The Project Gutenberg eBook of Des paquebots transatlantiques

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: Des paquebots transatlantiques

Brest.—Le Havre.—Cherbourg.—Marseille.—Paris.—Nantes.—Bordeaux.

Author: Jean Louis Le Hir

Release date: February 14, 2023 [eBook #70042]

Language: French

Original publication: France: Bureau des Annales du droit commercial, 1857

Credits: Charlene Taylor, Adrian Mastronardi, Claudine Corbasson and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.)

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK DES PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES ***

Au lecteur

Notes


DES
PAQUEBOTS TRANSATLANTIQUES

Brest.—Le Havre.—Cherbourg.—Marseille.
Paris.—Nantes.—Bordeaux.

Par L. LE HIR, Docteur en droit, avocat.

PARIS,

AU BUREAU DES ANNALES DU DROIT COMMERCIAL,

Rue de la Sourdière, 19.

1857.


TABLE.

  Pages

§ I.—Considérations générales sur les paquebots transatlantiques.—Leur création éminemment utile ou pernicieuse, suivant les conditions dans lesquelles ils seront établis.

3

§ II.—Anciens essais tentés par la France pour l’établissement des lignes transatlantiques.—Échecs principalement dus à la division des services.

4

§ III.—Projet du Gouvernement.—Projet du capitaine Le Roy de Keraniou.—Projet de la Commission du Corps Législatif.—État actuel de la question législative.

6

§ IV.—Détails du projet du capitaine Le Roy de Keraniou.—Comparaison entre les lignes françaises et les lignes anglaises.—Concentration des services à Brest et à Marseille.—Rencontre des deux lignes à Madère.—Service spécial de New-York.—Distribution des services d’après le projet Keraniou.—Emploi de grands navires; clippers à hélice et à voiles.—Passagers et correspondance non retardés par les relâches ou escales.—Chargements de marchandises pour une seule destination.

16

§ V.—Admirable position de Brest pour la concentration, à l’Ouest, des lignes des paquebots transatlantiques françaises.—Concentration à Marseille, au Midi.—Le Havre, Cherbourg, Nantes, Bordeaux.—Réponse aux objections tirées du courant commercial existant au Havre et de la distance de Brest à Paris.—Énorme accroissement du commerce dans tous les ports de France.—Cabotage à vapeur, mettant journellement les grands ports en communication rapide avec les paquebots transatlantiques, et les faisant profiter de tous les services.—Bateaux partant directement d’un des ports du Sud-Ouest de la France pour Madère, desservant les côtes d’Espagne et du Portugal.

23

§ VI.—Dépenses d’établissement des lignes transatlantiques, suivant le projet de M. Le Roy de Keraniou.—Frais d’exploitation.—Produits.

39

§ VII.—Énormes résultats de la concentration des lignes transatlantiques à Brest et à Marseille.—Brest premier port d’entrepôt, Paris première ville commerciale, la France première puissance maritime du monde.—Accroissement du commerce maritime de tous les autres ports français.—Développement du travail et de l’industrie nationale.—Augmentation des recettes des chemins de fer français.—Rétablissement du crédit.—Richesse générale.—Appel.

46

§ I.—Considérations générales sur les paquebots transatlantiques.—Leur création éminemment utile ou pernicieuse, suivant les conditions dans lesquelles ils seront établis.

Jamais ne surgit question plus grave que celle des paquebots transatlantiques.

Si les services de paquebots transatlantiques sont établis dans de grandes proportions et sur des bases solides et durables, si l’entreprise réussit, la France devient l’entrepôt général du commerce des deux mondes; son sol est sillonné de ces innombrables voyageurs, de ces masses de marchandises et de denrées de toutes sortes, que mettent en mouvement les relations entre l’Europe et les autres parties du globe; son commerce surpasse tout à coup celui de toutes les autres nations; les produits et la valeur de son sol sont décuplés; le travail, l’industrie nationale prennent un essor sans borne, un développement incalculable.

La France se crée une marine puissante, qui lui donnera la prépondérance sur toutes les mers, et dans la paix et dans la guerre!

Si, au contraire, l’entreprise échoue, outre l’atteinte qu’en recevra l’amour-propre national, la France perd, à tout jamais peut-être, l’occasion d’acquérir, sur les mers, l’importance et l’influence que devraient lui assurer ses immenses ressources militaires, l’esprit ingénieux, le caractère 4 entreprenant de ses commerçants, ses produits manufacturés, si recherchés dans le monde entier, ses ports et ses quatre cents lieues de côtes, répartis sur trois mers. Et, au lieu de devenir la première puissance maritime du monde, comme elle est la première puissance continentale, elle se trouvera, pour longtemps, reléguée au second ou au troisième rang, et, en vertu d’une épreuve qui passera cette fois pour décisive, car c’est la troisième que l’on tente depuis dix-sept ans, déclarée incapable de lutter, avec les peuples rivaux, sur le terrain des grandes entreprises maritimes et commerciales.

Quant aux compagnies qui deviendront soumissionnaires, et aux capitaux destinés à être engagés dans les services transatlantiques de France, si ces services peuvent satisfaire à toutes les nécessités, à toutes les exigences, et rivaliser avec les lignes anglaises, ce sera pour les actionnaires français une mine d’or inépuisable. Sinon, quelque sacrifice que fasse l’Etat pour les soutenir, elles tomberont misérablement, et ce qui aurait dû faire l’honneur et la richesse du pays, n’aboutira qu’à une catastrophe humiliante et ruineuse.

§ II.—Anciens essais tentés par la France pour l’établissement des lignes transatlantiques.—Échecs principalement dus à la division des services.

Ce n’est pas la première fois que la France tente l’essai de lignes transatlantiques.

Au mois de mai 1840, un projet de loi fut présenté aux Chambres législatives, ayant pour but l’établissement de trois lignes semblables à celles proposées aujourd’hui.—La ligne sur New-York devait partir du Havre.—La ligne sur les Antilles, alternativement de Bordeaux et de Marseille.—La ligne sur le Brésil et La Plata, de Saint-Nazaire.

Le projet de loi fut voté, à la Chambre des députés, par une immense majorité, et, à la Chambre des pairs, à l’unanimité. Il mettait 28 millions à la disposition du ministre 5 de la marine, pour construire 18 bâtiments à vapeur de la force de 420 à 450 chevaux; et il autorisait le ministre des finances à traiter avec une compagnie pour le service du Havre à New-York, moyennant une subvention qui pourrait s’élever jusqu’à 880 fr. par force de cheval.

La ligne du Havre à New-York ne trouva pas de soumissionnaires.

Quant aux constructions entreprises aux frais de l’Etat, après cinq ans d’études et d’essais, on reconnut qu’elles n’offraient pas les éléments d’un bon service, et qu’elles ne pouvaient réaliser les espérances qu’on avait conçues. Ces navires, construits pour porter, au besoin, de l’artillerie, étaient trop lourds et d’une marche trop lente; ils ne pouvaient parcourir, en moyenne, que huit milles[1] à l’heure.

En 1845, le Gouvernement se vit donc forcé de saisir les Chambres d’un nouveau projet de loi, dans lequel il demanda à être autorisé à traiter avec des compagnies commerciales, pour l’exploitation, au moyen de paquebots soit à vapeur, soit à voiles et à vapeur, de quatre lignes principales de correspondance, partant de France, et aboutissant à Rio-Janeiro, à la Martinique ou à la Guadeloupe, à la Havane et à New-York.

Le Gouvernement se réservait donc de fixer le point ou les points de départ; mais il avait compté sans les influences électorales.

La Chambre des députés, en effet, en concluant à l’adoption du projet de loi et en reconnaissant l’avantage des machines de 600 chevaux de force nominale (700 de force effective), détermina que les quatre lignes partiraient du Havre, de Saint-Nazaire, de Bordeaux et de Marseille, et aboutiraient à New-York, à Rio-Janeiro, à la Martinique ou à la Guadeloupe, et à la Havane.

L’époque avancée de la session n’ayant pas permis la discussion de ce projet, l’année suivante vit se formuler un autre rapport de la même commission, qui, cette fois, n’imposait 6 plus au Gouvernement l’obligation de prendre les points de départ déterminés précédemment, mais se bornait à l’autoriser à concéder quatre lignes principales de correspondance, partant d’un ou de plusieurs ports de l’Océan et d’un des ports de la Méditerranée, et aboutissant à Rio-Janeiro, à la Martinique ou à la Guadeloupe, à la Havane et à New-York.

La fin de la législature étant venue encore mettre obstacle à la discussion de cette proposition, deux nouveaux projets de loi furent présentés en 1847, qui rétablissaient les points de départ du Havre, de Saint-Nazaire, de Bordeaux et de Marseille. Un seul des deux projets, relatif à un traité avec la compagnie Hérout et de Handel, pour le service du Havre à New-York, fut adopté; le second n’arriva pas à la discussion, et les événements qui bouleversèrent la France en 1848 ne permirent pas d’y donner suite.

Cependant, la compagnie Hérout et de Handel avait établi, entre le Havre et New-York, le service qui lui avait été concédé; mais, n’ayant à sa disposition que des paquebots incapables de lutter avec ceux des lignes anglaises et américaines, elle se vit bientôt contrainte à abandonner son entreprise.

Ainsi, la question des ports, les intérêts de localité, les influences électorales ont, pendant huit ans, de 1840 à 1848, paralysé les efforts répétés du Gouvernement pour l’établissement des lignes transatlantiques; et peu s’en est fallu qu’aujourd’hui encore, les intentions si grandes et si nationales de l’Empereur ne se soient trouvées en butte aux mêmes influences.

§ III.—Projet du Gouvernement.—Projet du capitaine Le Roy de Keraniou.—Projet de la Commission du Corps Législatif.—État actuel de la question législative.

Le projet que nous allons dérouler sous les yeux de nos lecteurs n’est pas de nous, nous nous empressons de le dire; il est dû à un homme spécial, à un jeune capitaine au long cours. Les capitaines qui commandent aujourd’hui 7 dans les expéditions lointaines, chargés de faire le commerce aussi bien que de conduire le navire, sont commerçants autant que capitaines; c’est ainsi que le capitaine Le Roy de Keraniou s’est trouvé en mesure de préparer un projet qui répond à la fois à tous les besoins du commerce et à ceux de la navigation transatlantique.

L’Empereur, on s’en souvient, dans son discours, à l’ouverture de la session législative, promit qu’un projet de loi sur des services transatlantiques français serait présenté au Corps législatif.

C’est à la séance du 25 mai 1857 que la présentation a eu lieu. Le projet de loi du Gouvernement était très-laconique; il portait seulement: «Que le ministre des finances serait autorisé à s’engager, au nom de l’Etat, au paiement d’une subvention annuelle qui ne pourrait, dans aucun cas, excéder la somme de quatorze millions, pour l’exploitation de trois lignes de correspondance, au moyen de paquebots à vapeur, entre la France et—1o New-York;—2o Les Antilles, le Mexique, Aspinwal et Cayenne;—3o Le Brésil et Buenos-Ayres.

«Que cette subvention ne pourrait être accordée pour plus de vingt années consécutives; qu’elle courrait à partir de l’époque qui serait déterminée par le cahier des charges.»

Mais, dans l’exposé des motifs et dans le cahier des charges annexé au projet de loi, il était dit: «Que les ports d’attache seraient:—Pour les États-Unis, le Havre, avec escale postale à Cherbourg;—Pour la ligne du Brésil, Bordeaux ou Richard;—Pour la ligne des Antilles, Nantes (Saint Nazaire).

«La compagnie devait être tenue d’avoir à flot, quatre ans après la date de la concession, vingt-six bâtiments à vapeur, mûs par une force nominale de 12,700 chevaux, savoir: cinq navires ayant, au minimum, une force de 750 chevaux;—5 navires d’une force minimum de 600 chevaux;—7 navires d’une force minimum de 450 chevaux;—5 navires d’une force minimum de 400 8 chevaux;—4 navires d’une force minimum de 200 chevaux.—Total, en minimum, 12,700 chevaux.

«La vitesse moyenne, par heure, devait être de 11 nœuds 5 sur la ligne de New-York; de 10 nœuds sur la ligne principale des Antilles et la ligne d’Aspenwal; de 9 nœuds 5 sur la ligne principale du Brésil.—Sur les annexes, la vitesse moyenne descendait à 9 et même à 8 nœuds.

«Un cautionnement de 2 millions serait exigé de la compagnie concessionnaire.

«La concession devait être faite à une seule compagnie.

«Le nombre des voyages devait être de 26 par an sur la ligne du Havre à New-York, retour compris; de 24 sur chacune des deux autres lignes.

«La ligne du Brésil touchait à Lisbonne, à Gorée, à Bahia ou Fernambouc, et aboutissait à Rio-Janeiro.—Un service annexe desservait Montevideo et Buenos-Ayres.

«La ligne des Antilles aboutissait à Aspinwal; elle desservait Saint-Thomas, la Guadeloupe, la Martinique; des services annexes étaient établis sur Sainte-Marthe, Porto-Rico, la Vera-Cruz, Tampico et Cayenne.

«La distance du Havre à New-York étant de 1055 lieues marines, celle de Bordeaux à Rio-Janeiro étant de 1689 lieues marines, celle de Rio-Janeiro à Montevideo et Buenos-Ayres de 380 lieues marines, la ligne des Antilles donnant un parcours de 1295 lieues marines, et le service de ses annexes un parcours de 818, le parcours total annuel, pour les trois lignes, se trouvait être de 255,952 lieues marines. Ainsi, la subvention, en la supposant portée à son maximum de 14 millions, donnerait, par lieue marine parcourue, 54 fr. 69 centimes. En Angleterre, la compagnie Cunard reçoit 42 fr. par lieue marine parcourue; aux États-Unis, la compagnie Collins reçoit, au même titre, 84 fr.

L’exposé des motifs estimait: «Que le capital à engager dans l’établissement des trois lignes transatlantiques 9 ne serait pas inférieur à 50 millions, et que la dépense annuelle de l’entreprise s’élèverait à 28 millions, la dépense de charbon à elle seule devant monter à 9 millions.»

Tel était le projet du Gouvernement.

Au moment où il fut présenté au Corps législatif, commençait à se faire jour le projet du capitaine Le Roy de Keraniou, beaucoup plus large, formant un vaste ensemble, avec concentration de tous les services à Brest et à Marseille.—Départs plus fréquents; rencontre, dans une des nombreuses criques ou rades du groupe des îles Madère, de tous les navires partant de Marseille avec les paquebots de Brest, et transbordement des voyageurs et des marchandises de Marseille dans ces paquebots.—Emploi de steamers des plus grandes dimensions, à la fois à vapeur et à voiles: à vapeur pour marcher malgré les vents contraires et le calme, à voiles pour profiter des vents favorables et surtout des vents réguliers que rencontreront les paquebots dans une grande partie de leur traversée.—Extension des services et des lignes transatlantiques, par Panama ou par Magellan, à Lima (Pérou), à Valparaiso (Chili), à San-Francisco (Californie), à Maurice, à la Réunion, à Calcutta (Indes orientales), à Melbourne (Australie).

Dès que le projet du capitaine Le Roy de Keraniou fut connu, il frappa, sur-le-champ, tous les esprits. La commission du Corps législatif, notamment, et son honorable rapporteur, le comte de Chasseloup-Laubat, repoussèrent formellement le système de division des lignes entre les trois ports de Bordeaux, de Nantes et du Havre.

«La première des dispositions du projet, disait, dans son rapport, M. le comte de Chasseloup-Laubat, celle qui est relative aux lieux de départ, en France, des trois lignes qu’on propose d’établir, n’a pas reçu l’approbation de votre commission, soit qu’elle l’ait examinée au point de vue des rapports commerciaux déjà existants dans les trois ports dont il s’agit, soit qu’elle l’ait envisagée, surtout, à un point de vue plus élevé, plus général, enfin uniquement national.

L’honorable rapporteur démontre, en effet, d’après les 10 relevés des états des douanes, que le port de Nantes auquel avait été attribuée la ligne des Antilles, est celui qui, relativement aux quatre grands ports de France (le Havre, Nantes, Bordeaux et Marseille), expédie le moins de marchandises aux Antilles; que le port de Bordeaux, qui avait obtenu les services de l’Amérique du Sud, est également un de ceux qui expédient le moins dans l’Amérique du Sud.

Il exprime la crainte que les marchandises du Nord de la France, qui prennent aujourd’hui la voie anglaise, ne continuent à suivre cette voie pour les directions de l’Amérique du Sud et des Antilles, et, surtout, qu’en l’absence de tout service à Marseille, les marchandises de l’Est de la France, de Saint-Étienne, de Lyon, de Nîmes, les marchandises de la Suisse, etc., n’aillent chercher le service des paquebots à vapeurs pour le Brésil, nouvellement établi à Gênes, subventionné par le Gouvernement sarde, et qui fait escale à Marseille.

Mais ce qui principalement a écarté la commission du projet du Gouvernement, c’est que les trop petites proportions dans lesquelles ce projet était conçu, les points de départ qu’il déterminait, ne permettraient pas aux paquebots français de lutter contre les lignes anglaises:

«Une entreprise de paquebots transatlantiques, disait le rapport, ne se présente plus dans les conditions où elle aurait pu exister autrefois. Aujourd’hui, c’est, avant tout, de grandes vitesses qu’il faut: pour la ligne des États-Unis, on ne saurait en obtenir d’assez considérables, et ce serait une erreur de croire que, même pour la ligne des Antilles et d’Aspinwal, ainsi que pour la ligne de Rio-Janeiro et de La Plata, la célérité des traversées ne sera pas une raison déterminante de la préférence que le commerce de l’Europe et de l’Amérique accordera au service qui lui offrira cet avantage. Voyageurs et correspondances, tout passera par la voie la plus courte.

«Ainsi, messieurs, dimensions et puissance considérables, qui, sans doute augmenteront chaque jour, rapidité 11 excessive, telles sont les conditions nécessaires des paquebots auxquels vous accorderez la subvention qui vous est demandée.

«Mais ces conditions, vos paquebots transatlantiques seraient dans l’impuissance de les remplir, si, par la nature même de la constitution des ports auxquels on les attacherait, ils y rencontraient d’insurmontables obstacles à leur développement, ainsi qu’à la régularité et à la promptitude de leurs services.

«Ce qu’il faudrait, ce serait des points de départ qu’on pût aborder à toute heure de marée, qui pussent recevoir les navires du plus fort tonnage; enfin qui, pour les lignes à franchir, ne présentassent pas d’allongement de parcours sur ceux choisis par les Anglais et les Américains.

«Mais la Providence, si prodigue envers nous de tous ses autres bienfaits, n’a accordé à nos rivages que bien peu de ces points privilégiés; et c’est à grand peine, et par les efforts de plusieurs générations, que nous sommes parvenus, quelquefois, à suppléer à ce qu’elle nous avait refusé.

«Vous aurez donc, il ne faut pas se le dissimuler, d’immenses travaux à faire pour les ports qui seront choisis; seulement, quel que soit son génie, le travail de l’homme a ses bornes, et la nature a des forces qu’il ne saurait dompter.

«Ces réflexions, messieurs, nous n’avons pu nous empêcher de les faire, en examinant les indications données par l’exposé des motifs. Nous avons vu quels obstacles nos navires auraient à franchir pour atteindre les lieux qui leur étaient désignés; et nous nous sommes demandé si ces obstacles pourraient même être franchis le jour où, en suivant la voie dans laquelle on est entré, ces navires devraient, pour soutenir la lutte, avoir des dimensions et des puissances encore plus considérables que celles qu’on réclame aujourd’hui. Nous nous sommes demandé s’il n’y aurait pas des retards inévitables dans nos arrivages, par suite des conditions dans lesquelles on plaçait nos services, et du choix des lieux qui leur étaient assignés; et nous 12 avons été ainsi amenés à penser qu’il serait préférable, pour le grand intérêt que nous poursuivons, de concentrer nos efforts sur le point du littoral qui offrirait le plus d’avantage, et pour le présent et pour l’avenir qu’il peut nous être donné de prévoir.

«Il ne s’agit point ici d’une sorte de justice distributive entre les différents ports: il s agit, aujourd’hui plus que jamais, d’une grande entreprise nationale; et, après tout ce qui s’est passé, mieux vaudrait l’abstention qu’un échec.

«La concentration nous paraissait donc offrir de véritables avantages. Indépendamment de notables économies possibles sur les grands travaux, qu’il faudrait disséminer dans le système de l’exposé des motifs, elle permettait de diminuer le chiffre d’une subvention qui, en vingt ans, montera à 280 millions; elle assurait mieux les services; enfin (et c’était là l’objet principal à nos yeux), elle devait, par cela même, attirer chez nous la plus grande partie des voyageurs et des correspondances de l’Europe et de l’Amérique.

«L’exemple de l’Angleterre, développant en quelques années, d’une manière prodigieuse, Southampton, que d’heureuses conditions naturelles lui indiquaient, devait aussi nous éclairer; et, d’ailleurs, lorsque nous voyons de Liverpool une grande compagnie venir chercher chaque semaine, au Havre, et cela gratuitement, des quantités considérables de marchandises, pour être transportées en Amérique sur ses paquebots, il nous a semblé que le premier but à atteindre était l’établissement d’un service puissant, dans les meilleures conditions possibles de départ, d’arrivée, de rapidité, et qu’ensuite les combinaisons ne manqueraient pas pour donner toutes satisfactions légitimes à ceux de nos ports qui auraient des relations avec les contrées que nos paquebots doivent mettre en communication plus directe et plus fréquente avec nous.

«Votre commission, Messieurs, a donc pensé, à l’unanimité 13 que la concentration du service devait être préférée. Et, elle a, par un amendement, formulé une opinion qui, d’ailleurs, s’était produite dans tous les bureaux et avait rencontré un assentiment non douteux, comme l’indique le choix des commissaires qu’ils ont nommés. Cet amendement était ainsi conçu:

«Les services de ces lignes seront réunis dans un des ports de l’Océan ou de la Manche; toutefois, une partie du service de la ligne du Brésil et de Buenos-Ayres pourra être placée dans l’un des ports de la Méditerranée.

«Pour montrer l’importance qu’elle attachait à la pensée de réunion des services sur le point le plus favorable, et dont le choix, remis au Gouvernement, ne devait être dicté que par le seul intérêt national, forte, d’ailleurs, de l’opinion qui s’est manifestée dans tous vos bureaux et dont elle n’est que l’organe, votre commission a cru devoir charger trois de ses membres de soutenir au Conseil d’Etat l’amendement qu’elle proposait. Cet amendement n’a pas été adopté; mais, dans les discussions qui ont eu lieu au sein de la commission, les membres du Conseil d’Etat ont donné l’assurance «que le Gouvernement ne se regardait nullement comme lié par le projet de cahier des charges; qu’il pouvait toujours prendre en sérieuse considération les objections que rencontrait le système présenté par ce document; que ce qu’il voulait, avant tout, et comme nous, c’était le succès d’une entreprise éminemment nationale, qu’il tenait à honneur d’établir.

«La majorité de votre commission, tout en persistant dans son opinion sur les conditions d’existence et de succès des services transatlantiques, vous propose donc l’adoption du projet de loi.

«Mais elle a trop de confiance dans la sagesse du Gouvernement pour n’être pas persuadée qu’il livrera les questions que soulève cette difficile affaire à un nouvel examen, avant de prendre un parti qui doit avoir des conséquences si graves sur le sort d’une entreprise dans laquelle nos 14 intérêts commerciaux, notre influence et notre amour-propre national se trouvent engagés.»

Ainsi, il résulte du rapport de la commission du Corps législatif, que le Gouvernement ne se regarderait nullement comme lié par le projet de cahier des charges. Or, comme nous l’avons dit plus haut, c’était seulement dans le cahier des charges et dans l’exposé des motifs du projet de loi qu’il était question de la division des services entre les trois ports; le projet de loi lui-même parlait seulement de l’établissement des trois lignes, sans dire où ni dans quelles conditions elles seraient établies.

Il est à remarquer que lorsque la loi fut soumise au Sénat, le Sénat, après rapport de M. l’amiral Romain-Desfossés, s’abstenant de mentionner le cahier des charges, déclara seulement «qu’il ne s’opposait pas à la promulgation de la loi votée par le Corps législatif, autorisant le ministre des finances à s’engager, au nom de l’Etat, au paiement d’une subvention annuelle, qui ne pourra, dans aucun cas, excéder la somme de quatorze millions, pour l’exploitation de trois lignes de correspondance, au moyen de paquebots à vapeur, entre la France et: 1o New-York; 2o les Antilles, le Mexique, Aspinwal et Cayenne; 3o le Brésil et Buenos-Ayres.»

Il s’ensuit que le cahier des charges, qui seul pouvait lier le Gouvernement, relativement au choix des ports, à la dimension des navires et à la force des machines, ne fait plus partie de la loi, et ne présente, par conséquent, rien d’obligatoire.

Mais, ce qui reste clairement établi, c’est que le Corps législatif, après examen approfondi de la question, a pensé que les services transatlantiques devaient être concentrés dans un port de l’Océan ou de la Manche, sauf qu’une partie du service de la ligne du Brésil et de Buenos-Ayres pourrait être placée dans un des ports de la Méditerranée. (Voir l’amendement p. 13); c’est que l’honorable rapporteur de la Commission exprimait, dans son rapport, qu’on ne pourrait trop augmenter la capacité des navires et la force de leurs 15 moteurs, que les plus fortes dimensions, une puissance considérable et une rapidité excessive étaient les conditions nécessaires des navires transatlantiques; qu’il faudrait donc un point de départ qu’on pût aborder à toute heure de marée, qui pût recevoir les navires du plus fort tonnage, enfin, qui, pour les lignes à franchir, ne présentât pas d’allongement sur les parcours choisis par les Anglais et les Américains.

Il était impossible à l’honorable rapporteur de la Commission du Corps législatif de mieux désigner ainsi Brest sans le nommer: à la différence, en effet, de tous les ports proposés, le Havre, Cherbourg, Nantes, Bordeaux, Brest est évidemment le seul port de France, dans la Manche et sur l’Océan, qu’on puisse aborder à toute heure de marée, qui puisse recevoir les navires du plus fort tonnage, qui présente le parcours le moins long pour les lignes transatlantiques.

Lorsque donc, ensuite, dans l’amendement qu’elle propose, au nom du Corps législatif tout entier, la Commission demande: «Que tous les services des lignes transatlantiques soient réunis dans un des ports de l’Océan ou de la Manche, sauf une partie du service de la ligne du Brésil et de Buenos-Ayres, qui pourra être placée dans un des ports de la Méditerranée.» Ce ne peuvent être que les ports de Brest et de Marseille que le Corps législatif a en vue.

Or, on verra, quand nous ferons connaître le projet de M. Le Roy de Keraniou, que c’est justement aussi là ce qu’il propose: De grands navires, des clippers à voiles et à hélice puissante; la concentration des services à Brest et à Marseille.

16

§ IV.—Détails du projet du capitaine Le Roy de Keraniou.—Comparaison entre les lignes françaises et les lignes anglaises.—Concentration des services à Brest et à Marseille.—Rencontre des deux lignes à Madère.—Service spécial de New-York.—Distribution des services d’après le projet Keraniou.—Emploi de grands navires; clippers à hélice et à voiles.—Passagers et correspondance non retardés par les relâches ou escales.—Chargements de marchandises pour une seule destination.

Le service des paquebots transatlantiques appartient à la France.

Les progrès des vieilles nations européennes dans la civilisation et dans l’industrie, l’exubérance de vie, la force d’expansion dont elles sont douées, les portent sans cesse à se répandre au-dehors.

Les chemins de fer ont commencé par multiplier les rapports de province à province, puis de nation à nation. Les Deux-Mondes demandent, aujourd’hui, des services maritimes, grands, commodes, rapides, qui diminuent les distances de mer comme les chemins de fer ont diminué les distances de terre.

Combien il faut que ce besoin de relations soit impérieux, pour que, sur le point de l’Europe le moins favorable, une nation industrieuse ait réussi à établir des communications régulières entre les Deux-Mondes! Aurait-on pu croire que les émigrants de l’Allemagne, que les voyageurs de la France, que les marchandises de Paris, de Lyon, prissent, pour aller dans l’Amérique du Sud, à Maurice, à La Réunion, à Lima, à Valparaiso, à San-Francisco, la voie de Southampton et de Liverpool, traversassent, à grands frais, la mer si orageuse de la Manche! Et, cependant, c’est ce que nous voyons tous les jours: les seuls services à vapeur réguliers qui existent aujourd’hui entre l’Europe, les Amériques et les mers du Sud sont en Angleterre.

Que serait-ce donc, si, au lieu d’être forcés de passer ainsi la mer pour s’embarquer sur les navires transatlantiques, les voyageurs du continent européen trouvaient, sur le continent même, au point le plus rapproché du lieu de leur destination, de beaux et grands paquebots, bien 17 installés, bien emménagés, munis de machines puissantes, prêts à lutter de vitesse avec tous les navires rivaux, partant et arrivant régulièrement à l’heure désignée; jamais contrariés, à l’entrée ou à la sortie du port, par les vents ou par la marée; toujours à flot, sur une des plus belles rades du monde, et pouvant y être réunis en nombre illimité!

Ce point extrême de l’Europe continentale, cette rade presque sans égale, tous nos lecteurs l’ont nommé: C’est Brest, c’est la rade de Brest.

Cependant, les Américains, les Anglais n’ont pas, de prime abord, réussi à vaincre les difficultés d’établissement des lignes transatlantiques; ils ont aussi tenté plusieurs essais et succombé dans quelques épreuves. Entrant les derniers dans la carrière, tâchons, au moins, de profiter des écoles faites par nos devanciers, de l’expérience qu’ils ont acquise.

Or, voici ce qui est constaté par l’expérience:

Les services doivent être, autant que possible, concentrés, afin d’éviter doubles, triples et quadruples frais d’administration, de surveillance, et surtout d’ateliers de réparation, d’outillage, etc.: ceci est élémentaire.

De grandes vitesses sont indispensables: En 1840, des bâtiments de 450 chevaux faisaient le trajet du Havre à New-York en quinze jours; aujourd’hui l’Angleterre et l’Amérique parcourent la même ligne avec des forces de 800 chevaux et plus. Le Vanderbilt, jaugeant 5,200 tonneaux, et muni d’une machine de plus de 1,000 chevaux, est venu tout récemment de New-York au Havre en neuf jours dix heures.

Il ne suffit pas que la marche soit rapide; il faut, de plus, que les navires aient de grandes dimensions, afin qu’ils puissent recevoir la quantité de charbon nécessaire aux longues traversées, et, en outre, un nombre considérable de passagers et un fort chargement de marchandises, pour couvrir les frais que nécessitent de pareilles entreprises.

18

Le capitaine Le Roy de Keraniou a donc adopté des navires de 2,500 tonneaux au moins, forme clipper, à la coupe fine, et allongée, mûs par des machines à hélices, et, en outre, pourvus de voiles, afin qu’ils puissent se passer de vapeur et ménager le charbon partout où le vent favorisera la marche, et surtout dans les parages où règnent les vents réguliers, dits alizés.

Cependant les steamers de la ligne des États-Unis seront uniquement à vapeur et à roues, ceux des Antilles, à voiles et à hélice très-puissante, la force de vapeur l’emportant. Dans les clippers du Brésil et des lignes du Sud, les hélices seront encore puissantes, mais la force à voiles remportera sur la force à vapeur.

Les navires des lignes anglaises sont exclusivement à vapeur: Sans concurrents, les Anglais ont pu choisir, jusqu’à présent, les marchandises qu’ils transportent; ils ne prennent pas de marchandises ordinaires, mais seulement celles qui peuvent supporter un fret très-élevé. Raison de plus pour que les navires des lignes françaises puissent prendre un chargement considérable de marchandises, et qu’en même temps, ils soient supérieurs aux navires Anglais pour la vitesse.

Les grands clippers à voiles et à hélice ou à roues du capitaine Le Roy de Keraniou répondront à toutes ces exigences.

Le clipper, en outre, est un navire marin, sûr dans les mauvais temps, tandis que le simple navire à vapeur ne l’est pas.

«Mais quand je dis clipper, écrit le capitaine Le Roy de Keraniou[2], je n’entends nullement parler de ces charrettes que je vois chaque jour parées de ce nom dans nos annonces commerciales; j’entends un clipper à tous crins, comme j’en ai vu aux États-Unis, susceptible de filer 16 et 17 nœuds, vitesse qui paraît incroyable.

«Quand je parle d’une hélice auxiliaire, je n’entends pas, non plus, une hélice dérisoire comme force: je veux qu’elle 19 ne diffère pas ou qu’elle diffère infiniment peu de celle que devrait avoir le navire, s’il était exclusivement à vapeur.

«Les navires que je demande devront coûter fort cher; mais, avec deux cent mille francs de plus sur chaque navire, j’aurai des navires comme je les entends, et qui ne me manqueront pas à chaque instant de parole.»

L’expérience qu’a déjà acquise l’auteur du projet, la connaissance qu’il possède des mers à parcourir, les études toutes particulières qu’il a faites, et les documents qu’il a réunis, l’ont mis à même d’établir la proportion de route dans laquelle chaque navire pourra se passer du secours de ses machines, le nombre de jours nécessaire à chaque voyage, la dépense qu’il occasionnera, et les conditions dans lesquelles les paquebots français pourront lutter avec les lignes anglaises.

D’après son projet, les services seraient concentrés à Brest et à Marseille.

Les lignes de Brest desserviraient les États-Unis, l’Amérique du Sud, les Indes-Orientales et l’Australie; les lignes de Marseille desserviraient les Antilles et la côte d’Afrique.

Les paquebots de Brest (excepté ceux de New-York) et ceux de Marseille se joindraient, à point nommé, aux îles Madère, et se verseraient réciproquement les voyageurs, la correspondance et les marchandises qui appartiendraient à chacune de leurs destinations.

Les paquebots de Marseille toucheraient à Algésiras pour prendre les passagers et la correspondance d’Espagne.

Les paquebots de New-York, partant de Brest, iraient directement de Brest à New-York.

La fréquence des départs viendrait encore assurer le succès des lignes françaises.

Les lignes anglaises ne partent que deux fois par mois.

De Brest seulement:

Il y aurait deux départs mensuels pour New-York; traversée effectuée en 9 jours 8 heures.

De Brest et de Marseille:

20

Dix départs mensuels pour le Brésil; traversée effectuée en 17 jours.

Sept départs mensuels pour les Antilles; traversée effectuée en 13 jours. On communiquerait par Panama avec Lima (22 jours); avec Valparaiso (28 jours); avec San-Francisco (29 jours 3 heures).

Quatre départs mensuels, par Magellan, pour Valparaiso (33 jours); Arica (36 jours); Lima (38 jours); San-Francisco (52 jours).

Trois départs mensuels pour la côte d’Afrique:

Un pour Maurice (38 jours).

Un pour La Réunion (38 jours 12 heures).

Un pour Calcutta.

Un pour Melbourne (Australie, 51 jours 6 heures).

Au retour, le point de bifurcation serait à Fayal (Açores), et non à Madère: Madère, bien placé pour l’aller, le serait très-mal pour le retour; au contraire, les vents poussent tout droit à Fayal, au retour.

A Fayal, les paquebots revenant à Brest et à Marseille n’échangeraient plus leurs marchandises, mais seulement leurs voyageurs et leur correspondance, car les paquebots, au retour, ne prendraient de chargement de marchandises que pour un seul port: ceux de Brest, pour les ports de l’Océan ou du nord de l’Europe; ceux de Marseille, pour les ports de la Méditerranée.

Après donc avoir échangé à Fayal correspondance et passagers, le paquebot de Brest se rendrait à Brest, pour, de là, porter son chargement à sa destination, et revenir ensuite reprendre à Brest son tour de départ.

Le paquebot de Marseille se rendrait à Marseille, pour, de là, porter son chargement à sa destination, et revenir ensuite reprendre également son tour de départ à Marseille.

Le retard des transbordements ne pourrait nuire en rien au transport des marchandises. Qu’est-ce, en effet, pour les marchandises, qu’un retard de quelques jours dans d’aussi longues traversées. Cependant, comme les 21 frais d’assurance peuvent en être augmentés, M. Le Roy de Keraniou les a rendus aussi rares que possible. Il n’y aurait absolument de transbordement qu’à Madère, et seulement aux voyages d’aller.

Quant aux voyageurs et à la correspondance, il est évident qu’il faut leur éviter toute espèce de retard, et que des relâches d’un jour et plus, répétées comme elles le sont dans les lignes anglaises, pourraient détruire les principaux effets obtenus par la rapidité de la course. Voici donc ce que l’auteur du projet a imaginé pour obvier à tout inconvénient sous ce rapport:

Les paquebots partant pour une destination quelconque, ne sont, après échange de marchandises à Madère, chargés que pour cette destination. Ainsi, prenons celui qui part pour San-Francisco; il relâchera à Fernambouc, à Montevideo, à Port-Famine, à Valparaiso et à Lima; mais, comme il n’aura de marchandises que pour San-Francisco, les relâches sur ces points intermédiaires seront de très-courte durée, seulement le temps nécessaire pour déposer les voyageurs et la correspondance, et pour prendre les voyageurs et la correspondance du point de relâche; et nous verrons ci-après les moyens employés pour que cela se fasse aussi rapidement que possible.

Cependant, les échanges de chargements, aux îles Madère, entre les navires venant de Brest et ceux venant de Marseille, entraîneront un retard de cinq jours. Mais, les départs de Brest et de Marseille et ces relâches devant se succéder douze fois par mois, il y aura toujours un navire arrivant à Madère, lorsqu’après relâche, un autre navire en partira. Le paquebot arrivant pourra donc, toujours aussi, remettre ses voyageurs et sa correspondance au paquebot partant; et, ainsi, il n’y aura aucun retard possible pour la correspondance et les voyageurs, même dans les relâches de Madère.

Par exemple, les voyageurs pour San-Francisco, au lieu de s’embarquer à Brest et à Marseille le 5 du mois, jour où partiront les deux navires chargés de marchandises pour 22 San-Francisco, laisseront partir ces deux navires le 5, pour qu’ils puissent, pendant les jours suivants, opérer leur échange de chargements à Madère; et eux-mêmes ne seront appelés à partir que 5 jours après, le 10, par les paquebots chargés pour d’autres destinations, qui les déverseront dans le paquebot de San-Francisco, tout chargé et tout prêt à partir de Madère.

Il importe, pour bien juger le projet du capitaine Le Roy de Keraniou, de comprendre tout ce qu’il y a d’ingénieux dans cette disposition des services; elle n’a pas seulement pour effet d’éviter les retards si préjudiciables des relâches; chaque paquebot, après transbordement, étant chargé tout entier de marchandises pour le point extrême du voyage, les expéditions de marchandises pour chaque destination ont pu être réduites à un seul départ par mois. Et comme, dans l’état actuel du commerce français, les transports transatlantiques pour toutes les destinations adoptées par le projet, sont déjà beaucoup plus considérables, il en résultera que les quantités et le fret sur lesquels le projet a compté, seront assurés, et qu’il ne pourra y avoir, de ce côté, aucun mécompte.

Quant aux moyens d’embarquer et de débarquer promptement au passage des paquebots dans chaque port, les voyageurs et la correspondance, voici ceux qu’indique le capitaine Le Roy de Keraniou; (il s’agit du transbordement aux îles Madère):

«Aussitôt que le steamer premier arrivant sera signalé, un petit vapeur (de 50 tonneaux, à 25 chevaux de force, faisant le service d’embarcation comme à Southampton), ira au devant, l’abordera, s’amarrera sur lui, stoppera sa machine et se laissera ainsi remorquer bord à bord. (Le temps permet toujours, dans ces parages, cette opération simple du reste et très-usitée). Il aura amené avec lui la santé, la douane, etc.; et, aussitôt la communication donnée, tous les passagers des autres destinations sauteront dedans avec armes et bagages. On aura le temps aussi d’y mettre la correspondance avant que le steamer ne soit rendu 23 en rade.—Ce transbordement effectué, le steamer larguera le petit vapeur, et celui-ci ira s’embosser de nouveau sur le steamer correspondant qui l’attendra en panne; il lui remettra tout ce qu’il aura reçu du premier, et les passagers n’auront fait ainsi que passer sur rade sans s’y être arrêtés.

Il va sans dire que les voyageurs qui, au lieu de passer aussi rapidement, voudront s’arrêter au point de relâche, en auront la faculté; ils se feront alors mettre à terre par le petit vapeur, et prendront le premier navire pour leur destination, qui viendra relâcher ensuite.

§ V.—Admirable position de Brest pour la concentration, à l’Ouest, des lignes des paquebots transatlantiques françaises.—Concentration à Marseille, au Midi.—Le Havre, Cherbourg, Nantes, Bordeaux.—Réponse aux objections tirées du courant commercial existant au Havre et de la distance de Brest à Paris.—Énorme accroissement du commerce dans tous les ports de France.—Cabotage à vapeur, mettant journellement les grands ports en communication rapide avec les paquebots transatlantiques, et les faisant profiter de tous les services.—Bateaux partant directement d’un des ports du Sud-Ouest de la France pour Madère, desservant les côtes d’Espagne et du Portugal.

Ainsi que le disait le rapport de la commission du Corps législatif, il faut que le point où seront concentrés les paquebots transatlantiques français soit abordable, à toutes les marées; qu’il puisse recevoir des navires du plus fort tonnage; qu’il ne présente pas un allongement de parcours, relativement aux points choisis par les Anglais et les Américains.

Or, de tous les ports ou rades des côtes françaises de l’Océan et de la Manche, Brest est le seul où les navires puissent aborder à toute heure de marée, qui puisse recevoir les navires du plus fort tonnage, et qui soit aussi rapproché ou même plus rapproché des lieux de destination des paquebots transatlantiques que les ports anglais de Southampton et de Liverpool.

Le Havre, en effet, est situé à 90 lieues, Cherbourg à 65 lieues plus loin dans la Manche.

Les paquebots arriveront à Brest, directement, soit de l’Amérique du Nord, soit des Antilles, soit de l’Amérique 24 du Sud, soit de Madère, de même qu’ils en sortiront et se dirigeront, poussés par les mêmes vents, et sans qu’ils aient à affronter le détour et la navigation de la Manche, en inclinant subitement de l’Ouest au Sud, au départ, ou du Nord à l’Ouest, à l’arrivée.

La rade de Brest est presque sans rivale dans le monde entier; l’entrée et la sortie en sont on ne peut plus faciles; c’est comme une petite mer, où seraient à l’aise et à l’abri les navires de toutes les nations du globe, s’ils pouvaient y être réunis. La rade est, en outre, entourée de criques et d’anses admirablement situées et disposées, où les plus grands navires seraient autant en sûreté que dans des ports.

L’entrée de la rade de Cherbourg est loin d’être aussi facile. Cette rade a, d’ailleurs, trop peu d’étendue pour qu’un grand nombre de grands navires puissent y tenir à l’aise; on n’y arrive pas sans traverser une partie de la Manche; enfin, les paquebots auraient 65 lieues de plus à faire pour y parvenir.

Quant au Havre, il semble que ce soit tout particulièrement ce port que la commission du Corps législatif ait eu en vue, lorsqu’elle a énuméré les obstacles qui rendraient l’établissement des lignes transatlantiques difficile, même impossible. Le Havre est encore plus éloigné de l’Océan que Cherbourg; les navires y sont pressés dans des bassins au point qu’il serait matériellement impossible que le Havre reçût les paquebots de tous les services transatlantiques, même insuffisamment développés. Les dimensions des steamers dont on se servirait pour l’exploitation seraient nécessairement bornées. Mais, surtout, les navires, pour entrer au Havre, sont obligés d’attendre la marée, exposés en mer aux plus affreuses tempêtes; plus le navire est grand et plus il faut attendre; et l’on attend quelquefois huit jours et plus. L’entrée des bassins du Havre est difficile et dangereuse, pour les grands navires, même à l’heure des marées, témoin le Vanderbilt, qui, à son entrée au Havre, a échoué, et qui n’a dû son salut qu’à la promptitude avec 25 laquelle il s’est débarrassé de deux cents tonneaux d’eau, de chaînes et d’ancres.

Et qu’on le remarque bien, des augmentations de distance de 90, même de 65 lieues ne sont pas indifférentes. Pour la ligne des États-Unis ce serait plus du dixième ou près du dixième du parcours; et, même si l’on compare les difficultés de la navigation de la Manche avec celles de la navigation de l’Océan, les retards que peuvent occasionner le mauvais temps et les vents contraires, si l’on tient compte de l’impossibilité d’entrer à d’autres heures qu’à celles des marées, on reconnaîtra que le retard pourra s’élever à deux, même trois jours et beaucoup plus, c’est-à-dire, au cinquième ou au quart du temps fixé pour le parcours de la ligne de Brest à New-York (9 jours 8 heures).

Les mêmes retards se répéteraient sur toutes les autres lignes. Or, que l’on ne prenne, si l’on veut, que deux jours de retard pour chaque voyage d’aller, et deux jours de retard pour chaque voyage de retour; ce sera, pour les quatorze départs et les quatorze arrivées par mois, une dépense de 56 jours de voyage de plus, par mois, ou de 672 jours de voyage de plus, par an; et comme un jour de voyage pour un paquebot, avec forte consommation de charbon, ne peut, y compris équipage, passagers, combustible, usure du navire, intérêts de capitaux, etc., être estimé à moins de 4,000 fr., il s’en suivrait que le parcours de la distance de l’Océan au Havre imposerait, par an, à la compagnie, un premier excédent de dépense matérielle, de 2 millions 688 mille francs, c’est-à-dire l’intérêt à 5 pour cent de près de 60 millions de capital.

A quoi il faudrait ajouter l’augmentation des frais d’assurance pour le navire et pour le chargement. Or, la marchandise envoyée aujourd’hui du Havre à Southampton ou à Liverpool, aux lignes transatlantiques anglaises, paie, pour la traversée de la Manche, 1-1/4 p. cent d’assurance, en sus de ce qu’elle paie (souvent 5 p. 100) pour la traversée d’Angleterre au lieu de destination du paquebot.

26

Voilà ce que coûterait la préférence donnée au Havre sur Brest, indépendamment des dangers incessants auxquels seraient exposés les grands paquebots de la compagnie à leur entrée au Havre et à leur sortie; indépendamment des retards si préjudiciables dont serait affecté chaque voyage, retards qui à eux seuls suffiraient pour assurer à tout jamais le triomphe des lignes anglaises, et pour ruiner l’entreprise des paquebots transatlantiques français; indépendamment des dangers quotidiens auxquels l’absence de rade au Havre et les difficultés de l’entrée et de la sortie du port exposeraient les navires.

Londres est la première ville commerciale du monde entier. Si un vaste mouvement commercial devait assurer le privilège des lignes transatlantiques, l’établissement des lignes anglaises devrait être à Londres; elles sont à Liverpool et à Southampton. Pourquoi? Parce que Liverpool se trouve dans le canal de Bristol et Southampton à mi-Manche; parce que pour arriver à ces deux ports les paquebots anglais ont 130 à 80 lieues de moins à faire, en Manche, que pour arriver à Londres. Et cependant, à Londres il y a de l’eau pour recevoir les navires du plus fort tonnage; c’est à Londres que le Great-Eastern qui jaugera 22.500 tonneaux va être incessamment mis à la mer; et cependant, les anglais n’ont pas placé leurs bateaux transatlantiques à Londres, mais bien à Southampton et à Liverpool.

Voilà des enseignements dont il faut tenir compte, sous peine d’un infaillible échec.

Cependant deux objections sont faites à l’établissement des lignes transatlantiques à Brest, auxquelles nous devons répondre. La première consiste à dire qu’on ne saurait détourner les courants commerciaux; qu’un des grands courants commerciaux de la France avec les Amériques s’est établi au Havre; qu’il serait impossible de le ramener vers Brest. La seconde objection repose sur la distance qui sépare Brest de Paris, comparée à la distance de Paris au Havre. Eh quoi! dit-on, vous voulez concentrer à Brest tout le commerce transatlantique de la moitié de la France, 27 lorsqu’il n’existe sur ce point aucun courant d’affaires commerciales, aucun port de commerce, aucun bassin, aucuns magasins. Vous voulez détrôner le Havre, où l’habitude des grandes affaires, des relations internationales a déjà pris un tel accroissement; où l’art a tant fait pour procurer aux navires des bassins spacieux; qui, peu distant de Paris, se trouve comme le port de la capitale de la France et de l’Europe entière. Vous voulez forcer les voyageurs, les émigrants, les marchandises qui viendront de Paris, du Nord ou de l’Est de la France, à faire un parcours de 3 à 400 kilomètres de plus; les surcharger, par conséquent, d’une augmentation de frais considérables. Voilà les deux objections dans toute leur force; nous les avons réunies parce que nous répondrons à la fois à l’une et à l’autre; et la réponse sera facile:

Disons d’abord que, si réellement le courant commercial établi au Havre, et la distance de Brest à Paris devaient empêcher la concentration à Brest des paquebots transatlantiques, il faudrait en gémir et le déplorer, car la France ne peut profiter des paquebots que s’ils sont montés sur une grande échelle, si la capacité et le nombre des navires, si la puissance des machines, si la fréquence des départs, si la rapidité de la marche, si la situation du port d’attache, si la facilité de sortie et d’entrée, permettent de lutter avec les lignes anglaises; mais il est démontré que le Havre est forcément rebelle à toutes ces conditions. La question pour les paquebots transatlantiques, entre Brest et le Havre, se réduit donc à la question d’être ou de n’être pas.

Or, en supposant même que l’on eût à contrarier quelques courants commerciaux et qu’il y eût désavantage à parcourir par terre un certain nombre de kilomètres de plus, ne vaudrait-il pas mieux, dans l’intérêt général, subir ce désavantage et gagner les paquebots transatlantiques? Mais qu’on se rassure! Le courant commercial qui existe au Havre ne sera nullement détourné. Le projet du capitaine Le Roy de Keraniou établit des services auxiliaires de 28 cabotage à vapeur dans les principaux ports de France; et le Havre aura, sans aucun doute, l’un des plus importants de ces services. Bien loin d’être détourné, le courant commercial du Havre ne fera que prendre un nouveau développement. Aujourd’hui, en effet, les principales marchandises et le plus grand nombre des voyageurs qui arrivent au Havre, à destination des Amériques, est enlevé par les lignes anglaises. D’un autre côté, en supposant que, conformément au projet du Gouvernement, la ligne des Antilles eût été établie à Nantes, et la ligne du Brésil à Bordeaux, les voyageurs et les marchandises du Havre pour ces destinations, auraient continué à aller chercher les lignes anglaises, s’ils ne s’étaient rendus à Nantes et à Bordeaux. Au contraire, si Brest devient le point de concentration, ce sera par les navires à vapeur du Havre même, que seront portés à Brest tous les riches produits, qui ne font maintenant que traverser son port pour se rendre à Liverpool par navires anglais.

Au lieu donc d’être réduit, comme aujourd’hui, à se servir des lignes anglaises pour correspondre avec ses comptoirs ou avec les négociants de l’Amérique du Sud, des Antilles ou de New-York, le Havre profitera de la correspondance française; il pourra tout envoyer directement, sans les intermédiaires anglais. Et même, comme les lignes transatlantiques, d’après le projet Keraniou, doivent s’étendre à l’Océan-Pacifique, aux Indes-Occidentales et à l’Océanie, le Havre trouvera encore dans les lignes françaises l’avantage immense de pouvoir développer son commerce et ses relations, dans ces riches contrées lointaines.

Il suffira, qu’on le sache bien, que la France établisse des communications solides, rapides et régulières, avec les pays transatlantiques, pour que le commerce de tous les grands ports de France prenne un énorme accroissement. Si les lignes transatlantiques françaises parviennent à faire concurrence aux lignes anglaises, ce ne seront pas seulement Brest et Marseille qui en profiteront: tous les grands ports de France, et aussi les petits ports, la France tout entière, Paris en tête, s’enrichiront de tout ce que produiront 29 ces relations entre les deux mondes. Croit-on que ce champ ne soit pas assez vaste pour suffire à toutes les ambitions, à tous les intérêts!

Le Havre ne peut donc que gagner à ce que les paquebots transatlantiques soient concentrés à Brest; et si, par malheur, la concentration avait lieu au Havre, c’en serait fait de l’avenir de toutes les lignes. Incapables de soutenir la concurrence des lignes étrangères rivales, elles périraient misérablement, après avoir dévoré les capitaux de l’Etat et ceux des compagnies, et en entraînant dans leur chute ceux-là mêmes qui croyaient en tirer le plus de profit.

Nous passons à la seconde objection, relative à la distance qui existe entre Paris et Brest, objection qui frappe beaucoup d’esprits, et que quelques simples observations suffiront à détruire; car c’est dans la position de Brest, par rapport à Paris, que le projet Keraniou puise une partie de sa force et de ses avantages.

Remarquons, d’abord, que la distance de Brest à Paris, par la voie de terre, est beaucoup moins grande que la distance de Brest à Paris par la voie de mer, c’est-à-dire par Le Havre.

Or, les navires venant de quelque point que ce soit du Sud ou de l’Ouest, sont toujours forcés de rallier Brest, pour entrer dans la Manche et parvenir jusqu’au Havre. Bien mieux, les adversaires les plus acharnés de Brest conviennent aujourd’hui que les paquebots, fussent-ils même concentrés au Havre, devraient faire escale à Brest, au départ, et à l’arrivée. Voilà donc la question de distance résolue en faveur de Brest, au moins pour les voyageurs et la correspondance; car si l’on fait escale à Brest, il n’est pas douteux que les voyageurs n’aillent, au départ, s’embarquer à Brest, et qu’ils n’y descendent également à l’arrivée.

Quant aux marchandises, les marchandises de prix qui seront confiées aux paquebots transatlantiques et dont l’assurance sera très-élevée relativement au prix de transport 30 ou au fret, il n’est pas douteux, non plus, qu’elles ne suivent la voie de terre[3].

Resteraient donc les marchandises de moindre prix ou encombrantes, qui, au retour, pourraient être transportées par les paquebots. Mais, celles-ci seront chargées sur les navires à vapeur de cabotage, lorsqu’elles seront à destination d’un port, où le paquebot ne pourrait se rendre, faute d’eau. Lorsqu’elles seront à destination de l’intérieur, il sera, dans la plupart des cas, plus avantageux de les transporter par les chemins de fer; car, il faut qu’on le sache bien, même pour ces marchandises le transport par bateau à vapeur de l’entrée de la Manche au Havre, et du Havre à Paris, ou réciproquement, y compris les assurances, coûtera tout autant que le transport direct de Brest à Paris par le chemin de fer[4].

31

Il ne faut pas douter, d’ailleurs, que le prix du transport des marchandises, et surtout des marchandises encombrantes, sur les chemins de fer, ne soit destiné à diminuer considérablement. Déjà, le chemin de fer du Nord soutient, pour les transports de la houille, la concurrence avec les canaux; et partout où les chemins de fer relient les points de la côte avec les villes de l’intérieur, même avec celles d’une autre côte éloignée, les chemins de fer ont détruit le petit cabotage.

Les chemins de fer marchent vite; ils ne sont contrariés ni par les vents, ni par les courants, ni par les heures de la marée, ni par les difficultés d’entrée et de sortie des ports, ni par les échouages. Pendant le temps que met un bateau à vapeur, même bon marcheur, favorisé par les vents, à faire 16 kilomètres sur mer, le convoi sur chemin de fer, marchant en ligne directe, en fait de 40 à 60.

Quatre trains de marchandises par jour suffiraient à transporter un chargement tout entier de 1,000 tonneaux.

Aller vite, même pour les marchandises, c’est le grand besoin du moment.

Voilà pourquoi Brest, quoique distant de Paris plus que le Havre, sera cependant, indépendamment de tous les autres avantages, beaucoup mieux placé pour le départ et l’arrivée des voyageurs et des marchandises. Voilà pourquoi les paquebots transatlantiques anglais, au lieu de faire aussi 100 ou 150 lieues de Manche, pour se rendre à Londres, au cœur de l’Angleterre, vont déposer leurs marchandises à Liverpool, l’un des points ouest de l’Angleterre les plus éloignés de Londres. Quand on aura le choix entre un chemin de fer et la mer, surtout une mer dangereuse, on préférera toujours le chemin de fer, même pour les marchandises.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les paquebots, 32 qui, au retour, seront chargés pour un port de France, autre que leur port d’attache, même pour un port de l’Etranger, après avoir déposé au port d’attache voyageurs et correspondance, se rendront au port de destination de leur chargement, s’il y a de l’eau dans ce port, y déchargeront, et reviendront prendre leur tour de départ à Brest ou à Marseille. Ainsi, une grande partie des marchandises transportées au retour, seront remises au port par le paquebot transatlantique lui-même.

On pourrait objecter encore qu’il n’y a rien de prêt à Brest pour l’immense entrepôt qu’on veut y établir, ni bassins, ni docks; que le port commercial que l’on y construit est dans de trop petites dimensions, etc. A cela nous répondrons que ce ne sont pas des établissements préparés d’avance qui font le mouvement commercial, mais le mouvement commercial qui fait les établissements. Les principales villes commerciales d’Angleterre, Southampton, même Liverpool n’étaient, au commencement du siècle, ou peu auparavant, que de simples bourgades; c’est le mouvement commercial qui y a amené les constructions, les docks, les jetées. Là où la nature a préparé des moyens supérieurs et où le parti qu’on peut en tirer est compris, le travail des hommes suit de près, et accomplit des prodiges.

Qu’est-il besoin, d’ailleurs, d’un port à Brest. Il est reconnu, aujourd’hui, que le débarquement à quai ne fait que retarder les déchargements dans les ports, et que le déchargement sur rade, au moyen de chalands, est beaucoup plus facile et plus favorable. Que les lignes de paquebots transatlantiques du Nord et de l’Ouest de la France soient donc établies à Brest, et Brest aura bientôt ses docks sur le bord de sa belle rade, tout près de la gare du chemin de fer, et en communication avec elle, et toutes les constructions maritimes ou commerciales nécessaires.

Car, par la raison même que tout est à faire à Brest, tout pourra y être fait et combiné avec entente et ensemble: chaque ouvrage nouveau sera l’application de l’expérience du moment.

33

Deux chemins de fer doivent aboutir à la rade de Brest, sur ce point où aucun commerce n’existe encore. En mettant ainsi Brest, par deux voies ferrées, en communication avec le centre et avec le midi de la France, il semble que l’on ait prévu qu’il allait devenir le lien commercial entre les deux mondes.

On peut affirmer, au reste, que l’achèvement de ces chemins de fer ne se fera pas non plus attendre. Jamais peut-être opération plus grande, plus féconde que l’établissement des lignes transatlantiques ne fut entreprise en France; et lorsqu’ainsi les éléments de succès abondent, les capitaux et les moyens d’action se multiplient.

Mais, ce ne sont pas seulement le Havre et Cherbourg qui demandent à servir de port d’attache aux paquebots transatlantiques; Nantes et Bordeaux élèvent aussi leurs prétentions, et nous avons vu que l’exposé des motifs du projet de loi du Gouvernement, et le cahier des charges y annexé, attribuaient à Richard, (port à construire à l’entrée de la Gironde), la ligne du Brésil, et à St-Nazaire (embouchure de la Loire), la ligne des Antilles.

Or, la sortie ou l’entrée du port de St-Nazaire ne sont pas plus faciles que celles du Havre; il n’y a, non plus, à St-Nazaire, ni rade, ni profondeur d’eau suffisante, ni place pour un grand nombre de navires de fort tonnage; et le futur port de Richard, si jamais il parvient à se montrer au-dessus des flots, sera dans des conditions tout aussi défectueuses.

Certes, de pareils motifs, joints à l’inconvénient de la division des services, suffiraient pour écarter Richard et St-Nazaire; mais ils ne sont pas les seuls. Qu’on veuille bien lire les passages du rapport de M. le comte de Chasseloup-Laubat, relatifs à ces deux ports; nous en donnons quelques extraits ici, d’autant plus volontiers, qu’ils font, en outre, ressortir toute l’importance et la nécessité de l’établissement d’une partie des services à Marseille:

«Si l’on consulte les documents de la douane, dit l’honorable rapporteur, on est obligé de reconnaître qu’en 34 donnant à Nantes la ligne des Antilles et à Bordeaux celle du Brésil, le projet contrarie les courants commerciaux actuels, et que peut-être, ainsi, non-seulement il n’attirera pas dans ces deux ports le trafic étranger que notre position géographique en Europe aurait dû nous procurer, si nous avions organisé, dans de bonnes conditions, de rapides communications avec les Amériques, mais encore qu’il laissera échapper une portion notable de nos propres produits au profit d’entreprises étrangères dont notre commerce lui-même sera forcé de rester tributaire.

«Permettez-nous, messieurs, pour rendre notre pensée plus saisissable, d’entrer à ce sujet dans quelques détails:

«Le Havre, Nantes, Bordeaux, Marseille, sont les quatre grands ports qui absorbent la majeure partie de notre commerce extérieur. Lorsqu’on veut connaître l’importance relative de ces places par rapport au commerce qui se fait avec un pays étranger, on doit interroger le tonnage, à l’entrée et à la sortie, des navires chargés de provenance ou à destination de chacune d’elles.

«C’est ce que nous avons fait; et quelques chiffres vous suffiront pour parfaitement comprendre le résultat de nos recherches et les conséquences qu’il faut en tirer.

«La ligne qu’on appelle des Antilles comprend principalement, vous le savez, le commerce avec les possessions espagnoles, le Mexique, Haïti, la Martinique, la Guadeloupe et Venezuela. Le commerce général, importation et exportation réunies de ces contrées avec la France, s’est élevé, en 1855, à 196 millions de francs.

«Maintenant, si vous voulez connaître comment ce commerce s’est réparti, en tonnage, entre nos quatre grands ports de commerce, vous trouverez, pour:

  Entrées. Sorties. Total.
«Le Havre 67,706 tonn. 37,435 tonn. 105,141 tonn.
«Nantes   9,465   8,170   17,635
«Bordeaux 16,677 20,615   37,292
«Marseille 39,360 23,016   62,376

«De telle sorte que Nantes, désignée par le cahier des charges pour point de départ de la ligne des Antilles, est précisément le port qui a le moins de relations commerciales 35 avec les contrées que les paquebots de cette ligne ont pour objet d’entretenir et d’augmenter.

«Quant à la ligne du Brésil, qui dessert principalement le Brésil, l’Uruguay et Rio de La Plata, le commerce général de la France, avec ces contrées, s’est élevé, en 1855, à 148 millions.

«Et le tonnage s’est réparti de la manière suivante, pour:

  Entrées. Sorties. Total.
«Le Havre 26,469 tonn. 25,351 tonn. 51,820 tonn.
«Nantes   2,079   1,293   3,372
«Bordeaux   1,300   8,280   9,580
«Marseille 31,346 17,192 48,538

«Pour cette ligne du Brésil, dont le point de départ serait fixé à Bordeaux par le cahier des charges, on voit également que ce port est un de ceux dont le commerce offre le moins d’importance avec les contrées avec lesquelles on veut établir des communications rapides.

«Mais, messieurs, s’il s’agissait seulement de détourner plus ou moins le courant actuel du commerce d’un de nos ports sur un autre; s’il s’agissait uniquement de répartir le mouvement de notre trafic autrement que ne l’ont fait et le temps et les intérêts naturels, quelque regrettable que cela nous parût encore, nous pourrions pourtant nous en moins inquiéter; mais, ne vous y trompez pas, la question n’est pas là, et elle ne se laisse pas resserrer dans ces limites.

«Ainsi, vous venez de voir que presque tout notre commerce avec le Brésil passait par le Havre et Marseille; eh bien! que peut-il, que doit-il résulter de l’établissement du point de départ de cette ligne à Bordeaux? Que désormais ce commerce ira chercher ce port, où il trouvera, tout organisé, le service des paquebots français? Nous le voudrions, mais nous n’osons l’espérer. En effet, si nous examinons avec soin les divers éléments dont se composent nos échanges avec le Brésil, et qui ne se sont pas élevés à une valeur de moins de 96 millions en 1855, nous sommes amenés à reconnaître que le courant d’affaires qui s’est divisé en quelque sorte entre le Havre et Marseille, a sa raison 36 d’être dans la nature même des produits qui en font l’objet.

«Les douanes vous diront que les cafés, les sucres du Brésil, arrivés à Marseille, se sont, en grande partie, répandus dans tout le bassin de la Méditerranée, et quelle part nos tissus de laine, de soie, de coton, notre mercerie et tous les objets de prix qui peuvent payer un fret élevé, ont eue dans nos exportations à Rio-Janeiro.

«Par ses rapports avec le Levant, avec toutes les côtes d’Italie; par sa proximité de la Suisse, de Lyon, de Saint-Étienne, de Nîmes, Marseille devait donc tout naturellement s’emparer d’une partie du commerce du Brésil; et c’est ce qu’il a fait; de même que la force des choses devait amener une autre portion de ce commerce au port le plus rapproché de Paris, qui chaque jour prend une importance industrielle et commerciale plus grande.

«Or, voici ce qui s’est passé pendant ces longues années d’ajournement pour l’établissement de nos paquebots: l’Angleterre a redoublé d’efforts, et Southampton et Liverpool ont organisé d’admirables services pour les deux Amériques; de ce port, dont l’accès est facile à toute heure, partent chaque semaine des navires qui viennent gratuitement chercher au Havre les riches produits qui demandent à être transportés à grande vitesse. Ce n’est pas tout: la Sardaigne elle-même nous a devancés, et Gênes a établi sur le Brésil un service de paquebots à vapeur subventionné par le Gouvernement, et qui, faisant escale à Marseille, doit porter à Rio-Janeiro et en rapporter tout ce que le commerce a intérêt d’expédier rapidement.

«Est-il probable, est-il possible que nos navires, placés à Bordeaux, puissent y attirer ce double courant de notre commerce qui s’écoule aujourd’hui vers la Manche et la Méditerranée? Et n’est-il pas plus à redouter que les services anglais conservent toute leur clientèle, ne l’augmentent même, tandis que, d’un autre côté, Gênes, au grand détriment de Marseille, viendra chercher nos propres produits, s’emparera d’une partie du commerce de la Méditerranée avec l’Amérique du Sud, commerce dont Marseille a 37 pu garder la meilleure part, tant qu’elle ne s’est pas trouvée en présence d’un service étranger, subventionné, de paquebots à vapeur.

«En examinant donc, uniquement au point de vue des relations commerciales existantes aujourd’hui, la division des lignes telle qu’elle résulterait des prévisions de l’exposé des motifs, nous avons pensé que ces prescriptions détruiraient déjà par elles seules les chances favorables de la lutte que nos services nationaux auront à soutenir.»

Il n’est pas possible, on le voit, de rendre plus patente l’impossibilité de faire de Nantes et de Bordeaux les ports d’attache des lignes des Antilles et du Brésil; le rapport de la commission du Corps législatif démontre, en même temps, la nécessité de l’établissement d’une partie des services à Marseille. C’est le projet de Le Roy de Keraniou, ou plutôt, le projet Keraniou, par la jonction des lignes de Brest avec celles de Marseille, aux îles Madère, procure à ces deux ports l’avantage de toutes les lignes réunies; et par le service auxiliaire de cabotage à vapeur, il étend le même avantage à tous les autres grands ports de France. Ainsi, Bordeaux, Nantes, Dunkerque, Bayonne, les ports de la Méditerranée auront, comme le Havre, leurs services à vapeur qui les mettront en communication directe et fréquente avec les deux ports d’attache de Brest et de Marseille.

Un des services du sud-ouest de la France pourra même aller recueillir, alternativement, d’escale en escale, dans les ports d’Espagne et du Portugal, les voyageurs, la correspondance et les marchandises de ces ports, et les porter directement, pour le transbordement, aux îles Madère.

N’oublions pas de dire, en outre, que les paquebots de Marseille toucheront à Algésiras ou Cadix (Espagne), à l’aller et au retour; mais ils ne s’y arrêteront que le temps nécessaire pour prendre les voyageurs et la correspondance. (Voir page 22.)

Remarquons, en passant, combien, la concentration des lignes étant admise, Bordeaux et Nantes doivent préférer qu’elle se fasse à Brest plutôt qu’au Havre. Leurs navires 38 auxiliaires à vapeur auront, en effet, moitié moins de chemin à faire pour se rendre à Brest, et surtout ils n’auront pas à subir deux fois la navigation de la Manche.

C’est donc à Brest que seront concentrées toutes les lignes transatlantiques françaises du Nord et de l’Ouest, Brest, extrémité de l’Europe continentale, promontoire avancé, en face des deux Amériques, et dont la rade, si commode et si spacieuse, semble n’avoir été placée là que pour servir au commerce des deux mondes.

A Brest les paquebots arriveront un jour, deux jours plus tôt qu’à Southampton et à Liverpool. Les moyens puissants employés pour diminuer la durée des traversées hâteront encore les arrivages; les grandes dimensions des paquebots français faciliteront les transports de toutes les marchandises européennes, et, au retour, des marchandises de toutes les autres parties du globe.

Cependant, Brest ne servira que d’entrepôt, de point de départ ou d’arrivage à ces riches cargaisons: c’est à Paris que s’établira le commerce général des deux mondes. Paris beaucoup plus central, Paris déjà riche de tant de ressources industrielles, financières et commerciales, se sera bientôt emparé du commerce général extérieur de l’Europe continentale.

Brest ne sera donc que l’avant-port de Paris.

Quant à la partie méridionale de la France et aux pays méditerranéens, ils se serviront des lignes de Marseille.

Nous reviendrons dans un dernier paragraphe sur les résultats immenses que l’établissement des paquebots transatlantiques produira pour la France.

Les lecteurs qui ont bien voulu nous suivre jusqu’ici doivent être désormais convaincus que la division des lignes entre le Havre, Nantes et Bordeaux ou leur concentration au Havre, avec escale à Cherbourg, seraient le plus mauvais système à adopter. La France n’y trouverait que déception, les compagnies que ruine: le commerce français ne se relèverait pas de l’échec qu’il en recevrait; tandis que la concentration à Brest et à Marseille, en permettant l’emploi de grands navires à voiles et à hélice puissantes, des départs 39 fréquents, des traversées rapides, donnera aux lignes françaises tous les moyens de lutter avec les lignes américaines et anglaises, et assurera à la France le plus grand mouvement commercial qui ait jamais existé.

§ VI.—Dépenses d’établissement des lignes transatlantiques, suivant le projet de M. Le Roy de Keraniou.—Frais d’exploitation.—Produits.

Le capitaine Le Roy de Keraniou ne s’est pas contenté d’établir tous les détails d’exécution et d’exploitation de son vaste projet de paquebots transatlantiques; il a calculé les dépenses d’établissement, les frais d’exploitation, et les produits, au moins quant aux lignes des Antilles et du Sud, car la ligne de New-York est trop pratiquée et trop connue pour qu’il soit nécessaire d’en dresser le bilan.

Quant aux dépenses d’établissement:

Le capitaine Le Roy de Keraniou estime que la compagnie devra mettre à flot quatre-vingt-quatre steamers de 2,500 tonneaux, pouvant fournir une marche moyenne de 12 nœuds, à 2,380,952 fr. par steamer[5], total, pour les 84 steamers, deux cents millions de francs,

200,000,000 fr.

Quant aux frais d'exploitation:

Les 84 steamers, montés chacun par cent hommes d’équipage, donneraient lieu à une dépense annuelle, pour l’équipage, à 5 fr. par homme et par jour[6], de

15,330,000 fr.

(La nourriture des passagers coûtera 10 fr. par jour; mais on ne la porte pas en dépense, parce qu’on ne portera pas non plus en recette les mêmes 10 fr. par jour qu’ils paieront pour cet objet.)

Pour entretien des navires, leur réparation, remplacement et amortissement, 15 pour cent du capital[7],

30,000,000 fr.
40

Pour dépenses en combustible, charbon et matières grasses[8],

8,124,445 fr.

Pour frais d’assurance et autres frais,

10,000,000 fr.
  ————  
Premier total 63,454,445 fr.

Administration, agences, droits de ports, de feux, de dock, en France et à l’étranger, chargement, déchargement, approvisionnement, rechange, pilotage, etc.; 15 pour cent sur 63,454,445[9]

9,518,166 fr.
  ————  
Deuxième total 72,972,611 fr.

Gratifications aux capitaines et aux équipages, imprévu, somme à valoir[10],

17,027,389 fr.
  —————  
Total définitif 90,000,000 fr.

Quant aux produits annuels de l’exploitation:

Le capitaine Le Roy de Keraniou porte à 36 mille tonnes par mois le fret d’aller pour toutes les lignes, et à autant le fret de retour, soit 864 mille tonnes de transports annuels.

Ce nombre de 864 mille tonnes, par an, est considérable. Cependant, M. Le Roy de Keraniou démontre qu’il ne diminuera en rien les transports que le commerce français fait aujourd’hui en dehors des lignes régulières de paquebots à vapeur.

Ainsi, sur le total de 864 mille tonnes, il y aura 432 mille tonnes de fret d’aller, et 432 mille tonnes de fret de retour.

41

Quant au fret d’aller, les deux cinquièmes environ des 432 mille tonnes se composeront des marchandises étrangères qui suivent aujourd’hui les lignes anglaises ou américaines (en passant ou non par la France), ou les lignes brêmoises, ou la ligne de Gênes, ou celle de Cadix à la Havane (Voir le tableau ci-après, p. 42).

Les marchandises françaises qui sont expédiées par masses du Havre pour Liverpool et Southampton[11], ou qu’enlèvent les grands navires américains qui peuplent les bassins du Havre[12], ou que prennent, à leur passage à Marseille, les paquebots de Gênes pour le Brésil, formeront encore une bonne partie du fret d’aller.

Ce que les lignes françaises enlèveraient au commerce français serait compensé, et bien au-delà, par l’impulsion, par l’essor que les relations transatlantiques donneraient à l’industrie européenne et étrangère et au mouvement commercial entre les deux mondes.—Il est à remarquer que dès aujourd’hui, le mouvement de la navigation entre la France et les Colonies françaises, et les pays hors d’Europe, s’accroît de 200 mille tonnes environ chaque année[13].

Enfin, les transports de charbon sur les points les plus éloignés, pour le service des paquebots, fourniraient encore aux navires français un aliment de fret annuel de plus de 200 mille tonnes[14].

42

Voici, au reste, comment le capitaine Le Roy de Keraniou établit l’aliment de son fret d’aller, suivant les pays de provenance.

De l’Angleterre, Southampton fournira 30 tonneaux de marchandises par voyage, ou annuellement

4,320 fr.

Londres, par voyage, 70 tonn., annuellement

10,080 fr.

Liverpool, par voyage, 70 tonn., annuellement

10,080 fr.

De la Belgique et de la Hollande, Amsterdam, avec escale à Rotterdam et Anvers, fournira par voyage, 100 tonneaux, annuellement

14,400 fr.

L’Allemagne, la Russie, le Danemark, la Suède, la Prusse, départ de Saint-Pétersbourg, escale à Brême, Hambourg, etc., annuellement

14,400 fr.

De France, Paris et Rouen, directement, par voyage, 150 tonneaux, annuellement

21,600 fr.

Le Havre et Cherbourg, directement, par voyage, 200 tonneaux, annuellement

28,800 fr.

Caen, Grandville et Saint-Malo, touchant à Morlaix, par voyage, 100 tonn., annuellement

14,400 fr.

Dunkerque, Boulogne, Dieppe et Fécamp, par voyage, 100 tonneaux, annuellement

14,400 fr.

Bordeaux, par voyage, 75 tonn., annuellement

10,800 fr.

Nantes et Lorient, annuellement

10,800 fr.

Rochefort et la Rochelle, par voyage, 50 tonneaux, annuellement

7,200 fr.

Chemins de fer, directement, annuellement, de provenance étrangère, 27,360 tonneaux; de provenance française, 27,360 tonnes, total

54,720 fr.
  ———  

Total, ligne de Brest, Nord-Ouest: 80,640 tonneaux venant de l’étranger et 135,360 tonneaux, des ports ou villes de France

216,000 fr.

La branche du Sud, Marseille, tirera des États-Sardes, de la Lombardie, de l’Italie, etc., par Gênes et Livourne, 43 par voyage, 100 tonneaux, annuellement

14,400 fr.

Des États d’Autriche, Venise, Trieste, venant par chemin de fer à Gênes, annuellement

7,200 fr.

De la Suisse, par le Rhône et chemin de fer, par voyage, 100 tonneaux, annuellement

14,400 fr.

Du Zollverein (union douanière et commerciale), par chemin de fer, annuellement

14,400 fr.

De Marseille et environs, par voyage, 300 tonneaux, annuellement

43,200 fr.

De Cette, Béziers, Montpellier, par voyage, 70 tonneaux, annuellement

10,080 fr.

D’Arles, Bouc et Narbonne, annuellement

10,080 fr.

De Lyon, Saint-Etienne, des départements limitrophes du Rhône et du chemin de fer, par voyage, 150 tonneaux, annuellement

21,600 fr.

De la Turquie, de la Grèce, d’Égypte, de l’Inde (par Suez), du Maroc, de Tunis, du Danube, etc., et chemins de fer, par voyage, 285 tonneaux, annuellement

41,040 fr.
  ———  

Total (dont fourni par l’étranger 56,400 tonneaux, par les ports ou chemins de fer français, 120,000 tonneaux)

176,400 fr.

Un service auxiliaire desservant alternativement Barcelone, Carthagène, Alger, Oran, Malaga et Cadix, partira de Port-Vendre et ira aussi se relier à Madère au grand service; il fournira:

De l’Espagne, tonneaux

18,000 fr.

De l’Algérie, tonneaux

7,200 fr.

Un autre service auxiliaire desservant alternativement Saint-Sébastien, Bilbao, Santander, la Corogne, Vigo, Porto, Lisbonne, partira de Bayonne, et ira aussi se relier à Madère aux grands services. Il tirera: De France

3,000 fr.

D’Espagne

5,400 fr.

Du Portugal

6,000 fr.
  ——  

Total général, (dont 85,800 tonneaux de l’étranger et 130,200 tonneaux de France)

216,000 fr.

Les frets de retour seront plus considérables encore; car, dans le commerce général des pays transatlantiques 44 avec la France et avec les pays européens, les importations, sinon quant à la valeur, au moins quant au poids des marchandises, quant au nombre de tonneaux, surpassent de beaucoup les exportations.

On sait, d’ailleurs, que les paquebots français prendront au retour des chargements complets, pour toutes les destinations, même étrangères à la France.

Ainsi, les 432 mille tonneaux de fret de retour du projet Le Roy de Keraniou, de même que les 432 mille tonneaux de fret d’aller, se trouvent justifiés.

L’auteur du projet fixe à 72 millions 600 mille francs, soit 85 francs par tonneau, le produit des 864,000 tonneaux, soit, produit annuel du fret, nombre rond.

72,000,000 fr.

Les divers prix de fret formant cette somme de 72 millions, ayant été fixés très-bas, et n’étant autres que ceux pris aujourd’hui par les navires à voiles, il convient d’y ajouter les 10 pour 100 de chapeau, en usage dans le commerce maritime, et que prennent aussi les lignes transatlantiques anglaises, soit 7 millions 200,000 fr., ou nombre rond

7,000,000 fr.
  ————  

Premier total produit du transport des marchandises

79,000,000 fr.

La correspondance a produit, en 1853, pour les lignes anglaises, 9,897,175 francs. Ce produit s’est beaucoup augmenté depuis. On peut affirmer qu’il sera presqu’immédiatement doublé, pour les lignes françaises, à cause de la brièveté des traversées, des départs directs de France, et surtout à cause de la fréquence des départs et des arrivées, qui permettra d’écrire presque quotidiennement: (Il y aura sept départs par mois pour les Antilles, douze départs par mois pour le Brésil, etc.) Cependant, on ne porte que, nombre rond

9,000,000 fr.

Les voyageurs ou passagers, attirés par 45 les dimensions des paquebots, les commodités du voyage, la rapidité de la marche, la facilité de s’embarquer, sans quitter le continent, soit à Marseille, soit à Brest, pour toutes les parties du monde, devront être nombreux. Mais, pour rester encore au-dessous des prévisions, le capitaine Le Roy de Keraniou ne porte annuellement, que, pour les voyages d’aller passagers

20,000 fr.  

Et les voyages de retour

20,000 fr.  
  ————  

Total, passagers[15]

40,000 fr.  

Indépendamment des dix francs par jour de nourriture, que nous n’avons pas portés en dépense, et que nous ne porterons pas non plus en recettes, les passagers paieront, en moyenne, 500 francs par voyage[16], soit pour les 40,000 passagers

20,000,000 fr.

46 La subvention est supposée devoir être de

14,000,000 fr.
  —————  

Total, produits ou recettes annuelles

122,000,000 fr.

Les dépenses montant à

90,000,000 fr.
  —————  

Il restera pour représenter l’intérêt du capital de 200 millions et les bénéfices

32,000,000 fr.

§ VII.—Énormes résultats de la concentration des lignes transatlantiques à Brest et à Marseille.—Brest premier port d’entrepôt, Paris première ville commerciale, la France première puissance maritime du monde.—Accroissement du commerce maritime de tous les autres ports français.—Développement du travail et de l’industrie nationale.—Augmentation des recettes des chemins de fer français.—Rétablissement du crédit.—Richesse générale.—Appel.

On ne saurait dire où pourraient atteindre les résultats de la concentration des lignes transatlantiques à Brest et à Marseille.

Il est évident qu’avec tous les avantages qu’offre le projet Keraniou:—voyage raccourci autant que possible, par la position du principal port d’attache au-delà de la Manche;—traversées abrégées pour les voyageurs et la correspondance, par la suppression des retards de relâches;—dimensions des navires permettant de porter des frets considérables—rapidité de la marche, et, en même temps, économie du combustible par l’adoption, dans les parcours qui le permettront, de clippers à voiles et à hélice puissante;—chargements pris tout entiers pour la même destination, mode qui, tout en dispensant de faire de longues escales, assurera un fret complet, pour chaque départ, à chaque navire;—situation de Brest, qui attirera tous les voyageurs, la correspondance et les marchandises du Nord et de l’Est de la France et de l’Europe; situation de Marseille, qui attirera tous les voyageurs, la correspondance et les marchandises du Sud,—on ne peut pas douter du succès de cette vaste entreprise.

C’est-à-dire, que la France s’emparera du transit et même de tout le commerce entre l’Europe continentale et les autres parties du globe; du transport des voyageurs, de la correspondance tout entière.

47

C’est-à-dire que ses chemins de fer transporteront dans tous les sens, à l’aller et au retour, des quantités innombrables de voyageurs et des masses énormes de marchandises.

C’est-à-dire que l’accroissement que ce mouvement apportera au travail, les ressources qu’y puiseront toutes les classes de travailleurs, et le développement qu’en recevra l’industrie nationale, sont incalculables: matières premières, fournies de première main à l’industrie française, déjà maîtresse des marchés du monde entier pour les objets d’art et de goût, et qui, pour tous les autres produits, égalera bientôt l’industrie anglaise, la surpassera peut-être; progrès de l’agriculture, entraînée par l’industrie et par l’ouverture de débouchés nouveaux; adoption des bonnes méthodes et de la grande culture; plus de terres en friche ou en jachères, valeur moyenne du sol décuplée en France.

C’est-à-dire que Brest, avec sa magnifique rade, avec les docks qui y seront bientôt établis, avec ses deux chemins de fer, deviendra l’entrepôt du commerce des deux mondes.

C’est-à-dire que Paris, dont Brest ne sera que l’avant-port, s’emparera de tout le commerce général extérieur, qui, par le fait de la facilité des relations même, augmentera, comme l’industrie Européenne, suivant une progression dont l’imagination s’effraie.

C’est-à-dire que, comme richesse, comme crédit, la France deviendra la première des nations; et il n’en faudra pas davantage pour porter, même son crédit public, au niveau de celui de l’Angleterre, et pour relever au plus haut degré de prospérité toutes ses grandes entreprises industrielles et commerciales.

C’est-à-dire que les ports eux-mêmes, qui, aujourd’hui, se prétendent frustrés, auront, chacun d’eux, au moyen des services auxiliaires à vapeur, une participation considérable dans tous les services transatlantiques, non pas, comme auparavant, dans des services isolés, mesquins, compromis d’avance, incapables de lutter avec les services étrangers rivaux, et qui auraient fait la ruine des villes et des compagnies auxquelles ils auraient été concédés, mais dans des services puissants, féconds, prospères, d’une solidité à 48 toute épreuve, et qui assureront pour de longues années la fortune de la France.

C’est-à-dire que la marine commerciale française trouvera dans le cabotage à vapeur à établir, dans le transport des charbons sur les divers dépôts des lignes transatlantiques, et surtout dans le développement du commerce général et dans les innombrables relations lointaines que les services transatlantiques procureront à la France, des ressources sur lesquelles elle n’aurait jamais osé compter.

C’est-à-dire que la France devient tout-à-coup la première puissance maritime du monde; que les services des paquebots lui procurent trente mille bons marins de plus, formés à la navigation à vapeur aussi bien qu’à la navigation à voiles; que l’extension des expéditions commerciales lointaines donnera à sa marine militaire une importance incalculable; que si la guerre éclatait, elle aurait, à l’ouest, dans son premier port militaire, sur la plus belle rade, au sud, tout près de son grand arsenal de la Méditerranée, cent puissants steamers capables de porter sur-le-champ cent mille soldats sur quelque point que ce fût du monde!

Voilà ce que propose le capitaine Le Roy de Keraniou.

Il appelle à s’unir à lui tous ceux qui sont animés soit de l’intérêt du pays, soit même de leur propre intérêt, ports de commerce rivaux, compagnies formées pour soumissionner, commerce maritime, banque, négoce, industrie. Le champ est assez vaste pour que tous les intérêts s’y rencontrent et s’y donnent la main. Il y aura pour tous FORCE, RICHESSE et GLOIRE!

Beaugency.—Imp. de Gasnier.


49

NOTES


[1] Le mille est le tiers de la lieue marine de 20 au degré.

[2] Projet, long mémoire autographié, d’un style très-vif et rempli de détails du plus haut intérêt.

[3]

Si les marchandises évitent, à l’aller et au retour, la navigation de la Manche, elles auront à payer, en moins, l’assurance en Manche, qui aujourd’hui pour la traversée du Havre Southampton ou à Liverpool monte jusqu’à 1-1/4 p. 100. comme nous l’avons dit (p. 25), soit, pour un tonneau de marchandise valant 10,000 francs, 125 francs d’assurance. Que l’on ne prenne, si l’on veut, que la moitié, ce sera 62 fr. 50 centimes c’est-à-dire, plus des 2/3 du prix de transport de la tonne sur le chemin de fer de Brest à Paris. C’est-à-dire encore, que, si la même tonne de marchandise à destination de Paris était venue par le Havre, elle aurait payé, pour assurance dans la Manche

62f. 50c.

Pour le parcours du Havre à Paris, sur le chemin de fer, 229 kilomètres, à 15 centimes par kilomètre

34     35  
  —————

Total

96      85  

Tandis que pour les 600 kilomètres, de Paris à Brest, elle n’aurait payé que

90     »»   

On remarquera que nous n’avons rien porté pour les 90 lieues de mer, entre Brest et le Havre, qui ne laisseraient pas, cependant, d’augmenter un peu le prix du fret pour le voyage tout entier.

Mais, surtout, ce dont il faut tenir compte, c’est le retard dans l’arrivée en Manche, retard qui, outre les autres préjudices qu’il cause, se traduit encore par une perte d’intérêts du capital engagé dans les marchandises.

[4] Autrefois, lorsqu’il n’existait pas de chemins de fer, lorsqu’on n’avait pour le transport des marchandises sur terre que la simple voiture de roulage, qui, à force de chevaux, et à grands renforts de frais et de temps, portaient, par heure, deux tonnes à trois ou quatre kilomètres, on devait préférer les transports par mer, même par cabotage à voiles, au transport par terre; mais aujourd’hui, tout est changé: les chemins de fer transportent à peu de frais des masses de marchandises.

[5] On compte 25 livres sterling pour un tonneau de jauge, et 50 livres pour un cheval-vapeur.

[6] D’après les prix ordinaires, chaque homme du rôle d’équipage coûterait, en moyenne, seulement 4 fr. 27 au lieu de 5 fr.

[7] On ne compte en Angleterre que 13,84 p. 100 pour amortissement, entretien et réparation des navires à hélice de 2,000 tonneaux, en fer, qui font les voyages de New-York à Liverpool.

[8] Cette somme de 8,124,445 fr. sera peut-être augmentée, le capitaine Le Roy de Keraniou ayant introduit quelques légères modifications dans les services méditerranéens. Mais, comme nous portons plus bas une somme annuelle à valoir énorme, toutes les augmentations de dépenses, quelles qu’elles soient, se trouveront dans cette somme à valoir.

[9] Les Anglais ne comptent que 13 p. 100 pour ces dépenses.

[10] Cette somme pour gratifications, imprévu et à valoir est énorme: on a tenu à exagérer ainsi les dépenses afin de rendre impossible toute espèce de critique et de mécompte sur ce point.

[11] Tous les lundis, mercredi et vendredi, part du Havre pour Liverpool un navire chargé de 300 à 350 tonneaux d’articles de France ou du continent européen.

Les bateaux de Southampton viennent prendre également au Havre plusieurs fois par semaine, les mêmes articles.

[12] Il y a journellement 40 à 50 navires américains de 2,000 à 3,000 tonneaux dans les bassins du Havre.

[13] Le mouvement de la navigation française avec nos colonies et les pays hors d’Europe était:

En 1850, de tonneaux 1,010,000
En 1851 1,120,000
En 1852 1,302,000
En 1953 1,230,000
En 1854 1,426,000
En 1855 1,620,000

[14] D’après le projet Le Roy de Keraniou, la consommation de charbon, toujours non compris la ligne de New-York, monterait à 193,324. Mais, comme il serait possible de mettre à profit le voisinage de Marseille des mines de la Grand-Combe (Gard), il aurait l’intention de faire dominer le système de vapeur dans les paquebots de la ligne de Marseille, ce qui augmenterait notablement la consommation de charbon.

[15] D’après ces bases, le voyage de Brest à la Guadeloupe, 13 jours, coûterait pour nourriture, 130 fr.; pour prix de passage, 500 fr.; total 630 fr. (Les Anglais prennent 1,100 fr.)

Le voyage de Brest à Rio-Janeiro, 17 jours, coûterait 170 fr., plus 500 fr.; total 670 fr. (Les navires à voiles du Havre prennent 600 fr).

Le voyage de Brest à Montevideo, 21 jours, 210 fr., plus 500 fr.; total 710 fr. (Même prix que les navires à voiles.)

Le voyage de Brest à Valparaiso, par Magellan, 33 jours, 330 fr., plus 500 fr.; total 830 fr. (370 fr. de moins que les navires à voiles.)

Le voyage de Brest à San Francisco, par Magellan, 52 jours, 520 fr., plus 500 fr.; total 1,020 fr. (500 fr. de moins que les navires à voiles.)

Les autres lignes françaises offriraient les mêmes avantages.

[16] Ces 40,000 passagers seraient ainsi répartis:

Lignes des Antilles et du golfe du Mexique, le Brésil, La Plata (aller et retour), 20,000.—Le Chili, le Pérou, la Bolivie, l’Equateur, le Mexique, la Californie, etc. (aller et retour), 10,000.—La côte d’Afrique, le Cap, la Réunion, Maurice, l’Inde ou l’Australie, etc. (aller et retour), 10,000.—Total, voyages d’aller et retour, 40,000.

Les départs de Brest devant être au nombre de 120, les départs de Marseille au nombre de 120, les retours atteignant la même somme, 240, le nombre de voyages, aller et retour, montera à 480.

Les 40 mille passagers répartis entre ces 480 navires allant ou revenant, fourniront à chacun d’eux 84 passagers, en moyenne. Bien des navires à voiles du commerce obtiennent aujourd’hui ce résultat. Les navires de Liverpool, partant deux fois par mois, emportent, à chaque voyage, 200 passagers pour les États-Unis.


50

OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

AU BUREAU DES ANNALES DU DROIT COMMERCIAL,

Rue de la Sourdière, 19.

Annales du droit commercial, ou Mémorial du commerce et de l’industrie; législation, doctrine, statistique, jurisprudence et économie commerciale.—66 feuilles in-8o par an.—Prix: 18 fr.—Collection, 2e série (1845-1856), 66 fr.

Journal de l’assureur et de l’assuré; assurances contre l’incendie, la grêle, la mortalité des bestiaux, sur la vie, tontines, etc.—12 fr. par an.—La collection (1848-1856), 24 fr.

Journal des amateurs d’objets d’art et de curiosité; articles sur les objets d’art et de curiosité, sur les livres et les médailles; prix auxquels ces objets ont été adjugés dans les principales ventes aux enchères.—9 feuilles in-8o par an: 5 fr.—Collection (1854-1856), 12 fr.

Assurance par l’Etat.—Fondation de caisses d’assurance mutuelle contre la grêle, contre les gelées, contre les inondations et la mortalité des bestiaux; exclusion de l’assurance contre l’incendie.—Seules bases sur lesquelles puisse être assise l’assurance mutuelle contre la grêle, contre les gelées, contre les inondations et contre la mortalité des bestiaux.—Matière assurable, pertes annuelles, assiette de l’assurance, statistique, statuts.—Brochure in-8o: Prix 3 fr.

Manuel d’assurance; guide des propriétaires d’immeubles et de meubles, de récoltes ou de bestiaux, assurance mutuelle, assurance à prime fixe.—Incendie, grêle, inondations, mortalité des bestiaux.—In-32: 50 c.

Réseau de voies ferrées sous Paris.—Transports généraux dans Paris par un réseau de voies ferrées souterraines, desservant les principaux quartiers, et les mettant en communication avec les gares des chemins de fer, et par un service complémentaire de voitures à chevaux.—2 brochures in-8o: Prix 4 fr.

Crédit foncier; Guide des fondateurs, des directeurs et administrateurs des établissements de crédit foncier; théorie et pratique; proposition et discussion d’un système de billets au porteur à remettre aux emprunteurs, bénéfices considérables pour la société, partage des bénéfices avec les emprunteurs, tendant à égaliser l’intérêt entre tous les emprunteurs.—Grand in-8o: 6 fr.

Harmonies sociales; principes servant de base aux sociétés, à l’ordre, à l’union et à l’autorité, avec cette épigraphe: Amour, liberté, autorité, unité.—Prix: 3 fr. 50 cent.

Beaugency.—Typ. Gasnier.


Au lecteur

Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la version originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été corrigées.

La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures.