Project Gutenberg's Contes choisis de la famille, by Les freres Grimm This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Contes choisis de la famille Author: Les freres Grimm Release Date: May 3, 2004 [EBook #12250] [Date last updated: September 16, 2004] Language: French Character set encoding: ASCII *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES CHOISIS DE LA FAMILLE *** Produced by Tonya Allen and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. LES FRERES GRIMM CONTES CHOISIS DE LA FAMILLE TRADUIT DE L'ALLEMAND LE LOUP ET L'HOMME. Le renard fit un jour au loup des recits merveilleux de la force de l'homme; il n'est pas un seul des animaux, dit-il, qui puisse lui resister, et tous ont besoin de recourir a la ruse pour echapper a ses coups. Le loup repondit au renard d'un air fanfaron: --Je voudrais bien qu'un heureux hasard me fit rencontrer un homme; tous tes beaux discours ne m'empecheraient pas de l'aborder en face. --Si tel est ton desir, repliqua le renard, il me sera facile de te fournir l'occasion que tu parais poursuivre. Viens me trouver demain de bon matin, et je te montrerai celui que tu cherches. Le loup se trouva a l'heure convenue au rendez-vous, et maitre renard le conduisit par des detours a lui familiers, jusqu'au chemin qu'un chasseur avait coutume de prendre tous les jours. Le premier individu qui se presenta fut un vieux soldat, congedie depuis longtemps. --Est-ce la un homme? demanda le loup. --Non, repondit le renard, c'en etait un autrefois. Apres le soldat, un petit garcon qui se rendait a l'ecole apparut sur le chemin. Le loup demanda de nouveaux: --Est-ce la un homme? --Non, mais c'en sera un plus tard. Enfin arriva le chasseur, son fusil a deux coups sur le dos et son couteau de chasse au cote. Maitre renard s'adressant au loup: --Cette fois, celui que tu vois venir est bien un homme; voici le moment de l'aborder en face; quant a moi, tu ne trouveras pas mauvais que j'aille me reposer un peu dans ma taniere. Ainsi qu'il l'avait dit, le loup marcha droit a la rencontre du chasseur; a sa vue, celui-ci se dit en lui-meme: --Quel dommage que je n'aie pas charge mon fusil a balles! Il mit en joue, et envoya tout son petit plomb dans le visage de messire loup, qui fit une grimace affreuse, et continua cependant d'avancer sans se laisser intimider. Le chasseur lui adressa une seconde decharge. Le loup supporta sa douleur en silence et s'elanca d'un bond sur le chasseur; mais celui-ci tira du fourreau sa lame aceree, et lui en porta dans les flancs de si rudes coups que le pauvre animal, renoncant a sa vengeance, prit la fuite et retourna tout sanglant vers le renard. --Eh bien, lui cria le ruse compere, du plus loin qu'il l'apercut, comment t'es-tu tire de ta rencontre avec l'homme? --Ne me le demande pas, repondit le loup tout confus, je ne me serais jamais fait une telle idee de la force de l'homme; il commenca par prendre un baton qu'il portait sur le dos, souffla par un bout et m'envoya au visage une certaine poussiere qui m'a chatouille de la maniere la plus desagreable du monde; puis il souffla une seconde fois dans son baton, et je crus recevoir dans le nez une pluie de grelons et d'eclairs; enfin, lorsque je fus parvenu tout pres de lui, il tira de son corps une blanche cote, et m'en assena des coups si violents, que peu s'en est fallu que je ne restasse mort sur la place. --Cela te prouve, repondit le renard, que l'on ne gagne pas toujours a faire le fanfaron, et qu'il ne faut jamais promettre plus qu'on ne peut tenir. LE VIOLON MERVEILLEUX. Il etait une fois un menetrier qui avait un violon merveilleux. Ce menetrier se rendit un jour tout seul dans une foret, laissant errer sa pensee ca et la; et quand il ne sut plus a quoi songer, il se dit: --Le temps commence a me sembler long dans cette foret; je veux faire en sorte qu'il m'arrive un bon compagnon. En consequence, il prit son violon qu'il portait sur le dos, et se mit a jouer un air qui reveilla mille echos dans le feuillage. Il n'y avait pas longtemps qu'il jouait, lorsqu'un loup vint en tapinois derriere les arbres. --Ciel! voila un loup! ce n'est point la le compagnon que je desire, pensa le menetrier. Cependant le loup s'approcha, et lui dit: --Eh! cher menetrier, que tu joues bien! ne pourrais-je pas aussi apprendre ton art? --La chose est facile, repondit le menetrier; il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai. --Oh! cher menetrier, reprit le loup, je veux t'obeir, comme un ecolier obeit a son maitre. Le musicien lui enjoignit de le suivre, et lorsqu'ils eurent fait un bout de chemin, ils arriverent au pied d'un vieux chene qui etait creux et fendu par le milieu. --Tu vois cet arbre, dit le menetrier; si tu veux apprendre a jouer du violon, il faut que tu places tes pattes de devant dans cette fente. Le loup obeit; mais le musicien ramassa aussitot une pierre et en frappa avec tant de force les deux pattes du loup, qu'elles s'enfoncerent dans la fente, et que le pauvre animal dut rester prisonnier. --Attends-moi jusqu'a ce que je revienne, ajouta le menetrier. Et il continua sa route. Il avait a peine marche pendant quelques minutes, qu'il se prit a penser de nouveau: --Le temps me semble si long dans cette foret, que je vais tacher de m'attirer un autre compagnon. En consequence, il prit son violon, et joua un nouvel air. Il n'y avait pas longtemps qu'il jouait, lorsqu'un renard arriva en tapinois a travers les arbres. --Ah! voila un renard, se dit le musicien; ce n'est pas la le compagnon que je desire. Le renard s'approcha, et lui dit: --Eh! cher musicien, que tu joues bien! Je voudrais bien apprendre ton art. --La chose est facile, repondit le musicien; il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai. --Oh! cher musicien, reprit le renard, je te promets de t'obeir, comme un ecolier obeit a son maitre. --Suis-moi, dit le menetrier. Quand ils eurent marche pendant quelques minutes, ils arriverent a un sentier borde des deux cotes par de hauts arbustes. En cet endroit, le musicien s'arreta, saisit d'un cote du chemin un noisetier qu'il inclina contre terre, mit le pied sur sa cime; puis de l'autre cote, il en fit de meme avec un autre arbrisseau; apres quoi, s'adressant au renard: --Maintenant, camarade, s'il est vrai que tu veuilles apprendre quelque chose, avance ta patte gauche. Le renard obeit, et le musicien lui lia la patte a l'arbre de gauche. --Renard, mon ami, lui dit-il ensuite, avance maintenant ta patte droite. L'animal ne se le fit pas dire deux fois, et le menetrier lui lia cette patte a l'arbre de droite. Cela fait, il lacha les deux arbustes qui se redresserent soudain, emportant avec eux dans l'air le renard qui resta suspendu et se debattit vainement. --Attends-moi jusqu'a ce que je revienne, dit le musicien. Et il continua sa route. Il ne tarda pas a penser pour la troisieme fois: --Le temps me semble long dans cette foret; il faut que je tache de me procurer un autre compagnon. En consequence, il prit son violon, et les accords qu'il en tira retentirent a travers le bois. Alors arriva, a bonds legers, un levraut. --Ah! voila un levraut, se dit le musicien. Ce n'est pas la le compagnon que je desire. --Eh! cher musicien, dit le levraut, que tu joues bien! je voudrais bien apprendre ton art. --La chose est facile, repondit le menetrier; il suffit pour cela que tu fasses exactement tout ce que je te dirai. --Oh! cher musicien, reprit le levraut, je te promets de t'obeir comme un ecolier obeit a son maitre. Ils cheminerent quelque temps ensemble, puis ils arriverent a un endroit moins sombre du bois ou se trouvait un peuplier. Le musicien attacha au cou du levraut une longue corde qu'il noua au peuplier par l'autre bout. --Maintenant alerte! ami levraut, fais-moi vingt fois en sautant le tour de l'arbre. Le levraut obeit; et quand il eut fait vingt fois le tour commande, la corde etait enroulee vingt fois autour de l'arbre, si bien que le levraut se trouva captif, et il eut beau tirer de toutes ses forces, il ne reussit qu'a se meurtrir le cou avec la corde. --Attends-moi jusqu'a ce que je revienne, dit le musicien. Et il poursuivit sa route. Cependant a force de tirer, de s'agiter, de mordre la pierre et de travailler en tous sens, le loup avait fini par rendre la liberte a ses pattes en les retirant de la fente. Plein de colere et de rage, il se mit a la poursuite du musicien qu'il se promettait de mettre en pieces. Lorsque le renard l'apercut qui arrivait au galop, il se prit a gemir et a crier de toutes ses forces: --Frere loup, viens a mon secours! le musicien m'a trompe. Le loup inclina les deux arbustes, rompit les cordes d'un coup de dent, et rendit la liberte au renard qui le suivit, impatient aussi de se venger du musicien. Ils rencontrerent bientot le pauvre levraut, qu'ils delivrerent egalement, et tous les trois se mirent a la poursuite de l'ennemi commun. Or, en continuant son chemin, le menetrier avait une quatrieme fois joue de son violon merveilleux; pour le coup il avait mieux reussi. Les accords de son instrument etaient arrives jusqu'aux oreilles d'un pauvre bucheron, qui, seduit par cette douce musique, abandonna sa besogne, et, la hache sous le bras, s'empressa de courir vers l'endroit d'ou partaient les sons. --Voila donc enfin le compagnon qu'il me faut! dit le musicien; car je cherchais un homme et non des betes sauvages. Puis il se remit a jouer d'une facon si harmonieuse et si magique, que le pauvre homme resta la immobile comme sous l'empire d'un charme, et que son coeur deborda de joie. C'est en ce moment qu'arriverent le loup, le renard et le levraut. Le bucheron n'eut pas de peine a remarquer que ses camarades n'avaient pas les meilleures intentions. En consequence, il saisit sa hache brillante et se placa devant le musicien, d'un air qui voulait dire: --Celui qui en veut au menetrier fera bien de se tenir sur ses gardes, car il aura affaire a moi. Aussi la peur s'empara-t-elle des animaux conjures, qui retournerent en courant dans la foret. Le musicien temoigna sa reconnaissance au bucheron en lui jouant encore un air melodieux, puis il s'eloigna. LE RENARD ET LES OIES. Un jour qu'il rodait selon sa coutume, maitre renard arriva dans une prairie ou une troupe de belles oies bien grasses se prelassait au soleil. A cette vue, notre chercheur d'aventures poussa un eclat de rire effrayant, et s'ecria: --En verite, je ne pouvais venir plus a propos! vous voila alignees d'une facon si commode, que je n'aurai guere besoin de me deranger pour vous croquer l'une apres l'autre. A ces mots, les oies epouvantees pousserent des cris lamentables et supplierent le renard de vouloir bien se laisser toucher et de ne point leur oter la vie. Elles eurent beau dire et beau faire, maitre renard resta inebranlable. --Il n'y a pas de grace possible, repondit-il, votre derniere heure a sonne. Cet arret cruel donna de l'esprit a l'une des oies qui, prenant la parole au nom de la troupe: --Puisqu'il nous faut, dit-elle, renoncer aux douces voluptes des pres et des eaux, soyez assez genereux pour nous accorder la derniere faveur qu'on ne refuse jamais a ceux qui doivent mourir; promettez de ne nous oter la vie que lorsque nous aurons acheve notre priere; ce devoir accompli, nous nous mettrons sur une ligne, de facon a ce que vous puissiez devorer successivement les plus grasses d'entre nous. --J'y consens, repondit le renard; votre demande est trop juste pour n'etre point accueillie: commencez donc votre priere; j'attendrai qu'elle soit finie. Aussitot, une des oies entonna une interminable priere, un peu monotone a la verite, car elle ne cessait de dire: caa-caa-caa. Et comme, dans son zele, la pauvre bete ne s'interrompait jamais, la seconde oie entonna le meme refrain, puis la troisieme, puis la quatrieme, puis enfin toute la troupe, de sorte qu'il n'y eut bientot plus qu'un concert de caa-caa-caa! Et maitre renard qui avait donne sa parole, dut attendre qu'elles eussent fini leur caquetage. Nous devrons faire comme lui pour connaitre la suite de ce conte. Par malheur, les oies caquettent encore toujours, d'ou je conclus qu'elles ne sont pas aussi betes qu'on veut bien le dire. LE RENARD ET LE CHAT. Un jour le chat rencontra messire le renard au fond d'un bois, et comme il le connaissait pour un personnage adroit, experimente, et fort en credit dans le monde, il l'aborda avec une grande politesse: --Bonjour, monsieur le renard, lui dit-il; comment vous portez-vous? etes-vous content de vos affaires? comment faites-vous dans ce temps de disette? Le renard, tout gonfle d'orgueil, toisa de la tete aux pieds le pauvre chat, et sembla se demander pendant quelques instants s'il daignerait l'honorer d'une reponse. Il s'y decida pourtant a la fin: --Pauvre here que tu es! repliqua-t-il d'un ton de mepris, miserable meurt-de-faim, infime et ridicule chasseur de souris, d'ou te vient aujourd'hui tant d'audace? Tu oses te faire l'honneur de me demander comment je me porte? Mais pour te permettre de me questionner, quelles sont donc les connaissances que tu possedes? de combien d'arts connais-tu les secrets? --Je n'en connais qu'un seul, repondit le chat d'un air modeste et confus. --Et quel est cet art? demanda le renard avec arrogance. --Quand les chiens sont a ma poursuite, repartit le chat, je sais leur echapper en grimpant sur un arbre. --Est-ce la tout? reprit le renard. Moi, je suis passe docteur en cent arts divers; mais ce n'est rien encore: je possede en outre un sac tout rempli de ruses. En verite, j'ai compassion de toi; suis-moi, et je t'apprendrai comment on echappe aux chiens. Comme il achevait ces mots, un chasseur, precede de quatre dogues vigoureux, parut au bout du sentier. Le chat s'empressa de sauter sur un arbre, et alla se fourrer dans les branches les plus touffues, si bien qu'il etait entierement cache. Hatez-vous de delier votre sac! hatez-vous d'ouvrir votre sac! cria-t-il au renard. Mais deja les chiens s'etaient precipites sur ce dernier, et le tenaient entre leurs crocs. --Eh! monsieur le renard, cria de nouveau le chat, vous voila bien embourbe avec vos cent arts divers! Si vous n'aviez su que grimper comme moi, vous seriez en ce moment un peu plus a votre aise. LE SOLEIL QUI REND TEMOIGNAGE. Un ouvrier tailleur voyageait de ville en ville pour se perfectionner dans son etat. Les temps devinrent si difficiles, qu'il ne put plus trouver d'ouvrage, et qu'il tomba dans une misere profonde. Dans cette extremite, il rencontra un juif au milieu d'un bois touffu; et chassant de son coeur la pensee de Dieu, il le saisit au collet et lui dit: --La bourse, ou la vie! Le juif repondit: --De grace, laissez-moi la vie; je ne suis d'ailleurs qu'un pauvre juif, et je n'ai que deux sous pour toute fortune. Le tailleur crut que le juif lui en imposait; et il reprit: --Tu ments; je suis sur que ta bourse est bien garnie. En achevant ces mots, il fondit sur le pauvre juif et lui assena des coups si violents, que le malheureux tomba expirant contre terre. Sur le point de rendre le dernier soupir, le juif recueillit le peu qui lui restait de forces pour prononcer ces paroles: --Le soleil qui a vu ton crime, saura bien en rendre temoignage! Et le pauvre juif avait cesse d'exister. Aussitot l'ouvrier tailleur se mit a fouiller dans les poches de sa victime, mais il eut beau les retourner en tous sens, il n'y trouva que les deux sous annonces par le juif. Alors, il souleva le corps et alla le cacher derriere un buisson; apres quoi, il poursuivit sa route, a la recherche d'une place. Quand il eut voyage longtemps de la sorte, il finit par trouver a s'employer dans une ville chez un maitre tailleur qui avait une tres-belle fille. Le jeune apprenti ne tarda pas a en devenir epris, la demanda en mariage, et l'epousa. Et ils vecurent heureux. Longtemps apres, son beau-pere et sa belle mere moururent, et le jeune couple herita de leur maison. Un matin, tandis que notre tailleur etait assis, les deux jambes croisees sur la table, et regardait par la fenetre, sa femme lui apporta son cafe. Il en versa une partie dans sa soucoupe, et comme il se disposait a boire, un rayon de soleil vint se jouer a la surface de la liqueur, puis remonta vers les bords en tracant des dessins fantastiques. Le tailleur, a qui sa conscience rappelait sans cesse les dernieres paroles du juif, marmotta entre ses dents: --Voila un rayon qui voudrait bien rendre temoignage, mais il lui manque la voix! --Que murmures-tu la dans ta barbe? lui demanda avec etonnement sa femme. Le tailleur fort embarrasse par cette question, repondit: --Ne le demande pas; c'est un secret. Mais la femme reprit: --Entre nous il ne doit pas y avoir place pour un secret. Tu me confieras celui-ci, ou je croirai que tu ne m'aimes pas. Et la femme accompagna cette reponse insidieuse des plus belles promesses de discretion: elle ensevelirait ce secret dans son sein; elle ne lui en parlerait meme jamais plus. Bref, elle fit si bien, que le tailleur lui avoua que jadis, dans ses annees de compagnonnage, un jour, egare par la misere et la faim, il avait fait tomber sous ses coups, pour le devaliser, un malheureux juif; et qu'au moment de rendre le dernier soupir, ce juif lui avait dit: --Le soleil qui a vu ton crime saura bien en rendre temoignage! --Et c'est a quoi je faisais allusion tout a l'heure, poursuivit le tailleur, en voyant le soleil s'evertuer a faire des ronds dans ma tasse; mais je t'en supplie, veille bien sur ta langue; songe qu'un seul mot pourrait me perdre. La femme jura ses grands dieux qu'elle se montrerait digne de recevoir un secret. Or, son mari s'etait a peine remis au travail, qu'elle courut en toute hate chez sa marraine, a qui elle raconta ce qu'elle venait d'apprendre, en lui recommandant bien de n'en souffler mot a qui que ce soit. Le lendemain, ce secret etait celui de la ville entiere; si bien, que le tailleur fut cite a comparaitre devant le juge, qui le condamna a la peine qu'il meritait. Et c'est ainsi que le soleil, qui voit tous les crimes, finit toujours par en rendre temoignage. LE DOCTEUR UNIVERSEL. Il y avait une fois un paysan nomme Ecrevisse. Ayant porte une charge de bois chez un docteur, il remarqua les mets choisis et les vins fins dont se regalait celui-ci, et demanda, en ouvrant de grands yeux, s'il ne pourrait pas aussi devenir docteur? --Oui certes, repondit le savant; il suffit pour cela de trois choses: 1 deg. procure-toi un abecedaire, c'est le principal; 2 deg. vends ta voiture et tes boeufs pour acheter une robe et tout ce qui concerne le costume d'un docteur; 3 deg. mets a ta porte une enseigne avec ces mots: Je suis le docteur universel. Le paysan executa ces instructions a la lettre. A peine exercait-il son nouvel etat, qu'une somme d'argent fut volee a un riche seigneur du pays. Ce seigneur fait mettre les chevaux a sa voiture et vient demander a notre homme s'il est bien le docteur universel. --C'est moi-meme, monseigneur. --En ce cas, venez avec moi pour m'aider a retrouver mon argent. --Volontiers, dit le docteur; mais Marguerite, ma femme, m'accompagnera. Le seigneur y consentit, et les emmena tous deux dans sa voiture. Lorsqu'on arriva au chateau, la table etait servie, le docteur fut invite a y prendre place. --Volontiers, repondit-il encore; mais Marguerite, ma femme, y prendra place avec moi. Et les voila tous deux attables. Au moment ou le premier domestique entrait, portant un plat de viande, le paysan poussa sa femme du coude, et lui dit: --Marguerite, celui-ci est le premier. Il voulait dire le premier plat; mais le domestique comprit: le premier voleur; et comme il l'etait en effet, il prevint en tremblant ses camarades. --Le docteur sait tout! notre affaire n'est pas bonne; il a dit que j'etais le premier! Le second domestique ne se decida pas sans peine a entrer a son tour; a peine eut-il franchi la porte avec son plat, que le paysan, poussant de nouveau sa femme: --Marguerite, voici le second. Le troisieme eut la meme alerte, et nos coquins ne savaient plus que devenir. Le quatrieme s'avance neanmoins, portant un plat couvert (c'etaient des ecrevisses). Le maitre de la maison dit au docteur: --Voila une occasion de montrer votre science. Devinez ce qu'il y a la-dedans. Le paysan examine le plat, et, desesperant de se tirer d'affaire: --Helas! soupire-t-il, pauvre Ecrevisse! (On se rappelle que c'etait son premier nom.) A ces mots, le seigneur s'ecrie: --Voyez-vous, il a devine! Alors il devinera qui a mon argent! Aussitot le domestique, eperdu, fait signe au docteur de sortir avec lui. Les quatre fripons lui avouent qu'ils ont derobe l'argent, mais qu'ils sont prets a le rendre et a lui donner une forte somme s'il jure de ne les point trahir; puis ils le conduisent a l'endroit ou est cache le tresor. Le docteur, satisfait, rentre, et dit: --Seigneur, je vais maintenant consulter mon livre, afin d'apprendre ou est votre argent. Cependant un cinquieme domestique s'etait glisse dans la cheminee pour voir jusqu'ou irait la science du devin. Celui-ci feuillette en tous sens son abecedaire, et ne pouvant y trouver un certain signe: --Tu es pourtant la dedans, s'ecrie-t-il avec impatience, et, il faudra bien que tu en sortes. Le valet s'echappe de la cheminee, se croyant decouvert, et crie avec epouvante: --Cet homme sait tout! Bientot le docteur montra au seigneur son argent, sans lui dire qui l'avait soustrait; il recut de part et d'autre une forte recompense, et fut desormais un homme celebre. LA DOUCE BOUILLIE. Une fille, pauvre mais vertueuse et craignant Dieu, vivait seule avec sa vieille mere. Leur misere etait devenue si grande qu'elles se voyaient sur le point de mourir de faim. Dans cette extremite, la pauvre fille, toujours confiante en Dieu, sortit de leur miserable cabane, et penetra dans le bois voisin. Elle ne tarda pas a rencontrer une vieille femme qui, devinant (c'etait une fee) la detresse de la jeune fille, lui donna un petit pot, bien precieux vraiment. --Tu n'auras qu'a prononcer ces trois mots, dit la vieille: "petit pot, cuis!" Il se mettra aussitot a te faire une douce et excellente bouillie de millet; et quand tu auras dit: "petit pot, arrete-toi!" il s'arretera sur-le-champ. La jeune fille s'empressa d'apporter a sa mere ce pot merveilleux. A partir de ce moment, l'indigence et la faim quitterent leur humble cabane, et elles purent se regaler de bouillie tout a leur aise. Il arriva qu'un jour la jeune fille dut aller faire une course hors du village. Pendant son absence la mere eut faim, et se hata de dire: --Petit pot, cuis. Petit pot ne se le fit pas repeter, et la vieille eut bientot mange tout son soul; alors, la bonne femme voulut arreter le zele producteur du petit pot. Mais par malheur elle ignorait les mots qu'il fallait prononcer pour cela. Maitre petit pot continua donc de cuire toujours plus et plus fort, si bien que la bouillie ne tarda pas a deborder du vase, puis a remplir la cuisine, puis a inonder la maison, puis la maison d'a cote, puis une autre, puis encore une autre, puis enfin toute la rue; et du train dont il y allait, on eut dit qu'il voulait noyer le monde entier. Cela devenait d'autant plus effrayant, que personne ne savait comment s'y prendre pour arreter ce deluge. Heureusement qu'a la fin, comme il ne restait plus dans tout le village qu'une seule maison qui ne fut pas devenue la proie de la bouillie, la jeune fille revint et s'ecria: --Petit pot! arrete-toi! Et aussitot petit pot s'arreta. Les habitants du village, qui desirerent rentrer dans leurs maisons, n'en durent pas moins avaler beaucoup plus de bouillie qu'ils n'en voulaient. Ce conte prouve qu'on fait toujours mal ce qu'on ne sait qu'a demi. LE LOUP ET LE RENARD. Certain loup s'etait fait le compagnon de certain renard, et les moindres desirs de sa seigneurie le loup devenaient des ordres pour son tres-humble serviteur le renard, car celui-ci etait le plus faible. Aussi desirait-il de tout son coeur pouvoir se debarrasser d'un camarade aussi genant. Tout en rodant de compagnie, ils arriverent un jour dans une foret profonde. --Ami a barbe rouge, lui dit le loup, mets-toi en quete de me procurer un bon morceau; sinon, je te croque. Maitre renard s'empressa de repondre: --Seigneur loup, je sais a peu de distance d'ici une etable ou se trouvent deux agneaux friands; si le coeur vous en dit, nous irons en derober un. La proposition plut au loup. En consequence, nos deux compagnons se dirigerent vers la ferme indiquee; le ruse renard parvint sans peine a derober un des agneaux qu'il s'empressa d'apporter au loup; puis il s'eloigna. Aussitot le loup se mit en devoir de devorer a belles dents l'innocente bete; et quand il eut fini, ce qui ne tarda guere, ne se sentant pas encore suffisamment repu, il se prit a penser que ce ne serait pas trop du second agneau pour apaiser sa faim. Il se decida donc a entreprendre lui-meme cette nouvelle expedition. Or, comme sa seigneurie etait un peu lourde, elle renversa un balai en entrant dans l'etable, si bien que la mere du pauvre agneau poussa aussitot des belements si dechirants, que le fermier et ses garcons accoururent en toute hate. Maitre loup passa alors un mauvais quart d'heure: il sentit pleuvoir sur son dos une grele de coups si drue, qu'il eut toutes les peines du monde a se sauver en boitant, et en hurlant de la maniere la plus lamentable. Arrive pres du renard: --Tu m'as conduit dans un beau guepier, lui dit-il; j'avais voulu m'emparer du deuxieme agneau; mais est-ce que ces paysans mal appris ne se sont pas avises de fondre sur moi a grands coups de baton, ce qui m'a reduit au facheux etat ou tu me vois. --Pourquoi aussi etes-vous si insatiable? repondit le renard. Le jour suivant, ils se remirent en campagne, et s'adressant a son ruse compagnon: --Ami a barbe rouge, lui dit le loup, mets-toi en quete de me procurer un bon morceau, sinon je te croque. Maitre renard s'empressa de repondre: --Seigneur loup, je connais une ferme dont la fermiere est presentement occupee a faire des gateaux delicieux; si vous voulez, nous irons en derober quelques-uns? --Marche en avant, repliqua le loup. Ils se dirigerent donc vers la ferme en question, et quand ils y furent arrives, le renard poussa des reconnaissances autour de la place qu'il s'agissait d'enlever. Il fureta si bien, qu'il finit par decouvrir l'endroit ou la menagere cachait ses gateaux, en deroba une demi-douzaine, et courut les porter au loup. --Voila de quoi regaler votre seigneurie, dit-il. Puis il s'eloigna. Le loup ne fit qu'une bouchee des six gateaux qui, loin de le rassasier, aiguillonnerent encore son appetit. --Cela demanda a etre goute plus a loisir! rumina-t-il. En consequence, il entra dans la ferme d'ou il avait vu sortir le renard, et parvint dans l'office ou se trouvaient les gateaux. Mais dans son avidite, il voulut tirer a lui tout le plat qui tomba sur le carreau, et vola en pieces en occasionnant un grand fracas. Attiree soudain par un tel vacarme, la fermiere apercut le loup et appela ses gens. Ceux-ci accoururent sur-le-champ, et cette fois encore maitre loup fut rosse d'importance. Boitant de deux pattes et poussant des hurlements capables d'attendrir un rocher, il rejoignit le renard dans la foret: --Dans quel horrible guepier m'as-tu de nouveau conduit? lui dit-il. Il se trouvait la des rustres qui m'ont casse leurs batons sur le dos. --Pourquoi votre seigneurie est-elle si insatiable? repondit le renard. Le lendemain, les deux compagnons se mirent pour la troisieme fois en campagne, et, bien que le loup ne put encore marcher que clopin clopant, s'adressant de nouveau au renard: --Ami a la barbe rouge, lui dit-il, mets-toi en quete de me procurer un bon morceau; sinon je te croque. Le renard s'empressa de repondre. --Je connais un homme qui vient de saler un porc; le lard savoureux se trouve en ce moment dans un tonneau de sa cave; si vous voulez, nous irons en prelever notre part? --J'y consens, repliqua le loup, mais j'entends que nous y allions ensemble, pour que tu puisses me preter secours en cas de malheur. --De tout mon coeur, reprit le ruse renard. Et il se mit immediatement en devoir de conduire le loup par une foule de detours et de sentiers jusque dans la cave annoncee. Ainsi que le renard l'avait predit, jambon et lard se trouvaient la en abondance. Le loup fut bientot a l'oeuvre: --Rien ne nous presse, dit-il, donnons-nous-en donc tout a notre aise! Maitre renard se garda bien d'interrompre son compagnon dans ses fonctions gloutonnes: mais quant a lui, il eut toujours l'oeil et l'oreille au guet; de plus, chaque fois qu'il avait avale un morceau, il s'empressait de courir a la lucarne par laquelle ils avaient penetre dans la cave, afin de prendre la mesure de son ventre. Etonne de ce manege, le loup lui dit entre deux coups de dents. --Ami renard, explique-moi donc pourquoi tu perds ainsi ton temps a courir de droite a gauche, puis a passer et a repasser par ce trou? --C'est pour m'assurer que personne ne vient, reprit le ruse renard. Que votre seigneurie prenne seulement garde de se donner une indigestion. --Je ne sortirai d'ici, repliqua le loup, que lorsqu'il ne restera plus rien dans le tonneau. Dans l'intervalle, arriva le paysan, attire par le bruit que faisaient les bonds du renard. Ce dernier n'eut pas plutot apercu notre homme, qu'en un saut il fut hors de la cave; sa seigneurie le loup voulut le suivre, mais par malheur, il avait tant mange que son ventre ne put passer par la lucarne, et qu'il y resta suspendu. Le paysan eut donc tout le temps d'aller chercher une fourche dont il perca le pauvre loup. Sans sa gloutonnerie, se dit le renard, en riant dans sa barbe, je ne serais pas encore debarrasse de cet importun compagnon. LA CHOUETTE. Il y a environ quelques siecles, lorsque les hommes n'etaient pas encore aussi fins et aussi ruses qu'ils le sont aujourd'hui, il arriva une singuliere histoire dans je ne sais plus qu'elle petite ville, fort peu familiarisee, comme on va le voir, avec les oiseaux nocturnes. A la faveur d'une nuit tres-obscure, une chouette, venue d'une foret voisine, s'etait introduite dans la grange d'un habitant de la petite ville en question, et, quand reparut le jour, elle n'osa pas sortir de sa cachette, par crainte des autres oiseaux qui n'auraient pas manque de la saluer d'un concert de cris menacants. Or, il arriva que le domestique vint chercher une botte de paille dans la grange; mais a la vue des yeux ronds et brillants de la chouette tapie dans un coin, il fut saisi de frayeur, qu'il prit ses jambes a son cou, et courut annoncer a son maitre qu'un monstre comme il n'en avait encore jamais vu se tenait cache dans la grange, qu'il roulait dans ses orbites profondes des yeux terribles, et qu'a coup sur cette bete avalerait un homme sans ceremonie et sans difficulte. --Je te connais, beau masque, lui repondit son maitre; s'il ne s'agit que de faire la chasse aux merles dans la plaine, le coeur ne te manque pas; mais apercois-tu un pauvre coq etendu mort contre terre, avant de t'en approcher, tu as soin de t'armer d'un baton. Je veux aller voir moi-meme a quelle espece de monstre nous allons avoir affaire. Cela dit, notre homme penetra d'un pied hardi dans la grange, et se mit a regarder en tous sens. Il n'eut pas plutot vu de ses propres yeux l'etrange et horrible bete, qu'il fut saisi d'un effroi pour le moins egal a celui de son domestique. En deux bonds il fut hors de la grange, et courut prier ses voisins de vouloir bien lui preter aide et assistance contre un monstre affreux et inconnu: --Il y va de votre propre salut, leur dit-il; car si ce terrible animal parvient a s'evader de ma grange, c'en est fait de la ville entiere! En moins de quelques minutes, des cris d'alarme retentirent par toutes les rues; les habitants arriverent armes de piques, de fourches et de faux, comme s'il se fut agi d'une sortie contre l'ennemi; puis enfin parurent, en grand costume et revetus de leur echarpe, les conseillers de la commune avec le bourgmestre en tete. Apres s'etre mis en rang sur la place, ils s'avancerent militairement vers la grange qu'ils cernerent de tous cotes. Alors le plus courageux de la troupe sortit du cercle, et se risqua a penetrer dans la grange, la pique en avant; mais on l'en vit ressortir aussitot a toutes jambes, pale comme la mort, et poussant de grands cris. Deux autres bourgeois intrepides oserent encore apres lui tenter l'aventure, mais ils ne reussirent pas mieux. A la fin, on vit se presenter un homme d'une stature colossale et d'une force prodigieuse. C'etait un ancien soldat qui, par sa bravoure, s'etait fait une reputation a la guerre. --Ce n'est pas en allant vous montrer les uns apres les autres, dit-il, que vous parviendrez a vous debarrasser du monstre; il s'agit ici d'employer la force, mais je vois avec peine que la peur a fait de vous autant de femmes. Cela dit, notre valeureux guerrier se fit apporter cuirasse, glaive et lance, puis il s'arma en guerre. Chacun vantait son courage, quoique presque tous fussent persuades qu'il courait a une mort certaine. Les deux portes de la grange furent ouvertes, et l'on put voir alors la chouette qui etait allee se poser sur une poutre du milieu. Le soldat se decida a monter a l'assaut. En consequence, on lui apporta une echelle qu'il placa contre la poutre. Au moment ou il s'appretait a monter, ses camarades lui crierent en coeur de se conduire en homme; puis, ils le recommanderent a saint Georges qui, chacun le sait, dompta jadis le dragon. Quand il fut parvenu aux trois quarts de l'echelle, la chouette qui s'apercut qu'on en voulait a sa noble personne, et que d'ailleurs les clameurs de la foule avait effarouchee, ne sachant de quel cote s'enfuir, se mit soudain a rouler de grands yeux, herissa ses plumes, deploya ses vastes ailes, deserra son bec hideux, et poussa trois cris sauvages, d'une voix rauque et effrayante. --Frappez-la de votre lance! s'ecrierent au meme instant du dehors les bourgeois electrises. --Je voudrais bien vous voir a ma place, repondit le belliqueux aventurier; je gage qu'alors vous ne seriez pas si braves. Toutefois, il monta encore d'un degre sur l'echelle; apres quoi, la peur s'empara de lui, si bien qu'il lui resta tout au plus assez de force pour redescendre jusqu'au bas. Des lors, il ne se trouva plus personne pour affronter le danger. --Au moyen de sa seule haleine et par la fascination de son regard, disaient-ils tous, cet horrible monstre a penetre de son venin et blesse a mort le plus robuste d'entre nous; a quoi nous servirait donc de nous exposer a une mort certaine? D'accord sur ce point, ils tinrent conseil a l'effet de savoir ce qu'il y avait a faire pour preserver la ville d'une ruine imminente. Pendant longtemps tous les moyens avaient ete juges insuffisants, lorsqu'enfin par bonheur le bourgmestre eut une idee. --Mon avis est, dit ce respectable citoyen, que nous dedommagions, au nom de la commune, le proprietaire de cette grange; que nous lui payions la valeur de tous les sacs d'orge et de ble qu'elle renferme; puis, que nous y mettions le feu, aux quatre coins, ce qui ne coutera la vie a personne. Ce n'est pas dans une circonstance aussi perilleuse qu'il faut se montrer avare des deniers publics; et d'ailleurs il s'agit ici du salut commun. L'avis du bourgmestre fut adopte a l'unanimite. En consequence, le feu fut mis aux quatre coins de la grange, qui bientot fut entierement consumee, tandis que la chouette s'envolait par le toit. Si vous doutez de la verite de ce recit, allez sur les lieux vous en informer vous-meme. LES TROIS FRERES. Un vieillard avait trois fils, mais comme il ne possedait pour tout bien qu'une maison, et que cette maison lui avait ete leguee par son pere, il ne pouvait se resoudre a la vendre pour en partager le produit entre ses enfants. Dans cette incertitude, il lui vint une bonne idee: --Risquez-vous par le monde, leur dit-il un jour; allez apprendre chacun un metier qui vous fasse vivre, et, votre apprentissage termine, hatez-vous de revenir; celui qui me donnera alors la preuve la plus convaincante de son savoir-faire, heritera de ma maison. En consequence, le depart des trois fils fut arrete. Ils deciderent qu'ils deviendraient, l'un marechal-ferrant, l'autre barbier, et le troisieme maitre d'armes. Ils fixerent ensuite un jour et une heure ou ils se retrouveraient dans la suite, pour revenir ensemble sous le toit paternel. Ces conventions arretees, ils partirent. Or, il arriva que les trois freres eurent le bonheur de rencontrer chacun un maitre consomme dans le metier qu'ils voulaient apprendre. C'est ainsi que notre marechal-ferrant ne tarda pas a etre charge de ferrer les chevaux du roi; aussi pensa-t-il dans sa barbe: --Mes freres seront bien habiles s'ils me disputent la maison. De son cote, le jeune barbier eut bientot pour pratiques les plus grands seigneurs de la cour, si bien qu'il se flattait aussi d'heriter de la maison a la barbe de ses freres. Quant au maitre d'armes, avant de connaitre tous les secrets de son art, il dut recevoir plus d'un bon coup d'estoc et de taille; mais la recompense promise soutenait son courage, en meme temps qu'il exercait son oeil et sa main. Quand l'epoque fixee pour le retour fut arrivee, les trois freres se reunirent a l'endroit convenu, puis ils regagnerent ensemble la maison de leur pere. Le soir meme de leur retour, tandis qu'ils etaient assis tous quatre devant la porte, ils apercurent un lievre qui accourait a travers champs de leur cote. --Bravo! dit le barbier, voici une pratique qui vient fort a propos pour me fournir l'occasion de montrer mon savoir-faire! En prononcant ces mots, notre homme prenait savon et bassin et preparait sa blanche mousse. Quand le lievre fut parvenu a proximite, il courut a sa poursuite, le rejoignit, et tout en galopant de concert avec le leger animal, il lui barbouilla le nez de savon, puis d'un seul coup de raseoir il lui enleva la moustache, sans lui faire la plus petite coupure, et sans oublier le plus petit poil. --Voila qui est travaille! dit le pere, il faudra que tes freres soient bien habiles pour te disputer la maison. Quelques moments apres, on vit arriver a toute bride un cheval fringant attele a une legere voiture. --Je sais vous donner un echantillon de mon adresse, dit a son tour le marechal-ferrant. A ces mots, il s'elanca sur la trace du cheval, et bien que celui-ci redoublat de vitesse, il lui enleva les quatre fers auquel il en substitua quatre autres; et tout cela en moins d'une minute, le plus aisement du monde et sans ralentir la course du cheval. --Tu es un artiste accompli, s'ecria le pere; tu es aussi sur de ton affaire, que ton frere l'est de la sienne; et je ne saurais en verite decider lequel de vous deux merite le plus la maison. --Attendez que j'aie aussi fait mes preuves, dit alors le troisieme fils. La pluie commencait a tomber en ce moment. Notre homme tira son epee, et se mit a en decrire des cercles si rapides au-dessus de sa tete, que pas une seule goutte d'eau ne tomba sur lui; la pluie redoublant de force, ce fut bientot comme si on la versait a seaux des hauteurs du ciel. Cependant notre maitre d'armes qui s'etait borne a agiter son epee toujours plus vite, demeurait a sec sous son arme, comme s'il eut ete sous un parapluie ou sous un toit. A cette vue, l'admiration de l'heureux pere fut au comble, et il s'ecria: --C'est toi qui as donne la preuve d'adresse la plus etonnante; c'est a toi que revient la maison. Les deux fils aines approuverent cette decision, et joignirent leurs eloges a ceux de leur pere. Ensuite, comme ils s'aimaient tous trois beaucoup, ils ne voulurent pas se separer, et continuerent de vivre ensemble dans la maison paternelle, ou ils exercerent chacun leur metier. Leur reputation d'habilete s'etendit au loin, et ils devinrent bientot riches. C'est ainsi qu'ils vecurent heureux et consideres jusqu'a un age tres-avance; et lorsqu'enfin l'aine tomba malade et mourut, les deux autres en prirent un tel chagrin qu'ils ne tarderent pas a le suivre. On leur rendit les derniers devoirs. Le pasteur de la commune fit observer avec raison que trois freres qui, pendant leur vie avaient ete doues d'une si grande adresse et unis par une si touchante amitie, ne devaient pas non plus etre separes dans la mort. En consequence, on les placa tous trois dans le meme tombeau. L'AIEUL ET LE PETIT-FILS. Il y avait une fois un homme vieux, vieux comme les pierres. Ses yeux voyaient a peine, ses oreilles n'entendaient guere, et ses genoux chancelaient. Un jour, a table, ne pouvant plus tenir sa cuiller, il repandit de la soupe sur la nappe, et meme un peu sur sa barbe. Son fils et sa bru en prirent du degout, et desormais le vieillard mangea seul, derriere le poele, dans un petit plat de terre a peine rempli. Aussi regardait-il tristement du cote de la table, et des larmes roulaient sous ses paupieres; si bien qu'un autre jour, echappant a ses mains tremblantes, le plat se brisa sur le parquet. Les jeunes gens le gronderent, et le vieillard poussa un soupir; alors ils lui donnerent pour manger une ecuelle de bois. Or, un soir qu'ils soupaient a table, tandis que le bonhomme etait dans son coin, ils virent leur fils, age de quatre ans, assembler par terre de petites planches. --Que fais-tu la? lui demanderent-ils. --Une petite ecuelle, repondit le garcon, pour faire manger papa et maman quand je serai marie..... L'homme et la femme se regarderent en silence...; des larmes leur vinrent aux yeux. Ils rappelerent entre eux l'aieul qui ne quitta plus la table de famille. LES TROIS FAINEANTS. Un roi avait trois fils qu'il aimait egalement, et il ne savait auquel d'entre eux laisser sa couronne. Lorsqu'il se sentit pres de mourir, il les fit venir, et leur dit: --Mes chers enfants, il est temps que je vous fasse connaitre ma derniere volonte: j'ai decide que celui d'entre vous qui serait le plus faineant, heriterait de mes etats. A ces mots, l'aine prenant la parole: --C'est donc a moi, mon pere, dit-il, que revient votre sceptre; car je suis tellement faineant, que, le soir, j'ai beau tomber de fatigue et de sommeil, je n'ai pas le courage de fermer mes yeux pour dormir. Le cadet dit a son tour: --C'est donc a moi, mon pere, qu'appartient votre couronne, car je suis si faineant, que lorsque je me trouve assis devant le feu, et que je sens la flamme me bruler les jambes, j'aime mieux les laisser rotir, que de faire un mouvement pour les retirer. Le troisieme reprit: --Mon pere, personne plus que moi n'a droit a vous succeder, car telle est ma faineantise que si j'etais condamne a etre pendu, que j'eusse deja la corde autour du cou, et qu'au moment d'etre etrangle, que quelqu'un me tendit un couteau pour couper la corde, je prefererais subir mon triste sort plutot que de me deranger pour prendre ce couteau. Le roi repondit aussitot; --C'est a toi que revient ma couronne. LE CLOU. Un marchand avait fait de bonnes affaires a la foire; il avait vendu toutes ses marchandises, et bien garni son sac de monnaies d'or et d'argent. Il s'etait mis en route vers sa demeure ou il desirait arriver ce meme jour encore avant la tombee de la nuit. Il cheminait donc a cheval, son lourd portemanteau solidement attache derriere la selle. Vers l'heure du diner, il fit halte dans une ville, et lorsqu'il voulut se remettre en route, le valet d'ecurie, qui lui amena son cheval, lui dit: --Monsieur ne sait pas sans doute qu'il manque un clou au fer gauche de derriere son cheval. --Ne t'en inquiete pas, repondit le marchand, le fer n'en tiendra pas moins pendant les six lieues au plus qu'il reste a faire. Je suis presse. Vers l'heure du gouter, il s'arreta de nouveau pour faire donner l'avoine a sa monture. Le garcon d'ecurie ne tarda pas a venir le trouver dans l'auberge. --Monsieur ne sait pas, sans doute, lui dit-il, qu'il manque un fer au pied gauche de derriere de son cheval. Dois-je le conduire chez le marechal? --Ne t'en inquiete pas, repondit le marchand, pour une couple de lieues qu'il me reste a faire, mon cheval se passera bien de ce fer. Je suis presse. Il se remit en route. Mais bientot apres le cheval boita; il n'y avait pas longtemps qu'il boitait, lorsqu'il commenca a trebucher; il eut a peine trebuche deux ou trois fois, qu'il s'abattit et se cassa une jambe. Le marchand fut oblige de laisser la son cheval gisant, de deboucler son portemanteau, de le placer sur son dos et de regagner a pied son logis, ou il n'arriva que tres avant dans la nuit. C'est pourtant ce maudit clou que j'ai neglige de faire remettre, qui a ete cause de tout mon malheur, pensait-il en marchant d'un air sombre. LE PETIT PATRE. Un petit patre s'etait rendu celebre par la sagesse avec laquelle il repondait aux questions qui lui etaient adressees. Le bruit de sa reputation parvint jusqu'aux oreilles du roi qui n'en voulut rien croire, fit venir le petit garcon, et lui dit: --Si tu parviens a repondre aux questions que je vais te poser, je te regarderai desormais comme mon fils, et tu habiteras pres de moi dans mon palais. --Sire, quelles sont ces trois questions? demanda le jeune patre. --Voici d'abord la premiere, reprit le roi: Combien de gouttes d'eau y a-t-il dans la mer? Le petit patre repondit: --Sire, commencez par faire boucher tous les fleuves et les rivieres de la terre, de maniere qu'il n'en coule plus une seule goutte d'eau dans la mer jusqu'a ce que j'aie fait mon calcul; alors je vous dirai combien la mer renferme de gouttes. Le roi reprit: --Ma seconde question est celle-ci: Combien y a-t-il d'etoiles dans le ciel? Le petit patre repondit: --Sire, donnez-moi une grande feuille de papier blanc. Puis le jeune garcon fit avec une plume un si grand nombre de petits points serres sur toute la surface du papier, et si fins, qu'on les apercevait a peine et qu'il etait de toute impossibilite de les compter; rien qu'a vouloir l'essayer, les yeux etaient eblouis. Cette besogne terminee, il dit au roi: --Il y a autant d'etoiles dans le ciel, que de points sur cette feuille de papier; daignez les compter. Personne n'y put reussir. Le roi prenant de nouveau la parole: --Ma troisieme question a pour but de savoir de combien de secondes se compose l'eternite. Le jeune patre repondit: --Au dela de la Pomeranie se trouve la montagne de diamant. Cette montagne a une lieue de hauteur, une lieue de largeur et une lieue de profondeur. Tous les cent ans, un oiseau vient s'y poser, gratte la montagne avec son bec et enleve une parcelle de diamant; quand il aura de la sorte fait disparaitre le mont tout entier, la premiere seconde de l'eternite sera ecoulee. Le roi repartit: --Tu as repondu comme un sage a mes trois questions; desormais tu resteras pres de moi dans mon palais, et je te regarderai comme mon fils. LE PAYSAN ET LE DIABLE. Il y avait une fois un paysan adroit et ruse, dont les bons tours etaient connus a plusieurs lieues a la ronde. La plus plaisante de ses malices est celle a laquelle le diable lui-meme se laissa prendre, a sa grande confusion. Un soir que notre paysan se disposait a regagner son logis, apres avoir laboure son champ pendant une bonne partie de la journee, il apercut, au milieu des sillons qu'il avait traces, un petit tas de charbons embrases. Il s'en approcha plein d'etonnement, et vit un petit diable tout noir, qui etait assis au milieu des braises ardentes. --Il me semble que tu es assis sur ton tresor, lui dit le paysan. --Tu devines juste, repondit le diable, sur mon tresor qui contient plus d'or et d'argent que tu n'en as vu depuis que tu es au monde. --Ce tresor se trouve dans mon champ; en consequence, il m'appartient, reprit le paysan. --Il est a toi, repartit le diable, si pendant deux annees tu consens a partager ta recolte avec moi: j'ai assez d'argent comme cela, je desirerais maintenant posseder quelques fruits de la terre. Le paysan accepta le marche. --Pour eviter toute contestation lorsque viendra le partage, ajouta le rustre matois, il sera entendu que tout ce qui sera sur terre t'appartiendra; a moi, au contraire, tout ce qui sera au-dessous du sol. Le diable souscrivit volontiers a ces conditions. Cependant notre ruse paysan sema tout son champ de raves. Quand l'epoque de la recolte fut arrivee, le diable se presenta et voulut emporter sa part du produit, mais il ne trouva que des feuilles jaunes et fletries. Quant au paysan, il deterra tout joyeux ses raves. --L'avantage a ete pour toi cette fois-ci, dit le diable, mais la fois prochaine ce sera mon tour. J'entends qu'a la future recolte ce qui se trouvera sous terre m'appartienne; a toi, au contraire, ce qui sera au-dessus du sol. --C'est dit, repondit le paysan. Cependant quand le temps des semailles fut venu, le paysan sema, non plus des raves, mais du froment. La moisson etant mure, notre ruse compere retourna au champ et coupa au pied les tiges des epis, si bien que lorsque le diable arriva a son tour, il ne trouva plus que les pointes de la paille et les racines. Dans sa rage et sa confusion, il alla se cacher au fond d'un abime. C'est ainsi qu'il faut berner les renards, dit le paysan, en allant ramasser son tresor. LES TROIS VIEUX. Le nouveau pasteur du village d'Oest, passant un jour devant une ferme dependante de sa commune, mais situee a l'ecart au milieu des champs, apercut, assis sur un banc de pierre aupres de la porte, un vieillard en cheveux blancs qui pleurait a chaudes larmes. --Qu'avez-vous donc, pour vous desoler ainsi? lui demanda avec interet le bon pasteur. --Helas! repondit en sanglotant le vieillard, je pleure parce que mon pere m'a battu! Ces paroles, comme bien on pense, exciterent au plus haut point l'etonnement du venerable pasteur. Il se hata de descendre de cheval, et d'entrer dans la maison. A peine franchissait-il le seuil, qu'il apercut un autre vieillard beaucoup plus age que le premier, et dont les traits annoncaient une agitation violente. --Qui peut vous emouvoir ainsi, mon pere? lui demanda avec interet le bon pasteur. --Ne m'en parlez pas! repondit le vieillard encore tout tremblant de colere! est-ce que mon etourdi de fils n'a pas eu la maladresse de faire tomber mon pere! Pour le coup, le bon pasteur ne voulait point croire ses oreilles, mais il dut bien se rendre au temoignage de ses yeux qui, en se tournant vers la cheminee, apercurent assis dans un fauteuil au bord du feu un troisieme vieillard au dos tout voute par l'age mais d'un air encore vigoureux. --A coup sur, se dit le pasteur, ces hommes-la sont de la race des patriarches! ils n'auront pas fait d'exces dans leur jeunesse! LE LINCEUL. Une femme avait un fils age de sept ans. Cet enfant etait si beau et si bon, qu'on ne pouvait le voir sans l'aimer; aussi etait-il plus cher a sa mere que le monde entier. Il arriva que le petit garcon tomba tout-a-coup malade et que le bon Dieu le rappela a lui. La pauvre mere fut inconsolable et passa les jours et les nuits a pleurer. Peu de temps apres qu'on l'eut mis en terre, l'enfant apparut, pendant la nuit, a la meme place ou il avait coutume de s'asseoir et de jouer lorsqu'il etait encore en vie. Voyant sa mere pleurer, il fondit lui-meme en larmes; et quand vint le jour, il avait disparu. Cependant, comme la malheureuse mere ne mettait point de terme a ses pleurs, l'enfant vint une nuit dans le blanc linceul ou il avait ete enseveli et avec sa couronne de mort sur la tete; il s'assit sur le lit, aux pieds de sa mere, et lui dit: --Helas! ma bonne mere, cesse de murmurer contre les decrets de Dieu, cesse de pleurer, sans quoi il me sera impossible de dormir dans mon cercueil, car mon linceul est tout mouille de tes larmes, qui retombent sur lui. Ces paroles effrayerent la pauvre femme, qui des-lors arreta ses pleurs. La nuit suivante, l'enfant revint de nouveau, portant dans la main une petite lumiere. Il dit a sa mere: --Tu le vois, mon linceul est deja sec et j'ai trouve le repos dans ma tombe. Alors la malheureuse mere offrit a Dieu sa douleur, la supporta desormais avec calme et patience; et l'enfant ne revint plus. Il dormait maintenant dans son lit souterrain. LA MORT LA PLUS DOUCE POUR LES CRIMINELS. On a cru longtemps que c'etait la mort instantanee. On s'est trompe. Voici qui le prouvera. Un homme qui naguere avait rendu de grands services a sa patrie, et qui, par consequent, etait bien note pres du prince, eut le malheur, dans un moment d'egarement et de passion, de commettre un crime par suite duquel il fut juge et condamne a mort. Prieres et supplications n'y purent rien: on decida qu'il subirait son arret. Toutefois, eu egard a ses bons antecedents le prince lui laissa le choix de son genre de mort. En consequence, l'huissier criminel alla le trouver dans sa prison et lui dit: --Le prince qui se souvient de vos anciens services, veut vous accorder une faveur: il a donc decide qu'on vous laisserait le choix de votre genre de mort. Souvenez-vous seulement d'une chose, c'est qu'il faut que vous mouriez. Notre homme repondit: --Puisqu'il est entendu que je dois mourir, tout en deplorant la rigueur d'un destin cruel, je vous avouerai franchement que mourir de vieillesse m'a toujours paru la mort la plus douce; aussi est-ce pour cette mort-la que je me decide, puisque le prince a la bonte de me permettre de choisir. On eut beau lui faire tous les raisonnements du monde, rien n'ebranla son opinion; comme le prince avait donne sa parole, et qu'il n'etait pas homme a y manquer, on se vit donc force de rendre la liberte au condamne, et d'attendre que la vieillesse se chargeat de mettre a execution l'arret porte contre lui. LE CHOIX D'UNE FEMME. Un jeune paysan desirait se marier. Il connaissait trois soeurs egalement belles, si bien qu'il etait embarrasse de savoir sur laquelle des trois il ferait tomber son choix. Il demanda conseil a sa mere, qui lui dit: --Invite-les toutes les trois a une petite collation, et aie soin de placer du fromage sur la table; puis observe attentivement de quelle maniere elles le couperont. Le jeune homme fit comme sa mere lui avait dit. La premiere des trois soeurs enleva son morceau de fromage avec la croute. La seconde s'empressa de separer la croute de son morceau; mais dans son empressement elle en coupa la croute, de telle sorte, qu'il y resta encore beaucoup de fromage. La troisieme detacha la croute avec soin, si bien qu'elle ne rejeta de son morceau ni trop, ni trop peu. Le jeune paysan raconta a sa mere le resultat de ses observations. --C'est la troisieme qu'il te faut prendre pour femme, lui dit-elle. Il suivit ce conseil, et fut un mari heureux et content. LE MEILLEUR SOUHAIT. Trois joyeux compagnons etaient attables a l'auberge de l'Agneau, a Kehl, mangeant et buvant; et tandis qu'ils vidaient une derniere bouteille, ils se mirent bientot a bavarder a faire tort et a travers, puis enfin a des souhaits. Il fut decide que chacun formerait un voeu: celui qui emettrait le meilleur souhait, devait etre dispense de payer son ecot. Le premier prenant la parole: --Je souhaite donc, dit-il, que tous les fosses des fortifications de Strasbourg et de Kehl soient remplis de fines aiguilles, et que chacune de ces aiguilles soit placee entre les doigts agiles d'un tailleur, et que chacun de ces doigts soit occupe du matin au soir pendant une annee, a me confectionner des sacs de la capacite d'un hectolitre; et si alors tous ces sacs se trouvaient pleins de doubles doublons a moi appartenant, je m'estimerais satisfait. Le second dit a son tour: --Moi, je voudrais que la cathedrale de Strasbourg tout entiere, fut remplie jusqu'a la pointe de son clocher de lettres de change a mon ordre, ecrites sur le papier le plus fin, que chacune de ces lettres de change representat une valeur egale au contenu de tous tes sacs a la fois, et que le tout m'appartint. --Et moi, reprit le troisieme, je voudrais que vos deux souhaits s'accomplissent, qu'ensuite vous fussiez le plus tot possible deux grands saints dans le ciel, et que je fusse votre seul heritier. Ce fut le troisieme qui sortit de l'auberge sans payer l'ecot. FIN TABLE Le loup et l'homme. Le violon merveilleux. Le renard et les oies. Le renard et le chat. Le soleil qui rend temoignage. Le docteur universel. La douce bouillie. Le loup et le renard. La chouette. Les trois freres. L'aieul et le petit-fils. Les trois faineants. Le clou. Le petit patre. Le paysan et le diable. Les trois vieux. Le linceul. La mort la plus douce pour les criminels. Le choix d'une femme. Le meilleur souhait. FIN DE LA TABLE. End of Project Gutenberg's Contes choisis de la famille, by Les freres Grimm *** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK CONTES CHOISIS DE LA FAMILLE *** ***** This file should be named 12250.txt or 12250.zip ***** This and all associated files of various formats will be found in: https://www.gutenberg.org/1/2/2/5/12250/ Produced by Tonya Allen and PG Distributed Proofreaders. This file was produced from images generously made available by the Bibliotheque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr. Updated editions will replace the previous one--the old editions will be renamed. Creating the works from public domain print editions means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation" or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is in the public domain in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. 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INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation web page at https://www.pglaf.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state's laws. The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered throughout numerous locations. Its business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation's web site and official page at https://pglaf.org For additional contact information: Dr. Gregory B. Newby Chief Executive and Director gbnewby@pglaf.org Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide spread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit https://pglaf.org While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic works. Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Each eBook is in a subdirectory of the same number as the eBook's eBook number, often in several formats including plain vanilla ASCII, compressed (zipped), HTML and others. Corrected EDITIONS of our eBooks replace the old file and take over the old filename and etext number. The replaced older file is renamed. VERSIONS based on separate sources are treated as new eBooks receiving new filenames and etext numbers. Most people start at our Web site which has the main PG search facility: https://www.gutenberg.org This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. EBooks posted prior to November 2003, with eBook numbers BELOW #10000, are filed in directories based on their release date. If you want to download any of these eBooks directly, rather than using the regular search system you may utilize the following addresses and just download by the etext year. https://www.gutenberg.org/etext06 (Or /etext 05, 04, 03, 02, 01, 00, 99, 98, 97, 96, 95, 94, 93, 92, 92, 91 or 90) EBooks posted since November 2003, with etext numbers OVER #10000, are filed in a different way. The year of a release date is no longer part of the directory path. 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