Project Gutenberg's L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905, by Various

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Title: L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905

Author: Various

Release Date: April 11, 2011 [EBook #35827]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

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L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905


(Agrandissement)

Supplément musical: Fragments de Maïa, par MM. Gallois
et Samuel-Rousseau, prix de Rome.


L'amiral Wilson.
L'amiral Wilson, commandant de la flotte anglaise du Détroit, précède le roi.
L'amiral Gaillard. S. M. le roi.
Le roi Édouard VII, suivi de l'amiral Caillard, quitte le Masséna.


Les ambassadeurs d'Angleterre et de France et l'état-major royal montent à bord.
LA VISITE DU ROI ÉDOUARD VII A BORD DU "MASSÉNA"
Comment le correspondant anglais de "L'Illustration", M. Stephen Cribb, installé dans la superstructure du "Masséna", a pu photographier les visites officielles.
--Voir l'article, page 109.



L'ILLUSTRATION du 19 août sera accompagnée d'un numéro de L'ILLUSTRATION THÉÂTRALE contenant une oeuvre--inédite sous sa forme dramatique--d'un des plus grands écrivains contemporains:

CRAINQUEBILLE, par Anatole France.

On n'a pas oublié le succès de ces trois tableaux au théâtre de la Renaissance où le rôle de Crainquebille était tenu par M. Lucien Guitry.

Le même numéro de L'ILLUSTRATION contiendra de beaux dessins de M. Georges Scott sur la Fête des Vignerons de Vevey.


COURRIER DE PARIS

Journal d'une étrangère

Dimanche soir, en wagon. Dix heures. Je suis allée dîner, comme tout le monde, à la campagne et, dans la cohue, parmi les cris et les bousculades du retour, je me suis laissé pousser, hisser vers le premier wagon venu. Troisième classe. Des gens sont debout sur le marchepied; d'autres, assis sur l'escalier qui mène à l'impériale de la voiture. On s'entasse, on s'écrase joyeusement. Quatorze personnes se sont empilées dans le compartiment de dix places où je suis assise. Les jeunes gens, un peu «allumés», s'excusent, en propos comiques, de tenir tant de place; les femmes rient; une petite fille pleure: on lui donne une claque; elle se tait. La chaleur est intenable; on a entassé sur les planches supérieures du compartiment des brassées de fleurs, une brouette d'enfant, des paniers où sonnent la vaisselle et les bouteilles vides du déjeuner, des filets mouillés où il y a du poisson frais, des engins de pêche. On roule... A côté de moi, est installée toute une famille: le père, la mère, la grand'mère, deux petits garçons, un bébé. Types d'ouvriers aisés. La mère secoue sur ses genoux, pour l'endormir, le dernier-né dont les petites mains se crispent sur un biberon; la grand'mère s'est assoupie tout doucement, contre mon épaule; le lumignon jaune de la voiture éclaire de reflets tragiques ses joues en sueur, ses mèches grises dénouées que coiffe un chapeau trop fleuri, posé de travers. D'une voix pâteuse--la voix d'un homme qui a eu soif depuis ce matin et ne semble pas encore désaltéré--le père raconte aux voisins sa journée: lever à cinq heures; quatre heures de course au soleil, à la recherche d'une «bonne place»; déjeuner sur 1 herbe, «trop de mouches»; pêche et promenade jusqu'au dîner; orage; retour à la gare sous l'averse... Il bâille en contant cela. Tout le monde s'est endormi; la grand'mère est maintenant affalée sur moi de tout son poids, et ronfle. On la réveille. C'est Paris.

Je les regarde descendre de wagon, chargés de paquets, titubants, les yeux brouillés de sommeil, exténués. On a posé le petit enfant dans la brouette et la famille, lentement, se met en marche, parmi les groupes braillards qui la bousculent.

Et j'admire au prix de quels éreintements le peuple s'amuse, et ce que représente, pour lui, de fatigue une journée de «repos». On mettrait en interdit le patron qui oserait, à quelque prix que ce fût, imposer à des ouvriers de pareilles tâches...

Tous, il est vrai, n'ont pas les mêmes goûts; et, par exemple, un grand nombre de Parisiens avaient, dimanche dernier, préféré au plaisir de la «balade» champêtre celui de demeurer à Paris pour y acclamer Étienne Dolet. Justement, à l'heure de prendre mon train, j'ai vu passer, sous ma fenêtre, un de ces groupes. Une jeune femme, coiffée d'un chapeau rouge, le précédait; derrière elle, un drapeau rouge était déployé, que portaient des jeunes gens. Je les ai suivis jusqu'à l'Hôtel de Ville. Ils criaient, sur un rythme de marche: Hou! Hou! la calotte! Un de mes amis, professeur à l'École des Langues orientales, m'accompagnait; je le priai de me renseigner sur l'étymologie de ce cri, que j'entendais pour la première fois.

--J'ignore, me dit-il, l'origine de Hou! Hou! Je sais seulement que cette sorte de beuglement est très usitée dans les réunions hostiles au clergé. C'est également le clergé que désigne cette expression: la calotte, et je ne saurais non plus vous dire à qui revient le mérite de l'avoir lancée.

--Y a-t-il longtemps, demandai-je, qu'existe cette coutume parisienne de commémorer Étienne Dolet?

--Non, dit mon ami. Cela est tout récent. C'est venu comme une mode. Les libres penseurs cherchaient un ancêtre; ils ont découvert celui-là.

--Ce sont des prêtres qui ont brûlé Dolet?

--Du tout. Ce sont des juges ordinaires.

--Avait-il commis quelque crime de lèse-majesté?

--Non. Dolet respectait et aimait passionnément son roi; et jusqu'à la fin de sa vie--jusqu'au bûcher exclusivement--François Ier le protégea.

--C'était un ennemi de la religion, sans doute?

--Nullement. Dolet fut un parfait catholique, ennemi de toutes les hérésies, et qui ne dut l'ennui d'être brûlé vif qu'à des haines personnelles, à des jalousies, à des cabales d'école où la religion n'était pour rien. En sorte que ce martyr serait fort étonné s'il pouvait apprendre aujourd'hui quelles sortes de gens l'acclament. Il est vrai que ceux qui l'acclament seraient bien plus surpris encore si on leur apprenait au juste ce que c'était qu'Etienne Dolet. La plupart n'éprouvent pas, d'ailleurs, le besoin de le savoir. La statue de Dolet, c'est quelque chose au sujet de quoi l'on manifeste contre quelqu'un; c'est, une fois par an, l'occasion de pousser des cris dans la rue, «d'embêter Lépine», et de remplir d'un peu d'agitation les loisirs d'un dimanche d'été.

Il ne m'a pas paru cependant que cette manifestation, ces défilés de couronnes, de bouquets d'immortelles et de drapeaux causassent à M. le préfet de police beaucoup d'émotion. Il allait et venait, presque souriant, et l'on eût dit que lui aussi était heureux de cette occasion d'occuper sa journée... Car il est devenu, depuis quinze jours, terriblement vide d'événements, notre Paris. C'est effrayant à avouer: on s'y ennuie. Il semble que les vacances aient emporté loin de lui tous les sujets de curiosité, de plaisir ou d'émotion que la vie ordinairement y multiplie; et nous sommes de pauvres abandonnés qui n'avons plus d'autre ressource, pour nous distraire, que de braquer nos lunettes au loin, sur l'horizon de la province et de l'étranger.

Le prince Kadolin et M. Bouvier se reposent, et c'est aux États-Unis que sont engagés, à cette heure, les grands colloques diplomatiques. Witte... Komura... que nous voilà loin du quai d'Orsay! Les fêtes de l'Entente cordiale s'étaient commencées à Brest et continuées à Paris; elles s'achèvent au-delà du détroit, et c'est de Portsmouth que nous vient, cette semaine, le bruit des canonnades fraternelles et des clameurs de fête. Nos champs de courses sont déserts; c'est en Normandie qu'il faut aller pour perdre avec élégance son argent. Les amateurs de théâtre courent à Orange acclamer Berlioz, Eschyle et Boïto, ou célébrer à Vevey la Fête des Vignerons; et, pour ceux qui ne veulent pas, quand même, s'éloigner trop du boulevard, il y a le théâtre de la Nature, à Champigny... Les reporters suivent M. Deibler à Dunkerque; un congrès de Bleus s'ouvre en Bretagne et c'est à Boulogne-sur-Mer que M. le docteur Zamenhof inaugurait, tout à l'heure, un autre congrès: celui des espérantistes.
Sonia.



QU'EST-CE QUE L'ESPÉRANTO?

Les espérantistes viennent de tenir, à Boulogne-sur-Mer, leur premier congrès international. L'espéranto, la première «langue universelle» qui ait la chance d'être patronnée par de nombreux savants, compte aujourd'hui en France 30.000 adhérents; mais la plupart des personnes qu'il laisse sceptiques ou indifférentes en ignorent totalement le principe. Essayons de le préciser en quelques lignes.


     Le docteur Zamenhof, inventeur
          de l'espéranto.
Phot. Meys.

Pour chaque mot, ou plutôt pour chaque idée, on a choisi la racine correspondant à cette idée dans le plus grand nombre de langues aryennes. Ainsi, on a pris les racines doktor, honest, pur, qui se retrouvent dans cinq ou six langues; dom (maison), via (voir), qui existent dans deux ou trois. Les mots spéciaux à une langue, comme sport, ont été conservés; enfin, entre deux racines différentes représentant chacune la même idée dans un nombre de langues égal ou sensiblement égal, on a généralement donné la préférence à la racine la plus latine.

Fait à noter, d'ailleurs, cette langue internationale n'est pas construite comme l'exigerait une langue «universelle» dans l'acception scientifique du mot; elle se préoccupe surtout d'être accessible au monde américo-européen. Or, si l'on songe que l'anglais peut être considéré comme une langue franco-allemande, on ne s'étonnera point de rencontrer les racines latines en majorité dans le vocabulaire espéranto.

Ce vocabulaire comprend actuellement un millier de racines, chiffre très suffisant pour répondre aux besoins normaux de la conversation et de la correspondance. Toute la connaissance de la langue se réduit à la possession de ces racines, en général faciles à retenir pour les Latins, surtout s'ils possèdent quelques notions d'allemand.

Avec ces racines qui expriment des idées, nous formons les mots et les phrases, à l'aide d'une trentaine de préfixes et de suffixes et de seize règles extrêmement simples ne comportant aucune exception.

L'article défini la est invariable comme le the anglais. Le genre grammatical n'existe pas: il n'y a que le genre de sexe.

Tous les modes d'un mot s'expriment par un changement de finale: patro, père; patra, paternel; pâtre, paternellement; patrino, mère; patrina, maternel.

Le verbe ne change pas pour les personnes, celles-ci sont désignées par le seul pronom. Tous les temps sont déterminés par douze finales: mi jaras, je fais; mi jaris, je faisais ou j'ai fait; mifaros, nous ferons; mi farus, nous ferions, etc.

L'emploi des préfixes et des suffixes évite encore un nombre considérable de mots nouveaux. Mal indique le contraire: ami, aimer; malami, haïr. Ist indique la profession: boto, botte; botisto, bottier, etc.

Ces quelques exemples nous paraissent résumer de façon très claire les principes de l'espéranto.

Ajoutons que chaque mot se prononce absolument comme il est écrit, les lettres gardant le son alphabétique qui se trouve presque toujours conforme à celui de l'alphabet français. L'accent tonique se place sur l'avant-dernière syllabe. On supprime ainsi toute difficulté sérieuse pour l'intelligence de la langue entre personnes de nationalités différentes.

Le volapük, qui occupait le monde vers 1885, était plus compliqué et empruntait presque tous ses éléments aux langues saxonnes. Cette phrase: «La vie de l'homme est courte», s'exprimait en volapük: «Lif mena binom blefik.» En espéranto, elle se traduit: «La vivo de l'homo estas mallonga.»

L'espéranto est justement considéré comme un chef-d'oeuvre et il est à prévoir que, d'ici quelques années, il sera parlé et compris sur tous les points du globe par les personnes possédant une certaine culture intellectuelle. Il fut créé de toutes pièces par un Russe, le docteur Zamenhof, né en 1859, à Biélostok, dans le gouvernement de Grodno (Pologne). Ce savant, dont le nom encore ignoré du grand public deviendra bientôt mondial, a ainsi résolu un problème qui, depuis deux siècles, hantait les esprits les plus remarquables et auquel on n'avait apporté que des solutions lamentables. Il conçut son projet de langue universelle vers 1878, alors qu'il était élève au gymnase de Varsovie; c'est seulement en 1887 qu'il publia son premier ouvrage sous le pseudonyme de Doktoro Espéranto (qui espère).

Détail amusant et éloquent: c'est la librairie Hachette, la maison classique par excellence, qui édite tous les ouvrages concernant l'espéranto, approuvés par le docteur Zamenhof.


LA POLICE AU CONGRÈS DES ZEMSTVOS


UN DOCUMENT QUI A ÉCHAPPÉ A LA POLICE RUSSE.
--Le maître de la police de Moscou venant interrompre la première séance du Congrès des zemstvos.

Nous avons publié la semaine dernière deux photographies du Congrès des zemstvos à Moscou. Celle que nous donnons aujourd'hui présente un intérêt tout particulier et l'on peut dire qu'elle était attendue de tous nos lecteurs depuis que le Temps du 21 juillet avait publié le récit suivant:

Au moment où le comte Heyden va occuper le fauteuil présidentiel, le prince Paul Dolgoroukof entre, annonçant l'arrivée de la police et demandant au Congrès la permission d'introduire les agents.

Le maître de la police, accompagné de plusieurs sous-officiers, pénètre et déclare qu'il a l'ordre de la préfecture d'interdire la réunion et de saisir les documents. Il lit les articles du code et la circulaire du ministre de l'Intérieur en vertu desquels il se prépare à instrumenter. Le président proteste; le maître de la police voulant dresser la liste des membres du Congrès, une voix s'élève: «Inscrivez toute la Russie!» Les membres des zemstvos présents comme témoins, non comme délégués, sont les premiers à lui donner leurs noms. Le maître de la police prend alors le parti de sortir pour rédiger un procès-verbal et la séance continue.

Un photographe, qui a enregistré l'incident, se hâte de mettre ses instantanés en sûreté...

Le maître de la police rentre à ce moment et lit son procès-verbal...

La séance est levée après une déclaration de M. Golovine. Le photographe, qui a seul instrumenté, pendant que le commissaire s'en allait bredouille, est arrêté; la perquisition faite dans ses appareils reste sans résultat.

Nous n'ajouterons à ce compte rendu que quelques lignes. L'opérateur incorrigible qui, en dépit du maître de la police et au péril de sa liberté, photographia ce grave incident, n'était autre--on l'a deviné--que le correspondant de L'Illustration en personne.

Malgré toutes les vicissitudes qui en ont retardé l'envoi, la photographie séditieuse nous est enfin parvenue. Le maître de la police de Moscou a fait arrêter notre photographe et perquisitionner dans ses appareils. Nous prenons aujourd'hui notre revanche malicieuse en dédiant à ce fonctionnaire sa propre image dans un document historique que les circonstances ont rendu inestimable.

L'IMPÉRATRICE EUGÉNIE A STOCKHOLM

Parfois, au hasard de ses croisières sur le yacht Thistle, l'impératrice Eugénie passe en vue d'une capitale étrangère. Il y a là, tout auprès, le palais d'une famille dont jadis, au temps des fêtes impériales, les membres furent reçus, en pompe, aux Tuileries. L'impératrice errante, qui se souvient, interrompt son voyage pendant quelques heures. Elle fait une courte visite à ces princes et ces reines qui sont demeurés ses amis. A la souveraine détrônée, on rend les honneurs dus aux souverains régnants qui voyagent incognito; on lui prodigue, en plus, les marques de vénération que commandent son grand âge et le souvenir de ses infortunes.

Notre photographie représente l'ex-impératrice au moment où, après avoir déjeuné, le 25 juillet, avec le roi Oscar, à Stockholm, elle se dispose à regagner son yacht.


L'EX-IMPÉRATRICE EUGÉNIE A STOCKHOLM regagnant son yacht
après avoir déjeuné au palais du roi.
--Phot. Blomberg.


LA VISITE DE L'ESCADRE FRANÇAISE A COWES ET A PORTSMOUTH

Photographies copyright S. Cribb, Gale and Polden et Topical Press Agency.

L'hôtel, de ville de Portsmouth et son souhait de bienvenue. Le Masséna dans la fumée de ses canons,
après le salut au roi.


La foule anglaise massée sur la plage, attendant
l'arrivée de l'escadre française.


Les escadres anglaise et française en rade de Cowes.


LE CUIRASSÉ «MASSÉNA», BATTANT PAVILLON DE L'AMIRAL
CAILLARD, EN RADE DE COWES.

La visite de la flotte française en Angleterre a été l'occasion de grandes fêtes maritimes qui ont duré toute cette semaine. Suivant le programme arrêté par l'Amirauté britannique, notre escadre du Nord venait mouiller en rade de Cowes, ayant en tête le Masséna, battant pavillon de l'amiral Gaillard, commandant en chef. Celui-ci, aussitôt après le mouillage, se faisait conduire à bord du yacht Victoria-and-Albert, pour saluer le roi; puis Édouard VII lui rendait sa visite à bord du Masséna. Cette première journée était, d'ailleurs, plus particulièrement consacrée aux réceptions officielles; dans le bruit des canons tonnant en salves d'allégresse, ce fut, sur le pont du vaisseau-amiral français, un va-et-vient de brillants uniformes: l'amiral Wilson, commandant en chef de la flotte anglaise de la Manche, les états-majors, les ambassadeurs, etc. Spectacle curieusement animé, dont, malgré la sévérité des consignes prohibitives, le correspondant de L'Illustration, posté à une hauteur favorable, a réussi à obtenir les curieuses photographies que nous reproduisons en première page.



LA FÊTE DES VIGNERONS, A VEVEY.--La danse du Printemps.

Vevey est une gracieuse cité vaudoise, assise sur la rive nord-est du lac de Genève, à l'endroit même où se jette la Vevayse. Cette petite ville de 6.000 habitants est deux fois célèbre, à cause d'un livre et à cause d'une tradition. C'est dans les environs de Vevey que Rousseau trouva le cadre de sa Nouvelle Héloïse. C'est à Vevey même que, de loin en loin, une fête fameuse, la Fête des Vignerons, réunit d'innombrables spectateurs dans un admirable théâtre de la nature.

La scène de ce théâtre est une place de la ville. Le décor, c'est, aux plans lointains, au-dessus des toits et des clochers, le paysage des monts abrupts et des verts pâturages. Les acteurs, ce sont tous les habitants du pays, en costumes de fête nationaux.

La Fête des Vignerons se présente sous un double aspect: elle est à la fois antique et moderne. Il y a des nymphes, des bacchantes et des bergers à houlettes. Les musiciens portent l'habit et la perruque du temps des baillis de Vevey. Les données du poème ne varient guère depuis l'année 1797. Ce sont, exaltés par les chants et mimés par des danses, les principaux événements de la vie rustique au cours des quatre saisons. Cette année, comme lors des représentations précédentes, on a applaudi la danse du Printemps, le pas des Bacchantes, le ballet des Feuilles mortes, le chant des Glaneuses, le défilé des chars de l'Été et l'Hymne à Gérés, et, naturellement, le Ranz des vaches.

Nous publierons la semaine prochaine les dessins de notre envoyé spécial, M. Georges Scott,


L'Hymne à Cérès devant les chars de l'Été.--Photographies Fisher.



Gravé par Ch. Maylander. Peint par Mme Colin-Libour.
EN DÉTRESSE

Au bord de la mer: un coin de plage, le ciel et l'eau se confondant presque en une vaste étendue; à l'horizon, les voiles d'une flottille de pêche; au premier plan, deux personnages. Sujet d'une composition très simple, que Mme Colin-Libour a traité avec la sobriété qui convenait; mais, en sa simplicité, quelle scène émouvante évoque ce tableau! S'écartant des abords trop fréquentés de la terrasse banale, une jeune mère s'est aventurée au loin, avec sa fillette, sur une de ces langues de sable où l'on se sent en pleine sécurité, à marée basse. Là, pendant qu'elle partageait les jeux ingénus de l'enfant, elle a perdu la notion du temps, s'est attardée, sans prendre garde au flot perfide; et voici que la mer, continuant de monter, menace de couper toute retraite en couvrant la langue de sable déjà transformée en îlot. La situation est critique: l'imprudente, affolée, dans une anxiété poignante, multiplie les appels, les signaux de détresse; espérons qu'elle en sera quitte pour la peur et que, grâce à un prompt sauvetage, l'aventure n'aura pas un dénouement tragique.



UN SPECTACLE DE L'AN 1452 QU'ON A REVU, LE 6 AOUT 1905, A BRUXELLES
Le cortège historique des fêtes de l'Indépendance belge sur la Grand'Place: Philippe le Bon et le comte de Charolais.
--Voir l'article, page 116.


EN NORVÈGE

Fragments d'un journal de voyage.

(Suite III.--Voir les numéros des 8 et 29 juillet:)

LES LAPONS

Dans les rues de Tromsoe; de-ci de-là, de bizarres personnages, petits, roux, coiffés d'un bonnet bleu et rouge, comme des valets de carreau, déambulent, couverts de fourrures, chaussés de bottes en peau de renne, avec un assortiment d'objets bizarres en os, pendus à la ceinture et au bout des doigts. Ce sont des Lapons. Ils sont moins sales qu'on ne s'y attendait. Le visage rose ou rouge est éclairé par des yeux bleus, et des cheveux filasses encadrent les pommettes saillantes du type mongol.


                                    Le cap Nord.

Ce sont bien des Lapons; mais ils sont trop liants, trop bons vendeurs, ils parlent trop bien l'anglais; ils ressemblent trop, comme mentalité commerciale, aux Italiens marchands de moulages qui nous mettent dans les mains, à Paris, un objet dont on a offert le dixième du prix demandé. Les Lapons suivent les touristes, offrant des spoons, cuillers faites d'un os de renne et ornées d'un dessin en profil de cet animal.

À Tromsdal, en face de Tromsoe, se trouve le fameux camp des Lapons tant «blagué», tant attendu aussi. Il est établi à quatre kilomètres de la côte. Pourquoi? Parce que le propriétaire du terrain qui le reçoit l'a voulu ainsi afin de forcer les touristes à utiliser des voitures sur le prix de location desquelles une part d'argent lui est remise.

Par un chemin impossible, cahoteux, détrempé, étroit, rocailleux, franchissant des torrents et sur lequel les voitures tressautent, on arrive au camp, après avoir traversé un bois de bouleaux qui, l'hiver, disparaît sous la neige.


                         Un camp lapon, à Tromsdal.

On nous a tellement dit que, ces Lapons, nous aurions pu les voir au Jardin d'acclimatation, que nous sommes ravis de les trouver tout de même un peu plus pittoresques. Sur un mamelon vert environné de montagnes, trois ou quatre huttes ressemblent à de gros tas de terre. Dans un enclos, voici les rennes, deux cents environ. Ils sont tout petits et leurs ramures confondues font comme un fouillis agité de branchages.

Nous entrons dans une hutte. Elle est bien telle qu'on l'a décrite, avec le feu de bois au centre, au-dessous du trou ménagé au sommet. Tout autour, à terre, sur des peaux, sont étendus les habitants. Des têtes de morues sont suspendues pour sécher. Une montre en argent, à remontoir, brille dans un coin. Une femme vêtue de fourrures et de lainages rouges et bleus surveille un bébé tout blanc, bien emmailloté, dont le berceau est un grand sabot de bois. Sur la prière d'un touriste, prière affirmée par le don d'une pièce blanche, elle sort de la hutte pour être photographiée, et, complaisamment, lève le voile qui cachait la figure de l'enfant; mais, lorsque survient un nouveau touriste armé d'un nouvel appareil, le voile est précipitamment baissé et ne se relèvera que contre une nouvelle obole. Vous vous rappelez les tableaux d'église dont le sacristain lève le rideau en Italie?

Les touristes--nous sommes près de deux cents--entourent et absorbent les Lapons. Ce camp de Lapons ne ressemble plus maintenant qu'au pesage d'un champ de courses de province. Il faut se contenter de contempler des groupes. Là, une élégante Française a pris des mains d'une Laponne un travail d'aiguille et lui montre un point de broderie nouveau. La Laponne est dans le ravissement. Ici, un touriste bourre et allume la pipe d'un être bizarre à l'oeil allumé, au visage d'ivrogne, un Quasimodo avec des couleurs de personnage, d'un jeu de cartes barbares. Des enfants norvégiens vendent des cartes postales. La carte postale illustrée a unifié le monde.

Les Lapons font des affaires d'or. Ils vendent, à des prix très exagérés, des objets fabriqués par eux: cornes de rennes, pipes d'os de renne, blagues à tabac en peau de renne, cuillers d'os de renne, etc.

Voici l'heure de la fantasia finale. Un Lapon pénètre dans l'enclos où sont les rennes, tenant un de ces animaux en laisse, un conducteur docile qui donnera l'exemple aux autres. Le troupeau sort en tumulte de l'enclos et, sous les aboiements des chiens et les cris des hommes, traverse un torrent que le mouvement de la multitude de pattes minces raye d'une barre d'écume. Tous les animaux, en un clin d'oeil, se dispersent dans la montagne où ils disparaissent dans le taillis.

Il pleut, lentement, doucement, pleinement, avec constance. Le ciel et la mer sont du même gris, on ne voit pas une ligne d'horizon, de sorte que les bateaux tout noirs, avec leurs mâts, semblent suspendus dans l'espace opalin et laiteux.

*
* *

Il y aurait à bord une jolie moisson de confessions à faire. Mais ce serait une trahison que de répéter les secrets qu'on a pu surprendre dans l'abandon forcé d'une vie commune d'un mois. C'est malheureux. On ne peut ici indiquer que des silhouettes de groupes. Il y a tout un clan d'isolées, de veuves ou de femmes mariées dont les maris sont restés en France. Quels drames intimes ces séparations consenties ou imposées peuvent-elles cacher? Il y a aussi des isolés. De quelles peines cherchent-ils l'oubli? Pendant les heures du crépuscule sans fin, on rêve à toutes ces misères et l'on sent qu'elle n'était pas exacte, l'impression du début, qui nous faisait croire que notre bateau était celui des gens heureux; nous avons aussi embarqué des douleurs.

LES ACHATS

Une scène amusante, pendant les escales, est celle du retour à bord des touristes chargés d'achats. Tout le long de l'escalier, c'est une succession de paquets enveloppés de papiers jaunes, de hautes cornes de rennes. Les femmes sont particulièrement heureuses. On a pu faire du Shoping à Tromsoe. Une fois sur le pont, chacun déballe ses acquisitions devant tout le monde. Ce sont des peaux d'ours blancs qui coûtent 150 ou 200 couronnes, c'est-à-dire 200 ou 300 francs, des renards bleus plus chers qu'à Paris, naturellement, non montés, mal préparés, mais qu'on déclare des occasions extraordinaires, chère madame; des bottes de fourrures de tous les modèles; des pantoufles de peau de renne ornées de lainages blancs et rouges qu'on trouve délicieuses et qui, à Paris, seront déclarées des horreurs.

Une dame a acheté... un bateau. Elle en est folle de joie. Dès la montée de l'échelle, ce sont des cris: «J'ai acheté un bateau. Vous savez, j'ai acheté un bateau...!» Et sur le pont: «Vous allez voir mon bateau, parce que je dois vous dire que j'ai acheté un bateau.»

Et comme quelqu'un, peu de temps après, lui dit: «Il parait, madame, que vous avez acheté un bateau...» De très bonne foi, elle s'écrie:

--Comment savez-vous cela? C'est curieux comme on potine à bord...

Les retours sont gais. C'est un babillage, un piaillement, un étalage naïf de petites vanités dans l'ébrouement des parapluies mouillés et des caoutchoucs ruisselants.

Vendredi 15 juillet.--Départ de Tromsoe.

Navigation dans le Lygenfiord. Toute la journée nous avons navigue, par un soleil superbe, dans le Lygenfiord, entre deux rangées de hautes montagnes couvertes de neige et séparées par des glaciers qui descendent jusqu'à la mer. C'est un spectacle merveilleux que ce défilé de verdure, de blancheurs neigeuses et de bleus glaciaires.

Il faudrait abuser des épithètes superlatives pour essayer de dépeindre ce spectacle. J'avoue m'en sentir incapable. Je ne puis que dire notre émotion, et le silence auquel nous étions condamnés par la grandeur de ce décor dont les toiles de fonds étaient d'une hauteur dépassant mille mètres.

Nous longeons la côte et tous les appareils photographiques, délaissés sous les brumes des jours passés sont sortis des étuis, de sorte que la vue des glaciers est, dans mon souvenir, accompagnée des bruits de déclics de kodak et de plaques de vérascope qui tombent.

HISTOIRE DE CHIENS

Il y a eu à Tromsoe et chez les Lapons un enlèvement de chiens. Nous en avons huit à bord, je crois. Les Lapons en font l'élevage en vue de l'arrivée des touristes. Il y en a de gros et de petits, de jeunes et de vieux, de dociles et d'inapprochables; ce sont de gros loulous au poil rude et fourni qui souffriront en France, aux chaleurs de l'été.

Hier, quelqu'un en achète un et l'envoie à bord.

C'est une jeune Norvégienne, trop blonde, qui le conduit. Elle arrive avant l'acheteur, l'attend, s'ennuie. Le chien est son chien, son père l'a vendu malgré elle et elle en a le coeur gros. Elle veut le remporter, heureuse de ce contre-temps. Et c'est un peu triste, ce passage de gens venus de si loin et qui, pour la satisfaction d'un caprice, vont laisser derrière eux ce gros chagrin dans ces yeux bleu pâle.

On ne laisse pas partir la jeune fille avec son chien, qui d'ailleurs est fort beau. Une dame élégante déclare que, si le premier acheteur n'en veut plus, à son retour, elle le prendra. On paye les 30 couronnes à la petite Norvégienne si blonde, qui descend en sanglotant l'escalier du bord et s'éloigne dans une barque que dirigent d'autres fillettes. Elle ne songe plus alors à cacher son chagrin et nous suivons des yeux son petit châle noir que les épaules secouent.

*
* *

Je cherche des comparaisons pour donner une idée du spectacle qu'offre le Lygenfiord. Je n'en trouve qu'une vieille, celle des vagues immenses subitement fixées, vagues neigeuses à la base verte. Ces vagues ont plus de mille mètres de haut, et il y en a sur une longueur de quinze lieues.

Au fond d'un des bras du fiord, voici une fumée. Les lorgnettes découvrent un yacht qui vient sur nous. C'est un bateau français. Petite émotion patriotique lorsque les sirènes et les pavillons échangent leurs saluts. Le yacht s'éloigne et bientôt il n'est plus qu'une fumée qui disparaît... Hélas! nous devions le revoir, ce bateau!


Le soleil de minuit.

On nous promet pour ce soir le soleil de minuit. Nous désespérions, mais le ciel est bleu et la chance nous est revenue.

LE SOLEIL DE MINUIT

J'ai vu le soleil de minuit ou plutôt, j'ai vu le soleil à minuit. Il y a eu sur le bateau, pendant toute la journée, une effervescence, et, dans les groupes, les savants ont expliqué le phénomène. On dîne en hâte, et l'on va prendre sa place sur le pont, la lorgnette à la main. Nous sommes arrivés un peu tôt à la sortie du Lygenfiord et, en attendant l'heure de la représentation, notre bateau décrit un grand cercle dans la baie. Il est onze heures du soir. Le soleil brille d'un éclat affaibli. Vraiment il faut saluer. Devant un tel spectacle, les sentiments religieux s'exaltent, naissent ou ressuscitent en chacun de nous. Nous sommes d'abord effarés, car nos yeux reçoivent des impressions de couleurs qu'ils n'ont jamais ressenties. Nous sommes devant un spectacle tellement différent de ceux que nous avons l'habitude de contempler qu'il y a certainement une inquiétude, un trouble, tout au moins dans notre admiration.

Devant nous, la pleine mer et le soleil.

Au-dessus de l'horizon et sur une ligne parallèle, de petits nuages verts, rares comme des choses très précieuses et très belles, nous étonnent, car ils sont à la fois verts comme du bronze et délicats comme une soie vaporeuse effilochée.

Voilà ce qui est devant nous. A droite et à gauche, de hautes montagnes avec des plis verticaux, dans lesquels la neige est restée et qui font de larges lignes blanches sinueuses du sommet jusqu'à la mer, et non seulement jusqu'à la mer, mais jusqu'à nous, par leurs reflets dans l'eau.

Au fond, loin, des glaciers.

Tout cela si grand, si beau, n'est rien en soi... Cela vaut par l'éclairage. Ce qui est extraordinaire ici, c'est la lumière, elle est autre et cela rend l'évocation presque impossible. Elle est différente à ce point de celle dont nous avons l'habitude que la sensation persistante est celle d'être non pas dépaysé, mais déplanétisé.

A vrai dire, le paysage est, en bien, un paysage de la terre. Il y a autre part la mer, des montagnes neigeuses et des glaciers, mais la coloration qui les baigne ici les rend tels que la comparaison qui vient à plusieurs de nous est que nous pourrions nous croire dans la planète Mars... On s'aperçoit du petit nombre de mots que nous possédons pour désigner les couleurs...

Dans la partie que le soleil couchant n'éclaire pas, la masse sombre et lumineuse pourtant est éclairée par des neiges qui sont bleues et mauves. Le reflet dans la mer moire tout cela dans une vibration lente. Vers le soleil, c'est une coulée d'or. D'un bout à l'autre de la baie, il y a jusqu'à l'horizon, jusqu'au soleil, une succession de vagues minces comme des frissons, parallèles, et qui sont véritablement de l'or vert en fusion.

La mer derrière nous, vers les glaciers, est grise, mais du gris le plus fin et le plus varié, le plus lumineux. Il faut encore évoquer ici l'idée d'un métal en fusion, mais d'un métal léger, fluide. Ces gris comportent des violets et des blancs effacés.

Le rire d'un groupe de passagers qui échappent à l'émotion générale nous irrite jusqu'à la crispation. On voudrait un silence absolu. Seule la petite musique que fait l'eau refoulée doucement par l'étrave ne détonne pas ici.

Nous sommes à l'extrême-avant. De là, en nous retournant, nous voyons se projeter sur les glaciers voisins la cheminée et les mâts de notre bateau, qui deviennent gigantesques et fantastiques, dans la solitude, dans la désolation du paysage. Grosse surprise: lorsque nous détournons nos yeux éblouis, toutes les colorations sont changées, et le pavillon rouge de notre grand mât est vert. L'irritation de notre rétine nous fait voir partout non les couleurs réelles, mais leurs complémentaires. C'est une fantasmagorie.

Les sentiments religieux évoqués sont ceux du paganisme. Nous venons certes de faire une sorte de pèlerinage à l'astre qui entretient la vie sur notre planète, nous sommes venus de très loin pour saluer la perpétuité, la continuité visible du soleil. Il y a eu comme une adoration dans notre attente silencieuse et recueillie. A voir ce soleil qui ne meurt pas et la joie naïve que nous avons éprouvée devant sa pérennité évidente, les profanes pensent au cri de la Pâque russe: «Christ est ressuscité», et aux baisers qu'échangent les fidèles. Nous les avons remplacés par un toast au soleil--libations aux dieux--parce que certains voulaient choisir leurs voisines.

(A suivre.)Brieux.



LES FÊTES DE L'INDÉPENDANCE BELGE

LE GRAND CORTÈGE HISTORIQUE DE BRUXELLES

Dans le programme de ces fêtes, il faut citer, comme une des parties les plus réussies, le grand cortège historique organisé à Bruxelles.

Pendant trois après-midi, les 22 juillet, 6 et 15 août, il aura parcouru les rues de la ville, suivant chaque fois un itinéraire différent. Au point de vue de la reconstitution pittoresque du passé, sa sortie de dimanche dernier offrait un attrait particulier, en raison de l'itinéraire de ce jour, comprenant la fameuse Grand'Place, d'un caractère si original, avec son superbe hôtel de ville et le décor si complet de ses vieilles architectures. Nul autre cadre, en effet, ne pouvait mieux s'adapter au groupe du cortège correspondant à la «période bourguignonne» de l'histoire des Flandres, puisque celui-ci
               LE PLUS HAUT ASCENSEUR DU MONDE.
                  --Au sommet de la Hammetschwand,
                           sur le lac des Quatre-Cantons.

                                    --Phot. Goet
représentait, abrités sorts le dais ducal et accompagnés d'une brillante escorte, Philippe le Bon et son fils, le comte de Charolais, se rendant au tournoi qui eut lieu sur cette même Grand'Place, le 20 février 1452, et où le futur Charles le Téméraire reçut le baptême des armes. Personnages et milieu s'harmonisaient donc à merveille, et les spectateurs, fortement illusionnés, auraient pu se croire transportés en plein quinzième siècle, sans l'anachronisme discordant de leurs costumes modernes.

LE PLUS HAUT ASCENSEUR DU MONDE

On vient d'inaugurer, au Burgenstock, une des plus charmantes stations d'altitude (800 m.), vis-à-vis de Lucerne, très fréquentée surtout par des Français, un ascenseur électrique, qui peut transporter six à sept personnes à la fois, en moins de trois minutes, au sommet de la Hammetschwand (1.140 m.), d'où la vue sur le lac des Quatre-Cantons et sur les Alpes d'Uri et d'Unterwalden est incomparable. On arrive en funiculaire de Kehrsiten (aux bords du lac), aux hôtels du Burgenstock, d'où un chemin des plus pittoresques, longeant la montagne tout droit au-dessus du lac et creusé en grande partie dans le rocher, vous conduit en trente minutes à l'ascenseur, caché dans une grotte rocheuse à côté de la chambre des machines. La cabine, de 4 mètres carrés, s'élève d'abord dans une cage en pierre, de 64 mètres de hauteur, au sommet de laquelle s'érige une tour aérienne en fer de 116 mètres. Cette tour, cela va sans dire, est solidement attachée au rocher à différents endroits, sans compter le pont d'accès, très solide, qui conduit les voyageurs sur le sommet de la montagne.

La cabine, suspendue à deux cordes en acier, offre toutes les garanties de sécurité: en cas d'excès de vitesse, arrêt automatique par un contrepoids; en cas d'interruption du courant, possibilité de conduire à la main la cabine à l'un des points de départ; enfin, une échelle en fer le long de la tour permet de monter ou de descendre aux personnes qui ne souffrent pas du vertige.
Dr. Guglielminetti.



UNE BAIGNADE DANS UNE FONTAINE PUBLIQUE

Une bande de gamins à demi dévêtus a envahi le bassin d'une fontaine publique: plongés dans l'eau jusqu'à la ceinture, ils barbotent à coeur joie, s'éclaboussent copieusement, se livrent, avec des cris aigus et de francs éclats de rire, à toute sorte de jeux aquatiques; quelques-uns, sous les jets en chute de la vasque supérieure, ont, inconsciemment, un mouvement, une pose du torse nu d'un tel caractère sculptural que l'on croirait voir s'animer les tritons de bronze du parc de Versailles ou de la place de la Concorde.

Mais ce n'est pas chez nous que s'offre ce tableau d'un réalisme pittoresque; nos règlements de police n'autorisent ni ne tolèrent la transformation des fontaines publiques en piscines populaires où nos gavroches puissent prendre leurs ébats devant les badauds amusés. Ce privilège est un de ceux de la libre Amérique, et la scène reproduite ici, à titre d'exemple, a été photographiée récemment dans un square de New-York: là-bas, pendant les chaleurs de l'été, particulièrement torrides cette année, il est permis aux boys, parmi lesquels il y a peut-être de futurs milliardaires, de se procurer gratis l'agrément et les bienfaits du bain froid complet, douche comprise; cette hydrothérapie en plein air n'offusque personne et l'hygiène y trouve son compte.


L'ÉTÉ A NEW-YORK.--Baignade d'enfants dans une fontaine publique.--Phot. Grantham Bain.



Le baron Komura.                      M. Sato.
LE PLÉNIPOTENTIAIRE JAPONAIS ET SON PREMIER SECRÉTAIRE, ARRIVANT A NEW-YORK.

Samedi dernier 5 août, les plénipotentiaires russes et japonais, chargés de discuter les bases de la paix, entraient en contact au large d'Oyster-Bay, à bord du May-Flower, yacht du gouvernement américain, où les présentations étaient faites par le président Roosevelt; mardi 8, ils s'installaient à Portsmouth (New-Hampshire), lieu choisi pour les travaux de la conférence, dont les résultats sont si impatiemment attendus.

L'attention se porte tout naturellement vers les éminents diplomates auxquels incombe la tâche difficile de mettre un terme à la guerre désastreuse allumée depuis un an et demi en Extrême-Orient, et qui, dès maintenant, sont des figures historiques.

Nous avons déjà donné de M. Witte, le premier plénipotentiaire russe, un portrait obtenu lors de son récent passage à Paris; une photographie du baron Komura, prise au moment de son arrivée à New-York, nous permet de montrer sous un aspect caractéristique le premier plénipotentiaire japonais, accompagné de M. Sato, son premier secrétaire, le personnage le plus interviewé de la délégation.

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Un livre d'actualité: Dans l'intimité du sultan du Maroc, par Gabriel Veyre[1].

[Note 1: Librairie Universelle, 1 vol., 3 fr. 50.]

Un premier mérite de ce livre, et qu'on peut lui accorder a priori sur le seul vu de son titre, c'est l'opportunité; il paraît au moment où la question marocaine occupe le premier plan de l'actualité, s'impose à l'attention de l'Europe et met particulièrement en jeu la politique extérieure de la France. Les autres mérites, le chapitre introductif les fait pressentir par les explications de l'auteur touchant les motifs et les conditions de son séjour au Maroc.

M. Gabriel Veyre est un ingénieur dont on a eu plus d'une fois l'occasion de remarquer le nom dans L'Illustration, sous d'intéressants documents relatifs précisément au sujet qu'il traite aujourd'hui. Après avoir déjà pas mal couru le monde, il se reposait aux bords du Rhône, lorsqu'il apprit qu'on cherchait un homme capable d'enseigner tout d'abord au sultan Mouley Abd-el-Aziz la photographie pour laquelle il s'était passionné, puis de l'initier, au besoin, aux plus récentes inventions: cinématographe, applications de l'électricité à la télégraphie, à la téléphonie, à la phonographie, à l'éclairage; modes de locomotion modernes, bicyclette, voire automobile. Tenté par l'attrait d'un pays nouveau, plus mystérieux et plus fermé encore que tous ceux qu'il avait parcourus jusque-là, il posait sa candidature, était agréé, débarquait à Tanger au commencement de 1901 Son séjour, qui, suivant ses prévisions, ne devait guère excéder une durée de six mois, se prolongea quatre ans, et, à son retour en France, à la fin de 1904, il possédait, pour une utile contribution à l'histoire de l'Afrique contemporaine, de précieux éléments, sinon régulièrement notés sur des carnets et systématiquement classés dans des dossiers, du moins nettement fixés dans sa mémoire.

Car M. Veyre, il tient à le déclarer, n'avait pas le dessein préconçu de faire un livre. La moindre ambition littéraire était si loin de sa pensée qu'à aucun moment il ne tint de «journal» et que, pour préciser ses souvenirs sur certains points, il a dû feuilleter, avant d'écrire ces pages, tout un lot de lettres adressées de Marakech et de Fez à ses proches, à des amis, «conversations très libres au courant de la plume».

Cet aveu n'est pas, tant s'en faut, de nature à déprécier la valeur de l'ouvrage ainsi composé.

Les auteurs de relations de voyage et autres travaux similaires pourraient, en effet, se diviser en trois catégories: 1° le voyageur qui passe rapidement, note à la hâte quelques observations superficielles, quelques impressions fugitives, et, mettant dans son récit plus d'imagination et de littérature que de faits positifs et scrupuleusement vérifiés, risque des affirmations téméraires comme le proverbial: «Ici, toutes les femmes sont rousses»; 2° le chargé de mission--officielle ou officieuse--embarrassé d'un programme ou trop vaste ou trop étroit, qui, dans un temps limité, accumule documents, statistiques, renseignements de seconde main, regarde les réalités à travers les verres brouillés ou déformateurs de lunettes spéciales, et, rédigeant sa relation en style de rapport, y fait tout converge vers des conclusions préméditées et tendancieuses; 3° l'hôte indépendant,--commerçant, industriel, ingénieur, peu importe!--séjournant un temps assez long parmi les étrangers pour s'initier peu à peu, par la force même de l'habitude, à leur vie qu'il partage, observant d'un oeil curieux mais tranquille hommes et choses, caractères et moeurs, sachant simplement voir, écouter et retenir.

M. Veyre appartient à cette troisième catégorie, la meilleure, à notre sens, parce que c'est celle qui présente le plus de garanties de sincérité, d'impartialité, partant d'exactitude, et l'on a eu bien raison de l'engager à réunir, rédiger et publier les souvenirs personnels que sa situation tout exceptionnelle et privilégiée là-bas lui a permis de recueillir sur le jeune sultan et la cour chérifienne; certes, surtout dans les circonstances actuelles, l'intérêt n'en est pas douteux. Il les a, d'ailleurs, résumés, coordonnés et présentés d'excellente façon, en une série de chapitres bien coupés: Comment j'abordai au Maroc.--Les Commencements d'un règne.--El Menebhy, ministre de la Guerre.--Le Caïd Mac Lean.--Dans la cour des Amusements.--La Vie au palais: une journée du sultan.--Mouley Abd-el-Aziz: l'homme, le souverain.--Moeurs marocaines: l'esclavage.--La France au Maroc: la «pénétration pacifique».

Ce chapitre final contient, au sujet du rôle de notre diplomatie, diverses critiques et indications formulées avec beaucoup de réserve et de modestie par un homme étrange--il s'empresse de le proclame--aux subtilités de la politique, mais qui n'en semblent pas moins fort judicieuses et dignes d'être prises en sérieuse considération.

En somme, un volume à la fois maniable et substantiel, dont le texte s'agrémente et se complète de nombreuses reproductions photographiques; une narration sans prétention, mais claire, concise, alerte, relevée fréquemment d'une note pittoresque, d'une pointe d'humour, abondante en anecdotes caractéristiques; des portraits qu'on sent dépourvus d'artifices conventionnels, tant les personnages apparaissent vivants; un livre de bonne foi, mieux approprié que tels ouvrages compacts, de pâte ferme, à la propagation d'utiles enseignements, parce que, sous la légèreté de la forme, qui n'exclut pas la solidité du fond, il est plus accessible à tous et, d'une lecture captivante, répand la lumière sans engendrer l'ennui.
Edmond Frank.



Ont paru:



Peu de livres nouveaux en cette saison d'été. Parmi les derniers ouvrages parus, il faut mentionner spécialement:

Romans.--Dans l'ornière, par Mme la duchesse de Brissac (Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50).--L'Impossible Pardon, oeuvre très émouvante de M. Antoine Albalat, qui, après avoir publié des livres sur l'Art d'écrire, prouve l'excellence de ses leçons en écrivant lui-même avec beaucoup d'art (E. Petit, 3 fr. 50).--L'Invasion de la mer, la première oeuvre posthume de Jules Verne (Hetzel, 3 fr.).--Les Visites d'Elisabeth, le célèbre roman anglais d'Elenor Glysa, traduit par Arnelle (Ollendorff, 3 fr. 50).--Les Chevaliers teutoniques, par Henrik Sienkiewiez, le célèbre auteur de Quo vadis? (Fasquelle, 3 fr. 50).

Questions actuelles.--La France en Afrique, par le commandant Edmond Ferry, qui connaît admirablement les hommes et les choses de l'Islam et qui détermine avec une remarquable précision les conditions essentielles et permanentes de l'existence de notre empire africain (Armand Colin, 3 fr. 50).--Trois Mois avec Kuroki, par M. Ch. Victor-Thomas, avec préface de M. Henry Houssaye: un récit très net, très instructif, sans phrases, d'un correspondant de guerre occasionnel (A. Challamel, 2 fr. 50). --Causeries morales et d'utilité générale, par le capitaine d'artillerie A. Grange, recueil de conférences familières qui ont été faites par l'auteur dans une caserne et qui devraient être répétées ou imitées dans toutes les casernes (H. Charles-Lavauzelle, 2 fr.). Les Colonies françaises à l'Exposition de Liège, par M. L. Brunet (Walhoff et Roche).

Beaux-Arts.--Schumann, sa vie et ses oeuvres, par MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal. On sait la grande place que Schumann occupe dans la musique à côté de Bach, de Beethoven, de Mozart et de Schubert. C'est ce que MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal ont établi avec une compétence très éclairée. Ils l'ont même fait avec une rare conscience, puisqu'ils n'ont pas émis une assertion sans la légitimer par des extraits de la correspondance du grand musicien. Ce mode de procéder, très scientifique, fait aussi que le lecteur prend part à la vie même du maître que l'on veut faire connaître. La tâche était difficile, puisque la correspondance de Schumann était inconnue en France et qu'il a fallu aller la trouver en Allemagne et en Angleterre. Elle est, du reste, attachante au suprême degré, comme on le verra en lisant ce Schumann. MM. Louis Schneider et Marcel Mareschal ont aussi poussé le scrupule jusqu'à analyser en détail les principales grandes oeuvres de Schumann. Aussi leur livre est-il d'une incontestable utilité. Cette Vie de Schumann mérite d'être aussi connue que les oeuvres du maître dont la vogue est aujourd'hui si grande (Fasquelle, 3 fr. 50).

Le sculpteur Le Veel.

Une erreur typographique nous a fait prêter, dans notre dernier numéro, le nom de Seveel au sculpteur Le Veel, qui vient de mourir. Cette rectification était due à la mémoire d'un artiste éminent, dont une des oeuvres, une statue équestre de Napoléon, est unanimement admirée sur les quais de Cherbourg.


DOCUMENTS et INFORMATIONS

Le pont à transbordeur de Marseille.


                         Le nouveau pont à transbordeur
                         de Marseille
--Phot. J. Fabre.

Dans le but de réunir le quai de la Tourette au boulevard du Phare, c'est-à-dire pour éviter aux véhicules et aux piétons venant de la Juliette les longs détours qu'ils seraient obligés de faire en suivant les quais ou en descendant la rue de la République pour se rendre dans les quais sud de Marseille, Eudonne ou les Catalans, un pont métallique à transbordeur a été mis en construction (la photographie ci-dessus le montre à la veille d'être terminé).

Tout le monde connaît ce mode de traversée qui consiste à jeter par-dessus la passe maritime un pont métallique dont le tablier sera situé à la hauteur exigée par les plus hautes mâtures. Sur une voie ferrée placée sur ce tablier, se meuvent des trains de galets, reliés à un cadre de roulement sous lequel est suspendue une nacelle qui se meut à la hauteur des quais. Les dimensions de cette nacelle sont proportionnées au trafic qu'elle est appelée à desservir. Les constructions de ce type qui ont été élevées par M. F. Arnodin à Bilbao (Espagne), entre les deux plages de Portugalete et de Las Arenas, sur les deux rives du Nervion (1889); à Rouen, sur la Seine (1897); à Bizerte, à l'entrée du canal (Tunisie), en 1898; à Martrou, sur la Charente, près Rochefort (1899); à Newport-Mon, sur l'Usk, en Angleterre (1903), sont des câbles suspendus à courbes paraboliques avec poutre raidissante du type de pont appelé «semi-rigide».

Un tel système a besoin de prendre ses points d'appui pour l'amarrage de ses câbles dans des massifs en maçonnerie très importants. Dans tous ces ouvrages, la traversée s'effectue en une minute environ.

Quant au trafic, il passe en moyenne, par jour, à Bilbao, 2.000 piétons et, à Rouen, 5.500 personnes, sans compter les voitures, bestiaux, etc., etc.

Le pont à transbordeur de Marseille aura la plus grande longueur de tablier de tous les ouvrages jusqu'à ce jour construits (240 mètres). La hauteur de ses pylônes (84 mètres) sera également la plus grande.

Par son architecture imposante, malgré toute la légèreté métallique de ses pylônes et de son tablier, ce pont à transbordeur constituera, à l'entrée du Port-Vieux de Marseille, un nouvel embellissement qui, nous le souhaitons, coopérera dans la mesure de ses fonctions à la prospérité et à la grandeur de ce port.

Cafés sans caféine.

On sait que le café doit son action excitante spéciale à un alcaloïde, la caféine, qui agit sur le coeur en renforçant sa contractilité et augmente ainsi, de façon passagère, la tension sanguine. Par ce mécanisme, la sensation de fatigue disparaît et le travail cérébral est notablement facilité. De façon générale, on trouve de 10 à 15 grammes de caféine par kilogramme de café.

Or M. Gabriel Bertrand vient de faire connaître qu'il existe, à la Grande-Comore, des cafés sans caféine. Dans l'île de Madagascar, au massif de la montagne d'Ambre, on trouverait aussi des cafés exempts de caféine.

Cette absence ne dépend d'ailleurs ni du sol, ni du climat, car, à côté de ces espèces, on en trouve d'autres qui contiennent de la caféine en quantité normale.

Il y a dans cette constatation une application possible à l'hygiène de la table, car il existe des personnes qui aiment le café avec passion et s'en passeraient difficilement, et auxquelles, cependant, le café est nuisible. Si la caféine est la substance dont les effets physiologiques troublent ces personnes il serait indiqué de leur recommander l'usage des cafés de la Comore et de Madagascar.


                    Un théâtre d'amateurs à Divonne.

Le théâtre des amateurs, de Divonne.

On a récemment inauguré, en présence de S. A. R. le khédive, le nouveau théâtre de Divonne, dont M. Duval, sous-inspecteur des palais nationaux, fut l'architecte.

Une des particularités de l'ancien théâtre actuellement démoli était que, par tradition, des amateurs seuls devaient y tenir des rôles. Bien des gens connus, le marquis Alfieri, la comtesse Amati, M. Millet, résident à Tunis, etc., furent éclairés par sa rampe, aux feux de laquelle Coppée fit représenter sa première pièce: Mon Journal.

Conformément aux vieux principes, c'est une troupe élégante, recrutée dans la haute société parisienne, qui, pour la représentation d'inauguration du nouveau théâtre, a interprété eux pièces, les Coteaux du Médoc, de Tristan Bernard, et 1807, d'Aderer, précédées d'un prologue en vers de M. le comte Durrieu.

Un sérum antituberculeux.

Il y a quelques semaines, au hameau de Goizet, commune de Saint-Denis-de-Piles (Gironde), un mouvement inaccoutumé se produisait autour d'une vache. Cette vache, comme on peut le voir sur une de nos photographies, était présentée à une assemblée d'experts et de notabilités locales par un vétérinaire: elle semblait se fort bien porter. Quelques minutes après elle était sacrifiée et, comme le montre l'autre photographie, on en faisait l'autopsie. Et c'est à cause de cette vache que tout ce monde s'était réuni. Atteinte de tuberculose généralisée, il y a quelques mois, elle était tombée au dernier degré de la cachexie, ne mangeait plus, et paraissait devoir mourir à bref délai. La tuberculine de Koch avait, à diverses reprises, révélé toute l'étendue du mal. Le vétérinaire V.-J.-T. Faure la vit et, aussitôt, à l'instigation de la marquise de Castellane, essaya l'action d'un sérum inventé par le docteur Cuguillière, de Toulouse, qui avait donné de bons résultats dans un autre cas. La vache se remit: on voit qu'elle a bonne apparence. Mais ce n'était pas pour la garder indéfiniment qu'on l'avait ressuscitée: on voulait examiner l'état de ses lésions et s'assurer, par l'autopsie, de sa guérison. On la sacrifia donc et l'autopsie fut faite sous la présidence du docteur Arnozan, le professeur à la faculté de Bordeaux, montrant que les lésions étaient bien guéries, de façon générale. Pourtant, quelques-unes subsistaient encore, mais impuissantes à agir sur l'état général de l'animal et en voie de guérison. La question est de savoir si ces lésions sont stériles ou s'il y reste des bacilles vivants. On ne saura ce qu'il en est que par des cultures et inoculations qui sont actuellement encours. Peut-être s'est-on un peu trop pressé de sacrifier la vache; peut-être aurait-il fallu la traiter 8 ou 10 mois, au lieu de 6.

En tout cas, si l'on avait un sérum capable d'améliorer l'état d'un animal tuberculeux (et aussi d'un être humain) au point où la vache de Goizet a été amélioré, ce serait un résultat des plus remarquables. Nous regrettons toutefois de ne pouvoir donner aucun détail sur le sérum du médecin toulousain: rien n'a été dit sur la manière de l'obtenir et, d'autre part, nous n'avons aucune statistique des cas traités par M. Cuguillière. Il convient donc de rester très réservé tant que nous ne disposerons pas de documents probants et certifiés par des praticiens experts.

Présentation, par le vétérinaire Faure, d'une vache traitée par le sérum antituberculeux du docteur Cuguillière. La vache tuberculeuse, immolée, est autopsiés et reconnus en voie de guérison.
Photographies Sereni.

L'EXPERIMENTATION D'UN NOUVEAU SÉRUM ANTITUBERCULEUX.


Quelle épaisseur doivent avoir les murs des habitations?

En hiver, nous chauffons nos maisons; mais il se perd beaucoup de chaleur. C'est la faute des murs qu'on fait trop minces, par raison d'économie. Les murs de 20 à 25 centimètres, qui sont très courants dans les constructions légères, sont absolument insuffisants. Avec des murs de 60 centimètres, les variations saisonnières de température sont beaucoup moins sensibles. Mais, pour bien faire, il faudrait un mètre d'épaisseur,--comme dans les vieux châteaux. Nous ne sommes pas, tant s'en faut, près d'adopter de telles épaisseurs. Au contraire, on les réduit; et l'on peut le faire, grâce à l'emploi de substances qui, tout en ayant moins d'épaisseur, ont autant de solidité. La nature des matériaux importe beaucoup: les substances poreuses perméables à l'air, briques perforées, mortier maigre au sable, ralentissent les variations thermiques. Mais les matières poreuses prennent vite l'humidité. Dans les murs mitoyens entre habitations, on devrait laisser un intervalle de 5 centimètres, qu'on bourrerait de débris de liège, feutre, coton, papier. Entre les étages, dans les entrevous, il faudrait un matelas de mâchefer, de scories, de charbon. Et les toitures devraient être à double paroi, avec matelas d'air interposé. Telles sont les conclusions d'un hygiéniste allemand, M. Nussbaum, de Hanovre, qui vient de s'occuper dé la question.

Prognathisme et dégénérescence.

On entend par prognathisme une hypertrophie du maxillaire inférieur, qui se caractérise, à l'extérieur, par une proéminence du menton, dont la hauteur est exagérée, et une saillie anormale de la lèvre inférieure.

M. Galippe, qui a fait, de cette anomalie, une étude particulière, montre qu'elle s'observe aussi bien chez les animaux que chez l'homme et, en particulier, chez les animaux vivant à l'état de domesticité; et il la considère comme étant toujours un stigmate de dégénérescence.

Ce stigmate apparaît surtout chez les dogues de Bordeaux et chez les mastiffs, et, fixé par voie de sélection, il a donné naissance aux bull-dogs. Il se rencontre également chez certaines espèces de chèvres, de cochons, chez les bovidés (boeufs natos), chez le cheval et même chez certaines espèces d'animaux sauvages.

Dans notre histoire, on trouve d'illustres prognathes, parmi lesquels Louis XIII et Marie-Antoinette. M. Galippe, en présentant un des portraits de cette reine à l'Académie, a fait remarquer qu'il fallait considérer comme inexacts tous les portraits dans lesquels des artistes serviles avaient supprimé le caractère familial pour flatter le modèle. La forme arrondie du maxillaire inférieur et la hauteur de la symphyse mentonnière confèrent aux prognathes une physionomie d'un caractère tout à fait spécial qu'on retrouve chez un groupe de malades dont tout le système osseux subit une hypertrophie particulière, les acromégaliques, dont les géants ne sont qu'une variété.

Une ville intermittente.

Les villes, généralement, comme la plupart des choses, du reste, durent de façon continue, une fois qu'elles ont pris existence: elles finissent bien par disparaître; mais, si leur vie s'affaiblit progressivement, elle n'est jamais totalement suspendue. Leur vie est continue, et non-pas intermittente. Il n'en est pas ainsi, toutefois, pour la ville d'Avalon, en Californie. Avalon est une ville essentiellement intermittente. Située dans l'île de Santa-Catalina, près de Los Angeles, elle n'existe que pendant quatre ou cinq mois par an. Au mois d'avril elle sort de terre. Sur un sol qui n'était qu'un aride désert, des ingénieurs ont établi toute la partie souterraine d'une ville: égouts, canalisation d'eau, etc.; en certains endroits, ils ont planté des palmiers, des arbres. Il y a bien quelques petits chalets sans importance: ce sont les bâtiments administratifs La ville même ne comporte pas une seule maison. Elle est toute en tentes. Celles-ci, remisées à l'abri, en hiver, sortent de leur cachette en avril. On les dresse un peu partout: on peut apporter la sienne ou bien en louer une à l'administration. Elles sont de toutes dimensions; il en est qui ne comportent qu'une seule pièce; d'autres ont un salon, une salle à manger et plusieurs chambres à coucher. Le prix de location est fort modéré. La Compagnie gagne en réalité peu de chose sur la location; son bénéfice est dans la vente des provisions. Elle vend les matières premières à qui veut faire sa cuisine: aux personnes, plus nombreuses, qui veulent être affranchies du souci d'un ménage, elle vend des plats tout préparés. Elle a organisé des tentes de lecture, des tentes de concerts, etc. Et, en été, Avalon contient 80.000 personnes, toutes logées sous d'innombrables tentes éparpillées au bord d'une jolie baie. Elles sont fort confortables, munies d'une salle de bains, d'un cabinet de toilette et du reste. La Compagnie, qui a organisé Avalon, qui est propriétaire des bateaux amenant les voyageurs, des tentes où ils se logent, des restaurants où ils se nourrissent, des cuisines où elle prépare les repas «pour la ville», des magasins de toute sorte, établis pour tenter le public ou lui offrir les objets divers dont il a besoin, est enchantée de sa spéculation. Il est vraisemblable que l'exemple sera suivi et que d'autres susciteront à Avalon une concurrence.


                M. Jules Jaluzot.--Phot. Benque.

M. JULES JALUZOT

Un krach sur le marché des sucres à la Bourse de commerce de Paris, la situation critique d'une des grandes maisons de nouveautés de la capitale, la fermeture des guichets d'une caisse d'épargne annexée à cette maison, tels sont les faits, amplement exposés et commentés par la presse quotidienne, qui mettent en vedette le nom de M. Jules Jaluzot.

Né à Corvol-l'Orgueilleux (Nièvre), M. Jaluzot a accompli, le 4 mai dernier, sa soixante et onzième année. Notable négociant, fondateur des magasins du Printemps, dont il a pris et conservé jusqu'à présent la direction, il est, en outre, à la tête d'établissements agricoles et industriels; enfin, depuis quinze ans, il occupe un siège législatif à la Chambre des députés, comme représentant de son département natal pour l'arrondissement de Clamecy. Ses divers titres et qualités expliquent le retentissement public des événements d'ordre commercial et financier où sa responsabilité se trouve engagée.

SPORT ET TRANSPORT

Deux grandes épreuves d'automobile, établies dans un but tout différent, presque opposé, viennent d'avoir lieu ces jours derniers: la course de pure vitesse du Circuit des Ardennes, gagnée par Hémery, à plus de 100 kilomètres à l'heure de moyenne, et le concours pratique, utilitariste, qui a promené dans tout le nord-ouest de la France les derniers modèles de camions, de fourgons et d'omnibus; l'une et l'autre de ces épreuves ont leur utilité et nos grandes maisons de construction d'automobiles n'auront pas manqué d'en tirer les enseignements qu'elles comportent.


Hémery, gagnant du Circuit des Ardennes, sur voiture Darracq, passe devant les tribunes de Bastogne, suivi de Le Blon. Le retour aux Tuileries des véhicules industriels et des fourgons militaires ayant participé au concours de transport dans le nord-ouest de la France.


        Les obsèques de l'infant don Fernando: transport
                 du cercueil à l'église de Saint-Sébastien.

MORT DE L'INFANT FERNANDO

L'infant Fernando, second fils du comte de Caserte, prince des Asturies, et de la princesse, soeur aînée d'Alphonse XIII, décédée à la fin de l'année dernière, a succombé à une méningite, le 4 août, à l'âge de deux ans et cinq mois.

Avant le transfert du corps de Saint-Sébastien à Madrid, où ont eu lieu, à l'Escurial, avec le cérémonial d'usage, les obsèques et l'inhumation du neveu du roi d'Espagne, une cérémonie funèbre avait été solennellement célébrée dans l'église del Antiguo, voisine du palais de Miramar, où est mort le jeune prince.

M. le duc de Sotomayor, grand majordome du palais, le capitaine général de la province de Burgos, les aides de camp du roi Alphonse XIII et du prince des Asturies, conduisaient le deuil.


         Le nouveau pont de Valence-sur-Rhône (masquant
                         l'ancien pont suspendu).

                            Phot. de M. Sédallian

LE NOUVEAU PONT DE VALENCE.

Dimanche prochain, la ville de Valence sera triplement en fête pour une triple inauguration: celle d'un nouveau collège, celle d'un nouveau parc (le parc Jouvet), et celle d'un nouveau pont sur le Rhône.

M. Loubet présidera lui-même ces cérémonies.

Le collège est construit sur des plans modernes; le parc est dessiné avec beaucoup d'art; quant au pont, il remplacera avantageusement l'ancien pont suspendu qu'on aperçoit en second plan sur notre photographie.

Construit par M. Clerc, ingénieur en chef, c'est le premier pont de pierre jeté sur le Rhône en aval de Lyon depuis le treizième siècle.

Il n'en existe, en dehors de lui, qu'un seul, conservé dans sa totalité, celui de Pont-Saint-Esprit, qui remonte à 1277.

Le nouveau pont de Valence est formé d'arches de 50 mètres d'ouverture, dimension qui a été dépassée pour des arches isolées, mais qui n'avait pas encore été atteinte pour des arches en série.

La construction des arches du pont de Valence a exigé l'emploi nouveau de cintres métalliques à grande portée, dont le montage et le démontage ont donné lieu à des manoeuvres intéressantes.

NOTRE SUPPLÉMENT MUSICAL

Nous consacrons cette semaine notre supplément musical aux concours du prix de Rome.

Le premier grand prix, qui donne à ses titulaires le droit de résider quatre ans à la Villa Médicis, à Rome, a été attribué à deux concurrents, M. Victor Gallois et M. Marcel Samuel-Rousseau. Ce dernier hérite de la place laissée vacante par la démission de M. Pech, qui a quitté Rome pour se marier; il ne sera pensionnaire de la Villa Médicis que pendant les trois ans qui restent à courir sur les quatre ans de M. Pech.

M. Victor Gallois est né à Douai en 1880; il étudia d'abord l'harmonie au Conservatoire de Paris, sous la direction de M. Xavier Leroux et obtint un premier prix; puis il entra chez M. Lenepveu, professeur de fugue et de contrepoint; c'est dans cette classe qu'il a remporté son premier prix.

Ce qui caractérise la «manière» de M. Gallois--on pourra s'en rendre compte par le fragment que nous publions--c'est l'élégance de la pensée et la recherche de l'écriture. Il semble qu'on retrouverait, dans le duo coloré de Maïa et de Jean, certaines harmonies de Léo Delibes, ce qui n'est pas un mince compliment.

M. Marcel Samuel-Rousseau est le fils du regretté compositeur Samuel Rousseau, auteur de la Cloche du Rhin et de Merowig. Egalement élève de M. Lenepveu, le jeune lauréat a déjà fait recevoir à l'Opéra-Comique un drame lyrique en un acte, le Bonheur des yeux, livret de M. Georges Mitchell.

Le fragment de la dernière scène de Maïa, que nous avons choisi dans la cantate de M. Marcel Rousseau, est d'une noble inspiration et même d'un sentiment dramatique assez puissant. M. Rousseau a su créer une atmosphère à ses personnages et la ligne mélodique est commentée et éclairée fort ingénieusement par l'accompagnement.

Il y a là le souci d'une trame harmonique intéressante et très travaillée.

Détail curieux: M. Marcel Samuel-Rousseau a été classé second des deux grands-prix parce que sa cantate portait le numéro 6 tandis que celle de M. Gallois portait le numéro 5; et voilà aussi pourquoi il ne restera que trois ans à Rome.

Mais les deux concurrents sont d'un égal mérite; et, à Rome, débarrassés du poids de l'enseignement scolaire, ils vont pouvoir dégager leur personnalité et leur originalité.



(Agrandissement)


NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles compris sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LE GOUDRONNAGE DES ROUTES

En ces temps d'automobilisme à outrance, la poussière est devenue sur les routes un véritable fléau contre lequel on ne saurait trop prendre de mesures.

Mais comment la combattre d'une façon radicale, permanente et cependant peu dispendieuse?

Les procédés auxquels on a recours à l'heure actuelle sont au nombre de trois:

L'arrosage à l'eau, l'arrosage aux huiles lourdes rendues solubles dans l'eau et le goudronnage à chaud ou à froid. Le procédé véritablement efficace, le goudronnage à chaud, est le seul dont nous entretiendrons nos lecteurs. Ce procédé est celui préconisé tout particulièrement par le docteur Guglielminetti, dont les travaux sur la lutte contre la poussière sont bien connus et appréciés de tout le monde.

Le goudronnage à chaud, convenablement pratiqué, permet de supprimer à peu près totalement la poussière pendant une année entière, sur une chaussée même très fréquentée, tout en réduisant les frais d'entretien.

Son application, pour être efficace et peu coûteuse, réclame des soins et des appareils spéciaux.

Les meilleurs résultats à ce double point de vue ont été obtenus par M. Lassailly, ingénieur-directeur de la Société de goudronnage, 17, rue de Bourgogne, à Paris.

Les lecteurs nous permettront ici quelques considérations utiles concernant le goudron.

Ce produit, tel qu'il est fourni par les usines à gaz et qui doit être employé très chaud pour pouvoir s'épandre facilement sur le sol et y pénétrer, contient, en dissolution et en suspension, suivant les charbons dont il provient et les procédés employés pour l'extraction du gaz, de 4 à 7% d'eau ammoniacale, génératrice des ammoniaques du commerce. Ce sont les vapeurs de ce produit qui, commençant à se former vers 70-80° soulèvent la masse goudronneuse et font mousser le goudron par-dessus les bords de la chaudière; ce goudron vient généralement s'enflammer au contact du foyer et peut provoquer un incendie. Ce grave inconvénient ne peut être évité même avec des chaudières à foyer amovible comme celles qui existent déjà, car il faut toujours compter avec l'imprévoyance d'un chauffeur et, d'ailleurs, une fois que le goudron a commencé à mousser, il arrive fréquemment qu'on ne peut plus l'arrêter, même en cessant le feu, la chaleur acquise par le foyer étant largement suffisante pour assurer la continuation du débordement jusqu'à la vidange de la moitié du contenu de la chaudière, si ce n'est quelquefois de la chaudière entière.

Avec le goudron Lassailly, dépouillé d'eau et de produits légers inflammables, ce grave inconvénient est supprimé; il peut être chauffé impunément dans n'importe quel récipient et notamment dans les chaudières spécialement fournies pour cet usage, jusqu'à 190° de température; il n'y a d'ailleurs pas lieu d'atteindre ce chiffre, 100 à 120° suffisant largement. Ainsi chauffé il peut être appliqué au moyen d'arrosoirs et de balais; étant beaucoup plus chaud que le goudron brut, qu'on ne peut amener sans danger dans une chaudière ordinaire à plus de 70° de température, il possède l'avantage précieux de s'étendre beaucoup plus facilement.


Le tonneau Lassailly, pour le goudronnage
automatique des routes.
--Phot. de M Martin.

L'appareil automatique que représente notre gravure a donné de remarquables résultats et attiré l'attention des pouvoirs publics, en raison de sa grande rapidité opératoire et de l'économie considérable qu'il permet de réaliser, en abaissant de 0 fr. 25 à 0 fr. 15 le prix du goudronnage par mètre carré.

Nous empruntons sa description au remarquable mémoire du docteur Guglielminetti: les Différents Moyens de combattre la poussière des routes.

Les appareils Lassailly se composent essentiellement de deux voitures: l'une, chauffe-goudron, destinée à porter le goudron à la température voulue (90° environ); l'autre, goudronneuse, prenant le goudron ainsi chauffé dans la première et l'étalant automatiquement sur le sol. Pour les travaux qu'elle a à exécuter dans Paris et la banlieue, la Société Lassailly n'emploie que la seconde voiture, qui vient s'alimenter à l'usine de distillation, à Issy.

La vapeur est l'agent de chauffage et de propulsion adopté; son efficacité est très grande, puisque, en moins d'une demi-heure, on peut charger, chauffer et refouler dans la voiture goudronnante 1.000 litres, soit 1.200 kilos de goudron. Pendant que la goudronneuse étale automatiquement ces 1.000 litres, une nouvelle charge est introduite et chauffée à la température voulue dans le chauffe-goudron et l'opération se continue sans arrêt.

A remarquer dans cette goudronneuse un bac régulateur placé au-dessous de la tonne, dans lequel le goudron est maintenu, suivant les indications d'un flotteur, à une hauteur constante, ce qui permet d'obtenir une vitesse de sortie uniforme et, par suite, un épandage régulier de goudron. Cet épandage se fait au moyen d'une rampe alimentée par ledit bac et percée de trous dont le nombre et le diamètre sont fonction de la vitesse moyenne d'un cheval et de la quantité de goudron à répandre par mètre carré.

Une attention particulière doit être aussi accordée au système de balais-lisseurs qui prennent le goudron chaud au sortir de la tonne et l'étalent en une couche mince parfaitement régulière. Ces balais, absolument mobiles, sont attelés par des chaînes à la voiture et suppriment l'équipe de balayeurs, qui représente le facteur le plus élevé dans l'application du goudronnage, sans compter que ce travail, fait en pleine chaleur, sous les rayons ardents du soleil, constitue un métier très pénible et que l'on peut, sans exagération, taxer de «galérien».

Bref, les appareils Lassailly, tant par leur construction bien comprise que par les résultats qu'ils ont déjà donnés, paraissent réaliser toutes les conditions désirables pour le goudronnage, et nous ne saurions trop engager nos lecteurs que la question intéresse à s'adresser à la Société générale de goudronnage, qu'ils pourront d'ailleurs voir opérer à bref délai dans les différentes rues macadamisées de la capitale (principalement dans le quartier des Ternes), puisque cette Société vient d'être déclarée adjudicataire pour cette année du goudronnage de Paris.




Note du transcripteur: ce supplément ne nous a pas été fourni.











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