Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3658, 5 Avril 1913, by Various

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Title: L'Illustration, No. 3658, 5 Avril 1913

Author: Various

Release Date: October 30, 2011 [EBook #37886]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3658, 5 ***




Produced by Jeroen Hellingman et Rénald Lévesque







L'Illustration, No. 3658, 5 Avril 1913


(Agrandissement)

Ce numéro contient: 1º LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre n° 3: Les Flambeaux, de M. Henry Bataille;
Un Supplément économique et financier de deux pages.


M. Hennion. M. Barthou. M. Poincaré.
LE PREMIER VOYAGE PRÉSIDENTIEL DE M. RAYMOND POINCARÉ
Le président de la République, le président du Conseil, le nouveau préfet de police et les «pitchounettes» de Montpellier.

Voir l'article et les autres photographies, page 309.



NOTRE NOUVEAU SUPPLÉMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

Un nouveau supplément s'ajoute encore, à partir d'aujourd'hui, à nos pages déjà si variées et si nombreuses.

L'objet et le programme de l'Illustration économique et financière, qui sera désormais encartée dans tous nos numéros, sont définis en tête de la première feuille offerte sous ce titre à nos lecteurs.

L'adjonction à notre journal «universel» de cette rubrique, si utile quand la documentation en est sûre et quand les appréciations y sont à la fois sincères, prudentes et judicieuses, nous avait été réclamée souvent. Mais nous ne voulions pas, pour lui faire une place, qui aurait été parfois insuffisante, restreindre, si peu que ce fût, celle de la documentation illustrée d'actualité ou d'art. Nous sommes heureux que le succès croissant de l'Illustration, qui vient de se manifester encore par une nouvelle et importante hausse de notre tirage coïncidant avec l'augmentation de notre prix d'abonnement, nous permette de donner deux pages de plus--quatre quand ce sera nécessaire--dans chacun de nos numéros.

THÉÂTRE ET ROMAN

La Petite Illustration publiera, les 12 et 26 avril, les quatrième et cinquième parties du roman de M. Marcel Prévost: Les Anges gardiens.

Le 19 avril paraîtra l'Embuscade, de M. Henry Kistemaeckers, représentée à la Comédie-Française.

Le 3 mai, les Éclaireuses, de M. Maurice Donnay (Comédie-Marigny). Puis, successivement: Hélène Ardouin, de M. Alfred Capus; l'Habit vert, de MM. Robert de Flers et G.-A. de Caillavet; Servir et la Chienne du roi, de M. Henri Lavedan.

A la fin du mois de mai, nous commencerons la publication du grand roman que M. Paul Bourget achève actuellement: Le Démon de midi.

Enfin, parmi les autres oeuvres théâtrales que La Petite Illustration publiera avant la fin de cette saison, nous pouvons citer dès maintenant Le Secret, de M. Henry Bernstein.



COURRIER DE PARIS

LE PROBLÈME DU PORTRAIT

Sous ce titre, M. Jacques-Emile Blanche publiait l'autre jour dans le Gaulois un de ces articles mordants, judicieux et fins, qui n'ont jamais que deux défauts: d'être trop rares et trop courts. Mettant sur la sellette les gens du monde, il leur faisait sans barguigner le reproche de se lancer dans l'aventure du portrait avec une inconscience aussi coupable que folle, en n'ayant qu'une idée et qu'un but: être beau, laisser de soi, après soi, une image avantageuse et fascinatrice. A l'entendre, la plupart des femmes, et--chose inouïe--la grande majorité des hommes, que l'on aurait pu supposer à l'abri d'un pareil ridicule, ne sont travaillés, dès qu'ils songent à la reproduction de leur admirable image, que de cet unique souci de vanité coquette. Fermés à l'art, étrangers à ses exigences et aux nobles sacrifices de renoncement personnel qu'il impose, les personnes qui se font peindre «ne pensent qu'à elles» et n'y pensent qu'à cet étroit point de vue de tricherie en face de la vérité. Elles n'ont pas beaucoup de goût, et peu de jugement, ne se connaissent jamais elles-mêmes, ne soupçonnent rien, non seulement de leur physique et du véritable caractère qui s'en dégage, mais de leur nature morale qu'il s'agit bien pourtant aussi d'exprimer sur la toile et à propos de laquelle, plus encore que de leurs traits extérieurs, elles battent complètement la breloque, les brunes voulant être représentées blondes, les gaies cherchant du coude la pose triste, les pensives réclamant une attitude d'animation, et les tumultueuses préoccupées, dans une chute soudaine, de donner l'aspect, depuis longtemps convoité, de la mélancolie...

Enfin M. Blanche, côté peintre, faisait passer aux modèles mondains, pendant deux colonnes de journal, le plus délicieux et mauvais quart d'heure qu'il soit possible de traverser...

Tant et si bien qu'après avoir, sans restriction, partagé sa façon de voir et de badiner à ce sujet, il m'est venu des scrupules, tournant presque au remords, et, dans une lueur, je me suis avisé tout à coup que peut-être en se plaçant de l'autre côté, dans le camp des hommes insensés et des femmes frivoles, dans la foule de cette humanité ordinaire, bourgeoise et mondaine, qui a la faiblesse de vouloir se faire peindre et l'orgueil de s'adresser, dans ce but, aux maîtres célèbres, je me suis imaginé que l'optique en ce cas pourrait bien changer et qu'il y aurait aimablement beaucoup d'excellentes petites choses à dire dont il ne serait pas défendu à quelques princes du pinceau de tirer profit.

Et d'abord, parlant du goût, je ne craindrai pas d'affirmer que, sauf exception, les gens du monde, qu'il s'agisse des nobles aussi bien que des bourgeois, ne sont pas moins doués de cette qualité que les artistes. Et ils sont tout à fait autorisés à leur fournir, sur l'arrangement d'un portrait, la pose à prendre, le costume à choisir et mille autres questions qui, sans être en dehors de la technique et de la facture, n'en ont pas moins une grande importance, des indications et des conseils très précieux. Le peintre est, le plus souvent, un spécialiste que l'exécution matérielle de son tableau suffit seule à occuper, à remplir, à absorber, un passionné de son art et de son métier, pour qui peindre est tout. Et certes, qu'il a raison! Cela est magnifique! Et on ne va pas penser que je le blâme? Je le salue et je l'admire. Cependant, n'est-il pas, tout de même, un peu trop enfoncé parfois dans son intransigeance bourrue? Voyez, comme il est quelquefois touchant et limité dans sa façon de concevoir et de mettre en scène le modèle qu'il a sous la main? Il ne pèche généralement pas par excès d'imagination. Il s'étonne des exigences, des entêtements du modèle qui prétend se connaître et ne se connaît pas... Mais que dira-t-on aussi, en bonne justice, de lui, du peintre et de ses idées préconçues, de son inconsciente tyrannie? N'a-t-il pas souvent, à côté et au-dessous de sa manière, sa manie? N'a-t-il pas sa pose préférée qu'il tient bien, et qu'il vous inflige? N'a-t-il pas un ton qu'il affectionne? N'a-t-il pas son heure, son éclairage, son expression, sa nuance de regard favorite par où il faut passer coûte que coûte? Ne voit-il pas les gens comme il veut les voir ou comme il en a l'habitude? N'a-t-il pas ses clichés? Ne lui arrive-t-il pas, même avec un superbe talent, de transformer complètement son modèle, de le dénaturer, de le désocialiser, d'en faire tout autre chose et l'opposé radical de ce qu'il est? Ne se montre-t-il pas alors, je vous le demande, aussi aveugle, aussi incompréhensible et coupable, plus même, que le brave homme qui s'illusionne sur son compte en demandant une attitude un peu au-dessus de son niveau, ou que la dame souhaitant une joue de quelques années plus fraîche et plus lisse?

Combien sont-ils les peintres qui, devant le modèle, s'appliquent aussitôt à s'oublier, à s'humilier, pour entrer tête basse dans le personnage nouveau et inconnu dont ils ont assumé l'entreprise? Combien sont-ils cherchant à pénétrer à fond cet étranger qu'ils visitent pour la première fois, décidés, quoi qu'il leur en coûte, à sacrifier leurs préférences, à modifier leur palette selon l'homme, la femme, l'enfant, le vieillard dont le sort pictural est entre leurs mains? Certes, nous en connaissons, et beaucoup, parmi lesquels est au premier rang M. Blanche. Mais trop souvent encore le peintre, et j'entends le bon peintre, de conscience moyenne, et qui sait son affaire, ne s'embarrasse pas de tant d'histoires. Devant le monsieur ou la dame à enlever, il ne se ronge pas de désespoir et de curiosité. Il s'observe d'abord lui-même, il se demande quel est le parti le plus avantageux qu'il peut tirer de l'individu. «Le modèle veut à tout prix, dit-on, être beau et plaire.» Et le peintre? N'a-t-il pas souvent, lui aussi, pour unique souci d'être magnifique, de séduire et d'empaumer? de briller à l'occasion, et fût-ce aux dépens de celui qui n'est à ses yeux qu'un prétexte à prouver une fois de plus son talent, sa virtuosité, et à perpétuer sa gloire? Quand il fait le portrait des autres, c'est toujours un peu le sien que le peintre exécute en pensée, le portrait de sa propre personnalité. Car il sait qu'avant de dire: «Voilà M. Un Tel!» ou: «N'est-ce pas Mme X...?» on s'écriera à vingt mètres: «Ah! Voilà un Casimir! un Victor! un Philippe!» Et ce n'est qu'ensuite, quelques longues minutes plus tard, que l'on aura l'idée de se demander ce qu'il représente. Le nom du portraituré n'est qu'un sous-titre.

Et la question de ressemblance, qui fait couler tant d'encre et de couleur! S'autorisant du peu d'envergure artistique de certains dignes messieurs, et de bonnes dames dont l'idée fixe «est d'être criants» sur la toile, au point que leur petit chien lui-même, en les regardant, gémisse de joie et remue la queue, voilà qu'on en arrive tout doucement et sans douleur à proscrire d'un portrait la ressemblance. Elle est l'ennemie de l'art. Espérer timidement la ressemblance, c'est avoir l'âme d'un photographe et témoigner d'une platitude écoeurante. On vous rit au nez et vous perdez toute considération. «Jamais on n'aurait cru cela de vous!» La phrase, qui a l'air d'un mot de comédie moliéresque: «Un portrait n'a pas besoin d'être ressemblant», est devenue banale et à présent fait loi.

Il suffit, tranchent beaucoup de gens «qualifiés», que le peintre fasse «avec vous» un joli morceau pour que vous n'ayez rien à dire. Et si, près de la toile en face de laquelle vous êtes nez à nez, l'on s'extasie: «C'est rudement bien!» pour vous demander ensuite par acquit de conscience: «Qui est-ce?» parce qu'on ne vous a pas reconnu, vous devez vous déclarer enchanté, et c'est en vous excusant que vous répondrez: «C'est moi! mon Dieu, oui!» rougissant comme si, en vous nommant, vous faisiez honte au peintre et que vous lui en demandiez pardon.


M. André de Fouquières à New-York: promenade au Central Park.
--Phot. Alexandre Teneau.

Non, le modèle ne veut pas être beau, à tout prix, et contre toute justice. Il se connaît plus qu'on ne le croit, et presque toujours il «se plaît», même avec un physique ingrat, et tel que Dieu et ses parents l'ont fait. Il ne serait pas embarrassé de citer maints visages ravissants, supérieurs au sien, mais pourtant, si vous le mettiez au pied du mur, il ne changerait pas, car, ne craignons pas de le répéter, il s'aime tel qu'il est. Et par là, entendez tel qu'il est à son maximum d'agrément et dans ses meilleurs jours. Il y a, en effet, nous l'avons tous éprouvé mille fois avec une ivresse enfantine, des circonstances, des heures, des minutes où nous avons le sentiment pur et certain d'être, par un réflexe moral, en presque parfaite beauté physique, à ce point relatif de réussite générale qu'il nous est permis çà et là d'atteindre. Quand nous nous regardons, à ces instants privilégiés, nous ne nous trouvons pas beaux, mais mieux. Nous nous sentons en béatitude vitale, en état de quasi-bonheur, de reconnaissance et de bénédiction. Nous aimons, nous nous croyons aimés, nous nous voyons aimables. Ne serait-ce pas à un de ces passages-là que le peintre inspiré devrait nous saisir plutôt que de s'appliquer, comme il semble en avoir si souvent l'obstination maladive, à nous représenter en dépression, en laideur, en vulgarité quotidienne...? Cette façon de comprendre ne l'empêcherait pas, me semble-t-il, de produire un chef-d'oeuvre, et voilà la vraie ressemblance, la seule qu'ait le droit et un peu aussi le devoir d'exiger de lui le modèle, sa ressemblance avec l'homme heureux, dégagé, élevé, éclairé, rayonnant, supérieur à lui-même et à son ordinaire qu'il a le noble désir d'être toujours et qu'il a la grâce de devenir quelquefois. Que l'artiste profite de ces éclaircies humaines d'idéal. Et même alors, s'il rate la ressemblance, il la donnera. Il fera un portrait de nous-mêmes qui ne sera pas uniquement celui de notre nez, la géologie de notre peau, de nos trois plis, la miniature de notre verrue et l'apothéose de nos ongles.
Henri Lavedan.

(Reproduction et traduction réservées.)



LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE D'AUJOURD'HUI ET CELLE DE DEMAIN

M. André de Fouquières, auquel sa réputation de Parisien averti a réservé aux États-Unis le plus flatteur, le plus chaleureux accueil, vient de revenir en France. Après avoir parlé aux Américains de notre pays, et avant de nous conter, en une série de conférences au théâtre Marigny, ses impressions d'outre-Atlantique, il en donne aujourd'hui la primeur à L'Illustration: attentif à tous les spectacles de la vie yankee, M. André de Fouquières a vu se dessiner, pendant son séjour à New-York, une curieuse évolution dans les moeurs, dont il définit ici le caractère.

A mon départ, plusieurs journaux m'ont décerné le titre d' «ambassadeur des Modes». Peut-être certains ne le faisaient-ils point sans quelque ironie, et je fus tout d'abord surpris de constater, dès mon arrivée, que les Américains prenaient ce titre au sérieux. Mais, depuis, j'ai compris qu'un tel rôle, en apparence puéril, valait d'être joué. La mode est la seule industrie française qui soit prépondérante aux États-Unis. Et quelle source de fortune ne représente-t-elle pas? Nulle part, il n'est possible de voir une telle folie de luxe, une telle émulation dans la lutte pour l'élégance, un tel respect des fantaisies de la mode. Jamais une Américaine ne transforme au goût du jour une robe de l'autre saison; elle n'admet et ne porte que le neuf. Elle observe avec minutie les moindres transformations inventées par nos couturiers, et l'originalité les effraie si peu que c'est à New-York que les «maîtres» de la rue de la Paix adressent leurs plus audacieuses créations. Des sommes formidables sont réservées chaque année à la toilette féminine et nombreuses sont les maisons françaises qui doivent au faste yankee beaucoup de leur prospérité. Eh bien, tout cela menace de changer et nous avons à craindre non seulement la concurrence étrangère, mais encore un nouvel état d'esprit.

Parlons d'abord de la concurrence: elle est acharnée et terrible. Elle vient surtout de l'Allemagne, qui compte aux États-Unis 400.000 représentants pour 30.000 Français. Les Allemands étant sur place prennent aisément «position». À vrai dire, les modes inventées à Berlin ou à Munich ne sont pas acceptées par l'aristocratie new-yorkaise: les fameux «Quatre-Cents» dont le cercle est étroitement fermé, et les nouveaux millionnaires, les puissants industriels qui forment une société neuve à côté de cette élite, ont trop le souci d'imiter les arbitres du «smart set» pour s'adresser à d'autres couturiers que les nôtres. Mais la petite bourgeoisie commence à se laisser persuader par les catalogues alléchants, les journaux de mode qui annoncent les nouveautés parisiennes et sont édités par des maisons germaniques. La vente de nos soies diminue. Nos modistes ont moins de commandes. L'«Article de Paris» se fabrique meilleur compte à Boston ou à Baltimore. Et, malheureusement, les couturiers français semblent faire peu d'efforts pour maintenir le prestige utile de notre élégance chez un peuple admirateur de toutes les traditions et qui estime en nous ce culte du bon ton et des belles manières, symbole, à ses yeux, du plus glorieux passé.

Je suis arrivé en Amérique au moment même où la plus curieuse évolution risque de se produire. Evolution n'est pas le terme exact, car c'est en quelque sorte un retour vers les moeurs anciennes. Deux faits d'inégale importance sont les prodromes de ce que je nommais le «nouvel état d'esprit»: la manifestation quasi officielle des suffragettes, l'arrivée au pouvoir du président Wilson.

Les suffragettes?... Elles m'ont semblé, en vérité, bien différentes de celles qui font entendre à Londres leurs voix si turbulentes. Elles ont organisé le 3 mars 1913, à Washington, la veille de l'entrée du président à White-House, la plus singulière et la plus déroutante des processions. Un magnifique programme illustré, répandu à profusion, publiait, en même temps que les revendications féminines, les photographies des plus notoires suffragettes (et il y en a de charmantes!). Il annonçait aussi l'ordre dans lequel devait se dérouler la parade. Et tout était combiné à merveille, avec cet esprit d'ordre et de méthode qui caractérise la race. Venaient d'abord, à la suite de Mrs Richard Coke Burleson, la Grande Maréchale, les officiers de la «National American Woman suffrage Association» ayant à leur tête la présidente, la révérende Anna Howard Shaw, qui possède les plus hauts grades universitaires. Ensuite défilaient les nations où la femme a obtenu le droit de vote, celles où elles sont bien près de l'avoir et enfin celles où elles ne l'ont pas encore. Après quoi, c'était la grande cavalcade reconstituant l'historique de la cause féministe et représentant les diverses carrières dans lesquelles les femmes se sont distinguées, depuis les infirmières militaires jusqu'aux nourrices, depuis les doctoresses jusqu'aux avocates, depuis les écrivains et les professeurs jusqu'aux musiciennes et aux actrices. L'actrice se nommait miss Fola la Folette et possédait le plus délicieux visage.

Et je vis, ce beau jour de printemps, le plus surprenant carrousel et la plus étrange mascarade.


La brigade montée des suffragettes, à Washington.
--Copyright Underwood and Underwood.

Il y avait des chars et des automobiles, de somptueux costumes, des étendards multicolores. Et que dira de la «brigade montée» dirigée par miss Geneviève Wimsatt, un adorable cow-boy? Les femmes américaines montent à cheval comme les hommes et sont d'intrépides cavalières. Les banderoles claquaient au vent pour étaler la phrase fatidique: «Vote for Women». La présence de Mme Taft dans une tribune d'honneur donnait à cette manifestation une apparence officielle. Mais la plupart des spectatrices me parurent plus amusées que passionnées par l'allure martiale des 6.000 suffragettes. M. Wilson entendra-t-il les appels des acharnées lutteuses qui escomptent un changement de régime pour renverser «the present political organization of Society, from which women are excluded»?

Le New-York Times m'ayant demandé mes impressions, je répondis que nous avions en France des idées différentes sur le rôle social des femmes, que leur faiblesse même faisait leur charme et que les Françaises craindraient trop de perdre certaines prérogatives en obtenant des droits. Bref, j'accumulai les habituels raisonnements, non sans laisser voir que je trouvais immoral d'imaginer qu'un homme pouvait--par quels moyens?--supplier une femme de lui donner sa voix. Aussi bien, au cours de la procession, les suffragettes avaient eu besoin du concours des policemen, et les suffragettes ne remplaceront jamais les policemen. Je donnai d'autres motifs d'ordre sentimental, et je fus hué par quelques aimables féministes.

Tout de même il y a quelque chose de très sérieux dans ce mouvement. Si certaines suffragettes ne voient dans les manifestations publiques qu'un prétexte à costumes originaux et à plaisantes cavalcades, il en est d'autres qui travaillent avec une âpre volonté pour le triomphe de leurs idées. Beaucoup, comme Mrs Belmont, la mère de la duchesse de Marlborough, appartiennent à l'aristocratie. Et rien n'est plus tenace qu'une Américaine pour qui la moindre occupation n'est qu'un moyen de prouver son indépendance. Enfin neuf États sur trente-neuf ont accordé aux femmes le droit de vote. C'est un résultat.

*
* *

Le 4 mars, j'assistai à la parade en l'honneur de M. Wilson. La voiture qui contenait les deux présidents passa au milieu d'une foule énorme et enthousiaste. Le caractère yankee est si prompt, si peu inquiet, que l'assistance sembla fort peu se préoccuper de dissentiments politiques. Pour elle, le Président d'hier et le Président de demain--si différents--représentaient la nation et elle s'associa cordialement au geste de M. Wilson lorsqu'il salua avec noblesse le drapeau des États-Unis (1).

Note 1: Mais le public se contenta d'applaudir: car en Amérique on ne se découvre pas devant le drapeau.

Le défilé des troupes eut lieu dans un ordre parfait et j'admirai surtout les West Point Cadets dont l'allure est à la fois élégante et martiale. J'ai remarqué que les régiments des États du Sud sont d'une tenue supérieure à ceux du Centre. Cela, m'a-t-on dit, parce que les New-Yorkais sont trop préoccupés par le souci des affaires pour être uniquement des soldats. L'explication m'a paru typique. Et j'ai goûté d'autant mieux les pittoresques costumes du Virginia military Institute, des Richmond Blues et du 5e régiment de Maryland qui rappellent les uniformes brodés et soutachés du premier Empire.

Mais ce que je ne saurais oublier, c'est la bizarre chevauchée des gouverneurs des États, tous en redingotes et coiffés de chapeaux hauts de forme, maintenant leurs coursiers bien en ligne, observant avec une gravité imperturbable l'allure militaire. Derrière eux, dans le même ordre merveilleux, d'autres cavaliers, les dignitaires civils en redingotes et en chapeaux hauts de forme, imitaient la démarche sévère de leurs chefs de troupe.


                     M. Wilson et M. Taft.

Dès que cette somptueuse parade eut pris fin, j'observai dans les tribunes où se trouvait réunie la belle société de Washington un changement subit d'attitudes. On parla politique et j'entendis les doléances des républicains qui venaient d'assister au triomphe des démocrates.

C'est que l'avènement de M. Wilson a une signification particulière. Et cette fois la belle confiance des Américains a lieu d'être troublée. C'est en approchant les deux Présidents que j'ai compris la tristesse soudaine et l'incertitude du monde des affaires. M. Taft m'avait fait l'honneur, deux jours avant son départ de White-House, de m'accorder une audience privée. Notre ambassadeur, l'aimable M. Jusserand, qui est à Washington le doyen du corps diplomatique, et M. Chandler Hale, secrétaire, d'État, avaient été mes gracieux introducteurs. M. Taft m'accueillit avec une bonhomie cordiale et me parla de Paris et de la France. Il m'entretint avec admiration de l'oeuvre de la Croix-Bouge dont il avait reçu des délégués quelque temps auparavant. Il me dit enfin que nous devions être heureux d'avoir désormais à la tête de notre pays un homme aussi éminent que M. Raymond Poincaré, dont la réputation aux États-Unis est immense. Ce prestige de M. Poincaré, je l'avais constaté déjà dans la société new-yorkaise où on le qualifie de «strong man». Puis M. Taft me questionna sur mes impressions d'Amérique. Après que je lui eus affirmé mon estime pour l'énergie et la puissance d'une nation où tout désir ambitieux se transforme en énergie utile, j'ajoutai que j'avais été frappé par l'antithèse des caractères si pondérés, si acharnés, si précis, lorsqu'il s'agissait du labeur quotidien, du «business» impérieux et dominateur, et si jeunes pourtant, si gais, si épris du luxe et du jeu. J'avouai que je trouvai un grand charme à ce côté un peu français.

--Ainsi, dis-je, je suis toujours surpris lorsque je vois des hommes graves, des magistrats, des professeurs, des industriels célèbres, se livrer à une danse endiablée, à ce «pas du dindon», le turkey-trot qui fait fureur en Amérique.

Sous la présidence de M. Wilson on ne dansera pas le «pas du dindon» à White-House.

M. Wilson parle peu. On ne sait pas ce que pense M. Wilson. Et le monde des affaires qui apprécie la discrétion, accueillerait fort bien M. Wilson, s'il n'avait par ses premiers actes ébauché tout un programme qui l'effraie un peu.

Avec le Président de demain, le ferment puritain est revenu à la surface des âmes américaines. Tout un parti s'exalte à la pensée de voir les moeurs sévères et rigoureuses d'autrefois renverser les idées actuelles. Car ce puritanisme marque un retour vers l'esprit des premiers conquérants du Nouveau-Monde. Le peuple, surtout, est satisfait: il pressent sa revanche contre les brasseurs de millions. Et certains industriels, pour la première fois, ne quitteront pas New-York au printemps, tellement les décisions présidentielles sont faites pour leur permettre toute crainte. Songez donc! M. Wilson a refusé le bal traditionnel qui eut toujours lieu le soir de l'installation à White-House; en outre, il proscrit le vin de sa table; il déclare qu'il ne veut plus d'avant-scène d'honneur au théâtre et que lorsqu'il va voir une pièce il entend que l'on supprime les tentures qui pourraient distinguer sa loge des autres; il prie les orchestres de ne jamais jouer l'hymne américain lorsqu'il paraît; il désire n'être qu'un simple citoyen parmi le peuple. Et le peuple est ravi.

Mais c'est au tour des élégantes américaines d'écouter Mrs Wilson avec stupeur. Mrs Wilson blâme les femmes qui dépensent beaucoup d'argent pour leur toilette. Un budget minime doit suffire. Mrs Wilson et ses filles se contentent de consacrer 35 francs à un corsage et 200 francs à une robe. Tout budget féminin qui excède 5.000 francs est exagéré. Et les femmes des secrétaires d'État font chorus. Le gouvernement est économe, austère et pratique. Tout est changé. Les ambassadeurs n'auront plus à envisager les difficultés d'un séjour à New-York. Le faste devient une manière d'inconduite. L'excentricité est bannie des moeurs. Nous ne verrons plus partir de Paris ces scintillantes bottines mordorées et les gants mauves ou roses qu'osaient, porter les jeunes misses émancipées. On assure que la misère sera moins grande le jour où les trusteurs cesseront d'être prodigues. Le monde des affaires s'en amuserait s'il n'était inquiet. Mais voici que M. Wilson renonce au yacht qui faisait la joie de ses prédécesseurs. Et l'on s'effare. Les honneurs que M. Wilson repousse ne s'adressaient pas à sa personne, mais au chef d'une nation. L'Amérique puritaine ne sera plus la patrie des fêtes ruineuses ni des folles élégances.
André de Fouquières.




LES PETITES OUAILLES BLANCHES DE L'ABBÉ POPULAIRE
Midinettes sortant de l'église Saint-Roch après le sermon de midi:
la Révoltée, la Résignée, la Bavarde, la Frivole, la Rêveuse...

C'est une charmante et bienfaisante idée qu'a eue un vicaire de la paroisse Saint-Roch, l'abbé Populaire, de convier en son église, pour une «neuvaine» spéciale, employée à de courts sermons familiers, «les ouvrières du quartier de l'Opéra». A midi, l'atelier a entr'ouvert ses portes et a laissé s'échapper toutes ces petites laborieuses, qui emplissent la rue d'un joyeux tumulte... Mais la libre flânerie est parfois mauvaise conseillère, et les gens d'expérience assurent qu'elle ne conduit ni à la sagesse ni au bonheur. Les quelque vingt minutes qu'elles lui consacraient, le prédicateur de Saint-Roch les a réclamées, pendant neuf jours, pour ses conférences. Vingt minutes, ce n'est guère! Mais il n'en faut point davantage pour faire méditer ces jeunes âmes, si frivoles en apparence, et si accessibles pourtant à la claire raison, et qui retrouvent avec tant de facile simplicité la foi de l'enfance.

La «neuvaine des midinettes» a commencé la semaine dernière. Dans la salle des catéchismes qui leur avait été réservée, elles se pressaient, un peu émues sans doute, offrant par avance aux admonestations leurs têtes brunes et blondes. Pour ses débuts, le prêtre les mit en garde contre les dangers de l'imagination, qui est, affirma-t-il, funeste aux jeunes filles. Après avoir ainsi gourmande, très paternellement, les Rêveuses, l'abbé Populaire parla tour à tour, dans les conférences qui suivirent, des Frivoles, des Bavardes, des Résignées, des Révoltées et des Déchues. Et chacune reçut la petite leçon qu'elle méritait.

Les voici toutes, au sortir de l'église, celles à qui l'excellent prédicateur vient de dire leurs vérités. Elles emportent avec elles la bonne parole, qui sans doute les rendra meilleures. Et, quand elles auront regagné l'atelier, les heures de travail leur paraîtront plus légères.




LA CONSÉCRATION DE LA VICTOIRE GRECQUE.
--A Janina: le Diadoque (qui allait être, le lendemain, le nouveau roi) assiste, avec les princes à la «Doxologie» célébrée par les Turcs de la ville en l'honneur de l'armée victorieuse.

--Phot. prise par M. Jean Leune, pendant le discours du mufti.

Le général Essad pacha. Croquis de M. Jean Leune, à bord au Pylaros, le 22 mars.
Le consul de France à Janina, M. E. Dussap, et sa femme, l'écrivain bien connu Guy Chantepleure.
Le colonel Vehib bey. Croquis de M. Jean Leune, à bord du Pylaros le 22 mars.

A JANINA

Pour compléter notre intéressante documentation sur la prise de Janina, nous ajoutons aujourd'hui aux notes et aux photographies de M. Jean Leune, publiées dans notre dernier numéro, cette page illustrée sur les lendemains de la victoire grecque. Ce sont encore, avec deux croquis rapides, par M. Jean Leune, des défenseurs de Janina, le général Essad pacha et le colonel Vehib bey, des photographies envoyées par notre intrépide correspondant à l'armée d'Epire. Voici le groupe sympathique et bien français que forment notre consul à Janina, M. Dussap et sa femme, connue en littérature sous le nom de Guy Chantepleure, deux vaillants qui, par leur attitude ferme et courageuse, ont su, à certains moments difficiles, imposer aux soldats turcs exaspérés le respect de la population grecque de la ville. Nos documents du bas de la page montrent des pièces de l'artillerie turque broyées sur la forte colline de Bizani, et constituent une sorte de bas-relief pour ce document de tableau d'histoire: le héros du jour, le Diadoque, assistant, sur un trône improvisé, à la cérémonie rituelle que les musulmans soumis célèbrent en l'honneur de leurs nouveaux maîtres.


L'artillerie turque de Bizani: pièces de 85 et de 105mm
détruites ou gravement endommagées par les obus de l'artillerie grecque.

--Phot. Jean Leune.




Le cercueil de Georges Ier transporté sur un affût de canon.--.Phot. A. Adossidès.

DE SALONIQUE AU PIRÉE.

A Salonique, le transfert, sur son yacht, l'Amphitrite, du roi assassiné, fut, le 25 mars dernier, une cérémonie très impressionnante. Parti de la résidence royale, le matin à 9 heures, le cortège funèbre, encadré de ces traditionnels evzones qui formaient la garde particulière du souverain défunt, s'achemina vers le port au milieu d'un immense concours de population recueillie. Toute la garnison avait pris les armes. Les drapeaux étaient surmontés de croix voilées de crêpe. Le cercueil, qui reposait sur un affût de canon, était enveloppé du drapeau national, sur lequel, à l'endroit de la tête, on avait placé la couronne, était suivi par la famille royale, et ce furent les princes et le nouveau roi lui-même qui, au port, transportèrent le corps à bord de l'Amphitrite. Il y eut, sur l'Amphitrite, un discours du métropolite parlant du roi «tombé au champ d'honneur». Et le bâtiment funèbre où s'était embarquée la reine Olga, soutenue par le roi Constantin, leva l'ancre et prit la direction du Pirée, où, retardé par le brouillard, il n'arriva que le 27 mars un peu avant midi. Il était attendu, sur le débarcadère, par tous les hauts dignitaires de la Cour et du royaume qui, dès que le bâtiment eut jeté l'ancre, montèrent à bord pour s'incliner, les premiers, devant la dépouille de leur souverain.


LES FUNÉRAILLES DU ROI GEORGES A SALONIQUE.
Au débarcadère: les princes hellènes, fils et petits-fils du roi, enlèvent le cercueil royal de l'affût de canon pour le transporter sur l'Amphitrite. A gauche de notre photographie et à droite du cercueil, les princes Christophore, Nicolas, le nouveau diadoque Georges et le roi Constantin; à gauche du cercueil, les princes André, Alexandre et Georges.


Arrivée au Pirée de l'Amphitrite portant le corps du
roi Georges.
--Phot. A. Gaziadès.

Pendant le débarquement du cercueil du roi Georges que continuaient de porter les princes de la famille royale, les batteries tirèrent des salves. Le corps fut, comme à Salonique, placé sur un affût de canon. Les deux reines et les princesses montèrent dans les voitures. Le roi suivit le cercueil que précédait le saint-synode et que traînaient sur son affût les marins hellènes. Derrière le nouveau souverain venaient les princes, le ministre luthérien, les ministres, les consuls étrangers, toutes les autorités civiles et militaires.

Au débarcadère et sur tout le trajet, on avait arboré les couleurs funèbres, blanc et mauve. Des oriflammes flottaient au vent, portant le monogramme du roi en or, surmonté de la couronne.

A la gare, un wagon mortuaire peint en blanc avec des bandes mauves latérales reçut le corps du souverain et, lorsque le train spécial s'ébranla pour se diriger sur la capitale, les canons des navires étrangers ancrés au Pirée tirèrent, en même temps que les batteries grecques, les salves de salut.

A Athènes, le cortège se rendit, au milieu d'une affluence énorme, à la cathédrale tapissée de couronnes, où, après une cérémonie religieuse, le cercueil a été déposé dans une chapelle, en attendant le jour des funérailles solennelles.


Le cercueil traîné sur un affût par les marins hellènes. --Phot. Rhomaïdès-Zeitz.


LE RETOUR A ATHÈNES DE LA DÉPOUILLE MORTELLE DU ROI ASSASSINÉ.
--Le cortège funèbre quittant le débarcadère du Pirée.
--Phot. A. Gaziadès.




SOFIA FÊTE LA PRISE D'ANDRINOPLE.--Manifestation devant
la statue du tsar libérateur Alexandre II.
--Phot. Karastoïanof.]

LA PRISE D'ANDRINOPLE

Les communications entre Andrinople et Sofia restent momentanément difficiles et d'une désespérante lenteur. Aucune des photographies ou des correspondances dont l'envoi nous a été annoncé par dépêche n'a donc pu nous parvenir encore et ne nous parviendra avant la fin de cette semaine.

On ignorerait tout, d'ailleurs, des conditions exactes dans lesquelles s'est produite la chute d'Andrinople, si deux longs et importants télégrammes d'un correspondant français et d'un correspondant italien (M. Ludovic Naudeau, du Journal, et M. Luigi Barzini, du Corriere délia Sera) n'avaient complété les brefs communiqués des états-majors bulgare et serbe et projeté un peu de lumière dans la chaos des nouvelles contradictoires et fantaisistes provenant de Sofia ou de Belgrade: prétendu anéantissement de la ville et de ses mosquées, mort supposée de Choukri pacha, etc.

Notre collaborateur M. Réginald Kann--que nous avions envoyé, nos lecteurs le savent, en Bulgarie, après la rupture de l'armistice et la reprise des hostilités--serait arrivé à Andrinople dès le 27 mars avec MM. Naudeau et Barzini s'il n'avait été victime, à son retour de Silistrie, d'un assez grave accident dont il se remet peu à peu, mais qui a nécessité son retour en France.

Quand M. Gustave Babin, parti à son tour pour la Bulgarie, a atteint Sofia, Andrinople était déjà aux mains des alliés. Il a pourtant continué sa route, et les impressions, les descriptions que nous attendons de lui auront un intérêt d'autant plus grand qu'elles seront illustrées d'après nature de dessins de M. Georges Scott.

A la nouvelle de la chute d'Andrinople, nous avons pensé en effet que le peintre des émouvantes scènes de guerre dans les Balkans, dont plusieurs ont été reproduites ici même il y a trois semaines, devait aller sur les lieux compléter son admirable collection de Kirk-Kilissé et de Loule-Bourgas.

M. Georges Scott a reçu aussitôt les autorisations nécessaires et, par l'Orient-Express jusqu'à Sofia, par les trains militaires ensuite, a gagné Andrinople où il a dû arriver mercredi, en compagnie de MM. les députés Messimy, ancien ministre de la Guerre, et Bênazet, rapporteur de la commission de l'armée.

En attendant ses envois et ceux de M. Gustave Babin, voici un exposé succinct de tout ce que l'on sait actuellement de l'événement le plus sensationnel de la guerre des Balkans:

La chute d'Andrinople, si longtemps, si fiévreusement attendue à Sofia, peut être célébrée par les Bulgares comme une belle et glorieuse victoire, mais elle ne met pas nécessairement fin à la guerre. Des trois points où les armées adverses de Thrace se trouvaient face à face, Boulaïr, Tchataldja, Andrinople, ce dernier est le seul dont la conservation ne semblait pas d'un intérêt vital pour les Ottomans. La perte des lignes de Tchataldja eût livré Constantinople au vainqueur; l'occupation de la péninsule de Gallipoli eût permis à la flotte grecque de pénétrer dans la Marmara et de bombarder Stamboul à revers; avec Andrinople, les Turcs ne voient disparaître qu'un gage précieux pour les négociations de paix et la capitulation de Choukri pacha, quoiqu'elle libère d'importants contingents alliés, modifie moins la situation stratégique que la situation morale au préjudice de la Turquie.

Pour les Bulgares, quel soulagement! C'est l'épine qu'on s'arrache du pied, le cauchemar persistant qui se dissipe. De même que la résistance de Port-Arthur gêna, pendant toute l'année 1904, le haut commandement japonais sur le Chaho; de même la présence, sur sa ligne de communications, de la forteresse ennemie, a entravé constamment les opérations du général Savof.

l'attaque et la défense


Après la prise d'Andrinople: la population de Sofia
acclame le ministre de Russie, M. Meklioudof.
Phot. M. Bitschef.]

Trois méthodes s'offrent à l'assiégeant pour s'emparer d'un camp retranché: l'attaque de vive force, le siège régulier, l'investissement. L'attaque de vive force consiste à concentrer sur un ou plusieurs points de la ligne de défense un feu intense, à la faveur duquel l'infanterie se lance à l'assaut des ouvrages. Le siège régulier permet de s'approcher de la place lentement, par une avancée constante, en creusant une tranchée profonde qui se dirige en zigzag vers la ligne de défense; les travailleurs y progressent peu à peu, à l'abri du canon de la place; on parvient ainsi jusqu'aux forts qu'on peut détruire par la mine. Par l'investissement on se contente d'entourer la ville, de l'isoler, et on compte sur la famine pour l'obliger à capituler; c'est le procédé le moins onéreux, mais aussi le moins rapide.


LA CHUTE D'ANDRINOPLE.
--Carte des opérations bulgares contre les forts de l'Est, dont la prise d'assaut a entraîné la reddition de la ville.
D'après les télégrammes de M. Ludovic Naudeau.

L'armée bulgare était assez mal outillée pour entreprendre un siège régulier. Ses troupes techniques--sapeurs, mineurs, artificiers--sont peu nombreuses et de qualité médiocre, s'il faut en croire certains témoins oculaires, notamment notre collaborateur A. de Penennrun. D'ailleurs le terrain argileux des environs d'Andrinople se prête mal aux terrassements; les pluies diluviennes de l'automne ne s'infiltrant pas dans le sol, les tranchées restent inondées; puis, lorsque les gelées arrivent, le travail de sape devient encore plus dur et plus pénible. D'autre part, l'artillerie de siège de l'armée bulgare ne compte que des pièces de calibre moyen, 150 et 120mm dont un grand nombre d'un modèle archaïque. Pas une pièce de 20cm, pas un mortier. A l'artillerie de campagne sont allés tous les crédits disponibles; on a négligé le matériel lourd. Aussi la tâche imposée au général Ivanof, chargé des opérations du siège avec un personnel de pionniers insuffisant et un matériel médiocre, paraissait fort ingrate.

Il est vrai que le camp retranché d'Andrinople ne présentait pas sur tout son développement des défenses également redoutables. Si les forts du secteur nord-ouest répondent à toutes les exigences de la guerre moderne, en revanche ceux du secteur est sont plus anciens et ne contiennent pas d'abris bétonnés; enfin, dans le secteur ouest et le secteur sud, les positions naturelles très solides n'ont été renforcées que sommairement par des redoutes de terre. L'infanterie et l'artillerie de campagne ottomane suffisaient amplement à la défense de toute la ligne; quant à l'artillerie lourde de Choukri pacha, elle était très supérieure à celle des assiégeants.

LES PHASES SUCCESSIVES DU SIÈGE

Lorsque les armées bulgares envahirent la Thrace, la 8e division descendant la Maritza, la 3e marchant du nord au sud convergèrent sur Andrinople. A cette période des hostilités il s'agissait de masquer la forteresse avec le moins de troupes possible afin de consacrer le maximum des effectifs à la lutte contre l'armée de campagne ennemie. L'investissement ne fut d'abord confié qu'à deux divisions et à une brigade de cavalerie qui suffirent à refouler les reconnaissances de Choukri pacha sur la ligne des forts et à rejeter ensuite dans la place une grosse colonne qui tentait de rejoindre l'aile gauche d'Abdullah pacha, engagée contre la 1re armée bulgare à Séliolou. L'arrivée d'une division nouvellement formée, puis d'unités serbes, permit, vers le 12 novembre, de compléter l'encerclement d'Andrinople et de la couper de toute communication avec l'extérieur. A ce moment deux divisions serbes, celles du Timok (1er ban) et du Danube (2e ban), tenaient les secteurs ouest et nord-ouest; les 8e et 11e divisions bulgares, plus la brigade de réserve de la 9e division, formaient la ligne de blocus des secteurs est et sud.

Le général Ivanof n'avait pas attendu que l'investissement fût achevé pour tenter des attaques brusquées sur plusieurs ouvrages de la défense, ceux des secteurs ouest et sud, qui sont les plus primitifs et les moins bien armés. Le 7 novembre, la 8e division s'emparait, après un combat de quelques heures, des retranchements de Kartal-Tépé, au sud du faubourg de Karagatch. Du côté ouest, il semble que les alliés aient été moins heureux et qu'après avoir occupé la position de Papas-Tépé ils en aient été chassés par un retour offensif de la garnison d'Andrinople. Jusqu'à la conclusion de l'armistice, au commencement de décembre, tous les efforts tentés pour reprendre Papas-Tépé ou pour déboucher de Kartal-Tépé vers Karagatch échouèrent.

Lorsque les hostilités reprirent, dans les premiers jours de février, les alliés avaient renoncé, semble-t-il, à prendre Andrinople par une attaque de vive force, comptant sur le blocus et le bombardement pour amener Choukri pacha à capituler. La ville étant largement pourvue de vivres, les obus n'y causant que peu de ravages, cette tactique ne pouvait amener la reddition de la place. Le commandement bulgare s'en rendit enfin compte et, reprenant son premier plan d'action, décida d'enlever Andrinople d'assaut.

Les opérations de la première période du siège avaient montré que les forts du secteur nord-ouest étaient trop puissants pour être pris à la baïonnette, que dans les secteurs ouest et sud l'espace manquait pour manoeuvrer. Restait le secteur est, le plus étendu, celui où la ceinture des ouvrages permanents forme un angle droit, dont le saillant, le fort d'Aïvas-Tabia, peut être attaqué à la fois par le nord et l'est; c'est le point faible de la ligne. Le général Ivanof résolut de faire exécuter des attaques dans tous les secteurs pour y fixer l'ennemi et de concentrer son principal effort sur Aïvas-Tabia et les forts voisins.

M. Ludovic Naudeau, envoyé spécial du Journal, qui put parcourir le terrain du combat quelques heures après l'action, nous raconte comment deux formidables batteries, de quarante pièces chacune, furent établies au nord et à l'est d'Aïvas-Tabia; 25.000 fantassins massés à proximité attendaient à l'abri que le canon leur eût frayé un chemin pour courir à la baïonnette sur le fort ennemi. Pendant la nuit du 24 au 25, l'infanterie, sortant de ses couverts, chassait les Turcs d'une position avancée, le mamelon de Maslak, situé à 2 kilomètres en avant d'Aïvas-Tabia. A l'aube du 26, tout était prêt pour l'attaque décisive contre cet ouvrage déjà fortement maltraité par les projectiles des grosses pièces bulgares.

l'assaut final

«Cependant, dit notre confrère, le moment suprême était arrivé. Le général Ivanof avait donné l'ordre au 23e, au 56e, au 53e et à un bataillon du 6e de s'élancer à l'assaut d'Aïvas-Tabia. Le 23e, qui s'avançait en tête, s'efforça de parvenir jusqu'au réseau des fils de fer. Il est accueilli par une grêle de balles, qui, en quelques minutes, lui cause des pertes terribles. Il creuse hâtivement des tranchées, il s'abrite, il avance par bonds, il arrive jusqu'aux fils de fer, qu'il commence à briser à coups de pioche, à coups de pelle, à coups de crosse. Mais alors la fusillade turque est si intense que ce qui reste du régiment a un instant d'hésitation et commence à reculer. Il a déjà perdu 2.000 hommes. C'est alors que le colonel s'élance en tête de ses soldats, portant lui-même le drapeau du régiment. En même temps, des batteries d'artillerie de campagne et des «howitzers» viennent, sous un feu terrible, se mettre en position tout près du 23e régiment, qui, reprenant courage, se rue de nouveau. Il est 5 heures du matin. Le 23e, à l'assaut, se fraie un passage à travers les fils de fer barbelés. Les hommes lancent leurs capotes sur les ronces d'acier, puis ils passent tant bien que mal, grâce à ce bizarre expédient. Les Turcs, en face de l'ascension obstinée de ces furieux que rien n'arrête, commencent à hésiter à leur tour et, tout à coup saisis d'effroi, ils abandonnent leur position et ils s'enfuient vers la ville.

» Les survivants du 23e sautent dans la tranchée. Ils sont dans le fort, que ne défend aucune force, et aussitôt l'artillerie bulgare (non seulement l'artillerie de campagne, mais un certain nombre d'obusiers) arrive au galop dans Aïvas-Tabia et y prend position. Déjà, on apprend qu'Hadjholou a été enlevé à 3 heures, et c'est le commencement de la fin. Toute la ligne des autres forts de l'est, désormais tournée et attaquée par le flanc, cède sans résistance. Aucune contre-attaque, aucun essai de reconquérir les positions enlevées par les assaillants n'est effectuera aucun, moment. La garnison de chaque fort s'enfuit, frappée de panique, ou bien elle se rend sans coup férir dans les autres secteurs.


Le général bulgare Ivanof, le vainqueur d'Andrinople.
--Phot. G. Woltz.]


La grande mosquée d'Andrinople. Cette photographie du célèbre monument, que l'on avait annoncé à tort avoir été détruit par les Turcs eux-mêmes avant l'entrée des Bulgares et qui est heureusement intact, a été prise cet hiver, pendant le siège.

Il en est de même partout. Les défenseurs des forts, trouvant leur situation intenable, abandonnent la défense et mettent bas les armes. Des milliers de soldats, qui ont jeté leur fusil, se précipitent, affolés, vers la ville. Ils s'efforcent de se cacher dans les maisons des habitants et de se procurer des vêtements civils. Et, pendant que se passent ces scènes lamentables, deux régiments bulgares entrent tranquillement, étendards déployés, dans la ville. A 10 heures du matin, Choukri pacha, qui venait de faire arborer le drapeau blanc sur la tour du guet et qui avait aussi, paraît-il, envoyé des parlementaires dans les divers secteurs pour demander des assiégeants la cessation des hostilités, n'a pas même le temps de voir revenir ceux-ci. Il est pris, purement et simplement, dans l'un des forts, l'Hadirlik, où il s'était réfugié.»

Ainsi s'écroulait, en quelques heures, la longue résistance de la garnison d'Andrinople.

Ce brusque anéantissement laisse une impression d'étonnement, presque de stupeur. On pouvait croire que la famine, les privations avaient affaibli le moral des défenseurs. Il n'en est rien. La ville contenait encore des approvisionnements en quantité. Certaines denrées, telles que le sel et le sucre avaient atteint cent fois leur prix ordinaire; mais le grain ne manquait pas; des troupeaux entiers de boeufs et de moutons pâturaient dans les jardins; il fallut tuer les chevaux des officiers et des attelages d'artillerie pour ne pas les laisser tomber vivants aux mains des Bulgares. La soudaineté de l'ouragan d'obus qui s'abattit sur eux, la fougue extraordinaire de l'attaque, paraissent avoir déconcerté les garnisons des forts et provoqué, chez ces soldats fatigués, une panique analogue à celle qui s'empara de leurs compagnons d'armes à Kirk-Kilissé et Loule Bourgas. C'est la lassitude, non la faim, qui a eu raison de l'armée de Choukri pacha.


UN CHEF-D'OEUVRE DE L'ARCHITECTURE OTTOMANE.
--La grande mosquée Sélimié d'Andrinople, aux 999 fenêtres.

Quel émouvant et magnifique symbole de la conquête que cette mosquée d'Andrinople, dont les puissantes assises reposaient, depuis des siècles, en terre ottomane, et qui, aujourd'hui, est tombée aux mains chrétiennes! Pour ceux que la force des armes a conduits jusqu'en ce sanctuaire de l'Islam, on ne saurait imaginer de prise plus superbe, ni mieux faite pour exalter l'imagination populaire; et il n'en doit pas être aussi de plus douloureuse au coeur des musulmans. A considérer ces voûtes hardies, d'où pendent les fils innombrables des lustres, ces colonnes, ces portiques, tout ce grandiose lieu de prière, on comprend l'obstination de la résistance turque... La mosquée du sultan Sélim, la mosquée aux 999 fenêtres, édifiée de 1568 à 1574 par Sinan, est une merveille de l'architecture ottomane. Formant un immense carré, agrandi, sur l'un des côtés, par l'enfoncement du «mihrab», elle dresse, à une hauteur de 35 mètres, sa coupole, qui porte sur huit arcades aux piliers arrondis. «La construction intérieure est en briques, sauf les piédroits et les corniches qui sont en pierre dure, dit, dans son bel ouvrage sur les Coupoles d'Orient et d'Occident, M. Alphonse Oosset; les piliers sont recouverts en partie de marbre, et disposés par panneaux en facettes étroites; les murs sont ornés de revêtements de faïence, puis de peintures... Les lampes suspendues en cercle donnent l'échelle de proportions à cet immense ensemble, où l'on ne sait ce qui est le plus à admirer, de l'inspiration du génie ou de l'exécution.» Des informations, aujourd'hui controuvées, avaient annoncé la destruction de la mosquée Sélimié: ce chef-d'oeuvre n'a fort heureusement souffert aucun dommage pendant le bombardement et après la chute de la ville.




L'INAUGURATION DU THÉÂTRE DES CHAMPS-ELYSÉES.
--La façade illuminée par le projecteur de la tour Eiffel.

Cette partie de l'avenue Montaigne proche de la place de l'Aima, qui était jusqu'à présent peu passagère le soir, est maintenant devenue, entre 8 h. 1/2 et minuit, un foyer d'animation et de lumière. Le théâtre des Champs-Elysées, où deux salles, l'une consacrée à la musique, l'autre à la comédie, s'offrent simultanément au choix du public, a fait, cette semaine, son ouverture, et c'est, à l'arrivée et au départ des spectateurs, un va-et-vient d'automobiles croisant les rayons de leurs lanternes, tandis que la façade marmoréenne de ce nouveau palais resplendit, des portes jusqu'aux bas-reliefs du statuaire Bourdelle, de la blanche clarté frisante que lui dispense le projecteur de la tour Eiffel...

L'inauguration du théâtre de musique, avec Benvenuto Cellini--que devait suivre, quelques jours plus tard, la première représentation de l'Exilée sur la scène de comédie--avait attiré une foule élégante et choisie, curieuse de voir les nouveautés promises, depuis longtemps, aux Parisiens. La salle claire, aérée, ne pouvait manquer de séduire par le confortable de son aménagement, qui permet au spectateur des commodités inaccoutumées, et par l'excellence de son acoustique. Il est certain qu'un heureux et considérable effort a été réalisé, grâce à M. Gabriel Astruc et à ses collaborateurs, les architectes Perret, pour doter la capitale d'un nouveau théâtre où l'on puisse goûter parfaitement les oeuvres lyriques; aussi le plaisir d'entendre a-t-il été sans mélange. La salle elle-même, toute en marbre gris rehaussé par les dorures des colonnes, avec sa coupole ornée d'importantes compositions décoratives du peintre Maurice Denis, est d'aspect sévère, non exempt de froideur. En ce moment où l'on s'ingénie à chercher un style inédit, tout essai, si intéressant soit-il, surprend volontiers notre goût. Peut-être regrettera-t-on seulement que celui-ci se soit trop directement inspiré de l'art mis en honneur à Munich et à Dresde: transplanté à Paris, il nous apparaît d'une solennité un peu sèche, délibérément indigente, et par là s'écartant de toute tradition française.


A la «Comédie des Champs-Elysées» dirigée par M. Léon
Poirier: une scène de la pièce d'ouverture, l'Exilée, par M. Henry Kistemaeckers.


Angle de la salle et de la scène du Théâtre lyrique,
dirigé par M. Gabriel Astruc.
--Photographies Gerschel.

DEUX NOUVEAUX THÉÂTRES DANS UN MÊME MONUMENT, AUX CHAMPS-ELYSÉES




Devant les tribunes: le général Lyautey s'entretient avec
le consul d'Allemagne.
--Phot. Nadelar.


L'automobile des ministres chérifiens qui arrivent de
Rabat pour assister au concours hippique.


Le général Lyautey félicitant un des vainqueurs du
concours, M. de Vaugelas, dont le cheval a franchi 1 m. 70 de hauteur.
LA PREMIÈRE RÉUNION SPORTIVE ET MONDAINE AU MAROC: LE CONCOURS HIPPIQUE DE CASABLANCA.
--Photographies de Mareschal.

Casablanca est en voie de devenir--en attendant le port bien outillé et les chemins de fer qui assureront sa prospérité--une des villes les mieux policées et les plus élégantes de l'Afrique du Nord. A y vivre, on ne se douterait point qu'il faut, presque chaque jour, continuer de se battre un peu plus loin en terre marocaine, pour conserver aux régions soumises et déjà organisées toute la sécurité qu'on leur a promise.

Donc, tandis que les combats se succèdent au seuil des régions encore impénétrées, des réunions sportives et mondaines s'organisent à Casablanca en pleine prospérité économique. Un officier de chasseurs d'Afrique soutenu par le club élégant de la ville «l'Ampha Club», qui réunit les personnalités les plus distinguées des colonies française et anglaise, a pris l'initiative de ces réunions. Et voici comment fut organisé le premier concours hippique du Maroc, qui eut lieu le 23, le 24 et le 25 mars, et dont le succès ne saurait étonner en ce pays où tout le monde monte à cheval et où une belle monture est le premier luxe des indigènes. Le résident général, qui fut un très brillant officier de cavalerie, et Mme Lyautey assistaient à cette réunion où toutes les notabilités étrangères étaient présentes ainsi que le pacha de Casablanca, Sr Guebbas, et les ministres chérifiens venus exprès, en automobile, de Rabat, pour suivre les épreuves que clôturèrent de splendides fantasias.


UN JOUR DE TEMPÊTE A CASABLANCA.--La jetée assaillie par un raz de marée.
--Phot. A. Fouet.

La mauvaise saison s'est fait rudement sentir, cette année, sur les côtes du Maroc, si peu propices aux navigateurs. Il ne s'est presque point passé de semaine où l'on n'ait eu à signaler quelque accident maritime, dû à la tempête, si souvent déchaînée en ces parages, et à l'insuffisance des abris. Les ports mêmes n'y offrent point aux bateaux de sûrs asiles: celui de Casablanca, que sa «barre» rend impraticable par les gros temps, ne leur a donné, tout cet hiver, qu'une hospitalité précaire. Tout récemment encore, le 23 mars, un raz de marée d'une extrême violence s'est abattu sur ses quais, les envahissant de ses eaux furieuses; mal contenues par les jetées trop basses, elles vinrent inonder les bâtiments de la douane, non sans grand dommage pour les marchandises qui y étaient déposées. Le même jour, deux voiliers étrangers se perdaient corps et biens dans 'la rade de Rabat, tandis qu'un troisième, la Marguerite, battant pavillon français, allait s'échouer, près de la ville, devant la caserne du tabor de police.

Quelle fut l'impétuosité du raz de marée, à Casablanca, notre photographie le montre de saisissante manière: le petit port assailli par les vagues, sur lequel se dressent, abandonnées, les grues inactives, la barre qui roule, toute proche, ses flots menaçants, les navires mouillés au large, composent une sinistre image... Mieux que tout commentaire, elle fait comprendre l'urgente nécessité des travaux d'aménagement reconnus indispensables, et dont l'adjudication, conclue la semaine passée, permet d'espérer la réalisation prochaine.




DES AILES!--Une colonie d'hirondelles de mer dans un îlot
de l'archipel des Philippines.
Phot. Chartes Martin.

Cette gravure qui semble un fragment de «poncif» pour frise décorative est la reproduction sans retouche d'un instantané pris par un voyageur, M. Charles Martin, dans un îlot de l'archipel des Philippines. Elle représente une envolée de sternes, les unes tachetées de gris, les autres recouvertes d'une livrée noire, toutes également blanches sous les ailes et sous le ventre.

La forme élancée de la sterne lui a valu le nom populaire d'hirondelle de mer. Pourtant ce gracieux palmipède a des moeurs bien différentes de celles du passereau qui vient nous annoncer chaque année le retour du printemps.

La sterne est essentiellement un oiseau de mer. Elle vit par bandes qui creusent leurs nids sur quelque plage déserte, en plein Océan, ou aussi loin que possible d'une région habitée. Dès que les petits sont en âge de voler, elles émigrent en masse vers quelque terre lointaine, et, intrépides voyageuses, parcourent ainsi des distances inimaginables. Nous citerons le cas d'une des trente-huit espèces du genre: la sterne arctique. Cet oiseau pond ses oeufs et élève sa petite famille dans les parages du Pôle Nord, et s'en retourne hiverner sur les rivages du continent antarctique! Sauf le temps de la nidaison, sa vie se passe à faire la navette entre les deux extrémités de l'axe de la terre.


M. Maurice Bertrand.        M. Edwards.               M. A. Hébrard. Dr. A. de Rothschild.               M. H. Bernstein.       


Cte Hallez Claparède.        Cte Boni de Castellane.        M.Messager. M. Astruc.        M. Sem dessinant M. Paul Robert.

UNE FANTAISIE DÉCORATIVE AU THÉÂTRE DES CHAMPS-ELYSÉES.
--Des croquis grandeur nature crayonnés par Sem sur les murs du bar.

Tandis que, dans ce théâtre des Champs-Elysées dont l'inauguration a été l'événement parisien de la semaine, la façade s'orne d'une noble frise due au statuaire Bourdelle, qui a également composé. pour l'atrium d'entrée et les couloirs des loges, une suite de bas-reliefs mythologiques, d'autres parties de ce palais où tout concourt au plaisir des yeux ont reçu une décoration moins sévère. Un élégant bar-fumoir y accueille, pendant l'entr'acte, les spectateurs désireux d'échanger quelques propos parmi les nuées légères des cigarettes: pour égayer ce lieu aimable, où, les soirs de «générale» passeront tant de contemporains notoires, quel artiste était plus désigné que Sem, leur dessinateur attitré? Il a croqué, avec sa verve coutumière, sur deux panneaux appliqués aux murs, et qui ne paraissent point s'en distinguer, quelques-unes des silhouettes sans lesquelles on n'imagine pas le Tout-Paris de 1913. Exécutées à la grandeur naturelle, elles donnent l'impression d'avoir été jetées, d'un crayon preste, sur la pierre même. Ainsi vivantes et toutes proches, elles serviront de fond, si l'on peut dire, aux causeries qui s'échangeront là, entre deux actes...




L'Institut et le Collège français de Madrid.

LA FRANCE ET SES SOEURS LATINES

A Madrid, l'inauguration de l'Institut français, à Rome, la constitution du comité Italia-Francia ont été, à peu de jours de distance, deux intéressantes et caractéristiques manifestations en faveur de l'amitié latine. Aussi réunissons-nous sous un même titre d'actualité les correspondances que nous avons reçues de Madrid et de Borné et qu'il comment de rapprocher.

L'INAUGURATION DE L'INSTITUT FRANÇAIS DE MADRID

Le 27 mars a eu lieu l'inauguration solennelle de l'Institut français de Madrid, sous la présidence de M. Steeg, ancien ministre de l'Instruction publique, délégué spécial du gouvernement français, et en présence du comte de Romanonès, président du Conseil espagnol, des ministres d'État, M. Navarro Reverter, et de l'Instruction publique, M. Lopez Muñoz, de l'ambassadeur de France M. Geoffray, de MM. Collignon, membre de l'Institut; Bayet, directeur de l'enseignement supérieur; Coullet, directeur au ministère de l'Instruction publique; des recteurs des Universités de Madrid, Bordeaux, Toulouse et Poitiers, de plus de cinquante universitaires français et autres notabilités des deux pays. L'Institut français de Madrid, analogue aux Écoles de Rome, d'Athènes, de Florence et de Saint-Pétersbourg, réunit désormais deux oeuvres naguère distinctes et d'ailleurs également méritoires. C'est, d'une part, l'École des hautes études hispaniques, fondée, sur l'initiative et sous la direction du savant archéologue M. Pierre Paris, par l'Université de Bordeaux pour permettre à de jeunes agrégés de poursuivre en Espagne leurs travaux, qui ont abouti déjà à des thèses fort remarquables. Et c'est, d'autre part, l'Union des Etudiants français et espagnols créée en 1908 par le doyen de la Faculté des lettres de Toulouse, M. É. Mérimée, pour organiser, à Madrid au printemps, à Burgos en été, deux séries de cours: espagnols à l'intention des maîtres ou élèves français se préparant à l'enseignement de cette langue; français pour les auditeurs espagnols, qui, l'an dernier, dépassaient, à Madrid, le chiffre de 150, tandis qu'à Burgos se formait une colonie scolaire de 125 Français. De ce double courant parallèle d' «échanges universitaires» franco-espagnols était née entre les Universités de Toulouse et Bordeaux, leurs promotrices, une «ardente et cordiale émulation», selon le mot de M. Steeg.


Le discours de M. Steeg, représentant du gouvernement
français, à l'inauguration de l'institut français de Madrid.

Mais toutes deux sentaient également, en raison même du succès de leur entreprise, l'urgente nécessité de substituer une installation définitive et personnelle à l'installation provisoire de l'École des études hispaniques en garni et de l'Union des étudiants à l'Université de Madrid, où le recteur, M. Condey Luque, leur offrait une affable hospitalité. L'heureuse coïncidence du transfert, dans un vaste terrain et un nouvel édifice, du Collège primaire et secondaire entretenu par la Société française d'enseignement de Madrid, le dévouement du président de cette Société, M. Delvaille, le zèle de nos ambassadeurs, MM. Revoil et Geoffray, les libéralités publiques et privées, ont permis d'édifier en moins d'un an auprès du Collège, dans un des meilleurs quartiers de Madrid, bel et sobre bâtiment, dû aux architectes MM. Galeron et Zabala, et qui offre un asile indépendant et confortable à la fois aux boursiers en mission d'études hispaniques et aux chargés de cours français à l'usage du public espagnol. C'est dans la grande salle de conférences qu'a eu lieu la cérémonie de l'inauguration de l'Institut, avec les discours de MM. Lapie, recteur de l'Université de Toulouse, Collignon, Delvaille, du ministre de l'Instruction publique espagnol, M. Lopez Muñoz, qui eut la délicate attention d'en prononcer une partie dans un français aussi correct que vibrant, et enfin de M. Steeg. Tous, après avoir retracé la genèse et défini le caractère de cette institution, ont célébré la reprise, consacrée par la ratification de l'accord marocain, des bons rapports franco-espagnols, dont l'interruption momentanée n'avait d'ailleurs point fait obstacle au succès de notre oeuvre universitaire. Mais encore fallait-il dissiper les préventions dont celle-ci pouvait être l'objet de la part de certains esprits susceptibles et enclins à regarder la création de cette sorte de Faculté française à Madrid comme une mainmise intellectuelle, si l'on peut dire, de la France sur l'Espagne. C'est à quoi s'est très opportunément appliqué M. Steeg en spécifiant que ce centre pédagogique et scientifique à la fois se conformerait au principe de la mutualité. Et l'annonce que, à la demande des universités françaises des notabilités espagnoles comme le docteur Ramon y Cajal, titulaire du prix Nobel, et l'éminent philologue Ménendez Pidal, iraient à leur tour donner des conférences en France, suivant l'exemple récent de M. Altamira, directeur de l'enseignement primaire, à la Sorbonne, en fut un gage suffisant.

La cordialité qui n'a cessé de régner durant ces fêtes, à la séance d'inauguration comme au déjeuner offert par le comte de Romanonès à M. Steeg, au dîner, et à la brillante soirée de l'ambassade de France, s'est peut-être manifestée d'une façon plus expressive encore pendant l'excursion des délégués français à Tolède, où les exercices exécutes devant eux par l'École d'infanterie et les hymnes des deux pays joués par sa musique ont fourni l'occasion de toasts chaleureux en l'honneur de chaque armée. Quant au roi Alphonse XIII, partisan convaincu de l'entente franco-espagnole, si son accident de cheval a obligé de supprimer le déjeuner auquel il avait invité M. Steeg et la, réception des universitaires français au palais, l'audience précédemment accordée par lui à notre envoyé officiel avait témoigné de l'intérêt et de la sympathie qu'il porte à cette belle oeuvre.
J. Causse.



«FRANCE-ITALIE» ET «ITALIA-FRANCIA»

Dans la jolie villa Cavalieri s'est constitué à Rome, récemment, le comité Italia-Francia qui, sous la présidence honoraire du marquis Visconti-Venosta, travaillera de concert avec le comité France-Italie présidé par M. Pichon, à resserrer les liens qui unissent les deux pays.

On remarquait parmi les assistants à la réunion: M. Luigi Luzzatti, ancien président du Conseil; le chef socialiste réformiste, le député Bissolati; M. Salvatore Barzilai, l'un des meilleurs orateurs du Parlement; le leader républicain Eugenio Chiesa; le sénateur Martini, ancien gouverneur de l'Érythrée; M. Carcano, conservateur, vice-président de la Chambre; le sénateur Pompéo Molmenti, bien connu; le sculpteur Léonardo Bistolfi; M. Guglielmo Ferrero, l'historien si apprécié en France.


     M. Luigi Luzzatti, qui préside
     le comité Italia-Francia.


     Le commandeur Enea Cavalieri,
     secrétaire du comité Italia-Francia.

Le comité qui s'est formé a désigné comme secrétaire général le commandeur Enea Cavalieri.

Celui-ci, avec beaucoup d'amabilité, a bien voulu, en quelques mots, me dire, pour l'Illustration, quelles étaient les intentions du nouveau comité:

«En nommant comme président d'honneur un diplomate tel que le marquis Visconti-Venosta, dont personne en France n'a oublié le rôle à la conférence d'Algésiras, nous avons voulu, me dit-il, montrer la tradition de la politique italienne qui a été toujours la plus cordiale vis-à-vis de la France.

» Notre comité n'a pas, nominalement, de président effectif, mais, comme M. Luzzatti se trouve en tête des fondateurs du comité Italia-Francia, c'est lui qui remplit effectivement cette charge.

» Nos statuts visent à la constitution de deux bureaux: l'un qui aura pour objet les études littéraires ou artistiques intéressant les deux pays, l'autre qui s'occupera des questions politiques et économiques.

» Remarquez bien que nous ne voulons pas que notre activité économique devienne purement commerciale; certes, si de grandes questions touchant nos deux pays sont en jeu, nous y donnerons toute notre attention, mais nous ne voulons pas chercher à conclure des affaires.

» Ce que nous désirons, c'est encourager tout ce qui se fait en Italie, pour mieux faire connaître et apprécier la France.

» Nous organiserons des conférences, nous soutiendrons les institutions qui s'occupent de propager en Italie la langue et la culture françaises.

» Nous espérons pouvoir bientôt envoyer une forte délégation porter au comité France-Italie à Paris les salutations de notre comité italien.»

La presse a salué avec sympathie la formation du nouveau comité et les grands journaux romains y ont consacré leur éditorial.

A peine constitué, le comité Italia-Francia a reçu de nombreuses adhésions de toutes les parties de l'Italie et il compte actuellement parmi ses membres la plupart des noms qui, à l'étranger, personnifient l'Italie intellectuelle.

Il a devant lui un bel avenir pour le plus grand bien des deux nations latines.
Robert Vaucher.



La voiture présidentielle à la sortie du congrès mutualiste. Le cortège officiel au château d'eau du Peyrou.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A MONTPELLIER

M. POINCARÉ A MONTPELLIER

Pour sa première visite officielle aux provinces françaises, M. Raymond Poincaré a reçu, dimanche dernier, à Montpellier, un accueil inoubliable. On ne vit jamais, de mémoire de Méridional, et sous la pluie, un pareil enthousiasme, de plus chaleureuses ni de plus unanimes acclamations. Ajoutons aussi que rarement, un chef de l'État eut des gestes et des mots plus opportuns, plus heureux, et ne sut s'adresser avec plus de tact au coeur de la foule.

M. Poincaré s'était rendu à Montpellier pour clôturer le congrès national de la mutualité française. Son voyage, au programme très chargé, fut cependant très court et l'on peut dire qu'il battit le record de la célérité. Alors, en effet, que les rapides ordinaires mettent une quinzaine d'heures pour couvrir les 850 kilomètres qui séparent Paris de l'Hérault, en moins de trente-quatre heures, M. Poincaré, accompagné de M. Louis Barthou, président du Conseil, et de M. Chéron, ministre du Travail, a effectué le trajet d'aller et retour, entendu vingt harangues, répondu autant de fois, prononcé deux beaux discours, présidé une séance solennelle et un banquet, assisté à une fête champêtre et visité une clinique et un hôpital.

Les journaux quotidiens ont donné un compte rendu détaillé de ces fêtes et cérémonies auxquelles avait voulu assister un éminent ami de la mutualité et de tout ce qui est français, le prince de Monaco. L'une de nos photographies donne une vision de la foule massée devant le théâtre à l'instant où le président de la République, qui venait de clôturer le congrès mutualiste, sortait pour se rendre au manège d'artillerie où avait lieu le banquet de 2.500 couverts. La fête champêtre eut pour cadre la fameuse promenade du Peyrou, dominée par le château d'eau, d'où, lorsque le temps est clair, on aperçoit la mer. Des grisettes montpelliéraines, soeurs des midinettes de Paris, récitèrent un compliment en languedocien, et, sous des arceaux de verdure et de fleurs entrelacés, des groupes de jeunes garçons et de fillettes, de jolies pitchounettes en costume traditionnel, exécutèrent les danses locales de la Treille. M. Raymond Poincaré complimenta avec esprit, serra des mains, embrassa des enfants, entendit quarante fois la Marseillaise et, au bout de sa journée, salué par une dernière formidable acclamation, reprit, à 7 heures, le train de la capitale.

LA SUCCESSION DE M. LÉPINE

En revenant du voyage présidentiel où il remplissait pour la dernière fois les fonctions de directeur de la Sûreté générale, M. Hennion est allé recevoir des mains de M. Lépine le sceptre, ou, pour mieux dire, le bâton blanc de la préfecture de police.

Le successeur de M. Lépine est né dans un bourg du département du Nord, à Gommegnies, près d'Avesnes. Il a même aujourd'hui la satisfaction d'être le maire de sa commune natale.

Engagé dans l'infanterie pour cinq ans, M. Hennion quitta son régiment en 1885, avec les galons de sergent-major, et, dès l'année suivante, il entrait à la Sûreté générale. Nommé, un peu plus tard, commissaire spécial à Paris; puis envoyé, sur sa demande, à Verdun, comme commissaire de police (il y resta près de trois ans pour étudier le fonctionnement de la police en province), il était rappelé en 1893 à la Sûreté générale, et, depuis vingt ans, il n'a plus quitté ce service qu'il dirigeait depuis six ans.


     M. Hennion.--Phot. Gerschel.

Sa figure n'est pas encore aussi connue des Parisiens que celle de M. Lépine. Elle l'est, en tous cas, des habitués des champs de courses, où, pendant douze ans, M. Hennion pourchassa les parieurs au livre au grand profit du Trésor, qui du pari mutuel allait tirer les admirables ressources que l'on sait... On a vu aussi M. Hennion en province, puisqu'il y fut, à l'occasion de plus de cent voyages de chefs d'État, l'organisateur des services d'ordre.

Mais, surtout, M. Hennion est le créateur de ces brigades mobiles qui ont transformé les conditions de travail du service des recherches. Grâce à lui encore, ce service se trouve aujourd'hui pourvu de tout l'outillage moderne qui ne lui a manqué que trop longtemps: archives criminelles centralisées à Paris, ateliers de photographie constitués dans les commissariats et aux sièges des brigades mobiles, application de plus en plus étendue de la téléphonie et de l'automobilisme aux opérations de Sûreté générale...


M. Pujalet dans son ancien
cabinet du Louvre
--Phot.
Vizsavona.

Grand, robuste, la moustache courte et jeune, la démarche aisée, le geste prompt, le nouveau préfet de police est un quinquagénaire favorisé par la nature: il a le visage d'un homme de quarante ans à peine.

M. Eugène Pujalet qui succède à M. Hennion comme directeur de la Sûreté générale n'est âgé que d'une quarantaine d'années. Il a débuté dans l'administration, il y a dix-neuf ans, comme chef de cabinet du préfet du Tarn. A vingt-trois ans, il était appelé à Paris connue secrétaire du directeur de la Sûreté générale, passait de ce service à la direction du cabinet de M. Blanc, préfet de police, et, en 1899, revenait à la Sûreté générale avec les fonctions d'inspecteur des commissariats spéciaux. Après le vol de la Joconde, on confia à M. Pujalet, jeune, énergique, plein d'initiative, la direction provisoire des musées nationaux où il réorganisa si bien la surveillance et la discipline du personnel que ses fonctions venaient, il y a quelques mois, de lui être confirmées à titre définitif... Définitif, on le croyait du moins, puisque voici le directeur des musées d'hier devenu le directeur de la Sûreté d'aujourd'hui.



DEUX PHOTOGRAPHIES
DU DÉFUNT ROI GEORGES DE GRÈCE

Un de nos excellents correspondants, M. Franz de Jessen, nous envoie de Copenhague, avec ces quelques lignes de commentaire, deux documents curieux et rares sur la jeunesse du roi Georges de Grèce qui vient d'être si lâchement assassiné après un règne prospère de cinquante ans:

La première de ces photographies représente le roi, alors prince Guillaume de Danemark, en uniforme des cadets de la marine danoise. Elle date du mois de décembre 1862, c'est-à-dire quelques mois avant l'élection du prince au trône des Hellènes (30 mars 1863). Le prince fut, en effet, à l'époque de son élection, cadet de la marine danoise,--ni plus ni moins. Il est à faire remarquer qu'à ce moment son père (feu le roi Christian IX), n'avait pas encore pris possession de la couronne danoise, portée alors par le roi Frédéric VII (mort en novembre 1863), tandis que le prince Christian n'était qu'héritier présomptif. La nomination du prince Guillaume au grade d'officier de marine n'eut lieu que le jour même où le roi Frédéric VII acceptait au nom du jeune prince l'offre apportée par la députation hellène, présidée par le vieux et fameux amiral Kanaris (audience solennelle au château de Krigtiansbors à Copenhague, 6 juin 1863).


Le prince Guillaume de Danemark en 1862, à la veille d'être appelé à gouverner le royaume de Grèce, sous le nom de Georges Ier.

Le roi Georges de Grèce après son avènement, en 1864, entouré de sa suite danoise.

L'autre photographie est prise à Athènes après l'avènement du roi Georges, en été 1864.

Le nouveau roi avait alors dix-huit ans. Il est entouré par sa suite danoise, c'est-à-dire les officiers danois qui l'ont accompagné en Grèce. Le roi est le jeune homme coiffé d'un chapeau melon, assis au milieu. Il a à ses côtés (également assis) le baron de Gyldenèvone. A gauche du roi (debout) le capitaine Funch, derrière le roi (debout) le lieutenant des dragons Hannibal Leth.



LENDEMAIN DE RÉVOLUTION

AU MEXIQUE

Si l'ordre règne maintenant à Mexico, après la violente tragédie, la sauvage guerre de rues, qui ensanglanta la ville et qui se termina par le meurtre du président Madero et du vice-président Suarez, des ruines demeurent que l'on mettra peut-être longtemps à relever.

Les obus, qui, pendant trois jours, se croisèrent entre le palais où s'était retranché le gouvernement et l'arsenal où s'étaient fortifiés les révolutionnaires, portèrent un peu partout leur oeuvre de destruction et de mort, parmi les paisibles demeures et les monuments publics, dans les rues et sur les places qui, en certains endroits, furent jonchées de cadavres que l'on brûla sur place.

Nous publions ici deux des nombreuses photographies qui nous ont été communiquées sur les lendemains de cette convulsion politique et qui témoignent de la violence aveugle de ce bombardement à l'intérieur d'une capitale.



DOCUMENTS & INFORMATIONS

La production totale du diamant.



Dans son Traité de métallogénie, M. de Launay cherche à évaluer la quantité totale de diamant extraite du sol depuis que l'on commença à apprécier ces brillants cailloux.

Tous les anciens diamants venaient de l'Inde. Les mines de ce pays, aujourd'hui complètement épuisées, auraient fourni environ 2.000 kilos.

En 1723 on découvrit les gisements du Brésil, qui ont donné 2.500 kilos de diamants représentant une valeur brute de 500 millions, soit 40 francs le carat (1 carat = 20 centigrammes). Mais, depuis quelques années, la production annuelle est réduite à 350 carats ou 70 grammes.

Aujourd'hui le monde entier est alimenté par les mines du Cap, trouvées en 1870. La production a atteint 3.600 carats en 1887 et en 1898; depuis lors, le syndicat des mines a limité l'extraction afin d'éviter la formation d'un stock trop considérable.

Voici la production mondiale de 1909:

Cap (Cie de Beers).         1.860.000 carats.
Transvaal.                  1.929.492
Orange.                       656.319
Afrique allemande.            400.000
Guyane anglaise.                5.646
Nouvelle-Galles du S.           2.205

La valeur des pierres diffère beaucoup selon la provenance; le diamant brut du Cap vaut en moyenne 40 francs le carat, celui du Transvaal, 16 francs.

M. de Launay est amené à évaluer ainsi la production totale du diamant depuis l'origine:

                               Millions           Valeurs en millions
                               de carats.             de francs.

Inde.                             10                     426
Brésil (1723-1910).               12                     500
Afrique du Sud (1867-1910).      120                   3.900

Total.                           142                   4.826

Ces 142 millions de carats de diamant brut représentent 28,4 tonnes et 8 mètres cubes, avec une valeur brute de près de 5 milliards.

En tenant compte de la taille, le volume peut être diminué de moitié; mais la valeur marchande, aux cours actuels, peut être quintuplée. Nous arrivons donc à un total de 4 mètres cubes de diamants taillés, valant 24 milliards et pouvant tenir dans une caisse mesurant 2 mètres de longueur et 2 mètres de largeur sur 1 mètre de hauteur.

Devant de tels chiffres, qui font sourire les femmes et rougir le philosophe, on se demande comment le monde peut encore absorber chaque année pour 140 millions de diamants bruts qui, taillés, représentent un achat d'environ 600 millions.

L'aménagement des montagnes dauphinoises.



L'Association dauphinoise pour l'aménagement des montagnes a pour but l'amélioration du domaine forestier et du régime pastoral dans les régions montagneuses du Dauphiné. Fondée à Grenoble, il y a quelques années, elle a déjà obtenu des résultats sérieux, malgré la faiblesse des ressources dont elle dispose.

Grâce à une active propagande, plusieurs communes ont cessé d'accueillir les moutons de Provence qui venaient, chaque été, achever la dévastation de leurs pâturages, en même temps qu'ils rendaient impossible toute tentative de reboisement. Dans ces conditions, on a constaté, au bout de trois ou quatre ans, une véritable renaissance de la végétation forestière et pastorale; dans l'Oisans, notamment, des coteaux abrupts, rongés par le ruissellement et les avalanches, se couvrent peu à peu d'un manteau forestier protecteur. Les plantations réussissent dans la proportion d'environ 70%.

Mais cela coûte cher. Beaucoup de communes ne comprennent pas encore leur véritable intérêt; d'autres ont des ressources si modiques que l'association doit prendre à sa charge le déficit causé dans la caisse municipale par la non-location. A ces frais et à ceux de propagande viennent s'ajouter les dépenses pour la création de pépinières et pour les plantations, et encore les subventions à diverses initiatives particulières, telles que les reboisements d'un caractère esthétique entrepris par le Syndicat d'initiative du Monestier-de-Clermont.

L'association demande à ses adhérents une cotisation minime: 2 à 10 francs, au gré de chacun. Il semble donc permis d'espérer que le nombre de ces adhérents augmentera rapidement, surtout dans les régions intéressées à une oeuvre dont personne ne saurait discuter l'utilité.

Pylône d'une horloge publique
éventré par les obus.
Maison criblée par la mitraille.
--Photographies de M. J.-B. Moreau.

LES RUINES DE LA GUERRE CIVILE A MEXICO




Vue panoramique de Vendôme, montrant comment la ville est
dominée par la tour de Saint-Martin.
--Phot. H. Chartier.

La fin d'un scandale.



L'administration des Beaux-Arts a prononcé, la semaine dernière, le classement du clocher de Saint-Martin, à Vendôme: ainsi va prendre fin, à la satisfaction de tous les défenseurs de nos richesses monumentales menacées, et des Vendômois tout des premiers, le scandale qu'avait publiquement révélé, à la tribune de la Chambre, M. Maurice Barrés.

Nous avons, dans notre numéro du 22 mars, publié les deux photographies qu'avait montrées à ses collègues le député de Paris, comme preuve des fâcheux travaux exécutés dans la tour. Pour répondre au désir qu'on nous a exprimé de divers côtés, nous reproduisons aujourd'hui une vue d'ensemble du clocher de Saint-Martin. Son seul aspect justifie l'émotion unanimement provoquée par l'acte de vandalisme dont il a été l'objet: c'est bien l'une des parures de Vendôme que l'on avait tenté de déshonorer, et que l'arrêté de classement vient de sauver fort à propos.

La disparition du Café anglais.



Après Tortoni, la Maison Borée, le café du Helder, voici que disparaît le Café anglais. Un immeuble de rapport va remplacer la maison vieux jeu, aux fenêtres étroites et basses, qui, depuis longtemps, paraissait sommeiller au coin du boulevard et de la rue de Marivaux, dédaignant toute modernisation susceptible d'éblouir les passants qu'étonnait un pareil anachronisme à deux pas de l'Opéra et de l'Opéra-Comique.

Fondé dans les dernières années du dix-huitième siècle, ce restaurant célèbre connut sa plus grande prospérité sous le second Empire. Gros financiers, artistes enrichis, littérateurs en vogue, princes de tous pays, s'y rencontraient avec l'aristocratique «jeunesse dorée» qui continuait avec autant de brio que ses aînés, mais peut-être moins de désinvolture, la tradition des soupers de la Régence. La finesse de la cuisine, la supériorité de la cave étaient aussi justement renommées que la discrétion du lieu et le ton imposé par une clientèle ultra-select.

Après la guerre, les soupeurs d'antan se reposèrent; ceux de la nouvelle génération adoptèrent la brasserie, recherchant le coude à coude, la gaieté bruyante et l'addition discrète. Un instant, le Café anglais, acheté par une société, connut des jours moins heureux. En 1876, il fut acquis par le propriétaire actuel, M. Burdel, qui sut ramener chez lui une clientèle hésitante et s'en faire une nouvelle. On ne soupait plus guère au Café anglais; mais on y déjeunait et l'on y dînait. Les boursiers, quelques hommes de lettres parmi lesquels Sardou fut le client le plus fidèle, les riches étrangers, tous les gens fortunés sachant vraiment manger, fréquentaient assidûment cette maison hors rang dont la table continuait à lutter victorieusement avec celle des plus somptueux palaces. Au passant rapide, le Café anglais semblait vide et abandonné; en réalité, il faisait de brillantes affaires.

Sa disparition est la conséquence de la plus-value formidable dont profitent depuis quelque temps les terrains du quartier de l'Opéra. L'immeuble, voué à la démolition immédiate, occupe une surface de 198 mètres. Il a été vendu 1.500.000 francs, ce qui fait ressortir le prix du terrain à 7.000 francs le mètre.

Le prix d'un cuirassé en Angleterre et en Allemagne.



L'Engineering vient de publier des renseignements intéressants sur le prix actuel des navires de guerre construits en Angleterre et en Allemagne.

Les cuirassés allemands du type Kaiser, construits par les chantiers impériaux, et ceux du type Kaiserin, construits par des chantiers privés, ont les mêmes caractéristiques générales: 170 mètres de longueur, 24.000 tonnes de déplacement, turbines de 28.000 chevaux ayant donné aux essais une vitesse de 21 noeuds. Les premiers ont coûté 59 millions et demi; les autres, 60 millions.

Les bâtiments anglais du type King George V, un peu moins gros que les unités allemandes (166 mètres de longueur et 23.000 tonnes de déplacement), ont la même puissance et la même vitesse; ils ne coûtent que 50.400.000 francs. En outre, l'armement, quoique très supérieur à celui des cuirassés allemands correspondants, a coûté environ 6.500.000 francs de moins par navire.

Le Goeben, croiseur de la marine germanique, mesure 184 mètres de longueur, déplace 22.600 tonnes avec une force de 52.000 chevaux; il a coûté 55 millions. Le Lion, de la marine britannique, mesure 198 mètres, déplace 26.300 tonnes et utilise une puissance de 70.000 chevaux; il a coûté 51.700.000 francs.

De façon générale, l'écart des prix de construction entre les divers chantiers de l'Angleterre ne dépasse pas 2 %; et ces prix représentent une économie de 8 à 15 % sur ceux des chantiers allemands.

La maison de Balzac.



Le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts a tenu à classer parmi les monuments historiques le petit pavillon avec jardin que Balzac vint habiter à Paris, au numéro 24 actuel de la rue Pierre-Berton, lorsqu'il fut obligé de vendre, pour cause de dettes, son chalet des Jardies, à Sèvres.

C'était, transformée au goût moderne, une aimable résidence du dix-huitième siècle appelée la Folie-Bertin, où Bertin de Blagny, financier artiste, avait donné plus d'une fête en l'honneur de Mlle Hus, pensionnaire du Théâtre-Français.

Peut-être sa situation tenta-t-elle le grand écrivain du dix-neuvième siècle, plus encore que ses souvenirs. Car elle avait deux issues: ressource précieuse pour fuir les créanciers importuns. Là, l'auteur de la Comédie Humaine acheva, au cours de veilles laborieuses, sa grande histoire de la société moderne, avec Ursule Mirouet, la cousine Bette, Modeste Mignon, le Cousin Pons, et ce Mercadet qui fut comme un reflet de ses luttes avec ses créanciers.

Le pavillon de la rue Berton est aujourd'hui le musée que la Société des Amis de Balzac a meublé de pieux souvenirs. Par la porte-fenêtre de la pièce, qui fut le cabinet de travail de l'écrivain, on accède au jardin où il aimait à se promener, vêtu d'un froc blanc de dominicain dont il avait fait son costume d'intérieur. Parfois même il y faisait porter sa baignoire, pour se reposer en plein air et dans l'eau.

Nidifications précoces.



Avec les hivers particulièrement doux qui sont la règle depuis quelques années, les oiseaux commencent à se sentir désorientés, et on les voit faire leur nid et pondre en des saisons tout autres que la normale. Les faits qui suivent et qu'a recueillis un observateur anglais, dans le Cheshire, donnent l'impression que normalement il y a chez les oiseaux une tendance à une seconde saison reproductrice en automne, tendance qui se réalise quand le temps est favorable.

En 1911, l'observateur en question a trouvé des oeufs de ramier le 25 octobre; des oeufs de roitelet en décembre; de jeunes étourneaux aussi en décembre. En 1912, il a trouvé des oeufs de linotte (janvier), de roitelet (janvier), des jeunes d'étourneau (janvier), des oeufs de merle, de moineau, etc., en novembre et décembre. En 1913, il a vu des oeufs de merle en janvier; de jeunes étourneaux aussi en janvier, et de diverses autres espèces aussi des oeufs et des jeunes, toujours en janvier.

Le Japon et la Chine vus par un artiste.



D'un récent voyage au Japon et en Chine, où il était allé chercher des sujets nouveaux d'inspiration, M. H. Le Riche, le peintre et dessinateur bien connu, a rapporté une ample moisson de croquis et d'études plus poussées, à l'huile et à l'aquarelle, dont, à plusieurs reprises, L'Illustration a eu la primeur. Ces études, M. Le Riche les réunit aujourd'hui en une exposition qui vient de s'ouvrir à la Galerie Georges Petit: elles constituent un ensemble d'un rare attrait, par lequel s'affirme le charme varié de ces impressions d'Extrême-Orient, dont nos lecteurs auront eu un délicat avant-goût.



UNE GRANDE LORRAINE

Une Lorraine de grand coeur, qui fut l'une des premières à honorer la mémoire de nos soldats tués sur les champs de bataille de 1870, Mme veuve Adolphe Bezanson, née de Viville, belle-soeur de Paul Bezanson qui fut maire de Metz en des temps difficiles, de 1871 à 1877, vient de disparaître, à un âge très avancé. Sa mort a été vivement ressentie dans tout le pays annexé, où elle était entourée d'une touchante vénération.


    Mme Adolphe Bezanson.
        --Phot. Prillot.

Bien avant que fût fondée l'Association des Dames de Metz, Mme Bezanson s'était donné la noble tâche d'entretenir et de parer les tombes des Français tombés, pendant la guerre, autour de la grande ville lorraine. Chaque année, à la Toussaint, et quand revenaient les douloureux anniversaires, elle se rendait secrètement au cimetière Chambière, dissimulant sous ses vêtements des fleurs et de petits outils de jardinage, avec lesquels elle nettoyait pieusement les tertres. Plus tard, on osa rendre ostensiblement hommage à nos morts. L'honneur lui reste d'avoir commencé cette oeuvre du Souvenir, à laquelle les Alsaciens-Lorrains sont restés, malgré les obstacles, si fidèles.

Mme Bezanson était titulaire de la médaille des anciens combattants de Gravelotte et de la médaille en or de la Société pour l'encouragement au bien. Cette distinction, qui ne se décerne qu'une fois par an, lui avait été remise solennellement par le président de la République en 1908.

Metz a fait à cette grande Lorraine des obsèques émouvantes.


        Le célèbre banquier américain, John Pierpont. Morgan.

PIERPONT MORGAN

M. Pierpont Morgan est mort à Rome, dimanche dernier. Il est mort après quelques jours de maladie, tout comme le plus modeste des rentiers... «Gastrite aiguë, compliquée de prostration nerveuse», disent les dépêches.

Il avait soixante-seize ans, étant né le 17 avril 1837, à Hartford, dans le Connecticut. Et la première originalité de ce milliardaire fut de n'être pas «parti de rien». Il faut que les biographes en prennent leur parti; ils n'auront pas, cette fois, la ressource d'exciter l'imagination populaire, au récit d'aventures d'enfance pathétiques, de débuts misérables et attendrissants. Le jeune Pierpont Morgan, avant de devenir le roi de la finance, ne fut point le gamin qui apprend à lire tout seul, cire les bottes et vend des journaux dans les trains. Pierpont Morgan avait des papiers de famille et une généalogie. Ses aïeux, émigrés d'Angleterre aux États-Unis, s'étaient établis au Massachusetts en 1636; et voilà donc plus de deux siècles et demi qu'il existe en Amérique des parents de ce génial manieur d'affaires. Il avait fait, à Hartford, de bonnes études. Il avait été étudiant à Boston; puis, après un séjour en Suisse, il avait fait un stage en Allemagne, à l'Université de Gottingen. En 1857, à vingt ans, il entrait dans la maison de son père, qui était alors banquier à Londres.

L'apprentissage ne fut pas long. Le propre du génie n'est pas seulement d'apprendre vite, mais de deviner ce qu'il ignore. Il se sépare, au bout de peu de temps, de son père, pour devenir à New-York son correspondant, en même temps que le directeur d'une banque qu'il y fonde,--la banque Dabney Morgan and Co. Le novice est désormais lancé. En moins de dix ans, il est l'un des rois des chemins de fer aux États-Unis.

On a dit de Pierpont Morgan qu'il était un grand ami de notre pays. C'est vrai.

On sait qu'au lendemain de la défaite de Sedan, une maison de banque vint la première, sans hésiter, au secours des vaincus: celle de Julius Spencer Morgan, qui prêta 250 millions au gouvernement de la Défense nationale; 250 millions grâce auxquels put être continuée la lutte, et sauvé l'honneur des vaincus. Nous ne devons pas oublier que, comme «correspondant» de son père aux États-Unis, Pierpont Morgan se trouvait naturellement associé à une opération où s'affirmait, en même temps que la vitalité du crédit français, la persistance d'amitiés puissantes et qui nous sont restées fidèles.

Pierpont Morgan avait alors trente-quatre ans. Il allait entrer dans la plénitude de son influence et de son action. Action souveraine; influence telle qu'aucun industriel, aucun financier, n'en ont jamais connu de comparable à celle-là!

Témoin des embarras et des catastrophes continuellement engendrés, aux États-Unis, par la lutte véritablement sauvage et meurtrière des concurrences, Pierpont Morgan avait pensé: «Il faut substituer à cette anarchie de l'ordre. Il faut supprimer les concurrences

Il fallait donc pour cela transformer les concurrents en associés... C'était l'idée des trusts, dont la réalisation pouvait sembler une chimère monstrueuse et folle, et que pourtant le génie de Morgan réalisa. Trust des chemins de fer, trusts de l'acier, de la viande, de l'or, de la houille, des banques, de la navigation, cet homme prodigieux les osa tous! Qu'une telle audace ait eu parfois des effets très salutaires, et qu'on ait pu considérer, à de certaines heures, Pierpont Morgan comme le sauveur du crédit américain, cela ne semble point niable à quelques-uns... mais ce n'est pas non plus l'avis de tous, et ce sera le rôle des économistes de déterminer dans quelle mesure fut bienfaisante et dans quelle mesure put être préjudiciable à la condition économique des États-Unis l'oeuvre de conquête, absolument fantastique, poursuivie durant plus de trente années, par cet homme surprenant.

Elle lui avait rapporté, à lui personnellement, une fortune de cinq ou six milliards, disent les uns,--de moins d'un milliard, affirment les autres. Il supportait avec flegme et simplicité le poids de cette richesse.

C'était un homme de haute taille, corpulent (105 kilos!), avec une encolure de taureau, des mains puissantes, un nez énorme sous lequel grisonnait une moustache serrée autour des lèvres minces; et le plus impressionnant regard qu'on pût imaginer: un regard gris, pénétrant, dont des sourcils épais semblaient retenir la lumière...

Il parlait peu. Il allait dans le monde le moins possible. Il était un homme de foyer, et un homme de travail. Jules Huret a ainsi décrit la maison où Pierpont; Morgan travaillait:

«...La banque se trouve au coin de Wall Street. nº 23, et de Brad Street, n° 3.

» Elle n'a que cinq étages uniformes. La façade est en pierre de taille. Au-dessus de l'entrée des bureaux où se dressent deux colonnes de marbre rougeâtre soutenant un petit portique triangulaire, je lis: «J. P. Morgan & Co» découpé en relief dans la pierre du triangle. Sur toutes les fenêtres des étages supérieurs, loués à des bureaux privés, on voit, en lettres dorées, des noms de courtiers, de sociétés financières, etc. Rien d'imposant en vérité, n'était l'idée de la puissance qu'on se fait de l'homme qui monte tous les jours les six degrés de pierre du perron d'où il peut voir la statue de Washington.»

Le bureau du «patron» fait suite à ceux des employés et des «grands chefs» qui ne sont séparés les uns des autres que par des cloisons basses. Le bureau de Morgan est au fond. Il n'y a même pas d'antichambre qui le sépare des autres. Des cloisons de verre l'entourent. Quiconque avait à parler à Morgan y pouvait entrer librement...

Ce grand travailleur aura été un grand philanthrope. Il entretenait 300 asiles de pauvres! Il fut aussi un grand amateur d'art, et sa collection particulière est une des plus merveilleuses qui soient au monde. La France enfin lui doit deux très beaux dons: le don d'une splendide collection de pierres précieuses qui est au Muséum; et celui du fameux «chef de Saint-Martin» qu'il restitua simplement à l'État français, le jour où, ayant payé fort cher cette relique, il apprit qu'elle était une propriété d'État... qui n'était: point à vendre.

Pierpont Morgan laisse une veuve, trois filles et un fils qui lui succède. C'est, dans le monde, une grande figure de moins; et, pour l'Amérique, une véritable force qui disparaît.



LES THÉÂTRES

L'Athénée représente en ce moment avec succès uns comédie qui semble devoir passer à juste titre pour la plus originale, la plus subtile et la plus raffinée de cet écrivain original, subtil et raffiné qu'est M. Abel Hermant. C'est la Semaine folle. La semaine folle est, à Venise, la semaine de carnaval; c'est pendant une semaine de carnaval à Venise que se déroule l'action que M. Abel Hermant a choisie comme prétexte à sa nouvelle étude de moeurs cosmopolites, un drame d'amour, qui ne se termine d'ailleurs pas tragiquement. L'héroïne de l'aventure a meublé à la russe son palais du Grand Canal et il se trouve que ces deux byzantinismes harmonisent à merveille leurs lignes hardies et leurs colorations violentes; or ce détail a quelque chose de naturellement symbolique, toute la pièce ayant ce caractère d'étrangeté forte et séduisante. Elle est jouée, tout à fait dans le ton qui convient, par Mlle Ventura, une Slave ardente, inquiétante et captivante, par M. André Brûlé, à qui on peut supérieurement accorder, au masculin, les mêmes qualificatifs, par M. Jacques de Péraudy et par MM. Guyon fils, Gallet, Guilhène.

Le théâtre lyrique des Champs-Elysées, fondé et dirigé par M. Gabriel Astruc et dont nous avons montré plus haut l'effet extérieur et la disposition intérieure, a ouvert la série de ses spectacles par les représentations d'oeuvres de choix: d'abord Benvenuto Cellini de Berlioz, créé en 1838 et dont pourtant c'était seulement la 8e représentation! Ensuite--pour succéder à cet opéra si romantique quant à ses détails extérieurs, si humain quant à son expression--une pastorale: le Freisehütz, de Weber. joué, pour la première fois peut-être en France depuis un demi-siècle, sous sa forme originale. La troisième soirée a été exclusivement consacrée à un concert de musique français où voisinaient les noms de Chabrier, Lalo, Saint-Saens, Gabriel Fauré, Vincent d'Indy, Debussy, Paul Dukas, Inghelbrecht. On a vivement apprécié le soin attentif et délicat, le goût éclairé, intelligent et l'art, pour tout dire, avec lequel, dans une salle appropriée à cet effet, cette nouvelle direction théâtrale prépare et réalise ses spectacles musicaux.

La Chaste Suzanne est, à l'Apollo, la réapparition sous forme d'opérette d'un vaudeville, le Fils à papa, de MM. Mars et Desvallières, qui fut applaudi il y a quelques années au Palais-Royal. La pièce qui vient, ainsi transformée, de faire son tour du monde, n'a rien perdu de sa gaieté un peu libertine mais franche, que décuple l'entrain de la musique fraîche et mélodieuse de M. Jean Gilbert.

A la Comédie-Royale, revue de M. Robert Dieudonné, C'est fou! qui s'applique à justifier assez plaisamment son titre et qui y réussit souvent.




(Agrandissement)




Note du transcripteur: Les suppléments mentionnés en titre
ne nous ont pas été fournis.






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