Qui en ma poitrine peult estre Comme tu voys et apperçois Et est bien facille a congnoistre S'il est ainsi tu me deçois

La vieille

Aucipitris volucris elapsus ab ungue feroci
Auceps et cunctis hunc tuum esse locis.

L'oiseau eschappe de la roy
De l'oyselleur et de l'autour
Beaucoup craint se trouver autour
Ou l'oiseleur fait son arroy
Je cuyde que ainsi est de toy
Comme de l'oyseau eschappé
Et que par une faulce loy
On te ait aultreffois atrappé

Hic me nulla tibi mentiri causa coegit
Omnia que dixi vera sed invenies.

Si ne doit il pas estre ainsi
Car il n'y a cause apparante
Ne raison pourquoy je te mente
Ou vueille mentir de cecy
Oste ton cueur hors de soucy
A ton plaisir en jouyras
De ce que je te dy icy
La verité tu trouveras

Pamphille

Si modo vera refers et verum retulit illa Tunc dolor a nostris ossibus omnis abest
Se chose vraye me raporte Et el dit chose veritable Douleur n'ay plus qui soit grevable C'est droit que je me reconforte Tristesse n'y a tant soit forte Qui me puisse estre dommagable Se la nouvelle qu'el m'aporte Est vraie non pas decepvable
Sed sua non semper sequitur primordia finis Inceptum casus sepe retardat opus
Mais la fin ne fuyt pas tousjours L'effect de ses commencemens Aulcuneffois tourne a rebours Et y vient des empeschemens Fortune par ses mouvemens Aulcunefois l'eure retarde Et fait cent mille changemens Qui a son estat ne regarde

La vieille

Rursus fatorum nescit mens ulla virorum
Solius est proprium scire futura dei

De rechief aulcune science
Ou pensee d'homme ne congnoist
Des fortunes la differance
Ne laquelle la meilleure est
A dieu seul a qui apparest
Toute chose est de congnoistre
Toutes choses et s'il luy plaist
En qualités contraires mettre

Desperare nocet/ votum labor improbus implet
Ars que vigil magnas sepe ministrat opes.

Desesperance la terrible
Furieuse felle et dampnable
Est a tous hommes et nuysable
Mais labeur bon et honnorable
Emple le veu l'art vigillable
Souvent ministre grans richesses
Pourtant il n'est pas convenable
Que de ce labeur tu ne cesses

Pamphille

Noscere nonne potes hec si me diligit an non Vix celare potest intimam cordis amor.
Ne peulx tu point notoirement Congnoistre s'elle m'aime ou point Je ne te requier seulement Fors que me revelle ce point Amours est de tel contrepoint Que difficillement el selle La douleur qui l'homme au cueur point Et qui est procuré par elle
Forte sub ambigua spes et labor omnis habetur. Crescit principio spes tamen ipsa bono
Soubz adventure dubieuse Tout labeur et toute esperance Tire a fin bonne et malheureuse Rien n'est ou il n'y ait doubtance Touteffois l'espoir d'asseurance Doit croistre en bon commencement Et monstrer qu'il y ait puissance En ung jolis entendement

La vieille

Dum loquor ejus adest inde mens animus que loquanti
Dulciter omne meum suscipit alloquium

Tu demandes se je congnois
S'elle t'aime ou non seurement
A elle ay parlé plusieurs fois
Mais je congnois certainement
Qu'elle te ayme car doulcement
Toutes mes parolles escoute
De couraige d'entendement
Et toute sa pensee y boute

Curvat et ipsa suos circum mea cola/ lacertos
A te missa sibi dicere verba rogat

Elle ploye au contre de moy
Tant doulcement et si me prie
Que parolles venans de toy
Par devers elle je luy die
Elle te ayme n'en doubte mie
Mes ditz ne sont point parabolles
Car il semble qu'elle est ravie
Quant elle ot de toy des parolles

Dum que tuum nullum rationis nominat ordo.
Nominis admonitu/ fit stupefacta tui

Tant seulement quant on te nomme
Comme l'ordre de raison vient
Tu serois esmerveillié comme
Toute esbahye elle devient
Et pourtant jugier il convient
Qu'il y a de l'amour haultaine
Tu jouyras se a toy ne tient
Mais il y convient mettre peine

Dum verbis fruimur palet que rubet que frequenter
Fessa que si taceo/ me monet illa loqui

Quant ensemble parlon nous deux
Elle palit totalement
Ainsi que vray cueur amoureux
Et puis rougit soubdainement
Et quant mesmes par lassement
Je me tais elle me admonneste
De parler incessantement
Tant qu'el m'en ront toute la teste

Hiis aliis que modis cognoscimus ejus amorem
Nec negat ipsa michi quin sit amica tibi

L'amour d'elle en telles manieres
Et par aultres nous congnoisson
Car ce sont choses singulieres
Que de regarder sa façon
Elle est a toy se bien chasson
Car elle mesmes point ne nie
Quelque semblant que nous façon
Que grandement ne soit t'amye

Pamphille

[N]unc mea spes per te successus sentit adesse Crescit et auxilio gloria nostra tuo.
Maintenant sent mon esperance Son succés advenir par toy Par ton aide et pourveance Toute gloire s'escroist en moy Advis m'est que desja je voy Entre mes deux bras galathee Comme elle sera je le croy Ainsi que je l'ay souhaitee
Improbus interdum dubios labor expedit actus Magna que tollit inhers commodo significes.
Le bon labeur aulcuneffois Expedie actes dubieux Et le meschant souventeffois Les empesche et fait maleureux Or est l'estat des amoureux Tousjours doubteux et qui ne haste Son oeuvre par labeur soigneux Aulcuneffois elle se gaste
Quantumcumque potes ceptum properare laborem Nec mora segnis opus differat ulla tuum.
Pourtant haste je te prie Tant que tu pourras de parfaire Ton oeuvre: qu'elle soit acomplie En ce point qu'il est necessaire Affin qu'il n'y vienne contraire Garde que ancienne demeure Ne te retarde de bien faire Ce que as commencé a ceste heure

Comme la vieille persuade pamphille de luy donner son sallaire

[U]t reor ecce tibi per me tua vota parantur.
Sed promissa michi res manet in/ dubio.

Pamphille c'est fait se tu veulx
Car par moy sans aucune doubte
Sont appareillez tous tes veux
Et est la chose faicte toute
Mais la chose de quoy je doubte
C'est la celle que m'as promise
Que son vouloir ne se reboute
Et qu'il n'y ait de la faintise.

Est mens nostra suis contraria sepe loquelis
Nec factis loquimur omnia que loquimur

Nostre pensee aucuneffois
A ses parolles est contraire
Et si dison souventeffois
Cella que ne voulons pas faire
Pamphille tu sçaiz mon affaire
Et si comme tu peulz congnoistre
Toute peine requiert sallaire
Il ne suffist pas de promettre

Irrita venales falunt promissa labores
Cum fueris felix nil michi forte dabis.

Faulses promesses decevables
Souvent par leur abusion
Deçoiuent les labeurs vendables
Et n'y a que deception
Peut estre en la conclusion
Que a plaisir te voirras requier
De moy ne sera mension
Et ne me vouldras rien donner

Pamphille

Est scelus immensum si dives fallat egenum Te quoque si fallam gloria nulla michi est
C'est le plus grant peché qui soit Quant par mauvaitie et cautelle Le riche le povre deçoit C'est contre bonté naturelle Et quant la chose seroit telle Que decevoir je te vouldroie Pour peu de chose telle quelle Gloire ne honneur n'y auroie.
Nec te nec quemquam/ nostra fraus perdidit unquam Fama que si queras crimen nostra vacat.
De fraude je ne fis jamais A toy ne autre de prouesse Qui soit ainsi je me submetz A toutes gens de ma noblesse Celuy n'y a qui me congnoisse Qui ne sçaiche de verité Que je tien foy de gentillesse Et ne use point de faulseté.
Est que fides animi constans fiducia nostri Que tibi tuta facit omnia que metuit
Nostre foy n'est point decevable Mais constante en noble couraige Nostre fiance est veritable Il n'y a point de fatroullaige Noblesse se monstre a l'ouvraige Pourtant doncques asseure toy Que tu auras ton vasselaige Puis que je te ay promis ma foy

La vieille

[P]lebs timet ingenio superari parva potentum.
Jure cadit causa pauperis exigua.

Tousjours doubte petite gent
Des riches le superement
La cause du povre indigent
Souvent se pert en jugement
Les puissans ont l'entendement
Pour faire tout ce qu'il leur plaist
Mais on voit manifestement
Que tousjours ung povre desplaist

Est et ubique fides prisco spoliata calore.
Que tegitur sceleris actibus immineris

Oultre foy n'est plus en valeur
S'on la voit regner c'est a tart
Perdu a sa belle couleur
Et a prins habit de regnart
Le monde n'a plus de regart
Que a faire quelque tricherie
Qui de tromper ne congnoist l'art
Ce n'est que toute misserie

Nulla tamen fortuna obliviscere fatis
Dat mare sepe motus nulla pericula tamen

Mais touteffois nulle fortune
Ne peult les destinees changier
Bien souvent la mer se desrune
Qu'el ne porte point de dangier
Ceulx qui dessus mer vont nagier
Y voyent plusieurs mouvemens
Souvent changier et rechangier
Et si n'y a point de tourmens

Que promisisti fortune munera mande
Sed que promisi dona tamen capies.

Au plaisir de fortune mis
Soit ce dont m'as promesse faicte
Quant de ce que je t'ay promis
C'est une chose pure et nette
Qui sans faulte sera parfaicte
Vienne fortune ou infortune
Par quelque peine que g'y mette
Mais faulte n'y aura pas une

Convenit ut vadam nunc exorare puellam
Si placet ut veniat huc tibi sola loqui

Affin que la chose soit telle
Convenable est que je m'en voise
Prier celle doulce pucelle
Et la requerir qu'il luy plaise
Que sans faire ne bruit ne noise
Seule vienne avec toy parler
Affin que puisses a ton aise
La baiser bien et acoller

Si vos nostra simul solertia collocat ambos
Et locus affuerit te precor esse virum

S'el vient ainsi comme il me semble
Qu'elle viendra et que une fois
Par mon art soiés mis ensemble
Et lieu soit propre touteffois
Monstre luy ce que tu congnois
Tout realement et de fait
Monstre luy en dictz et en faiz
Que tu es ung homme parfait

Mens animusque manet inconstans semper amantum
Parva que forte dabit quod petis hora tibi.

D'amans le couraige et pensee
Tousjours inconstante demeure
Et de lieu en lieu reversee
Sans repoz ne quelque demoure
Et ne fault que une petite heure
Pour te donner ce que demendes
Mais il est force qu'on labeure
En telles choses qui sont grandes

Comme la vieille vient a gallathee pour la tempter la seconde fois et fait son introite par admirations.

[O]ccultare nequit sua lumina maximus ignis
Occultare potest/ nec sua vota venus

Gallathee je te vien anoncer
Sans riens laisser
De ton amy nouvelles
Le tres grant feu qui brusle sans cesser
Ne peut mucer
Ne du tout absconser
Ou rabaisser
Ses ardans estincelles
Venus aussi la plus belle des belles
Damoiselles
Ne peut par quelque voye
Celler si fort son fait qu'on ne le voye

Omnis vestrarum venus rerum michi panditur ordo
Quarum mente memor vix teneo lachrymas.

Toute l'ordre de voz faiz
Je congnois cest une fois
Et ce que par plusieurs fois
J'ay veu retien en memoire
Et m'en souvient touteffois
Quant a par moy je congnois
De voz amours les effaiz
A peine que je ne ploure

Nam cognosco satis quod non sapienter amatis.
Res et ipsa sue nuncia stulticie

De souspirer
Et de plourer
Suis toute plaine
De veoir la peine
Que a tous deux je vous voy tirer
L'ung desirer
L'autre admirer
Son entreprinse souveraine
Vous aimez c'est chose certaine
De jour en jour amour vous lie
Mais vous n'aimez que par follie
Je voy et congnois clerement
Auz faiz plains de melencollie
Ou sagesse est toute abollie
Que vous n'aymez point saigement

Pallida furtivum facies manifestat amorem
Atque dolore gravi rabida facta cutis

Face palle est monstrative
Note magnifestative
Qu'il y a entre vous deux
Quelque peu d'amour furtive
La face est figurative
Du couraige aux amoureux
Apres palleur transitive
Vient une rougeur hastive
Ainsi que a homme paoureux
Une cuyrie motive
Qui contre la chair estrive
Et fait le cueur douloreux.

Pamphilus ille miser nimis est/ miser omnibus horis
Quam male duriciam comperit usque tuam

Pamphille le povre meschant
Est bien meschant a toutes heures
Qui cuide que pour luy tu pleures
A l'heure que leves ton chant
Autant en levant qu'en couchant
Il vit pour toy en maleureté
Quant il regarde la durté
Que contre luy tu veulx tenir
Las il ne sçait que devenir
Amours le point de toutes pars
De ses cruelz et mortelz dars
Et tu ne luy veulz subvenir

Nocte die que satis pueriliter ille laborat
Nam sibi nulla refert semina durus ager

Je voy que le povre pamphille
A toute heure soit jour soit nuyt
Travaille en labeur puerille
Car il n'en raporte nul fruit
Puis que ta grace de luy fuit
A laquelle du tout il pense
Et que le champ nulle semence
De fertilité ne raporte
Bien est meschant que tant il porte
De peine de travail aussi
Puis qu'il n'y a qui le conforte
Et le vueille prendre a mercy

Quis nisi mentis inops sua semina mandat harene
Cum mercede labor gratior esse solet

Le laboureur qui va semer
En la gravelle de la mer
Feves pois blé orge ou aveine
Se doibt il point bien fol nommer
Celuy aussi qui veult aimer
Sans estre aimé et pert sa peine
Or est ce une chose certaine
Que pamphille fait en ce point
Qui aime s'on ne l'aime point
Helas labeur semble si doulx
Quant on le salarie a point
Selon l'oppinion de tous

Hunc tua forma prius et postea lingua fefellit
Hiisque duobus eum vulnerat acer amor.

Ta grant beaulté premierement
Et puis ta langue doulcement
Parlante/ le navrent a mort
Par ces deux poins la seulement
Cruel amour hastivement
Le navre sans quelque support
Tousjours de plus fort en plus fort
Croist sa douleur et desconfort
Dont tu causes la griefve playe
Se ne luy veulx donner confort
Autant lui vauldroit estre mort
Car jamais au cueur n'aura joye

Ut promisisti sibi non medicina fuisti
Sepe sibi gravior affuit ipse dolor.

Une fois promis luy avoies
Que sa medecine seroies
Et touteffois tu n'en faiz rien
Par moy mesmes tu luy mandoies
Que tresparfaictement le aymoyes
Et que ton cueur estoit le sien
La belle tu ne faiz pas bien
Ton couraige n'est pas le mien
Car se ung si beau filz que pamphille
Estoit a moy comme il est tien
Pour son doulx et plaisant maintien
Je le choisiroie entre mille.

Nunc ope plagam caret dolor ejus semper abundat
Et licet ipsa taces te quoque flamma gravat

Sa playe a faulte de mire
Qui autre chose ne desire
C'est que tu luy donnes secours
Pour destaindre le feu d'amours
Autrement tu le veulx destruire
Tu l'aymes je l'ose bien dire
Mais crainte te fait escondire
Ce nonobstant en ce decours
Sa playe a faulte de mire
Qui autre chose ne desire
C'est que tu luy donnes secours
De jour en jour son mal empire
Et va tousjours de mal en pire
Et si te regrette tousjours
Il a fait pour toy mille tours
Ne vueilles donc plus contredire
Sa playe a faulte de mire
Qui autre chose ne desire
C'est que tu luy donnes secours
Pour destaindre le feu d'amours
Autrement tu le veulx destruire

Plaga malum sepe parit inconcessa necem que.
Nos quoque tectus amor sepe gravare solet

Tu te tais et amours te point
Mais playe qu'on ne monstre point
Souvent engendre mal et mort
Entens tu bien note ce point
Amours sont de ce contrepoint
Quant on les veult celler trop fort
Descoeuvre ton cueur hardiement
Et si me dy tout plainement
Se tu aymes pamphille ou non
Lequel t'ayme parfaictement
Helas tu vois certainement
Que c'est ung si gent compaignon

Ergo quid inde velis celeri circonspice mente
Et michi sint animi nuncia verba tui

Regarde que tu me diras
Et me desclaire ta pensee
Se tu ne es folle ou insensee
Ton vouloir me descouvriras
Par moy nul deshonneur n'auras
Pour chose qui soit confessee
Regarde que tu me diras
Et me desclare ta pensee
Pense que quant tu l'aymeras
Tu seras par tout avancee
Tu vois la chose commencee
Que se tu veulx tu parferas
Regarde que tu me diras
Et me desclare ta pensee
Se tu n'es folle ou incensee
Ton vouloir me descouvriras

Comme gallathee respont a la vieille indifferentement disant que amours d'une part la contraint d'aymer pamphille et que honte de l'autre la retarde.

Me premit igniferis venus improba sepius armis
Hunc michi vim faciens semper amare jubet

Venus par armes tresardantes
Igniferes et abrasantes
Souvent me foulle et admonneste
De me mettre au renc des amantes
Et me dit en chansons plaisantes
Qu'il n'y aura que chose honneste
Le tourment que j'ay en la teste
Par sa grande et cruelle force
Tousjours me contraint et efforce
D'aymer celuy qui me demande
Et reallement me commande
Par son commandement royal
Que je l'ayme puis qu'il me mande
Qu'il m'ayme tant de cueur loyal.

Me jubet pudor/ et metus esse pudicam
Hiis que econtra meum nescio consilium.

D'autre part je ne l'ose faire
Honte me commande au contraire
Et de l'accorder me retarde
Je ne sçay auquel doy complaire
Je ne sçay conseil ne affaire
En ces choses quant g'y regarde
Amour me meut/ honte me garde
L'ung me appelle l'autre me tient
Et ne sçay auquel appartient
Que obeissance doyve rendre
L'ung dit que je doy entreprendre
En amours ceste hardiesse
L'autre apres me le vient deffendre
Et commande que je le laisse

Comment la vieille respont a gallathee et lui dit que elle ne doit point avoir crainte.

Sit timor ipse procul hic non est causa timoris
Hiis rebus nunquam proditor ullus erit

Rejette ceste crainte au loing
Pour cella ne te fault point faindre
En ce cas il n'y a besoing
Ne quelque matiere de craindre
Se venus t'a voulu attaindre
De son feu doulx et gratieux
Pour quoy le vouldrois tu destaindre
Par la crainte des envieux
Oultre plus le cas de vous deux
Sera secret celuy ne celle
Ne sera et eust il mil yeulx
Qui en saiche aucune nouvelle

Ut tuus existat hoc tantum pamphilus optat
Nititur omnis ad hoc cura daborque suus

Pamphille ne desire rien
En ce monde tant seullement
Fors que de ta grace il soit tien
C'est prie honnourablement
Tout son labeur entierement
A ceste fin tent et sa cure
Considere que largement
Des douleurs pour toy il endure

Mille modis acres habitus michi prodidit ignes
Cum michi flens sepe talia verba refert

Monstré m'a en mille manieres
Qu'il t'ayme souvereinement
Voire par amours singulieres
Qui luy donnent moult de tourment
Je l'ay congneu signantement
Qu'il soit vray amoureux de toy
Car tousjours en parlant a moy
Plouroit et faisoit ses regrets
En disant tousjours par expres
Qu'il ne aymoit au monde autre femme
Tu te dois de luy tirer pres
Car il te ayme bien sus mon ame

Et galathea meus dolor et medicina doloris
Hec dare sola potest vulnus opem que michi

Helas dit il gallathee est
Ma douleur et ma medecine
Bien me peut guarir s'il luy plaist
Par sa bonté doulce et benigne
Elle seulle est de guarir digne
Ma playe et me donner santé
Ma vie est a sa voulenté
Ma mort aussi entre ses mains
Tous les entendemens humains
Ne sçauroient par leur science
Rapaiser mes maulx inhumains
Si elle mesme ne me pense

Illius ad lachrymas pietas me flere coegit
Et tamen in tacito pectore leta fui

A voir les larmes de ses yeulx
J'ay eu le cueur trestant piteux
Qu'il m'est presque fondu en larmes
Car il avoit plus piteux termes
Que je vy onc a amoureux
De le voir ainsi doloreux
J'ay esté de plourer contrainte
Combien que fusse fort attainte
De joye dedans mon couraige
En le voyant aimer sans fainte
Autant que fist onc parsonnaige

Omnia cernebam fieri velut ipsa volebam
Ardentes sensi vos simul igne pari

Toutes choses je regardoie
Faire ainsi comme je vouloye
Pleurs souspirs et gemissemens
La grant amour consideroie
De qui emflambé le veoye
En ses grans et cruelz tourmens
Cent regretz mille pensemens
Tous signes de cueur amoureux
Lors jugoye que de vous deux
Seroit l'assemblee honnourable
Par amour pareille et semblable
Ainsi mon cueur s'esjouyssoit
Qui de trouver voye louable
Moyen utille et convenable

Ledere flamma solet precor ipsi parcite vobis
Vos que duos pariter jungere possit amor

De cecy parfaire pensoit
Je sçay bien que l'ung l'autre aymés
Voire d'une amour souveraine
Vous estes tous deux enflammés
Et amy l'ung l'autre clamés
C'est une chose bien certaine
Flamme d'amour blesse et fait peine
Et plus croist tant plus on la celle
Seullement la moindre estincelle
Abraseur le cueur d'amoureux
Ayés donc pitié de vous deux
Pardonnés vous et que amour vraye
Vous puisse joindre pour le mieulx
Ensemble ainsi que je vouldroie

Comme gallathee respont que elle ne desire autre chose mais qu'elle n'ose et si ne peut trouver lieu secret pour parler a pamphille.

[Q]uod petis affecto nil est michi carius esset
Si meus annueret illud uterque parrens.

Tu demandes cella que je desire
Qui le moyen propre trouver sçauroit
Rien au monde plus chier ne me seroit
Ne que ayme tant cella ose bien dire
Quant mes parens ne vouldroient contredire
Et que chascun a ce s'accorderoit
Tu demendes cella que je desire
Qui le moyen propre trouver sçauroit
Mille choses il y a pour y nuyre
Que une seulle toutes rapaiseroit
Quant pamphille le moyen trouveroit
D'y accorder ceulx qui m'ont a conduire
Tu demandes cella que je desire
Qui le moyen propre trouver sçauroit
Rien au monde plus chier ne me seroit
Ne que ayme tant cella ose bien dire

Istud enim nostris fieri non convenit ausis.
Si bene vellemus non locus esset ad huc.

Tu congnois assez se tu veulx
Qu'il n'appartient point de noz deux
Par hardiesse follement
Traicter cestuy appointement
Qui nous pourroit estre honteux
Combien que soyons amoureux
Tant que plus nous ne pourrions
Encore quant le vouldrions
Si y a il de l'empeschement
Faulte de lieu premierement
Qui sus tout y est necessaire
Aviser ne puis bonnement
Comme cecy se puisse faire

Nam mecum modo custos michi semper habetur
Tota que me servat nocte dieque domus

Ma mere a toute heure me garde
Ou je vois donc je vien regarde
Matin ou soir soit bas soit hault
Tousjours suis en sa sauvegarde
Et souvent d'aller me retarde
Au lieu ou de force aller fault
Vella une grande raison
Oultre/ de toute la maison
Sont nuyt et jour fermés les huys
Dy doncques par quelle achoyson
A pamphille parler je puis

Comme la vieille monstre a gallathee comme furtivement elle peut parler avecques pamphille et tiennent mode de dyallogue.

[I]ngeniosus amor portas et claustra relaxat
Vinxit quicquid obest ingeniosus amor.

Gallathee ne te excuse en ce cas
Tu scez que amour subtil ingenieux
Oeuvre portes/ huys de hault et de bas
Et ne treuve contraires ne debas
Quant le vouloir y est intentieux
C'est ung deduyt ung passetemps joyeux
Ung droit giblier qui le cueur resconforte
Quant en amours grandes peines on porte
Et qu'on s'en met souvent en grant dangier
Voire plus grant qu'on ne sçauroit songier
Quant on treuve sa voulenté parfaicte
Cella vault plus que boire et que menger
Ne que chose qui soit ou monde faicte.

Vanos pone metus pueriles corrige cures
Mecum dulcis amor te petit ut venias

Oste ces craintes qui sont vaines
Corrige cures puerilles
Car ilz ne te sont point utilles
Dommaigables sont et villaines
Tu voys demonstrances certaines
De doulce amour qui devant toy
Dit que t'en viennes avec moy
Pour congnoistre la grant doulceur
Qui est en amours doulce seur
Ne redoubte point vitupere
Avec moy es aussi asseur
Comme avecques ta propre mere

Galathee

[E]s modo facta mee furtive conscia mentis Hujus et es melior pars mihi consilii
Present tu es faicte sodalle De mon furtif entendement Et si es la part principale De mon conseil entierement Tu me donnes si doulcement De belles amonitions Qu'il fault que a tes peticions De obeyr soye ententive Et que ma pensee furtive Condescende a ta voulenté Contrainte de necessité Je suis de ton plaisir parfaire Je ne sçay soubz fainte bonté Se tu tires a me fortraire
Ut michi consilium te deprecor utille dones Hoc te non pudeat consuluisse michi.
Tu scez bien que j'ayme pamphille Plus que toutes aultres personnes Mais je te suply que me donnes En cestuy cas conseil utille Tu vois que je suis jeune fille Et en telle chose paoureuse Ne soyes point doncques honteuse De me conseiller loyaulment Tu es femme d'entendement De mon conseil la plus grant part Gist en toy/ pourtant doulcement Vueilles a moy avoir regart
Est pudor atque nephas seducere fraude puellas Hoc decus et magnum crimen habere potest
C'est honte et peché damnable Par fraudes seduire pucelles C'est ung crime vituperable Et ung deshonneur dommaigable S'il en est aucunes nouvelles Je ne sçay dieu le vueille sçavoir Se tu viens pour me decevoir Je vois a la bonne equité Se j'ayme par honnesteté Si n'esse pas pourtant a dire Que me doyves faire seduire Ne par ta grant subtillité Me vouloir en place conduire Que tu sçaiches qui puisse nuyre Au fait de ma virginité

La vieille

[N]on pudibunda tegam famam capit ante loquentem
Hec me facta negas consoluisse tibi

Gallathee je te conseilleray
Et te diray
Les choses dangereuses
Planierement tout te descouvriray
Et monstreray
En rien ne celleray
Ne couvriray
Toutes choses honteuses
Perilleuses
A pucelles paoureuses
Merveilleuses
Que fouyr tu pourras
Facillement quant mon conseil feras
Mais tu jureras
Que point ne diras
Que rien dit je t'aye
Ains affermeras
Et asseureras
Que rien n'en sçavoie

Nunc quicunque meus volet huic contrarius esse
Proferat hiis rebus si quid obesse potest

Maintenant tout ce qu'il vouldra
Il te dira n'en doubte point
Mais estre il te conviendra
Contraire a luy et parle a point
En lui donnant de point en point
En belles parolles eslites
Toutes les choses opposites
De ce qu'en avant il mettra
Par ce moyen il congnoistra
Que tu n'as point lasche couraige
Et sans faulte te promettra
Soudain la foy de mariaige

Comme gallathee prenant le conseil de la vieille se repute ferme et vaillante de resister a la voulenté de pamphille

[V]iribus hic totis veniat contendere mecum
Aut victus taceat aut modo victor eat

Vienne maintenant hardiement
Pamphille avec moy contendre
Et y emploier seurement
Ses vertus generallement
J'ay la façon de me deffendre
Icy suis preste de l'attendre
Viengne pour vaincre mon escu
Ou se taise et se vienne rendre
En confessant estre vaincu

Nam cicius mecum ratio compescerit illud
Cum ratione nichil diceret ille michi.

Aussi tost qu'il arrivera
Avec moy en quelque blason
Voulentiers escouté sera
S'il parle en termes de raison
Mais s'il veult trouver achoison
De me bouter en quelque voye
Pour me decepvoir par trayson
Jamais je ne l'escouteroye

La vieille

Vir bonus et pulcher genus altum copia grandis Dulcis amor vestri pars erit auxilii
Il est tant bon homme et tant beau Et des biens qu'il a a monceau Est la quantité si tresgrande Que je ne croy pas qu'il demande Rien de villain/ le jouvenceau Pour ung petit mot de nouveau En joyeuseté ne m'en chault Il est de lignaige tres hault Il est bon/ beau/ riche/ honnorable Dont je croy que amour veritable Sera part de vostre conseil Et sera la chose traictable Par appointement nompareil
Fama loquax taceat modo taceat murmur iniquum. Absque pudore vias res habet ista suas
Pourtant que chascun de vous face Que la renommee loquace Se taise et soit la chose breve Que le grant murmure s'efface Puis que temps avés et espace Sans honte le marchié se acheve Regardés bien a vostre compte Ceste chose voyez sans honte Nul ne le sçait tu le scez bien Si non moy qui n'en diray rien Car je t'aime d'amour parfonde Et vouldroye trouver moien De te pourchasser de grant bien Autant que a fille de ce monde

Les doubtes que a fait galathee de se acorder tant esprise que plus ne peult

O deus in quantis animus versatur amantis
Quam timor hac illac pellit amor que gravis

O sire dieu tu scez tout bien
En combien de choses/ combien
Tourne couraige d'amoureux
De repoz en luy n'y a rien
Mais incessamment sans moyen
Tourne en ung propoz ou en deux
Deça dela crainte le maine
Amour d'aultre part le demaine
Grevement en divers propoz
Tant qu'il n'y a point de repoz
L'une fois il treuve bon port
L'aultre dangereux pas de mort
Couraige amoureux en effet
Souvent est transmué si fort
Qu'il ne sçait qu'il dit ne qu'il fait

Hii duo discordes/ me nocte dieque fatigant
Esse quod optat amor hoc netat esse timor

Crainte et amour deux discordans
Et mortelz ennemis aussi
Qui jamais ne sont acordans
Mais tous divers champs recordans
Se treuvent tousjours a cecy
Ainsi sont amans en soucy
Tant que a pou que le cueur ne sent
Ce que ung ayme l'aultre deffent
Ce que amour desire et appete
Crainte deffent et le regette
Jamais en leur fait variable
N'y a conclusion parfaicte
Mais litigue interminable

Quid faciat nescit semper per devia currens.
Errat et errando vulnus amoris alit.

Ung vray amant ne sçayt qu'il face
Mais va tousjours de place en place
Sans chemin ne sente tenir
Quant il doit arrester il passe
Courant tousjours passe et rapasse
Sans ung propoz entretenir
Tousjours erre et en errant
Sans trouver secours ne garant
D'amours n'auroit la grefve playe
Qui luy abolit tout joye
Quant il ne peult trouver adresse
En cheminant l'oblique voye
Qui totalement le desvoye
Tant qu'il n'y a point de liesse

Me sibi subdit amor illi licet usque rebellem
Me que repugnantem fortius urit amor

Je preuve la chose telle
En moy simple jouvencelle
Qui esprinse d'amour suis
Amour m'a subjecte a elle
Ja soit que je me rebelle
Contre elle tant que je puis
Je repugne assez: et puis
Amour tant plus je reculle
Et plus ardamment me brusle
Plus fuy plus me vient querir
Medecine ne sçay nulle
Qui m'y puisse secourir

Sic afflicta diu casso quoque fessa labore
Mesta loquar quam venire malo mori

Ainsi en ceste affliction
De double ymagination
De labeur cas vaine et lassee
De parler j'ay intention
Et dire mon opinion
Toute dolente et courroucee
En disant ma triste pensee
Et estre de soucy delivre
Mieulx ayme mourir que ainsi vivre
Car amour par sa fellonnye
Tant de cruelz assaulx me livre
Que j'ayme mieulx mort que la vie

Comme la vieille resconforte gallathee de ce qu'elle dit que amour luy fait si grant guerre et dit.

[U]t graviora suo surgunt incendia motu
Lis que repugnando major et ira furit

Les chaleurs et abrasemens
Se croissent par leurs mouvemens
Pires que du commencement
Par les divers repugnemens
Moyse prent ses escroissemens
Et sourt ire plus grandement
Le fer par son debatement
S'eschauffe vehementement
Petite noise aussi dement
Horrible merveilleusement
Et croist innumerablement
Quant son contraire la soustient

Sic venus ipsa suis/ ipsi sibi noxia vellis
Surgit et opposita vulnera lite favet

Ainsi venus haulte deesse
D'amours souveraine princesse
Aux siens donne choses nuisibles
Par ardeur d'amoureuse presse
Et ses ardeurs haulse ou rabesse
Par operations terribles
Par lice opposite et contraire
Elle nourrit et faire atraire
Ses plaies pour les abraser
Par souvent le feu atiser
Il brusle incessemment tousjours
Par ainsi doit on rapaiser
Qui est saige le feu d'amours

Non potis ergo tuas vellis extinguere flammas
Sed cum pasce tuis mitior ignis erit

Je sçay bien que tu ne sçaurois
Reffraindre ainsi que tu vouldroyes
Les ires diverses et fortes
Qu'il fault que soustiennes et portes
Et bonnement ne le pourroyes
Mais il fault que saige tu soyes
Et que rapaises doulcement
Ton grant labeur et que tu voyes
Ta douleur prendre amandement

Imperium veneris fac dum sua miles haberis
Ne tibi sit dampno lisque labor que tuus

Fay de venus la singuliere
Voulenté en ceste maniere
Et luy obeys totalement
Tant que tu es sa chevaliere
Militante soubz sa baniere
Faire fault son commendement
Obeys luy tout doulcement
Affin que peine et labouraige
Ne te retourne a dommaige
Car venus a ceste puissance
De donner tristesse ou plaisance
A ceulx qui sont soubz la cordelle
Tu luy dois monstrer obeissance
Pour acquerir la grace d'elle

Incipiens temere male perdis gaudia vite
Te que tuos que dies noxius error habet

Se tu commences tes amours follement
Commencement
Dangereux trouveras
Car les joyes perdras entierement
Soudainement
De ton entendement
Et ne sera point ton estat eureux
Tes jours en tous lieux
Erreur envieux
En soucy tiendra
Sans recouvrer mieulx
Tes jours jeunes vieulx
Desplaisir prendra

Tantum mente vides vultus absentis amici
Nocte die que tuos non minus ipse videt.

De ton amy en son absence
Tu voys seullement l'insollence
Et la playe qu'il a pour toy
Pareillement fait il de toy
Il n'en a pas moins d'aparence
Se tu penses a luy il pense
A toy par comparable essence
Selon des amoureux la loy
De ton amy en son absence
Tu voys seulement l'insolence
Et la playe qu'il a pour toy
Se tu seuffre douleur immence
Qui te tourmente sans clemence
Il y a bien cause pourquoy
Tu sens douleur et puis je voy
Que oultre ta dure pestilence
De ton amy en son absence
Tu voys seulement l'insolence
Et la playe qu'il a pour toy
Pareillement fait il de toy
Il n'en a pas moins d'aparance

Alter in alterius fert tantum lumina vultus.
Res dabit ambolus ista morando necem.

L'ung seulement l'autre regarde
En regretz et en desconfort
Je m'esbahy qui vous retarde
Qu'en vous ne prenés reconfort
Se ne prenés en vous confort
Croyez que sans difficulté
Ce mal vous donnera la mort
A tous deux je dy verité
J'en ay gousté
Yver esté
Du mal d'amours
Je n'ay esté
En ma beaulté
Par plusieurs jours
J'ay fay des tours
Abiles lours
Maintenant en ma povreté
Je me retire comme lours
Qui doubte du temps le decours
Quant il est en sa grant bonté

Sed puto quam flammas leviter depellere credis.
Hujus desiderii mors fera finis erit

Je cuyde en pensant plusieurs choses
Que a tout par toy tu presuposes
Destaindre et soudain rappeller
Les flammes d'amours que ne exposes
A nully et aussi tu n'oses
Mais tousjours te laisses brusler
Par les celler
Sans reveller
De ce desir
Au paraller
Tost ravaller
Fauldra plaisir
En desplaisir
La mort saisir
Te viendra sans plus reculler
Lors n'auras plus temps ne loysir
Partir te fauldra sans choysir
Et si n'en pourras appeller

Parce juventuti complectere gaudia vite
Leta decet letis pascere corda jocis

Monstre toy bonne
A ta personne
Donne liesse
Honte habandonne
Et si pardonne
A ta jeunesse
Toute tristesse chasse et delaisse
Embrasse joye
Ayme noblesse
De gentillesse
Tu es en voye
C'est chose vraye
Que dieu envoye
Toute liesse aux cueurs joyeulx
Tous vrais amans qui que les voye
Qui quierent d'amours la mont joye
Se doivent repaistre des ieux

Et modo sola veni paulisper ludere mecum
Et tibi nostra domus poma nuces que dabit

Maintenant ma jeune fillette
Qui icy tu es toute seullette
Vien me voir a nostre maison
La auras tu quelque noisette
Quelque pomme quelque chosette
Qui y est selon la saison
Ne crains point d'aultruy le blason
Car il n'y a point d'achoison
La chose ne sera que honneste
Que l'une avec l'aultre voison
Et puis tu entens la raison
Que la chose sera secrette

Vix est iste meus ortus sine frugibus nunquam
De quibus ecce frui quolibet ipsa potes

J'ay ung vergier
Le plus gorrier
Qu'on puisse entendre
La sans dangier
Pourras mengier
Tout fruyt et prendre
Pour tout comprendre
Sans te reprendre
Soit de pommier ou de poirier
Prendre pourras monter descendre
Rompre taillier couper et fendre
Ainsi que tu verras mestier

Sed modo nescio quis mea fortiter hostia movit.
Vir fuit aut ventus sed reor esse virum

Mais je ne sçay qui maintenant
A osté les portes en somme
De ce beau jardin contenant
Maint arbre portant poire et pomme
S'a esté le vent ou ung homme
Mais ainsi comme je suppose
Veu que la porte estoit bien close
C'est ung homme qui a ce fait
Le vent ne l'auroit point desclose
Ce a esté ung homme en effet

Est homo per quodam nos respicit ecce foramen
Pamphilus est vultus si bene nosco suos.

Or regarde j'avoye bien dit
Que ung homme avoit ouvert cest huis
Regarde la comme il s'en fuit
De peur de nous par ce pertuys
C'est pamphille se je ne suys
Deceue a voir son regart
Il se tapit comme ung regnart
Cuydant que ne le voyon point
Mains il est deceu de ce point
Poursuivon l'ay tout bellement
S'il ne se tourne bien a point
Il ne nous verra nullement

Comme la vieille faint de estre courroussee que pamphille soit la venu et comme toute marrie va tenser a luy et le increper de estre venu rompre son jardin

Arte seram retro paulatin vir que reducit
Ad nos ingreditur quid modo cesso loqui.

Tien galathee m'amye chiere
Comme il est venu reculler
Par art la serrure en arriere
Il l'a bien faillu esbransler
Qui me fait tenir de parler
Quant vers nous je le voy venir
Qui esse qui me peult tenir
Que je ne luy voys dire injure
De m'avoir rompu ma serrure
Ha de fait je ne m'en puis taire
Et bref il en viendra murmure
Par le dieu ou je croy j'en jure
Ou il la me fera refaire

Cur furiose fores confringis pamphile nostras
Emptas namque meo/ destruis ere tuo

Vien sa pamphille parle a moy
Et me dy la raison pourquoy
Rompu as furieusement
Les serrures comme je voy
De ce jardin est il a toy
Qui t'a donné ce hardement
Ne sçayt on pas certainement
Que les serrures que as gastees
J'ay de mon argent achatees
Pour quoy me les viens tu gaster
Pense d'aultres en rachater
Et que tost on me les reface
Ou j'en iray admonnester
Le juge que justice en face

Quid vis vel cujus venisti nuncius ad nos
Dicere si quid habes dic celer atque redi

Pourquoy viens tu en mon vergier
Ou quelle cause a nous te amaine
Ou de qui es tu messagier
Veulx tu faire du capitaine
Y viens tu pour nous faire peine
Et travail parle a moy beau sire
Se tu as quelque chose a dire
Dy le nous tost plus ne sejourne
Nous te orrons sans te contredire
Et incontinent t'en retourne

Comme pamphille dresse sa parolle a galathee en luy demandant qu'elle le baise

O galathea mee super omnia causa salutis
Da michi per longuas basia mile moras

Galathee ma doulce seur ma mye
Du bon du cueur/ humblement je te prie
Comme cause de mon salut entier
Puis que tu es en ce plaisant vergier
Que me monstres ta doulce courtoysie
Mille baisiers par doulce compaignie
Me pourroyent guairir ma maladie
Qui de mire a besoing et mestier
Galathee ma doulce seur ma mye
Du bon du cueur humblement je te prie
Comme cause de mon salut entier
Acolle moy doulce seur il m'ennuye
Puis qu'il convient que mon plaisir te die
Je suis pour toy en ung mortel dangier
Tant que ne puis ne boire ne mengier
Mon ame en toy de tous poins est ravie
Galathee ma doulce seur m'amie
Du bon du cueur humblement je te prie
Comme cause de mon salut entier
Puis que tu es en ce plaisant vergier
Que me monstres ta doulce courtoysie

Nec tamen hiis sumptis scitiens meus ardor abibit.
Sed crescit placidis acrior ipse jocis

Encore quant des baisiers mille
A mon plaisir me donneras
Saichiez doulce et plaisante fille
Que pas encor n'estencheras
Tout mon ardeur mais le feras
Augmenter car feu amoureux
Se allume par les plaisans jeux
Nonostant belle baise moy
Tout mon bien peult venir de toy
Tout mon salut/ toute ma joye
Sans toy vivre je ne pourroie
Plaise toy de mon secourir
Si n'est par toy je suis en voie
En en grant dangier de mourir

En ego tota meis mea gaudia claudo lacertis
En amplector hominis dulce puerque michi

Maintenant voy
Auprés de moy
En ceste place
Celle parquoy
Je pers esmoy
Quant je l'embrasse
Sa doulce face
Mes maulx efface
A ceste heure icy je apperçoy
Que tout mal que j'ay eu se passe
Quant il luy a pleu de sa grace
Me monstrer que servir la doy

Comme galathee s'en veult fouyr et faint que une voisine l'appelle

[M]e vicina vocat illi loquar atque revertar
Nam nimis hoc vereor huc modo ne veniat

J'oy ma voisine qui m'appelle
Pamphille laisse moy je iray
Aler me fault parler a elle
Mais tantost je retourneray
S'elle vient honteuse seray
Tu peulz considerer ce point
Laisse moy ne me touche point
Car s'elle venoit d'aventure
Et elle nous veist en ce point
Ce seroit pour me dire injure

Pamphille luy respont quant elle fait semblant de crier et s'en est la vieille allee qui les a la laissez ensemble

Quid clamas propero veniens hec hostia claudo
Nullus enim remanet hic nisi sola domus

Pourquoy cries tu/ tant que je puis
En haste vien presentement
De clorre et de fermer les huys
On ne nous peult voir nullement
Il n'y a icy seulement
Que nous deux presens pour ceste heure
Et la maison seulle demeure
Asseure toy et point ne tremble
Tu es a seurté ce me semble
Et avec ton amy parfaict
Nous pouons bien parler ensemble
Et deviser de nostre fait

Gallathee

Me mea cura tenet nunc dic cito dicere quid vis Me tecum longuas non licet ire vias
Maintenant la cure de moy Me tient mais sans plus differer S'il y a quelque chose en toy Dy le moy sans plus souspirer Longuement ne puis demourer Icy avec toy la saison Voycy qu'il me fault retirer Et retourner a la maison

Pamphille

En modo dulcis amor viridis que jnventa locus que
Nos galathea movent pascere corda jocis.

Doulce amour verdoiant jeunesse
Le lieu bel et delicieux
Me incitent de prendre liesse
Avecques ma dame et maistresse
Et me paistre d'amoureux jeux
A ceste heure sommes nous deux
Assemblez par amour certaine
Ainsi que deux vrais amoureux
Pour prendre liesse haultaine

En lasciva venus nos ad sua gaudia cogit
In que suos usus nos jubet ire simul

Voycy venus la joyeuse deesse
Qui nous contraint comme dame et princesse
Des amoureux a ses joyes mener
D'elle aussi nous adresser
Ensemble aler en amoureuse adresse
Qui noz deux cueurs en ung assemble et dresse
Ainsi que amours se sçaivent ordonner
A noz douleurs nous devons pardonner
Et le salut l'ung a l'aultre donner
Puis que venus la plus saige des saiges
Nous desire par contrainte mener
Et compeller a suivre ses usaiges

Quid moror hujus ope supplex mea vota requiram.
Tu patiens voti te precor esse mei

Puis que ainsi est que j'ay sa grace
Et qu'el me donne lieu et place
De mes plaisances requerir
Qui tarde que je ne le face
Quant je voy la belle en la face
Qui toutes mes douleurs efface
Et qui me garde de mourir
Belle tu me peulz secourir
Vers toy mon salut vien querir
Si te pry gracieuse et gente
Que sans aulcun blasme acquerir
Soyes de mon veu paciente

Comme pamphille veult mettre les mains sus les mamelles de galathee pour venir aux atouchemens et elle faint n'en vouloir rien disant

[P]amphile tolle manus te frustra nampe fatigas
Nil valet iste labor quod petis esse nequit.

Pamphille reculle tes mains
De tes atouchemens villains
Cure n'ay c'est chose certaine
Je m'esbahy que tu ne craings
Estre veu des voisins prochains
Et oultre plus rien tu ne attains
Car en effet tu pers ta peine
La fin de ton labeur est vaine
Rien ne vault en vain ton corps peine
Ce que tu quiers estre ne peult
Car je doubte honte vilaine
Et puis renommee prochaine
De mal dire tousjours soubdaine
Et pour peu de chose on la meult

Pamphile tolle manus male nunc offendis amicam.
Jamque redibit avus pamphile tolle manus.

Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amye
Tu offenses malement
La vieille presentement
Reviendra n'en doubte mie
Ne monstre point ta folie
Conduy toy par courtoysie
Sans villain atouchement
Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amie
Tu offences malement

Je crains honte et vilennie
Pour estre en ta compaignie
Gouvernon nous sagement
La vieille en escoutement
Est/ pourtant s'as broillerie
Oste tes mains je t'en prie
Pamphille car ton amie
Tu offenses mallement
La vieille presentement
Reviendra n'en doubte mie

Comme elle se laisse manier et faint que ce soit par foiblesse disant

Heu michi quam parvas habet omnis femina vires.
Quam leviter nostras vincit utrasque manus.

Helas tant a force petite
Toute femme tant il m'a viste
Vaincues les mains toutes deux
Rompue je suis et destruite
Trop est ung homme vertueux
Et puis le couraige amoureux
Qui en soy n'a point de raison
Le fait bouillant et challoureux
Et luy acroist force a foison

Pamphile nostra tuo cum pectore pectora ledis
Plangere clamando me cogit ipse dolor

Pamphille je vueil que me laisses
Je te pry ton oeuvre deffine
Car sçaiches que avec ta poictrine
La mienne grandement tu blesses
Tu me foulles trop et depresses
Se tu ne te veulx tost reffraindre
Ceste douleur par tes presses
Me contraint de crier et plaindre.

Desine clamabo quid agis male detegor a te
Perfida me miseram quando redibit avus

Delaisse moy ou je crieray
Car plus je n'en endureray
Que faiz tu/ trop honteusement
Me descoeuvres je te diray
Laisse moy ou j'appelleray
Noz voisins tout presentement
Par dieu je feray du tourment
A la vieille bien largement
Si tost que sera revenue
Car je congnois certainement
Et apperçoy visiblement
Que par elle je suis deceue

Surge precor nostras audit vicinia lites
Que tibi me credidit non bene fecit avus

Je te pry sour toy et t'en voyses
Noz voisins sans aucune doubte
Oyent noz debas et noz noyses
Car ilz sont tousjours en escoute
C'est la chose que plus je doubte
Et si la vieille ne a pas fait
Bien/ je te le dy somme toute
Elle est cause de ce mal fait

Ulterius tecum me non locus iste tenebit
Nec me decipiet ut modo fecit avus

Oultre jamais se lieu icy
Ne me tiendra avec toy
Que je puisse fouyr ainsi
Que a ceste heure icy je apperçoy
Et si je te jure ma foy
Que la vieille d'or enavant
Ne me mainera avec soy
Ainsi qu'elle a fait maintenant

De ce fait tu seras victeur
Pour ceste heure je suis trop fresle
Pour convaincre tel abateur
Nonobstant que je me rebelle
Je treuve plus que moy rebelle
Pamphille je suis convaincue
Mais toute amour point ne le celle
Entre nous deux est corrompue

Comme pamphille tout lassé de se jouer a gallathee dit qu'il se fault reposer et la resconforte.

[N]os quoque paulisper requiescere convenit ambos
Dum facto cursu non anelat equus

Ung petit reposer convient
Tous deux le cheval est lassé
Tant que grosse allaine luy vient
Du grant travail qu'il a passé
Moreau est rompu et cassé
Trop a pené pour une pose
Le boyart a fort tracassé
Il est saison qu'il se repose

Quid male dilecto respectum luminis offers.
Cur que lavas lachrymis/ flebilis ora tuis

Pour quoy offres tu yeux divers
A celuy que tu aymes mieulx
Pour quoy doyvent ilz estre offers
Envers luy si tresmerveilleux
Pour quoy aussi laves tes yeux
De larmes et gemissement
Pour ung passe temps gratieux
Ou il n'y a qu'esbatement

Sum reus ex toto modo quaslibet accipe penas
Et major meritis pena sit ista meis

Vela pren que je suis coulpable
De tout ainsi que l'entendras
Prens tez peines que tu vouldras
Si fault que soie condamnable
Et soit la peine plus grevable
Plus orgueilleuse plus despite
Cent mille foys que le merite
Je seray de tout recevable

Et quecunque voles patiens ad verbera presto
Sic peccasse tamen non mea culpa fuit

Je ne l'ay fait que pour m'esbatre
S'il y a mal tu sçaiz que c'est
Mais encore suis je tout prest
D'endurer se tu me veulx batre
Se ung coup n'est assez/ baille quatre
J'endureray tout ce soucy
Mais pour la verité debatre
Pas ne suis cause de cecy

Et modo judicium si vis veniamus ad equum
Aut modo sim liber aut ratione reus.

Mais courtoisement se tu veulx
Venon a equal jugement
Et regardon entre nous deux
Qui a failly plus grandement
Affin qu'on voye franchement
Se coulpable seray trouvé
Ou que demeure nettement
Quitte du peché approuvé

Ardentes oculi caro candida vultus erilis.

Premierement les yeulx ardans
Qui par plusieurs fois ont esté
Dessus ma face regardans
Et puis la chair de grant beaulté
Blanche comme rose d'esté
Le plaisant et noble viaire
Plain de toute formosité
Si beau qu'on ne sçauroit mieulx faire

Verbula complexus basia grata jocus.

En apres les doulx parlemens
Les petiz caquez gratieux
Les baisiers les embrassemens
Et puis les agreables jeux
Les adjournemens des doulx yeulx
Le bel acueil les plaisans signes
Cent mille souspirs amoureux
Et plus de cinq cens mille mynes.

Fomentum sceleris michi principiumque dedere
Institit ortator hiis michi rebus amor

Toutes ces choses devant mises
Ont esté le commencement
Des choses que j'ay entreprinses
Et se j'ay failly nullement
Combien que de l'inventement
Amours ayt esté orateur
Et tousjours a l'escroissement
S'est demonstré mediateur

Hiis furor intumuit rabies que libidinis arsit.
Hortantur que michi facta nephanda sequi.

Par ce point fureur de couraige
S'est enflee oultre mesure
Et oultre plus la dure raige
Du tresbruslant feu de luxure
En ceste merveilleuse arseure
Se j'ay commis quelque malfait
S'a esté par leur espointure
Et non pas de mon propre fait

Iste meos sensus subvertit pessimus error
Per quam nostra tibi gratia surda fuit.

Cest erreur qui est tresmauvais
A subverti entierement
Mes sens tant en diz comme en faiz
Et m'a troublé l'entendement
Par quoy vers toy totallement
Nostre grace sourde a esté
Sans me vouloir amendement
Donner en ma necessité

De quibus accusor merito culpabilis esses
Fons hujus fuerat materiesque mali

A bien verité adviser
Tu es plus coulpable que moy
De ce qu'on me veult accuser
Puis que la cause vient de toy
Tu es la fontaine de quoy
Sourt se mal la matiere aussi
Ainsi tu es comme je croy
Plus que moy cause de cecy

Tam gravis ira duos non convenit inter amantes.
Sed si forte venit sit tamen illa brevis

Entre deux amans ne fault point
Que ire greve longuement dure
Mais la rapaiser de tout point
S'elle s'i treuve d'aventure
Aucuneffois quelque murmure
Pour petit de chose se lieve
Et l'ung contre l'autre murmure
Mais ce doit estre chose brefve

Semper amans delicta pati bene debet amantis
Culpe communis fert patienter onus

L'ung amoureux de l'autre endure
Tout jeu et tout esbatement
Ainsi que droit est par nature
Sans en murmurer nullement
D'ung vouloir d'ung consentement
L'ung amoureux pour l'autre porte
Quant il luy vient aucun tourment
Et seuffre d'une mesme sorte

Cum remeabit avus tristes precor exue vultus.
Ne nos per lacrimas sentiat esse reos

Je te prie torche tes yeulx
Affin que la vieille ne voye
Que nous ayon joué les jeux
Laisse a plourer et maine joye
Je suis plus joyeux que n'estoye
Pareillement tu le dois estre
J'ay plus de bien que je n'avoie
Mon bien ne cesse de s'escroistre

Comme la vieille revient vers eulx et faint ne sçavoir rien de leur fait et demande a gallathee pour quoy elle ploure.

[A]nte fores bacuis tenuit me femina verbis.
Que macrum proprio vinceret eloquio

Devant les portes du vergier
Une femme m'a arrestee
Et n'ay oncques sceu abregier
Tant que je l'ay eue escoutee
El m'a une chose contee
Toute vaine/ mais en langaige
Elle vaincroit tant est fretee
Se cuyde je macer le saige

Cur galathea tua corrumpis lumina fletu
Nunc michi demonstres hic dolor unde venit

Qu'esse que tu as gallathee
Dy moy a quelle occasion
Tu es en ce point tourmentee
Le faiz tu par derrision
Demonstre moy sans fiction
Ta douleur ton empeschement
Se j'en ay l'exposition
G'y mettray bien amendement

Absens dum fueram dic quid tibi pamphilus egit
Tu galathea precor ordine cuncta refer

Tant comme j'ay esté absente
Dy moy que pamphille t'a fait
Je ne seroie point contente
Qu'il t'eust offensee en effait
Gallathee dy moy le fait
Tout par ordre et ne celle rien
Car se pamphille te a meffait
Croy que g'y remedieray bien

Comme gallathee respont a la vieille qu'il est licite qu'elle coeuvre son deshonneur par aucune fiction la quelle est bien congneue.

Convenit ut nostros queras quasi nescia casus
Cum res consilis facta sit ista tuo

Ha femme il est bien convenable
Que tu demandes de noz cas
Desquelz tu es la plus coulpable
Comme se ne les sceusses pas
Par ton conseil par ton pourchas
Ceste chose faicte a esté
Le moyen trouvé tu en as
Par ta cautelle et faulseté

Fructibus ista suis qui sic cognoscitur arbor
Tu que michi factis nosceris ipsa tuis

On congnoist l'arbre par ses fruiz
Et juge l'en sa qualité
Par tes malfaiz aussi je puis
Ymaginer ta pravité
Soubz umbre de bonne equité
Sans penser a quelque malice
J'ay perdue virginité
Tu as esté cause du vice

Poma nuces que michi dare non bebene disposuisti.
Cum tuus iste fuit pamphilus ante fores

Las ce ne fut pas pour nyant
Que pommes tu me prometoyes
Et des noys l'inconvenient
De ceste heure la tu sçavoies
Et mesmes pamphille veoyes
Devant la porte du vergier
Faulce femme tu ne devoies
Pas me bouter en ce dangier

Ut locus esset ad huc tua te vicina vocavit
Quo spoliata forem virginitate mea.

Ta voysine t'a appellee
Se as tu dit plaine de tout vice
Et d'avec nous t'en es allee
Affin que lieu fust plus propice
Tu as esté cause et office
Tu m'as a pamphille baillee
Et suis par ta grande malice
De virginité despoillee

O quam magna foris fecit te causa morari
Quam bene nostra suas/ ars tegit insidias.

O combien est la cause grande
Qui t'a fait dehors demeurer
Traistresse mauldicte truande
Et icy seulz nous endurer
Comme tu sçaiz bien procurer
Par ton art ung tel vassellaige
Et tes traisons coullourer
Par ton deceptueux langaige

Impleverit tuos scelus et fallacia cursus
In laqueum fugiens decidit ipse lupus.

Ton peché et grande fallace
Maintenant ont emply tes cours
Mais loup qui fuit de place en place
Es latz voit on tumber tousjours
Tu m'as joué d'ung de tes tours
Cheue suis la ou je doubtoye
Tu as cent fois plus fait qu'amours
Et de toy point ne me gardoye

Comme la vieille respont a gallathee et dit que injustement et sans cause on la blasme.

[I]ncrepor injuste procul hoc michi crimen abesto.
Qua ratione velis me satis expediam

Injustement
Presentement
On me blasme
Villainement
Ne sçay comment
Sus mon ame
Jeune femme
Belle dame
Dy moy la cause proprement
Pour qui sus moy tu dis diffame
Tant d'obprobre et injure infame
G'y remedieray promptement

Etati nostre nomen male criminis hujus
Convenit ars tanti nec studiosa mali.

Fille tu me faiz grant oultraige
De me vouloir en mon vieil aage
Ung si villain nom imposer
Jamais je n'en eu le couraige
Jamais n'en sceus art ne usaige
Jamais ne vy ung seul passaige
Comme l'en s'i peut disposer
Il te vallist mieulx reposer
Que telles choses proposer
Sus celle qui nul mal ne pense
Je ne sçay icy que gloser
Le fais tu pour me despriser
Belle qui t'a peu adviser
De me dire ceste insollence

Si qua modo concepta jocis contentio vobis
Contigit absenti que michi culpa fuit

S'en faisant icy voz beaulx jeux
Ainsi que font les amoureux
Il y a eu contention
Ou quelque noyse entre vous deux
Quelque petit mot oultraigeux
Ou quelque dit mal gratieux
Je n'en suis pas occasion
J'estoie en ma provision
Ce seroit grant abusion
De me arguer de ce meffait
La ou participation
N'ay en quelque condition
Car rien qu'en bonne intention
Vostre assemblement je n'ay fait

Sit quecunque potest nihil ad me lis utriusque
Quam monet incipiens non ego vester amor

Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Se vostre folle amour vous meut
Je ne soustien point de querelle
Saiches de verité la belle
Que mal faiz de me dire telle
Car pour quoy se le cueur te deult
Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Je ne fus oncques maquerelle
Ne jamais il n'en fut nouvelle
Chascun le peut sçavoir qui veult
Se folle amour trop vous esmeut
Point n'en doy porter la merelle
Soit vostre noyse laide ou belle
Rien a moy il ne m'en chault quelle
Face chascun ainsi qu'il peut
Se vostre folle amour vous meut
Je ne soustien point de querelle

Comme la vieille demande a pamphille pour quoy c'est pour donner a entendre qu'elle n'en sçait point la cause.

[D]ic nuper ignoti seriem michi pamphile facti
Hujus origo mali non sit operta mihi

Pamphille je te pry dy moy
De ce fait icy incongneu
Comme peut il estre advenu
De qui et la raison pour quoy
Il me le fault sçavoir de toy
Si te pry en propoz final
Que la naissance de ce mal
Qui la tient me soit descouverte
Tu sçaiz que j'ay le cueur loyal
Dy moy le motif principal
De ceste douleur si couverte

Pamphille respont a la vieille et dit qu'il n'est ja mestier que plus elle en saiche.

[A]rguor e nimia si scires ordine culpa
Est que michi meritis durior ira meis

D'une culpe argué je suys
Tres grande se tu le sçavoyes
Tant courroucé que plus ne puis
Je pers quasi toutes mes joyes
Tourmenté suys en mille voyes
De voir ceste femme plourer
En cest estat et souspirer
Car l'ire qu'el a tresdespite
Est a justement comparer
Trop plus grande que le merite

Sed decet archanum celari semper amantum
Nam dixisse nocet cum dolor omnis abest.

Mais touteffois au vray parler
Secret d'amans se doit celler
Et soit devant ou soit derriere
Il ne se doit point reveller
A personne ne ventiller
Tant soit personne familiere
Car quant la douleur est allee
S'on a la chose revellee
Il nuyst et si est dangereux
Si doit tousjours estre cellee
La conduite des amoureux

Tantum lenire rixas tibi convenit ire
Quod superest inter nos decet esse duos

Suffise toy tant seullement
La noise appaiser doulcement
Et ne te mesle du debat
Entre nous deux l'appointement
Se fera tout soudainement
Ce n'est que maniere d'esbat
Quelque chose que amoureux noysent
Ce n'est rien tousjours se rapaisent
De leur estat il se fault taire
Ce n'est que demie paix a faire
Que d'amis courroucez ensemble
Se l'une heure les fait retraire
A l'esquart l'autre les rassemble

Comme gallathee dit qu'elle apperçoit bien la cautelle de la vieille.

[P]amphile dic illi nostros quasi nescia casus
Res ut percipiat qualiter ista venit

Pamphille dy luy hardiement
Comme tout va tu feras bien
Il semble qu'el n'en saiche rien
Et si sçait tout entierement
Je voy et congnois clerement
Qu'el demande ce qu'elle sçait
Et si cuyde certainement
En son mauldit entendement
Abuser les gens tellement
Que personne ne l'apperçoit

Quod tibi consuluit a te quasi nescia querit
Ut videatur in hoc non nocuisse michi

Cella que la faulse truande
T'a conseillé faire vers moy
A cest heure elle te demande
Et par sa malice tresgrande
Dresse ses parolles a toy
Et luy semble que croyre doy
De verité et bonne foy
Que point ne me ayt esté nuysante
En cestui cas et j'apperçoy
Devant mes yeulx et bien le voy
Que par son art et faulse loy
Elle m'a esté decevante

Artibus immineris michi dema plura dedisti
Sed tamen indiciis res patet ista suis

Par ars innumbrables
Chemins desvoiables
Plusieurs m'as donnés
Signes decevables
A toy atrayables
Plusieurs me as signés
Mais tu congnois bien
Que n'y as fait rien
Fors tant seullement
Par l'enseignement
De la macquerelle
Je voy clerement
Et notoirement
La malice d'elle

Sic piscis curvum captus jam percipit hamum
Sic avis humana capta videt laquea.

En ceste saison
Le petit poisson
Apres qu'il est prins
Congnoist l'ameçon
L'oyseau le buysson
Ou il est surprins
Tout en cas semblable
La veille dampnable
Par qui suis deceue
Est de moy congneue
Monstré m'a son art
La faulceté venue
Mais il est trop tart

Comme galathee se desconforte et dit qu'elle ne oseroit retourner chiez ses parens

Et modo quid faciam fugiam captiva per orbem
Hostia jure michi claudet uterque parens

Las que feray je desormais
Captive m'en iray en fuyte
Parmy le monde a tout jamais
Helas ce m'est ung entremés
Le pire que jeu oncquesmais
A ceste fois suis je destruitte
Les faitz sont clers et apparens
Que a tout jamais tous mes parens
L'huys de leur maison me clorront.
Et jamais bien ne me feront
Et aussi ne doivent ilz faire
Trop vilenés pour moy seront
Jamais ne me recueilleront
Helas ou me puis je retraire

Meciar hac illac oculis vagantibus orbem
Leta tamen misere spes michi nulla venit

Je semeray parmy le monde
Desa dela par toutes pars
En gettant comme vagabonde
En qui toute douleur profonde
Plus qu'en aultre femme du monde
Par tout instabiles regars
Touteffois en ma desplaisance
Aulcune joyeuse esperance
Ne me vient ne aulcun confort
En lieu de joye desconfort
En lieu de plaisir desplaisir
Heureuse feusse se la mort
Prendre me venist et saisir

Comme pamphille reconforte galathee disant qu'on ne se doit point courrousser de une chose qui ne se sçauroit reparer

[U]t graviter doleat non pertinet ad sapientem.
Cum dolor ad dominum premia nulla refert.

Il n'appartient aulcunement
Au saige de trop grefvement
Se courrousser car on sçait bien
Que le courroux prins largement
A son seigneur donne tourment
Et ne luy peult faire nul bien
Le courroux est de telle sorte
Que a son seigneur nul bien n'apporte
Saige est donc qui courroux evite
Et fol est qui se desconforte
Car le courroux n'est point licite

Hoc moderanter habe/ reparari quod nequit arte
Quod male persuasit immoderatus amor

Belle seuffre modereement
Sans te tourmenter tellement
Ce qui ne se peult reparer
Par art quelcanque ou aultrement
Qui n'y peult metre amendement
C'est bien force de l'endurer
Se amour immoderee a fait
Que soyons venuz a ce fait
C'est son droit tribut et sa rente
Celuy est fol qui se tourmente
De ce que amours dit par arrest
Comme premiere presidente
Du jugement quant il luy plaist

Comme finablement la vieille leur conseille qu'ilz se marient ensemble et vivent en paix par bonne amour

[C]onvenit ad nostros modus et prudentia casus
Quodque sequi deceat querere consilium

Puis que la chose ainsi advient
Maniere saige et prudente
A voz cas acquerir convient
Et bon conseil il appartient
Car c'est de luy dont tout bien vient
Qui le croit en la consequence
Vous estes en fleur de jouvence
Et en vertu de corpulence
En haulteur de vostre beaulté
Et si croy en ma conscience
Que aymez l'ung l'aultre en loyaulté

Mordet enim graviter discordia pectus amantis
Et fovet in bellis vulnera ceca suis

Acordés vous et gardez que discorde
Aveuglee ne vous greve ou morde
Comme elle fait les cueurs des amoureux
Et les lie d'une trop dure corde
Vivez en paix et en bonne concorde
Se vous voulez en ce monde estre eureux
Es batailles discorde par ses voyes
Aveuglees nourrit les grandes plaies
Si est saige qui s'en peult abstenir
Qui ayme paix quiert plaisances et joyes
Cris et douleurs sont de discort les proies
Celluy saige est qui s'en peult abstenir

Que bene vos foveat placidem concedite pacem
Pax animam nutrit pace levatur honor

Ensemble paix entretenés
Qui plaisantement vous nourrisse
L'ung l'aultre en paix maintenés
Amour l'ung a l'aultre donnés
Evitez noise car c'est vice
La paix est de l'ame nourrice
Paix leve honner et le surmonte
Noise tout honneur appetisse
Et ne peult engendrer que honte

Hec tua sit conjunx et sit tuus iste maritus
Per me felices oste mei memores

Affin que vous evitez blasme
Et que le monde ne vous blasme
Pamphille puis que ainsi advient
Galathee sera ta femme
Et obligeras corps et ame
A bien l'aimer et sans diffame
En ce point faire vous convient
Par mon moyen ainsi serez
Vivans ensemble honnestement
Mais ayez memoire de moy
L'ung avec l'aultre demourez
Aymés l'ung l'autre et honnerez
Ainsi que avez promis la foy

Ce present traicté d'amours intitullé pamphille fut achevé de imprimer le .xxiii. jour de juillet Mil CCCC quatre vingz quatorze pour anthoine verard marchant libraire demourant a paris sus le pont nostre dame a l'ymage saint jehan l'evangeliste ou au palais au premier pilier devant la chapelle ou l'en chante la messe de messeigneurs les presidens

marque d'imprimeur

ANTHOINE VERAD HUMBLEMENT TE RECORDE
CE QU'IL A IL TIENT DE TOI PAR DON
POUR PROVOCQUER TA GRAND MISERICORDE
DE TOUS PECHEURS FAIRE GRACE ET PARDON

NOTES DU TRANSCRIPTEUR

L'orthographe et la ponctuation sont conformes à l'original. On a cependant résolu les abréviations par signes conventionnels, différencié les lettres i/j, u/v, et introduit accents, cédilles et apostrophes selon l'usage habituel.

On a corrigé dans le texte français environ 40 cas de lettres interverties ou de substitutions entre lettres de formes semblables, y compris la correction suivante:

A défaut d'un moyen efficace de transcription électronique, on a eu la présomption de résoudre également les nombreuses abréviations du texte latin. On n'a cependant effectué aucune correction dans le latin, et conservé y compris les coquilles les plus manifestes. On a laissé comme un mot séparé la particule enclitique -que conformément à l'original.