The Project Gutenberg EBook of L'Illustration, Samedi le 22 Aout 1914, 72e
Année, No. 3730, by Various

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Title: L'Illustration, Samedi le 22 Aout 1914, 72e Année, No. 3730

Author: Various

Release Date: August 27, 2007 [EBook #22416]

Language: French

Character set encoding: ISO-8859-1

*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, SAMEDI LE 22 ***




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CORRESPONDANCE MILITAIRE

«... Nous venons de...; nous allons à... (il ne faut pas dire où); ni
malade, ni blessé; tout va très bien....
»
Dessin de Georges SCOTT.

COURRIER DE PARIS

LES GRANDES HEURES

Le drapeau de la fenêtre.--Dès le premier jour de la mobilisation, Paris s'est pavoisé. Il l'a fait avec un tact et un culte de la nuance infiniment délicats. Ce pavois est sage, raisonnable, sans rien de fanfaron. Il affirme une croyance et traduit un espoir, mais ne déploie aucune vantardise. Loin de vouloir anticiper, il se réserve, il ne donne pas son plein, et l'on sent bien que son seul but est d'inviter la victoire en se gardant de l'afficher la veille. Un, deux, trois drapeaux, placés çà et là à un balcon, font comprendre, à ne pas s'y tromper, qu'ils ne sauraient représenter tout l'effectif de la maison... Le regret avec lequel ils s'espacent parle de lui-même... Ce sont des drapeaux «d'avant-garde», tout simplement... A mesure que s'engageront les batailles, que s'affronteront les armées, que grandiront les luttes et se décidera la gloire... un par un, puis par tas, par gerbes, par bouquets, les autres qui sont à l'arrière, dans les chambres, sortiront par les fenêtres pour apparaître, faire feu de toutes leurs couleurs et se dérouler le long du front. Il y en a ainsi des milliers de français, de belges, d'anglais, de russes, qui n'attendent que le moment prochain de fleurir et d'enrubanner nos murailles.

Pour l'instant, le drapeau est le plus souvent isolé. Sentinelle de la terrasse, vigie de la mansarde, factionnaire de la porte d'entrée, il se recueille et ne s'abandonne pas encore à l'expansion. Mais il accentue chaque jour davantage sa personnalité, il s'impose à nous, se mêle à notre vie, entre dans nos yeux et nos pensées dont il devient une chère habitude.

Peu d'occasions, jusqu'ici, s'offraient à nous de le fréquenter. Nous n'avions avec lui que de rares et courts entretiens. Une ou deux fois l'an, à une fête nationale, ou en l'honneur de Jeanne d'Arc, ou pour une visite de souverain, nous le tirions du réduit où il s'attristait dans l'ombre et la poussière, pour l'aérer pendant quelques heures... Il jouait ainsi son rôle officiel et puis il rentrait dans l'obscurité. Il menait une existence intermittente et sans esprit de suite. Depuis le 2 août 1914, il s'est secoué. Le voilà au premier rang. C'est le personnage principal de la nation, du monde entier. Le drapeau domine actuellement l'Europe et l'univers. Il flotte au-dessus de tous les partis et de tous les sommets. Il survole vingt peuples.

Mais, sans le regarder aussi haut, sans le voir de si loin, considérons-le, chacun, de tout près puisqu'il ne nous quitte pas, qu'il est, à poste fixe, attaché à la croisée où il fait la campagne pour des mois, pour un temps dont nous ne pouvons estimer ni limiter la durée... Il vaut la peine que nous l'étudiions. Sous son apparente égalité d'humeur, jamais il n'est le même. Pendant que j'écris, j'en ai justement un, à trois pas de ma table, et qui, dehors, bouge et vit, comme quelqu'un de penché et d'accoudé sur la rampe. S'il m'arrive de l'oublier... le mouvement qu'il fait tout à coup me trouble... et puis je me rassure: «Je sais... c'est le drapeau.» Il étend sur mon papier des ombres de nuage, de branche et d'oiseau, des lueurs de pourpre et d'azur. Il enfourche et chevauche comme un bon cavalier la moindre brise. Il se balance comme un hamac, se gonfle et s'arrondit comme une voile. Il prend des fiertés, de courtes impatiences, soeurs des miennes, il se dresse et pique par instants ses trois couleurs, et l'on dirait qu'il veut, par-dessus les toits, héler un pavillon vers l'Est. Ou bien il va et vient, à peine, dans un rythme paisible, régulier, qui ferait jurer qu'il respire. Il semble aussi, par instants, bercer dans le creux de ses plis un petit enfant invisible... Ou alors il pend, inerte d'aspect mais lourd de pensées, perché sur sa hampe comme un oiseau de grand espace qui dort sur une patte. Et il songe, il songe... il paraît sculpté, il forme un bloc étroit et solide où l'on ne distingue plus, au bord de ses ailes carguées, qu'un liséré des trois couleurs... et même immobile il inspire, au repos, la crainte et le respect. Son engourdissement est formidable de résolution. C'est un drapeau de Damoclès.

Et il ne se montre pas moins émouvant quand, inondé, pesant de pluie, il a ses étoffes qui collent et qu'il forme un linge épais, humide et solennel, tout spongieux de pleurs, comme fatigué d'avoir essuyé trop de joues maternelles.

A maintes reprises je vais près de lui. Je le comprends. Je le trouve beau, j'entends son clair bruissement et je découvre ses desseins. Quand il s'accroche ou s'empêtre aux volets, je le dégage pour qu'il flotte à l'aise et claque avec plaisir. En sortant de chez moi, je ne puis m'empêcher de me retourner et de lever vers lui la tête, et il me fait signe comme avec un mouchoir teint de sang. Du bout de la rue, quand je rentre, je le distingue entre tous. C'est le mien, et lui aussi me reconnaît. Il garde la maison.

Cher drapeau d'ici, qui ne vas pas au feu, pacifique drapeau du bazar, qui ne pars pas, qui ne risques rien, tu nous mets pourtant au coeur une ample joie, un héroïsme résigné. Tu nous prêches la patience. Tu fais comme nous, tu attends. Tu es l'ami de notre anxiété, tu nous tiens compagnie du matin au soir, tu es l'insigne militaire de notre inaction, tu protèges notre sommeil comme le rideau de notre lit.

Aussi nous ne t'oublierons pas. Quand il faudra plus tard, après la guerre,... te retirer... quelle tristesse et quel déchirement nous aurons!... Je les sens déjà. Le pourrons-nous? Quand, au prix de mille inquiétudes, de mille joies, mille douleurs, à travers toutes les gradations de la bataille et les secousses de la victoire, tu nous seras devenu indispensable, nécessaire... comment ferons-nous pour te perdre et renoncer à toi, pour te ranger, ainsi qu'un meuble désormais inutile et n'ayant plus de raison d'être? Te remettrons-nous au sixième, dans la chambre de débarras, avec les malles et les vieux cartons? Quel sacrilège! Non, tu resteras dans l'appartement, à portée de notre pieuse caresse, en une place discrète et privilégiée, près des portraits de nos parents défunts et des reliques de famille... Et nous te sortirons souvent, car grâce à Dieu les autres drapeaux, ceux des champs de bataille, nous auront fait d'ici là des quantités de splendides anniversaires que tu seras, toi, l'humble et le civil de la fenêtre, chargé de célébrer, avec tes couleurs toujours pimpantes et fraîches de fête publique...

La Pologne... Jusqu'à ce matin l'on n'avait qu'à toucher ce mot, à le heurter, pour produire de la tristesse... La Pologne...! J'ai encore là, au fond de l'esprit, comme en un livre relié en chagrin noir, toute la longue suite d'images que depuis ma petite enfance évoquait d'abord ce nom désolant et désolé, images saisissantes et rudes à la façon des gravures sur bois d'un poème épique et populaire, tableaux d'âpre héroïsme et de sombres douleurs, de révoltes acharnées, de souffrances qui s'étendaient à perte de vue... dans les steppes mornes et profondes du passé... L'histoire et le roman de la Pologne, sa légende et sa vérité, ses fresques, ses galops fous, sa poésie, ses chants de guerre et ses complaintes d'esclavage, tout cela aussi, pendant des années, m'avait passé, repassé par la tête comme sur le sol d'un pays cent fois battu... Bruits des éperons et des chaînes, éclairs des sabres et des faux, chocs des cymbales, nerveuse splendeur des épaules d'où s'éploie comme une aile en velours la flottante pelisse, cuir pourpre de la botte, orgueil du bonnet de fourrure, choeur des exilés, parades sous les plumets et les aigrettes, magnificences dans l'air froid... Ah! que vous m'étiez choses familières, prêtes sans cesse à vous lever, à briller, à résonner, à vous pavaner pour mon spectacle au premier signal...! Vous faisiez aussitôt cortège aux morts illustres qui vous suscitaient; vous répondiez en cliquetis à leur appel. Le nom de Sobieski suffisait à vous rallier des quatre coins comme des escadrons.

Et Pologne était un mot qui, après avoir eu des sonorités prolongées de gloire, avait fini peu à peu par se réfugier dans l'expression du malheur. Il tintait comme un glas. Rien qu'en le détachant on le faisait tomber en cendres. C'était un mot d'abattement, de désespoir et de sépulcre, un mot qui glaçait le coeur et tranchait la gaieté. Jamais personne n'a pu rire en disant: la Pologne... On devenait grave et réfléchi à son accent, en sa présence, comme devant un moribond qui ne peut pas mourir. Il y avait enfin au-dessus des mille sentiments qu'agitait l'idée de Pologne, et, les dominant tous, une gêne affreuse, une peine secrète, la conscience d'une injustice accablant à la fois ceux qui en étaient les victimes innocentes et ceux qui en étaient les exécuteurs pensifs et apitoyés...

En un instant tout a changé. Ces impressions centenaires ne sont plus qu'un mauvais rêve évanoui sur les eaux de la Vistule... Une aube se lève, comme un baptême de clarté... La Pologne, tout à coup, tressaille et se sent revivre. Ses flancs endoloris se raniment comme pour un enfantement qu'ils n'espéraient plus. Le tsar magnanime a tourné vers elle son sceptre libérateur et les paroles du grand-duc Nicolas retentissent, montent, se frappent dans le ciel comme des inscriptions miraculeuses, prennent le large à travers les immenses plaines, soufflent ainsi qu'un divin coup de vent sur les pâturages, les interminables rives, sur les forêts de Lithuanie, sur les arbres et les fronts courbés qui se redressent pour recevoir la proclamation des espaces...--«Polonais...! l'heure a sonné où le rêve sacré de vos pères...» Ah! le vaste langage! La souveraine élévation de voix...! Le verbe d'ivresse! Quoi de plus exaltant, de plus beau que le lancement de ces assurances magnifiques fait par le généralissime, à cheval, debout sur ses étriers, au seuil même du royaume d'infortune et de courage, avant d'entrer à plein poitrail dans les blés de la gloire!

Enfin ces promesses prennent toute leur solennité grandiose et généreuse à l'heure auguste, à la minute choisie où elles tombent... et c'est une épée, l'épée tirée et tendue pour la bataille, qui prend l'engagement, qui tient lieu de plume, qui signe, qui apporte à la Pologne la paix, la fraternité... Ce sont des bras armés, armés pour la plus sainte et universelle cause, qui s'ouvrent à la soeur meurtrie. Il n'y a pas de condition meilleure pour un embrassement.

Ressuscite donc, Pologne, au passage des chevaux russes! Ton nom n'est plus triste aujourd'hui. Oublie tes vieilles luttes... Ne pense qu'à demain. Les morts immortels sont joyeux. Leurs os remuent. Kosciusko court et bat des mains aux champs de Cracovie... Tout ruisselant sous le schapska, Poniatowski, maréchal de France à Leipzig, ressort en nageant à larges brassées, le soir, des flots de l'Ellster... et je suis sûr d'avoir entendu cette nuit, par le clair de lune, chanter au piano l'âme en pleurs de Chopin.

17 août.--Je viens de voir un autre «drapeau de fenêtre», le premier pris à l'ennemi... exposé rue Saint-Dominique, au ministère de la Guerre.

Dès que l'on arrive à la porte d'entrée, on l'aperçoit et il occupe tout. C'est lui. Il est à la croisée d'honneur du milieu, étendu, tiré de côté par un fil afin qu'il s'étale en grande largeur dans toute sa détresse, qu'il n'essaie pas de se cacher, que l'on n'en perde rien... Avec ses quatre branches de croix, rouge framboise et bordée de noir, sur fond blanc, et ses ors atténués déjà, comme amortis par la honte, il offre une beauté funèbre. Il a l'aspect des étendards d'autrefois, et deux épais glands d'argent sont attachés à des tresses, en haut de sa hampe, comme les embrasses d'un lourd rideau.

Mais ce qui frappe, et ne peut s'exprimer, c'est son air d'abattement et de chute. Malgré qu'il soit en montre à la plus marquante place, pour le bonheur d'un peuple qui se précipite à le découvrir, son exposition l'humilie, le rabaisse. En se réjouissant, on ne peut s'empêcher de le plaindre de finir ainsi, aux barreaux où il donne l'impression d'être vraiment pendu, comme une loque humaine de Montfaucon, comme un gibier prêt à se décomposer lentement aux vers et à la poussière des âges, sous la voûte destinée à devenir son tombeau. Il est exténué, rompu, rendu, ne voit plus, ne sent plus, corps vide, inanimé... qui a tout perdu, jusqu'à l'honneur... Et sa dégradation renforce notre orgueil.

Nous nous le représentons tel qu'il était hier, porté au-dessus des têtes prussiennes et paraissant sûr de lui même, se croyant bien tenu par les deux robustes pattes teutonnes auxquelles on l'avait confié,... puis tout à coup, ébranlé, se courbant sous l'attaque, allant de droite et de gauche, ramant, oscillant, plongeant dans la mêlée, tombant et puis se relevant, lâché, pris, repris après une ruée atroce, ou bien quitté au premier sang, abandonné tout de suite aux bras et à la victorieuse convoitise de nos chasseurs... A présent il est une chose, un morceau de butin, il ne jouera plus jamais à «faire l'écusson» sur le ciel allemand. Il est pris. Et il ira demain se fixer au mur de la chapelle royale, ainsi qu'un grand papillon diapré, le corps percé par une épingle.

LE THÉÂTRE DES OPÉRATIONS EN ALSACE ET EN LORRAINE.

Agrandissement

Cette carte complète celle du théâtre des opérations en Belgique publiée dans le dernier numéro (page 125).--Le signe [sabres croisés] indique les points où des combats se sont livrés.--Les noms soulignés sont ceux des villes et villages qu'avaient atteints les troupes françaises en Alsace-Lorraine, au commencement de cette semaine.


Je suis resté, songeant de longues minutes, dans la cour où ce malheureux endurait l'horrible honneur du pilori. Sur le trottoir la foule, accourue de partout, le voyait, riait, laissait éclater et monter à son front toutes les manières de sa joie... Et par moments, des officiers, des généraux, très dignes, traversaient l'espace vide, montaient l'escalier de pierre, comme pour aller à une importante visite... et s'arrêtaient en haut, sur le palier, près du captif inerte et résigné. Ils le regardaient, l'enveloppaient de toute leur pensée, prenaient un de ses bords entre leurs doigts comme pour tâter de quelle étoffe était faite l'âme ennemie... Et quand ils l'avaient ainsi toisé, sans mot dire, ils redescendaient, le coeur et les yeux pleins de récompense.

Henri Lavedan.



LA GUERRE


LES FAITS DE LA SEMAINE

Mercredi, 12 août (suite).--Sir Edward Grey, ministre des Affaires étrangères de la Grande-Bretagne, remet à l'ambassadeur d'Autriche-Hongrie, tant au nom du gouvernement français (l'ambassadeur de François-Joseph ayant quitté Paris) que du gouvernement britannique, la déclaration de guerre à partir de minuit.

Un combat, commencé la veille, mardi 11, sur l'Othain, à la frontière nord du département de la Meuse, se termine brillamment pour nos troupes. Les Allemands ont laissé sur le terrain, le premier jour, de nombreux morts, et, entre nos mains, 1.000 prisonniers, une batterie d'artillerie (6 pièces), trois mitrailleuses. Dans la journée du 12, une batterie française surprend le 21e dragons allemand pied à terre et l'anéantit.

Les premiers prisonniers allemands traversent la région de Paris, dirigés vers l'Ouest.

Belgique.--Importante victoire des Belges sur les Allemands à Haelen, dans la province de Limbourg. (Nous en donnons d'autre part le compte rendu, illustré d'impressionnantes photographies.)

Jeudi, 13 août.--A Chambrey (première station en Lorraine annexée de la ligne de Nancy à Château-Salins), nos troupes surprennent deux compagnies d'infanterie bavaroise et les refoulent avec de sérieuses pertes.

Par contre, un échec: deux bataillons français qui s'étaient emparés du village de La Garde (Alsace) en sont chassés par une contre-attaque et se retirent à Xures.

Une série d'engagements a rendu nos troupes maîtresses de la crête des Vosges, où depuis cinq jours elles se maintiennent malgré les contre-attaques. Aux cols du Bonhomme, de Sainte-Marie-aux-Mines, de Saales, tous las efforts ennemis sont repoussés.

Le général Joffre décerne la croix au lieutenant de dragons Bruyant qui, à la tête de sept cavaliers, a attaqué une patrouille d'une trentaine de uhlans, a tué de sa main leur officier et mis en déroute le peloton en le décimant: c'est le premier officier décoré de la campagne. La première médaille militaire est décernée au brigadier de dragons Escoffier.

Un avion allemand, arborant le pavillon français, jette trois bombes sur Vesoul, deux sur Lure.

Belgique.--Très chaude action à Eghézée, à 16 kilomètres au nord de Namur, où les Allemands sont repoussés vers Huy avec de grosses pertes. Escarmouches à Tongres, Hasselt, etc.

Russie.--Hostilités aux frontières allemande et hongroise. (Nous en donnons le détail page 158.)

Serbie.--Les troupes autrichiennes, impuissantes devant Belgrade, auraient franchi, dans la nuit, la Save à Chavatz et la Drina près de Loznitza.

Les troupes monténégrines ont fait leur jonction avec les troupes serbes et pénétré avec elles en Bosnie. L'Herzégovine entière est aux mains des alliés.

Sur mer.--On fait connaître que, le 9, des sous-marins allemands ont attaqué la flotte anglaise. L'un d'eux, l'U. 15, a été coulé par le croiseur Birmingham.

Vendredi, 14 août.--Les troupes françaises, qui avaient, la veille, pris le plateau voisin de Saales, occupent la ville de Saales et le col du même nom, qui commande la vallée de la Bruche. Succès pour notre artillerie appuyant l'attaque d'infanterie.

L'important massif du Donon, dominant toute la vallée de la Bruche est également occupé par nos soldats qui font plus de 500 prisonniers.

Les troupes d'Afrique ont rejoint le front.

D'importantes forces françaises sont entrées en Belgique pour coopérer avec les armées anglaise et belge.

Les Allemands bombardent pour la seconde fois Pont-à-Mousson, lançant plus de 200 obus de gros calibre. Une fillette est tuée. L'hôpital est fort endommagé.

Samedi, 15 août.--Dans la région de Blamont, Cirey, Avricourt, nos forces se sont portées, repoussant les Allemands, jusqu'à la hauteur de Lorquin, à 8 kilomètres en avant de l'ancienne frontière, en enlevant le convoi d'une division de cavalerie allemande, soit 19 camions automobiles. Le corps d'armée bavarois qui nous était opposé se replie vers Sarrebourg.

Dans la Haute-Alsace, Thann est pris. Le drapeau du 132e régiment d'infanterie allemande est enlevé à Sainte-Blaise, dans la vallée de la Bruche, par un bataillon de chasseurs à pied. Les prisonniers faits à Thann assurent que le général von Deimling, qui commandait le 15e corps et avait son quartier général à Thann même, a été blessé à Sainte-Blaise également.

Deux avions français pilotés par le lieutenant Cesari et le caporal Prudhommeau survolent Metz et jettent des bombes sur le hangar des zeppelins, à Frascati.

Un sérieux engagement a lieu sur les bords de la Meuse, près de Dinant, entre Français et Allemands. Le combat dure douze grandes heures, caractérisé par des heurts de cavalerie et d'infanterie, puis par un duel d'artillerie du haut des collines dominant la ville. Les Allemands qui avaient passé sur la rive gauche de la Meuse sont repoussés avec des pertes notables sur Rochefort.

Russie.--Une proclamation du tsar Nicolas II annonce aux Polonais de Russie, d'Autriche et d'Allemagne qu'il leur donne l'autonomie et l'intégrité territoriale. La Pologne est ressuscitée! Le grand-duc Nicolas, commandant en chef de l'armée impériale, adresse un appel aux Polonais, les conviant à s'unifier «sous le sceptre du tsar russe, libres dans leur religion, dans leur langue et dans leur autonomie».


LE PREMIER PRISONNIER
Sous-officier de hussards
allemand amené à un
état-major d'armée à la
frontière.

Japon.--Le Japon fait remettre au gouvernement allemand, par son ambassadeur à Berlin, un ultimatum dans lequel il exige: 1º que l'Allemagne rappelle ou désarme tous ses bâtiments de guerre présents dans les eaux japonaises et chinoises; 2º qu'elle évacue dans le délai d'un mois le territoire qu'elle occupe à bail à Kiao-Tchéou (Chine) qui sera éventuellement restitué à la Chine. Le Japon demande une réponse sous huitaine.

Dimanche, 16 août.--Le mouvement en avant de nos troupes se développe sur tout le front de Réchicourt jusqu'à Sainte-Marie-aux-Mines. Cette ville est enlevée et occupée.

Les troupes qui ont occupé le Donon dans la journée du 14 continuent de progresser dans la vallée de Schirmeck, en capturant un millier de prisonniers, 12 canons de campagne avec leurs caissons de munitions et 8 mitrailleuses.

Allemagne.--Guillaume II quitte le matin Potsdam pour Mayence, où il rejoint le grand quartier général.

Serbie.--Les Serbes, après un effort de deux jours, chassent de Chabatz (rive droite du Danube) les Autrichiens qui s'en étaient emparés; les fuyards abandonnent 14 canons, des mitrailleuses, des approvisionnements, du matériel.

Sur mer.--On confirme que le Kronprinz-Wilhelm, un des plus beaux paquebots allemands, armé en croiseur auxiliaire, a été capturé par le croiseur anglais Essex.

Lundi, 17 août.--La progression en avant continue. Nos troupes occupent les hauteurs au nord de la frontière. Leur ligne de front passe par Abrechwiller, Lorquin, Azoudange et Marsal, ayant gagné de 6 à 8 kilomètres en Lorraine annexée.

Dans la région du Donon, nous occupons Schirmeck. Notre cavalerie a poussé jusqu'à Lutzelhausen et Muhlbach, sur la route de Molsheim.

Au sud, nous avons occupé Villé, Sainte-Croix-aux-Mines. De l'artillerie lourde allemande a été prise.

En Alsace, nous demeurons fortement appuyés sur la ligne Thann, Cernay et Dannemarie. Les forces allemandes se retirent en grand désordre vers le nord et vers l'est.

Le colonel Serret, ancien attaché militaire à Berlin, apporte au ministère de la Guerre le drapeau du 132e régiment d'infanterie allemand, pris à Sainte-Blaise par le 1er bataillon de chasseurs.

Russie.--Le tsar et la famille impériale arrivent à Moscou, pour les prières solennelles.

Sur mer.--Le ministre de la Guerre fait connaître au Conseil de la Défense nationale que la flotte commandée par l'amiral Boué de Lapeyrère a coulé, devant Antivari, un croiseur autrichien, le Zenta, de 2.300 tonnes qui tenait le blocus de ce port.

Un monoplan allemand, arborant les couleurs françaises, laisse tomber trois bombes sur Lunéville. Dégâts purement matériels et insignifiants.

Mardi, 18 août.--Dépêche du général Joffre précisant la situation à cette date: nous avons conquis la majeure partie des vallées des Vosges sur le versant d'Alsace;--au sud de Sarrebourg, l'ennemi, qui avait organisé une position fortifiée défendue par de l'artillerie lourde, s'est replié, et notre cavalerie le poursuit;--nous avons occupé toute la «région des étangs» jusqu'au sud de Fenestrange;--nos troupes débouchent de la Seille, dont une partie des passages ont été évacués par les Allemands, et notre cavalerie est à Château-Salins. «Notre artillerie a des effets démoralisants et foudroyants pour l'adversaire. D'une façon générale, nous avons obtenu, au cours des journées précédentes, des succès importants...»

Belgique.--On confirme le bruit qui courait depuis quelques jours, de la mort du général von Emmich, qui commandait l'armée allemande devant Liége. Suivant une version, il aurait succombé à des blessures; selon une autre, il se serait suicidé, désespéré de son échec.

Le kronprinz serait blessé.

Russie.--A Moscou, cérémonie religieuse au Kremlin; procession impériale à la cathédrale Ouspensky, et réception à la salle Saint-Georges, où le tsar atteste, solennellement, que c'est contre ses intentions que la «tempête militaire» s'est abattue sur son peuple pacifique.

Mercredi, 19 août.--Un communiqué officiel du ministère de la Guerre déclare qu'il est établi, d'après les documents saisis sur les blessés, les morts et les prisonniers, que toute la responsabilité des atrocités commises en Alsace-Lorraine par les troupes allemandes, doit retomber sur le commandement. Elles ont été méthodiquement ordonnées.

Nous continuons à progresser dans la Haute-Alsace. Nos troupes débouchent sur la Seille, occupant tour à tour Château-Salins et Dieuze, puis, à la fin de la journée, Delme et Morhange. Enfin Mulhouse est repris.

A Florenville (Belgique), on signale une rencontre de cavalerie heureuse pour les nôtres.

Belgique.--La reine des Belges et ses enfants, ainsi que le gouvernement et le corps diplomatique, quittent Bruxelles pour Anvers, considérée comme imprenable. Bruxelles demeure bien défendue.

Des forces allemandes très importantes franchissent la Meuse entre Liége et Namur.

LA LETTRE DU TAMBOUR

(Voir notre gravure de première page.)


L'étape a été dure. On marche vers le front. On a hâte d'y être. On y sera tout à l'heure... En attendant, on se repose. On bavarde gaiement, ou l'on sommeille à côté des faisceaux. Le tambour, lui, s'est dit qu'il avait mieux à faire que de bavarder ou de dormir, et que, puisqu'il est un des rares hommes de la compagnie qui ait une table à écrire à sa disposition, c'est bien le moins qu'il en profite. Et il s'est assis devant sa table à écrire... C'est la «caisse» qui n'a jamais «battu» que des rassemblements et des marches, et qui, dans quelques heures peut-être, battra la charge heureuse, la victorieuse course à l'ennemi.

Pour l'instant, ce ne sont pas les baguettes d'ébène qu'y promène la main du petit soldat; mais un bout de crayon, qui va faire aussi, lui, d'utile besogne, puisqu'il aura porté un instant de réconfort et de joie aux coeurs de «ceux qui sont restés», et qui pleurent.

La lettre du tambour, pourtant, n'en dira pas long, car la consigne, n'est-ce pas, est d'en raconter le moins possible... Il ne faut pas dire où on va. Il ne faut pas dire d'où l'on vient; ni ce qu'on fait; ni en quel lieu l'on s'est arrêté... Et c'est l'orgueil du petit troupier qui va se battre de penser qu'il y a là un secret sacré que la patrie lui confie, et que chacun doit garder pour soi.

Alors quoi dire?... Des choses vagues. «Tout va bien. Ni malade ni blessé. Nous sommes contents...» Puis, des compliments à ceux-ci, un bon baiser à ceux-là... Et ici s'évoquent des images très douces. Ces êtres chers vers lesquels va sa pensée, le petit tambour les voit. Pendant un instant son jeune visage est devenu grave. Un peu d'émoi fait hésiter sa main... Et à-Dieu-va! Dans cinq minutes, le billet au crayon, sans timbre d'origine, prendra le chemin du pays, et c'est en avant que s'élancera la pensée, redevenue joyeuse, du petit tambour!


Le drapeau du 132e régiment d'infanterie allemande,
pris par notre 1er bataillon de chasseurs à pied
à Sainte-Blaise, est exposé à une fenêtre du ministère
de la Guerre, rue Saint-Dominique.
--Phot. G.S.

LE PREMIER TROPHÉE


Lundi matin, à 9 h. 45, le colonel Serret, ancien attaché militaire de France à Berlin, se présentait au ministère de la Guerre, en automobile, accompagné d'un officier de l'armée active et de deux sous-officiers de gendarmerie: il venait remettre au gouvernement le premier drapeau pris aux Allemands, le drapeau du 132e d'infanterie, enlevé--au prix de quels prodiges de vaillance!--par les soldats du 1er bataillon de chasseurs à pied, à l'affaire de Sainte-Blaise, Alsace.

Quelques instants après, ce trophée guerrier flottait à une fenêtre de l'hôtel du ministère de la Guerre, au-dessous du drapeau tricolore. Et, la nouvelle de son arrivée se répandant comme une traînée de poudre, la foule accourait, d'heure en heure plus dense, pour le contempler.

Il est, comme tous les drapeaux d'infanterie de l'armée allemande, d'un fond blanc, sur lequel se détache, de la couleur des épaulettes et parements du régiment dont il était l'enseigne--ici, en rouge framboise cerné d'étroites bandes noires--la Croix de Fer, la décoration militaire fondée en 1813 pour récompenser ceux qui avaient servi contre la France, et réformée en 1870, après notre défaite encore. Au centre de cette croix, dans un champ circulaire que surmonte la couronne impériale, un aigle au vol, brandissant dans ses serres la foudre et le glaive, surmonté d'une banderole avec cette devise: Pro Gloria et Patria. Aux quatre angles, le chiffre couronné de Wilhelm II. Et la soie de cet étendard est lourde et superbe, et les broderies en sont opulentes. Des franges d'or scintillent aux trois bords libres, et le chiffre de l'Empereur encore surmonte la hampe.

Tout le jour, des curieux bien sages, presque recueillis, défilèrent, en rangs pressés, devant cette enseigne captive. Le soir elle fut présentée au président de la République, et passa la nuit à l'Elysée dans la chambre de l'officier de service. Le lendemain matin elle était conduite aux Invalides, où elle ne sera qu'un trophée de plus, perdu dans la masse de ceux qui flottent autour du dôme glorieux. Une compagnie de la garde républicains lui faisait escorte.

Dans la cour d'honneur du noble hôtel de Mansart, le général Niox attendait, le drapeau du 132e allemand. Le sous-officier qui l'avait apporté le remit au doyen des dix invalides encore hospitalisés, Pierre Dumont, un ancien combattant de Crimée, d'Italie, et aussi de 1870-1871,--étrange retour de fortune, pour ce vaincu d'autrefois dont l'émotion dut être intense quand, fièrement dressé sur son unique jambe, il présenta le drapeau ennemi qui fut courtoisement salué par tous les assistants.

La musique joua la Marseillaise. Le public clairsemé qui assistait à cette cérémonie cria: «Vive l'armée! Vive la France!» Puis, sur un geste du gouverneur des Invalides, le cortège se remit en route vers la Chapelle, à la suite du trophée, qui fut placé dans la galerie, devant le grand orgue. Et les officiers et soldats présents défilèrent devant lui.

Le doyen des Invalides a pris possession du trophée.

L'entrée dans la chapelle gardée par les derniers invalides.

Le premier drapeau pris en Alsace à l'armée allemande est
reçu aux Invalides, le 18 août, avec un sobre cérémonial militaire.

Photographies J. Duvau.

Agrandissement

DEVANT LE CHATEAU DE VERSAILLES.
--Le départ d'une batterie d'artillerie, canons et caissons parés de fleurs et de drapeaux.

A BOULOGNE-SUR-MER.
--Le général French et son état-major avant leur débarquement.

Le général en chef de l'armée britannique débarque du Sentinel, qui l'a amené à Boulogne.

Phot. Stevenan.

L'ARRIVÉE EN FRANCE ET LA VISITE A PARIS DU GÉNÉRAL FRENCH

A PARIS.--Le général French, après avoir été reçu par le ministre de l'Intérieur, quitte la gare du Nord en automobile, acclamé par la foule.

Phot. L. Gimpel

LES PRISONNIERS
Dessin de GEORGES SCOTT.


Vue extérieure d'un autobus transformé en voiture
militaire à viande: les glaces de la
voiture sont remplacées par de la toile
métallique.

OU SONT LES AUTOBUS.


LEUR MILITARISATION POUR LE RAVITAILLEMENT DES TROUPES EN VIANDE FRAICHE

La disparition des autobus, qui a été une des premières conséquences de la mobilisation générale, a quelque peu désorienté la population parisienne; on s'aperçoit aujourd'hui du rôle énorme qu'ils jouaient dans la capitale.

Les Parisiens ne sauraient cependant se plaindre de cette disparition, car les autobus que nous devons à la maison Schneider et à son ingénieur M. Brillié vont jouer dans notre armée, pendant la guerre qui vient de commencer, un rôle de premier ordre. Ce n'est point qu'ils soient destinés à transporter du personnel, tout au moins d'une façon habituelle; leur emploi ne présenterait en effet dans ce cas qu'une importance assez faible, car les 1.000 autobus de la Compagnie Générale des Omnibus ne peuvent contenir que 35.000 voyageurs, soit au maximum 30.000 hommes armés et équipés. Leur rôle est bien autrement important. Ils sont destinés à assurer jusqu'au front la ravitaillement en viande fraîche de tous les corps de troupe.

La voiture à viande existait bien avant que l'on pût songer à utiliser les autobus. Le modèle réglementaire comporte une carrosserie où la viande peut rester suspendue à des crochets comme dans un magasin de boucher et où elle se trouve convenablement aérée grâce à des ouvertures munies de toiles métalliques, le tout constituant une sorte de garde-manger. Mais ces voitures présentaient une contenance assez faible et ne pouvaient se déplacer qu'assez lentement au trot d'un attelage de deux chevaux. Il leur fallait aller chercher fort loin la viande qui y séjournait alors pendant de longues heures et dont la conservation se trouvait assez souvent compromise malgré toutes les précautions.

On ne savait d'autre part comment faire pour transporter la viande dans de bonnes conditions depuis les centres d'abatage jusqu'aux points de distribution aux corps de troupe. L'emploi obligé de la traction animale limitait à 25 ou 30 kilomètres la distance qui pouvait séparer ces divers points et il fallait par suite déplacer tous les jours le centre d'abatage et le troupeau pour les maintenir à portée des corps. La besogne devenait extrêmement pénible: le personnel, devant chaque jour accomplir une étape avant de se mettre au travail, n'était bientôt plus en état de remplir sa tâche; quant au troupeau qui devait lui aussi faire son étape journalière, il dépérissait rapidement et ne fournissait qu'une viande médiocre. Enfin, le renouvellement même du troupeau, qui se fait en général sur place en utilisant les ressources locales, devenait très difficile pour le service des subsistances qui passait la majeure partie de son temps à se déplacer pour suivre les troupes.


Vue intérieure: tout
l'aménagement a été remplacé
par de fortes tringles pour
l'accrochage des quartiers de
viande.

Pour toutes ces raisons on songea, dès les débuts de l'automobile, à assurer le transport de la viande fraîche au moyen de la traction mécanique. On ne pouvait guère songer à constituer dans les magasins un approvisionnement de voitures à viande automobiles qui, tout en étant d'un prix fort élevé, se seraient bientôt détériorées en magasin. On se contenta d'expérimenter quelques modèles d'essai, pour se rendre compte des conditions à réaliser et l'on chercha un moyen d'utiliser les véhicules existant dans l'industrie. Les premières expériences ayant donné des résultats très satisfaisants, on eut l'idée de recourir à la Compagnie Générale des Omnibus qui venait de construire ses premières voitures automobiles (autobus à impériale).

La transformation de ces autobus en voitures à viande était relativement facile. Le ciel de la voiture étant extrêmement solide et la voiture formant un long couloir, on n'avait qu'à suspendre la viande à des crochets attachés à des barres de fer disposées à peu près comme l'étaient les mains courantes des omnibus.

Il suffisait de fixer solidement ces barres de fer, en étayant au besoin le ciel de la voiture, en raison de la longue portée des barres, de démonter les sièges pour dégager l'intérieur de la voiture, d'installer une porte munie d'un grillage métallique, de remplacer également par du grillage métallique les glaces mobiles d'aération, enfin de doubler intérieurement la carrosserie avec des feuilles de zinc jusqu'à une certaine hauteur pour rendre facile l'entretien de la voiture.

Un certain nombre d'autobus ainsi transformés figurèrent aux grandes manoeuvres à plusieurs reprises. Ces essais donnèrent les meilleurs résultats et eurent pour conséquence l'adoption du système expérimenté.

L'autobus sans impériale, qui a remplacé l'autobus à impériale, a un plafond plus léger; d'autre part, son compartimentage intérieur est assez compliqué. La transformation est moins facile, mais elle permet d'arriver au même résultat. Cette transformation a été exécutée par les soins de la Compagnie Générale des Omnibus qui avait passé avec l'Etat un traité l'obligeant à conserver en magasin, en temps de paix, toutes les matières premières nécessaires. Les travaux de transformation ont été terminés en temps utile pour tous les corps d'armée mobilisés.

L'autobus étant aménagé comme nous l'avons indiqué plus haut, l'utilisation devient très simple.


La transformation des autobus en voitures à viande:
les stores, banquettes, etc.
--Phot. R. Millaud.

La viande en quartiers est suspendue à des crocs fixés au ciel de la voiture, comme dans un étal de boucher, sans que les quartiers se touchent. Dans ces conditions un autobus ne peut guère transporter plus de 1.800 kilogrammes de viande abattue, alors que le même véhicule transportait précédemment trente-cinq voyageurs, plus le chauffeur et le conducteur, soit au total environ 2.600 kilogrammes de Parisiens sur... pied (37 personnes de 70 kilogrammes).

Ce chiffre de 1.800 kilogrammes représente 3.600 rations de viande fraîche, à raison de 500 grammes par ration. Un autobus transformé renferme ainsi un peu plus que la viande nécessaire chaque jour à un régiment d'infanterie comprenant normalement 3 bataillons de 1.000 hommes.

Il suffirait donc, à la rigueur, d'une douzaine d'autobus par corps d'armée et, avec 250 autobus, nos vingt corps de première ligne se trouveraient suffisamment pourvus. Mais le service des petites unités serait mal assuré, les trains régimentaires auraient à accomplir des parcours exagérés et enfin on ne pourrait point parer aux accidents imprévus. Aussi a-t-on à peu près doublé les effectifs précédents, tout en conservant un certain nombre d'autobus pour le transport des blessés et peut-être pour certains transports rapides de personnel combattant.

Le centre d'abatage du troupeau est en principe installé à une station tête d'étapes (terminus de la voie ferrée). On y abat la viande à loisir, on l'y laisse ressuer et on l'expédie ensuite par autobus en des points de rendez-vous fixés par le commandement. De là les officiers d'état-major, désignés à cet effet, dirigent les autobus sur les points de distribution où la viande est délivrée aux officiers d'approvisionnement qui l'emportent dans les voitures à viande réglementaires à traction animale, dont nous avons parlé plus haut, ou dans de simples fourgons. Un autobus pouvant facilement faire 100 à 120 kilomètres par jour, soit un parcours correspondant à six étapes, peut s'éloigner du centre d'abatage de 50 à 60 kilomètres, ce qui correspond à deux ou trois étapes. Le centre d'abatage n'a donc besoin de se déplacer que tous les deux ou trois jours au maximum quand les troupes marchent tous les jours dans la même direction.

Ajoutons que là où le réseau de routes est en bon état les autobus peuvent apporter la viande jusque dans les cantonnements, ce qui évite aux trains régimentaires des fatigues excessives et épargne à la viande des transbordements fâcheux.

Les autobus vont donc contribuer grandement à la défense du pays. Il ne faut pas oublier, en effet, qu'à la guerre il est trois choses que l'on doit faire tous les jours: marcher, manger et se reposer; parvenir à faire ces trois choses dans de bonnes conditions est souvent plus difficile que de faire la quatrième qui est de se battre et, de plus, on ne se bat pas tous les jours.

Quand les Parisiens reverront leurs autobus, comme les carrosseries en seront hors de service, ils auront alors le plaisir de les voir remplacer par des carrosseries plus larges et plus confortables que la Compagnie Générale des Omnibus a adoptées en principe il y a quelques semaines. A quelque chose malheur est bon.

SAUVEROCHE.

LES TOMBES D'ALSACE
Dessin de L. Sabattier

La terre d'Alsace n'est qu'un vaste champ funèbre, où sont couchés les vaillants dont le courage, vainement, se dépensa pour la défendre et la conserver à la patrie chère à son coeur. La plaine y est jonchée de sépultures à profusion: ici, un tumulus où dorment pêle-mêle des phalanges de héros inconnus; là, quelque stèle dressée au chevet d'un tertre verdoyant; plus loin, une dalle où la mousse efface lentement un nom; des croix de bois dans chaque guéret... Or, depuis quarante-quatre ans ces pauvres morts vaincus dormaient d'un sommeil trouble. Les lourdes bottes du conquérant barbare martelaient la terre où ils reposent; des trompettes hostiles sonnaient au-dessus de leurs têtes comme dans un cauchemar. Et voici que le rêve infiniment doux commence. Des pas plus alertes se pressent, loin encore, mais se rapprochent, sur la route et dans les glèbes; des fanfares plus allègres ont déchiré l'air estival, éveillant dans les profondeurs des tombeaux de longs échos; et sur leurs couches ont tressailli à ces appels belliqueux tous ceux qui tombèrent dans l'inoubliable et fatale guerre, autour du drapeau tricolore. Tous ceux fauchés à Woerth, à Froeschwiller, à Morsbronn, fantassins, cavaliers, cuirassiers épiques, frémissants d'espoir, sont prêts à se dresser à l'appel des clairons de France, ainsi qu'on voit, dans la Revue nocturne de Raffet, les grenadiers et les dragons de l'autre épopée, afin de se mêler, à l'heure du défilé triomphal, aux libérateurs de leurs tombes, aux vainqueurs de demain!

APRÈS LE 10 AOUT.--Des milliers de soldats allemands sont arrivés jusqu'à Bruges, mais comme prisonniers de guerre; ils remplissent les cours des casernes où ils sont internés: quelques-uns jouent aux cartes.--Phot. prise à la caserne Apostoline, à Bruges.


LES VICISSITUDES DE LA GUERRE

PREMIÈRES IMAGES DE GUERRE.
--L'entrée du village de Haelen, bombardé par les Allemands.

Photographies Meurisse.



Débris de harnachements de cavalerie
allemande, ramassés dans un champ, à Diest,
et gardés par une sentinelle belge.

LA BATAILLE DE HAELEN

Le sol de la vaillante Belgique, sur lequel s'est produite la première attaque allemande, la première entreprise contre une place forte, Liége, aura eu aussi l'honneur de voir se dérouler un des premiers combats sérieux en rase campagne. Il s'est livré le mercredi 12 août, entre Diest et Haelen, et a mis en présence une quinzaine de milliers d'hommes.

C'est sur ce champ de bataille que furent prises, au lendemain de la sanglante rencontre, les photographies que nous donnons ici,--les premières photographies de la grande guerre.

M. Paul Erio a envoyé de Belgique au Journal un très vivant récit de la bataille de Haelen,--ou de Diest. C'est à lui que nous emprunterons les éléments principaux de ce bref commentaire.


LES ALLEMANDS ONT PASSÉ LA.
--Une ferme incendiée près de Haelen.


Nos amis belges avaient en face d'eux les cavaliers qui viennent de dragonner si sauvagement, pillant et massacrant tour à tour, dans le Limbourg et le Brabant, autour de Jodoigne, Tirlemont, Hasselt, Louvain, et, parmi eux, les funèbres hussards de la Mort, de Dantzig, que commanda naguère le kronprinz: leurs exactions sont maintenant châtiées.

Mercredi matin, les Allemands quittaient Hasselt, déclarant aller tout droit à Bruxelles. Malheureusement pour eux, il y avait sur la route ce «quelqu'un d'inattendu» dont parle le poète.

Ils partirent sans même s'éclairer, tellement ils étaient sûrs d'eux, à travers une contrée pourtant accidentée. Ils arrivèrent ainsi jusqu'à Haelen. Mais à peine le premier peloton de uhlans pénétrait-il dans ce village, qu'il y était accueilli par un feu intense. Le peloton entier fut fauché: les cyclistes armés de la mitrailleuse portative Hotchkiss venaient de se révéler, et le premier coup qu'ils portaient était terrible, prouvant que leur corps était aussi redoutable qu'ingénieusement organisé: «Un seul chargeur suffit à balayer la route», disait le lendemain le capitaine de la compagnie. Le combat commençait.

Les cyclistes résistèrent magnifiquement. Leurs officiers les commandaient avec le même calme que s'ils eussent été à l'exercice. Le flegme belge n'a rien à envier au flegme britannique, cette élégante possession de soi-même et ce dédain superbe des contingences.

Les Allemands s'étaient vite rendu compte que ceux qui se dressaient devant eux étaient peu nombreux. Ils lancèrent leur cavalerie en trombe: «On nous envoya au feu comme à la manoeuvre, comme s'il n'y avait pas de balles dans les fusils», devait déclarer plus tard un de leurs officiers blessés. Le vieux maréchal de Haeseler, qui commandait autrefois à Metz, fit à Guillaume II lui-même, un jour que le kaiser s'était senti d'humeur à jouer à la guerre, la même observation.

Les deux mitrailleuses de la compagnie cycliste entrèrent en action; les impétueux cavaliers aussitôt se replièrent. Alors, l'agresseur fit donner le canon. Une pluie de mitraille écrasa le petit bourg, criblant les rues, les maisons, l'église. Bien abrités, habilement dissimulés, les cyclistes tinrent bon, jusqu'au moment où ils se virent près d'être débordés par le nombre: à 200, ils avaient maintenu en respect 6.000 ennemis. Ils se replièrent,--non sans que deux d'entre eux fussent allés, sous le feu, faire sauter le pont de Haelen. Ils avaient admirablement rempli leur rôle.

Un blessé de l'héroïque armée belge, amené par une infirmière à la gare de Tirlemont.

Blessé allemand ramassé sur le champ de bataille de Haelen et gardé dans une cour d'école.


Après la charge des dragons allemands sur la chaussée de Haelen: un cheval tué, abandonné avec son harnachement et l'étui à carabine de son cavalier.

Les troupes belges massées en arrière se démasquèrent alors. Ce fut, de part et d'autre, une canonnade terrible. Mais on fit une constatation intéressante, et que les communiqués de notre ministère de la Guerre ont signalée déjà, dans les escarmouches qu'ont eues nos propres troupes, c'est que l'effet des obus allemands était presque nul. Aurait-on donc calomnié la maison Krupp, quand on l'accusa d'avoir vendu aux pauvres Turcs des projectiles pour l'exportation?


Les fils télégraphiques de la gare de Diest après le passage des Allemands.

L'avantage se manifesta bientôt nettement du côté des Belges. Quelque flottement se fit sentir chez les Allemands, dont la cavalerie, tenue sous le feu des canons de nos alliés, était immobilisée; ce fut surtout un duel d'artillerie.

Le tir des Belges était, au contraire, d'une précision merveilleuse: on en eut la preuve à l'heure de la retraite, où un seul canon ennemi continuait de tirer, les autres étant sans doute en mauvais point.

L'avantage se manifesta bientôt nettement du côté des Belges. Quelque flottement se fit sentir chez les Allemands, dont la cavalerie, tenue sous le feu des canons de nos alliés, était immobilisée; ce fut surtout un duel d'artillerie.

Pourtant, à un moment, des dragons de Mecklembourg se lancèrent, comme dans un suprême effort, de Haelen sur la route de Diest, une belle allée droite, bordée d'arbres, telle qu'on en voit dans les tableaux des vieux maîtres flamands. Ils n'allèrent pas loin: à l'entrée de Zelck-Haelen, une barricade se dressait en travers de la route. Des mitrailleurs cyclistes étaient embusqués derrière, d'autres dans les greniers des premières maisons du village, d'autres dans le clocher de l'église. Ils attendaient, tranquilles. Et quand les cavaliers aux flammes jaunes et noires ne furent plus qu'à 200 mètres, le crépitement des armes automatiques éclata en grêle. L'escadron fut fauché comme une gerbe. Seuls, deux pauvres chevaux emballés franchirent la barricade.


Un coin du champ de bataille de Haelen: les blessés ont été recueillis, les morts emportés, et il ne reste que des cadavres de chevaux.


VISIONS DE GUERRE.--La chaussée pavée, entre Diest et Haelen, jonchée de chevaux morts, après l'échec de la cavalerie allemande.

Photographies Meurisse.


Quelques-uns des héros belges de la bataille de Haelen: cyclistes armés de mitrailleuses portatives Hotchkiss.--

C'était, pour les Allemands, la partie perdue. L'artillerie graduellement se taisait. La retraite se dessina vers Saint-Trond. A la nuit, il ne resta plus sur le terrain de la lutte qu'un amas de morts et de blessés, des armes abandonnées, lances, fusils, des accessoires d'équipement. L'ennemi avait laissé là plus de 3.000 hommes.


La ligne de chemin de fer de Landen
à Saint-Trond, que les Belges ont rendue inutilisable--

Phot. Meurisse.

Ce fut, pendant plusieurs jours, une vision infernale, un vrai charnier où les cadavres des chevaux se mêlaient à ceux des hommes. Les paysans n'arrivaient qu'avec peine à enterrer les uns et les autres. On pensa un moment être obligés de les brûler, ne pouvant suffire à la besogne.

Quant aux blessés, on avait fait diligence pour les enlever, les adversaires confondus, Belges et Allemands traités avec les mêmes soins. Et ces derniers n'en revenaient pas de se voir couchés dans les lits blancs de l'hospice civil de Diest. Car, afin de les mieux exciter au combat, leurs officiers n'avaient cessé de leur répéter que nos amis--comme nous!--ne manqueraient pas de les achever s'ils tombaient frappés d'un coup. Quelques-uns, d'ailleurs, avaient reçu de leurs propres chirurgiens, avant la débâcle, les premiers soins ou du moins, avaient été examinés. Beaucoup portaient au cou une pancarte avec leur nom, le numéro de leur régiment, l'indication de leurs blessures et un avis médical conseillant les soins qu'il fallait leur donner.

Parmi les trophées de victoire que cette magnifique journée rapportait aux Belges se trouvait l'étendard des hussards de la Mort, le macabre étendard auquel, il y a quelques mois, le kronprinz, abandonnant ce régiment pour venir à Berlin, au grand état-major, préparer la guerre, adressait un si belliqueux au revoir!... Depuis le lendemain de la rude bataille, il est à l'hôtel de ville de Diest, triste, sous ses couleurs sombres, autant qu'un plumet de catafalque.


LES VAINQUEURS DE HAELEN.--Peloton de cyclistes ayant mis en batterie leurs mitrailleuses portatives, dont le tir a arrêté l'élan de la cavalerie allemande.--Phot. Montigny.


S. S. PIE X qui vient de mourir sans avoir pu conjurer la guerre générale
qui va ensanglanter toute la chrétienté.
Phot. Histed.

Au moment même où nous achevons ce numéro, arrive une nouvelle qui ajoute une émotion profonde à toutes celles que nous éprouvons depuis quelques jours: le pape Pie X est mort jeudi matin, à une heure et demie.

Depuis plus d'un an déjà, la santé du Saint-Père était chancelante. Son grand âge--il était bientôt octogénaire, ce qu'on n'imaginerait jamais à voir ses plus récentes photographies--faisait à tout instant redouter la fatale catastrophe. En quelques jours, un catarrhe pulmonaire vient d'achever de terrasser l'auguste vieillard.

A quelle heure sombre il disparaît! Il avait fait les plus nobles et les plus pressants efforts pour conjurer l'orage. Il avait eu la superbe illusion de pouvoir exercer quelque ascendant sur le vieil empereur François-Joseph, «Majesté Apostolique», comme lui au terme d'une longue vie, et que l'adversité acharnée eût dû rendre sage. Il avait espéré le déterminer à la démarche, au geste qui eût assuré la paix. Un autre esprit démoniaque contrebalançait sa bienveillante influence. Il fut vaincu. Et il n'est pas téméraire de penser que le spectacle douloureux que lui offrit, à ses dernières heures la chrétienté tout entière aux prises dans une lutte farouche et sans merci, ait abrégé peut-être les heures du Pontife, du pasteur des peuples catholiques.


LA FRANCE ENTIÈRE PASSE!
Un arrêt, dans une gare, d'un train de tirailleurs indigènes, débarqués d'Algérie,
et en route pour le front.

Dans ce pays en ébullition, où vibrent, confondues dans un même belliqueux enthousiasme, les races de toutes les provinces, où la nation armée tout entière se rue d'un seul élan vers les frontières, quels convois divers n'auront pas vu passer, stupéfaits, ceux qui demeurent au foyer, soit que leur fenêtre s'ouvrit au bord de quelqu'une des grandes artères ferrées qui mènent aux lieux de la décisive lutte, ou que leur curiosité, mêlée de regrets, les portât, chaque jour, vers la gare prochaine, vers le passage à niveau voisin! Ainsi des paysans qui n'ont jamais quitté leur chaumière, on encore, comme disait Coppée, «des Parisiens rêveurs qui n'ont pas voyagé», des «banlieusards» surtout, auront pu, ces jours derniers, saluer au passage des combattants qui viennent du plus loin où s'étend le sceptre paternel de la France, et les combler de fleurs, et leur verser à boire: les «turcos», comme on les appelait autrefois, qui, dans la précédente guerre franco-allemande, avaient si fort déconcerté nos adversaires en maintes rencontres,--les tirailleurs indigènes, dans les rangs desquels marchent coude à coude de blonds fils de la métropole que l'amour des aventures poussa à quelque engagement sensationnel, des Berbères au teint presque aussi clair, des Arabes au nez aquilin, et jusqu'à des noirs du plus bel ébène, enfants du torride Soudan.

Le salon réservé de l'ambassadeur.

Le lit où il a paisiblement dormi.

Le wagon-salon qui a reconduit confortablement à Berlin
M. de Schoen, ambassadeur d'Allemagne à Paris.

DOCUMENTS et INFORMATIONS

Le confort de M. de Schoen.

Tandis que l'ambassadeur de France à Berlin était renvoyé à la frontière hollandaise, un peu comme un malfaiteur qu'on extrade, le représentant du kaiser à Paris, M. de Schoen, était reconduit jusqu'à Berlin dans un train français spécial où il trouvait, en même temps que le plus parfait confort moderne, tous les égards que les peuples bien élevés ont coutume de témoigner aux ambassadeurs des puissances amies.

M. Cambon, sous peine de se voir retenu prisonnier, dut payer «en or» les trois mille et quelques francs auxquels fut taxé le prix de son voyage; la France ne réclama rien à M. de Schoen.

La mentalité allemande interpréta sans doute ces procédés courtois comme une marque de faiblesse. Le train français, comprenant deux voitures-salon, deux wagons de première classe et deux fourgons, fut tout d'abord retenu comme prise de guerre; on arrêta même un moment les deux convoyeurs, qui avaient assuré la sécurité et le confort de l'ambassadeur allemand, des personnages et des petits chiens de sa suite.

Nos compatriotes eurent à subir les plus stupides vexations. Après les avoir autorisés enfin à repartir avec notre train, on les arrêta à nouveau à Regensburg, puis à Constance, d'où ils furent enfin dirigés sur le réseau suisse.

Le train français était arrivé à Berlin dans la soirée du 4 août; c'est seulement dix jours plus tard qu'on le revit à Paris, à la gare de Lyon.

Des méthodes de la chirurgie française à la guerre.

Nombre de personnes ayant des parents ou des amis sous les drapeaux se demandent, sinon avec inquiétude, du moins avec une anxiété fort compréhensible, quel est l'esprit général de nos chirurgiens militaires. Le docteur Rebreyend, qui fit avec les Bulgares toute la campagne des Balkans, va nous rassurer à cet égard:

«... Alors que dans certaines ambulances la rumeur publique accusait tels chirurgiens d'avoir l'amputation déplorablement facile, chez nous, au contraire, on connut dès le début notre tendance résolument conservatrice.

»Cela commença par un pouce qui vraiment ne tenait plus guère et que je refusai néanmoins d'amputer. Avec quel lumineux sourire ce grand garçon agitait tous les matins sa main restée complète! Ce fut de lui que data l'axiome: «Chez les autres on coupe, chez les Français on recolle.» Et de fait, contrairement à certaines légendes, celle-ci fut vraie. Pendant cette campagne, nous ne fîmes, et bien à contre-coeur, que trois amputations: un bras, une jambe et une cuisse.

Il advint même, pendant notre dernier mois d'exercice, un incident très flatteur. Un sous-officier, le bras cassé par une balle, languissait dans une ambulance étrangère, le bras oedémateux, avec une forte fièvre tous les soirs. Tant et si bien qu'on déclara l'amputation nécessaire. Il protesta, fit un tel tapage, répéta si obstinément «qu'il voulait aller chez les Français, où l'on ne coupait pas les membres», qu'un beau matin on prit le parti de l'envoyer au diable, c'est-à-dire où il voudrait. Il vint chez nous. Après vingt-quatre heures d'observation, on le mit dans un «Hennequin» bien classique, d'où il sortit trente jours après, consolidé.

»A nous comparer aux chirurgiens étrangers, avec qui nous voisinions, nous avons conçu quelque fierté de nos méthodes françaises. Toujours, à la base de tout, se retrouvait la valeur de notre enseignement clinique. Poser l'indication opératoire; poser celle, souvent plus délicate, de l'abstention; ne pas considérer tout comme fini avec l'opération terminée; rester, dans la direction quotidienne du traitement ultérieur des chirurgiens, aussi «médecins» que possible: voilà qui est purement, exclusivement français. Au total, nous pratiquâmes environ soixante-dix grandes opérations. Puis, par petits paquets, par trois, par six, par dix, on évacua peu à peu les guéris de l'ambulance. Il vint un jour où Mikhaïlowski, toujours l'ami dévoué de nos débuts, prit à l'ambulance de la reine nos onze derniers convalescents. Un gros chagrin pesa sur nos coeurs, avec le silence des bâtiments muets. Sur le seuil de la salle qu'elle retrouvait vide, une de nos infirmières pleura...» (Les Français aux armées de Bulgarie. Mame, éditeur.)

D'autre part, M. Delorme, médecin inspecteur général de l'armée, a lu, à une des dernières séances de l'Académie des sciences une note très complète sur le traitement des blessures de guerre, où, à côté de détails trop techniques pour être rapportés, nous trouvons les indications suivantes:

«A l'heure actuelle, la chirurgie de guerre doit être conservatrice dans la grande majorité des cas, dans la presque totalité des blessures par les balles.

»L'étroitesse des plaies faites par des balles modernes, l'abstention de la recherche systématique des corps étrangers, les pratiques de l'antisepsie et de l'asepsie, ont eu pour conséquences de transformer le pronostic du plus grand nombre de blessures de guerre, d'en écarter les complications, de réduire les pertes, d'améliorer les résultats.

»La vie du blessé n'étant plus aussi souvent en jeu qu'autrefois, grâce à l'asepsie et à l'antisepsie, l'activité du chirurgien doit tendre à obtenir la guérison avec le minimum de tares consécutives.

»Les pratiques de la chirurgie de guerre dans les lignes de l'avant diffèrent de celles de la chirurgie commune parce qu'elles sont commandées par les conditions de milieu, de circonstances et de fonctionnement chirurgical. Dans les hôpitaux de l'arrière, elles tendent à se confondre avec celles de la chirurgie journalière.»

Les pertes en hommes dans les guerres modernes.

Beaucoup de personnes s'imaginent que la perfection des armes modernes entraîne fatalement des pertes effroyables à la guerre. D'autres soutiennent le contraire; dès 1868, le colonel Ardant du Picq, du 10e de ligne (tué à l'ennemi, sous Metz, le 15 août 1870), écrivait: «Combattre de loin est naturel à l'homme; du premier jour, toute son industrie n'a tendu qu'à obtenir ce résultat, et il continue... L'invention des armes à feu a diminué les pertes des vaincus dans les combats; leur perfectionnement l'a diminué et le diminue chaque jour...»

Ces deux opinions paraissent beaucoup trop absolues, mais la statistique est plutôt rassurante.

En 1859, à Magenta, 48.000 Franco-Sardes perdent 8 %; 62.620 Autrichiens 9,2 %. A Solférino, 151.000 Franco-Sardes perdent 8,9 %; 133.000 Autrichiens, 10,3 %. Pendant cette campagne, on employa pour la première fois le canon rayé de 4.

En 1866, à Koeniggraetz, les Prussiens (220.982) ont le fusil à aiguille et une artillerie médiocre; les Autrichiens (215.134) possèdent des canons excellents, mais sont encore armés de fusil à piston. Les Prussiens perdent 4 %; les Autrichiens 11 %.

En 1870, les pertes furent parfois plus élevées. A cette époque, il existe une différence d'armement entre les deux adversaires. Les Allemands ont encore le fusil à aiguille, mais leur canon se chargeant par la culasse est très supérieur à notre matériel, qui date de 1859. Il est vrai que notre chassepot vaut mieux que le fusil prussien.

A Froeschwiller, de 8 h. 30 du matin à 4 heures du soir, les Allemands (71.500 engagés) ont eu 9.270 tués ou blessés, soit 13 %, les Français (36.860), 8.000, soit 21 %.

A Rezonville, de 11 heures du matin à 9 heures du soir, les pertes des Allemands (63.000) sont de 15.800 hommes, soit 25 %; les nôtres (113.000) de 11.460, soit 10 %.

A Saint-Privat, la lutte est menée de 11 h. 45 du matin à 9 heures du soir, par 190.000 Allemands, contre 110 000 Français; elle coûte aux premiers 20.130 hommes hors de combat, soit 10 %, et à nous 12.270, soit 11,5 %. Encore faut-il ajouter que ce jour-là, dans l'espace de trente à trente-cinq minutes, de 5 heures un quart du soir à 6 heures moins un quart, la garde prussienne a perdu 309 officiers et 7.923 hommes.

Pendant la guerre russo-turque, à la bataille de Plewna (11 décembre 1877), les Russo-Roumains (120.000) ne perdent que 1,6 %; les Turcs (36.000), environ 15 %.

En Mandchourie, à Liao-Yang, dans une lutte qui a duré dix jours, les Japonais ont mis en ligne 220.000 hommes et 750 canons; les Russes leur ont opposé 150.000 hommes et 600 pièces. Les premiers y ont perdu 30.000 hommes; leurs adversaires, 13.500, soit respectivement 13 % et 9 %. Ces pertes, réparties sur dix jours, sont peu de chose, comparées à celles des armées de 1870. De ces divers chiffres il semble permis de conclure tout au plus que, malgré le perfectionnement des armes modernes, la proportion des pertes n'augmente pas sensiblement avec l'importance des effectifs en présence.

Pendant les guerres récentes des Balkans, les pertes des différents adversaires n'ont jamais dépassé 10% de l'effectif des combattants engagés.

Ajoutons que les progrès accomplis au double point de vue de la chirurgie et de l'hygiène permettent de sauver trois et même quatre fois plus de blessés qu'autrefois.

La ration des soldats.

Aux indications que nous avons données dans le précédent numéro sur la ration du soldat des diverses armées actuellement en campagne, ajoutons ce qui concerne les troupes russes et les troupes austro-hongroises.

Le soldat du tsar reçoit:

Viande sur pied: 820 gr. (ce qui correspond à 400 gr. environ de viande consommable); pain biscuité, 820 gr.; gruau, 205 gr.; farine, 17 gr.; pois secs, 140 gr.; sel, 35 gr.

Le soldat des armées austro-hongroises a une ration médiocre:

Conserves de viande et de légumes, 200 gr.; pain comprimé, 400 gr.; café, 20 gr.; sucre, 25 gr.; sel, 25 gr.

En résumé, les troupes françaises sont beaucoup mieux nourries que celles qu'elles ont à combattre.

Une guerre fertile en contrastes.

Cette guerre, qui a débuté par une lutte à mort entre l'une des plus grandes et l'une des plus petites puissances du monde, aura compté parmi ses premières victimes l'un des plus modestes potentats d'Europe, le prince Georg de Schaumburg-Lippe, tombé devant le fort de Flémalle, près Liège.

Au dernier recensement, la principauté de Schaumburg-Lippe était peuplée de 44.992 habitants, dont 785 catholiques et 257 juifs. Quant à la capitale, Buckeburg, elle comptait en 1905 un peu moins de 6.000 âmes, soit la moitié de la population de San-Marin.

Il est donc probable qu'on ne saurait lui contester le titre de «la plus petite capitale du monde».


Le lieutenant
aviateur Cesari.

Magnifique exploit de nos aviateurs.

Tandis que la majorité de nos aviateurs se livrent à des reconnaissances qui rendent les plus grands services à notre état-major, d'autres entreprennent des raids offensifs d'une audace encore plus impressionnante.

C'est ainsi que le lieutenant Cesari et le caporal Prudhommeau sont partis de Verdun, le vendredi 14 août à 17 h. 30, chacun dans son avion, avec mission de reconnaître, de détruire si possible, le hangar à dirigeables de Frascati à Metz.

Les deux vaillants soldats sont arrivés près de la ligne des forts, le lieutenant à 2.700 mètres et le caporal à 2.200. Malgré une canonnade ininterrompue, ils ont maintenu leur direction.

Un peu avant d'arriver au-dessus du champ de manoeuvres, le moteur du lieutenant a cessé de fonctionner. L'aviateur, ne voulant pas tomber sans avoir rempli sa mission, se mit en vol plané, et c'est en vol plané qu'il jeta sa bombe, avec un merveilleux sang-froid. Peu après le moteur reprit sa marche régulière.

Le caporal, de son côté, avait lancé son projectile. Pas plus que le lieutenant, il ne put observer exactement, à travers la fumée des projectiles ennemis, le point de chute, mais il croit avoir atteint le but.

Les deux héros, rentrés sains et saufs à leur quartier, ont été, à juste titre, cités à l'ordre du jour de l'armée.


Le territoire de l'ancienne Pologne, à laquelle le tsar promet l'autonomie.


Les frontières russo-germaniques

CE QUE FONT LES RUSSES


AUX FRONTIÈRES D'ALLEMAGNE ET D'AUTRICHE-HONGRIE

La lutte entre la Russie et ses adversaires germaniques s'est bornée jusqu'ici à des escarmouches d'avant-garde. Mais les nouvelles qui nous arrivent du théâtre de la guerre montrent, comme il fallait s'y attendre, que les belligérants cherchent à occuper les têtes de lignes des chemins de fer stratégiques.

Il est évident que la Russie vise la route de Berlin. Son offensive s'est, en effet, portée tout d'abord du côté de la Prusse orientale: elle a pris Evdtkuhnen, l'importante gare-frontière allemande de la ligne Berlin-Pétersbourg, où elle a pu se fortifier, malgré les contre-attaques allemandes.

Nos amis ont ensuite occupé successivement: Lyck, gare-frontière de la ligne de Koenigsberg; Marggrabova, sur la ligne de Lyck à Insterburg; enfin, Tilsitt, où ils se sont également fortifiés. Ce dernier point commande la route de Memel, port extrême-nord de l'Allemagne.

Pendant ce temps, on voit des avions allemands s'aventurer jusqu'au-dessus de Kovno, où doivent passer nécessairement les troupes russes venant des deux grands points de concentration Saint-Pétersbourg et Vilna.

En Pologne, les Russes se sont tenus d'abord sur la défensive, et les Allemands ont occupé Kalisch, tête de la ligne Varsovie-Moscou; puis, sur la ligne Vienne-Varsovie, Bendzin, chef-lieu du district où sont établies les grandes industries françaises comme Sosnowice, Dombrowa, Huta, etc. Ils se sont avancés, sur cette voie, jusqu'à Czestochova.

Dans la même région, les Autrichiens ont, de leur côté, pris Olkulsz, Andreiw et ont poussé jusqu'à Kielce s'acheminant ainsi vers Ivangorod, grande place fortifiée sur la route de Brest-Litowsky, principal point de concentration contre l'Autriche.


Embarquement à Oran
de troupes d'Afrique

Phot. Trotin.

Le danger de cette marche n'a pas échappé aux troupes russes qui ont repris Kielce et poursuivi l'ennemi jusqu'à Andreiw.

L'offensive autrichienne s'est alors portée à l'ouest, dans la région de Lemberg; elle a essayé de prendre Radzivilof, sur la ligne de Rovno. Les Russes ont riposté en s'avançant jusqu'à Brody, station autrichienne de cette même ligne, puis ils se sont emparés de Sokal où ils commandent la vallée de Bug. Ainsi arrêtés au nord-est de la frontière russo-galicienne les Autrichien ont dû reculer également à Volotchysk, situé plus bas. Ils ont, il est vrai, réussi à pénétrer dans la vallée du Dniester, en occupant Khotin. Y sont-ils encore? À l'heure où nous écrivons, on mande de Saint-Pétersbourg que l'avant-garde russe, composée de plusieurs divisions, est entrée dans la Bukovine et s'avance vers sa capitale, Czernowitz.

Cette seconde série de mouvements de l'armée russe semble indiquer qu'elle vise Lemberg, capitale de la Galicie, et par conséquent, Budapest.

Le manifeste de Nicolas II sur la résurrection de la Pologne semble devoir aider puissamment la marche russe sur la Pologne allemande. Aura-t-il le même effet en Galicie où l'Autriche a accordé à la population de grandes prérogatives et des libertés politiques: on peut le supposer, eu égard à l'intérêt qu'ont les Polonais à se voir réunis.

LE TRANSPORT DES TROUPES D'ALGÉRIE


Grâce à la maîtrise de notre flotte dans la Méditerranée, le transport en France du corps d'armée d'Algérie s'est effectué sans le moindre incident et avec une rapidité inespérée. Et combien nous semble déjà lointaine la démonstration des deux croiseurs allemands Goeben et Breslau: quelques bombes lancées en passant, sans sommation préalable, sur les maisons de Bône et de Philippeville, qui ont éprouvé des dommages insignifiants. Et tandis que turcos, zouaves, spahis sont à leur poste de combat sur le front des Vosges ou dans la vallée de la Meuse, le kaiser vend au gouvernement ottoman les deux bateaux qui l'ont si mal servi.


Les insignifiants dégâts causés à Bône par les obus du Breslau dans les murs de quelques
maisons et dans la coque du Saint-Thomas, ancré dans le port.

Phot. M. Felip.








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1914, 72e Année, No. 3730, by Various

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