The Project Gutenberg eBook of Le moyen de parvenir, tome 2/3 This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. Title: Le moyen de parvenir, tome 2/3 Author: Béroalde de Verville Release date: September 9, 2018 [eBook #57879] Language: French Credits: Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.) *** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** Produced by Laurent Vogel, Guy de Montpellier and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This book was produced from scanned images of public domain material from the Google Books project.) LE MOYEN DE PARVENIR. _NOUVELLE ÉDITION._ Augmentée d'une Table sommaire des Chapitres. _Caritas inter jocosve regnat Moria._ TOME SECOND. A LONDRES. M. DCC. LXXXI. [On a recopié, dans cette version électronique, le sommaire de ce tome second, tiré du tome premier de l'original papier.] _SOMMAIRE_ DES CHAPITRES. _TOME SECOND._ I. Il continue sa dissertation, & se jette un peu sur la friperie des parvenus, & de la façon de parvenir dans ce monde de désordre & de dissolution. _Plaisant parti d'un domestique_, p. 6. II. L'histoire de Quenault & de sa serpe est coupée de diverses instructions très-profitables. On y voit la différence d'une femme de par dieu, d'avec une femme de par le diable. Sermon du curé de Busançois, divisé en trois points. _Le conte de Quenault & de Thibault_, page 7. _Sermon en trois points, du curé de Busançois_, p. 10. III. Devoir des prélats prescrit sous le voile de la plaisanterie: _castigat ridendo mores_. Conte sur le proverbe, n'avoir ni rime ni raison. Cette section est remplie de facétieuses aventures sans rime ni raison. La cruche de malvoisie prise pour un lésard, par des femmes ivres de vin. Bible hébraïque prise pour un livre de magicien par un prêtre, &c. _Conte du ministre qui avoit rime & raison_, p. 14. _Conte de la malvoisie_, p. 16. _Conte du pseautier hébreu pris pour livre de magie_, p. 19. IV. Origine de la bonne eau pour faire la bonne double-bierre d'Angleterre & de Flandres. Miracle de la Gousson toujours ployant du linge, & de la Le Page toujours pissant, l'une pour avoir bien reçu un besacier, l'autre pour l'avoir rebuté. _Ruisseau à faire la forte bierre_, page 20. _Conte de la Le Page & de la Gousson_, p. 23; contin. p. 24. _Interrogatoire de maître Pierre_, p. 23. _Propos de pisseurs_, p. 28. V. Aventures plaisantes de plusieurs pisseurs. Platon moquant & moqué. Pourquoi le _cela_ de l'homme a besoin d'aide pour pisser, tandis que celui de la femme va tout seul. Minimes & capucins tournés en ridicule. Allusion du mot de Joseph à l'antiquité des minimes. Description de la sphere en termes estropiés: (c'est sûrement dans le _Moyen de Parvenir_, que ces gens d'un esprit si sublime de notre siecle, ont trouvé le style des parades, & ont voulu nous démontrer par solide argument, qu'il y avoit plus d'imagination à composer la plus mauvaise des parades, qu'à faire Cinna ou Mérope). Conte de Chabert & des trois filles, à qui il demande une réponse de chacune sur le droit d'aînesse de la bouche ou du chose. La section finit par une question, dont le titre de la section suivante fait la réponse. _Aventure de Platon & de Prédicat_, page 30. _Bonne logique d'une chambriere_, p. 32. _Plaisante origine des minimes_, p. 34. _Description élégante de la sphere_, p. 35. _Conte des trois filles_, p. 36; contin. p. 37. _Propos d'un curé & d'un charpentier_, p. 37. _Question d'une chambriere_, p. 38. VI. Sapho commence à babiller, & elle en conte à faire mourir de rire ou de honte. Dissertation de Nostradamus sur les culs, qui est terminée par les prudentes réflexions concluantes d'Hypocrate. Histoire d'Esculape, qui voyoit le jour par le trou du cul de sa femme. Plaisanterie sur les femmes Allemandes de ce temps-là, & qui pourroit très-bien convenir aux femmes Françoises de ce temps-ci. Satire contre ceux qui annoblissent leurs noms par des _du_, _de_, _le_, &c. Origine du proverbe: _s'il a bon coeur, qu'il mange de la merde_. _Conte du cul de la femme d'Esculape_, p. 42. _Changemens de noms_, p. 44. _Conte de Stace avec la femme peteuse_, p. 45. VII. Comparaison de l'outil des femmes avec des féves, qui ont la raie noire & le bas contre mont. L'économie mene loin, puisque trois féves semées ont fait le mariage d'une fille. Féve des gâteaux des rois tournée en ironie. Avarice des avocats reprise par le conte d'une femme dont on n'avoit fait le poil que d'un côté. Le marinier de Quilleboeuf ne reconnoît plus sa femme, parce qu'elle se l'étoit fait tondre. _Trois féves qui font le mariage d'une fille_, p. 47. _Conte de la femme à moitié épilée_, p. 48. _Obstination d'un marinier_, p. 49. _Disputes de deux maquerelles_, p. 50. VIII. Dissertation sur les fillettes, dont la conclusion est de les distinguer en trois sortes. Comme on doit faire cas des larmes & du désespoir des filles de joie. Plaisant conte sur un homme qui appelloit le _comment a nom_ de sa femme un gardon. Origine de la solution de continuité; Mercure couturier des ventres des hommes & femmes; trop ou trop peu de fil fait la rosette ou la boutonniere. Exposition des véritables sept merveilles du monde. Différence entre vérité & raison. Le conte du beurre de la Soldée, qui est interrompu par des propos facétieux. _Lamentation de putain_, p. 51. _Femme qui montre son cela, sans y prendre garde_, p. 52. _Conte de jeune femme & vieux mari_, page 53. _La couture des mâles & femelles_, p. 54. _Le beurre net de la Soldée_, p. 57; contin. p. 60, contin. p. 61, fin. p. 63. _Propreté des femmes_, p. 57. _Caractere des moines_, p. 58. IX. Le conte du beurre de la Soldée continue dans cette section, toujours avec quelques parentheses joviales, & il est bon de remarquer que c'est toujours la belle & sage Sapho, qui, depuis la section VI, tient impitoyablement le dez des propos poliçons. Caton disserte sur le bon âge, & avance que le _cela_ des hommes est plus fort dans la vieillesse que dans la jeunesse, parce qu'étant jeune une main le conduit, & que dans la vieillesse deux ont peine à le guider. Satire contre les chanoines & les médecins, & bon mot sur l'aumuce. Eloge du livre fait par un poëte, & confirmé par un prophete. _Emploi d'un contrat de mariage_, p. 60. _Expérience de Sculpture_, p. 63. _Conte du médecin_, p. 65. _Mot à double entente_, p. 67. X. Question embarrassante à résoudre pour un homme amoureux de sa liberté. Différence entre farine & bran. Songe du pauvre paysan. Origine du proverbe, _afin que le bon homme ait son sac_. Quelques-uns des convives qui étoient sortis pour faire place à un verre de vin, rentrent. Socrates parle & est moqué dès le premier mot. Ridicule jetté sur ceux qui grassayent en parlant, par bon air, ou pour ne pas se fendre la bouche. _Le revenant_, p. 71. _Conte du sac du bon homme_, p. 72. _Réponse humble d'un valet_, p. 73. _Propos naïf d'une fille_, p. 75. XI. Origine des bossus: enfilade de propos burlesque au premier calibre. Raison pourquoi l'on salue quand on boit. Reprise, en-dessous oeuvre, de l'éloge de ce livre, & prophétie inintelligible sur sa destinée. Enthousiasme furieux contre les critiques & les dévots. XII. La langue françoise est riche en termes de chouserie. Dissertation sur le _Pheros_ ou ambrosie des dieux, & sur la nourriture des ames. Interprétation du mot _apprendre_. Conte fort plaisant à ce sujet. Maniere de faire des barbes passées sous la meule, & plaisanteries sur les barbes faites. Conte de la femme du procureur, accouchée d'un maure, & de la naïveté du procureur avec son écritoire. _Conte du bonnet tombé_, p. 83. _Bonne leçon d'une vieille servante_, p. 85. _Conte du moulin à barbe_, p. 87. _Chanoine pris par son propos_, p. 88. _Conte de l'écritoire du procureur_, p. 89. XIII. C'est ici ou se développe le grand mystere du menton ras des prêtres. Conte sur Hugonis, suivi du conte de la sage-femme qui vient accoucher un garçon. Erasme s'étend sur les polissonnes invectives dont il avoit accablé un docteur. Secret de sentir l'hérésie. Pays de papefiguiére, ou l'on est toujours gras & vigoureux comme un _moine_. _Plaisante réponse d'un homme gras_, p. 93. _Le jeune homme en couche_, p. 93. _Quiproquo d'un domestique_, p. 94. _Nom tronqué_, p. 95. _Conte de la dispute d'Erasme_, p. 95. _Plaisant jugement_, p. 96. _Description du pays de papimanie_, p. 99. XIV. Moeurs de ce pays de bonne santé. Termes amphibologiques; Cardan & Jamblique disent quelques bourdes sur les succubes & incubes. Satyre contre ces faux-dévots qui veulent que le diable soit le pere de nos passions & de nos plaisirs, & qui en refusent la prudence à la divinité, & l'honneur à l'homme. Les hommes font tout dans le travail amoureux, les femmes ne font que présenter l'écuelle. Conte de l'écrevisse attachée au bord de l'écuelle d'une femme par une patte, & à la lèvre supérieure du mari par l'autre. _Eloge de la vis des tuileries_, p. 100. _Conte de l'écrevisse au bord de l'écuelle_, p. 103, contin. p. 104. _Les beaux sont les gros_, p. 105. XV. Cette section commence par le plaisant conte de Jean Laillée, qui mit sa machine à faire pauvreté dans une souriciere à ressort, croyant être dans un urinal. Sa plaisante insolence avec une chambriere. _Conte d'un moine pris en partie, comme une souris_, p. 108. XVI. Dissertation sur la poudre de projection. Ridicule texte d'un sermon. Gaillarde maniere de défendre son bien, mise en usage par un moine, contre deux voleurs. Explication de certains sobriquets; chose qu'on ne prendroit pas pour un fagot, à moins qu'on ne le dise. Véritable explication du mot _quasimodo_, & de quelques autres intéressans à bien savoir. Termes de bienséance devant les gens qualifiés tournés en ridicule. Malheur d'une pauvre femme qui a épousé un cocu. Maniere d'être poussé. _Sermon dont le texte est plaisant_, page 110. _Conte du moine & des voleurs_, p. 110. _Conte du fagot_, p. 112. _Le mot _quasimodo_ expliqué_, p. 113. _Secret pour être poussé_, p. 116. XVII. Madeleine en dégoisse & fait des contes libertins à perte de vue; cornes des femmes sont les ongles. Qui ne prend pas plaisir, n'est pas putain. L'attention à regarder, fait qu'on est volé; exemple de l'âne du paysan. Les femmes changent entre les mains de certains maris. Façon subtile de se confesser. Les bons avis ne sont point à rebuter. Valeur du terme de chausse-pied de mariage. _Conte canonique d'un homme & d'une femme_, p. 117. _Conte de l'âne volé sous son maître_, p. 120. _Confession d'une femme_, p. 121. _Bon avis d'un galant homme_, p. 124. XVIII. Le plaisant tournevis ou vilbrequin. Grand commentaire sur les cocus cocuans & cocués, à propos de la chose la plus imparfaite. Le cocuage est plus grand miracle que la pierre philosophale, puisqu'il s'opere en l'absence des sujets sur qui il est fait. _Conte des hommes vissés_, p. 124. _Conte de la courtisanne Conscience_, page 130. XIX. Le bon prédicateur fait bonnes moeurs; exemple d'un qui détournoit ses auditeurs de tout vice. Le commentaire sur cocu & cocuage reprend & continue de plus belle. La naïveté de la dame de compagnie de madame l'amiralle, vient égayer. (_Nota._ Dame de compagnie, auprès des dames de haut-parage, est même chose qu'_esprit_, auprès de leurs maris. On dit: monsieur D. est l'_esprit_ du duc D.) _Conte des prédicateurs ennemis des paillardises_, p. 134. _Naïveté de la belle Dubois_, p. 137. XX. Disputes de savans, richesse des langues vivantes. Nouvelle éloge de ce livre, & crainte sur l'abus qu'on en fera. Les moines sont si libertins, que leurs prieurs s'en scandalisent: le moyen d'y mettre remede: Plaisant françois de Margot. Les putains jurent toujours _vérité_ & _honneur_, (serment sans conséquence.) _Vérité dans la bouche d'une Normande_, p. 145. _Conte du Prieur de Marmoutier_, p. 146. XXI. Sage politique exercée dans la ville de Lubec, pour les vibaniers & conbaniers. Façon d'essayer, aussi connue aujourd'hui à Paris qu'_in illo tempore_ à Lubec. Alcibiades crie, jure, blasphême, se radoucit, pour prouver par sentimens son goût antagoniste des femmes. _La ville de Lubec_, p. 148. XXII. Madame raconte une histoire, dont le commencement & la fin prouvent qu'elle étoit franche putain. Certitude de cocuage aux maris dont les enfans ont cheveux de deux couleurs. _Conte de l'origine du putanisme_, p. 155. XXIII. Explication du terme de _putain_, faite par plusieurs, & terminée de main de maître. Mots qui autrefois étoient éloge, aujourd'hui sont injures. Satyre sur les chambrieres de prêtres, chanoines, curés, &c. &c. &c. Trois choses sont à éviter; trois voeux à faire. Satyre contre la justice & ses administrateurs. Origine du proverbe de _fesse tondue_. Cette section & ce volume finit par le conte de l'éguillette, & par une réflexion fort sensée, pourquoi les moines sont appellés _béats peres_. _Stupidités ou distractions d'un prince ultramontain_, page 163. _Conte de la fesse tondue_, p. 162. _L'éguillette nouée et dénouée_, p. 168. _Le Chanoine dupe_, p. 170. XXIV. Quittant la théologie & les théologiens, les convives s'étendent sur les quatre vertus cardinales; rire, manger, boire & dormir. Il faut toujours se tenir en garde contre ceux qui viennent de loin: croire aux miracles de Paracelse, c'est avoir un grand fond de soi, satire contre ce fameux alchimiste. Transition heureuse d'un évêque à un soufflet; dissertation sur l'origine des mitres. XXV. Invectives contre les prêtres sous le titre d'hiérarchie de double linge. Asclépiade attrapé par une fille de chambre de madame de Combardavit. Les nonnains sont les perdrix du monde, & les chanoines en sont les faisans. Bonne sentence à mettre sur l'entrée de chaque maison. Conduite de Jean Dissolez, moine & voleur de poires. Origine du mot _tu autem_. Sarcasmes contre les moines, & définitions intéressantes, qu'il faut lire, sans m'obliger de les écrire. Conte de Ferrand & de Margeou, deux moines. _Conte d'un page attrapé_, page 177. _Jean Dissolez, voleur de poires_, p 180. _Aventure de Ferrand & Margeou_, p. 183, continuée, p. 192. XXVI. Raison solide des voyages de moines par deux. Le trouble se met dans la conversation. Musique plaisante d'un homme à sandales. Les deux moines en fonction: origine du proverbe de la chape à l'évêque. Bon avis à ceux qui portent soutanes dans des cas pressés. Le conte de Ferrand se reprend & se termine. _Musique d'un moine_, page 188. _Les deux moines en fonction_, p. 188, continuée, p. 191. _Origine du proverbe de la_ chape à l'évêque, p. 189. XXVII. Les femmes de sergens ne sont pas des plus sotes en amour. Jeu de gripeminaud sans rire. Conte de Jacques Adriot & de sa femme: on a crainte de le raconter, parce qu'il y a dedans un peu de prêtre. Saillie naturelle d'une présidente. _Histoire d'une femme de sergent_, p. 194. _Conte de Jacques Adriot_, p. 197, contin. p. 198. _Plaisant mot d'une présidente_, p. 198. XXVIII. Bon secret pour fixer un mari; les femmes sont anges à l'église, diables à la maison, singes au lit. Conte de la femme d'un huissier. Dissertation forte & chaude sur le joujou du ménage. Conte des religieuses de Poissi; plaisante façon de décliner un adjectif. Il n'est que femmes pour bien juger des choses. _Conte de la femme d'un huissier_, p. 200. _Conte des religieuses de Poissi_, p. 203. _Conte sur le mot groseille_, p. 204. _Résolution académique de trois nonnains_, p. 205. XXIX. La religieuse qui croyoit être devenu bête, se corrigea bien de sa stupidité, & fut en état vingt-quatre heures après, de donner leçon. Alain Charrier, tourné en ridicule sur son style gonflé & inintelligible, reprend son conte comme il peut. Aveux indiscrets de femmes à confesse. Les noms génériques se font mieux entendre, & la preuve est dans cette section. Ronsard & Baïf se disent quelques dures vérités. Remarque sensé sur les femmes avares de beurre dans les sauces. Façon d'un curé d'imposer silence. _Le conte de Nabuchodonosor_, p. 207, contin. p. 209. _La confession sincere_, page 214. _Conte d'une femme avare de beurre_, p. 218. XXX. La premiere loi d'un état, c'est d'être soumis aux volontés de son prince. Excès de mémoire de Béroalte. Satire sur la vénalité des charges, & réflexions très-judicieuses sur les contrariétés du siecle. Conte du chaudron. Qui jure pour rien, devroit bien jurer pour quelque chose. Menot le grand prédicateur donne les principes d'une morale furieusement relâchée. Histoire du fromage mou & de l'aveugle. _Femme soumise aux volontés du roi_, p. 220. _Conte du chaudron_, p. 223. _Le fromage mou & l'aveugle_, p. 228. XXXI. Histoire de la mule de Rabelais, prise pour le cheval de l'antechrist. Le mulet de Gravereuil & ses farces. Effet horrible d'un appareil mis sur une blessure. _Le cheval de Rabelais_, p. 229. _Conte du mulet_, p. 231. XXXII. Le ministre encavé, & retiré par la servante de l'hôtellerie. Proverbes sur l'inutilité de la paillardise des vieillards. Différence de putain à fille entretenue. La franchise se trouve par-tout, jusques chez les gens de cabaret. Dissertation sur les femmes de bien. Conte de la huguenote en colere. La dissertation continue de plus belle. Avicenne & Lycofron aux prises. Origine du nom de mignons aux chanoines. _Le ministre en cave_, p. 238. _Franchise d'un hôtelier_, p. 242. _La huguenote en colere_, p. 244. XXXIII. Bon avis d'un médecin. Qualités de chair d'une fille & d'une femme. Conte de l'époussetée de deux façons. La servante prudente dans ses souhaits. _Conte de l'époussetée de deux façons_, p. 251. _Prudence d'une servante dans ses souhaits_, p. 255. XXXIV. Réflexion d'un curé publiant des bans. Naïveté de neuves mariées. Egrillardise du curé paillard bien puni. Conte du jardinier & des prunes. _Bans publiés_, p. 256. _Curé égrillard puni_, p. 257, continuée, page 259. _Le jardinier & les prunes_, p. 258. XXXV. Propos dissolus de moines prêchans. Conte du _thuribulum_. Quelques explications de phrases latines. _Le conte de_ thuribulum, p. 266. LE MOYEN DE PARVENIR. PARLEMENT. I. Je sais qu'il y a un autre univers que Dieu a fait. Mais nous; _id est_, nos peres, les hommes & femmes, en avons fait un autre plus accompli, si Aristote dit vrai. Ne dit-il pas que les femmes sont plus parfaites que les filles, parce qu'elles sont dépucelées, & qu'ainsi elles ont une forme acquise plus notable & excellente qu'auparavant? Dieu fit la fille, & l'homme l'a faite femme. Hé bien, voilà pas les hommes qui font bien des choses plus accomplies? Ainsi est-il du monde de piperie plus accord, plus joli, plus parfait, plus délicat, & mieux sentant son bien que le premier. Et qu'y a-t-il de remarquable? Une quintessence céleste, direz-vous. Vraiment, vous avez raison, votre âne pette, & au nôtre qu'y a-t-il? Quoi, qué, qué? Une quintessence plus profitable, plus pénétrante, plus glorieuse, plus intelligible & plus vivifiante: les sages & les parvenans l'ont reconnue, & l'ont apprise à plusieurs. Ceux qui ont été plus subtils, & ont reconnu les quatre élémens de piperie, extraits ainsi de la supposition ecclésiastique, judiciaire, médecinale & trafiquante, ont tâché à y entrer pour parvenir: aussi n'y a-t-il point d'autres moyens à cet effet, outre ceux-ci, qu'un qui est la vraie quintessence, selon laquelle plus aisément, & avec moins de peine, on gagne davantage; ayant plus loisir & plus grand profit. Et c'est ceci qui se remarque en tous ordres, où le moyen de parvenir est proposé, auquel, comme en toutes vacations, ceux qui font le plus de bruit, ont le plus de soin & de peine; s'avançant en plus de travail, gagnent le moins: & par conséquent ceux qui sont les plus accommodés ont moins de sollicitude, & avec moins de difficultés emportent plus de profit. Ceci observé de siecle en siecle, parce que les vignerons ne boivent pas le bon vin, les miniers ne possedent gueres d'or, encore qu'ils le serrent en grands labeurs, sans que pour le préparer, il leur demeure ès mains. Il n'y a que maquereaux pour être aisé, d'autant qu'ils entendent aussi les matieres. Le grand Alexandre n'avança jamais qu'un voleur, un maquereau & un traître. O belle chose à imiter! Là, là, passez & touchez; (votre âne a pissé) il est avenu que les gens de bon esprit ont traité la quintessence, non comme ces tristes enfumés, qui le plus souvent ont plus de trébillons que de testons, desquels le cul paroît pour mieux souffler; mais en habiles, savans & industrieux attrapeurs de commodités. Et de fait, ils l'ont trouvée, à savoir ès finances, où se pratique, non par transpiration imperceptible, mais par emplissement naturel, le plus saint, magnifique & commode secret d'amasser. Le diantre y ait part, j'ai été de tous les honnêtes métiers du monde, hormis de cettui-là, & professeur en folie. De venir aux finances, il n'y a plus moyen à ceux qui ne les pratiquent d'heure. Quant à l'autre, j'étois hier en pensée de m'y faire passer maître, comme un de vous autres; mais encore qu'il n'y ait personne, qui eût plus d'envie d'être fou que lui, parce qu'aux fous tout est permis pour rire; si ai-je quelqu'honneur qui m'en empêche: aussi n'oserois-je sauter ce bâton de peur de perdre les bonnes graces de ma maîtresse. Toutefois je vous proteste que, s'il y avoit autant d'honneur qu'aux folies d'être chancelier ou premier président, ou de telle autre qualité de fous qui foussoient les autres fous, il n'y auroit gueres de bons esprits qui ne fissent paroître que, _quisque abundat in suo sensu_, c'est-à-dire, chacun est, sera, ou est dit, ou deviendra, s'il ne l'est, fou par la tête. Or notez, amiables freres, & dressez les oreilles, comme la queue d'une vache qui mouche, que je vous ai déclaré la vraie matiere, & la juste quintessence, dont le magnifique usage est tel, que l'on vient, en l'obtenant, à bout de toutes entreprises; on l'obtient, en l'ayant, ce qu'on pourchasse; & on fait ce qu'on veut. Parquoi, vous avez en somme succintement tout du long, proportionnément au petit pied, & sans allégories, les élémens, principes, fondemens, raisons, résolutions, évidences, puissances & causes de parvenir tout du long, à l'usage de Genève, imprimé à Rome, & sans rien requérir, comme une quille de beurre frais. BIAS. Vous ne faites que parler de parvenir, sans possible en savoir la pratique, à quoi peut-être vous êtes stilé, comme un âne à jouer du flageolet. Voudriez-vous bien dire que vous l'eussiez de la sorte que je l'ai, qui porte tout mon avoir avec moi, de peur d'avoir bien faute de poux; & qui sais, comme me le font accroire ces Crisotechnes, cette belle science qui rend riches? L'AUTRE. Je me suis tant amusé à vos fadaises de sagesse étant jeune, que j'ai laissé passer les oiseaux. Par mon serment, si jamais la paix est faite, j'irai à la guerre aussi-bien que les autres. Croyez que, si j'eusse su maintenant, je fusse dedans; & à cette heure que je sais le secret, on se défie de moi. Que male foire embrene le nez de ceux qui m'ont fait perdre le temps; que cent coups de cornes au cul leur déchirent le fondement; que puissent-ils devenir cocus, après le trépas de leurs femmes de bien. Je gage que vous ne savez ce que je veux dire; [ni moi aussi, dit Chipon, quand il perdit le manteau de son maître. Je gage, dit ce seigneur, que ce coquin a perdu mon manteau. Gagez, monsieur, vous gagnerez. Le paillard l'avoit détourné, pour s'en approprier. LYCURGUS. Ce fut un moyen de parvenir.] Voilà, il y en a qui parviennent diversement; les uns, sans y penser; les autres, par artifice; aucuns, par danger; quelques-uns, rencontrant d'un en cherchant d'autre; aucuns, courant comme ils attrapent quelques autres en dépit d'eux; & s'en faut rapporter aux exemples, ainsi qu'une truie qui avorte. BODIN. Voilà de belles maximes, & desquelles je pourrois tirer beaucoup de science; j'éplucherons, en passant, ceux qui parviennent. VERSET. II. Il y en a infinis qui ne savent pas leurs élémens; & s'ils les savent, c'est par grand pitié de hazard & routine, & trop souvent par fausse entente, ainsi qu'il avint à Quenaut, qui se promenant un jour vers le colombier, & voulant passer une haie pour aller au travers, il coupa une branche avec son outil, qui lui échappa dans l'enclos du jardin. Là étoit le maître du jardin avec sa femme de par le diable. PINAUT. Qu'est-ce à dire? CHILO. Que d'interruptions! Voilà grand cas qu'il faut passer jusques en Grece, pour savoir _sa femme de par le diable_. C'est-à-dire, sa garce en françois, comme si vous disiez une femme de prêtre en révérence. Les gens du monde, les gens du siecle sont mariés de par dieu; & ont des enfans de par dieu; & les autres en ont de même, mais c'est de par le diable, qui sera le ménestrier à vos dernieres noces. La sienne étant donc avec lui & ses enfans, Thibaut, son gendre, qui avoit épousé sa plus grande fille, qui étoit belle & désirable, comme un jeune cheval qui sort d'apprentissage, ils devisoient se devisant près la peinte archidiaconalement. Quenaut, qui ne savoit rien de cette compagnie, parloit assez haut, répondant à son compagnon, qui lui reprochoit sa longue demeure, & s'il avoit repris sa serpe, & disoit: je l'aurai, je la vois. Thibaut, qui ouit ces mots, croyant qu'on parloit de sa femme, qui peut-être aimoit l'amble, (comme étant de nos soeurs, dieu merci, & vous qui a fille de femme de plaisir) tout en colere, vint vers le lieu où il oyoit cette voix, & faisant le fendant, répond: toi, tu l'auras, toi, pance de boeuf? Non, auras pargoi. Si aurai, dit Quenaut. Tu auras menti, par la double tigne qui te puisse coëffer. Mais toi, ou le diable t'emportera. J'ai bonne épée. Si ai bien moi. Sur ces propos, Quenaut s'avançant, vit Thibaut, lui dit: que diable tu te fais de peine! Et que te faut-il de tant jurer pour ma serpe qui est chute en ton jardin? Je te fais grand tort de la vouloir ravoir? Si j'ai fait dommage, demande-le moi, ou sors & nous battons. Je ne te demande que ma serpe; que prétends-tu? L'autre l'oyant lui dit: prends-là, si tu veux; qui t'en empêche? Tu as peut-être tant bu, que tu es fâché d'autre chose. Voilà comme ils parvenoient tous deux. CLEOBULE. Vous impliquez contrariété. Nous n'aurons meshui fait. Cette canaille de sages nous fera devenir fous. Au diable l'importunité de ces pédans. Je suis perdu, puisque vous en venez-là. Si est-ce que je crois que je suis homme, si ceux qui sont faits comme moi le sont; encore ne sais-je si je suis mâle ou femelle. S'il n'y a un autre devant moi, & qu'en tâtant, je compare pour savoir ce qui en est, & lors me trouvant gros de résolution, parce qu'elle n'appartient à autre animal, je vous dirai des choses que vous ni moi n'entendons, ni entendrons, ni n'avons entendus; ou je me tairai, comme fit le Curé du Busançois, qui dit: je vous prêcherois aujourd'hui; mais nous n'avons pas le loisir. Toutefois je vous dirai un bout de sermon, que nous diviserons en trois parties. La premiere, je l'entends & vous ne l'entendez pas. La seconde, vous l'entendez, & je ne l'entends pas. La troisieme, ni vous, ni moi ne l'entendons. La premiere, que j'entends, & vous n'entendez pas, c'est que vous fassiez rebâtir le presbytere. La seconde que vous entendez & que je n'entends pas, c'est que vous entendez que je chasse ma chambriere, & je ne l'entends pas. La troisieme, que vous ni moi n'entendons pas, est l'Evangile d'aujourd'hui; parquoi, n'en disons mot. Adieu. PITTACUS. Que direz-vous? CLEOBULUS. Je vous dirai vos vérités malicieuses, si je parle; & si je me tais, je ferai démonstration que vous n'êtes que pleins de vent & de néant. PITHOU. Quant à moi, voyant bien que vous me voulez donner le trait pour vous piquer, je vous déclare que je ne sais rien que tout le monde ne sache, ou pis; aussi je me contregarde si bien, que je n'offense que Dieu & le monde. Et si je vous dirai que je ne peche que par plaisir; c'est que je suis amoureux des femmes & des filles. Ce que j'en fais, c'est pour naturaliser & parfaire les symboles d'éternité, n'y ayant plaisir au monde semblable à celui de la chouserie: foin, de par le diantre, foin. PELICIER. Ne le flattez point; nommez le diable tout-à-fait. JAMAIS. III. Jamais ces gens, qui font tant la petite bouche, ne furent qu'hipocrites. Ils jurent _par ma finte_; ils n'osent proférer le mauvais; ils ne savent dire les choses par leur nom: & cependant leur coeur est plein de déception & tromperie, d'autant que leur ame symbolise à leur bouche, Tu... GAZA. Bien donc, là, ne nous détournez plus, & n'en parlons plus, de par le diable, sans blasphêmer. Bran, vous n'en faites que causer, c'est assez. Pourquoi? QUELQU'UN. Parce que l'on fait des réponses qui ne sont pas bonnes. Pensez la belle chose que c'est, de mettre des ignorans au rang des doctes. C'est pour avoir de belles interprétations. Si je n'avois peur d'être cause que plusieurs blasphêmeroient, je vous conterois une infinité d'interprétations que les Cordeliers m'ont apprises. Or, bien que nous fassions ici mine de rire, si le disons-nous à la honte de ces dépouilleurs d'andouilles pour les nettoyer, & qui nous voudroient reprendre, encore que toute leur vie soit confite d'actions impudentes. Vous, Prélats, qui voyez comme nous faisons ici les fous en découvrant les folies, faites-les cesser, corrigez les fautes, détournez les impiétés, ôtez les mauvaises coutumes, minez l'ignorance; & les oeuvres d'icelle s'écouleront. Sachez que ce volume est fait pour vous jetter la paille en l'oeil, afin que vous abbatiez la simonie. Hé bien! diront-ils, on ne baillera plus d'argent pour les bénéfices; on n'entendra plus les écritures. Ce n'est pas-là le mal; il faut faire des prêtres, qui ne prennent point d'argent, pour distribuer les sacremens, & autres opérations ecclésiastiques. SOCRATE. Or là, fendez, frappez, tirez, faites de belles défonçades d'entendement; il n'y a plus moyen de vous tenir. Cent mille petits diablotins de deçà & delà les monts, qui vous extravaguent, vous puissent casser des noix; que la gorge vous coupe le cou, il n'y a ni rime ni raison en votre fait. LERI. J'aimerois autant les habitans de Versoi, du temps que la parole étoit de l'Evangile, lesquels avoient un Ministre, qui sans cesse leur reprochoit leur ignorance & indécence de moeurs, leur reprochant qu'il n'y avoit ni rime ni raison en leurs affaires; & si souvent leur tint ces propos, qu'il en devint fâcheux; tellement que la visitation étant, ils demanderent un autre pasteur; & ce avec grande instance, disant que cetui-là leur étoit insupportable. Le Consistoire averti, tant de la simplicité de ce peuple, que de la façon du Ministre trop rude pour agréer à ce petit troupeau, leur en adjugea un autre qui fut averti. Celui-ci les prêcha quelque temps par essai, puis pour l'établir absolument, il fut question d'assembler les habitans, pour savoir si ce nouveau venu leur seroit agréable. Ce qu'étant fait, & un de la compagnie des habitans étant délégué pour parler au Ministre, & lui faire trouver bon qu'il demeurât, lui dit: Monsieur, vous êtes agréable à tous nous autres, tant parce que vous êtes bel homme, que principalement à cause qu'il n'y a ni rime ni raison à tout votre fait. L'AUTRE. Ainsi en est-il de ce livre, qui jadis fut fait en belle rime croisée: mais celui qui l'a transcrit, sans y aviser, mêlant ce qui étoit deçà & delà, a fait qu'il n'y a ce semble, ni rime ni raison en apparence, non plus qu'à l'élection d'un Cardinal de ce temps, selon l'ordre hiérarchique du bon temps, que l'on s'alloit cacher & jetter dans les puits, de peur de devenir Evêque, pour la peine & labeur qu'il y a. Qu'ainsi vous en puisse avenir, Monsieur le Commissaire, qui êtes venu réformer les pavés qui usent trop les souliers. Je m'enquis de cette histoire du Ministre, passant par-là, d'autant que je ne veux rien dire, ni présenter, ni ouir, s'il n'est vrai. Si vous vous en souvenez, Monsieur de Pise, nous allions à une Diete en Suisse; & lors j'étois avec Mylord Bochow, lequel le Baron de Tierci, parce que _baccon_ à Genève signifie du _lard_, le nommoit _Monsieur du Lard_? Comme nous soupions, je donnai à notre Prélat d'alors une tête de poulet; & par honneur, j'en présente une fendue de même au Baron de Kitblitz, Allemand, alquemiste. Il me cuida humer la vue avec les yeux, & manger le blanc du cul, tant il me regarda creux, comme si je l'eusse estimé sans cervelle. Ce ne fut pas tout. On n'y ose demander de malvoisie; c'est à propos de la morue rouge d'Ablis. Les femmes des pêcheurs de Versoi étoient allées à Geneve, (qui est le Paris de ce pays-là; c'est pourquoi le Duc de Savoye la voudroit avoir, pour faire le Roi) elles y avoient porté leur poisson, qu'elles vendirent fort bien; aussi étoit-il jeûne: & de fait, on s'escrime de jeûnes en ce pays-là avec un bâton à deux bouts, en disant que de se frotter d'une peau de jambon sans la savourer, est plus méritoire, que de se crever de poisson. Ces femmes avoient fait grand gain, parce que déja on surfait la marchandise en ce pays-là; & des Allemands avoient acheté leurs denrées à leurs mots à beaux quarts comptant, sans l'autre monnoye. Cette joie fut cause qu'elles s'accorderent de bere in peu de malvesia; & allerent en un cabaret, près la Fusterie, où elles eurent ce qu'elles demanderent pour de l'argent, (cela s'entend aussi bien qu'à Rome. Qui a nez pour sentir, qu'il flaire.) Elles s'en trouverent si bien, qu'en cet aise elles redemanderent de cette bonne liqueur; ce qui fut tant poursuivi, qu'à la fin, & gain, & fonds, tout y alla; & encore quelque bague d'argent à six tours demeura pour gage avec les plates. Tant que le bon goût & les vapeurs durerent, elles ne se soucioient de rien. Ainsi gaies & gaillardes, elles s'en retournerent. Ayant un peu passé la franchise, & trouvé un endroit de belle verdure, (c'étoit en été) elles s'aviserent de dormir un petit, qui dura jusqu'à presque soleil couchant, qu'une se réveilla qui réveilla les autres. Cette premiere, encore toute étourdie, avisa une bouteille verte, qu'une d'elles avoit emplie d'huile avant boire, elle s'écria: _ô di, comera la Guernera, vede; vede vo le gro lizard ver?_ De cela, les autres épouvantées se leverent; & toutes ensemble, comme cette-là, à belles pierres, se mirent à lapider cette bouteille; & la bouteille se cassant, elles disoient, l'oyant casser: _les ous se cassent_; & puis, l'huile épandue, disoient; _c'est le velain qu'il rend; vees commi il mode_. Depuis ce temps-là, la malvoisie a été à si bon marché, que qui en demande à Versoi, en a pour soi & pour sa chartée de beurre frais. CONTERI. J'attendois que vous parleriez de ce petit ruisseau que nous passâmes avec cette compagnie-là, quand nous y fûmes pour les affaires des ubiquitaires. Je me souviens qu'ayant passé le pont de beurre, Curion, notre hôte de Basle, nous fit baisser, pour voir ce ruisseau tant célebre. (Le seigneur Chevalier, grand Hébreu, & si savant qu'il en étoit bossu, a mis l'histoire dans le Talmuld, qu'il a revu, quand nous le faisions imprimer à Basle. Je le vous dirai; aussi-bien il n'y a personne qui ne le sache; & c'est pour vous montrer que j'ai de l'esprit, & que je m'entends à l'hébreu, comme une pie à étendre du beurre frais sur du pain. Quand j'en faisois leçon, cela alloit à la balance, comme un chat qui pese des doublons en une bouteille. Même, s'il vous souvient, je le vous dirai en notre langue, pour survenir à ceux qui n'entendent pas le chrétien. Un jour, pour faire le mignon, j'avois en l'Eglise mon Pseautier en Hébreu, où je lisois ne plus ne moins qu'un singe qui épluche des noisettes vertes. Je devois dire la leçon; je laisse mon livre & m'en vais au lutrin. Si-tôt que je fus descendu de ma chaire, notre ami Chastin prit mon livre, & l'ouvrit: mais aussi-tôt il le laissa & se retira de-là, allant se plaindre aux autres chanoines, que je tenois des livres méchans; que j'étois magicien: & que je ne portois à l'Eglise que des livres prophanes, comme une bible, & autres de telle farine. Par dépit, je dirai mon histoire en langage que tout le monde entendra, s'il s'y connoît: je la dirois bien tout autrement; mais je n'y entends que le haut Allemand; il est trop froid; cela ne seroit jamais fait). PASSAGE. IV. Es pays d'Alsassie, en un endroit assez beau, [si vous n'y avez été, cela ne vous servira de rien de vous le décrire, parce que vous n'y connoîtrez rien; & si vous y avez été, c'est assez, cela vous importuneroit de le rapporter, sinon allez-y.] Là, les dames sont assez libres, mais sages; & pour le bien faire paroître, elles ne pissent qu'une fois la semaine: & c'est au vendredi qu'elles s'assemblent, au matin, toutes par bandes; ce qu'il fait étrangement beau voir] & selon leurs dignités, s'en vont en pisserie, comme on va à la foire: de quoi elles n'ont non plus de honte, que les femmes de bien, qui montrent l'appanage de leur fessier aux eaux de Pougues. Que c'est que des coutumes des pays! On ne le trouveroit pas bon ici; & là il est délectable: ainsi qu'ès villes de Normandie, où plusieurs en leur pochette gauche portent un mouchoir pour le cul, ainsi qu'en la droite un pour le nez. Ces femmes étant arrivées au lieu de la pissoire, ou pissotiere, elles se disposent comme les montagnes d'Angleterre, chacune où elle est, y gardant dignités, prérogatives & honneurs, ainsi qu'ès actes publics & notables, ne plus ne moins que se mettent les chevaliers en leur rang, le jour de leur cérémonie. En cette commodité, abondamment, joyeusement, & à la copieuse & bénigne décharge des reins, elles vuident leurs vessies, & pissent tant, que cette riviere en est faite & continuée; & de-là les Allemans, Flamans & Anglois font venir la bonne eau, pour faire de la biere, la plus double & du plus haut goût. Cela est cause que leurs femmes ne les aiment pas tant, qu'elles font les François, d'autant que ces femmes-là pensent que leurs maris leur veulent derechef reverser leur urine dans le corps. Que s'il y a des femmes qui ne savent bien pisser, on les envoie à Genève, d'autant que là il y a plusieurs belles écoles, où on apprend à pisser & chier en public & en compagnie, au grand soulagement des honteux, qui là apprennent à perdre la sotte honte qui resserre le boyau culier. Et je vous dirai que ce qu'ils font est, parce qu'il n'y a point de moines en ce pays-là; & partant point de frocs, & par ainsi point d'instrumens de deshonterie. On m'a assuré que depuis, ceux d'Amiens en ont dressé de belles écoles aux Botrues, où l'on fait leçon de chierie. DURANTIUS. Vous vous êtes équivoqué, sans faillir; mais vous n'avez pas commencé à l'origine de cette riviere. Il falloit le dire. Ce que je vous dirai, tiré du Zohar, que le bon vieillard Postel a traduit, après qu'il eut conféré avec un juif qui devint chrétien. Après avoir lu cette histoire, laquelle aussi fit réduire quelques huguenots à se faire catholiques, aussi-bien que les moines qui s'en firent huguenots; & ce que ceux-ci en ont fait, est pour se mieux entendre en garces. Quant au juif, il l'a fait pour avoir congé de manger du lard & du salé, afin de trouver le vin meilleur. Du temps que les bons hommes [c'est-à-dire non les minimes, qui sont très-petits; & jamais bonté ne se mit en peu de lieu] alloient par le monde, [je n'entends pas des faiseurs de mines, mais des simples & sages] il y eut un saint personnage, qui, passant chemin, se rencontra à Barace, près de Durtal en Anjou. [Je ne parle pas de maître Pierre, que le prévôt des maréchaux cherchoit: & l'ayant un jour rencontré, ne sachant pas que ce fût lui, le laissa, ne le connoissant point. Avant que le laisser, il lui demanda: qui es-tu? Je suis un pauvre homme, petit marchand. Comment as-tu nom? Pierre Chaillou, ou Caillou. D'où es-tu? De Durtal. Où va-tu? A Rochefort. De quel métier es-tu? Sabotier. Que diable! tu es dur, il ne te faut plus qu'être vêtu d'une cuirasse, pour t'achever de durcir. CALPIN. Comment diriez-vous une _cuirasse_ ou _corselet_ en latin? C'est, dit frere Jean de Laillée, _durabit_. Or taisez-vous; vous empêchez l'affaire de ce saint homme. Achevez, monsieur le doguetter.) DURANTIUS. Ce personnage s'étant assez reposé sur le bord de la fontaine, avisa le tard; donc il s'en vint au village, & s'adressa chez le Page à la dame du logis, priant ladite dame de le loger cette nuit-là, pour l'honneur de dieu. Elle qui étoit avaricieuse, comme un financier qui a fait ses affaires, & n'a point d'enfans, s'excusa, & le pria d'avoir pour agréable son refus, qui ne venoit qu'à cause que son mari étoit chiche & grondeur. Le bon homme passa outre, & va droit s'affraper chez la chambriere de Chiquetiere, nommée la Gousson, de laquelle, lui ayant fait sa requête, il fut reçu fort honorablement, & bien traité de la pauvre femme, qui le mit en un bon lit, cette bonne femme. ESCHINES. La bonne femme n'est pas encore levée. DURANTIUS. Taisez-vous; bran: ces poëtes en veulent toujours aux femmes, qui les affrontent aussi; & cela leur est employé comme fievre en corps de moine. Cette bonne femme donc lui avoit fait du mieux qu'elle avoit pu; & lui, le matin, s'en trouvant bien édifié, étant levé & voulant partir, lui dit: madame je vous remercie bien humblement de tant de bien que vous m'avez fait; & vous prie de m'excuser, si vous n'avez autre paiement de moi. Ho, dit-elle, monsieur, vous avez été le bien venu; & le serez toutes les fois qu'il vous plaira venir céans. Ce n'est point l'espoir de paiement qui m'a fait vous recueillir, en cette maison où vous demeurez, s'il vous plaît, à votre volonté. Je vous ferez au moins mal que je pourrai, pour l'amitié du maître que vous servez. Madame, je vous rends graces infinies de tant de biens & d'amitié: je prie le bon dieu qu'il lui plaise de vous bénir; si que la premiere besogne que vous ferez aujourd'hui lui soit tant agréable, que ne puissiez tout le jour faire autre chose. Il partit; & elle, qui n'y pensoit point, l'ayant recommandé à dieu, se fit apporter un peu de buée qu'elle avoit étendu le jour précédent, & se mit à ployer son linge; & tant ploya, & encore tant ploya, que plus elle ployoit, plus il y avoit à ployer & ployer; & ployoit toujours, tellement qu'elle avoit de grands monceaux de toutes sortes de linge, qui multiplioit au touchement de ses mains. Par hazard, celle qui avoit refusé le bon homme, vint quérir quelque chose chez la Gousson. La voyant empêchée, lui dit: hé bien, ma mie la Gousson, que faites-vous? Donc elle lui conta toute l'aventure & cause de ce grand bien. Adoncques l'autre fut bien étonnée & fort triste d'avoir laissé passer une telle commodité: parquoi, sans faire semblant, elle s'en va, & puis se mit au chemin où elle pensoit trouver ce personnage; & suivant par avis son train, ayant su en s'en enquérant, qu'il étoit allé vers Vieille-ville, elle faisoit mine de cueillir des herbes pour sa vache. Puis l'ayant apperçu, elle fait de l'étonnée; elle s'approche de lui & lui dit? monsieur, que je suis aise de vous avoir trouvé! Que faites-vous ici à vous morfondre? En dà, le bon dieu a bien changé mon mari; & je ne le savois pas. Quand je lui dis hier que je vous avois éconduit, il me cuida venir méchef, tant il me tança. Je loue le bon dieu de son amendement. Je vous prie de ne le prendre point en mauvaise part; mais de nous faire ce bien de venir ce soir loger chez nous. Bien; madame, j'irai, quand j'aurai achevé mon service. Il n'y fit faute; & fut le bien reçu avec joie & grande chere, & traité en apériateur de commodités. Au matin, se retirant, il fit sa petite excuse à l'usage de besace; & son hôtesse lui dit: par ma finte, monsieur mon ami, je n'en voulois rien: pour dieu soit, si dieu plaît, je n'en veux rien. Bien donques, grand merci madame; je prie dieu que la premiere besogne que vous ferez aujourd'hui, se continue tant, que ne fassiez autre oeuvre de tout le jour. Grand merci, monsieur. Elle étoit déja ennuyée qu'il ne se hâtoit, pour aviser à son fait. Aussi-tôt qu'il eut montré les talons, elle dit à sa servante: or çà, Marquise, va là-haut quérir ce linge, j'en aurai aussi-bien que la Gousson. Apporte ces serviettes, ce menu; que je ploie. La chambriere ayant tout apporté, voilà que le Page voulant mettre la main à l'oeuvre, s'avisa d'aller pisser, afin de ne se débaucher point. Ainsi, toute en hâte, elle sort en sa cour, où elle s'accroupit pour pisser. Mais ce fut ici une efficace terrible, d'autant qu'elle commença pisserie, qui continua tout le jour. Jan, elle avoit dit qu'elle auroit force linge; mais elle coula force eau, & fit ce ruisseau qui passe au pied des Loges, & va jusqu'aux Indes. Ses amies la venant voir, & la trouvant ainsi distillant le dissolvant philosophique, lui demandoient: hé quoi, ma commere! Hélas! disoit-elle, hélas!... CASSIODORE. Elle leur répondit, comme mon compere Bonin, qui se leva d'auprès sa dame, & alla pisser par la fenêtre. Il avoit bu, au soir, & il pleuvoit. Il oyoit l'eau de la goutiere qui tomboit, & il tenoit son pauvre petit, étant toujours à la fenêtre. Elle lui dit: hoi, Bonin, aurez-vous tantôt pissé: Je pisserai tant qu'il plaira à dieu. GLOSE. V. QUELQU'UN. L'année passée, le petit Travers eut une autre opinion. Monsieur de Beaumont nous avoit donné à souper, où étoient plusieurs chantres, qui, ayant trinqué & chanté, voulurent s'en aller, afin de pisser. Moi qui m'en apperçus, je leur dis: attendons un peu à nous en aller, & allons pisser. C'est cela, dirent-ils, & chacun se mit à pisser. Travers avoit pissé, & un autre pissoit d'en-haut. Quoi, lui dit Multon, frere, tu pisses encore, & tu as remis ton cas! O, ho, se dit-il, grand merci. Et lui de le reprendre, & le laisser là à l'air fort long-temps; dont il lui avint un grand inconvénient, c'est que depuis il fut enrhumé. Et y prennent garde les pisseurs, pour ce qu'à faute de resserrer son engin, on se morfond en bon escient; ce qui peut aussi avenir aux femmes, quand elles n'étament pas bien leur cas du devant de la chemise, afin de lui clorre les mâchoires, de peur que le vent n'y souffle. OVIDE. Il y a trois ans que j'étois à Vezins; & Prédicat étoit avec vous, & Platon aussi, lequel, au soir, fut laissé avec les demoiselles faire des anagramatismes; & Prédicat s'en alla coucher: son lit avoit été préparé en la couchette, fort près de la cheminée. Quelques heures après, ainsi qu'il dormoit, Platon s'en vint coucher au grand lit, qui étoit de l'autre côté de la cheminée. Je ne sais s'il avoit bu _egregiè_, (c'est-à-dire _en Grec_) il se leva d'auprès de moi, la nuit, pour pisser; & ne trouvant le pot, il alla pour s'évacuer en la cheminée, ainsi qu'on fait aux hotelleries, sur le chemin de Paris. Il se fourvoya, prenant le droit pour le côté; & se mit à pisser roide contre le visage du dormeur, & lui flaquoit des ondes d'urine si fort sur le minois, qu'il l'éveilla, & fit tousser, comme un boeuf qui avale une plume. A ce bruit; il eut si belle peur, que si le douzil n'eût tenu, il l'eût laissé cheoir, tant il eut belles affres, cuidant qu'il y eût quelque démon dans les briques de la cheminée. En cette émotion mutuelle, & qu'il étoit tout troublé de reste de sommeil, & l'autre d'aspersion pissotiere, Platon se retira tout bellement, & s'étant remis au lit & rassuré, se doutant bien ce qu'il y avoit, demanda: quel bruit est-ce cela? C'est moi, dit l'autre. Je ne savois rien de cette affaire, & ne pensant à aucun mal, je lui dis ainsi: je ne sais ce qu'il y a; mais cet homme est fort troublé. Hélas! oui, dit-il, & d'un nouvel accident. C'est que j'avois la tête panchée sous la cheminée; & il m'a plû en la gorge si chaud & si salé, que j'en ai le gosier tout écorché. Le paillard rioit, en se mordant la langue; & le consoloit, faisant de l'endormi. Le lendemain, il en fit le conte aux filles, qui en menerent bien le patient de la pluie salée: mais Platon y perdit, d'autant que, faisant ce discours devant les dames nos soeurs; Prédicat dit que cette eau venoit filant douge comme petits filets de soie: de quoi elles conclurent qu'à mêche si déliée, la chandelle ne devoit guere être grosse. Il avoit une maîtresse, qui pour cela fut fort dégoûtée de lui, tellement qu'elle le prit à partie; elle se moquoit de lui, & _le vit lui pendoit_, lui faisant plusieurs opprobres. Lui pendoit-il comme à Georges de Boeuf de Chinon, qui, pissant, un jour, contre une muraille, tenoit son écritoire, _aliàs_ la gaine de son couteau, pensant tenir son fait ou canon à pisser; il pissoit dans ses chausses? ANACREON. Si Rolette, chambriere de Maldonar, l'eût tenu, elle se fût bien moquée de lui. Elle me reprochoit, un jour, que notre bête étoit bien sotte de ne pouvoir pisser seule: & qu'il la falloit mener par la main; & que la sienne pissoit sans aide & net, d'autant qu'il se fait un joli petit pet, & par ainsi le cul souffle les bourriers tout autour. VIRGILE. Pourquoi est-ce que l'on pette en pissant? AFRODISEE. Hé, pauvres médécins, qui cherchez des causes étrangeres ès minimes, que je vous plains! Sachez cette maxime; c'est que l'on n'en peut avoir sans vent. L'ESCOT. Il étoit bien besoin que vous parlassiez de messieurs les minimes. AFRODISEE. Foi de nourrice, je ne pensois point à eux; & toutefois je m'en avise: aussi bien faut-il, par-ci, par-là, ranger ces gens d'église, desquels si nous ne parlons, il leur semblera avis que nous les craignons, ou que nous les méprisons comme hérétiques. Mais ce n'est rien de ceux-ci au prix des capucins & feuillans. Je voudrois, par fin desir, qu'il n'y eût pas un de ceux qui veulent avec tant de desir devenir gueux honorables, & gentilshommes coquins, qui n'eût le vit d'or & le nez d'argent. Mais, se dit le sire du Quesnoi, parlez de qui vous voudrez; & laissez-là les bons minimes, ayant révérence à l'antiquité. PAUL-JOVE. Quelle antiquité! Cet ordre est tout nouveau; je l'ai vu naître. Il n'est donc pas antique: joint que, pour être antique; il faudroit qu'il y eût mille ans; ancien, deux cents; vieil, plus de cent ans. CASSIODORE. Ils sont fort anciens, voire plus qu'antiques. Je le sais; ils sont du temps de la famine universelle, quand l'Egypte avoit seule de vivres; témoin Joseph, qui, parlant à ses freres, & leur faisant l'inconnu, leur demanda: _ubi est frater vester minimus?_ où est votre frere le minime. MUNSTER. Tout beau, ne mêlons point le saint avec le profane. HIGINUS. Vous le mêlez, comme Boispierre, qui parloit du corps de leur métropolitaine: lequel avoit une cure à deux lieues de là, où il alloit, & laissoit quelquefois sa charge. Quoi, dit cettui-ci, ce compagnon-là ne devroit bouger de l'église: on ne peut servir à deux maîtres, à dieu & au diable. Sainte dame? voilà un grand mot. Et lequel étoit le diable? Je n'en parle plus; demeurons en notre antiquité. TITE-LIVE. Je me ris de vous ouir parler de l'antiquaille; & m'est avis, voyant ainsi jaser de l'_anticle_, de l'_ancien_, du _vieil_, que j'oi le maître horlogeur de Geneve, qui me discouroit de l'épée, me disant que c'étoit un calibre yeuxcellent, où il y avoit plusieurs sarches & points à noter; qu'il y avoit l'épaule antique, & l'épaule authentique, par le travers desquels passoit le duc de Saxe: au milieu étoit les quatre os ou écarteleures, qui en bande étoit tranché par le soudiacre, aux bords duquel étoient les deux hypocrites, coupés par deux saichés qui venoient des épaules, lesquels sont les deux couleuvres de laisse-faire: au haut & bas sous les deux épaulieres; à l'entour est la raison, qui est coupée du médionneur. Mais je laisse là ce pifre, parce que, quand il vint chez nous, il chia au lit, & devint ortlogeux. Il étoit aussi bon interlogue, que l'apothicaire de monsieur de Tours, qui lui conseilloit de ne sortir point, un jour de saint André, parce que le temps étoit aromatique. Par le plus S. faux serment que je dois à la race féminine, qui me nomme le bon homme _Trompecon_, j'oubliois mon conte, pensant à la folie que vous faites sur la comparaison du temps passé. Je ne cuide pas que ce qu'il y a mille ans qui est passé & anéanti, soit plus vieil que ce qui se passe tous les jours, & qui va dans le sac de vielliesse, dans l'écrin de l'oubli; & ce qu'on propose de plus ou moins vieil, est d'aussi bonne grace que la question de Martin Chabert, qui aimoit trois filles, auxquelles il dit, pour arrêt, un jour, mes filles mignonnes, je ne puis vous épouser toutes trois, bien que je vous aime de toute ma loyale frussure, & plus chacune l'une que l'autre. Je ne sais comment faire, sinon qu'il faut que j'aie à choisir: & pour nous ôter de cette peine, je vous dirai, si vous voulez, un moyen; c'est que j'épouserai celle qui me dira la plus naïve vérité de ce que je lui demanderai. Elles s'y accorderent. Or, çà, dit-il, lequel est le plus vieil de vô chouse ou de vô bouche?) J'ai quasi bronché des mâchoires. Mais pourquoi dit-on _confitures_? Que ne dit-on _ficontures_, ou _fiturescon_? Et tant d'autres mots qui commencent ainsi, comme _congrégation_, _conscience_? ELPHIS. C'est bien entendu pour un philosophe? ne savez vous pas bien qu'il est devant & jamais derriere? Et pourtant il faut le colloquer en la tête. Le charpentier, qui demande au curé: pourquoi dites-vous, _dominus vobiscum_? Que ne dites-vous, _dominus vobiscu_? Le curé lui dit: pourquoi dites-vous un _compas_? Que ne dites-vous un _cupas_? HIGINUS. Sainte Marrande, vous avez raison; mais faites parler ces filles). TITE-LIVE. L'aînée répondit: c'est mon cela qui est le plus vieil, d'autant qu'il a de la barbe; & ma bouche n'en a point. La seconde: c'est ma bouche qui est la plus vieille, parce qu'elle a des dents; & mon petit n'en a point. La petite dit: je dis comme ma soeur. Dites donc, mignonne, une belle raison comme nous. Elle pétilloit & frétilloit comme une marmote déchaînée. C'est, dit-elle, ma bouche qui est la plus vieille, pour autant qu'elle est sévrée; & mon con tette tous les jours. A, ha! hé, or devinez, vous autres, & jugez laquelle a le mieux dit, afin que Martin soit le marié comme les autres. Jan par la certebieu, dit Coypeau; aussi étoit-il tout réformé. Alors j'aimerois autant ma chambriere, qui, nous oyant ainsi discourir, me reprocha que, si ce n'étoit leur cas, je ne saurions que dire; & là-dessus me dit: vous qui en savez très-tant, si vous aviez trouvé un con tout seul, que lui diriez-vous? SERMON VI. VI. Néanmoins, messieurs, beuvez pour la pareille. Aussi bien peut-on mentir en liberté de conscience, deux fois l'an: l'une en été, disant: je n'ai pas soif: l'autre en hiver, disant: je n'ai pas froid. Mais pourquoi est-ce que, quand on demande à boire, fusse à un laquais, on y va courtoisement, de même qu'à requérir une garce de dormir avec elle théologalement? Nous en sommes bien! Voilà de belles demandes, dit Sapho! C'est parce que cela coule comme foutre de prêcheur. Achevez; aussi bien cette fille a voué son pucelage à autre chair qu'à vie consacrée; & nous dites la résolution de la caupeaude. Ha, vous en souvenez vous? Hé, bel engin de dame! ainsi vous puisse-t-il croître de jour en jour. Nous demeurâmes tous cois, & plus étonnés qu'un évêque sans mitre. Elle nous ferma la bouche, & nous dit, il lui faudroit dire: con sans cul, que fais-tu là? Epaminondas, qui venoit de racoûtrer ses chausses, rentra à table à ces mots; & les ayant ouis, il dit: que répondroit-il? Voire, voire, c'est bien parlé à moi; mais pourquoi est-ce qu'un tel cas, puisqu'on le nomme ainsi, ne parle point, vu qu'il a une langue! ALBERT. C'est parce que le cul est auprès, qui lui dit paix. EVIMQUARBRE. Quel sermon est-ceci? Vous ne parlez que du cul. NOSTRADAMUS. Ce seroit belle chose de parler du cul; ce seroit un langage excellent; il seroit plein de toutes sentences: & si cela étoit, on parleroit comme on s'assiet; & si on écrivoit de même, vraiment on verroit de belles orthographes de femmes, qui souvent écriroient du cul. Cela me fait souvenir de ceux qui parlent du nez, s'ils écrivoient comme ils parlent, ils écriroient du nez. Or, mon bel ami, sans cul on ne fait rien. Savez-vous pas que c'est la base & le vrai milieu du corps, le mignon de l'ame; d'autant que, s'il ne se porte bien, & que ses affaires soient incommodées, elle s'en déplaît & s'enfuit par-là. Je parle pour les doctes. Or donc, doctes, venez ici succer la moëlle de doctrine; venez apprendre de beaux secrets, sans vous amuser à brider chevaux au rebours, _id est_, leur mettant le mords au cul, tout ce qui se fait au monde est pour exercer monsieur du cul, pour lequel boucher sans y toucher, (grand miracle) il ne faut rien permettre entrer en la bouche. Mais devant que j'acheve, je vous demande à vous, François & Anglois, à qui le baiser est commun, lequel vous aimeriez mieux baiser une fille au dernier noeud de l'échine ou à l'entonnoir du cul? HYPOCRATE. A, ha, e, hé, l'entonnoir du cul est la bouche. Et de fait, tout ce que l'on apprête de plus friand, n'est enfin que pour faire de la merde entre les dents, & partant pour mettre en oeuvre maître cul, _id est, frater culus_, frere cul, qui est le gouvernail de tout le corps, & le mignon de l'ame. Je le vous prouve. Si le cul ne se porte bien & ne fait bonne chere, que ces affaires ne soient en bon état, l'ame en est incommodée, & le plus souvent sort par le dédain qu'elle en a, & nommément quand les matieres sont par trop claires, & que l'ame s'y laisse couler faute de glu. Le cul n'est-il pas le prince des membres, puisque tous lui font service, & que ses dédains, ou ennuis, ou coleres les affligent tous? Puis, c'est lui, à qui tous font honneur, le faisant seoir le plus dignement & le premier: & de fait, il chemine en prélat, après tous les autres membres, allant en procession. FORBIN. Je ne m'étonne pas si vous en parlez tant, ayant été disciple d'Esculape, qui voyoit le jour par le cul de sa femme. DIOGENES LAERTIUS. Il y en a beaucoup qui voient le jour par le cul, comme vous diriez les chaudronniers, & ceux & celles qui travaillent de l'éguille, & les bons buveurs, qui voient le cul & le montrent aux autres. Mais comment voyoit-il le jour par le cul de sa femme? FROBEN. Sur ses vieux jours, ce bon preud'homme épousa une femme Allemande. En allemand, une femme est appellée _frau_, c'est-à-dire, tromperie. Voilà pourquoi les dames Allemandes aiment mieux les François, que ces gros pifres d'Allemands, qui ne font que souffler & les injurier. Le pauvre grand bon hommet, quelquefois ayant veillé après ses études, & s'étant couché tard, s'endormoit: puis sur le matin, ainsi que toutes les femmes, après avoir été approvisionnées, (je vous le conte comme il me le racontoit) je voulois, disoit-il, à cause de ce bon vin grec, étant tapis dans le lit, fomenter ma complexion. Alors ma femme qui m'aime tant, qu'elle tire de son ventre pour me le donner, étant confite en humeurs, ouvrant les yeux, elle ouvre le cul & laisse aller une vesse ou une vesne épouventable, & qui, couvée entre les replis de gras double, a une odeur de tous les mille diables. Adonc sentant cette alenée postérieure, (femmes ont beaucoup de conduits, évaporant des parfums de plus haute odeur que civette) moi qui crains ces venues culieres, à cause de l'air mélancolique & coëde, qui, rendant le cerveau rélant, cause l'épilepsie par un effet de corrosion punaise, à quoi sont sujets les hommes du siecle qui sont mariés, (aussi pour cette cause, moines & prêtres sont plus longuement sains, d'autant qu'ils s'abstiennent de la fréquentation des femelles, joint que, s'ils les hantoient, l'odeur leur feroit bander la cervelle.) Je dis; je (sans plus faire de parenthèse) odorant ce spécifique exodin & abominable, je jette le nez hors du lit, ouvrant les yeux, de peur d'y avoir enfermé cette espece de vapeurs & corps momentaires, ne tombant que sous un sens; je vois le jour tout clair, parquoi me résous à me relever: & voilà un des bons usages de ce benoît cul. STAT. C'étoit une vesniere que cette femme; & à cela je me souviens, lui changeant de nom, de ces messieurs d'Angers, qui changerent leurs noms, sur quoi un oyant qu'ils avoient mis _du_, _de_, ou _le_, &c. à leurs noms, dit: j'ai nom Vanier; & me nommerai le Vesnier. PUC. Mais vous ne dites pas de celui, qui voulut servir de secrétaire à notre Prélat; & il avoit nom _Meusnier_. Monsieur voulut qu'il eût nom _Mesnier_; parce que, dit-il, mon ami, quand vous viendriez après moi, on diroit: _meusnier touche ton âne._ RABELAIS. Mais vraiment, pour mieux dire, cette femme étoit ou devoit être une belle grande vesse, d'autant que chaque espece engendre sa semblable. STATIUS. Je ne sais pas qu'en dire; mais elle étoit fort haute à la main, & possible aussi au nez. Ce fut elle qui me mit une fois en colere. Vraiment, la porte en est bien étroite: joint que chacun sait que je n'y entrai jamais, qu'alors qu'elle m'appella _beau vaisseau_, & je l'appellai, _belle vesse_, elle. Lui faisois-je tort? LICOFRON. Il faut avoir bien dur coeur, & encore en soupant, pour supporter telles paroles, & tant ordes. METRODORUS. O le délicat! tu es né entre la merde & le pissat; & tu en veux conter! Mais à quoi est-ce qu'on connoît le bon coeur d'un homme? C'est quand il mange la merde, d'autant qu'il faut avoir bon coeur pour la manger. Après que vous avez bien senti les fleurs, vous entamez le fruit. LEON HEBREU. Quel fruit d'abomination! Cela me contamine. Je ne serai net de trois fois sept jours. Je suis bien venu à l'heure de corruption; & pource, je suis d'avis que l'arbre, la fleur & le fruit ayons en abomination. O dà, je m'équivoque. Et qu'est-ce que je deviendrois? Je suis fils du ventre d'une femme. Fruit du ventre, c'est merde. Je suis donc merde. Ah! pargoi, bran & merde fine soit pour ce beau jaseur, qui nous a appris à syllogiser; le Lucifer des ténebres le puisse sigilliser & syllogiser en enfer! PITAGORAS. Tu es tant savant en tes spéculations, que tu es fou. DIETTE. VII. Je suis d'avis, mon ami du coude, du montoir, ou de quelqu'autre façon & race, que tu laisses arbre & fruit non vivant, _id est_, mort; & que tu l'aies en horreur ainsi que moi, & les Ecclésiastiques Romains, qui rejettent l'outil des femmes comme feves, dont il porte la figure, ayant la raie noire, & le bas contre mont. Notez bien feves, pour le symbole éminent qu'elles ont; c'est que, quand quelqu'un y a été attrapé, qu'une goule sans dents lui a donné une morsure; il est dit le roi de la feve: sur quoi je m'avise d'un beau ménage. Le Maugrin vit un jour sa chambriere, qui jettoit, en balayant, trois feves; elle lui dit: vraiment, baboine, ce sera-là ton mariage. Elle les prit, & les sema; & en eut d'an en an, assez pour la marier. Et de-là j'infere que, si le roi défendoit de mettre des feves aux gâteaux des rois, & qu'il prît ces feves-là, & les semât; il en tireroit un grand soulagement pour le peuple. Or, sans nous amuser à ces gueux de rois, si tu veux être libre, n'aie jamais de femme; parce que, si tu es marié, tu seras obligé; tu paieras la taille & la taxe aussi, & il faut que tu le fasses par contrat: ainsi sont tenus les gens mariés; ce à quoi les libres ecclésiastiques ne sont obligés, n'ayant affaire au particulier ni à la _raye publique_; que pour leur plaisir & récréation; & ce les après-dînées, & au temps d'ébat, non pour tenir femmes avolées toutes nuits, parce qu'à leur réveil ils sont obligés de dire leurs heures à jeun; & ils auroient bu de l'ordinaire, comme les Ministres; & on les accuseroit d'être hérétiques: tellement qu'ils auroient bu la façon de leur journée, ayant bu de l'ordinaire. LUCRECE. Je mourus par ce poison; toutefois c'est tout un. Tandis que nous sommes encore aux fauxbourgs, avisons un peu à ces trois filles; parce que celle-là, qui a dit que son cul avoit de la barbe, me fait souvenir de monsieur Libreau, Avocat à Paris. Cette mignonne étoit allée aux étuves, avec des dames de ses amies; & ce, par le congé de son mari qui étoit fort chiche. Sur quoi, les autres, qui avoient su qu'il ne lui avoit donné qu'un quart d'écu, s'aviserent de lui faire une méchanceterie: ce qu'elles exécuterent. Et avint que, comme elle fut retournée & couchée avec son mari, ainsi qu'il l'amignotoit & prenoit son jouet, il n'y trouvoit du poil que d'un côté. Voilà, dit-elle, mon ami, on ne m'a fait de la besongne que pour mon argent. Aussi je vous avois demandé demi écu. Que ne me le bailliez-vous? Cela a été cause que je n'ai eu le poil fait qu'à moitié; on n'a fait mon affaire qu'à demi. Cette remontrance fut occasion, qu'elle eut le lendemain un demi écu, pour se rajeunir par le bas. ARETIN. Les avocats & les mariniers ne sont pas de même opinion. Un marinier de Quilleboeuf fit tout autrement, ayant été long-temps absent. A sa venue, sa femme, pour le récréer & rajeunir, avoit fait ras & net le poil de son chose; & ce maître rustaut, se voulant jetter sur elle, comme dans le fond de son bateau, & passant la main à la breche, & n'y trouvant point de poil, il méconnut l'étable ordinaire de son courtaut; & s'écria, en disant: _ha! méchante vilaine, che n'est chi mie mon coin. Si est,_ dit-elle. _Ne n'est: tu l'as laissé chez ces quenoines; va le quérir; va, je veux poil & tout._ Il fallut qu'elle fût absente, tant qu'elle l'eût trouvé, d'autant disoit-il encore toujours: ce n'est point le mien; je le veux avoir avec le poil. SENEQUE. Il m'est avis que cela n'est pas beau de parler ainsi des femmes. Il semble que vous en dites, comme si elles n'étoient pas femmes de bien. PERSE. Vous avez raison, mon pere, mon ami; vous êtes digne d'être empereur, d'autant que la reine d'Egypte vous aime (parlez bas, de peur de ce que je ne sais, tant j'ai de peur de faillir). C'est de par le gibet, aussi je me souviens que l'année que j'étois Recteur en l'Université de Paris, sous le nom de Marius, ce grand Consul Romain, je vis prendre une maquerelle du bourg de Four. La raison étoit qu'elle se battoit avec une autre, qui lui dit; ha! chienne, tu veux ici faire de la reine d'Egypte. Tu as menti, dit-elle; je suis femme de bien. Quant aux fillettes qui sont du tiers ordre, je les plains en ma conscience. Hé que j'ai bu! Je pense que je sors de propos, & vais de la truye au levain. ARCHIMEDES. Qui sont celles que vous appellez _fillettes_? L'AUTRE. Chacun en dira sa ratelée, m'ayant oui. ANNOTATION. VIII. Fillettes nous disons, celles qui sont capables de rendre compte par déduction; ainsi sont-elles propres au déduit. Il y en a généralement de trois sortes, & ceci pour simple intelligence de ce qu'on dira tantôt. Notre bon ami que voici, (je ne dis pas _vessi_; mais chassez ces chiens; ces femmes ont vessi). Or donc il y a trois ordres de ces commeres. Il y a celles, qui tiennent rang entre les femmes de bien; il y a des filles d'église, lesquelles demeurent aux cloîtres, _actu, aut potentiâ, vel potestate_; & les autres, qui sont comme à Geneve, à Camp de Fior, près de Lorrache, celles-là sont du tiers ordre. Hélas! l'autre jour, je fus tout embaumé de commisération, pour une pauvre petite qui pleuroit chaudement. Les larmes lui tomboient des yeux, de la grosseur de cirons d'Inde; & crioit que ces brigans de sergens, & autres de telle étoffe, leur pilloient en un jour tout ce qu'elles avoient pu gagner en un mois, à la sueur de leur corps. Puis, après cela, elle rioit avec les autres, se réconfortant, & par dépit disoit: mais dis-moi, hé! maquerelle ma mie, s'il y avoit en un sac un sergent, un meunier & un coûturier; qui sortiroit le premier? Voire, voire, dit-elle, à tout ce qu'elles répondoient, ce seroit un larron. La femme de mon compere Bignon les regardoit, toute ravie de voir ces garces ainsi affligées, & incontinent consolées; & en cette entente, elle étoit je ne sais comment assise, & si bien qu'en dà presque paroissoit le but mignon de ficherie? Son mari, qui l'apperçut, lui dit: ho! ma mie, venez ici, & fermez la boutique, il est aujourd'hui fête. Je vous dis vraiment qu'en se remuant de cet état, où elle étoit si proportionnément assise, je vis ce qui se peut voir de son gardon à la dérobée. QUINTILIEN. Quelle cornucopie est ceci? Quel nom amenez-vous? SENEQUE. Encore avez-vous bien dit, d'autant que la copie & les originaux des cornes se font illecque. L'AUTRE. Je vous dirai. Le bon homme Genebrard avoit épousé une jeune, belle, mignonne femme, avec laquelle étant couché, l'ayant baisée, il mit la main à son comment a nom, & le tapant, dit: gardon, ma mie, gardon. Ce qu'il continua souvent, sans autre effet. Le vendredi d'après, la chambriere (c'étoit à Paris, où les servantes, qui vont à l'emplette, gagnent le moins de gages) eut commission d'aller à la poissonnerie, & demanda à sa maîtresse ce qu'elle apporteroit. Ce que tu voudras, dit la dame. Apporterai-je des gardons? Va à tous les diables! Je n'orai jamais parler ici que de gardon. GANPIL. Vous faites bien de les nommer gardons, à cause des gardes que nature y a mises, lesquelles si elles n'y étoient, vu cette grande solution de continuité, les femmes seroient toujours enrouées. Et c'est merveille comment, cela étant si déjoint, il est toute-fois si conjoint. SAPHO. C'est une décoûture au bas du corps; ce qui avint, quand Jupiter eut coupé l'androgine. Il commanda à Mercure de recoudre le ventre à l'un & à l'autre; cela est cause que le ventre est si délicat. Il cousit l'homme avec un lacet trop long; tellement qu'à la fin de la coûture il en resta un bout. Et cousant la femme, il prit le lacet trop court, si qu'il y eut faute, & il y demeura une fente, faute de points. Et en avez-vous? Mettez cela en la boëte au saffran. Mais encore, messieurs les savans, savez-vous bien les sept merveilles du monde? Vous ne dites mot. Je vous ferai savoir de belles choses, si je veux. Or préparez-vous à ouir. Ne vous recordez-vous point que les souris courent en la paille, sans se pocher les yeux? Je vous dirai des secrets plus notables, & qui contiennent toutes sciences. Les sept miracles, ou merveilles, sont 1º. Une poule noire, qui fait un oeuf blanc. 2º. Le vin clairet, qui est beu comme le vin blanc, & pissé blanc non rouge. 3º. Le bout d'un homme, qui n'a point d'oreilles, & oit quand on parle d'accrocher. 4º. Le cas d'une femme, qui est un vaisseau qui a la gueule contre bas & est étanché. 5º. Le paillard outil d'un amant, qui se bande sans guindal, de lui-même. 6º. Le bouton d'amour d'une femme, qui tire la moëlle des os, sans le casser. 7º. Et le cul, qui se ferme & ouvre, comme une bourse, sans tirans. A, a, a, ha, hé. Toute la compagnie se mit à rire; & nous nous trouvâmes joyeux & alegres, comme une belle troupe de jeunes ou nouveaux cardinaux. BATILE. Vraiment, Sapho, vous avez tort; vous êtes bien salaude: jamais vous ne direz rien de net. Non, dit-elle, non plus que la Soldée ne peut jamais faire de beurre net. QUINTILIEN. Je vous prie de nous expliquer votre dire. SAPHO. Par mes amours, je le veux: mais me direz-vous la vérité de ce que je vous demanderai? QUINTILIEN. Oui. SAPHO. Si mon cul vous baisoit; le baiseriez-vous? QUINTILIEN. Passe outre. SAPHO. Quelle difference y a-t-il entre votre nez & le cul du chien? Le cul du chien a le poil dehors, & votre nez dedans; ainsi différent vérité & raison. Si votre nez étoit en mon cul de derriere, il seroit vérité; mais ce ne seroit pas raison qu'il y demeurât. Or voilà comment je leurre ces savans; que le dianche les puisse saupoudrer. Ils ont tout leur engin en la cervelle. J'aimerois autant qu'un savant, qu'un pédant, qu'un de ces doctes de lettres me fichât une cheville en l'oeil, que me copuler amoureusement, tant leur consuétude est fade. Il n'est que bons compagnons, qui savent la mignotise pour s'en ébattre; & non point se faire payer pour cela, comme ces entendus, qui, à vrai dire, sont veaux de double pelisse. Mais avant; & puis. Là, vous me voulez remettre; j'y suis, bien que ce ne soit pas là, ains autre part, qu'il me démange. La Soldée étoit une honnête beurriere de Bourgueil en chrétienté: (c'est auprès de Touraine, & non en Touraine. Si cela fût avenu en ce pays là, on n'en eût fait que rire, parce que les fous y croissent comme en votre pays, monsieur le Lisart). Un jour devisant, son mari lui reprochoit sa saleté. Vraiment, ma commere, tu ne saurois faire de beurre net, tant tu es mal propre. Agà, si ferai; j'en ferai, & le ferai si net, que t'en ferai manger; & le salerai pour ton carême, que je te ferai mieux faire, que ne font les moines, qui mettent du sain doux en leurs choux en carême, pour épargner le beurre par humilité, à cause des hérétiques de Saumur. Or bien notre Soldée (qui étoit aussi propre que la femme de Périclès, qui se torchoit le cul au bout de la nappe, & presque aussi sotte que celle de Tite-Live, qui, voyant des béliers, demandoit ce que c'étoit qui leur pendoit encre les cuisses: c'est leur couille, dit gros Jean. Comme elle vit venir les brebis, & voyant leur pis enflé, elle disoit: elles ont belles couilles, nos brebis. L'AUTRE. Ainsi Pindare, hier, dînant avec nous chez Mécénas, louoit fort une bonne tétine de boeuf routie, & mise à la sauce douce. Mais n'oubliez pas le beurre: c'est la douceur d'entre les jambes. MADAME. Vous êtes si sage, que vous êtes fou. L'AUTRE. Ho, ho, gardez-vous de prononcer, ainsi que fit Charlotte à Blois; durant les états, que nous étions avec ce moine de Bourmoyen, qui rioit tant avec trois nonnains. Le voyant ainsi rigolant, je dis tout haut, ce moine est fort crêté & frétillard après ces nonnains. Voire, dit Charlotte, il est fou trois fois la semaine. DENIS. Sec, frere Jean, il le feroit neuf fois, à chacune trois fois, sans les autres; outre cela il aime bien besogne d'église faite. MICLEOT. Il n'en est pas toujours si ardent; il est feru, comme un chien d'un bâton. Si on lui dit: allez à l'église. Qui y est? Ils y sont tous. Ils sont donc assez. Une autre fois: qui y est? Il n'y a personne. Je n'y ferois rien tout seul. HÉSIODE. Vous vous êtez trompé du lieu: cettui-là étoit de Mermoutier, c'est-à-dire de _la mer des moûtiers_. DENIS. Non étoit. HÉSIODE. Si étoit. DENIS. Vous avez menti bien humblement. HÉSIODE. C'est vous, si je puis. DENIS. Mais bien vous, sans vous faire tort. HÉSIODE. Mais vous, sans péché, comme disoit mon compere Guillaume. Et bien, mon ami tant gai, où est le temps que nous besongnions ces belles garces, çà & là, sans offenser dieu? MADAME. Paix, paix. HÉSIODE. Bien je reviens, je le sais, je ne dis rien sans en être bien informé, & tout de même que l'étoit _Hérode qui radote_: & par ma digne conscience qui est aussi nette de mensonge, que d'ulcere le corps d'un vérolé. BÉNÉDICTION. IX. MADAME. N'oubliez pas le beurre, encore une fois. SAPHO. On dit que les femmes sont grandes parloires; mais vous l'avez gagné à ce coup sur moi; & est venu à propos, parce que cela est cause qu'encore aux carmes, à Paris, on crie: (_n'oubliez pas le beurre._) Or donc Soldée, ayant reproché à sa femme qu'elle ne feroit jamais de beurre net, parce qu'elle n'étoit pas si propre que mademoiselle de Lausnai, (qui, pour aller au privé, prenoit son masque, sa devantiere & tout son harnois à chevaucher, pour mieux serrer les poings, c'est-à-dire, chier; d'autant qu'une femme, faisant du gros, serre les poings; faisant du menu, elle les dilate. Mais, belles dames, ne soyez dégoûtées de beurre, à cause de ce que je dirai; ainsi que le fut la fille du président de notre ville, qui fut plus d'un an sans en manger, parce qu'elle avoit oui beautems raconter; comme ayant couru plusieurs postes, & étant à Moulins, il prit un parchemin, (C'étoit le contrat de mariage de la dame de la poste) & le couvrit de beurre qu'il se posa au cul, qu'il avoit tout effleuré sans croupiere. Ce beurre ne fut jamais mangé: celui de Soldée fut fait avec beaucoup de propreté. Elle avoit pris une chemise blanche, une gorgerette, un garderobe; bref elle étoit en beau point, & si propre qu'un jeune coureur de fortune l'eût volontiers encochée. Ainsi ajoppée & bien lavée, elle se mit environ son beurre. Son mari tout émerveillé, considéroit cette grande aventure: & déja espéroit que sa femme le feroit mentir, tant son cas étoit propre. Le beurre étant prêt, mis en livres, demi-livres, quarterons, & n'y restant plus que la petite façon dessus; (c'est que les biens-disans disent _le verbe_, _le garbe_, ou comme vous voudrez.) Cette joliveté s'y faisoit avec un petit bois taillé, qui étoit enveloppé dans un linge net, & mis sur le badaut. Badaut est un engin qui tient au plancher; & ainsi plusieurs badauts y a qui ainsi pendent vis-à-vis. La Soldée, voulant prendre ce petit bois sur ce badaut, monta sur une selle à trois pieds. Qu'au diantre soit celui qui fit la maison, où fut marié le pere de l'évêque, lequel sacra le prêtre, qui maria la mere de celui qui forgea la cognée dont fut coupé le bois où fut émanché le pic, dont on releva la terre, pour planter l'arbre, duquel fut faite la premiere selle à trois pieds. Comme cette pauvre femme, si propre, s'élança de dessus sa sellette; voilà cette abominable selle qui va broncher, & ma pauvrette: ayant une jambe en l'air, & autre assez près, qui coula avec la selle, va faisant une petite ruine, sans se dépécer, & tomba si à point, pour n'être pas offensée, que son cul donna en plate forme, & si proportionnément dans sa gidelle sur son beurre, qu'elle le remit en chaos, défaisant toutes ces figures distinctes; & le repaîtrit malheureusement par la pesanteur de son fessier, qui, de la roideur du coup, étampa l'impression de ses fesses si abondamment, que le beurre en fit la vénérable remembrance en creux. RABELAIS. Vous avez vu des culs relevés; si vous en voulez voir de creux, faites faire tel essai; il n'y a rien de si propre à mouler fesses fermes, que beurre frais. Je l'ai appris des Ecossois Insubériens, qui se délectent à la vue des fesses, parce que là est la parfaite beauté qui ne se hâle point. Ho! dit maître Jérôme, vous m'avez blessé; & là, le nez; je n'y joue plus. Achevez. SAPHO. La soldée bien étonnée, se résolut en sa disgrace; & pour réparer son désastre, se mit à arracher de son cul à belles mains, le beurre qui y étoit attaché. HYPOCRATE. Mais les chymiques disent qu'ils cherchent les esprits: & de là il sembleroit que vous voulussiez conclure que les femmes ayant plus de cul, eussent plus d'esprit que les hommes. CELSUS. Cela est vrai, & y paroît. Qu'ainsi ne soit; une fille de sept ans pissera plus gros que ne fera un garçon de dix-neuf, comme étant plus coupable, & partant ayant davantage de jugement. ORONCE. Vous ne mettez en avant que des redites. Que pensez-vous? Croyez que plusieurs savent ce qui se fait ici. Qu'y ferez-vous, puisqu'aussi-bien tout ce qui est dit ailleurs est pris d'ici, qui est la source de toutes sciences? J'ai étudié plus de cinquante ans en ce livre, tant je l'ai trouvé de savoir inépuisable. L'AUTRE. Boute, mon ami, boute; écris tout ce que nous disons; tu transcris & nous récitons par coeur; & puis un bon oeuvre n'est jamais prescrit. PRICIAN. Ceux qui disent: j'ai vu ceci ou cela autre part, sont des chétifs averlans. Quand on mange d'un chapon, est-ce le chapon qu'il y a plus de cent ans qui fut mangé & chié? QUELQU'UN. O que vous dites bien, sage vieillard, que vous avez un bel âge. L'AUTRE. Ne vous déplaise; je vous dis que vingt-cinq ans est un plus bel âge; & n'en déplaise à Caton, qui disoit tantôt qu'il étoit si bon compagnon, qu'à l'âge de soixante ans il le faisoit encore deux fois. CATON. O! lourdaut mignon, mon ami; c'est une fois en été, & l'autre en hiver. J'aimerois autant le vieil médecin qui me nommoit son fils, quand il me voyoit, & je l'appellois _pater_, parce qu'ils sont relatifs: il disoit qu'en son vieil âge il le faisoit mieux que jamais, d'autant qu'il y étoit plus long-tems, & y prenoit beaucoup plus de peine; & qu'aussi son instrument étoit plus fort que sa jeunesse, parce que jadis il se bandoit seul; & maintenant, encore qu'ils fussent deux, si n'en pouvoient-ils venir presque à bout. CETTUI-CI. Tandis que nous tenons ce médecin, je veux dire comme il me gaussa l'année que je me fis chanoine; sur quoi vous pourrez apprendre pour votre usage, un des plus exquis secrets de ce monde, nature étant restituée; ce fut en la présence d'un médecin & d'un financier. Il me dit donc: il y avoit un badin (_notate verba, & colligite signa_; ainsi disons-nous, nous autres Latins) qui ayant fait une grande remontrance à son fils, sur ce qu'il devoit devenir, lui proposa l'infidélité des marchands, la déloyauté des gens de justice, les impostures des médecins, toutes les voleries des financiers, la tromperie des artisans, la perfidie des précepteurs, touchant au vif ceux qui, de toutes ces sortes, ne sont pas gens de bien. Puis après, il lui demanda quelle condition il vouloit suivre? Le fils ayant justement pensé, lui dit: mon pere, je ne veux aucun de ces états que vous avez dit; je desirerois être de la vacation de ceux qui portent des peaux de veau sur le bras gauche. A cela je réponds: grand merci, monsieur; hachez menu, la chair est dure; touchez-le doucement, je hais la peau délicate, ne le sanglez pas si fort, qu'il ne pette. A cela il me tend la main (or avoit-il femme jeune & belle encore;) j'avance main; & prenant la sienne, je lui dis bien humblement: voici la main de celui qui, dieu merci, a besongné mademoiselle votre femme, ou n'a tenu qu'à lui. Je parlois de la sienne; & il ne l'entendoit pas. Et dà, pourquoi est-ce que nous portons l'aumuce? c'est-à-dire, cette peau sur le bras. (Cette peau de veau, à propos de vous, qui disiez tantôt... Or là, dites. Le bon homme étoit tout pensif de ce que je lui avois dit, aussi-bien que mon procureur, qui a belle jeune femme, auquel parlant des femmes, je lui dis: par mon serment, cousin, j'ai besongné votre femme aussi-bien que vous. Il est vrai, peuple ententif, parce que je ne le besongne jamais, ni elle aussi: je les avois donc besongné l'un comme l'autre.) Alors je dis à mon médecin: il faut que je vous le déclare, pour vous ôter de songerie; c'est signe que nous ne mourrons pas en la peau de veau comme vous autres. PROPERCE. Que ne savois-je ces belles réponses, & ces doctrines! Je suis fort déplaisant, & meurs de regret, que je n'attendis à écrire, pour être le secrétaire de ce simpose, qui m'eût plus apporté de réputation, que n'en auront tous les écrivains, toutes les écritures & tous les écrits ensemble. Or c'est tout un; j'ai la copie des discours, tant verbaux que couchés par écrit, comme disoit notre avocat: je me tiens à mes demandes faites par requêtes verbales, desquelles la copie est en mon sac. Et voilà comment je me tiens aussi à ces futures sentences qui sont ja écrites. En outre, je prévois pour tout que ce banquet sera le grand, unique & universel sur tous autres, & monarque des simposes oecuméniques. ZOROASTES. Je suis tout ému d'esprit prophétique, & connois devant & derriere qu'ici se résoudront toutes les questions du monde; ainsi qu'il est ordinaire, que sans le boire & le manger, on prend, on a pris & prendra occasion d'enseigner cela qui est tout parfait; & comme la vérité & la vanité, l'excellence & la sottise s'affrontent, l'un & l'autre se pratiqueront en ce lieu; & on verra souvent la gloire proposer à son client l'honneur du premier lieu à la mangeoire, comme aux privés publics, on s'entre-fait place honorable pour fianter glorieusement; & même à Genève l'assiette, pour poser le fondement, est aussi nette que le tranchoir sur lequel vous mangez. TEXTE. X. Comme j'étions ententifs: & qui sommes nous? Je sommes ce que je sommes; je jouons. Et que jouons je? Je jouons ce que j'ons. Et qu'ons-je? J'ons ce que j'ons. Ons-je en jeu. Si je n'y ons, j'y fons. Foin, ces Parisiens-ci me troublent. Paix, ou que la merde vous puisse baiser. GUALTER. A propos, si vous étiez en prison environné d'étrons, qu'aimeriez-vous mieux, ou en sortir par amitié, ou par force? Par amitié; il faudroit donc les baiser les uns après les autres. Par force; il faudroit donc leur donner à chacun un coup de dent. Et vous, taisez-vous, que j'acheve; & que nous prenions garde à tant de parfaites doctrines. Quelques-uns de la compagnie, pour faire une pause récréative, se donnerent le petit mot du guet. C'étoit la fleur des plus sages, qui firent un complot de gaieté, pour faire rire la compagnie; & allerent en une autre chambre, inventer une comédie à l'Italienne. Je vous dirai qui furent ceux-là, à la charge que, si vous le dites, & qu'il m'en soit fait quelque reproche, le diable vous emporte. C'étoient Socrates, Plutarque, Rabelais, Gaguin, Luther, Ronsart, Pindare, Marot, & quelques autres de même farine & pareils brans, & assez sages & fous pour contenter le monde. LUCIEN. Quelle différence mettez-vous entre farine & bran, vu que la plupart de ceux-ci sont, comme dit l'autre, tournés en farine de diable? L'AUTRE. Vous ne changerez jamais, encore que notre bon ami Pithagoras vous ait fait passer par son alambic; si est-ce que vous êtes toujours de même; & je crois que c'est vous qui en êtes la vraie farine de diable, d'autant que Dieu vous fit bon comme farine, & vous êtes méchant comme bran. Et afin que vous le sachiez, je vous dirai d'où vient ce dictaire; je me dépêcherai, afin que le bon homme ait son sac. Il y avoit un pauvre petit paysan, qui avoit quantité d'enfans, & n'avoit point de pain pour leur donner, pour lors que la famine pressoit. Une nuit s'étant endormi de tristesse, il songea qu'il trouva le diable qui le consola, & lui dit que, s'il vouloit, il lui donneroit de quoi bailler à dîner à son menu peuple, & là-dessus le mena en une forêt obscure où il lui montra de grands sacs pleins de farine. Le paysan ébahi & aise, dit: mais comment trouverai je ce lieu, si j'en pars? Le diable lui dit: eh! chie auprès, pour le remarquer. Le triste pauvre homme s'efforça, & fianta dans le lit, plus que six ladres constipés ne feroient par un clystere enforcé de quadruple dose de fine bénédicte. A son réveil, il trouva le bran, en quoi s'étoit réduite toute cette diabolique farine. LUCIEN. Mais encore, puisque vous y êtes, déclarez-nous un peu d'où vient ce bon mot, _afin que le bon homme ait son sac_. GUEVARRE. Cela avint en Anjou, en un bois qui est près de la Rochefouque. Un gentilhomme avoit fort recherché une demoiselle du pays, sienne voisine, qui ne l'osa accommoder de son ustensile, parce que la commodité ne s'y offroit pas, & que possible, lorsqu'il le vouloit, il y en avoit quelqu'autre (& notez, qu'il n'y a que ces deux raisons, avec celle qui a été dite tantôt, qui empêchent les femmes de prêter leur gnomon.) Un matin cette demoiselle, ayant affaire en une sienne métairie (possible alloit-elle voir un de ses amis) passant à travers ce bois, fut rencontrée du gentilhomme, qui alloit giboyer & n'avoit en main que son arquebuse. Le gentilhomme prit la rencontre, & dit à celle-ci: vraiment, il y a assez long-temps que vous m'attermoyez. Je vous prie que ce soit à cette heure; il y a toute occasion à propos. Hélas! lui dit-elle, que pensez-vous faire? Attendez à une autre fois. A cette-ci, & à une autre, tout sera bon. Mais quoi! je suis en manteau; je me salirai toute. Ce gentilhomme, levant la tête, vit un pied-gris passant auprès d'eux, lequel avoit un sac. Il le prit, & lui dit: compere, attendez-moi. Ayant ce sac, il le lui montra. Et bien, dit-il, voilà pour mettre sous vous. Elle, se voyant pressée, & qu'il falloit passer par-là, en dépit qu'elle le vouloit bien, lui dit: là donc, dépêchez, afin que le bon homme ait son sac. Achevez, je vous prie. Socrates, comme le plus fou (ainsi disent ceux qui passent une porte: _je passerai le premier comme le plus fou_; _ergò_, les autres fous en leur présence, à leur nez, & sans contredit. Mon sot de valet ne fut pas si sot. Un soir qu'il falloit porter la chandelle, pour éclairer aux gens d'honneur qui sortoient, il ne vouloit jamais passer devant, disant que l'honneur ne lui en appartenoit pas. Cette petite bande entra de même, & le sire Socrates marchant en gravité posée, comme monsieur le chantre de Paris aux bonnes & nobles fêtes, ayant toussé, & s'étant monocordisé sur son geste, préparé en pompe minoise, après avoir remué sa trogne scientifique, ainsi que voulant annoncer quelque grande chose avec un accent admirable, va dire: hem, hem, hem. JE SUIS. Et ainsi qu'il faisoit une trop grande pose présidentale, pour exciter à émotion audienciere, la reine d'Egypte, qui vraiment y étoit par honneur, se fâchant d'attendre si long-temps, ajouta à son propos, UN SOT. Tout le monde, jusques aux anges & aux serpens, sans les pierres et les cailloux qui en creverent, se mit à rire si fort, que la mule du Curé de Saint Eustache en foira de si pure joie, que la vie lui en faillit par le fondement. Ainsi la farce fut gâtée & tout le cidre répandu, & la gentillesse remise à une autre fois; & chacun fit comme aux nôces. ARNOB. Vraiment, Socrates mon ami, tu devois bien y aller. Et que diable! tu es fat, de te faire moquer de toi, sous ombre de l'opinion que tu as d'être savant & sage, plein de doctrine comme la gibeciere d'un hermite frais tondu. Voilà ce que c'est, tu es présomptueux; parce que tu n'as fait toute ta vie que chanter aux latrines avec les couillaux. BARLET. Parlez net. ARNOB. Je pensois dire _lettrain_ avec les choriaux, ma langue a suivi l'usage commun. Ne savez-vous pas qu'il y a des églises, où les chanoines ont des vicaires qui font pour eux, & sont dits choriaux? Mais, parce que ce nom est rude, les filles ont inventé de dire couillaux; comme celle qui disoit qu'elle ne vouloit pas que l'on tournât son nom, de peur que l'on n'y trouvât quelque couillonnerie: elle vouloit dire quelque coyonnerie. C'est tout un, la douceur en vient. SINODE. XI. Par la vertu de l'herbe de la Saint-Jean, penses-tu qu'il te sied bien de faire le fou? Ces grands sages n'ont point d'esprit à boufonner; ils ont l'échine trop plate, le col trop roide & la cuisse trop avalée, & s'ils s'en veulent mêler, cela avient, comme une huiliere à coëffer une reine, tellement qu'ils trébuchent si roide, qu'ils paroissent fous de haute alkimie, & au-delà. Tandis que César écoutoit ceci, son laquais, qui depuis fut roi d'Espagne, étoit derriere lui, pour avoir de la chair. Etant importuné, il se retourna, & lui dit: cap de biou, mon laquais, je vous donnerai mornifle: & tout sert. Si tu veux de la chair, prens-toi au fesses. BOECE. Il a mis cela en effet, & est cause qu'il y a tant de dames bossues, d'autant qu'il savoit en plusieurs lieux que celles qu'il attraperoit, il les happeroit aux fesses; comme étant les plus savoureuses & mieux faisandées, joint qu'il étoit assez aisé parce qu'alors les dames n'avoient point de culotte. Il est vrai, (oui; je ne dis point comme les autres fois, quand je mentois par oüi dire. Je l'ai vu): c'est que pour crainte que cela n'avînt, plusieurs ont fait faire des calleçons, ou brides à fesses, afin de se garantir; & les autres, qui n'avoient pas cette industrie, pour sauver leur cul, craignant la dent laquaïsme, ont mis la chair de leurs fesses sur leurs épaules. Cela est donc cause des bossues. Vraiment, si elles engendroient leurs semblables, bientôt le monde seroit bossu. Fi, fi; il ne le faut faire qu'aux belles; la bosse leur sert de grace: & puis tous choses sont choses. Sec, gardez-vous de cheoir, madame Safy, il y a un grand trou devant vous; si vous mettez le pied dedans, vous vous gâterez. MADAME. En dà, si vous aviez le nez dedans, & deux autres de même autour des deux yeux, vous auriez une belle paire des lunettes. BOECE. Taisez-vous; vous êtes belle. Que sera cela? Les belles se font prier, & les laides prient; chacun fait ce qu'il peut pour vivre. Pourquoi faire des lunettes? CÉSAR. Pour mieux voir. BOECE. De quoi voit-on le plus? CÉSAR. Des yeux. BOECE. Si votre nez étoit en mon cul, vous ne verriez que des fesses. LE BON HOMME. Que voici de sentences accomplies! Que vous êtes heureux, vous qui les savourez, tandis que ceux-là boivent sans nous ouir; & je gage que; vous auriez beau dire, ils ne l'entendroient pas, d'autant que ceux qui oient en beuvant, tiennent de la ladrerie, comme le tient & afferme Janotin, maître apothicaire, du métier dont il se mêle. SOCRATES. En dà, vous avez mieux dit qu'un four, & n'avez pas la goule si grande. Pourquoi fait-on des fours? ELPHIS. C'est pour cuire du pain. SOCRATES. Voire, le niais! C'est pour cuire. ELPHIS. Va te promener; & me dis la raison, qui fait que l'on boit les uns aux autres? SOCRATES. C'est parce que celui qui boit perd la parole, & devant qu'il lui avienne mal, prie que l'on l'assiste s'il lui survenoit danger; tandis qu'il est ainsi entre la vie & la mort, comme une ame qui sort de purgatoire, ou qui pense y aller. Je ne m'y connois encore guère; je suis à pardonner, parce que ce pauvre homme possible est prêt à se noyer. L'AUTRE. O vous trois fois pleins de béatitude, qui, accomplissant votre félicité, venez lire, étudier & méditer ici nuit & jour, pour trouver la pierre philosophale, que j'ai cachée en ces traits plus finement, occultement, clairement, & patepeluement, que ne firent oncques Gebert, Théophraste, Lulle, ou autres affineurs; mais de meilleure grace, & de front plus minon, pour la rendre plus aisée à trouver, & divertir les beaux esprits qui consument trop de temps au feu; & les inciter plus gaîment à poinçonner leurs intellects, qui, pleins de concupiscence célestes, s'agitent après ces fideles commentaires. Et encore, messieurs, un mot en passant. Là, croyez-vous, dites, que toutes ces bonnes gens fussent ici, & que ceux du temps à venir y étoient? Nous avons celé les noms de quelques-uns, de peur qu'ils fussent reconnus, & que plusieurs allassent au-devant, quand ils viendroient, pour leur ôter leur argent, comme font les gentilshommes, en tems de paix. Or je vous avertis que j'en dirai un; voire sans rien nommer, c'est que, d'ici à plusieurs jours, l'empereur entendra le midi; il sera fils d'onze heures; il mettra le midi à une heure, comme à Bâle en sottise (je cuidois dire _en Souisse_) Pardon, Souissercons; je vous tiens pour gens de bien, deussai-je mentir. Le petit diable de la nouvelle étoile vous puisse chatouiller, pour vous faire rire. Et dà, vous en grincez déja les dents. En ce tems si tranquille de cette benoîte aventure impériale, personne ne fondra dispute ni secte, que pour se réjouir sur l'intelligence de ces mémoires, qui seront divisés en dix-sept parties, à l'honneur des dix-sept Provinces philosophiques; & on les reverra avec une attention. Même il y aura devant ou après un beau joyeux petit prélat de Basse-Bretagne, qui traduira ce code en toutes langues, depuis celle de boeuf, jusques à celle de carpe pour le carême, & mettra par rôles les colomnes de cet original, de peur des fausses positions, afin de secourir les enfans de la science, & y fera-t-on des commentaires, comme sur une pannerée d'air, une aulne de tems, une poignée d'ombre, & une coudée de vessi, bon, chaud & humide, frayant comme un limaçon sans coque. Mais quelque difficile galopin de piéfayés me viendra faire ici une distinction, (je parle ici des hérétiques comme de chiens, parce que les gens de bien rient toujours comme à eux tous seuls, auxquels la joie appartenant & prenant en bonne part, louent l'intention telle que je l'ai, qui est de profiter comme une poule égarée au renard) & pensera, ce clabaut, me montrer quelque faute ou erreur, d'autant qu'il ne l'entend pas; ou bien il est une bête, parquoi se faut taire, de peur de honte: si on oit ou voit quelque gentillesse, il ne la faut point juger; mais en rire & l'admirer, comme les Italiens & Espagnols qui font la finesse. Or, que ce mignon ne me fâche point. Que s'il le fait, cordié, morgoi, sandé, &c. Je sais bien que je rapporte tout à propos; & ainsi que je lui dirai qu'il est un sot, par maniere de dire; & moi, pauvre pifre, me prens-tu pour un apprivoiseur de mouches? Que l'aze te puisse saillir en place. C'est une belle chose de savoir tout! C'est que notre langue françoise est la plus ample de toutes. _Sic probo._ Elle a le plus de termes, pour remarquer la copulation, qui est cause que tout est produit. _Ergò_, elle est la plus produisante. BARRELETTE. Voilà dit cela; & si vous êtes si pauvre de ne l'entendre pas, je vous le ferai entendre. TOME. XII. Entendez donc que les bêtes chevalines saillent, les ânes baudouinent, les chiens couvrent, les pourceaux souillent, les chevres forboucsient, les taureaux vétillent, les beliers empreignent les brebis, les cerfs rutent, les poissons fraient, les cocqs cochent, les chats margaudent. Cherchez les autres; j'ai hâte. Mais que font les hommes avec les femmes? Ils font. Quoi font? Cela: proprement, c'est le faire. Je dirois bien comme disoit hier madame, qui se promenant en l'isle sauta un fossé, & je lui aidai, & sa coeffure demeura: vraiment, dit-elle, se remontant de tête; j'ai perdu je ne sais quoi; je laisse tomber ma coifoutre, c'est-à-dire, ma _coeffe, outre_ ce fossé. Encore n'est-ce pas tout; j'en hais ce fat qui vient blâmer notre entreprise, & me dit: vere; Socrates n'a pu y être avec vous où l'on boit & mange, puisqu'il est mort. Va, prophete de Mahon; il y a long-temps que tu aurois le cul écorché, si les veaux portoient croupieres. Ne sais-tu pas bien qu'il y a provision pour tous? Les chairs des bêtes sont pour ceux qui ont corps & ames; & si les bons trépassés nous sont venus voir; ne seront-ils point fêtoyés? Tu admets les banquets des dieux; tu y fais des songes creux, & les admire: & nous ici, riant de ta sotise, nous avons recouvré de ces cuisinieres du temps passé; qui savent apprêter cette viande nommée PHEROS, mangeaille de dieux, & béchées de déesses, qui se fait de divers apprêts & parties des ames de bêtes assommées, lesquelles par ce moyen sont consommées. Sachez que ces douillettes ames toutes chaudes, sont fort délicates, & étant assaisonnées de fumées & quintessence de nos sauces à l'ombre de votre feu, à l'odeur de vos épices, aux vapeurs de votre rôti, & de toutes les délices du monde, faisant bonne chere, elles sont confites en goût trop délectable. Voire, oserois-tu point dire que; sitôt que l'animal est jugulé, c'est pour te faire plaisir & t'apprendre; (comme disoit la vieille à Jean Hardi. Ce compagnon étoit un de nos closiers, qui avoit une belle jeune femme. Il avoit aussi une vieille servante: tous trois n'avoient qu'un lit. Une fois, que sa femme s'étoit levée pour aller pisser, cettui-ci, ne s'en étant apperçu, & désirant évacuer nature ritillante, se jetta sur la vieille, pensant que ce fût sa femme. Comme il s'en fut avisé, il cuida s'ôter. La vieille lui dit: ne bougez, ne bougez: ce n'est pas pour bien que vous me fassiez, ce n'est que pour vous _apprendre_.) Si vous en parlez davantage, vous gâterez tout; vous rendrez honnie toute la doctrine des colléges; & n'y aura plus de plaisir de s'étudier après les fadaises de la science des poëtes anciens. Si vous déclarez ainsi le secret des esprits, vous troublerez l'apothéose, (je voulois dire: _vous découvrirez le pot aux roses_.) Pensez-vous que ce soit bien fait? Je ne dirai pas tout: non, je ne veux que reprendre ceux qui pensent que l'animal, étant comme mort, le soit; & pour l'amour de vous, je ne vous ferai qu'une démonstration. L'ame du brochet ne s'en ira jamais, que le brochet ne soit cuit, d'autant qu'elle veut être mangée plus cordialement par quelques beaux esprits. Qu'ainsi ne soit; ne voyez-vous pas ès cuisines des grands, que l'on en met le coeur sur le bout de la table, pour voir si le corps sera cuit? Certes ce coeur remuera, tant que la cuisson soit parfaite. Je me retiens par le bon, vraiment; & je fais bien, parce que je dirois choses & autres, au préjudice des bons garçons, qui n'ont conscience qu'en apparence, & cependant cuident que, tandis qu'ils sont dispos, ils accommodent à coeur gai ces fillettes, depuis que l'on en a fait conscience, & que ces hérétiques ont parlé de réformer, comme ceux de Geneve qui veulent que ceux, qui vont demeurer en leur ville, aient lettre d'habitation authentiquée; & toutefois ils ne veulent pas qu'on habite. Nous n'avons point eu de bien, depuis que les talons des souliers ont été aculés, & les andouilles ont pué la merde. (En tout honneur, il est aussi aisé que de dire, jeu sans vilénie, quand on dit _feutre à fourche_, & _fourche à feutre_.) Et les secrets ayant été ainsi étalés devant le monde, les gentillesses sont allés au bourdel, & les excellences se sont changées en vétilles. Et voilà que c'est de parler devant le monde; par quoi je ne veux plus rien dire de rare: d'autant que, si je continuois, je dirois tant de choses, que, force de les étudier, le monde deviendroit fou comme vous. CASSIODORE. C'est ce que je vous disois; il est vrai que, quelque peine que j'aie prise à mettre tout d'accord, en tirant le bon bout de mon côté, & que, prostituant ainsi les sciences, on a parlé des doctrines en la présence intelligible des femmes, on n'a vu que des hérésies, & les hémorroïdes en sont chutes au fondement, & les barbes ont été pirement faites que ci-devant. Et y regardez; vous ne verrez plus de barbes bien faites, parce que l'on n'y entend plus rien. De mon jeune temps, on alloit gaiement & sans artifice chez l'émouleur; & on avoit la barbe faite en deux coups, mettant une joue sur la meule, & puis l'autre, après cela faisoit frac, rest, zest; une barbe étoit faite toute prête. XILANDER. Vraiement, vous êtes un beau danseur! C'étoient de belles barbes! Elles étoient faites en queues d'hirondes, & les cheveux comme l'écuelle d'un ladre. Laissons-là les laïques, auxquels je ne me plais point. Je vous dirai bien que, de mon temps, les gens d'église avoient la barbe rase; & je vous dirai une remarque: c'est que, quand le pape a la barbe grande, les prêtres la veulent avoir de même; s'il a le menton ras, les prêtres le veulent aussi; parce que chacun prétend au papal. Ainsi donc les sages portoient leurs barbes; les ras n'avoient garde de les porter, puisque le menton étoit ras; la barbe ôtée étoit demeurée chez le barbier. A cela fut pris Hauteroue, chanoine de S. Martin de Tours. (Il faut tout dire, de peur des garces qui nous écoutent, parce que la fréquence de toutes femelles y abondoit jadis, avant notre réformation, ainsi qu'aux autres lieux.) Il y songeoit; & le fit paroître, un matin que l'on le vit barboyé; & un autre chanoine le voyant, lui dit: monsieur, vous avez aujourd'hui donné de l'eau bénite à la barbe ôtée. Lui, comme _reus_, va dire: _per meam_, je ne la connois point. A cela, je jugeai de l'innocence de tous les autres, qui se passent de garces, comme un bon procureur d'écritoire. L'AUTRE. J'en prends à témoin mon compere Livet, procureur au châtelet de Paris, qui ne laissoit jamais son écritoire. Il avint, par malencontre de bas avis, que madame sa femme, voyant un gai, gaillard & jeune maure, eut envie d'en être couverte. Elle le fit entrer; &, pour remédier à un mal d'estomac qu'elle avoit, elle le fit coucher sur elle. Ce qu'elle en faisoit, étoit qu'elle considéroit que sa peau, vu sa nation, seroit plus chaude que celle d'un François. Le jeune homme ayant été là assez long-tems, fut remercié & salarié de son bon office, où il n'y avoit point de mal, vu que cela tendoit à la santé. Mais que c'est des impressions! Il lui avint que son mari venant à la copuler, elle qui se souvint du maure, en engendra un; ce qui parut, quand elle accoucha. Sa commere voyant à son enfantement, cette aventure si noire, l'en avisa; & la pauvrette lui dit sa friande imagination; à quoi la bonne commere & amie pourvut, & s'en alla au châtelet faire appeller Livet, qui venu lui dit: hé bien, ma mie, qu'avons-nous? Un beau fils, lui dit-elle; mais je vous prie, dites-moi en conscience, mon compere, n'avez-vous jamais accolé ma commere, que vous eussiez votre écritoire à votre côté? O que si ai, plus de trente fois. Vraiment, vous avez bien besongné! Je m'en doutois bien; voilà, il est chut de l'encre dedans, si que vous avez fait un enfant noir comme un maure. TIBERE. Que vous avez belle envie d'échapper. ALLÉGATION. XIII. Or çà, belles entendoires, qui tous avez hâte pour amasser des argumens cornus, & changer vos thêmes; pourquoi est-ce que les gens d'église ont en plusieurs lieux, comme jadis, le menton ras? CASSIODORE. Foin sans blasphémer. TIBERE. Je ne veux plus nommer personne; venez voir qui y sera: c'est trop se déclarer. Qui sont les gens d'église? XILANDER. Hé dà, ce sont les prêtres. TIBERE. Ne vous déplaise, par la gorge, ce sont les images qui y sont jour & nuit, qui jeûnent sans cesse, comme y étant idoines. Toujours ils ne font point ce qu'il ne faut point faire; ils s'abstiennent & sont tels que doivent être vrais gens d'église. SOCRATES. _Distinguo_, s'il vous plaît: votre mule pisse: elle se morfondra par le fondement. Telles gens d'église sont toujours en un état comme les rois du palais, y habitant sempiternellement de sempiternité lapidaire; mais ceux dont vous parlez, ne sont gens d'église que par adoption. J'entends parler des corps animés, qui vont & viennent à l'église pour la servir, qui sont hommes vifs; & toutefois qui sont intellectement comme nous sommes, vivans de la vie du monde, bien qu'ils soient boivans & mangeans, & chians & pissans; lesquels toutefois sont hommes sains & mortifiés, & de saison; lesquels pour n'être affectés en apparence publique, sont dits morts par excellence, vu la mine. Et de fait, on les nomme morts, pour autant que l'outil qui perpétue la vie, leur est bouclé par la vertu de certaines paroles conférantes ordre supernaturel; & ainsi l'usage naturel leur est interdit par voeu. Ils s'en rasoient le menton, afin que le regret qu'ils ont de n'oser ni vouloir fréquenter la douceur du monde ne parût aucunement, joint qu'ils doivent être joyeux, (_venite exultemus_) & que leur état est une joie perpétuelle, laquelle il faut faire paroître, encore qu'elle ne fût pas. C'est la cause pour laquelle ils se font raser le menton, parce qu'il semble qu'un homme, ainsi réparé du minois, rie toujours. Et y prenez garde; & s'il n'est vrai, que de quinze jours ne puissiez-vous aller à vos affaires. De-là est venu & procédé ce canon du concile de Quarante: le prêtre fera sa barbe en couene de lard, afin qu'il paroisse toujours riant, friant, fringant, _donec, &c_. CATON. C'est pourquoi le bon homme Hugonis étoit toujours joyeux. ALBERT LE GRAND. Voire, ce moine l'étoit vraiment; & de fait, il étoit gros & gras, comme un mâtin qui tete deux fesses, il étoit ample autant que le cul d'un ministre qui accouche en liberté. Une fois qu'il passoit près de S. Avoye une belle demoiselle le voyant, dit à une autre par admiration: que voilà un moine qui est gros! Il l'ouit, d'autant que, ses membres étant proportionnés, il avoit belles oreilles, & lui répondit: mademoiselle, il y a long-temps que je fusse accouché, si j'eusse trouvé une sage-femme. L'AUTRE. Pourquoi est-ce qu'on appelle _sages-femmes_ celles qui reçoivent les enfans, & ont le gouvernement des pays-has. HÉLIODORE. C'est parce qu'elles voient de grands cas. Je me souviens que j'étois encore bien vieil, la cour de parlement étant à Tours, que de bons garçons firent une galantise à une sage-femme. Ils mirent un gars, en guise de femme prête d'accoucher, dans un lit; & firent venir une sage-femme, qui, mettant la main dessous les draps, & trouvant son braquemart, dit tout haut: courage, l'enfant viendra bientôt; j'en tiens le bras. Elle le vouloit remettre, sans qu'elle reconnût ce que c'étoit: or devinez. (Un jour je pissois contre une muraille; & une belle dame me regardoit; je lui dis: devinez ce que je tiens, & vous l'aurez.) CATON. Encore faut-il que je me souvienne de ce bon homme Hugonis, qui a été mon maître, d'autant que les huguenots faisoient bruit par la France. Que le diantre y avise, puisque les autres n'en veulent rien faire; bran, cela m'est échappé. En ce temps-là que j'étois si fort étudiant, ce mien maître hantoit ce bon prince catholique, le pere de cette pauvre dévoyée, qui a tant fait disputer. Il avint un jour, que le basque étant à la porte de notre prince, Hugonis vint heurter; je le suivois. Comme on eut demandé: qui est-ce? Je dis; c'est notre maître Hugonis. Le basque va dire à monsieur: c'est maître Conin, qui est là-bas, qui veut parler à vous. Quoi! dit monsieur, ce pipeur? Va lui dire qu'il aille autre part faire ses tours de passe-passe. Un jour durant, il fut estimé hérétique; mais cela passa, par une prédication que j'en fis tout chaudement, tellement que ceux qui cuidoient que monseigneur sentît mal de la foi, furent résolus; & le tout se tourna en risée domestique. ERASME. Cela me fait souvenir de ce que me dit frere Lucas. CATON. Quoi! qui? frere Lucas qui avoit mal au chose, & on le lui coupa, si que, le cas lui étant ôté, il n'est plus que frere Lu? ERASME. Non, ce n'est pas cela; je parle bien d'un docteur: c'est de celui qui, à ma réception, me prit par la main, & me dit: mon frere, mon ami, _doctissime baccalaure_, j'ai une parole de très-grande conséquence à vous dire: c'est que vous sentez mal de l'hérésie. CATON. Que lui répondites-vous? ERASME. Je me mis en colere; & lui dis que mon âne étoit plus sage que lui. Il me fit appeller; & je lui prouvai mon dire: parce que mon âne venoit bien de la riviere tout seul ayant bu; & lui, il le falloit rapporter de la taverne, quand il avoit trinqué. Je gagnai mon procès, faisant quinaut le juge, en lui demandant: pourquoi est-ce que mon âne va à pied? Il ne le sut dire; & je lui ai enseigné, disant: c'est parce qu'il n'a point de cheval comme vous, monsieur le Juge. Il se trémoussoit comme une pie en gésine, & me dit: regardez à qui vous parlez; je suis gentilhomme. Il me remâcha cette parole, étant descendu du siége: & alors ne le craignant plus, je lui dis: vraiment vere, si tous les gentilshommes du monde avoient les jambes cassées, vous ne lairiez pas de courir. Mais je suis gentilhomme; oui, je veux bien que vous le sachiez. Si j'avois pour un liard de telle noblesse dans le ventre, je prendrois pour cinquante écus de rhubarbe, pour la chasser. Le Juge dit: si je remonte en mon siége, je vous ferai affront. Vous me feriez comme le Juge de la Fleche, qui condamna un homme à être pendu & étranglé, sauf son recours contre qui il verroit bon être. Aian, répondit-il, encore un coup, ne me fâchez pas. Bien, lui dis-je, pour vous appaiser, je vous veux apprendre un secret. Pourquoi est-ce que les femmes pissent, quand elles en ont envie? Vous voilà à pied des raisons, le cul aussi près de terre qu'un pâtissier qui n'a que faire. C'est parce qu'un autre ne sauroit pisser pour elle. Et moi je chierois bien pour vous. CATON. Fi, fi, cela se sentiroit mieux & plutôt que l'hérésie. SOCRATES. Comment la sent-on? ERASME. Il faut mettre le nez au cul de l'hérétique, & en retenir le goût & l'odeur; puis aller sentir au cul des bons Docteurs & Cordeliers, pour voir s'ils sentiront de même. Mais n'allez pas sentir au cul des minimes; je pense qu'ils flairent horriblement le clystere, à cause que leur cul est une sentine d'huile perpétuelle. NÉRON. Comme vous parlez impudemment! Il semble qu'il n'y a ici qu'à se détraver en sales paroles, & que toute honnêteté & vergongne soit perdue. DIOGENES. Tout est permis ici; nous sommes pair à compagnon: on doit faire & dire ici tout ce qu'on peut & pense. ALEXANDRE. Vous y perdriez, pauvre homme, parce que, si tout étoit permis, je vous battrois bien à cette heure, pour me venger de l'affront, que, l'année qui vient, vous me fîtes en Grece. DANEAU. Est-ce en _graisse_ dure ou fondante, de quoi vous parlez? Certes je suis en suspens, quand j'en oi parler, à cause des gréges qui engraissent les personnes pour les faire mourir, & les autres les engraissent pour les faire vivre. ROBERT ETIENNE. Je ne m'en soucie pas: je voudrois avoir trouvé un bon moyen de m'engraisser; je me porterois bien. En dà, je suis aussi maigre que le vendredi oré, & aussi défait que la semaine peneuse; & dà, je suis aussi maigre qu'un millier de clous. JOLIVET. Il faut donc que vous alliez en un pays que j'ai fréquenté, que vous appreniez ce que les gens de-là font, pour s'engraisser. Vraiment ils sont-là toujours gras & en bon point, comme de beaux petits moines de bonne étoffe. Les moines sont gras comme de belles vaches portantes; mais les vaches ayant vellé, elles deviennent maigres, & les bons moines qui n'ont point vellé, sont toujours gras. Je parle aux doctes sorets, harengs sorets & massorets. AVIS. XIV. En ce pays que je vous dis, tout y est gras; même aussi les jours maigres y sont graissés: & je vous dirai une belle invention, que m'ont apprise ceux qui font exercice. Ces bonnes gens prennent les jours maigres dès la veille, & les châtrent, puis les mettent en mue. Je ne fus jamais si étonné, que quand j'y vis monsieur de carême en une grande mue, où trois vieilles croupieres l'appâtoient des pâtons de blanc de chapons. Vraiment il n'étoit plus, comme je l'avois vu autrefois à Rome; il étoit gras & refait comme le chien d'un vielleux; il étoit si engraissé, que la graisse lui sortoit par les yeux, comme les puces sautent dans un four qui sue de froid. DIOGENES. Vous parlez de suer; & en quel temps est-ce que les vis suent? CESAR. Fi, fi, vous êtes salaud. MADAME. Oui, je l'entends comme vous; je dis jeu sans vilénie, comme nous disons nous autres filles; c'est quand il menace de pluie, que la vis de notre grenier sue, & qu'elle est relente, & si le noyau de la vis, ou la vis même est de pierre, tant mieux, elle en durera davantage, ainsi que celle des tuileries. DIOSCORIDES. Vraiment, l'autre jour que j'y étois, je voyois des dames Parisiennes, qui admirent cet ouvrage, y montant, elles relevoient leurs cottes & s'entredisoient? madame, ma mie, que voici une belle entrée de vis! Jean voire, leur dis-je à deux belles, que puissiez-vous jamais n'être à votre aise, que je, n'en aie fait la preuve par essai naturel. HÉLIODORE. C'est votre souverain bien que ces imaginations, & plus encore quand vous en tenez la cause: je ne dis pas les imaginaisons: il faudroit avoir les doigts bien subtils. Il est vrai que ces esprits familiers, ainsi montant, sont de bonne rencontre & facile accès. JAMBLIQUE. Ne parlez point des esprits, je m'y suis trop rompu la tête, & n'en ai su venir à bout. L'AUTRE. Ce n'est que votre faute, d'autant que le familier s'approche aisément. Et qui en sait plus que moi? Vere, vere, ce sont abus que vos contes de loup, d'esprits fantastiques. CARDAN. Vous vous paillardez lanterniérement sur l'éloquence, & faites ainsi admirer la suite d'une vaine rencontre d'esprits: ce qui se trouve inepte & fat, sans fruit, cela n'étant que rêverie: & pourtant je vous dis que vos frivoles conceptions ne sont rien au prix de la douceur & mignonne rencontre, non d'esprits qui ne sont pas, mais d'essences vraies. Et n'y a rien tel, pour le contentement, que la formelle embrassade d'un esprit familier, incube ou succube, _id est_, femelle pour nous, & mâle pour les dames, qui les appellent _foulons_, qui vont la nuit fouler le monde, & leur presser la rate. L'AUTRE. Vos contes sont fadaises, & ne sont que folles fantaisies; mais la réalité temporelle, sensitive & communicable d'une vérité perceptible est la perfection produisante bon & singulier effet de délices, bien loin des pensées mélancoliques, qui sont persuadées par crainte, folie ou sotte curiosité. Il y en a tant qui desirent des esprits familiers; jamais personne n'en eut faute: l'ayant voulu autrement, nul n'a osé entamer le propos ni la piece, ni congner ou laisser congner en l'entamée ou entameure. Il faut tout dire; ceux qui sont savans s'y connoissent; & puis dites, ô vous qui vous macerez: le diable me tente. Tu nous la bailles belle! C'est votre propre nature nerveuse, qui s'excite selon la loi naturelle vîte & sainte; & vous faites semblant de ne l'entendre pas. Il faudroit, afin que ce que vous dites fût vrai, que le diable vous soufflât au jaret, comme il fit à Andocidès, ainsi qu'on le pratique aux veaux. Cependant, cruels hypocrites, vous ne voulez pas donner gloire à madame nature qui opere; vous aimez mieux en faire auteur le diable; & ainsi vous lui faites hommage, lui attribuant une puissance qui est en vous. C'est grande pitié! Cela vient de la folle spéculation. Et ces messieurs les parfaits réformés, qui coursoient leur bonnet selon leur fantaisie! Qu'ainsi ne soit; je le prouverai par raison; il n'y a homme, tant soit-il débile, qui ne le fasse mieux qu'un diable, encore que l'on dise: il le fait en diable. Ce qu'il faut entendre sainement. C'est-à-dire: il le fait autant (quand c'est un bon faiseur) comme un diable seroit desireux de le faire, s'il savoit ce que c'est. On ne dit point en diablesse; aussi les mâles font tout: les femmes font comme gueux; elles ne font que tendre leur écuelle. DARIUS. Appellez-vous cela une écuelle? Quand le cancre de mer prit les levres du cas de madame, il n'avoit à ce conte pris que le bord d'une écuelle. MADAME. Sachons cette menée, je vous prie. DARIUS. Je le veux. Monsieur le gouverneur, (alors nous habitions un port de mer) étant à la ville, ainsi qu'à tels seigneurs le menu peuple fait force présens, reçut, de quelques pêcheurs, un présent d'une pannerée de fort beaux cancres vifs tous choisis (on dit _beaux_ les plus gros; ainsi étoit un fort bel homme, le gros Chenu d'Orléans, qui étoit gros comme une pipe; & tel monsieur de la Contiere d'Anjou, qui se faisoit porter sur une charrette, ne pouvant aller à pied, & qui, un soir de vendredi saint, voulant jeûner, mangea seulement un boisseau de pruneaux, ce qui tint si peu de place en son ventre, qu'il cuida défaillir de faim avant minuit; ainsi étoit une belle femme la dame des Carneaux). Mondit seigneur, ayant reçu ces cancres, les fit poser près de la cheminée. Tandis qu'il s'amusoit, un des cancres se glissa, & se rampant, s'enlassa entre une tapisserie & la muraille. Les autres furent portés à la cuisine, pour y être troussés comme mugette. La nuit que chacun dormoit, ce maître cancre, ayant affaire d'eau, & la sentant à l'odeur marine, va au pot à pisser, où il se rangea en si peu qu'il y avoit; & ainsi glissé au fond du pot, s'y tenoit, attendant miséricorde. Quelques heures après, madame eût envie de se consoler à la décharge de ses reins chargés d'urine, déja tirée en la vessie, dont la pesanteur par filandres tire à soi les roignons, qui se délectent de son évacuation; & prenant le pot, s'étant un peu relevée, se flanqua dessus, de peur de pisser au lit; & ainsi madame... ARCHIMEDE. (Baisez-la au cul, si c'est la vôtre, tandis que je chercherai la mienne; c'est une regle de géométrie. DARIUS. Petit follet, laissez-moi en paix; il n'est pas possible que vous me fâchiez, comme vous le desirez; il n'y a qu'un moyen de me faire taire: prenez un rateau, & me baillez des dents au cul; & j'aurai tant de douleur, que je me tairai). Voilà donc madame, qui laisse aller l'eau de la goutiere naturelle entre les arcs-boutans des crevasses physiques, & pissant roide comme une pucelle qui n'ose, arrousa de cette liqueur fraîche & chaudement émouvée le paillard cancre, qui soudain se dilate & releve; en ouvrant un de ses bras, qui est de telle condition que s'étant ouvert & pris à quelque sujet, il ne le laisse point. Que prit-il, bonnes gens? A l'aide! Il trouva & prit. Quoi? Cela est si délicat & mignon, que je n'ose le dire. Il happa & serra le bord, le limbe, la levre, l'ornement, la mâchoire, cette fente mignarde, extrémité éminente qui se releve en crête de fossé, au bas du ventre féminin sur le devant, pour faire honneur aux babines du chose de madame. Cela est si sensible, qu'elle s'en écria si haut, qu'elle éveilla son mari, qui lui demanda ce qu'elle avoit. Hélas! dit-elle, je suis perdue. Elle soupiroit, & n'osoit le dire. Toutefois sa douleur lui fit déclarer que quelque fantaisie la mordoit au bord de son cas. Monsieur, en bon mari, ayant fait apporter la chandelle, & vu l'effet ès parties naturelles de la femme: paix, ma mie, paix, dit-il; je lui ferai bien lâcher prise; je sais le secret: il ne faut que souffler contre. Il se mit à souffler; & le cancre, levant l'autre bras, l'empoigna à la levre d'auprès le nez. Il faisoit beau voir cette remembrance. Il avoit le nez bien près du cela de sa femme; il pouvoit bien voir si d'autres y étoient: il n'eût pas été cocu sans avis. Le valet de chambre, qui survint avec des ciseaux, coupa les deux bras du cancre, mit monsieur & madame en liberté. MADAME. J'eusse bien voulu voir la grimace qu'ils faisoient. Je ne sais si cette femme avoit envie de rire, voyant l'humilité de son mari. PETRONIUS. Cela me fait souvenir de la fortune de frere Jean Laillée notre bon ami. COMMENTAIRE. XV. Un jour, proche des avents, allant à Angers, il ne put attrapper la ville, si qu'il coucha chez une bonne femme qui le connoissoit de longue main: s'il m'en souvient, c'étoit chez la jeune Coibaude. Comme il fut au lit, on lui mit sur la selle d'auprès le chevet un pot de nuit: or sur la même chaire, il y avoit une ratiere quarrée & creuse en rond; ce n'étoit pas de celles qui ont une porte, mais un ressort qui serre le rat par le milieu du corps: cet engin-là, qui a pour le moins demi-pied de diametre, & est en cube, étoit fort tendu & le ressort fort bandé. Frere Jean se réveilla, pour faire de l'eau; & prit cet engin par le bord, cuidant que ce fut un vaisseau à pisser, & y présenta son outil, qui s'avançant donna jusques à la détente; parquoi le ressort échappa, & prit le pauvre cas du cordelier, qui sentit plutôt cela que le jour. Il se prit à crier si haut, que Lucifer s'en fût éveillé; & on lui apporta de la chandelle pour le dégager. La chambriere en rioit d'aise, d'autant qu'elle étoit bien vengée d'une autrefois qu'il logea là-dedans; c'étoit en été; & parce qu'il y avoit presse, lui qui étoit des amis, coucha en la chambre basse, où la bonne femme & sa chambriere couchoient en l'autre lit. Ce mignon se leva, pour prendre l'air; la nuit étoit un peu noire; il appella la chambriere: marquise, je suis égaré: je te prie, viens me quérir. Cette pauvrette se leve, & va à lui, qui avoit troussé sa chemise & levé fort haut le bras. Prens-moi la main, je te prie. Elle tâtonnoit & trouva son bout. Hélas, ce dit-elle, que vous avez les doigts gros! ho, & c'est votre bras. Il n'y a point de main! & qu'est-ce? en dà, je n'en ferai rien. Elle lui tira une secousse, & le laissa là. SIMLER. Maître Jean Pinaut, ministre de Genève, m'a conté qu'il lui en prit autant à Chamberi. DISTINCTION. XVI. A cause de quoi, il avient toujours quelque disgrace à ces pauvres innocents, & leur tombe quelque échec; témoin celui qui précédoit à Dampierre, quand nous y cherchons la pierre philosophale, avec tous ces barons de Normandie, & que nous bûmes le bon vin que Nabot avoit persuadé à monsieur de Chansegré d'y faire apporter, pour en faire de la poudre de projection. Il y avoit blanc & rouge; c'étoit faire la pierre pour la projection de l'argent & de l'or potable. J'avois avec moi mon Pierre, qui étoit un bon vaurien. Le dimanche venu, nous ouimes le sermon d'un cordelier qui avoit une ulcere en une jambe; & le thême de son prêchement étoit _Modicum_, qu'il répéta plusieurs fois, ce qui fut cause que mon valet sortit, disant: que diable avons-nous affaire, si le maudit con lui a fait tort? Les faucons engendrent les mauvais, & les mauvais les faucons. Quand ce moine fut guéri, il s'en alla & prit congé du cul & de la tête, comme c'étoit la coutume: or, étoit-il galant de sa personne, dispos & courageux, (j'ai quasi dit _vaillant_, ce qui n'appartient qu'à nous, chevaliers & écuyers.) Le frere, passant sur l'étang de la Ferriere, fut rencontré de deux voleurs à pied, qui eurent envie de son habit, par quoi ils lui dirent: frere, cet habit vous est trop chaud & importun; baillez-le nous un peu à porter pour votre santé. Sans faute, dit-il, messieurs, tout est à vous, corps aussi; je vous supplie me donner congé de me dévétir, & n'outragez point ma pauvre personne. Ce qu'ayant dit, il met son bâton à deux bouts à terre, le pied dessus, & dévêt le froc, qu'il leur jetta aux pieds, puis reprend son bâton, & tout en pourpoint leur dit humblement: messieurs, prenez-le. Un d'eux se baissant pour l'amasser, le moine lui vint décharger un si grand revers de son bâton sut l'autre flanc, qu'il l'envoya béchever du long de la levée. Cette épauliere ainsi déchargée sur le haut de la personne de ce vilain, qui cheut sur le ventre comme une grenouille éhanchée, épouvanta tant le compagnon de l'écrasé, qu'il s'enfuit; & le cordelier de le supplier courtoisement de venir au reste. Le trébuché, qui craignoit le demeurant, disoit: ha, frere Gilles! Mon bon pere confesseur, je me jouois, vous êtes bien rude de ne prendre rien en jeu! Et le moine s'avança de lui apprendre les dimensions, non du _baculus_ de Jacob, mais du bâton de Gilles, & le pauvret de crier: hélas, monsieur, pardon! A ce mot de monsieur, il le recommanda à tous les diables, & s'en alla aussi. Il y a trois sortes de gens qui n'aiment point à être appellés par leur nom: comme vous diriez chien & chat, moines, ministres, prêtres, putains & bâteleurs. Minon & chat, c'est-à-dire, monsieur; à cela vous connoîtrez qu'il faut dire mignon, monsieur le prieur, notre maître, &c. OECOLAMPADE. Le docteur de chez nous ne fut pas si habile, quand sa garce le battit, parce qu'il se laissa égratigner le visage; & le lendemain, comme on lui demanda qui l'avoit ainsi marqué, il dit que c'étoit un fagot. EMPEDOCLES. Diantre, quel fagot! C'est possible un fagot de foin, ainsi que le rapporta maître Alain, qui fut trouvé avec une garce; il ne s'excusa pas comme Denost, qui, au chapitre, quand on le tença qu'il ne bougeoit d'avec les garces: certes, ce dit-il, je n'y ai pas été depuis _Quasimodo_. Aussi venoit-il de coucher avec une. SIMLER. Tu en as toi qui parlois tantôt de foin pour chair: mais, si on te tournoit de langage, te donnant à déjeuner, & que pour de la chair on te donnât du foin, que seroit-ce? LEON HÉBREU. Ah! voilà bien argumenté pour un vieil plaideur. Notez que tout honnête homme ne mange point de morceau de boeuf, ni de morceau de pourceau. Pourquoi? parce qu'un morceau de boeuf est une poignée de foin; & un morceau de pourceau, c'est un étron, qui vous puisse servir de masque à carême prenant. PERICLÈS. Les gens ont tort; & celui qui parle a raison; mais il mâche de travers, & si je vous dirai qu'il n'y a gueres qu'il le sait: il ne le dit encore gueres bien. EMPEDOCLES. Vous n'avez pas dit, comme on dit monsieur en moine. SIMLER. Ho, vous en souvient-il? J'étois bien loin. Et que sais-je? Notez que ceux qui parlent tant des friponniers d'un état doivent en être, en avoir été, ou les avoir trop fréquentés. J'étois vragnant en Savoye, où j'écoutois parler à son altesse. VIVES. Et moi à Rome, où j'oyois supplier sa sainteté. CARDAN. Et moi en enfer, où j'oyois dire sa diablerie. L'AUTRE. Et moi chez notre archevêque, où l'on baisoit les mains de son archiepiscoperie; & il répondit à son suffragant: j'honore votre espiscoperie; & à un chanoine: je me recommande à votre chanoinerie. SIMLER. Je voyois un mignon qui parloit à un jurisconsulte, & lui disoit: comment se porte votre conseillerie. Aussi sa conseillerie lui avoit donné à dîner. Comme sa majesté lui avoit donné sa lettrerie, j'ai pensé dire sa _ladrerie_, soient sauvées les jumens. Nous sommes, je dis vous autres, de grands sots. Je ne pensois pas que cette femme eût la tête si fausse, de taper ainsi son pauvre maître de docteur. TEXTOR. Je vous prie, parlez bas, & ne vous mariez point de peur d'être cocu. Mais je me trompe, j'ois ce beau procureur qui en parle; il est marié, il est heureux, sa femme est grosse, elle accouchera. SIMLER. Parlez sobrement des femmes. TEXTOR. Tu y devois bien venir, toi qui a si belle femme. Par ma conscience, elle est belle & de mérite, & des plus jolies du monde: & je suis fâché pour elle d'une chose; c'est qu'elle est la femme d'un cocu, qui a pendu aux fesses les trébillons d'un veau. SIMLER. Par Hercules, à la fin, tu troubleras ma patience. A ce conte, tu ferois ma femme putain? TEXTOR. Si je l'avois couverte, sans doute elle le seroit, & l'aurois faite telle. SIMLER. Mais qu'as-tu affaire de dire cela? Tu sais bien qu'elle est femme de bien; à grand-peine seroit-elle débauchée. Vraiment, elle n'aime point le déduit; aussi je ne prens pas plaisir d'avoir affaire à elle. TEXTOR. J'y en prendrois bien, quant à moi. SIMLER. Si tu me fâches, je te pousserai & te hâterai d'aller. TEXTOR. Je ne veux qu'aller au palais de Paris, pour être poussé, ainsi que répondit Limois au conseiller son maître, qui lui promettoit de le pousser. Pargoi, monsieur, je serai plus poussé en demi-heure, à la sortie du châtelet, ou du palais, que ne sauriez me pousser, toute votre vie. Au reste, pauvre homme, je voudrois que tu m'eusses tant hâté d'aller, que j'eusse passé le mauvais tems. SIMLER. Encore tu te moques? Va, je veux bien être cocu; mais si tu me courouces, je te ferai porter les stigmates des cornes de cocus. DIOSCORIDE. Voilà une drogue dont je n'ai jamais ouï parler: apprenez-la moi, pour la mettre en mon livre. MADELAINE. Voilà cette belle Diotine, qui est enragée de faire leçon aux doctes. Demandez-lui. Toutefois j'en sais plus qu'elle; mon mari me l'a appris. PARTIE. XVII. Quand je tenois école d'écriture à Toulouse, avec les chanoines de Saint Sernin, d'entre lesquels il y en avoit un qui étoit curé là auprès, & entretenoit la premiere femme de mon mari, laquelle étoit belle. Un jour, j'oyois ce mari qui parloit à elle: d'où viens-tu? fit-il. Du four, fit-elle. Que faire? fit-il. Un tourteau, fit-elle. Est-il bon? fit-il. Tâtez-y, fit-elle. Est-il chaud? fit-il. Soufflez-y, fit-elle. Et où, fit-il. A mon cul, fit-elle. Ha putain! fit-il. Ha cocu? fit-elle. Ha, ha, fit-il. A, a, fit-elle. Voilà comment je suis femme de cocu; & si, je suis femme de bien; ce que l'on ne penseroit jamais. Cependant je conserve bien mon bon homme en sa qualité, sans faire faute de mon corps, non plus qu'une nonnain griesche. Si est-ce pource que je me tenois assez mignonne, on parloit mal de moi; en dà, on avoit tort; c'est parce que je n'eusse su faire que ce qui déja étoit fait. Et puis, comme j'ai appris des docteurs que j'ai fréquentés jour & nuit, le cocuage est un caractere indélébile, tenant comme moinerie au corps & à l'ame d'un profès; & bien plus fort, mais non si visiblement que merde en derriere de chemise. Et parce que cela étoit, je me contenois fort en devoir, aimant bien mon mari, que je mignardois, tout ne plus ne moins que si j'eusse été un peu putain. Et de fait, comme, étant femme, je sais la nature féminine, je vous assure qu'il n'est aux hommes que d'avoir femmes qui en tiennent tant soit peu: cela est levain de perfection, pourvu qu'elles n'en soient âpres; & ce d'autant que telles femmes aiment mieux les hommes, & les servent mieux quand ils sont malades, & avec moins de dédain que ces sottes femmes de bien. Encore que je traitasse bien mon preud'homme, si est-ce que quelquefois il se fâchoit contre moi: & sur-tout une fois, qu'il me trouva devisant d'affaires avec un commandeur, qui, pour me guérir du mal de la colique, m'avoit appliqué sa croix sur le bas de l'estomac, & me disoit à l'oreille les paroles qu'il y falloit dire pour ma santé. Mon vieillard eut une fausse impression, dont il me querella; mais je le fis taire. Or sus paix, c'est assez. Que tu es méchante. Voire, si je ne l'eusse fait taire, il eût huché jusques à demain. Je l'eusse volontiers battu, sans que dieu & vergogne le défendent; & y eût paru, parce que je lui eusse fait sentir, non les cornes de cocu, ains celles de sa femme. MECENAS. Mais quelles sont les cornes d'un cocu, & celles des femmes, qu'elles fassent ainsi mal? MADELAINE. Sont les ongles. Il vous faudroit mettre dessus; encore ne vous en appercevriez-vous, non plus que le pauvre meûnier qui étoit sur son âne, & fut surpris d'une grande procession, qui le pressoit fort; & lui, ayant son bonnet à la main, dandinoit, regardant la banniere & les beaux joyaux. Deux ou trois fripons, approchant de lui, couperent les sangles de son bât, & soutinrent le bât assez long-temps, portant le drôle, tandis qu'un autre arrêta le mulet, le tenant par la queue, comme une anguille. Quand ils l'eurent assez porté, ils le planterent-là; & le pauvret de crier & hucher: & où est mon âne? O, va le chercher. Or, puisqu'il faut tout dire, ce bon homme étant mort, j'épouse, pour la seconde fois, le plus grand sot du monde, tant à cause de lui que de moi. Je n'ai point honte d'ainsi parler, puisque je ne ments point. Voilà! son âne m'étoit contraire: ainsi, par ma finte, il avoit eu deux autres femmes, dont la seconde étoit une des plus femmes de bien de la terre; & elle ne fut pas si-tôt avec lui, que l'astre de cet homme ne la rangeât au point des soeurs. Je dis donc ceci avec toute gloire, à cette heure que je suis fille pénitente, & qu'il y a du plaisir à raconter les vieilles vétilles, & que c'est un grand mérite, que de se souvenir de ses fautes, dont par ainsi la rétribution est grande en pardons, abondant sur l'iniquité. En ce mien mariage, je me gouvernai en femme de bien, ne plus ne moins que les dames de Paris, qui ont des intervis. CESAR. Quels diables sont-ce? MADELAINE. Vous le saurez tantôt. Et ne m'avint qu'une douce infortune, en quoi je ne fis point de faute, parce que Pichonneau disoit, en chaire, que ce n'étoit point péché, quand on n'en tiroit ni profit, ni plaisir. Il y eut un beau jeune homme de bonne maison, qui me fit l'honneur de m'aimer; &, parce qu'il étoit fort apparenté, crainte que je fusse cause qu'il lui avînt du mal, je le laissai faire de moi ce qu'il put, sans que j'y apportasse aucun consentement: aussi je n'y prenois aucun plaisir. Je le laissois faire à son aise pour le gratifier, & pour le grand amour qu'il me portoit, afin qu'il ne m'en pensât tant son obligée, & qu'il en prétendît récompense: je lui permettois & voulois bien qu'il eût tout plaisir qu'il vouloit de moi, puisqu'il disoit qu'il y en trouvoit, encore que cela ne m'en fît aucunement. PORCENA. A qui fait-il plus de bien, aux hommes ou aux femmes? GEBER. C'est aux hommes, dit Saint-Gelave. A, ha, ha, dit mon compere Bardou, vous vous trompez; c'est aux femmes. Avisez que si l'oreille vous démange, & que la gratiez de votre petit doigt, qui a plus de plaisir & de bien? N'est-ce point l'oreille? Et puis il y a en la chanson: _vous aurez sur l'oreille_. MADELAINE. Je ne sais rien de tout ce que vous dites; vous êtes des causeurs; je ne prends point de plaisir à si peu de chose. Bien que l'on me l'ait assez voulu persuader, à ce que l'on disoit, & qu'on a dit de moi ce qu'on a voulu, je me suis pourtant portée en tout honneur. Pensez-vous qu'une femme ne puisse pas coucher avec un homme, sans toutes ces badineries là? Pour autant que cet honnête bon seigneur avoit couché avec moi, & que l'on disoit qu'il y avoit danger, ce que je ne trouvai onques, je fus à confesse; & comme le prêtre m'enquêtoit soigneusement, je répondis avec un bel excès de contrition de coeur, selon les péchés que j'avois commis, ajoutant que j'avois fait un oiseau. Comment, ce me dit-il tout émerveillé, un oiseau, ma mie? Oui, monsieur. Le pauvre petit bon homme n'entendoit pas que je parlois d'un cocu; & de-là vint le proverbe, que depuis on a dit: _pauvre prêtre_, vu la pauvreté de cettui-ci en science. Et pour vous faire entendre l'excellence & la vive nature de cet oiseau, il est convenable de savoir qu'il ne s'engendre point comme les autres. Il est éclos, fait, parfait, dressé & accompli en un moment; il ne faut qu'un coup de bandage. Aussi monsieur des Fléches m'en avoit averti, me voyant deviser avec ce gentilhomme. Il me dit: par le corbeau du bois, ma mie, ce godelureau te scellera un passeport sur le ventre. Cela ne s'est pu détourner; les destinées le vouloient: il est vrai que je l'aimois; & si j'eusse été à marier, je l'eusse aimé pour ami, & non pour mari, d'autant qu'il n'avoit point de chausse-pied de mariage. MÉCENAS. J'ai beaucoup vu & ouï des poëtes à ma table, & en mes particuliers discours, & infinis philosophes & autres docteurs; mais je n'avois jamais ouï parler de tel outil. MADELAINE. Ce sont les filles de ville, & sur-tout de Paris, qui parlent ainsi; & voyant quelque jeune homme qui est pourvu de quelque état ou office, elles disent: il a un chausse-pied à con. MÉCENAS. Je ne savois pas cela. SECTION. XVIII. Bien ai-je ouï dire à Philon Juif, quand il me fréquentoit, qu'il avoit demeuré en un pays, où les gens mariés sont en grand peine, au prix de ceux de ce pays; c'est que, quand l'homme se veut ébattre naturellement avec sa femme, il faut qu'il ait deux serviteurs, ou deux autres personnes ou amis, à la pareille, qui lui aident & le tournent sur sa femme, comme quand on perce le noyau moyen ou bouton d'une roue; & les tours se comptent selon les qualités des personnes, pour faire mâle ou femelle, roi, prince ou empereur. Il est vrai que, si on n'est pas capable d'engendrer ce qu'on a apposé, le bout se trouve si petit, que l'on ne peut plus tourner. Et de-là est venue l'origine des fils de putain, bâtards, avoutres, gueux & pendus; & pour connoître si les tours sont achevés, il est aisé, d'autant que la femme tourne; & c'est le signe qu'il n'y a plus de quoi virer masculinement. Je m'enquis, avec ample diligence, de la cause de cette affaire; & je sus qu'en ce pays-là les femmes avoient leur cas fait à vis; tellement qu'y ayant fait, il faut retourner, comme disoit dame Jaqueline que son cas sentoit le revas-y. MELA. Notre coutume vaut mieux; tant d'artifice est triste; ce n'est jamais bien fait. MÉLANTON. Aussi en faisant, on fait. Mais qui est le sujet le plus imparfait qui soit au monde? Il y en eut quelqu'un qui dit: ce sont les cocus, d'autant qu'ils ont cornes, & ne les voit-on point. Ce sont les chats, ils crient & chousent ensemble; aussi n'y a-t-il animal si farouche, qui ne s'arrête quand on l'affourche. L'AUTRE. Voilà bien à propos! Vous n'y êtes pas, & n'aurez meshui fait. C'est la femme, d'autant qu'il y a toujours à besogner, & sur-tout à celle d'un cocu. MELA. Que diable, vous en voulez bien à ces pauvres cocus! Je pense que vous le soyez, ou l'ayez été, ou ayez envie de l'être, comme un beau financier qui n'a pas payé son état. Et là-dessus, monsieur le beau diseur, je vous demande, qu'est ce qu'un cocu? C'est, dit Vigenaire, un oiseau qui pond au nid d'un autre. GEBER. C'est bien chié en trois lieux. Il faut, à ce que je vois, que je vous leve le voile qui empêche votre coeur de comprendre les sciences; & je vous dirai des choses notables. Ce fut par la déclaration de ce secret, que l'empereur des Turcs me fit si grand, quand je reniai le christianisme, où je retournai pourtant, à cause que l'on m'apprit la vérité de la pierre: & pour le sujet proposé, il n'y a personne qui vous en parle plus sainement que moi, & sans passion, d'autant que j'ai été cocu. Dieu merci, je me porte bien: qu'ainsi soit-il de vous. Et de cela je m'en trouvois bien, sans m'en fâcher, d'autant que j'en étois fort aise, parce que j'étois toujours le maître: on me craignoit, révéroit & honoroit. Et qu'avons-nous davantage en ce monde pour l'accomplissement de nos desirs ambitieux? Or, sachez tous en gros & en détail, que le cocu est un animal capable de douceur, humble & pacifique, craint, redouté & honoré de sa femme, & des amis d'icelle, desquels il est considéré comme maître du gibier; & ne se faut pas amuser au nom de cet oiseau, mais d'un autre plus meilleur. Il n'y a guere d'animaux entiers mâles qui aient plus de faveur que le coq (entier est le contraire de châtré) puisque je vois que vous le voulez savoir; le coq a plusieurs femmes qu'il fournit & appointe, tant il est délibéré & bon; mais sitôt qu'il est usé, les poules le chassent & le battent, & n'en veulent plus, & ainsi le destinent à châtrerie, & en admettent d'autres vigoureux & bons. Ces femmes qui couvent & font des cocus, sont de même naturel que les poules. Qu'ainsi ne soit, une femme prête à faire l'enfant, crie comme une poule qui veut pondre: je voudrois être morte. Etant délivrée, elle chante comme celle qui a pondu; il n'est que l'être; cependant que le coq chante: _qu'un con est cru!_ & s'en rit, disant: je le fais quand je veux. Ainsi sont nos femmes en leurs actions & desirs, tellement que, leurs maris étant usés, ou les estimant tels, ou les voulant ménager de peur de les user, vont à d'autres: en quoi je vous admoneste de la différence du péché mortel & du véniel. Le péché mortel est, si vous allez voir la femme d'autrui chez lui, & qu'il vous tue; sans faute la mort sera toute notoire. Faites venir la dame chez vous; le péché sera véniel. Les dames faisant ainsi le petit divorce vertueux, il ne se peut faire que les sages amies ne le sachent; parquoi les avertissant de leur salut, elles leur disent: comment, pauvre femme, ma mie, votre mari est donc cocuusé? Et ce mot venant à être commun, & qu'aussi on coupe la queue à ces pauvres innocens, on dit simplement cocu: & certes, sans mahumétiser, je vous dirai que c'est bien avoir la queue coupée, que de la mettre en danger d'être prophanée dans un évier public ou commun. Or, le cocu est un oiseau qui, pour ce qu'il a deux pieds, chante mieux & plus distinctement que nul autre, ayant de la raison jusques au cul. Que si cela passoit outre, il ne seroit pas cornard. ZABAREL. Mais voyez cet alchimiste, comme il avale gros & mâche menu! Je ne sais s'il court comme il attrape. _Corpo di gallina_. J'ai fait tout ce que j'ai pu, pour savoir & entendre parfaitement la philosophie: mais je vois que jusques à cette heure, s'il dit vrai, je n'y ai rien entendu. Il n'est que monnoyeur pour se connoître en billon. Notre ami & bon maître Aristote ne fait aucune mention de tels oiseaux. Notez bien ce que je dirai à l'honneur des dames, contre celui de tantôt qui les appelloit bêtes, afin que l'on n'ait pas opinion que je fusse entaché du péché qui les fait hair. Je dis que ce fat étoit tant niais, tant veau de dîme, âne de plat pays, sot d'outre mesure, Badeau de Paris, & bestion de si grande conséquence, qu'il pensoit que ce mot _animal_, fut à dire _bête_. Il me fit souvenir de feue Conscience, belle courtisane, qui ne vouloit pas que ma petite chienne fût une créature, & ne lui plaisoit pas d'être animal. Hoi, disoit-elle; Bichonne n'est point créature, & je ne suis point animal. Or, maintenant j'ai reçu une grande lumiere d'entendoire; je suis illuminé comme un fallot qui tombe tout du long d'un degré, & je conçois qu'il y a des oiseaux de poing, des oiseaux de leurre, des oiseaux d'épaules, comme ces oiseaux de maçons, & des oiseaux de selle. Les deux premiers, je les laisse à messieurs de la volerie, autrucherie, fauconnerie, & autres qui savent appliquer le vent aux aîles. Je croyois qu'il y eût des autruchers qui portassent les autruches sur le doigt; & les derniers je les spéculerai: d'autant que je trouve, en les minoisant intelligiblement, une grande, creuse & profonde sapience, en tant qu'ils se font naturellement, & se procréent par imperceptible transpiration de substance, faisant une grande mutation sans changement, acquérant une forme sans altération. O admirable & épouvantable secret, entre tous les secrets! Ceux qui ainsi deviennent oiseaux, le sont parfaitement, sans qu'on les touche, sans qu'ils le sentent, & souvent sans qu'ils le voient ou sachent; de s'en douter, gare! Il est permis de se douter de tout: n'y a presque homme qui n'en ait quelque doute. Or, pour être cocu, il en faut être capable; & pour cet effet, il faut avoir une femme épousée; & ne faut pas seulement avoir égard à la mine ou encolure mystique qu'un homme en peut avoir, à cause de l'influence sous laquelle il est né, selon son idée naturelle & prédestinée: mais il faut considérer le vouloir & pouvoir des parties intervenantes en cette métamorphose, qui agit exactement autant de loin que de près. Il n'y a rien en tout de semblable; &, disent les alchemistes ce qu'ils voudront de leur poudre de projection, ou cendre à faire des nuances; cela n'est rien au prix, d'autant qu'il faut qu'il y ait de la présence, ce qui est le contraire en ceci. Celui qui aura fait le fou tout le long des jours gras, n'assagira pas le mercredi par la cendre, si elle ne lui est posée en propre personne présente. Et tel sera joyeusement cocu, quand il seroit à l'autre bout de la terre; & ce en un instant. Cette forme court plus vîte que l'éclair. On dit, selon le conte des bonnes femmes, que les tortues couvent leurs oeufs avec les yeux: aussi font tous animaux, parce qu'ils ne les laissent pas, si de fortune ils ne les ont perdus, comme la borgne, à laquelle nous savonâmes tous les fauxbourgs du derriere, l'année passée. Et bien les oeufs de tortues, auxquels elles ne touchent point, éclosent à la fin; & il se fait une mutation formelle, comme il convient ès transformations naturelles, si elles ne sont chimico-mentales. Ces changemens se voient en ce qui est commun; mais en ces oiseaux rien n'y paroît de changé, ni en la forme, ni ès accidens, ni en la naturelle, ni en l'espece intrinseque, ès formes qui se reçoivent sans mutation de substance; encore y a-t-il du mouvement au sujet de muance. Mais en cettui-ci, soit qu'il s'émeuve, ou ne s'émeuve point, & quelque absent qu'il soit, il est pénétré, transpercé, outrepercé, surpris, enduit, enveloppé, & tellement organisé en spécifique & disposée formation, que subitement, subtilement, tout d'un coup, voilà un homme cocu, comme il sera démontré tantôt. EPÎTRE. XIX. NICOLE. J'ai ouï autrefois en notre ville de Paris, un prêcheur, (je ne dirai pas de quel ordre, de peur de scandale) qui se mettant à prêcher, fit une ample déclamation des péchés. Comment, disoit-il, encore celui qui jure, il relâche son coeur & demande pardon; celui qui vole, c'est pour s'accommoder, & ainsi des autres, comme dit notre rime. Pere & mere honoreras, Afin d'avoir bien de l'argent. L'oeuvre de chair n'accompliras, Qu'avec les belles seulement, Faux témoignage ne diras, Qu'en mariage seulement. Mais celui qui paillarde, hélas! que fait-il? il fout. Si cela duroit toute la vie! Que dis-je, toute la vie! S'il duroit un an! Que dis-je un an! S'il duroit un mois! Que dis-je, un mois! S'il duroit un jour! Que dis-je un jour! S'il duroit une heure! Que dis-je, hélas! une heure! Hélas! le puis-je bien dire aux pauvres dévoyés? Hélas! quoi? il ne faut que zac, zac, zac; voilà une pauvre ame damnée. Aussi monsieur de Senlis disoit: vive la majesté de dieu, vous êtes pécheurs. Quoi! Et en ce péché de luxure? Et que pensez-vous que ce soit? C'est une petite planche qui n'est pas plus large que deux doigts, sur laquelle étant, soudain on trébuche. Et dis que tu en as, viel hérétique de tous les diables. Si vous êtes de cette chouserie-là, allez à Genêve. GEBER. Mais encore à ces cocus, que si, à la fin ou plutôt, il vient à le savoir & qu'il s'en fâche, il sera un sot, s'ennnuyant de chose qui ne diminue ni accroît sa substance, parquoi il sera encore plus fat. Il doit avoir cette gloire en son coeur de l'être, sans en faire semblant, d'autant que tels sont honorés & bénits; & on se moque de ces pifres, qui veulent faire les savans, & se tourmentent comme ânes trop sanglés. Or jamais les antiques docteurs ne spéculerent tant avant, que l'on met avant ces formes qui sont tant excellentes, notables & mystiques; & certes ceci est proprement ce qui est & n'est point, & qui s'acheve sans être commencé, comme est dit que l'homme & la femme ne sont qu'un corps: par quoi un ministre & sa femme ne font qu'un: _ergò_ un ministre est mâle & femelle. Quant à ces formes, elles n'ont point d'heure: il ne faut point spéculer les astres; les temps ni les momens n'y servent de rien, qu'à y apporter de la commodité; tous instans sont propres à les faire subsister; & toutes rencontres bonnes à les exciter, pourvu qu'il y ait de la vigueur aux doux heureux outils de formation naturelle, & que l'on sache & puisse. O belles contemplations, que vous êtes vigoureuses & grandes? Ces beaux discours me font voler encore plus outre, connoissant le naturel des bons seigneurs, à qui la fortune donne de devenir oiseaux; & je m'ébahis qu'en France & en Perse, nations tant symbolisantes, on ne le désire plus qu'on ne le fait. Je ne le dis pas sans cause, moi qui suis gentilhomme, & qu'en tels pays chacun desire l'être; & pour être gentilhomme, faut avoir droit de pont-levis; c'est avoir deux brancards sur le front, lesquels on passe ainsi que la tête de bécasse béant aux étoiles. Beaux oiseaux, vous m'apprenez beaucoup de bien; je sais à cette heure & tout maintenant, que pour votre seule occasion, Normandie est appellée le _pays de sapience_, d'autant qu'en ce pays-là les belles, bonnes, grosses, grasses bécasses y sont nommés vis de coqs, quasi _vis de cocus_: aussi _vis_ signifie _visage_ en vieil françois; donques _visages de cocus_, c'est-à-dire, _vis de coqs_, sont bécasses, d'autant que leurs têtes sont les propres archetipes visibles des invisibles visages des cocus. Cette intelligence & propre interprétoison vous ôtera de peine, quand vous en orez parler. Si la belle Dubois (qui servoit madame l'amirale, notre chere & révérée dame; je ne sais si je dis encore bien, parce que l'âge m'a ôté la mémoire) eût su ce que nous venons d'apprendre, elle ne fût pas tombée en un tel inconvénient. Cette demoiselle étoit fort agréable à sa maîtresse, parce qu'elle savoit une infinité de petites gentillesses & galantises qui sont communes, & toutefois secretes, mais utiles à la cour. Il avint une fois qu'il n'y avoit point de compagnie étrangere, madame devisoit avec la Dubois, & lui disoit: ma mie, vraiment je vous aime; j'ai envie de vous avancer & faire du bien: continuez à me bien servir. Mais encore, ma mie, qui vous a appris toutes ces gentillesses? Madame, dit elle, c'est une demoiselle avec laquelle j'ai demeuré quelques années. Comment la nommoit-on? Excusez moi, madame, je ne vous l'oserois dire. Pourquoi, ma mie, en avez-vous honte? N'étoit-elle point femme de bien? Elle étoit fort honnête & très-femme de bien; elle avoit une bonne prud'hommie de femme; mais son nom est trop laid & trop déshonnête à dire: je ne vous le dirai pas, s'il vous plaît, madame. Si vous ne me le dites, je ne vous aimerai plus; mais dites-le moi, les paroles ne sont point sales. Puisqu'il vous plaît, madame, je le dirai; mais aussi vous m'excuserez. En dà, j'en ai grand honte: elle se nommoit mademoiselle de Courvi. O ho, ma mie, & est-ce là ce qui vous retenoit? Vous ne savez que mon nom? Ne savez-vous pas comme je m'appelle en mon surnom, qui est le nom de notre famille? De Lonvis. Hà, madame, que votre nom est beau! Voilà comment on apprend, en hantant les sages: ainsi par hantise se forment les têtes de bécasses & compas mesurant le ciel. Telles sont, ou peuvent, ou doivent être les armoiries des doctes; à propos des entendus, auxquels ainsi en puisse prendre; notamment aux marchands, qui refusent crédit aux notaires, qui ne croient pas ce que l'on dit; & à toutes sortes de gens mariées, qui parlent de vexer & faire ennui aux pauvres petites clientes qui font plaisir aux gens de bien. Ainsi puisse le monde abonder en cocus, afin qu'il s'envole bientôt, s'il y est destiné. AGESILAUS. Quel est l'oiseau qui chante plus haut que le cocu? ALCIBIADES. C'est l'hirondelle, qui est en la cheminée, tandis que les cocus sont dessous, lesquels elle couvre. CANON. XX. Que vous plaît-il? J'y étois. Nous faisions si grande chere chez ces cocus, que nous jettions les portes par les fenêtres: cela s'entend sans le dire, comme les heures d'un jeune chanoine. GEBER. Taisez-vous, causeurs; vous direz quelque folie dont on vous fera bien repentir. ALCIBIADES. Taisez-vous vous-même; à qui vous joue-tu? Mais, encore à propos, qui est le plus fou de nous deux, ou vous qui lisez & oyez ceci, ou moi qui vous le propose, ainsi que dit notre féal Socrates François? GEBER. En bonne foi, monsieur, moi qui écris ces galantises, je m'en donne le plaisir le premier; & y a différence entre vous & moi, comme entre un pourceau & ma philosophie: oui, ne suis-je pas philosophe? Sachez donc que je fais bonne chere de ceci: puis l'ayant digéré, je le baille à remâcher, ainsi que quand j'ai bien dîné, je vais fianter; & un pourceau vient qui en fait son profit. L'AUTRE. Et cependant qui pensez-vous que je sois, moi qui vous produis tant de témoignages de parvenir? vous me pensez faire honte: & j'en rougirai comme un vaisseau d'albâtre. Je veux donc que vous sachiez que je suis moi; vous, vous êtes vous; toi, vous êtes toi; & si, je ne m'en soucie pas. Il est vrai que j'ai regret, pour l'amour des ignorans, de mettre ceci en la plus magnifique langue du monde; témoin Charles-Quint, qui disoit que les Espagnols parloient en glorieux, les Allemans en charretiers, les Italiens en charlatans, les Anglois en niais apprivoisés; mais les François en princes. Et de fait, il n'y a que ce livre, & les belles tragédies ou graves histoires, qui aient grace en ce langage: toutes badineries & contes de jongleur n'y paroissent point. Voilà pourquoi, ayant tant de majesté en ceci, lui en donnant davantage, j'ai grand peur que ceci ne soit difficile, que chacun le cachera, de peur aussi que les secrets ne soient divulgués; en quoi je crains un notable accident pour le pauvre peuple, si les destinées n'y ont prévenu & pourvu. Or est-il, & je le sens à la disposition de ma fressure, que les bons destins m'ont contraint de faire ce que je fais, pour honorer le monde. Aussi j'eusse mis ce livre en une autre langue; mais tout a son tour. Si ce n'eût été de peur de faire dormir la jeunesse, je l'eusse mis en la langue de veau; mais quoi! la vicissitude des choses l'a emporté. J'eusse bien dit des chouses, sans que je sais comment il faut parler, d'autant qu'il n'y a gueres de femmes, qui écrivent ce mot de chose, sans y faillir. Ignorez-vous pourquoi le vulgaire en Grece ne parle plus grec, en Judée hébreu, en Italie latin; & la cause pour laquelle ces bons langages ne sont plus vulgaires? Oyez cette vérité que je prononce. C'est pource que les sciences y sont traitées, & sur-tout la doctrine du maquerellage en latin, & que l'on n'a pas voulu que les disciplines fussent communes au peuple. Partant, on a caché les langues, pour, avec leur secret, ne les communiquer qu'aux gens de bien & d'honneur, ainsi que langues de boeuf à la cheminée, qui ne sont pas pour les gueux, au moins par délibération, si que le menu peuple n'y peut toucher. Et ma crainte, qui sans doute aura occasion de durer, d'autant que ce que je crains aviendra, c'est que ce livre venant à être goûté, savouré & digéré, on tâchera d'abolir le françois; & ôter de la bouche du peuple ce beau langage, de crainte que ces bonnes & meilleures doctrines ne viennent à tomber entre les mains du populaire, qui, avenant tel cas, feroit aussi aisément la pierre philosophale que les doctes, qui sans faute la trouveront ès rencontres où nous parlons plus finement, & disons des choses que des blasphémateurs prendroient en un autre sens; & pource il les faut bien & diligemment peser. Il y a encore un autre danger de plus grand mal: c'est que si j'eusse fait ce livre en grec, la médecine fût périe; si en latin, les loix eussent été abolies: & ne s'en est gueres fallu, que je ne l'aie mis en hébreu, pour faire plaisir aux théologiens, qui seuls eussent eu tout ce labeur, qui est la quintessence du Coras, des Talmuds, du Sefetholan, du Zoar, & tels livres faits ou à faire, ce que je n'ai garde, & n'en ferai rien, par dépit d'un moine huguenot, qui disoit que ceux qui étoient en colere, & ne juroient point, étoient hérétiques. Quelque tonsuré à poil folet, quelque docteur confit au serpolet, quelque fabricateur de prosélites; bref, quelque fat se pourra formaliser, & selon sa cervelle hypocrisifiée, dira de moi, de tous mes amis & de ceux qui font état de ces pures & parfaites disciplines, & prononcera que nous sommes tous excommuniés, comme une paire de beaux petits couillons sacrés. (Et pourquoi ceux-la plutôt que les autres?) La premiere fois que j'allai en Normandie, je n'y étois jamais venu, encore que j'en sois, comme je crois, ou d'autre part; mais que ne vous déplaise, je suis le premier Manceau qui l'a confessé. J'étois avec le sage Bouilli, philosophe autant naïf, qu'un oison paté. Devisant un jour avec sa femme, & lui disant que par dépit que je ne pouvois devenir riche, je ferois comme les freres mineurs: je vouerois pauvreté. O, ho, dit-elle, monsieur mon ami, qu'il ne vous vienne point d'envie d'être pauvre. Si vous l'étiez, tant de gentilshommes, seigneurs, & autres, tant dames que demoiselles, ne vous feroient aucun accueil, parce que l'on ne fait plus de cas de pauvres que de couillons: on les laisse à la porte; jamais n'entrent. De cela je me souviens qu'il étoit vrai; & qu'à ce fort jeu, la charrue va devant les boeufs, comme dit Martial notre ami; & les sacrés encore davantage, qui n'en osent approcher du tout. MARTIAL. Vous êtes bien trompé d'autant qu'il n'y a gens qui soient plus sur le cul que moines & gens bénis, ministres & savans qui étudient assis; & qui au lieu de conserver les saints ordres qui leur ont été conférés les quittent; & abandonnant l'ordre de dieu, se rangent aux ordres du diable, qui leur confere grace d'être plus ribauds que jamais, & plus putains que les autres gens. Je m'en rapporte à l'antique de Mairmoutier, qui se plaignoit que tous ses moines étoient paillards & avoient des garces; & voyant passer un jeune dispos, qui traversoit vers la boulangerie! je gage, dit-il, que même ce petit rustre en a une. Il l'appella, & moineau d'approcher. Il lui dit: n'avez-vous pas une garce comme les autres. Non, monsieur, dit-il, faisant une grande révérence; je ne suis pas encore _in sacris_. Margot ma commere, qui mangeoit de toutes ses dents, s'avisa de ce mot. En dà, me dit-elle, vous avez tort de parler toujours ainsi en latin devant les femmes. Elle étoit tant attentive à mâcher, qu'elle n'avoit ouï que cette parole; & continuant, s'adressa à un homme d'église, & lui dit: est-il pas vrai, monsieur l'aumônier, qu'il a tort? Dites donc, n'a-t-il pas tort? A vos trois vis? Et il lui répondit: à _vostracons_, madame. MARGOT. Je disois, _à votre avis_, dà. Qu'il faut parler sagement devant vous! Non, je n'en ai qu'un, dont je suis bien empêchée; chacun me le demande; je voudrois pouvoir le bailler à rente, afin qu'on ne m'en importunât plus. Encore si on pouvoit s'en aider sans que j'y fusse, cela iroit tout le jour. L'AUTRE. Vous dites que vous n'en avez qu'un; & je ne sais s'il est entier. MARGOT. Pour le vrai!... L'AUTRE. Tout beau! ne jurez pas; & principalement ce juron, qui est toujours en la bouche des putains, si on vous oyoit, que diroit-on de vous! MARGOT. Oui, oui; il est tout entier & joyeux; je n'y eus jamais mal: je voudrois en être toute; je n'aurois mal nulle part. L'AUTRE. Mais pourquoi desiriez-vous donc tantôt qu'il fût séparé de vous? MARGOT. Demandez-le à monsieur Robin, qui a été à Lubec, pour l'amour de ce qu'il m'en a dit. Je voudrois faire de même, nous vous le demandons, monsieur. Nous ne lui avons pas fait dire. ROBIN. Ecoutez donc ma ratelée. THÉOREME. XXI. Lubec est une ville fort bien policée, & où il n'y a point de pauvres; & la raison occasionnée en est, de ce que toutes les personnes ne sont comme ici & surtout pour le commun: de sorte que ceux & celles qui naissent de bas lieu, n'ont rien entre les jambes; les mâles n'ont qu'un petit tuyau insensible, & les femelles qu'un petit pertuis à pisser, y ayant ès endroits formels de certaines cicatrices à ressort; esquelles on peut appliquer les outils naturels de génération, s'il en est besoin; & tels membres sont conservés par la république avec grande diligence & soin: si bien qu'il ne s'y en trouve point de vieils, d'autant qu'ils les accommodent, de sorte que les ouvriers les tiennent en l'état de quinze à vingt ans; & tels sont à la maison de ville, réservés pour les pauvres & moindres personnes: en quoi il est bon à considérer la sagesse de ce peuple, pour autant qu'il n'appartient pas à ces cocus d'avoir autant de plaisir & si souvent, que les honnêtes gens. De ces outils, lorsqu'il en est nécessité, on les loue; (parquoi on les appelle _banniers_) qui servent à la commodité des gens de basse condition, pour avoir des enfans & faire des serviteurs, de peur que l'engeance s'en perde; & ces conbaniers & vibaniers sont comme fours, dont chacun paie le louage de ce qu'il en a pris. (Ce n'est point salauderie de dire ainsi, puis qu'il est permis de dire _confitures_.) Que s'il avient que ceux qui les demandent, soient si nécessiteux, qu'ils devinssent gueux, on les leur refuse: par ainsi, vu l'égard de cette bonne police, il n'y a point de cagnardiers. Même, ce qui en bien utile, les valets ni les chambrieres n'en ont point; il est vrai que _gratis_ on leur en prête en les mariant, après avoir bien servi. Aussi bien souvent avant que les marier, monsieur & madame leur prêtent les leurs par plaisir: ce qui est chose qui fait moult bon voir; & pource que, quand une chose a servi à quelque sujet, elle s'en sent toujours, ainsi que quand une chienne a été couverte d'un chien noir, & qu'elle en ait fait, il aviendra que toujours elle en fera; de même, dieu sauve la chretienté; il avient à cause de ce prêts, qu'il y a de grands seigneurs qui ressemblent à des valets. Mais retournons aux banniers. Cette loi est bonne. Aussi quelle apparence y a-t-il que gens de peu, & qui ont besoin de pain, aient du plaisir, comme prélats & honnêtes gens? Foin, foin, ôtez cela: ce n'est pas le chausse-pied, dont on coule en cet escarpin. Ce n'est pas tout dit une affetée; je ne suis pas content. Qui est-ce qui a parlé des putains? C'est moi, dit Alcibiades. Vous êtes, lui dit-elle, aussi un vrai ruffien. Maudites sont ces sottes, qui le prêtent aux causeurs! Si j'en avois cent, je n'en prêterois pas la moitié d'un à telles gens. ALCIBIADES. Non dà, vous le prêteriez tout entier: mais je ne parle pas de vous; vous êtes Tourangelle. PIERRE L'HERMITE. Ces Tourangelles sont chiches & sujettes cruellement à l'argent; toutefois, je ne sais s'il y a du mal; mais j'ouis une fois un Parisien, qui, parlant des Tourangeaux, les appella bougres de Tours. MADAME. C'est qu'il vouloit dire _bougrans_, pource que les bons bougrans s'y font. PIERRE L'HERMITE. Voire, voire! C'est que, durant les guerres des huguenots, les dames d'Orléans, bonnes catholiques, s'enfuirent à Tours; & les Tourangeaux, pour les désennuyer, les couvrirent. Aussi l'on dit _chiennes & chiens d'Orléans_. MADAME. Et delà est venu ce méchant & détestable proverbe! Que voulez-vous dire de couvrir? Quoi! ils couvrirent leurs yeux? Ils leur donnerent des couvertures? PIERRE L'HERMITE. Par saint Picot, tu nous la bailles belle! Je dis qu'ils habiterent & dormirent avec elles. BOECE. Habiter & dormir n'apportent rien d'extraordinaire. PIERRE L'HERMITE. Le diantre soit le stoïque: (j'ai quasi dit _sotique_.) ALCIBIADES. Eh! bien le voici. Habiter est à la réformée; & dormir à l'hébraïque; tellement qu'entre dormir avec une femme, ou habiter en théologien, c'est faire la belle rage que vous entendez, qui se dit aussi la _cause pourquoi_. MADAME. Mais ne m'abusez point; je suis femme de bien; il me faut satisfaire: achevez, pour effacer l'injure que vous m'avez faite. ALCIBIADES. Dites-moi quelle différence il y a entre les femmes de bien & les autres: & puis je tâcherai à vous contenter. MADAME. Bien je le veux; aussi-bien ai-je été l'une & l'autre en tout honneur: voilà pourquoi je l'entends; & sinon que je suis usée comme la braguette d'un postillon: le maître vous le dira; j'ai autre chose à dire. SOMMAIRE. XXII. Quand je fus mariée, pour être faite femme de bien, je portai de mariage plus de dix mille francs que j'avois? ainsi que font plusieurs filles de bonne maison, gagnés à faire plaisir à mes amis. Que plût à dieu qu'aujourd'hui le monde fût tel! Il n'y a plus de bonnes personnes pour bien aimer. Il y a quarante ans que l'on m'aimoit de si bon coeur; voire, de parfaite fressure: & aujourd'hui, on ne fait que feindre. Il n'y a plus de bons coeurs d'amour; on n'aime plus. ALCIBIADES. Toutes les vieilles parlent toujours ainsi. MADAME. Taisez-vous, causeur; & me contentez. ALCIBIADES. Vous n'avez pas fait tout ce que je vous ai dit. MADAME. Vous n'avez donc pas écouté? ALCIBIADES. Si vous ne savez que cela, soyez encore autant toutes les deux, pour en apprendre davantage. Or je vous dis que je ne sais comment on fera; vu que, si vous en ôtez environ de demi-pied de place, ce sera tout un. Toutefois, je vous dirai que j'ai ouï dire à un vieil spéculateur, qu'il fit un commentaire sur ce que vous avez dit de cette différence notable; qu'elle est telle que d'un moine à un fou. Ils ont capuchon tous deux. Aussi femmes ont de quoi contenter tous hommes capables; mais leurs vaisseaux sont différens, d'autant que l'un est à honneur, & l'autre à déshonneur. Et s'il y a bien pis; c'est que femmes de bien, souvent ressemblent aux fous, d'autant qu'elles ne savent jouer que d'une marote; & en fasse son profit qui pourra. Vrai est que bons ouvriers savent s'aider de plusieurs outils, pour bien faire; & dit-on que les enfans de femmes, qui font ainsi, ont volontiers le poil de deux couleurs, ou ont telles ou telles marques dissemblables, au respect des femmes de bien. Quant aux putains, je vous dirai ce que j'en ai appris, durant que je hantois la cour emputannée de Perse, & les gens du monde: j'oyois quelquefois que l'on disoit de quelques grands, qu'ils étoient maris de putains: j'étois si badin, que je croyois que c'étoient cocus, d'autant que le hazard des grands personnages est d'être cocus honorablement. La cause que les habiles gens courent cette fortune est, que l'échet de la tempête tombe volontiers sur les plus hautes pointes: or j'ai été relevé de cette fausse intelligence. Vous devez savoir, (oui, vous le devez, je vous en montrerai l'obligation) que, du tems des premiers hommes, il y eut en Mésopotamie une dame qui se fit reine absolue; & tous ceux du pays, qui parloient en hébreu corrompu, la nommoient _putain_, c'est-à-dire, madame, en langue babylonienne, comme dit Balaam en ses étymologies imprimées, avant mille ans, en la Chine. Notre hôte & bon ami en prêta le livre à Scaliger, quand il passa par Tours. Vous trouvez en ce livre, si vous le lisez, que la reine signifie _demoiselle_; & vesse, vaut autant à dire que _fille d'honneur_: aussi pour le mystique honneur qu'on porte à l'église, on appelle leurs contubernales _vesses_. Depuis ce tems-là, les dames qui ont eu de la réputation, & ont été grandes par le monde, & relevées en honneur, ont voulu être putains; nom qui a été fort révéré pour la révérence portée à la vénérable antiquité; & n'y a pas long-tems, ainsi que tantôt l'a bien remarqué l'autre, que par honneur, quand on parloit des dames de la cour, voire des plus sages & honnêtes, on disoit, pour dénoter cette honorable assemblée, _le bordeau de la cour_. Par cela, belles gens, vous ne serez plus scandalisés, (je le dis, parce qu'il y en avoit qui chavissoient les oreilles, comme ânes en appétit, d'autant que Platon n'avoit point reparti, quand il a été appellé fils de putain; aussi les sages ne s'étonnent & ne se formalisent de rien): or d'autant que, pour paroître en magnificence, il faut triompher, les dames qui étoient putains, _id est_, grandes, triomphoient & alloient à la guerre. Mais parce que, du commencement, à cause de leur délicatesse, elles ne se pouvoient bien accoûtrer au harnois, pour s'y façonner, elles joûtoient nud à nud avec les hommes, & ainsi en essayoient plusieurs, pour se rendre plus adroites, accomplies & fermes aux combats, afin de vaincre heureusement; ces joûtes se faisoient bravement. Depuis, les femmes, qui en ont ouï parler, & qui, à cause des troubles, n'ont pas vu clair aux histoires; & qu'aussi les choses déchéent, n'étant pas si roides ni vigoureuses que celles-là, venoient à la joûte pour se rendre leurs pareilles; & ayant peur en tombant de se blesser, ont fait tendre des linceuls & beaux draps. Après, la paix étant faite, & qu'il falloit néanmoins entretenir les courages par les exercices, afin d'y avoir plus de grace, on s'est mis entre deux draps sur de bons lits. Les femmes communes, je veux dire le reste des autres femmes, qui oyoient parler de ces joûtes, vouloient les essayer; & ainsi voyant qu'il étoit licite d'entrer nud à nud, comme aux étuves, entre deux draps, elles ont rendu cela si commun, comme vous savez, que depuis, on l'a eu en dédain entre les vieillards dédaigneux & hypocrites, ou chatemites; & ainsi le métier se prophanant, ce beau & vénérable nom de putain est tourné en opprobre & risée, ainsi que le saint nom de _tyran_ a été viré en mal. Je vous dirai pourtant que les galants diseurs & écrivains, se voulant relever sur le bien dire, & orner de belles fleurs leurs propos, tirant de l'antiquité de beaux mots & des dictions étranges, pour avoir de belles paroles, usent souvent de ce mot de _putain_ en bonne part, & selon sa vraie signification, comme fait Virgile, usant de ce mot de _tyran_. MARGOT. Mais encore, dites-nous pourquoi avez-vous parlé des femmes de prêtres? est-ce pour déplaire à quelqu'un? ALCIBIADES. Non, ou je me contamine, je m'abomine, je déteste, je trentemille, je précipite, j'horrible, je... SOCRATES. Oh taisez, taisez-vous; faites-le boire qu'il ne soit enragé: ne blasphémez point, pour vous facher sans qu'aucun s'en soucie, parlez amiablement. ALCIBIADES. Ecoutez-donc; je ne suis plus en colere; elle passe aussi légérement qu'un baiser de bien-venu, & avisez à l'antiquité, mere de ce siecle. Telles dames, comme vous savez, sont subrogées aux sages & saintes vestales. Celles-ci sont donc vestales? Et parce que cela est rude à dire, on dit _vessailles_; & pour veste, radoucissant ce mot à la françoise, on dit facilement _vesses_, parce que cela coule plus doucement en votre nez. TURPIN. Or ne vous faites point de discours, sur ce qu'ils ont des femmes ou non; je vous dis & déclare: que qui n'aime point l'animal de société, qui ne fait point de cas des femmes, est sot & méchant, ou sodomite. Si, laissons ces loups-garoux, instrumens de toute souillure, un homme, qui honnêtement aime une douce femme, est humble & gracieux: mais cettui-là qui les rejette, est de qualité d'usurier, médisant, malin, ennemi de dieu & des hommes, & qu'il s'aille faire couper le bout; zest, c'est autant de cas raclé. Voilà une affaire faite, aux autres. POMPONATIUS. Les femmes hantant les gens d'église, ne sont pas leurs femmes. Vraiment, vous y êtes! Non, elles sont chambrieres, puis femmes, puis dames & maîtresses. STANCE. XXIII. Ces chambrieres ne sont pas ainsi que celles du monde. Savez-vous comment elles tiennent serf le petit monsieur, & si c'est avec tout honneur? Qu'ainsi ne soit, prenez-y garde: quand ce ne seroit qu'un gueux, si elles parlent de lui, elles diront _monsieur_ sans queue. Elles ne sont pas comme cette demoiselle, qui, s'estimant plus noble que son mari, quand elle parle de lui, dit: _celui-là_. ME. PIERRE DU FOUR-L'ÉVEQUE. Encore que je ne vous fasse que verser à boire, si me ferez-vous, s'il vous plaît, l'honneur de m'ouir, en la défense des femmes, dont avez parlé, & auxquelles j'ai part. Quand j'étois vicaire, j'avois une femme à la mode & usage de vicairerie; depuis, m'étant remis au monde, elle fut ma femme, épousée selon les droits & usages des autres gens. Quand les femmes du premier ordre ou du saint, & principalement celles des pauvres prêtres, parlent de leur ménage & proficiat, elles disent, (non point comme femmes absolues, elles ont bien plus d'honneur au respect de leurs maîtres; témoin celle de messire Blaise, qui, au four, se plaignant de leur petit moyen, ajoutoit: hélas! encore si ce n'étoit nos messes, je ne sais que je serions), mais ce n'est pas tout, elles se tiennent si bien pour femmes, que, si celles des vicaires trouvent celles des messieurs, elles leur feront honneur; & celles des chanoines suivent la dignité & rang de leur monsieur. Et pensez-vous, vous qui en riez, que cela ne soit pas vrai? Pour vous le faire croire, je m'en rapporte aux gueux, qui, aux grandes fêtes, les voyant venir de la premiere grand-messe, leur crient ainsi: nobles chambrieres, ayez pitié de moi. Voilà, messieurs, ne vous déplaise; il vaut mieux en avoir chez soi pour s'ébattre en bon chrétien, que d'aller, comme méchant voleur, courir çà & là, en danger d'être pincé au colet, comme Cornu, qui mourant de la vérole, soupiroit, disant: hélas! je connois maintenant que c'est chose moult sainte & juste, que vivre de ménage. ARETIN. _Voi havete molto parlato delle putane; ma tu non hai ben inteso che è questo; ne sapete l'etimologia della putana, per che voi dobete saper una ragion maravigliosa, & notare la derivatione di tanto nome è celebrato, non solamente da noi, ma da tutto il mondo. Ascoltate donque, e notate che putana si dice, per che gli putte la tana._ Fernel se fâcha de cela, & dit que les choses puants sont ceux de celles qui font des enfans, d'autant que le cul y passe, merde & tout; mais ceux des putains sont si souvent brayés & savonnés, qu'ils ne puent point, & que l'Arétin y mette le nez, pour moult voir. PLAUTE. Il étoit bien question que ce maquereau d'Arétin nous vînt troubler & en parler, quarante lieues après la premiere parole. Il a fait comme le prince de delà les monts, qui demandant à Paris, per infor de velurs, & le marchand qui pensoit qu'il dit en prendre grande quantité, lui dit: bran, bran. Ce seigneur étant sur la montagne de Tarare, s'en souvint, & demanda à ses gens que c'étoit à dire bran. Le plus hardi lui dit que c'étoit merde. Ha, dit ledit seigneur, en ta gorge, marchand de Paris. C'est lui-même, qui ayant mangé des lentilles qui lui avoient échaudé la goule, & se trouvant en un champ, comme on lui eut dit: que ce qui s'étoit levé étoient lentilles; piquez, piquez, dit-il, qu'elles ne brûlent pas les pieds des chevaux. PIERRE L'HERMITE. Mais rentrons, à propos du ménage de Cornu, qui est de se tenir constamment à une chose, de peur de pis: toutefois le bon pere Perault m'a appris qu'il y a trois sortes de chouses, dont il se faut garder. TURPIN. Quels chouses? PIERRE L'HERMITE. Chouses à travailler naturellement; chouses à chouser; chouses que les femmes portent, sans les laisser à la maison: je ne saurois mieux dire, si je ne les nommois pas la tête du consistoire. Or, ces trois chouses sont, l'armé, le trop hanté, le pauvre. Gardez-vous du con armé, de peur d'être tué, en faisant le péché mortel. Je vous assure qu'il n'y a point de plaisir à l'être, non plus qu'à se faire pendre, quand on ne l'a pas accoutumé. D'un trop hanté, crainte d'avoir occasions judiciaires. MARGOT. Qu'est-ce? PIERRE L'HERMITE. Causes, pour lesquelles on seroit repris de justice, comme d'avoir chancre, chaudepisse, poulains & vérole renforcée; ainsi passer la basse, moyenne & haute justice: pour à quoi obvier, je vous dirai qu'il y a un moyen; c'est que vous fassiez comme les chiens, après l'avoir fait, léchez-vous le _casus_: jamais chiens n'ont mal. Aussi leur cas est d'os, qui est fort propre à faire des cure-dents pour celles qui ballent ou badinent des doigts autour leur visage, quand on les sonde, pour savoir si elles ont la matrice close. A propos de chien, je me souviens de monsieur le commandeur de Compesiers, qui desiroit être comme trois sortes d'animaux, à savoir, ainsi que le cigne, qui plus vieillit & plus embellit; comme le chien, auquel vieillissant le membre grossit; & tel que le cheval & le cerf, qui plus vieillissent plus le font. Et d'un affamé, (je reviens à nos moutons; j'y pensois d'autant, que voyant ce poil, je cuidois que ce fût laine) un affamé vous ruinera, il vous engloutira; & si n'en mourrez pas, qui est le pis. Voilà un bel enseignement. STURMIUS. Ne ferez-vous aujourd'hui autre chose que de parler de ceci? CESAR. Quoi! de ceci? STURMIUS. Il faut parler de cela aussi; & en dà, qui ne le diroit, on l'oublieroit, plus on ne le feroit; si plus on ne le faisoit, on ne mangeroit plus de chapons, ni de lard. Ces réformateurs-ci veulent tout perdre; & bien je m'en tairai, & le laisserai aux autres, & au maître de céans, suivant l'avis de ce gentilhomme qui soupa hier céans, qui disoit qu'il n'appartient qu'au maître de la maison & au coq à le faire. B. Je m'en souviens: sa fille voyant le coq qui cauquoit les poules à petit semblant... CICERON. (Il faut dire _cochoit_, en bon françois, comme tantôt le disoit notre maître Barrelette, parlant de ce que font les autres animaux; & ainsi que je lui ouis dire en chaire, il protestoit, de grande douleur, de la faute qui se commettoit au genre humain; c'est que les grands, & ceux & celles qui ont des juges leurs amis, si d'aventure vont s'exercer le bout autre part, ou faire amittonner l'ouverture spéculative après nature, cela leur est joliment imputé à faire l'amour en tout honneur & galantise. Mais si c'est quelque pauvre diable, cela sera dit adultere, ou paillardise, ou rapt; & puis vous fiez à ces Justinians de tous les diables. Or, je les recommande tous à chapitre, s'ils veulent être gratifiés. Ainsi il faut punir ceux ou celles qui n'ont de quoi maintenir ou acquérir réputation. Je m'en rapporte à ce que jadis nous faisions en notre ville de Rome. Si quelque pauvre preneur de loups étoit surpris en la réverbération naturelle, il étoit mené en la place publique, & là on lui appliquoit de la poix toute chaude au cul, qu'après on tiroit: & ainsi on lui arrachoit le poil, & puis en vieil & bon langage hétrusque, on le nommoit drôle qui avoit la fesse tondue.) Cette fille, quoi! Dites-nous donc. STURMIUS. Le coq faisoit mine de donner la venue aux poules, dont cette fille, qui le voyoit, & en étant fâchée, pour l'intérêt de ces pauvres poules qui étoient trompées, me dit tout haut: voilà un coq qui fait bien l'ivrogne. BEZE. Il avoit peut-être l'éguillette nouée, comme R. qui rechercha long-tems la belle Marguerite, avec laquelle il fut marié. Mais P. son corrival, qui étoit fâché de cette alliance, & qui aimoit la belle, leur noua l'éguillette, si bien que jamais ils ne purent avoir accointance mystique l'un de l'autre, qui fut cause qu'après plusieurs procédures, R. fut déclaré impuissant, & partant démarié; & puis, par le consentement de tous, P. fut en grace, & marié avec Marguerite. Le soir qu'ils devoient coucher ensemble, la belle étoit allée en la chambre, pour l'apprêter, où ayant vu d'ordre les besongnes, & la tavayole de P. en y nichant, elle trouva une éguillette violette nouée, qu'elle prit, sans que l'on s'en apperçût. Ayant avisé à ce petit ménage, elle descend & se vint remettre en la troupe, dont elle ne s'étoit retirée qu'à l'heure qu'on dressoit les tables pour le souper, qui est le tems que chacun va à ses petites commodités, & les filles pisser. Le soir, comme on eut bien dansé, qu'il ne s'en falloit gueres que l'on ne parlât de mener coucher la mariée, qui se feignoit lasse; P. la vint entretenir: eh bien! ma maîtresse, comment vous va? Elle lui répondit, selon l'avis qu'elle eut; & se mit à deviser avec lui; sur quoi, elle lui conta qu'elle avoit été voir son deshabillé, & ajouta qu'elle y avoit vu une éguillette nouée, dont il se prit à rire. Elle l'enquêta qu'il avoit à rire; & il lui conta qu'il rioit du bien que cette éguillette lui avoit fait étant cause qu'il l'avoit eue. Après qu'il lui eut déclaré cette fourbe, elle ne fit mine aucune; aussi se prit à rire, sans dire qu'elle eut l'éguillette. Or il fallut faire collation, & déshabiller la mariée. La mariée, étant avec une sienne chambriere d'âge, qui savoit ses secrets, fit semblant de vouloir aller à la garde-robe; mais elle alla bien plus loin. Elle, avec cette bonne femme, prit le chemin de la maison de R. Cependant on la cherchoit; & pensoit-on qu'on l'eût détournée pour rire, comme souvent il avient. Etant arrivée chez R. elle dénoue l'éguillette, & s'entre-communiquerent les douceurs prétendues; & l'autre fut le plus sot. TURPIN. Mais elle, d'autant que demeurant avec P. n'eût pas laissé de s'accommoder avec R. comme il avint à notre ami maître André, qui, à cette heure, est sergent. Il avoit une prébende à Chartres, laquelle il laissa, pour se marier avec une belle fille, à laquelle, au matin de la premiere nuit de ses nôces, il dit: eh bien, ma mie, tu vois comme je t'aime, d'avoir laissé ma prébende pour t'avoir! En dà, vous avez fait une grande folie; vous deviez garder votre prébende, vous n'eussiez pas laissé de m'avoir. BEZE. Elle savoit donc, qu'il y a des chanoines qui fouaillent? Le penseriez-vous? NERON. Vraiment, il les feroit beau voir, si cela étoit; ils feroient des enfans qui seroient charretiers, qui meneroient pere & mere à tous les diables. Pourquoi non ne s'ébattront-ils avec les femmes? TURPIN. Avisez-y; & sachez que cloîtriers, qui n'aiment point les femmes, sont toujours après à relêcher quelque vieille hérésie, sous ombre de dégoiser sur la réformation, parlant des vices qu'ils imputent aux autres, lesquels sont plus tolérables que les leurs. Hé bien, s'accommoder avec femmes n'est pas tant mal que de troubler la chrétienté; & puis, faire tel oeuvre, apporte la béatitude: de là vient qu'on les appelle _béats peres_. CICERON. C'est bien parlé cela, aussi ne faut-il pas dire comme le commun, qui dit: _beau-pere_. Et certes ils sont béats, c'est-à-dire, heureux, d'autant que bienheureux est le pere, qui n'a point la peine de nourrir ses enfans. L'AUTRE. Hé gai, vive l'amour! Il n'est que d'être quitte, libre, & jouir de ses amours. Ainsi puissions-nous avoir santé & de l'argent. ABSOLUTION. XXIV. Achevons en gens de bien; & laissons ces théologiens avec leurs vertus théologales. Quant à nous, suivons les quatre cardinales, qui sont rire, manger, boire & dormir. Telles sont nos vertus. Quant à celles de ces malheureux théologiens, selon la penarde remarque des scolastiques, ennemis de nature, elles sont avarice, envie, bithuminie. Par mon serment, & à propos d'une vertu théologale, je me souviens que du temps que nous étions hérétiques, & allions au prêche, nous ouimes un bon conte. (J'ai quasi nommé le seigneur qui nous menoit; & j'eusse tout conchié votre prétoire.) Or nous allions gayement, comme pélerins qui délogent; & nous dogmatisions, par plaisir, sans péché. Le Preux, ce bon marchand, étoit avec nous, qui venoit fraîchement d'Allemagne; aussi étoit arrivé en hiver. C'est ainsi qu'il avint au boiteux Laurier qui entra céans; & Multon lui dit: soyez le bien venu; je pense que vous êtes tenu par la pluie; vous êtes encore tout tortant. Ha, ha! Le Preux nous contoit des miracles: qu'avoit fait Paracelse en Germanie. Ho! tu t'en souviens bien, Couillette mon ami; & vous aussi, Connaut; vous faisiez le voyage avec nous. Ainsi il nous emplissoit de telles merveilles, faites à la pointe de la pincette, au ressort de la cornue, au tintin de l'alambic, & à l'ombre du fourneau; & ainsi amplifiant sa gloire, nous disoit qu'il avoit guéri toutes sortes de maladies. Comme je lui faisois houette: voire, ce dit-il, il en a même guéri de la bougrerie. Dieu sauve les chameaux hongrés! CESAR. Voilà de belles disées, de beaux dictons; c'est ce que notre grand chien abayoit toute la nuit: mais ce qu'a chanté notre coq, entendez-vous bien le jargon des bêtes? ULDRIC. Parlez à ce maître, qui parloit tantôt en poule. GEBER. Pourquoi non? Un chien abaye bien à la lune, & une chevre regarde bien un ministre, & un chien un évêque, dont moult il s'ébahit. ERASME. Mot, paix-là: gardez de trop dire; nous avons parlé du roi des alquemistes, n'en disons plus rien. NERON. Pourquoi? Il n'y a point de danger, puisque, depuis qu'il a produit ses oeuvres, il a si bien mis l'alquemie en la tête de tout le monde, que chacun s'en veut mêler: il n'y a pas même les demoiselles & les petits enfans, qui portent des soufflets à leurs ceintures. CESAR. C'est bien, à propos d'un évêque, venir à un soufflet. ERASME. Pas tant que vous diriez; & notez ce que je vous dirai. Jadis, il n'y avoit que les ecclésiastiques qui touchassent aux secrets, & sur-tout de la pierre philosophale; aussi tous les livres nouveaux qui en ont été faits, sont issus de couvents. Or est-il que les orientaux ont eu les sciences les premiers: & comme cette-là venoit, messieurs les comtes de Lyon l'arrêterent, & s'entre-communiquerent ce secret, si que tous s'y rendirent maîtres. En signe de quoi, pour témoigner leur gloire pour telle invention, ils ont depuis toujours porté des soufflets sur la tête; ainsi sont-ils mitrés comme beaux petits évêques portatifs. ARTICLE. XXV. Mais pour vous rendre joyeux comme un âne qui a un bas tout neuf, je vous commencerai encore à vous dire qu'il y a ici plusieurs messieurs qui se fâchent d'être nommés, parce qu'ils dédaignent la sotte gloire, & ne veulent pas qu'on estime qu'ils soient payés pour cela. Pensez-vous que Ciceron soit aise qu'on dise de lui: voilà des épîtres qu'il a faites? Non, non; il veut que l'on croie qu'il est avec une belle épée, faisant le tiercelet d'empereur. Ainsi plusieurs, qui sont gentilshommes portant les armes, témoignent par leurs écrits que ce qu'ils font, en vers ou en prose, n'est que pour dire que, s'ils y prenoient autant de peine que treize, ils en tireroient quelque échantillon. Ceux-là sont galants; ils ont le laurier des armes, où souvent ils ne savent gueres, & encore moins aux lettres; d'autant qu'il est mal séant à un guerrier de savoir. CUSA. Et puis dites que vous en avez, hérétiques, qui crevez de dépit, quand vous voyez un homme de bien qui profite, & que vous venez à lire les authentiques des peres, & vous ne savez qui les a écrites. QUELQU'UN. Or ça, pour l'amour que je porte à la bonne chrétienté, je vous veux enseigner une chose notable, & que vous ne trouverez autre part, parce que ce qui doit être dit, doit être ici. Jadis, il y avoit une sorte de gens qui vivoient quatre fois autant que les autres, il y en a encore en la hiérarchie de double linge. CICERON. Qu'est-ce à dire? L'AUTRE. Que tu es sot! Ceux qui ont un surplis, n'ont-ils pas double linge? Ceux-là sont les secrétaires de vérité. Aussi ont-ils charge de considérer les femmes grosses, les enfans qui en naissent, afin que, s'il avient que quelqu'un soit ou grand, ou saint, ils sachent à dire ce que déja il faisoit dans le ventre de sa mere, encore qu'elle eut vécu cent ans. Hé bien, vous ne saviez pas cela? Je vous en dirai bien d'autres, si vous me voulez promettre de ne vous enquérir plus de nos amis. Que si vous les savez, & qu'il vous plaise vous en donner au coeur joie, mettez leurs noms devant les articles de ces dialogues. Ceci, se fait, parce que nous sommes au plus délicieux des secrets, & on diroit: c'est tel ou tel qui les a découverts. Il ne le faut pas. Je ne sais si je me pourrai amancher en discours. ASCLEPIADES. Là, donc, mon mignon du Touret, pour l'amour de la compagnie, je vous prie ne me reprochez la vieille mode des dames; je m'en souviens assez. Quand j'étois page de madame Combardavit, il avint en ce temps-là que nous allions en un voyage d'amour; j'étois émérillonné comme un sacre; les filles étoient allées ployer le toret, c'est-à-dire, _pisser_. Or il y en avoit une qui, pour n'avoir eu le loisir de sortir du chariot, avoit chié en ses queues, sous le nez de vous. Elle étoit en la garderobe, fort empêchée, & coupoit le derriere de sa chemise emplâtrée, comme le cataplame d'un goutteux. Je l'épiois, d'autant que c'étoit une belle foireuse. Elle qui m'avisa, me va droit jetter au nez ce qu'elle avoit coupé de son derriere. Au diable le parfum! J'en eus une belle museliere; & dieu merci & vous, vous m'en faites la guerre. CESAR. Oh bien, je ne le dirai plus; en dà, poursuivez. ASCLEPIADES. Par mon ance! on pourroit aller autre part, qu'on ne trouveroit pas un homme si délibéré que moi. ALEXANDRE. Je voudrois pour la récompense, cher ami, que tu eusses épousé, c'est-à-dire, que tu fusses marié à la plus jolie nonnain du monde. ASCLEPIADES. Ho, monsieur, pardonnez-moi, s'il vous plaît; il ne m'appartient pas: quoi, c'est la perdrix du monde! Il faut bien pour colloquer la douer avec le faisan du monde, qui est le chanoine; ainsi tout ordre aura lieu. Hé gai, gardez-vous-en: mon pere qui avoit mangé de la vache enragée, & étoit délié comme soie fendue en deux, avoit fait mettre au front de la porte de sa maison: Chassez au loin ces prêtres & ces moines Et ne donnez entrée à ces chanoines. LE BON HOMME. En dà, tout ira bien, puisque nous rimons. Monsieur Bacchus commence à faire mines, aussi-bien que font les moines. CESAR. Que font les moines? OECOLAMPADE. Ils font des traits mignons & de fait; toutes bonnes rencontres & proverbes vieux viennent d'eux, & toutes belles inventions en sortent: témoin les moyens de faire hâter les jours aux papes, empereurs & rois. Mais, pour la modestie de Psellus qui me le fait dire, je passerai outre. TOSTAT. Vraiment, je vous dirai un bon conte de frere Jean Dissolez, qui prenoit les poires de bon chrétien du pauvre Tournereau, qui lui disoit: frere Jean, je vous vois bien. Et frere Jean de mettre au capuchon, disant: quand tu ne me verras plus, je m'en irai. Le pauvre homme s'en alla cacher, afin que frere Jean ne le vît plus; comme le gentilhomme de Bousille, qui se cachoit quand il voyoit les pauvres qui lui déroboient son bois, & disoit, qu'il le faisoit, parce que, s'ils l'eussent vu, ils n'eussent rien emporté. Frere Jean descendu, Tournereau le prit à part, & lui dit: frere Jean, monsieur le prieur, mon ami, vivons en paix, je vous prie; ne me dérobez plus mes poires, j'aime mieux vous en donner. Combien m'en bailleras-tu? Je vous en fournirai trois quarterons. Ho, ho, dit le moine, je n'ai garde de faire ce marché-là, j'y perdrois trop. BEZE. Sandé, celui-là savoit bien le _tu autem_. TOSTAT. Hé bien! qui pourra dire ce que cela prétend, s'il n'a été moine, ou à peu près? BEZE. Aussi nul ne peut médire, ni bien parler d'un état, s'il n'en a été, ou s'il n'a trop fréquenté les compagnons. TOSTAT. Quand les moines dînent, il y en a un qui est en chaire, qui leur fait lecture des actions des satrapes; & ainsi légendant, il barbillonne les oreilles de ses confreres, qui cassent la bribe, sans songer à ce que dit ce pauvre lamponnier, qui est là-haut perché sur les intentions dénouées, bien loin de ce qu'il dit: d'autant qu'il a l'oreille attentive vers le prieur, qui est sous le dais, ou en la belle place à mouler des intelligences de tripes; durant quoi il se souvient par fois de ce pauvre diable qui s'égueule à faute de s'écouter, & dit, en touchant du doigt sur table: _tu autem_; qui est à dire, qu'il finisse, parce qu'à chaque bout de leçon on dit cette fin. Si de fortune ce lecteur est si sot d'avoir plus d'attention à sa lecture qu'au dîner, (_absit_) & qu'il veuille achever jusques au sens parfait, & qu'ainsi il perde le temps; les autres disent, en concluant chapitralement contre lui, qu'il n'entend pas le _tu autem_. Ainsi en est-il du reste; cachez-le. ASCLEPIADES. Avant que laisser les moines, & devant qu'ils nous oient, voyez-vous, en voila un qui regarde. C'est le même que je vis tant arguër, quand notre maître Benoît fut passé docteur; il trépignoit, & venoit aux atteintes: pourquoi il eut un docteur, qui, se fâchant & se tournant, vit ce carme, & pource qu'il faut parler latin, lui va dire: _iste carmen_. A cela, il se tut; & ne fut plus si impudent, parce qu'on dit, bran pour les carmes. CESAR. A cause de quoi? ASCLEPIADES. Ne savez-vous pas qu'il y a les quatre temps pour les mendians, ainsi fait au compost. _Post._ Pan. Cru. Lu. Bran. _Quatuor tempora._ Pan; c'est pour les cordeliers, qui ont une corde toute prête. Cru; c'est pour les jacobins, qui ont la croix, ils sont riches. Lu; pour les augustins, qui sont luxurieux, à cause qu'ils portent tantôt le blanc, tantôt le noir. Bran, pour les carmes. BEZE. Quelle différence y a-t-il entre son, bran & merde! Je le dirai. DIOGENES. Son, est pour les cloches, ou bien en vient; bran, pour les pourceaux, & merde pour les médecins & pour vous. A, ha, né. ASCLEPIADES. Voilà bien de quoi rire! Laissez-moi conter ce que je voulois dire. Je vous dirai ce que frere Ambroise le Sené m'a dit d'un de ses confreres, quand j'étois enfant, & dont je me souviens, comme de ma premiere chemise, & vous de la premiere fois que vous vous torchâtes le cul tout seul, après avoir appris à manger tout seul. Ce confrere avoit nom Ferrand, qui étoit gaillard, & avoit toujours plus d'argent qu'un chien: parquoi il payoit pour un autre, nommé frere Margeou, qui savoit détourner la biche. Voilà comment les inventions se trouvent, pour avoir du crédit. Sur un bon avertissement, ces deux-ci vont ensemble chez Conscience, qui avoit une chambre garnie d'un lit & d'une couchette. PISO. Vous parlez des moines: que ne mettez-vous aussi souvent des ministres en campagne. ASCLEPIADES. Ils n'ont encore guères régné; & puis, s'ils venoient à périr, ainsi que cela aviendra bientôt, d'autant que leur fondement est foible, & que l'on en trouveroit tant en ce registre, cela feroit éveiller les esprits, pour s'enquérir quelles gens c'étoient: & par ainsi on réveilleroit l'hérésie, qui sera éteinte comme feu de paille dessus l'eau, quand on aura toujours quelque conte de moine qui fera rire, au lieu de s'aller amuser mélancoliquement à égratigner la théologie pour en abuser. Or, en la chambre préparée aux moines, il y avoit un malade à demi guéri, qui étoit dans la couchette; & le grand lit fut apprêté pour ces deux amis, qui, après souper, se retirerent pour se coucher, & en se déshabillant parlerent de propos de consolation à ce malade, qui incontinent leur donna le bon soir, & eux à lui, & se mirent au lit. La dame, qui avoit fait provision pour l'exercice du cas, avoit baillé le mot à la chambriere, qui laissa l'huis ouvert, ayant fait semblant de le fermer. Quelque petit espace de temps après, selon la diligence qu'en avoit fait Margeou, vinrent deux mignonnes, telles que celles qui ont ci-après été dites chevres à oreilles d'étoffe, & se placerent avec toute humilité auprès des freres qui les attendoient, non touchés de l'infirmité naturelle, (aussi ce n'est pas de tel biais que l'on peche, comme certains malotrus de docteurs veulent prouver, pour déguiser leur puante ambition ou triste avarice) mais en habileté, gaieté, vigueur & fermeté de nature, selon lesquelles ils firent leur devoir de cognebas, fesser les doucettes, qui s'en trouverent naturellement bien; tant pour la délicatesse, que par sympathie, elles en reçoivent ès oreilles, par le grand bien que cela fait où il touche. RISÉE. XXVI. Ceux-ci firent mieux tant pour tant, que les deux cordeliers qui furent en équipage. Mais encore, pourquoi est-ce que les mendians vont toujours deux ensemble? SACROBOSCO. Pour se faire compagnie, c'est-à-dire, Hos brevitas sensûs fecit conjungere binos. C'est le bon vin de madame, qui me fait ainsi dire. O liqueur prophétique, bénigne humeur qui nous fais doctes, radoucis nos adversités, & réjouis les coeurs qui ont faute de consolation salutaire. CIRUS. Vous ne faites que traverser; que n'achevez-vous, sans tant vous donner de traverses? Je vois Platon qui s'en fâche, parce qu'il y avoit plus d'ordre chez lui. CAMBISES. Là où il y a tant d'ordre pour dîner, il y a du désordre pour faire ses affaires. L'AUTRE. Voilà qui va bien, prenant affaire pour office culier. ASSUERUS. J'avois ouï dire que l'on épargneroit les hommes spirituels; mais tantôt la raison m'a bien satisfait; jamais Mammuchan n'en dit de meilleures. Il est vrai que, si hors d'ici j'oyois ainsi parler à ceux sur lesquels j'ai pouvoir, je leur passerois le pied par l'épaule. Or, je connois qu'il se faut ici donner carriere. Il est vrai, pource que nous sommes tous amis, que je souffre tout; & moi-même je dis des choses, que je ne souffrirois pas dire à d'autres. Mais il faut aviser que nous ne pouvons mal dire, ni mal faire, d'autant que nous sommes en l'être parfait, & à l'instant qu'il n'y a plus de passions: parquoi nous nous satisfaisons, & vous aussi, en battant le chien devant le lion; c'est que nous galoperons les ecclésiastiques, qui sont parfaits en leur vie, afin d'intimider les ames par les choses qu'ils diront. Or, regardez au prix, s'il se met après nous, comme il nous gâtera; & voilà comment on fesse les enfans devant les valets. Donc ces bons messieurs, fils aînés de la sainte maison, ne prendront point en mauvaise part qu'on tourne la parabole sur eux, afin que leur charité soit reconnue; & qu'étant innocens, ils veulent bien être accusés & châtiés de ce qu'ils n'ont pas fait; afin que les coeurs vicieux aient honte, & se corrigent, voyant la bonté de ceux qui portent leurs iniquités. SACROBOSCO. Je ne puis tenir mon eau; je vous dirai ce conte de ces deux cordeliers. Donc, comme nous étions ensemble en Bretagne, l'un d'eux devisant fit un pet. L'homme de chambre de monsieur lui dit: de quel ton est-ce, monsieur notre maître! Il répond: duquel vous le voudrez; entonnez bien: & voilà pourquoi depuis à Châtelleraut on a amanché des coûteaux de la belle corne de couleur. L'an d'après, lui & son compagnon encore novices, allerent à Angers, chez une honnête dame que l'ancien gouvernoit: si qu'étant entrés, le maître monte en haut, & laisse en bas avec la chambriere le jeune apprentif. Le bon est que, comme le moine fut sur madame, le gros trompette, qui s'étoit caché sous la cheminée, les voyant aux prises, se mit à fanfarer, dont les amans furent fort étonnés; mais ils appointerent avec ce maître trompette, qui étoit venu un peu devant pour hocher la chambriere, & de peur d'être surpris, s'étoit caché. Le trompette sorti, & la collation ayant été prise, monsieur notre maître se mit à la juchée. Savez-vous qu'il faisoit, & ce qu'elle pâtissoit. En dà, ils étoient comme le gueux que vit maître Jean de Guigni, allant aux nonnains, & passant par sur le pont de St. Eloi. De fortune le vent fort lui emportoit son chapeau, auquel il mit la main; mais il ne le put si bien retenir, que le cordon n'échappât: c'étoit sa bonne fortune qui lui induisoit si franche rencontre. Voyant son cordon échappé, il jetta la vue en bas sous l'arche, où le cordon étoit chu. Vraiment il le vit, & bien autre chose. Que vit-il? Le spectacle d'immortalité, les effets de concupiscence, le progrès de génération, quatre jambons pendus à une cheville, deux animaux encruchés & soulevés faisant le quadrupede raisonnable, la bête à double ventre, ou à deux têtes, l'animal à quatre yeux, l'homme femelle, la femelle mâle, le principe de l'engeance anagogique, une femme en proche disposition d'être châtrée, un homme prêt d'être décoché. Comme il voit ce mystere s'effectuant, il dit tout haut: en dà, de mon chapeau je donne la ceinture à celle, ou cil qui a le bout en la jointure; c'est-à-dire, je donne mon cordon à qui a le vit au con. Quand l'homme fut levé, il s'avança pour prendre le cordon: la femme aussi y va, parce qu'elle le veut avoir. O! ho, dit l'homme, il est à moi. E! hé, dit-elle, c'est à moi, d'autant que j'avois le bout où il a dit; je ne l'avois pas en l'épaule, vous le savez bien; aussi vous l'y aviez mis, & bouté. Voire, dit-il, & moi l'avois-je aux talons? Ne savez-vous pas bien où je l'avois fiché? Vraiment, je ne l'avois pas sur la tête; j'avois bien autre lieu où l'employer, & où il en faudroit beaucoup pour l'étouper. Mais devinez à qui de droit ce cordon appartient, afin d'en être juge)? Le grand cordelier ayant achevé son affaire avec la disposition de sa pâte, qui fut levée aussi-tôt que le four fut chaud, ce qui n'avient pas toujours. (Je me reprens, d'autant que toujours le four est chaud, mais la pâte n'est pas levée. Aussi les femmes font comme les gueux, elles tendent toujours leur écuelle). Après ce mystere, les freres s'en vont; le grand aussi saoul que s'il eût mangé une vache; & dà, en bonne foi, je crois qu'il y a autant à besongner à une femme toutes les semaines, comme il y a à manger en un boeuf. Les deux religieux revenus, il fallut rendre compte chacun de sa villication. Le grand raconta son désastre, mais que pour cela il n'avoit pas délaissé de faire la cause pourquoi. En après, il demanda au jeune ce qu'il avoit fait, & si par vif effort il avoit vaincu sa concupiscence, en la foulant sous soi, selon les délectations de victoire future. Voire, dit le pauvre, qu'eussé-je fait? Cette fille est innocente; elle ne s'aidoit point, quand, au bas du degré, après que la porte fut fermée, & que je l'eus poussée, je lui levai ses robes, & puis je levai la mienne. En levant la mienne, la sienne tomboit; puis levant la sienne, la mienne baissoit; & tant, & tant que vous êtes venu, avant que le j'aie pu approcher. Cette réponse ouie, tous les bons freres soupirerent de deuil, oyant la bêtise de cet enfant, lequel fut condamné d'avoir le petit chapitre, pour se souvenir qu'une autre fois il eût à prendre sa robe à belles dents, quand il leveroit celle d'une fille avec une main, tandis qu'il foutilleroit de l'autre: ceci s'adresse à ceux qui portent des soutanes. CESAR. Mais nous laissons nos deux amis chez Conscience long-temps dormir. ASCLEPIADES. Or bien, ayant passé la nuitée, ils se leverent assez matin. Ils observoient ou pratiquoient ce que doivent bien noter nouveaux mariés, c'est de se lever matin pour se reposer. Sur les huit heures, la dame alla en la chambre visiter le malade, qui avoit le cerveau creux, à cause qu'il ne l'avoit pas rempli d'humeurs nutritives, & partant les outils de son intelligence étoient déflochés, si qu'il avoit bien plus veillé que dormi. Après qu'elle lui eut donné le bon jour, (ainsi dit-on, & on ne donne rien) & qu'elle l'eut interrogé de sa santé; madame, qui sont ces deux qui ont couché là cette nuit passée? Ce sont, dit-elle, deux honnêtes hommes. Or ne savoit-il rien de la compagnie françoise. Il réplique: ils sont leurs grands diables; comment! tous les gibets, pourroient-ils être honnêtes, qu'ils n'ont fait toute la nuit que s'entreculbuter de telle rage de cul, que je pensois que la maison en cherroit! Elle se prit à rire comme toute honteuse, & ne dit rien pour ce coup, jusqu'à ce qu'il le releva de la mauvaise opinion qu'elle avoit eue par la communication de telle courtoisie; & ainsi, lui effaçant ce scrupule, elle a fait paroître qu'il se dit beaucoup de choses mal à propos, & surtout des ecclésiastiques. Amen. COYONNERIE. XXVII. THUCIDIDE. Et sur cela, je vous dis donc, que vous avez tort, d'autant que ce ne fut pas chez Conscience. Je m'y trouvai exprès; & celle qui fit ce trait étoit femme d'un sergent, qui en fit un bien plus subtil à notre ami Ruart, qu'elle alla voir chez lui, & y dîna: puis par mégarde, s'ébatit une petite fois à la dérobée sans péché, pourvu qu'il n'y eût pas plus de peine que de plaisir. Ceci ne fut que le coup de l'assignation, qui fut donnée au lendemain chez ladite dame. Le compagnon ne faillit point à se trouver à point nommé, où trouvant commodité, voulut se paître de ce dont il avoit tiré le jour précédent; mais elle lui dit que cela n'étoit pas sain à jeun, parquoi il débanda un écu, pour avoir de quoi repaître. Et afin qu'elle eût meilleur courage, il dit à la belle, qu'il alloit quérir vingt écus qu'on lui devoit, & la prioit que le déjeûner fût bientôt prêt. Il y alla, & reçut sans confession. Voilà comment les amans ne sont pas toujours menteurs, comme vous ribauds & rufians, qui vous donnez au diable, en promettant pour peines de défaut, & puis étant hors d'avec les fées, vous n'avez non plus de mémoire que chats, qui ont tant crié en le faisant qu'ils ont tout oublié. Il revint avec ses écus qu'il fit paroître, cela faisoit rire la mignonne comme une guenon sur une cheminée. (Et je vous demande en conscience & bonne foi, répondez-moi, si on vous présentoit sur une table deux mille fois autant d'écus que vous en avez, ou bien cent mille écus comptant, & qu'on vous dît: cela sera vôtre, & vous en pouvez prendre galamment trois poignées en disant gripe minaut sans rire, c'est-à-dire, que vous ne rirez point; vous dites qu'oui. DIOGENES. Vous feriez vos fortes fievres mules; frappez votre nez en mon cul, c'est ce que je vous baille en trois coups, voire en quatre visées; mais allez grater votre cul au soleil, & succez vos ongles encore un coup, si ne l'avez fait. THUCIDIDE. C'est bien reparti.) Ce mignon présente de son argent à madame, qui lui dit qu'il falloit aller sobrement. Vraiment, mon ami, il faut un peu épargner son argent, dit-elle, il y a plus de jours que de semaines; nous n'aurons pas trop de tout. Et ainsi le dorlotant putatiquement & le caressant, il la couillaudoit, couillevassoit, culbutoit perpathétiquement; si qu'il s'enivroit en cette délice permise à gogo, moyennant la dispense ministrale. Et le compagnon fut si bien culbuté, tournoyé & friponé, & tant rabatu de concupiscence par la dame, qu'elle lui ôta, sans qu'il le sentît, & bourse & argent. Quelque sotte l'eût laissé, & vous y fiez. Cette mignonne le traita comme Jacques Adriot fut traité de sa femme. POGGE. Je vous prie, dites ce conte, qu'il ne vous échappe; & je vous en dirai quatre en récompense. THUCIDIDE. J'ai peur qu'on se fâche, parce qu'il y a un peu du prêtre, & un ministre me l'a appris. POGGE. N'ayez point cette peur; non, jamais on ne s'en fâchera; & surtout les moines, qui ne le prendront pas à coeur, parce qu'on estimera que ceci sera mensonge, d'autant qu'il y en a tant de sectes, que devant que l'on sache qui a fait la joyeuseté, tout sera passé; & puis cela sera peut-être réputé à mérite, d'autant que par ce moyen un homme de conscience ayant foulé sous soi la concupiscence, & enfoncé le fort de satan, où il aura écrasé la tentation, elle s'en sera tellement allée, qu'il aura les femmes en horreur, jusqu'à ce qu'il en ait affaire, & c'est alors qu'il fera rage de prêcher. THUCIDIDE. Or bien, pour vous faire plaisir, je ferois cette parenthese. Ce Jacques dont est question, étoit un grand abatteur de bois remuant, & culbuteur de commere, & n'épargnoit rien de ce qui se présentoit. (Ce fut lui, & deux autres qui rencontrerent la Ponneuse, qui étoit belle & jeune, mais garce d'un chapelain; & l'enfoncerent dix-sept fois en une soirée, à coupe-cul: puis s'en allerent chacun leurs voies. Le lendemain cela fut su, d'autant que la fille se plaignoit qu'elle avoit été ainsi dévergondée; & on le contoit à quelques honnêtes femmes. En la compagnie étoit la femme d'un président, qui, oyant ce conte tant de fois, répondit & dit: au diable soit la carogne, tant elle étoit aise! Cela n'aviendroit pas si-tôt à une femme de bien.) EXPOSITION. XXVIII. La femme de Jacques, triste de ce que son mari alloit ainsi transportant la provision du particulier, faisant couler partout cette benoîte liqueur, dont on baille tant d'argent; & si on n'en trouve point à vendre au marché, alla trouver un de ses amis, pour lui demander conseil confortatif en son affaire. Cettui-ci, (je ne le vous nommerai pas, pour la conséquence que je porte à l'honneur) lui enseigna ce secret; c'est qu'il falloit qu'à point, mignardement, à propos, avec industrie politique, elle nouât le cas de son mari une seule fois; & que cela avenu, jamais il n'iroit à d'autres. La femme de Jacques croyant qu'elle noueroit ainsi pour jamais l'amour de son mari, recevoit ces mots dorés, je devois dire, _coralisés_, comme sentences prophétiques. Parquoi elle ne faillit point à essayer. Elle prit le bout de son mari, qu'elle considéra manuellement, pour le courber & le nouer. Or est-il, comme vous savez, belles filles, que les mains féminines sont grilles, sur lesquelles la chair revient. Ainsi la piece de génération par cet attouchement revenoit, grossissoit comme pâte en met, & pourtant le billouart se mettoit en point; & à ce conte, Jacques s'enfiloit avec sa femme; & tout autant qu'elle fit l'essai à nouer, autant fut faite l'exécution à vétiller: si que ce mari voyant l'importunité des doigts de sa femme, qui ne faisoient que patiner son pauvre chose, fit bande à part, de peur que cette friponnerie ne le fît devenir sec comme un lévrier. La bonne dame en eut du déplaisir, & fit autrement qu'elle ne pensoit, parce qu'elle ne noua pas le bout, mais elle retint son mari, qui, depuis, ne fut plus coureux; & puis sa femme accoutumée à dodeliner son cas, ne faisoit autre exercice au lit, que le promener. POGGE. Dames, qui êtes jalouses, empoignez cette suave doctrine. Aussi femmes sont anges à l'église, diables en la maison, singes au lit. Ma commere l'huissiere traita presque de même son marjolet, que tout belourd elle renvoya mignardement déchargé, & le conduisit jusques à la porte, avec des baisers accompagnés de faux semblant de regret: cela s'appelle des baisers de passage. Quand il eut pris l'air, & qu'il fut au bout de la rue, s'avisa de pisser: pissant, il avoit la main en sa pochette; & y tâtant, la trouva vuidée de l'aposthume pécuniaire; le voilà qu'il devint aussi froid qu'un four miné. Il retourna chez la dame, où il entre avec toute mignonne humiliation, & requiert que son argent lui soit rendu. Ayant fait son entrée & requête, il trouva une femme plus froide que lui, qui fait l'étonnée, l'ébahie, la déconnue, ainsi que si elle ne l'eût jamais vu. (Voilà comme les beaux esprits savent passer d'une extrémité à l'autre, pour se réformer! Vous faites état de votre femme de biennerie, vous autres femmes de bien; & toutefois vous n'en sauriez faire autant que cette-ci.) Lui qui pense faire l'effronté comme s'il étoit maître, ayant été si fat que de bâtir sur un grand chemin, veut faire le grand & le commandeur, dit qu'il veut ravoir son argent; il se dépite & enrage. Elle fait la constante & la résolue: il tranche du ruffien, qui a puissance sur une femme; il tempête & jette à terre son manteau; elle fait l'humble & la discrette, & plus la femme de bien que si elle s'en fût mêlée toute sa vie; & sur ses gestes s'ébahit moult de cette apparence, & lui dit: monsieur, que faites-vous? Où pensez-vous être? Ce n'est pas ainsi qu'il faut vivre chez les femmes de bien. Quand j'aurai patienté, je me fâcherai. Merci dieu, êtes-vous hors du sens? Sortez de céans; ou si mon mari vient, il vous échinera. Ce disant, elle jetta le manteau par la fenêtre, & cria: à l'aide, au secours & à la force. Il vint du monde, qui, voyant ce petit méchant monsieur ainsi dévergondé, lui remontrent & le menacent de la justice, vu son scandale. Le mari pensoit entrer; mais oyant le bruit, & voyant ce manteau, le prit, & passa outre. Ce qu'il en faisoit, étoit de peur de se courroucer. Ce manteau lui sert aujourd'hui ès bonnes fêtes. Le misérable démantelé & dévalisé, eut congé de s'en aller chercher un autre manteau, qu'un moine de saint Julien lui prêta; c'étoit un manteau de camelot ondé, pour lui faire avoir souvenance que les ondes de la fortune avoient passé sur lui. GLICAS. Ce maître causeur nous en a bien conté, de nous proposer un noeud, d'un cas si court qu'est celui de l'homme. Certes, c'est de quoi nature l'a retranché, vu que tous animaux l'ont en proportion plus long. Je m'en crois, & pense ce que m'en a appris Albert le Grand; c'est parce que toute l'intelligence est à contraire raison là-dedans; par ainsi vous voyez que fous en ont de belles venues, & les grands personnages en sont chichement pourvus. Un taureau en a plus que trois hommes; & un homme a plus d'esprit que cent boeufs. L'AUTRE. Si vous saviez de quoi est fait un chose viril, vous sauriez s'il se peut nouer, ou non. GLICAS. De quoi est-il fait ce badinage d'amour? POGGE. Les religieuses de Poissi me l'ont appris, ainsi que j'allois à Longchamp, & en telles autres religions réformées. Voilà, je ne nomme jamais personne, ni lieu, de peur que d'autres y aillent. Il y en avoit trois qui en disputoient. L'une disoit qu'il étoit de nerf, & qu'elle en avoit eu autrefois une belle nervée, la cour étant à Blois: l'autre dit qu'il étoit de chair courroyée, d'autant qu'en le touchant, on le trouvoit plus mignon à la peau, que le maroquin du levant, & plus douillet que velours: l'autre dit, qu'il étoit de tendons, parce qu'il tend plus qu'il ne peut. La prieure, qui les avoit ouies, leur dit qu'elle jugeoit plutôt qu'il fut d'os, parce qu'elle en avoit, le matin, tiré la mouelle d'un. PENAS. Vous vous égarez; ce ne furent pas elles; mais bien ces trois, qui, se promenant au beau jardin de Nantes, trouverent une groseille, & s'entredemanderent à la dire en latin. Comment le diriez-vous, ma soeur? La jeune dit, _groselus_; l'autre, _grosela_; & la vieille dit: vous êtes sottes; il faut _gros & long_: mes petits connaux de dîmes charitables. CHANOURI. C'étoit bien trois autres, dont j'étois jadis confesseur. L'abbé de Gastines, qui les aimoit toutes trois, leur promit de leur envoyer des couteaux de Châtelleraut; pourquoi bien effectuer, il endoctrina son valet; & l'ayant embouché, lui mit le présent en la main, pour le porter aux trois amies. Le valet, qui pensoit, selon que son maître l'avoit endoctriné, faire si bien que madame n'en sauroit rien, fut trompé, parce que madame, ayant un message d'amour à faire, y avoit employé la portiere, au lieu de laquelle elle se tint à la porte, & y étoit, quand l'homme de l'abbé y arriva. Il fut surpris; & elle lui dit: or çà, Riolan mon ami, que je voie ce que vous avez-là: c'est quelque chose que votre maître nous envoie. Elle savoit bien que ce n'étoit pas pour elle, d'autant qu'un abbé n'eût pas osé entreprendre sur les brisées de l'évêque de Lombes, qui l'aimoit. La dame ayant le paquet, elle envoya Riolan à la dépense; & mande aux trois mignonnes qu'elles vinssent; lesquelles, ne se doutant de rien, s'approcherent; & elle leur montra les lettres & les présens, leur disant: mes filles bien aimées, voyez des lettres & un présent que vous envoie notre bel ami l'abbé de Gastines. Elles lui dirent en toute humilité: c'est possible à vous, madame, qui le méritez mieux. Non, dit-elle, les lettres en font foi; je sais bien que vous avez mérité ces joyaux & encore plus: aussi êtes-vous bonnes filles: mais encore il y a, & faut de la considération en tout; je veux savoir de vous qui est la plus entendue; & pour cause, afin d'instruire les novices, pour bien entretenir l'ordre & antique façon de vivre du couvent. Et partant, celle qui rencontrera le mieux à propos ce qui lui semble de l'action notable de délectation, & ce qu'elle a remarqué faisant la cause pourquoi, en faisant son service, jouxte le bréviaire à l'usage de Reims, cette-là aura non-seulement son présent, (c'étoient couteaux), mais aussi fera des autres à son plaisir. Les voilà toutes trois en cervelle: si qu'éguisant le fil de leur entendement, elles tâchent toutes trois à répondre: l'aînée répondit qu'elle n'avoit jamais goûté à sauce si douce, sans sucre: l'autre dit qu'elle n'avoit oncques rencontré chair si dure, sans os: la tierce proféra qu'elle n'avoit jamais apperçu, ni ouï, ni senti tant cracher, sans toussir. ALAIN CHARTIER. Je pensois que vous y mettriez ma cousine de Montrouge qui pensoit être en terme de devenir bête. EMBLÊME. XXIX. Elle avoit vu, ès livres de ces nouveaux voyageurs, qu'il y avoit des gens sauvages qui étoient tous velus comme bêtes infideles. La pauvre petite se mit tellement cela en tête, qu'un jour changeant de blanchette, comme réformée qu'elle étoit, sans chemise de linge, selon la coutume de notre temps, (aussi blanchette en théologie, c'est-à-dire, chemise de laine) elle s'avisa par mégarde que son pauvre petit chouse étoit chu en pauvreté; & que le poil lui avoit percé la peau. Les filles de prêtres n'en ont point à l'âge de dix-huit ans; (je ne suis donc pas fille de prêtre, dit la jeune fille qui l'ouit; j'en ai, & si je n'ai pas quinze ans). Ma pauvre cousine, ayant vu cet inconvénient, se signa fort dévotieusement, & devint toute troublée de son sautier. Son entendement péripatetisa tout du long de la culmination de son intelligence curiale: si que, depuis, elle fut mélancolifiée, que c'étoit une déplorable imaginaison que la sienne. Si les autres approchoient d'elle, elle, par une humeur saupoudrée de tristification, s'en reculoit. A la fin, elles l'arraisonnerent du dedans, qu'elle avoit au flux & reflux de conflit compagnable; & leur fit réponse, qu'elle n'étoit pas digne de converser méritoirement parmi l'honorifique bande de leur société doucette. JODELLE. Quand je vous ois ainsi paillarder sur votre outrecuidance, de bien dire, il m'est avis que vous me pissez aux oreilles! Que diable ne parlez-vous droit, sans aller léchonnant les friponneries du sot langage. Je pense, vous oyant, être auprès du beau S. Jean, racontant comme il fut chassé: _nous apperçûmes le lépore, qui s'étoit manifesté; mais parce qu'il se réintégra, nous ne le pûmes appréhender_. C'est comme ces badauds de Paris, à la bataille de Senlis, qui, ayant leurs bâtons à feu sur le haut de l'échine, demandoient: _où est l'averse partie? Elle ne comparoîtra pas?_ Encore la Goibaude parla mieux, venant à monsieur le Gouverneur, pour s'excuser de la taxe que l'on avoit employée pour les fortifications: _monseigneur, je suis une pauvre femme en veuvesse; je vous prie avoir pitié & componction de moi; on m'a trop cautérisée pour les fornications_. TACITE. Laissez dire notre poëte. Que voulez-vous? Le bon preud'homme, il savate notre langage; toutefois il dit bien, mais il va un peu de côté. ALAIN. Vous me défagoteriez quasi bien tout le menu brouillis de mon intelligence. Or bien donc, cette fille, leur disant son excuse, ajouta qu'elle étoit indigne d'être avec elles, parce qu'elle devenoit bête. L'abbesse voyant cette fille ainsi farouche & toute dilatée sur le progrès de diminution familiere; (ardez, cette curagerie d'éloquence ne peut m'abandonner) en voulut savoir la raison, & sur ce que les autres filles lui avoient rapporté par avertissement. Timoré l'appella en sa chambre: & l'ayant concionnoirement avisée qu'il falloit, en l'humiliation de son devoir, qu'elle enfourchât la vérité, lui demanda par amour & vesse (foin, je cuidois italienniser, & dire: _amore volesse_) l'occasion de sa déconvenue. Adonc en gémissant & pleurant des yeux, elle dit: ma sacrée chere dame & preude mere, j'ai bien grande occasion d'être en extrémité de marisson, parce que je deviens bête; j'ai déjà un petit minon qui m'est venu entre les jambes. Que je voie. Elle le montra, exhibant physiquement sa natureté. Alors l'abbesse, pour repartir par pieces similaires, & réciproque démonstration, se découvrit, & lui fit paroître sa naturance. Il y avoit un petit cordelier caché derriere, qui l'avisa, & cria à maître Bastien, en courant: _magister Bastiane, ego vidi coelos apertos_. Et la fillette de dire: hé qu'est cela, madame? O quelle abondance de bestialité! Ma mie, ma mie, dit l'abbesse, le vôtre n'est qu'un petit minon: quand il aura autant étranglé de rats que le mien, il sera chat parfait; il sera marcou, margaut & maître mitou... Oho, oho, o... Il n'est pas temps de s'évacuer à rire; attendez un peu; le mot pour rire n'est pas dit. La belle s'avisa de demander à frere Etienne de Sanssay ce que vouloit dire madame, par ces rats & chats; ce que le pauvre corps, par innocence charitable, & humilité graduelle, & selon la sainteté de nos premiers voeux inférans graces abondantes, lui fit entendre & pratiquer, en lui faisant naturellement étrangler le rat de nature, par le chat mystique du bas de son ventre, de quoi elle avoit recueilli un fruit mélodieux de savoureuse délectation, qui ne devroit appartenir qu'à princes & prêtres, si tout alloit d'ordre. Elle étoit par ce moyen ingénieusement déniaisée; & sur cette profonde aisance, elle étoit, une après-dînée, à se promener en grande contemplation, devisant à bâtons rompus avec une sienne compagne, qui, oyant ce faux bourdon de musique mentale, lui demanda à quoi elle songeoit, vraiment, dit-elle, ma soeur, je pensois... Songez donc ce que vous pensiez bien. Et aussi je vous le dirai. J'avois les yeux sur cette chevre que voilà qui broute. Ma mie, ma soeur... JODELLE. C'est ce que disent les menestriers, ramenant la mariée du moutier: _ma mie, ma soeur, quelle douceur en fretillant; recordez-les avec votre flageol_. Maître Janotin, puisqu'il vous plaît, il faut savoir qu'ils ont dit en la menant: _nous la menons au moutier, l'ordure, l'ordure, l'ordure du foyer_: mais vous n'y entendez rien; c'est ainsi qu'ils le font en la menant à l'église, & jouant au beau trio: _pucelle la menons_, bis; _encore ne sait-on_, ter; _on ne sauroit qu'en dire_. ALAIN. Vous me faites de l'interruption; le ciel vous en punaisira; & regardez bien que signifie cela. Laissez-moi achever; fou enragé qui ne m'écoute; & plus fou est-il qui s'y amuse. Je voudrois, dit-elle, ma cousine, être comme cette chevre. Voire, que tu es sotte! L'année passée, tu disois que tu devenois bête, pour un petit poil folet que tu avois entre tes deux gros orteils; & ores que dis-tu? J'étois bien bête par le bon vraiment; & dà je ne le suis plus. Que c'est que d'enfance! Ces petites ames seroient du tout heureuses avec leur innocence, si elles faisoient l'amour, & que les petits enfans couchés ensemble fissent ce que me fait quelquefois frere Etienne. T'hébahis-tu ma fille? Je desire être comme cette chevre; ne t'en émerveille point: mais fais-en état. Vois tu, si j'étois comme cette chevre, ainsi velue par-tout le corps, je serois la plus heureuse du monde; d'autant que je n'en ai pas si grand qu'une petite écuelle, & frere Etienne m'y fait si grand bien: si j'étois de même par-tout le corps, il me feroit de même par-tout, & je mourrois de fine bonne rage de bien, tant je serois aise. Les pauvres nonains n'en pouvoient mais: voilà pourquoi vous avez tort de les mêler en vos saturniales. MACROBE. Je n'y saurois que faire, c'est la vérité qui me contraint, _inter porcula_, comme chez le roi Assuérus, où parut l'orgueuil de Vastit, qui toute sa vie avoit été humble comme une savate de brunisseur. Je m'en rapporte au confesseur de madame Loyse, laquelle lui disoit en confession, qu'un moine l'avoit haillonnée; qu'il avoit eu affaire à elle, qu'il s'étoit mis dessus elle pour voir de plus loin: bref, elle disoit qu'il l'avoit f. (j'ai quasi tout dit tant j'ai la langue à l'usage de prédicateur.) Le confesseur lui remontrant, la tançoit, disant: comment, ma mie, vous vous êtes fait accoster à un mort? Je ne sais pas quel mort, mais je ne vis ni sentis jamais si bien remuer. Le cas lui alloit, comme à un qui mouche une chandelle avec les doits sans mouchettes. De ce ci, toute la belle compagnie se mit à rire, comme un troupeau de fenesseaux. COLINET. Voire, ne faut-il pas bien s'ébattre, & principalement à jeux auxquels il convient? N'est-il pas dit, _croissez, multipliez & remplissez la terre_? Et qu'est-ce, sinon qu'il est enjoint par nature aux petits, de croître; aux forts & de bon âge compétent, de multiplier, & aux vieillards, de se laisser mourir pour emplir la terre? Et cela aussi appartient à ceux qui veulent faire les vieux, à ces idiots, voués, caffards & inutiles, qui ne font que scandaliser le bon monde de dieu. RONSARD. Les rencontres m'en font souvenir, & je dirois bien de la besongne, sans que le défunt évêque d'Angers fût blâmé des docteurs, qu'il s'accommodoit aux textes bénits de l'écriture sainte. Que si je m'y enfonçois comme je les sais, je vous donnerois bien du passe-temps; mais je ne veux pas faire de planche à ces hérétiques qui en feroient leur profit. J'aime mieux aller à ce bout, gausser avec ces pénaillons de garçons & filles, qui s'ébattent sans mal penser, chopinant près ce buffet, & vogue la galere. MAROT. Mon ami, dites votre _confiteor_, & laissez peter renard. BEZE. _Quisque fictor fortunæ suæ_; c'est-à-dire, chacun fait ce qu'il peut pour vivre. Il le faut faire, si on ne le faisoit, le monde demeureroit vuide, contre l'intention de nature. Ho! madame, réveillez vous, & notez qu'un con bien ménagé, à Paris sur tout, vaut presque autant qu'une bonne procuration, & mieux que deux métairies. Filles, je vous nomme aussi toutes de peur de jalousie, avisez à vos affaires. Je sais qu'il y en a qui le font pour le plaisir, ce sont celles qui nous entretiennent: & les autres, pour gagner leur paillarde vie. _Optimum philosophari, melius vivere._ Et pource, je vous dis que vous ménagiez bien vos métairies naturelles. BAIF. Ho, & ai, compere, comme tu parles! Ne t'avises-tu point des ordres que tu as? BEZE. Corps de mordienne, si elles m'importunent un peu, je m'en déferai bien, & les secouerai comme un âne fait les mouches de ses oreilles. Qu'as-tu à me venir ici ravauder l'entendoire? Est ce ici le lieu & le temps d'en parler? Que le diable te puisse casser des noix. Il faut prendre le temps à propos, ainsi que les gens de justice, quel satan & réformateur es-tu? Je crois que tes hémorroïdes te rendent ainsi religieux & conscientieux; ta sainteté t'époinçonne par le cul. BAIF. Voire, mais avisez à ce que disent nos docteurs: bran, il faut crier à ce sourdaut, comme pour prendre une taupe. RONSARD. Tu es un beau faiseur de mines (je cuidois dire de _mimes_); tu es un grand docteur, tu nous en veux conter; & encore l'écrire. Va, va, j'ai plus usé de papier à me torcher le cul, que tu n'en as employé à écrire tout ce que tu pensois savoir. MADAME. Qu'est-ce là? Est-ce à bon escient? BAIF. Non, non; ce n'est que pour rire; ne vous fâchez pas. Vous pensez à autre chose, madame; vous rêvez, le con vuide. AUSONE. Je n'avois jamais oüi dire cette élégance: bien est-il, que derniérement étant aux Vallins, on nous présenta un peu de beurre. Eschine s'en fâcha, & dit à la fermiere, qui nous l'avoit présenté, que, puisqu'elle étoit chiche de beurre, elle avoit le cas grand. Avisez bien à ceci, mes dames, ainsi que fit la chambriere de Ciceron, laquelle ayant ouï qu'on lui reprochoit qu'elle mettoit trop de beurre en la poële, pour une fricassée, en retourna quérir abondamment pour clore sa grande ouverture. Et afin que vous sachiez un secret à propos, je vous dis que les hommes qui n'ont gueres de manche, sont plus courtois & gracieux, que les autres qui en ont bonne provision; & ce d'autant que ces manqueux n'ayant pas tant de quoi payer, il faut qu'ils avancent de la monnoie du singe. Pour cette cause, quand les demoiselles, filles & femmes sont ensemble à deviser, & parlant de quelque homme qui ait abondamment de quoi elles ont affaire, elles disent: cettui-là a un grand persuasif; il a de quoi faire une belle expression de ses pensées amoureuses; il en a assez, pour faire endéver une dégoûtée. Le bon homme Sandé, curé de Claye, qui oyant les demoiselles qui rageoient sur sa chambre, & cela l'empêchoit d'étudier possible, il leur cria: si je vais là-haut, je vous foutrillerai toutes, tant que je vous ferai enrager. SOFPASSUC. XXX. Nous en sommes bien vraiment, nous voilà bien: je fais belle forme juste comme à la boëte aux oublies. MENOT. Il ne falloit plus que cela, pour achever sainte Croix d'Orléans au moule de la chartreuse de Pavie, où j'ai été nourri écuyer; d'autant que de page il ne s'en parle point; il n'y a point d'enfans, ils sont tous grands: on ne fait pas là des enfans, il faut les envoyer tout faits comme à la cour de parlement, sauf l'honneur de la justice la bonne dame. BAIF. Ce n'est pas ce que nous disions; taisez-vous: laissez ces gens-là. Encore les ecclésiastiques sont traitables; ils ne font qu'excommunier; cela va & vient comme eau claire: mais ces gens de justice font tache d'huile, que le diable y ait part, mon ami: laissons-les; achevons ces contes. RONSARD. Or, pour vous remettre sur vos chouses, je vous dirai, durant que la ligue étoit en vigueur, on cherchoit à Tours un ligueur; & après plusieurs perquisitions, on alla au cloître le chercher chez une dame, qui logeoit avec un chanoine. Cette dame n'étoit point encore levée. Elle entretenoit son embonpoint. Un monsieur archer du prévôt entra dans sa chambre l'épée au poing, laquelle raclant contre les carreaux, pour faire du mauvais, dit tout haut: par la double rouge crête de coq, je foutrai tout céans, de par le roi. La petite Sevin, qui pour lors étoit avec elle toute tremblante, s'approche de ce fendeur de naseaux, & lui dit: hélas! monsieur, pour dieu, ne faites rien à madame; elle se trouve si mal, je vous prie d'avoir patience. Madame qui l'ouit, ouvrit son rideau, & adressant la parole à la fillette, lui dit: voire, ma mie; & dà, pourquoi non aussi bien qu'à vous, puis que c'est de par le roi. BEROALTE. J'y étois; je m'en souviens comme si c'étoit toutes ores; & aussi-bien que de ce qui m'avint étant encore au ventre de ma mere, un jour qu'elle rioit avec un président, qui l'entretenoit selon les usances de messieurs de la cour de Bretagne, qui nous viennent voir durant leur semestres. Il avint que de joie elle fit un pet; je pensois que ce fût un coup d'artillerie, & que nous fussions assiégés: même ce monsieur la tabourdoit si fort avec une lance à deux boulets, que je croyois que c'étoit un mouton, que maintenant en honnête architecture de guerre, on appelle un foutoir. Cela me fit si grand peur, que je sortis incontinent, & n'y avoit pas plus de quatre mois & demi que ma mere étoit mariée: aussi il y en a qui sont de race de faire ainsi leur premier enfant, qui volontiers ont bon esprit; cela fut cause que je devins poëte. BELLEAU. Ne le dites pas, s'il n'est vrai. BEROALTE. Puisque j'en jure, il est vrai; & faut croire un homme de bien, quand il se parjure. Il y en a beaucoup qui jugent à faux, ainsi que font nos messieurs de justice, que dieu garde de mal, lesquels font serment de n'avoir pas acheté leurs états, & toutefois l'argent en est encore écrit en leurs doigts. Ils ne le dirent point; mais qu'ils prêtent de l'argent au roi. Vraiment un maître iroit chercher qui lui bailleroit de l'argent, pour le servir. Aussi proprement l'argent fait tout: il fait jurer, sans offenser dieu! il fait que monsieur le juge couchera avec la femme d'autrui, sans commettre adultere; il fera donner un arrêt le plus mignon du monde. Voilà, certes, monsieur; l'argent a si bien fait, que pour l'avoir envoyé & baillé à propos, quelques voleurs des biens du roi ont été libérés. Ces voleurs, miens amis (aussi les poëtes sont amis de tous, & ennemis de chacun) s'en vindrent, au lieu d'avoir la corde au col, ce bel arrêt au poing, le dernier de septembre. Visitez les cours, & vous le trouverez, L. C. a ordonné que ceux accusés & convaincus de larcin, concussion & péculat, seront châtiés sans encourir note d'infamie & punition, &c. Que veut dire, L. C. La cour, le conseil, la chambre, le chouse, la coyonnerie; tout ce que vous voudrez: que m'en souciai-je, puisque je n'y sens plus d'intérêt; & que jurer ou non, c'est tout un, si quelqu'un ne se fait partie, afin que monsieur l'argent vienne loger chez nous. C'est assez interrompre mon dessein; je voulois vous dire ce qui avint à mon compere Drouet, qui avoit un procès, pour lequel juger, il fallut être assuré & éclairci de certain point qui ne pouvoit être connu que par le serment de cettui-ci: il lui fut dit qu'il ne tenoit plus qu'à cela qu'il ne gagnât son procès. Ha! vraiment, dit-il, l'ai donc gagné; parce que, s'il ne tient qu'à jurer, je jurerai des pieds, des mains, de la bouche; &, s'il est besoin, du cul, en la présence de messieurs. Aussi en avoit-il fait son apprentissage, aux dépens de mon compere Colin, qui lui avoit prêté un chaudron. Colin lui dit: Drouet, rendez-moi mon chaudron. Et quel chaudron? Si tu étois prêcheur, tu ne prêcherois que de chaudron. Je te prie, rends moi mon chaudron. Je n'ai point de chaudron à toi. Colin le fait appeller. Etant devant Bodion le bon juge, Colin demande son chaudron à Drouet; & Drouet dit qu'il n'en a point à lui. Bodion lui commande de jurer sa part du paradis, s'il a ce chaudron. Lui qui n'y prétendoit possible rien, je ne dis pas au chaudron, se met en état de jurer. Comme il juroit, le bon Colin lui disoit tout bas, en le tirant par le bras: hé compere, ne jure pas; hé compere, tu perds ton ame. Et Drouet lui répondoit en l'oreille: & toi, ton chaudron. CETTUI-CI. La femme du peintre qui coloroit notre maison, vouloit bien autrement; parce qu'elle incitoit son mari à jurer, encore que ce fût à faux, parce qu'il y avoit une utilité apparente. Maître Mathurin avoit prêté dix-sept francs à ce peintre, & les lui demandoit assez importunément. L'autre, différant, enfin est ajourné. Maître Nicolas notre peintre, qui avoit encore un petit coupeau de conscience, eût bien voulu ne rien payer, parce qu'il y avoit long-temps qu'il devoit. (Il pensoit tout de même que faisoit Billonneau de Poictou, à qui monsieur le chantre avoit prêté quarante livres, lesquelles il lui demanda treize ans après. Ho, ho, disoit l'autre, & sa femme aussi, s'en souvient-il?) Maître Mathurin fait venir son créditeur devant le juge: ces deux ayant proposé leur fait, & dit oui & non, & vere; le juge fit jurer maître Nicolas, pour savoir la vérité. Cette pauvre bonne personne d'homme n'osoit, & se feignoit. Sa femme étoit derriere, qui lui disoit: jure vilain, jure, puisqu'il y a à gagner; tu jures si souvent que tu n'y gagnes rien. S'il eût juré, qu'eût-ce été? MENOT. Il eût gagné les dix-sept francs qui lui eussent fait profit; & il en eût donné cinq ou six sols aux pauvres, & cela l'eût garanti de la perte de son ame. Savez-vous pas bien qu'en matiere de prudence humani-monacalo-chanoinesse, un grand tort ou dommage invisible est réparé & satisfait par un petit bien manifeste, comme ès cours, les présens font souvent gagner de méchantes causes. Ainsi plusieurs, tant laïques qu'autres, ayant bien dérobé en cachette, fondent publiquement de beaux anniversaires solemnels, où ils produisent les fruits mignons du mammon d'iniquité. Les gens de justice en bâtissent de beaux châteaux, qui honorent le royaume; les financiers en parent tout. Et même je vous dirai que, si un petit commis de mes fesses a volé dix écus, incontinent il se fera paroître, quand il ne le devroit qu'avec une ceinture de broderie; & un méchant procureur fera incontinent bâtir. Quant aux conseillers, ils n'y entendent rien; ils ne dérobent que l'écume; ils ne mettent pas la main au fond du pot, si je ne mens. Et ainsi sont effacés les larcins, monopoles, sacriléges, fraudes, & telles joyeuses inventions & moyens de parvenir. Vous rêvez, & songez creux; vous gâtez tout. Si on sait ce que vous dites, personne n'aura plus d'envie de faire pis, afin que bien en avienne. GEBER. Vous proposez une cabale de rêver en soupant; je voudrois, tant je suis ennuyé de la fracture de mon fourneau, que nous fussions en état parfait de rêverie; je serois aise, & n'aurois non plus de mauvaise passion, que le pâtissier Rigole qui songeoit, tant il étoit aise en rêvant, que sa grand'mere lui donnoit du fourmage mou. BACON. Jamais fourmage mou ne gâta gorge; non plus que cul chaud ne gâte jamais linge: & je ne ris jamais tant de fourmage mou ou de crême, que de celle de Manassés, secrétaire du patriarche de Constantinople. Ce grand esprit, il acheta un jour un fourmage de crême qui ne lui coûta rien. (Je montrois un jour à monsieur le chancelier, où c'étoit qu'il entra trois Flamans au cimetiere des saints Innocens, par la porte de l'autre côté, dont l'un tomba, & mit le nez en la selle d'une fille qui venoit de quérir de l'eau. Voilà comment je remarque tout, comme le derriere de votre chemise fait le conte de vos selles.) Manassés ayant eu en main son fourmage, prit un des chevaliers de la fleur de lys, un des quinze-vingts, & le pria de dire un _salve_ à son intention: pour ce faire, il lui mit un beau jetton au creux de la main. Le pauvre ayant accordé ses badigoinces, griguenotoit ce _salve_ avec une voix horrifique, à laquelle Manassés s'accordoit: comme il en fut venu au verset, qu'il se faut égueuler de crier, & qu'il eût ouvert amplement la gorge, & desserré la gueule assez grande, pour y enfourner un demi-alloyau de boeuf, les babines étant déjointes bien demi-pied, demeurant ouvertes en cette belle extase de chant royal. Manassés lui va flaquer ce fourmage mou dans le bagoulier si proprement, qu'il entra tout, & rien n'en sortit, que ce que malheureusement le triste criard fit écheoir, estimant avoir la bouche pleine d'une autre mixtion de plus haut goût. PAUSANIAS. Je pense que ce jour-là étoit fait pour rire. DICTIONNAIRE. XXXI. Ne vous souvient-il point que rencontrâmes la mule de Rabelais? Le bon homme ne s'en soucioit-il non plus que de celle du pape, ayant assez d'autres bonnes affaires. Il l'avoit laissée chez Fesandat, imprimeur; & avoit prié les garçons d'y prendre garde, pour la faire boire à ses heures, comme la truye des carmes. Déja deux ou trois jours s'étoient passés, qu'elle avoit assez bû; mais au diantre la goute, parce qu'elle ne bougea de l'attache, comme un vrai chien couchant. Jean du Carroi, jeune verdaut, s'avisa de cette bête, & monta dessus à dos sans la sangler; un autre le voit qui lui demanda la croupe, un tiers encore y saute; & les voilà ainsi que les quatre fils d'Aimon, à chevau sur la mule sans selle, n'ayant que le chevêtre, (que ne lui baillez-vous votre licou). Ainsi relevée de ces suffisans personnages, la bête prit son chemin à val la rue de saint Jâques: passant auprès de saint Benoît, au lieu de s'avancer, sentant l'eau d'une lieue loin: comme vous auriez l'odeur d'un bon jambon, & s'approchant de l'église, elle reçut une odeur débonnaire de l'eau bénite, qui, l'attirant par la conduite magnétique de sa saveur, la fit, en dépit des chevaucheurs; entrer en l'église. Il étoit dimanche, heure de sermon, où grand monde étoit convenu; & nonobstant ce peuple, & résistance des baudouineux, la mule, dure de tête & oppressée d'altération, donne jusques au benoitier, où elle mit & enfonça son horrifique mufle. Le peuple, qui voit l'effronterie de ce maudit animal, qui par dépit n'engendrera jamais, pense que ce soit un spectre, portant quelques ames jadis hérétiques, mais ores pénitentes, qui viennent chercher le doux réfrigératoire des bienheureux (laissez la boire), & déja chacun pensoit qu'il se feroit quelque émotion (laissez boire la mule) ou autre acte merveilleux de commotion spirituelle; mais la bête fut modeste, si qu'ayant légitimement bien bû, selon sa vacation, se retira sans autre cérémonie. ORPHÉE. Le mulet de Gravereuil étoit bien autre; il les faut marier ensemble. Il y en avoit, qui, voyant la méchanceté de cette bête, disoient que c'étoit quelque diable, fauteur d'hérétiques, punissant leurs ennemis: & cela venoit à propos, parce que, de mon tems, ce prêtre avoit fait effondrer une bonne & ample quantité de huguenots, qu'il tuoit bravement jusqu'à la mort. Un jour, un élu de Tours emprunta ce mulet, & monta dessus, & adressa ses voies à Langes. Y étant arrivé, le mulet prit le mords aux dents: &, sans se soucier de ce qu'il avoit sur l'échine, & du profit du roi, se mit à courir par tout à travers hommes, femmes & enfans; & s'adressant vers la poterie, passa par-dessus pots, buïes, casses, chaufferettes, qu'il brisa, cassa, rompit & gâta, comme un étourdi: puis, ayant fait sa montre, reprit ses erres, emportant le triste élu, qui eut voulu être au fond de sa cave, de peur du tonnerre; & le mulet de courir, sans arrêt ni crainte: & comme il couroit, il y avoit un pauvre homme, qui avoit trouvé la bougette d'un autre qui avoit passé, & l'avoit laissé cheoir. Cet homme, pensant que ce fût cet élu qui avoit perdu sa malette, lui crioit: monsieur, arrêtez-vous; tenez, voici votre malette. L'élu, pensant qu'il se moquât de lui, & ne se pouvant arrêter, lui crioit: je te ferai pendre, coquin. Le paysan couroit criant, brayant: monsieur, tenez votre bien. Coquin, tu seras pendu. Monsieur, tenez, arrêtez-vous. Le vilain, voyant qu'il ne s'arrêtoit point, jetta la malette là; & un autre la prit qui s'en trouva bien, & fit bâtir une belle maison à Portillon. Le méchant mulet courut sur les ponts, où étant arrivé, il s'arrêta aussi mignon qu'un cochon rôti, traitable ainsi qu'un agneau. Monsieur l'élu le mena où il voulut; mais se ressouvenant de sa peur, il l'alla rendre. Je vous assure, & m'en croyez, que si ce chevaucheur de mulet n'eût été élu, il se fût rompu le col, & fût allé, comme les autres, à tous les diables. Une autre fois que Gravereuil venoit du Plessis endossant son mulet, monsieur le mulet voyant l'eau, & y prenant plaisir, y porta son maître, & laissant à côté le pont sainte Anne, passa à travers l'eau: ce fut à messire de se tenir serré. Si ce n'eût été un prêtre qui venoit de confesser un minime, il étoit en danger de périr; mais il étoit en trop bon état; le diable n'en avoit encore cure. Voilà comment le muletier échappa, se tenant ferme de peur de mouiller ses cheveux. Par dépit de telles malversations, Gravereuil ayant assemblé le conseil de ses amis à ce connoissans, il fut résolu que dom mulet seroit châtré; ce qui fut exécuté au détriment des pendiloches qui furent levées. Le mulet guéri se trouva assez humble pour un tems: mais je m'en ris encore; & j'eus ce plaisir, un samedi matin, que ce vieillard voulant aller aux champs, monta sur sa bête, qui savoit le chemin de sa cure. Voilà qu'il est en train d'aller. Ce méchant mulet, étant en la rue de la grosse tour, avisa le châtreux qui l'avoit émancipé; aussitôt il se ressouvint de cette opération, & comme il l'avoit malheureusement exterminé, lui ôtant toute espérance de bénédiction mulative. Oubliant selle, bride & maître, il s'élança après; & ne se souciant plus de coups, de guide, & de tout ce que vous voudrez dire, s'enfonça droit & roide vers ce châtreux pour le dévorer, ouvrant la bouche grande comme un four à ban: & en dà, il l'eût diffamé & vilipendé sans sa feinte. Le pauvre siffleur se sauva en une maison; & le mulet après y porta son maître, qui fut obéissant, ne pouvant chevir de sa bête qui l'emporta après le châtreux, qu'il suivit tout du long d'un escalier, portant toujours son possesseur, qui n'avoit plus autre espérance que d'avoir le cou rompu. Le châtreux se jetta sur une pièce traversante, où le mulet, qui le voyoit, recanoit trépignant en la chambre, & béant comme une carpe qui se noie. Ainsi baillant, ouvrant la bouche grande comme un ministre qui dit son premier sermon, il fit tant de désordre en se tremoussant, que les quatre jambes lui entrerent dans le plancher; & messire Gravereuil eut le cul fort rehaussé, tellement qu'aisément il se put ôter de l'encombre où il étoit. Il ne fut point sot; il s'en ôta, & laissa là sa bête, qui, après que le pauvre châtreux fut échappé, fut levée par l'industrie de quatre ou cinq hommes qui l'enleverent. Ce mulet, depuis cette aventure qu'il ouvrit tant la bouche, mordit comme un chien; aussi ne vivoit-il que de mordre, pourquoi son seigneur lui fit arracher quatre dents, dont de dépit il devint pire, & jamais ne bûvoit qu'il ne lui prît fantaisie. HERCULES. Pourquoi est-ce qu'un âne ne boit pas, s'il n'a soif? CALVIN. Faites votre proposition vive. HERCULES. Je ne m'ébahis; si tu fus hérétique. Va, je te le dirai. C'est parce qu'il ne boit que de l'eau. Que s'il buvoit du vin, il boiroit à tout moment, comme un bon théologien: mais _tu venisti sobrius ad evertendam rempublicam_. CALVIN. Jamais il n'y eut homme savant, qui n'entendît raillerie, que toi. Va te faire lanterner, & me regardez; vous voyez votre maître. Mais que devint ce mulet? ORPHÉE. Gravereuil le vendit à un Gascon, qui, étant informé des conditions de la bête, ne laissa de la bien payer, estimant qu'aisément il en viendroit à bout, parquoi il l'acheta, & le paya bien authentiquement; aussi la bête étoit de belle apparence & forte. Quand le Gascon fut dessus, & qu'il l'eut un peu mené outre son premier gré, le mulet s'avisa & emporta mon homme après ses propres fantaisies, à travers haies & buissons, champs & prés, & le menoit, comme un nouveau Plutus, dans ronces & épines de tous les diables. A la fin, lassé ou remis, le soldat, qui ne pouvoit oublier cette injure, se renforça de colere, si qu'étant descendu, il lui passa son épée au travers le corps. Le mulet, sentant ce coup énorme, & sa vie déterminée, en appella à la mule du pape, par la vertu de laquelle il s'évertua, & excédant en vigueur, frappé comme il étoit, il se jetta sur son homme, auquel en mourant il emporta toute une épaule. Le pauvre Gascon se vint faire panser à Tours de sa morsure, plaie & contusion: mais il ne lui servit de rien, parce qu'il en mourut, d'autant que l'appareil qui fut mis sur sa blessure, avoit été appliqué sur la chemise d'une fille, qui étoit pucelle à vingt-cinq ans & demi, & que de là même on avoit fait le charpis qui avoit mis le feu par-tout. ÉLÉGIE. XXXII. CÉSAR. Bien remarqué! RENÉE. Devant que vous laissiez ce prêtre, je vous l'accompagnerai d'un, afin qu'il n'aille pas tout seul, & lui baillerai un caillou en la main, de peur qu'elle ne lui enfle. Il y eut un ministre Breton de Bretagne, qui courut chez nous une belle fortune. Il se plaignoit fort d'une douleur de jambe; & ayant pris conseil de son mal, il s'alla coucher. On avoit oublié de lui bailler un pisse-pot, si que, durant la nuit, ayant desir d'uriner, & ne trouvant point de vaisseau, il se leva, & s'avisa d'aller pisser en la cour. C'étoit environ la toussaint, en nouvelle lune. Il sort de sa chambre, & enfile le degré, lequel étoit contigu à celui de la cave, qui n'étoit point fermée, tellement que suivant la vis, il alla tant qu'il trouva terre, qui fut, quand il eut mis le pied au fond de la cave, où étant, il s'avança trois pas, & pissa abondamment selon la désirable évacuation de sa vessie. Voilà que, par male tigne, il s'étoit tant avancé, qu'ayant pissé il se trouva plus déchargé & plus éveillé; pourquoi il veut retourner: sur cette intention il cherche le noyau du degré & de la sortie ou entrée; mais il ne le peut trouver. Le voilà tout égaré; il leve les yeux à mont, & s'éguisant la vue, il tâche de trouver des étoiles; mais il n'avoit garde. Ho, disoit-il, que le temps est nuble! que le ciel est noir! que l'air est étouffé! Ho, y, il fait ici noir comme en une cave. Les nuées étoient si épaisses, qu'il ne voyoit goutte qui soit. Il se résout de sortir de ce lieu tant obscur, qui est la cour, à son avis; mais il ne peut trouver de passage: il va, & vient, & de tant plus il s'englue. A la fin, il se met à appeller, & crier qu'on lui portât de la chandelle. Il se mettoit à hucher, puis se reposoit; plus il huchoit, & moins on s'en soucioit; aussi que sa voix n'étoit point entendue venant de si bas. Après qu'il avoit bien crié, il se taisoit, & écoutoit; puis, un peu après, il recommençoit. A la fin, je m'éveille & demandai: qui est-là? Il m'entr'ouit, & dit: c'est moi. Et qui? Moi pauvre ministre. Et où êtes-vous? Ici. Et où? je ne sais. A la fin, la voix me conduisit à la cave, où je le vis tout nud, aussi ébahi que Petou. Qui, tous les diantres vous a mis ici? C'est moi: je cuidois être en la cour; & je ne sais comment j'ai descendu si bas. Et que n'avez-vous pris des souliers? Si j'eusse pensé tant y être, j'eusse pris mes souliers & ma robe. Mais, pour dieu, menez-moi chauffer; je transis de froid. Je fus presque en pensée de le mettre échauffer en mon lit: mais l'odeur de ministre me déplaît; je m'étonne de celles qui les aiment tant, & les épousent. VITRUVE. Mais venez çà, Renée; faites honte au diable. Ce Breton ne vous pria-t-il point d'amour en la cave? RENÉE. En bonne finte, il n'avoit garde; il ne lui en tenoit; il avoit trop froid aux pieds. _Qui a froid aux pieds, la roupie au nez, & le cas mou, s'il demande à le faire, c'est un fou._ Croyez qu'il avoit la friandise bien ravallée. VITRUVE. Il falloit le lui frotter. Voire, _vin chauffé & cas frotté ne tendent qu'à pauvreté_. Ce fut donc à l'autre chambriere à laquelle il le fit. RENÉE. O! vere, en ma conscience, je vous jure qu'elle est une pauvre petite putain, aussi fille de bien que fut jamais votre mere; & n'y en a pas une en ces cloîtres, qui fasse moins faute de son corps. Que si elle est avec un homme qui l'entretient, hé bien, il n'y manque que l'église; elle ne laisse d'être mariée: & ce mariage, au dire de nos prêcheurs, est aussi bon que celui des huguenots, qui ne se marient, non plus que nous, à la messe. Et bien, vous voilà bien en peine pour une messe! Dites ce que vous voudrez; je l'aime bien. Le diable l'emporte, si elle songe plus en cela qu'une vraie abbesse, à qui dieu en veuille faire pardon. VITRUVE. Mais messire Gabriel nous a conté qu'il n'alloit la voir, que pour en tirer une venue. RENÉE. C'est un sot de le dire, au respect du maître qu'il sert. Qu'il aille chez lui, de par le diable. Il est donc de ces gens-là? L'hypocrite! Je vous prie, quand il chemine, vous ne diriez pas qu'il y pense. Que ne va-t-il droit? Il va douanant, comme un badin; & trotte de côté, comme un chien qui vient de vêpres. Je dirai à Perrine que vous l'avez nommée putain. VITRUVE. Et à qui vous joues-tu? Je sais comme il faut rabattre de tels coups. RENÉE. A l'usage de notre maître, qui, un soir, demanda à ma maîtresse, qui servoit le gouverneur logé au château: ma mie, avez-vous porté du linge à ces putains du château. Elle lui répondit: vraiment, pour un vieil homme, vous dites de vilaines paroles; il vaudroit mieux vous taire, ou dire votre patinostre. Voire, dis-je, monsieur, appellez-vous madame, ses filles, ses soeurs & ses demoiselles putains! O, dit-il, je ne les pouvois mieux nommer; ne le seront-elles pas bien, si elles veulent! DIOGENES. Il y en a beaucoup qui le voudroient bien être, & ne peuvent un seul petit coup: par ainsi beaucoup de monde va en paradis par sa faute. CATULLE. S'il y avoit autant d'honneur, de grace & de commodité paisible à être putain, que d'être femme de bien, on ne pourroit tenir les femmes. AVICENNE. Vous êtes importun de ces femmes de bien. Qu'est-ce que peut faire une femme de bien, que de bruit en une maison! Elles ne font que rechigner, elles sont ennemies de tout exercice vertueux: bref, ces tant femmes de bien feront pour dix écus de ménage en une maison, & y feront pour cent écus de vilenie, tant elles sont seches de courtoisie. Depuis qu'une femme a juré: par la merci de dieu, je suis femme de bien de mon corps; on n'en sauroit plus chevir; on ne lui ose plus rien dire. SENEQUE. Vous n'êtes pas recevable à parler des femmes, d'autant que vous êtes jaloux de la vôtre. AVICENNE. Parmagri, eh! de qui voudriez-vous que je fusse jaloux? De ma mule, de ma chatte, de ma chienne, comme vous de votre chevre; vraiment je vous les abandonne, aussi-bien êtes-vous savetier, vous travaillez en vieil cuir à racoûtrer la mere de l'Empereur. Laissez-moi dire, ou je vous ferai rougir comme un plat d'étain. Pensez vous que, pour si peu de choses, & qu'à si petit cas de pitié, une femme soit connue. Il y a des femmes qui sont enclines à faire la pauvreté, par nature qui les induit vivement à la contenter, qui, au reste, sont les plus justes & admirables du monde, & ne voudroient endommager autrui. Il est vrai que, quelquefois, il y en a qui s'accommodent, pour subvenir aux nécessités de la maison. Vaut-il pas mieux avoir un peu de commodité & faire plaisir aux honnêtes gens, que de trancher de la glorieuse & avoir disette? Sachez l'axiome de Normandie: _plus de profit et moins d'honneur_. On acquerra assez d'honneur, après que l'on aura des moyens. Il est vrai que je veux mal à celles qui le font pour se venger, comme la huguenote de Lyon, qui disoit à son mari qui la battoit: va, chien, vilain, par dépit de toi, grand excommunié, j'irai tant à la messe & me ferai tant haillonner. Mais j'excuse celles qui le font par honneur, de peur d'en aller honteusement demander, & qui le font pour honnêtement gagner leur vie. Toutefois, je me fache de ce qu'elles ne sont toutes unies. Il y en a qui sont loches; les autres sont croches, ainsi que me disoit la feue princesse qui a été nonnain. Les loches deviennent misérables, tout leur chet du cul, rien ne leur tient, elles sont vilaines putacieres. Quand aux croches, elles sont sages & prévoyantes; elles attrappent tout & le retiennent; il ne leur faut pas jetter d'eau aux fesses comme aux cavalles; elles retiennent bien, elles sont de bonne sorte, elles sont femmes de bien en dépit des autres, pour ce qu'elles sont braves, ont du support & de l'argent. Retenez cela, putains. Que si vous voulez tenir un homme en bride, faites-le bien payer: ceux qui vous le font pour néant, n'en font compte; ceux qui l'achetent, font état de vous, comme on fait entre les bons marchands, de ceux qui ont de quoi, & sont sujets à large, pour le faire venir. Quant à Licofron, il en fait suivant la venue que lui bailla celle qui le pressura l'an passé. LICOFRON. Je ne la garderai gueres, ce que j'en faisois étoit pour suivre ma destinée, qui est, à mon avis, que je le dois faire à toutes les femmes & filles, & l'ayant fait à cette-là, c'étoit autant de fait. Quand j'aurai accompli ma fatalité, vous serez mon beau-pere, votre fille est belle & de nos soeurs, & puis, si j'empoigne votre femme... AVICENNE. Tout beau, la mere & la fille. LICOFRON. C'est tout un, il n'y a point de lignage en cul de putain, l'eau claire l'efface. On mange bien en Grece d'une truye dont on aura mangé le cochon. AVICENNE. Mais voyez comme il appelle ma femme & ma fille putains. LICOFRON. Prenez que nous ne soyons mariés, ni l'un, ni l'autre. Si je devois accommoder toutes les filles, & vous toutes les femmes, lequel auroit plus de peine? Ce seroit vous, compere mon ami, parce que quand j'aurois accoûtré les filles, il faudroit que, comme à femmes, vous leur fissiez. AVICENNE. Mais à qui seroient les enfans? LICOFRON. Ils seroient à nous, qui serions leurs mignons, ainsi que beaux petits chanoines. AVICENNE. Voire, mais les filles ne sont femmes, que le prêtre n'y ait passé. LICOFRON. Dà, qu'il faudroit que le trou fût grand; envoyez-les à Rome & à Angers, il y a assez de prêtres pour faire ce qu'ils pourront. AVICENNE. Vous les voudriez faire putains. LICOFRON. Et qui le saura? Qui est-ce qui pourra dire, qu'une fille, ou femme, soient putains que par opinion; s'il n'en a été maquereau, ou par méchante calomnie, s'il ne l'a besognée. MENANDRE. Pourquoi est-ce que les chanoines se font nommer _mignons_ à leurs enfans! LICOFRON. Parce que mon mignon, mon oncle, mon maître en chanoine; c'est-à-dire, mon pere en ministre, comme, monsieur en grand. STATIUS. Allez leur dire, & vous chauffez à leur feu, & accommodez leurs pucelles. Ce sont bonnes pucelles d'apparence; mais elles sont femmes en substance, ayant reçu la même transmutation momentaire, qu'une femme ou une putain. JOSEPHE. Il y a plus de trois mille minutes que je suis après, pour vous attrapper à ce point, sans vous interrompre; mais il ne venoit pas à propos. Vous avez dit qu'il y a des femmes qui le font, & sont femmes de bien. RESPECT. XXXIII. FEU MONSIEUR. J'avois en ma cour un gentilhomme, qui disoit qu'il avoit trouvé sa femme le faisant plusieurs fois. Hé, gros oison: c'étoit lui, voilà comment il le faut entendre. J'aimerois autant mon premier médecin, qui, parlant à un de mes maîtres d'hôtel, qui se plaignoit qu'il avoit trop d'enfans; & qu'il eût voulu avoir un secret, pour le faire à sa femme, sans lui faire des enfans. Le médecin lui en promit, pourvu qu'il fît le juste présent. Ce qu'étant accompli, le médecin lui dit: mon ami, défaites au matin ce que vous aurez fait au soir; ou bien ne le faites jamais à votre femme, qu'elle ne soit grosse. Monsieur, ce n'est pas cela. Je m'entends bien; je veux dire qu'elle le fasse, comme font les putains. Pourquoi, je conclus qu'il faudroit établir un certain ordre; & puisque vous avez la tête si lourde que vous ne pouvez entendre, je vous dis qu'il faut qu'elles soient de l'ordre de sainte Glougourde, qui prêtoit son chouse pour une patinostre. Et je vous dirai, tout prosélite que je desire être: on a parlé de la piété: elle se peut connoître par les effets. J'ai observé que les femmes qui ont long temps ébattu leur jeunesse, se venant à retirer de cet état, sont plus dévotes que les autres; vous les voyez sans cesse tomber en oraison, les yeux larmoyans, la bouche pleurante, le cas riant. STATIUS. Et comment est-ce qu'il riroit: LICOFRON. Il a une bouche & les levres. Il n'est pas de cela pour rire. STATIUS. De quoi est-il fait: LICOFRON. Celui d'une fille est fait de chair de cirons, il demange toujours; & celui des femmes est de terre de marais, ou d'eau de mer, parce que le cas d'un homme, qui est de liége, ne peut aller au fond. AVICENNE. Ce n'est pas-là ainsi que disoit la belle fille, qui vouloit être touchée au bas du ventre: achevez ces dévotes. Je vous laisse dire, pour vous avertir que les jeunes filles passant vingt ans, & jeunes veuves qui n'osent le faire & le voudroient bien, sont toujours près les piliers des églises à prier, afin que leur contentement avienne; & les vieilles pécheresses invoquent à ce qu'il ne leur soit rien imputé, pour l'excès qu'elles en ont eu, au préjudice des autres qui en jeûnent; & ce d'autant que toutes, tant nonnains soient-elles, ne pensent qu'à cela, parce que c'est la fin finale, pour laquelle la femme a été faite. RADEGONDE. Puis qu'ainsi est, je voudrois que mon cas fût un benoîtier, afin que tout le monde mît dedans. ÆLIAN. A ce que je vois, il n'est que de mettre dedans. A ce propos, je vous dirai de mademoiselle d'Amelie, qui a beaucoup acquis de réputation, ayant hanté la cour toute sa vie, parce qu'elle étoit mariée à un impuissant; & elle l'a enduré, sans aller à notre-dame des aides; ou pour mieux dire, à la cour des aides. Elle n'a, tout ce temps-là, rien mis dedans; & si on ne voyoit en rien son désastre, tant elle faisoit bonne mine. Ce premier mari lui a duré dix ans, il faut que vous sachiez cette vérité. Etant mariée à ce bon personnage, la premiere nuit de ses noces, il la caressa de baisers & de petites mignardises superficielles; & puis mit la main à une paire d'époussettes de soie qui étoient pendues au chevet du lit, & lui épousseta son cas; ce qu'il fit deux ou trois fois, & ainsi les passant & repassant par son velu d'entre les deux gros orteils, la contentoit, sans qu'elle y pensât autre finesse. Le lendemain les amies lui demanderent comment elle se portoit, & ce qu'elle disoit de ce bon homme. Vraiment, dit-elle, il m'a épousseté trois fois mon cas. O, ho! dirent-elles, vous êtes bien, ma mie. (Ainsi font les dames de Paris, & disent à la nouvelle mariée: hé bien, la jeune femme, comment vous portez-vous! Si d'aventure elle est bien ointe en sa jointe, elle dira: fort bien, madame; j'ai un bon mari, il me donne tout ce que je demande; si je voulois manger de l'or, il m'en donneroit. Mais si elle est mal servie: ardez, dit-elle; mon mari est un grogneux; il est chiche, & ne fait que penser à son avarice. Hélas! voyez, voilà grande pitié). Cette-ci n'étoit si fine, elle ne savoit ce que c'étoit, & s'ébahissoit comment les femmes faisoient si grand cas de si peu de chose, qu'elle estimoit moins que rien, encore qu'au dire des dames ce fût beaucoup d'excellence: je laisse à penser ce qu'elle jugeoit de l'entendement des autres. Il avint que ce bon mari fut malade; & se voyant près de sa fin, fit son testament, & donna à sa femme sa maison, ainsi qu'elle se comportoit, meubles & tout: puis il trépassa, comme dit l'autre, dont elle fut en grande angoisse, parce qu'outre cela il étoit le meilleur petit bon homme, qui fût d'ici au saut d'une puce armée. Quelque temps après, un brave jeune dispos se mit à rechercher cette belle veuve, qui, au commencement n'en fit cas, n'ayant affaire de rien. Ainsi estimoit-elle le bien que peut faire un homme, qui est plus grand que jamais pere & mere n'en firent; cela, qui est le bien des autres, ne l'émouvoit point. Or ce que l'amour ne put exciter, l'ambition l'éveilla en cette-ci; d'autant qu'elle considéra que ce jeune homme avoit un beau chausse-pied de mariage, qui seroit cause qu'étant mariée à lui, elle passeroit devant ses soeurs: parquoi y pensant, elle consentit au mariage tant desiré par le jeune homme. Ils furent donc mariés, aux us & coutumes du pays. Ainsi que le prêtre leur dit, (j'y étois) & leur acheva ainsi la benoîte cérémonie: vous, Claude, vous promettez-bien aimer Marie: Marie, au cas semblable, gouvernerez bien votre mari Claude autant sain que malade, &c. Cela promis, la belle emmena son jeune mari en sa maison, où elle lui fit bonne chere; puis ils coucherent ensemble au même lit, où le bon homme lui avoit épousseté son cas. Le jeune compagnon n'eut pas la patience d'attendre; mais se juche sur elle, qui se trouve scandalisée de cette façon. Quoi, dit-elle, me voulez-vous outrager? Etes-vous fou ou enragé! Je veux vous faire comme votre défunt mari faisoit. Il ne faisoit pas ainsi; il prenoit ces époussettes, & m'en époussetoit mon engin; il ne me fouloit pas comme vous faites; il passoit & repassoit ces époussettes sur la prée de ce petit fossé, que j'ai contre-bas. Vraiment, c'est cela. Laissez-moi faire, je l'entends mieux que lui; il n'étoit pas clerc. Elle s'y accorda; & comme elle sentit l'embouchement entre les hipocondres, chose qui lui étoit toute nouvelle; hélas! crie-t-elle, mon ami, pensant aux époussettes, je crois que vous avez mis le manche dedans. Voilà comment il l'accommoda, & s'en vanta. Et toutefois il n'étoit pas si bon compagnon qu'il se disoit; je le sus de la femme de chambre, qui ouit le discours & les effets. Je lut demandai s'il étoit vrai qu'il eût frétillé-naturé sa femme neuf fois, comme il se vantoit. Elle, se moquant, secoua la tête, me disant: je voudrois avoir ce qu'il s'en faut. Depuis cette fortune, la demoiselle s'est reconnue, & n'a plus été si niaise. De fait, on m'a assuré que, comme les autres, elle aimoit mieux un vit au poing, qu'un bourdon sur l'épaule. ANDOCIDES. Pendant que nous sommes aux noces, demeurons-y. COUVENT. XXXIV. J'eusse oublié ceci, si je n'y eusse pensé. La bonne femme la Baudouin marioit sa fille; & l'ayant fiancée, vint au soir le notaire qui avoit passé le contrat, qui disoit que tout étoit bien. Mais, dit-elle, il faut des bans; je vous prie me les écrire. Il faut parler au clerc. Julian mon ami, puisque monsieur le notaire le veut, écrivez, je vous prie, qu'il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la fille de chez nous. Ce gars écrivit ce qu'elle dit, & le lui bailla. Elle porta son fait au curé, qui le mit en sa ceinture. Le dimanche au matin, publiant ces bans, il dit: il y a promesse de mariage entre Pierre du Pin, & la fille de chez nous. O, ho! si est-ce, par saint Jean, qu'il n'y en a point! Chacun s'en rioit, comme on fait au conclave, quand on a élu un pape. GRATIAN. Je les vis fiancer, ainsi que le curé les eut fait toucher en la main, il prit un verre & fit boire le fiancé. Or ce fiancé avoit eu la fievre, qui lui avoit chié au bec, si que sa bouche étoit un peu galeuse. Le fiancé ayant bu, le curé présenta ce verre à la fille, qui, le tenant, jetta ce qui étoit dedans, & le tourna. Quoi! dit le curé, ma mie, vous ne voulez pas boire? C'est votre grace, monsieur: mais s'il vous plaît, donnez-m'en deux doigts dans le cul. Elle entendoit le cul du verre. L'AUTRE. Un jour j'étois aux noces vis-à-vis du curé, qui étoit près de la mariée, laquelle avoit eu de l'usance qu'elle avoit usée. Je lui donnai un croupion qu'elle voulut saucer; & ne trouvant rien en sa sauciere, dit: monsieur le curé, tremperai-je mon cul en votre sauce? Trempez, ma mie, trempez. Mais ce curé fut bien trompé. GRATIAN. Comment? L'AUTRE. Ce curé étoit amoureux de cette fille, de laquelle il avoit pratiqué le mariage, pourvu qu'après il fut reçu à faire avec elle choses & autres, selon l'intelligence délectable, à quoi la fille s'accorda, & en avertit son mari, afin qu'il ne le trouvât point étrange, s'il n'y remédioit. Sur cette promesse, le mariage fut fait; & le mignon de curé s'attendoit de faire goûter à la jeune femme de son fruit de cas-pendu. (Cas-pendu est le cas qui pend; les pommes qui ont des pendans sont pommes de cas-pendu; & telles sont les pendiloches naturelles des hommes. HORACE. Vous faites une équivoque trop dissemblable; je vous entends bien. Les pendilloires ne sont pas pommes, d'autant qu'elles ont mieux la figure de prunes; & de fait il y paroît, parce que notre jardinier en disoit, les nomcupant naïvement. Mademoiselle étant venue au jardin, & arraisonnant le Jardinier, vit en un prunier de ces prunes qu'on appelle _billons d'âne_. Jardinier, donnez-moi de ces prunes. Il faut que vous en ayez, mademoiselle; je m'en vais appeller mon fils; je ne suis pas assez fort. O Jean! ô viens vîtement donner ici une secouée de couillons à mademoiselle. Achevez, s'il vous plaît.) L'AUTRE. Monsieur l'amoureux poursuivit son instance. La jeune mariée, qui, comme toutes nouvelles jeunes femmes font, aimoit son mari encore pour le bien & aise qu'elle avoit eu d'avoir été accomplie, ne faisoit guères d'état de messire Jean, principalement ayant eu l'argent qu'elle prétendoit. C'étoit autant de vinette cueillie. Un jour qu'il la trouva, il lui dit: sais-tu pas bien que tu m'as promis? Et quoi? De mettre un de mes membres dans un des tiens. Je le veux, monsieur le curé, mettez donc votre nez en mon cul, ainsi vous boucherez trois pertuis d'une cheville. Les petits menus propos lui donnoient espérance que bientôt il l'émouveroit toute vive, par ainsi il se rendoit plus privé & importun, dont la jeune femme se voulut défaire moyennant le complot pris avec son mari, qui fit semblant d'aller aux champs. Par ainsi, monsieur le curé qui alloit & venoit pour rencontrer la belle, eut assignation de venir au soir. Sur la brune venant, voici mon curé qui vint; comme elle le vit: helas! dit-elle, personne ne vous a-t-il vu? J'en suis toute tremblante. Ma mie tout ira bien, assurez-vous. Et bien, monsieur, vous soyez le bien venu. Tâtons au vin: non, pas encore, Françoise ma mie, tâtons à autre chose avant. Vraiment, vous avez grand hâte, si votre fosset est fait, la piece n'est pas perçée. Attendez que nous soyons couchés, vous aurez assez de quoi vous embesogner; je vous baillerez un petit endroit, où il y a plus à travailler, qu'il n'y a à moudre en quatre septier de bled. Soupons vîtement, puis, nous nous coucherons. Cependant il déroba quelques baisers, qu'il furta tandis qu'elle apprêta tout. Ils se hâterent de souper, puis elle dit: là, couchons-nous; c'est assez friponner sur la viande morte, c'est trop languir. Jamais le mignon ne se trouva si aise. Il se jetta bientôt au lit, & elle, presque toute nue, faisoit mine d'aller éteindre la chandelle; & musoit un peu, & il lui disoit: _Françoise, vien tôt, voici Jacquemart de bandeliroide qui vous attend, c'est Perrin boutte-avant, venez tôt, il est fort comme un os; venez qu'il vous serve._ Elle approche comme pour se jetter au lit, n'ayant plus que sa chemise: ho, dit-elle, je m'en vais ôter ma chemise, mais aussi vous ôterez la vôtre, je ne la pourrois souffrir. Il l'ôte, puis elle lui dit: je vais éteindre la chandelle, tendez-moi la main pour vous trouver. Elle faisoit de l'interdite, semblant d'ôter sa chemise, une manche, puis l'autre: foin des puces, bran elles me mangeront. Le drôle prenoit plaisir à la lueur de la chandelle, de voir ces mysteres qui avoient bonne grace; mais voici bien du changement. Ainsi que déja cette chemise passoit par-dessus la tête, qu'il voyoit un beau tableau, on heurta à la porte assez épouventablement. Lors elle comme surprise: hélas! monsieur, où vous mettrez-vous? Je suis perdue. D'autre côté, on frappoit, disant: ouvre-moi, Françoise, ouvre vîtement, je suis mort; je te prie, ouvre vîte. Elle crioit: mon mari je me leve en si grand hâte, que je ne sais ce que je fais. Cependant elle aidoit au curé à monter sur un travers, où les poules nichoient. Cela fait, comme toute hors de soi, elle vint ouvrir la porte à son mari & lui dit: & où allez-vous si tard? Il est belle heure de venir. Ha! ma mie, excuse-moi, je suis mort. Ne te fâche point: tu ne me verras plus guerre; je me meurs, envoie quérir monsieur le curé que je me confesse. Il se tenoit le ventre auprès du feu, comme s'il eût eu la colique, & faisoit semblant par fois de s'évanouir. Il fait appeller des voisins à l'aide, qui s'assemblent à le reconforter & le mettre sur un lit à terre. Mais il ne faisoit plus que soupirer & dire: jamais, jamais! Hé, compere, prenez courage. Jamais. Ce ne sera rien: or sus, mon ami, là, aidez-vous. Jamais. Il faut voir monsieur le curé. Jamais. Il vous dira quelque bonne parole. Jamais. Encore ne faut-il pas se laisser ainsi aller. Jamais. Il semble que vous ne nous connoissiez point. Jamais. Voilà mon compere cettui-ci, mon cousin cettui-là, qui vous sont venus voir. Jamais. Quand presque toute la paroisse fut assemblée, & que l'on lui va dire: or ça compere, debout, allons au lit; vous y serez mieux. Et bien que vous faut-il? Adonc, jettant les yeux & dressant la main vers le curé, il va dire: jamais je ne vis un tel Jean avec mes poules. Adonc monsieur le curé de se trémousser; & lors les destinés à faire fouetterie lui aiderent à descendre, & le singlerent à droite & à gauche, sans faire semblant de le connoître. Quelle loi, _canis_! Là, là, disoient les femmes, fessez, fessez, c'est le foulon. Tels sont les esprits familiers, incubes, sucubes & fées, qui, en phantômes domestiques, trompent hommes & femmes. Flanquez-lui ces nerfs de boeufs autour des échines, tant que la peau lui parte. APOSTILLES. XXXV. HORACE. Ces femmes disoient tout outre, comme frere Orimont qui prêchoit durant les états, se mettant en colere contre les usuriers: sur-tout il raconta que les diables les tenoient en enfer, où ils les flagelloient, les sanglant avec de grands vits de boeuf. Après le sermon, quelqu'un lui remontra; & sur cette remontrance, il nous enseigna qu'il y avoit deux temps, qu'il falloit tout nommer par son nom, ou que l'on avoit congé de tout dire; en innocence, & en colere. Ainsi, nous, ajoûta-t-il, qui sommes en chaire, en vraie innocence, laquelle nous fait venir la sainte colere, ne péchons point, si nous disons ce qui seroit interdit à un autre. Ainsi devons-nous parler naïvement, afin de ne causer aucun doute. Savez-vous pas bien que la honte est signe de péché? Or nous, qui n'avons pas envie de pécher, si ce n'est à bon escient, avons occasion, liberté & science de tout dire explicablement; & puis si nous, plein de protection formelle, déguisons les matieres, on ne croiroit plus; on dira que nous sommes menteurs. Voudriez-vous que je die, comme les femmes de Blois, v, i, t, pied; c, o, n, pantoufle? Que si en choses connues de vulgaire, nous apportions du déguisement, que ferions-nous ès inconvéniens & contingences de conséquence. CALIGULA. Le grand cordelier de Poitiers étoit donc en colere ou en innocence, quand prêchant les regrets de la mort de l'un de leurs confreres qui avoit été pendu à Vendôme, disoit aux dames en pleine chaire: voyez, mes dames, comme vos bons peres spirituels sont accoûtrés. Et faisant geste d'un homme bien fâché, y ajoutoit une mystique démonstration, mettant la main gauche à la jointure du bras droit, qu'il démenoit comme un encensoir, soupirant disoit, faisant cette question en complainte plusieurs fois: il m'en pend autant, mes dames; il m'en pend autant. TOSTAT. Je le connois ce bon frere. Il aide volontiers de sa faveur à ceux qui vont aux ordres. Et de fait, un jour qu'un jeune clerc se présentoit, monsieur le grand-vicaire, qui n'est pas plus habile que l'évêque, (aussi ce seroit honte) vint pour l'interroger; & ouvrant le livre, trouve: _angelus tenebat thuribulum_. Or ça, dit-il à ce clerc, qu'est-ce à dire _thuribulum_? Le voilà surpris: il cherche en son cerveau, si l'esprit lui suggérera quelque réponse. Maître Robert, qui étoit derrière le grand vicaire, faisoit signe du bras à ce répondant, & lui faisoit le même mystere que le cordelier. Le clerc considéroit fermement, & voyoit bien que ce maître lui faisoit signe comme les enfans de choeur à Paris; mais il ne pouvoit bien deviner. Le docteur le pressant, enfin il va répondre selon l'apparence du signe: _thuribulum_, c'est-à-dire, un vit de mulet, monsieur. CARLOSTADE. Mon compagnon ne répondit gueres mieux que moi, quand nous allâmes nous faire exorciser avec Malo. On demande à Liset, sur ce texte, _quidem habebat villicum_: qu'est-ce à dire _villicum_? Il répéta le texte; puis ayant pensé que c'étoit à dire chose, & qu'il le falloit dire honnêtement, & que possible le texte parloit d'un adultere, se ramentevant que c'étoit, selon Bocace, mettre le diable en enfer; plein de belles résolutions, & pensant aviser les autres d'une science profonde: dit: _dicam, domine_. Là donc, dites, dites; qu'est-ce à dire? _Habebat villicum_, c'est-à-dire, il avoit le diable au corps. BEZE. Si je n'avois peur de blasphémer, je dirois quelque chose de cinq religieuses qui furent baillées à gouverner à frere Notonville, qui les engrossa toutes. Comme on l'en tançoit, il dit: _quinque_, &c. tu m'as baillé cinq talens; j'en ai gagné cinq autres. Or sus, n'en parlons plus; nous serions ici meshui. Sur quoi étions-nous? ASCLÉPIADES. Nous étions sur celles qui le font à petit semblant. _Fin du Tome second._ *** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LE MOYEN DE PARVENIR, TOME 2/3 *** Updated editions will replace the previous one—the old editions will be renamed. Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright law means that no one owns a United States copyright in these works, so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United States without permission and without paying copyright royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to copying and distributing Project Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you charge for an eBook, except by following the terms of the trademark license, including paying royalties for use of the Project Gutenberg trademark. If you do not charge anything for copies of this eBook, complying with the trademark license is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose such as creation of derivative works, reports, performances and research. Project Gutenberg eBooks may be modified and printed and given away—you may do practically ANYTHING in the United States with eBooks not protected by U.S. copyright law. Redistribution is subject to the trademark license, especially commercial redistribution. START: FULL LICENSE THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free distribution of electronic works, by using or distributing this work (or any other work associated in any way with the phrase “Project Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full Project Gutenberg™ License available with this file or online at www.gutenberg.org/license. Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works 1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg™ electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to and accept all the terms of this license and intellectual property (trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy all copies of Project Gutenberg™ electronic works in your possession. If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project Gutenberg™ electronic work and you do not agree to be bound by the terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8. 1.B. “Project Gutenberg” is a registered trademark. It may only be used on or associated in any way with an electronic work by people who agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few things that you can do with most Project Gutenberg™ electronic works even without complying with the full terms of this agreement. See paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project Gutenberg™ electronic works if you follow the terms of this agreement and help preserve free future access to Project Gutenberg™ electronic works. See paragraph 1.E below. 1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation (“the Foundation” or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project Gutenberg™ electronic works. Nearly all the individual works in the collection are in the public domain in the United States. If an individual work is unprotected by copyright law in the United States and you are located in the United States, we do not claim a right to prevent you from copying, distributing, performing, displaying or creating derivative works based on the work as long as all references to Project Gutenberg are removed. Of course, we hope that you will support the Project Gutenberg™ mission of promoting free access to electronic works by freely sharing Project Gutenberg™ works in compliance with the terms of this agreement for keeping the Project Gutenberg™ name associated with the work. You can easily comply with the terms of this agreement by keeping this work in the same format with its attached full Project Gutenberg™ License when you share it without charge with others. 1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in a constant state of change. If you are outside the United States, check the laws of your country in addition to the terms of this agreement before downloading, copying, displaying, performing, distributing or creating derivative works based on this work or any other Project Gutenberg™ work. The Foundation makes no representations concerning the copyright status of any work in any country other than the United States. 1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg: 1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate access to, the full Project Gutenberg™ License must appear prominently whenever any copy of a Project Gutenberg™ work (any work on which the phrase “Project Gutenberg” appears, or with which the phrase “Project Gutenberg” is associated) is accessed, displayed, performed, viewed, copied or distributed: This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook. 1.E.2. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is derived from texts not protected by U.S. copyright law (does not contain a notice indicating that it is posted with permission of the copyright holder), the work can be copied and distributed to anyone in the United States without paying any fees or charges. If you are redistributing or providing access to a work with the phrase “Project Gutenberg” associated with or appearing on the work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the Project Gutenberg™ trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.3. If an individual Project Gutenberg™ electronic work is posted with the permission of the copyright holder, your use and distribution must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked to the Project Gutenberg™ License for all works posted with the permission of the copyright holder found at the beginning of this work. 1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg™ License terms from this work, or any files containing a part of this work or any other work associated with Project Gutenberg™. 1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this electronic work, or any part of this electronic work, without prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with active links or immediate access to the full terms of the Project Gutenberg™ License. 1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary, compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any word processing or hypertext form. However, if you provide access to or distribute copies of a Project Gutenberg™ work in a format other than “Plain Vanilla ASCII” or other format used in the official version posted on the official Project Gutenberg™ website (www.gutenberg.org), you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon request, of the work in its original “Plain Vanilla ASCII” or other form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg™ License as specified in paragraph 1.E.1. 1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying, performing, copying or distributing any Project Gutenberg™ works unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9. 1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing access to or distributing Project Gutenberg™ electronic works provided that: • You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from the use of Project Gutenberg™ works calculated using the method you already use to calculate your applicable taxes. The fee is owed to the owner of the Project Gutenberg™ trademark, but he has agreed to donate royalties under this paragraph to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments must be paid within 60 days following each date on which you prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax returns. Royalty payments should be clearly marked as such and sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the address specified in Section 4, “Information about donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation.” • You provide a full refund of any money paid by a user who notifies you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he does not agree to the terms of the full Project Gutenberg™ License. You must require such a user to return or destroy all copies of the works possessed in a physical medium and discontinue all use of and all access to other copies of Project Gutenberg™ works. • You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the electronic work is discovered and reported to you within 90 days of receipt of the work. • You comply with all other terms of this agreement for free distribution of Project Gutenberg™ works. 1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg™ electronic work or group of works on different terms than are set forth in this agreement, you must obtain permission in writing from the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the manager of the Project Gutenberg™ trademark. Contact the Foundation as set forth in Section 3 below. 1.F. 1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread works not protected by U.S. copyright law in creating the Project Gutenberg™ collection. Despite these efforts, Project Gutenberg™ electronic works, and the medium on which they may be stored, may contain “Defects,” such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by your equipment. 1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the “Right of Replacement or Refund” described in paragraph 1.F.3, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project Gutenberg™ trademark, and any other party distributing a Project Gutenberg™ electronic work under this agreement, disclaim all liability to you for damages, costs and expenses, including legal fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE PROVIDED IN PARAGRAPH 1.F.3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH DAMAGE. 1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a written explanation to the person you received the work from. If you received the work on a physical medium, you must return the medium with your written explanation. The person or entity that provided you with the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a refund. If you received the work electronically, the person or entity providing it to you may choose to give you a second opportunity to receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy is also defective, you may demand a refund in writing without further opportunities to fix the problem. 1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth in paragraph 1.F.3, this work is provided to you ‘AS-IS’, WITH NO OTHER WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO WARRANTIES OF MERCHANTABILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE. 1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages. If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any provision of this agreement shall not void the remaining provisions. 1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone providing copies of Project Gutenberg™ electronic works in accordance with this agreement, and any volunteers associated with the production, promotion and distribution of Project Gutenberg™ electronic works, harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees, that arise directly or indirectly from any of the following which you do or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg™ work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any Project Gutenberg™ work, and (c) any Defect you cause. Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg™ Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of electronic works in formats readable by the widest variety of computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from people in all walks of life. Volunteers and financial support to provide volunteers with the assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will remain freely available for generations to come. In 2001, the Project Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure and permanent future for Project Gutenberg™ and future generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit 501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by U.S. federal laws and your state’s laws. The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up to date contact information can be found at the Foundation’s website and official page at www.gutenberg.org/contact Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread public support and donations to carry out its mission of increasing the number of public domain and licensed works that can be freely distributed in machine-readable form accessible by the widest array of equipment including outdated equipment. Many small donations ($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt status with the IRS. The Foundation is committed to complying with the laws regulating charities and charitable donations in all 50 states of the United States. Compliance requirements are not uniform and it takes a considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up with these requirements. We do not solicit donations in locations where we have not received written confirmation of compliance. To SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state visit www.gutenberg.org/donate. While we cannot and do not solicit contributions from states where we have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition against accepting unsolicited donations from donors in such states who approach us with offers to donate. International donations are gratefully accepted, but we cannot make any statements concerning tax treatment of donations received from outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. Please check the Project Gutenberg web pages for current donation methods and addresses. Donations are accepted in a number of other ways including checks, online payments and credit card donations. To donate, please visit: www.gutenberg.org/donate. Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be freely shared with anyone. For forty years, he produced and distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of volunteer support. Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper edition. Most people start at our website which has the main PG search facility: www.gutenberg.org. This website includes information about Project Gutenberg™, including how to make donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.