The Project Gutenberg eBook of Vocabulaire, Poèmes This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Vocabulaire, Poèmes Author: Jean Cocteau Release date: September 26, 2019 [eBook #60366] Language: French Credits: Produced by Laura Natal Rodrigues at Free Literature (Images generously made available by Hathi Trust.) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK VOCABULAIRE, POÈMES *** Produced by Laura Natal Rodrigues at Free Literature (Images generously made available by Hathi Trust.) JEAN COCTEAU VOCABULAIRE POÈMES PARIS ÉDITIONS DE LA SIRÈNE 39, Boulevard Malesherbes 1922 À Francis Poulenc Darius Milhaud Arthur Honegger Louis Durey Georges Auric Germaine Tailleferre TABLE DES MATIÈRES HOTEL DE FRANCE ET DE LA POÉSIE STOP SONNET DE LA BAIGNEUSE LA MORT DE L'AMIRAL MIROIR DES SPORTS PIÈCE DE CIRCONSTANCE UN BONJOUR D'ARCACHON TRILLES OBJET DIFFICILE À RAMASSER MYOSOTIS SOUVENIR DE NAPLES CIEL D'AVRIL ÉCUME DE MER PAIN ENCHANTÉ LA BELLE BLEUE EN VOILÀ UNE SURPRISE PLACE D'OMBRE LES AMANTS DE VENISE AURORE AMOUR MISS AÉROGYNE, FEMME VOLANTE BAIGNEUSE MARINE MORT D'UN CYGNE IDOLE CHEVEUX D'ANGES COUTUMES DU NORD LE MIRLITON D'IRÈNE ROSIER FRUIT CHAT VÉSUVE TROUVILLE PRISE SUR LE FAIT ACCORDÉON MINUIT LES CHEVEUX GRIS, QUAND JEUNESSE LES PORTE... DOS D'ANGE LES CHIENS ABOIENT DE PRÈS... LE PARISIEN LE POÈTE DE TRENTE ANS NOCTURNE LES YEUX DOUX DIEU VOIT DERRIÈRE SA NUIT... L'INCENDIE DE CHANTER AMOUR QUI NOUS MORD... À FORCE DE PLAISIRS... TOMBEAUX DE SAPHO DE SOCRATE DE NARCISSE D'UN FLEUVE DE DON JUAN DU CHIEN D'ALCIBIADE LES MESAVENTURES D'UN ROSIER ALERTE LA PEUR DONNANT DES AILES AU COURAGE ANGÉLUS PANOPLIE MIRACLES GABRIEL AU VILLAGE CANNE DE JONC LES OISEAUX SONT EN NEIGE EMBOUCHURE DES PENSÉES DIVINES ROSIER SAUVAGE CONTREBANDE LA CABANE ABANDONNÉE PRIMEURS CRUELLES COSTUME DE SPORT CHANGEMENTS À VUE CALENDRIER MÉCANIQUE LES ANGES MALADROITS... ARCHE MOUCHES, DISTRACTIONS SONNET GRECO L'ENDROIT ET L'ENVERS M'ENTENDEZ-VOUS AINSI? HOTEL DE FRANCE ET DE LA POÉSIE Arbre, bocal d'oiseaux, feu de bengale entre les îles! Le soleil fait chanter les tramways dans la ville. Le ciel est un marin assis sur les maisons. En soi même noyé Narcisse, N'aime pas les glaces d'hiver. Les anglais écrivent des vers Comme il leur pousse du gazon; Souvent nagent mieux que narcisses Entre deux eaux, entre deux draps; Et le cygne qui dort le menton sur son bras Plus blanc que la neige de Suisse. Flamme, petit poisson ronge du lampion. Orchestre par dessous, le vent venu des îles, Met le feu, aussitôt de terribles lions Sortent, qui se cachaient dans le bocal fragile. L'arbre et l'aérostat se dépassent chacun; Alors le carnaval des pompiers fend la foule. Parfois une maison, une rose s'écroulent, En soulevant une colonne de parfum. Mon cœur tourne à l'envers du vôtre, c'est la vie. Ce manège fait mal au cœur. Oh! que j'ai mal. L'âme de votre fils va vous être ravie Jeune mère, si Tong l'enferme dans la malle. Le fils que l'éventail fait revoir à sa mère Et que l'aide chinois ramène à son fauteuil Ne parle plus jamais... Il périra en mer. Dans le théâtre, un arbre avec toutes ses feuilles; L'arbre dormait debout, couronné d'émeraude. Lâchez tout! Gambetta part en ballon captif. Montgolfière d'amour, monte dans la nuit chaude Les étoiles, chacune indique les récifs. Vieux ascenseurs fanés dont se penche la tige, D'être ailleurs étendu, toute l'âme à l'envers, Le décapité voit un drôle d'univers; Son corps, en un clin d'œil, succombe à ce vertige. Irai-je en un miroir où nous recommençons, Engloutir le poitrail fabuleux du quadrige De cuirassiers mourant parmi les écussons. Il est des jours, la mer, pour enjôler le mousse, Lui découvre ses lits, agite ses dessous, Débouche bruyamment un champagne qui mousse, Mauvais livre de poche acheté quatre sous. (Ses yeux, demain, feront sourire l'équipage) Ballon! bocal d'oiseaux légers pris au filet. Le manège à vapeur enroule son voyage; On ne monte plus: C'EST COMPLET. Voici qu'on dépose l'actrice Et son ventriloque inhumain; Pour cacher quelque cicatrice Elle effeuille ses vieilles mains. Une anglaise qui l'avait prise Pour Venise, part pour Venise; Elle se suicide en chemin. Adieu, bocal, vélocipèdes! Fantômes de visage en feu; La nuit n'a pas assez d'éloges Pour le palais du mal de mer; Ses opéras d'or et ses loges Roulent sur les vagues de l'air. Au milieu chante la sirène À cheval. Son visage vert Est transparent comme le verre, Sa robe en velours rouge traîne Dans les moulures de la mer. Parfois on la voit à l'envers Si elle plonge les mains jointes, Car les sirènes sont des saintes. D'autres sirènes ont des ailes Et des becs de chauve-souris; D'autres nagent sous des ombrelles Et on meurt si elles sourient. Perle! perles, je vous rapporte Du fond des miroirs machinés; Jeunesse, épave des mers mortes, Miroirs déformants de l'amour Où chacun cherche à se puiser; Une femme, une aérogyne, En nous envoyant des baisers Faisait de gracieux mensonges; Elle a découvert la machine Qui permet de voler en songe; C'était simple comme bonjour. STOP Beaux clowns vous êtes fox-terriers. Le sucre et les maisons de plâtre, Sans la chaleur de nos théâtres Seraient le tombeau des guerriers. Si la palme qui nous apporte Le plus doux mal de la mer N'est pas un geste de morte, Vienne l'antique steamer. Le soleil du ciel d'Europe, Dorant les galons du chef, Fait grandir le télescope, Ô boussole: fleur des nefs. Moi je reste au bord de la vague, Laissant des mousses de savon Sale, et toute une barbe d'algues Sur le sable où nous écrivons. Chaque matin, mon capitaine, Vous jetez des bouteilles d'encre Pour votre compagne lointaine. Vous feriez mieux de jeter l'ancre. SONNET DE LA BAIGNEUSE Ce torse debout n'ose encore Être, nu, ce dont il a l'air, À savoir le haut d'un centaure Dont la croupe serait la mer. D'une rose où cesse la chair Que quelque frisuree décore, Commence le pelage vert; Mais un même sang les colore. Pauvre fille des semi-dieux Combien vous aimeriez mieux Pour une baigneuse être prise, Par trop, feignant d'avoir quitté Notre terre et votre chemise. Infidèle à l'antiquité. LA MORT DE L'AMIRAL Les savons, les neiges, la rage, le rire du cheval sauvage, sortant nu de chez le barbier. Nos mains, capucines de l'âtre, et le couteau de la colombe et la momie en son herbier et l'amiral debout: il sombre comme un rideau de théâtre, applaudi par tout le rivage. MIROIR DES SPORTS Grands yeux, l'orage vous fait voler bas. Sous le piston d'amour Bastien caracole. Paris, joli voyou qui se frotte le bras, Mélancoliquement après la Haute-École. Coureurs, nageurs, orgueil des berges de Paris, Parfois votre faiblesse est votre pire audace! À cheval sur un cœur, cycliste, tu souris, Dans les pneus enroulés comme le cor de chasse. Grands yeux, l'orage vous fait voler bas. Le drapeau du lavoir était de la partie. Vénus! chatouille un peu, sans chemise et sans bas, Le cycliste rêvant, la main sur ses parties. PIÈCE DE CIRCONSTANCE Gravez votre nom dans un arbre Qui poussera jusqu'au nadir. Un arbre vaut mieux que le marbre, Car on y voit les noms grandir. UN BONJOUR D'ARCACHON Une cage de poissons rouges Tombe des cieux infidèles. Votre tonnerre déjà bouge Dans l'écurie des hirondelles. La gondole est une autre seiche, Parfois veuve instantanément, Lorsque l'attaque avec sa bêche Quelque féroce garnement. Dans un élégant sarcophage Voyez descendre, au fil de l'eau, (Ce jeu convient-il à votre âge) La belle rameuse en maillot. Tous plaisirs ce temps les empêche; Mais, si nous ne l'effarouchons, Elle apportera de la pêche: Un cœur, souvenir d'Arcachon. TRILLES Plis de l'eau, les giroflées Ou pantoufles de demoiselles. Ils en eurent les mains enflées De trop courir après elles. Le varech, tabac d'Angleterre, Entre l'Océan et la terre Charme les canotiers bien mis. Une petite vague fume Sa première pipe d'écume; Nous sommes ses meilleurs amis. OBJET DIFFICILE À RAMASSER Les chats enrubannés, les casquettes de chasse, Les coquelicots et les confettis; Que voulez-vous que la modiste fasse Avec le Tour de France, trop petit. Comme la plume au vent, les mains d'après nature Blessent ton cœur, bel inconnu. Qu'il prenne garde à la peinture; Car le zèbre est Arlequin tout nu. MYOSOTIS Pipe au coeur de cendre si tendre Qu'il plonge en ton champagne amer Mer matinale aux pieds d'éponge, Un souvenir de Saint-Omer. Un matelot coupe une orange: C'est la mer rouge. Le rideau Fait l'autre matelot un ange Ayant ses voiles dans le dos. Qu'il entre, Marie, et qu'il parte Jouer ailleurs son seul atout: Il a mis du bleu sur les cartes, Et son col de l'ancre partout. SOUVENIR DE NAPLES Le Paradis, tombant, s'était cassé dans l'ombre. Les coups de pistolet, d'où naissent les colombes, Faisaient mille marins s'envoler des vaisseaux, Pour chercher, à tâtons, ses chiffres, ses morceaux. On accrochait partout des balcons, des échelles; Les femmes, n'ayant rien à se mettre sur elles, Appelaient au secours de leur lit aux pieds d'or; Les matelots entraient et changeaient le décor. Une morte, riant dans son cercueil de verre, Conduisait les chevaux de son char, ventre à terre; (Ce char appartenait au marchand de coco.) C'était Herculanum, Pompéï, Jéricho. Jamais je n'ai rien vu de plus fou sur la terre. CIEL D'AVRIL Bengalis babillards fleur de vélo l'ombre des cages la vague est une cloche à melons sous laquelle ondine, te besogne un bras rameur nu rose Charme les pneus si tu l'oses! Saut du lit billard du printemps. ÉCUME DE MER PAIN ENCHANTÉ Le gant rouge du crime* Le cortège du serpent* Sa tête qui est un revolver* La gangrène* Le jeune marin qui colle un timbre* As de trèfle* Oh! mon Dieu! que fait-il de son pouce? il se condamne à mort* Vénus, toute rose, assise dans mille calèches démolies contre la muraille* La menthe, le bluet, le tambour, la grenadine* Et le pain enchanté qui s'envole par dessus le toit. LA BELLE BLEUE L'ouverture du ciel faisait Ah! en feu d'artifice cœur parachute bleu bouche ouverte on lui voit le ciel étoilé jusqu'au fond de la gorge et s'il fait Ah! et Oh! tout Dieu tombe avec lenteur comme un rideau d'Opéra. EN VOILÀ UNE SURPRISE N'ayez pas peur, explorateur! L'explosion de salpêtre babil, c'étaient cent mille canaris dans la grotte en miroirs à devenir sourd. Le chasse mouches, petit balais, petit chasse bouche malais, qui rafraîchit tout le palais, comme une menthe mon palais. PLAGE D'OMBRE Quand le tonnerre cessa, il roucoulait. Dieu descendit, et dans le crêpe espagnol apparut la rose tuée. C'était le cœur du toréador, planté sur la corne du porte-manteau. LES AMANTS DE VENISE _Fête galante_ Un Londrès retrouve la bague Sous les arbres. Pianos d'ombre. Si se détache votre cendre Mon avenir se divulgue. Ô Musset! Ô Georges Sand! Ô Venise! vieille guitare Pleine de musique et d'eau, Un simple tremblement de terre Brouillera tes dominos. AURORE Par file à droite! Le feu du cabinet particulier était un buisson d'écrevisses. Chaque cavalier attribue secrètement à une dame le nom d'Ida. Le prince dé Monaco accroche des insignes de Touring-Club, des cravates blanches, des fausses moustaches. La rose, messieurs, dit-il, est le pétard du matin! C'est aussi la roulette à dormir debout sur la mer. Les touristes se relayent. Ils échangent leurs alpenstocks contre des vélocipèdes. Le coq chante. Et chacun rentre chez soi. AMOUR Le cœur, une éponge avalée, Effacera la craie du coq. La crête en ardoise salée, L'océan y casse des bocks. MISS AÉROGYNE, FEMME VOLANTE Pigeon vole! Aérogyne. Elle ment avec son corps Mieux que l'esprit n'imagine Les mensonges du décor. Aérogyne, pigeon vole! Rêve, allège le dormeur lourd; Eloa, dompteuse d'Eole, Dans un océan de velours. BAIGNEUSE Bon nègre, ce qui vous effarouche, C'est de croire madame nue en plein air; Or c'est son éventail en plumes d'autruches Que vous prenez pour l'écume de mer. L'océan n'est pas un troupeau d'autruches. Bien qu'il mange des cailloux, des algues; Ce serait facile de devenir riches En arrachant toutes les plumes des vagues. Ses initiales sont sur l'éventail; Il ne s'agit pas de sable par terre. Ne voyez-vous pas d'où s'élance sa taille? C'est le bal de l'ambassade d'Angleterre. MARINE Bouteilles vous cassez sur la mer vos tessons. Le mur, méchante mer en tessons de bouteilles. À la pipe réclame un nuage s'essaye. Et, du reste, la mer est le ciel des poissons. MORT D'UN CYGNE _Aux yeux ouverts la dentelle en marche_ Rameurs vous empoignez la morte, Debout dans ses plis orageux. Des oiseaux migrateurs l'escorte Où jamais aucun ne dit: Je. Tors-toi le cou, noble statue De sel, vite retourne-toi; Car la jeunesse qui nous tue Se sauve ensuite par le toit. Jeunesse ne montre sa tête, Mais à ce couteau dans mon sein, Ce couteau d'un tir de la fête, On devine un jeune assassin. Du ciel la perle est maladie. Oh! venez, plongeurs ou rameurs. À ma touchante mélodie, N'entendez-vous pas que je meurs? Un nœud embaumé se dénoue, Lâche ses pourpres et son miel, Car un ange qui fait la roue Est frappé par le feu du ciel. Nuage en croix êtes-vous Gilles, Écartant ses bras de satin, Ou Gilles de Retz, plus agile À rougir le ciel du matin? Les hauts nuages sont Europe Qui vogue, ils sont aussi cheval. Souvent le naïf télescope Y découvre un combat naval. Ouvre ton éventail de plumes Onde cruelle à qui je plus Déjà je fonds, je suis écume... Bientôt je ne chanterai plus. IDOLE Toutes ses vieilles cicatrices Terre font le charme de ta figure de guerrier CHEVEUX D'ANGES Aïe! Les anges s'accrochent les cheveux dans l'arbre de Noël. Leurs jupes flambent comme du papier de soie. Aussi ont-ils peur des bougies, des bûches. Quelquefois la fiancée de l'aviateur lui ôte un cheveu d'ange. Il existe même une figure de cotillon appelée: CHEVEUX D'ANGES. Les cavaliers s'asseyent; les dames crient à tour de rôle: Cheveux d'ange! Cheveux d'ange! Aussitôt les cavaliers se lèvent et s'envolent. Les anges sont soldats, boxeurs nègres, matelots, championnes de tennis. Après leur mort on les enterre sous l'Arc de Triomphe. TOUS LES QUINZE JOURS JE CHANGE DE SPECTACLE COUTUMES DU NORD Prisonnier de quelque banquise, Passe, debout, l'amiral mort. Cygne dont la voix est exquise, Meurs en scène comme un ténor. L'amiral, par la force acquise, Se promène en la mer du Nord Depuis cent ans, chamarré d'or. Ici, Carolines, Marquises, Sont vitrines de costumier. L'amiral tient sa longue-vue; Ainsi, Napoléon premier Passait ses grognards en revue. Mais ici grognards sont les ours, Buvant du lait, faisant l'amour. Sa veuve est morte sans nouvelles Et l'amiral se meurt d'ennui, N'ayant aucune lettre d'elle À lire au soleil de minuit. La nuit, quelquefois, les étoiles Ont faim. On allume du bois Sur la neige. Les chiens aboient. On fait aussi feux de bengale, Feux de la Saint-Jean, feux de joie, Pour sauver le traîneau à voiles. Le matin, les gens étonnés Ont des binocles, des faux nez, Ignorant tout du Carnaval, Des règles du combat naval Qui dure toute la journée. Des danseurs, chaussés de patins Et portant des manchons d'hermine Valsent sur la glace sans tain, Y écrivent le nom d'Hermine Qu'un joli paraphe termine. Simple programme de matin. Le soir, les loups du ciel s'allument, Le traîneau stoppe de nouveau Devant le passage-à-niveau. Ce sont là, du Nord, les coutumes. LE MIRLITON D'IRÈNE ROSIER Afin que leur fantaisie Ne soit pas que du carton, Rosier de la poésie, Grimpe autour des mirlitons. FRUIT Un lampion du dimanche, S'il est mûri par le vent, Peut mettre le feu aux branches; Il faut le cueillir avant. CHAT Le feu: jolis poissons rouges, Endormait le chat fermé. Si, par mégarde, je bouge, Le chat peut se transformer. Il ne faut jamais que cesse Le rouet des vieilles tours; Car se changer en princesse Est le moindre de ses tours. VÉSUVE Naples, ses tarentelles Montrent son joli pied; Mais la belle en dentelles Fume comme un troupier. TROUVILLE L'océan, comme émeraude. A certes quelques défauts; Mais la baigneuse nigaude Aime mieux les bijoux faux. PRISE SUR LE FAIT Jeu de cartes ou éventail? Elle triche. ACCORDÉON Accordéon, cheval de fiacre, Le dernier soupir arraché, Tu meurs, en riant de la nacre, Sur les genoux de ton cocher. MINUIT L'enfant dort. À Noël il fait semblant. (Jeune mère cela vous met à l'aise.) À côté veille, assis sur la chaise, Son ange gardien, ramoneur blanc. LES CHEVEUX GRIS, QUAND JEUNESSE LES PORTE... Les cheveux gris, quand jeunesse les porte, Font doux les yeux et le teint éclatant; Je trouve un plaisir de la même sorte À vous voir, beaux oliviers du printemps. La mer de sa fraîche et lente salive Imprégna le sol du rivage grec, Pour que votre fruit ambigu, l'olive, Contienne Vénus et Cybèle avec. Tout de votre adolescence chenue Me plaît, moi qui suis le soleil d'hiver, Et qui, comme vous, sur la rose nue, Penche un jeune front de cendres couvert. DOS D'ANGE Une fausse rue en rêve Et ce piston irréel Sont mensonges que soulève Un ange venu du ciel. Que ce soit songe ou pas songe, En le voyant par dessus On découvre le mensonge, Car les anges sont bossus. Du moins bossue est leur ombre Contre le mur de ma chambre. LES CHIENS ABOIENT DE PRÈS... Les chiens aboient de près et de loin le coq chante. C'est votre façon d'être, ô campagne méchante. Mais Avril change tout le lendemain matin, Fait aux arbres fruitiers mâtures de satin, Sur vigne et papillon frotte le même soufre, Augmente le soleil sans que la terre en souffre, Dans le vin de la rose enivre les bourdons, Et d'amour dénoué réunit les cordons. Ainsi chante un poète aimé des dieux farouches, Et qui, comme Janus, possède plusieurs bouches. LE PARISIEN Ton ingénuité met un genou en terre, Brebis de toison d'or, lainage d'Angleterre! Ile faite en ardoise, en pelouse et en fleurs, Depuis toujours la Manche efface votre craie. Pour endormir un coq de toutes les couleurs, Il suffit de tracer lentement une raie À la craie. Aussitôt, sans forces, laisse choir Le coq son bec orné de rouges testicules. Souvent coqs de combat craignent le ridicule, Mais un coq endormi reste sur son perchoir. Londres! que de maisons faciles à confondre. Londres mieux que la craie ou le pavot endort; Elle a ses chapeliers et ses poètes morts. Je n'étais pas heureux à Londres. Je ne me sentis à mon aise qu'au retour, En revoyant Paris fait comme un tour de cartes, Les boulevards, la Seine petite et la Tour Eiffel qui les jambes écarte. LE POÈTE DE TRENTE ANS Me voici maintenant au milieu de mon âge, Je me tiens à cheval sur ma belle maison; Des deux côtés je vois le même paysage, Mais il n'est pas vêtu de la même saison. Ici la terre rouge est de vigne encornée Comme un jeune chevreuil. Le linge suspendu, De rires, de signaux, accueille la journée. Là se montre l'hiver et l'honneur qui m'est dû. Je veux bien, tu me dis encore que tu m'aimes, Vénus. Si je n'avais pourtant parlé de toi, Si ma maison n'était faite avec mes poèmes, Je sentirais le vide et tomberais du toit. NOCTURNE Rose en hiver ailleurs partie Dites où vous avez été. L'Europe aux couleurs assorties Change la place des étés. La rose, dont souvent je parle, Orne avec l'ancre et le pompon, Vénus faite comme une perle Et pliant toujours ses jupons. Ce compromis de chair, d'écume, Forme les plus étranges nœuds Entre les poissons épineux Et, Vénus, vos ramiers de plume. Dans le bocage de mes os, Dans l'arbre bleu de mes artères, Mêlez-vous, fleurs, poissons, oiseaux, Si mal réunis sur la terre. LES YEUX DOUX Tristesse, engrais de mes bonheurs. Il nous termine, Ce grillage, partout sorti des encriers. Napoléon, apiculteur aux gants d'hermine Le jour du sacre, avec un bonnet de lauriers Et des pantoufles de nacre. Cygne mourant, si doux à entendre crier, Fais le sang noir en quoi sont écrites ces lignes. DIEU VOIT DERRIÈRE SA NUIT... Dieu voit derrière sa nuit de pommiers debout. Dépêchons-nous, faisons le gros dos et fuyons; C'est la neige du Sphinx, la tourmente de sable; C'est le mica d'asphalte et la grêle d'amour. Quelque chose de Dieu serait-il périssable Qu'il redoute la jungle où boivent les lions? La nuit d'Avril est votre prie-Dieu, Sainte-Vierge! On en ferait le tour sans recevoir de boue. Pour combien, pour combien, Vierge, de millions De diamants volés et de larmes de mères Dans ta corbeille ronde où tout tient à l'envers. Ces lions, ce sont les lionnes de la mer, S'aplatissant, sautant, léchant les espadrilles. Voyez-vous s'approcher un marin porte-cierge, Les femmes du village et quatre bataillons? Ils jouaient la trompette et dansaient le quadrille Et semaient leurs enfants mâles dans tes sillons. Aussi repousse-t-il des navires, des voiles, Et toujours au zénith de nouvelles étoiles. L'INCENDIE Joyeux épouvantail! Quel drame. Les cerises (Celles du haut surtout) en perdent la raison. Quoi, la pure Aglaé d'un pompier s'est éprise Et cet amour est su de toute la maison. Pour ses larmes, maison, pardonne lui sa faute; Car elles ont fait fuir le diable du quartier. Tout bas elle pleurait. Grâce à l'amour, sa haute Et puissante douleur délivre le fruitier. DE CHANTER AMOUR QUI NOUS MORD... De chanter amour qui nous mord Le cœur, je ne sens nulle envie, Il occupe toute ma vie. Non. J'aime mieux chanter la mort. Comme eut grande soif de lui-même, Narcisse, penché sur une eau Où se voyait de bas en haut, Donnant, recevant le baptême, Je pense à cet amour complet Que sera ma mort, à cet ange Qui, d'un coup d'avirons, mélange L'original et le reflet. Afin que le tour réussisse Il ne faut pas trace de sang, Et Narcisse disparaissant Ôte le reflet de Narcisse. Car si l'ange manque le tour, Hélas! ce qui souvent arrive, Narcisse n'est plus sur la rive, Son reflet reste et meurt d'amour. Certain silence nous dénonce Plus que des cris. Niaise Echo Que cherchez-vous le long de l'eau Courante, nymphe au cœur de bronze? Ce parfum de petite fleur Blanche, vous fait rougir de honte; Si vous croyez ce qu'on raconte Vous jouez deux fois de malheur. Vous ne savez pas vous y prendre, Echo! Patientez un peu: L'eau fraîche n'éteint pas le feu Dont Narcisse est la salamandre. Vous mentez selon le décor, Soit dit sans vous faire un reproche; Ne cassez pas contre une roche Votre voix. Elle vaut de l'or. Répétez tout! c'est de votre âge. Narcisse, invisible à nos yeux, Désirait se connaître mieux: Il habite enfin son image. À FORCE DE PLAISIRS... À force de plaisirs notre bonheur s'abîme. Que faites-vous de mal, abeilles de ma vie? Votre ruche déserte étant maison de crime, Je n'ai plus, d'être heureux, ni l'espoir, ni l'envie. Sous un tigre royal, la rose aux chairs crispées, Meurt de peur; il est vrai que ce tigre a des ailes. Mais l'ange gardien qui casse nos poupées, A des ailes aussi comme une demoiselle. Les anges, quelquefois, tachés d'encre et de neige, Car ils font leur journal à la polycopie, Leurs ailes sur le dos, s'échappent du collège, Volant un peu partout, plus voleurs que des pies. La neige est vite marbre aux mains prédestinées; Du marbre au sel Vénus connaît la route blanche, Et du sel à la chair enfin la voilà née Sur la plage où chacun se baigne le Dimanche. Mais, sachant les détours de la chair aux statues, Vénus s'endort debout et se réveille au Louvre. Elle ne risque rien. Chaque fois qu'elle tue, C'est seulement mille ans après qu'on la découvre. Endormez-vous au bruit de la machine à coudre Enfance, cœur cruel amoureux des supplices. Voici la guêpe morte et l'odeur de la poudre Et les soleils cloués pour vos feux d'artifice. Christ, larrons, cloués haut en face du village. La veille, les soldats jouaient de la musique; On attendait le soir, on redoutait l'orage, Et leur mort écrivait: VIVE LA RÉPUBLIQUE. D'un seul soupir d'amour vit et meurt la fusée. Elle ouvre ses yeux bleus: ainsi chante le cygne. Mais voyant de sa mort une foule amusée Les referme, rend l'âme et tombe dans les vignes. Souvenirs de campagne, ah! laissez-moi tranquille; De la rose du soir ne soyez pas le chancre. J'ai le vertige en haut des maisons de ma ville, Mon ombre se répand de moi comme de l'encre. Voici le miel que font mes abeilles, c'est l'ombre Qui me vide. Je suis plus léger que le liège Plus léger que l'écume, et cependant je sombre, Entraîné par Vénus et par l'homme de neige. TOMBEAUX DE SAPHO Voici, toute en cendres, Sapho, Dont ce fut le moindre défaut D'aimer, Vénus, les coquillages Que vous entr'ouvrez sur les plages. Le feu qu'elle éteint dans la mer N'était pas la flamme des cierges; Comme fleurs rougissent les vierges, Sapho rougit comme le fer. Ce feu dont ne reste que poudre, Tua jadis une cité. Mais soyons justes, car la foudre Y tomba d'un autre côté. Non. Sapho vous apprit à lire, Vierges, dans son propre roman; Elle repose maintenant Entre les jambes de sa lyre. Sur ce beau corps mélodieux Elle repose chez les dieux: Sapho, déesse médiane Entre Cupidon et Diane. DE SOCRATE Ce qui distingue cette tombe Des autres, soit dit en passant, C'est que n'y viennent les colombes, Mais, parfois, deux agneaux paissant. Visiteuse, que ne vous vexe Ce sage victime des sots: C'est la grâce de votre sexe Qu'il aimait chez les jouvenceaux. DE NARCISSE Celui qui dans cette eau séjourne Démasqué, vécut s'intriguant. La mort, pour rire, le retourne À l'envers, comme un doigt de gant. D'UN FLEUVE Aglaé, sœur d'Ophélie, Prise sans en avoir l'air Par son mal, par sa folie, Va se jeter dans la mer. DE DON JUAN En Espagne, on orne la rue Avec des loges d'opéra. Quelle est cette belle inconnue? C'est la mort. Don Juan l'aura. DU CHIEN D'ALCIBIADE Plus d'un, qui dans la sombre barque, Traversa le fleuve de mort, Aurait voulu qu'on le remarque Pour le contraire de ton sort. Maintenant, à la mort fidèle, Dédaigne ton maître inhumain: Couche-toi, sans queue, auprès d'elle, Médor, et lèche-lui la main. LES MESAVENTURES D'UN ROSIER Rougis des Hespérides! Et des formes que prend Le diable au Paradis. Verges que Noël pose Dans les sabots, quel feu! Quelle eau! Un radis, c'est la rose En bouton, à l'envers Dans le tombeau. Pour tenir chaud l'hiver Penche l'arbre des pommes Sur ce rosier. La rose sans épines, Dépêchez-vous, garçons; Elle se ride. Prenez garde à la berge. Dans le fleuve de verre Bouge l'ondine, Qui mollit les bâtons Et les montre cassés Si on l'agace. Et si change de place Le rosier en boutons, La source rit. Sur sa mousse un pleur d'or Toucherait-il ce chêne Au cœur chenu? Pas même, source blanche, Larmes du marbre nu Qui sortent. Et la rose, la rose Qui veut imiter l'arbre, C'est un peu fort! Une moindre secousse Dénonce le pari Champêtre. Ne laisse pas la voile Encor, bateau timide, Cacher ton mât. Car chaque fois qu'il penche, Ondine ta maîtresse Baise tes hanches. Rose prends donc courage: La houle et la houlette Sont sœurs. Si ce chêne refuse L'offre de ton odeur Célèbre, Rappelle-toi son âge; Vraiment sa vieille moelle L'excuse. Dépâme, rose rouge, Vois pour cacher ta honte D'autres boutons. Rentre dans la vallée Neige en feu, c'est la fonte Des Alpes. Rose que l'aube mouille, Entre ses seins te place La bergère. Si tu mouilles sa robe Ton audace exagère; Que dira-t-on? Rose rouge du crime, On doit trouver la trace De l'assassin. À moins que quelque louve Vienne lécher le doigt De la victime. Sur ce buisson ardent Arrête-lui la main Bel ange. Car une autre bergère, Qui fut soldat, périt Sur un bûcher. Pour l'endormir, échange Ton sang, contre le lait De Proserpine. Il suffit de toucher Le pavot qui allaite, Avec vos dents, Pour que l'ange s'envole Et laisse une cuisson Légère. Chacune des épines Du rosier rouge blessent L'amour. Mieux valait le bocage Où Narcisse se joue Seul du pipeau. Et cet autre vertige D'un chat noir pelotant La braise. Braises du rosier rouge, Ôtez sur votre peau Un peu de boue. Vous avez bien le temps D'être l'oiseau qui baise Sa cage Il faudra redescendre, Roses du ciel de lit Louis Seize; On ne peut pas toujours Vivre à cette hauteur D'âme. Parfois la bière blonde Succède au lait. La rage Mollit. Seul, le grand Alexandre, Ne versant d'autres larmes, Les parfumait. Debout, rosier de mai, Ce demi-dieu te change En violette. Et Cybèle qui pâme, Change en roses le sang Des armes. Rose à la fraîche croupe Fais vite ta toilette Du soir. Épanouis ta gorge, Tes genoux, tes épaules Puissants; Lave ce vieil orage, Va sur l'enfant de troupe T'asseoir. Ce jardin de nounous Te convient à merveille, Un dimanche. Tu peux, malgré ton âge, Tenir encor un rôle De sucre d'orge. L'ondine, dans sa chambre De verre, n'en peut plus De rire. Car la rose naïve Cherche un nouvel endroit Pour sommeiller. Elle roule sa lèvre Et ses nombreuses joues Froides. Elle penche vers l'eau Sur le talus, sa moue, Sa fièvre. Allons! tenez-vous droit Beau rosier. Faites roides Vos membres. L'ondine nous observe, Et s'amuse beaucoup À vos dépens. Jadis, sur l'eau profonde, Vers Léda vint le cygne Humain. La belle, avec sa main, Flatte le bec, énerve Le cou. Or, la fille de l'onde Songe au feuillage où pend La vigne; Et regarde à travers Le verre du plafond La rose éteinte. Rose qu'avez-vous fait Trop tôt pour que vous tue L'hiver? Est-ce là tout l'effet Jeunesse, que vous font Les statues? Et l'ondine, et la feinte Fontaine sur le socle De Pan. Rose, rentre en toi-même, Et pleure comme Achille Patrocle. C'est parfois difficile D'être seul, quand on s'aime À deux. L'ondine de la roche N'a jamais de hideux Anges son compte. Elle prend sa voix d'orgue Au fond du transparent Repaire. Vois son œil bleu, sa paire De seins que l'eau convexe Rapproche. Tremblez, pauvres parents, Car la belle fournit La morgue. Va, rosier de la honte, L'ondine a défini Ton sexe. ALERTE Rose de Jéricho, les clairons militaires Mettent partout les murs, les pétales par terre; Les hôtels, les villas, les kiosques à musique, La carte en relief, ses cascades, ses chaînes De montagnes, ses pics qui changent nuit et jour. Humide est le corail, porte-chance d'amour! Il te faut rebâtir, rose de vitre et d'arbres, Parfois bock sur le quai, parfois cime d'un chêne, Pommier d'Avril souvent, mais plus lourd que le marbre. On y pose dessus: quêteuses, jeux nautiques, Le char de la déesse et le combat naval. Mais la rose s'écroule. Écoutez ce tapage Nocturne. Car Vénus a découvert le vol De ses perles, et réveille tous les étages. LA PEUR DONNANT DES AILES AU COURAGE (_Allégorie_) Mon mal hésite. Un mal s'enfonce. Il entre mal. Sainte Vierge, ton cœur est trop grand pour le Louvre, Trop hérissé de fleurs, de flammes, de couteaux. Gagne le vase bleu de ciel, pour qu'aussitôt L'assassin disparu, son couteau le découvre. Une chambre d'hôtel, un ancien journal; L'odeur des pots rangés intimide la serre. L'aube était dans ce vieux journal plié en deux, Froide et difficile à reconnaître. _Madame_ _La reconnaissez-vous?_ Ciel! c'est la Sainte Vierge, La Sainte Vierge faite en fleurs, flammes et lames: Lames de fer, de mer, larmes d'yeux et de cierges, Et les morceaux cassés de notre vase bleu. Oui, je la reconnais monsieur le commissaire. Comment donc firent-ils pour naître d'une trappe Jésus, Vénus? Noël est ramoneur de neige; Neige aussi Jeanne d'Arc devant la cheminée. Mais vous, on construisait dessus, pour votre mois, Terrasses de mouchoirs, de muguet, de bobèches. Mon mal semble suspect? mettez la main sur moi: Le vin rouge du crime est resté sur la nappe. ANGÉLUS Coq masqué de viande crue, Tu es un bourreau, qui l'eût cru? Voici le ciel, les champs qui saignent, Et les femmes qui se signent. PANOPLIE La figure du tigre est un feu de braise Qu'on agace avec un tisonnier. Beau dompteur, dans votre cage à l'aise, C'est nous qui sommes vos prisonniers. MIRACLES Dans votre ville d'eaux, est-il vrai Sainte Vierge, Que vous apparaissez aux borgnes, aux boiteux? Des matelots bretons vous virent dans les vergues, Ce n'est pas moi qui le raconte, ce sont eux. Vous aviez, dirent-ils, costume d'hirondelle Sur fond myosotis, sur papier de dentelle: Au cri du goëland ressemblait votre cri Quand vous disparaissiez, laissant leur nom écrit. GABRIEL AU VILLAGE _Mademoiselle Marie_ _Vous êtes grosse, dit l'ange_, _Vous aurez un fils sans mari_; _Pardonnez si je vous dérange._ Cette façon d'annoncer Les choses par la fenêtre, Étonne un peu la fiancée Qui son amour voudrait connaître. L'ange s'en va, comme fonte Des neiges, vers l'inhumain. La petite a un peu honte Et se cache dans ses mains. CANNE DE JONC Oreilles, rougissez: je parle Aux singes de ma volière. Selon la plume que j'y trempe La nuit montre le soleil d'Arles, Ou bien elle allume la rampe Sur un marquis de Molière, Rosier aux pattes de pigeon. Un pigeon vole, un rosier rampe Ou grimpe, et grimpe le lierre Et les clownesses de Molier. Ce poème, particulier Par la fraîcheur du badigeon. S'intitule: CANNE DE JONC. LES OISEAUX SONT EN NEIGE Les oiseaux sont en neige et ils changent de sexe. Une robe de chambre a trompé nos parents Et le frivole amour dont Elise se vexe. Rébus des papillons, vous m'êtes transparents! Je te connais, beau masque, et saute sur ta croupe D'épouvantail naïf qu'une flûte charmait. On voit dans les romans lus par l'enfant de troupe Les cerisiers en fleurs, drapeaux du mois de mai. Lit, folle bergerie, écume Louis Seize, Notre épitaphe est faite en graines de pavot; Son souvenir, images debout sur la braise, D'un tendre madrigal compose un deuil nouveau. Comme le traîneau russe illumine les louves, À l'envers, à l'endroit, Narcisse, ton hymen Inhumain, est-ce un crime après tout? se retrouve, Trésor de l'onde avare où se lave ta main. EMBOUCHURE DES PENSÉES DIVINES Salamine avez-vous un coq dans votre écu? Et Jeanne d'Arc, dont l'âme est une salamandre. Voici ma montre en or. Elle n'est pas à vendre. Âme de nos soldats, secouez votre cendre. L'encre de chine prend l'empreinte du vaincu. Le tambour du jazz-band est mon violon d'Ingres. Capitaine, une noce aurait froid en décembre, Malgré l'oiseau qui porte un poème en son bec. Tendre myosotis, œil de la cage aux tigres, Tigres dont le théâtre est une cheminée, Brasillez, ronronnez, ne jouez pas avec La cycliste rêvant, un cœur entre les jambes. Un tigre, capitaine, aurait-il peur de vous, De vous, tigre royal! héros de la journée? Soufflez-lui dans les yeux du Scaferlati doux. ROSIER SAUVAGE L'églantine est un piège, Un cruel ornement Des guerres enfantines. Sade, marquis charmant, Voleur des églantines, Rougit sa main d'amant. Il signe sur la neige, Et sur la glace ment Avec un diamant. CONTREBANDE Encor Vénus reine des reines, Bel œuf de Pâques entr'ouvert. Le coq laisse tomber ses graines D'un bec fraîchement peint en vert. C'est fait! Avant qu'il ne retombe, Un couteau planté dans le sein, Ce coq, espèce de colombe, Dit le nom de son assassin. Coq de l'île d'amour. Pédale, Cycliste rose! Un blond tabac Humide cache le scandale: Charmant numéro d'Alhambra. Une mandoline, c'est celle Qui sur la Marne naviguait; Maintenant la voici ta selle Que mouille un bouquet de muguet. LA CABANE ABANDONNÉE L'écriture des églantines Est un vrai fantôme grivois; Hirondelles sont tes bottines Annonçant l'orage. Les voix (Rires et rondes enfantines) Doivent sortir d'un appareil À celui de Jeanne pareil. Souvent l'indiscret photographe Sous un jupon voit le soleil. Cœur tu savais mal l'orthographe, Mais l'ancre dénonce un marin, Et sa vague sur ce terrain Vague, te baptisa. Parrain, Recopiez-nous l'épitaphe. PRIMEURS CRUELLES Une flèche, parfois, guérit un cœur malade. Hallucinations, ouvrez-moi cet oursin D'aurore. Je veux être aussi le médecin Qui, voleur de joyaux, éventre une grenade. La Sainte-Vierge avait envoyé ce dessin D'un bleu miraculeux à chaque camarade. Ils n'en soufflèrent mot avant d'entrer en rade; C'était un petit peu à gauche sous le sein. Pourquoi mentir, sommeil? S'il vous faut des otages, Voici la caisse à fleurs, monticule d'étages Parfumés, et la corde et l'œuf des scorpions. Car si le douanier agrandit votre fente Grenades, simulant robes et lampions, Il met la main sur tous les rubis de l'infante. COSTUME DE SPORT Le vent de la mer renversa Sur la baigneuse une cabine. C'est du tir à la carabine, Zèbre joli comme un forçat. Le tout s'il raye son plumage (Et le mieux serait le plus tôt) Pour un arrangement d'images À la façon de Jean Cocteau. CHANGEMENTS À VUE Clef de sol, êtes-vous la clef des champs? Je raye Ta vitrine, fleuriste, éprise de wagons. La mer, la mer murmure au fond de notre oreille; S'il faut partir, je pars, tu pars, nous naviguons. Ces livres sont trop gros pour la belle qui charme Les serpents enroulés aux arbres interdits. Méfions-nous: souvent le serpent est une arme, Sa tête un revolver dans la main des bandits. L'hercule du tréteau, qui mange de la neige, Vous a vaincu, monsieur l'athlète déloyal! Rendez cinquante francs, on vous tendait un piège; On ne s'attaque pas au vieux tigre royal. La princesse imprudente a meublé sa piscine Avec des anges nus, habitants de Chaillot. Dame, si vous voulez que l'on vous assassine, C'est simple, montrez-leur votre grâce en maillot. Dans ce chiffre superbe, écrit en majuscules, On voit singes grimpeurs, œuvre de l'amiral, Qui dessinait parfois, ou bien, au crépuscule, En bouteille mettait lui-même son journal. CALENDRIER MÉCANIQUE D'ici, de là, d'ailleurs joufflue, Vénus fait le tour de l'îlot. Et les pneus, elle les regonfle, Rien qu'en caressant son vélo. Ce vélo nargue nos régates, Nos bras nus, nos nœuds papillons; Mon enfance est loin, nougatine Qui me colle encore aux papilles. Car, protectrice des artistes, La reine quitte son château, Vient à bicyclette et baptise De champagne notre bateau. LES ANGES MALADROITS... Les anges maladroits vous imitent, pigeons. Vous saluez Marie. Eux, devant les guérites, Gardent la France. Hélas! nous les décourageons. Toute la nuit, le ciel cueille des marguerites: La dernière cueillie on ouvre les volets. Voici venir l'automne et la chute des anges; Les anges répandus comme le pot au lait. Arbre en or l'Opéra donne beaucoup d'oranges; C'est surtout vers le haut que le public les mange. Car, vers le bas, manger des oranges déplaît. Ce poème en dix vers est-il beau, est-il laid? Il n'est ni laid ni beau, il a d'autres mérites. ARCHE Vent, démolis nos casernes. Sur ma fenêtre, le coq Veut la tête d'Holopherne Aveugle et le cou en loques. Clairon, réveille Palerme, Ville aimant dormir en pente. Mille étoiles sous le poing Du nègre nu, mille bombes, Dans l'île feront l'appoint. Crête rouge de Colomb Annonce la mer repeinte Chez la reine des colombes. MOUCHES, DISTRACTIONS Plutôt que voir tout nu ce nègre à l'île d'Ambre Virginie en mourant fait mine de dormir. Miracle! mon fauteuil s'envole de la chambre, Sur un air d'opéra, sur un tapis d'Emir. Quel beau feu d'artifice, un ange! Dans l'étable, Après, il se repose et ferme ses ciseaux. Le même ange indiscret, scandale épouvantable, Découvrit Saint-François, marchant sur les oiseaux. L'hiver est caramel, boîte au lait, pot à colle, Plâtre grec dont l'oeil cabre un antique cheval. Aux classes de dessin, le dernier à l'école, Pour cacher son amour n'eut jamais de rival. SONNET Aujourd'hui le soleil, redoutable artifice, Pousse vers la vitrine un nouveau bûcheron; Le diamant d'amour y fait sa cicatrice Lisible sur le ciel blessé par le clairon. Feu! pour mes longs hivers la flamme est écrevisse Joyeuse, ou bien Diane en chasse à l'escadron. Absinthe verte ou vert billard, un même vice, Fait de votre journal l'unique liseron. Hôtel peu cher devant la Méditerranée, De tous les matelots morgue où Vénus est née, Char fleuri sous l'orage, et rage de Didon Qui meurt debout sur un lustre de tragédie, Forçat, zèbre craintif caché sous l'édredon, Votre troupe en chemise excite l'incendie. GRECO Puis-je, grenouille morte, en l'eau vous trouver laide, Semblable aux jeunes gens du peintre de Tolède, Ainsi leur jambe flotte et leurs doigts écartés. Les nuages de linge et d'électricité, Bâtissent les maisons, les rocs de leur cité. Ils attirent la foudre, ils appellent à l'aide. Morte vue à l'envers et de tous les côtés. L'ENDROIT ET L'ENVERS Je vois la mort en bas, du haut de ce bel âge Où je me trouve, hélas! au milieu du voyage; La jeunesse me quitte et j'ai son coup reçu. Elle emporte en riant ma couronne de roses. Mort, à l'envers de nous vivante, tu composes La trame de notre tissu. Nous ne pouvons te voir et te sentons mêlée Aux plaisirs, à l'amour dont la chaleur ailée Fait les cœurs les plus durs, comme neige dissous; Bien que tes habitants reposassent dans l'herbe, Nous marchions sans souci sur l'étoffe superbe, Et, soudain, nous sommes dessous. Nous sommes tellement proche la douce vie Qu'à peine par la mort elle nous est ravie, Elle ouvre le passage et nous lâche la main. Quelquefois nous cherchons à vaincre le mystère, Par le même chemin revenir sur la terre; Il n'existe plus de chemin. Vivants nous avons beau, toute notre existence, De la terre au soleil mesurer la distance Et pour ne point mourir faire nombre d'apprêts; Nous lisons un côté de la page du livre; L'autre nous est caché. Nous ne pouvons plus suivre, Savoir ce qui se passe après. Je vois la mer trop courte et qui toujours enlève À la grève un baiser pour baiser l'autre grève: La menteuse fort bien arrange ses instants. Bientôt l'imitera ma maîtresse fidèle, Cherchant ailleurs Avril, ainsi que l'hirondelle. Hélas! je vais avoir trente ans. Trente ans! Vous moquez-vous? C'est la grâce des marbres, Le soleil de midi qui tombe sur les arbres, Votre pas de trente ans est votre premier pas. Jusqu'alors vous étiez une folle semaille; Vous allez... Taisez-vous. Regardez-moi. Je baille. Je ne vous écouterai pas. Je ne veux mensonger avec ce qui me joue, La rose de mon cœur ses pétales dénoue, Et, même si je dois vivre longtemps encor, Qu'importent le soleil et les marbres de Grèce; Jusqu'ici j'apprenais la vie; elle me blesse. Il me faut apprendre la mort. Car votre auberge, ô mort, ne porte aucune enseigne. J'y voudrais voir, de loin, un beau cygne qui saigne Et chante, cependant que lui tordez le cou. Ainsi je connaîtrais ce dont je ne me doute: L'endroit où le sommeil interrompra ma route. Et s'il me faut marcher beaucoup. Certes, vous vous couchez comme un ange de neige, Plus que le bronze lourd, plus léger que le liège, Sur l'amant dont le spasme enfin vous réjouit; Sous votre feu glacé la chair se fait statue, Mais, à la longue, il faut, mort, que je m'habitue À vous recevoir dans mon lit. Votre désir ne sait ni l'âge ni le sexe, Nul d'entre les plus beaux que votre dédain vexe, Malgré tout, votre amour attire les amants. Votre baiser, parfois, d'une honte les venge, Ou bien vous vous couchez entre les deux, bel ange, Pour d'obscurs assouvissements. Mieux que Vénus, ô mort, vous habitez nos couches, Vous arrêtez nos cœurs, vous tourmentez nos bouches, Vous nous fermez les yeux et vous nous rendez sourd. Vous donnez à Vénus un visage ordinaire, Car, jusqu'à maintenant où je crains de vous plaire, J'avais peur ainsi de l'amour. Rivale de Vénus, qu'on me roule et me couse À jamais dans les draps où votre ange m'épouse; Qu'il ne me quitte plus, je suis un fils de roi. Et, qu'à l'envers couché, sentant son aile contre. Il me parle de vous, mais jamais ne me montre Tout ce que je laisse à l'endroit. M'ENTENDEZ-VOUS AINSI? France gentille et verdoyante, Qui fait les femmes et le vin Comme on en chercherait en vain Sur toute Europe environnante, Si je te chante à ma façon, Chacun se détourne et me moque, Mais un jour arrive l'époque Où l'oreille entend la chanson. Tel qui jadis me voulut mordre, Voyant ma figure à l'envers, Comprendra soudain que mes vers Furent les serviteurs de l'ordre. Il sera vite mon ami, Disant: Commit-il autres crimes Que de distribuer ses rimes Tant au bout des vers que parmi. Courage! Ronsard te l'enseigne; Car, s'il est aujourd'hui vainqueur, La rose lui perça le cœur Comme oiseau dont la gorge saigne. L'homme ne ressent pas l'effet D'un rossignol au chant diurne. Et mieux le convainc, dans une urne, Notre cœur en cendres défait. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK VOCABULAIRE, POÈMES *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. 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START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your possession. 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The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate. Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.