The Project Gutenberg eBook of Le moyen de parvenir, tome 3/3 This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Le moyen de parvenir, tome 3/3 Author: Béroalde de Verville Release date: September 9, 2018 [eBook #57880] Language: French Credits: Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.) LE MOYEN DE PARVENIR. _NOUVELLE ÉDITION._ Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres. _Caritas inter jocosve regnat Moria._ TOME TROISIEME, A LONDRES. M. DCC. LXXXI. [On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome troisième, extrait du tome premier de l'original.] _SOMMAIRE_ DES CHAPITRES. _TOME TROISIEME._ I. Sortie contre l'hipocrisie des prédicateurs. Conte de la femme du meûnier complaisant. _Le meûnier complaisant_, p. 2, cont. p. 10, fin. p. 10. II. Il n'est repris qu'après le conte de la naïveté d'une fille violée; & de celle du galant qui n'entendoit pas la différence de questionner à ordonner. Explication du mot _sot_; subtilité d'une femme, dont, je crois, elle fut dupe. _La file violée_, p. 8. _L'amant trop complaisant_, p. 9. _La femme chere à vivre_, p. 10. III. Histoire du vin répandu, & le trou par où il s'est écoulé. _Conte du ministre et de la servante_, p. 13. IV. Conte de l'âne bâté. Plaisante façon de déguiser un nom sotisier. _Conte de l'âne bâté_, p. 15. _Conte du nom du paysan_, p. 17. V. Satire contre les Espagnols. Pourquoi Guillaume & Gautier sont deux mauvais noms. Lequel vaut mieux de se voir présenter à son arrivée dans une maison, du vin ou de l'eau. Conte de la famille bien élevée. Naïvetés d'un président. Celle d'un paysan, qui va remercier son rapporteur, a plus l'air d'un sarcasme que d'une balourdise. Plaisantes délicatesses d'un curé. La fille Lyonnoise guérie singuliérement. _La famille bien élevée_, p. 23. _Le paysan et le rapporteur_, p. 25. VI. Chien couchant de léchefrite, c'est un moine en cuisine. Ici la conversation se brouille. Cicéron y dit une suite de bourdes des plus impertinentes. Bonne raison de l'orgueil des barbiers. Parallele de la femme & de la fortune. Conte du barbier amoureux; il s'interrompt par l'explication du sort des hommes mariés, sur les quatre doigts de la main. _Conte du barbier_, p. 32. VII. Vengeance d'un médecin sur son barbier indiscret. Garçon barbier qui entend mal. Pari d'un paysan gagné sans replique. Réparties singulieres. _Le barbier ladre & le médecin_, p. 35. _L'homme saigné par quiproquo_, p. 39. _Pari d'un paysan_, p. 40. VIII. Stupidités sont aussi bien gibier de gens d'église que de séculiers; il y en a dans ce chapitre plus d'une preuve. Conte de Pâques & du jambon, Naiveté d'une fille de chambre qui pouvoit être vérité. Histoire de l'abbé de Grammont & de l'amiral. L'ambassade grotesque. Paysan attrapé y regarde de près, comme chat échaudé craint même l'eau froide. _Conte de Pâques & du jambon_, p. 44. _L'abbé de Grammont & madame l'amiralle_, p. 47. _L'ambassade grotesque_, p. 48, cont. p. 50. IX. Augurelle fait des voeux, & est la preuve que tôt ou tard les prieres sont exaucées. Exclamations dolentes sur les malheurs passés, présens & futurs qui environnent l'église. Nouvelles sotises de prédicateurs. X. Conte d'un curé curieux. Conversation d'un savant & d'un crocheteur; explication des mots _premiere messe & premieres nôces_. Ici les convives s'embrouillent terriblement fort, & c'est un défi général à qui déraisonnera. Excès d'amour pour une fille prouvé. Pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul. Rien n'est si aisé que de connoître un Turc d'un François. _Le curé curieux_, p. 55. _Conte de l'amant en preuve de son amour_, p. 60. XI. Différence d'une femme & d'un prêtre. Conte du cheval chrétien. Plaisante explication de la mere des histoires. Maniere d'essayer une épée fort dangereuse pour ceux qui se rencontrent sur la ligne de circonférence qu'elle décrit, quand un fou fait le point central. Combien de fois il arrive qu'on lâche ce qu'on veut garder, & qu'on presse ce qu'on veut lâcher. Mots mal rendus & faisant des sens très-singuliers. Le curé qui brûle son crucifix pour cuire son oie, qui fut, sans doute par vengeance, mangée par les saints de l'église. Maniere de se débarasser de parasites trop acharnés. _Conte du cheval chrétien_, p. 64. _La fille & l'oeuf_, p. 66. _Conte du crucifix du curé_, p. 67. XII. Soldat pris en maraude. Savoir des prieres c'est le métier des prêtres, & non celui des charons. Un plaideur normand paie ses avocats & rapporteurs d'une singuliere monnoie. On les attrape une fois, mais ils s'en vengent mille. Le paysan tout consolé de sa mort. Le ramonneur pris pour un diable. Un moine menant un diable en lesse, & réflexion juste que ce tableau doit donner à l'imagination. Un moribond dans le transport au cerveau. _Soldat pris en maraude_, p. 73. _Le ramonneur pris pour le diable_, p. 77. XIII. Les quatre mendians, quels ils sont, & leur parallele avec quatre nations de l'Europe. Histoire du serrurier de Bourgueil. Une connoisseuse & bonne ménagere détaille les grandes nécessités du ménage. Les trois filles mariées le même jour, qui conversent avec leur mere, le lendemain des nôces. Chose qu'on peut comparer à une narine. Conte de la fourchette de St. Carpion. _Le serrurier de Bourgueil_, p. 82. _La fourchette de S. Carpion_, p. 86. XIV. Façon de guérir, capable de ruiner les médecins. Devinez ce qui peut empêcher de manger, sans ôter l'appétit. Tableau de la vie des femmes des gens de justice. Celle qui offroit à son mari de louer ce qu'il en trouvoit de trop, avoit bien raison. Les allusions recommencent encore. Conversation de Frostibus & de Luther. XV. Savante dissertation du poëte Lucrèce sur les gueules. Avis d'une abbesse sur ce qui est dur & dure. Attention qu'ont les convives, pour rendre ce livre plus intéressant, & plus méritant l'immortalité. On recommence le combat des machoires. Origine du proverbe, _le faire pour épargner le pain_. Histoire de Michelle & de ses amans. Curé trahi & privé de tout droit, tandis que tant de femmes sont si bonnes & si reconnoissantes. _Histoire de Michelle & de ses amans_, p. 105. XVI. Histoire du mitron & de la femme du conseiller. Toute bonne cuisiniere trouve toujours sur qui faire passer ce qui manque à la maison. Métier de huguenot à vendre. XVII. Grande dissertation sur le cocuage. Sapho s'égaye en poésie dans son genre. XVIII. Scrupule d'un curé. Tous causent, & aucun ne s'entend. Quels sont les quatre élémens d'essais pour les médecins. Pierre à Lyon semblable au tombeau de Sémiramis ouvert par Darius. Les aumôniers ne sont pas obligés de savoir le latin d'inscriptions; il leur suffit de débiter le latin de leur bréviaire. Histoire de l'abbé de Turpenai. _Histoire de l'abbé de Turpenai_, p. 125. XIX. Sapho cause & ne rougit pas. Conte de la tante de maître Philippes. Bravoure d'un Breton après une bataille. Conte du pot de fer en tête. Ce qui est _malfait_ sans crime, & _bienfait_ sans mérite. Réception d'un maître boucher. Inutilité de la science, pour être élu. Pour être ministre, c'est à peu-près de même. XX. Vengeance de Bersault sur un curé. Les deux moines dans sa maison. Ridiculité des moines de parler toujours par _nous_. _Confession du Chien_, p. 135. XXI. Il est rare de trouver un moment où une femme obéisse. Grande dissertation sur l'excellence de ce livre. Conte du paysan de la Rochelle qu'on menoit pendre. Propos d'un homme à pendre & d'un bourreau. L'éloge du livre continue. Réponse d'un chirurgien à un moine, qui le voyoit embrasser la statue de Charles VIII. Les prédicateurs sont faits pour tout savoir. Origine du proverbe, _avoir le boudin par le nez_. Trois choses ne veulent être pressées. Dans le pays de madame, il y a d'honnêtes maisons où les gens s'ébaudissent avec les dames. Pourquoi on appelle une femme _vesse_. Pourquoi les femmes ne prient pas les hommes. Conte du cordonnier & de la chambriere. Ce que c'est que le sotier de Genêve. _Conte du cordonnier & de la chambriere_, p. 153. XXII. Conte des génitoires noires. Délicatesse dans la maniere de faire des confitures. Qui est le meilleur, ou l'ame d'un solliciteur, ou l'épaule d'un procureur. Faute dans Virgile, d'avoir dit _audaces_. Obstination d'une femme. Invention du célibat. _Conte des génitoires noires_, p. 156. XXIII. Preuve du libertinage des femmes, quand elles parlent aux prêtres. Cas de conscience d'une femme qui refusoit sa bouche, parce que cette bouche avoit juré fidélité à son mari. Observation à faire, quand on passe devant la porte d'une putain. XXIV. Histoire du pendu de Douai. Suite de propos sans suite, & de mots plaisans. La bonne fortune de Colette. Bon mot d'un maréchal. _Le Pendu de Douai_, p. 166. _La bonne fortune de Colette_, p. 170. XXV. Homme difficile à guérir. Conte du lendemain des nôces. XXVI. Pourquoi les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_. XXVII. Prudence d'un homme sur le compte de sa femme. Une prise sur le fait de boire à la cave, quand elle s'en défendoit à table. On cherche la raison pourquoi il y a tant d'ivrognes & de putains. Effets singuliers qu'avoit fait un sermon sur une servante. XXVIII. Femme dupée par Jean Tenon. Maniere de faire des cendres à peu de frais. Les quatre Saints Jean du calendrier. Un chaudronnier pris pour le diable. _Conte de Jean Tenon_, p. 181. _Le chaudronnier pris pour le diable_, p. 184. XXIX. Les noms sont communs. L'auteur s'étend sur la sottise de ceux qui croient toujours se reconnoître dans tout ce qu'ils lisent. Les qualités d'un étron. Ce que c'est qu'un pauvre musicien. Pirrhus prouve clairement que Rabelais a été évêque. XXX. Satyre contre les nobles & les gentilshommes. Façon de s'exempter des droits du roi. Plaisanterie sur une femme qui rend le pain béni. Question lequel des deux boeufs est le plus gras. Plaisantes réparties. Procès par gestes, entre un homme & sa femme. Thése théologique soutenue par un savant & un menuisier. _Femme qui rend le pain béni_, p. 195. XXXI. Conte de la femme qui a des remords. Médecin diseur de bons mots. Rêverie de Cardan. XXXII. Quatre noms différens pour signifier une même chose. Plaisante demande d'une femme à l'article de la mort. Un instant, un rien décide de la conversion d'un scélérat, témoin celle d'un sergent. Conte de la femme battue. XXXIII. Continuation du même conte. Examen de la fortune visible & de l'invisible. La vérole est la visible, & le cocuage l'invisible. XXXIV. Injustice dans les affaires du monde, d'être obligé de donner de l'argent pour offrir ses services, soit aux femmes, soit aux rois. Véritable nom de l'enfant prodigue. Sortie sur les scrupules, les cas de conscience, & le sujet de ces cas. Le jeu de la courte-paille. Maniere de connoître les hommes & les femmes fideles. _La femme battue_, p. 208. _Le jeu de la courte-paille_, p. 216. XXXV. Cette nouvelle expérience donne grande force à la conversation de part & d'autre. Quatre lettres, auxquelles on donneroit réponse favorable, suffiroient pour faire la fortune d'un simple prêtre. Conte de la femme bercée. Bon remede qu'on devroit plus mettre en pratique; on en seroit plus tranquille. Le grand secret de la composition de ce livre, est ici dévoilé. Rêves de deux gentilshommes, dont l'un gâte ses affaires par trop de zele de son valet. _Conte de la femme bercée_, p. 220. XXXVI. Nouvelle tirade contre les prêtres & les moines. Conte de la bouteille d'osier. Mots ridicules, & chansons grotesquement prononcées. Nécessité de prier Dieu démontrée. Secret de faire vingt paires de souliers en une heure. XXXVII. Demandes faites à des femmes d'apoticaires. Un docteur d'Oxfort demande à entrer pour se décider s'il se fera huguenot ou catholique. XXXVIII. Seconde Satyre contre la maniere de recevoir que pratiquent les Espagnols. Conte du jardinier & de sa femme. Eloge des chanoines aux dépens des cordeliers. Conte du faiseur d'enfans. La conversation s'anime poétiquement, & chacun y fourre son quatrain. Tour d'une marchande qui gausse ceux qui la vouloient gausser. Origine de la façon de se torcher le cul avec du papier blanc. _Le jardinier & sa femme_, p. 239. _Le faiseur d'enfans_, p. 242. XXXIX. Le conte de la religieuse à qui on montre la musique. Moment où une fille serre les mains de plaisir de voir; que feroit-elle du plaisir de sentir? Ce que c'est que la messe paresse. Pourquoi tout homme de femme qui pete est heureux. Il y a vin mâle & femelle. Choses dont il faut se servir sans le sentir. Le jeu de gripeminaut. Pendu qui n'appelloit pas de sa sentence, mais en appelloit de ce qu'on le condamnoit à une amende. Sort des valets de chambre. Réflexion d'un libraire à l'article de la mort. XL. Le poëte Beze rentre, & avec Æneas Sylvius il fait toutes sortes de contes. Laquais adroit à donner un verre de vin à son maître. Description d'une tapisserie. Visite rendue à monsieur de Vendôme, & quelques naïvetés. Maniere de dire la messe très-promptement. Secouer le prunier, devinez ce que c'est. XLI. Dernier effort que font les convives: & réflexion de quelqu'un sur l'essentielle efficacité de ce merveilleux livre du _MOYEN DE PARVENIR_. LE MOYEN DE PARVENIR. LEÇON. I. Il n'y a rien tel que faire bonne chere, besogner un peu, & avoir de l'argent. Voilà, le sage Ulisse préféroit la cuisine au nectar & à l'ambroisie de la belle Calipso. Aussi, que diable servent tant de vétilles? Il n'est que de faire grand-chere, & se réjouir; c'est vivre cela: &, n'en déplaise à ces couillasses de prédicateurs, qui se crévent tous les jours de la semaine, pour jeûner la nuit, comme bons catholiques, lequel vaut mieux crever de graisse ou sécher de pauvreté? C'est ce que me disoit mon compere Bagautier, qui avoit la vérole: autant vaut pourir sur terre, qu'en terre, & puis qu'on a un jouet, que Dieu a donné pour s'ébattre, que si cela ne se faisoit, on troubleroit toutes les fusées du grand dévidoir du destin. CÉSAR. Je ne sais quel petit semblant; mais jamais je ne fus sur aucune pour néant. HERODOTE. Ne le prenez pas là pour néant; c'est-à-dire, un coup, & puis plus. Cela vaut autant qu'à coupe-cul. Il m'en avint ainsi, quand je donnai une chaîne d'or à la belle Drogueuse; qui la prit, & me fit passer une nuit avec elle joyeusement. Depuis, quand j'y voulus aller, ne me connut plus. Elle est de celles qui le veulent faire sans péché & scandale. On ne s'apperçut jamais pour un coup. Un refus à un, qui l'a fait une fois, est le corrigement de toutes les autres; & afin que vous ne me gaussiez, je vous déduirai mon aventure de cette-ci. Un meûnier avoit une belle femme; _elle se nommoit Denise, aimoit mieux chauffer son cas, que brûler sa chemise_: & puis on dit que je radote, ramenant les vieux proverbes. ERASME. Mais comment diriez-vous en un mot, une femme qui se chauffe, & a un chat entre les jambes ou sous ses robes? HÉRODOTE. C'est _consumis_. Et s'il n'y avoit point de chat, ce seroit _convoitison_. Or vous qui en savez tant, dites-moi en grec ou en latin, c'est tout un, comment vous diriez en un mot un homme qui n'a point d'argent, qui en voudroit bien avoir, qui en feroit grand-chere. ERASME. Voilà bien des paroles, ô, ho, a, ha; il ne faut que dire: _ego_; parguoi, vous vous y entendez, comme un aveugle à tirer des cirons. Mais revenons un peu à cette meûniere. HÉRODOTE. Le curé présente donc son service d'amour à Denise; & elle le refuse tout sec, d'autant qu'elle n'étoit pas encore saoule de son mari. Il la presse, & continue importunément sa recherche, parce qu'en usage de prêtre, il ne faut que pousser & s'encrucher. CUSA. Je pense que tu as été prêtre, ou moine, pour autant que tu les déprises ainsi; & que tu ne saurois tant de leurs affaires. HÉRODOTE. Oui, j'étois le nourricier de leur cul, je lui baillois de la bouillie, & ce qui me demeuroit aux doigts, je le vous faisois lécher. Denise fâchée, & aussi importunée qu'une garce qui a deux maîtres d'ordinaire, lesquels sont comme les bouchers de notre pays, qui sont deux à une bête, dit à son mari que ce prêtre la requeroit de lui faire tout ainsi qu'il lui faisoit, quand ils s'ébattoient pour s'endormir. Le mari y ayant pensé, & s'estimant trop homme de bien, pour n'être point cocu, jugea qu'il le falloit être à profit; & qu'aussi bien ne pouvoit-il faillir que cela n'avînt, ou pour néant, ou à son désavantage, ainsi qu'ordinairement il échet à vous autres messieurs. Ne voulant donc demeurer à l'être, comme une pauvre sorte de marauds qui n'ont point d'amis, lui dit qu'il falloit y aviser, & que si ce curé lui vouloit donner ses quatre septiers de froment, qu'il avoit eu de son gros de saint Maurice d'Angers, (qui est le fils de celui de Tours, à ce qu'on m'a dit) qu'elle ne feroit point mal d'y entendre. Ma mie, il fait bon gagner quelque chose, cette année que tout est si retiré: une nuit n'est pas tant, il y en a plus que de semaines. De par dieu, soit. Il est bonne personne; il n'en sera que plus gentil, & nous en aimera mieux; il nous confessera pour rien; fait bon épargner. Il n'est si bel argent qui ne s'en aille. J'irai aux champs; & tu lui donneras une assignation. Une fois n'est pas tant, pour avoir du bled; s'il le veut, il aura du plaisir; mais il le paiera. Est-ce pas raison? Promets-lui; mais n'y faudroit pas retourner. Pour une nuit, passe; tu auras eu autant de bon tems, tandis que je m'épargnerai pour une autre fois; aussi-bien me faut-il un peu reposer; mais n'y faudroit pas retourner. O! mon ami, j'aimerois mieux être tombée sur la pointe d'un oreiller, & m'être rompu le cou sans me faire mal, saine & sauve soit la compagnie, que d'y avoir pensé. Le complot pris, Denise attendit le curé, qui ne faillit à venir encore pour tendre ses gluaux. Ainsi qu'il est à deviser avec elle sur le sujet d'enfiler des perles, elle lui dit: en da vere, vous causez assez, vous autres prêtres, & voulez avoir ébat; mais vous ne voulez rien donner. O, ho! & ne tient-il qu'à cela? Demande-moi tout ce que tu voudras; tout ce que j'ai est à toi, mon connaud; dis-moi ce que tu veux. Mon mignon, j'ai un mari fâcheux; & il me gronde, parce que j'avons faute de bled. Donnez-moi vos quatre septiers de froment; & venez coucher avec moi, quand vous voudrez, pourvu que mon mari soit allé aux champs. Il pourra bien y aller ce soir; attendez & revenez après vêpres, & je vous le dirai; si d'aventure vous ne le voyez passer sur son grand mulet. Le curé sortit. Le mari, tout averti, monte sur son mulet; il passa, sur la soirée, par devant le presbitere, où le curé le guettoit à passer. Il fut bien aise, & lui dit: où allez-vous compere? Je m'en vais à cinq lieues d'ici quérir du bled, monsieur le curé. Dieu vous conduise, mon compere. Adieu, monsieur le curé; & d'aller; & le curé de venir au moulin, d'où l'autre âne fut envoyé au presbitere quérir le bled. Cependant le chapon rôtissoit. Le curé, qui tant avoit ouï dire de tours faits aux autres, se voulut assurer & en prendre une poignée sur la mine, avant que de se coucher; ce qu'il fit gracieusement, forçant la meûniere, en dépit qu'elle le vouloit bien. Puis ils souperent, puis ils se coucherent, puis s'embrasserent, & puis ils firent la belle joie, & de ce qu'il peut: on ne fait pas ce qu'on veut. Il s'ébatit à bon escient pour son bled; & sans apostrophe, avec plénitude d'efficace réelle. Et boute, mon ami, boute; tout ce bon bled passera bien par une trémie. Il est vrai qu'elle n'osoit y prendre autant de plaisir qu'avec son mari, de peur de le faire cocu, & qu'elle prît goût au revas-y. Voilà comment elle étoit forcée. LE BON HOMME. Elle l'étoit, comme celle qui fit mettre en prison messire Ambroise; lequel, à ce qu'elle disoit, l'avoit forcée; mais achevez ce curé. CÉSAR. Laissez-le un peu faire à son aise. SUPERSTITION. II. LE BON HOMME. Vous savez que ceux qui sont en prison, sont instruits par les autres, ainsi que le fut cettui-ci, qui, étant amené devant l'official, fut interrogé en la présence de la fille. Venez ça, mon ami. Connoissez-vous pas bien cette fille-là? Oui, monsieur. L'aimez-vous pas bien? Oui, monsieur. L'avez-vous baisée quelquefois? Oui, monsieur. L'avez-vous quelquefois poussée, pour vous accoupler avec elle? Oui, monsieur; mais elle remuoit & tempêtoit, se trémoussant si fort, que je ne sais si j'ai mis dedans ou dehors? Elle va répliquer: hélas! monsieur, le grand menteur! Je ne remuois pas, par mananda, non plus qu'une pauvre piece de bois. O, ho, dit le compagnon, je ne vous ai donc pas prise par force? Que fait notre curé. HÉRODOTE. Laissez-le moudre son bled. Il fait possible, comme le jardinier qui trouva sa maîtresse endormie, une jambe en bas & l'autre sur le lit. Il leve sa robe, pour voir si elle faisoit semblant, puis la cotte, puis la chemise; & lors il vit le but d'amour, aussi prêt à s'émouvoir qu'une rose fraîche: il y fiche sa fleche; & comme il poussoit trop fort, elle s'éveilla, & le voyant, lui dit: qui vous a fait si hardi? Je m'ôterai, s'il vous plaît, madame. Je ne vous dis pas cela, vous êtes un sot; je vous demande qui vous a fait si hardi? GRATIAN. Ce mot de _sot_ est fâcheux, si est-ce que le chevalier de Brin l'endura bien de mademoiselle de Morfaut, qui, sur les discours qu'ils tenoient à l'usage de chevalerie Maltoise, lui demanda: or ça, mon gentilhomme, en bonne foi, voudriez-vous pas bien m'avoir besognée? Oui vraiment, madame; & ne vous en déplaise, je voudrois bien vous avoir embrassée amoureusement, homocentriquement & résolutivement. Allez, vous êtes un sot, le plaisir seroit passé; pour être content, il voudroit mieux me le faire. HÉRODOTE. Comme possible fait notre nouveau meûnier. Faisons-le lever: il est trop aise. Si-tôt qu'il fut debout, il s'en va chez lui, la queue entre les jambes, honteux comme un coq plumé tout vif. Quelques jours pensant à ses évacuations de la premiere, seconde & troisieme figure. NÉRON. Il étoit aussi étonné que le conseiller de Blois, à qui sa femme demandoit une robe: vraiment, ma mie, je ne le vous fais coup qui ne me coûte plus de dix écus. Et certes voire, faites le tant qu'il ne vous revienne qu'à un douzain; il ne tiendra pas à moi, si vous pouvez, que vous ne me deviez du reste. HÉRODOTE. Le meûnier revenu, vit bled, dont il fut content; mais il dit à sa femme qu'elle n'y retournât plus, à peine d'avoir le cou rompu. (Ainsi la nécessité fait faire des choses qu'il faut quitter, quand on a ce qu'on demande.) Mon ami, je l'entends ainsi; je ne ferai jamais que ce qu'il vous plaira. Or bien n'en parlons plus. Deux ou trois jours après que le meûnier étoit aux champs, le curé vint voir Denise, & se mit à la caresser & baiser. Laissez-moi, monsieur le curé; si mon mari venoit, il nous feroit méchef. Quoi! je vous ai bien fait tout ce que j'ai voulu; & vous faites la revêche? Quoi! votre cas est-il plus cher ou plus sage que l'autre jour? Voyez, monsieur le curé, je n'en ferai rien; il est résolu: ce qui est fait est fait; & rien n'aurez davantage, y fussiez-vous d'ici à cent ans. Pour le moins, baisez-moi, ma mignonne. Que vous êtes importun! Il la baisa, il la tâta au tetin, il mit la main sous sa cotte, il veut prendre le chose; elle l'empêche, & fit trop la courroucée & pleureuse. Comme il veut prendre le calendrier historial, pour marquer le nombre: hélas! que voulez-vous faire? Si mon mari venoit, je serois perdue. Laisse-moi, je te prie; je ne te ferai pas plus de mal, que je fis l'autre nuit. Que tu es fâcheuse! Et pourquoi non? Pour un petit coup, comme l'autrefois. Si mon mari venoit? Il ne viendra pas. C'est tout un; je n'en ferai jamais rien; il ne l'a pas dit. Or ça, laissez-moi; ôtez-vous. Quoi! à tout sans revenir? Oui. Pour le moins, pour lui dire adieu; puisque tu es si mauvaise, que je voie ton chose. Vous ne m'importunerez plus, si je vous le montre? Non, je t'assure, & je te le jure, foi de consistoire. Cela promis, elle se retrousse, & lui montre son chose; ce qu'ayant vu, il se signa, en s'écriant: ô quel grenier, où j'ai mis mon bled! GALIEN. Elle ne fit pas comme la femme du grand Pierre de Barace, qui me trompa. Nous parlions de faire le petit verminage, & de voir les pieces; sur quoi elle me dit: si vous me vouliez donner un teston, je vous monterois mon con. J'y allois à la bonne foi, & mis la piece d'argent en main tierce; & elle monta sur un coffre: or ça, je vous ai dit que je le monterois. Je ne le vois pas. Je ne vous ai pas dit que vous le verriez, ou que je le montrerois, mais monterois: allez étudier. ARISTOTE. Or réfléchissons sur ces moult beaux adages & rencontremens: c'est donc du fait de ce meûnier qu'est procédé le proverbe pour ceux qui ont dépendu de l'argent, ou bien pour tels pertuis: _il a mis son bled au grenier au prêtre_. CRESPIN. L'âne & le meûnier sont relatifs. CEDRENUS. Il faut ici mettre l'âne du peintre. GLYCAS. Ayez patience; nous voulions donner à boire à ce curé; puis l'âne viendra son petit train. THÊME. III. Un ministre avoit une piece de bon vin, qu'il gardoit aux bonnes bouches. Il avint qu'il en voulut avoir, pour envoyer à un sien ami; & il descendit lui-même avec la chambriere, pour faire emplir la bouteille; mais il n'y avoit pas d'ordre: il étoit trop bas. (Il eût eu besoin de priere, comme la bonne femme qui prioit dieu que hausse qui baisse, & que baisse qui hausse: hausse qui baisse, étoit pour son vin; & baisse qui hausse pour son lard, qui étoit pendu au plancher, qui haussoit, plus on en prenoit.) Le ministre n'étoit point content que son vin fût diminué sans s'en être senti. Comme il s'en tourmentoit, la chambriere disoit: il faut qu'il s'en soit allé par quelque part. Et elle faisoit l'empêchée de regarder par-tout; puis elle s'avisa de monter sur le tonneau, pour voir s'il n'y auroit point quelque fente derriere. Etant dessus, & se baissant la tête, voilà ses robes qui se renversent sur son échine, chemise aussi; & son maître qui tenoit la chandelle, va voir la grande essoine qu'elle avoit entre les cuisses. Elle faisoit si beau jeu, qu'on l'eût vu jusqu'à l'herbier. Allons, allons, dit-il, ôtez-vous de-là; l'ai vu la fente par où mon vin a coulé. CEDRENUS. Vous aviez cela à dire, pendant que je faisois paître mon âne. THESE. IV. Un viel peintre avoit une femme jeune, belle & jolie, dont il étoit fortement jaloux, ainsi qu'il est séant à tel âge. Cette jeune femme faisoit semblant de n'y penser pas. Toutefois elle n'étoit point contente de ce que son mari ne tiroit pas si souvent au naturel, qu'elle eût désiré: à quoi elle pourvut au moyen & aide d'un jeune peintre, en quoi elle se gouvernoit tant simplement & faisant la chatemite, qu'il sembloit qu'elle n'y touchât pas. Même elle portoit un semblant tant nice & honteux, qu'elle faisoit presque difficulté de regarder l'endroit de la braguette, & eût fait conscience d'ouïr parler un homme. Toutefois cela n'effaça point l'ombrage de son mari, qui, ayant affaire aux champs pour quelque temps, sur le point qu'il falloit partir, ne pouvant plus s'en excuser, étant necessaire qu'il y allât, avoit fort mal à la tête. (Les dames de Touraine font distinction entre mal & douleur de tête. Mal, c'est quand il est comme de ce peintre; douleur, quand le sens triste l'occupe. Quand donc l'opinion cornue est en la tête, c'est mal; & cela fait ainsi, à ce que m'a conté le sire André T. comme quand une dent perce; c'est que, la corne perçant, cela fait mal.) Etant le peintre sur la conclusion de son partement, il dit à sa femme: ma mie, je vous aime beaucoup; mais je désire de vous quelque chose, qui me fera assurance de votre honnêteté. Mon ami, tout ce qui vous plaira; je ne vous ai jamais refusé de rien, ni ne ferai. Sur cet accord, & lui ayant dit son intention, sur la peau de son ventre, où elle est plus licée & polie, il y peint un âne, puis s'en alla. Il ne fut pas gueres loin, que le compagnon ne vînt voir la belle, & garder le corps de cette femme, à laquelle il savona bien & beau les fauxbourgs des fesses. Comme elle sentit le proche retour de son mari, elle avisa son ami de cet âne, qui, y regardant, le vit tout effacé, excepté la tête & les jambes. Hélas! que ferai-je, dit-elle? Ne vous souciez; je les racoûtrerai bien. Ce qu'il fit, & le vêtit d'un petit joli bât tout neuf, si que le voilà joyeux près la pâture vitale, & étoit si bien qu'il n'y manquoit que la parole. Le mari revenu, fut reçu, avec une douce liesse & bonne chere, comme le bien aimé, à force accollées & baisers mignons. Sur le soir, en devisant, il s'avisa: Eh bien ma mie, notre âne? Mon ami, je n'ai point pensé à lui; je ne sais comment il se porte. Il leve la chemise de sa femme, & le regarde. A, ha, dit-il, en grande admiration, voilà bien mon âne; mais au grand diable soit qui me l'a bâté. Depuis, pour parler en paroles couvertes, on a dit: _bâter l'âne_, pour signifier faire, verminer, besogner, &c. ANTIPHON. Les filles de notre pays disant en paroles couvertes, parlent bien autrement, témoin la fille de chambre de mademoiselle de la Forest, femme d'un conseiller. Un paysan lui apporta un lievre, qu'il mit, en l'absence de monsieur, ès mains de la fille de chambre nommée Andrée, laquelle il prie affectueusement de le présenter à monsieur, & lui recommander son procès, dont il étoit rapporteur, & qu'il avoit nom le Vit. (Une dame ne fit pas, un jour, difficulté de le nommer. Je lui faisois je ne sais quelle petite haire; & elle me vouloit dire: vous faites bien les trois lettres, S, o, t, sot; elle brocha des babines, elle me dit: vous faites bien des trois lettres, V, i, t, vit. LEON L'HÉBREU. Et ma cousine Esther, qui avoit nommé son cela naturellement, me répondit naïvement. O ma mignonne! lui dis-je, qu'avez-vous dit? Vraiment, mon coeur, dit-elle, je n'ai pas dit con). ANTIPHON. Durant le dîner, Andrée s'avisa de son message, & dit: à propos, monsieur, il est venu ici un homme qui vous a apporté un grand lievre. Où est-il? Je le vais quérir. Le voilà. Vraiment il est beau; il le faut mettre en pâte. Monsieur, il vous recommande ses affaires, ce pauvre homme. Comment a-t-il nom! Je ne l'oserois dire; il est trop sale. Si vous ne le dites, je ne saurai qui m'aura donné ce lievre. Ardez, monsieur, vous savez bien qui il est; je n'oserois dire ce nom-là, il est trop sale. Mademoiselle lui dit: dites-le en paroles couvertes. Bien donc, Monsieur, il a nom comme cela avec quoi on fout. MUNSTER. D'un âne vous êtes venu à un lievre, je crois que c'est à cause des oreilles; à raison de quoi, pour le mettre en cosmographie, je vous dis que je ne vis oncques âne plus joli, que celui d'un apothicaire de Tours. Son maître même m'en a assuré, nous en faisant le discours ainsi. J'ai l'âne le meilleur du monde: même il est si naturel, qu'il me sent d'une demi-lieue. CHAPITRE. V. Vous me faites souvenir d'un voyage que nous fîmes en Espaigne; l'année que l'empereur devint fou. Je pense qu'Espaigne, c'est-à-dire, _Espargne_, _i_, pour _r_, comme il est écrit ès prologues des institutions de droit. Etant avec ces magnifiques, ils nous fêtoyerent aussi magnifiquement, & le tout de paroles. Je ne vis jamais tant de beaux banquets de paraphrases; les paroles y étoient apprêtées en toutes sortes; il y en avoit de couvertes en mode de pâtés de venaison; il y en avoit de rassises, pour manger avec du pain frais: le menu étoit de ces petites paroles, syllabes & lettres que l'on mange en poésie & en prose. Certainement ils nous en firent bonne chere: mais cela pourtant nous passoit apostrophiquement par la bouche. Les confitures & le dessert étoient révérences: & pour la bonne bouche, nous eûmes le mot de guet, & le mot pour rire. Voilà comment nous fûmes traités, avec belle eau fraîche, si nous en voulions. Cela étoit mal au ventre. (Ils ne nous traiterent pas, comme le mercier de Loches faisoit sa femme. Sa mere lui dit: mon ami, traitez-là bien _doucement_. Vraiment il le faisoit; il lui bailloit des oussemens. Ainsi les sages-femmes l'entendent, quand elles disent aux premieres grosses des autres: consolez-vous, ma mie, il en sortira plus doucement qu'il n'y a entré.) Or, nous fûmes bien arrivés auprès de la bonne eau d'Espaigne. Vraiment, si jamais je refais ma cosmographie, je ferai telle description de ce pays là, que l'on croira aisément que les peuples y sont enragés. APICIUS. Mais à propos d'eau, quand un homme entre où l'on dîne, lequel est le plus excellent, si on lui présente de l'eau ou du vin! LE BON HOMME. C'est à ce coup, que l'on connoîtra vos bons esprits. O la belle proposition! ô le beau problême notable, qui fut débattu au concile des _trois dixaines_! Or boivez, pour décider cette affaire. APICIUS. Quant à moi, pour le premier j'en dirai ma ratelée, & ce d'autant que j'ai un beau nom. Et pour vous amuser un peu, qui sont les deux noms les forts délicats; nous n'avions garde d'avoir plus mauvais à un homme? Vous êtes quinaux; vous êtes _quarante fesses_. C'est Guillaume & Gautier, parce que l'on dit aux gens de nôces; venez, mes amis; mais ne m'amenez ni Gautier, ni Guillaume. En avez-vous? Or, quand j'irai où l'on dîne, je serai bien aise que l'on me présente de l'eau. L'eau, en ce temps là, c'est le juste & parfait symbole d'honneur & de profit à venir; c'est signe qu'il se faut laver, & se mettre le plus près de la table que l'on pourra, & sur-tout vers le milieu. Le vin a sa vérité quant & soi; c'est fait, il ne prophétise rien: l'eau prophétise le dîner; le vin, ayant été présenté & pris, signifie, boivez, & vous en allez. Ainsi, par l'eau, est représentée la jouissance future, & abondance; par ce peu de vin, est montrée une dayée de commodité qui se passe vîte. Ainsi l'eau présentée, alors représente le mystere dînatoire; & le vin dit congé. On baille de l'eau pour disposer l'appétit, non pas seulement pour laver les mains; aussi qu'en est-il besoin? Il ne faudroit, si cela étoit nécessaire, mouiller seulement que le bout des doigts; on ne met pas la soupe dans le creux de la main: ce lavement est donc pour exciter l'appétit; la main est la figure du foie, son rapport unique & formel, laquelle mouillée donne au foie une vertu cuisante. Voyez, je vous prie, les poissonnieres, lesquelles pour avoir toujours la main en l'eau & le feu au cul ont les joues vermeilles; elles sont gaillardes, aiment le bon vin, toujours étant en appétit. Voilà des points secrets de la très-profonde sagesse. DIOGENES. Que males mules aient ces philosophes foireux qui ne font qu'ânonner: je les envoierai à mon métayer & à ses gens. Il y a plus de mille ans que le conte en est fait; mais on l'a mal retenu. La fille de ce métayer apporta des prunes à notre femme, qui lui dit: il n'en falloit point, ma mie. C'est votre gresse, mademoiselle; prenez-les, s'il vous plaît; aussi-bien nos pourceaux n'en veulent point. L'après-dînée, celle de chez nous rencontra la mere de cette fille, à laquelle elle dit ce que sa fille lui avoit dit. Ardez, répondit-elle, mademoiselle, elle dit vrai; ces méchans pourceaux aiment mieux manger la merde. Sur le soir, je rencontre le bon homme, auquel je conte le tout. Pardé, monsieur, dit-il, ce sont bêtes: leur bouche est en paroles aussi honnêtes que le trou de mon cul. ANTIPHON. Appelez-vous cela des paroles couvertes? Je crois qu'il les faut servir à couvert, de peur qu'elles ne s'éventent. DIOGENES. Si vous avez peur qu'elles s'éventent, avalez-les vîtement, & faites comme en Italie, baillez-leur du plat de la langue. HORACE. Si j'eusse su cela, j'eusse bu, & eusse pris congé. QUINTILIEN. Comme quoi? Est-ce selon que le prononça le president Gascon? L'appellant voyant sa partie ne comparoître pas, demanda congé: je demande congé, messieurs. Le président ayant recueilli le conseil, chacun ayant dit: congé; il prononça: qu'il s'en aille. Il y eut un chaste abbé qui l'alla voir, & lui présenta son frere, lui disant: monsieur, je vous supplie de faire cette faveur à mon frere, de le tenir pour votre serviteur. Quoi! faveur! dit-il; je ne fais point de faveur; je fais justice. LAERTIUS. Je me souviens qu'étant à Paris, chez un conseiller, j'ouis un bon apophthegme. Il y avoit un bon paysan, qui avoit gagné son procès, & étoit allé parler à son procureur, qui lui avoit donné avis d'aller voir ce conseiller qui avoit été rapporteur, afin qu'il le remerciât. Ce bon homme allant, pensoit en lui-même, que possible il lui faudroit encore donner quelque chose: toutefois il s'assura qu'il auroit tant de conscience, qu'il ne lui demanderoit plus rien, vu que pour payer les épices, il avoit même été contraint de vendre sa vache, seul reste de son bien. Le pauvre homme vint saluer monsieur son rapporteur, qui lui dit: mon ami, je vous sais bon gré de m'être venu voir; je prends plaisir à m'employer pour les gens de bien; remerciez dieu, que vous ayez eu tel qui vous a conservé votre droit. Or il y avoit en la même salle un peintre qui faisoit une chasse en un paysage, où il y avoit plusieurs sortes d'animaux, que ce paysan se mit à regarder. Le conseiller lui dit: que regardez-vous-là, bonhomme? Je regarde si entre tant de bêtes qu'on vous donne, ou qu'on emploie pour vous apporter de l'argent, je ne verrai point ma vache; au moins que la moitié y fût, parce que vous l'avez bien eue & davantage. Ainsi que Laërtius parloit, voilà que la petite chienne de madame, qui demandoit à manger, aboie & le fâche: il étoit assez près, & lui cria: paix, petite vilaine, petite putain; voyez-vous un peu que cette petite vesse fait de bruit! Ce que voyant notre curé, va dire: je m'ébahis que ce philosophe n'a honte de donner le nom d'une personne, & le surnom d'une chrétienne à une chienne. C'étoit lui, qui, prêchant; disoit: enfans, apprenez la patenostre & l'_ave_ à vos peres & meres. Il étoit des enfans de Moulins, auxquels on frotte le cas de beurre, quand ils sont malades. La fille d'un marchand de Lyon, qui s'étoit retirée à Genève, de peur de jeûner en carême, en fut punie, d'autant que, mangeant d'une bonne truite, une arête lui demeura en la gorge: hélas! elle étoit fille unique, uniquement aimée. On courut aux remedes. Médecins, chirurgiens, apothicaires, alquemistes, empiriques, sorciers, charlatans, secrétaires & bimblotiers de drogues furent appellés; mais on n'y pouvoit remédier. Déjà l'arête, ainsi passée, l'ulcéroit; & y avoit crainte qu'elle n'en mourût avec douleurs. Il passa par-là un vieil homme, qui, ayant ouï le bruit & la pitié, fut ému de compassion; il entra en la salle, fit faire un grand feu, & fit apporter une livre de beurre; puis, ayant fait sortir tout le monde, prit cette fille sur ses genoux, s'étant assis comme une nourrice, & lui montra le cul au feu, lequel muni de deux belles grosses fesses rebondies, il graissoit de ce beurre. L'opération en fut merveilleuse, d'autant qu'aussi-tôt l'arête fut avalée, & la fille guérie; _& hoc certo certius_. MAROT. Je ne sais pourquoi vous nous dites cela; vous ne faites que nous mettre en goût. CONSISTOIRE. VI. J'aimerois mieux dépuceler une gueuse, que d'avoir le reste d'un roi: toutefois, à cause de ce que ce jaseur vient de dire, je suis tout dégoûté. Cela m'a fait souvenir que je n'ai point d'appétit. LOUVET. Pargoi, mon ami, si tu es tant dégoûté, je te prie & conseille de te faire procureur, & alors tu mangeras à toutes mains jusques aux os. MAROT. Je pourrois manger autant que douze, que je ne m'engraisserois pas. LOUVET. Vraiement, tu n'as garde: comment engraisserois-tu, vu que tu chies tout ce que tu as mangé? A cela, va dire un chien couchant de léchefritte: quelle prodigieuse invention! MAROT. Qu'est-ce là? Quel animal nouveau? LOUVET. C'est un moine de cuisine; _aliàs_ un boute-cul, qui va dire qu'ordinairement on chie au prix que l'on mange. LE BON HOMME. Que vous êtes sale! Laissez ces paroles. Vraiment, si j'eusse été le maître, vous n'en eussiez pas ainsi dit; & en ai laissé passer, parce que je m'amusois à faire mon état, qui est de considérer vos actions. CICERON. Ne vous trompez pas, monsieur mon ami; les paroles ne sont point sales; il n'y a que l'intelligence. Quand vous orez une parole, recevez-là, & la portez à une belle intelligence; & lors elle sera belle, nette & pure. Mais cela fâche les oreilles? Si les oreilles étoient pures & nettes, cela ne les incommoderoit point. Un étron incommode-t-il le soleil, bien que ses rayons s'y jettent? Sachez aussi, mon pere _se puisse tuer_, que, si on ôtoit ces paroles d'ici, ce banquet seroit imparfait. Seriez-vous bien aise que l'on vous ôtât le cul, parce qu'il est puant, & ce jusqu'à la mort? Vous seriez un bel homme sans cul! Il faut suivre nature; ainsi notre discours le suit. Et, si vous vous scandalisez, oyez une prophétie que j'ai apprise dans l'abbaye des grottes de Memphis. «Moines, Prêtres, ministres, &c. présidens, conseillers, avocats, &c. marchands, ouvriers, artisans, &c. de quelqu'état, qualité & condition qu'ils soient, qui diront mal des mémoires du MOYEN DE PARVENIR, seront atteints & convaincus de tous crimes que la sottise embrasse, que l'imprudence couve, & l'hipocrisie nourrit, &c.» Avez-vous ouï cela? Si vous oyez un mot qui vous fâche, dites que vous ne l'entendez pas, ainsi que je l'enseigne aux sages filles de la cour. Ma mie, si vous oyez parler de ceci ou cela, ou de ficher sans pic, dites que vous n'y entendez rien, & n'en faites aucun semblant; d'autant, que si vous vous fâchez, quand on dira des paroles de fouaillerie, on dira que vous les entendrez, ce qui seroit honteux. Avez-vous ouï, encore un coup, monsieur mon ami. Or donc, soyez sage, & faites votre état. HÉRODOTE. J'y suimes. Il étoit un beau barbier. CÉSAR. Pourquoi dit-on glorieux barbier? HÉRODOTE. Parce qu'il vous coupera bien le poil du cul, sans en être honteux. DIOGENES. Et si je n'avois point de poil au cul? HÉRODOTE. Tu serois comme les femmes. DIOGENES. Et dà, pourquoi? Est-ce que les femmes n'ont point de poil au cul? HÉRODOTE. Grosse pécore, grand âne que tu es, fils d'un coq de Ludonnois, ne sais-tu pas: _fronte capillata est, sed post occasio calva_. En voilà la raison. Il faut que je fasse le prêcheur, que j'interprete mon latin: c'est parce que la fortune a du poil au front; c'est là où il faut la prendre: entre les deux gros orteils des femmes, il faut se prendre là, parce qu'il n'y a point de poil derriere. MADAME. Là, là, à ce barbier. HÉRODOTE. Par mon serment, sans jurer, je pense que je l'oubliois, tant vous êtes folle. Ce barbier aimoit très-ardemment une sienne voisine, femme d'un mercier: & avoit le mot du guet avec elle: il ne falloit que trouver le moyen & l'occasion: (voilà adapter les mots, je parle aux doctes; il n'y a gens qui soient moins cocus que merciers demeurant en boutique; parce que toujours leurs femmes sont présentes, & ils leur sont présens. ULDRIC. Mais, encore avant que passer outre, monsieur le notaire, je vous demande, pourquoi est ce qu'on se marie? ARCHIMEDE. Or regardez, je vous le dirai sur ces quatre doigts, ayant le pouce en la main. Le premier doigt, qui est index, _nota_; on se marie pour avoir une femme. Le second, pour avoir de l'argent. Le troisieme, pour avoir du plaisir. Le petit doigt, pour avoir des enfans: aussi est-ce là que les Gyptiens & les Bomians les trouvent marqués. Or çà, mon frere, regarde les deux doigts du milieu, & les vois baissés: c'est signe que le plaisir se passe, l'argent s'en va. Vois ces deux doigts restés de bout; ils signifient que la femme & les enfans demeurent avec droit de brancards.) HÉRODOTE. Et voilà donc l'usage auquel est sujet, comme tout autre marié, ce mercier, la femme duquel desiroit avidement l'accointance du chirurgien son voisin; mais on ne pouvoit y trouver ordre. Ils s'aviserent en parlant à la boutique, les étoffes les séparant, & exécuterent leur dessein. Voilà ma commere la merciere, qui fait la malade; elle plaint sa tête; elle fait semblant d'avoir des soulevemens de coeur: le mari, tout étonné, envoie querir maître Pierre; aussi-tôt qu'il est venu, il la visite. O mes amis, dit-il, & vous, mon compere, parlant au mari, voilà ma commere qui est bien malade; c'est la contagion: mais il y a moyen. Çà un peu de vinaigre; vous avez bien fait de venir au devant; si vous eussiez tardé, il n'y eût plus eu de moyen. Çà, venez ici, apportez cela; ici du feu; là une écuelle; de l'eau, du linge, fermez ces huis un peu; là, parlez bas; des ciseaux; je suis tout étourdi, tant j'ai hâte. Ainsi faisant l'empêché, il fait un emplâtre fort léger, & dit au mercier: mon compere, il faut que vous mettiez cet emplâtre sur le bout de votre membre viril: & que vous le poussiez dans la nature de votre femme. Quoi! dit le mari, faites votre état, maître Pierre. Mais c'est votre femme. Faites votre état, mon ami. A donc le barbier mit l'emplâtre sur le bout de son inconvénient, & le porta à la ruelle du lit; mais quand ce fut à ficher, il ôta le linge poissé, qu'il pausichonna en sa pochette; & mit maître cas dans la belouse, autrement dit, le trou de service, frais, vif & en bon point: & ainsi guérit madame la merciere; & qu'ainsi en puisse prendre à toutes celles qui le desirent. COMMITTIMUS. VII. Il en prit autrement à un petit barbier de Vendôme. Monsieur le médecin Taillerie, menoit en pratique ce petit chirurgien; & parce qu'il avoit long temps à être chez la noblesse ou il alloit, monsieur le médecin, jà vieillard, menoit sa femme qui étoit encore jeune, que le barbier accompagnoit en trousse. Etant en chemin, le médecin demanda au barbier comme se portoit sa femme. Vraiement, dit il, monsieur, il faut qu'elle se porte bien, si elle veut; d'autant que je l'ai approvisionnée six bons coups, cette nuit, sans ce qui s'est fait depuis. Cela leur servit de risée, tant qu'ils furent arrivés à la noblesse, où ils alloient. Le soir, chacun étant retiré, le médecin devisant avec sa femme: laquelle lui avoit entamé le propos de ce jeune barbier, lui demandant, possible en songeant à ce qu'il avoit dit tantôt, pourquoi il s'en servoit plutôt que d'un autre. Ma mie, ce dit-il, je me sers de lui, parce que je desire qu'il ait sa vie toute gagnée, d'autant qu'il n'a plus que deux ans ou environ à travailler, à cause qu'il paroîtra tout ladre. Cette réponse fut cause, que la demoiselle s'en dégoûta. Comme ils s'en retournoient, le médecin gaussa sa femme; & ainsi qu'ils furent en un carroi, où il y a de grand arbres, il lui dit: ma mie, mettez pied à terre; je vous veux baiser entre cul & con. Mon ami, dit-elle vous êtes fâcheux. Non suis; le pied à terre, je le veux. Etant à bas tous deux, il la prend & la baisa en la bouche, comme au jour de leur nôces; puis elle dit: pourquoi me disiez-vous cela? Parce que je l'ai fait; ne vous ais-je pas baisée? Oui. Ha! ma mie, voilà un ruisseau qui se nomme cul, & celui-là con; nous sommes entre-deux. Ainsi, beaux esprits, voilà de belles paroles; elles sont claires comme eau. MAHOMET. Comment voudriez-vous faire entre con & cul une muraille seche? CESAR. Je ne sais. MAHOMET. Il faudroit boire l'eau, & manger le mortier: achevez. L'AUTRE. Etant de retour de fortune, mademoiselle du médecin se trouvant chez une commere; (c'est-là où on cause) vint qu'on parla de maître Claude ce barbier. Vraiment, dit cette demoiselle, je suis marrie de son inconvénient, il sera ladre dans deux ans; mon mari me l'a dit. Cela alla de bouche en bouche, ou de couche en couche, tellement que le barbier le sut, qui, tout scandalisé, vint trouver monsieur le docteur, auquel il fit sa plainte, & demanda s'il l'avoit dit, & pourquoi. Parce qu'il ne faut pas, vous qui êtes jeune, que vous parliez devant ma femme, en ma présence, de le faire six coups; & soyez sage. BEROALTUS. Je connois ce barbier, il est honnête homme: il a fessé un chien; il est Gascon & a demeuré à Tours chez un de nos amis. Vraiment il fit un jour un trait notable. Une femme d'honneur étoit malade, & il falloit, au carême, avoir dispense, pour lui faire manger des viandes qui sont interdites en saint temps. ARISTOTE. (Mais la cause pourquoi la chair terrestre est-elle plutôt défendue que l'aquatique? PYTHAGORAS. Mais aussi vous dirai-je, un étron est-ce chair ou poisson? ARISTOTE. Il y faudroit goûter: & puis vous sauriez que tandis qu'il a le sens chaud, il sera chair; s'il l'a froid, il sera poisson & vous en soulez. Ce n'est pas cela. Répondez au prêtre: je vous dirai: c'est parce que la chair fout, & on seroit fou toujours, & le poisson fraie. NERON. Voilà de belles raisons. J'aimerois autant celles de Jannotin, qui dit: qu'il faudroit être sergent pour aller en paradis, d'autant que les sergens vont devant: da, da. Il est bon, s'il n'y avoit que les gens de justice qui allassent en paradis. Et c'est le contraire, & je l'ai vu en la danse macabrée de Fubourg, où les présidens, conseillers, avocats, procureurs & clercs, sont par les sergens conduits en enfer, & t'en guette). BEROALTUS. Or vela beau cauré? laissez-les dire: j'acheverai mon discours. Maître Pierre le Grand, petit barbier de Tours, avoit chez lui ce compagnon qui se tenoit fidélement à la boutique. Ainsi qu'il fut avisé: ce maître eut un certificat du médecin, afin que l'official ou grand vicaire: (au diable soient-ils, si je me souviens auquel il faut avoir recours, si d'aventure on ne joue deux personnages comme le maréchal de Ballan, qui étoit notaire & aussi barbier, & quand on le demandoit, il disoit: me voulez-vous pour ferrer, ou barber, ou écrire, ou ajourner, parce que depuis il fut sergent.) Le certificat fait par le médecin, le chirurgien le porte chez lui, & dit à son homme: va faire signer cela à monsieur l'Official. Le garçon ouit de biais, & pensoit que le maître eût dit: va faire une saignée chez monsieur l'official. Il prend son manteau & ses outils, & y va. Il heurte à la porte, & le neveu de monsieur lui vint ouvrir, auquel il demanda comment se portoit monsieur. Il se porte fort bien. Si est-ce qu'il y a ici quelqu'un malade, que mon maître m'a envoyé saigner, en voilà l'ordonnance. Le neveu, fort suffisant vit le papier, & ne pouvant rien connoître, pour faire le savant, dit: il faut que ce soit pour moi, d'autant que je suis morfondu; venez & entrez. Ce qu'il fit & le saigna bien & beau. Je m'ébahis qu'il n'en fût mal, mais dieu fut aide aux innocens, & puis la risée lui racoutra le foie. Si le valet fut trompé, le maître le fut aussi. Il vit un vieil paysan, qui se plaignoit d'une douleur en la joue. O, lui dit-il, viens, je la guérirai, je t'arracherai la dent qui te fait mal. Pargoi, vous ne sauriez. Pardienne, si ferai. Je gage demi écu que non. Le voilà: je gage que si, or allons. Quand ils furent en la boutique, & que le patient fut sur la chaire, le barbier se met à regarder en sa bouche, & n'y trouva aucune dent. Et qu'est-ce que cela? C'est que j'ai gagné, dit le pied-gris. Il y a plus de trente ans que je n'ai pas une dent; & dis que tu en as, soulier à belles oreilles. CICERON. Je vous reprends, vous jurez. Etes-vous des consuls de Tours? BEORALTUS. Que voulez-vous dire des consuls de Tours? CICERON. Rien que bien, sinon que mon compere le sire François, je ne dirai pas son surnom, étant consul, condamna un marchand. Le marchand lui dit: par dieu, vous n'avez pas bien jugé. Le consul lui dit: vous payerez l'amende, par dieu, vous avez juré. Et vous aussi, dit l'autre. Ha! dit le consul: tenez, greffier, voilà mon amende, recevez la sienne. ARNOBE. Cela est aussi bon que le fait de monsieur de Césarée, évêque portatif, qui faisoit sa visite par le diocese d'un qui l'en avoit prié, & où il avoit autrefois tenu les ordres. Il se trouva qu'il interrogea un prêtre qu'il trouva ignorant. O! dit-il, gros bedier, âne que tu es, qui t'a fait prêtre? Qui est le veau d'évêque qui t'a conféré cet ordre? C'est vous, monsieur. Par dépit, bédier, je paierai cent sols d'amende; & toi, dix francs. Mon secrétaire, faites vous payer. ARISTOTE. Si c'étoit à moi, je corrigerois bien tous ces abus-là. ALEXANDRE. O! oui, vous êtes brave correcteur, comme celui des bons hommes; _corrector à corrigendo_. LE BON HOMME. En ma conscience, je le crois; ils s'arrousent bien le coeur; je pensois que cela fût hors du monde. REVERS. VIII. ARISTOTE. A ce que je vois, le pays des sots n'est pas une isle, c'est le monde même, & rien hors d'icelui: ainsi qu'il y a de ces gens-là hors du monde, qui sont de gros veaux, témoin le moine curé, qui se pensoit paillarder sur le bien dire à son prône, annonçant les fêtes qu'il falloit festiner, & disoit: mes amis, il y a de bonnes fêtes cette semaine, lesquelles pourtant ne sont de commande; l'église les fustigera pour vous. BUCHANAN. N'étoit-ce pas lui, qui, au lieu de dire à la leçon, _qui moechantur cum illâ_, dit, _qui monachantur cum illâ_. APULÉE. Et que vous faut-il? Vraiment vous êtes bien cruel de regarder à des paroles, & non à l'intention. BUCHANAN. Je sais bien pourquoi vous le dites: c'est de peur que je ne parle de votre cousine de Malenoue. NERON. Dites donc tout, puisque vous êtes détravé. BUCHANAN. Durant la ligue, il y eut un bruit qui courut (puisqu'il faut ainsi dire) qu'une nonnain de Malenoue avoit eu apparition d'ange. A cette nouvelle, quelques dames des plus grandes firent partie de l'aller voir: ce qu'elles accomplirent. Etant là avec elle, voyant discourir des merveilles de cet ange, elles étoient en extase de douceur; & comme cette fille les voyoit ainsi transportées d'aise, elle leur amplifioit son discours du reste de la merveille, puis ajouta: j'étois si contente, Madame, que jamais tant, ni plus. C'étoit le plus beau l'ange du monde; & puis, quand ce beau l'ange fut sorti, toute ma chambre étoit si embaumée, que c'étoit merveille, tant elle sentoit l'usc, & le membre vert & gris. CÉSAR. Quel ange? Je gage que c'étoit un esprit vital. BUCHANAN. Comme vous dites. Au moins souvenez-vous de dame Catherine, qui, oyant parler de sa maîtresse que l'on pensoit qui fût morte, & que le médecin disoit que les esprits vitaux y étoient encore tous: elle répliqua: je ne dis que cela ne fût, si c'étoit à un homme, mais à une femme, ce sont les esprits conaux. CÉSAR. Je ne sais quels esprits, si vous ne l'entendez à l'antique, que l'engin & l'esprit sont tout un, ainsi que le pratiqua la chambriere d'une veuve. Je vous assure que cette garce étoit jolie, mais un peu follette; sur quoi sa maîtresse lui disoit toujours qu'elle n'avoit point d'esprit. Or est-il qu'il y avoit un jambon à la cheminée; & cette fille le voyant là si long-tems, elle s'ennuyoit; elle demanda à madame, si elle le mettroit cuire. Non, dit-elle, c'est pour les Pâques. Cette fille en fit le conte à quelques autres de ses compagnes, qui s'en gaussoient en son absence. Mais le clerc du notaire Bardé ne fut point si sot, qu'il n'y prît garde pour éprouver le sens de la fillette. Un jour que la bonne femme étoit allée à sa métairie, & qu'elle avoit laissé Mauricette toute seule, il vint heurter, & demanda madame. Mauricette dit qu'elle n'y étoit pas. J'en suis bien marri, parce que je suis Pâques, qui étois venu quérir le jambon qu'elle m'a promis. Il passa; & la chambriere le laissa paisiblement entrer & prendre le jambon. Lui qui la voyoit si nicette & belle, pensoit à meilleure aventure. Il faut, dit-il, que je voie si c'est ici mon jambon. Si ce l'est, j'ai un esprit qui me le dira. Il tire son chouart vif & glorieux. Quand la fille le vit: qu'est-ce que cela? C'est mon esprit. Je vous prie, donnez-m'en un peu: ma maîtresse ne me fait que tancer, & dire que je n'ai point d'esprit. Il la prit, & lui en distribua autant qu'à lui, dont elle se trouva passablement bien; aussi en étoit-elle toute réjouie, comme celle qui disoit que Claude lui avoit farfouillé en son cul de devant. Quand sa maîtresse fut venue, elle lui conta comme Pâques étoit venu quérir le jambon: & dà, madame, vous ne me reprocherez plus que je n'ai point d'esprit, Pâques m'en a baillé à bon escient. QUELQU'UN. Voilà un beau moyen d'avoir de l'esprit! C'est à quoi pensoit ma cousine Martine, l'autre jour en dînant, que sa mere parloit de son lard. Oui, vraiment, ma mere, notre lard étoit bon; mais la couaine _sent le vit_. RENÉE. Elle ne dit pas ainsi; dà, je la veux défendre; elle dit: s'enlevit. SOCRATE. Si vous y regardez de si près, il n'y aura jamais plus de bien au monde. LE BON HOMME. Vous pensez à autre chose; je m'assure que vous songez autant à ce que nous disons, que si vous n'étiez pas ici. ARCHIMEDE. C'est que j'avisois, & m'est avis que je vois, comme un jour j'étois avec une dame qui cherchoit quelque chose en son cabinet; & elle avoit avec elle une sienne cousine qui la considéroit fort. Cette dame ayant mis la main sur ce qu'elle cherchoit, en se retournant va dire: vraiment je suis une grande sotte. L'autre va dire: c'est ce que je voulois dire, madame. LISET. Cette-là même étoit avec nous, quand nous parlâmes à monsieur Champis d'aller à la messe de minuit: je ne daignerois y aller; j'y ai été plus de cinq cents fois. SOCRATE. Or bien je vous avise donc que ce bon personnage a ses pensées autre part qu'à nos discours. MENOT. Il est possible intéressé, & a volonté de pisser, comme avoit l'abbé de Grandmont; quand il vint voir madame l'amirale. Ce monsieur alors douanant sur son mulet, avec intention & pensée d'en descendre pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame qui avoit affaire de lui, & le vouloit gratifier, sachant qu'il approchoit, vint au-devant de lui, & le surprit; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois; de quoi il fut trompé, d'autant qu'elle le mena en la salle, où le souper étoit préparé. Il se fallut asseoir & faire bonne chere. Cependant monsieur l'abbé étoit en grand peine, ne pensant qu'à pisser; puis voyant que le discours seroit long, il résolut de pisser en sa botte. Vous savez comme les abbés les portent ouvertes par en haut, & larges d'embouchure. Ainsi qu'on apporta le bassin pour laver, il n'en pouvoit plus; parquoi il avoit mis la main à son engin, & déja le déchargeoit dans sa botte. Madame pensoit que ce fût son couteau qu'il serrât, (pour ce que volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) & qu'il ne voulut pas laver avec elle. Vraiment, dit-elle, vous ne ferez point cette difficulté. Et ainsi elle lui tira la main, qui emporta aussi le virolet, qui acheva sa décharge dans le bassin. THIART. Le bassin fut un de ceux qui servirent aux ambassadeurs du duc, (aussi il y a des étoffes fées) quand il envoya vers le pape, lui remontrer la disette du pays, & le prier de lui donner deux cueillettes, l'an d'après. Il y avoit six ambassadeurs, notables seigneurs, & de crédit, qui, étant arrivés, le firent savoir au pape, qui, sachant leur venue, fit mettre une oie en mue, mais toute nue. (Elle étoit fille du jars si gras, qui fut mangé à Grenoble, quand le roi prit la Savoye. Ce jars présenté sur la table d'un seigneur, lequel en chercha l'ame, & ne la trouvant, appella le cuisinier: où est l'ame de cette oie? Ce n'est pas une oie, monsieur; c'est un jars, qui a tant chauché sa mere, que le diable a mangé son ame, que le cuisinier avoit donnée à sa mie: comme fit celui qui donna le bon brochet à une pour aller coucher avec elle: mais il fut trompé, le pauvre puceau, d'autant qu'elle avoit pris des dents du brochet, qu'elle avoit agencées de sorte que, quand il voulut engaîner, elle lui en serra le bout, dont il fut fort malade; depuis, quand il fut parlé de le marier, il voulut voir le comment a nom de sa promise, & y voyant je ne sais quelle petite éminence de clitoris: ô! ho, dit-il, voilà la langue, les dents ne sont gueres loin; je n'en veux point. CHARTRE. IX. Ces ambassadeurs, (laissez-les se préparer) le plus sage d'entr'eux fut élu de tous pour porter la parole. Mais, dirent-ils, que donnerons-nous au pape? Il lui faut donner de ce qui abonde en notre pays; c'est de la crême, dont nous aurons chacun, dans un bassin d'argent, une belle & honnête quantité. Que voilà bien entendu! Mais, ce dit le président qui fut monsieur de Raconis, avisez bien tous à faire comme je ferai, de peur que ne fassions les sots. C'est bien dit; nous le ferons. Le jour de l'audience venu, ces messieurs s'en viennent avec leur équipage. La porte ouverte, le premier entre; de fortune il y avoit un petit seuil à bas, qu'il ne voyoit pas: il étoit tête nue, tenant ce bassin haut de ses deux mains, appuyé contre son estomac; il bailla du pied à ce petit seuil, qui lui fit baisser la tête, & donner du nez dans la crême: les autres, voyant sa barbe ainsi blanche, estimerent que ce fût par bienséance qu'il fallût ainsi se présenter; parquoi chacun d'eux se torcha & repassa le museau dans sa crême; & ainsi le présenterent au pape, faisant leur requête, qui leur fut accordée, moyennant que les années auroient vingt-quatre mois. LE CHEVALIER SANS REPROCHE. Brusquet, un jour, contant cette histoire à la défunte roine, il y eut une de ses filles qui lui dit: Brusquet, vous n'avez pas ainsi blanchi votre barbe; mais votre mere, qui étoit pauvre femme, vous l'a cousue de fil blanc. Il est vrai, mademoiselle, dit Brusquet; & lui montrant l'entrée de son chapeau: mais aussi votre mere vous en a laissé autant de décousu. Pourquoi y alliez-vous, mademoiselle, lui dit notre ami? Vraiment, vous avez rencontré; aussi il y a une heure le jour, que l'on a tout ce que l'on desire & cherche. FRACASTOR. Témoin le triste Augurel, qui se mit en une église pour prier dieu, qu'il lui donnât la pierre philosophale. Il y en a qui ne savent que c'est de la pierre philosophale, qui disent que c'étoit un gentilhomme qui demandoit cent mille écus; (je ne dis pas _sens mi le cu_) il y fut jusques à l'autre midi sonné, qu'il se dépita fort, & va dire: dieu, donne-moi du bran. Et voilà un oiseau, qui lui va émeutir dans la bouche. A! ha, dit-il, je n'avois plus que cet instant, que je n'ai pas bien rencontré. LISET. Cet instant fut propre à notre ami l'évêque de six poules, qui se sauva d'entre tous les prêtres, qui se noyerent l'année passée. Hélas! que j'en eus de pitié! Et ce qui me faisoit dépit, étoit que ceux qui voyoient ainsi périr ces chastes ames, disoient: voilà belle chouse & grand pitié! Et chacun disoit: je prie dieu pour les marchands qui trafiquent sur l'eau, qu'ils ne puissent faire plus grande perte. VIRET. Par la vertu, j'ai quasi dit tout outre; encore je m'en repens, pource que ces méchans penseront que j'aie envie de devenir huguenot; ceux qui parloient ainsi étoient hérétiques. ALAIS. Je le crois, & en sais bien l'occasion; & autrefois j'eusse juré sur mes oeufs de pâques, qu'il n'y avoit point moyen de troubler la foi des François; mais aujourd'hui je ne m'ébahis plus de rien. Si je savois que vous deussiez faire profit de ce que je dirai, (nous autres vieilles gens ne prenons pas plaisir à parler pour néant) & que vous ne m'accusassiez de ce que je dirai, je vous alléguerois quelque chose de rare & notable. Certes je déplore la pauvre église Romaine qui se démolit, & sur tout pour un poinct & un acte qui se commet en France. Je vous le dirai, comme si j'eusse été présent à ce bateau qui périt, lequel étoit au fond chargé de sel; & je m'en rapporte à messieurs du grand parti. A! ha, pauvre prêtrise, ton crédit s'en va. Or sachez que la rareté du sel, qui est aujourd'hui si rare & chere, est cause qu'il n'y aura plus gueres de bons catholiques, parce qu'à peine trouvera-t-on du sel pour faire l'eau bénite à bon marché. Que si elle devient chere en continuant, on n'en fera plus; & adieu mere sainte église. Voilà, voilà une raison des hérésies en notre France. ARISTARQUE. Notre maître Loiseau la donna bien meilleure aux dames, les reprenant de leurs folies; & puis se ravisant, disoit: je ne dis pas que vous soyez paillardes; mais que vous êtes habillées en putains. Et comme les dames lui eurent fait quelque petite priere, de ne les taxer plus ainsi, il disoit: vraiment, mes dames, je vous trouve assez femmes de bien; mais vos enfans sont miévres; ils sont de mauvais petits fils de putains. Les dames derechef le supplierent de les épargner; ce qui fut cause qu'il songea à sa conscience, & n'en parla plus. Mais pourtant voulant instruire sur les moeurs, il disoit aux dames: je suis bien-aise de votre conversion; mais je me fâche que vous avez des perroquets, auxquels vous faites dire de vilaines paroles: maquereau au diable. Oui, oui, cela est du diable. Apprenez-leur à dire de bons _de profundis_; cela servira aux ames des trépassés. Et puis se jettant après les hommes, il taxoit leur luxe & grande chere. Voilà grand cas, disoit-il, que l'on fait tant de dépense! Bien encore aux jours gras, soit; mais en carême, ô la pitié! Voilà, messieurs couvrent la table d'une belle nappe, boutant à bas des deux côtés; ils mettent des chaises autour la table; ils appellent cette action souper; & qui pis est, ils disent _benedicite_ & graces. Ne mettez la nappe qu'un peu plus de demi: ayez des escabeaux autour de la table; ne dites graces; & dites que vous faites collation, & faites grand-chere tant que vous voudrez. CONCILE. X. DIOGENES. Chedienne, mon ami, mon enfant, beau fils, mon couillaud, j'ai beau me torcher le cul; ma chemise est toujours breneuse. CETTUI-CI. Que diantre veut dire ce rêveur, je gage qu'il nous fera faire quelque sottise? DIOGENES. Ce curé en fit assez: je venois ainsi à la traverse pour les faire oublier; mais puisqu'il est destiné, achevez. L'AUTRE. Sur l'après-dinée, on le pria de fiancer une belle fille; ainsi qu'il étoit après, & que déja il tenoit sa main, il se souvint de son valet & de son avertissement; parquoi, de peur de faillir, il demanda tout haut: lui en a-t-on rien fait? R. ESTIENNE. Non, monsieur. Cettui-ci est fat, & a un frere fort docte, maître des requêtes, ce docte a force livres. Un jour qu'il délogeoit, il les faisoit porter aux crocheteurs, depuis l'université, pour aller loger vers le louvre, à cause du conseil. Le chemin est grand, si que les crocheteurs étoient lassés: & lui, desirant faire un peu d'épargne, chargeoit les porte-faix le plus qu'il pouvoit. Il y en eut un, sur lequel il mit un peu trop de grands livres. Le crocheteur lui dit: monsieur, je vous prie, choyez-moi; vous en mettez trop. O! ha, ha, dit-il, te voilà bien gâté d'en porter sept ou huit! Et s'il te les falloit tous porter en la tête, comme moi, & que ferois-tu? Adonc le crocheteur se revire vers lui, & lui dit? par mananda, monsieur, vous y avez donc de beaux crochets. Je suis pris; j'ai belle femme. C'est tout un, il y a plus de quinze ans que j'ai chanté ma premiere messe. LISET. Quoi! ce savant étoit-il prêtre? R. ESTIENNE. Non; mais à l'usage de France, les prêtres se marient, & les gens laïques disent messe. LISET. Je ne puis entendre. ESTIENNE. Vous n'avez donc guères vu de besogne parmi nous? Les Prêtres, quand ils chantent leur premiere messe, ils disent qu'ils font leurs noces, & ainsi les voilà mariés à un bréviaire: & les gens mariés, par dépit, disent qu'ils chantent leur premiere messe sur l'autel velu, ou le sera. OECOLAMPADE. Cela ne se devroit pas endurer. Et que tous les mille diables, pourquoi endurez-vous que l'on die la messe paresseuse, la messe séche; &, ce qui est bien plus joli, que les prêtres aient des amies sans fraude. CUSA. Allez, monsieur, allez dormir, vous n'êtes pas assez sage pour renverser nos bonnes coutumes. Apprenez que, durant la famine, les gueux font les étrons plus gros; & vous diriez qu'ils se retiennent de chier, plus qu'en bon temps. Faites vos affaires; & laissez les nonnains se donner du goupillon à l'opposite des reins, parce que chacun veut vivre à sa poste. Je prie dieu pour les marchands, qu'ils fassent si bien leurs affaires qu'ils ne puissent gagner ni perdre; pour les gentilshommes, qu'il n'aillent avant ni arriere; pour les gens de justice, qu'ils ne fassent ni bien ni mal; pour les femmes grosses, que l'enfant en sorte avec même plaisir qu'il est entré; & pour le reste du monde, qu'il se puisse gratter où il se démange sans danger. BEZE. Vous nous parliez d'un savant officier: je l'ai connu. Hors la Table, il n'étoit guere qu'une bête vêtue; au reste, chiche en curé & ribaud, il y paroissoit, d'autant qu'il ne faisoit chez soi plus grand festin que de pâtés d'hermite. NERON. Qu'est ce que cette viande? APICIUS. Noix, amandes, noisettes. QUELQU'UN. Qui le connoît mieux que moi. Ce fut lui qui vint consoler madame du Bois, après la mort de son mari, qui étoit décédé à Paris, s'étant fait tailler. Il vint vers elle, durant ses grands pleurs. Hé bien, madame, combien vous devez vous consoler, & remercier dieu de ce que monsieur votre mari est mort bon catholique, & qu'il a eu les droits de l'église? Soyez joyeuse de cela, madame, ma chere dame. Or combien ce vous est plus de joie qu'il soit ainsi mort, au prix que s'il eût été rompu sur une route, ou empalé, ou tiré à quatre chevaux, comme tant de bonnes gens. Adieu & bon soir: mais qu'il ne vous déplaise, ni à moi aussi; bon vêpres, tant qu'à l'amander. Apprenez ici à prêcher, messieurs les savans, sans tant user de propos. NERON. Que pensa cette pauvre dame? QUELQU'UN. Que ce prêtre fût insensé. Aussi ressembloit-il mieux à un fou qu'à un moulin à vent. La pauvrette étoit en douleur extrême: & encore plus, depuis qu'elle eut reconnu le grand amour que son mari lui portoit, ce dont elle avoit été ignorante; & elle l'apprit un an devant qu'elle l'en interrogeât. Une après-dînée qu'ils devisoient, son mari & elle, elle s'avisa de lui dire: mon mignon, je te prie de me dire si tu m'aimes bien. Oui vraiment ma mie. Comme quoi, mon coeur? Comme un bon chier, ma chere soeur. Vraiment, vous ne faites gueres état de moi. Il remarqua ce dédain, & délibéra y pourvoir. Un jour qu'il avoit affaire aux champs, il dit à sa femme qu'il desiroit qu'ils allassent ensemble; à quoi elle s'accorda: il la fit lever plus matin que de coutume, & que nature n'avoit encore apprêté les matieres de l'élection, si qu'elle n'alla point à ses affaires, joint aussi qu'il la hâta fort. Ils monterent à cheval, lui sur son roussin, & elle sur le bon mallier, avec le valet qui la guidoit en croupe, lequel valet étoit avisé de ce qu'il devoit faire. Comme ils eurent passé deux lieues, la dame eut envie de fianter; mais le valet lui dit qu'il n'osoit s'arrêter, & qu'il se falloit hâter; si qu'elle se retint, & si bien qu'à l'arrivée elle se sentoit assez pressée de faire ses affaires; & ce fut tout que d'aller jusqu'au purgatoire, où elle s'évacua abondamment, & avec tant de volupté, qu'elle se souvint de l'amitié que son mari lui portoit. Parquoi, étant revenue, elle dit: a, a, mon ami, je connois bien assurément que vous m'aimez beaucoup; je l'ai tantôt expérimenté, & crois qu'il n'y a rien si bon qu'un bon chier. Même j'ai été en grand'peine; je suis fort marrie que je n'avois du papier pour me torcher le cul; je vous assure que je vous l'eusse bien gardé, tant cela est bon. L'AUTRE. Elle eût fait comme une demoiselle de Saumur, qui est si bonne ménagere, qu'elle fait à deux fois d'un torche-cul; après que le premier coup, elle s'est torché le cul, elle reploie le papier en sa pochette, où il y a de la dragée pour les mignons, qui fouillent aux pochettes des dames, pour avoir de la friandise, comme tu disois tantôt. POSTEL. Fi! je crois que cette est l'occasion, pourquoi les Turcs ne se torchent pas le cul de papier, d'autant qu'ils sont friponniers; & ils enrageroient, s'ils trouvoient ainsi ès pochettes des dames des papiers breneux. SIMLER. Tu as dit vrai; tu t'y prends comme un moine à fouler vendanges; tu l'entends comme une guenon à faire des fagots: si la tête vous fait mal, ce ne sera pas de cela. Je vous dirai la raison, pourquoi les Turcs ne se torchent point le cul de papier; c'est de peur que ce papier ne soit une bulle du pape, ou quelque relation de consistoire, ou conclusion de chapitre; de quoi si l'on s'étoit éflairé le fondement, sans doute on auroit les hémorrhoïdes, ce que les Turcs craignent beaucoup: d'autant qu'ils croient que l'ame est au sang, & que le sang coulant ainsi par le cul, leur ame seroit toute breneuse. CATON. Les pauvres Turcs avoient bien affaire que vous les tinssiez en vos contes. Mais, puisque vous en parlez, à quoi connoîtriez-vous un Turc d'un chrétien, s'ils étoient tous deux tout nuds? GESNER. Et vous, à quoi connoîtriez-vous une vache au milieu d'un troupeau de brebis? CATON. A le voir. Çà, çà, répondez à ma question. SIMLER. Je vous le dirai bien; c'est qu'il faut sentir au cul, celui qui aura odeur de moust, sera le chrétien; d'autant que le Turc ne boit point de vin. INSTANCE. XI. L'AUTRE. Je suis bien aise que vous êtes venus sur ces différences. Dites un peu quelle différence il y a d'une femme à un prêtre? Ce sont gens de robe longue. Je n'en sais rien. Ni moi aussi. Ni moi itout. A, a, je vous le dirai: c'est que les prêtres mettent leurs amis sur leurs têtes; & les femmes mettent leurs amis sur leurs ventres. CARDAN. Si le roi défunt eût su ces différences, il n'eût pas été en peine de demander au grand prieur ce qu'il pensoit d'un beau cheval, qu'on lui vouloit vendre. Le roi lui faisant voir ce cheval, lui dit: monsieur le grand prieur, que dites-vous de ce cheval? Voilà un beau cheval, sire, & qui fera bon service. On me le veut vendre pour Turc; & je vous prie: vous qui vous y connoissez, de m'en dire votre opinion. Quoi! pour Turc? Par la double bierre des pays bas, sire, il est chrétien, comme vous & moi. Afin que vous ne soyez plus abusé, nous rîmes, ce jour-là, tout notre saoul; & monsieur le grand prieur fit, au soir, un trait autant plaisant, qu'il avînt de long-temps à la cour. Je remarquerai un peu le temps. On portoit des bas à attacher; & n'avoit-on qu'un beau petit culot, si que les fesses paroissoient abondamment, & la mere des histoires étant soulevée d'un pont-levis fait en fonte. PLATON. Qu'est-ce que la mere des histoires? L'AUTRE. Foin, que d'ignorance! C'est la pochette qui contient les histoires, c'est la couille. Voilà une grande difficulté! Qu'il faut peu à ces philosophes, pour les faire badiner! Nous étions en la grand-chambre d'après la salle du château, & monsieur le grand prieur faisoit un état d'une belle épée de damas qu'il avoit. Le roi lui dit qu'il ne croyoit pas qu'elle fût si bonne qu'il disoit. Là-dessus le roi la prend, & ainsi nue la considere: vraiment, dit-il, cela ne coupe point. Quoi! dit le grand prieur, sire, j'en couperai, d'un revers, une douzaine de flambeaux. Le roi dit: vous ne sauriez seulement couper cettui-là, que voilà sur le bout de cette table. Cette parole ne fut pas si-tôt dite, que le grand prieur va vers ce flambeau, & d'un revers la coupe en deux. Il y avoit le baron de Sault avec ses fesses, dont le proverbe en est venu, qui tendoit beau cul, sans y penser. La fin du coup va roide à son cul, d'autant qu'il étoit ainsi tourné parlant à d'autres; & partant il eut le cul coupé. Ha! ce dit-il, monsieur, qu'avez vous fait? Vous avez gâté mon haut-de-chausse. RENÉE. Vraiment, ce cul coupé n'eût pas lors serré les fesses de peur de péter. ASCLÉPIADES. Vraiment non, non plus que Margot de chez nous, qui passoit par la salle, en portant un oeuf à madame; comme elle fut au milieu de la salle, elle nous salua; & en cette action, elle eut faim de faire un pet, c'est-à-dire envie ou desir, (ainsi qu'on dit à Paris, j'ai faim de pisser, soif de chier.) elle voulut serrer les fesses de peur de peter; elle fit tout au rebours. Je vous assure qu'elle serra si fort le poing, qu'elle creva l'oeuf; & ouvrit tant les fesses, qu'elle fit un gros pet. Quoi! vous petez, lui dis-je? Vere, monsieur, dit-elle, c'est que j'ai mangé des pois. NERON. C'étoit donc une _fausse guenippe_. ASCLÉPIADES. Oui, elle avoit étudié avec celles muses Aganippes, d'où vient ce bel épithete. CICERON. Dites-vous un _épi de tête_? C'est une corne de cocu. ASCLÉPIADES. N'allez point chercher d'équivoque: cela est défendu par la pragmatique sanction. Ainsi que disoit un chanoine, disant: messieurs, depuis qu'il vous a plu me recevoir indigne chanoine, comme les autres, je n'ai point ouï parler que la pratique de l'ascension nous fût contraire. GRATIAN. Une dame du même pays, ayant un panaris au doigt, ainsi qu'elle l'avoit ouï nommer au chirurgien, parlant de son mal à ses commeres: hélas! disoit-elle, ma mie, j'ai le mal de _paradis_. BEZE. La voilà, là, là, l'ance à monsieur; vous me mettez là-dessus. Le coq de notre paroisse voulant dire, à l'évangile: _gloria tibi, domine_; faisoit le docteur, & disoit: _gloria edit homines_; (ha! ha, ha; hem, hem, ho, ho) puis regardoit si on le voyoit. BUCANAN. Il étoit d'une race de gens assez fins pourtant, témoin son cousin germain, qui étoit curé du même village, auquel village depuis n'aguères on avoit fait un crucifix tout neuf, & on avoit mis le vieil au grenier du presbitere. Le curé, qui desiroit de manger d'une bonne oie, l'avoit fait engraisser, tuer & mettre à la broche, pour cuire, toute farcie. Or, pour épargner son bois, il avoit mis le vieil crucifix au feu; &, conscience le dévorant, ne l'avoit voulu rompre, si qu'il le mit tout entier au feu, & laissa son petit neveu rôtir l'oie, c'est-à-dire, tourner la broche. Quand le bras du crucifix fut brûlé, le corps tombe, la tête sur le rôti, & le petit garçon de se lever & courir à l'Eglise, où il va crier: mon oncle, mon oncle, cet homme que vous avez mis dans le feu mange notre oie. AGATOCLES. Qui connoît mieux ce curé que moi? Un jour, je dînois chez monsieur du Mesnil, celui que monsieur de Gué-Hébert fit porter, par le diable, avec sa femme, dans un champ à deux lieues de sa maison. Le curé dîna avec nous; puis en diligence s'en retourna; & aussi tôt nous ouimes sonner les cloches, comme pour un nouveau miracle. Le fait est tel, ainsi que nous savons expédier briévement avec grande tirelitantaine de paroles, nous autres Grecs. Un voisin de monsieur le curé lui avoit dérobé une oie & l'avoit mangée. Ce curé l'avoit tant cherchée, qu'il en avoit dépit. Enfin, par confession du paysan, il sut la vérité; & parce que c'est sacrement, il n'y a pas moyen de m'en venger en la découvrant. Pourquoi il délibéra, pour l'attrapper, de lui en faire autant, selon que l'évangile l'enseigne aux gens d'église: si on vous frappe en une joue, baillez une belle & forte jouée en l'autre. ILLIRI. Quant j'étois d'église, j'oyois ainsi interpréter, _inter fratres penes quos est_, l'intelligence des écritures. AGATOCLES. Il fit donc tant qu'il empoigna une bonne, grosse, grasse, ferme, délicate oie du paysan; & se délibéra d'en manger à gogo; cou & tout; & pour cet effet, il la fit dévotieusement cuire au feu presbitéral, comme dit est. Etant revenu de l'église, & délibérant se mettre à table, voilà que monsieur du Mesnil l'envoya querir. Quoi! perdre une repue franche? Ce seroit double perte à un curé; il perdroit ce qu'il mangeroit, & ce qu'on lui prépare. Le curé délibérant d'aller dîner, dit au messager: mon ami, je vais après vous. MAROT. Il ne fit pas si dextrement que maître Macé, le curé de la basse Athene, qui étoit pressé de la noblesse, qui sans cesse venoit chez lui l'écornifler. Un jour qu'il y avoit sept ou huit haubereaux chez lui, il leur fit le meilleur visage du monde. Messieurs, soyez les biens venus; çà, que l'on se dépêche; garçon, au vin, au poulailler, au crochet, à la fuye; serviettes blanches. Disant cela, il mouvoit & prend un surplis qui étoit à part sur une autre robe, que celle qu'il avoit rapportée de l'église; & prenant un bréviaire en sa main, les rendit étonnés. Où allez-vous, monsieur le curé? Je viens incontinent, dit-il, messieurs; je ne ferai qu'aller & venir, tandis que le dîner s'apprêtera, je vais réconcilier un pauvre pestiféré, que j'ai confessé ce matin. Et ce disant, il sortit; & soudain, tout ces guillerets épouvantés sortirent; & de treize semaines, n'y voulurent aller. AGATOCLES. Cettui-ci se prépara pour venir. Or il avoit envie de manger de l'oie, & disoit: je mangerai de l'oie par dépit. De la laisser au logis, il n'y avoit point de moyen, parquoi il s'avisa de la cacher; & pour en ôter la connoissance à son valet & à sa chambriere, il les occupa de message; puis prit les clefs de l'église, & y porta l'oie toute cuite, & la mit en un coffre; puis il cacha les clefs sous une tombe. Le valet, qui étoit au guet, l'apperçut; parquoi, sitôt que le curé eut pris l'air; il s'en vint avec la chambriere & avec un de leurs familiers, & allerent manger l'oie, tant qu'ils pûrent: puis ils dépendirent toutes les images, & les mirent autour de ce coffre, leur ayant graissé le minois & les mains du reste. Il restoit encore une demi-cuisse, qu'ils mirent en la goule du diable qui est sous saint Michel; & s'en allerent, fermant l'huis, & remettant les clefs au même lieu où elles avoient été mussées. Le curé revenu, va droit aux clefs; & les ayant trouvées comme il les avoit mises, dit: je mangerai de l'oie à mon compere. Il entra en l'église; & voyant tant de saints autour de son coffre à l'oie: ô, ho, dit-il; & qui, tous les diables, vous a mis là? Etant approché, & les voyant ainsi gras par le mufle & les mains, & la cuisse à la gorge du diable, la lui arracha, disant: vilain que tu es, je ne me soucie pas des autres; mais toi, j'en aimerois mieux étrangler, que tu l'eusse; & dà, j'en tâterai. Comme il la savouroit, il se va souvenir de sa faute; si qu'il sonna les cloches, pour appeller le peuple pour voir ce grand miracle. PRODUCTION. XII. A savoir si ces valets avoient mal fait. OECOLAMPADE. Non, s'ils l'avoient pris avec action de graces, comme le soldat qui échappa le pendre, aux premiers troubles. Monsieur le prince de Condé avoit fait faire un ban, par lequel il étoit défendu aux soldats, à peine de la vie, de prendre chose aucune. Ainsi il sortit d'Orléans, en huguenoterie pour lors, avec une belle troupe. Il y avoit un jeune soldat, qui au partir étoit à pied, & le lendemain il parut monté. Cela fut rapporté; parquoi il le fait venir devant lui, pour être jugé & livré au bourreau. Sentant cette approche, il fut fâché extrêmement d'être pendu, principalement quand on se porte bien. Il se jette à genoux devant monsieur le prince, & lui dit: monseigneur, s'il vous plaît ouïr ma raison, je vous rendrai satisfait. Dis-la. Monseigneur, nos ministres nous prêchent que tout ce que nous prendrons, nous le prenions avec action de graces. Ayant trouvé cette monture, je me suis mis à genoux, & l'ai prise avec action de graces. Va, va, n'y retourne plus, & ne sois plus larron. BACON. Il ne l'appella pas larron; non da, non de pardieu, il s'en garda bien, d'autant qu'ayant connoissance de beaucoup d'honneur, il savoit bien qu'il n'y avoit pas raison de nommer un homme larron, sans faire tort à beaucoup de sortes de gens, parce qu'il y a des larrons de toutes sortes de sectes, habits, qualités & autres nations de peuple. CUSA. Vous n'exceptez rien. BACON. Non; & si je ne m'en confesserai point. Non, non. CUSA. Bien donc, de ce qu'on n'a point fait, ni eu envie de faire, s'en faut-il confesser? BACON. Allez demander cela au pénitencier. CUSA. Et si je ne sais rien pour lui dire? BACON. Répondez, comme le bon homme de Vannes, qui étoit charron, lequel s'étant confessé, le curé lui dit: dites votre _confiteor_. Je ne le sais pas. Dites votre _ave_. Je ne le sais pas. Dites la patinostre. Je ne le sais pas. Que sais-tu donc? Je sais faire de belles civieres rouleresses; je vous en ferai une quand il vous plaira, & à bon marché. LE BON HOMME. Vraiment, ce fut presque de pareille monnoie que furent payés, à Rouen, messieurs les consultans, qui, ayant fort exactement avisé l'affaire d'un Marin Gautier, & lui ayant déclaré l'avis du conseil, il prit son avocat à part, & lui demanda si messieurs se contenteroient bien chacun d'une signole. _Signole_ est une piece d'or valant moins d'un écu; & signole aussi est ce que nous appellons la roue que font les jeunes garçons. L'avocat pensant aux pieces d'or, dit qu'oui, & que c'étoit honnêtement. Adonc Marin va compter ces messieurs; & ayant mis bas son manteau étendu sur la place, fit autant de signoles qu'ils étoient; & deux pour son avocat, & puis les remercia, & adieu. ILLIRIC. Il paya le talent d'autrui de son labeur. C'est ainsi qu'il faut mettre la piece au trou, comme fit Martin Chouri, qui vint voir le rapporteur de son procès, pour lui montrer quelques pieces qui lui étoient nécessaires, pour le gain de sa cause. Le rapporteur qui avoit été pressé par les parties adverses, qui lui avoient mis ès mains des rouelles de bonne faveur, dit à Martin: mon ami, il n'étoit pas besoin de ces pieces, d'autant que nous avons jugé votre procès. Comment sans ces pieces: Nous l'avons jugé à vue de pays. Et moi, j'en appelle à travers champs. LOUVET. Cet appel eût pu courir bien loin, s'il n'y eût eu montagne ni vallées, ainsi que le disoit messire Marguerin au paysan qu'il confessoit. Le bon homme étoit au lit de la mort; & le prêtre lui prêchoit la résurrection, afin qu'il n'eût point de regret à cette vie; & suivant son propos, lui disoit qu'après le jugement, il n'y auroit ni montagne ni vallée. O! o, dit le paysan, il fera donc beau charroyer. Un peu après aussi, la femme se mouroit; & le prêtre lui disoit qu'elle alloit en paradis, où elle verroit les saints avec lesquels elle seroit: a! ha, dit-elle, il n'est que d'être parmi le monde qu'on connoît. ULDRIC. Elle n'étoit donc pas comme le valet du ministre de Vaivai, au-delà de Lauzanne, qui connoissoit le diable. Un jour qu'il faisoit tonnerre, pluie & tempête, & que le monde étoit, un dimanche au soir, aux prieres: voilà un éclat de tonnerre qui donna; & au même instant un pauvre ramonneur de cheminée, pour éviter le danger & la pluie, se jette dans le temple. A son arrivée, chacun le voyant si noir, s'enfuit. Il voit le monde fuir, il fuit aussi après. A la sortie, & qu'il étoit le dernier, il arrête ce valet, qui aussi étoit le dernier des autres, & lui demanda ce qu'il y avoit. Le pauvre valet lui dit: hélas! monsieur, ne me faites rien; je vous connois bien. Et qui suis-je? Vous êtes monsieur le diable, à qui dieu donne bonne vie. GAGUIN. Il étoit aussi fin que le Genevoisien qui étoit en garde avec quelques François à la porte neuve. Un des François, revenu de sentinelle, se jetta sur le lit de bois pour se reposer: ce Genevoisien étoit auprès. Avint qu'en dormant le François va faire un pet, sur quoi l'autre se va écrier: au diantre soit la couvaye, le chancre la puisse ronger! Ils disent qu'ils sont ci venus pour l'évangile, & ils petent comme poirs, c'est-à-dire, pourceaux. ARNOBE. Cela se rapporte comme le moine qui mene un diable en lesse, disant ses heures, le tout en peinture, qui dit: telle est la génération de ceux qui cherchent la face du dieu de Jacob. Je l'eusse dit en latin, sans que le diable qui s'en formalisa, dit tout haut en bon françois, par la bouche d'un procureur qui voyoit cette figure aux augustins de Tours, où le grand conseil tenoit: si le diable avoit des peintres, on verroit plus de peintures de diables menant des moines en lesse, que des moines y menant des diables; encore qu'il y ait, comme il se comptera à la fin du monde, un tiers plus de moines que de diables pour les amuser. CÉSAR. Je pense que vous rêvez de parler ainsi. SOZOMENE. Non fait, il ne rêve pas. Il est comme le sire George, qui étoit fort malade; & sa femme avec quelques siennes commeres le réconfortoient; & comme elles voulurent essayer s'il les connoissoit, l'une dit: hé bien, mon compere mon ami, nous connoissez-vous bien? Oui. Qui sommes-nous? Vous êtes toutes des plus fortes putains de Blois. Ardez, ce dit l'une, il rêve. Vraiment non fait, dit sa femme, il vous connoît bien. RONDELET. J'y étois; je le pançois, j'en ris assez; & encore plus, quand les dames y étant pour le renforcer, l'incitoient d'avoir courage. Madame la gouvernante y étoit, qui lui disoit: or ça, courage, sire George; là, il faut prendre quelque chose. N'avez-vous rien pris aujourd'hui? Il répondit: sauf votre grace, madame, j'ai pris une puce à la raie de mon cul. CÉSAR. Je crois qu'il étoit fou: le saffran de sa boutique lui avoit altéré le cerveau. RONDELET. Encore dites-vous vrai, témoin monsieur de Vendôme, qui étant malade & dégoûté, vouloit manger du ris; ce que disant à son médecin, il le lui accorda. Le prieur ajouta qu'il eût bien voulu qu'on y eût mis du saffran. Bien, dit le médecin, mais il n'y en faut gueres. Non, répondit le prieur, il me feroit mal: & de fait, je vis un jour un cheval qui en étoit trop chargé; il en devint fou. MAROT. Estimez-vous pour cela que ce seigneur fût fou? Non, pas du tout; mais il tenoit un peu de la féve. Et c'est ce que notre Pythagoras nous enseigne, disant: gardez-vous ou abstenez-vous de féves: c'est-à-dire, d'être fous, ou d'en faire des traits. Je ne sais pas quel fou étoit cet abbé, mais j'ai retenu de lui des maximes notables. EXPLOIT. XIII. Pour parenthese, je vous dirai que c'est de lui que je tiens qu'il y a au monde quatre nations anagogiques aux quatre mendians de l'hôpital, qui sont poux, puces, morpions, punaises. ULDRIC. Voici qui est beau. MAROT. Ecoutez; tantôt nous rentrerons bien en propos, à droit ou à gauche. Là, cher ami, je vous prie. Les poux sont les Allemands, qui mordent & mangent, & se laissent assommer, ainsi que les Suisses, sans s'avancer. Les puces sont les François, qui sautent & n'ont point d'arrêt, & laissent des marques par-tout où ils vont, ainsi qu'on le voit par-tout; mais ils n'y sont pas. Les morpions sont les Espagnols, qui se sapent ès places si bien, que, si on les peut ôter, c'est piece à piece. Les punaises sont les Italiens, qui empuantissent tout de leurs inventions de danses & belles farfanteries qui infectent le monde. NERON. Que deviendront les autres nations? MAROT. Je les recommanderai aux cordeliers réformés, ministres, jésuites & telles gens de l'autre monde nouveau. CÉSAR. Mais où en étions-nous? PARACELSE. Sur les diables familiers, ce me semble, ou quelque chose de diablerie: c'est tout un. RONSARD. Si vous avez perdu la mémoire, je vous dirai une jolie aventure, pour vous reguiser la mémoire. Ceux de Benest & d'autour devoient aller au marché à Bourgueil; & quelques-uns s'étant donné but pour partir de bonne heure, il y eut un serrurier qui se leva plus matin que les autres, & voyant que ses compagnons ne se vouloient point lever, se mit en chemin. Ayant fait plus d'une lieue, & avisant qu'il étoit encore trop matin, se voulut reposer. Il échut qu'il se va jetter à quartier sous une potence, où depuis quelques jours on avoit attaché un larron, qui gambadoit en évêque champêtre. Le serrurier s'endormit très-bien. Le jour venu, ceux qui alloient au marché passant par-là, il y en eut de joyeux qui dirent qu'il falloit appeller ce pendu. C'est bien dit. Hau, compagnon, hau, hau, veux-tu pas venir? Il y a assez que tu es là. Le dormeur qui étoit à bas, qui ouit ce bruit, s'éveilla, & répondit: oui, oui, hau, hau; je vais, attendez-moi. Ces passans se trouverent surpris extrêmement, & s'enfuirent, cuidant que ce fût le pendu qui eût parlé à eux; & le serrurier de courir après. Eux, oyant ses ferremens, pensoient que ce fût la chaîne du pendu; parquoi ils s'enfuient: le serrurier appelle & plus il appelle & court, & plus les autres tout épouvantés s'enfuient, & ne cesserent de courir, qu'ils ne fussent à Bourgueil. SIMLER. Or ça, nous voilà au marché, qu'acheterons-nous? ZANCUS. Achetons des moutons & des poules, pour les payer au seigneur Breton, auquel on doit, par aveu bien écrit, trente moutons lainés, couilleux, cornus, & vingt poules avec leur sauce de ménage: voilà qui est bon, tout sert en ménage. RENÉE. Oui da. Mais quelles sont les plus grandes nécessités ou pauvretés du ménage? Je ne sais. Ni moi aussi. Ni moi. Je vous les dirai, & les retenez. Je parle comme la bonne femme, à la porte de laquelle on avoit chié, & s'en plaignant à un sergent, lui dit: monsieur, je vous en embouche le premier; ardez, si vous m'en faites avoir raison, je vous promets de vous en faire bonne chere; & vous ayant satisfait, nous en ferons chez nous un bon repas. La premiere pauvreté & nécessité, c'est quand on brûle le balai, par faute de bois. La seconde, quand par faute d'autre pâte on fait cuire le levain. Et l'extrême, quand, par disette de linge, on torche le cul aux enfans avec la langue. Vous sentez qu'il faut être marié; autrement cela n'auroit pas lieu par-tout. BEZE. O! ne vous abusez pas. Ceux qui ne se marient qu'au mariage du diable, ne laissent pas d'avoir des enfans; parce qu'ils font la cause pourquoi. ASCLÉPIADES. Ne parlons point de cela; nous ferions des querelles. Et puis, mon ami, les parfaits sont aux cieux. Demeurons en terre, tandis que nous y serons bien. Donc nous converserons avec les femmes mariées; & pour l'amour de si belle conversation, je vous dirai qu'une dame de Paris, d'auprès le coin de la rue Aubri-le-Boucher, avoit trois filles, qu'elle maria en un même jour; & le lendemain, voulant savoir si ses filles étoient femmes, elle les prit à part, & leur dit: or ça, mes filles, nous voici toutes femmes; il faut tout dire: je veux savoir laquelle est la mieux de vous, ou si vous êtes bien toutes trois. Là, dites-moi, quel cas ont vos maris? L'aînée dit: ma mere, mon mari l'a menu, mais il est long. Bien! voilà qui est bon, quand la cuillier va jusqu'au fond du pot. La seconde dit: mon mari l'a court, mais il est gros. Cela est raisonnable, lors que la cheville emplit le pertuis. La jeune: mon mari l'a petit & menu, mais il me le fait souvent. C'est ce qui est propre, & est grand heur d'avoir petite rente qui vient toujours. Or devinez laquelle est la mieux mariée; & vous souvenez que l'outil de mariage est le plus sale drogueux de tous, parce qu'après avoir bien pilé en son mortier, il crache dedans. FRACASTOR. Une fois, étant à Paris, je discourois familiérement avec une maquerelle. Je lui demandois quels membres virils étoient les meilleurs. Elle me montra que tous ses doigts entroient en un de ses naseaux; & qu'ainsi les cas des femmes sont selles à tous chevaux. BEROALTE. Ne le prenez pas-là, joint que Mathurin de Blere ne vous le concédera pas, vu qu'il ne put presque jamais dépuceler sa femme; & sans la fourchette de saint Carpion, jamais il n'en fût venu à bout. LE BON HOMME. Boivons un coup, puis nous saurons cela. Boivez-vous des coups? APICIUS. Oui, d'autant que cela, c'est-à-dire boire, va à coup & se serre délicieusement: je dirai une volte, si vous voulez; aussi je la bois mieux que je ne la danse, _& audaces fortuna juvat_; cela veut dire, que qui chapon mange, chapon lui vient. Ceux qui sont un peu malades, & se renforcent à boire & à manger, guérissent; aussi l'on ne meurt que faute de boire & de manger, & bref de s'abstenir de faire les vertus cardinales. PARACELSE. En bonne finte, doncques maître François me vouloit faire prendre courage & esprit; parce que qui a bon esprit, il boit & mange bien. Je le priai de me donner une recette, pour m'empêcher de devenir gras, comme l'étoit Fouillez de Tours; il me dit que j'ouvrisse les yeux & fermasse la bouche. C'étoit cela pour m'accommoder. DIOSCORIDES. Il ne vous eût point fallu de fourchette pour établer vos morceaux. Mais à propos de cette fourchette. BEROALTE. Il y avoit de mon temps, à Nevers, un bon personnage, qui cherchoit la pierre philosophale; depuis sa mort on l'a fait saint, & nommé Carpion. Ce bon homme donnoit des eaux, (comme celui qui avoit fait un enfant à une belle demoiselle, dont elle avoit été délivrée, & le fait fort secret, ce qui a paru, parce que depuis elle a été bien mariée au fils d'un bailli. Le soir des nôces, cette demoiselle parlant à son ami qui lui avoit aidé à faire cet enfant, lui disoit: j'ai peur que cet homme ne s'apperçoive de la dilatation de mon cas. J'y ai pourvu, dit-il; envoyez, ce soir, votre laquais; & faudra qu'il me vienne demander de l'eau pour les yeux. Je vous envoierai de l'eau qui le rendra si étroit, qu'il n'y aura pas quasi moyen d'y passer un filet. Ce conseil pris, le laquais alla quérir l'eau, & l'eut; & l'apportant, il pensa en soi-même que souvent il avoit mal aux yeux, & que l'on ne lui en donneroit pas, parquoi qu'il valoit mieux qu'il en prît; ce qu'il fit, & s'en frotta les yeux, qui se serrerent, si fort, qu'il fût demeuré là qui l'y eût laissé). Le bruit de ce bon personnage étant grand pour tel effet, il avint qu'il y eut un jeune homme (c'est celui dont vous avez parlé, ou tout autre, c'est tout un) marié avec une bourgeoise. Ces deux étoient encore fort jeunes, & ne savoient rien du manége de concupiscence: tellement qu'ils se mettoient, sans rien faire, l'un sur l'autre. La mere de la nouvelle mariée lui demanda, un jour, comment elle s'en trouvoit; & si son mari avoit fait ouverture à sa nature. Elle lui dit que non. O! ma mie, il faut aller à monsieur saint Carpion, & lui demander de l'aide. La belle y va, & lui fit sa plainte. Il lui demanda si son mari avoit des pendillantes au bas du ventre. Elle dit qu'oui; mais que ce qu'il y avoit en forme d'écritoire étoit si vif, & se levoit si fort contre le nombril, qu'ils n'en pouvoient rien faire. O bien, ma mie, venez ici sur les quatre heures du soir. Le bon personnage fit son apprêt. Et la belle étant revenue à sa mere, lui dit: en da, ma mere, nous serons bien heureux; ce bon homme nous fera grand bien. Je vais vîtement le voir. Etant arrivée: bon soir, bon soir, monsieur: avez-vous eu le plaisir de songer en moi? Oui, ma mie; tenez, voici une fourchette qui est de franc-coudre. Voyez; elle est enveloppée & sacrée en ce papier; emportez-la; & quand vous serez au terme de vous coucher, recommandez-vous à dieu, vous & votre mari: puis étant tous deux tout nuds, faites-le mettre à genoux entre vos jambes; & ce qu'il a qui se joint si ferme au nombril, abbaissez-le en le poussant avec cette fourchette, tant qu'il soit à droit de ce petit pertuis, que vous avez au bas du ventre. Allez, ma mie. La jeune bourgeoise ainsi instruite, ne faillit en rien; si qu'elle & son mari trouverent le point qui leur fit grand bien; & tant s'y accoûtumerent qu'il ne leur fallut plus de fourchette. Parquoi, avec un petit présent d'une ceinture, que les fileurs de soie nomment un _cude_, elle reporta la fourchette au bon pere, lui disant qu'elle étoit bien tenue à lui, & qu'ils n'en avoient plus affaire; que le cas se baissoit assez, sans aide que de la main. Le sage lui dit: gardez-la, ma mie, gardez-la; elle vous a servi à le baisser à cette heure qu'il est jeune; elle servira à le lever, quand il sera vieux. SUITE. XIV. ARNOBE. C'est belle chose d'avoir de la mémoire: vous avez parlé d'intérins. Que ne nous avez vous dit ce que c'est; s'ils sont d'Allemagne ou d'autre part. ASCLÉPIADES. Attendez; & vous le saurez. Je n'avois garde ni autre d'en parler, sans l'avis de nos maîtres: & pource, belles entendoires, souvenez-vous quand nous fûmes à Rouen avec notre roi; & que ce bon archidiacre, lequel est notre maître entre les médecins, nous traîta. Il fit ce banquet à nous autres, qui sommes conseillers du roi en médecine. Ainsi il y en a de conseillers en finances, en maçonnerie, en fontainerie, en tavernerie, & comme vous diriez en rufiannerie. _Celate verba._ NÉRON. Ce sont mots dorés & notables; ne les contaminez pas. ASCLÉPIADES. C'est cet homme d'église qui est cause que j'ai fianté ainsi du latin par la bouche. C'est un _miserere mei_ d'éloquence, qui me fourgonne la mémoire. Ce noble archidiacre nous fit le conte de son aventure. Ainsi que madame étoit très-malade, & que l'on pensoit qu'elle expirât, environ la minuit, on vint appeller monsieur le docteur, qui se jette du lit; or a-t-il une coutume de dormir sans chemise. Vraiment il n'avoit garde d'y penser, d'autant qu'il n'étoit pas dedans. Il se leve en sursaut, pour aller secourir madame, il met sur ses épaules le manteau de son valet, premier trouvé, (j'ai quasi dit _venu_, comme le disent ceux qui sont du pays où tout va & vient). Le manteau ne lui passoit pas le nombril; & ce personnage entra en la chambre, où prêtres, gentilshommes, dames & autres étoient. A son entrée, tout chacun se mit à rire; & lui s'écriant, dit: ha! mauvaises gens, vous êtes sans amitié, sans douceur & bonté. Voilà madame qui se meurt; & vous riez! Est-ce la pitié qui vous doit émouvoir? Plus il prêchoit la désolation, plus les autres rioient. Et madame, qui revint à ce bruit, eut la même vision que les autres, s'en prit si fort à rire qu'elle fit un pet & fut guérie; & en cet excellent changement, lui dit: mon pere, cachez votre vit, il me fait rire. SAPHO. Ainsi qu'il avint à notre métayer, qui se mettant à goûter, voilà mademoiselle de Launai qui le vint voir, & s'assit sur une mote de cailloux; & comme négligemment elle se tenoit: parlant à lui, une jambe baissée & l'autre haute, il voyoit son cela, & ne lui répondoit qu'à demi. A donc il lui dit: mademoiselle, cachez votre con, il m'empêche de goûter. LE MINISTRE. Mais ces intérins? L'ENFANT. Or bien, sachez qu'il y a des dames à Paris, & autres lieux où il y a des cours souveraines, qui ont liberté de se prêter, d'autant que là, & autre part, il y a liberté de fesses, comme il appert par les priviléges de Bourges, Tours, & autres lieux, où les chanoines ont des garces, ainsi qu'ailleurs; les dames étant mariées à gens qui ont des affaires, comme en ont messieurs de la cour des comptes, & autres dont je ne parle ni ne cuide parler, d'autant que si je crois qu'il y ait entr'eux quelque homme de bien, & que je le die, ce ne sera pas sans dépriser les autres, auxquels je ne veux faire tort. Mais parce qu'ils sont bien connus, je le propose, afin que par eux on juge de ceux qui ont des négoces. Les femmes de ces empêchés, voyant & connoissant que leurs maris n'ont pas loisir de leur faire choses & autres, ont de beaux jeunes hommes à la maison, qui font ce qui est à faire, pendant que monsieur n'y est pas: & parce que cette coutume commença du temps des sénateurs de Rome, le nom latin leur en est demeuré encore. Et puis quand monsieur le procureur vient harassé comme un marayeux, en entrant, il voit sa femme, & lui dit: bon jour, trognon. Bon jour, mon ami, dit-elle. Et bien, ma fille, dînerons-nous? Oui, mon ami. Je m'en vais à la messe, & un petit à confesse quelquefois, où elle est jusques après vêpres. Et puis dis que tu en as, homme de peine, pour en amasser à telles friquettes. SACERDOS. Mais que disent-elles à confesse? MINISTER. Ce qui leur vient en la bouche. L'AUTRE. O! & leur vient-il quelque chose? Je pensois qu'il n'y vînt rien que quand on y porte. MINISTER. Voire, vous voilà aussi étonné que le mari de madame Jeanne, servante de monsieur de Bourges, qui fut mariée à son argentier. Ce gars, la nuit des nôces, lui disoit: Jeanne, ma mie, tu as le con bien grand. Oui, dit-elle, vous voilà bien empêché! Il en faut louer la moitié. Si j'en suis étonné ou empêché ce n'est pas sans cause, vu que souvent les hommes ne savent que dire, non plus que celui de tantôt, qui ne savoit rien faire que des civieres. VALDEN. Je fus bien empêché, confessant, un jour, un jeune Breton Vallon, qui, en fin de confession, me dit qu'il avoit besogné une civiere. Quoi! lui dis-je, mon ami, ce péché n'est point écrit au livre angélique d'enfer, nommé la _somme des péchés_, qui est le livre le plus détestable qui fût jamais fait, & le plus blasphématoire, d'autant qu'il est dédié à la plus femme de bien. Je ne sais quelle pénitence te donner. Mais non, mon ami, quel goût y prenois-tu? Monsieur, bon & délectable. Quoi! est-ce une civiere rouleresse, ou à bras? Monsieur, elle est à bras, & à bran, & à bouche: c'est une vendeuse de cives. Ha! de par le diable, je pensois mal; va, mon ami, va, ne peche plus. LE DOCTEUR. Cette civiere étoit-elle femme de bien? Je ne le demande pas sans cause, pource que je ne sais que vous faisiez, parce que mon confesseur me demanda, un jour, si je n'avois jamais paillardé à autre qu'avec ma femme. L'ÉCOLIER. Quelle différence y a-t-il entre les femmes de bien & les autres? LE MAÎTRE. Vous avez tort, il ne faut pas les mêler, il n'y a point de comparaison. Paix-là, paix-là, paix. L'ÉCOLIER. Voire; mais de parler des femmes de bien je ne l'endurerai pas; ma mere l'étoit. LE MAÎTRE. Encore pis, tu me feras gâter. Vois-tu? Les femmes de bien baillent, ou font bailler, ou ont qui baille de l'argent pour leur faire, & en faut bailler aux autres. L'ÉCOLIER. C'est pourquoi elles ont plus de liberté, comme celle qui, à souper, vit que son mari ne lui avoit point donné de veau; & il coupoit un oison. Elle lui dit: mon mari, je vous prie, ne faites pas-là de l'oison, comme vous avez fait du veau. A, ha! he, hi, hi, e e e. Etant sur ces entrefaites, voici entrer Frostibus, lieutenant-général de tous les diables, auquel on avoit interdit la porte; mais madame lui avoit fait ouvrir, d'autant qu'il étoit bon diable. Il vint, gai & gaillard, mettre les deux mains sur les épaules de Luther, & lui dit: & bien, monsieur de l'autre monde, quoi! que dites-vous des gentillesses que nous avons faites par-delà, en notre enfance? Tais-toi; lui dit ce vieil rêveur Stumius, tu n'es pas sage, tu découvres le pot aux roses, tu déclares les secrets du métier. Mais, dit-il, par ta foi, pauvre mélancolique, si tu es plus homme de bien que les autres, va te faire brûler en quatre quartiers, comme vrai martyr des quatre religions. Or bien, messieurs, encore un coup, boivez, ne me tenez gueres. Je vais en Flandre, pour copuler les états. Que voulez-vous savoir de moi? LUTHER. Tu es importun. Nous ne nous soucions plus de toi; va à tous les diables, & nous laisse. Sinon, va à ce nouvel abstracteur de quintessence qui te fasse griller, comme tu as fait rôtir de mes bons disciples. FROSTIBUS. Ha! ha, par ma foi, je suis tout réjoui. Savez-vous un poinct, mes bons seigneurs? En quelque pays où il y ait une des quatre religions établie, je fais déclarer hérétiques, comme fromage de Milan, ceux qui n'en sont point; & puis on les grille; & cela vient bien à mon goût, d'autant que le fromage grillé est plus voluptueux au palais que l'autre. Mais laissons cela, ce n'est pas ce qui m'amene: je suis venu ici pour vous prier, mon Luther, mon capitaine, mon ami, de me faire la faveur qu'il n'y ait plus personne damné. Tous les diables vous en prient; & sera bon, s'il vous plaît, d'y prendre garde, de peur qu'enfin les maréchaux des logis d'enfer n'aillent en purgatoire marquer par-tout pour nous loger. Et dà, il en est besoin, d'autant qu'il y a déja tant de damnés en enfer, que les pauvres diables couchent dehors; & ainsi vous y aviserez, & je me recommande à vos bonnes graces. Je m'en vais. Je n'oserois être ici plus long-temps, de peur de devenir hérétique ou papiste. Que si cela avenoit, je serois perdu. Les financiers & bon conseillers des rois & princes ne feroient plus état de moi, parce qu'ils ne font pas cas de ceux qui sont fermes en une religion. DÉFAUT. XV. Ayant dit cela, il s'en alla: & fut dit que qui que ce fût, qui heurteroit, demeureroit dehors, s'il n'étoit de l'une ou de l'autre religion, _ex professo_: & te va faire loger, pauvre diable. LUCRECE. Mais s'il y venoit quelque gueule, lui refuseroit-on la porte? PONTANUS. Ces poëtes phantastiques ont toujours quelque allégorie. Que veux-tu dire par ces gueules? LUCRECE. Hé! pauvre fat, ne sais-tu pas bien que nos garces, que l'on appelle putains à Paris, & nos soeurs ès cloîtres, sont de vraies gueules. Aussi, je dis que, s'il vient ici des gueules, il les faut laisser entrer ici, d'autant qu'elles sont bonnes papistes, quand par dévotion elles le font avec les gens sacrés; & bonnes huguenotes, lorsqu'elles ne discernent point les jours. Ces deux sortes de gueules sont comme les avaleurs d'huîtres; elles vivent de viandes vives & crues. Mon doux ami, tu t'en es tant escrimé, que les mains te tremblent. Qui joue des reins en jeunesse, ils tremblent des mains en vieillesse. LOCRUS. Disant cela, je me ressouviens que vous n'avez pas tantôt résolu qui étoit le meilleur; bien que vous eussiez dit que l'abbesse avoit résolu qu'il n'y en avoit point de grands. AXIOCUS. Cela est bon. L'abbesse de Long-champs m'a appris ce qui en est; me demandant sur cette résolution ce que j'en pensois: & je lui dis que c'étoit à elle, s'il lui plaisoit, à m'en éclaircir. C'est, ce me dit-elle, celui qui est dur & dure. Voire, mais dis-je, madame: il ne peut toujours durer. Non dà, dit la bonne mere, & c'est pourquoi on ne nous donne pas les états de judicature, à cause que nous résistons au droit, & l'anéantissons. LUCRECE. La dame qui ouit dire à un docteur proférant _ponendum jus_: ho, ô, dit-elle, vous aurez menti, je ne ponerai pas jus, je suis femme de bien. C'est la raison pour laquelle monsieur de la Saulaye marioit ses filles jeunes; & quand on lui demandoit pourquoi, il disoit: j'aime mieux qu'il leur cuise, qu'il leur démange. SOCRATES. Vraiment, je n'y saurois que faire: il y en a à ce bout de table, qui disent possible les mêmes choses que nous disons ici: mais il les enfilent d'autre sorte: je vous prie, vous qui les oyez, prenez-y garde, pour les ôter de ces mémoires & y mettre vos intentions; & vous pour le premier qui le ferez, serez mis au catalogue des bons esprits, c'est-à-dire, vous serez déclaré bête de bon esprit. Or sur-tout prenez garde à quelques petites gentillesses qui sont ici réduites, & les calculez avec leur distance; &, sous cette proportion, vous trouverez un grand notable secret; excellent mystere, & mystérieuse excellence. DIOGENES. Il m'est échappé de vous dire cela; le diable me l'a tiré du cul, pour le mettre en votre bouche; faites-en votre profit, comme d'une belle & joyeuse vrille de bois. LE BON HOMME. Et bien, boivons, & me donnez un petit de cette croûte de pâté; ce que j'en fais est pour épargner le pain. Mais à propos, qu'est-ce qui épargne plus le pain en une maison? CHOSE. E! hé, quel voyage, ma grand'tante; & qui êtes-vous, chouse? C'est la miche, & le gâteau, & le tourteau, & la fouace, & le biscuit. Cela me fait souvenir qu'étant à Blois avec mes amis, à faire bonne chere, durant les états. BEZE. Gare le concile. PETRUS DE ALVER. Pourquoi? BEZE. Parce qu'aux nôces les huguenots furent attrappés à Paris, à la S. Barthelemi. Aux états, les ligueurs furent contaminés, environ noël. Et s'il avient un concile, au diable le couillon restant de ces sortes de gens qui gâtent tout. CHOSE. J'étois donc à Blois à me rigoler comme un pere; & mes amis qui me gratifioient, me traiterent douze jours de bons vivres, & ne me présenterent point de pain; ils ne me donnerent que de la miche. Ce fut au temps même que la pauvre Ragonde, fille du commissaire Chotard, se trouva grosse: & comme son pere s'en fut apperçu, il lui fit quelques remontrances, disant: comment, ma fille, qu'avez-vous fait? En dà, mon pere, je ne pensois pas que si peu de chose me pût ainsi aventurer. O! vilaine que tu es, je crois qu'il te faudroit donc un fourgon. SPARCIPPUS. Je n'étois pas-là; mais à Montauban, ou à Beziers, où j'oyois maître Florimond le menuisier, qui tançoit sa femme de ce qu'elle étoit ivrogne; & lui remontrant gracieusement pour l'induire à pénitence, lui dit: en dà, ma mie, ma femme, j'aimerois mieux que tu fusses un peu putain. Elle lui répondit: _carabous, carabous le meo marita tout attingueren, de tout ferem, un poque_. APULÉE. Hé! gué, tout ira bien, j'en aurons; & puis on trouve à Paris pleine chemise de chair vive pour cinq sols au rabais. POGGE. Celle de la dame Isabelle valut bien davantage, ainsi qu'il a paru: c'est qu'elle a tant gagné à prêter son brelingot, que de l'argent du reste, elle a fondé la plus célebre religion qui soit à Venise, ainsi que me l'ont dit les Jésuites en confession. MACROBE. Ce chose là n'étoit donc pas comme celui de cette pauvre garce Michelle, qui venoit d'Angers à Tours, & se mit au bateau de Bolacre. Nous étions bonne troupe, & montions par eau sur Loire, pour aller aux pardons à Orléans. Comme j'étois là, je désirois que la riviere eût été mi-partie, qu'un rang eût coulé comme elle fait, & que l'autre eût coulé vers Blois. Si quelque pape savoit faire cela, il augmenteroit beaucoup le domaine de saint Pierre, par la diligence que feroient les postes. Entre tant de gens de bien qui étoient au bateau, il y avoit un gai & jeune, qui, pour avoir frayé avec Michelle, avoit mal à son unique bout, ce qui lui déplaisoit fort, aussi-bien qu'aux autres qui ont pareils accidens, qui survinrent à plus de six de la compagnie. Il falloit se reposer à Tours, où pour lors étoit le roi, qui venoit de fixer le mercure. Etant là, ce jeune homme intéressé aux parties vitales, (ainsi notre ami l'horlogeur nommoit le _vit_, de peur d'offenser les oreilles des filles: aussi qui les en iroit frétiller par tel endroit, feroit ridiculité: ainsi que celui qui demandoit chez Bourgant, la même semaine, du ridicule d'antimoine; il vouloit dire du _régule_;) ainsi cet affligé alla droit chez le compere Jardin, qui le consola, & le mit en train de briéve guérison. Or, en notre troupe, y avoit un prêtre Breton, qui avoit la pine si offensée, qu'enfin vexé de trop de mal, il se découvrit à ce jeune homme, qui lui conseilla d'aller Jardiner. Le triste ecclésiastique y va. (Il y en a qui ont voulu dire que c'étoit un ministre du Languedoc, venu au synode à Châtelleraut: ils se trompent, d'autant qu'il n'avoit que des poulains, qui lui étoient venus, pour avoir monté sur la haquenée du confesseur des religieuses de Fontevrault, à qui le médecin de madame avoit donné la vérole.) Ce patient étant devenu le barbier, il lui déclara son mal. Adonc le maître le visita, & trouva qu'il étoit copieusement grangrené; si qu'il le falloit couper, à quoi il eut beaucoup de peine à faire résoudre l'affligé, qui enfin, craignant de mourir, abandonna son pauvre cas au rasoir. Ainsi que l'exécution étoit prête, le chirurgien lui demanda de quel état il étoit. Il lui répondit qu'il étoit prêtre. Adonc le maître donna le coup rasibus, sans rien épargner: & comme messire Pierre cria, il lui dit: là, là, c'est tout un, aussi-bien n'en avez-vous que faire. RENÉE. Quand notre ami Yverd le coupa à un chantre de saint Gratien, qui le regrettoit: allez, dit-il, il reviendra. MACROBE. Le prêtre ainsi fait courtaud de légere taille, nous allâmes tous à la file, pour avoir remede à nos maux; même le petit qui tenoit la peautre, & qui avoit été poivré, vint à Jardin; & comme il lui faisoit le discours de son inconvénient, & parlant de Michelle, il nous disoit: depuis que j'eumes hébrégé cette vetture, je n'en eus que malheur; le vent s'est tourné, & jernigoi de la vetture, & de la foutue vetture. PARÉE. Il avoit passé par les mains d'une qui avoit moyen de le récompenser ainsi que me dit à Lyon madame Briolet, l'amie du comte Bennerie. Je la traitois d'un mal de tête. Mon gentilhomme, mon ami, me dit-elle, faites-moi du bien; je vous promets que je vous paierai bien. O! ô, dis-je, mademoiselle, je vous remercie; en dà, je ne veux pas être payé de ce que je fais aux dames; il y a trop de danger. GAUTHIER. Mais le curé de saint Martin d'Aussigni, vers Bourges, y avoit-il mal? GUILLAUME. Vraiment ce fut grand pitié. Il aimoit une femme qui lui donna assignation, & faisant semblant de le recevoir courtoisement, l'empoigna: & comme maître Antitus de braguette sentoit cette main douillette, il s'exaltoit. Adonc cette femme avec l'autre main avança un couteau, dont elle le coupa tout net. SAPHO. O! de par le diable, quel trait! Elle étoit plus inhumaine que madame, la présidente de même nom, qui se trouvant en lieu d'assignation, où six l'attendoient pour la bricolfrétiller, elle, se refroignant un peu, dit: hé bien, messieurs, je vous prie de vous dépêcher, d'autant que mon mari m'attend; je n'avois épargné du tems que pour un coup ou deux. LE MOINE. Mademoiselle de Lescard, ayant ouï conter ces nouvelles, eut des visions en dormant, & lui sembla qu'elle voyoit semer des vits, ainsi elle se jetta hors du lit & se cassa un bras, voulant, comme elle l'a confessé à monsieur le premier barbier, en amasser un bien gros. Or cependant, vous parlez à cette heure, belle dame, selon vos intentions. TÉRENCE. Aussi faisoient le valet de notre boulanger, & la femme du conseiller... Comment? RÉMISSION. XVI. Il y en a qui parlent suivant leurs intentions arrêtées aux objets. Le boulanger de la ville tenoit à ferme une maison qui étoit à ce monsieur le conseiller; & là y avoit un beau jardin, où les arbres rapportoient de beaux abricots, & de bonne heure. Ce jardinier, en ayant recueilli des plus beaux & premiers, appella le mitron, auquel il commanda d'en porter un quarteron à monsieur le conseiller. VALRON. Qu'est-ce que _mitron_? TÉRENCE. Les valets des boulangers sont ainsi nommés, parce qu'ils n'ont point de haut-de chausses, mais seulement une devantiere, telle ou semblable à celle des capucins, qu'ils nomment une _mutarde_, & qui, en pure scolastique, est nommée une mitre renversée. La mitre couvre la tête, & ce devanteau le cul, qui sont relatifs. Le mitron, obéissant à son maître, vint avec les abricots; & entra dans la chambre, où la servante l'introduisit. Il fit une belle révérence à mademoiselle à cul nud, lui demandant où étoit monsieur. Elle dit: il viendra à cette heure, mon ami; attendez le un peu. Cependant le mitron regardoit la demoiselle qui s'achevoit d'habiller, & faisoit la litiere à ses tetons, qui paroissoient mignons & beaux; il les considéroit des yeux fort goulûment, que voici monsieur qui entra. Alors le mitron, allant vers lui, fait une grande révérence, & lui dit: monsieur, voilà mon maître qui se recommande à vous, & vous envoie une pannerée de tetons. Il dit ainsi, pensant & parlant tout à-la-fois. Quoi! dit monsieur, ce coquin ne sait ce qu'il dit. Le mitron, voulant faire la révérence, trouva derriere lui un placet qui le fit cheoir, de sorte que, sa devantiere se renversant sur le ventre, il montra toute sa pauvreté, ses pauvres tritebilles. Qu'est ceci, ce dit le conseiller? Voyez ce maraut! Il se met à regarder les tetons de ma femme; il ne sait ce qu'il dit, & encore se laisse tomber. Adonc la demoiselle, qui regardoit le paquet d'amour, le spectacle de l'outil de nature, excusant ce pauvre mitron, dit à son mari: mon ami, vous le devez excuser; s'il est chut. Un cheval qui a quatre couilles, se laisse bien cheoir. Elle vouloit dire _quatre pieds_; mais l'objet la détournoit. MADAME. Quel paquet d'amour! Que le chat fût bridé de semblables! L'AUTRE. Il n'en seroit pas plus fort, pour l'avoir mangé. Je vous le prouverai, par l'aventure qui nous survint à la Boisiardiere; où, un vendredi, nous dînions; & madame se coléroit de ce que l'on n'avoit gueres mis de beurre. La fille qui l'avoit en charge vint, & tenoit le chat mignon en sa main, & disoit qu'elle l'avoit pris sur le fait, achevant de manger quatre livres de beurre. Moi, qui aime justice, desirois excuser le chat; & pour sa justification, & je le pris & le pese; & en bonne finte, il ne pesoit que trois livres trois quarterons; je ne sais ce qu'il pesa, quand il eut chié le beurre; allez-y voir. RABELAIS. Il a oublié ce qu'il vouloit dire. GREGOIRE. Comme celui qui se vouloit faire recevoir procureur au châtelet, lequel se présenta humblement à l'examen; & ainsi que l'on lui eut fait plusieurs questions, il ne savoit répondre à aucune. Un des messieurs lui demanda, d'où venoit cela qu'il ne se présentoit & ne savoit rien: messieurs, dit-il, j'ai été en vendanges, où j'ai oublié tout ce que je savois. GODEFROI. Et ce bon personnage qui avoit acheté... O, qu'ai-je dit? Qui avoit eu _gratis_, comme les autres, un métier de conseiller. LOUVET. Appellez-vous cela métier? Vous seriez aussi prophané, que le bourgeois de la Rochelle, qui, ce dernier carême-prenant, ayant été tancé, parce qu'il étoit de la religion, d'avoir joué joyeusement, (& même le consistoire l'avoit repris aigrement) se trouvant en compagnie, où l'on se consoloit de ce qui s'étoit passé, va dire: par la certebleu, si j'avois trouvé quelqu'un qui me voulût bailler cinquante écus de mon métier de huguenot, je m'en déferois. DISCOURS. XVII. PLOTIN. Ho! compere, que vous allez vîte! Comme vous dépêchez tout! GODEFROI. Je ne vais pas si vîte que le plumacier de l'univers. CICERON. Quel diable de nouveau mot est ceci? Qui est ce _plumacier_? PLOTIN. C'est celui qui pose les panaches sur les têtes des hommes de l'univers. POGGE. Je gage qu'il veut parler de cornage. PLOTIN. Tu l'as trouvé; qu'il te puisse accompagner comme accident indélébile! ASCLEPIADES. Comment est-ce qu'il va si-tôt? PLOTIN. O cher compere de toute la fressure, je te le dirai! Sache, toi qui as belle & jeune femme; sache, mon tendre & jovial petit belleau, mon petit prêteur de franches repues, que, si tu étois au Grand-Caire, & que ta femme tant poupine fût à Paris, & que de son consentement, me faisant ouverture de ses bonnes graces, elle me laissât entrer à elle, je n'aurois pas si-tôt mis mon V, I, T, pied, dans son C, O, N, pantoufle, que l'admirable, grand & révéré cocuage ne fût, en un instant, au Grand-Caire, à te frétiller avant la tête, pour te réjouir du beau petit plumage d'amourettes. PLANUDES. Triste garçon à demi vieil que tu es, je t'assure que ta journée n'y monteroit gueres. Tu es de ceux auxquels on peut dire: depuis que la couille passe le vit; adieu vous dis. BIONON. Paix, de par tous les diables, taisez-vous, ou je vous couperai le cou, comme je fis un jour à un roi qui chioit. Achevez le discours de ce conseiller, & meshui ne vous interromprai; ou j'abomine, je contamine, je précipite, je diable, je trente mille: a, ha! je ne le dirai pas: faites votre devoir. GODEFROI. Parlez-vous de ce conseiller de la prévôté, lequel le pere le présentant à messieurs, demandant séance pour lui, leur dit: messieurs, mon fils n'a point de science, il vous plaira lui en donner. (Un gâta tout. Non, dit-il, c'est de celui qui se faisoit recevoir à la cour, qui est tant bonne & douce, la bonne dame, qu'elle ne reçoit, ou n'a reçu, ou ne recevra, de peur de faillir, je ne le dirai pas; en voilà qui me veulent faire dire _des ânes_, je n'en ferai rien.) Ainsi que messieurs interrogeoient ce bon personnage déja âgé, ils l'incitoient à répondre; & il ne savoit, d'autant qu'il n'entendoit pas ce qu'ils disoient. (S'il eût été encore comme moi, qui plaidant ma premiere cause, je dis à ces messieurs-là beaucoup de choses que je n'entendois pas, ni eux aussi, ce qui m'apporta une belle dayée de réputaison.) Ce personnage écoutoit; puis, comme revenu de bien en songerie, dit: messieurs, je n'ai pas accoutumé ce ménage ainsi que vous dites. Bien je ne sais rien, il est vrai; mais j'ai un fils qui est bien savant, qui répondra pour moi, comme mon compere le sieur Basgrand a répondu de l'argent que je dois de mon office. Par dépit qu'il ne put être reçu, si-tôt que sa femme fut morte, il récompensa une prébende, & fut official. L'AUTRE. Ce fut à lui, auquel Menaud, notre métayer fit une jolie réponse. On agissoit devant lui d'une cause de fouculterie; & Menaud étoit appellé à témoin, pour dire que le garçon eût eu habitation de concupiscence charnelle avec cette fille. Ainsi que Menaud fut entré, il dit: j'y étois, & ce que je vous dis est vrai, monsieur l'official. Dieu me doint bonne vie & longue! on m'a dit que vous me demandiez. L'official lui dit: & bien, mon ami, dites vrai. Avez-vous vu que ce gars ait envahi cette fille? Avez-vous vu qu'il l'ait travaillée? Monsieur l'official, je n'en saurois que dire; je suis votre serviteur. Là, mon ami, dites; je suis le vôtre. A, a! monsieur, il suffit, si vous me faites plaisir. Dites donc, mon ami, dites. Et bien, monsieur l'official, je vous dirai: j'ai vu quatre fesses & deux culs; mais je n'ai point vu de vit; je crois que le larron de con l'avoit en la goule. SAPHO. Hé gai, voilà de beaux contes à dire devant des gens d'église. Aussi Je suis si aise quand je cous, Si pour un C. je mets une F, Qu'il m'est avis, à tous les coups, Que j'ente une mignonne greffe. FOLIE. XVIII. CERTORIUS. Je m'étonne que le roi n'ôte ces officialités, s'il le faisoit il soulageroit beaucoup de monde, & enrichiroit sa justice, & si feroit que les ecclésiastiques seroient chastes. Pensez-vous qu'oyant ainsi parler de turpitude, le bandage ne leur simule pas? CUSA. A la vérité, les oreilles & les yeux servent beaucoup à besogner, témoin le curé de saint Clément, qui, en son prône, disoit: les dames montrent leurs tetons; ce n'est pas bien fait; & puis elles étendent leurs chemises autour du cimetiere. En dà, ni moi, ni mes vicaires ne sommes pas anges; cela nous tente. XÉNOCRATES. Pargoi, il n'étoit gueres sage, il y paroissoit; il ne lui falloit point aller à la touche des merveilles. CESAR. Quelle touche! XÉNOCRATES. C'est celle qui est à Paris, justement dans le badaudois, au lieu même où Pepin fianta, (je cuidois dire fit ses affaires sur l'état de France. Il fit mettre & exposer cette touche qui est notable, d'autant que sur icelle, comme on éprouve l'or à celle des orfevres, on examine les folies des anciens, les sottises des nouveaux, la gloire des présomptueux, & bref toutes les viédaseries des humains; & dit-on que ce volume y a été trouvé, ainsi qu'il y avoit été laissé par feu Guillaume de Paris, qui, aux porteaux de notre-dame, a mis les figures chimiques à faire la projection à devenir sages, de laquelle on use, comme de cendre, à l'entrée de ce noble chaircutieux de carême. BARNAUD. Je pense que vous rêvez d'appeller carême chaircuitier. XÉNOCRATES. Oui, je rêve: il vous l'est avis. Notez ces paroles; _chaircuitier_ est un qui fait cuire de la chair; _undè_ chaircuitier: mais _chaircuitieux_ est un qui concutie la chair, qui la chasse, qui la ruine, comme font les maréchaux & médecins nouveaux. BARNAUD. Tu y as excepté les médecins, parce que tu en as affaire. Est-il pas vrai que, comme tu écrivois contre Machiavel, tu avois si fort les hémorrhoïdes, que le cul te distilloit tout en sang, & en étois à demi mort. XÉNOCRATES. Sachez, bel ami, que les sages médecins font leurs essais sur les gens d'église, malfaiteurs, gueux & putains. Tels sont les quatre élémens d'essais. BEZE. Tu me refais bien; j'aimerois autant le fou de la Bourdaisiere, qui avoit avalé une pièce de vingt sols. Comme il vint à la rendre par bas, il avoit de la peine. A la fin l'ayant tirée, il dit à son maître, la lui jettant toute breneuse sur la table: en dà, monsieur cousin, que l'argent est fâcheux & difficile à faire. CEBES. Qui l'eût mis sur votre touche de tantôt, elle eût été touche à connoître merde; cela eût bien servi aux médecins. XÉNOCRATES. C'est tout un; je reviens à cette pierre, d'autant que je suis alquemiste, aussi les alquemistes ont la pierre en la tête; & pensois que voulussiez parler du révérend pere abbé de Vienne, au-dessous de Lyon, lequel voyant la grosse pierre qui est en la prairie, où il y avoit en écrit: _qui me virera, grand trésor aura_. Le bon & noble pere (il n'étoit pas de la famille des Laurents, il avoit trop d'esprit) se mit en frais pour faire virer cette pierre, & y dépensa trois mille quatre cent vingt-deux écus dix-sept sols & une pite, ce que je mets pour vous assurer. Jaloignès le notaire en a fait le compte. Et comme elle fut tournée, il trouva de l'autre côté: _virier je me veliens, parce que me doliens_. SALIVAS. Il fut bien deçu; il pensoit avoir trouvé la pierre philosophale. GALANDIUS. Par la mort d'oeuf, il n'étoit pas en tant de bien que le Granger de saint Martin, qui un tems fut, étant couché entre deux garces, disoit, étendant ses bras, main deçà, main delà: que de biens! OECOLAMPADE. Je sais bien qu'il est; C'est celui qui mourut l'année passée. Son valet me vint quérir, pour le voir, & me dit: hélas! monsieur, venez vîtement; mon maître se meurt de l'apocalipse; il vouloit dire de l'_apoplexie_; ainsi que l'entendoit le vicaire de saint Saturnin, quand le second président en mourut; lui étant venu ce mal, d'appréhension d'avoir été de la ligue. MAROT. Tu as bien débuté avec la ligue; tu es un bel archer, tu y vises bien! JAMIN. Aussi-bien que celui qui voyoit l'amour, qui est à la Boudaisiere, fait en si belle peinture, que l'amour a été fait après ce portrait. Quand le roi venoit de fixer le mercure, il vint en cette belle maison. Et comme ès lieux curieux il y a toujours des amuses fous, ce tableau d'amour étoit en la grande salle. Il y eut un gentilhomme qui s'y amusa; & voyant cet amour avec son trait sur l'arc, comme prêt à décocher, & lisant autour: _sublato amore omnia ruunt_, étoit en grand peine que cela pouvoit signifier. Il passa un aumônier, auquel il le demanda. L'aumônier l'ayant lu, dit: monsieur, vous êtes fâcheux; ce latin là est possible prophane; il n'est pas de bréviaire; je ne l'entends, ni ne le veux entendre. Monsieur, ne vous fâchez point, je vous prie. Il en passa un autre qui fut plus hardi, auquel il fit la même priere. Adonc le prêtre, ayant considéré l'état de la figure, lui dit: monsieur, cela signifie que, si dieu vouloit, tous les anges du paradis tireroient ainsi de l'arc. BUCHANAN. Je pense qu'il entendoit aussi peu de latin que le sieur du Coudrai, qui me pria un jour de lui montrer du latin. Vraiment, je le menai en la boutique d'un libraire, où j'ouvris des livres latins, & lui montrai du latin. Il se voulut colerer; à jan, j'avois une épée aussi bien que lui; je nous fussions bien battus. POGGE. Et vive les coups de poings; on n'en meurt que par hazard, non plus que d'autre chose. DES ESSARDS. Et quoi! portiez-vous lors une épée? BUCHANAN. Oui. DES ESSARDS. Et de quel saint? BUCHANAN. Je suis gentilhomme; & par la double-triple manche de serpe, nous sommes tous gentilshommes en notre pays. DES ESSARDS. O! ha, hé! & qui est-ce donc qui garde les pourceaux? BUCHANAN. C'est l'abbé de Turpenai, qui fut celui qui eut la venue par mon compere Tristan que voilà, qui en fait des reproches au roi Louis onzieme, lequel avoit donné l'abbaye de Turpenai à un gentilhomme, qui, jouissant du revenu, se faisoit nommer monsieur de Turpenai. Il avint que le roi étant au Plessis-les-Tours, le vrai abbé qui étoit moine, & comme ceux qui duement pourvus ont été appellés antiques, d'autant que c'étoit à l'antique mode, qu'il n'y avoit point de commentaire; (foin, je pensois dire de _commendataires_.) Cet abbé se vint présenter au Roi, & lui fit sa requête, lui remontrant que canoniquement & monastiquement il étoit pourvu de l'abbaye, & que le gentilhomme usurpateur lui faisoit tort contre toute raison; & partant qu'il invoquoit sa majesté, pour lui être fait droit. En secouant sa parruque, le roi lui promit de le rendre content. Ce moine importun, comme tous animaux portant cucule, venoit souvent aux issues du repas du roi, pour lui ramentevoir son affaire. Un jour, le roi, ennuyé de l'eau bénite du couvent, appella mon compere Tristan, & lui dit: compere, il y a ici un Turpenai qui me fâche; ôtez-le moi du monde. Tristan n'y faillit non plus, qu'il lui eût failli, ainsi qu'il se trouve ès Florides, quand sous le nom de Stratin il eut la tête tranchée à Sancerre, tourné en Rancrese, témoin Verville qui me l'a dit, ainsi qu'il l'a écrit. Tristan prenant un froc pour un moine, ou un moine pour un froc, vint à ce gentilhomme, que toute la cour nommoit monsieur de Turpenai; & l'ayant accosté, fit tant qu'il le détourna; puis le tenant, lui fit entendre que le roi vouloit qu'il mourût, partant qu'il fît son testament, comme font les enfans de Lyon au pied d'une échelle, la tête couverte par privilége notable. Il vouloit résister en suppliant, & supplier en résistant, comme dit notre ami Castillon en son bien dire: mais il n'y eut aucun moyen d'être ouï. Il fut délicatement étranglé entre la tête & les épaules, si qu'il expira; & trois heures après, le compere dit au roi, qu'il étoit distillé. Il avint cinq jours après, qui est le terme que les ames reviennent, si elles doivent revenir, ainsi que dit saint Foubrequin, que le moine vint à la salle où étoit le roi, lequel le voyant, demeura fort étonné, & lui sembloit avoir devant lui le spectacle hideux de l'ame monachale, étrangée de son triste corps. Tristan étoit présent. Le roi l'appelle, & lui dit en l'oreille: vous n'avez pas fait ce que je vous ai dit. Ne vous déplaise, sire, dit-il, je l'ai fait. Turpenai est mort. Hé! je disois & entendois de ce moine. J'ai ouï & entendu du gentilhomme. Quoi! c'est donc fait? Oui, sire. Or bien, se tournant vers le moine: venez ici, moine. Le moine s'approche: le roi lui dit: mettez-vous à genoux. Le pauvre moine avoit peur. Et le roi lui dit: remerciez dieu, qui n'a pas voulu que vous fussiez tué, comme je l'avois commandé. Celui qui prenoit votre bien l'a été. Allez, dieu vous a fait justice; allez, priez dieu pour moi, & ne bougez de votre couvent. CONTRAT. XIX. SAPHO. Je pense que ce pauvre moine n'arsoit pas à cette heure. BEZE. Vraiment non, non plus que monsieur le grand prieur de Marmoustier, qui disoit que sa couille étoit en chaleur, & que son vit ne bougeoit de dessus. SAPHO. C'est que ce pauvre cas avoit perdu de l'argent, il regardoit contre bas, il n'eût pas été bon pour la tante de maître Philippes. COQUEFREDOUILLE. Comment? SAPHO. Elle vouloit être remariée pour la cinquième fois; & maître Philippes s'en fâchant, lui dit: vraiment, ma tante, vous ne seriez pas profitable à faire un écrou de pressoir; vous usez trop de vis. TONI. En quel tems est-ce que l'on a plus les vis en la main? MADAME. C'est quand on descend un degré. SIBILOT. Qui sont les vide greniers? CÉSAR. Crocheteurs qui en ôtent le bled. Je crois que l'on s'y échauffe. Voire, & bien plus que le Breton, qui, à la défaite de Craon, s'enfuit & se cacha en la queue d'un étang, sous les feuilles de nymphe, où il fut long-tems, & jusques à ce qu'il apperçut un paysan qui passoit; & il l'appella, lui demandant s'ils étoient encore là. Il dit qu'il n'y avoit plus personne. Vraiment, ils ont bien fait; le cerveau commençoit à m'échauffer. Il lui échauffoit un peu moins, qu'à celui qui avoit la tête dans un pot de fer. PIGHIUS. Je m'en souviens: nous étions à Genève, & folâtrant en notre logis à carême-prenant en cachette, comme on fait en ce pays, lorsqu'en carême l'on fait le petit exercice. Il y eut un de nos amis, (je crois que ce fut Feverdant) qui mit sur sa tête un pot de fer, & se mit à sauter. En dà; la tête lui entre dedans, & ne pouvoit l'en ôter. Nous eûmes bien de la peine; & sans le pere Ignace qui s'avisa d'un bon expédient, il lui eût fallu rompre le pot ou la tête. Ce pere, plein d'industrie, prit le chausse-pied du laquais de sainte Aldegonde, & le passa sur le nez qui empêchoit que le pot ne se dégainât, & tira par-dessus, si que, le nez rabatu, la tête sortit du pot fort aisément. Nous en rîmes tout notre benoît saoul, d'autant qu'il demeura camus. Mais qui fut celui qui rit tant, qu'il en fianta en ses chausses? VIGOR. Ce fut mon compere le cardinal le Moine, qui nous avoit proposé de faire un mal-fait sans péché, & un bienfait sans mérite. A quoi fort à propos répondit la docte des Roches, mere & fille, & dit qu'il falloit chier en ses chausses, puis les aller laver; parce que c'est mal fait de chier ainsi, mais ce n'est pas péché, si ce n'étoit par concupiscence, puis les laver, il n'y a point de mérite. ALEXANDRE LE GRAND. Voire, mais nous parlons de celui qui fianta sous lui. VIGOR. Vous le saurez. Nous soupions, & ayant fait beaucoup de jolis contes pour rire, le dessert fut de ce mal fait sans péché. Et Chose va dire: (je crois que ce fût moi) voilà; nous avons fait bonne chere avec du plaisir sans mal aucun; & que le mal que nous avons pensé nous puisse avenir. Quoi! dit le sage Akakias, de chier en vos chausses? Nous rîmes si fort & à propos, que le boyau culier se dilatant en la voie du sphincter qui relâchâ, je fis le péché abondamment. ZANCUS. Fi, que tu étois sale? Pargoi je n'eusse pas voulu alors que tu eusses été en tel point, que quand on passe maître un boucher. VIGOR. Qu'est-ce à dire? ZANCUS. Mais tout nud; tu eusses embaumé toute la chambre. CÉSAR. Mais encore, dites-nous le secret de cette maîtrise. ZANCUS. Quand les bouchers font un examen à l'aspirant, ils le mènent en une haute chambre; & le tout fait, ils lui disent que, pour la sûreté des viandes, il faut savoir s'il est sain & entier; & pour cet effet le font dépouiller & le visitent. Cela fait, ils lui disent qu'il se revête; ce qu'ayant fait, & le voyant gai & ralu, ils lui disent: or çà, mon ami, vous êtes passé maître boucher, vous avez habillé un veau; faites le serment. LOUVET. Je pensois qu'on ne fît faire le serment qu'aux gens de justice; da, c'est abuser du serment, de le communiquer à tout le monde; il ne devroit appartenir qu'aux élus. IVELLUS. Vous en parlez à cause du sire Pierre le Petit, qui acheta un office d'élu & fut reçu. Un jour, étant allé à sa baronnie, son principal métayer le saluant, lui demanda de ses nouvelles; il lui en conta, puis lui dit: tu ne sais pas, Frion mon ami, je ne suis plus marchand; je suis élu. Et da, ce dit Frion, Vraiment, mon maître, j'en suis ébahi; je pensois que pour être élu, il fallût être bien savant. HAMELIUS. Il y a des états, pour lesquels exercer il ne faut gueres savoir, comme vous diriez prêtres, chanoines, ministres, & tels gens. RABELAIS. Parlez-vous des ministres de ce tems? RABANUS. Lisez l'épitaphe du ministre de feue madame; ça été Titelman qui l'a faite. Par mon opinion sinistre, De savetier je suis ministre. PARENTHESE. XX. Dis que tu en as, Calvin. CALVIN. Je n'en veux autre vengeance que celle qu'en prit Bersaut sur le curé de Barace & ses compagnons. Que Chose vous le raconte: je suis empêché. Ne savez-vous pas que je bois & mange si peu, qu'il me faut être en repos pour pâturer, avisez: je ne mange pas tant que beaucoup de personnes: & si tout le vin du monde étoit-là, je n'en boirois pas le quart. RABELAIS. Mais ne laissons aller Bersaut. CALVIN. Dis haut, couillaud d'Angers mon ami, & je te promets que, quand tu seras chanoine de S. Maurice, tu ne paieras rien _pro futuitu_, quoique nos devanciers l'aient toujours fait, & les successeurs le feront, pour entretenir les cérémonies de l'église. CHOSE. Bersaut passant au-dessous de la bennerie, rencontra une nue de prêtres qui venoient d'un gaignage. Lui, bien accompagné, les environna, & leur demanda d'où ils venoient. Prêtres étonnés ne savoient presque dire, tant ils avoient peur. Or, çà, çà, dit Bersaut à un page: pied à terre; & au bon homme de curé de Barace, qui étoit fort âgé: sus, bon homme, cul bas; là, détachez vos chausses. Il pensoit devoir être écouillé. Quand les chausses furent baissées, le page, au commandement de son maître, attacha le derriere de sa chemise aux reins. Adonc il fit baisser le curé, comme quand on joue au frappemain, ou à la fausse-compagnie; puis, çà, enfans, à l'offrande. Tous les autres prêtres vinrent baiser le cul, & mirent leur argent au chapeau du page. La cérémonie accomplie, il leur demanda: & bien, enfans, me connoissez-vous? Oui, vous êtes le bon monsieur Bersaut. Allez, dit-il, & faites votre devoir; soyez gens de bien. Le lendemain, ces prêtres conterent à deux cordeliers ce qui leur étoit avenu; & les deux freres (qui aussi vont toujours deux à deux. Voire, deux à deux, ce seroient quatre: ils vont un à un. Coucher une à un est bon). Les cordeliers, passant pays, vindrent à Chesfe, où sont les oies rouges, & dînerent avec des gendarmes. Après dîner, ils rendirent graces, & dirent: dieu nous veuille donner une bonne paix. Adonc un des gendarmes va dire: dieu nous ôte le purgatoire. Ha! monsieur, ma chere ame parente de chrétienté, vous blasphémez. Mais vous, dit le soldat; il faut que chacun vive de son état. S'il n'y avoit un petit de guerre & un purgatoire, il ne faudroit ni moines ni gendarmes. A! ha, ha, hé. Au reste, étant passés outre dans le haut Anjou, par-delà Angers, Basse ville, hauts clochers, Riches putains, pauvres écoliers. & proche de la maison de Bersaut, ils s'entredisent: frere, qui ira? Ce sera moi, dit l'aîné, qui avoit nom frere Eustache. Il y alla donc, & demanda à parler à monsieur, devant lequel on l'introduit. (Quoi! dit Badius, vous dites monsieur sans queue? Je le crois bien; n'ai-je pas été nourri dans les cloîtres? Je dis comme les femmes de prêtres, qui, tant pauvre soit leur maître, parlant de lui, nomment monsieur: monsieur par-ci, monsieur par-là. ROBERT. Je ne pensois pas que tu eusses été de ces petits pages de frocs. CHOSE. Chut. Comment osez-vous ainsi nommer les semences futures des pédagogues de l'église? Laissez-moi dire. Etant devant monsieur, il lui demanda humblement l'aumône. Oui da, dit-il, vous l'aurez, pere Moustache; mais j'ai céans un vieil serviteur qui se meurt, que je désire faire confesser. Monsieur, vous êtes en bon propos. Adonc il le mena en un grenier, où il avoit un vieil chien qui se mouroit de vieillesse. Voilà, ce dit monsieur, le serviteur dont il est question. He! a, dit le moine, monsieur, je cuide que vous vous moquez de moi simple religieux. Croyez que je ne suis pas si instruit, que je ne sache comme il faut vivre; & qu'il n'est raisonnable d'attribuer à un chien, ce qui convient à la personne. Partant, monsieur, vous m'excuserez. De dépit, lui fit donner le fouet à nud, & à bon escient; puis l'envoya. Le triste frere revint à son compagnon, auquel il conta sa fouettée & l'occasion d'icelle. Laisse-moi, dit l'autre, j'aurai pis ou mieux. Il y alla donques; & son entrée & discours furent au semblable des premiers faits à son compagnon; & Bersaut lui ayant parlé de ce vieil serviteur, il demanda à le voir. L'ayant vu, il dit: & bien, monsieur, il est raisonnable; faites-moi donner un petit bâton. Je ne veux pas que vous lui fassiez mal. Aussi ne ferai-je; mais j'ai affaire de ce que je demande. On lui bailla un bâton: & le moine le fendit un peu plus que la moitié; puis dit à monsieur & à ses gens qu'ils sortissent & se tinssent à la porte; qu'il ne falloit pas ouïr la confession d'autrui. Etant sortis, il prit l'oreille du chien dans ce bâton fendu, & lui dit: or çà, mon ami chien, voulez-vous pas mourir en chien de bien. Et lui pressant l'oreille, le chien huchoit assez haut: ouan, ouan. Ne demandez vous pas pardon à votre maître de l'avoir trompé, en mangeant le gibier quelquefois? Ouan, ouan, ouan. N'êtes-vous pas fâché d'avoir autrefois blessé quelqu'un? Ouan, ouan, ouan. Pardonnez-vous pas tout le monde? Ouan, ouan, ouan. Or soyez donc chien bienheureux, absous comme un loup gris, trépassant comme une autre laide bête. N'en êtes-vous pas bien aise, monsieur le chien? Ouan, ouan. Il y ajouta plusieurs autres belles cérémonies de chien, qui furent fort agréables & au chien & à son maître, qui, après cette action, prit le moine, lui fit bonne chere, rit avec lui, lui donna de l'argent & son cou chargé de bled, & lui promit de lui en donner, toutes les fois qu'il viendroit le voir. Le frere retourne vers le fouetté, lui montre sa quête: hé, grosse pécore, lui dit-il, tu ne sais pas vivre. En s'en allant, ils trouverent de leurs amis; & le fouetté dit: nous avons été bien fouettés. L'autre dit: mais bien vous; frere; & non pas moi. A d'autres il dit: nous avons eu bien du bled. Mais bien moi, frere, & non pas vous. PRISCIAN. Voilà que c'est d'entendre les affaires. DOCTRINE. XXI. Je voudrois que ma femme fût aussi bien confessée & bien noyée; je serois plus content que Bersaut, ni le moine. RABANUS. Pourquoi voudriez-vous avoir perdu votre femme? PRISCIAN. Parce qu'elle ne me veut point obéir. STATIUS. En da, la mienne m'obéit une fois: ce fut quand je la jettai en l'eau. Nous passions sur le pont d'Arve; & le balendrier, _id est_ garde-fous, étoit ôté. Je la poussai en bas, & lui dis: va où tu pourras. Ce qu'elle fit galammant. Elle se sauva peut-être comme saint Pierre, quand il chut dans le ruisseau de Champagne. Je vous en dirai l'histoire comme elle avint à notre maître Rabelais, que voilà bien empêché à trouver l'essence d'un cervelas avec Théodore & Pline: (sur quoi quelqu'un me demandera de quoi il étoit, je lui dirai qu'il étoit fait comme nos autres viandes). Sachez donc que cette belle compagnie faisoit bonne chere, & telle qu'on fait hors du monde, comme nous faisons nous autres esprits séparés de nos corps. Notre bon vin n'est autre chose que le pur esprit de vin, qui échappe aux quintessencieux; nos viandes sont faites des ames des bêtes; vous, qui êtes grossiers & corporels, en mangez les corps; & nous, les ames que nous fricassons avec les fumées de sauces, & les essences des aromatiques à la clarté du feu vif, aidés de bonheur de l'huile incombustible & du sel fusible. LE ROI AGAMEMNON. Paix! ne passez-pas outre, ne dites pas tout. STADIUS. Et bien, sire, je me tairai. Mais si un malotru, sire, m'en parloit, je le ferois déjeûner de l'esprit de fiente royale. On dit que c'est la meilleure, je m'en rapporte aux pourceaux. LE MORTEL. On voit bien que vous n'êtes guere sage de nous conter tout ceci. STADIUS. O! pauvre animal mortel, mon ami, ne sais-tu pas bien qu'ayant un corps, il faut qu'il se vuide? Et tu consens bien que la merde soit serrée en tuyaux de briques & belles canes: que souvent on la remue, & que même, ho! monsieur le doyen du chapitre de la grande église, vous en faites faire des conclusions en vos régistres, & commettez commissaires de bran pour curer les aisances. Ainsi ceux qui ont imprimé ceci, font commissaires d'excrémens. Ceci est la fiente de mon esprit; & puis je fais comme vous, messieurs les cardinaux, je fais ce bâtard: il faut qu'il vive. Mais en conscience n'est-ce pas un vrai abus, que de nos beaux ouvrages & plus sérieux? Certes ils sont aussi-bien prophanés que les plus vils. S'il y a quelque beau tableau en taille-douce bien élabouré, il sera aussi-tôt en la boutique d'un savetier, qu'au cabinet du roi. Il échet une même fortune aux uns & aux autres. Et voyez, les livres des doctes qui furent nuit & jour après la forfanterie, sont quelquefois ès mains des laquais & des putains, qui diront: que voilà qui est bien fait; ou bien: voilà qui est mal à propos. Comme disoit, un jour, une jeune garce, que son con avoit fait demoiselle par la tête, tenant un beau livre où elle n'entendoit rien, faisoit la dédaigneuse; je lui pardonne à la pauvre bête, elle en est devenue noire comme un charbon, & sale comme eau. Avisez-y, doctes; parce que souvent vos labeurs, vos bons livres sont employés à faire des cornets d'épices, ou des mouchoirs de cul; & ne peut avenir pis à cettui-ci, qui n'est écrit que pour la juste démonstration de ce qui est, d'autant que l'on voit ici la bêtise des grands de ce tems, la sotise des habiles gens, l'impudence des doctes, & la méchanceté des autres. Mais bran pour eux, ainsi que dit M. Habpin, maître chirurgien. Je n'ai jamais vû envieux & avaricieux devenir vieux. Pleurez, grands, de ne m'avoir pas eu pour pédagogue; vous fussiez bien heureux. Or adieu vous dis, comme un _de profundis_: & de fait, on ne voit gueres pendre de sots que par hazard & malheur, comme ce paysan de la Rochelle, qui, étant à l'échelle prêt d'être jetté, disoit: laissez-moi aller, laissez-moi aller; mes boeufs se gâtent. Et diantre, mettez donc une coëtte là bas, afin que je ne me rompe les jambes. Il ne pensoit pas devoir tenir par le col, ainsi que ces beaux esprits & tant d'habiles gens d'entendement, qui se font pendre. Faites-en de même par dépit. MARSIL-FICIN. Oui; mais il avint à plusieurs comme à Mauduit, que l'on pendoit, & le bourreau lui disoit: monsieur, mon ami, je vous prie, ne vous tourmentez pas tant: je vous pourrois faire tort, d'autant que je n'ai jamais encore pendu personne. Hélas! dit-il, mon ami, je n'ai aussi encore été pendu. Dieu nous en doint bon encontre à tous deux. FRACASTOR. Elle lui seroit donc meilleure, qu'au bourreau de St. Denis en France, auquel un marchand de Paris demandoit de l'argent. Je te prie, dit-il, compere, attends un peu; je n'ai point d'argent: la pente n'a pas été bonne, cette année. Dieu y pourvoira. NÉRON. Voilà bien doctriné! Vous avez laissé le conte de Rabelais. L'AUTRE. Il est vrai; & c'est ici la grande dignité de cet ouvrage, plein de l'intelligence de la pierre philosophale, parce que tout s'y transmue. Vous n'attendiez pas ceci, est-il pas vrai? Or bien sachez que voici le moyen de transformer, non-seulement les visages, mais aussi les essences. Et de fait, prenez-y garde de près, (comme le chevalier d'honneur de la reine, qui dort avec ses lunettes, pour sommeiller à double fond) & vous trouverez que ceux qui béniront ceci deviendront sages, s'ils ne le sont; parce qu'en vérité ces écrits cesseront, & ne seront plus grands; les vices cesseront, & toutes sortes de gens ne feront plus de folie. L'ambition & l'impiété des grands, l'ignorance des prêtres, les présomptions des ministres, le désordre des moines, l'envie des chanoines, la fausse science des docteurs, les usures des huguenots, les piperies des papistes & toute autre contradiction qui fait naître ces beaux commentaires, qui sont compilés de l'étourdissement des hommes, & friponnerie des femmes, qui s'est établie encore plus fort, depuis qu'on a nommé un cheval _haquenée_, un moine ou un chanoine _dignité_, & qu'on a appellé un chat _minon_: & de fait, huchez un moine, & lui dites: moine; il se fâchera. HOTOMAN. Vous me faites souvenir de ce moine de Saint-Denis en France, qui voulut faire l'entendu, voyant maître Thierri de Heri à genoux, tourné vers la figure de Charles VIII. Le moine lui dit: monsieur mon ami, vous faillez: ce n'est pas l'image d'un saint que celle devant qui vous priez. Je le sais bien, dit-il; je ne suis pas si bête que vous; je connois que c'est la représentation du roi Charles VIII, pour l'ame duquel je prie, parce qu'il a apporté la vérole en France; ce qui m'a fait gagner six ou sept mille livres de rente. Ce moine là pensoit être bien savant. PIC MIRANDULA. Si ne l'étoit-il pas tant, que le cousin de Vaugirand, qui est docteur en théologie, qui, venant un jour de prêcher d'un village où on l'avoit prié, s'en retournoit. Or allant & rêvant sur sa bête, il s'égara, & trouva un paysan auquel il demanda le chemin pour aller à Seveniere. Le paysan le reconnut, & lui dit: hé da, monsieur, vous êtes un homme de bien; je vous ai ouï prêcher en notre village; j'ai plus retenu de votre sermon que de tous les autres; je voudrois bien en avoir une demi-douzaine de semblables. Et bien, dit-il, mon ami, vous en aurez quelque jour; mais enseignez-moi le chemin pour aller à Seveniere. Ha! a, dit le paysan, le bon dieu m'en veuille bien garder d'enseigner à un homme qui sait tout, ha! a, vous vous moquez bien de moi. Les petits enfans le savent bien; & vous, qui savez tout, ne le sauriez-vous pas? Il n'y a pas de dret: adieu, monsieur; & le laissa là. Et le bon seigneur nous vint regarder chez nous, où nous lui fimes bonne chere. Il fut bien camus de cette réponse du paysan; il en eut le nez aussi long qu'il fut camus. JEAN HUS. Mais d'où cuidez-vous que cela est venu, que l'on a fait signifier même chose à deux contraires? HOTOMAN. Je ne saurois. JEAN HUS. Je vous le dirai. Un jour de grande fête, il avoit auprès du revêtiaire de bon feu dans le chariot à grille; & un quartaire y faisoit griller du boudin durant matines. Il fut pressé d'aller, pour donner l'encens; il mit son boudin dans sa manche, & va faire son devoir. Quand le chanoine lui eut baillé l'encensoir, il va vers monsieur le chantre, qui se disposa pour recevoir la sainte fumée. Adonc le quartaire se met à jetter l'encens; & sa manche, qui se délia, laissa aller le boudin au travers des joues de monsieur le chantre, qui fut aussi étonné qu'émerveillé, & depuis le proverbe a eu lieu en France. ARETIN. Voilà bien débuté! Quand je lui vis le con, je dis bien que c'étoit une femelle. GALIEN. La fites-vous remettre? ARETIN. Comment? GALIEN. Ainsi que la demoiselle de Blois, qui, ayant fait une fille, après qu'elle fut accouchée, elle demanda ce que c'étoit. C'est une belle fille, dit-on. Adonc l'accouchée dit: je n'en veux point; remettez-la. POGGE. J'aimerois autant celle qui disoit que l'on avoit enté une queue de chevreau à un agneau qu'on lui avoit vendu. ASCLÉPIADES. Oui; & celle qui dit qu'on avoit mis un oeuf au cul de la poule qu'elle avoit achetée, pour faire mine qu'elle pondoit; & elle n'avoit pas depuis pondu. LE BON HOMME. Je ne sais pourquoi vous parlez de pondre. Il vient de cette fente un vent qui est pondu de n'agueres, il est bien frais. STOFLER. Attendez; je me mettrai au devant. LE BON HOMME. Corbieu, tu me presserois trop; & puis, ô de par le diantre sans jurer, ne sais-tu pas bien qu'il y a trois choses qui ne veulent souffrir être pressées? STOFLER. Quelles? LE BON HOMME. La tête d'un fou, les pieds d'un gouteux & le ventre d'un moine. Et si j'étois fol, moine ou gouteux, ou tout ensemble? STOFLER. Quoi! tu serois, mon bel, aussi difficile à tenir qu'un beau petit ange d'Arragon. LE BON HOMME. J'aimerois mieux être d'Espagne. STOFLER. Tu serois comme le Bandol le puîné, qui est un sage, homme de bien, Espagnol & catholique. MADAME. Que dites vous là? STOFLER. Je demandois s'il y avoit des bordeaux en votre pays, madame? MADAME. Non da, il n'y en a point; mais il y a des maisons d'honneur, où l'on se réjouit avec les dames; & quelques dames d'honneur, réputées pour cela, en tirent rente pour nourrir des moines. BUCHANAN. C'est donc en ce pays-là, où _moine_ signifie _larron_; comme en l'isle des sots, _sot_ signifie _monsieur_. Et de fait, si je vous y trouvois, je vous dirois: bon jour, sot. Ce seroit autant que vous dire: _bona dies_, monsieur. SAVONAROLA. Mais l'isle des sots est par-tout; & celle des fous est au-delà; témoin la petite fille de maître Simon, qui me vit aller à l'église avec mon surplis: elle courut à sa mere: ma mere, mon mignon est devenu fou; il a mis sa chemise sur sa robe. BRENTIUS. Pourquoi est-ce que, quand on nomme un homme _sot_, il s'estime cocu? Et si on appelle une femme _vesse_, elle pensera être putain? POGGE. Ce n'est pas de même, parce que, si vous appelliez un homme _pet_, il ne s'en soucieroit pas; & toutefois c'est de même. Il y a fort peu à dire, pour autant que les pets font du bruit, & les vesses coulent doucement; & c'est la raison pour laquelle les hommes font tant de bruit en les priant, & elles coulent doucement comme vesses. BRENTIUS. O! o, ce n'est pas cela; il y en a bien une autre raison. POGGE. Quelle? BRENTIUS. Les femmes ne prient point les hommes, parce qu'elles savent bien que le four est toujours chaud; mais la pâte n'est pas toujours levée. Elles seroient confuses, si elles demandoient une chose mal à point, dont elles ne seroient pas servies. Et puis elles sont honteuses quand on les prie, parce que ce qu'on leur demande est si près du cu. Il est vrai que les brehaignes sont plus heureuses que les fécondes, parce que le cas ne leur pue point; & est vrai que le cas de celles qui font des enfans est toujours faguenant & mal odorant; ce n'est qu'à cause du cu. MAROT. Vraiment voire; pensez-vous qu'elles seroient aises, si elles n'avoient point de cu? Cela n'iroit pas bien. J'entends de trou fignon. ARTÉMIDORE. Je crois qu'elles n'en ont pas, ou bien elles feignent de n'en avoir point, d'autant qu'elles sont ou font les sobres, afin de nous faire croire qu'elles ne fiantent pas. ARNOBE. Tu as dit vrai; c'est ne plus ne moins qu'elles font les chastes, afin de nous faire désirer de leur bailler ce qu'elles enragent d'avoir. Ainsi que Fleurie, la chambriere de notre bon ami le prieur de S. Eloi, laquelle vouloit épouser un cordonnier, & le pressoit devant l'official. Les parties étant devant ce juge, cette femme insistoit à avoir pour mari ce cordonnier, qui protestoit n'en vouloir point. Et pourquoi, dit l'official? Ha! dit-il, monsieur, je n'en veux point; c'est une méchante, elle m'a donné la vérole. Hélas! dit-elle, monsieur, c'est un méchant homme de dire cela; comment la lui aurois-je donnée? Je l'ai encore. RABELAIS. Il étoit instruit & dégoûté; ainsi que notre berger, qui, étant avec la servante, elle lui offroit son cas, selon leur bonne coutume; & il lui dit hardiment: ma Toinette, je t'en remercie autant que si j'en avois bien pris ma réfection. MAÎTRE BASTIEN. C'est ce que j'aime que ceci; je le trouve: ce sont contes de peau-d'âne; c'est la vérité. MELVIN. Il a raison, d'autant que tous ces mémoires, dictions, discours, sentences & paroles sont prises du dictionnaire à dormir en toutes langues, de l'institution à lire sans points, sans lettres, sans caracteres, sans accens, sans figures, sans notes: aussi-bien les notes font faillir, ainsi que le disoit frere Ambroise, qui disoit qu'il eût bien chanté; mais que la note l'empêchoit. Aussi sans chiffrer telles choses, a été fait ce livre par le fils du dernier homme; _item_ de l'épitome des bibliotheques de Saint-Germain & autres, du grand luminaire des sots, tous livres extraits de cettui-ci, auquel si chacun avoit remis ce qu'il y a pris, il n'y auroit plus qu'un livre au monde. SUIDAS. Tu es bien sot de nous conter ceci, afin que tout le monde le sache, & on le vouloit céler. MELVIN. Tu es un sot, toi-même. Je te recommanderai au maître des sots. SUIDAS. Et qui est-il? MELVIN. O grosse bête, c'est le sotier de Genève. SUIDAS. Quel sotier? MELVIN. Tu fais semblant de ne le savoir point. Parce qu'ils écrivent _psautier_; je disons _sotier_, non sans cause, d'autant que tous les sots qui sont repris de justice en ce pays-là, passent sous son enseigne. SUIDAS. Comment! Est-on sujet en ce pays-là d'avoir la vérole? MELVIN. Garde-toi de blasphémer; il ne faut pas dire cela. SUIDAS. Que veux-tu donc dire? MELVIN. Dame, quand nous sommes à la cour, nous appellons être repris de justice, quand on sue la vérole & qu'on se fait pancer de quelque inconvénient, des dépendances de l'inventaire des histoires. SUIDAS. Voici encore d'autres paroles que je n'entends pas. MELVIN. Hé! bête que tu es, ne sais-tu pas que les génitoires ont été dites _histoires_? Que la couille est la mere des histoires, & la braguette en est l'inventaire, ainsi qu'une chaire percée est l'inventaire d'étrons? BAIL. XXII. BIEN-VENU. Vos histoires m'ont fait souvenir de trois dames qui devisoient de leurs maris, & de tout ce qui étoit en eux. L'une d'entr'elles dit: je ne sais que vous trouvez tant à redire en vos maris; quant à moi, je me contente fort du mien: il est vrai qu'il y a je ne sais quoi de petit, c'est qu'il a la couille noire. Le mari les oyoit conférer, & tout beau s'en alla en la maison. Quand elle s'en vint au logis, elle trouva qu'il se promenoit comme en colere. Et qu'avez-vous, mon ami, dit-elle? Et lui, mot; elle le prie de lui dire; & lui, comme courroucé: que j'ai? Je ne sais; il faut que je sois toujours en peine pour vous. On me vient d'ajourner, pour comparoître devant le lieutenant-criminel, pour la réparation d'une blessure que vous avez faite à un enfant; & dit-on que vous étiez là-bas en la cour, où vous aviez fait vos affaires, & que vous ayant torché le cul d'une pierre, vous l'avez jettée par sus les murailles, & qu'elle a blessé cet enfant. A, ha! mon ami, dit-elle, ne croyez pas cela; ce sont des méchantes gens qui le disent. Il y a plus de quatre ans, que je ne me suis torché le cul, en façon du monde. Adonc, dit-il, je ne m'ébahis pas, si j'ai la couille si noire. CARDAN. Il vaut bien mieux se torcher le cul avec du papier, & principalement en ce temps qu'il est à si bon marché: en quoi nous avons barre sur les anciens, qui avoient bien de la peine à se le torcher. Je m'en rapporte au seigneur de Caramousse, grand faiseur de confitures, avec lequel je demeurois à Gênes, lorsque les belles confitures y furent inventées, & que nous trouvâmes le moyen qui s'y pratique maintenant, & qui est le secret de ces messieurs qui font les confitures; mais ne l'allons pas découvrir. Je vous dirai ce que faisoit ce grand personnage, ainsi qu'encore font les plus avisés: il amassoit le plus qu'il pouvoit de torche-culs; & quand il en avoit recouvré grande quantité de bien secs & dorés, il les faisoit bouillir, & tiroit la crême qui nageoit dessus, laquelle il réservoit pour donner couleur aux confitures; & notez que cela est bon à toutes sortes de confitures & de couleurs, parce qu'étant faite de tout, elle servoit & sert à tout. GALANDIUS. Quelle délicatesse! COMES NATALIS. Que pensez-vous qu'il y ait au monde de plus délicat? GALANDIUS. Je ne sais. COMES NATALIS. C'est l'ame d'un solliciteur, d'autant qu'elle est souvent vannée deçà & delà, avec force affronts. GALANDIUS. J'ai appris, de notre ami Louvet, que c'est l'épaule d'un procureur, parce que, sitôt qu'on lui touche, il se revire incontinent pour haper de l'argent; il est toujours aux écoutes. Vraiment ils sont fort hardis; aussi _audaces fortuna juvat_. COMES NATALIS. Vous ne le prenez pas bien; il faut _edaces_, d'autant qu'ils mangent bien. M. ANT. NATTA. Ce seroit donc le mouvement perpétuel? S. COME. A dire vrai de ce merdeux, mon ami, si c'étoit de vous comme de moi, j'estimerois que ce fût comme le jeu de pet-en-gueule qui est notable, d'autant qu'il est le symbole de ce qu'il y a de plus exquis. Voyez-vous que c'est le sublime abaissé, & la vraie circulation chymique, lors que le cul sent la violette? NIC. NAN. Vous n'y êtes pas: c'est le symbole de ceux qui, sous ombre de religion, font la guerre pour maintenir leur ambition. RAMUS. Que ne dites-vous cela en latin: Raphelingius se moquera encore de vous, tant vous êtes sot. NIC. NAN. C'est assez, mon bon maître: j'ai, comme disoit Ambroise Paré, assez de latin tout fait; mais je n'en saurois faire qu'à fine force. Au diable le latin! il m'a tout emmusiqué la fressure de l'entendoire; & par fois je suis vraiment un grand sot. SON FILS. Vous avez menti, mon pere; ma mere étoit femme de bien. THÉMISTIUS. Et autant opiniâtre que la femme du pauvre Æschines, qui, par dépit de son mari, ne vouloit manger les pois qu'un à un: son mari vouloit qu'elle les mangeât en quantité, elle ne vouloit pas; parquoi son mari la battit, dont depuis elle fit la malade, & en fit la morte. A! dame, on la porte en terre; & comme on lui jetta la terre sur les genoux, elle eut frayeur, & comme demandant pardon, se mit à crier: je les mangerai trois à trois. Les prêtres qui l'ouïrent, & les autres pensant qu'elle les voulût manger ainsi, s'enfuirent. CAB. BURATEL. Et que devint-elle? THÉMISTIUS. Elle retourna au logis, ainsi qu'une femme de bien doit faire, pour être encore aimée de son mari. Et qu'il ne soit vrai, une femme ira plus pour un coup de vit, qu'un âne pour dix coups de bâton. FOXIUS. Elle eût été bien sage, si elle n'eût point été malicieuse. Et de là, filles, prenez instruction, qu'il faut se laisser tout faire sans mordre ni égratigner, de peur que l'on ne dise, sentant le mal, au diable la putain! Et cela seroit possible cause que vous la deviendriez, comme plusieurs autres, tant pour leur plaisir, que parce qu'il est ainsi prédestiné, si le célibat n'y entrevient. Or devinez pourquoi a été inventé _célibat_. ARIAS. C'est afin que nous ne nous amusions point à une femme, pource qu'elles sont toutes à nous, au moins s'il est vrai ce qu'on dit. ARNOBE. Je pense que c'est plutôt pour éviter les cornes, à quoi sont sujets les mariés qui craignent d'être cocus, d'autant que tous ceux qui sont mariés le sont; & pourtant prenez garde. Vous trouverez chez les hommes d'entendement, & qui ont de belles femmes, & qui font l'amour, c'est-à-dire, qui ont affection de bien faire pour en recevoir, qu'ils auront toujours chez eux un chausse-pied de cuir; & ce de peur que les cornes ne les blessent. Un chausse-pied de corne est dur; & partant je suis en grand peine d'où vient l'opinion des cornes. TRANSCRIT. XXIII. Une femme voyant un jour un beau gentilhomme, le regarda fort, & d'un oeil de concupiscence; puis dit à sa voisine: voilà un bel enfant; je le porterois volontiers, pour le faire jouer. JAMBLICUS. Elle me disoit un jour: couchez avec moi; &, demain au matin, je vous baillerai une paire de souliers. Elle n'y faillit pas; mais ce fut les miens qu'elle me bailla. Un autre disoit: je l'eusse donnée au diable. Non eussé-je pas moi, d'autant que j'en avois encore affaire; & puis je serai possible son héritier. L'AUTRE. Quel héritier! Elle mourra pauvre. JAMBLICUS. Voire da, comment? je vous prie: elle est putain, & son mari larron; est-ce pas pour faire une bonne maison? ARIAS. Je ne doute point qu'elle ne soit putain; & sur-tout l'ayant vu parler au vicaire de saint Paul, qui avoit promis à son curé qu'il seroit sage, & ne courroit plus après les garces; & qu'au moins il s'en abstiendroit les féries de pâques. Jan, il n'eut pas la patience; dès le premier jour il parla à cette-ci; & le curé qui l'apperçut, l'entendit revenir, & lui dit, je vous ai vu parler à une garce. N'avez-vous point de honte de ne vous en pouvoir abstenir, encore à ces bons jours? Ho! monsieur, dit-il, excusez-moi; ce n'est pas pour aujourd'hui, c'est pour demain. SYNESIUS. Ce compagnon confessoit une fois un maître des requêtes, & lui parloit de péché de luxure, l'en interrogeant selon les loix de _Benedicti_; & comme il lui en parloit exactement, monsieur le maître des requêtes lui dit: mon confesseur, mon ami, je vous prie, ne me parlez plus de cela; vous me faites arser. LE MOUTARDIER. Vous êtes calomniateur; elle étoit sage, & avoit beaucoup de preud'hommie féminine. CICERON. Tu y es; tu y parles comme Thevet: voire de la _preud'hommie_. LE MOUTARDIER. Et pourquoi non, puisque preud'hommes avoient affaire à elle? Et toutefois c'étoit avec chasteté, tant qu'elle se pouvoit étendre, _modo stricto_. Pour le premier, elle ne voulut jamais que monsieur d'Est la baisât en la bouche; & il lui demandoit pourquoi? C'est dit-elle, que ma bouche est pour mon mari, parce qu'elle lui a promis: quant à mon con, il ne lui a rien promis, faites-en tout ce que vous pourrez; il est à votre commandement, cul & tout. Son mari s'en doutoit. Un jour qu'elle étoit sur la porte assise, elle avoit son cotillon un peu levé, il lui dit: fermez l'ouvrouer, (c'est la boutique) ma femme, il est fête. Aussi le cas d'une femme est un ouvrouer, des filles sont étoffes. NÉRON. A quoi faire? L'AUTRE. A faire des femmes de bien, ou des garces: & qu'ainsi ne soit, on peut dire une parole injurieuse à une femme ou fille de bien, sans l'offenser, en l'appellant par verbologie de choix, _belle étoffe à faire une garce_; parce que c'est-à-dire qu'elle est fille de bien, & qu'il ne tient qu'à elle qu'elle ne soit autre. Ne lui est-ce pas faire de l'honneur? L'APPRENTIF. C'est un bel honneur! Tu y entends comme ceux qui heurtent aux portes des putains. L'AUTRE. Et quoi, y a-t-il de l'intelligence en telle affaire? L'APPRENTIF. Oui da; notez, enfans, que si une garce a une porte sur la rue, il ne faut point y heurter, si on la trouve fermée; parce que, si la dame n'est point à la porte, ou à la fenêtre, il est évident, la porte étant fermée, qu'elle est empêchée. L'AUTRE. Cela est il vrai? L'APPRENTIF. Aussi vrai qu'il est vrai qu'elles ont beaucoup de dépit, (ainsi qu'ont les traîtres) quand en leur présence on jure, & dit-on, par-ci, par-là: je n'aime point les putains; je n'aime point les traîtres. Si à telle heure elles devenoient pucelles, jamais ne deviendroient putains, & seroient aussi farouches au montoir, que garces qui ont été au sermon. COPIE. XXIV. Et gai, ne faites donc jamais de cérémonie à l'entrée d'une halle, d'une taverne & d'un bordeau. Quand je vois faire ces similitudes, il me semble que je vois mademoiselle de Peu, qui disoit à madame Courtois: mon dieu! madame, que vous avez de belles filles aux fêtes. (Elle étoit aussi propre que le pendu de Douai). CÉSAR. Comment? L'AUTRE. Quand l'empereur Charles y fit son entrée, les gens de cette ville-là lui voulurent faire tout l'honneur qu'ils pûrent. Et faisant de belles façons d'arcades, chapeaux de triomphes, poteaux & telles magnificences, ils s'aviserent d'un pendu qui étoit à la porte de la ville, & principale entrée; ils ôterent à ce pendu sa chemise sale, & lui en mirent une blanche, pour faire honneur à monsieur l'empereur). Cette femme disoit cela de ses filles, parce qu'elles étoient mignonnes & proprettes. Et après, ces mignons, ils sont là à faire des façons ès entrées ou sorties, & font plus de fricassées de fêtes, qu'il n'y faudroit d'étoffes à faire une pannerée de mysteres. Il me semble, à voir ces fadaises, que les personnes, qui demeurent ainsi arrêtées, sont comme couillons, qu'on ne laisse jamais entrer. Mais à propos, pourquoi est-ce qu'ils n'entrent jamais? BAIF. Il l'a tantôt été dit; souvenez-vous-en. L'AUTRE. Je m'en souviens comme Honoré Bonjouan, brodeur de la reine notre maîtresse, qui, ayant eu affaire de lui, & ne l'ayant pu avoir, puis le voyant, lui demanda où il avoit été. Alors il lui dit: madame, je me soumets en toute humilité de majesté, madame; je me souviens que j'ai été voir mettre un homme en difficulté, & en distribuer un autre en quatre pieces, choses que je n'avois onques point vues. NÉRON. Qu'est-ce que difficulté? BEZE. Il cuidoit dire en _effigie_; je me le remembre. Il disoit d'un bel homme, qu'il avoit de beaux mufles, c'est-à-dire _muscles_. DENIS. Il étoit aussi fin que le marquis de Bellegueule, qui disoit que c'étoit une bonne manne en une maison que du charbon. G. G. C'est aussi-bien rencontré que ceux qui disent: depuis que moines allerent à cheval. Je ne vis jamais de moines aller à cheval, non plus que d'autres; bien ai-je vu des chevaux aller à moines. Les chevaux vont à moines dessus, comme tout autre; & ce qui est notable. PASSERAT. Si nous nous avisons de telles rencontres de ceux qui ne savent ce qu'ils disent, & pensent bien dire, je vous renvoierai en Savoie avec les huguenots, qui, fuyant de la S. Barthelemi, & approchant de Geneve, se plaignoient du roi des François. Les Savoyards, qui croyoient ce que ces pauvres despoderats leur contoient, les consoloient ainsi: _Ha pauvre gen, vostron ré n'est pas si bon que nostron princio. Si vostron ré se fu bin gouverna, il eusse esta maistre douta de nostron duc._ Ces pitauds nous répétoient cela, même quand nous étions en l'expédition de Savoie, & que, sans le mariage du roi, nous eussions conquis le Piémont. Vogue la galere, ce sera pour une autre fois. Le duc nous apportera de l'argent; puis nous irons prendre sa terre. BENOÎT. En bonne intention, mon ami, vous êtes de la même opinion que le sire Isaac Baudouin, de qui j'avois fait enterrer la femme fort honnêtement dans l'église. Il avint que lui demandant de l'argent, parce que déjà je l'en avois averti, il me fit quelque excuse; puis, comme par colere, en présence de nos amis qui devisoient avec moi, il va dire: voici chose terrible! Cet homme veut avoir le corps & les biens. CASSIAN. On l'avoit apportée cette-là; mais la servante de Trainecouille. CÉSAR. Qui nommez-vous ainsi? CASSIAN. Ce grand viédase d'auprès les carmes, qui servoit d'espion aux ligueurs durant la ligue, de mouchard aux politiques durant leur regne, de fureteur aux huguenots quand ils pulluloient & multiplioient. Un jour, sa servante, qui se nommoit Colette, monta sur un abricotier, qui avoit des branches qui passoient par-dessus des murailles dans le jardin des carmes, ou des jacobins, c'est tout un. Cette fille s'avança sur ces branches, pour cueillir le fruit; & il avint que la branche, sur laquelle elle étoit, rompit. La fille tomba dans le jardin, où quelques jeunes freres se promenoient, qui, voyant cette proie comme venue du ciel, se mirent après, & la _besognerent_ en bon françois, allant à la rangette, comme les soldats qui assiégerent le château d'Angers. Le prieur, qui ouit quelque bruit, survint à ce lieu; & effaroucha les aigles qui venoient au corps, & prit la fille par la main & la rendit à sa maîtresse, qu'il trouva à la porte la demandant. Quand Colette fut avec sa maîtresse, elle fut tancée, & elle lui dit: vous êtes une pauvre fille, que vous n'avez crié. Et quoi, ma mie, je pense que vous les enduriez faire! Comment, madame, dit-elle, par ma finte, si le prieur ne fût venu, j'en eusse bien eu davantage. BAIF. Vraiment, à ce que je vois, elle n'étoit pas comme la fille de notre juge, laquelle est si pucelle, que son pucelage lui monte si fort en la tête, qu'elle en est folle. PIMANDRE. Je m'ébahis comment cette fille pût sortir du cloître, vu que l'on dit, quand une chose tient bien, _cela tient comme une vesse en cloître_. CHARLES. Mais je m'ébahis qu'il n'y eût quelque homme de bien là, qui empêchât cette insolence. CASSIAN. O voire, cela étoit une chappe-cheute, une fortune rencontrée: il ne faut jamais laisser passer ce qui s'offre; & qui plus est, je dirois presque comme le maréchal de Valiere. Comme les élus étant là, & parlant de vos deniers qu'il falloit lever, & les asseoir avec modestie; quelques-uns se plaignoient disant ce qu'ils en pensoient. Sur cela un élu va dire: il faudroit élire & choisir ici quelques gens de bien du lieu, pour y avoir égard. Ce maréchal qui ferroit un cheval, oyant cela, laissa son affaire, & vint dire à l'élu: vraiment, monsieur, il n'y a point ici de gens de bien. CONFESSION. XXV. LE BON HOMME. Nous ne boivons point; holà! Vous causez assez. Mais, en un mot, il faut à un bon cheval lui frotter la queue du reste de son avoine, afin qu'il aille bien; & à un buveur, faut jetter le reste de son vin sur les mains, pour le préserver de la goute. Et puisqu'il n'y a point ici de gens de bien, faisons-nous bons, améliorons-nous; demandons une recepte, pour être aussi long-temps en l'état que nous avons été, comme fit le chapelain de sainte Catherine, confesseur de madame la comtesse de S.... Ce prêtre se trouva, un jour, prés de sa maîtresse, que sept ou huit médecins y avoient été convoqués, pour consulter sur la maladie de madame, qui, à dire vrai, étoit assez vieille pour mourir. Ce pere spirituel voyant messieurs les médecins sortir, les arrêta, & leur dit: messieurs mes honorés mages, il n'est pas en mon pouvoir, moi pauvre homme, de vous assembler comme je vous trouve ici; & j'ai une grande maladie à vous communiquer. Qu'en eussiez vous chacun un petit! Aidez, messieurs, il y a quarante ans que j'ai une grande & fâcheuse migraine, en la tête, comme savez, joint que ce n'est pas de vous, comme de moi. Messieurs, je vous prie de m'y faire quelque chose: mais, messieurs, je vous dirai, s'il vous plaît, comme dit l'autre, & ne vous déplaise; je ne puis recevoir de clystere, prendre médecine, endurer la saignée, souffrir les ventouses, supporter les onguens, sentir les frictions, porter les bains, ni donner lieu en moi, dedans ou dehors, à ce qui provient de chez le chirurgien ou l'apothicaire. Ces messieurs lui dirent: & que voulez-vous donc, mon pere, mon ami, que nous vous fassions? A, ha! messieurs, je vous prie & supplie de me la faire autant durer, qu'il y a que je l'ai. Vous le deviez donc dire, lui braillerent en _chorus_ tous les médecins, & s'en allerent, le laissant-là. LE PROCUREUR. Comme fit la jeune mariée à son mari: que ne le disiez-vous? NÉRON. Quoi! LE PROCUREUR. Le matin, il vint plusieurs femmes, filles & garces, voir le nouveau marié, c'est-à-dire le jeune homme; & chacune le baisant, lui donna une fouace. Sa femme, ayant vu ce mystere, lui demanda affectueusement ce que c'étoit; & il lui dit que c'étoit un adieu que lui disoient toutes les femmes, filles & garces qu'il avoit accollées. Hé da, dit-elle, vous avez grand tort, que ne me l'avez-vous dit? J'en eusse averti tous ceux qui me l'ont fait; ils m'eurent apporté du vin; nous eussions eu à boire & à manger, pour d'ici à pâques. L'AVOCAT. Voilà une excuse pareille à celle que font ces bonnes pieces qui prêtent leurs cons. Quand une femme est du métier, Et sa voisine l'accompagne; Elle a sa part au benoîtier, Par la coutume de Champagne. ORIGINAL. XXVI. Et puis vous les verriez médire. Ma cousine Gervaise n'y faillit pas hier au soir. Elle détestoit les femmes des Prêtres, & disoit qu'elles étoient chevaux du diable, parce que les prêtres excommunient leurs femmes au _memento_, d'autant qu'il n'y a rien si aisé à faire cocu qu'un prêtre ou un ministre, quand ils sont affustés à dire messe, ou à prêcher. Et en ma conscience, nous la trouvâmes, au matin, couchée avec messire Cathelin, qui est un gros vilain camus. Et puis fiez-vous en ces belles diseuses! BARONIUS. Ordinairement ceux qui médisent des prêtres ou des ministres, en ont été; & ce qu'ils en disent mal, est pour faire croire qu'ils en sont éloignés, comme putains qui s'exercent, veulent faire croire qu'elles sont loin du bordeau. SENTENCE. XXVII. L'AUTRE. Mais à propos de putains, il faut que je vous fasse un conte de ma femme qui étoit une putain. Elle n'étoit pas de ces énormes putains qui en font métier; mais de ces femmes de bien, qui ont un ami d'honneur. Et bien, j'étois toujours le maître; on me craignoit. Quand je venois de la ville, ma femme venoit à moi, me tâtoit la tête: vous êtes échauffé, mon fils; sus, servante, chauffez une chemise pour mon mignon; mon ami, il faut prendre un peu de vin; voici monsieur tel, qui vous étoit venu voir; il prendra la patience avec vous. Et bien, j'étois mignardé; & qui plus est, mes servantes & mes valets le faisoient un petit: cela étoit cause que je les trouvois toujours à la maison à faire leur besogne: si cela n'eût point été, ils fussent allés au loin chercher provision, aux dépens de tout ce qu'ils m'eussent pu dérober. Tels sont les justes & bons fruits de l'honnête & chaste paillardise, dont les effets ne succedent qu'aux ames pacifiques, & qui ont du courage. Regardez un peu ce petit bouchon d'écuelles d'amourettes, cette belle Agnès, ce qu'elle en pense? DU HAILLAN. Elle fait la dégoûtée, comme la femme du comte Dommartin, laquelle étoit descendue à la cave pour boire; & de fait, avala trois bonnes verrées de vin, puis remonta. Or y avoit-il là un valet, qui étoit allé quérir la petite bouteille des fripons, lequel se cacha, quand il vit madame, & la considéra, & se tint caché: puis elle sortit. Il revint de fortune à dîner; monsieur avoit d'un vin frais percé, fort bon, & s'avisa de prier sa femme d'en boire, laquelle faisoit toujours semblant de n'en vouloir point; toutefois par importunité de son mari, qui lui en fit bailler dans un beau verre, elle en beut quelques gorgées; puis, ayant rendu le verre, dit, en se mettant les mains sur le bas de l'estomac: mes ameres, comme il me cherche. Voire, ce dit le valet qui étoit derriere madame, il cherche ses compagnons qui sont allés devant. ZVINGLE. Ha, ha, hé, çà, çà, Luther, laissons nos querelles; aussi-bien jamais Salomon ne fit bonne chere. LUTHER. Voici une bonne bête! Il ne mangeoit point de lard que par dispense, ou bien il faisoit, comme quand j'étois moine, que je faisois le petit exercice & gai. Pourquoi y a-t-il tant de putains & d'ivrognes? EPICURE. C'est parce qu'il faut que toutes choses soient accomplies. Il convient qu'il n'y ait rien de manque au monde; d'autant que l'univers seroit gauchi, s'il y manquoit de ce qui est à être effectué. Ainsi faut que les choses destinées soient accomplies. Il y a plusieurs pauvres & quelques jeûneurs d'amour ou de force, qui ne boivent point; & d'autres boivent pour eux, & pissent aussi pour eux. Il y a infinies nonnains, plusieurs moines, quelques filles de bien qui n'osent, ou ne peuvent, ou ne trouvent à le faire; & il y en a qui suppléent à tels défauts; & notez en charité que, si les loix étoient fideles, & qu'il n'y eût point tant de contraintes & d'hypocrisies, tels excès n'aviendroient pas. Et je vous prie, de prendre garde à ceci, que si vous retournez en vos charges, tout soit remis à belle égalité & proportion, que dieu a ordonnée, à ce que par vos insolences il n'y ait plus tant de causes de péchés & de punitions. OECOLAMPADE. Tu nous la bailles belle; tu nous contes de la piété, & tu n'en fais point de preuve. Tu es comme ceux, dont parloit la servante de cette vieille huguenote, qui mourut l'année passée. Un jour, elle incita sa servante, qui étoit papiste, d'aller au prêche; ce que la fille voulut pour lui plaire, & y alla avec bonne & belle dévotion, & ouit le prêche avec une moult bonne attention. Etant revenue, sa maîtresse lui en parla: & bien, dit-elle, ma mie, n'est-ce pas une belle chose que le prêche? N'y parle-t-on pas bien de dieu? La fille, ayant longtemps écouté sa maîtresse, lui répond ainsi: ils en parlent prou, mais ils ne le montrent point. EPICURE. Sec, j'y venons; tu nous apportes ici de terribles caupeaux de vieilles vérités. Je t'y attendois; n'es-tu pas gentil & de belle industrie? N'est-ce pas toi qui es un de ceux qui nâquirent dessous s'entrelevant par les épaules, & qui avois vécu soixante & sept ans? Toi, tu te mis à étudier; mais ton frere étoit tonnelier. COSTER. C'est là où il falloit prendre de quoi faire d'un diable deux, en les séparant, & coupant ce qui les joignoit par les épaules; & non de faire, d'une prébende licentiale, deux demies prébendes, pour d'un âne & cheval de bagage licentié faire deux chantres, que ce veau de licentié nomme diables, parce qu'il lui est avis que les anges du ciel qui ne quadrent à la mauvaise opinion de sa fressure, sont diables. Ainsi chaque levre a son goût. DÉMONSTRATION. XXVIII. EUCLIDES. Or bien il faut passer devant un chieur, & derriere un rueur. Vous ruez bien; vous êtes de même que la femme du sieur Chaillou, qui avoit force noix, l'année que ses noyers d'entre Tours & Loches furent abattus. Les noix étoient chéres; il y en avoit à la maison encore deux setiers à vendre; il vint un bon compagnon qui parla à madame, (laquelle étoit de ces bonnes ménageres, qui, pour épargner les poches, mettent & serrent le bran en leurs chemises) & marchande ses noix, fit marché avec elle, & lui bailla un quart d'écu d'arrhes, à la charge qu'il emporteroit sur sa bête un setier de noix. Et bien, madame, lui disoit-il, ne vous fiez-vous pas bien en moi d'un setier de noix, puisque je me fie en vous de l'autre? Oui dà, mon ami, dit-elle; mais comment avez-vous nom? Je me nomme Jean Tenon. Or bien, allez donc; & quand il vous plaira vous aurez le reste. Adieu, madame. Adieu, mon ami. Quand Chaillou fut venu, elle lui fit le conte de son bon ménage, & aussi disoit-elle qu'elle s'étonnoit que ce marchand tardoit si long-tems. A la fin, le mari lui demanda comment il avoit nom. Non, mon ami, dit-elle, c'est un honnête homme à le voir, je ne me puis pas bien souvenir de son nom. Chaillou, tout fâché & dépit de la sotise de sa femme, va dire: ha! je vois bien ce que c'est. J'en tenons, _id est_ nous en tenons; c'est-à-dire, nous sommes pris. Elle, qui ouit ce mot, Jean Tenon, oui, oui, oui, mon ami, dit-elle, il est vrai; c'est lui; il m'a dit qu'il avoit ainsi nom. MERLIN. Elle fut un peu plus fine que la femme de Garence, qui, un jour, avoit affaire de cendres, & voyant force pastel qu'elle croyoit qu'on avoit jetté avec du bresil, mit tout au feu, & en fit des cendres. Il y avoit pour plus de cinq cents livres de marchandises, dont elle fit pour dix-neuf sols six deniers deux oboles de cendres. Voilà pas une bonne alquemiste? MELVIN. Ce fut elle, que son mari mena à Maillé voir un de ses cousins; ce mari parlant à son cousin, ce cousin lui demanda des nouvelles de sa femme, disant: & comment se porte ma cousine? Voire, dit-il, & la voici. O! dit l'autre, excusez-moi; vous avez donc amené une bête. Çà, çà, ouvrez l'étable; ho! garçon; & puis, allons boire. Il vouloit dire qu'il avoit amené une bête chevaline, pour porter la bête humaine. ALF. DE CASTRO. Quand j'étois marchand, je menois une bête; mais c'étoit un ours. A cela, vous pouvez juger que je ne suis ni Normand, ni Manceau, ni Rousseau, parce que l'on ne voit gueres de telles gens du pays de sapience mener l'ours. ILLIRIC. Voire; mais tu ne menois pas l'ours, quand nous eûmes si grand peur en la Franche-Comté, où l'on nous fit manger de la chair de l'ours salée. ALF. DE CASTRO. Il faut que je confesse que je ne fus jamais si épouvanté; je cuidois que les diables dussent débattre sur quelque sorbonique, ou que le parlement prédestiné des ministres & jésuites fût arrivé. Il avoit neigé; & c'étoit environ la saint Jean. NÉRON. Tu débutes bien; la saint Jean! ALF. DE CASTRO. Oui da; il y a la saint Jean qu'on fauche, la saint Jean qu'on tond, la saint Jean qu'on bat, & la saint Jean qu'on chauffe; c'est cette là, je l'ai trouvée; & étoit fort près de la nuit. Vous savez qu'en ce pays-là les maisons sont près la montagne, & n'ont qu'une cheminée au milieu, sur le haut de laquelle il y a deux fenêtres ou portes, pour donner le vent par rencontre, afin que la fumée n'importune point. Or le vent étant tourné, le valet voulut aussi tourner les portes, en ouvrir une, & fermer l'autre, de laquelle un des gonds étant rompu ou arraché, il n'en put venir à bout, si qu'il lui fut force de monter en haut, & ce par la cheminée. Etant en haut, il avisa le défaut; mais il n'avoit point de marteau pour s'aider à descendre; il se fâchoit, de sorte qu'il alla par sur le toit, droit sur la montagne, quérir une pierre; & ainsi il fit un petit sentier, il racoûtra sa porte, puis descendit. Il y avoit un pauvre chaudronnier qui cherchoit logis; mais parce qu'il brunoit, il ne pouvoit voir de chemin; joint qu'il avoit neigé, depuis que le monde se fut retiré. Ce chaudronnier bien empêché, ne savoit que faire; il levoit nez à mont, découvrant ça & là; enfin, il avisa le sentier qu'avoit fait ce valet, & lui là: il le suivit; & voyant la clarté de la chandelle, il ouvre la porte, & cuidant entrer il se pousse dans la cheminée. Etant ébranlé, il n'y eut point moyen de se retenir, si qu'il tomba au milieu de la chambre, disant: dieu soit céans. Nous vîmes ce personnage noir & ses chaudrons, qui firent à nos oreilles une fois plus de bruit qu'ils n'eussent pu faire. Nous fuimes tous, cuidant que ce fut le maréchal des logis de Lucifer, qui vînt mettre dans ses chaudieres les petits enfans, pour les faire cuire, & nous envahir comme repues franches. HISTOIRE. XXIX. GAGUIN. Comment avoit nom ce chaudronnier? ALF. DE CASTRO. Il avoit nom Socrates. POGGE. Tout beau, ne parlez pas si haut; d'autant que, si ce sage l'entend, il deviendra fou. ALF. DE CASTRO. O, ho! & les noms sont-ils pas communs? Et qui sait, à cette heure, lequel des deux est Socrates, puisque les noms sont pour les mortels, qui sont si sots qu'ils donnent des noms aux anges & aux diables? Je ne dis pas que cela ne fût bon à ceux qui seroient baptisés ou circoncis. ILLIRIC. Puisque tu fais tant le résolu, qu'avois-tu affaire de nous nommer ici? Et plusieurs s'en fâcheront, ne s'y trouvant pas. L'AUTRE. Si quelqu'un se fâche que je ne l'ai mis ici, ou quelqu'un de ses pareils prétérits ou futurs, qu'il y mette ceux qu'il voudra, & lui-même pour s'appaiser, ainsi que fait ma mere-grande: si on lui apporte sa soupe trop chaude elle la rafraîchira; si elle est trop salée, elle y mettra de l'eau; si elle est trop fade, elle la salera; s'il y en a trop, elle en laissera, s'il y en a assez, elle mangera tout, &c. C'est une bonne personne, pour une femme; elle trouve tout bon, afin de ne se marier point. Faites ainsi, mes bons amis du coeur; & notez que s'il y a quelque fantasque qui s'attriste de n'être ici ou les siens, & ne veut se soumettre à la juste raison que j'ai dite, il sache que je ne connois point les fils de putain. Je vous dirai pourtant, vous demandant excuse, qu'il y aura ici assez de place pour tous les fous, pourvu que l'on les y mette l'un après l'autre. En Allemagne, les Allemands y mettront leurs fous; en France, les François; en Angleterre, les Anglois; en Espagne, les Espagnols; en Suisse, les Italiens; en Turquie, le reste: & puis, que l'on fasse si grand-chere qu'on voudra; soit en droit, soit en musique, soit en canon soit en théologie, soit en gendarmerie ou marchandise, ou médecine, ou toute telle autre sorte que vous imaginerez, sans y mêler les grenetiers, parce qu'ils sont le sel du monde; ils salent les autres fous, de par le roi: bran pour eux. DE CASIBUS. Qui est-ce qui parle de bran? MADAME. C'est moi. DE CASIBUS. Qui vous puisse brider les joues. Et bien, madame, là-dessus je vous demande combien un étron a de qualités? Dites-le; il faut tout apprendre, aussi-bien il s'en faut dépêcher comme ma cousine, du sac du bon homme. Prenez donc un étron, & y mettez le nez, il pûra; mettez-y les dents, il sera trouvé de mauvais goût; si vous n'êtes dégoûtée, & que vous ne trouviez pas la merde bonne, frottez-vous-en le nez, il vous barbouillera. LUTHER. A, ha! hé, tu es bien aise d'avoir bricollé une petite vilaine. DE CASIBUS. Qui est le plus vilain, celui qui emporte, ou celui qui en parle? Et devinez ce que c'est; si ce n'est pas cela, dont vous n'en sauriez porter une livre, quand il est encore à vous; n'étant point vôtre, vous en porteriez un quintal? MADAME. Là, là, changeons de note. LUTHER. Celui n'a gueres de notes qui n'en sait point, comme ce drôle qui vint chez monsieur le baron au Chastais, hier, & trouvant monsieur à la porte, il lui demanda la passade. Qui êtes vous? dit monsieur. Je suis un pauvre musicien. Entrez, mon ami. Entré qu'il fut, monsieur le fit dîner avec lui. Or étoit ledit baron fort curieux, & avoit fait apprendre la musique à ses enfans, garçons & filles. Après dîner, il fit apporter des livres, pour faire la musique, & bailla des livres à chacun, & un à cettui-ci; & lui-même, docte en cette discipline, bailla les tons; les enfans chantoient; & monsieur, qui n'osoit rien dire à ce passant, estimoit qu'il écoutoit. A la fin, le voyant se taire, il lui dit: vous ne chantez point? Non, monsieur. Hé pourquoi? Monsieur, je n'y entends rien; ne vous ai-je pas dit que je suis un pauvre musicien, que je n'y entends rien? RABELAIS. Tu ne fais ce conte qu'à demi. LUTHER. Sanguille, tu es un bel évêque! De quoi, tous les mille diables, te mêles-tu? PIRRHUS. Que pensez-vous avoir dit? Oui da, Rabelais mon bon compere a été évêque. Et pourquoi non ne l'eût-il été, aussi bien qu'un tas d'autres qui le sont bien encore, & le seront? Et de fait, je vous démontrerai qu'il a été évêque: je ne veux point disputer; je suis mathématicien, j'entre en démonstration. Ne savez-vous pas qu'il n'appartient qu'aux évêques ou archevêques de confirmer par la noble puissance qu'ils ont? Et ainsi avec cela de changer le nom, en muant un peu de la substance? S'il est vrai ce que je dis, & que ce bon pere _pseudo-evangelico-papistico-anabaptistico-giésitanerbiterono-puritain_ a pratiqué en confirmant madame la mere de Gargantua; laquelle, en premiere invention, dictée de la propre goule d'un défunt évêque de Paris, avoit nom Galemelle; & le pere Rabelais la nomma Gargamelle: si ledit n'eût été évêque il y eût eu fausseté en ses écrits comme ès vôtres: ce qui n'est pas, témoin Jamblique, qui profere: S'il faut baiser, à ce qu'on dit: Tout ce qu'aux dames on présente, Je ne saurois baiser mon vit; Je le garde pour la servante. ATTESTATION. XXX. Vraiment voire, ce dit la servante de chez nous, si j'étois la maîtresse, je ne bougerois du lit quand il fait froid. En nanda, notre valet étoit plus habile homme, qui, parlant à mon pere (qui est gentilhomme, ne vous déplaise, & d'antique race, je le dois bien savoir, moi qui ai été condamné aux grands jours d'avoir non la tête coupée, mais le col, & me voici; c'est tout un, je suis de la vieille noblesse: non admise par médecine, ni mairie, ni échaunage, ni lettre; mais par source de vieille gueuse, ferme tigneuse, & bonne putain d'antiquité. Que disois-je? Cette folle humeur de vanité noblesseuse m'a si bien fricassé la cervelle, que j'ai oublié ce que je voulois dire. Parguille, si je m'y mets, je ne dirai jamais rien, que je ne fasse comme Auguste, ce grand preneur de taupes à la glu, c'est-à-dire, empereur des Romains. POGGE. Et que faisoit-il? PYRRHUS. Il vous chioit au nez tout d'une volée: laissez-moi dire; je reprens ma mémoire comme le grimoire; j'ecrirai tout ce que je voudrai dire, & serai si sot que, quand je demanderai à ma femme à le faire, je l'écrirai en mes tablettes, afin de ne paillarder à bien dire sans faute. (Ce notre valet, voyant mon pere être appellé pour l'arriere-ban, aussi étoit-il gentilhomme, ce qui le fâchoit, parce-qu'il n'aimoit point la guerre; il aimoit le lard, & haïssoit les chiens. Foi de demoiselle, disoit ma mere pançant ses pourceaux, mon mari est aussi noble que le roi; il aime bien à ne rien faire, & se donner du plaisir: & notre valet, qui est des meilleurs, voyant mon pere fâché pour cette arriere-bannerie, lui va dire, cordille, mon maître, si j'avois autant de bien que vous, je n'iras pas à la garre! Et qu'est-ce, Colas mon ami, que tu ferois? Que je ferois? Je m'en irois voir le procureur du roi avec un bon lievre, & il me donneroit main-levée. Et si ce n'étoit pas assez, ou qu'il ne fût pas assez grand... THUCIDIDE. Il n'y a remede. Il disoit comme la bonne femme qui présentoit le pain béni à saint Pierre-aux-boeufs. Mais en conscience, toi qui te connois en tout, lequel des deux boeufs qui sont là est le plus gras? SAUVAGE. Je l'ai mis en ma chronique. Deux comperes aviserent à cela, & gagerent. Le sire Adam disoit au sire Girôme que l'un étoit plus gras que l'autre. Ils gagerent, s'en rapporterent à ceux qui sortiroient de la premiere messe. Le sire Adam se leva de nuit, & alla graisser de sain celui qu'il avoit dit être le plus gras; puis quand le monde sortoit, & que ces sires demandoient l'avis d'un chacun, dame, chacun trouvoit, cettui-là être plus gras. DU GUGNET. Hé, grosse pécore, il y en a un voirement plus gras que l'autre, d'autant que l'on met en son corps les huiles pour servir au luminaire, & il en tombe dans ce creux, si qu'il est plus gras. C'est philosopher, cela. Mais à cette femme, mais à ce pain; & bien à tous deux. THUCIDIDE. Cette bonne femme étoit sourde; & présentant son pain, & faisant la révérence, elle fit un pet. Les présens & présentes se prirent à rire. La bonne femme, croyant qu'ils se moquoient de son pain qui étoit bien petit, se retourne & dit: messieurs & dames, excusez-moi, s'il vous plaît; je le ferai une autre fois plus gros. Et chacun de rire plus fort, attribuant le plus gros au pet, qui étoit délicat. Il étoit noble, ce pet, puisqu'une demoiselle l'avoit fait. PYRRHUS. Et pourquoi non? Le métayer ne disoit-il pas bien, voyant des pourceaux: ô! la belle noblesse que voilà! Il en dit bien d'autres: & comme ma tante lui demanda touchant les biens de la terre, ce qu'il en pensoit: ô! mademoiselle, pour les bleds & tels grains vous n'en avez gueres; mais vous êtes la roine des vesces. Je ne vis jamais tant de demoiselles qu'il y a aujourd'hui; tout en est conchié. Quand vous en saurez la raison, vous ne serez plus tant étonnée; il faut... ARETIN. S'il faut, il ne prend pas. PYRRHUS. Si vous étiez aussi mordant que reprenant, il n'y auroit cul qui n'eût des dents. Sachez donc qu'un jour une belle, jeune, fretille, bonne & sage demoiselle que je connois bien, (je la dois bien connoître; son pere m'a fait bonne chere) un jour d'été qu'il faisoit beau, eut fantaisie de monter sur un arbre. J'eusse bien mieux aimé monter sur elle. POGGE. Tu es dégoûté comme le clousier de Vaux, qui pensant entrer en la salle, y vit plusieurs dames, & se voulut retirer. Entrez, dit madame de Saint-Martin, entrez; nous ne mordons ni ne ruons. En da, dit-il, donques, mesdames, je voudrois bien être monté sur icelle bête. PYRRHUS. Cette belle demoiselle, que je vous dis, étant sur cet arbre, y cueillit ce qu'elle voulut; puis descendit. Or est-il que la queue de son chaperon de velours y demeura, sans qu'elle y prît garde; & le cocu fit son nid dessus, & tellement que plusieurs oiseaux la couverent, cette belle queue lui multiplia si bien, que maintenant il ne faut que secouer un coup, voilà une demoiselle faite. Et gai, il ne tiendra pas à moi que je n'en fasse, & je ne leur exhibe une andouille & deux oeufs, la pitance d'un religieux. LOUVET. Tu te vantes bien. S'il étoit, ou qu'il fût; mais il est. POGGE. Et bien, cela est bien dit. LOUVET. Notre official le fit interpréter à l'homme & à la femme qui se plaidoient. L'homme disoit du cas de sa femme: s'il étoit, montrant le pouce joint au premier doigt; puis il disoit: ou qu'il fût, comme les deux pouces joints à bout, & les deux premiers doigts; mais il est, montrant son chapeau. Et la femme dit, parlant de l'outil de l'homme: s'il étoit, empoignant sa cuisse; qu'il fût, empoignant le bras; mais il est, montrant le petit doigt. ALCIAT. La dispute en est aussi bonne, que celle d'un savant qui vint à Genêve, lorsque Jysquel y faisoit ses études. Cettui-ci dit qu'il vouloit disputer; mais qu'il ne parloit qu'en signes. Il n'y eut personne qui voulût y entendre, d'autant qu'en ce pays-là (c'est à Genêve) ils n'ont gueres de signes; ils veulent tout à droit. A la fin, il y eut un menuisier qui étoit de Montargis, parent du démoniaqué, & d'un maître d'hôtel de madame la duchesse de Ferrare, & réfugié à Genêve pour la concupiscence; hoi, je cuidois dire _conscience_, (comme il avint un jour à Tours, que le roi y étoit. Il y avoit lors une dame, qui durant les jeux avoit joué conscience, qui pour cela en eut le nom tout le temps de sa vie. Je la trouvai en la rue, & je la cherchois; il m'avint de lui demander le logis de madame Conscience. Qui êtes-vous, dit-elle qui m'injuriez? Hélas! madame, pardonnez-moi; on m'a dit que vous avez ainsi nom. Ce sont des sots qui le disent. Je ne le dis donc plus.) Ce menuisier dit qu'il disputeroit avec ce savant, selon les accords. On les met sur un échafaud, devant le monde. Ce savant, se présentant résolument devant ce menuisier, auquel on avoit baillé une robe ministrale & un bonnet consistorial, & levant le bras, haussa la main, fermant le poing, en lui montrant un doigt: le menuisier lui en montra deux; le savant en présenta trois; à savoir le pouce & les deux doigts: le menuisier lui montra le poing clos. En après, le savant lui montra une pomme; le menuisier, cherchant en sa pochette, trouva un petit morceau de pain, & le lui montra. A donc le savant, tout ravi en admiration, se retira; puis dit qu'il avoit là trouvé le plus docte homme du monde; & tant que ce bruit a duré, l'école de Genêve a été en réputation. Depuis on prit à part le menuisier, & on lui demanda qu'il avoit agi réciproquement avec cet autre. Il nous dit: voire, c'est un homme fin! Il m'a menacé de me pocher un oeil; & je lui ai fait signe que je lui en pocherois deux. Puis il m'a menacé de m'arracher les deux yeux, & m'enlever le nez; & je lui ai montré le poing, avec quoi je l'assommerois. Et comme il m'a vu en colere, il m'a présenté une pomme, pour m'appaiser comme un enfant; je lui ai fait voir que je n'avois que faire de lui, & que j'avois du pain qui valoit mieux. SOMMATION. XXXI. Et puis faites la guerre pour cela! Allez vous battre; allez vous damner pour telles gens. J'aimerois mieux aller travailler à ma journée, & faire un petit de bon frit en ce monde. CEBES. Oui, ainsi que fit Jaques Poulet, qui tailloit la traille de madame de la Souche. Comment? Il étoit beau & gaillard; & madame l'ayant contemplé, eut envie d'être couverte de son corps; chose que, pour rien du monde, elle n'eût voulu permettre à autre qu'à son mari. MADAME. Voire, permettre à son mari! Il ne faut qu'obéir, d'autant qu'elle y est obligée; que si elle le fait à d'autres, c'est grande & notable charité. ALCIAT. Bien; vous avez dit vrai; vous êtes une bonne petite personne. Il ne le faut pas dire à tout le monde. Or de cet accouplement désirable, & voluptueux, d'autant qu'ils travaillerent à con vu & de plein jour, ils firent un bel enfant; & à cela se connoissent les enfans faits de jour ou de nuit, ou autres des quatre temps, selon leur beauté; les plus beaux sont faits de jour. Or elle qui étoit mariée, ne pensant pas que cela dût prendre, à cause que le prêtre n'y avoit pas passé, n'en fit autre mine; & toutefois se trouva grosse, dont enfin elle accoucha, fort assurée à qui l'enfant étoit. Il avint que la bonne dame fut malade, & comme elle fut prête de mourir, elle appella son mari & lui dit: mon ami, je vous ai toujours été obéissante & douce; je crois que vous ne vous plaignez point de moi. Non, ma mie, réjouissez-vous & revenez au monde. O, mon ami! je suis fort dolente & ennuyée d'une faute que je vous ai faite; mon cher mari, je ne vous en ai fait qu'une, je vous prie de me la pardonner. Las! ma mie, prenez courage; il n'y a rien que bien. Mais, mon ami, la faute est grande. C'est tout un; je vous la pardonne. Hélas! mon ami, ce petit garçon n'est pas de votre fait; c'est Paulet qui me le fit, le jour qu'il tailla notre treille, l'année passée. O! o, ma mie, dites-moi, étoit-il à notre journée! Oui, mon ami. O bien, ô bien, ma mie, c'est tout un, puisqu'il étoit à notre journée, & que nous l'avons payé, l'enfant est à nous, d'autant que ce qu'il faisoit étoit pour nous; reposez en paix, & ne vous affligez plus. Achevant cette parole, le médecin entra, qui lui tâta le carpe: adonc il dit: cette pauvre dame n'a plus de pouls. Elle l'ouit, & faisant un soupir, va dire: a, a, a, monsieur, en voici un gros qui me mord près la gorge. CARDAN. Le seigneur de Strossi fut autrement gaussé de son médecin, qu'il ne payoit pas bien, d'autant qu'il lui bailla bien plus d'un vif biais. Le médecin l'ayant tâté, Strossi va dire, a, a, monsieur le docteur, mon pouls est bas: il ne va gueres vîte. Non, monsieur, dit le médecin; s'il étoit sur quelque genet il iroit bravement; mais à cette heure il va plan, plan, d'autant qu'il est sur un âne. MAROT. Ce médecin, sortant & passant par saint Severin, vit les prêtres enterrant des morts par trois bandes, & les saluant, il leur dit: dieu vous garde, messieurs; vous faites bien votre août. Voire, dirent-ils, oui, monsieur, dieu merci & vous. CUSA. Et allons; voilà qui est aisé comme une femme qui se meurt contre terre: voici de vrais contes, du temps que les bêtes parloient. POGGE. O qu'il ne faut pas aller loin; il y en a bien qui parlent. APULÉE. J'ai été âne, comme chacun sait; mais mon compere Cardan a bien été une autre bête. CARDAN. Oui dà, j'ai été de trois sortes de bêtes, & je ne fus jamais âne; mais je me souviens du temps que j'étois bête ainsi que vous, témoin Thevet & quelques semblables pour être bêtes de bon esprit, & ayant mis en mémoire la promesse faite à Pythagoras, j'ai plus fait que lui, d'autant que j'ai bien retenu ce que j'avois en rencontre; & de fait, j'ai engravé en mon esprit ce que j'ai vu ès institutions & cérémonies de bêtes, & sur-tout en leur cabale qui est notable, en laquelle il y a un article de plus de conséquence, & sur-tout en ce qui est de leur créance; d'autant que, comme j'ai su d'elles, elles croient que les hommes sont plus bêtes qu'elles ne sont, bien que quant à elles, elles soient les martyrs de nature. Il est vrai qu'il y a de méchantes bêtes, comme il y a de méchans hommes. Si j'osois, je passerois outre, parce qu'elles ont une religion; mais je n'en veux pas parler, d'autant, que la déclarant, elle se trouveroit semblable à celle de plusieurs sots. CALENDRIER. XXXII. L'AUTRE. Les espérances sont plus belles que les effets, d'autant que les conins des petites filles sont mieux faits que ceux des grandes. Aussi il y a conin; c'est le cas de ces mignonnes, que l'on torche encore près le feu, ou qui les montrent en pissant: conaud; c'est de celle qui est déjà bonne, qui peut être chute en pauvreté, à qui le poil a percé la peau: puis con; c'est de celles qui sont bonnes, & n'ont guères eu, ou point d'enfans: conasse; c'est des vieilles, & qui est presque tout en désordre. PLATINE. Et que dites-vous de connue? L'AUTRE. C'est le cela d'une veuve; il n'est ne l'un ne l'autre; mais ce qu'il peut être. AVERROÈS. Je crois que les conasses sont désagréables, & appartiennent à l'ordre du derriere de la servante de feu monsieur le doyen des médecins. Cette vieille, étant près de mourir, requit son maître d'une faveur qu'il lui promit. Hélas! dit-elle, monsieur, je me meurs, je suis une pauvre femme; je desire, s'il vous plaît, être enterrée au préau de S. Pierre; mais, s'il vous plaît, que l'on ne chante point sur moi: je ne desire pas que l'on se moque de moi. Pargoi, s'il vous plaît, qu'ils ne disent point: ô! cu ridé. PASSERAT. Et bien, ma mie, bien, mourez en paix, & n'ayez pas de crainte; ne vous épouvantez point, comme fit un sergent d'Orléans, que je ne veux pas nommer, d'autant qu'il a des parens en chapitre. Ce bon & noble sergent, allant un jour se promener à la Source, avec plusieurs de ses amis, il y eut un jeune apothicaire, qui se mêloit de prendre les serpens, lequel en voyant un beau & long glisser devant nous, va le conjurer & dire: serpent, je te commande que tu t'arrêtes; & qu'il soit aussi vrai que je te prenne, comme il est vrai que, quand un sergent se meurt, son ame va droit entre les mains de Proserpine reine des enfers. Ce serpent s'arrêta, & fut pris. ZVINGLE. Le sergent, voyant cette merveille, fit au rebours du barbier de notre pays, qui vendit ses rasoirs, bassins, lancettes & autres ustensiles, afin d'acheter un état de sergent, pour faire le salut de son ame, & être compagnon d'un violon qui se fit sergent, pour mener joyeusement le monde en prison, d'autant que cettui-ci, ayant componction de coeur, jetta son office au diable; & se rendit capucin. LOUVET. Il avoit un autre dépit. Vous ne devez pas dire cela. S'il y a quelque sergent qui ait fait quelque chose, ou même cettui-ci, donnez-le à qui vous voudrez, & n'impugnez rien que ce que nous disons, pource que tout ce qui est ici avancé, est tenu pour très-vrai, sans qu'il y faille, ou soit reçu d'y contredire; & si quelqu'un y contredit, qu'il s'aille faire canoniser en enfer. Pardonnez-moi; ce que je dis n'est que pour rendre plus authentique votre prolation; & de fait, je crois, que ce n'est pas lui, dont je veux parler; c'est d'un autre qui est de Genêve, & est de même état: là on ne dit pas sergent, on dit officier. OECOLAMPADE. A, a, voilà dire cela, voilà parler d'accord; c'est appréhender aux prêtres & aux ministres le moyen de s'accorder. Or dites à pleine gueulée. LOUVET. Cet officier avoit une femme assez fâcheuse, & qui le tourmentoit. Il la battit plusieurs fois & à dur, dont elle se contrista, & menaça son mari du consistoire, qui est le purgatoire des huguenots. Remis qu'il fut au consistoire, il y alla; & on lui remontra que cela n'étoit pas beau de battre sa femme. Elle étoit battable, dit-il. Allez, lui dit le diseur, sachant la pensée de notre seigneur le consistoire, retirez-vous; qu'il y ait de la mesure en vos actions, & qu'on n'oie plus parler de vous. PALINODIE. XXXIII. Il retint fort bien son congé; & quelques jours après, sa femme se faisant forte du consistoire, se mit à faire la méchante, & il la battit; mais avec quoi? Avec une aune qu'il avoit empruntée du seigneur Lait, qui avoit été jadis couturier; & la frotta dos & ventre sur ses habillemens, à cause qu'ils n'ont point ôté les dix jours en ce pays-là. La pauvrette se plaignit, & fit encore appeller son mari au consistoire, auquel on fit la joyeuse & courte remontrance, parce que l'on n'avoit pas le loisir de parler à lui, à cause que l'on faisoit réponse à une lettre que le duc de Savoie avoit écrite à un traître; (O diantre soit le traître! Il étoit alquemiste, il n'y eut jamais que lui qui fût de cette chose là) & dit-on à ce maître officier: allez, & soyez sage; & si votre femme vous fâche, ne la battez pas. Monsieur, je ne lui ai fait que ce que vous m'avez commandé; je l'ai battue par mesure. Oui, dit-elle, messieurs, il m'a battue avec une des aunes de messieurs; & disoit bien, pour autant que là on mesure la justice. Comment, dit maître Jean Pinaut, vous abusez des paroles saintes? N'y retournez plus. Monsieur, dit-il, ce ne sont que remontrances que je lui ai faites. Allez, dit le président clerc, remontrez-lui avec l'écriture sainte, ou bien on vous mettra Céans. Quelques jours d'après, elle fut encore mauvaise, & il la battit; mais ce fut avec un gros nouveau testament couvert de bois & ferré: il le lia en une serviette, & la plauda en cas-pendu; il n'y manqua rien. Elle s'en plaignit; &, les formes observées, étant devant le benoît consistoire, qui s'ennuyoit de le voir si souvent, il fut tancé. Messieurs, dit-il, je ne l'ai corrigée qu'avec l'écriture sainte. Hélas! quelle écriture sainte, messieurs, dit-elle! C'a été avec un gros maudit testament qu'il m'a bourrelée. Cela ouï & sû, il fut dit qu'il seroit puni, s'il continuoit: & puis, étant entré devant messieurs, on lui reprocha son incrédulité, qu'il étoit malin contempteur & tergiversateur: & enfin, lui fut prononcé à peine de punition corporelle, qu'il n'eût plus à châtier sa femme, que de la langue. A, jan! il n'y faillit pas, d'autant que quand elle le fâcha, il prit une langue de boeuf fumée, dont il la battit tant que le diable eut de cul, & le consistoire de tête; & leur allez demander qu'ils en ont fait. BARRABUS. Voilà une mauvaise fortune. EUSTATHIUS. Ainsi il y a fortune visible & fortune invisible. NÉRON. Voilà une belle remarque; je vous prie, sachons que c'est. EUSTATHIUS. La fortune invisible est l'esprit de la visible, & qui est fort secrete: je ne vous la dirai pas toute; mais pour la faire appréhender, je vous en baillerai l'échantillon royal, c'est-à-dire, le souverain; le plus beau, c'est le cocuage. Et la fortune visible, la vérole, les poulains, mal au vit, la chaude-pisse, & telles démonstrations circulaires & avantageuses, lesquels s'achètent à deniers comptans; sinon que l'on marque les coups à la coche ou à la taille, c'est tout un; pourvu qu'on s'en souvienne; ou bien que l'on le fasse sans cédule, & sur la foi. SATIRE. XXXIV. DIXIPPUS. Et dà, c'est un grand malheur que des affaires du monde. Voilà, un pere aura de belles filles; c'est vraiment une belle & digne marchandise; & toutefois il faut bailler de l'argent pour s'en défaire; & qui pis est, à ce que m'a dit Schower, ce fidele astrologue, ainsi que Léontius me vient de confirmer, tant que le roi vendra les états, & que les hommes bailleront de l'argent à un maître pour le servir, certainement les femmes, qui autrement sont dites garces, c'est-à-dire, filles de joie, dames d'amour, personnes de liesse, prendront de l'argent de ceux qui les serviront, se saisiront de notre bon argent, & de tout ce que nous aurons. Et je vous dirai un axiome vrai: si elles sont domestiques, elles aiment autant leurs maîtres pauvres que riches, témoin l'enfant prodigue, qui, pour cette cause, se nommoit le seigneur, _Luxu_, comme vous voyez en ses portraits, S. Luc XII, c'est-à-dire, sire ou seigneur _Luxu_. De-là ont été nommés les luxurieux: c'est pourquoi Lucullus aimoit tant les lamproies; aussi est-ce une viande délicieuse, quand elle est confite à la sauce du salmigondis renouvellée. SCALIGER. C'étoit la viande du mauvais riche; est-il pas dit _efrenomenim catimeram lampros_, il mangeoit tous les jours des lamproies? QUIDAM. Vous contaminez le prétoire; retournez sur les femmes. SCALIGER. C'est bien dit; aussi à dire vrai, j'étois vierge quand je fis ma quadrature du cercle; & si je fusse demeuré tel, j'eusse fait la pierre philosophale, d'autant que, pour y parvenir, il le faut être & immaculé. GEBER. Vraiment tu as dit vrai. CARDAN. Et pensez-vous qu'il faille être si sage, pour parvenir à quelque chose de bon? Non, non, ne vous mettez pas cela en la fantaisie. Sachez, mon doux ami, que les Suisses gardent la porte & n'entrent guères, & davantage ne savent que l'on fait dedans, ni qui y est; & tenez ceci pour un notable secret pour la résolution de toutes les controverses de ce tems. PIERRE MESSIE. Il faudroit user de grande discrétion pour cet effet; &, comme dit cet Espagnol, il conviendroit cavaler les esprits, afin de distinguer ce à quoi ils sont propres. MAROT. En vieux françois, _cavaler les esprits_, c'est chevaucher les engins. BERNARD. Il est vrai; voilà pourquoi les beaux entendemens sont toujours ribauds ou rufiens, c'est-à-dire, en poésie, _ils font l'amour, sans en faire conscience_. PIERRE MESSIE. En da, ne dites pas cela; il y en a qui font conscience de tout; ceux qui font conscience de rien, ne sont plus habiles. BERNARD. Tu y es; dis que tu en as, grande chemise; tu l'as deviné, comme pisse-en-lit; & indigne animau, sais-tu pas qu'il ne se fait rien de-là, dont Pantagruel n'ait avis ici, ou que son conseil n'ait arrêté? Va, fais-toi de telles gens, & tu sauras tout. PIERRE MESSIE. Il me faudroit avoir bien du moyen, ou que quelqu'un me voulût croire. Je vous dis vrai qu'il y a long-tems que j'eusse été chanoine de notre-dame de Paris, si un de la compagnie l'eût voulu. En da, tous en étoient d'accord: il n'y en avoit qu'un qui m'en empêcha. CÉSAR. Et qui? Dis-moi; que je le tue. PIERRE MESSIE. Je ne gagnerois rien à sa mort; je vous dirai pourtant qui est cettui-là; c'est un seul; c'est le premier venu, lequel s'il me donnoit sa prébende, je serois reçu. AMIOT. Vous ne parlez que par fariboles; (je cuidois dire _paraboles_) je suis dedans, déjà j'entre au bâtiment de conscience, allons-y vîtement. RONDELET. Tout beau; oyez notre ami, ce bon conseiller Tourangeau, qui est ordinairement monté sur un gros chevau, quand il va aux champs, comme ce gros comte de Lyon, dont ils disent de lui & de son cheval, que ce sont deux grosses bêtes. On parloit d'aller visiter un intendant de la justice: à la fin, il fut resolu en la chambre que l'on iroit _catervatim_. Ha, dit celui-ci, si on y va _catervatim_, je veux être un des quatre. SCALIGER. Fût-ce pas sa mere, qui, parlant de ce qu'on laissoit trop fortifier les huguenots, dit au maire: monsieur, monsieur, il ne faudroit pas tant laisser mortifier ces gens-là. Mais à ce pauvre homme. Laissons-le là. Il a un cousin, auquel durant les pardons, il avint une plus jolie fortune. Lui, avec quatre de ses voisins & leurs femmes, se mirent en chemin à pied, pour aller aux pardons. Quand ils eurent un peu cheminé, ils furent las, & s'aviserent de prendre un charroi; & que celui qui auroit la plus courte paille l'iroit chercher, ou seroit le plus grand cocu de la troupe, au défaut de ce faire. L'accord fait, une femme prit des pailles, & baille à tirer; notre ami & cousin tira le troisieme, & il fut trouvé avoir la plus courte. Il disputoit, & disoit qu'il n'iroit pas, & que pour cela il n'étoit point cocu. Sa femme qui le voyoit disputer & qui avoit vu qu'il n'y avoit point été fait de tromperie, oyant qu'ils lui disoient: allez, c'est vous qui l'êtes. Non suis, on m'a fait tricherie. En dà, mon ami, dit-elle, on ne vous a point trompé; vous l'êtes de bonne suite. Si est-ce que sa femme étoit femme de bien. AMIOT. Ne le prenez pas-là; mais avisez à cette grande & notable distinction, prise du profond de la science scholastique. Ne savez-vous pas que, si un homme épouse une veuve, il devient bigame, encore qu'il n'ait eu jamais affaire à autre femme qu'à la sienne; parce que sa femme a eu affaire à deux. Cela lui tombe en nature, de sorte qu'il a eu affaire aussi à deux. Ainsi, si un homme va à une autre femme que la sienne, il est autant cocu, que si la femme l'avoit fait à un autre qu'à lui, d'autant que ce qu'il a fait à une autre, est imputé à sa femme justement, comme si un autre l'avoit habitée ou travaillée. VIGENERE. Mais comment connoîtra-t-on ceux qui n'ont besogné que leur femme? AMIOT. Il sera bien aisé. Assemblez-les ici, & qu'ils soient tous nuds, femmes aussi, & qu'on leur bouche les yeux, & qu'on les laisse aller à quatre pieds, & qu'on leur dise qu'ils se cherchent pour s'entre-baiser: incontinent qu'ils se trouveront, voilà que ceux qui n'auront eu affaire qu'à leur femme, iront droit mettre le nez dans le cul: si pourquoi n'est-ce pas une même viande que la bouche. MÉMOIRE. XXXV. ASCLÉPIADES. Or bien, par votre doctrine, cette aventure ne sera pas commune. Je vous assure que jamais je n'eus affaire à femelle qu'à ma femme, qui est, comme je crois, une vraie femme de bien; & encore que je ne besogne qu'elle, si ai-je toujours mal au vit; par ainsi je ne serai pas exempt, puisque ceci est vrai. POGGE. Mais les moines! AMIOT. Quoi! POGGE. Où auront-ils le nez, s'ils ne l'ont fait qu'à leurs garces? MAROT. Allez le demander à l'abbesse de delà l'eau, qui vous donnera de l'équivoque. Ma finte, je la mis bien en alarme, la premiere fois que je la vis! Devisant avec elle, je lui faisois des contes, & parlois de ce que plusieurs lui avoient dit; & finalement jouant; je lui mis la main près le bas du ventre, sauf les étoffes. O, o, dit-elle, vous êtes bien hardi de mettre là la main. Eh, madame, pourquoi ne mettrai-je pas ma main en cet endroit? J'y ai bien mis mon chose. Quel chose? Celui avec lequel je pisse. Par saint Guillot, il n'est pas vrai. CICÉRON. _Ergò_, vous en avez menti, comme dit l'autre. MAROT. Ne vous fâchez pas, madame. Je dis que mon chose a bien été en ma main: & si je suis jamais abbé, je tâcherai à vous faire ce que je pourrai. Vous seriez un bel abbé. Je le serai quand je voudrai. Si monsieur de Marmoustier vouloit ouir quatre syllabes que je lui dirois, & me gratifier en accomplissant mon dire, je serois abbé. Et que lui diriez-vous? Je lui dirois: maître moine, ôtez-vous. Ce n'est pas en quatre syllabes. Mais en quatre lettres, je lui dirois: A, B, C, D. Et puis je le ferois aussi-bien que les vicaires, & ferois de nécessité vertu, comme le sieur du Fouilloux, qui berça sa femme. Elle étoit mauvaise, grondoit quand il venoit compagnie, rechignoit perpétuellement, & lui donnoit tant & tant de tourment, qu'il ne savoit où se mettre. A la fin, il s'avisa d'un bon expédient. Il fit faire un berceau assez grand pour la mettre, & le fit porter en sa maison avec tout l'attelage: amena aussi un prêtre, un greffier, & quelques siens amis, avec quatre crocheteurs, & six vezoux. Etant entré, il dit à sa femme: ça, ma mie, faites-nous bonne chere. Allez, dit-elle, de par le diable, faire votre bonne chere d'où vous venez. Vous ne servez qu'à mettre tout sans dessus dessous. Adonc il se mit en colere, au moins le feignit; & il la fit prendre toute brandie, lier & emmailloter, & coucher dans ce berceau; puis commanda aux portefaix de faire leur devoir de bien bercer, ce qu'ils firent. Elle leur crachoit au nez, tempêtoit: je veux pisser; je veux chier. C'étoit tout un; ils n'en berçoient que mieux. Les vezoux disoient: _de la vase_; les gentilshommes dansoient _petonton_, les branles de Poitou. O! là, dit-il, mes amis, boutez; écrivez, monsieur le greffier, les injures & opprobres, dont ma bonne femme m'honore. Là, là, ma mie, vous mourrez bienheureuse; on ne dira pas que je vous aie tuée. O! que vous serez heureuse! Mais arrêtez un peu, ô berceux de paradis, afin que monsieur le chapelain la confesse. Confessez-vous, ma mie; vous n'avez plus qu'une heure à vivre; j'ai pitié de votre ame; je ne veux pas tout perdre. Elle tempêtoit plus fort & plus rudement. On berçoit; & vous en aurez. A la fin, elle pria de parler à son mari, qui, venu à elle, lui dit: ma femme, il n'y a plus de moyen de parler à moi; vous êtes prête à mourir; je vous pardonne, confessez-vous, afin que vous mouriez pénitente: sus, sus, bercez toujours. Là, nobles berceux, ça mes amis, vous ferez aller cette ame en paradis avec ce branle doux; jouez vos jeux, jouez; & nous tous, dansons de réjouissance de voir une si belle ame être prête du bon repos tant desiré. La peur commençant à entrer en la conscience de cette femme, vint aux supplications, qui à la fin furent si humbles & pleines de tant de protestations, que le mari, prié par ses amis, la dame fut délivrée; son mari la mit entre les mains des chirurgiens pour la saigner, à cause de l'appréhension qui l'avoit saisie; & dès lors elle fut changée de tout point de son humeur fâcheuse. ARISTIPPUS. Si Socrates le bon homme eût ainsi bercé ses deux femmes, il les eût endormies, & lui & sa nourrice eussent eu loisir de jouer ensemble, tandis que ses enfans dormoient; & n'eût pas été affublé de la potée de pissat, que l'une lui jetta sur la tête par dépit qu'elle eût qu'il n'avoit tancé celle contre qui elle querelloit. VIGENERE. Par la vertu donguoi, vous savez que j'ai belle femme & bonne. Moi, ni mes amis ne s'en peuvent plaindre. Néanmoins un jour, (quasi nuit, & il faisoit clair de lune, le soleil ne luisoit plus) que revenant de la ville, & entrant en ma maison, je trouvai un jeune avocat; & cela me fâcha, d'autant que je craignois scandale. Je dis: ma femme, vous savez le bruit qui court de vous & de moi; car on dit de moi que je suis un peu cornard; & je le crois bien; & aussi de vous, que vous êtes un peu garce; ce que je ne crois pas, mais vous tiens pour femme de bien; je le crois aussi-bien que vous. Par ma foi, mon mari, croyez-le, je vous en prie. Voilà comme j'ai bercé ma femme, & comme elle m'a bercé, ce que je n'ai appris à aucun alquemiste de l'Allemagne, de peur d'être bercé de celles fantaisies, qui leur feroient oublier le voeu secret, qu'ils ne disent qu'aux enfans de la science. ALOILOL. Je ne vis jamais tant parler. Aussi cette phrase n'étoit point de mon tems; je vous prie, éclaircissez-m'en. VIGENERE. Soit; sachez qu'en toutes facultés il y a un secret qui ne se dit qu'à ceux qui ont la pure entrée: & ce, afin que cela ne soit divulgué. Comme par exemple, je vous dirai que le principal mot du guet du _Moyen de Parvenir_ est d'avoir de l'argent: aux moines pour se saouler & besogner leur saoul, d'autant que c'est leur part; aux gentilshommes, pour paroître; aux ambitieux, pour se faire mistigorifier, comme petits démons sur le plat d'une pelle; & aux autres, pour avoir du contentement en vérité, & non en songe. LA PUCELLE D'ORLÉANS. Ainsi que ces deux gentilshommes, qui étoient venus à l'entrée du roi Charles à Orléans, chez le lieutenant particulier. On les mit coucher ensemble. L'un songeoit qu'il se noyoit, & l'autre songeoit qu'il pissoit; & parce que le sphincter se dilata en cette nécessité, où fut fait vertu, il compissa tout l'autre, qui haletant & s'éveillant, & se trouvant tout mouillé, se prit à crier: hélas! il est donc vrai? O, adieu, tous mes amis de ce monde. Ce pisse-en-lit s'acheva de gâter par cet acte, d'autant que cette belle fille n'en voulut. Il est vrai que son valet l'avoit contaminé le jour de devant. Il l'avoit embouché, & dit qu'il fit bonne mine, & que, quand il parleroit de son bien devant sa maîtresse il le doublât, & qu'il le tanceroit; & que pourtant il ne laissât de continuer. Etant donc en devis avec la mere & la fille, il disoit qu'il avoit entr'autres une bonne métairie, où il y avoit beaucoup de commodités. Vous en avez bien deux, dit le valet. Taisez-vous, lui dit-il; il faut que vous causiez? Et aussi, madame, pour vous dire la vérité, j'ai une grange pleine de bled. Vous en avez bien deux. O! ho, ce compagnon ne se taira pas? Et puis, au bout de ma maison, j'ai une bonne garenne qui contient plus de trente arpens. Vous en avez bien deux. Paix, c'est assez; vous faites le suffisant. Le portail de ma cour est tellement baillé à mon clousieur, qu'il m'en doit une bonne vache. Il en doit bien deux. O! ho! ce pifre ne se taira point? Il est vrai, madame, que je suis assez bien de tout; mais j'ai une incommodité, c'est que j'ai mal à une jambe. Vous avez bien mal à toutes deux. Ô! ô! de par le diable, c'étoit à ce coup qu'il se falloit taire; mais tout fut gâté, honni & perdu. FANTAISIE. XXXVI. Cette belle en fut marrie, d'autant qu'il étoit assez beau gentilhomme; mais à cause de cela, elle disoit qu'elle eût mieux aimé se faire haillonner à une douzaine de moines qu'à lui. Z. R. Sandé, vous avez tort, & vous dis être plus séant de parler d'autres. Je vous dirai, en vérité, que cela n'est point beau de voir un homme d'église, ou de justice, mis en train de friponnerie. Vraiment, il fait aussi bon voir une personne d'honneur en une mascarade, comme un cureur de retraits présider au conseil. Il n'appartient qu'à ceux qui ont bonne grâce de faire les fous: il est très-mal séant à un évêque, de faire le muguet & le beau fils, c'est-à-dire, le fat avec des femmes; ou à un ministre, de gausser; & comme un curé de village, aller causer à l'ouvrouer d'une beurriere, pour avoir de la graisse. Ma finte, cela ne vaut rien; & n'est pas beau à un curé d'aller faire le gallefretier en une rue, ou une taverne. Il faut que telles gens soient à leurs études; & s'ils ne peuvent étudier, qu'ils s'amusent à pisser dans un pertuis, pour apprendre à pisser droit & de volée. Encore, si ces gens-là étoient gaillards, qu'ils eussent de belles rencontres, j'en serois tout ralu; & qu'ils fissent de gentils tours, ainsi que le vieil pénitencier de Paris, qui, un jour de sainte Genevieve, donna à déjeûner aux chantres de la sainte chapelle, lesquels ayant bu de son vin, & lui ayant dit: à votre commandement; ils le prierent de leur en donner une bouteille pleine pour le jour de leur solemnité, & leur promit de leur en donner. Les compagnons, étant à la veille du jour proposé, envoyerent un gros valet à monsieur le pénitencier, le prier qu'il lui plût, selon sa promesse, leur donner la bouteille de vin; ainsi dit-on. Or ils avoient fait provision d'une opulente bouteille, qui ne tenoit guères moins que celle des capucins, où il entroit presque un quart de vin. Le valet étant devant ce bon homme, & lui faisant sa harangue, & montrant sa bouteille, le sage vieillard conjecturoit ce qu'il avoit à faire: notez qu'il étoit docteur en théologie, prêtre & chanoine, qui pis est; & puis de superabondant pénitencier, qui est cause qu'il savoit bien & mal; _primo_, parce qu'il savoit le sien; _item_, il apprenoit celui des autres. Parquoi ruminant, tandis que le gars lui parloit, il imaginoit son fait. Il fit mettre la bouteille sur la table; & sortant en la cour avec le valet, il lui dit qu'il allât appeller la chambriere qui étoit de l'autre côté; c'étoit pour l'amuser. Il y va; & le preud'homme prit trois ou quatre cailles, ou enfans de caillous, & rentre en la salle, mit le plus gros en la bouteille, si bien que cela se porta honnêtement. Le gars revenu avec la servante, il lui dit: ô, garçon mon ami, voilà de l'eau; rince la bouteille. Ce gars y met de l'eau; & commence & finit à secouer à bon escient; & caillou d'aller, & bouteille de se rompre, & l'eau de s'enfuir par-tout. Quoi voyant, le bon homme lui dit: ô! lourdaut mon ami, si tu eusses mis là mon vin, il eût été versé; tu as tort, je suis marri de cela; messieurs auront du déplaisir. Jeanne, dit-il, quand elle fut revenue, va quérir en haut cette bouteille clissée, qui est au clou près de mon étui à lunettes. Elle y alla, & apporta une bouteille d'environ un tiers de pinte. Il la fit emplir, & l'envoya par ce garçon à messieurs les chantres, avec ses recommandations. Allez, dit-il, ils en auront une autre fois: _cornifetu, cornifetu_, mon ami; c'est-à-dire, _quod differtur, non aufertur_. PATOLET. Comme vous parlez latin! Vous ayez vu autrefois la sibylle Mitrée, comme l'Ecumée. Si avoit bien notre servante, qui, courant pour aller voir le lit d'honneur où étoit le chancelier de Birague étant mort, sa maîtresse la trouvant, lui demanda où elle alloit si vîte. Je vais, s'il vous plaît, madame, voir le cardinal Miracle. Et sa maîtresse m'en disant autant, je lui répondis aussi. Elle me dit: où allez-vous si vîte? Je cuidois qu'elle m'eût dit six vittes, parce qu'on parle ainsi à Paris; & je lui dis: je m'en vais chez nous, six cons. DIOTIME. L'autre jour notre servante chantoit un air de Ronsard, où il y a: _d'un gosier, &c._ Elle disoit: _d'un gosier, mange levrier, j'ois crier dans le coffre ma calandre_. Et ce fripon de Pelletier vint chier à notre porte, puis heurta: le valet regarda par la fenêtre, qui dit: qui est-ce? Je veux parler à monsieur: faites-le un peu venir à la fenêtre. Monsieur l'avocat se promenoit en sa chambre, qui mit le nez à la fenêtre, & lui dit: est-ce vous, monsieur? Oui, c'est moi, monsieur. Vous plaît-il que je chie ici? Chiez, de par le diable; chiez, vilain; & lui dit de s'en aller. La servante trouva le cas au matin, & vint à monsieur lui dire: le vilain d'asseoir a planté ses immondanités à notre porte. FRACASTOR. Vous ne dites pas tout, il avoit brené dessus, & disoit que c'étoit un mot latin, KPUT. MURET. Ce latin est pareil à celui du vicaire de Chamberi, qui lisoit l'évangile des cinq pains; & au lieu de dire, _ut quisque accipiat modicum_, il dit, _accipiat modium_. Il disoit vrai; il eût fallu beaucoup de muids. Ne disoit-il pas aussi: _quid statis occisi_, pour _otiosi_. Ce fut lui qui, nous annonçant des bêtes, comme tantôt, se voulant paillarder à bien dire, & mit-il pas sur sa tombe, _requiescavit in pace_, s'il a plu à dieu. Que voulez-vous? il y alloit à la bonne iniquité. Encore y a-t-il des gens qui ont de la conscience, il est vrai, mais comment? Prenez-y garde, vous trouverez, si ce n'est sotise, que c'est pour la commodité: tellement que piété, sainteté, justice, aumône, & toutes telles vertus, ou actions qui en dépendent, ne sont pratiquées que par le désir qui tend à la commodité, sous le voile d'hypocrisie. ARETIN. Si ce que vous dites est vrai, il ne faut plus prier dieu. MURET. Ce n'est pas ce que je vous dis, pource que le moyen de se faire du bien aux dépens du pauvre homme, sans qu'il en soit marri, c'est qu'il faut prendre les bouts de chandelles qu'ils vont offrir, & s'en éclairer disant ses heures; cela vous épargnera autant que feroit au roi d'Espagne, si on lui bailloit tout le fil dont on lie les allumettes, & qu'il le vendît aux Foucres, pour faire des serviettes aux Allemands. GAGUIN. Vous êtes un grand ménager. MURET. N'ai-je pas été cordonnier? Ne sais-je pas que valent les brins de filets, qui joint bout à bout sont utiles? POSTEL. Puisque tu es cordonnier, si tu veux je t'apprendrai un beau secret que m'enseigna l'empereur des Turcs, quand je le fus voir durant mon grand voyage à Châtelleraut, où je vis l'origine de toutes les nations, états, sexes & gens du monde. EUCLIDES. Tu nous en veux conter, pargoi, je suis un grand mathématicien; je ne crois rien que ce qui se démontre. POSTEL. Et si tu veux payer une once d'huile de canelle, pour graisser nos peignes, je t'enseignerai à faire vingt paires de souliers en une heure. EUCLIDES. Cette heure-là seroit donc plus longue que les autres? POSTEL. Non sera: ne savez-vous pas bien que la plus longue heure du jour est celle du sermon? Et pour l'accourcir ou appetisser sans perte de temps, est déjeûner tandis qu'on prêche: le prêcheur aura fait & ennuyé plusieurs personnes, que vous n'aurez pas eu le loisir d'achever; & puis à telle heure je ne voudrois travailler, tant je suis bon réformé. EUCLIDES. Bien doncques, je paierai ce que vous voudrez. POSTEL. Sachez que les Turcs ne font rien; ce sont les chrétiens qui font leurs besognes; mais par excellence, leur empereur, que les sots chrétiens appellent le grand seigneur, comme s'il étoit barbier & géant; ce prince-là de voleurs me fit bonne chere, parce qu'il pensoit que je me ferois ministre, & qu'ainsi je serois à son commandement; & pour me gratifier, il m'apprit un de ses plus grands secrets; c'est de faire vingt paires de souliers ou environ, bons & chaussans, & ce en une heure, pourvu que l'on eût de bonne étoffe, à savoir vingt paires de bonnes bottes, dont vous couperez le bas; & seront souliers; & le reste servira de guêtres aux cordeliers. TITRE. XXXVII. SCALIGER. En ma conscience nous étions pour cette affaire, sur un notable franc arbitre; & les arbitres étoient presque d'accord de la sentence de cet arbitrage. Je ne sais si j'ai bien dit; (va toujours; trotte qui danse.) Nous avenions aux résolutions, & trouvions les sciences tout justement, y attendant justement comme pâques en Mai, & répondions à propos, comme firent deux notables dames d'Orléans; l'une femme d'un apothicaire, à qui je demandai si elle avoit de _l'agalochum_, & _agalochum_, c'est _lignum alois_; & elle pensoit que je lui demandasse si elle avoit autre drogue; elle me répondit à propos: monsieur, je ne me connois point en drogues; il faudroit parler à mon mari. L'autre est la belle épiciere d'auprès les ponts. Monsieur le procureur du roi, qui vouloit gausser avec elle, la voyant avec six ou sept dames, lui dit: madame, avez-vous de _l'agalochum_? Monsieur, dit-elle, voici plusieurs boîtes, il y faudroit mettre le nez. Etant après ces belles intelligences, voici la serviteuse qui nous vint dire que quelqu'un étoit à la porte, pour entrer ou sortir. QUELQU'UN. Quel mot est-ce que _serviteuse_? L'AUTRE. Ce mot vient du pays de sapience, & j'en use ici à cause qu'il a des gens mariés; _notate verba, & ponderate misteria_. Cette fille nous vint dire qu'il y avoit à la porte un personnage qui vouloit parler au bon homme. Aussi-tôt il alla à lui, puis revint & nous dit: (je le dirai pour lui, parce qu'il est empêché à frire l'esprit d'un demi-cent d'écrevisses, à la mode de Bourges, où l'on les vend toutes nues) c'est un docteur d'Oxfort, qui n'est pas encore résolu s'il se doit faire catholique ou huguenot; & il demande à parler à quelques apôtres, s'il y en a céans. Vraiment non, dîmes-nous, il n'y en a point ici; ils nous empêcheroient de faire bonne chere; & puis ils auroient honte de l'hiérarchie, & du criblement des ministres, parce que les uns ont trop lardé l'oie, & les autres y ont trop mis d'épices, après l'avoir dépouillée de ses fantaisies. Là-dessus il fut tenu conseil de l'envoyer en Espagne, d'autant que l'on estimoit qu'il y pourroit avoir quelque apôtre, à cause que les Espagnols, pour la plupart, sont parens selon la chair. A quoi s'opposa Varro, disant que les Espagnols se prévalent être les plus catholiques; & partant le plus parfait membre de l'église; & allégua, _nescit sanguinem_, l'église ne connoît point ses parens. Parquoi on lui dit qu'il se pourvût; que nous n'avions la tête rompue que de telles gens qui changent de religion, pour demander le passage, comme ces François qui passent en Angleterre. Et cela dit, afin de lui donner quelque contentement, on lui fit une paraphrase apostrophique pour son déjeûner, & qu'il s'en saoulât s'il pût. Je vous dirai un grand secret, c'est que vous liriez ici quatre jours entiers, que vous ne vous saouleriez aucunement, & j'en dis vrai. Vraiment, nous n'aurions garde, si nous ne mangions quelque chose en lisant. REPRISE. XXXVIII. SOCRATES. Il n'y a personne qui ne tâche à faire son profit; & sur-tout boivant & mangeant. Et je vous dirai, belle & bonne personne, ma chair de prochain, vîtes-vous jamais le pere Prologue? OVIDE. Tu nous veux faire passer ce petit tronçon de bonne chere que vous fîtes en Espagne, aux nôces de la reine, fille de notre invincible roi. Tu as raison; pargoi, ils nous donnerent force paroles couvertes, quantité de mots dorés, des phrases délicates, beaucoup de menus propos qui nous passoient apostrophiquement par la bouche, ainsi que l'on mange les lettres aux écoles. Et je vous proférerai un grand fait, qui m'a été révélé selon la trabale; que ce n'est pas sans raison que l'on fricasse les ames, vu que de tout temps, & de l'invention des poëtes, il y a certaines M que l'on mange; (& de fait, on pensoit s'équivoquer; mais à bon escient) j'ai vu engouler des _ames_ toutes fraîches, comme vous feriez une écrevisse d'eau douce. Or je n'irai pas-là; je ne veux pas être mangé, je ne l'ai pas accoutumé. SOCRATES. Mais disons de ce repas. OVIDE. Je n'ai plus à en dire, sinon que nous mangions de ce que dieu nous avoit donné, comme dit l'autre. Et conscience, notre jardinier, qui étoit un beau jeune homme, n'en voulut point; il se maria avec une belle jeune fille, qu'il fit femme, dieu merci & vous. Un dimanche matin, il cuidoit lui donner le picotin; & elle le pria de se contenir. O! ô, dit-il; & pourquoi? Mon ami, dit-elle, je me trouve mal. Etant levée, or étoit-ce en été, il vit sa chemise tachée de sang: hélas, ma mie! vous ai-je blessée? Non, mon ami. Et qui donc? Personne. Mais, ma fille, dis-moi que c'est. Ardez, mon ami, c'est que j'ai ce que dieu nous a donné à nous autres pauvres femmes. Voyez-vous, ainsi que, quand vous êtes échauffé, le nez vous saigne; ainsi notre pauvre cas saigne tous les mois; & si alors un homme nous touchoit, il se perdroit. Et bien, ma mie, vous avez bien fait de me le dire. Si je me fusse perdu là-dedans, on eût eu bien de la peine à me retrouver, tant il y a de chambres, de recoins & de garderobes, sans les salles. Quelques jours après, il venoit de Vanves; & ayant bon appétit, il demanda à souper à sa femme, qui lui dit: oui, mon ami, il s'en va prêt. Et que me donneras-tu, ma fille? Ne vous souciez, mon ami; nous mangerons de ce que dieu nous a donné. Elle parloit, comme vous dites ordinairement. Lui qui se ressouvint de ce qu'elle lui avoit dit, estimoit qu'elle lui donneroit de ses mois; il lui dit: ma mie, je vous remercie, je n'en veux point; je m'en vais souper avec mon compere. Je sais bien ce que je lui eusse fait, pour n'avoir point de ces harnois-là. SAPHO. Et dites, je vous prie; & quoi? OVIDE. Je lui eusse farci le ventre d'andouilles. SAPHO. Pargoi, tu nous en contes; Je crois que tu as hanté les filles d'église, c'est-à-dire les femmes de cloîtres, c'est-à-dire les garces de chanoines. Elles parlent ainsi, sans autrement user de respect, sinon qu'elles appellent les autres putains, chiennes, vesses, & qu'elles débauchent leurs maîtres. LE CONSUL. Je ne m'ébahis pas vraiment de ce que l'on dit: ho, ho, ô, Calvin, te souviens-tu pas bien de ce que disoit Hilaret, quand il contoit en chaire que tu étois fils du chanoine; & que notre ami de Saint-Denis, le chanoine, dînant avec notre évêque, se mit à parler contre ce cordelier, feignant être fort fâché contre lui, & faisant tomber à propos ce poinct de son sermon, lui dit par colere fraternelle: je ne trouve point bon, que l'on dise des mensonges en la chaire. Je ne dirai pas comme le curé de saint Lifart, qui disoit que la chaire, où il étoit, n'étoit pas la chaire à faire caca; mais à dire vérité. Je dis donc que cela est messéant de prononcer des impiétés en telle chaire. Vous avez dit que Calvin étoit fils d'un chanoine; ce qui est très-faux. Les chanoines sont gens pudiques, sobres du cul comme de la bouche, comme dit messire Guillaume le Vermeil, ils ne font point d'enfans: ce sont les cordeliers qui en font. S'il y a quelque femme qui se prête, voilà un petit cordelier dessus. BUCHANAN. Je suis pour les peres cordeliers; cessez cette injure. Il y a apparence que les chanoines font des enfans, témoin madame la roine de France, qui, allant à Chartres en voyage, pour avoir lignée, & suivant un beau chemin fait exprès, parce qu'elle alloit à pied, elle s'assit pour se reposer, que voici passer une belle grande paysanne des champs, qui cheminoit comme un prêtre Breton. La roine l'arrête, & lui dit: bon jour, ma mie; où allez-vous? Je vais à Chartres, madame. Que faire? Vendre du lait & des herbes. D'où êtes-vous, ma mie? Je suis d'ici auprès, madame. Êtes-vous mariée? Oui, madame, dieu merci & la voutre. Mais, madame, ne vous déplaise, dites-moi, s'il vous plaît, qui vous êtes? Je suis la roine. Excusez-moi, s'il vous plaît, si je ne vous ai fait l'honneur que je devas. Mais, madame la roine, vous allez à pied; & où allez-vous, madame la roine? Mais que ne vous déplaise? Je vais à Chartres, ma mie, pour aller en cette belle église prier dieu, à ce qu'il lui plaise que j'aie enfans. Hélas, madame la roine, ne laissez pas de vous en retourner; ce grand chanoine qui les faisoit est mort, on n'y en fait plus. SCANDERBERG. Cette-ci étoit presque aussi hagarde, que cette bonne femme qui demeure après le roi des veaux, à la grille aux sots. Nous étions avec de Pise, ce bon magistrat, qui aida à mourir ce ministre, qui renia ministere, pour se joindre aux finances; & je vous assure que nous ne tâchions qu'à rire & dîner. Nous avions gagné notre procès; nous ne plaidions que pour les dépens. Nous étions, ma mie, en ce point, tout de même que les garces, qui ne plaident jamais en défendant; elles sont toujours après en demandant. Amour de garce, & ris de chien. Tout n'en vaut rien, qui ne dit tien; Bien de ribaud, & chair de garce, Etant unis, ont bonne grace. De _garce_ à _grace_; il n'y a qu'une transposition. Et puis, Quand maître coût, & putain file, Petite pratique est en ville. MAROT. Tu seras meshui sur tes sentences; je pinte à l'aise: Regarde au nez, & tu verras combien Grand est cela, qui aux femmes fait bien. DU JON. Regarde au pied, pour au rebours connoître Quel le vaisseau d'une femme peut être. L'AUTRE. J'entre en fureur poétique: Si tu voulois, je voudrois bien, Belle, à ton corps joindre le mien. MOY. J'y suis, Jouer au jeu, qu'aux cailles on appelle, Aux filles est, chose plaisante & belle. JEANNE. Prête-moi ton _c, o, n_, pour mon _v, i, t_; Puis nous remuerons la lettre qui suit le _p_. SCANDERBEG. Vous? Que diable ne me laissez-vous dire! Or bien, nous étions-là, & voulions gausser cette vieille marchande. Elle étoit parente & grande amie de Montoir, qui, un matin allant au four qui étoit assez loin, elle vit messieurs de la ville qui mesuroient & piquetoient. Et da, dit-elle, messieurs, que voulez-vous faire? Nous voulons fermer la ville. Hélas! messieurs, attendez un peu, s'il vous plaît, que je sois revenue du four; je ne muserai gueres. Cette marchande donc avoit des éguillettes de velours, des bas-de-chausses de taffetas, une gaîne de faulx, des vrilles de bois, des fusils de laine, des décrotoires à mêche, des arquebuses à corde, de l'appas aux puces, de la tablature à apprivoiser les souris, & telles sortes de marchandises. Nous lui demandâmes: madame, avez-vous des brides à veaux? Il faut voir, messieurs, s'il vous plaît. Elle nous amusa là, plus de trois quarts d'heures & six minutes. Cela me fâchoit, parce que je n'ai affaire que de tems & d'argent. A la fin, étant montée sur une escabelle, & ayant le dos vers nous, elle nous dit: messieurs, j'ai de mauvais enfans qui les ont brouillées & démanchées, si que je ne les peux trouver toutes entieres; & disant cela, d'une souplesse prompte & préméditée, va lever ses robes & sa chemise, & nous manifester son gros cul ample & fessu, nous disant: au moins, messieurs, voilà les mords. Par ma conscience, dis-je, madame, nous voilà bien refaits. Acoutez, messieurs, acoutez un peu; je vous dirai un conte pour vous appaiser. Ardez, j'étois à la suite de l'armée de Moncontour, où j'eus beaucoup de dépouilles, dont voici les restes. Ainsi que nous étions à ce ménage, voilà la plus grande de la cour, qui, passant & voyant les morts deçà & delà, parce que c'étoient huguenots, n'en dit rien: mais en voyant un étendu, le ventre au soleil, & considérant la grandeur de son membre viril, va dire: voilà grand-pitié de cettui-là. Et nous de sortir de là, & de nous en aller: aussi-bien on nous attendoit à dîner chez un prélat. L'AUTRE. On m'a dit que c'étoit le feu archevêque de Tours, qui a appris à messieurs de la cour à se torcher le cul de papier blanc. Etant à dîner, & faisant bonne chere, il fallut, selon la coutume, rapporter quelque chose d'édification; & nous de dire notre fortune. J'en ai bien vu une plus belle, dit Dariot. Je venois de Mets; & je trouvai à terre une coignée, & je dis: eh, que fais-tu là, coignée ma mie? Elle me répondit rien. A, ha, hé, va dire le curé de Grié, par méan, monseigneur, il n'y a pas apparence qu'une telle piece de fer ait parlé. Je ne dis pas, que si c'étoit un landier ayant face d'homme, comme ceux de votre cabinet à étudier aux perdris, qu'il n'y eût raison. ARCHIVE. XXXIX. Passant ainsi de propos, en autres sur les discours d'édification, monsieur le chantre tira de sa manche un canon fort excellent, disant que c'étoit l'abbaisse de Rousserai qui le lui avoit envoyé, tel que la prieure l'avoit composé & fait chanter a soeur Jaqueline de la Gerandiere, qu'elle instruisoit ainsi sur ce mot _conculcavit_. Là, ma mie, chantez bien; tenez-moi ce _con_ ferme, _con_: là après, _cul_; haussez-moi ce _cul_, _cul_: après à ce _ca_; entretenez-moi ce _ca_: puis à ce _vit_; là, tenez-moi ce _vit_ bien long. MAROT. Ce fut le colloque de Poissi, ce vénérable concile racourci, qui fut d'avis d'instruire des jeunes religieuses de telle sorte. Et de par sa mere, depuis que colloque a hanté les dames, on a parlé d'elles; non pas que l'on dît qu'elles fussent paillardes, mais on disoit qu'elles vivoient comme des putains. C'est pitié que cela, & encore plus que vous ne sauriez dire. ALCIBIADE. La mere de notre boulanger, celui qui demeure après les Cordeliers, en étoit tout en extase. Elle tenoit une livre de beurre en sa main à nud, & voyoit un grand âne qui sailloit (je crois qu'il falloit dire _baudouinoit_) une jument. Cette pauvrette, pleine d'admiration, & voyant ce fouet qui entroit ainsi, serroit la main & faisoit dégoûter le beurre entre ses doigts: hélas! mon beurre. RONDELET. Que voulez-vous dire de cette pauvre fille? Et bien, c'étoit une émotion qui l'avoit prise par admiration. Oui, & il y a ainsi des maladies qui prennent, qui vont, qui viennent ainsi que le temps qui court; & comme les maladies nous prennent allant & venant ou nous reposant, nous prenons le temps comme il vient, & de même en font ceux qui mangent leur bien. Et de fait, passant par cette contrée, nous voyions des personnes riches qui entamoient leur bien, & pour le manger faisoient diverses sauces. Les uns le mangeoient à la sauce de réponce; les autres allant au marché aux fesses; quelques-uns à la sauce d'Allemagne; aucuns à la sauce de la messe d'onze heures. CÉSAR. Demeurez-là. Qu'est-ce à dire? RONDELET. Vous voilà bien empêché! C'est à la sauce de paresse. Je n'ai pas voulu dire la messe paresseuse, ainsi que parlent les jésuites; au moins le bruit en court. AMIOT. Laissez courir le bruit avec le monde qui trotte, attendant que la coutume aille la haquenée, & le bon temps le pas. Mais un peu, hau mon caporal, ces mangeurs ne boivent-ils pas aussi? LE BON HOMME. Et quoi donc, s'il sont mariés, ils boivent de l'ordinaire, témoin celui qui commenta les vieilles légendes, où il mit à l'entrée de ses annotations: _tout homme de qui la femme pette, étant couchés ensemble, est bien heureux_; comme disoit notre confrere le chanoine, monsieur Joyeux; qui est mort chancelier, dieu lui fasse pardon, en l'église de céans, pour plusieurs raisons. _Primo_, il l'entend; parquoi il sait qu'elle est auprès de lui, & ne le fait pas cocu pour lors. _Secundo_, il reconnoît qu'elle n'est pas morte. _Tertio_, il jouit du sens de l'ouïe. _Quarto & perfecto modo_, il boit: ainsi il a plusieurs commodités, desquelles sont privés les prêtres, & les autres gens de notre saveur. ADDIAS. Si est-ce qu'ils ne laissent de trouver le vin bon. MAROT. Par mananda, tu y es, & as bien fait de proférer cette goulée qui se trouve véritable: & à dire vrai, tu es le plus vénérable menteur de toute la compagnie. Prends un peu les mains à Glycas & Cedrenus, & va chatouiller ce flaccon de vin, & me dis s'il est mâle ou femelle. ARISTEUS. Oui dà; il y a mâle & femelle du vin; le blanc est le mâle. MAROT. Va te faire panser à mon barbier; il ne te coutera rien. Tu y entends comme un boeuf à jouer de l'épinette. Puisque nous le tenons ainsi, pourquoi résistes-tu à l'écriture de noble antiquité? SIMLER. Quand toute ton anticlité de tous les diables, & ta sapience de l'ante-christ seroit, je n'en croirois rien. J'ai beu plus de deux mille deux cent quatorze bouteilles de l'un & de l'autre vin; mais je n'y vis jamais ne cul, ne con, ne couillons. Partant je déclare que pipeurs & malheureux sont ceux qui mentent en vin quels qu'ils soient. Et pourquoi n'y faut-il pas mentir? Parce qu'il y a, _in vino veritas_. _Primo_, au vin la vérité, comme nous disons nous autres latins. _Secundo_, il est de serment. _Tertio_, on leve la main en le prenant. _Quarto_, & pour le mieux, on le prend & met sur sa conscience. Un homme est de bien peu d'esprit, s'il ne se connoît en ce qui est de sa vacation; c'est pourquoi plus un prêtre est savant à juger le vin, & en avoir de bon, il est plus homme de bien; & notez cette décision de Boëtius, qu'il a apprise du saint qui fut canonisé de son temps, durant vendanges. HYPOCRATES. Vous n'avez point parlé de l'odeur du vin? N'importe, parce qu'il ne peut faillir de sentir bon. S'il est bon, ce n'est pas comme quelques choses, dont il se faut servir sans les sentir. CÉSAR. Quelles? HIPOCRATES. Il ne faut jamais sentir un oeuf, ni une huître, ni un con. NÉRON. A! jan voire, voici le mot pour rire. VATABLE. Je vois bien que vous ne le savez pas; je vous en ferai un beau petit discours démonstratif. Du temps que je me mêlois de prêcher en notre église, il y avoit un diacre qui étoit falot, & qui y avoit reçu de l'argent pour moi; il me vit ès hautes chaires en ma place. Alors il prit en main cet argent, enveloppé en du papier, & durant la messe il vint apporter le livre de l'évangile à baiser, me le présentant, il me ficha en la main ce papier avec l'argent; & me dit: _hæc sunt verba sancta_. Cela étoit le mot pour rire. Qu'ainsi ne soit, si on vous mettoit sur une table cent mille écus, & qu'on vous dît: ces écus sont pour vous, si vous en pouvez prendre trois poignées, ha! en disant sans rire: _gripeminaut_. A! hé, & vous riez déjà, vous n'aurez rien. NÉRON. Et dà, vous ne serez pas si mauvais; vous me donnerez vos restes. VATABLE. Oui, je vous ferai comme les valets des archers de la garde du roi, que l'on dit du corps. Parce que les meubles sont de plus grande conséquence, (témoins les Normands qui vont sur les bateaux par eau, & font porter leur procès par terre: d'autant qu'il y a bien à dire entre le bien & la vie. Celui que l'on jugeoit à Châtillon, ayant ouï son dicton, & qu'il seroit pendu, il le supporta: mais quand il ouït qu'il y avoit amende de vingt écus, qui étoit plus que les deux tiers de son bien, il dit qu'il en appelleroit, si cela n'étoit ôté, & bien on l'ôta, & il se laissa prendre, de peur de faire des enfans pauvres). A ces valets de garderobe il avient au rebours de bien. En été, ont gros habillemens; c'est que leurs maîtres les laissent, pour en prendre de neufs qui sont légers: & l'hiver venu, ils ont des habillemens légers; d'autant que leurs maîtres en prennent de pesans, & leur donnent les vieils, selon la coutume. Voilà comment leur bien va à rebours; & s'ils pouvoient patienter, il auroient, _non secundùm æquitatem, sed secundùm justitiam_: & da, je parle aux doctes, s'ils le peuvent entendre; & quand leurs habillemens sont usés, il faut dire: ne faites point de manches à votre pourpoint, le corps n'en vaut rien, voire, mais le corps vaut toujours mieux. LOUVET. Quoi! le corps vaut mieux que les biens? Zacharie Durant, libraire de Genève, ne le croyoit pas, quand il fut frappé de la peste, & que le chirurgien lui eût dit que ce l'étoit. Ha! mon ami, dit il au chirurgien, si je viens à mourir de cette maladie, je perdrai plus de mille florins à cette foire de Francfort. ORDONNANCE. XL. Ainsi que je demandois à boire, voilà un grand bruit. Quoi! dîmes-nous, est ce là le résultat de quelque pape qui se fait, ou le _Te Deum_ d'un fait tout nouveau? Non, ce dit Calepin, c'est que l'on vient de couper le cou à caresme; & nous en oyons le bruit qui en retentit de l'église notre-dame de Paris à Nantes. NERON. Comment cela? CALEPIN. Savez-vous pas que le C, est la tête de caresme, & A, est le col? Otez ledit A; le col sera coupé, & ainsi il demeurera cresme. Le corps joint à la tête sans cou, est tout vif, & ce à la catholique, d'autant que, le jeudi absolu, on fait le cresme. PANTALEON. Ce n'est pas cela; j'en viens. C'est de Beze qui vient d'arriver; & Æneas Sylvius l'est allé recevoir, à cause de la similitude de jeunesse. Et gai, nous voilà prou forts. Aussi-tôt qu'ils furent entrés, après avoir salué la compagnie, qui but plus de dix-sept pintes de vin d'Arbois, ils se mirent à s'entretenir de leur jeunesse: & comme ils devisoient profondément de leurs amours, voilà ce mélancolique Genebrard qui les vint interrompre. Et bien, leur dit-il, vous avez bien fait des folies, étant jeunes; vous avez écrit d'amour & de lubricité, que plusieurs ont tourné en sens réprouvé. Il est vrai que les bien doctes, & qui ne sont point pédans, ont trouvé vos écrits bons; mais il y avoit de l'excès: foin, jamais ces cucules ne font que lanterner le beurre. Va, dit Sylvius, j'étois dispos de la braguette, & relevé de gentillesse, quand j'écrivois mes galanteries: mais depuis, je condamne tout cela; je les désavoue. Et moi, dit Beze, je n'ai que faire de m'en excuser; je suis gentilhomme à ce que je dis, & comme je l'ai toujours témoigné, quand les notaires m'ont demandé ou écrit mes qualités. Et bien, j'ai été galant en jeunesse; aussi j'étois prieur, délibéré comme un affieur de meurtriers: mais depuis que je fus réformé, je retranche toutes mes foliettes joyeuses: & tout ainsi qu'un bienheureux Josué, je fis une belle circoncision de mes oeuvres juvenielles faites à la catholique. Tandis qu'ils disoient cela, je voyois les compagnons de Genebrard qui se moquoient; & par dépit, le juge dès-lors que les prêtres faisoient comme les putains. Toujours elles médisent les unes des autres. Ainsi en font les ministres en Angleterre, & les alquemistes par-tout. Voire, mais putains sont femmes: quelle différence y a-t-il entre les femmes & les prêtres? Ce sont gens de robes longues, grandes; les prêtres mettent leurs amicts sur leurs têtes; & les femmes mettent leurs amis sur le ventre. LE PREMIER-VENU. Vous ne faites que m'importuner & me rompre la tête de vos discours, tant vous les mêlez de biais; vous ne me laissez point venir à un propos pour le savourer: vous en dites un bon; puis vous gâtez tout. Vous faites ainsi que le curé de la Riche, qui disoit à son valet Maugin: mange les naveaux. Et lui qui se jettoit sur le milieu, disoit: grand merci, monsieur, le lard est bon. O! çà, j'ai assez parlé, sans boire; çà, page, baille-m'en; mais ne fais pas comme le laquais de la Roche-paille, qui, voulant donner un doigt de vin à son maître, en versa au verre, & mit le doigt dedans pour mesurer, & trouvant qu'il y en avoit trop, le but: mais après qu'il remesura, il y en eut trop peu à la fin il n'y avoit plus gueres de vin à la bouteille: le laquais emplit sa bouche & filoit dans le verre tant que le vin montra jusques au doigt, d'autant que son maître n'en vouloit qu'un doigt. BELLARMIN. Il étoit exact comme celui qui fit la belle tapisserie du verger, où il y a une Judith qui prie, & est à genoux devant une notre-dame: ainsi que l'on voit aux minimes de Tours une vierge Marie, qui dit ses heures de notre-dame agenouillée devant un crucifix; & l'ange est de l'autre côté qui dit son _ave_. PITHOU. Ha! par saint Jean, tu le déclares trop; va, je te laisse à l'abandon, tu parles comme un réprouvé. LUTHER. Taisez-vous, si vous êtes sage; ne savez-vous pas que nos voix ici sont autant de statuts, vu que nous sommes en état parfait? Il est vrai qu'il faudroit que ces guenippes en fussent hors. PITHOU. Voire, & pourquoi les injuriez-vous? BEZE. O! quand je m'en avise, je leur fais de l'honneur, parce que cette épithete de _guenippe_ vient de _Aganippe_, comme quand on dit _Citrieres les garces_; c'est-à-dire, _belle Vénus_. PITHOU. Tu leur feras de l'honneur, comme le Breton en fit à monsieur de Vendôme, du tems que j'étois son secrétaire; & je vous le dirai. Un monsieur de Trarmat vint voir monsieur de Vendôme; & se présentant devant lui, lui dit: monsieur, j'étois venu ici, pour vous faire la révérence. Monsieur lui dit: faites-la. Il la fit, puis se tint droit & debout près le buffet. Monsieur lui dit: mon gentilhomme, mettez votre bonnet, parlant à la veille gauloise. Le Breton fit une grande & profonde révérence. Or sachez que tels simples gentilshommes qui disent: monsieur, si votre cheval est jument, approchez-vous plus loin de moi. MAROT. (Et votre maître ne dit-il pas bien un plus beau trait au roi, ainsi qu'ils passoient un gué, & que devisant ensemble, le roi laissa boire son cheval, & monsieur votre maître ne voulut point permettre au sien de boire. Le roi lui dit: mon cousin, laissez boire votre cheval. O! ho, sire, il attendra bien, s'il veut, que monsieur votre cheval ait bu. O! ha, hé, monsieur Cheval est le clerc de ce grand juge du palais, qu'un jour quatre des plus signalées dames de la cour, (comme, sans faire comparaison, madame de... je ne le dirai pas, ce sera le commentateur) & autres l'étoient allé voir, pour le prier pour un procès: il les laissa, ayant parlé à elles; puis ayant fait un tour en sa chambre, attendant qu'elles sortissent, il appella son homme, & dit: Cheval. Plaît-il, monsieur? Ces putains sont-elles encore là-bas? Elles l'oient; parquoi, de peur de l'être davantage, elles s'en allerent.) Et bien, ce Breton? PITHOU. A! a, bien, je vous dirai; son fils représente sa personne. Il avoit au busque de son pourpoint, à faute de mallette, son joyeux & gaillard bonnet de nuit. Oyant monsieur dire: mettez votre bonnet, étoit en peine; le maître d'hôtel lui dit: faites ce que monsieur vous commande, il ne veut point de cérémonies. Mais, dit-il, ses pages se moqueront de moi. Ils n'oseroient. Adonc le Breton, mettant son chapeau sur le buffet, mit la main au sein, & tira son bonnet de nuit, dont il s'affubla, & puis se vint promener avec monsieur. LE DISCIPLE. Quand vous avez dit monsieur, je pensois que vous parlassiez de feu monsieur notre maître, qui fut évêque de la Basse-Bretagne, lequel ayant fait son coup d'essai d'une grand-messe, demanda à son grand-vicaire s'il avoit beaucoup failli. Non, monsieur, dit-il, vous avez bien fait, sinon que vous avez un peu failli à la patenostre. DU VERDIER. Notre aumônier n'y eût pas failli, il disoit la messe bien diligemment. Il avint qu'un jour, lui absent, se présenta un prêtre qui dépêcha fort; & quand il fut revenu, on lui dit qu'il étoit venu un aumônier qui disoit la messe plus diligemment que lui. Sandregille, dit-il, il n'en dit donc rien, d'autant que je n'en dis pas le quart. Ce fut lui que monsieur vit abattre une garce; & dès le matin, pour faire journée. Etant retourné, monsieur lui dit: messire René, je vous prie de dire la messe. Il dit: monsieur, je vous supplie de m'excuser; je vous assure que, sans penser à mon affaire, j'ai trouvé une prude; & j'en ai passé outre. Oui, dit monsieur, je vous ai bien vu que vous secouyez le prunier. ARGUMENT. XLI. Hé bien, à propos de vous, messieurs, vous direz que je suis fou; je voudrois le pouvoir devenir; parce que sitôt que je le serois, je serois aussi-tôt exempt du feu, si on me disoit hérétique; délivré de prison, si je devois; non sujet au consistoire ou à la mercuriale, ou à la réprimande. Et pourquoi les fous ont-ils de si belles libertés & priviléges? Parce que l'empereur Justinian, qui gouverne encore le monde fou, est devenu fou durant sa vie; par ainsi les fous sont empereurs, & _è converso_. Et vraiment je ne m'ébahis pas si mon pere mourut par faute de bon gouvernement; _crede mihi_. Quand je revins de voyage, je ne trouvai point d'eau dans le seau, encore moins en la seille: il mourut comme à Dole à la danse Macabre; il y a la mort, qui parle à un beau jeune homme, & lui dit: Ah, galand, galand, Que tu es fringand! S'il te faut-il meure. Et lui répond: Et mort arrogan, Pren tout mon argean, Et me laisse queurre. L'AUTRE. O bien, si vous me calomniez, c'est tout un, il n'y a point de ma faute. Le valet de l'aumônier, à qui les autres faisoient la guerre, le dit bien à messieurs du bureau: vraiment, messieurs, il n'y a que les pauvres que l'on canonise. Or bien, touche-là; Vigneau; ta femme est femme de bien, je le crois, si l'ai-je besognée aussi bien que toi. O le niais! Elle est si laide, que je ne voudrois avoir affaire à la femme, non plus qu'au mari. Passons outre; je sens déja que ce livre nous échappe, & me semble que je vois déja un fripon de proposant, qui est joint avec un aspirant à la prêtrise _mediante coquedindo_; & ils disent que je suis nigromanchian, que je fais parler des morts. Je suis bien plus habile que cela: les morts ont parlé; ils le savent bien: mais je fais parler les bêtes; & beaucoup parleront, si dieu plaît. Mais avisez, s'il vous plaît, à tout ce qui se fait, ou que l'on fait en ce monde; tout cela a une fin certaine; je vous en ferai une démonstration notable. Allez chez un peintre, & voyez-lui broyer les couleurs. Savez-vous bien pourquoi on prend tant de peine à les broyer diligemment? Je vous ai dit un grand secret; avisez-y: prenez la mollette & la levez; & vous verrez de beaux arbrisseaux & branchages qui y sont haut & bas. Et voilà la cause pourquoi, la fin pour laquelle, les aveugles se connoissent en couleurs: & pource, si tu crains la goute, abbas-là, fous-là. Ma fille, ô belle servante, si mon valet te prie d'un peu de jouissance, prens un bâton & lui en donne, tandis que je m'amuserai à ces gens de réputation, qui sont pleins d'honneur, comme une truye de poivre. LE BON HOMME. Or çà, mes bons amis, vivons en liberté, notre convive s'acheve, ils sont sur le dessert: je suis un peu sorti, pour vous le dire. D'autres pour tout recueillir le reste que j'ai oublié pour mon plaisir & votre commodité, d'autant que les yeux vous feroient mal, qui seroit fort au désavantage de votre vue. QUELQU'UN. Bien donc, dites-moi, avez-vous envie de parvenir? Lisez ce volume de son vrai biais. Il est fait comme ces peintures qui montrent d'un & puis d'autre. On m'a dit qu'il y a quelques malotrus qui ont dit: voici des traits d'athéiste. En da, je n'en sais rien; je m'en rapporte à eux. Si j'ai rencontré à dire leur naïveté, ç'à été sans le savoir. Je joue au colin-maillard; je prends ce que je trouve. Mais eux, qui sont sages & pleins d'intelligence, ils font tout par élection & connoissance. Il est toujours avis au chat breneux que la queue lui pue. Ne vous déplaise, si j'ai dit quelque chose qui regarde ou oye de côté, & sente mal à votre goût, ce n'est pas ma faute; c'est une perspective d'oreille qui est gauchie: & puis les parfaits sont aux cieux. Si je m'ébats à me moquer de vous, ébattez-vous à dire bien de moi, afin que ce ne soit de vous dont je parle. Et puis, qui sait en bon escient que je veux dire, s'il n'a vu & lu le tout; & n'a requis le vrai sens de mon affaire? Et par la double fressure de mon petit chien, (j'ai quasi juré comme un connestable, & pris dieu partout: mais je me suis retenu par votre exemple), & vous dites donc, que je suis un moqueur, un contempteur? Il est vrai, si vous le prenez selon votre folle fantaisie, qui ne vaut pas une foutée de chat: aussi je contrôle vos sottises, & condamne vos impudences. Or chacun juge selon le poids de sa charité. Et de-là les bonnes religieuses qui apprendront ceci par coeur, diront: il est bon homme; il taxe les vices d'une belle façon. Et pour l'amour de cela, je me mettrai à faire un beau livre, où je vous dirai la vérité tout au rebours des autres, & d'une façon si belle, que je le publierai après ma mort, afin que l'on voie que je dirai de bonnes choses, que je n'entendrai non plus que vous autres: & si deviendra tant authentique, que le monde de son temps le priseront sur tous, & le diront l'unique; tellement qu'ils tiendront tous les auteurs, ainsi que vous, comme vrais fous qu'ils sont, se travaillant pour néant, & pour penser acquérir une réputation qui se porte à Paris sur des crochets, comme fagots bénis. Malheureux sont ceux qui se donnent de la peine, pour avoir bruit d'être ou pipeurs, ou flatteurs ou mercenaires, dicteurs de folies d'autrui. Et afin que je puisse un jour commencer ce volume, je mettrai ici un tronc, tel qu'il est en notre ville, auprès le portail de la grande église: Vous qui avez mine d'être homs, Et qui semblez être hommasses; Apportez quatre gros étrons, Afin que l'oeuvre se parfasse. Et je vous promets que vous y gagnerez, & davantage, y apprendrez tout ce qu'il y a de bon en ce monde, ce que je vous prouverai en toutes & maintes sortes. FIN. *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 3/3 *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. Project Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away—you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™ electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is unprotected by copyright law in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg™ mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg™ works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg™ name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg™ License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg™ work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country other than the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. 1.E.2. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase “Project Gutenberg” associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg™ trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™ License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg™. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg™ License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg™ work in a format other than “Plain Vanilla ASCII” or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg™ website (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original “Plain Vanilla ASCII” or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg™ License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg™ works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg™ electronic works provided that: • You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg™ works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg™ trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, “Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation.” • You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg™ License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg™ works. • You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. • You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg™ works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg™ electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of the Project Gutenberg™ trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread works not protected by U.S. copyright law in creating the Project Gutenberg™ collection. Despite these efforts, Project Gutenberg™ electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain “Defects,” such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the “Right of Replacement or Refund” described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg™ trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg™ electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg™ electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™ Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate. Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.