The Project Gutenberg eBook of Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

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Title: Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4)

Author: duchesse de Dorothée Dino

Editor: Fürstin Marie Dorothea Elisabeth de Castellane Radziwill

Release date: November 13, 2016 [eBook #53523]

Language: French

Credits: Produced by Clarity, Hélene de Mink, and the Online
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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK CHRONIQUE DE 1831 À 1862, TOME 4 (DE 4) ***

Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.

I

CHRONIQUE
DE
1831 A 1862

II III IV

Héliog Ducourtioux-Imp Routy
Duchesse de TALLEYRAND et de SAGAN
1850
Plon-Nourrit & Cie Edit.

V VI VII

DUCHESSE DE DINO
(PUIS DUCHESSE DE TALLEYRAND ET DE SAGAN)


CHRONIQUE
de
1831 A 1862
Publiée avec des annotations et un Index biographique
PAR
LA PRINCESSE RADZIWILL
née Castellane


IV
1851-1862


Avec un portrait et deux fac-similés d'autographes

Troisième édition

PARIS
LIBRAIRIE PLON
PLON-NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
8, RUE GARANCIÈRE—6e


1910

VIII

1

Droits de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
Copyright 1910 by Plon-Nourrit et Cie.

DUCHESSE DE DINO


CHRONIQUE

1851

Sagan, 1er janvier 1851.—Cette date fait naître plus de pensées sérieuses et graves qu'elle ne permet d'espérance et qu'elle n'offre de joies. Que nous donnera cette année que nous inscrivons aujourd'hui pour la première fois? Que de mystères elle renferme!

Sagan, 7 janvier 1851.—Je pars dans quelques heures pour Berlin où la grippe règne épidémiquement. D'après les derniers relevés, soixante mille personnes en étaient atteintes. Cette vilaine grippade, partout où elle a régné, a été le précurseur du choléra. Ainsi, il se pourrait bien que ce grand moissonneur se réveille sur nouveaux frais pour une nouvelle récolte. A la garde de Dieu!

Je pense trouver Berlin fort à la paix pour ce qui regarde l'est de l'Europe. C'est pour l'instant le principal. Quant à Dresde, je ne crois pas qu'on y parvienne à résoudre promptement toutes les questions pendantes. 2 L'équilibre est bien difficile à retrouver, après de si formidables secousses.

Berlin, 9 janvier 1851.—Le Cabinet Manteuffel a eu la majorité dans les deux Chambres, pour empêcher la reprise de la discussion de l'Adresse [1]. Tous les ministres, à cette occasion, ont fort bien parlé, déclarant qu'ils étaient décidés à briser sans retour avec la révolution.

Je ne sais pas encore grand'chose, n'ayant vu que la Mission anglaise. A tout prendre, j'ai cependant aperçu que si les gens sages sont satisfaits de la paix, chacun se sent plus ou moins humilié des reculades nécessaires; on reste abattu et sérieux. M. de Manteuffel, que j'ai rencontré sortant de la Chambre, et qui a arrêté ma voiture, m'a dit qu'il était fort préoccupé des nouvelles de France; que Hatzfeldt, dans ses dépêches, le préparait à de nouvelles crises.

Berlin, 11 janvier 1851.—On est assez sérieux ici, socialement. Hier cependant il y a eu un joli concert à Charlottenburg, et les physionomies étaient assez ouvertes. M. de Manteuffel est retourné à Dresde, pour y passer quarante-huit heures et prendre congé du prince Schwarzenberg 3 qui repart définitivement pour Vienne. Dresde marche clopin-clopant; cependant, on y cherche, et on croit y trouver une solution. Il est question, mais vaguement encore, d'envoyer le comte d'Arnim-Heinrichsdorf à Vienne.

On se montre, ici, très préoccupé des destinées de la France et de l'état critique qui s'y révèle de plus en plus. M. de Persigny a laissé un triste renom. On est satisfait de son successeur, qui a une chétive mine, mais qui est poli et sans jactance [2].

Humboldt se porte étonnamment bien, mais sa politique est, à mes yeux, moins belle que sa mine.

Berlin, 15 janvier 1851.—Les agitations politiques parisiennes préoccupent ici [3], mais cependant l'attention du public est toujours principalement tournée vers Dresde d'où il paraît que le baron de Manteuffel est revenu de bonne humeur, il y a deux jours. Hier au soir, ses salons étaient remplis. J'y ai paru un instant, tout le parti conservateur s'étant promis de s'y rendre.

M. Thiers est aux pieds de Mme de Seebach, disant 4 qu'elle n'est pas jolie, mais qu'elle a de l'élégance dans l'esprit. On dit aussi qu'il écrit souvent à la Reine des Pays-Bas, et que ces commerces féminins le consolent des mécomptes de son ambition.

Berlin, 17 janvier 1851.—J'ai vu hier la Reine, qui était venue de Potsdam pour voir la nouvelle chapelle que le Roi a fait construire dans le Château, et où on a fait le premier essai de la musique qui y sera exécutée demain à la fête des Ordres [4]. Cette chapelle, dans le style byzantin, est grande et vraiment très belle; les proportions en sont vastes, la coupole surtout imposante. La musique y fait un fort bel effet.

La seconde Chambre paraît pousser le Cabinet à la dissolution, en le taquinant et l'entravant sans cesse.

La première Chambre est aussi ministérielle que la seconde l'est peu.

Berlin, 19 janvier 1851.—Je vois avec peine qu'en France le gâchis est à son comble; c'est le nivellement le plus complet. Pas un nom, pas une individualité qui ressorte et qui se détache sur ce fond boueux.

Ma vie ici est sans chocs, sans contrariétés, mais aussi sans grand intérêt, et les journées effiloquées par mille petites obligations sociales me laissent l'âme assez vide. 5 Il n'y a ni grandes fêtes, ni grandes fatigues, mais une mauvaise coupe d'heures, et une série de petits devoirs auxquels on ne peut se refuser, qui heurtent ma paresse et effarouchent ma sauvagerie, deux dispositions qui vont fort en augmentant.

Berlin, 23 janvier 1851.—M. de Radowitz est revenu avant-hier d'Angleterre, ce qui fait naître bien des inquiétudes, et aussi bien des espérances, et jette, de toutes parts, une certaine agitation dans les esprits surtout, le Roi ayant dit tout haut, à table, qu'il l'avait appelé auprès de lui.

Berlin, 25 janvier 1851.—Avant-hier, à un grand dîner chez Prokesch, le ministre d'Autriche, on m'a assuré qu'à Dresde tout allait bien entre la Prusse et l'Autriche, mais que les petites puissances leur donnaient beaucoup de fil à retordre. En attendant, il y a tous les jours ici des revues pour inspecter les régiments de la Landwehr, qui rentrent dans leurs foyers; cependant, le désarmement ne va pas aussi vite que le voudrait le ministre des Finances, et que les populations le demandent.

Berlin, 1er février 1851.—J'ai dîné avant-hier à Charlottenburg, avec le comte de Sponneck, danois arrivant de Vienne et s'arrêtant ici pour y terminer l'interminable question danoise.

Quelqu'un de fort avant dans la haute diplomatie me disait hier que, depuis que Schwarzenberg avait écarté 6 Schmerling du Cabinet de Vienne, il s'y était grandement fortifié et avait éliminé un dangereux intrigant. Ce n'est pas un autrichien qui m'a tenu ce langage.

Berlin, 5 février 1851.—L'Archiduc Léopold est venu, de Hambourg, faire une pointe ici. Il y est arrivé hier; je l'ai vu le soir, en petit comité, chez le ministre d'Autriche. Il est grand, beau, gai, naturel, aimable, avec cette rondeur et cette bonhomie autrichienne qui a de la grâce. Il m'a beaucoup plu. Aujourd'hui, il y a parade en son honneur à Potsdam, demain ici. Il repartira le 8, je crois, pour son corps d'armée.

Berlin, 7 février 1851.—A la Cour, avant-hier, tout avait fort bel air; les femmes en grand habit; le cercle suivi d'un superbe concert exécuté dans la grande salle blanche. Le Roi portait le cordon de Saint-Étienne, en l'honneur de l'Archiduc.

Hier matin, pour le même objet, grande parade. Le soir, grande soirée chez le ministre d'Autriche, où tous les Princes, par exception, se sont rendus, sauf le Prince de Prusse.

Le Roi, après la parade d'hier, a porté, lui-même, le grand cordon de l'Aigle noir à l'Archiduc. Pendant la parade, il a fait jouer l'air national autrichien. Que tout cela est étrange par la rapidité des changements de scènes, sans transition! Ce qui est triste, c'est qu'il n'y a là aucune garantie contre un changement également rapide en sens contraire.

7 Berlin, 23 février 1851.—Les nouvelles de Dresde ne semblent pas très rassurantes; les petites puissances se montrent toujours difficultueuses, récalcitrantes; les grandes puissances qui pourraient, qui devraient s'entendre pour les soumettre, se combattent par des rivalités hors de saison.

La France proteste contre l'incorporation des provinces lombardo-vénitiennes; la Prusse veut ravoir Neuchâtel; Mazzini agite l'Italie et aiguise partout des poignards; ses émissaires arrivent même dans le Nord, et la police prussienne commence à avoir l'éveil sur leur présence ici, mais cette police est d'une maladresse proverbiale. Le Hanovre se met aussi à faire son petit bout de libéralisme, intempestif, incommode, déplorable, et cela parce que le vieux Roi baisse visiblement, que son ministre principal est actuellement M. de Münchhausen, qui a des tendances pour le parti de Gotha [5] et qui est soutenu par la toute-puissance de la comtesse de Grote, dont il est le gendre. Les intrigues Bunsen-Cobourg-Gotha brochent sur le tout. Le Prince Albert, qui voit son frère sans enfants, vise à l'agrandissement du duché de Cobourg et à la formation d'une espèce de royaume de Thuringe pour 8 son second fils, et il s'agite, à cet effet, par tout moyen.

La Reine Victoria a invité le Prince et la Princesse de Prusse à venir à Londres pendant la fameuse Exhibition [6].

9 Sagan, 1er mars 1851.—Me voici rentrée dans mon silencieux séjour, qui m'a souri à travers le neigeux linceul qui le recouvre. Je m'étais couchée tard, avant-hier, à Berlin, ayant été au bal donné par mes amis les Radziwill. J'avais eu, à la veille d'un départ, grande envie de m'en dispenser, mais ils tenaient à ma présence, surtout au souper, afin de me placer à côté du Roi, qu'on prétend que je fais causer, et que je divertis plus qu'une autre. Je ne le pense pas, car je me trouve on ne saurait moins divertissante, mais enfin j'ai voulu être agréable à de bons et excellents amis d'enfance, et je suis restée. A ce bal, le ministre Manteuffel est venu dire au Roi qu'il venait de recevoir par télégraphe la nouvelle que lord Stanley avait accepté le Ministère, et qu'il allait dissoudre la Chambre des Communes. A l'examen, il s'est trouvé que cette nouvelle venait, non pas de Londres, mais de Paris, et par voie télégraphique il est vrai, mais adressée à une maison de commerce; les Westmorland la mettaient donc en doute. La grande affaire de l'Europe entière, c'est la retraite de lord Palmerston; si elle ne se vérifie pas, on n'aura rien gagné [7].

Sagan, 7 mars 1851.—Les tristes prévisions que j'entends faire sur l'état politique du monde me préoccupent d'autant plus que je voudrais fort, du mois de mai prochain en un an, voir la France, l'Allemagne et l'Italie se maintenir sans nouvelles explosions. Mais quelle outrecuidance que de jeter ses regards et de pousser ses exigences aussi loin! Hélas! Possédons-nous seulement le lendemain?

Sagan, 9 mars 1851.—Je vois avec douleur lord Palmerston reprendre sa place. Lors même qu'il n'y resterait pas longtemps, il aurait toujours le loisir d'y faire du mal, surtout d'en faire au Continent déjà si malade; il faut, hélas! si peu de jours pour faire un mal incalculable!

Sagan, 19 mars 1851.—J'ai reçu hier une lettre de Mme Alfred de Chabannes qui habite Versailles, mais dont le mari est à Claremont. Elle est dévouée à la Maison d'Orléans, mais comme elle est sensée et éclairée, elle juge sans aveuglement, et j'ai été frappée de trouver ce qui suit dans sa lettre: «Mes amis de Claremont vont dans l'abîme. Quel horrible article dans l'Indépendance belge, en réponse à la lettre si digne du Comte de Chambord [8].

10 «Je suis au désespoir. Nos bonnes têtes, les conservateurs habiles, passent aux légitimistes, les brouillons, tels que Thiers et autres, aux républicains modérés. Ma chère Duchesse d'Orléans sert de prétexte à ces derniers; ils la trompent; leur plan est d'avoir Mgr le prince de Joinville pour président de la République, et c'est là le vrai but de la proposition Creton [9]; c'est l'anguille sous roche que Berryer a devinée. Les douleurs de cette pauvre Duchesse d'Orléans sont les miennes; elle maigrit, elle change; ils la tueront à force de tracas. Elle va retourner à Eisnach; la Reine sa belle-mère se rendra en Belgique; les Aumale et Joinville à Naples, les Nemours en Autriche.»

Dans une lettre que j'ai reçue du marquis de Dalmatie, il me répète à peu près les mêmes choses, disant que Thiers, honni, conspué par tous les partis, impopulaire partout, n'en reste pas moins le plus actif et le plus habile instrument du mal. Il déplore, non moins que ma cousine de Chabannes, qu'à Claremont on soit aussi complètement la dupe de Thiers, qui règne absolument sur les esprits de 11 cette pauvre famille. Le Marquis en revient au reproche qui devient bien général contre la Duchesse d'Orléans, celui de ne faire que de la politique personnelle; répétant qu'elle ne voudra jamais de la fusion, qu'elle se complaît dans le rôle de chef de parti, rôle que la fusion ferait cesser. Quant à ses beaux-frères, M. Guizot dit d'eux que ce sont d'excellents fonctionnaires, mais pas des Princes. Les légitimistes, ajoute le Marquis, qui avaient fait de grandes avances, qui se berçaient de l'espoir de toucher à la fusion, ont été tout à coup réveillés de leur rêve, quand on est venu leur demander, un peu trop naïvement, de jouer le rôle de dupes, et, après leur avoir refusé toute garantie, leur dire: «Remettez-vous-en à la loyauté de M. Thiers», qui, au même moment, était en intrigue avec la Montagne. La bonhomie des légitimistes ne pouvait aller jusque-là. Thiers a alors fait croire à Claremont que les légitimistes s'étaient indignement conduits et que l'honneur exigeait que les Princes d'Orléans rompissent tous les fils avec Frohsdorf; ils ont donné dans le panneau, et leurs dernières lettres détruisent toute espérance de fusion. Ils s'enveloppent, disent-ils, dans leur dignité, et ils congédient leurs troupes.

Pour cela, il n'ont pas grand'chose à faire.

Sagan, 21 mars 1851.—J'ai reçu une lettre de M. Molé, la plus coquette, la plus cajolante, la plus complimenteuse, la plus flatteuse, la plus tendre, la plus admiratrice qui se puisse imaginer. C'est à l'occasion du mariage de sa petite-fille, Mlle de Champlâtreux, avec le fils aîné du 12 duc de Noailles, qu'il rompt un long silence, disons mieux, un profond oubli. Il y a deux pages sur ce mariage, une sur la politique, une autre tout imprégnée des échos du passé, de sa jeunesse, de la mienne, quoiqu'elles ne se soient jamais confondues, mais elles se sont envisagées, elles ont suivi deux routes parallèles, qui, par cela même n'ont pu se toucher, en étant, cependant, bien rapprochées.

Sagan, 14 avril 1851.—Les gazettes apportent aujourd'hui la nomination du nouveau Ministère français, et, en même temps, je trouve dans l'Indépendance belge un long article à la louange de l'énergie et de l'habileté du nouveau Ministre de l'intérieur, M. Léon Faucher, qui serait, dit-on, l'âme et le véritable chef du nouveau Cabinet. Si telle est, en effet, l'importance du personnage, il faut espérer qu'une main ferme arrêtera, momentanément du moins, le torrent socialiste, et qu'il y aura sursis aux explosions jusqu'en 1852 [10].

Sagan, 16 avril 1851.—J'ai reçu, hier, plusieurs lettres de Paris, une, entre autres, de M. de Barante, qui représente la France comme fort malade, à la vérité, mais qui ne croit à aucune explosion prochaine, et qui semble ne prévoir de conflit sérieux que pour 1852. Il ajoute que 13 c'est l'opinion des faiseurs de toutes les nuances; mais les faiseurs sont sujets à illusion, preuve le 24 février 1848.

L'Indépendance belge continue à prôner les mesures énergiques prises dès le début par M. Léon Faucher contre les socialistes. Dieu veuille qu'elles soient efficaces!

Sagan, 20 avril 1851. Jour de Pâques.—Un beau soleil éclaire la fête de la Résurrection. Que ne peut-il rajeunir ce vieux monde politique, comme il ravive la nature! Car, quant à l'âme, il ne dépend que d'elle de se raviver et de s'embellir; il lui faut, à la vérité, plus d'un effort pour y parvenir; souvent une santé éprouvée suffit pour paralyser la meilleure volonté; je m'en aperçois sans cesse à moi-même, qui, depuis deux jours spécialement, suis reprise d'à peu près toutes mes misères de l'année passée. Mon voyage de France pèse sur moi; pourtant, il faut y avoir été une dernière fois avant de mourir. La première communion de ma petite-fille Marie [11] est une circonstance spéciale. Je voudrais parler à mes hommes d'affaires, voir mes petits-enfants que je ne connais, ou pas du tout, ou que peu, visiter le tombeau de mon oncle [12] avant de prendre place dans le mien, serrer la main de deux ou trois personnes qui m'ont conservé bon souvenir, et puis en avoir fini. Mais je m'arrête, je suis en sombre disposition.

Sagan, 6 mai 1851.—Je n'entreprendrai pas mon 14 voyage in good condition ni in good spirits. Je ne sais trop où je vais, je me sentirai seule et destitude [13]. Comme ce n'est ni par légèreté, ni par goût de changement ou futilité, mais bien pour accomplir un devoir de haute convenance, que je m'engage dans cette route, je veux espérer qu'elle ne me sera pas fatale.

Voilà la correspondance Mirabeau-La Marck livrée au public [14]. Je suis on ne saurait plus curieuse du livre et des articles qu'il provoquera dans les journaux et revues.

Hanovre, 15 mai 1851.—J'ai fait tout ce que je m'étais proposé de faire à Berlin et à Potsdam, où l'indisposition de la Reine et le voyage à Varsovie occupaient tous les esprits [15]. Il est question d'une visite de l'Empereur de Russie à Olmütz, d'y réunir les trois potentats du Nord. On espère les Majestés russes à Berlin, pour l'inauguration, fixée au 31 mai prochain, du beau monument de Frédéric le Grand [16]. Ici, à Hanovre, on est redevenu 15 fort prussien, depuis la course que le vieux Roi a faite à Schwerin et à Charlottenburg.

Bruxelles, 16 mai 1851.—Arrivée hier soir ici, je viens de recevoir une très gracieuse lettre de la Reine Marie-Amélie, qui m'annonce que le Roi Léopold, voulant profiter aussi de ma présence, m'engage à dîner demain à Laeken, mais que je devrais arriver une heure avant, pour qu'elle puisse me voir seule.

J'irai dans la matinée, aujourd'hui, voir les Metternich.

Paris, 19 mai 1851.—Me voici dans Babylone. J'y suis arrivée hier à cinq heures du soir. A Laeken, j'ai été touchée de l'accueil qui m'a été fait par belle-mère et gendre; mais j'ai été effrayée du changement du prince de Joinville, complètement sourd, courbé, voûté, grisonnant, abattu, silencieux, sauvage. Il me semble que si on le voyait ainsi en France, il n'y paraîtrait redoutable à personne.

Paris, 23 mai 1851.—Je voudrais pouvoir écrire longuement, mais on sait ce que c'est qu'un vol à travers Paris. J'y suis traquée, abîmée, et cependant je ne le quitterai que le 31, et cela sur le désir de l'évêque d'Orléans [17], que j'ai vu longuement hier. Il veut faire route avec Pauline et moi; il veut me montrer lui-même l'établissement de la Chapelle [18] où sont mes petits-fils; il 16 veut que je dîne à l'Évêché; bref, il veut de si bonne grâce qu'il n'y a pas moyen de s'y refuser sans en avoir une très mauvaise.

J'ai fait la connaissance de M. de Falloux, qui a parfaitement répondu à l'idée que je m'en étais faite, et c'est une chose qui, en bien ou en mal, se rencontre fort rarement. J'ai vu bien d'autre monde encore; mais l'intérêt qu'offre la curiosité satisfaite me manque complètement, car je n'ai plus aucune curiosité, du moins celle des personnes, et le temps me manque pour satisfaire celle des choses. J'ai été cependant avec la maréchale d'Albuféra assister à une représentation d'Adrienne Lecouvreur à la Comédie-Française, mais cela m'a fait veiller, car tout se passe bien tardivement ici; on y dîne aussi très tard, et cela ne me va pas du tout.

Je n'ai point encore vu la princesse de Lieven, malgré deux essais réciproques; mais il me faudra aujourd'hui passer sous les fourches caudines.

Paris, 25 mai 1851.—L'horizon politique s'obscurcit sur nouveaux frais. Les Burgraves croient à des éruptions volcaniques pour le mois de juin. Est-ce du 15 au 20, ou du 20 au 30 que la bombe éclatera? Voilà où on en est.

Une espèce de Jacquerie a commencé en Berry aux 17 environs du château du duc de Mortemart [19]. On y met le Château en état de défense.

Paris, 27 mai 1851.—M. de Falloux viendra assister à Marmoutiers à la première Communion de Marie [20]. Il paraît qu'il m'a prise à gré; c'est on ne saurait plus réciproque. Je lui sais d'ailleurs bien bon gré de m'avoir offert quelqu'un à estimer au complet. Lui, l'Évêque et le cher Chatelain sont ici les êtres avec lesquels je me plais, sans oublier cependant le doux et aimable Barante.

Paris, 31 mai 1851.—Hier, à dîner, chez M. Molé, on parlait de votre livre [21], dont, en tout, on parle beaucoup, pour louer le rôle que vous avez dans cette publication, ainsi que la manière dont vous l'avez saisi et rempli. Celui que vous donnez à M. d'Arenberg et le jour sous lequel vous l'avez placé l'ont fort grandi aux yeux de tous. Quant à Mirabeau, il me semble diminué, amoindri dans l'opinion qu'on avait de ses ressources d'habileté, sans se relever du mépris qu'inspirait son caractère.

J'ai dîné avant-hier chez Mme de Lieven. J'ai eu la 18 satisfaction qu'elle m'a trouvée stupide et qu'elle me l'a dit assez clairement pour me faire espérer qu'elle le dirait et répéterait dans ses lettres vertes, si fort en circulation dans toute l'Europe [22]. Du reste, tout s'est passé très poliment entre nous. Seulement, elle a voulu me produire à son Club du dimanche [23], à quoi je me suis absolument refusée, mais sous des prétextes plausibles et qui n'avaient rien de désobligeant.

Je pars ce soir. Je passerai la journée de demain à Orléans, et après-demain j'irai à Valençay.

Valençay, 3 juin 1851.—Je me sens fort tristement émue ici, par ce qui est resté, par ce qui a été déplacé, par les ressemblances, par les différences...

Valençay, 5 juin 1851.—Mme de Hatzfeldt est arrivée ici seule [24], son mari ayant été retenu à Paris par l'intempestive éloquence du Président au banquet de Dijon. A cette occasion, on m'écrit de Paris ce qui suit: «L'incartade du Président à Dijon assombrit encore notre horizon. Elle remet tout en question et la discorde éclate plus violente que jamais. La dégradation du gouvernement, obligé de nier et de se rétracter, est à son comble 19 et ne profite cependant à personne. Je ne crois pas la tranquillité matérielle en jeu pour le moment, mais le chaos de 1852, l'œil seul de Dieu peut le percer.»

Rochecotte, 14 juin 1851.—Je suis arrivée ici hier dans la soirée, ce qui n'a pas laissé de m'émouvoir. On inflige de grands supplices, soit au cœur, soit à la conscience, par cette vie rétrospective que je mène depuis près d'un mois; je veux espérer qu'elle est salutaire à l'âme.

Le Mans, 20 juin 1851.—M. de Falloux est arrivé avant-hier à Rochecotte. Il nous a apporté les lettres familières du comte Joseph de Maistre, qui viennent de paraître, et nous en a lu quelques-unes, qui sont dignes de ce grand penseur et de cet écrivain si original.

Les deux premiers volumes de l'Histoire de la Convention par Barante se publient ces jours-ci. Il est heureux que cette terrible époque soit traitée par un honnête homme.

Paris, 27 juin 1851.—Je pars demain pour Bruxelles; je serai, Dieu aidant, à Bade le 1er juillet.

Il y eut ici une interruption dans la correspondance, qui ne reprit qu'après le séjour de Bade.

20 Wurtzburg, 11 août 1851.—Nous sommes arrivées ici sans encombre. Hier au soir, nous nous sommes fait conduire au vieux Château de Heidelberg. Le soleil s'est couché pittoresquement derrière les ruines; l'air, la couleur, le paysage, tout était beau.

Aujourd'hui, j'ai beaucoup lu: j'ai fini les deux volumes de M. de Maistre; je les ai lus crayon en main. Il se trouve dans cette correspondance des lettres de M. de Bonald que je préfère à celles de M. de Maistre; aussi élevées, elles sont plus simples, plus serrées, et plus françaises en fait de style. Cependant, je suis assez sous le charme de M. de Maistre, quand il est sérieux; je ne l'aime guère quand il plaisante, quoique l'esprit ne manque jamais, seulement ses ailes ont quelquefois du plomb dans leurs plumes. M. de Maistre, le fils, a eu une heureuse et vengeresse idée en publiant les lettres de l'abbé de Lamennais et de M. de Lamartine adressées à son père, et qui, par la différence du point de départ, font encore mieux ressortir l'infamie du point d'arrivée.

Bamberg, 17 août 1851.—Les journaux qui nous ont été prêtés ici à l'auberge disent que décidément le prince de Joinville accepte toutes les candidatures: députation, présidence, tout lui convient; il se prête à tout. Il ne manquait que cet abaissement de plus pour assurer le progrès des rouges, car les légitimistes, auxquels à Claremont on a refusé la fusion, préféreront voter pour les candidats de la Montagne, à voir revenir un Orléans sans un Bourbon, 21 et les bonapartistes en feront autant. Il paraît qu'un manifeste fort travaillé du prince de Joinville va être lancé dans le public. En attendant que je le lise, j'ai lu aujourd'hui le petit volume de la comtesse Hahn, intitulé De Babylone à Jérusalem. Il est intéressant, surtout pour qui connaît ses précédents ouvrages, pour qui la connaît elle-même. Il est d'ailleurs intéressant pour la foi; il est écrit avec verve et talent; il répond aux objections courantes des gens du monde ignorants contre le catholicisme; mais je ne suis pas bien sûre que sa conversion, du reste fort sincère, lui ait fait rencontrer en chemin l'humilité; je serais un peu tentée d'en douter; il faut bien qu'elle parle d'elle puisqu'il s'agit de son voyage spirituel, mais il y a façon de le faire; puis, tout en abjurant tous ses écrits précédents, tout en répétant qu'elle n'en sait plus une ligne, qu'elle a tout oublié, elle se cite elle-même sans cesse... Ce petit livre peut avoir une utilité réelle pour les autres; c'est donc une œuvre méritoire; mais lui sera-t-il utile à elle? Il me semble que si j'étais son confesseur, je dirais que non; mais, comme je n'ai point ce difficile honneur, je n'ai point à me faire une opinion à cet égard.

Taunenfeld, près Lœbichau, 20 août 1851.—J'écris d'un pavillon, à une lieue de Lœbichau, que j'ai habité dans mon enfance, qui m'appartenait, dont la situation est fraîche et jolie, et où ma sœur s'est établie pendant qu'elle fait faire des réparations urgentes à Lœbichau. Je vais aller tout à l'heure, dans la partie sombre du parc, où un tertre de gazon sans clôture et une croix 22 de fer indiquent le lieu de repos de notre mère et de notre sœur Pauline [25]. Je n'aime pas cette façon presque païenne, du moins peu catholique, de déposer des restes chéris. Encore est-il trop heureux que la croix s'y trouve! Mais ce bois ouvert, ces allées tournantes, ces massifs de fleurs jardinières, tout cela m'est parfaitement antipathique. J'aime une certaine austérité recueillie (qui n'ait rien de trop lugubre) pour les tombeaux; mais, avant tout, une défense sûre contre toute profanation, une barrière qu'il faille ouvrir, un verrou à tirer, une cloche à sonner. Ce n'est pas le hasard d'une promenade, peut-être joyeuse, qui doit nous conduire auprès de ceux qui nous ont quittés pour nous attendre ailleurs. Il faut savoir qu'on va à eux, il faut le vouloir, et y arriver dans une certaine disposition de l'esprit, du cœur, de l'âme...

J'ai reçu une lettre de Paris, de ma cousine Mme Alfred de Chabannes, dans laquelle il y a le passage suivant:

«Ici, la situation politique devient honteuse pour ma couleur. La candidature du prince de Joinville a reçu son adhésion, s'appuyant sur les républicains avancés. Je doute qu'on sache le fond de cette intrigue à Claremont; même, j'en suis sûre, le Journal des Débats qui nous était favorable ne suivra pas cette ligne désastreuse. Si, du moins, Mme la Duchesse d'Orléans voulait comprendre tout ce qui se passe, et qu'elle restât en Allemagne au lieu de n'y faire qu'une course. Thiers est au fond de toute cette détestable intrigue; il joue la Princesse et cela depuis 23 longtemps. Il jouera de même le prince de Joinville, pour consolider la République à son profit personnel. Il est bien douloureux de voir ceux qu'on aime lancés à pleines voiles sur une semblable mer, celle des révolutions. J'en suis au désespoir.»

Sagan, 8 septembre 1851.—J'attends aujourd'hui le Roi pour dîner, et demain dans l'après-midi, il continuera sa route. Heureusement que la pluie diluvienne d'hier a cessé et que, pour l'instant, le soleil luit et le ciel est pur.

Sagan, 10 septembre 1851.—Le temps n'est pas beau ici; cependant, il n'est pas tombé une goutte de pluie pendant le temps que le Roi a bien voulu y rester. Seulement, s'il faisait clair, il faisait froid. Mais cela n'a pas empêché le Roi de vouloir se promener à pied, en phaéton, de vouloir tout regarder, de s'amuser des progrès qu'il remarque entre chacun de ses voyages. Il était de la meilleure humeur du monde, content de tout, gracieux, en train, drôle; bref, tout à fait entraînant comme il sait l'être; pour moi, plus affectueux que jamais. En m'embrassant à l'adieu, il a passé à mon bras un petit bracelet fort simple et d'autant meilleur goût, sur lequel se trouve gravé: Donné par l'amitié. Un petit médaillon s'y trouve accroché, contenant, sous de l'émail bleu, des cheveux de la Reine. Quel dommage que cet aimable homme soit... Roi!

Il avait dans sa suite, très nombreuse, un officier autrichien, le baron de Hammerstein, qui lui avait été assigné pour l'accompagner dans les États autrichiens et auquel il 24 a fait la politesse de l'inviter à le suivre jusqu'à Berlin.

J'ai lieu de croire que le Roi a été content de son passage par l'Autriche, et que la satisfaction a été réciproque à l'entrevue d'Ischl [26].

Sagan, 20 septembre 1851.—Voilà la duchesse de Maillé morte; voilà la vicomtesse de Noailles morte. Ces deux dames n'avaient que quelques années de plus que moi. Toutes deux bien douées, encore à l'âge où l'on peut se croire un certain sursis; l'une portant avec courage de grands désastres, l'autre jouissant d'une très belle existence. Rien n'y fait, rien n'abrite le bonheur, ni l'infortune; si j'avais quelque chose à apprendre sur ce grave chapitre, ces deux événements me frapperaient encore plus, mais, en vérité, je suis bien habile sur le néant. Disons-nous, au milieu de tout ce qui périt et de cette banqueroute absolue qui est la vie, que l'affection, celle que nous ressentons nous-mêmes, encore plus que celle que nous pouvons inspirer, est un bien, un trésor, qu'il nous est accordé d'emporter dans le grand par-delà. Quoi de plus beau, en effet, que de se sentir encore, au couchant de la vie, la faculté d'aimer, de croire et par conséquent d'espérer.

Sagan, 1er octobre 1851.—Non, je ne crois pas que l'âme la mieux préparée, la plus détachée des choses d'ici-bas, soit pour cela obligée d'éteindre tous les besoins 25 du cœur. Je crois au contraire que rien n'est plus doux, plus tendre, plus dévoué que l'âme détachée, parce qu'elle ne doit être détachée que de l'égoïsme personnel; par conséquent, elle doit se faire toute à tous, aimer mieux, aimer avec une abnégation plus parfaite.

Sainte Thérèse dit que la grande punition infligée à Lucifer était de ne plus pouvoir aimer. Il y a des dévots secs, arides, impitoyables, orgueilleux; ou bien il y a des ascétiques qui, ermites dans une grotte sauvage, ont rompu tout commerce avec les hommes. Mais ces ermites eux-mêmes se sont mis à aimer les oiseaux, à nourrir les hôtes des bois, à aimer la nature et les créatures ailées ou sauvages, et à les apprivoiser, tant l'homme a besoin d'aimer. Nous ne serons jamais des dévots desséchés, ni des habitants du désert. Nous serons tout simplement des chrétiens dociles, humbles, ne craignant pas la mort, résignés à vivre, aimant ceux qui sont doux et honorables à aimer, et attendant en charité, paix et confiance que Dieu nous appelle et nous juge dans sa miséricorde. C'est là, je crois, le vrai travail chrétien. Le desséchement est un piège du démon; le détachement de soi et non pas des autres, c'est là l'œuvre de Dieu.

Voilà mon petit traité. A mon sens, on peut parvenir à résoudre le problème sans arriver à la démence de Pascal. Cruelle solution qu'un Dieu de bonté et d'équité ne saurait préparer à notre faiblesse!

Sagan, 7 octobre 1851.—Le duc de Noailles finit une lettre, en réponse à mon compliment de condoléance sur 26 la mort de la Vicomtesse, par ces mots: «Tout le monde ici est triste, l'Élysée est triste, les fusionnistes et les légitimistes sont tristes, les orléanistes ne sont pas gais; la confusion est au comble, les divisions sans bornes et la prévision impossible.»

J'ai reçu hier la visite d'une belle dame, ou, du moins, d'une jadis belle dame parisienne, légitimiste de tout temps, enfin, de la marquise de La Roche-Lambert, née de Bruges, tante d'un des élèves de notre collège de Sagan. Elle revenait de Frohsdorf et retournait en France. Elle a voulu voir son neveu en passant et a cru devoir me remercier de l'intérêt que j'ai témoigné à cet enfant. Elle a déjeuné chez moi. Une de ses raisons, m'a-t-elle dit, pour demander à me voir, a été de me rapporter des paroles de Mme la Dauphine. Celle-ci lui ayant demandé quelle route elle prendrait pour retourner en France, Mme de La Roche-Lambert lui a répondu qu'elle passerait par Sagan embrasser son neveu et qu'elle me verrait en passant. Sur cela, Mme la Dauphine aurait répondu: «Ah! Dorothée. J'ai toujours eu du faible pour elle, car je l'ai connue bien jeune à Mittau, avant son mariage. Dites-lui que je me souviens d'elle, avec intérêt.» J'avoue que j'ai été fort touchée, mais fort étonnée de ces paroles, qui, du reste, me sont fort précieuses. M. de Falloux et le duc de Noailles m'avaient, à la vérité, répété que j'étais en fort bonne odeur à Frohsdorf, mais je pensais que c'était tout au plus chez la seconde génération.

Berlin, 13 octobre 1851.—Je suis arrivée avant-hier 27 soir ici. Hier, j'ai fait ma cour à Mme la Princesse de Prusse. J'ai vu Humboldt, Prokesch et d'autres encore. De nouvelles, je n'en entends pas. Je crois qu'il n'y a rien à savoir pour le moment. On dit M. de Manteuffel s'affermissant dans le pays et auprès du Roi, content des différentes Diètes provinciales; mais à tout prendre, on sommeille. Espérons que ce sommeil est un véritable repos d'où ressortiront le calme et l'équilibre. Cela dépend de la France: je vois tous les regards se porter vers elle avec anxiété.

Sagan, 20 octobre 1851.—Me voici rentrée depuis hier dans ma cellule. J'ai eu très froid en route, mais le ciel était pur, et le soleil reflétait ces joyeux rayons sur ces teintes chaudes et variées de l'automne, qui me plaisent tout particulièrement. Je vais maintenant me caser ici pour de bon. Je n'ai plus de courses à faire; je ne m'attends plus à des visites dans cette saison avancée; je vais me mettre à lire, à peindre, à broder, à écrire, à gouverner ma maison et mes établissements de charité, à faire planter, bref, à remplir mes journées le moins mal possible, c'est-à-dire le plus utilement pour mon âme et pour le bien-être de mes entours.

Sagan, 24 octobre 1851.—La mort de Mme la Dauphine [27] est un événement qui ne saurait passer inaperçu. Les grandes infortunes, toujours portées avec la plus 28 noble et la plus simple dignité, lui assignent une place tout à part dans notre déplorable histoire contemporaine. Il ne lui a manqué qu'un peu de charme et de grâce, pour la mettre au-dessus des plus grandes victimes de tous les siècles.

Sagan, 5 novembre 1851.—Le Roi de Hanovre est au plus mal. Cette mort ne sera pas un petit événement à travers les difficultés allemandes, ce fils aveugle et les intrigues anglaises.

Sagan, 12 novembre 1851.—Il me revient qu'on est très blessé à Frohsdorf: 1o de la brièveté du deuil pris à Claremont pour Mme la Dauphine; 2o de ce qu'on n'ait pas écrit au Comte de Chambord, à l'occasion de la mort de son illustre tante, à lui qui avait écrit lors de la mort de Louis-Philippe; 3o de ce qu'on s'est borné à un message verbal de condoléance, confié au duc de Montmorency, sans même le charger d'aller à Frohsdorf, mais seulement de le transmettre à quelque chef légitimiste présent à Paris. J'avoue que je ne puis blâmer le ressentiment que l'on éprouve de cette façon si peu sympathique, si peu respectueuse envers le malheur des aînés.

Sagan, 14 novembre 1851.—J'ai achevé hier la lecture des Souvenirs du chancelier de Müller, de Weimar. C'est celui dont M. de Talleyrand parle dans son morceau sur l'entrevue d'Erfurt. Dans ces Souvenirs, il est sans cesse question de mon oncle, avec une grande vérité de 29 détails et une justice rare qui m'a fait plaisir. Le tout est un petit volume pas du tout difficile à comprendre, simplement écrit, bien pensé, clairement exprimé, et donnant un tableau parfaitement exact de l'Allemagne sous l'Empire. Ce M. de Müller n'a rien de commun avec l'historien Jean de Müller.

Sagan, 16 novembre 1851.—Le Roi de Hanovre s'éteindra sous peu, s'il ne l'est déjà. On se querellera sur la tutelle. Ce sera un point en litige de plus, du provisoire en herbe, vice inhérent à un siècle tout à la fois paresseux et inquiet [28]. Et la France? si ardente et si molle, si agitée et si insouciante? Contrastes merveilleux et déplorables que ne simplifieront pas messieurs les Burgraves. Ils me font l'effet de momies en service extraordinaire [29].

Sagan, 17 novembre 1851.—Je nie que ce que vous appelez [30] ma haute raison n'ait pas besoin des enseignements de la mort. Qui de nous peut se croire assez détaché pour n'en avoir nul besoin? Pour ma part, j'en 30 suis fort nécessiteuse au contraire, et j'espère que ma pauvre âme en tirera profit. Toutes les lectures, les méditations n'approchent pas, dans l'impression qu'elles produisent, du spectacle réel. Il est bien grave et plein de révélations. D'ailleurs, je ne me fais aucune illusion sur l'état de ma santé, et je la crois assez profondément ébranlée pour, peu à peu, chausser mes sandales. C'est un bon emploi de solitude. J'ai trouvé, il y a quelque temps, dans le prophète Osée, un passage que je pourrais à bon droit fixer sur la porte de cette maison-ci: «Je l'ai conduit dans la solitude, et là lui ai parlé au cœur.»

Je suis enchantée que Mgr Dupanloup veuille vous faire voir ses matériaux sur M. de Talleyrand [31]. Je crois que plus on fouillera, plus on recueillera sur son compte, et plus on découvrira de contrastes. Telle est la condition de presque tous les hommes qui, avec une bonne nature et des facultés distinguées, ont été jetés dans un monde corrompu, dans une position fausse, et dans les orages révolutionnaires. L'essentiel est de montrer l'excellent de la nature primitive, et, tout en reconnaissant les graves erreurs, de prouver qu'elles n'ont 31 jamais été jusqu'à la cruauté ni jusqu'à la bassesse. Quelque distrait que soit le public par les grands tremblements de terre actuels, il reviendra un temps où la curiosité, l'intérêt se réveilleront pour un passé plein d'enseignements. On y cherchera la vérité. Elle est si souvent dénaturée, si difficile à retrouver que ceux qui travaillent à la dégager de ses nuages seront des bienfaiteurs de l'avenir.

Sagan, 1er décembre 1851.—Nous voici au début du dernier mois d'une année, qui, à travers plus d'une épreuve, sera peut-être regrettable en comparaison de cette date 1852 qui semble devoir résoudre bien des problèmes. Ces solutions seront-elles lumineuses? je ne le crois pas; sanglantes? j'en doute; boueuses? je voudrais presque en répondre. Si telle est la destinée politique de la vieille Europe, tâchons du moins que, dans la vie intime, tout soit clarté, douceur, paix et confiance; cela peut se conserver à travers tous les orages, toutes les catastrophes, et c'est à cela qu'il faut s'attacher avec persévérance et fermeté.

Sagan, 4 décembre 1851.—Les nouvelles télégraphiques de Paris me jettent depuis hier dans une grande agitation [32]. Je ne m'étendrai pas ici sur les réflexions, 32 prévisions, qui se pressent en foule dans l'esprit de tous à de pareilles extrémités. L'année 1851 n'a pas voulu laisser à son héritière le soin de justifier les prédictions qui s'y attachaient; elle s'est chargée de la déflorer.

Sagan, 6 décembre 1851.—Les projets me semblent plus jetés au hasard que jamais par le coup de tonnerre parti de France. On m'écrit de Berlin que l'on s'y attend à ce que le Président, pour distraire les rouges, voudra les jeter hors des frontières par une guerre étrangère. J'avoue que je n'y crois pas pour l'instant. Il a trop de difficultés intérieures, qui réclament d'autres remèdes qu'une guerre étrangère; pendant qu'il porterait ses troupes contre le dehors, le pays resterait livré aux démagogues, et c'est ce qu'il ne saurait, ce me semble, risquer. Il doit être uniquement occupé du résultat de ce suffrage universel dont il évoque l'épreuve dans ce mois-ci. C'est là aussi ce qui doit occuper l'Europe entière, car si les rouges triomphent en France, leur sanglant succès sera assuré, ou du moins tenté partout, et partout probable. Je n'ai aucune nouvelle directe de France depuis la crise du 2. Mme la Duchesse d'Orléans comprendra-t-elle enfin, hélas! après coup, le guêpier dans lequel l'héroïque Thiers et consorts l'ont fait tomber? La fusion, qui aurait pu sauver les principes et la civilisation entière, est maintenant 33 hors de propos. M. Thiers à Vincennes, le douteux Changarnier sous les verrous, la candidature Joinville couverte de ridicule, Mme la Duchesse d'Orléans reste la grande coupable aux yeux de l'Europe [33]. Et voilà où conduisent l'esprit faux chez tous et l'ambition personnelle chez les femmes, à qui il n'est permis d'en avoir que pour autrui. Mais à quoi servent toutes ces réflexions? Hélas! à rien, qu'à reconnaître une fois de plus le profond aveuglement de l'humanité.

Sagan, 9 décembre 1851.—Mme d'Albuféra me mande que rien n'égale les fureurs de Mme Dosne [34]. On ne relâche pas en masse les députés faits prisonniers le 2, mais tantôt l'un, tantôt l'autre, les orléanistes et les montagnards les derniers. Le carnage a été très grand à Paris. Si le Président comprend bien sa mission, il terrassera les rouges. C'est le meilleur, le seul moyen pour se perpétuer au pouvoir, car il gagnerait ainsi la reconnaissance de toute l'Europe. On me mande de Vienne qu'on y 34 est très favorable au Président, surtout, je pense, aux mesures énergiques de son coup d'État. Il me paraît que Thiers, en cage, est plutôt l'objet du ridicule qu'il n'a la gloire du martyre.

Sagan, 11 décembre 1851.—Les nouvelles de Paris m'intéressent. Voilà les mesures de déportation qui prennent rang dans toutes celles que le coup d'État a enfantées. Il ne s'agit ni de l'exalter, ni de le stigmatiser pour le moment. Il s'agit d'en observer les conséquences, et, si elles tournent à l'ordre, à la conservation, si l'anarchie est terrassée, si les intérêts matériels de la société sont sauvés, il faudra bien chanter le Te Deum. Mais quand tout cela origine d'une dictature militaire, sans l'appui d'un principe, d'une tradition, sans le prestige d'une gloire personnelle, sans dynastie, sans entourage, on se demande où est l'avenir, et tous les calculs humains restent sans base. On en est donc réduit à ces intérêts matériels dont je parlais tout à l'heure, et qui, momentanément, semblent protégés. Le commerce, le crédit, la valeur des propriétés, tout cela peut avoir et aura probablement une résurrection, dont il faut jouir avec reconnaissance, avec prudence, et surtout sans aveuglement.

Sagan, 13 décembre 1851.—J'ai eu hier une lettre de Paris, qui me dit que l'état des provinces est assez mauvais; que, dans le centre de la France surtout, il y a eu bien plus d'horreurs commises qu'on ne le dit. Rien ne peut mieux servir le Président, car sa seule force est dans 35 la terreur que causent les rouges, mais cette force est réelle et augmente en raison de ce que ceux-ci démasquent leurs infâmes projets. On me dit aussi qu'il est fort question d'envoyer à la Martinique les généraux prisonniers à Ham [35]. On n'y va pas de main morte! Du reste, Changarnier, avec son système de bascule, ses finasseries et tromperies entre Frohsdorf et Claremont, n'a que ce qu'il mérite.

Sagan, 15 décembre 1851.—Je trouve qu'on donne trop d'importance à M. Thiers. En Allemagne, il eût été sans inconvénient, car on lui eût fait partout assez mauvais accueil, mais à Claremont, il sera très nuisible, à moins que les derniers événements n'aient fait ouvrir les yeux sur le fallacieux de ses avis, et le danger de ses directions. Mais les esprits faux se refusent à la lumière, et je n'en connais pas de moins juste que celui de Mme la Duchesse d'Orléans.

Sagan, 17 décembre 1851.—J'ai reçu une lettre de mon fils Alexandre, qui avait vu M. de Falloux à son passage par Orléans, se rendant en Anjou après sa sortie de prison à Paris [36].

Mme d'Albuféra me mande que rien n'égale la division des familles: les plus proches s'invectivent, d'anciens 36 amis se brouillent, il n'y a plus de salon possible. Elle me mande aussi, comme un fait certain, que les brigands ont saccagé un couvent de femmes en Nivernais.

Les embarras financiers de la France pourraient bien devenir le nœud gordien de la destinée du Président. Tout est énigme en ce moment, et la solution n'a pas plus de vraisemblance pour une chose que pour une autre. Le point essentiel reste l'extermination des rouges, car ils ruineraient le pays tout autant, plus même, en y joignant les incendies, les pillages et les massacres. Puisse le Président les extirper. Parfois, la crainte du contraire me prend, car c'est une hydre à cent têtes qu'il s'agit d'abattre.

Sagan, 18 décembre 1851.—J'ai reçu une lettre du duc de Noailles dont je vais faire quelques extraits: «Au fond, et en prenant l'ensemble de la situation, l'état de l'Assemblée, la division des partis, l'impossibilité de la fusion, l'épouvantable organisation du socialisme et des sociétés secrètes, l'imminence du péril en 1852, l'événement qui s'est accompli est heureux. C'est ainsi que le sentent tous les esprits réfléchis et sensés, c'est ainsi que je l'ai senti du premier moment. Il a été accompli avec une habileté, un ensemble, et dans des proportions qui le rendent véritablement prodigieux; le 18 brumaire n'est qu'un petit garçon auprès du 2 décembre. Cet événement, heureux pour le présent, n'est même pas malheureux pour l'avenir: à mes yeux, l'orléanisme a été à peu près tué avec la République, et la légitimité est l'héritière 37 directe de la phase actuelle; seulement, on ne sait pas quand la succession s'ouvrira... Cela sera-t-il court?

«Cela pourra être long. Il reste certain que le despotisme militaire pouvait seul nous tirer de l'état où nous étions, et des dangers que nous courions. Il faut que ce despotisme dure encore, car le mal est immense et profond; ce qui se passe dans les provinces le fait bien voir! Il faut que l'œuvre entreprise s'accomplisse, c'est ce que je ne me lasse pas de répéter et de faire arriver à ceux qui gouvernent, par les voies qui me sont ouvertes. Il faut déraciner le socialisme et les sociétés secrètes; il faut en briser tous les cadres, enlever dans chaque département l'état-major de ces sociétés, frapper sur tous les chefs aux différents degrés, terrifier les autres, leur montrer leur impuissance et les décourager à jamais! On me dit que telle est, en effet, l'intention.

«Je crois que le Président aura un grand nombre de voix; les légitimistes et conservateurs voteront pour lui ou s'abstiendront.

«Les princes d'Orléans, et surtout la Duchesse, sont atterrés; ils étaient dans la plus complète illusion, surtout sur les sentiments de l'armée. La Duchesse était convaincue qu'elle serait au premier jour aux Tuileries. On avait saisi, il y a six semaines (par le moyen d'un domestique), une lettre de M. Roger du Nord à la Duchesse d'Orléans, où il lui disait que tout était prêt, que Thiers assurait que dans un mois tout serait fini, et qu'on était sûr de Changarnier (qui, en même temps, par parenthèse, se promettait à nous). Le Président a cette lettre.

38 «La vie du Président est fort menacée; il s'attend à être tué; il s'occupe de former d'avance une espèce de gouvernement militaire pour le cas de cet événement, qui serait bien malheureux pour tout le monde dans le moment actuel.

«Il y a, dans les actes du Président, depuis le 2 décembre, une douceur et des égards très marqués pour le parti légitimiste. Nous verrons la suite de ces grands événements; c'est le premier pas de fait pour remonter l'échelle sociale.»

Sagan, 28 décembre 1851.—Les journaux apportent des nouvelles d'Angleterre: la démission donnée et acceptée de lord Palmerston. C'est un soulagement universel, et qui déroutera la démagogie autant, pour le moins, que les coups d'État du Président. Mes vieilles rancunes et mes indignations subséquentes saluent cette chute ministérielle à cris de joie. Pourvu qu'elle soit définitive, et que ce méchant brandon soit éteint pour de bon! Hélas! Cette chute a été tardive: le mal s'est fait trop longtemps pour n'avoir pas creusé profondément; mais enfin, il vaut mieux un arrêt tardif qu'une durée indéfinie.

39

1852

Sagan, 1er janvier 1852.—Bon an! Puisse Dieu fermer toutes les plaies du passé, faciliter le présent et garantir l'avenir, car que sont tous nos efforts sans la grâce?

Sagan, 5 janvier 1852.—Si lord Palmerston s'est retiré du Cabinet, il ne l'est pas de la politique, et je ne tiens pas le monstre pour accablé. Mais du moins cette retraite aura-t-elle eu le mérite de calmer bien des susceptibilités continentales, de donner une certaine satisfaction à de justes griefs et de décourager moralement les démagogues d'Italie et de Suisse. On finit par se conduire en politique comme dans la vie privée, c'est-à-dire, à se contenter des plus petits acomptes que de mauvais débiteurs vous apportent. Mais je ne me fais aucune illusion, et je ne crois encore à aucune durée, à aucun équilibre fixe nulle part. Le Président a beau rétablir les aigles impériales et faire remeubler les Tuileries, il n'en est, pour cela, pas plus définitivement établi que l'Europe n'est sauvée. Depuis 1793, le plus long régime en France n'a pas duré dix-huit ans accomplis.

40 Sagan, 13 janvier 1852.—D'après ce qu'on m'écrit, Paris doit être vraiment fort curieux en ce moment. Il paraît que Mme de Lieven y tient salon comme par le passé, qu'elle n'arbore aucun drapeau, et que son salon reste terrain neutre pour tous. Il me semble difficile cependant qu'il ne se soit pas modifié. J'y ai vu au printemps dernier Molé, Berryer, Falloux, Changarnier, etc., qui sont tous ou boudeurs ou éparpillés.

Berlin, 20 janvier 1852.—Je suis ici depuis trois jours. La Reine, avec laquelle j'ai eu l'honneur de causer hier, m'a dit que la Grande-Duchesse Stéphanie allait à Paris; puis, elle m'a paru regretter que lady Douglas, à laquelle elle s'intéresse beaucoup, ait pris une attitude secondaire auprès de la princesse Mathilde, qui n'est pas en trop bonne odeur ici.

Le ministre de Russie, avec lequel j'ai dîné hier, m'a raconté que le Président se plaignait du salon de Mme de Lieven comme lui étant fort hostile, et que la princesse Mathilde en avait fait une scène au jeune d'Oubril.

Berlin, 22 janvier 1852.—La Cour a commencé hier la série des fêtes qu'elle compte donner deux fois par semaine jusqu'au Carême. Hier, c'était un très beau concert dans la salle Blanche, qui s'y prête si bien, les femmes en grand habit, le tout très noble; les chœurs du Prophète, dirigés par Meyerbeer, d'un grand effet.

Berlin, 26 janvier 1852.—Les dernières nouvelles 41 de France ne plaisent pas ici. Les mesures de rigueur prises contre la famille d'Orléans et l'avènement, à cette occasion, de Persigny au Ministère semblent des fautes graves, dans l'intérêt même du Président [37].

Berlin, 28 janvier 1852.—Hier au soir, on a représenté des tableaux vivants chez M. de Manteuffel. Toute la Cour s'y trouvait et le Roi m'a fait l'honneur de me dire qu'il venait d'apprendre, par dépêche télégraphique, que le ministre de France ici, M. Lefebvre, était rappelé pour faire partie du Conseil d'État. Son successeur n'est point encore connu. On est fâché, ici, du rappel du petit homme; il s'est tenu tranquille, il n'a été ni importun, ni désagréable à personne, et l'inconnu est rarement rassurant. Le successeur, quel qu'il soit, trouvera d'ailleurs une fort mauvaise disposition, provoquée par les mesures Persigny, qui sont autant de fautes et de vilenies. M. de Manteuffel m'a assuré savoir par voie certaine que M. de Morny ne s'était pas retiré devant la mesure anti-orléaniste, mais parce que son ton de maire du palais était devenu insupportable au Président. En attendant, M. de Morny se donne les airs d'être la victime chevaleresque de Persigny.

Berlin, 30 janvier 1852.—Je suppose que la Grande-Duchesse 42 Stéphanie sera peinée des derniers actes de son neveu et qu'elle les désapprouvera complètement. J'aurais compris que le Prince-Président obligeât les Princes d'Orléans à tout vendre dans le délai d'un an; mais la confiscation! Berryer a proposé de plaider pour les Princes, dans cette question: c'est habile et de bon goût. Malheureusement, il paraît que le récri contre cette spoliation ne s'élève que dans les salons, mais que les masses inférieures trouvent la mesure d'autant meilleure qu'on dit vouloir leur en appliquer les bénéfices matériels. Quelle confusion dans ce triste monde plus ou moins partout! Quelle en sera l'issue ou plutôt quelle en sera la fin? Vivrons-nous assez pour y atteindre? Je ne le pense pas, pour ma génération du moins.

Berlin, 3 février 1852.—Mes lettres de Paris font une triste peinture des salons. Ainsi, il n'y en a pas d'ouvert dans la société française, excepté celui de M. Molé, devenu légitimiste pur. Depuis les décrets de confiscation des biens d'Orléans, la princesse de Lieven ne sait plus quel drapeau déployer, ni quel langage tenir. Il paraît, du reste, que le décret a été modifié pour le caveau de Dreux, rendu à ceux qui y ont versé tant de larmes, mais si on rend ainsi les morts aux vivants, on réduit ceux-ci à une gêne extrême, qui gâtera singulièrement leur existence. En attendant, Jérôme Napoléon est nommé Président du Sénat, avec deux cent mille francs de traitement, le Luxembourg pour palais d'hiver, et le château de Meudon pour résidence d'été. Chaque ministre a cent mille francs d'appointements.

43 Au bal des Tuileries, il y a eu querelle de préséance, dans la famille impériale, la princesse Mathilde furieuse du pas accordé à la marquise de Douglas. Le sang corse n'est pas assez refroidi pour que, pendant la durée du règne, il n'y ait pas quelque vendetta à redouter.

M. Nothomb m'a dit que le Roi des Belges avait formellement protesté contre la spoliation de l'héritage maternel de ses enfants.

Berlin, 6 février 1852.—Une dépêche télégraphique a apporté hier la nouvelle qu'on avait tiré sur la Reine d'Espagne, et qu'elle avait été blessée [38]. En même temps, M. de Manteuffel disait que tous les rouges expulsés de France s'étaient concentrés en Espagne et en Italie, que les meurtres s'y multipliaient et que tous les gouvernements étaient avertis qu'il existait un vaste complot pour tuer tous les souverains. J'ai su d'ailleurs, par une excellente source, qu'il y a eu déjà deux tentatives contre la vie du Prince-Président, et que l'un des assassins était un soldat. A chaque fois, on les a fusillés sur-le-champ, et on 44 n'en a pas fait mention dans le public. C'est assurément le plus court, le plus sûr et le plus habile.

Quand on regarde l'Europe, on se dit plus que jamais que tout projet est insensé et qu'entre les chances habituelles de la vie humaine, il y a, moins que jamais, un lendemain à la veille.

Pourquoi serait-ce lord Normanby qui serait la vraie cause du renvoi de lord Palmerston [39]? On dit que lord Normanby cherche à être gouverneur des Indes.

J'ai une lettre intéressante, qui dit ceci: «A Londres, personne ne prévoit encore quelle sera l'issue des premiers débats du Parlement. Lord John Russell se montre fort assuré de pouvoir se maintenir; lord Granville de même; lord Palmerston se montre calme et silencieux, mais lady Palmerston est furieuse; elle lui reproche son calme, qu'elle excuse cependant en disant que cela tient à son angélique caractère, qu'il est incapable d'aigreur, ni de rancune.

45 «La Reine d'Angleterre est furieuse contre Louis-Napoléon et ses décrets de spoliation.»

Berlin, 8 février 1852.—Une lettre de Paris me dit ceci: «L'ennui et la curiosité de Mme de Lieven sont satisfaits par l'étrangeté du temps actuel; elle est drôle à entendre parler sur le règne de M. Guizot, qui n'en reste pas moins attaché à son char et qui avale des couleuvres en plus grand nombre que la nature n'a pu en produire; il se dédommagera à l'Académie demain; c'est là le cimetière des beaux esprits du jour [40]

Berlin, 14 février 1852.—Voici l'extrait d'une lettre que j'ai reçue, et qui a quelque valeur sur les questions anglaises: «J'espère que vous avez lu les débats de notre Parlement. Vous serez satisfaite de voir que lord John a tellement mis lord Palmerston dans son tort. Palmerston a manqué son essai de justification et le déplaisir qu'il a causé à la Reine est devenu bien patent. Sa carrière avec les Whigs est finie à tout jamais. Il paraît que le parti radical est aussi dégoûté de lui, à cause de l'approbation qu'il a exprimée des œuvres despotiques de Louis-Napoléon. L'impression générale de la Chambre était évidemment contre lui; son discours a été pâle, son attitude embarrassée.

«La déclaration de lord Derby de ne vouloir rien céder sur le protectionnisme empêchera toute coalition avec les 46 Peelistes et laisse l'opposition tout aussi divisée que l'année passée, ce qui donnera une espèce de force factice aux ministres actuels.»

Sagan, 23 février 1852.—Je suis rentrée dans ma retraite, qui est toute ornée de glaçons. J'aime Sagan, malgré tous ses défauts, sur lesquels je ne m'aveugle nullement; il m'a coûté trop d'efforts, trop de sacrifices, pour ne pas avoir, par cela même, acquis du prix à mes yeux. Puis, j'y ai fait quelque bien, ranimé la contrée, donné de la vie, du mouvement à la population; ma surabondante activité y a trouvé pâture. J'ai quelques motifs de croire que j'y suis bien vue, et qu'on y redoute ma mort comme la fin du monde, c'est-à-dire, comme la fin de ce petit point, presque imperceptible, du monde. D'ailleurs, j'y ai traversé toute une vie de l'âme, orages, luttes, secousses; j'y ai ensuite trouvé calme, méditation, recueillement. La Providence, en m'y conduisant par mille voies bien détournées, a fait encore preuve, là, de son admirable habileté, patience et miséricorde. Il est juste que ce soit là aussi que je lui paye le plus volontiers le tribut de ma reconnaissance.

Il n'y a pas d'amertume dans mes paroles; pour de la tristesse, c'est autre chose! Comment n'en éprouverais-je pas là? et ailleurs? et partout? J'ai eu mari sans vie domestique; j'ai des enfants sans vie matérielle; j'ai quelques rares amis dont je suis séparée; j'ai eu des guides et des protecteurs, ils ne sont plus sur la terre; ma santé n'est plus ce qu'elle a été; mes souvenirs sont souvent fort 47 amers, comme le sont tous ceux dans lesquels on ne peut fouiller sans buter à chaque pas contre une erreur, une folie, une déception. J'ai fait, en grand, en petit, en autrui et surtout en moi-même les plus tristes expériences. Voilà de quoi justifier toutes les tristesses. Les miennes sont fréquentes, je dirai même constantes au fond de l'âme, point apparentes dans le monde, moins comprimées dans la solitude; et voilà pourquoi je leur appartiens sans partage à Sagan. Et cependant, en y regardant bien, je trouve que si j'ai autre part plus de distractions, j'ai, à Sagan, plus de consolations. J'y ai mes pauvres; c'est si bon à aimer, à soigner, précisément parce que les individus n'entrent pour rien dans l'intérêt qu'ils inspirent. On ne voit ni leurs défauts, ni leurs qualités, on ne voit en eux que les membres souffrants de Celui qui s'est immolé pour nos péchés. Plus les péchés ont été multipliés, et plus il est doux et consolant de soigner notre Sauveur dans les plaies et misères de ceux que la Providence place sous nos yeux.

Il me semble que je viens de montrer mon âme dans tous ses replis, toute pleine à la fois des meurtrissures que je dois à Satan et des miséricordes que je dois à Dieu.

Sagan, 29 février 1852.—Je continue à bien m'arranger de ma solitude, qui me permet de causer sans distractions avec mon curé, sans interruptions avec mon médecin. D'ailleurs, on a beau ne pas se plaire dans le monde, en reconnaître le vide et l'illusion, il nous atteint, quoi qu'on en ait. Il agite l'esprit, il trouble la paix, il obscurcit 48 l'âme, il la fatigue, il l'épuise; on y perd le gouvernement de soi-même par mille pauvretés qu'on méprise, et cependant auxquelles on cède. Bref, on ne reprend tout son équilibre que dans une certaine réclusion, qui, pour être salutaire, doit, pendant quelque peu de jours du moins, être absolue. On en sort, et plus douce, et plus armée, plus paisible et plus forte, plus aimable dans le service des autres, et, cependant, s'appartenant davantage à soi-même. Voilà ce que je demande à ma solitude; je voudrais être sûre de l'avoir trouvé.

Sagan, 13 mars 1852.—L'incendie du château à Varsovie donnera de l'humeur à Saint-Pétersbourg [41]. Une chose qui ne laisse pas d'être extraordinaire et, par conséquent, remarquée, c'est ce voyage des jeunes Grands-Ducs de Russie, se rendant, par Vienne (où on leur prépare de grandes fêtes), à Venise, en passant par Breslau et Dresde, et évitant Berlin, dont ils ne passent qu'à si extrêmement petite distance, et où se trouve, comme Roi, leur propre oncle!

Sagan, 4 avril 1852.—Je suis décidée à essayer de passer l'hiver prochain dans le Midi. Je veux choisir un lieu où ma fille Pauline puisse venir me rejoindre. J'ai donc arrêté ma pensée sur Nice, que je connais, où j'ai 49 déjà fait deux séjours agréables, où on vit à bon marché, sans devoirs de Cour. Le climat, pour qui n'a pas mal à la poitrine, est excellent, les environs charmants, la mer superbe, les promenades faciles. Veut-on vivre en ermite? on le peut. Veut-on voir du monde? on y trouve des échantillons des différents pays de l'Europe, parmi lesquels on peut choisir. Dans une secousse politique on peut ou s'embarquer immédiatement, ou passer en une demi-heure en France. Mon intention est d'être à Nice le 1er novembre pour y rester cinq mois consécutifs. C'est bien hardi de plonger si avant dans l'avenir, mais j'avoue que je me suis attachée à ce projet, qu'il me serait pénible d'y renoncer et que je demande à Dieu de le bénir.

Sagan, 8 avril 1852.—La mort du prince Félix Schwarzenberg est un événement bien grave pour le jeune Empereur, pour tous les intérêts autrichiens, et, à mon avis, pour l'Europe entière, car tout ce qui affaiblit le principe conservateur est fatal, et, assurément, il était un habile et courageux champion dans la lutte contre le mauvais principe.

Sagan, 13 avril 1852.—On sera fort content à Saint-Pétersbourg du choix de Buol pour remplacer le prince Schwarzenberg; très mécontent à Berlin, où sa raideur est, depuis les conférences de Dresde, fort redoutée. Windisch-Graetz, que j'aime personnellement beaucoup, n'eût pas convenu à ce poste; ce n'est pas un personnage politique, et, excepté une petite coterie de famille, tout 50 le monde le juge ainsi. Il paraît que le prince Schwarzenberg, qui savait que ses jours étaient comptés, a souvent parlé à l'Empereur des éventualités après sa mort, et que c'est lui qui a désigné Buol pour les Affaires étrangères, Kübeck pour la présidence du Conseil.

Vienne, 11 mai 1852.—Je suis arrivée à Vienne hier, vers huit heures du soir, après quinze heures de chemin de fer qui m'ont paru un peu longues, malgré un beau soleil, qui avait toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l'à-propos. A Brünn, où on s'arrête une demi-heure, j'ai aperçu le Spielberg, rendu célèbre par Silvio Pellico. Il domine de fort près la ville et comme on lui a donné, à l'extérieur, un badigeonnage rose, on peut de loin se faire illusion sur le noir de l'intérieur. Aussitôt après mon arrivée ici, j'ai vu ma sœur. Plus tard, on m'a raconté qu'il n'était question que de la belle revue du matin: trente mille hommes de troupes superbes ont été montrées à l'Empereur de Russie. Le jeune Empereur d'Autriche a commandé lui-même toute la revue. Il doit y avoir ce matin des exercices à feu; après dîner, promenade élégante de tout le beau monde au Prater où les deux Empereurs se montreront ensemble [42].

L'Empereur Nicolas est allé, en personne, voir Jellachich et le prince Windisch-Graetz; ce dernier lui a présenté ses cinq fils, tous les cinq dans l'armée.

51 Vienne, 15 mai 1852.—Avant-hier, j'ai eu mon audience chez Mme l'Archiduchesse Sophie, très longue, très gracieuse, très intéressante.

Le comte de Nesselrode avait désiré me voir; nous avons pris rendez-vous dans le cabinet de Mme de Meyendorff; autre conversation fort intéressante dont j'espère ne pas perdre le souvenir.

J'ai aussi été chez la Princesse Amélie de Suède, qui m'a beaucoup questionnée sur sa nièce Caroline [43]. J'en ai dit tout le bien que j'en pense.

J'ai passé une heure entre le prince de Metternich et sa femme, car celle-ci ne permet jamais de voir le premier seul. Je pourrais rendre mon récit bien plus intéressant, mais sous de certains courants d'air la plume se paralyse.

Vienne, 17 mai 1852.—C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort de M. de Talleyrand. Ce jour rappelle de grandes épreuves, de grandes consolations, des larmes de regret et d'espérance.

M. et Mme de Metternich ayant mis une insistance particulière à ce que je dînasse chez eux, j'y ai dîné hier. Il a été question de M. de Talleyrand; et, à cette occasion, M. de Metternich s'est fort bien expliqué sur mon oncle. Il a dit et répété que, sans avoir toujours été de son avis, sans avoir approuvé tous les actes de son existence, il l'avait toujours trouvé d'une grande douceur, d'un grand 52 agrément dans le commerce; plein de véritable et naturelle bienveillance, incapable d'une noirceur, encore moins d'une cruauté; sans fiel, sans rancune, fidèle à ses amis, fidèle à sa patrie, bon Français et incapable de trahir, pour un vil intérêt, ceux de la France. M. de Metternich s'est tout autrement exprimé sur M. de Chateaubriand, dont il a fait un portrait affreux, et qui m'a semblé parfaitement ressemblant.

Les nouvelles de Berlin ne sont pas bonnes; les crises ministérielles et parlementaires sont imminentes; la position de Manteuffel intolérable; Gerbach, l'aide de camp, donne sa démission; le comte de Stolberg est abreuvé de chagrin; le Prince de Prusse antinobiliaire; l'Impératrice de Russie inquiète, agitée, désolée; l'Empereur Nicolas qui, de Myslowitz à Cosel, a été tellement de glace que le Roi de Prusse a fait semblant de s'endormir parce qu'il n'y avait plus moyen d'y tenir; l'Empereur, dis-je, a dû arriver hier à Potsdam, et Nesselrode également. On s'attend à être, pendant les six jours que durera cette visite, dans l'eau bouillante. L'Empereur Nicolas a dit ici, au moment de son départ, à tout son entourage russe qu'il a rassemblé ad hoc: «Messieurs, je vous défends, sous peine de ma disgrâce, de mettre le pied dans cette infâme ville de Berlin, pendant mon séjour à Potsdam.» L'Empereur, qui souffre du foie, et qui a des vomissements de bile à chaque émotion désagréable, a dit ici à quelqu'un de qui je le tiens sans intermédiaire: «Vous verrez que mes vomissements me reprendront à Potsdam, et que j'y tomberai malade.» Ici sa disposition a été toute différente; 53 il n'y a eu que tendresses et effusions paternelles entre le Czar et le jeune Empereur.

Sagan, 22 mai 1852.—Me voici rentrée dans mes foyers.

On me mande de Berlin que l'Empereur de Russie a concentré toutes ses tendresses fraternelles sur la Reine de Prusse, qui, du reste, les mérite parfaitement. Il paraîtrait, néanmoins, que les sollicitations et les palpitations ravivées de l'Impératrice ont obtenu que son auguste époux se rendit à Berlin pour des manœuvres, l'Opéra, et un grand dîner au Château.

Sagan, 26 mai 1852.—J'ai reçu une invitation officielle pour assister à l'ouverture du Palais de Cristal de Breslau, qui a lieu après-demain. Je voudrais pouvoir m'y rendre, afin d'y voir en lumière les industries saganaises, auxquelles on a accordé des places excellentes, dans l'idée de m'allécher. Le Roi et la Reine ne s'y rendront que le 9 ou le 10 du mois prochain, et coucheront probablement ici le 8.

Sagan, 30 mai 1852.—C'est le 8 juin que m'arrive le flot royal; le 9 on va à Breslau, dont je suis revenue hier, très satisfaite de ce qu'une province si peu en renom de civilisation ait produit de belles et bonnes choses; le tout arrangé de fort bon goût, avec intelligence et une sorte de grandeur, eu égard à notre position géographique, à nos rares débouchés et à la misère des temps.

54 Mon pauvre Cardinal est bien malade, il s'est réfugié à la campagne; il paraît que le coup que lui a porté l'animal furieux qui l'a terrassé l'automne dernier est la cause, longtemps cachée, de ses souffrances actuelles [44].

L'Empereur de Russie a failli périr par un accident de chemin de fer entre Myslowitz et Varsovie. Le train a déraillé sur territoire russe; plusieurs personnes de la suite ont été blessées, mais l'Empereur est sain et sauf.

Le 26 au soir, à la fête donnée au Babelsberg pour l'anniversaire qu'on célébrait ce jour-là, un orage, une trombe d'eau, des éclairs furieux ont fondu sur tous les augustes promeneurs, tout au travers d'une course en voitures ouvertes; la foudre est tombée deux fois devant celle où se trouvait l'Impératrice, elle en a eu des défaillances; bref, on m'écrit que le tout a été ce qu'on peut imaginer de plus déplorable.

Sagan, 10 juin 1852.—Avant-hier, Leurs Majestés, accompagnées de Mme la Grande-Duchesse douairière de Mecklembourg-Schwerin, sont arrivées ici à deux heures de l'après-midi. J'avais été à leur rencontre. Après un peu de repos et une grande toilette, long dîner, conversation après le café, toilette de promenade, thé pris dans le haut du parc, sous une tente dressée exprès et fort ornée. Après quoi, longue tournée dans le parc, en totalité illuminé, 55 mi-partie en ballons de couleurs, mi-partie en lampions brillants; chaque dix minutes des feux de Bengale colorés. Des bandes de musique sur l'eau dans des bateaux illuminés, des chants, des fusées; bref, c'était très beau, je dois en convenir. L'église de Sainte-Croix s'est produite dans une mer de feux rouges; le temps superbe, plus de huit mille personnes circulant librement partout, foule tranquille et respectueuse, et cependant faisant entendre de bons cris. Toute la caravane royale dans huit voitures à moi, parcourant au pas toute cette étendue. On est rentré souper au milieu des livres et des gravures; après quoi, toute la ville, les corporations diverses, bannières flottantes, transparents allégoriques, se sont placées sur la place du Château en Fakel-Zug [45]. Le Roi s'est fait présenter tous mes petits protégés du gymnase. La bonne humeur, la bonne grâce ont été parfaites. La Reine surtout, avant tout, par-dessus tout, d'une gaieté, bonté, abandon de conversation comme je ne me doutais pas qu'elle pût être.

Sagan, 16 juin 1852.—C'est le Prince de Hesse, ex-gendre de l'Empereur Nicolas, qui épouse la Princesse Anna de Prusse. Elle devra vivre à Cassel dans les plus désagréables relations de famille, avec un mari qui ne semble pas rassurant. Il doit hériter de l'Électorat, ce qui suffit à le rendre odieux à l'Électeur actuel qui est un très méchant homme. Il a négocié partout pour que ses enfants morganatiques 56 fussent reconnus ses successeurs, mais partout il a échoué. L'avenir de la Princesse Anna fait naître bien des appréhensions; mais elle a beaucoup d'esprit, beaucoup de volonté, cela aide.

J'ai lu l'article de Cousin sur Mme de Longueville dans la Revue des Deux Mondes, et j'en ai été ravie. Il m'est venu à la pensée que des allures chrétiennes avaient échappé au voltairien [46], tant il est vrai qu'il n'y a pas moyen de rester profane quand on touche au grand siècle. Aussi, je voudrais m'y plonger et délaisser toute autre lecture.

Günthersdorf, 18 juin 1852.—Humboldt m'a prêté un livre que j'ai lu hier: L'Orléanisme, c'est la révolution. On dit qu'il fait effet, et je le crois. Ce n'est pas qu'on ne puisse en partie le controverser, mais il y a des faits, des rapprochements, des résultats habilement et clairement établis, impossibles à nier. Puis il y a, à la suite, des pièces, lithographiées sur originaux, frappantes. Je regrette, pour la pauvre Reine Marie-Amélie, que l'amertume ne lui en soit pas épargnée.

Lœbichau, 30 juin 1852.—Je suis auprès de ma 57 sœur. Elle est fort triste et moi très abattue; à nous deux, nous ne nous sommes pas importunes, parce que nous ne contrastons pas dans nos dispositions d'âme. Les mille et une souvenances d'enfance et de jeunesse ensevelies dans les tombeaux, et qui, ici, semblent nous faire appel, ne laissent pas que de mettre les cordes les plus sensibles en jeu. Ma sœur et moi nous nous sentons sur la pente rapide qui nous conduit là où reposent ceux qui remplissaient jadis brillamment des lieux devenus si solitaires. Les vieux serviteurs qui restent gardiens de ces déserts en font encore plus apercevoir le vide, ou, pour mieux dire, la vétusté.

Carlsbad, 4 juillet 1852.—Mme Alfred de Chabannes m'écrit de Versailles: «La position de Mme la Duchesse d'Orléans en Suisse deviendra affreuse. Ses beaux-frères négocient maintenant avec le Comte de Chambord, qui, dégoûté et blessé, demande des garanties. Les jeunes Princes ne consultent plus leur belle-sœur; elle sera forcée de les suivre plus tard, en attendant, elle se place dans un vrai guêpier. Le duc de Montpensier, arrivant d'Espagne, est le plus spirituel et le plus actif; il a fait changer les voies; c'est lui qui mène mère, et frères, et sœur; aussi Mme la Duchesse d'Orléans ne l'aime-t-elle guère.»

Carlsbad, 14 juillet 1852.—M. de Flavigny, venant de Paris, et qui a passé vingt-quatre heures ici, dit que la santé du Président inquiète ses amis. Il a, dit-on, un tempérament 58 épuisé, et parfois, des somnolences étranges.

Changarnier et Lamoricière, qui ont vu la Duchesse d'Orléans en Belgique, lui ont, à ce qu'il paraîtrait, fortement parlé pour la fusion. Je suppose qu'en Suisse elle entendra d'autres sons qui lui paraîtront plus harmonieux.

Carlsbad, 18 juillet 1852.—Voici deux faits dont l'exactitude m'est certifiée. Le Gouvernement français a trouvé très mauvais les honneurs rendus sur le territoire belge à Mme la Duchesse d'Orléans; il en a fait porter plainte, et on s'est confondu en excuses, disant que le maire de Liège entre autres avait agi sans ordres. En outre, l'Ambassadeur de France à Londres a reçu ordre de ne point se rendre à l'audience diplomatique que la Duchesse de Montpensier a donnée comme Infante d'Espagne au Corps diplomatique de Londres. L'Ambassadeur d'Espagne a fort ressenti ce procédé, et a déclaré qu'il ne mettrait plus le pied à l'Ambassade de France.

Teplitz, 2 août 1852.—La comtesse de Hahn-Hahn m'a écrit une lettre inattendue, dans laquelle elle m'annonce se dépouiller de tout ce qu'elle possède. Elle donne toute sa fortune à l'établissement du couvent du Bon-Pasteur, à Mayence, dans lequel elle prendra le voile [47]. Mais cette fortune ne suffit pas; elle quête pour achever cette œuvre, et elle commence par moi. Cette lettre figurera dans ma 59 collection d'autographes, et c'est ce que j'en aime le mieux.

J'ai reçu aussi une lettre de la comtesse Mollien. Elle est en Angleterre, auprès de la Reine Marie-Amélie, et fait des tournées intéressantes avec cette Reine douée d'une force physique extraordinaire et d'une activité que le malheur ne peut détruire.

Le duc d'Aumale a acheté une propriété en Angleterre; je crois que c'est la maison que ses parents habitaient jadis à Twickenham. Il s'y établira à l'automne avec sa belle-mère [48], qui est venue rejoindre sa fille. Le prince de Joinville partira à l'automne avec femme et enfants pour l'Espagne; peut-être sa mère sera-t-elle du voyage. Les Nemours restent à Claremont. On paraît être là fort ignorant des projets de Mme la Duchesse d'Orléans.

Teplitz, 10 août 1852.—Sans nier l'incontestable talent de Mlle Rachel, qui est maintenant à Bade, sa belle prononciation, sa physionomie expressive, ses gestes gracieux, ses inspirations heureuses, je dois dire qu'elle ne ma jamais entraînée. Elle est trop étudiée; tout est calculé à l'avance, minutieusement calculé; et la preuve, c'est qu'elle joue chaque rôle toujours de la même manière; même geste, même intonation, même accent, même cri placé au même instant. C'est une page notée, et c'est là aussi ce qui fait qu'à la seconde ou troisième fois qu'on l'a vue dans le même rôle, elle paraît extrêmement 60 monotone. Mais ce sont de ces aveux qu'il ne faut faire qu'à huis clos. Quant à la comédie, dans laquelle je l'ai vue aussi s'essayer, elle m'a déplu; elle y est sèche et trop risquée à la fois, à cent pieds au-dessous de Mlle Mars, dont la grâce, le bon goût et les nuances fines étaient si remarquables.

Teplitz, 18 août 1852.—La rentrée de l'Empereur d'Autriche à Vienne a été quelque chose de merveilleux [49]. La Capitale a voulu effacer, par cette réception, les mauvais souvenirs de 1848, et ne pas rester en arrière des ovations de la Hongrie. Au débarcadère, il y avait soixante mille personnes rassemblées autour de l'estrade préparée où le Corps municipal a harangué l'Empereur. Toutes les corporations ont fait haie jusqu'à l'église Saint-Étienne; les maisons étaient pavoisées, les fenêtres se payaient jusqu'à cent francs chacune; les dames qui les occupaient étaient en brillantes toilettes. Sur la place Saint-Étienne, le Métropolitain, croix en tête, harangua Sa Majesté, entourée non seulement de tout le clergé régulier de la ville, mais encore de toutes les communautés religieuses, si nombreuses à Vienne. Te Deum ensuite dans la cathédrale. Il faisait obscur quand on est sorti, car il était déjà six heures du soir quand l'Empereur était arrivé au débarcadère. En sortant de l'église, il a trouvé Vienne nageant 61 dans la lumière, de toutes les tours des différentes églises, des feux de Bengale. Tous les édifices publics et privés illuminés a giorno, devises, transparents, cris, vivats, applaudissements, rien n'y a manqué. Le jeune Empereur a passé deux heures à se promener, en calèche découverte, dans les rues, toujours au pas, à cause de la foule qui se pressait autour de la voiture.

Sagan, 2 septembre 1852.—J'ai quitté Teplitz, à tout prendre, contente de l'effet des bains et douches, et satisfaite du repos et de l'air doux et léger de cet agréable lieu. Je suis rentrée hier dans mon home où j'ai trouvé tout en bon ordre.

On m'écrit que le Président donne à Saint-Cloud des fêtes à la Louis XIV. Il y a des loteries de bijoux pour les dames, où la princesse Schœnbourg a gagné une bague en pierreries valant cinq cents francs. Je ne sais si, à sa place, cela me plairait.

Sagan, 18 septembre 1852.—La mort du duc de Wellington m'a saisie péniblement. Je lui étais restée fort reconnaissante de son fidèle souvenir pour mon oncle, et de sa constante bienveillance pour moi. Comme notre misérable époque va s'appauvrissant! Les derniers astres s'évanouissent, pour rendre les ténèbres de plus en plus profondes.

Sagan, 26 septembre 1852.—La France va donc devenir impériale. Mme la Duchesse d'Orléans l'aura bien 62 voulu, et j'avais bien raison de lui dire à Eisenach: «Madame, vous jouez le jeu du Président.» Du reste, cette France, si près l'année dernière d'entendre crier: Vive la République démocratique et sociale, s'égosille à présent, par terreur, à crier: Vive l'Empereur! Du moins, si Louis-Napoléon étouffe le monstre du socialisme, il faudra reconnaître en lui, une fois de plus, le doigt sauveur de la Providence [50].

Nuremberg, 19 octobre 1852.—Après avoir passé quelques jours à Potsdam, j'en suis partie le 17 après-midi pour aller coucher à Leipzig, et hier j'ai fait, en quinze pénibles heures de chemin de fer, le long et ennuyeux trajet de Leipzig ici, par une gelée blanche qui ne s'est pas même évanouie devant un tardif et pâle soleil. La jolie et intéressante contrée s'apercevait à peine à travers les fenêtres ternies. Je resterai aujourd'hui ici pour rafraîchir mes souvenirs de Nuremberg. Demain, je compte être à Munich, puis me diriger sur Nice.

63

1853

Nice, 5 janvier 1853.—Je trouve, dans une lettre de Paris, de Mme Louis de Talleyrand, une phrase qui me paraît juste: «On respire ici sous l'oppression, tant l'anarchie a fatigué, mais on en prévoit le retour, et la tristesse domine, au fond, tous les esprits non officiels.»

J'ai achevé les Mémoires de Cosnac. Si des deux volumes on en faisait un seul, il pourrait être des plus piquants, car il s'y trouve quelques coins de coulisses qui n'étaient point encore venus jusqu'à nous. Puis l'auteur était évidemment un esprit fin, prompt, vif, original, hardi, libre d'allures, par hauteur plus que par licence, ce qui le plaçait presque au niveau de ceux de qui dépendait sa fortune. La charmante Henriette d'Angleterre y paraît sous le jour le plus touchant [51].

Mes lettres de Berlin disent que, pour la politique générale, le voyage de l'Empereur d'Autriche y a fait merveille, mais que pour la question douanière elle n'a pas 64 fait un pas. La cuisine parlementaire qui se fait en ce moment à Berlin y cause une grande agitation; on en est ému et inquiet.

Nice, 8 janvier 1853.—Dans l'Indépendance du 3 janvier se trouve la liste officielle des sénateurs: Mouchy, La Rochejaquelein et Pastoret étonnent! La Maison Impériale y est aussi; du moins, est-elle toute prise dans les sommités bonapartistes, il n'y a rien à y reprendre.

Mon fils Alexandre [52], qui est arrivé hier, et la poste m'ont apporté de Paris une quantité de lettres, dont je vais donner quelques extraits: 1o «Ici on se querelle, on se boude, l'hiver est triste; notre pauvre société française n'existe plus; il n'y a plus un salon possible; chacun vit dans son coin. Vous aurez vu les noms des grandes et premières charges avec leurs énormes cumulants, traitements, dans les gazettes. Voici ceux des chambellans: MM. de Flamarens, d'Arjuzon, de Quitry, Walsch, de Belmont, et quelques autres encore que j'oublie en ce moment. Chaque chambellan aura un traitement de dix mille francs. Il n'y aura plus de Clichy pour les sénateurs, leur prison sera le Luxembourg.»

2o «Vous aurez vu les grandes charges de la Maison Impériale. Elles ont amené la démission de sénateur du prince de Wagram, qui s'attendait à être Grand-Veneur, son père l'ayant été sous l'Empire, et le fils connaissant mieux que personne la vénerie.

65 «La société est intenable. L'aigreur réciproque de chaque fraction, à son comble, l'anathème contre MM. de Pastoret et de La Rochejaquelein presque unanime.

«M. Molé est revenu accablé et dérouté de Champlâtreux.

«Depuis que les journaux n'osent plus rien dire, les faux bruits nous inondent: je ne vous donne donc pas pour certain que c'est le duc de Guiche qui ira à Berlin remplacer M. de Varennes, M. de Béarn allant à Bruxelles, ce qui mécontente les Broglie.»

3o «Les lettres de créance du ministre de Prusse ont tardé à arriver jusqu'il y a six jours. On en était de bien mauvaise humeur ici, et on le montrait d'une façon bien gauche. Les lettres envoyées à M. de Kisseleff ne contenaient pas les mots: Monsieur mon frère, tandis que celles de l'Autriche et de la Prusse les portaient. L'ordre était donné aux ministres de ces deux Puissances de ne remettre leurs lettres que si celles de Russie étaient acceptées, et on ne voulait pas les recevoir. Cependant, tout s'est arrangé, Kisseleff vient de remettre les siennes, les autres le seront demain.»

4o «Rien ne peut vous donner une idée de ce qu'a été le séjour de la Cour Impériale à Compiègne. Entre autres, on y a joué des charades en action. Sur le mot curé, par exemple, les dames, à quatre pattes, faisaient les chiens, etc.

«L'Empereur est décidément fort amoureux d'une Espagnole, Mlle de Montijo. Il lui a montré la couronne impériale préparée pour l'Impératrice. On dit ce joyau 66 splendide. Pour le faire valoir, l'Empereur a voulu que la belle Espagnole l'essayât, à quoi elle s'est prêtée sans difficulté, accueillant même ce que cet augure pouvait avoir de personnel pour son avenir.

«Il paraît que les trois Cours du Nord reconnaissent le fait impérial, mais non comme provenant d'un droit hérité, ni même transmissible par héritage: Napoléon élu Empereur par la nation, voilà tout. Louis-Napoléon a reçu officieusement communication de cette rédaction à Compiègne; ayant au premier moment comprimé l'impression qu'elle lui faisait, le soir l'effet a éclaté par de violentes attaques de nerfs et de colère, pendant lesquelles il menaçait de faire immédiatement entrer l'armée française en Belgique. On a fait chercher au plus vite les Ministres pour le calmer. Ils y sont parvenus avec peine. C'est là le vrai de cette indisposition qui l'a retenu à Compiègne, au delà du premier terme fixé pour la durée de ce séjour.»

Nice, 11 janvier 1853.—J'ai reçu hier une très affectueuse lettre de la Reine Marie-Amélie, en réponse à une lettre de bonne année. Elle m'est parvenue par Mme Mollien, qui était chargée de me la faire arriver. Celle-ci me mande que Mme la Duchesse d'Orléans était allée, avec ses enfants, passer les fêtes de Noël et du jour de l'An avec sa sainte belle-mère; que, depuis, elle est retournée à la belle habitation qu'elle a louée près de Plymouth; elle s'y ennuie beaucoup, à ce qu'il paraît, et, au printemps, elle veut changer, non seulement de lieu, mais 67 aussi de pays. On ne sait point encore celui qu'elle choisira.

Nice, 15 janvier 1853.—J'avance dans la lecture de l'histoire de Louis XVII [53], si profondément émouvante. Il ne s'y trouve rien de nouveau en fait de grands événements; les contours extérieurs du quadruple drame du Temple sont connus de tout le monde; mais des détails curieux dans leur révélation abondent et remplissent ce cadre de larmes et de sang d'une manière habile, parce que la vérité est prise sur le fait, qu'elle se sent partout, se reconnaît à des signes certains et met ainsi le lecteur directement aux prises avec tous les bourreaux et toutes les victimes. C'est une douleur et une angoisse qui saisissent à la première page du livre et qui s'accroissent jusqu'à la dernière, sans aucune relâche. J'en suis parfois malade, parce que la torture devient contagieuse, et cependant je ne sais pas quitter cette agonie si barbare et si admirablement chrétienne, et sublime jusque dans ce malheureux enfant, qui se retrouve en mourant le petit-fils de saint Louis. Je sais bon gré à l'auteur, M. de Beauchesne, d'avoir consacré tant de soins à cette courte vie de dix ans, qui se trouve être celle d'un enfant, d'un homme, d'un vieillard, d'un martyr.

68 Mon fils Louis [54] m'a apporté une lettre de Paris dont voici l'extrait: «L'intérêt des derniers jours ici a roulé sur la reconnaissance par les Puissances du nouveau titre impérial de Louis-Napoléon. Cet intérêt a été vif. Louis-Napoléon a hésité pendant quarante-huit heures à accepter les lettres de créance. La raison politique l'a emporté; il s'est appuyé, vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres, sur les termes aimables et amicaux de l'Empereur de Russie, pour passer par-dessus ce qui y manquait, et il l'a fait d'assez bonne grâce. Mais c'est un sacrifice qu'il a fait, il ne le cache pas à certaines personnes. En gardera-t-il rancune? C'est là la question. Je suis porté à le croire. Il y a une chose certaine, c'est que, sans désirer la guerre positivement, et voulant surtout que la France ne l'accuse pas de la faire par ambition personnelle, il ne la craint pas; il croit qu'elle tournerait à son avantage, et que son nom aurait, sur les bords du Rhin, l'effet qu'il a eu dans le midi de la France. Que ce soit une illusion ou non, une pareille conviction suffit pour tout commencer. Rien n'est prochain, cependant cela est sûr. Il y a une autre chose certaine, c'est que c'est une tête froide, qui travaille toujours, qui se croit sûre de ne pas se tromper, et qui n'abandonne jamais ses desseins. La réalité, qui a justifié ses plus chimériques espérances, donne raison d'avance à toutes celles qu'il peut former désormais. Or, il a dans l'esprit l'idée qu'il est appelé à faire de grandes choses pour la France, et même pour l'Europe. Toutes ces conditions 69 ne présentent pas une grande sécurité pour l'avenir.

«L'intérieur est très calme; de longtemps les difficultés ne viendront pas de là. On se rapproche peu du nouveau Gouvernement. Nous sommes vis-à-vis de lui comme l'étranger, nous ne lui disons pas: mon frère.

«On songe toujours au mariage; j'y crois l'Empereur décidé, mais on ne trouve pas de Princesse; tout a échoué; il y en a d'ailleurs fort peu. Il serait possible qu'il s'en passât, et qu'il épousât une femme quelconque, afin d'avoir une postérité. Cela ne grandirait pas la situation. En tout, l'opinion s'arrête très difficilement à l'idée qu'il aura des successeurs, et elle est surtout très hostile à Jérôme et à son fils.»

Nice, 21 janvier 1853.—Les lettres reçues hier de Paris tournent toujours autour du même sujet: le mariage de Louis-Napoléon. Je lis dans les journaux l'étonnant discours qu'il a adressé au Sénat et aux Corps constitués. Il faut lire cette allocution in extenso; le Journal des Débats donne ce texte en entier [55].

La sœur de Mme de Montijo a épousé Lesseps, autrefois Consul; voilà une petite parenté toute gentille! Eugénie [56] a choisi comme témoins le duc d'Ossuna et le 70 marquis de Bedmar, qui ont accepté de la conduire à l'autel.

On voulait marier le fils de Jérôme avec Mlle de Wagram, mais il a reculé devant la parenté Clary, qu'il trouve au-dessous de sa dignité. Cela flattera le Roi de Suède [57]. Quel tohu-bohu que tout ceci!

Nice, 22 janvier 1853.—C'est décidément un mariage d'amour que fait Louis-Napoléon. On me mande que Mlle de Montijo, élevée dans une pension de Paris, est fort belle, de grande naissance par son père; sa mère est fille d'un consul anglais, ce qui explique la teinte anglaise du genre de beauté, nullement espagnol, de la nouvelle Impératrice, car il n'est pas question de formes morganatiques; ainsi, point de Princesse. J'en suis charmée. Mais quelle charge, à l'âge et avec la santé du sposo, d'avoir une femme jeune, belle et méridionale! et cela dans l'entourage Bonaparte et l'atmosphère qui l'enveloppe.

Voici d'autres détails que j'ai glanés dans mes lettres de Paris, qui ne sont remplies que du mariage: Mlle de Montijo a de vingt-cinq à vingt-sept ans; beauté hautaine avec des cheveux auburn qu'elle tient de sa mère irlandaise; elle a des allures hardies. On raconte que jouant à cache-cache dans les saturnales de Compiègne, l'Empereur 71 l'aurait découverte cachée derrière le rideau d'une chambre, où, se croyant seul avec elle, il aurait voulu l'embrasser étroitement, et qu'elle l'aurait repoussé en disant: «Pas avant d'être Impératrice.» Une autre personne, cachée tout auprès, prétend avoir entendu ce propos.

Le Conseil des Ministres a été très opposé à ce mariage. Les entours immédiats en sont très peinés. Légitimistes et orléanistes sont charmés de cette équipée matrimoniale et de tout ce qu'elle promet.

Nice, 28 janvier 1853.—J'ai eu hier une nouvelle qui me va au cœur. Le Cardinal-Prince-Évêque de Breslau est mort à son château épiscopal de Johannisberg le 19 de ce mois. Je m'attendais d'autant moins à une fin aussi prochaine que j'avais reçu le 22 une lettre de son secrétaire particulier, écrite par ses ordres, en date du 13, dans laquelle, en m'envoyant sa bénédiction pour l'année 1853, il me remerciait de mon constant intérêt, de mes vœux, et me faisait donner les détails satisfaisants d'une crise salutaire, longtemps espérée en vain par les médecins, enfin effectuée, depuis laquelle le sommeil et l'appétit se reproduisaient sensiblement. Eh bien! six jours après, il a été enlevé à ses amis, à l'Église! Et à quelle époque? Il ne nous appartient pas de demander à la Providence: Pourquoi? mais il est permis de pleurer, de prier, et surtout de suivre l'exemple de cette angélique patience qui ne s'est pas démentie un instant durant de si longues et de si cruelles souffrances. Je 72 perds personnellement en lui un appui, une consolation à laquelle j'attachais un prix infini. Sa bonté ne s'était jamais démentie pour moi depuis 1845. Pendant huit années, il a toujours été un ami à la fois sincère et indulgent, sachant faire la part de toute chose. Je conserverai à sa mémoire la plus vive reconnaissance, et je le place dans le ciel à côté de cet autre ami chrétien dont j'ai tant aussi éprouvé l'indulgente affection [58]. Il me semble qu'à Rome on devra comprendre quelle perte cette mort sera pour l'Église en Allemagne. Le goût personnel du Roi de Prusse pour le Cardinal, l'influence réelle, souvent magique qu'il exerçait d'autant plus sur le Monarque qu'il était lui-même entraîné par tout ce que celui-ci a de séduisant, avaient formé un lien direct, qui était devenu la seule étoile qui brillât encore en Prusse à notre horizon religieux.

Nice, 30 janvier 1853.—Les journaux nous ont apporté hier la nomination de la maison de l'Impératrice Eugénie [59]. La Grande-Maîtresse est toute naturelle, la Dame d'honneur aussi, dans une Cour qui dérive du véritable Napoléon; mais les Dames du palais sont prises 73 dans le plus petit monde, et les Messieurs aussi. C'est drôle, d'y fourrer tant de parenté et de faire avancer sa voiture, fermer une portière, ouvrir une fenêtre, porter châles et manteaux, par des cousins.

Un des jeux de mots de Paris est de dire que l'Impératrice sera la femme la mieux habillée, parce que tout Paris l'habille.

On dit que l'Impératrice a toute une kyrielle de prénoms; qu'on a hésité longtemps sous lequel elle serait plus habituellement désignée, qu'on avait flotté surtout entre Eugénie et Eudoxie, et qu'enfin on s'était tenu au premier, le second sentant trop le Bas-Empire.

Nice, 1er février 1853.—La duchesse d'Albuféra m'écrit ce qui suit: «La liste des Dames de l'Impératrice n'a été arrêtée qu'après plusieurs refus. Celui de la duchesse de Vicence a été absolu. On trouve la liste officielle fort terne.

«Le couple impérial se rendra à Saint-Cloud après la cérémonie et y passera quelques jours; les fêtes officielles recommenceront au retour. L'amour de l'Empereur est tel que samedi 22, pendant le bal des Tuileries, il a quitté la nombreuse compagnie pour aller passer deux heures dans ses petits appartements, où Mlle de Montijo s'était rendue. Son appartement coûte un million d'ameublement; les plus magnifiques cadeaux lui seront votés; la Ville de Paris lui offre un collier valant six cent mille francs.

«L'étiquette dans la cérémonie du mariage sera calquée 74 sur les plus anciennes traditions; rien n'y manquera; il y aura même de plus un dais et le trône dans Notre-Dame, ce qui ne s'était pas pratiqué jusqu'à présent, dit-on.

«Vous verrez dans les journaux qu'on sème des jardins et qu'on en plante en une nuit pour fleurir et ombrager le cortège.»

Nice, 2 février 1853.—Il paraît qu'on pense, comme je le prévoyais, au baron de Kettler pour remplacer le cardinal Diepenbrock. C'est assurément le meilleur choix que l'on pourrait faire. M. de Kettler a beaucoup de zèle, de fermeté; beaucoup plus d'activité corporelle que le Cardinal; il visitera davantage son diocèse; il parlera tout aussi bien, au moins en chaire; il a aussi un extérieur imposant; il est bien né, bien apparenté, généralement estimé et honoré, mais il n'a pas l'onction, la grâce, la suavité, l'élégante dignité, l'à-propos dans la conversation, le tact aussi fin, aussi sûr; il alarme moins, et il n'exercera pas la même séduction personnelle sur le Roi. Ils avaient servi tous les deux dans l'armée, et M. de Kettler porte même sur son noble et austère visage une marque de son naturel guerroyant.

Nice, 4 février 1853.—J'ai reçu plusieurs lettres de Paris. Voici, en résumé, quelques détails: à la cérémonie du mariage à Notre-Dame, la princesse Mathilde était fort théâtralement arrangée, avec un air triste et contrarié; l'Impératrice très belle; on dit que sa seule imperfection est d'être plus grande, assise, qu'on ne s'y attend quand 75 elle est debout. Elle a dit que, sacrifiant sa liberté et sa jeunesse, elle donnait plus qu'elle ne recevait, aussi se laisse-t-elle adorer. Les Dames avaient l'air terre-à-terre, mais décent. Les décorations de Notre-Dame splendides, mais les Cardinaux n'ayant pas grand air; c'est, qu'excepté M. de Bonald, il n'y en avait pas un seul de bonne maison.

Une circonstance sûre, mais qu'on ne publie pas pour ne pas éveiller les superstitions, c'est qu'en rentrant de Notre-Dame par une autre route que celle par laquelle le cortège s'y était rendu, la voiture impériale surmontée d'une grande couronne, en passant sous la voûte du Pavillon de l'Horloge, les chevaux entrés, elle n'a pas pu avancer. Le cocher, surpris, a donné des coups de fouet aux chevaux, qui, alors, ont fait tomber l'obstacle, lequel n'était ni plus ni moins que cette couronne, trop haute pour le portail, et qui a volé en éclats! Ominous! [60]

Nice, 5 février 1853.—Quelqu'un arrivé de Paris ici dit que, pendant les cérémonies du mariage impérial, la population était curieuse, mais froide; que l'Impératrice a paru moins jolie qu'on ne s'y attendait; en effet, il me revient qu'elle était d'une pâleur extrême, ce qui nuisait à son éclat. Les marchands vendent énormément, sans doute, dans cette frénésie de luxe, mais les affaires proprement dites restent assez stagnantes, le public ne prenant encore aucune confiance, et tout apparaissant jusqu'à présent fantasmagorie.

76 On me dit ce qui suit dans une lettre de Paris arrivée hier: «M. Molé vient d'être très malade d'une fluxion de poitrine, une saignée l'a sauvé. La princesse Lieven languit et se traîne misérablement dans une complaisance admiratrice et plate de tout ce qui est, sans compter pour rien les turpitudes des gens qu'elle accueille avec transport, comme porteurs de nouvelles et dépositaires du pouvoir. Elle parle de ses anciens amis avec un dédain qui révolte; jamais la rage du succès ne s'est montrée avec un plus incroyable cynisme.»

On m'écrit aussi que la duchesse de Hamilton était en simple particulière dans une tribune, à cause du grand deuil de son beau-père. Elle paraissait fort triste, et aurait désiré un autre mariage pour le parent qu'elle aime beaucoup.

Nice, 6 février 1853.—Hier, veille de la Sainte-Dorothée, ma patronne. Le matin, j'avais été par politesse chez la comtesse d'Orestis, à une bataille de confetti qu'elle avait arrangée dans son jardin pour la Société russe et anglaise. Ce plaisir particulier aux Italiens, quand la multitude passionnée y prend part dans un long espace comme le Corso à Rome, a quelque chose d'original, de fiévreux, de contagieux dont j'ai éprouvé moi-même la frénésie; mais dans un petit jardin, avec peu de monde, où d'ailleurs on se tapait de trop près, et, par conséquent, beaucoup trop fort, c'était un plaisir à froid, très peu récréatif. Aussi, au bout de trois quarts d'heure, je suis rentrée chez moi.

77 Le soir, je voulais me coucher, quand, tout à coup, les portes se sont ouvertes, et plus de vingt-cinq personnes sont entrées chez moi, avec un déluge de bouquets, de vers, de dessins, de souvenirs de toutes sortes. Puis, mes enfants, qui étaient dans le secret, ayant fait éclairer et orner de fleurs la grande salle, j'y ai trouvé un concert charmant tout organisé. Le vieux marquis de Negro avait, pour l'occasion, composé une hymne qui a été chantée à ravir et répétée aux cris de bis de la compagnie. Tout cela a duré jusqu'à une heure du matin. J'étais exténuée de fatigue, de reconnaissance, d'émotion.

Mme d'Avenas écrit à ma fille que l'avant-veille de son mariage, l'Impératrice Eugénie est allée au Sacré-Cœur de Paris où elle a passé quelques années de son enfance. Mme d'Avenas s'y trouvait par hasard; elle a trouvé l'Impératrice charmante, naturelle, simple, voulant revoir tous ses souvenirs de jeunesse, et jusqu'à la sœur converse qui la lavait. Cette visite a eu un bon retentissement dans le monde pieux.

Nice, 10 février 1853.—La poste m'a apporté une lettre de la maréchale d'Albuféra qui me dit ceci: «Les personnes qui reviennent de Saint-Cloud parlent du bonheur dont on y jouit. Il y aura, le Mardi gras, bal d'intimes aux Tuileries. Les toilettes sont resplendissantes; on porte beaucoup d'or et d'argent, non seulement dans les étoffes, mais encore dans les rubans et les fleurs. Les formes des robes restent les mêmes, seulement on a adopté pour les robes habillées des queues de trente 78 centimètres; c'est un acheminement au grand habit.»

M. de La Marmora vient de recevoir, par voie télégraphique, la nouvelle d'un soulèvement à Milan et dans plusieurs autres villes de la Lombardie. Les poignards mazziniens auraient joué, mais le canon autrichien l'aurait emporté; les détails manquent [61].

11 février 1853.—Il est arrivé tout à l'heure des lettres de Milan disant ce qui suit: «Pendant le Carnaval, des Milanais masqués et armés ont surpris et forcé les troupes qui gardaient le Palais. Cependant la garnison, bientôt ralliée, a pris sa revanche et a vengé les soldats et officiers, parmi lesquels un colonel, qui avaient été massacrés.» On dit même que des potences sont dressées sur les places publiques.

Je lis l'ouvrage du père Theiner sur Clément XIV [62]. 79 C'est d'un grand intérêt. Le tableau de l'époque qui en fait l'introduction est habilement tracé. Je n'en suis que là jusqu'à présent. Le bruit que fait cet ouvrage en prouve l'importance. C'est évidemment un livre sérieux, puisé à des sources bien authentiques. Les Jésuites font habilement de n'y pas répliquer et d'éviter une polémique prolongée sur ce terrain que M. Crétineau leur a rendu le mauvais service de provoquer. On me mande que les amis des Pères Jésuites font tous leurs efforts pour obtenir que ce livre soit mis à l'index à Rome, mais que le Saint-Père s'y refuse. Je crois, j'oserais même dire que je sais qu'en effet il y a de fort bonnes raisons pour qu'il ne laisse pas toucher l'auteur, qui a puisé ses inspirations, disons même son audace (car il y en a beaucoup dans une telle communication), dans des encouragements supérieurs.

13 février 1853.—M. Avigdor est venu m'assurer que les troubles de Milan avaient cessé. Il m'a, de plus, apporté la proclamation incendiaire de Mazzini, qui, de sa personne, paraît avoir été à Bellinzona. Le bruit court ici qu'on aurait découvert une vaste conjuration à Bologne; que des troubles auraient éclaté à Bologne et une révolte à Monza; on ne peut trop encore y voir clair, et quoique je ne doute pas que la victoire restera à l'autorité légale, je n'en suis pas moins troublée en pensant qu'il y a un pays tellement miné et en effervescence.

Le Journal des Débats a donné deux passages relatifs à l'arrestation de M. de Saint-Priest et à la lettre qu'il écrit à 80 ce sujet. Tout palpite encore sur cette pauvre terre de France, travaillée par tant de passions diverses [63].

Voici l'extrait d'une lettre que mon fils Alexandre a reçue hier de Paris: «A propos de Carmélites, savez-vous que M. Cousin, poussé par son amour rétrospectif pour Mme de Longueville, va très souvent aux Carmélites de la rue d'Enfer, et qu'il ne veut plus écrire une ligne sans la soumettre à la Supérieure, qui est une personne du plus haut mérite, dit-on. Elle lui envoie ses manuscrits revus et corrigés, et il se soumet en enfant à ses décisions [64]. C'est fâcheux qu'il n'ait pas pris plus tôt ce parti, mais on ne peut qu'applaudir à cette complète conversion. J'ai toujours estimé les hommes qui reviennent; il faut pour cela autant de courage que de conscience et de sincérité.

«Si l'on s'est égayé à l'étranger de notre nouvelle comète, comme vous l'appelez (l'Impératrice), je vous 81 assure qu'ici les sonnets, les pamphlets, les calembours pleuvent de tous côtés, et dans toutes classes, comme dans tous les salons. Je trouve cela plus déplorable que risible, car à quelque parti qu'on appartienne, il est triste de voir notre pauvre France tombée si bas. Cette malheureuse Impératrice a été tellement traînée dans la boue que, ne fût-ce que par charité chrétienne, je serais portée à la défendre. Tout en faisant la part de l'excentricité de son caractère, on s'accorde généralement sur la bonté de son cœur. Quant à moi, elle a fait ma conquête à Notre-Dame, pas comme beauté, mais par sa dignité et le pieux recueillement de son maintien.

«Savez-vous aussi l'affaire de M. Veuillot avec l'abbé Gaduel? Cet homme est incorrigible [65]

Nice, 14 février 1853.—Il est arrivé hier ici un aide de camp du Roi de Sardaigne, qui a raconté qu'en effet Mazzini s'était avancé jusqu'à Lugano ou Bellinzona, mais que Kossuth, moins prudent, s'était aventuré jusqu'à Voghera. C'est par les autorités autrichiennes que le comte Apponyi en a été averti, ainsi que du passage projeté de certains réfugiés avec armes et munitions, qui devait s'opérer à Stradella. Sur la demande d'Apponyi, on 82 a envoyé des troupes pour disperser le rassemblement, saisir les munitions, etc.; mais on est arrivé, avec ou sans bonne volonté, trop tard à Voghera pour se saisir de Kossuth, qui avait pris le large.

Nice, 18 février 1853.—On m'écrit de Paris: «La tentative faite à Milan prouve que les socialistes ne se tiennent pas pour battus. Aussi la mise en liberté de quatre mille trois cents détenus, en France, a-t-elle produit une véritable terreur dans nos provinces. J'espère encore que ce mouvement milanais suspendra l'exécution de cet acte de clémence; ce serait un grand bonheur.

«On dit que les personnes qui allaient à la Cour de l'Empereur avant son mariage devront être représentées, pour permettre d'éliminer celles qu'on désire en écarter.

«L'Impératrice, jusqu'à présent, ne décide rien par elle-même. Elle soumet tout à l'Empereur, même la robe qu'elle doit porter; ils ne se quittent pas; on dit l'Empereur éperdument amoureux.

«M. de Caulaincourt, second fils de la duchesse de Vicence, épouse Mlle de Croix; il avait été refusé plusieurs fois à cause d'un œil de verre. La mère est enchantée de ce mariage. La jeune personne est riche, bien née et bien élevée. La duchesse de Périgord est moins charmée du mariage de son fils Paul: les Saint-Aignan ne donnent que 15000 francs de rente à leur fille, dont ils retiennent 6000 francs pour frais de nourriture et de logement.

83 «Il est certain que le maréchal de Castellane avait reçu l'ordre, par le télégraphe, d'entrer en Savoie et de s'emparer du Comté de Nice, si le mouvement milanais n'avait pas été étouffé tout de suite, probablement sous le même prétexte et avec la même durée qui a mené et qui fait rester les Français à Rome.»

Nice, 23 février 1853.—Que dire de cette nouvelle horreur tentée à Vienne [66]. Je suis encore sans détails; je ne sais que ce que disent les nouvelles télégraphiques, qui, même, ne sont pas d'accord entre elles. Toujours est-il que ce charmant Empereur a été blessé. Dieu veuille qu'il n'y ait pas de mauvaises suites pour ce jeune Souverain, qui annonce de si belles qualités et dont l'Allemagne a bien grand besoin à l'heure qu'il est.

Nice, 25 février 1853.—J'ai reçu de Vienne, de mon beau-frère [67], quelques lignes écrites après l'attentat contre l'Empereur. La blessure avait énormément saigné, mais les médecins la déclaraient sans danger. L'émotion, l'indignation, étaient générales dans toutes les classes; le peuple s'est porté à l'Archevêché, demandant qu'un Te Deum fût chanté à l'instant à Saint-Étienne, pour rendre grâce à Dieu que le coup n'ait pas été mortel.

84 Un Espagnol est arrivé ici de Paris. Il est l'ami de la sœur du marquis de Bedmar et de Mme de Toreno. Cette sœur, qui se nomme Incarnation de son nom de baptême, a épousé le beau M. Manuel, l'agent de change élégant, héros d'assez éclatantes aventures. Mme Manuel était l'amie de cœur de Mlle de Montijo, mais l'Empereur n'a pas voulu qu'elle fût reçue à la Cour de l'Impératrice. Enfin, à force d'insistances, celle-ci a obtenu de voir, le matin, en particulier, cette amie de cœur. Dans cet entretien, il paraît que la jeune couronnée s'est jetée en pleurant dans les bras d'Incarnation, disant qu'elle se sentait enfermée dans une cage, dorée à la vérité, mais hermétiquement fermée; qu'elle n'était maîtresse de rien, et qu'elle n'avait eu aucune liberté pour la composition de sa maison.

Il faut lire dans le Journal des Débats du 22 de ce mois un article sur l'ouvrage du Père Theiner par M. de Sacy. Il n'y est ni janséniste, ni philosophe, il y est homme de discernement judicieux et impartial, résumant parfaitement l'ouvrage, l'appréciant sans dénigrement, et portant un jugement juste, sain, modéré, et, à mon avis, excellent sur les Jésuites, non pas les Jésuites de l'institution ni ceux d'aujourd'hui, mais ce qu'ils étaient au moment de leur suppression, et ce qu'ils tentent toujours plus ou moins à redevenir.

Le Galignany du 17 février contient la réponse de Mme Tyler, seconde femme de l'ex-Président des États-Unis, à la fameuse lettre collective des dames anglaises [68]. 85 Elle est plus rude que l'article que John Lemoinne a fait à ce sujet. Il paraît que les dames américaines, au lieu d'être flattées d'avoir été traitées en sœurs par quelques grandes dames anglaises, sont fort blessées de leurs conseils. Mme Tyler les traite avec une ironie sanglante et le leading article du Times à ce sujet [69], que le Galignany rapporte également dans la même feuille du 17, n'est pas moins désagréable pour les dames anglaises que pour celles du Nouveau Monde. On dit les Duchesses, Marquises et Comtesses de la Grande-Bretagne, signataires de l'Épître, très embarrassées, et aux regrets que leur vaniteuse charité leur ait fait faire une semblable démarche. Il est sûr qu'il est impossible d'en avoir fait une plus ridicule.

Nice, 26 février 1853.—J'ai reçu hier des lettres de Paris, dans lesquelles on me dit ce qui suit: «Les amis du Gouvernement ont regretté encore plus que ses ennemis l'arrestation du vicomte de Saint-Priest; je crois qu'il n'y aura, en définitive, que M. Tański de sérieusement atteint. Il correspondait avec plusieurs Cours étrangères, et leur 86 faisait passer, outre des bulletins politiques, tous les couplets, les quatrains, les pamphlets qui pullulent sur l'Impératrice. On a trouvé chez lui, entre autres, la minute d'une lettre de lui, adressée à lady Holland, à Naples, remplie des lazzi que le mariage impérial a provoqués. Walewski et Rothschild ont fait de grands efforts pour obtenir sa liberté, mais inutilement. Ce même Tański était aussi dans l'intimité du prince Jérôme-Napoléon.

«Les témoins espagnols de l'Impératrice, au mariage civil et religieux, n'ont pas été invités depuis aux Tuileries, pas même au bal du Mardi Gras, où il y avait trois cents personnes. Cependant, ils ont dîné hier avec Leurs Majestés, à l'exception du marquis de Bedmar qui a fait dire qu'il partait le matin même pour Madrid.

«Le prince Murat n'a paru ni à la Cathédrale ni aux Tuileries; il est resté sous sa tente, blessé de n'avoir pas eu l'Altesse impériale et le même rang que le groupe Jérôme.»

Nice, 27 février 1853.—On me mande de Vienne que le jeune Empereur, par la violence du coup qui lui a été porté, a cru dans le premier moment avoir reçu un coup de feu et être assailli par plusieurs. Aussi tira-t-il son sabre pour se défendre. Il put ensuite faire cent pas sans chanceler, après lesquels il fut obligé de se laisser conduire par son aide de camp, le comte O'Donnell. Son premier mot à celui-ci a été: «Ceci vient de Milan», et en revoyant sa mère: «Je partage le sort de mes braves soldats de Milan.»

87 L'Archiduchesse Sophie est dans un état affreux, elle a vraiment l'aspect de la Mère de douleur. Elle prévoit des chances de récidive dans l'avenir et a perdu toute sécurité.

On me mande de Paris que Cousin s'est passionné pour l'Impératrice Eugénie, et qu'il en parle avec la même exaltation que de Mme de Longueville. N'y a-t-il pas là de quoi faire tressaillir la poussière de Port-Royal?

Nice, 28 février 1853.—Ma sœur m'écrit de Vienne, du 21, que la vue du jeune auguste blessé est encore trouble.

Elle me dit aussi qu'à Milan la haute noblesse était venue, en corps et en voitures de gala, offrir au général Gyulay ses compliments de condoléances à l'occasion de l'attentat, et que le général leur aurait dit, en les recevant, qu'il regrettait de devoir à une aussi douloureuse circonstance l'honneur de faire leur connaissance.

Il vient de paraître dans le nord de l'Italie une nouvelle proclamation de Mazzini, qui dit qu'il ne faut pas se décourager par l'avortement de l'insurrection de Milan, puisqu'il ne s'agit que d'attendre quelques jours pour voir des événements plus décisifs; ce qui, d'après les dates, coïnciderait avec l'attentat de Vienne. D'après les journaux, on devait tenter un coup de main sur la forteresse de Bude. Toutes ces trames ont également leurs échos dans le Grand-Duché de Posen, et dans le cœur même de Berlin.

Nice, 1er mars 1853.—Mon beau-frère Schulenbourg, 88 qui est arrivé hier de Vienne, nous a conté bien des particularités sur l'Autriche et la Lombardie qu'il vient de traverser. Les dernières nouvelles télégraphiques que Radetzky avait reçues de Vienne pendant que Schulenbourg était à Vérone portaient que l'état cérébral du jeune Empereur offrait de la gravité; la vue était tellement affectée que le pauvre blessé ne pouvait pas supporter la plus petite lueur; il était obligé de rester dans la plus parfaite obscurité, et son ouïe était tellement surexcitée qu'il entendait distinctement tout ce qui se passait à trois chambres de la sienne. On craignait un épanchement du sang au cervelet. Deux minutes avant l'accident, l'Empereur avait montré au comte O'Donnell un groupe de trois hommes à mines sinistres, en lui disant: «Voilà des brigands.» Aussitôt que le meurtrier fut terrassé, ce groupe a disparu. On a envoyé un prêtre hongrois à l'assassin pour remuer sa conscience et lui faire faire des aveux; il paraissait s'y être décidé et avoir déjà commencé. Les arrestations continuaient de tous côtés.

Cet événement, joint aux troubles et conspirations de Milan et de Hongrie, rapprochera beaucoup les puissances continentales de l'Empereur Napoléon III. On veut faire cause commune et se mettre en faisceau contre le danger commun, et notamment se montrer unis et imposants à la Suisse et à l'Angleterre. Tout tourne au profit de Louis-Napoléon, jusqu'au danger de l'assassinat, dont il court, avec des souverains légitimes, les terribles chances.

L'exaspération contre les Anglais, à Vienne, est telle, qu'au Te Deum de Saint-Étienne, lord Westmorland a pu 89 entendre, s'il comprend l'allemand, des paroles, dites fort haut, et des plus rudes à ses oreilles. Le prince de Metternich, qui n'était pas rentré à la Chancellerie d'État depuis les événements de 1848, s'y est rendu, aussitôt après l'attentat, pour savoir par les Ministres qui étaient réunis, des nouvelles de l'Empereur. C'est noble et bien.

Nice, 3 mars 1853.—Lady Westmorland m'écrit une lettre toute désespérée sur l'attentat contre l'Empereur, auquel elle est d'autant plus sensible que toute la mission souffre de l'exécration vouée à l'Angleterre; je cite ses mots. On voulait faire un scandale devant la maison habitée par les Westmorland. La police a eu beaucoup de peine à l'empêcher, et il n'y a que la connaissance qu'on a des sentiments personnels de lord Westmorland qui fasse qu'on les tolère à Vienne, et elle ajoute: «J'ai l'espoir que les choses sont arrivées à un point tel, que notre Cabinet devra et pourra mettre fin aux menées des abominables gens réfugiés et conspirant en Angleterre contre le repos européen. Mais j'en serais beaucoup plus sûre si mon oncle, le duc de Wellington, vivait encore pour élever la voix.»

Schulenbourg a vu avec peine qu'en Saxe le public de toutes les classes était mal satisfait du mariage du Prince Albert avec la Princesse Carola [70]. On n'y trouve ni alliance politique utile, ni entourage de famille brillant; on n'aime pas l'origine maternelle; puis, pas de fortune, 90 le jeune ménage sera tout simplement pauvre, 40000 écus de rente à eux deux pour tout potage; c'est, dans leur position, n'avoir rien. Du reste, la Famille Royale elle-même (mais elle seule) est très affectueuse pour la Princesse Carola et le jeune homme éperdument amoureux. On avait désiré qu'il épousât l'Archiduchesse Élisabeth, la jeune veuve qui habite Brünn, mais aussitôt qu'il eut aperçu la Princesse Carola, qui, par hasard, se trouvait à Brünn en ce moment, et quoique l'Archiduchesse soit infiniment plus belle, il a dit à un neveu de Schulenbourg: «Celle-ci ou aucune.»

Nice, 5 mars 1853.—On m'écrit de Paris ceci: «La clémence de l'Empereur a un effet déplorable sur les provinces, où on s'alarme du retour de ces misérables [71]. Les sociétés secrètes sont en pleine vigueur; elles se dissimulent, mais ne se dissolvent pas; les Préfets courageux l'écrivent, ceux qui ne veulent ni inquiéter ni déplaire se taisent lâchement. M. de Persigny, qui s'est élevé fortement, et contre le mariage, et contre l'amnistie, est en froid avec les Tuileries. Le vent y est revenu à M. de Morny. On dit l'intérieur impérial assez triste; l'épuration des dames, un peu trop gaies, est positive.»

Mes nouvelles d'Allemagne confirment la conspiration hongroise, le projet d'assassiner l'Archiduc-Gouverneur, 91 et à Berlin on a découvert des trames semblables. L'émoi a été vif à Charlottenbourg. Il paraît certain que les trois Cours du Nord feront simultanément des démarches sérieuses pour rompre les repaires anarchiques, et rien ne pouvait mieux servir l'Empereur Napoléon III, car avec lui on forcera la Suisse et le Piémont; sans lui cela deviendrait difficile, et comme lui aussi est menacé des poignards socialistes, son intérêt se trouve identique avec celui des trois souverains, et l'entente en deviendra plus cordiale.

Dans les Cours de l'Europe, on est devenu très indifférent pour le rejeton de la branche aînée des Bourbons, et on est tout simplement hostile aux d'Orléans, parce qu'on est persuadé, non sans raison, qu'avec eux reviendrait ce détestable libéralisme bavard, qui a enfanté 1848, et que le jugement faux et vaniteux, enfin tout ce que représentait Mme la Duchesse d'Orléans, créerait bien plus de dangers à l'Europe que la dictature actuelle.

Nice, 8 mars 1853.—Il paraît certain que Mazzini et Saffi se sont embarqués sur une frégate anglaise qui a longtemps côtoyé Villefranche et toute la rivière de Gênes.

Lord Minto se promenait l'autre jour sur l'Acquasola de Gênes, bras dessus bras dessous avec le secrétaire de Kossuth!

La frégate a relâché à Livourne. Plusieurs midshipmen [72] sont descendus dans la ville, y chantant des airs et des paroles révolutionnaires en italien. Ils ont été arrêtés 92 par la police autrichienne. Le commandant de la frégate les a réclamés; on les lui a refusés et la frégate a dû prendre le large sans eux.

Nice, 13 mars 1853.—La maréchale d'Albuféra m'écrit de Paris: «Vous désirez savoir la couleur des yeux de l'Impératrice. Ils sont bleus; mais elle se peint les sourcils et les cils en noir, ce qui fait un contraste avec ses cheveux blond ardent et donne beaucoup de piquant à son visage. Tout le monde la trouve belle. On la disait grosse, mais comme elle a valsé au bal du Mardi Gras, on ne sait plus trop que penser. Savez-vous pourquoi l'Impératrice Eugénie est la première écuyère de France? C'est qu'elle a sauté la barrière du Trône! Voilà un des lazzi avec lesquels on se console ici.»

Gênes, 18 mars 1853.—Je suis arrivée ici aujourd'hui à midi. La route était encore fort encombrée de rochers détachés de leurs cimes par les déluges de pluie, et ils entravaient singulièrement notre marche, malgré les efforts des cantonniers occupés au déblayage. J'ai déjà visité les églises de l'Annunziata, du Gesù, de Santo-Ciro et de San Lorenzo, l'Albergo di poveri et l'Ospedale di Santa Caterina. Tout cela a de l'intérêt et complète assez bien mon giro génois.

Alexandrie, 18 mars 1853.—Adieu le Midi, le ciel pur, la mer bleue; adieu palmiers, myrtes, roses et oliviers! Nous avons traversé ce matin, par une pluie froide, 93 ou plutôt par une neige fondue, cette partie nue et rude des Apennins. C'était fort laid et fort triste. A Bussana nous avons pris le chemin de fer. Nous étions entassés dans un wagon avec trois Anglais, dont l'un, Irlandais très loquace, revenant des Grandes Indes, les deux autres revenant de Rome et de Naples.

Vérone, 22 mars 1853.—Nous avions quelque espérance d'atteindre Vérone dès hier au soir, ce qui, en effet, nous eût été facile, si nous n'avions pas manqué de dix minutes le dernier départ du chemin de fer. Il a donc fallu rester à Mantoue, où nous étions pitoyablement gîtés dans un détestable petit cabaret, les auberges passables étant encombrées par les parents de ceux qu'on juge en ce moment à Mantoue, non pas à la suite des derniers événements de Milan, mais en conséquence de la grande conspiration découverte en novembre dernier [73]; quatorze 94 cents personnes sont gravement compromises; cinq ont déjà été exécutées dans un des forts de Mantoue. L'Empereur vient d'en gracier un grand nombre et de commuer la peine des autres. Mais, Mantoue, cette forteresse déjà si sérieuse et si obscure en elle-même, vue ainsi au travers des torrents d'une pluie glaciale, et sous le voile lugubre des conspirations et des tragédies réelles, dans une petite chambrette dont les vitres étaient cassées et la cheminée était pleine, non pas de feu, mais d'une fumée épaisse, offrait le plus triste séjour.

Vérone, 24 mars 1853.—L'Archiduchesse Sophie a fait un touchant cadeau au comte O'Donnel, cet aide de camp qui était près de l'Empereur d'Autriche au moment de l'attentat contre sa personne. Elle lui a donné une bague très simple, contenant une grosse turquoise, qui s'ouvre, et sous laquelle se trouve une mèche des cheveux ensanglantés de l'Empereur, qui lui ont été coupés après l'attentat. En lui donnant cette bague, l'Archiduchesse a dit au comte O'Donnel: «Ce n'est pas un cadeau 95 impérial, c'est le souvenir d'une mère reconnaissante.»

On a fait à Vienne plusieurs bons mots, dont j'ai retenu les suivants: Le général Haynau est mort le même jour et presque à la même heure que l'Archevêque de Vienne, qui se nommait Milde (ce qui en allemand veut dire douceur). On dit donc, que malgré la férocité attribuée à Haynau, il est mort mit milde [74]. Voici le second bon mot. Le général Leiningen, en mission à Constantinople, a obtenu des Turcs de ne plus appeler les chrétiens des chiens; mais à la condition expresse que, désormais, il ne serait plus permis aux chrétiens de donner à leurs chiens le nom de Sultan. Ceci est bien digne du théâtre des Variétés.

Une question plus sérieuse, plus importante, c'est l'arrestation à Milan d'un avocat, chez lequel on a saisi des papiers très explicatifs des projets mazziniens et, entre autres, la preuve qu'à un jour fort prochain, il devait éclater à Naples, Florence et Gênes, des explosions formidables, et mieux organisées que ne l'a été la dernière échauffourée de Milan. On a aussitôt expédié des courriers sur les différents points menacés qui, très probablement, seront arrivés à temps pour empêcher les bombes d'éclater.

Vérone, 25 mars 1853.—Le maréchal Radetzky, m'ayant très poliment fait exprimer ses regrets qu'un reste de grippe ne lui permit pas de venir chez moi, j'ai été hier chez sa femme, où le Maréchal s'est rendu. L'appartement est beau, commode et chaud, la vieille dame 96 fort polie; mais l'intérêt principal se fixait, naturellement, sur l'illustre vieillard, qui complète, pour moi, la série des illustres guerriers contemporains, que j'ai tous connus plus ou moins. Cette série commence par Souvarow qui, à Prague, lorsque son fils cherchait à épouser ma sœur, m'a fait sauter et gambader avec lui, quand j'avais sept à huit ans; ses originalités, encore plus que sa gloire, l'ont fixé dans mon souvenir. Napoléon, avec ses capitaines célèbres; Wellington, Schwarzenberg, Blücher, et maintenant Radetzky, et d'autres encore, m'ont été connus d'assez près, pour pouvoir conserver une impression distincte de leur individualité; et je sais apprécier cette longue chaîne d'illustrations contemporaines.

Il est impossible d'avoir été plus naturellement obligeant, simple, et, en même temps, plus aimablement communicatif que le feld-maréchal Radetzky l'a été avec moi. Sa verdeur, son entrain, à quatre-vingt-six ans, sont une véritable merveille; mais il lui faut soigner une toux qui est incessante depuis quelques jours. Il était parfaitement rassuré sur les suites de la grande conspiration (qui se tramait et qui devait éclater hier), depuis qu'en outre de l'arrestation de l'avocat Milanais, on a aussi opéré celle d'un riche banquier de Bologne. Ici, on est obligé de faire garder les puits des casernes par des sentinelles, pour empêcher l'exécution du projet découvert de les empoisonner; les détails les plus douloureusement curieux abondent.

Vérone, 26 mars 1853.—J'ai eu hier la visite du 97 général Benedeck, une des plus brillantes célébrités des dernières campagnes d'Italie et de Hongrie. Il est maintenant chef d'état-major du feld-maréchal Radetzky. Sa position ici est très importante et, par le temps qui court, très lourde. Il est doux, modeste, poli; sa conversation mesurée sans être froide; ses blessures ont rendu sa santé délicate; il est maigre et de taille moyenne.

Les uns disent que l'ennui commence à régner aux Tuileries; d'autres, au contraire, que les tendresses y sont extrêmes et que l'Impératrice est très touchée des soins constants et charmants dont elle est l'objet. En dehors des grandes soirées, il y en a de petites qu'on dit fort gaies. Pour les présentations à l'Impératrice, l'étiquette ne laisse pas que d'être sévère. Elle consiste en une simple défilade. Mme Le Hon en était furieuse et le disait tout haut.

J'ai reçu une lettre de Mme Mollien, désolée du bruit, qui se répandait de tous côtés, que Mme la Duchesse d'Orléans épousait M. de Montguyon; et elle espère que toute cette histoire est une invention.

Voici les extraits de deux lettres: la première est de M. de Falloux, la seconde du duc de Noailles:

Premier extrait: «Je suis mal au courant des directions actuellement prédominantes à Venise; j'ai eu le chagrin de me trouver en désaccord avec un premier mouvement de M. le Comte de Chambord. A la suite du 2 Décembre, j'aurais voulu que l'élite seule du parti légitimiste représentât, en se retirant de tout, la protestation morale, mais qu'on laissât le gros de nos amis à 98 leurs mairies, à leurs Conseils généraux, y fonder ou y développer les écoles religieuses, qui seules rendront la France, à l'avenir, une nation sur laquelle on puisse régner. Une ligne plus cassante, plus hostile a été préférée [75]. Je conçois que cela fut bien tentant pour le Chef de la maison de Bourbon; cependant, j'ai persisté à croire que les conseils donnés étaient exagérés et funestes. Quant à la fusion, M. le Comte de Chambord l'a toujours désirée et a beaucoup témoigné ce désir. On y a mal répondu; et il a fini par être blessé, sans cependant y renoncer ou la repousser absolument. Les d'Orléans répètent beaucoup qu'ils ont fait de nouvelles démarches; mais, de fait, ces démarches étaient des conditions déplacées. Voilà où on en est aujourd'hui. C'est une situation bien dangereuse pour tout le monde. Ce sont les Princes d'Orléans qui ont fait l'Empire; ils suivent une ligne de conduite toute propre à fortifier cet Empire. Tant que la France ne verra pas un grand et fort gouvernement à mettre à la place de ce qui lui donne aujourd'hui le repos matériel, elle ne s'en dégoûtera pas. Mais il faut craindre aussi les illusions du Comte de Chambord. Tant qu'il n'a pas d'enfants, le principe réside bien encore en lui, avec tous ses avantages; mais la réalité, la perpétuité de la Maison de Bourbon, sont dans la branche cadette. Le Comte de Chambord est donc fort paralysé, lui, dont la valeur première est l'hérédité; il ne faudrait donc pas 99 qu'il voulût avoir trop rigoureusement raison, sans vouloir tenir compte de l'état de démoralisation où la France est plongée, sans réfléchir qu'une nation, dans un tel état, est accessible à tous les coups de main. M. le Comte de Paris grandit, M. le Comte de Chambord prend des années, l'action du temps est donc bien inégale pour les deux, et il faudrait tout concilier, en unissant tout indissolublement. Je sais bien que, sans nous autres légitimistes, aucun gouvernement ne durera, mais la France est trop épuisée pour supporter de nouvelles expériences; et si on ne lui ôte pas en commun la chance de se tromper, sa prochaine erreur serait la dernière et la France serait en lambeaux... avant vingt ans. Je voudrais que, des deux côtés, on fût bien persuadé de cette vérité.»

Second extrait: «La fusion est aussi éloignée que jamais. Le fait est que, malgré quelques semblants, les d'Orléans n'en veulent pas, la façon dont ils l'entendent la rendant a priori impossible. Ils ne veulent s'engager vis-à-vis du Comte de Chambord que dans le cas où la volonté nationale se sera prononcée à son égard et lorsque le fait se sera joint au droit. Quant à l'Angleterre, elle ne fera rien contre les réfugiés; on ne pourrait l'y forcer que si la France était à la tête des autres puissances pour l'y obliger, et c'est ce qu'elle ne fera pas. Du reste, point de projets de guerre clairs et arrêtés; mais l'Empereur Napoléon a dit hier, à quelqu'un, qui me l'a répété immédiatement: «La France n'a toute sa puissance et toute son influence que dans 100 l'action. Quand l'Europe est en repos, les vieilles monarchies l'emportent toujours sur elle, et il faut bien avouer que je suis né d'hier.» Ceci a été dit à propos de la rapidité du succès de la mission du Comte de Leiningen à Constantinople [76]

Vérone, 27 mars 1853, jour de Pâques.—Il a fait hier un joli petit semblant de printemps dont, bien vite, j'ai profité pour aller au Giardino Giusti, que j'avais envie de revoir. Les violettes y abondaient, et nous nous sommes livrés à de fort douces illusions, sous les cyprès séculaires égayés par le chant des oiseaux, qui tous paraissaient en belle humeur. Nous avons gagné les terrasses supérieures, d'où la vue était très nette, riche et variée. Nous nous sommes laissés conduire ensuite à un théâtre antique, destiné jadis aux jeux olympiens. Un propriétaire d'ici a acheté et fait abattre les maisons qui encombraient ces ruines; elles paraissent avoir couvert un très grand espace. Des pierres colossales reproduisent ce caractère de grandeur, imprimé à tous les monuments d'une puissance en elle-même gigantesque.

Vérone, 29 mars 1853.—J'ai été hier dire adieu au 101 maréchal Radetzky, toujours retenu par les restes de la grippe. Il a fort agréablement causé dans son cabinet, où je l'ai trouvé, écrivant d'une main aussi ferme que ses conceptions sont claires et lucides. Il m'a montré une belle miniature, représentant l'Empereur François-Joseph, que l'Archiduchesse Sophie lui a envoyée, en y joignant quelques vers des plus touchants. La Maréchale m'a menée dans la bibliothèque, où se trouvent, sous verre, les bâtons de maréchaux autrichien et russe; le second est fort orné de diamants; le premier, moins brillant, est plein d'allusions, de noms, de dates, de symboles. Le tout repose sur un piédestal en bronze, fondu dans l'airain d'un des canons pris à Novare.

Venise, 30 mars 1853.—Au bout de ce prodigieux chemin de fer, qui traverse la lagune, pour enchaîner insolemment l'épouse de la mer à la terre, Pierre d'Aremberg m'attendait hier, au débarcadère. Il s'est placé dans notre gondole pour descendre avec nous le Canal grande, au bout duquel est l'Albergo Danieli où nous sommes descendus. Les salons sont grands, avec la belle vue sur Santa Maria della Salute, San Giorgio Maggiore, la Riva degli Schiavoni et son bruyant mouvement: tout ce grand et vivant tableau se perdant dans le lointain de la mer. La route de Vérone, ici, est charmante, traversant une large vallée, bordée à gauche par les Alpes Tyroliennes, à droite par les monts Euganéens; les unes couvertes de neige et de glace, les autres se dessinant en pointes aiguës sur un ciel, qui s'était enfin purifié.

102 Venise, 31 mars 1853.—Ma cousine Emma de Chabannes [77], pour laquelle j'avais un petit paquet, est venue me voir et me dire que sa Princesse pensait, avec plaisir, qu'elle pourrait enfin faire ma connaissance personnelle. La Princesse part après-demain, pour aller passer quinze jours à Modène; j'y vais ce matin, et ensuite chez la Duchesse de Berry.

Hier j'ai été dans la matinée, en gondole, à l'église degli Scalzi, la plus riche de Venise, et à celle de Santa Maria gloriosa dei Frari, la plus intéressante par ses monuments funéraires. Les Carmes déchaussés qui soignent l'église degli Scalzi sont très polis, et m'ont accueillie à merveille. Ils m'ont montré un autographe de leur patronne, sainte Thérèse, qu'ils conservent sous verre et qui n'est pas placé pour être vu commodément; ensuite je suis rentrée. Il faisait un froid humide fort déplaisant; aussi suis-je restée chez moi, tout le reste du jour, à ne voir de Venise que ce que ma fenêtre veut bien m'offrir; à la vérité, c'est beaucoup, beaucoup à voir, beaucoup aussi à entendre, parce que la voix humaine, dans ses plus diverses inflexions, se charge ici de remplacer le bruit des roues et le piaffement des chevaux.

Venise, 1er avril 1853.—Il faisait positivement chaud dans la gondole qui m'a descendue hier, à midi et demi, au Palais Cavalli. L'accueil y a été fort bon, la conversation facile. Le Comte de Chambord a une bonne figure 103 ouverte et de la rondeur dans les manières, mais il ne faut le voir qu'assis. Quant à la Comtesse de Chambord, elle a toutes mes préférences: dignité, grâce, naturel, politesse bienveillante, taille superbe, bel air, yeux intelligents, cheveux admirables, dents blanches, sourire aimable. L'inégalité de son visage ne va pas jusqu'à la contorsion ni à la grimace. Sa conversation est fort en harmonie avec son extérieur; enfin, elle est ce qu'elle doit être, la position donnée; position si touchante, si élevée, si triste, si difficile, dont la simplicité la tire mieux que toutes les habiletés ne pourraient le faire. Bref, elle m'a plu au delà de ce que je supposais; son mari moins, quoique sa candeur et la loyauté répandues sur ses traits aient de l'attrait. Il a un beau front, droit, élevé; sa conversation est bonne, sage, mais je ne la trouve pas élevée; puis il est, ce me semble, de très belle humeur; je ne sais pas si je n'aimerais pas mieux un nuage de mélancolie.

Le palais Vendramin a des allures toutes différentes. Mme la Duchesse de Berry est devenue d'une laideur suffocante: laideur, allures, gestes, son de voix, plaisanteries, tout est commun jusqu'au vulgaire; bonne femme au fond, mais hurluberlue dans son langage et grotesque de sa personne. Le comte Lucchesi [78] n'est pas plus beau, mais il est poli et se tire en maître absolu de sa très difficile position; il fait les honneurs du palais, plus en grand maréchal qu'en époux; mais on sent la main de fer sous 104 le gant de velours. Les trois enfants, issus de ce mariage (la petite fille, née à Blaye, a eu le bon esprit de mourir, il y a longtemps), ne se sont pas montrés.

Après ces deux audiences, je suis allée au jardin botanique, créé en 1815, par ordre de l'Empereur François: j'y ai vu de fort belles plantes; on n'est pas fâché de se retrouver par moments sur des petits carrés de terre ferme.

Lady Westmorland me mande ce qui suit, en date de Vienne du 28 mars: «Lord Stratford de Redcliff a été ici, pendant quelques jours, en route pour Constantinople. Il a eu une audience de l'Empereur et en a été très content, ainsi que du comte Buol. Ils paraissent être tout à fait d'accord sur les affaires de Turquie; c'est une goutte de consolation, car, du reste, il y a une irritation et une animosité des deux côtés, qui nous font passer de mauvais moments. Vienne est fort triste; point de bals, un mauvais opéra et un ballet détestable.»

Venise, 2 avril 1853.—J'étudie Venise de mon mieux. Je vois peu à la fois, mais bien en conscience et avec force livres et recherches. Hier nous avons été visiter San Giorgio avec son magnifique perron, d'où la vue est si belle. Palladio a mis tout son art dans cette église, très correcte par conséquent, mais froide dans ses lignes, sa couleur et ses formes; mais dix belles colonnes de marbre antique, quelques belles figures en bronze et un ou deux souvenirs historiques lui donnent de l'intérêt. Les 105 tableaux s'y perdent par l'humidité de cette île, qu'on va fortifier, et qui deviendra un point de défense formidable. L'église des Capucins, Il Redentore, également du Palladio, a ses mérites et ses défauts; ceux-ci fort augmentés par des ornements d'un goût affreux, imaginés par les bons franciscains, qui ne sont guère artistes. Leur sacristie contient trois Jean Bellini de prima sorte, et, comme contraste, une série de crachoirs, d'une configuration si étrange que je n'ai pu comprendre leur destination que par l'explication que m'en a donnée le Père sacristain. Celui-ci a la plus belle, la plus longue et la mieux tenue, peignée, brossée et brillante de toutes les barbes de capucins que j'aie jamais vues. Il m'a prise en bonne part, et, au dernier moment, il a ouvert une petite armoire contenant une figurine en cire qu'on dit être: il vero Ritratto del santissimo Fondatore degli ordini mendicanti [79]. Le fait est que c'est tellement ainsi qu'on se représente saint François d'Assise que, pour moi du moins, je ne mets pas en doute que ce ne soit là son véritable portrait. Enfin, je suis rentrée, bien fatiguée. Après le dîner, je me suis assoupie, mais pas longtemps, car le chant des gondoliers qui, en chœur, égayent leur station au Molo, m'a fait vite ouvrir la fenêtre pour les mieux entendre. C'était fort joli.

Venise, 3 avril 1853.—Il y a de bien belles choses à admirer ici; mais il y en a trop. Je ne sais comment le mois 106 que je veux passer à Venise suffira pour tout ce que l'un et l'autre me dit de voir. J'ai vu d'admirables Paul Véronèse à l'Académie delle belle arti, où je suis restée deux heures dans une véritable admiration. La collection n'y est pas nombreuse, mais les chefs-d'œuvre y abondent: presque tous de cette admirable école vénitienne qui, depuis que je sais distinguer les tableaux, est celle qui m'a toujours satisfaite plus que toute autre.

Venise, 4 avril 1853.—Hier dimanche, j'ai été faire ma prière à l'église des Saints-Apôtres, dont on célèbre la fête le 3 avril. Il y avait, par conséquent, grande funzione dans cette église qui leur est consacrée; beaucoup de lumière, de belles orgues, mais des voix et des chants rappelant beaucoup trop l'opéra. L'église, en elle-même, n'est pas intéressante; d'ailleurs, n'y étant que pour assister à la grand'messe, je l'ai fort peu examinée. Ce qui m'a singulièrement plu et touchée, c'est une procession passant sur la Riva degli Schiavoni, et portant chaque année, au premier dimanche après Pâques, aux malades qui n'ont pu faire leurs dévotions à l'église, leur portant, dis-je, la communion pascale, soit dans leur palais, soit dans le taudis de leur misère. C'est bien, c'est naturel, comme l'est toujours notre mère l'Église.

A midi et demi, j'étais au palais Vendramin, où Mme la Duchesse de Berry m'avait dit de me rendre, pour me montrer en détail ce charmant et magnifique établissement que les arts dans leur plus belle expression, le goût dans sa perfection, le confort dans tout son bien-être, 107 l'histoire dans ses traditions, et le luxe dans sa splendeur, se sont plu à différentes époques à orner. Depuis des colonnes de jaspe sanguin, de toutes grandeurs, provenant du temple de Diane, à Éphèse, jusqu'à une botte de Louis XIV, sur le talon de laquelle Van der Meulen a peint une des batailles gagnées par le Roi, depuis des tableaux prima sorte de Jean Bellini, Andrea del Sarto, etc., etc., jusqu'à des portraits du pauvre petit Louis XVII, il y a de tout; et tout est bien ordonné, bien à sa place, l'appartement bien distribué, des vues superbes; même un jardin, chose si rare ici, où le manque d'arbres, de fleurs et de verdure finit par fatiguer les yeux qui en cherchent vainement le repos et le rafraîchissement. Je suis restée deux heures à suivre Mme la Duchesse de Berry, et à écouter les explications très obligeantes et très intéressantes que me donnait le comte Lucchesi; il est un cicerone vraiment habile; je crois qu'il allège les pénibles honneurs qui lui sont dévolus, en se plongeant dans les arts et la curiosité.

Venise, 5 avril 1853.—Ma matinée d'hier a été consacrée à la basilique de Saint-Marc, à son trésor et à l'inspection plus détaillée de la Piazza et de la Piazzetta. Il y aurait trop à en dire pour en indiquer ici le détail, je me bornerai à en tracer mon impression.

Bâtie sur le modèle de Sainte-Sophie, de Constantinople, l'Orient y a mis son cachet particulier, de telle sorte qu'on a d'abord quelque peine à se sentir dans une église du culte catholique romain; aussi, quoique Saint-Marc 108 ne soit pas à comparer comme grandeur, ni à Saint-Pierre, ni au dôme de Milan, ni à celui de Cologne, reste-t-il digne d'être mis sur la même ligne, parce que rien de semblable ne se trouve en Europe. Ce n'est ni l'anéantissement qui terrasse à Saint-Pierre, ni le respect qu'inspire Cologne, ni les élancements joyeux que provoque Milan; mais c'est un fragment du temple de Salomon. Je voudrais pouvoir me confesser à Saint-Pierre, prier à Cologne, chanter le Te Deum à Milan, et rêver aux Croisades à Saint-Marc.

Venise, 6 avril 1853.—J'ai été visiter, hier, les ateliers de Schiavone et de Nerli. Les artistes vivants ont trop à lutter, ici, contre les comparaisons inatteignables qui les entourent. Schiavone habite une partie de l'élégant palais Foscari-Giustiniani. Nerli, qui est Prussien plein de talent, occupe les mansardes de l'immense palais Pisani, dont les dimensions contrastent avec le délabrement des détails.

Venise, 8 avril 1853.—Hier, j'ai été au couvent des Arméniens de l'île Saint-Lazare, que les études arméniennes de lord Byron ont rendu particulièrement célèbre: nous y avons vu le vieux moine qui lui donnait des leçons. C'est un bel établissement, propre, bien tenu, où on fait poliment accueil aux étrangers. L'air y est bien meilleur qu'en ville, et un joli jardin, dans le milieu du cloître intérieur, rappelle, par sa végétation, ceux des villas de Nice: c'était un vrai rafraîchissement de retrouver 109 de la verdure et des fleurs. L'imprimerie, la bibliothèque, l'église, la sacristie, tout nous a été ouvert et montré par un jeune moine, fort bien élevé, parlant français et italien.

Le duc de Lévis, qui m'avait demandé, à jour et heure fixe, un entretien, est venu chez moi; notre conversation, qui s'est longtemps prolongée, m'a confirmée dans la conviction que ce n'est pas d'ici que partent les difficultés à la fusion.

Venise, 9 avril 1853.—Nous avons senti une tempête que la Bora nous a envoyée de Trieste, en vraie rivale malicieuse. J'étais, le soir, au palais Vendramin, et le canal montait si haut dans le Canal Grande que je suis arrivée chez Mme la Duchesse de Berry avec le mal de mer. C'était une petite soirée en famille, où le whist, le thé et un peu de conversation ont rempli une couple d'heures. Dans la matinée, j'avais été faire une longue station au palais des Doges; j'y ai vu et revu des merveilles artistiques, historiques, et de curieux manuscrits dans le cabinet particulier du bibliothécaire. Le palais des Doges est ma grande préférence à Venise, car il semble que toutes les grandes ombres puissent encore y être évoquées, au moindre mot, à chaque pas, à chaque soupir.

M. de Bacourt étant venu passer un mois à Venise, la correspondance subit alors une interruption.

110 Berlin, 14 mai 1853.—Je suis arrivée, avant-hier à une heure après midi, à Potsdam; j'ai été invitée pour le thé et le souper au Château. J'y ai vu arriver le Duc et la Duchesse de Gênes: le Duc est beau et a une sérieuse attitude. Je trouve seulement que son sérieux touche au sombre et au taciturne, plus que son âge ne le comporte; du reste, sa femme est si gaie, si fraîche, si ouverte, si naturelle, qu'évidemment elle est heureuse. Elle ressemble infiniment d'extérieur à feu la Reine des Belges [80], avec une expression plus gaie. Le Roi Léopold a fait ici feu des quatre pieds pour être agréable. On trouve son fils par trop bien élevé, tant il est poli, doucereux, courbé en humilité: la vraie école paternelle. On dit qu'il serait beau si son long nez ne profilait pas une ombre semblable à l'ombre classique du mont Athos (réflexion de Humboldt, naturellement). Ici, le Ministère est divisé, la Famille Royale divisée, la Cour divisée, les questions communales parlementaires et religieuses en effervescence. Il paraît que c'est le chanoine Fœrster qui sera Prince-Évêque de Breslau. Il est bon prêtre, homme d'esprit, grand prédicateur, bon écrivain, actif ami des jésuites: il ne paye pas de mine, il manque de calme, il n'est pas gentilhomme, mais il n'appartient, en aucune façon, au clergé niveleur. Personnellement, je ne pouvais désirer un meilleur choix. Il n'est point encore proclamé!

Le Roi et la Reine de Prusse m'ont beaucoup questionnée sur le Comte et la Comtesse de Chambord, avec un 111 intérêt visible et tendre. On n'a aucun goût, aucune estime, aucune confiance pour Louis-Napoléon; mais on est craintif, méticuleux; au fait, on a bien des motifs pour être prudent.

Sagan, 18 mai 1853.—Je suis arrivée hier, ici, ravie de me retrouver dans mon home, émue par l'accueil qui m'est fait par la population.

Lady Westmorland m'écrit de Vienne que le Roi Léopold doit être, ce qu'il est en effet, enchanté de l'accueil que l'Empereur et son Auguste Mère lui font [81]. Lord Westmorland avait été invité à la parade et bien traité par le chef de cette brillante et fidèle armée. Elle me dit aussi que tout le parti révolutionnaire en Angleterre, avec lequel lord John Russell et lord Palmerston ont été si longtemps en coquetterie, est maintenant à couteaux tirés avec ces deux ministres, qui n'en ont pas moins eu un vote éclatant en leur faveur. Dieu veuille que cela leur donne la volonté de mieux faire et d'user, pour le bien du monde entier, du pouvoir que ce vote leur donne.

112 Günthersdorf, 27 mai 1853.—Nous voici avec un Prince-Évêque nommé par le Chapitre: c'est celui que j'annonçais. Le Roi ne tardera pas à confirmer ce choix; et Rome, sans doute, le sanctionnera. Il est de beaucoup préférable à celui de l'insignifiant Évêque de Münster ou du curé spirituel, mais niveleur, de Ratibor. Il n'y a que l'Évêque de Mayence, Mgr Kettler, que j'eusse préféré.

Mes lettres de Vienne ne parlent que des ovations, tout exceptionnelles, dont le Roi de Prusse y est entouré. C'est aimable, convenable et habile. J'en suis charmée. Le mariage du Duc de Brabant avec l'Archiduchesse Marie est déclaré. Elle a un caractère des plus vifs.

Sagan, 5 juin 1853.—Quelqu'un qui a vu, il y a quelques jours, à Berlin, le duc d'Ossuna, m'a dit que ce grand d'Espagne lui avait raconté que, tout témoin qu'il était au mariage de l'Impératrice Eugénie, il n'avait pu la voir, à son passage par Paris, dernièrement. L'Empereur la tient sous un joug assez austère, et, du reste, elle est d'une santé fort délicate.

On me mande de Vienne que le Roi Léopold est plus enchanté de sa future belle-fille que ne l'est l'épouseur. Mme de Metternich, avec sa rudesse habituelle, dit que c'est unir un palefrenier à une religieuse, mais que c'est le Duc de Brabant qui est la religieuse.

Sagan, 9 juin 1853.—Toutes les lettres de Berlin ne cessent de parler du ravissement du Roi de Prusse de son 113 séjour à Vienne. L'Archiduchesse Sophie arrive dans trois jours à Sans-Souci avec ses deux fils cadets.

Sagan, 13 juin 1853.—Je ne puis m'empêcher dans mes méditations solitaires de trouver que les événements paraissent se précipiter en Orient. Assurément, l'Empereur de Russie est trop âgé pour agir en étourdi, mais il ne l'est pas assez pour qu'on ne puisse lui supposer l'ambition de vastes projets. Je m'imagine qu'à Paris, on pense souvent qu'il faudrait compléter le 2 Décembre du dedans par un 2 Décembre du dehors. Ce sont là deux gros nuages bien chargés d'électricité, aux deux bouts du monde européen, qui courent au-devant l'un de l'autre. Je crois bien qu'au centre on aimerait à dresser des paratonnerres, mais sera-ce possible? Et si cela ne se pouvait, quelle guerre naîtrait de ce choc! Du reste, il m'est revenu dernièrement qu'à Paris, on hésitait beaucoup devant la guerre franchement révolutionnaire, qu'on s'y flatte même qu'en n'entrant pas immédiatement en Belgique, ni en Savoie, on pourrait entrer en campagne d'accord avec l'Angleterre. Mais cela me paraît terriblement platonique. La France, si éprise du luxe et du bien-être, bénéficie de la paix; comment supporterait-elle d'en être sevrée, si on ne lui offrait promptement les émotions et les dédommagements de la conquête? D'ailleurs, le monde n'est-il pas mûr pour une crise définitive? Les grands instruments de vitesse qui ont été si merveilleusement prodigués à ce siècle, le sont-ils, dans les décrets de la Providence, uniquement pour les trains de plaisir et 114 les ballots de coton? Ne sont-ce pas plutôt les bottes de sept lieues de la civilisation, avide de rentrer en Orient? Tout cela semble, à mon petit horizon solitaire, plus vraisemblable, quelque romanesque que cela paraisse, que la prolongation d'un état de choses qui n'est lui-même que la permanence du malaise et du péril pour tous les Gouvernements et pour tous les peuples.

Sagan, 19 juin 1853.—Je suis allée à Hansdorf [82] où Mme l'Archiduchesse Sophie a désiré (selon l'itinéraire que lui avait tracé le Roi de Prusse) dîner à deux heures pour arriver à Sans-Souci à l'heure du thé. J'ai passé une heure à côté d'elle, à causer de mille choses qu'elle traite avec facilité, agrément, abandon. Elle a paru fort sensible à mon attention et au superbe bouquet que je lui ai apporté. Elle a, depuis bien, bien, bien des années, été toujours également bonne pour moi, et je la trouve très aimable, animée, bienveillante et spirituelle.

Dresde, 29 juin 1853.—Nous sommes arrivés ici, d'où la Grande-Duchesse [83] est partie ce matin pour Weimar; sa fille Wasa est malade à Pilnitz et est soignée par la Princesse Carola, ou pour mieux dire, par Mme la Princesse Albert de Saxe, sa fille. J'apprends que le jeune ménage est fort satisfait. Le public ne trouve pas du tout la Princesse Carola jolie, mais on lui trouve l'air prévenant, 115 bienveillant; elle est fort polie et obligeante. La Famille Royale est très contente d'elle, et le public, qui n'a pas vu ce mariage d'un bon œil, se radoucit devant les jolies et bienveillantes façons de la jeune Princesse. Comme le Prince Albert est très aimé et estimé, tout le pays lui a fait de superbes cadeaux: les villes manufacturières, notamment, et les villes de commerce, comme Leipzig, par exemple, qui a offert une magnifique vaisselle. On ne sait où placer l'énorme quantité de choses qui arrivent de toutes parts.

Carlsbad, 3 juillet 1853.—Je suis arrivée hier dans cette fournaise. Le dernier jour de Dresde, j'ai dîné chez les Redern avec le Prince Albert de Prusse [84]. Redern, ministre de Prusse en Saxe a, de son souverain, la permission d'inviter le Prince Albert chez lui, mais non pas d'aller chez le Prince. Défense lui est faite de prendre notice quelconque de l'épouse qui, dit-on, est en couches en ce moment; c'est un peu bien près des noces. L'influence de la Reine de Prusse, pour empêcher le Roi de permettre ce mariage (à condition de ne jamais voir la femme), n'a jamais pu l'emporter sur les obsessions de la Princesse Charlotte de Meiningen et de l'Impératrice de Russie.

J'ai appris, à Dresde, que le Prince Wasa avait donné 116 les beaux diamants emportés de Suède à sa fille, la Princesse Carola, à l'occasion de son mariage; mais aussi à la condition de ne pouvoir, ni les vendre, ni les faire changer de monture; ils doivent rester dans la caisse du Prince Albert, qui en est responsable, et la Princesse ne peut les porter qu'en donnant chaque fois un reçu. On évalue cet écrin à quatre cent mille écus.

Carlsbad, 8 juillet 1853.—Le Grand-Duc de Saxe-Weimar est décidément au plus mal. Voilà un deuil qui jettera du trouble dans le séjour de Mme la Princesse de Prusse à Londres. Elle aime son père, et elle s'inquiétera pour son frère, elle se préoccupera pour sa mère; enfin, elle aura quelques soucis de plus à joindre à ceux qui, déjà, ne lui manquent pas.

Teplitz, 12 août 1853.—J'ai quitté Carlsbad sans regret; il me faut maintenant conter, tant bien que mal, le peu qui arrive jusqu'à moi; et d'abord le mariage de la jeune Mélanie de Metternich: elle épouse le comte Pepy Zichy, un sien cousin, qu'elle a refusé deux fois, tant qu'elle visait, avant 1848, à un prince de maison souveraine.

On dit que la jeune Archiduchesse, future Duchesse de Brabant (ou plutôt déjà Duchesse de Brabant, car le mariage par procuration a dû se célébrer hier), a l'air bien triste. Je la plains et le jeune Duc de Brabant aussi; car ce sont deux enfants qui se marient à contre-cœur tous deux. La sensibilité paternelle ne s'en émeut guère. Le 117 Roi Léopold fait son chemin à pas discrets, mais sûrs, sans se soucier ni des aigreurs des uns, ni des soupirs des autres; il a bien la figure de son rôle, bien plus desséchée que vieillie!

Son Ministre à Vienne, M. O'Sullivan de Grass, est tellement enflé de joie, à ce qu'on dit, et d'orgueil d'être ambassadeur, et de ses fonctions auprès de la Princesse, qu'il en aurait crevé, si cela avait duré; mais après la cérémonie d'hier, il redevient Ministre, tout en précédant, cependant, la Princesse à Bruxelles où le Prince Adolphe Schwarzenberg l'accompagne.

D'après ce qui me revient, je ne crois pas que l'entrevue du duc de Nemours et du Comte de Chambord ait eu lieu jusqu'à présent.

Teplitz, 15 août 1853.—Ma cousine de Chabannes m'écrit ce qui suit: «Mme la Duchesse d'Orléans me paraît vraiment dans une sorte d'aberration d'esprit, car ce qu'elle fait, en ce moment, y ressemble fort, et je lui suis trop attachée pour ne pas en éprouver un vif chagrin. Vous savez que, l'année dernière, tout en se montrant fort opposée au désir de tous les siens, elle avait cependant fini par se soumettre à moitié, et à de certaines conditions qui, du reste, tout naturellement, ont dû faire échouer le projet de fusion entre les deux branches. Depuis un an, elle se tenait à part avec une certaine affectation; mais maintenant, et à l'occasion du voyage du duc de Nemours en Autriche, elle a déclaré ne plus rien vouloir entendre, ni avec, ni sans condition, menaçant, si on 118 passait outre, d'un éclat public et d'une séparation hautement avouée. Les Princes et la Reine Amélie se plaignent de la nécessité de ne point causer une division de plus, et de devoir tout sacrifier à l'union de l'intérieur de leur groupe, exilé en Angleterre. Quelle déplorable faiblesse et quelle étroite façon de juger une position aussi grave! Une fois qu'elle se verrait toute seule de son bord, il faudrait bien qu'elle se soumit. Mais enfin on est en terreur d'elle, Dieu sait pourquoi!»

Voici maintenant l'extrait d'une lettre de l'obligeant Scarella, qui m'écrit de Venise, après son retour d'un voyage à Rome, au sujet des commissions artistiques qu'il veut bien surveiller pour moi à Venise; il me dit: «J'ai eu occasion de me convaincre, hélas! à Rome, que le vénérable Pontife Grégoire XVI a été bien négligé et même abandonné dans sa dernière maladie! J'ai eu une longue audience de son successeur. Il a daigné me parler avec confiance et grande tristesse. Il m'a avoué l'état cruel de sa position actuelle, environnée de partis révolutionnaires qui conspirent sans cesse. On parvient à grand'peine à les comprimer, mais non à les détruire. L'esprit public est très mauvais dans les États romains et en révolte contre le Gouvernement qui est faible et inactif, incapable de conserver la tranquillité sans les troupes étrangères. Le Gouvernement qui, il y a quelques années, a si légèrement encouragé la révolution, n'a pas admis, jusqu'à présent, les moindres progrès administratifs; ni chemins de fer, ni télégraphes, ni éclairage au gaz, etc., etc... Ce Gouvernement misérable épuise la fortune de ses sujets, 119 sans qu'il en résulte de bénéfice pour lui-même. J'ai assisté à l'élection du Général des Jésuites, le Père Beckx; il a été bien reçu du Pape, quoique le Saint-Père n'aime pas cette Compagnie, si essentielle cependant, et qui pourrait lui être bien utile. J'ai également assisté aux fonctions du chapeau donné aux deux Cardinaux français, et j'ai vu l'illumination de la Girandole au Monte Pincio, substituée à celle du Château Saint-Ange, occupé maintenant par le magasin à poudre des Français.»

Teplitz, 19 août 1853.—Il paraît qu'on porte des jugements fort divers sur la nouvelle Duchesse de Brabant. On me dit que la Reine de Prusse en fait un portrait flatteur; et avant-hier, Mme de Ficquelmont et sa fille assuraient toutes deux que cette Princesse avait une tête charmante et une expression pleine d'agrément dans les yeux; que c'était, en un mot, une beauté de Rubens qui semblait faite exprès pour la Belgique; qu'en outre, elle avait l'esprit prompt et ouvert, et que les maîtres qui l'avaient instruite assuraient qu'elle avait une intelligence rapide et une capacité rare. Maintenant, où est le vrai?

Teplitz, 25 août 1853.L'Indépendance belge nous fait assister à la marche triomphale de la Duchesse de Brabant. Elle doit être touchée de l'accueil que lui fait le beau et riche pays qu'elle traverse, où les souvenirs de ses ancêtres ressuscitent sous ses pas.

On me mande qu'on en a une humeur de chien aux Tuileries, ce que je conçois à merveille; mais ce que je ne 120 m'explique pas, c'est que le Ministre de France à Bruxelles soit le seul du Corps diplomatique qui ne se trouvera pas à son poste pour la cérémonie.

J'ai eu les détails suivants sur ce qui vient de se passer à Ischl. L'Empereur d'Autriche y est arrivé le 16 août au soir. Il a vu sa tante et ses cousines de Bavière le 17, et on a été frappe de la façon particulière et attentive dont il regardait sa cousine Élisabeth. Le 18, au bal, il a dansé la première valse avec la sœur aînée; cette valse a été courte; il a dansé la seconde avec la sœur cadette, qui a été interminable. Plus tard, dans la figure du cotillon où on offre des bouquets, il a traversé la salle et a offert le sien à la Princesse Élisabeth. Le 19, il s'est renfermé, n'a vu personne, et à dîner, il avait l'air très sérieux. Le 20, au matin, il a été avec sa mère, chez sa tante, la Duchesse de Bavière, demander la main de sa cousine. Le oui a été dit sans beaucoup de difficultés. Aussitôt après, il a été avec la fiancée et les deux mères à l'église. Une personne qui se trouvait dans un coin de l'église, y entendant la messe pour son propre compte, les a vus arriver, tous très émus, très pieux, et recueillis. (Ce n'était pas un dimanche.) En sortant de l'église, le mariage a été déclaré et aussitôt après, l'Empereur a été, en famille, passer le reste de la journée dans les montagnes. Si l'Empereur avait écouté les désirs particuliers de sa mère et de sa tante, la Reine de Prusse, il eût épousé une de ses cousines germaines de Saxe; mais aucune ne lui a plu; il l'a déclaré tout simplement, en disant qu'il n'était nullement pressé de se marier, et qu'il n'épouserait qu'une Princesse qui lui plairait. 121 C'est donc une autre cousine germaine de Bavière qui lui a plu, et après avoir pris vingt-quatre heures de solitude et de réflexion, il a passé outre. Le comte de Ficquelmont, qui dînait hier chez moi, me disait que tout cela était bien, en effet, dans le caractère du jeune Empereur: «Indépendant, réfléchi et déterminé.» Il aime et estime son jeune Souverain, et je vois que c'est l'effet qu'il produit sur tous ceux qui l'approchent. M. de Ficquelmont me citait aussi un mot du général russe de Berg qui, après l'éclatante entrée de l'Empereur à Raab, disait aux Autrichiens: «Messieurs, je vous félicite d'avoir un Empereur aussi brillant; mais ce qui vaut mieux, c'est que vous avez en lui non seulement un Empereur, mais encore un maître.»

La Princesse Élisabeth, étant cousine germaine de l'Empereur et Princesse de Bavière de père et de mère, est tout à fait du bois dont on fait de très véritables Impératrices. On la dit très agréable, de fort beaux yeux, une jolie expression et une taille gracieuse. Elle n'aura seize ans qu'au mois de décembre; le mariage ne se célébrera qu'après le jour de l'An. Cette nouvelle alliance bavaroise pourrait bien ne pas plaire à Berlin. La future belle-mère de l'Empereur est, à ce que j'ai lieu de croire, la plus spirituelle princesse et la plus instruite de sa famille, qui compte cependant plus d'une princesse distinguée; elle est originale, retirée, ne sortant que peu de son château de Possenhofen, où elle a vécu d'études et de dévouement à l'éducation de ses filles.

Teplitz, 28 août 1853.—J'ai eu une nouvelle lettre 122 d'Ischl dans laquelle on me mande que, lorsque l'Empereur a parlé à Madame sa mère du désir d'épouser la Princesse de Bavière, il l'a fait dans ces termes: «Si j'étais sûr qu'on ne persuadât et ne poussât pas la Princesse à m'accepter, je voudrais lui demander moi-même si elle consent à partager mon sort difficile, à m'aider à en porter le poids et à l'alléger.» On a donc sondé la jeune personne en lui disant qu'elle ne devait consulter que son cœur et ne regarder en rien à l'éclat de la situation. Elle a répondu que ce n'était que cette position trop élevée et trop difficile qui pourrait l'effrayer, car quant à la personne, elle s'y sentait vivement attirée. L'Empereur, en recevant cette réponse, a dit au comte O'Donnel: «Je vous remercie aujourd'hui doublement de ce que vous avez été pour moi, sur le bastion de Vienne.» Les deux mères auraient voulu que la chose fût tenue secrète jusqu'à l'arrivée ou, au moins, jusqu'à la réponse du Duc Maximilien, père de la Princesse, auquel personne n'avait songé dans les premiers moments d'effusion; mais l'Empereur a dit qu'il ne fallait pas que son bonheur fût caché et qu'il avait hâte de le proclamer.

Sagan, 3 septembre 1853.—On me mande de bonne source que le duc de Broglie est converti à la fusion; c'est malheureusement bien tard, et il n'a pas peu contribué, par son hérésie politique, à creuser l'abîme entre les deux branches en fortifiant, pendant des années, l'obstination de Mme la Duchesse d'Orléans.

Qu'il est rare que les gens, même les plus honnêtes 123 et les plus distingués, fassent les choses importantes à propos!

Sagan, 6 septembre 1853.—Lady Westmorland me mande de Vienne ce qui suit: «Nous voilà replongés dans les incertitudes et les négociations par cette réponse de Constantinople. Je ne crois pas que cela empêche l'accommodement que tous veulent, mais cela nous donnera encore beaucoup de peine et de tracas [85]

On dit la jeune Impératrice jolie, et l'Empereur épris et très heureux.

Sagan, 9 septembre 1853.—Voici ce que m'écrit d'Anjou M. de Falloux; il revenait de faire une course à Paris. «On a trois politiques distinctes à Paris: celle des agioteurs qui jetteraient volontiers le Sultan dans le Bosphore pour cinq francs de hausse à la Bourse. M. de Morny et M. Fould patronnent cette politique, et la font, à cette heure, triompher officiellement. A l'extrémité opposée, la politique révolutionnaire de la guerre 124 ronge son frein, prépare ses chances, et elle a ses représentants fort près aussi de l'oreille impériale. Entre les deux se place la pensée suprême qui veut la guerre plus que M. Fould et moins que M. de Persigny.

«Louis-Napoléon cherche à faire tomber lord Aberdeen pour faire surgir lord Palmerston; il ne croit pas à la possibilité d'une paix solide, mais voudrait une entrée en campagne plausible, régulière et d'accord avec un Ministère anglais renouvelé. On hésite donc et on hésitera encore quelque temps, non pas entre la paix et la guerre, mais entre les différentes façons d'entamer la guerre, puis, quand le parti sera pris, la France s'éveillera avec son deux décembre du dehors!»

Sagan, 12 septembre 1853.—Il paraît certain que l'Empereur Nicolas arrivera le 20 à Olmütz [86].

Lady Westmorland me mande ce qui suit de Vienne, en date du 9: «Je n'ai plus aucune patience avec ces Turcs, qui refusent si sottement ce que l'Empereur Nicolas acceptait de si bonne grâce; et maintenant, je crains fort qu'il ne se redresse contre les exigences et les prétentions de la 125 Porte: nous attendons avec anxiété la réponse de Pétersbourg.»

Il paraît que lord Stratford Redcliffe a joué le même rôle à Constantinople que dans ses précédentes missions, et, que tout en tenant un langage officiel calmant, il a beaucoup stimulé sous main, d'une part, les arrogances de Menschikoff, et de l'autre, les résistances musulmanes. On dit qu'il va être rappelé.

Sagan, 22 septembre 1853.—Il ne se passe pas de semaine où il ne faille placer un nouveau jalon mortuaire sur notre route; ce sont des signets de deuil dans le triste livre de la vie, que nous ne feuilletons pas avec assez d'attention, et dont la dernière page se clôt avant que nous n'ayons bien reconnu la vraie signification de l'œuvre. Hier encore, j'ai appris la mort de mon cousin, Paul de Médem. Sans doute, il faut bénir la Providence de l'avoir tiré des ténèbres qui s'épaississaient, de plus en plus, autour de son intelligence, pour le placer au centre de cette lumière, qui seule ne s'éteint jamais. Mais cette fin prématurée ne laisse pas que de fendre le cœur.

Sagan, 25 septembre 1853.—Le prince Paul Esterhazy est à Vienne; il est arrivé de Pesth avec les insignes royaux de Hongrie, et c'est lui qui a porté la couronne à la cérémonie de l'église [87]. Voilà qui le réhabilite complètement à la Cour et à la ville! J'en suis bien aise, car je lui veux toutes sortes de bien.

126 M. de Salvandy, ayant dans un voyage à Nantes passé devant Rochecotte, s'y est arrêté et y a fait une visite à Pauline [88], après laquelle il m'a écrit une fort aimable lettre. Il y dit ce qui suit: «Mon impression générale sur tout ce que nous voyons, c'est que les événements sont destinés à se précipiter; qu'en gros, ils ressembleront à ce que nous avons déjà vu, avec les différences qui me laissent partagé entre la douloureuse crainte de ressemblances complètes, quant aux moyens, et l'espérance d'issues plus indépendantes, plus dignes, et, par cela même, plus durables. Je ne rentrerai en ville que fort tard; il s'est fait dans le monde des vides qui me sont de grandes tristesses; je me sens dépaysé dans la génération nouvelle qui remplit les salons: Mmes de Noailles, de Maillé, d'Osmond, de moins; Mme de Boigne éteinte; M. Pasquier baisse à vue d'œil; l'empreinte du temps atteint M. Molé. Je renonce à poursuivre M. Guizot dans la lanterne, très peu magique, de Mme de Lieven. Le duc de Noailles n'hérite pas, comme il l'aurait pu, de tant de successions ouvertes; les Decazes sont abîmés entre la maladie, le Roi Jérôme et M. Bixio. Il n'y a plus de Sainte-Aulaire, Mme Mollien est toute seule dans l'appartement charmant qu'elle s'est fait; Mme de Châtenay, en perdant Alexis de Saint-Priest, est restée seule dans le sien. Albert de Broglie, qui a repris sa place dans le monde pour lequel il est fait, et dont son père s'était exilé, va beaucoup chez les autres et n'a point de chez soi. La duchesse de Mouchy plus 127 aimable chaque jour, depuis qu'elle ne s'abrite plus chez sa mère; la duchesse de Rauzan dont la santé se détruit de plus en plus, sont mes seules amitiés vivantes. Mmes de Choiseul et de Vogüé, qui recueillent l'héritage de leurs amitiés défuntes, malgré une bonne grâce infinie, ne sont plus des centres, parce qu'il s'y réunit trop de monde, trop de jeunesse, qu'il n'y a pas de petits jours, que dès lors, on ne cause pas. Le salon de Mme de La Ferté reste froid et austère comme elle. Le monde ancien est fini!»

Ce passage compose, ce me semble, un tableau assez rapide et assez vrai de ce qu'est devenu le Paris de la bonne compagnie.

Sagan, 4 octobre 1853.—Lady Westmorland me mande de Vienne en date du 2: «Mon mari est revenu d'Olmütz, avant-hier au soir, enchanté de son séjour, et surtout très content de ses conversations avec l'Empereur Nicolas, et de la modération de ses intentions pacifiques dont il a donné des preuves incontestables. Hier donc, nous étions un peu remontés, en espérant une solution, mais aujourd'hui, nous avons une dépêche télégraphique de Constantinople du 25, qui annonce que le Sultan, poussé par le Divan, s'est décidé à déclarer la guerre, malgré l'avis des quatre représentants [89]. Dieu sait si cet 128 événement ne fera pas peur à nos commerçants en Angleterre, et n'arrêtera pas un peu les cris furibonds de ces odieuses gazettes qui poussent à la guerre depuis si longtemps.»

Sagan, 14 octobre 1853.—Voici l'extrait d'une lettre que le baron de Humboldt m'écrit de Berlin, en date d'hier: «Pourquoi le Czar est-il venu ici? Dans quel but? Qu'est-ce que cela lui rapporte? Je l'ai vu arriver, figure de marbre de Paros, un peu vieillie avec de rares velléités d'animation bienveillante; j'ai reçu trois poignées de main en trois jours; de l'inquiétude dans le regard scrutateur et morose: en général, de la politesse soutenue, mais glaciale. Je l'ai vu partir dans le vestibule de Sans-Souci, couvrir aux adieux la Reine de ses baisers, embrasser le Wachtmeister [90] puis revenir encore et embrasser la Reine. J'ai résisté, pour ma part, à l'attendrissement. Je pense qu'il avait un vif intérêt à faire croire aux Tuileries, à Londres et aux Dardanelles que les trois puissances du Nord étaient plus familièrement d'accord que jamais, de faire une politesse à notre Reine et de s'assurer de son appui, de gagner huit à dix jours de temps pour avoir des nouvelles de Constantinople, et de s'assurer avant tout de l'impression que les vagues pourparlers d'Olmütz, renouvelés plus vaguement encore à Varsovie (sans la moindre coopération de Manteuffel qui, en Cincinnatus vertueux, était allé visiter ses choux de Lusace), avait produite à Londres.

129 «Il paraît que le Czar a préféré la voie de terre pour avoir la possibilité, si quelque nouvelle importante arrivait, de retourner sur ses pas, à Kiew et à Odessa. Au départ de l'Empereur Nicolas, il n'y avait de Constantinople que des nouvelles du 26: ce matin, il en est arrivé par télégraphe électrique du 2 octobre, confirmant simplement la nouvelle que si, dans quarante jours, les troupes russes n'évacuaient pas, ce qui, sans doute, restera paisiblement en leur possession jusqu'en mai 1854, on ferait une déclaration de guerre, ce qui, dans le nouveau dictionnaire diplomatique, ne dit aucunement qu'il y aura guerre.

«Le Ministre de la guerre Bonin a été l'objet de grandes froideurs. M. de Manteuffel a beaucoup insisté sur la neutralité de la Prusse; cependant, le Czar est parti avec la ferme persuasion que si la guerre se faisait effectivement, la Prusse lui viendrait en aide, et je crois qu'il ne se trompe pas. Notre excellent Roi me paraît soucieux.

«L'homme qui, aux Tuileries, ne parle pas, mais rumine d'autant plus, est bien aise de la rupture des traités, de ces provinces occupées qui semblent lui donner des droits analogues; sa haine personnelle et politique est dirigée de plus en plus contre la Belgique. La pusillanimité de Léopold lui fait espérer qu'en cédant le nord du Brabant et Anvers à sa douce alliée la Hollande, il pourra occuper la Belgique proprement dite, sans que les fureurs dynastiques de Windsor osent pousser à la guerre ce bon peuple, qui ne veut pas voir troubler son commerce et qui, dans l'occupation d'Anvers par la Hollande, verrait s'évanouir toute rivalité dangereuse. On prouvera, par un 130 manifeste, que l'hydre de la révolution ne sera vaincue qu'autant que les libertés belges ne serviront plus d'abominable contraste aux douceurs angéliques du gouvernement absolu des Tuileries.

«Radowitz est au plus mal; c'est un rétrécissement organique des intestins, d'affreux vomissements en sont le résultat.

«A Glienicke, on rêve noces et festins; on a jeté les yeux sur l'agréable jeune Princesse de Dessau; le Prince Frédéric-Charles, dans sa silencieuse chasteté, paraît peu empressé d'abandonner le culte de la caserne.»

La duchesse d'Albuféra m'écrit de Paris, en date du 10: «Pensez-vous que la réunion de Varsovie aura amené quelque solution satisfaisante à l'interminable affaire d'Orient? Chacun a bien assez à faire chez soi pour se tenir tranquille au dehors. Nous avons ici bien des ennemis intérieurs par la cherté du pain; il faut s'attendre à un hiver très difficile; les quêtes et les pauvres vont pleuvoir; la Ville de Paris fait un sacrifice de quarante-deux mille francs par jour pour tenir le pain à un prix raisonnable. Comme elle s'est fort endettée par tous les embellissements qu'elle fait de tous côtés, elle va nous cribler d'impôts: voitures, chevaux, domestiques, pianos; tout ce qui est luxe va payer. Le résultat ne sera pas ce qu'on croit: on ira à pied, on renverra la moitié des domestiques et on ne fera plus de musique. Les fortunes de Paris sont trop médiocres pour pouvoir faire face à tout.»

Sagan, 21 octobre 1853.—Voici l'extrait d'une lettre 131 que lady Westmorland m'écrit de Vienne en date du 19:

«Nous sommes dans un état de stagnation et d'attente, quant à la politique. La déclaration de guerre de la Porte met nécessairement fin à toutes les négociations pour empêcher la guerre. Maintenant, il faut tâcher de faire la paix; mais pour commencer cette tâche, on attend de savoir de quelle manière l'Empereur Nicolas aura reçu la déclaration de guerre. Je crois qu'il ne serait pas difficile d'arranger une paix, comme il aurait été facile d'empêcher la guerre, si l'on n'avait affaire de tous côtés qu'à des médiocrités. Celui qui me paraît avoir le plus d'habileté, c'est Drouyn de l'Huys; Buol, comme mon cousin [91] à Londres, sont de bonne foi, désirent le bien, ne manquent pas d'esprit, mais sont tous deux de seconde rate [92] quand il s'agit de diriger une grande affaire.

«Nesselrode a commis des bévues incroyables; il faut que l'âge l'ait paralysé; au fond, c'est lui qui a tout gâté en donnant raison à cet esprit intrigant, haineux, rancuneux de Stratford Canning, qui a commencé tout le mal par ses perfides conseils à Constantinople, et qui aurait été désavoué et bafoué partout, si la stupide dépêche de Nesselrode n'eût tout embrouillé de nouveau [93].

132 «On me paraît singulièrement tranquille à Vienne; on y est persuadé que les hostilités ne peuvent commencer avant le printemps et que nous avons six mois pour négocier. Je ne partage pas cette sécurité, et je m'attends après le 24 à quelque coup de main. Une fois un coup de canon tiré, qu'arrivera-t-il? En Angleterre, les gens raisonnables n'osent pas résister à la presse radicale. Le Cabinet voit très bien les dangers de cette guerre, mais il n'a pas le courage de résister aux fureurs de la populace, qu'on a la faiblesse de prendre pour l'opinion publique; celle-ci, dans les classes honorables, n'est rien moins que guerroyante. Mon oncle [94] avait raison quand il prévoyait, avec douleur, l'importance que le Reform-Bill donnerait aux masses ignorantes. L'union de notre Cabinet avec Louis-Napoléon est des plus intime; Louis-Napoléon y tient beaucoup, il fait toutes les concessions que nous demandons.» Cela durera-t-il? je ne m'y fie pas trop.

Sagan, 23 octobre 1853.—On m'écrit de Paris ce qui suit: «Je ne crois pas à la guerre; l'Empereur Louis-Napoléon ne la désire pas et fera tout son possible pour l'éviter. Nous avons déjà la disette ou à peu près, de grands embarras financiers, d'immenses travaux entrepris de tous côtés. Ce serait la ruine de la France au moment où on jouit du repos et du bien-être qui suivent de grandes agitations. L'Angleterre n'est pas franche, son Cabinet ne se soucie pas de tirer le canon; mais, pour se maintenir et 133 plaire à l'esprit public, irrité contre la Russie, il joue un jeu dangereux qui pourrait nous entraîner plus loin qu'on ne le compte. Quant aux Turcs, ils sont comme l'Ibrahim de Racine, indignes de vivre et de mourir [95], et je ne m'intéresse à eux que par rapport à la secousse européenne.

«On me dit que la Grande-Duchesse Stéphanie arrive aujourd'hui à Compiègne, où toute la Cour est réunie. Notre Impératrice est jolie, frivole, insignifiante et stérile; son mari en est encore amoureux, mais la dernière qualité, parmi celles que je vous ai énumérées, ne le flatte pas.»

Sagan, 8 novembre 1853.—Le nouvel évêque de Breslau [96], arrivé ici avant-hier, est parti après le déjeuner; il avait, la veille, officié pontificalement dans la grande église; et hier, il l'a fait dans l'église de Sainte-Croix qui lui a plu singulièrement. Ma maison ressemblait à un séminaire, tant il y avait de soutanes. Le Prince-Évêque a été fort aimable pour tous, prenant intérêt aux personnes et aux choses. Durant son séjour, nous avons eu, lui et moi, en trois fois, quatre heures de conversation, seul à seule, fort instructives et intéressantes. Moins prince de l'Église, moins imposant et moins homme du monde, aimable et attrayant que son prédécesseur, il a autant d'esprit, plus de calme sur certaines choses et plus d'activité 134 pour d'autres, une piété égale, une éloquence écrite et parlée analogue, et tout aussi remarquable: bref, c'est un homme très distingué et très apostolique.

Sagan, 15 novembre 1853.—Lady Westmorland me mande ce qui suit: «Les affaires me peinent et m'indignent, car, pendant que nous nous disputons sur des formes et des mots, le sang coule et qui sait combien? Quand je dis nous, je parle de nos gouvernements, car on ne peut être plus unis, plus en confiance réciproque, plus sincèrement dévoués à faire le bien que ne le sont les quatre qui travaillent ici; mais il y en a trois qui n'ont pas les coudes libres, et de là vient toute la difficulté de faire un arrangement quelconque.

«Il paraît certain qu'on s'est battu le 3 ou le 4, et qu'il y a eu beaucoup de morts et de blessés, mais qu'il reste fort incertain qui a eu le dessus. Un rapport dit que les Turcs ont maintenu leur position à Oltenitza et que les Russes se sont retirés; un autre dit que les Russes ont fait reculer les Turcs [97]

Il paraît que le Père André Bobola qu'on vient de béatifier à Rome, et qui a été un jésuite polonais, martyrisé par les Russes, il y a deux cents ans, est l'objet d'une grande humeur de l'Empereur Nicolas, et voici à quelle occasion: Une tradition ancienne rapporte que, lorsque 135 l'Église honorera particulièrement le Père Bobola, de grands malheurs frapperont la Russie et que le sang y coulera. Cette tradition est fort connue dans le Nord. L'Empereur ne l'ignore pas, et si peu qu'il a tâché d'entraver à Rome cette béatification. Des prêtres lithuaniens, auxquels les consulteurs des Rites ont écrit, pour avoir leurs témoignages sur les miracles et le martyre du Bienheureux, et qui ne les ont pas refusés à Rome, ont été déportés en Sibérie.»

Sagan, 21 novembre 1853.—Le dernier ouvrage de Cousin dont j'entends parler est un volume philosophique [98] dont le but serait de mettre d'accord ses écrits d'autrefois avec ses pensées actuelles qui semblent, Dieu merci, suivre un tout autre cours. Mais à quoi bon? nous perdons tant de bonnes choses sur la route de la vie, qu'il est bien naturel de nous défaire des mauvaises. Ne serait-il pas plus digne du vrai philosophe chrétien d'en convenir tout simplement ou, mieux encore, de ne pas en fatiguer le public, que cela n'intéresse guère et de continuer l'histoire de Mme de Longueville qui charme tout le monde.

Je voudrais bien que Villemain fît enfin paraître son Grégoire VII [99], ce serait une bien bonne lecture pour 136 mes solitudes; mais, je crains fort que le grand Pontife ne soit pas au bout de ses malheurs, et qu'il ne reste encore captif.

On dit que M. de Lamartine est très malade. Sa santé ne pourrait alors se comparer qu'à sa fortune et à sa renommée.

Je voudrais connaître quelque livre attachant qui me fasse passer les langueurs de ma chaise longue; ce ne seront pas les trois derniers volumes de l'histoire que M. Thiers a écrite sous l'empire de si déplorables passions. La muse de l'ingratitude l'a déplorablement inspiré [100]. Heureusement qu'il ne suffit pas d'avoir du talent pour faire ou défaire des renommées; elles subsistent par elles-mêmes et résistent aux folles apothéoses, comme aux iniques et ingrats dénigrements.

Sagan, 10 décembre 1853.—Le duc de Noailles m'écrit ce qui suit de Paris: «Je suis fort tourmenté de ce qui va se passer à Eisenach. On y a expédié quelqu'un de Paris pour empêcher Mme la Duchesse d'Orléans de recevoir le duc de Nemours, revenant de Frohsdorf. Je veux espérer que l'entrevue aura eu lieu avant l'arrivée du messager. Le Comte de Chambord et le duc de Nemours 137 ont été ravis l'un de l'autre. Peut-être est-ce un bonheur que la Veuve se tienne en dehors; elle aurait plutôt compliqué, entravé, rendu l'entente plus difficile; car elle n'y aurait pas été assez naturellement, assez simplement. Tout ce qu'on lui demande, c'est de ne rien compromettre, de ne rien gâter; qu'elle reste isolée, si elle le veut, mais qu'elle n'intrigue pas, qu'elle reste passive; elle arrivera plus tard à se soumettre. En attendant, les autres s'entendent mieux tout seuls sans elle.»

Sagan, 11 décembre 1853.—Des lettres que je viens de recevoir me donnent quelques petites notions, dont voici l'extrait: «Il me paraît qu'en ce moment l'Angleterre et la France consentent à une Conférence ou Congrès à Vienne, où tous les Cabinets (turc et russe compris), régleraient de concert l'affaire d'Orient, avec protocole ouvert et s'intitulant, dès l'article premier: Affaire européenne. Si la Russie y consent, on pourra y forcer les Turcs; mais la question est de savoir si elle y consentira et si elle peut sortir de cette affaire sur un échec moral, comme celui-là? car, dans les circonstances actuelles, c'en serait un ... Mais si la Russie n'y consent pas, j'ai lieu de croire que l'Autriche ne poussera pas plus loin le dévouement et la reconnaissance, et qu'elle se séparerait alors de la Russie. Or, si l'Autriche se sépare de cette puissance et se réunit plus ou moins activement à la France et à l'Angleterre, la guerre générale ne serait plus possible.»

«Les Cousins ont été contents l'un de l'autre à Frohsdorf, et les Cousines aussi; j'ai pu jeter un regard sur des 138 lettres qui l'attestent. Le Comte de Chambord a été particulièrement ravi de sa cousine Clémentine de Cobourg et a dit: «J'ai vu enfin une princesse française.» Le duc de Nemours, qui s'était rendu près de Mme la Duchesse d'Orléans pour lui tout expliquer, n'a pas été reçu par elle, et elle a même empêché ses fils de voir leur oncle.

«Il m'est revenu que M. Thiers n'approuvait pas l'entente entre les deux branches, mais qu'il l'acceptait, et il ajoute qu'il est persuadé qu'à sa majorité le comte de Paris imitera l'exemple du duc de Nemours. M. Thiers, à ce qu'on m'assure, n'aime pas la branche aînée, mais il hait, avant tout, ce qui gouverne aujourd'hui.»

Sagan, 23 décembre 1853.—Lady Westmorland me mande ceci: «Mon impression est que lord Palmerston produira une secousse qui fera crouler la machine [101]. Je crois que Stratford Canning, qui a fait tant de mal, fait à présent des efforts sincères pour l'arrêter; mais je doute de son pouvoir à calmer ce qu'il a fomenté et suscité.»

M. de Radowitz est mort, après de longues et poignantes douleurs, d'une maladie analogue à celle du feu Cardinal Prince-Évêque de Breslau. Certes, je n'aimais pas l'influence 139 politique de M. de Radowitz sur le Roi, influence qui, à une époque donnée, a porté grand dommage à son gouvernement; mais sa mort n'en est pas moins regrettable, aujourd'hui qu'il n'était plus ministre. C'était, dans la vie privée, un homme des plus honorables; ses facultés intellectuelles, sa science, sa prodigieuse mémoire, son aptitude dans toutes les branches, excepté la politique, en faisaient un être à part de la plus rare distinction; il y a, en ce moment, si peu d'hommes qui s'élèvent au-dessus de la médiocrité, qu'on ne saurait trop regretter les deux ou trois âmes qui dominent encore de fort marécageuses vallées. La Prusse perd, en moins d'un an, deux appuis du catholicisme, si cruellement battu en brèche par l'insidieux piétisme protestant: le cardinal de Diepenbrock et M. de Radowitz. Ce dernier était ferme dans sa foi, et son crédit auprès du Roi était un appui pour ses coreligionnaires. Dieu veut nous ôter notre dernier «chevet», mais pour continuer avec Bossuet, il faut ajouter: «Puis il agit.» Espérons donc qu'à travers tant de pertes et d'attaques, l'Église triomphera et qu'elle se montrera d'autant plus forte, qu'elle aura moins d'appui. Le Roi sera personnellement très affligé de la perte d'un homme avec lequel la tournure particulière de son esprit et de son imagination trouvait une pâture toujours abondante.

Sagan, 31 décembre 1853.—M. de Humboldt m'écrit ce qui suit de Berlin: «La mort de Radowitz est un événement qui sans doute affecte le Monarque; mais on dit qu'un mémoire de Radowitz, que le Roi lui avait demandé 140 sur les changements à introduire dans la Constitution, quelque temps avant sa maladie, a été si libéral et blâmant si franchement ce que l'on fait réactionnairement, qu'il s'en était suivi quelque froideur; cela expliquerait le calme royal pendant la maladie et les visites rares et tardives faites au moribond.

«La famille Radowitz en a été très affligée et moi-même, j'en ai été très surpris. Pour les personnes qui ont regardé l'excentricité des conseils de Radowitz comme peu utiles auprès d'un Roi à imagination mobile (par exemple la Reine), elles doivent trouver cette mort un accident très commode.

«L'homme était doué d'une puissante intelligence, d'une noble nature, sincère, consciencieux, vertueux, mais voulant toujours l'impossible. De formes arrogantes, offrant un mélange bizarre d'aristocratie et de théologie, appartenant au moyen âge, fortement saupoudré du libéralisme le plus moderne, sermonnant avec talent, mais incapable de causer, doux et aimable dans son intérieur où il était déifié.

«Le Roi se flatte que les éclatantes victoires remportées par les Russes vont disposer l'Empereur, son auguste beau-frère, aux idées pacifiques; moi, je crains, au contraire, l'engouement et le fanatisme du parti ultra-russe, ainsi que l'influence du clergé grec; je crains aussi le désespoir des Turcs qui leur inspirerait de fatales violences [102].

141 «Deux mystères occupent ici la faible partie du public qui en a eu vent, jusqu'à présent. La mission d'Albert Pourtalès à Londres et la course rapide que Bunsen a faite pour affaires politiques, à Paris, dont il est, du reste, déjà revenu [103]. Quel peut avoir été le but de ce voyage d'un ministre de Prusse à Paris, si ce n'est pour disposer les Tuileries favorablement pour Saint-Pétersbourg? mais alors, comment employer Bunsen, la bête noire de Brunnow et de la Russie? Vous avez très bien deviné, comme toujours, quel était le but de lord Palmerston!

«Il est rentré plus puissant que jamais, et le mot prononcé lors de sa retraite dans le Moniteur officiel de France, prouve qu'il mettra les fers au feu, conjointement avec l'homme taciturne des Tuileries. L'idée d'occuper la mer Noire, comme on occupe la terre ferme, de montrer les dents sans se battre, me paraît une folie insigne [104]

Voici donc le Prince Albert qui paraît en arriver, 142 quoiqu'un peu plus tard, au même point que jadis son oncle Léopold: c'est-à-dire d'être détesté en Angleterre pour ses ambitieuses influences [105]. On croit qu'il fera une course, soit à Cobourg, soit à Lisbonne, pour se soustraire aux avanies que lui destine le Mob [106].

143

1854

Sagan, 5 janvier 1854.—Lady Westmorland m'écrit de Vienne du 3: «Cette nouvelle année s'ouvre bien tristement. Je ne vois pas de possibilité de paix depuis la déclaration qui accompagne l'envoi des flottes dans la mer Noire. Cette pièce est venue briser l'espoir que nous avions d'un bon résultat aux démarches faites par les quatre Puissances réunies, et auxquelles la réponse n'est point encore arrivée de Constantinople.»

Sagan, 7 janvier 1854.—J'ai lu les cent premières pages de l'ouvrage de Villemain intitulé: Souvenirs historiques et littéraires [107]. Assurément, je suis ravie du style, des pensées, des jugements. Seulement, comme j'ai connu M. de Narbonne, je m'avise de penser et même de dire, tout bas, que Villemain s'est amusé à fabriquer un M. de Narbonne. Le véritable était autre. Mais à une époque où on dit et où on croit du mal de tout le monde, même de ceux auxquels on a été le plus redevable, on est bien aise de voir quelqu'un trompé par la louange. Du reste, l'erreur n'est certainement pas involontaire: 144 c'est un cadre bien choisi et spirituellement rempli pour stigmatiser le présent qui déplaît, à juste titre, par le contraste avec le passé. Pour ce qui regarde les passages sur M. de Talleyrand, j'aurais voulu une impartialité moins absolue. Le jugement est sans haine, sans aigreur, peut-être même sans injustice; mais aussi, il est sans faveur, et fort en deçà, comme bienveillance, de la part que M. Villemain fait à M. de Talleyrand dans les pages si belles que l'ingratitude de Thiers lui a inspirées. Villemain touche même à l'injustice en représentant M. de Talleyrand comme beaucoup plus insouciant et froid pour ses amis, qu'il ne l'était en effet. Je me souviens, du reste, fort bien que M. de Narbonne et M. de Choiseul se plaignaient que leur ancien camarade de collège leur rendait bien moins de services qu'à Montrond, Sainte-Foix et Cie. Certes, M. de Talleyrand avait tort de se laisser arracher pieds et ailes par des gens tarés; mais M. de Choiseul oubliait cinquante mille francs qu'il devait à mon oncle, et dont celui-ci a fait généreusement remise à sa succession; et, quant à M. de Narbonne, qu'il trouvait spirituel causeur et aimable convive, il n'en faisait aucun cas comme homme politique, ni même comme homme privé. M. de Talleyrand prétendait que Mme de Staël faisait ses discours pendant son ministère de la guerre, même ses rapports sur l'état de l'armée et des forteresses; il avait mille contes plaisants à ce sujet.

M. de Narbonne a longtemps vécu des privations que s'imposaient la généreuse abnégation et l'aveugle dévouement de la vicomtesse de Laval, dont M. de Narbonne 145 acceptait les sacrifices sans ménager son amie, ni dans ses propos, ni dans ses actions. M. de Narbonne a laissé des dettes à Vienne, que M. de Talleyrand, lors du Congrès, s'est hâté de payer pour ne pas ébruiter des désordres qui auraient souillé la mémoire de son ami d'enfance. Voilà ce que Villemain ignore sans doute, et qu'il n'eût pas été à propos de citer; seulement, la froideur qu'il reproche à M. de Talleyrand n'était pas réelle, ou s'il en éprouvait pour M. de Narbonne, elle était motivée.

Des trois amis, que j'ai connus d'assez près pour les juger, quoique je fusse fort jeune encore, lors de la mort de M. de Narbonne, le plus aimable, le plus simple, celui dont le goût était le plus fin et les façons les plus nobles, était assurément M. de Talleyrand, et cela à grande distance.

M. de Choiseul qui, tout d'abord, à mon arrivée en France, quand j'avais quinze ans, m'avait prise en amitié, prédisait à M. de Talleyrand, qui ne s'en doutait pas, que j'avais de l'esprit et que je serais distinguée un jour. M. de Choiseul que j'aimais et qui a passé beaucoup de temps chez moi, à Rosny et à Paris, M. de Choiseul était le plus instruit des trois, d'un commerce sûr, d'une conversation un peu trop abondante pour être vive, mais toujours instructive et attachante, sans éclat, mais du goût d'ailleurs le plus irréprochable. Celui de M. de Narbonne était souvent fort risqué, surtout avec les jeunes femmes, il aimait les antithèses et visait à l'effet; il brillantait trop. A un âge où il aurait été plus convenable d'imiter les allures paternelles de M. de Choiseul, il conservait celles qui 146 jadis lui avaient valu des succès d'un autre genre.

Je me souviens qu'il avait pris à tâche de m'éblouir, il ne parvenait qu'à m'embarrasser. Un jour, à un petit dîner chez ma mère, où chacun entendait ce que disaient les autres, M. de Narbonne se mit à me faire des compliments très directs, mais sous la forme de contre-vérités, parlant de mes petits yeux, de mes airs à la fois gauches et féroces, etc. Je ne comprenais pas bien, et mes dix-sept ans ne trouvaient pas de répliques à une langue dont le dictionnaire était fermé pour moi. M. de Talleyrand me prit en pitié, ou plutôt, bien aise de donner un coup de patte à M. de Narbonne, il reprit tout haut: «Tais-toi, Narbonne, Mme de Périgord est trop jeune pour te comprendre et trop allemande pour t'apprécier.» Parler de ma jeunesse était une critique pour l'un, parler de mon allemanderie une critique pour l'autre. Il y en avait donc pour chacun, mais même, en me laissant arracher plume de mon aile, je sus gré à mon oncle de m'avoir délivrée de mon persécuteur.

Les hommes de cette époque, et j'en ai encore vu et connu plus d'un, m'ont toujours semblé mettre bien plus leur esprit dans la conversation que dans leurs actions, leurs affaires et leurs correspondances privées.

Sagan, 9 janvier 1854.—Je suis à moitié du livre de Villemain; j'y trouve un peu trop de conversation faite. Il est évident que si le fond des pensées, des opinions est exact, que, si même quelques expressions sont originales, il est cependant impossible que le mot à mot soit textuel, 147 car il aurait fallu que, dans le tête-à-tête de l'Empereur Napoléon et de M. de Narbonne, ils eussent été l'un et l'autre des sténographes. Dès lors, il y a trop de Villemain dans ces longues citations, ce qui leur ôte de l'importance historique, quoique le style de l'écrivain reste charmant et brillant, sage, habile et élégant; seulement, il y a un peu trop de prévisions, après coup.

Berlin, 15 janvier 1854.—M. de Humboldt m'a parlé avant-hier de M. de Narbonne et de M. Villemain; il n'honore pas beaucoup la mémoire de l'un, ni le caractère du second.

Ici, il y a une disposition généralement soucieuse; il me semble entendre murmurer que la neutralité sera bien difficile à conserver; et, si on la rompt ici, ce ne sera pas au profit de l'alliance française.

J'ai achevé la lecture de Villemain, les morceaux sur la Sorbonne et sur M. de Feletz contiennent de jolies, de justes et bienveillantes phrases sur M. de Talleyrand. Les allusions critiques contre Louis-Napoléon y sont plus claires encore, un peu trop tirées par les cheveux; mais cela m'a plu beaucoup, comme langue et comme mouvement.

J'ai lu l'article de Cousin sur Mme de Sablé dans la Revue des Deux Mondes [108]. On voit bien que Cousin n'en n'est pas rétrospectivement amoureux, comme de Mme de 148 Longueville; c'est pâle et froid, mais c'est une silhouette de plus, d'un temps dont j'aime jusqu'aux découpures. Comme Cousin garde rancune à Mme de Sablé de ne pas s'être exposée à la petite vérole de Mme de Longueville! C'est drôle d'être si fort d'un autre temps, quand on est tellement du sien: bourgeois et philosophe, converti à la Fronde et à Port-Royal.

Ce sont là, du reste, de bonnes conversions au moins! Il y en a de tout aussi inattendues qui n'ont pas la même grâce, témoin MM. de La Rochejaquelein et Pastoret [109].

Le maréchal Radetzky perd à peine une habitude en perdant sa femme, habitude qui avait été vingt-cinq ans interrompue pour raisons très multipliées [110].

On fera à Berlin les plus grands efforts pour prolonger la neutralité; mais, si on était absolument forcé d'y renoncer, je ne crois pas que ce soit au profit de l'alliance anglo-française. On dit ici que M. de Nesselrode est tombé sérieusement malade. Nouvelle complication. Il paraît qu'il était fortement prononcé contre la guerre et que toute cette affaire lui a fait faire bien du mauvais sang.

Berlin, 24 janvier 1854.—On n'entend parler que 149 de maladies et de guerre. Quelle triste perspective! J'apprends à l'instant qu'Orloff est attendu ici aujourd'hui. On se demande pourquoi, et on est fort agité [111].

Les gazettes de Berlin disent qu'Orloff est à Vienne; celles de Vienne qu'il est à Berlin. C'est drôle, mais ce n'est pas risible.

L'Autriche est très aigrie contre les Turcs qui, au lieu d'accomplir la clause du traité conclu avec Vienne, par laquelle la Porte s'engageait à interner en Asie les réfugiés, sujets autrichiens, les laisse tous venir se mêler activement à la lutte sur le Danube. L'Autriche vient en conséquence de faire marcher un corps considérable d'observation vers les frontières ottomanes. La Russie a proposé à Vienne et ici, un traité par lequel la neutralité de la Prusse et de l'Autriche serait reconnue pour le moment, mais aussi par lequel la Russie, la Prusse et l'Autriche s'engageraient à s'entr'aider réciproquement 150 pour maintenir l'intégrité de leurs territoires respectifs, dans le cas où cette intégrité se trouverait violée sur un point quelconque. Cette proposition n'a reçu, jusqu'ici, du Cabinet prussien, que des réponses évasives.

L'Autriche, qui prévoit des attaques en Italie, pourrait s'y montrer plus favorable; il y a, du reste, des personnes qui prétendent que les vaisseaux anglais voudront pénétrer assez avant dans la Baltique pour exciter des mouvements dans la Pologne russe, qui ne s'arrêteraient pas là, et qui feraient immédiatement soulever la Pologne prussienne, ce qui ne permettrait pas au Cabinet de Berlin de rester neutre. Tout est compliqué et le lendemain n'appartient plus à la veille.

Berlin, 1er février 1854.—Nous voici au début d'un mois qui éclaircira l'horizon politique; mais j'ai peur que ce ne soit bien plus à coups de canon, que par les rayons d'un joyeux soleil, que les nuages ne se rompent.

Orloff est bien décidément à Vienne; il y a des personnes qui croient que, vu les réponses évasives faites ici à M. de Budberg, Orloff ne se souciera, ni de les modifier, ni de les entendre confirmer.

J'ai vu une lettre de Paris qui annonce que, bien décidément, Brunnow et Kisséleff s'en vont, que Mme de Lieven est au désespoir, mais qu'elle se dispose à suivre ce dernier à Bruxelles. On ajoute que la France et l'Angleterre n'admettent pas que la Prusse et l'Autriche restent simples spectatrices de la lutte; et que l'on ne tardera pas, de Paris et de Londres, à les mettre en demeure de se prononcer 151 en impliquant tacitement: à bon entendeur salut; que, si on ne se réunit pas à l'Occident pour combattre le Czar, l'Italie sera soulevée, et les provinces rhénanes de même, par des irruptions armées auxquelles les populations seraient fort disposées à répondre. De l'autre côté, l'Empereur Nicolas pourrait bien faire des propositions plus ou moins menaçantes. Il est certain que pour ici le moment est bien embarrassant et bien gros d'éventualités.

Berlin, 4 février 1854.—Le but de la mission d'Orloff à Vienne est tenu fort secret; on en est à des conjectures; ce qui est certain, c'est qu'elle ne mène pas à la paix entre l'Occident et l'Orient. Il est fort douteux qu'il vienne ici. A Vienne et à Berlin, on a répondu à M. de Bourqueney, qui voulait faire modifier cette neutralité au profit de son gouvernement, qu'on la conserverait réelle tant qu'on ne chercherait pas à susciter des embarras à l'Autriche en Italie; mais, qu'à la première étincelle, la neutralité autrichienne se romprait en faveur de la Russie.

On m'écrit de Paris qu'on y attend le Duc et la Duchesse de Brabant en échange de la visite du prince Napoléon à Bruxelles [112]. Il paraît que lord Palmerston pour éviter, le cas échéant, que la France ne fît irruption conquérante en Belgique, aurait rapproche les deux Cours de Laeken et des Tuileries, et négocié ces visites. Il faut convenir que 152 si le Duc et la Duchesse de Brabant vont aux Tuileries, lui, portera un grand sacrifice à l'intégrité de la Belgique, car le petit-fils de Louis-Philippe, surtout après les décrets du 22 janvier [113], rentrant aux Tuileries comme hôte de Louis-Napoléon, quelle tache et quelle amertume!

Berlin, 8 février 1854.—Le départ des diplomates russes est accompli à Londres et à Paris. Orloff et Budberg n'ont rien obtenu ni à Vienne, ni ici, mais Bourqueney et de Moustiers n'ont rien obtenu non plus. On se tient dans la plus rigoureuse neutralité; elle coûte à la reconnaissance de l'Empereur d'Autriche ainsi qu'aux liens de parenté de la Prusse. Ainsi on cherchera à maintenir l'équilibre le plus longtemps que faire se pourra. Mais, ou il faudra que l'Empereur Nicolas cède, ce dont je doute, ou que les Puissances allemandes l'aident efficacement, ce qui est contre leurs intérêts, ou qu'elles le combattent avec la France et l'Angleterre, ce qui est contre leur goût; car, pour maintenir longtemps cette rigoureuse neutralité proclamée aujourd'hui, je ne crois pas que cela se puisse.

Berlin, 12 février 1854.—Le comte de Stolberg est mort, âgé de soixante-neuf ans, plein de vie, de force, de santé et de vertu; serviteur dévoué du Roi, père de famille excellent, ami sûr et affectueux, le seul grand seigneur dans l'âme et dans les formes qui restât ici; il a 153 fini sa vie laborieuse en chrétien, après cinq jours d'une maladie aussi inattendue que fatale. Il s'était écorché à la jambe à la chasse du Roi; il n'a pas soigné ce mal qui, en un rien de temps, a amené un érésipèle; celui-ci a tourné immédiatement à la gangrène, et tout a été fini. Le Comte était venu chez moi le samedi 4, au soir, il était resté bien longtemps seul à seule à causer de bien des choses qui le préoccupaient dans l'intérêt de son maître. Le dimanche 5, il m'a écrit pour me donner un renseignement que je lui avais demandé; le lundi, il s'est couché, et hier samedi, il est mort à l'heure même où il devait dîner chez moi. Je suis très affectée de cette perte; il m'avait rendu de très bons offices, son zèle pour moi augmentait en raison d'une connaissance plus approfondie de mon caractère qui lui inspirait estime et confiance. Tout cela est fini. Du reste, il était personnellement bien fatigué, et dégoûté de sa tâche, que son dévouement chevaleresque pour son maître pouvait seul lui faire supporter. Il est au repos maintenant, repos bien mérité et que Dieu lui rendra particulièrement doux et lumineux, car il a porté pieusement la lourdeur et la chaleur du jour, comme dit l'Écriture.

On n'en est encore à Vienne et à Berlin qu'à la neutralité; les affections de famille combattront longtemps encore ici une union étroite contre la Russie; cependant, elles ne seront pas insurmontables. A Vienne, on se prêterait plus facilement à une entente, si déjà on ne croyait à des intrigues révolutionnaires fomentées par les Puissances occidentales en Italie et par la mauvaise foi des Turcs qui, contrairement aux traités, emploient des 154 réfugiés hongrois sur le Danube. Tout est suspens, incertitude, obscurité.

Berlin, 17 février 1854.—Les femmes assistant ici aux cérémonies funèbres, dont elles sont exclues en France, j'ai été à la bénédiction ou lever du corps du comte de Stolberg. Un monde énorme s'était réuni à la maison mortuaire, à commencer par le Roi et la Reine qui étaient tous deux en larmes et suffoquant de sanglots. Les chants, la liturgie et surtout le discours du pasteur protestant, parfaitement simple et doux, comme l'était celui dont il avait à parler; tout l'arrangement matériel de la grande salle où se trouvait la bière (il était sept heures du soir), tout était en harmonie et m'a fait une impression profonde.

Je viens de lire la lettre de Louis-Napoléon au Czar, qui est dans tous les journaux; il ne m'appartient pas d'en discuter la justice et l'exactitude politique, mais en tout cas, je trouve de la dernière inconvenance de publier une lettre confidentielle, de souverain à souverain, sans même en avoir attendu la réponse. Voilà une façon de faire, révolutionnaire s'il en fut [114]. Il me semble de la 155 disposition des esprits ici, qu'il y a une confusion inimaginable, des factions et des scissions à l'infini, et à tout prendre, un grand dégoût des formes représentatives, auxquelles le pays n'est pas accoutumé, qui dérangent la vie privée de chacun, blessant les uns sans satisfaire les autres. Les Prussiens des bords du Rhin, plus rapprochés de cette forme de gouvernement, se trouvent en opposition avec les mœurs, les coutumes et les tendances des anciennes provinces. Il résulte de l'indifférence des uns, des dégoûts des autres, de la vivacité de certains groupes, de grandes aigreurs sociales et une stagnation fatale pour les intérêts de la localité qui restent en suspens.

On accuse le Prince et la Princesse de Prusse d'avoir fait dévier par leur influence la fraction Hohenlohe [115] et de l'avoir jetée à gauche pour faire crouler M. de Westphalen, ministre de l'Intérieur, qui seul, dans le Cabinet, appartenait à la droite pure. Le Ministre du Commerce est un Rhénan dont les tendances sont différentes. M. de Manteuffel se laisse ballotter et ne sait comment suffire tout à la fois aux grandes complications extérieures et 156 aux irritantes questions intérieures. En un mot, il y a des tiraillements et un décousu déplorables.

Quant à ce qui est de la politique extérieure, il me semble voir quatre partis se dessiner très nettement. Le parti russe qui aurait voulu que les propositions Budberg-Orloff fussent acceptées, qui tremble de la rupture plus marquée avec la Russie et qui cherche à l'empêcher par toutes les influences de famille. Peut-être, pourrait-on personnifier ce parti plus précisément en disant qu'il se place sous l'étendard du Prince Charles de Prusse.

Puis vient le parti autrichien qui désire, avant tout, que les Cabinets de Vienne et de Berlin se tiennent fermement unis dans une neutralité armée, et également armée contre l'Ouest et l'Orient, alliance à laquelle se rattacherait toute l'Allemagne; celle-ci se fractionnerait si l'Autriche et la Prusse ne marchaient pas identiquement ensemble; et une fois l'Allemagne scindée, elle deviendrait bien vite la pâture de ses ambitieux voisins. Peut-être la Reine est-elle la personne dans laquelle ce parti autrichien trouve le plus de sympathie.

Le troisième parti est celui qui se sentirait disposé à une quadruple alliance et qui abandonnerait la neutralité pour arrêter d'une part, les mouvements révolutionnaires, et de l'autre, les mouvements agressifs des Moscovites; je ne serais pas étonnée que ce fût là le secret désir de M. de Manteuffel, qui y trouve encore quelques obstacles dans les affections de famille, les liens de parenté et dans la reconnaissance qu'on conserve encore en Autriche pour les secours reçus, il y a quatre ans, en Hongrie. M. de 157 Manteuffel n'est pas quelqu'un qui sache donner une impulsion marquée; il n'a pas d'ailleurs beaucoup d'usage diplomatique, il n'en manie pas bien la langue, il se laisse trop absorber par les ferraillements des Chambres qui, ici, n'ont en vérité d'autre importance que celle qu'on veut bien leur donner encore, tant elles sont peu dans les mœurs.

Enfin, il y a un quatrième parti, le plus vif, le plus actif de tous, qui est hautement conduit par la Cour de Coblentz [116]: c'est le parti anglais qui pousse à conclure une alliance intime avec Saint-James et les Tuileries, sans se soucier du parti que prendrait l'Autriche, sans s'arrêter au déchirement qui en résulterait pour l'Allemagne et la faiblesse qui en naîtrait pour elle tout entière. Je crois avoir tracé un tableau très vrai de ce clavier qui rend des sons assez peu harmonieux.

Berlin, 21 février 1854.—Dans ce pays-ci, les formes constitutionnelles entrent plus aisément dans les esprits et les mœurs de telle province que de telle autre. Le malheur de la Prusse est d'être une agglomération successive de parties hétérogènes, différentes, souvent opposées dans leurs intérêts matériels, leurs traditions, leurs sympathies; ce qui peut convenir aux uns déplaît aux autres; ce qui est utile à ceux-ci est nuisible à ceux-là; c'est une grande plaie à laquelle je ne connais pas de vrai remède. Ainsi, cette manie constitutionnelle est positivement nulle 158 en Silésie, en Poméranie, dans la Prusse orientale; mais elle existe entre l'Elbe et le Rhin très positivement; aussi entre l'Elbe et la Vistule; mais entre la Sprée et la Vistule, non.

Berlin, 26 février 1854.—Le Roi et le Grand-Duc de Mecklembourg-Strelitz s'étaient donné le mot pour dîner hier chez moi: en tout, dix convives autour d'une table ronde, ce qui a permis une conversation générale, animée et dont la politique a été soigneusement bannie. Le Roi y a trouvé un peu de détente et de distraction; et le tout s'est passé simplement et confortablement. A part quelques rares moments semblables, on est généralement ici bien soucieux, bien tiraillé; on est au moment de se rapprocher de ceux qu'on n'aime pas, auxquels on ne se fie pas, pour se brouiller plus ou moins avec ceux qu'on estime et qu'on aime.

On cite un mot de M. de Metternich, qu'il aurait dit la semaine dernière: «Il ne nous reste plus qu'à être ingrats.» Cela rappelle le mot de Félix Schwarzenberg qui, deux jours avant sa mort, aurait dit à quelqu'un qui lui parlait du trop grand poids que la Russie avait acquis par les services qu'elle avait rendus à l'Autriche: «Nous étonnerons le monde par notre ingratitude.»

Il faut convenir que la politique ne supporte pas le microscope moral.

Henri Redern, ministre de Prusse à Dresde, qui est venu faire une course ici avec sa femme, m'a raconté que la Princesse Carola vivait fort bien avec son mari, qu'elle 159 était généralement fort bien vue par la Famille Royale, par la société et par le public; mais qu'on voyait avec peine que, probablement, elle n'aurait pas d'enfants. Cela jette un triste voile sur cette union. Le frère du Prince Albert a la poitrine en mauvais état, et la succession ne compte pas d'autre représentant.

Berlin, 3 mars 1854.—Le manifeste russe et la réponse de l'Empereur Nicolas à l'Empereur Louis-Napoléon ont paru hier dans les journaux allemands. On les trouve dignes et modérés dans la forme, mais on ne suppose pas qu'on en permettra la publication en France.

La Reine de Grèce a écrit à la Reine de Prusse une lettre de vingt pages, pleine de la plus vive exaltation hellénique; charmée des populations, ravie de l'insurrection grecque qui se propage. La pauvre femme pourrait bien se broyer dans le conflit.

On avait répandu le bruit que l'Autriche avait accédé au traité anglo-franco-turc. Il n'en est rien encore. Aussi de Berlin et de Vienne, on se proclame plus que jamais neutre, mais armé, et voulant défendre de droite et de gauche cette neutralité à laquelle le reste de l'Allemagne se rattacherait. Cela même se pourra-t-il à la longue?

La duchesse de Lévis, cette digne et spirituelle femme, se meurt. La princesse de Metternich est également fort mal et a reçu, il y a deux jours, les derniers sacrements. Bon Dieu, quelle année! Et l'abbé de Lamennais qui meurt comme un pauvre chien aveugle!

Les Seymour sont arrivés ici de Saint-Pétersbourg, 160 après un affreux voyage. On attend à chaque instant les Castelbajac.

Berlin, 5 mars 1854.—On vit ici dans des agitations politiques incroyables. On ne sait à quoi se décider, on hésite, on tergiverse, on veut jouer au fin, on se dupe soi-même; je crains bien qu'on ne finisse par rester fort isolé, ou bien par se soumettre de mauvaise grâce, se laissant tirer à la remorque par l'un ou par l'autre, sans que ni les uns ni les autres vous en sachent gré. Le pis, c'est que probablement l'Allemagne, au lieu d'être imposante par son unité, deviendra la pâture trop facile de ses ennemis naturels ou de ses ennemis de circonstance, quand elle n'aura pas un ensemble compact à leur opposer.

L'Autriche a fait parvenir ici des propositions, que même des anti-autrichiens prononcés trouvent avantageuses, convenables [117]. Projet d'entente intime, non pour entrer immédiatement en hostilité contre la Russie, mais pour fortifier l'Union allemande, pour entrer, à de certaines conditions et avec de certaines garanties, en intelligence avec les deux puissances maritimes, et posant enfin des éventualités éloignées de rupture plus complète 161 avec la Russie. Il semblait que le Roi signerait tout de suite; au lieu de cela, il y a un revirement de bord rapide et inattendu: refus de signer, appel à Francfort de M. de Bismarck-Schœnhausen, qui est personnellement mal avec le comte Thun, ministre d'Autriche ici. On a chargé M. de Bismarck de discuter le projet autrichien avec M. de Thun, en écartant ainsi le Ministre des Affaires étrangères, M. de Manteuffel, et aussi Albert de Pourtalès envoyé dernièrement à Londres et qui était resté, jusque-là, mêlé à la négociation. Tout cela a été avant-hier un vrai coup de théâtre, dont le parti russe, beaucoup de généraux et force officiers triomphent; car, il faut le dire, l'armée est toute russe. En général, on ne se fie pas aux promesses de l'Empereur des Français et l'on peut avoir raison. On n'aime pas, dans le public, à se brouiller avec l'Empereur Nicolas, auquel on ne peut supposer, comme à l'autre, l'envie de s'agrandir aux dépens de la Prusse; cependant, on n'aime pas plus à être tenu à la lisière par la Russie.

Le Roi est tiré à quatre par mille intrigues et par les différents partis que j'ai signalés il y a quelque temps. Tout cela fait le plus déplorable gâchis. Je ne vois nulle part, ni un grand courage, ni un esprit lumineux pour prendre, en temps utile, je ne dis pas le meilleur parti, car tous ont des inconvénients incontestables, mais celui qui présente le moins de côtés fâcheux. Et puis l'à-propos, ce dieu rancuneux, qui ne pardonne pas de ne pas être saisi au vol, quelle vengeance ne tirera-t-il pas de ces oscillations?

162 M. de Bismarck veut, dans la négociation avec le comte Thun, se faire prier, tenir la dragée haute; il dit que moins on se montrera pressé, plus on mettra à Vienne de prix à obtenir la coopération de la Prusse; et, par conséquent, qu'il la fera payer plus cher par de nouvelles concessions et par une prépondérance moins contestée à la Diète. Bref, il fait le juif et traite à la manière dont Rothschild fait un emprunt. Je ne trouve pas que ce soit la bonne et vraie manière dont un grand État doive, à travers de grandes crises européennes, conduire une barque qui, dirigée ainsi, pourrait bien chavirer.

Charles de Talleyrand, qui est venu de Weimar me voir ici, raconte que Mme la Duchesse d'Orléans avait entièrement changé d'allures; elle a quitté l'attitude d'exilée, de veuve enveloppée de voiles lugubres. Elle a des jours de réception, pendant lesquels, assise à une table de whist, elle fait défiler devant elle les dames dont elle reçoit, par un signe de tête, les révérences. A Weimar, elle paraît au spectacle en grande loge. On la dit mal entourée, mal conseillée, fort en intrigues et en agitations plus ou moins souterraines; elle touche très régulièrement les trois cent mille francs que la France lui paie; elle s'est fait, soit par la vente d'une partie de son écrin, soit par d'autres arrangements, un revenu considérable qu'elle dépense avec assez d'évidence.

Hier au soir, il y a eu ici un petit concert dans le salon de la Reine, très beau comme musique. Le Roi ayant fait venir la partition du grand Miserere d'Allegri, de Rome, et l'ayant fait chercher par quelqu'un chargé d'étudier 163 la manière dont cet admirable morceau est exécuté à la Chapelle Sixtine, le Dom-Chor d'ici l'a chanté hier. On n'a pas même omis la partie psalmodiée qui alterne avec le chant et donne à l'ensemble un caractère si particulier. Des voix, des voix seules, admirablement bien conduites, un grand ensemble, un religieux silence; mais hélas! pas d'église, pas de cierges, pas d'encens, pas de génuflexions. Des femmes parées et quelques pasteurs protestants me faisaient, malgré leurs allures piétistes, l'effet de prêtres de Baal. J'étais la seule catholique. On avait convoqué, en dehors de la Famille Royale, une douzaine d'hommes et de femmes qu'on ne voit pas habituellement à la Cour, parce qu'ils appartiennent to the rather serious turn [118]. Cela faisait le plus singulier auditoire pour cette musique latine, toute parfumée de l'encens de Saint-Pierre, toute colorée des feux sacrés du Vatican!

Vieuxtemps est venu à son tour et m'a tirée de mon extase; il a cependant le plus magnifique coup d'archet que j'aie entendu.

J'ai vu avant-hier M. et Mme de Castelbajac revenant de Saint-Pétersbourg. Lui a parlé très librement devant moi, déplorant la guerre, très frappé de l'enthousiasme russe, de l'impossibilité pour l'Empereur Nicolas de reculer, assurant qu'il ne désirait pas la guerre et que c'est le mélange de ruse, de mauvaise foi, d'intrigue et d'insolence de l'Angleterre, qui a envenimé la plaie et l'a rendue incurable.

Voici l'extrait d'une lettre de lady Westmorland de 164 Vienne, 1er mars: «L'état des affaires publiques ne laisse pas que d'agir sur la société. Les Russes ne viennent plus chez nous, ni chez le ministre de France. Bourqueney exulta et s'anima [119] sur la gloire de son maître qui a bien certainement joué ses cartes; car il est incontestablement, dans ce moment, à la tête des Conseils de l'Europe. Nous le suivons à la remorque et il entraîne ce gouvernement-ci. J'avoue que je ne puis oublier son passé et le nôtre; et je me sens profondément humiliée de cette alliance tant vantée. Le jeune Empereur a été placé dans la position la plus difficile. Je vois qu'il a été fort blessé du refus de l'Empereur Nicolas d'accepter les propositions qu'il lui avait recommandées si chaleureusement; et depuis le départ d'Orloff, il paraît avoir pris son parti et s'être résolu à se mettre du côté des alliés occidentaux [120].

«Je suis sûre qu'une fois décidé, il suivra son chemin avec droiture et loyauté, mais il n'entraînera pas ici toutes les opinions. Les Meyendorff sont profondément affligés: lui, avec douceur, elle, avec irritation, surtout contre son frère [121] qui est anti-russe.

«La princesse de Metternich est dans un état désespéré. Le Prince est fort ému, malgré son calme habituel si près de l'indifférence. Pendant que j'étais ce matin chez lui, 165 Monténégro est venu le prier d'entrer chez la Princesse qui le désirait; et quand il y est allé, Monténégro m'a dit que la fin s'approchait, que la respiration devenait bien pénible, la faiblesse excessive et que cela ne pouvait durer longtemps. La Princesse est soignée par lui, par son fils et par son gendre avec un grand dévouement. Elle a reçu les sacrements avec beaucoup de piété; elle connaît son danger et se montre résignée et patiente.»

Berlin, 10 mars 1854.—Je pars demain pour Sagan fort ignorante des destinées du monde et par conséquent des miennes propres. Le prince de Hohenzollern et le général de Grœben envoyés à Paris et à Londres sont chargés de faire reconnaître et respecter la neutralité de la Prusse [122]. Si on me demandait si ces messieurs réussiront, je dirais, non. Si on me demandait alors au profit de qui on la rompra? je plaiderais ignorance complète. Si je crois que ce sera pour l'Occident? je dirai que je ne le crois pas. Si alors ce sera pour le voisin septentrional? je dirai non, de même. Si on me pousse pour me faire dire si on s'entendra avec l'Autriche? je hausserai les épaules. Si on compte alors s'isoler complètement et voir l'Allemagne se fractionner? je répondrai: Quelles questions! 166 Faut-il encore plus de négations, j'en ai la poche pleine, mais faut-il une seule affirmation? qu'on demande ailleurs, je n'en ai pas à mon service et les plus haut placés ne sauraient, je crois, dire plus ou mieux.

Cette hésitation, ces obscurités sont insupportables et déplorables dans leur source et dans leurs résultats; et depuis mars 1848, je ne sache pas un moment plus critique, plus fatal que ne le sera peut-être mars 1854. Je ne sais si je me trompe; mais il me semble que la plus mauvaise voie, bien prononcée, vaudrait mieux que le ballottage du moment actuel.

Le Prince de Prusse est rétabli, c'est-à-dire qu'il sort en voiture pour se promener. Il n'a pas reparu au Château; la Reine est venue le voir pendant sa maladie, mais non le Roi. Il y a eu seulement, à ce que je crois, des communications fraternelles écrites, des plus aigres de part et d'autre [123]. Le Prince a très mauvais visage, et je le crois agité et irrité.

La princesse de Metternich a fait dire la messe le matin de sa mort dans sa chambre, l'autel placé de façon à le voir de son lit; elle a expiré sans agonie, à la fin du saint sacrifice. Son mari est, dit-on, très affligé, ce qui n'empêche pas qu'il ne donne lui-même aux visiteurs des détails anatomiques sur la cause du mal de sa femme.

167 Je ne savais rien du châle donné par l'Impératrice de Russie à Mme de Castelbajac; mais, j'ai remarqué la tendance du mari qui est bien plus russe, malgré les hostilités, qu'anglaise, malgré l'entente cordiale.

Sagan, 20 mars 1854.—Le Gouvernement prussien, pour faire respecter sa neutralité aux Chambres, a besoin de trente millions d'écus qui vont se traduire en une augmentation d'impôts qui font faire bien des grimaces [124].

Je reste bien décidée à mon voyage du Rhin, de la Seine et de la Loire; mais quand je lis les gazettes, que je regarde la carte européenne et que j'écoute les échos qui ci et là m'arrivent, je me demande, non sans hésitation, ce qui sera possible dans deux mois.

Je lis avec une grande curiosité les pièces diplomatiques publiées à Londres, les conversations de sir Hamilton Seymour avec le Czar, et les réponses de lord John Russel [125]. Le Czar me paraît y jouer le rôle d'un mauvais 168 comédien, d'un Tartuffe politique; ses précédents ont si mal préparé à le juger ainsi qu'il faut attendre les publications russes qui, sans doute, suivront celles qui ont été faites à Londres pour asseoir un jugement absolu sur ce singulier incident. Il me semble qu'il y aurait eu folie ou stupidité à soulever la curiosité publique, comme on l'a fait dans le Journal de Saint-Pétersbourg, si on n'avait provoqué par là les publications dont retentissent les gazettes en ce moment.

La Princesse Charles de Prusse, qui m'avait confié, il y a vingt jours, à Berlin, les projets de mariage de sa fille Louise, vient de m'écrire pour me les confirmer. Le parti n'est pas riche, pas brillant, mais la bourse généreuse du Roi comblera la lacune financière; et, quant à la jeune Princesse, dont aucun grand Prince ne voulait, qui se mourait d'ennui, de déplaisir, d'impatience, il est très heureux qu'en définitive elle épouse un jeune homme de famille souveraine. Ce n'est pas, du moins, un de ces pitoyables mariages morganatiques, trop à la mode maintenant. Le futur est un prince Alexis de Hesse-Philippsthal, fils aîné d'une branche fort cadette et très pauvre; il est entré au service de la Prusse, il y a six mois. Pour lui, il a tout avantage à épouser une princesse de Prusse, jolie, bonne enfant, nièce du Roi, pour le mari de laquelle il y aura protection, avancement rapide, etc., etc. Je suis convaincue que le mariage remettra la singulière santé de 169 la Princesse, et donnera à tout son être l'équilibre qui parfois lui manque [126].

Depuis ma dernière lettre, j'en ai reçu quelques-unes dont voici les extraits: «Paris, 22 mars.—L'horizon s'obscurcit de plus en plus, la Prusse ne se dessine pas comme il y avait lieu de l'espérer; l'Autriche, elle-même, est moins explicite qu'on ne pouvait le supposer. Nous avons la fièvre intermittente par rapport à ces deux pays, et, en définitive, je prévois que l'Angleterre et la France ne pourront compter que sur elles-mêmes. On dit l'Impératrice triste, ennuyée et délaissée!»

Extrait d'une lettre de Berlin, du 25 mars, écrite par un membre du parti Gerlach. (Traduction.) «D'après les ouvertures et les éclaircissements donnés par le ministre Manteuffel à la Chambre et à la Commission, il résulte que nos efforts, et je les crois sincères, tendent à nous unir fermement à l'Autriche et au reste de l'Allemagne (autant que les intérêts de l'Allemagne, dans l'acception la plus étendue du mot, le demandent), et à écarter tout ce qui pourrait nous gêner dans cette marche. J'ignore si l'Autriche et la Russie peuvent s'entendre sur certaines questions en discussion et sur leurs opérations respectives; mais je n'en désespère pas encore. Si cette entente pouvait s'effectuer, nous n'aurions alors que les inimitiés de l'Occident à redouter; et une union complète entre l'Autriche, 170 le reste de l'Allemagne et nous, serait extrêmement facilitée. Nos adversaires dans les deux Chambres, et tout d'abord dans la Commission, s'appliquent à arracher à M. de Manteuffel les notions les plus détaillées; je ne crois pas que jusqu'à présent il ait dit trop.

«Ces messieurs déclarent, du reste, tout haut, qu'ils ne nous accorderont l'argent demandé que si nous leur donnons, noir sur blanc, la garantie que le gouvernement ne s'unira pas à la Russie et n'agira pas dans les intérêts de cette puissance. Nos adversaires ne se sont pas prononcés sur quoi devait reposer cette garantie; ils veulent traîner la question en longueur et attendre le retour du Prince de Prusse dans lequel ils espèrent trouver un soutien et un appui.»

Extrait d'une lettre de M. de Humboldt, de Berlin, le 24 mars 1854: «Le Roi s'est blessé à la joue, en faisant une de ces promenades solitaires et nocturnes dans le parc de Charlottenbourg, qui inquiètent sous plus d'un rapport. Il s'est blessé au visage contre une grosse branche d'acacia. Cet accident n'aura pas de suites graves; cependant, il y a un peu de fièvre et nécessité absolue de quelques jours de tranquillité. On concevrait ces promenades nocturnes dans une nuit d'été, mais dans cette saison! Goût fantastique du vague dans l'obscurité, plaisir d'imagination cherchant sa nourriture. La veille de l'accident, nous avons eu un grand dîner pour les anges de paix envoyés en Occident [127]. Ils en sont revenus très moroses, car ils 171 n'ont fait que de la bouillie pour les chats. Le prince de Hohenzollern, le seul qui observe juste, l'avait prédit. Malheureusement, encore aujourd'hui, on ne veut pas croire ici combien les choses sont furieusement avancées à Paris et surtout à Londres, d'où Palmerston, dès novembre dernier, avait envoyé à Berlin, par le pieux Bunsen, un projet de démembrement de l'Empire russe.

«Les uns et les autres mettent leurs ennemis à la broche, avant de les avoir expédiés dans l'autre monde. La Russie propose de faciliter l'agonie turque, Albion propose d'écarteler la Russie; on se vaut bien en fait de traîtrise!

«Le pauvre Grœben a frappé à Londres par son ignorance parfaite de la langue française. Son premier mot à lord Clarendon a été, dit-on: «L'Empereur de Russie, guerre veut pas.» Clarendon a fait alors la réflexion qu'il était naturel que la Prusse, se complaisant dans une position inexplicable, eût choisi un représentant qui ne sût pas s'expliquer.

«Il y a ici beaucoup d'humeur contre Bunsen; il y en a aussi à Osborn-House, où il avait fait croire que la Prusse guerroyerait bel et bien contre la Russie, contre cette douce Russie, qui ne veut prendre Constantinople qu'en dépôt.

«L'envoi du général Lindheim au Czar excitera encore l'humeur contre nous, à Paris et à Londres [128]. Je crois 172 l'homme taciturne des Tuileries beaucoup plus entreprenant que ne l'est la Russie; il se pourrait bien que le centre d'action fût déplacé et que la querelle commençât sur la rive gauche du Rhin; on y parviendrait par quelques détours, on n'attaquerait pas tout de suite la Belgique, mais on attaquerait, conjointement avec la Belgique, notre Prusse rhénane. L'Angleterre voudra-t-elle, pourra-t-elle s'y opposer? Bunsen a envoyé ici deux de ses fils (l'aîné a épousé la fille de la prêcheuse Mme Frey). Le Roi ne les a pas reçus. Cependant on ne rappellera pas le père, de peur de contrarier le Prince Albert.

«Vous aurez sans doute lu l'article du journal de Bethmann-Holweg dans le numéro du 18 [129]. Il est d'Albert de Pourtalès, qui raconte la véritable cause de sa défaite. Il s'est cru le maître, tandis qu'il était berné par M. de Manteuffel qu'il pensait détrôner. Celui-ci faisait venir en hâte et en cachette son neveu, qui est persona grata, pour contre-balancer Albert de Pourtalès.»

173 Sagan, 2 avril 1854.—On a eu officiellement à Vienne la certitude que Mazzini avait débarqué à Gênes cinq ou six jours avant l'attentat de Parme [130]. Un groupe de spectateurs, en apparence bénévoles, s'est ouvert pour donner refuge au meurtrier, qui a porté son coup en se glissant derrière le Duc et le blessant par le côté dans le bas-ventre. Le Duc était accompagné de deux officiers, dont l'un l'a reçu dans ses bras, l'autre s'est précipité sur le meurtrier abrité par le groupe, qui, en se refermant, a un instant barré, sans affectation, le chemin à l'officier et a laissé au criminel le temps de s'évader derrière le rideau humain qui l'abritait. Tout ceci est officiel. Il l'est de même que de nouvelles tentatives ont été faites d'empoisonner les puits des casernes dans le royaume lombardo-vénitien. On est obligé de placer des sentinelles près de chacun de ces puits et de les couvrir de grands couvercles fermés à clef.

Sagan, 5 avril 1854.—Lady Westmorland m'écrit de Berlin, où elle s'est rendue de Vienne au-devant de son fils: «J'ai dîné chez la Reine. Le Roi a paru après le dîner, plein de la plus charmante bonté pour moi, mais avec un bien mauvais et pâle visage, la joue couverte d'emplâtres. Il m'a parlé longtemps avec abandon; il s'imagine que la lettre que le duc Georges de Mecklembourg-Strélitz, arrivé en courrier de Saint-Pétersbourg 174 ici, lui a apportée, doit aplanir toutes les difficultés. Personne ici ne partage cette opinion. Le Prince de Prusse est venu me voir entre deux accès de fièvre (il est menacé d'une fièvre quarte, qui n'est pas chose indifférente sur un corps aussi mal disposé); il est très fâché de la venue du duc Georges de Strélitz. En général, je ne vois ici que confusion et méfiance.»

Hélas! Lady Westmorland ne voit que trop juste; et à force d'indécisions, de brouillards et de mauvaises finesses, on découragera l'Autriche; la Prusse détachera d'elle les petits États, et deviendra honteusement la proie de ses grands voisins et la pâture des révolutionnaires qui sont partout, et qui enlacent la pauvre vieille Europe de leur brûlant réseau.

Sagan, 7 avril 1854.—J'ai revu hier à la station voisine, où j'ai été l'embrasser, lady Westmorland retournant de Berlin à Vienne. Elle rapporte une fort triste impression du lieu qu'elle quitte. Tout y est confusion, la plus grande gît dans la tête du Roi. Le voilà qui s'imagine être le maître de l'Europe, empêcher la guerre à son gré; bref, ce sont des rêves creux si étranges qu'on serait tenté de leur donner un autre nom. Où tout cela conduira-t-il? Impossible de le prévoir. En attendant, on perd un temps précieux, on se déconsidère de plus en plus. L'opinion publique s'excite et l'avenir se rembrunit cruellement.

Louis-Napoléon a dit au Prince de Hohenzollern qu'il ne s'agissait plus de la question d'Orient, que c'étaient des billevesées; mais bien d'ôter à la Russie sa prépondérance 175 en Europe, dont, sans doute, il veut à son tour la direction. Le Prince de Prusse a montré beaucoup d'inquiétude pour les provinces rhénanes et une grande indignation contre le Roi Léopold qui, de peur de perdre la Belgique, se lie étroitement à son puissant voisin et se dispose à l'aider dans ses convoitises rhénanes.

On dit M. de Manteuffel très découragé, très fatigué des irrésolutions et des changements continuels. La lettre apportée par le duc Georges de Mecklembourg ne dit rien que des phrases vagues, faites pour plaire à celui à qui elle est adressée, pour ajouter du brouillard au brouillard, pour gagner du temps, ou, pour mieux dire, en faire perdre aux autres. Malheureusement, ce but paraît atteint. Cependant, le Préfet de police de Berlin a dit à son maître qu'il ne pouvait pas répondre de la sûreté publique, si le Gouvernement se rejetait du côte russe. On dit la pauvre Reine triste et bien agitée. La santé du Roi n'est pas ce qu'elle devrait être, et celle du Prince de Prusse est décidément très mauvaise.

Sagan, 25 avril 1854.—On me mande de Vienne que le prince de Metternich a bien pauvre mine. Il paraît que la société viennoise se divise d'une façon très aigre et très absolue en deux camps fort hostiles; la majorité penchant pour la Russie et blâmant le jeune Empereur de s'allier avec, ou, du moins, de se rapprocher des Puissances maritimes qu'on suppose pleines de traîtrise et fomentant sourdement le mouvement révolutionnaire, pour le faire éclater à leur profit et au détriment de la Prusse, aussitôt 176 qu'on n'aura plus besoin d'elle pour contenir et pour diminuer la Russie.

Sagan, 8 mai 1854.—Un mot que je reçois de Berlin me dit que le Prince de Prusse s'est brouillé d'une manière éclatante avec le Roi, ou bien le Roi avec le Prince, tant il y a que celui-ci a dû quitter Berlin hier au soir.

Le renvoi de M. de Bonin, ministre de la Guerre, fait un mauvais effet; il déplaira aux Cours occidentales et donnera de l'humeur à Vienne où, malgré les paroles données au général de Hess et ratifiées depuis, on n'a plus ni estime, ni confiance, ni foi en la franchise du Gouvernement prussien, ni en sa fixité [131]. Quel état, bon Dieu!

Sagan, 19 mai 1854.—La Cour de Potsdam est très préoccupée de la scission des deux frères. Si je puis me permettre une opinion, c'est qu'au fond le Prince de 177 Prusse a parfaitement raison, mais que ses conseils auraient dû rayer quelques expressions qui ont fourni des armes contre lui.

La mission du comte Alvensleben à Vienne est destinée à neutraliser, autant que possible, la portée et les résultats de l'accord conclu avec le général de Hess, et à entraver, par conséquent, la marche de l'Autriche. On voulait surtout empêcher la levée des quatre-vingt-quinze mille hommes; mais Alvensleben aura trouvé la chose faite [132]. Les quatre Rois de Würtemberg, Bavière, Saxe et Hanovre, travaillés par l'intrigue russe et les incertitudes de la Prusse, font bande à part. Tout cela constitue le plus triste état de choses.

On m'assure que Napoléon est dans un fort mauvais état de santé! Autre complication.

Nouvelle réunion des deux correspondants, qui interrompit l'échange de leurs lettres pendant plusieurs mois.

Paris, 14 août 1854.—Je suis arrivée ici, hier. Aujourd'hui dans la matinée, mon fils Louis [133] m'a conduite par la place Louis XV, la terrasse du bord de l'eau, le Carrousel, la colonnade du Louvre, Saint-Germain-l'Auxerrois 178 et la rue de Rivoli: tout cela sans sortir de voiture; mais j'ai vu un peu du nouveau Paris, dont beaucoup de choses sont belles, d'autres manquées. Les bâtiments des Ministères, par lesquels on a rétréci la grande place du Carrousel, écrasent le bâtiment principal; le Louvre, en lui-même, vu de ce côté-là, n'a plus l'air de rien du tout. Je regrette le grand et vaste jardin que je rêvais entre les deux palais.

Orléans, 16 août 1854.—Je suis descendue ici dans le petit ermitage de Pauline, au couvent du Sacré-Cœur. Ici, du moins, je suis à l'abri du bruit extérieur dont j'étais assourdie à Paris. J'ai eu toutes les facilités possibles pour suivre les offices pendant la fête d'hier; ils s'y font très bien et la musique était bonne: les jeunes voix sont les vraies pour chanter la Sainte Vierge. La cloche sonne pour la distribution des prix; par exception j'y suis admise; j'hérite de tous les privilèges de Pauline, quoique je n'en mérite aucun.

Rochecotte, 20 août 1854.—M'y voici, dans ce pauvre Rochecotte qui me serre le cœur plus que je ne puis le dire [134]. Notre vie y est toute conventuelle: chaque matin la messe, chaque soir la prière en commun, un maigre strict, une conversation plus ou moins sainte, jamais profane; aucun autre bruit que celui des deux garçons et de la toux de leur abbé. Je ne demande pas mieux, je m'arrange 179 fort bien de genres fort divers, dès qu'ils ne choquent pas le bon sens ni le goût. Le silence est un grand repos; le coup de cloche vaut mieux que la pendule qui n'avertit pas tout le monde de même. La simplicité apaise et les bons propos musellent les coups de langue impétueux.

J'applaudirai aux spectacles qui se préparent à Valençay; je crois que la vraie bonne grâce est de revêtir la livrée des personnes chez lesquelles on se trouve, dès qu'elle n'est pas choquante. Chez moi, je voudrais un mezzo-termine entre les deux genres, et, peut-être, cela ne serait-il pas meilleur? Tant il y a que Pauline [135] remplit bien le cadre dans lequel elle s'est placée, et il est rare d'y réussir aussi complètement.

Rochecotte, 23 août 1854.—M. de Falloux, qui est ici depuis hier, nous quitte samedi. Je l'honore et le trouve fort aimable par le cœur et par l'esprit: la grande ferveur de sa dévotion n'a rien d'étroit; mais quelle santé! Il m'a raconté des choses curieuses sur M. de Persigny; il lui reconnaît beaucoup de qualités, et il en trouve aussi à Louis-Napoléon. Ce dernier a mandé par télégraphe M. de Persigny à Biarritz; et, malgré une violente cholérine, il s'y est rendu avec son médecin; il en est revenu, mais on n'a pu me dire le motif de l'appel, ni le résultat de l'entrevue.

Valençay, 10 septembre 1854.—M. de Salvandy nous 180 est arrivé hier avec la même verve, la même rédaction brillante, les mêmes nobles et beaux sentiments, la même emphase, le corps grossi, alourdi, le visage ridé et ses longs cheveux cachant péniblement sa triste infirmité [136].

Paris, 18 octobre 1854.—L'Évêque d'Orléans va passer trois mois à Rome; il voudrait que sa réception à l'Académie française eût lieu avant son départ; ce sera probablement le 8 novembre, et comme il tient beaucoup que j'assiste à cette séance, je prolongerai mon séjour jusqu'à cette époque à Paris [137].

Le duc de Noailles est venu hier, de Maintenon, pour me voir; il a dîné chez moi avec Mme de Chabannes, Max de Hatzfeldt et mon fils Alexandre. Il y avait dans ce petit dîner toutes les nuances d'opinions représentées; cela ne rendait pas la conversation plus vive. Tout le monde me paraît vieilli, attristé, ennuyé, et cela en regard d'un luxe effréné, d'une cherté excessive, d'une avidité de jouissances matérielles menaçante.

Les obsèques du maréchal de Saint-Arnaud ont été affreusement arrosées par la pluie, et c'est sur l'air des patineurs de l'opéra du Prophète, joué par la musique 181 des guides, que l'Archevêque de Paris a donné l'absoute [138]. Toute l'époque présente est là.

Sagan, 28 novembre 1854.—Je viens d'arriver ici. Tout est couvert d'une neige épaisse, la misère extrême, les désastres infinis, les santés compromises; les inquiétudes de guerre augmentent, les impôts s'accroissent, les Chambres prussiennes aussi énigmatiques, dans leur composition singulière, que douteuses dans les travaux qu'on leur demande. Les persécutions religieuses contre les catholiques, quoique sourdes encore, deviennent de plus en plus irritantes; je n'ai jamais vu une époque plus compliquée, qui offre moins d'issues consolantes, tant pour les individus que pour les masses.

Sagan, 6 décembre 1854.—A Berlin la division est partout et je ne sais ce qui est le plus envenimé et le plus embrouillé, de la politique extérieure ou de l'état intérieur. On dit déjà que la seconde Chambre va être dissoute. Les deux traités signés coup sur coup entre la Prusse et l'Autriche, et entre celle-ci et les Puissances occidentales, sans se contredire, sans s'exclure, changent cependant l'état des choses. L'Autriche s'était, à la 182 vérité, réservé le droit de conclure indépendamment des traités [139], mais on ne pensait pas, à Berlin, qu'elle ferait un si prompt usage de ce droit, qu'elle en userait sans prévenir la Prusse, et en se bornant à lui laisser la faculté de s'y réunir, si elle le juge convenable. On m'écrit de Berlin que rien n'égale la colère qui y règne, si ce n'est la fureur des Russes qui s'y trouvent. Je suis fort tentée de croire que la Prusse accédera au second traité, mais qu'on ne lui en saura aucun gré. Quel rôle que le sien! mais on peut bien dire: Tu l'as voulu, George Dandin!

Sagan, 11 décembre 1854.—C'est assurément un fort grand événement que le traité du 2 décembre, pour le présent et pour l'avenir. Il fait entrer l'Europe dans une nouvelle phase. C'est, il me semble, la certitude qu'il n'y aura point de guerre allemande révolutionnaire, ce qui était le grand danger des circonstances actuelles; et de l'autre, la certitude de la paix dans un temps donné. J'imagine, néanmoins, que les Français et les Anglais voudront prendre Sébastopol avant de la conclure. Pour l'avenir, c'est un changement complet de la politique européenne; l'arrêt des progrès de la Puissance russe en Orient et la perte de sa prépondérance en Allemagne. 183 C'est aussi, je crois, le pas donné en Allemagne à l'Autriche sur la Prusse (qui l'aura bien voulu); c'est enfin, si je m'en souviens bien, la réalisation des projets et de la politique de M. de Talleyrand et la rupture du redoutable faisceau des trois Cours du Nord, qui existait depuis trente ans. Tous ces événements, s'ils arrivent à bonne fin, serviront admirablement l'Empereur Louis-Napoléon.

Pauline, ma fille, m'écrit de Rome des volumes sur l'unanimité des Évêques à l'occasion de l'Immaculée-Conception [140]. Elle est dans un ravissement séraphique. Je crains cependant que les Évêques aient voulu plaire au Pape en se conformant à ses désirs, car j'en connais plus d'un qui reculait devant une innovation inutile. Je ne sais rien de particulier sur la manière dont Mgr l'Évêque d'Orléans a été reçu à Rome. L'Église raisonnable sera-t-elle écoutée plus favorablement que l'Église exagérée et agressive? Ces querelles intestines dans le clergé sont funestes à la religion. Je crois que la querelle des Jésuites et des Jansénistes a été pour beaucoup dans l'incrédulité du dix-huitième siècle, comme les discordes de l'Église, du temps des Conciles de Bâle et de Constance, ont amené la Réforme. Le Pape actuel a l'air d'être créé pour toucher à tout, c'est-à-dire pour tout ébranler.

184

1855

Sagan, 5 janvier 1855.—Le passage par Paris, pour se rendre à Nice, de Mme de Lieven (qui sera à mon avis un retour définitif à Paris), me semble avoir le retentissement d'un événement politique; les lettres et les journaux le répètent à l'envi [141]. On dit que la voiture de M. de Morny l'attendait à la gare du chemin de fer de Paris. C'est bien drôle, le monde, quand il n'est pas bien laid! Je lis des articles de journaux où cette rentrée à Paris fait conclure à des reprises de négociations pacifiques avec la Russie. Pour mon compte, je crois que cette conjecture n'est fondée que relativement à quelques membres du Ministère français, mais point en ce qui regarde Louis-Napoléon.

Je suis de plus en plus frappée des altérations profondes qui se manifestent dans la conduite du Gouvernement anglais. On ne retrouve plus ce grand accord, ni ces ménagements mutuels qu'entraînait si naturellement jadis une crise extérieure. Les Ministres tirent les uns sur les autres, les deux Chambres sur le Ministère, les 185 journaux sur les Ministres, sur les deux Chambres, et, ce qui me paraît sans exemple, sur l'armée, sur les généraux en pleines opérations de guerre, et de quelle guerre! Ne sont-ce pas là des signes infaillibles de l'avènement de la démocratie en Angleterre! J'y vois, de mes faibles yeux, le véritable secret de l'alliance entre la France et l'Angleterre.

Lady Westmorland m'écrit de Vienne qu'à Londres on trouve très mauvais qu'on permette à Mme de Lieven de venir à Paris et d'y rester. Londres proscrivant Mme de Lieven! Ah! George IV, où es-tu?

Sagan, 8 janvier 1855.—Lady Westmorland m'écrit de Vienne, en date du 4 janvier: «Nous sommes dans un moment bien critique, car la réponse faite à la référence faite à Saint-Pétersbourg, qui doit être ici avant le 15, décidera s'il y a un espoir de paix, ou si la guerre doit devenir générale et éternelle. Mon espérance pacifique s'affaiblit de plus en plus, non par ce qui se passe ici, mais par ce qui est la pensée actuelle à Paris. Si l'Empereur Napoléon avait envie de faire la paix, je crois que l'Angleterre ne pourrait y mettre de sérieuses entraves, malgré nos infâmes gazettes, notre sot public et les mischievous [142] diplomates. Mais il me paraît certain que l'Empereur Napoléon pousse à la guerre plus violemment que jamais. Le petit Bourqueney est en convulsion quand il voit une ombre de négociation possible. L'état de nos 186 armées et l'attitude des Russes en Crimée devraient, ce me semble, nous rendre plus traitables. J'avoue que je ne puis partager la sécurité de ceux qui voient déjà Sébastopol pris, la flotte russe détruite et l'Empereur Nicolas à genoux!

«Le Duc et la Duchesse de Brabant ont eu la bonté de venir me voir, pendant que mon mari était malade. Elle est embellie; il m'a paru qu'elle a grandi et maigri. Ce qui est sûr, c'est qu'elle est bien mise, que sa tournure est moins lourde et qu'elle a des manières douces et naturelles qui plaisent. Son mari n'a pas l'air d'avoir un jour de plus que quand il était ici, il y a vingt mois; on lui donnerait seize ans. C'est une grande asperge avec la poitrine étroite, et sans ombre de barbe; il parle beaucoup, ne manque pas d'esprit, mais si son corps est trop jeune, son esprit ne l'est pas du tout; il parle non pas en homme, mais en vieillard. Jugez s'il doit être amusant pour sa jeune femme, avec laquelle il prend des airs de maître. Ils vont voyager en Égypte pour la santé du mari, qui a la manie des voyages.»

Sagan, 13 janvier 1855.—Je suis revenue hier de Breslau où j'ai passé un jour plein, en grande partie avec le Prince-Évêque à causer de ce qu'il vient de quitter à Rome et de ce qu'il trouve ici; et ce qu'il trouve ici est grave et triste; car il n'est que trop évident que le Gouvernement prussien, conduit par les piétistes, cherche par tous les moyens, surtout par des voies occultes, qui n'en sont que plus dangereuses, à saper l'Église catholique 187 et à en paralyser les Ministres. Ces voies occultes se trouvent même mises en jeu, à Rome, au point que le Saint-Père, loin de redouter le retrait de la Légation de Prusse, le désire, tant celle-ci a fait de protestantisme et de franc-maçonnerie au palais Cafarelli [143]. Il y aurait des volumes à écrire sur tout ceci.

Sagan, 20 janvier 1855.—Voici une lettre de lady Westmorland, en date du 17, de Vienne: «Tous les jours, les chances de paix me paraissent moindres, et cependant nous sommes au seul moment où elle serait possible, car on pourrait la faire avec honneur de tous les côtés [144]. Je crois l'Empereur de Russie sincère; il fait de grandes concessions pour terminer une guerre qui, jusqu'à présent, n'a pas eu pour lui des conséquences trop désastreuses. Mais l'idée seule qu'on pourrait entrer en négociation avec l'Empereur Nicolas met Bourqueney en fureur. Il me semble, cependant, bien difficile de refuser 188 la négociation, quand les conditions, qu'on a posées soi-même comme nécessaires, ont été acceptées sous réserve. Mais le fait est que, lorsqu'on a posé les conditions, on était convaincu qu'elles ne seraient pas acceptées. Les détails de la Conférence du 8 ont été reçus à Londres le 9; et, aujourd'hui 17, encore point de réponse, excepté un simple accusé de réception. C'est qu'on attend les ordres de Paris pour savoir ce que l'on doit faire. Soyez sûre que c'est l'Empereur Napoléon qui est le maître de la situation. La paix se ferait demain s'il le voulait; mais il ne le veut pas, il ne l'a jamais voulu. Je ne sais quelles sont ses arrière-pensées; mais il en a. Le Gouvernement anglais est trop faible et trop divisé, trop soumis au joug de la presse pour agir selon les lois du bon sens; et puisque la nation anglaise entière est dans un paroxysme fiévreux en faveur de l'alliance française, il faut bien que le Cabinet cherche sa seule force dans le soutien de la France. Voilà pourquoi je désespère de la paix. On s'acharne à ne rien écouter, jusqu'à ce que l'on se soit rendu maître de Sébastopol par quelque succès éclatant; mais, si on y parvient, je doute fort qu'alors la Russie soit aussi bien disposée qu'elle l'est en ce moment à désarmer. Mais obtiendrons-nous ce succès? J'en doute. Nous pourrons, peut-être, avec des sacrifices énormes, détruire la ville et les vaisseaux, mais je ne crois pas qu'il soit possible de prendre et d'occuper Sébastopol sans avoir pris les forts du nord, c'est-à-dire sans un second siège plus difficile que le premier. Si on manque la chance que les concessions actuelles de la Russie 189 offrent en ce moment, je ne vois plus qu'un avenir plein de périls pour le monde entier. Ici, on désire ardemment la paix, on cherche à avancer les négociations; et, tout en adhérant aux garanties demandées, on voudrait ne pas rendre les choses trop difficiles pour la Russie. On serait bien aise de voir la Prusse entrer dans l'alliance; on le désire aussi à Londres, mais la France fera tout ce qu'elle pourra pour l'empêcher, car c'est ce qu'elle craint par-dessus tout

Sagan, 23 janvier 1855.—On me mande de Paris que la Cour féminine de l'Impératrice Eugénie, par des démissions peu regrettables, va se recruter dans le faubourg Saint-Germain, non pas, à la vérité, dans ses sommités, mais cependant dans le beau monde.

On ajoute que le traité avec l'Autriche a adouci beaucoup de récalcitrants. Il en reste cependant un petit nombre, entre autres le côté Molé, plus fortement accentué chez Mme de La Ferté [145]. Sa cousine, Mme de La Grange, s'était annoncée à Champlâtreux; elle a reçu, pour réponse, de la part de l'intolérante Mme de La Ferté, refus absolu de recevoir une personne ralliée. Là-dessus, Mme de Flavigny, mère de la refusée, écrit avec furie à son cousin M. Molé. Celui-ci répond plus courtoisement, mais avec une merveilleuse impudence, qu'il a toujours été légitimiste. Et voilà le monde et la société de Paris! Du reste, on dit que celle de Berlin, celle de Vienne, ne 190 sont pas plus commodes, que partout, il y a division, aigreur, hostilité.

Sagan, 27 janvier 1855.—On m'écrit de Berlin que le Prince de Prusse y est fort triste et fort peiné. On croyait, avant-hier, à la sortie de M. de Manteuffel des affaires et à l'entrée de M. de Bismarck-Schœnhausen aux Affaires étrangères. Cependant, il n'y avait rien de fait, rien de décidé. Si ce bruit se vérifiait, la guerre entre l'Autriche et la Prusse, déjà probable, deviendrait certaine; car M. de Bismarck déteste l'Autriche, autant que moi je déteste les chats [146], et il brûle de la combattre en brandissant une lance qui pourrait bien avoir les mêmes proportions que celle de Don Quichotte.

Voici une singulière anecdote dont des personnes graves m'assurent la parfaite exactitude; la police militaire et civile en étouffent, comme de raison, la circulation. Il y a fort peu de jours que deux sentinelles, placées au musée de Berlin, ont vu la nuit les portes du Château s'ouvrir et un cortège funèbre, entouré de force flambeaux, en sortir et se diriger vers l'église qu'on nomme le Dom. Sur le char funèbre, se trouvait une couronne royale, et le Prince de Prusse conduisait le deuil. Une des sentinelles, saisie d'effroi, a perdu connaissance; l'autre a vu entrer le cortège dans l'église. Toutes deux, lorsqu'elles ont été relevées du poste, ont été faire leur déposition parfaitement identique, quant aux détails, dans 191 la bouche de l'une comme dans celle de l'autre. Et voilà!

Sagan, 5 février 1855.—Quel spectacle que celui offert par l'Angleterre! Cette grande Angleterre quand j'y vivais! Et maintenant, quel écroulement! Le tout au profit de lord Palmerston! Mais tout cède à l'horreur de ce qui se passe en Crimée. Je n'ose plus lire les articles qui en dépeignent les misères; cela me bouleverse pour l'humanité en général, et pour ceux qui m'intéressent en particulier [147].

Sagan, 7 février 1855.—Humboldt, dans une longue lettre pleine de gémissements sur les illusions que nous déplorons tous, dit ensuite: «On a envoyé d'abord le général Wedel à Paris [148], un des innocents que l'on flattera 192 aux Tuileries; le dangereux Olberg l'accompagne, mais depuis, on le fait suivre par un autre négociateur, Niebuhr [149], sous l'apparence peu trompeuse d'un voyage de délassement. J'ai été sollicité de lui donner des recommandations pour Guizot, Salvandy, Villemain. Voudra-t-il pénétrer dans le temple de la rue Saint-Florentin [150]? Après Niebuhr, il reste à envoyer Hensel, et puis le hurleur Strauss. Voilà à quoi en est réduite la diplomatie prussienne!»

M. de Manteuffel, m'écrit-on, d'autre part, ignorait tellement la mission du général Wedel que, lorsque celui-ci s'est présenté au Ministère des Affaires étrangères pour prendre connaissance des dernières correspondances diplomatiques, le Ministre les lui a refusées, disant qu'il ne les lui communiquerait que sur un ordre signé du Roi. Le Roi dit aux uns, qu'il ne fera jamais la guerre aux alliés, aux autres, que jamais il ne la fera à la Russie.

Sagan, 12 février 1855.—Que dire de l'étrange discours de l'amiral Napier, qui jette son verdict contre la marine anglaise? Voilà donc l'Angleterre déflorée de tous ses prestiges. Quel fiasco! Ce n'est pas parlementairement qu'elle brille, pas plus que maritimement, ni militairement; car il est impossible de plus laver son linge sale en 193 public qu'on ne l'a fait en plein Parlement [151]. Tout cela profite à Louis-Napoléon, et je ne vois ici que lui qui ait tiré avantage des déconfitures des autres. J'en ai du chagrin pour l'Angleterre, j'y ai passé de trop belles années pour qu'il me soit possible de rester indifférente à ses échecs. Quelqu'un de très bien placé pour le savoir me mande de l'Italie que le Roi de Sardaigne est dans une disposition d'esprit fort abattue et troublée. Ayant demandé à sa mère de lui donner, avant de mourir, sa bénédiction, la mourante la lui a refusée et n'a fini par la lui accorder que sous condition expresse qu'il ne sanctionnerait pas la vente des biens du clergé, et la jeune Reine aussi, après avoir reçu les derniers sacrements, a conjuré le Roi de ne pas charger sa conscience d'un tel péché. On croit donc que le Roi ne sanctionnera pas cette loi spoliatrice; mais d'autre part, les Ministres et la majorité des deux Chambres veulent forcer le consentement royal [152].

194 On m'écrit de Paris que c'est décidément le duc de Broglie qui succédera à Sainte-Aulaire à l'Académie française, et un homme de lettres à M. Ancelot. Reste le fauteuil de Baour-Lormian [153] qui, je l'espère encore, arrivera à M. de Falloux, quoi qu'on dise que M. Thiers est vif contre lui; son propos à ce sujet est de dire: «Jamais je ne donnerai ma voix à l'Immaculée Conception.»

Sagan, 14 février 1855.—Voilà encore le Duc de Gênes mort. Quels avertissements pour le Roi de Sardaigne! N'y verra-t-il pas le doigt de Dieu?

Berlin, 20 février 1855.—On m'assure qu'il est arrivé ici, il y a deux jours, un projet de convention signé entre le général de Wedel et M. Drouyn de L'Huys qui serait très acceptable pour la Prusse, mais qui, naturellement, doit d'abord obtenir la sanction du Roi. Je n'ai pu savoir, jusqu'à présent, si elle avait été donnée ou bien si on n'aura pas cherché à allonger la courroie, au moins jusqu'au passage de lord John Russell, qu'on attend d'ici à quelques jours [154].

195 Quelqu'un disait quand on admirait devant lui l'Empereur Napoléon III: «Gare aux coups de tête.» Et, en effet, en voilà un nouveau qui se prépare et qui, s'il s'exécute, ne le cédera en rien à celui de Strasbourg et de Boulogne. Il est parfaitement sûr qu'il veut partir à la fin de ce mois pour la Crimée, y faire à coups d'hommes assaut à Sébastopol, prendre la ville et être revenu à Paris au bout de six semaines pour l'ouverture de l'Exposition. Cette fantaisie a extrêmement effrayé à Paris. On tâche d'en détourner l'Empereur, mais c'est fort difficile. Le général Niel lui a mandé qu'il y avait eu plusieurs fautes de faites dans le plan du siège, fautes réparables, et que la ville, difficile à prendre, n'était pas cependant impossible à escalader à coups d'hommes.

Berlin, 2 mars 1855, 4 heures après midi.—Le télégraphe apporte une immense nouvelle qui a frappé ici comme un coup de foudre la Famille Royale. Le retentissement en sera non moins immense d'un bout de l'Europe à l'autre [155]. La présence à Berlin de lord John Russell au moment où on y reçoit la nouvelle de la mort de l'Empereur Nicolas ajoute encore aux embarras de M. de Manteuffel, car le Roi ne reçoit plus personne et il part ce 196 soir pour Charlottenbourg. Les dernières paroles de l'Empereur Nicolas à l'Impératrice ont été pour faire demander au Roi de Prusse de rester le même envers la Russie, et de se souvenir des dernières paroles du Roi son père. On m'assure qu'après avoir appris ce détail, le Roi est allé en chercher l'écho au tombeau de Charlottenbourg. On ne croit pas qu'il dépende du nouvel Empereur de se montrer plus facile pour les conditions de la paix. On pense plutôt, que pour se maintenir en possession de ce trône sanglant, il faudra qu'il se montre presque aussi russomane que l'est son frère Constantin.

Berlin, 3 mars 1855.—La mort de l'Empereur Nicolas, si peu prévue, ayant éclaté dans les vingt-quatre heures que lord John Russell a passées ici, rien n'a pu s'éclaircir entre lui et le Cabinet prussien. A Vienne aussi, tout va être suspendu, et probablement, il en sera de même du voyage de l'Empereur des Français en Crimée. Mon impression du moment est que cette mort ne facilite pas la paix. L'Impératrice veuve a montré un grand courage, une grande force morale; mais on n'en croit pas moins qu'elle ne puisse survivre, au delà de quelques mois, à son époux.

Berlin, 6 mars 1855.—Il est arrivé ici une dépêche 197 télégraphique de l'Impératrice veuve de Russie, demandant au Roi que, s'il envoyait un Prince de sa maison à Saint-Pétersbourg, ce fût le Prince Charles de préférence. Celui-ci était déjà parti quand la dépêche est arrivée. Je crois qu'on a caché ce fait disgracieux au Prince de Prusse, qui en aurait été d'autant plus peiné que son bon cœur est tout entier à la douleur de sa sœur. Quelqu'un de bien informé m'a assuré que la nouvelle Impératrice est aussi anti-prussienne que son époux est anti-autrichien. On suppose qu'il sera fort tiraillé entre sa femme et sa mère, chacune exerçant un grand empire sur lui. Le télégraphe ne cesse de porter et de reporter les plus tendres assurances entre l'oncle et le neveu. La politique sentimentale joue ici le premier rôle, ce qui fait que la part de la mission relative à Berlin, dont lord John Russell était chargé, ne pouvait se placer à un moment plus inopportun; aussi est-il parti très mécontent. Le général de Wedel a repris la route de Paris, mais je doute que ce soit avec des instructions plus larges. On paraît convaincu, à côte de moi, que la paix ressortira nécessairement et même promptement en regard de ce qui vient de se passer à Saint-Pétersbourg. Le nouvel Empereur n'oserait pas faire une concession, quelle qu'elle fût, en outre de celles accordées par son père; sans cela, il irait de sa couronne ou du genre de sa mort. Ce qu'on espère, c'est que les Cours alliées, croyant avoir moins à redouter du fils que du père, exigeront moins de l'héritier que de son prédécesseur; mais qu'il faut que les concessions viennent de Paris et de Londres, qu'elles ne peuvent venir de Saint-Pétersbourg, 198 à moins que la guerre, en continuant, ne finisse par amener de grands échecs russes.

Berlin, 8 mars 1855.—Hier, le général Wedel était encore ici. On annonce son départ pour ce soir; cependant, il y a un certain parti qui tente l'impossible pour entraver ce départ, ce qui fait qu'on ne pourra le tenir pour certain que lorsqu'il sera effectué. Il paraît que le général a exigé des instructions moins vagues que les premières. Les lui donnera-t-on?

Le prince Gortschakoff de Vienne a reçu la confirmation des instructions de l'Empereur défunt. Le premier espoir pacifique, qui avait fait monter les fonds publics partout, fait place à un peu de baisse aussi partout. Cela ne veut pas dire que nous n'ayons pas fait un pas vers la paix, mais cela prouve que ce pas est petit, très petit.

J'ai enfin lu les discours académiques de MM. Berryer et Salvandy; et, si j'ai trouvé le second d'un tiers trop long, le premier m'a semblé, au rebours de ce que j'attendais, plus déclamatoire que le second. Je le trouve un peu trop lardé de mythologie: la Colchide, Iphigénie, Mithridate sont entassés plus que de raison quand on les concentre sur le spirituel mais très peu poétique Alexis de Saint-Priest.

Berryer m'a fait dire que la phrase sur M. de Talleyrand, dont il espérait que je serais contente, lui avait été inspirée par le désir de m'offrir un hommage [156].

199 On m'assure d'autre part, que grâce à la présence du grand monde, la séance a été quelque chose qu'on ne peut se figurer, que cependant le succès de Mgr Dupanloup n'a pas été dépassé. Il paraîtrait que la personne de Berryer a eu une plus grande ovation que son discours. Sauf deux ou trois allusions, ce discours n'aurait pas excité les mêmes transports que celui de l'Évêque.

Mais les transports qui s'adressaient à la personne de Berryer ont été si enthousiastes et si universels que l'amour-propre le plus exalté en aurait été comblé. Les salves qui ont accueilli l'entrée de l'orateur ont été comme un feu de mitraille. Le passage sur M. de Talleyrand a été aussi fort senti et très goûté. M. de Salvandy a été, à son tour, traité très favorablement par l'assemblée. Le premier soir, la reproduction des discours avait été interdite, à cause de quelques intentions très marquées et de quelques-uns des applaudissements décernés à Berryer. On a dit que la princesse Mathilde, qui était présente, en avait été blessée. Quoi qu'il en soit, dès le lendemain, l'autorisation de publier était accordée. Restait la présentation traditionnelle au Chef du gouvernement. Suivant l'usage, Salvandy avait écrit, le soir même de la séance académique, au grand Chambellan. Le lendemain, M. Villemain, le 200 secrétaire perpétuel, reçoit une lettre de M. Berryer qui lui en communique une qu'il avait adressée à un M. Mocquart, secrétaire des commandements de l'Empereur, en le priant de faire valoir ses impossibilités, et d'obtenir la dispense du devoir commun, en raison du service qu'il rendit à Louis-Napoléon, il y a quinze ans. Depuis, M. Mocquart a répondu que l'Empereur est trop haut placé pour tenir à ce que l'usage constant soit suivi ou non; que si M. Berryer était venu, il aurait été reçu, non comme l'adversaire d'aujourd'hui, mais comme le défenseur d'il y a quinze ans; qu'à ce dernier titre, il était libre de faire ce qu'il voudrait. Je ne trouve pas trop fier de contracter une obligation pour ne pas faire une révérence, et de demander à Louis-Napoléon les moyens de rester en bons termes avec les extrêmes de son parti à lui, Berryer. Cet incident va ajouter aux difficultés de M. de Falloux, déjà fort menaçantes, puisque Cousin lui donne l'exclusion, et Cousin est le maître de l'Académie; lui seul y a une volonté, des passions, un parti-pris, enfin ce qui rend le maître. Il a voulu Odilon Barrot à l'Académie des Sciences, soi-disant, morales et politiques. MM. Guizot, de Broglie, Duchâtel le lui ont donné! Il a voulu M. de Broglie à l'Académie française pour évincer M. de Falloux, en dépit des engagements les plus solennels, et tout le monde y a consenti. Cette mode académique, l'agitation qu'elle cause, la liberté de langage qu'elle inspire m'ont fait souvenir plus d'une fois déjà de ce mot de Fontanes au premier Napoléon: «Ah! Sire, laissez-moi, du moins, la république des lettres.»

201 Je suis presque honteuse de m'être laissée entraîner sur le terrain littéraire, lorsqu'on n'est préoccupé que de la scène guerrière, politique, diplomatique et de cette fortune providentielle qui semble s'épuiser en faveur de l'hôte des Tuileries; car enfin, le voici pour le moment sans autre compétiteur en Europe pour le goût des aventures.

L'embaumement du corps de l'Empereur Nicolas a mal réussi, son visage s'est trouvé si atrocement défiguré, qu'au lieu de l'exposer à découvert sur le lit de parade, comme c'est l'usage, il a fallu le renfermer tout de suite dans son cercueil. On peut imaginer les commentaires, les suppositions sinistres qui en résultent.

Berlin, 10 mars 1855.—Lady Westmorland me mande de Vienne en date du 7: «Depuis hier, je puis vous dire que mon âme commence à s'ouvrir aux espérances de paix; car le prince Gortschakoff a reçu, par télégraphe, l'ordre d'agir selon les instructions de l'Empereur défunt, avec l'annonce que le nouvel Empereur n'y apporte aucun changement. On va donc immédiatement commencer les conférences. Aujourd'hui, les plénipotentiaires d'Autriche, de France et de Grande-Bretagne se sont réunis, et mon mari est revenu très satisfait de l'accord qui a régné entre eux. Vous savez que l'humeur de mon mari est très conciliante et pacifique. Je suis contente aussi de lord John Russell; je l'ai trouvé infiniment plus modéré et plus désireux de faire la paix que je n'osais l'espérer. Mais tout est imprévu et inattendu par le temps qui court. Le jeune Empereur d'Autriche a été 202 très affecté de la catastrophe de Saint-Pétersbourg, les larmes lui sillonnaient le visage, mais l'heureux accouchement de l'Impératrice est venu les essuyer. Il ne l'a pas quittée pendant tout le travail et s'est montré le meilleur des maris. Le baptême a eu lieu splendidement et en grand gala. L'Empereur, avant la cérémonie [157], avait donné audience à lord John Russel, audience dont mon compatriote a été ravi. La Reine Victoria a été gracieuse; elle a télégraphié à mon mari, dès qu'elle a appris l'accouchement, pour exprimer son intérêt et ses félicitations, et ordonner qu'on lui fît savoir par le télégraphe des nouvelles de la mère et de l'enfant. Lord John Russell prend hautement la défense de lord Raglan, qu'on a tant calomnié [158]

Berlin, 17 mars 1855.—C'est M. de Morny qui s'est chargé d'annoncer, avec des précautions et des ménagements infinis, à Mme de Lieven, la mort de l'Empereur Nicolas. Elle n'a pas été autrement émue, et sa réponse a été simplement: «Ah! alors me voilà sûre de rester tranquillement ici.»

203 Berlin, 22 mars 1855.—Les espérances de paix paraissent se développer. Dieu veuille leur donner accroissement et belle venue! Il paraît que l'Empereur Napoléon n'irait pas en Orient si, d'ici à huit jours, les conférences de Vienne avaient fait un pas sérieux vers la paix; mais que si les choses traînaient en longueur, il partirait en laissant l'Impératrice régente; car les Muphtis s'opposent à l'arrivée d'une belle dame avec son entourage d'amazones jeunes et jolies, que Winterhalter peint, en ce moment, comme pendant au Décaméron [159]. Tout cela est drôle!

Berlin, 24 mars 1855.—Je reçois des félicitations sur le passage qui me concerne dans le nouvel ouvrage de M. Villemain: Souvenirs contemporains [160]. Je crois qu'on a mal interprété le passage sur les Mémoires; il ne peut pas s'agir des miens, par la bonne raison que je n'ai écrit que les quelques pages sur mon enfance, que vous possédez [161].

M. Villemain ne peut donc parler que des Mémoires de M. Talleyrand, dont il a entendu lire quelques morceaux 204 par mon oncle. Mais il semble insinuer que, soit dans les Mémoires, soit dans la correspondance de M. de Talleyrand, j'ai été plus qu'un simple secrétaire sous la dictée, et j'en suis fâchée. Je n'ai pas eu la moindre part à la rédaction des Mémoires, excepté dans deux passages fort courts sur le Pape et sur les Polonais. Et pour ce qui est de la correspondance, si j'ai été au delà du simple metteur d'adresses, je n'ai jamais eu le mauvais goût de m'en vanter, et je suis sincèrement peinée, chaque fois que par bienveillance pour moi ou par dénigrement de mon oncle, on cherche à me grandir à ses dépens. Après tout, je suis fort sensible à ce que M. Villemain, voulant à toute force exhumer une ensevelie, l'ait fait d'une façon si favorable.

M. de Forbin-Janson a fait, une fois dans sa vie, un tableau qui, dans le temps, exposé au Salon du Louvre, a fait sensation. Il représentait en couleurs brillantes le couronnement d'Inès de Castro après sa mort, le Roi forçant ses courtisans à baiser la main de la morte qu'ils avaient persécutée de son vivant. M. Villemain a fait de même; il a couronné une morte.

Humboldt, qui est venu me voir hier en sortant du dîner royal de Charlottenbourg, m'a conté que le masque moulé sur l'Empereur Nicolas, après sa mort, était arrivé et avait remué tous les cœurs et tous les nerfs.

Sagan, 7 avril 1855.—Depuis que je suis de retour, j'ai pu avancer dans la lecture de M. Villemain, qui me paraît être bien plus un cadre à ses impressions actuelles qu'un recueil exact des impressions quotidiennes de 205 l'époque qu'il décrit. Ce ne sont pas des mémoires, et si ce sont des souvenirs, ils se ressentent trop du présent pour rendre exactement le passé. Mais par le style et les noms propres, ce livre se lira beaucoup et piquera la curiosité des personnes qui se rappelleront des gens et des choses d'alors. Ils n'y trouveront probablement pas ce qu'ils y cherchent; mais ils auront tenu en main des pages brillantes et agréables comme passe-temps. C'est un concert harmonieux de mots, même d'idées; mais ce n'est pas l'œuvre d'un peintre d'histoire. On aura beau faire, notre époque ne produira plus de cardinal de Retz, ni même de Mme de Motteville. C'est qu'à présent il y a des écrivains et des femmes auteurs; mais la spontanéité, la naïveté, l'abandon, les choses prises sur le fait, le premier jet sans étude, sans travail, le plaisir de se souvenir pour son propre divertissement n'existent plus.

Sagan, 12 avril 1855.—Lady Westmorland me mande, en date du 9, que les espérances de paix pâlissent, mais qu'on attend encore la réponse à un courrier expédié à Saint-Pétersbourg pour rompre la Conférence ou en continuer les stériles efforts.

Sagan, 20 avril 1855.—Voici l'extrait d'une lettre de lady Westmorland, du 18 avril, de Vienne: «Depuis hier, mes espérances renaissent un peu: la réponse de Saint-Pétersbourg est plus conciliante qu'on ne l'espérait. Je crois qu'on pourra s'entendre, mais la nouvelle du bombardement de Sébastopol commencé le 9, dont nous 206 n'avons aucun détail, nous tient dans une grande anxiété [162]. Je crains que lord John Russell ne retourne promptement à Londres; on le veut absolument à son poste de ministre des Colonies, et je crois qu'on a besoin de lui à la Chambre des Communes. Cela laissera une rude besogne sur les épaules de mon mari; mais, si nous avons l'espoir d'une bonne réussite, cela nous soutiendra.

«M. Drouyn de L'Huys paraissait hier tourner vers la paix. Le petit Bourqueney est hors de lui; toujours dans les extrêmes: monté aux nues aujourd'hui, abattu tout de son long demain.

«Les gazettes anglaises ne trouvent pas assez de termes pour déifier l'Empereur Napoléon et l'Impératrice Eugénie. Une de celles qui encensent le plus le couple impérial a, je le sais, offert ses louanges à l'Empereur François-Joseph et au Gouvernement autrichien, moyennant une certaine somme. Mais le comte Buol a repoussé cette offre avec un juste dédain. Quand on songe que ce sont ces misérables gazetiers à qui on permet de gouverner l'Angleterre et qui en effet la gouvernent!»

Sagan, 3 mai 1855.—Depuis les nouvelles du 14 avril, je n'ai rien reçu de mon fils Alexandre qui est devant Sébastopol; cela devient ancien, et je redoute tout autant, pour lui, les affreuses maladies qui règnent maintenant en Crimée que les boulets des assiégés; ce sont ces 207 maladies pestilentielles qui sont la vraie raison pour laquelle l'Empereur Napoléon a renoncé à son voyage en Orient. Le coup de pistolet, s'il l'eût atteint, aurait jeté le monde dans un désordre affreux; car les éléments révolutionnaires auraient vite partout repris le dessus [163]. Je crois qu'il faut que l'homme taciturne gouverne encore plusieurs années, avant que l'équilibre européen puisse s'en passer.

On m'écrit de Vienne que les Conférences se sont rompues sur ce que les Russes n'ont pas voulu céder la plus minime partie de leurs prétentions, ce qui a mis l'Empereur d'Autriche dans un grand embarras, vu qu'il s'était montré garant de l'extrême modération dont les plénipotentiaires russes l'avaient assuré être les organes [164]. Le jeune Empereur, qui est sincère et honnête, a été outré de ce manque de bonne foi qui n'était calculé que pour gagner du temps et arrêter la marche des armées autrichiennes.

On dit que pendant le voyage des Majestés françaises à Londres, la Reine Victoria a été la seule qui ait conservé aisance et dignité; que les autres grands personnages des deux pays se montraient embarrassés, gênés, plus ou moins gauches. L'Impératrice Eugénie a paru maladive et fatiguée. 208 Les cadeaux français ont été des plus magnifiques. Si le voyage en Orient paraît abandonné, celui de Vienne ne paraît pas invraisemblable [165]. On dit que le langage des orléanistes a été le seul inconvenant, et ce me semble, bien absurde, après l'attentat contre Louis-Napoléon; car l'impression générale était que, si l'attentat eût réussi, la République aurait prévalu. Aussi les républicains sont-ils désolés, car un attentat manqué est ce qui pouvait leur arriver de pis.

Mme Mollien m'écrit que la Reine Marie-Amélie est étonnamment bien de santé, mais que la princesse de Joinville est en plein état de phtisie.

Un des motifs qui ont décidé l'Empereur Napoléon à renoncer au voyage d'Orient a été le refus de son cousin de l'y suivre.

Interruption de la correspondance jusqu'au 14 juin, les deux correspondants s'étant retrouvés à Sagan.

Carlsbad, 14 juin 1855.—Je voudrais bien que la Prusse et l'Autriche parvinssent à s'entendre cordialement, et que, formant ensemble une solide barrière, elles obligeassent l'Est et l'Ouest de l'Europe à désarmer. Mais la méfiance est encore bien profonde.

209 Si je disais que je me plais ici, je mentirais grandement; j'y suis bien logée, mais sans verdure; j'y connais assez de monde pour en être ennuyée. On dit qu'il ne faut pas lire, pas écrire, peu dormir, guère manger, ne pas s'agiter, ne songer à rien, végéter le plus honnêtement possible: c'est la plus sotte vie, et cependant on sent qu'il faut obéir, car il est de fait qu'on n'est capable de rien. Je suis en plein traitement, c'est-à-dire très éprouvée; il y a toujours pour moi un grain de Crimée dans chaque verre de Sprudel [166], et cela ne le rend pas plus facile à digérer.

Carlsbad, 24 juin 1855.—Je n'ai pas précisément à me plaindre de mes eaux; mais je sens qu'il me faudrait du soleil en plus et la Crimée en moins. Voilà une affaire qui semble avoir été affreuse, le 18 de ce mois, sur les remparts de Malakoff [167]. Mon fils avait pris part à l'action très brillante du 8, au Mamelon Vert. Il s'en est bien tiré; mais comment se sera-t-il tiré de celle du 18, qui a été si désastreuse?

On dit que, du côté des alliés, neuf mille hommes ont péri, que les généraux ne s'entendent pas entre eux, que le choléra fait rage, que l'Empereur Napoléon, saisi par les mauvaises nouvelles, est malade, que la rente baisse, que les récoltes se perdent et que nous touchons à la fin 210 du monde. J'ai le cœur fort triste, fort serré, et plus de larmes dans les yeux que de sourires sur les lèvres.

Le 5 juillet, je partirai pour Téplitz; j'y trouverai, à ce que l'on dit, les légitimistes français en foule. M. de Montalembert est en Angleterre; il y voit souvent les habitants de Claremont, où on le soigne et où on le caresse beaucoup.

Carlsbad, 6 juillet 1855.—La mort de lord Raglan m'a été au cœur. Puisqu'il devait finir dans cette affreuse Crimée, il aurait mieux valu être tué sur la brèche que de mourir du choléra. Quelle fin, pleine d'amertume, d'une belle et noble carrière, si brillamment commencée, si honorablement continuée, terminée par tant d'outrages et d'injustices. A Londres, nous l'appelions la Perle [168]. J'ai une lettre de lady Westmorland, désespérée sur cette perte; c'est son fils, lord Burgersh, qui est chargé d'escorter les restes de son oncle en Angleterre.

Le discours de l'Empereur Napoléon, à l'ouverture des Chambres, est ici depuis hier; il y fait sensation. Il semble ridicule aux Russes, impertinent aux Autrichiens, déplacé aux Prussiens, impudent aux Anglais, et effrayant aux Français. Personne n'en est satisfait, et chacun d'en tirer des horoscopes plus ou moins charmants. On veut y voir de nouveaux symptômes de guerre générale, de révolutions, 211 de bouleversements, de fin du monde. Sans aller jusque-là, il est certain que l'Europe a bien mauvais visage et qu'elle est entre les mains de médecins empiriques peu rassurants [169].

Carlsbad, 11 juillet 1855.—En Angleterre, on blâmera la police d'avoir fait son devoir à Hyde-Park en réprimant l'émeute; partout on ne songe qu'à désarmer l'autorité et à décourager ceux qui la représentent [170]. Quelles singulières explications que celles de lord John Russell! Quelle étrange façon de dire: «Comme diplomate à Vienne, j'étais pour la paix; comme ministre à Londres, je suis pour la guerre.» Cela s'appelle être un homme d'État, ce n'est autre chose qu'un homme de désordre. Ce petit fauteur de la réforme vivra assez pour voir s'achever la révolution.

Poor dear old England [171]!

Teplitz, 16 juillet 1855.—Je ne m'amuse pas ici, mais je trouve l'air excellent. Ce joli pays est plus accessible qu'à Carlsbad; j'y demeure à l'écart des indifférents; tout cela me convient assez, car, à défaut de ce qui plaît, 212 il faut du moins tâcher d'avoir ce qui est commode.

J'ai fait ma cour au Comte et à la Comtesse de Chambord qui partent après-demain; ils me traitent avec les mêmes bontés qu'à Venise, et mes impressions sur eux restent les mêmes. On espère la Reine Marie-Amélie avec tous ses fils à Frohsdorff au mois de septembre; elle y trouvera un neveu fort tendrement respectueux [172].

Teplitz, 18 juillet 1855.—La Saint-Henri a été fêtée ici par un dîner champêtre donné par Mme la Comtesse de Chambord; on n'y avait convié que les Français. Hier, ils m'ont fait l'honneur de venir me dire adieu dans la matinée; ils partent ce matin, et toute la colonie française se disperse. Je trouve plus de fermeté et de sérieux dans la conversation du Comte de Chambord qu'il y a deux ans, et la même dignité gracieuse dans la Princesse. Elle m'a comblée, et le mari m'a dit au bout de mon escalier, en se retournant encore une fois: «Ma femme vous aime beaucoup.» J'avoue que cela m'a fait plaisir.

Brienne-le-Château, 5 août 1855.—Je suis arrivée ici hier dans la matinée; je suis accueillie, on ne peut mieux, par la princesse Laurence de Bauffremont, à laquelle ma visite paraît faire plaisir. Le château est noble, parfaitement meublé et arrange; il domine trente lieues 213 de pays, mais d'un pays plat, plus convenable pour livrer une bataille que pour charmer l'œil. Il n'y a guère de fleurs, pas même précisément de jardin; mais des allées droites en charmilles, et des quinconces, à l'ancienne mode française, se perdent dans des bois mal percés. Le tout est très noble, très éventé, assez sec et sans charme extérieur. L'intérieur est excellent et magnifique.

Paris, 10 août 1855.—Les efforts gigantesques, qui surgissent à tous les coins de Paris, pour exciter à des jouissances de tous genres, me semblent indiquer un déplorable état social; je ne saurais dire l'effroi qui s'empare de moi à voir cette population remuante, fiévreuse, promenant sans cesse et sans relâche sa curiosité et ses passions d'une arène à une autre. Il est évident que le précipice bordé d'or et de fleurs est au bout, et qu'il ne tardera pas à engloutir, dans un abîme de feu, de sang et de boue, ceux qui chantent, dansent et se grisent à l'entrée du cratère. Ce qui se raconte des spéculations financières auxquelles hommes et femmes, jeunesse et vieillesse participent; ce qui se dit tout haut des mœurs, des allures, de la rupture des liens de famille et de la morale de la génération toute prête à étrangler la nôtre, fait frémir. J'ai une grande terreur de tout ce qui me passe sous les yeux, et je serai bien aise de me trouver, pendant quatre jours, sous les verrous du Sacré-Cœur d'Orléans, où je ne verrai que d'innocentes jeunes filles et où je n'entendrai que des hymnes pieuses.

On dit décidément que l'Impératrice Eugénie est grosse. 214 J'ai reçu le maréchal de Castellane qui, quoi qu'on ait dit, retourne demain à Lyon [173].

Orléans, 16 août 1855.—Je suis ici depuis le 18, et je repars demain pour Rochecotte, après avoir vu deux fois Mgr Dupanloup à la Chapelle Saint-Mesmin [174] et une fois au Sacré-Cœur, où toutes les dames, à commencer par Mme d'Avenas, me gâtent à l'envi l'une de l'autre.

Rochecotte, 25 août 1855.—Je ne sais aucune nouvelle, si ce n'est qu'à Paris on trouve la Reine Victoria peu jolie et que, s'il y a curiosité, il n'y a pas d'applaudissements [175]. Au grand Opéra in fiochi, le prince Albert a bien obéi à la consigne conjugale, car, assis entre l'Impératrice Eugénie, qui était admirablement belle, et la princesse Mathilde, qui a de forts appas, il n'a guère parlé ni à l'une, ni à l'autre.

Paris, 7 octobre 1855.—Me voici dans la grande Babylone depuis trente-six heures et parfaitement ahurie. 215 J'ai des lettres d'Alexandre du 25 septembre: il dit que l'assaut a coûté dix mille cinq cents morts pour les Français seulement [176]. Paris n'est pas bien sain en ce moment; les maladies y abondent; il y a une autre maladie, celle de la dégringolade des fonds publics, qui paraît grave; une autre s'appelle la cherté des subsistances; une troisième, le mouvement vif des sociétés secrètes; une quatrième, les coquetteries du gouvernement pour les rouges. Quant à la paix, il paraît qu'elle est encore très éloignée, et qu'à force de succès, chèrement payés, les triomphes valent des défaites.

Le Bourg d'Iré (chez le comte de Falloux), 29 octobre 1855.—On ne saurait être plus mal servi par le temps que je le suis. J'ai eu froid à Rochecotte; ici, c'est la Sibérie. Le château est beau, noble, vaste, d'un goût excellent, mais d'un froid! De petites cheminées pour chauffer de grandes pièces sans tapis, ni doubles croisées. Il faut avoir dépassé Lyon pour oser autant compter sur le soleil qui, en ce moment, a de rigoureux caprices. J'aurais voulu voir la ferme et tout le détail de ce bel établissement, où le goût des arts tempère l'activité de l'agriculture, où une belle bibliothèque repose de la race bovine, et où le gentilhomme chrétien a pu être, sans contrastes affligeants, ministre du Président et serviteur fidèle de 216 l'Exilé. Il n'y a, en dehors du châtelain et de son aimable femme, personne ici que M. Albert de Rességuier avec ses enfants et une gouvernante. J'oubliais la pauvre petite Loyde de Falloux; cette malheureuse enfant, âgée de treize ans, a toutes les disgrâces naturelles extérieures, beaucoup de l'intelligence de son père; mais elle a l'air timide et amer, ce qui se conçoit à merveille, mais ce qui est unheimlich [177] au possible.

L'état des yeux de M. de Falloux étant très fâcheux, on craint les lampes, les bougies; aussi tout est-il enveloppé d'abats-jour verts, dans ces grandes pièces boisées en chêne, tendues d'étoffes foncées, ornées de grands tableaux d'excellents maîtres; mais le tout est lugubre!

Ce que j'ai pu apercevoir de la contrée ne l'est pas; avec du soleil, le pays doit être charmant; d'Angers ici, il m'a singulièrement fait souvenir de dear England, de notre vieille Angleterre!

Orléans, 1er novembre 1855.—J'ai visité le vieux château d'Angers, bâti en ardoises et en tuffeau d'une force extraordinaire, d'une sombre tristesse, jusqu'à ce que, du haut des tours décapitées, on découvre la Mayenne et le Loir se jetant dans la Loire et courant avec elle dans la mer. Le grand Condé disait que le château d'Angers était le plus fort de France. Il renferme maintenant les émeutiers du mois dernier [178].

217 Paris, 5 novembre 1855.—J'ai été hier chez la duchesse d'Istrie, j'y ai revu mon appartement [179]. Que de souvenirs! Et je rencontre dans ce même hôtel de la rue Saint-Florentin, qui? Thiers! devenu gros, gras, toujours brillant de conversation, parlant industrie, exposition, le tout très spirituellement, nullement embarrassé de me rencontrer, et en quel lieu! venant à moi avec la main tendue pour le shake-hand, prenant la mienne, la saisissant à tout rompre. Tout s'est passé simplement de ma part, car il aurait été de mauvais goût d'embarrasser le salon où tout cela se passait.

Lyon, 16 novembre 1855.—Lyon est affreusement froid, et je suis bien mal dans le très mauvais hôtel de l'Europe. Il gelait à glace hier matin quand j'ai quitté Paris. Un gros brouillard a triomphé des pâles effets du soleil; je n'ai pas même pu jouir du joli pays qui, surtout en Bourgogne, m'a semblé border la route. Je ne pense pas trouver un changement de température avant Avignon, et encore gare le mistral!

Nice, 22 novembre 1855.—J'ai eu très froid jusqu'à 218 Valence et une pluie diluvienne de Marseille à Cannes, où le temps est devenu fort agréable et la contrée charmante. J'entends dire que Nice est encombrée de beau monde, à peine de Russes, quelques Allemands, pas mal de Français, innombrablement d'Anglais, plusieurs Italiens, les Sclopis entre autres.

Nice, 26 novembre 1855.—Il a fait hier une journée admirable, et vite, je me suis promenée sur la montagne dans le jardin de la grande Villa Gastaud, habitée il y a trois ans par le général Pepe, occupée maintenant par lady Shelley, un peu blue stocking [180], un peu protectrice des arts, etc., polie et obligeante. Dès mon arrivée, elle m'a lancé une invitation pour les concerts qu'elle donne tous les jeudis matin. Je ne sais ce que vaudra sa musique, mais sa maison est charmante et son jardin ravissant; l'air le plus pur, la mer la plus bleue, le ciel le plus resplendissant et une végétation des plus parfumées; des magnolias en pleine terre et des violettes à en faire litière.

Nice, 5 décembre 1855.—La mort de M. Molé laisse un vide dans les rangs déjà si clairsemés des gens de bon goût et de grandes manières. Il était de ceux qui m'avaient vue entrer dans le monde; je n'en connais plus guère de cette date.

Le duc de Noailles m'écrit qu'on s'arrangera pour que 219 ce soit à M. Molé, et non à M. Lacretelle, que M. de Falloux succède à l'Académie, parce qu'il y aura plus d'harmonie et de sympathie entre un tel successeur et un tel prédécesseur.

220

1856

Nice, 12 janvier 1856.—Pendant plusieurs jours les communications ont été coupées, par mer par la tempête, par terre par le gonflement des torrents et la rupture des ponts. Les voilà enfin rétablies, les vagues se calment, les torrents se sèchent aussi vite qu'ils se précipitent; le soleil fait justice de tous ces excès, et les lettres attendues arrivent pour rendre les distances moins pénibles.

Nice, 17 janvier 1856.—On m'écrit de Paris: «La partie va devenir redoutable contre la Russie. On ne peut nier que la coalition est en train de se former contre elle. L'Autriche est fort engagée actuellement pour ne pas prendre les armes au moment donné. La Suède et le Danemark s'engagent peu à peu à leur tour. La Prusse même sera obligée de s'y joindre; elle jouerait trop gros jeu à ne pas le faire; et si plusieurs des puissances continentales prennent part à la guerre, il leur faudra des avantages, et si elles en ont, il en faudra à la France aussi; il pourrait être commode de charger la Prusse d'en faire les frais.»

Une autre lettre me dit: «On n'a pas encore perdu tout espoir de paix, la Russie va entrer en négociation, 221 l'Angleterre fera tout au monde pour y mettre obstacle, mais l'Empereur Napoléon, qui la désire, mettra de la fermeté à l'obtenir. On ne croit pas à la sincérité de la Prusse; aussi, on va bloquer ses ports, et l'Angleterre offre de laisser la France prendre la Belgique et les provinces rhénanes, si la France lui laisse brûler Cronstadt et les flottes russes. L'Autriche va être obligée de marcher avec l'Occident, sans quoi on entre en Italie et on soulève ses provinces.»

Nice, 24 février 1856.—Le morceau de M. Cousin sur Mme d'Hautefort [181] est un diamant. La péroraison me plaît moins cependant, car je trouve qu'il y a un certain manque de goût et de simplicité à entretenir le public des voies de Dieu en soi; et ces voies ont beau avoir été ouvertes par les belles converties ou convertisseuses du dix-septième siècle, il n'en est que plus étrange de se produire ainsi, sous les plis de leur robe de bure ou de velours, à ses lecteurs, qui se moqueront bien plus de la vanité qui fait choisir un pareil cadre, qu'ils ne seront édifiés de la profession de foi de l'auteur. Ce n'est pas que je comprenne fort bien, qu'ayant recherche cette haute société chrétienne et y ayant vécu intimement par tant de 222 curieuses recherches, on ne finisse par subir sa bonne et grande influence. On a raison de la mettre en lumière, de l'honorer dans ses écrits et de montrer par là qu'on s'est imbu de son esprit et de ses croyances: cela déjà est utile; mais lorsqu'on veut occuper le public, non seulement de ses écrits, mais encore de sa conscience, il faut alors lui donner, outre de belles paroles, de grands exemples. J'attends donc M. Cousin se couvrant, à Port-Royal-des-Champs, de la poussière des tombeaux; se construisant, des derniers débris de cette illustre thébaïde, une cellule sur la place même d'où M. Singlin dirigeait Mme de Longueville, et s'y donnant la discipline du silence.

Nice, 28 février 1856.—On dit que nous marchons vers la paix, mais que la conclusion, quoique infaillible, sera longue à atteindre. Je crois au travail souterrain et venimeux de lord Palmerston, et le tout me paraît plutôt un armistice, plus ou moins prolongé, qu'une paix équilibrant l'Europe. J'espère, du moins, que la Prusse prendra dans toutes les négociations une part active et honorable [182].

223 Nice, 16 mars 1856.—L'autre jour, Thiers, en parlant de l'Empereur Napoléon, a dit: «Je n'aime pas le cuisinier, mais je trouve sa cuisine excellente.» Ce propos a été rapporté à l'Empereur qui a répliqué: «Dites à M. Thiers que je ne le prendrai pas pour mon marmiton, car il gâterait mes sauces.»

Nice, 21 mars 1856.—Chacun paraît stupéfait et paralysé par les tragédies de Berlin. Je ne savais que ce qu'en disent les journaux qui savent et disent, en général, fort mal. Je suis lugubrement impressionnée de ces scènes sanglantes qui, se mêlant aux aigreurs parlementaires et aux intrigues de la camarilla, indiquent un état de choses inquiétant [183]. Que trouverai-je à mon retour? Rien de 224 bon, je le crains. M. de Manteuffel arrivant à Paris à la onzième heure ne donne pas grand éclat au rôle politique de son souverain. Tout est fort triste, assez humiliant.

Nice, 31 mars 1856.—Je quitte Nice demain. On me comble ici de toutes parts des plus aimables attentions; il ne tiendrait qu'à moi de me croire adorable et regrettée; j'en rabats beaucoup, mais enfin, ce sont d'assez doux échos; sans s'y fier entièrement, on aime le son. Et cependant, je suis fort triste, je ne saurais trop dire pourquoi, mais je ne puis exprimer de quel poids moral je me sens oppressée, car ma santé est redevenue assez bonne; mais c'est l'âme, ce sont les nerfs, l'esprit, le cœur; c'est là ce qui est en désarroi.

Turin, 8 avril 1856.—J'ai fait route jusqu'ici sans accident; mais, en dépit d'un beau soleil qui éclaire cette belle ville, je sens que je vais vers le Nord, et ce n'est pas une sensation agréable à la peau.

J'ai été choyée et fêtée à Gênes par les Balbi, Pallavicini et Durazzo; et je le suis ici par les Viry, Malabria, Cortanze, Perrone, Villamarina et un Corps diplomatique fort empressé. J'ai vu à Nervi, près de Gênes, la Reine Marie-Amélie, très émue de la visite imprévue et spontanée du Comte de Chambord, qu'elle n'avait pas revu depuis sa 225 petite enfance [184]. Ce qui eût été un événement, il y a quelques années, n'est plus pour le moment qu'une douceur de famille; mais cette douceur en est une grande pour une personne qui est évidemment bien près d'aller retrouver ceux qui, sans doute, ont célébré là-haut une paix éternelle. La Reine est guérie; mais il n'en est pas moins évident qu'elle n'offre plus de résistance et que le moindre souffle emportera cette transparente enveloppe d'une âme toujours également ferme et douce. Elle m'a nommé tous ses enfants et petits-enfants, mais elle n'a pas même indiqué Mme la Duchesse d'Orléans. Je l'ai trouvée entourée du Duc et de la Duchesse de Nemours, de la Princesse Clémentine et de son mari.

Milan, 12 avril 1856.—J'ai oublié de mander de Turin que j'avais fait une visite à la Duchesse de Gênes; elle a été des plus gracieuses et m'a chargée de beaucoup de choses pour Dresde et pour Potsdam; elle m'a fait voir ses deux gentils enfants [185], afin d'en rendre compte à leurs grands-parents d'Allemagne; elle est la nièce favorite de la Reine de Prusse.

On m'a donné à Turin les discours prononcés par le duc de Broglie et M. Nisard à la réception du premier à l'Académie française. Je ne sais si je dois m'en prendre à des fautes d'impression et de ponctuation; mais j'ai trouvé 226 dans le style du Duc des obscurités étranges, des tours de phrases malsonnantes, et parfois des locutions du langage le plus familier. Je ne parlerai pas de l'extrême âpreté de quelques passages peu appropriés à un discours, dont le but principal était de louer l'homme du monde le plus étranger à toute violence [186], chez lequel même l'aménité et l'urbanité étaient poussées jusqu'à l'extrême. A la vérité, il importait moins à M. de Broglie de louer Sainte-Aulaire que de paraître rétrospectivement une fois encore sur la scène politique. En un mot, il y a quelque chose de tendu dans ce discours qui lui ôte de la grâce, du naturel, de la simplicité; il est tout pétri de l'âcreté des doctrinaires et il a toute leur disgrâce. M. Nisard, qui veut plaire à tout le monde, pourrait bien ne satisfaire personne.

Il y a trois ans, les pluies de novembre m'empêchèrent d'aller voir la Chartreuse de Pavie. Hier, le ciel étant serein, j'ai mieux rempli mon désir de touriste et je m'en applaudis, car c'est bien beau et bien curieux. Le goût le plus élevé, les arts divers dans leur plus belle expression, la richesse dans sa magnificence s'y donnent la main, pour produire l'achevé. Malgré l'extrême richesse de l'édifice, rendu sous le dernier empereur d'Autriche aux Chartreux, ils n'y ont plus trouvé ni ornements d'églises, ni vases sacrés; pillés aux différentes phases révolutionnaires, tous les biens ruraux ont été également vendus. Il ne leur reste qu'une petite rente fort exiguë, et les aumônes et charités des fidèles, ce qui les expose à mourir de faim 227 au milieu des millions et des millions enfouis dans ce temple merveilleux.

Vienne, 22 avril 1856.—Ma route de Vérone ici s'est faite sans accident. Le passage du Semmering est surprenant de hardiesse et de beauté, le temps était clair, mais froid [187]. La végétation est arriérée de beaucoup, même sur celle de Vérone, et si le soleil brille, il ne chauffe guère.

Vienne, 26 avril 1856.—J'ai eu l'honneur d'être invitée à une petite soirée chez Mme l'Archiduchesse Sophie, où j'ai été présentée à la jeune Impératrice: aucun de ses portraits ne lui rend justice; elle est parfaitement jolie de visage, de taille, de jeunesse.

M. de Buol est revenu content de la paix de Paris, le comte Orloff s'en retournera enchanté: telle est, je crois, la vraie nuance.

Personne n'est plus à la mode ici que l'Empereur Napoléon: on l'admire, on le redoute, on le considère. Il est plus puissant dans l'opinion que ne l'était son oncle, parce qu'on n'était soumis à celui-ci que par la peur qu'il faisait, et qu'on se confie en son neveu par la peur qu'on a des autres. Il semble à tous un bonheur, une égide. Le prince 228 de Metternich en parle ainsi, et les plus grandes dames en disent autant.

Le Prince-Évêque de Breslau est ici, fort triste de l'état catholique en Prusse. Il dit que le métier de catholique n'y est plus possible, et je tremble de lui voir donner sa démission, ce qui me serait un chagrin personnel.

Vienne, 2 mai 1856.—J'ai eu, hier, une audience de congé chez l'Archiduchesse Sophie qui m'a dit que son second fils, l'Archiduc Maximilien, prince aimable et instruit, aimant la littérature et les arts, allait partir pour Paris, afin d'y voir l'homme le plus remarquable du siècle [188]. Je crois qu'il est chargé de compliments sur la naissance et en même temps d'assister au baptême [189]. Le comte de Mensdorff doit l'accompagner; on dit que le choix est excellent.

J'ai dîné hier chez Louise Schœnbourg avec le comte Buol, qui m'a dit que le... Roi... de Wurtemberg allait se rendre... à Paris... De Berlin, quelque Prince ne va-t-il pas suivre la même direction que l'Archiduc? Ce sera une course au clocher.

229 Berlin, 12 mai 1856.—Me voici arrivée ici, après m'être arrêtée à Dresde. J'y ai vu deux fois la charmante Princesse Royale, heureuse et gracieuse, son époux très aimable; il ne leur manque que d'avoir des enfants, mais cela manque beaucoup. Je me suis complu dans la nouvelle galerie de Dresde, qui fait bien mieux jouir des perles qui s'y trouvent qu'on ne pouvait le faire précédemment.

Sagan, 17 mai 1856.—J'ai quitté Berlin avant-hier. J'avais dîné la veille à Charlottenbourg, où je m'étais rencontrée avec le prince Windisch-Graetz, qui a été reçu avec beaucoup d'honneur à Berlin [190]. La Reine a été fort gracieuse. Le Roi a placé mon buste dans son cabinet de travail en pendant de celui de Humboldt.

On est plus russe que jamais à Berlin, on y exècre l'Autriche, on n'y aime pas la France, on y adore la Reine Victoria; mais on se défie de son Cabinet. Manteuffel a eu toutes les peines du monde à obtenir l'Aigle noir pour l'Empereur Napoléon. Hatzfeldt demande à grands cris l'apparition d'un prince prussien à Paris; jusqu'à présent, je n'en entends pas nommer. On espère à Berlin la visite de l'Empereur de Russie. Les médecins insistent pour que le Roi aille à Marienbad; il est visible qu'il en a grand besoin, car il est très maigri, vieilli et abattu. Humboldt s'affaiblit visiblement.

Sagan, 28 mai 1856.—Le voyage du Prince-Régent 230 de Bade [191] à Paris augmentera la liste princière qui se presse autour de l'Empereur Napoléon. Il y en a une bien étendue aussi en ce moment à Potsdam: on déloge toutes les dames d'honneur, on éparpille la Cour dans tous les temples, kiosques et berceaux des jardins, vie idyllique, fort peu commode pour les devoirs de la Cour. L'Empereur Alexandre, le Prince et la Princesse Royale de Wurtemberg arrivent demain. L'Impératrice veuve de Russie a atteint Potsdam, vivante; voilà le miracle qui en promet d'autres, par exemple: d'atteindre Wildbad, d'être à Moscou au couronnement de son fils, et à Palerme pour le 1er novembre. Tels sont ses projets.

Une correspondante de Mme la Duchesse d'Orléans me disait, il y a peu de jours, que la Duchesse est triomphante. Il y a, en effet, de quoi! Si son fils, au 24 août [192] prochain, chante la Parisienne, soldat du drapeau tricolore, il aura une belle position! Il pourra demander du service dans les zouaves de la Garde impériale. Que tout cela est pitoyable! Se désunir sur des mots, sur des titres, sur des nuances, quand on est encore si loin du but! Il semblerait qu'on n'a qu'à faire ses malles pour s'installer, les uns au pavillon de Marsan, les autres au pavillon de Flore. Jamais on ne s'est plus appliqué à jouer le jeu de 231 ses adversaires et à faire prendre racine à la dynastie napoléonienne. Je me souviendrai toujours, avec une triste satisfaction, que mon dernier mot adressé à la Duchesse d'Orléans, le jour où je la vis à Eisenach, en 1849, a été: «Tout ce que je désire, Madame, c'est que vous ne fassiez pas d'un Président un Empereur.» Elle a probablement oublié cet adieu, mais je m'en souviens pour déplorer d'avoir prédit si juste. Elle aura fait bien du mal à son fils.

Téplitz, 20 août 1856.—Le bruit répété que M. de Morny refuse, tout le long de sa route, d'épouser des princesses, tantôt en Saxe, tantôt en Mecklembourg, et aussi de Hohenzollern, est sans doute une mauvaise plaisanterie que font courir ses ennemis. Il me semble qu'il est assez ridicule avec son faste et ses fracas; on prétendait qu'il avait beaucoup de goût et de mesure. Eh bien, pas du tout [193]! Esterhazy a commencé dès Pétersbourg à donner des fêtes et à éblouir les Moscovites par un luxe non moins asiatique que le leur.

Le maréchal Pélissier, ou pour mieux dire, le duc de Malakoff succombe sous le poids des ovations et des honneurs [194]. Le maréchal Canrobert pourrait en avoir un 232 peu de jalousie, s'il ne possédait pas, à ce que l'on dit, cette vanité naïve dont la trame est impénétrable.

Il y a un peu de Pourceaugnac dans les hommes de ce temps-ci, y compris la berline dans laquelle le Comte de Paris, M. Thiers, le Duc de Chartres et Montguyon roulent ensemble à Hambourg et ses environs. M. Thiers est dans le fond à côté du Comte de Paris, et M. de Montguyon avec le Duc de Chartres sur le devant [195].

Téplitz, 21 août 1856.—Humboldt m'écrit merveille sur le mariage de ma petite-fille Castellane avec le prince Antoine Radzivill; puis, il me dit que la douloureuse, très gauche et un peu ridicule expédition du Prince Adalbert de Prusse sur la côte du Maroc fait à Berlin un effet qui ne saurait être comparé qu'à celui produit à Madrid par le désastre de la Grande Armada, il y a quelques siècles [196].

233 Sagan, 5 septembre 1856.—Voici une nouvelle épreuve. Mon excellent beau-frère, frappé en quarante-huit heures de plusieurs attaques d'apoplexie répétées qui lui ont nécessairement affaibli le corps et l'âme jusqu'à lui ôter enfin toute connaissance, a rendu hier le dernier soupir, à deux heures et demie de l'après-midi [197].

Berlin, 16 octobre 1856.—Le dédale d'affaires dans lequel je suis enfoncée par suite de la mort de mon beau-frère m'a obligée à venir ici. Des revenants de Moscou racontaient hier, à Sans-Souci, que les Granville y ont donné les meilleurs dîners, que les équipages de M. de Morny y primaient tous les autres; mais que c'était la fête donnée par le prince Esterhazy qui l'avait emporté par l'élégance, l'éclat, le bon goût, le grand air, sur toutes les autres fêtes, et qu'on y avait senti qu'on était chez un grand seigneur. Le prince Esterhazy, lui-même, m'a écrit la veille de son départ de Moscou qu'il était satisfait de son séjour, moins encore sous les rapports mondains que par l'espérance d'avoir adouci une partie de l'aigreur qui régnait entre les deux Cours.

Sagan, 20 octobre 1856.—La Duchesse de Gênes s'est remariée à un jeune officier qui était aide de camp de feu son mari; et cela à l'insu de tout le monde. L'époux est fort peu intéressant, peu considérable et peu considéré, 234 pas beau, n'ayant que la cape et l'épée. On dit qu'on ôte à la Duchesse la tutelle de ses enfants et qu'elle sera renvoyée en Saxe; mais il n'y a de certain, je crois, que le fait du mariage [198].

Au mariage de la Princesse Louise de Prusse [199], il y a eu un grand conflit de rang à la cérémonie et aux fêtes. Le Duc de Cobourg prétendait, comme Prince régnant et Souverain, avoir le pas sur les Altesses Royales puînées [200]. Le Roi de Prusse n'a pas accédé à cette demande et le Duc régnant de Cobourg a dû passer après le Prince Auguste de Wurtemberg, parce que celui-ci, neveu du Roi de Wurtemberg, a l'Altesse Royale, tandis que le Duc de Cobourg n'a que l'Altesse Ducale, excepté à la Cour d'Angleterre. Toute cette lutte a fort déplu; il y a eu menace de protestation, de notes diplomatiques; puis on s'est soumis; mais je suppose qu'on aura porté plainte à Londres.

Sagan, 25 novembre 1856.—On me mande de Dresde que le Roi de Sardaigne, sur les instances du Roi de Saxe, a rendu à la Duchesse de Gênes, sa fille, son titre, son nom, son rang, un petit apanage et une villa pour habitation. Le petit Prince et la tutelle lui sont ôtés.

235 Mes lettres de Paris disent que les Mémoires du maréchal Marmont y excitent une indignation générale; il y dit un mal affreux de tout le monde, femmes et hommes; et en particulier, il est atroce pour sa femme, âgée de soixante-treize ans, dont il a dévoré une grande partie de la fortune [201]. M. de Falloux ne sera reçu à l'Académie qu'au mois d'avril. Mme de La Ferté, qui est à Venise, et les d'Ayen, qui sont en Sicile, ne revenant qu'alors, veulent entendre, comme de raison, l'éloge de M. Molé.

On dit que l'Impératrice veuve de Russie mène un train énorme à Nice et qu'elle y dépense un million de francs par mois.

Il y a eu des petits bals à Saint-Cloud. Au premier bal, l'Impératrice Eugénie était mise très simplement; elle avait une robe de satin blanc, sans garniture, avec un simple ourlet; le bruit se répandit aussitôt qu'elle allait adopter une toilette simple pour diminuer le luxe ruineux des femmes; les maris s'en réjouissaient fort; mais au bal suivant, les falbalas, les dentelles, etc., ont reparu, et les maris de soupirer!

Outre ces détails frivoles, on me mande ce qui suit: «La situation politique est toujours tendue, le système des concessions a commencé: à l'intérieur, par l'abandon du voyage de Fontainebleau, à l'extérieur par mille complaisances pour l'Angleterre. La situation est encore très 236 forte; il suffirait de deux bonnes récoltes pour la remettre dans son plus beau jour; mais le défilé que nous traversons offre des difficultés qui ne deviendront pas des périls, quoi qu'en dise l'opposition, mais qui obligent à tenir les yeux ouverts. La crise financière s'amende, dans deux mois on croit qu'elle sera terminée.»

Une autre lettre me dit ceci: «La princesse de Lieven s'est encore fourvoyée dans ses tentatives d'alliance russe. Quelle intrigante! Si son esprit est distingué dans la forme, il est bien peu clairvoyant dans le fond. Elle a aidé à la chute de M. Guizot, elle a précipité M. de Kisseleff, il y a trois ans, en lui faisant écrire que la guerre était impossible; aujourd'hui, elle a compromis notre alliance anglaise par des intrigues avec Fould et Morny.»

Sagan, 2 décembre 1856.—J'apprends que l'Impératrice douairière de Russie ne se plaît pas trop à Nice, et qu'elle se rendra en février à Rome, avec tout ce qui voyage en fait de Grands-Ducs et de Grandes-Duchesses moscovites. La Grande-Duchesse Hélène veut faire jouer la comédie dans la villa qu'elle habite à Nice; mais les éléments manquent. Beaucoup de personnes de la société niçoise s'abstiennent de forcer la consigne impériale qui a blessé. Le Corps consulaire n'a pas été reçu comme tel et ne veut pas arriver sous un caractère privé. En tout, on dit Nice, cette année, triste et ennuyeux à force de grandeurs. L'Impératrice se plaint surtout... de quoi?... de la laideur de la population, à commencer par celle du Roi de Sardaigne qu'elle trouve si laid qu'elle dit ne pouvoir l'envisager!

237 La Reine Marie-Amélie est ravie du mariage de sa petite-fille de Belgique. Il est certain qu'on se marie mieux en s'appelant Cobourg qu'en s'appelant Orléans [202]. La Princesse Charlotte avait refusé le Roi de Portugal, le Prince héréditaire de Toscane et le Prince Georges de Saxe. Je lui sais gré d'avoir été sensible à l'élégante distinction du jeune Archiduc qui, malgré la lèvre de sa famille, me rappelle le Duc d'Orléans. Il est aimable, instruit, ayant le goût des arts et un tour d'esprit poétique, animé, chevaleresque qui m'a toujours infiniment plu; il a, d'ailleurs, le don de cette conversation facile, abondante, diversifiée qui rend Madame sa mère si parfaitement agréable.

Le discours royal d'ouverture des Chambres à Berlin annonce un surcroît d'impôts qui provoquera de grands éclats aux Chambres, et de nouvelles causes de malaise, de mécontentement dans le pays, s'il est adopté; on y a déjà pas mal d'humeur [203].

Sagan, 16 décembre 1856.—Mon pauvre ami Salvandy va de mal en pis, souffrant affreusement, objet de dégoût pour lui-même comme pour les autres; il ne permet plus qu'on vienne à lui, il ne reçoit que l'évêque d'Évreux, M. de Bonnechose, qui d'Évreux vient à Graveron 238 pour le consoler. Il paraît que tout se passe à la satisfaction réciproque entre ces deux âmes.

Il me revient que les affaires politiques, qui avaient un moment assombri les Tuileries, s'améliorent; que le Congrès a été inventé pour cimenter de nouveau l'alliance anglo-française [204].

On croit que la France cédera sur Belgrade et les Principautés danubiennes, en ayant l'air de suivre la majorité, et que l'Angleterre cédera, sur la forme, en acceptant une nouvelle réunion du Congrès, que d'abord elle ne voulait pas. La situation des personnes reste excentrique.

M. Walewski, brouillé avec lord Cowley et avec M. de Persigny, est tenu éloigné des relations avec ces deux personnages, qui traitent directement avec l'Empereur. On accuse Walewski d'avoir été trop russe. Les Russes ont l'oreille basse pour le quart d'heure à Paris, se voyant abandonnés par les uns et battus par les autres.

Sagan, 22 décembre 1856.—M. de Salvandy est délivré de la fatigue de vivre! Il a fini chrétiennement, ne le plaignons pas; réservons notre pitié pour ceux qui portent le fardeau écrasant des peines journalières. Quand on 239 voit disparaître les êtres qui se trouvaient mêlés aux souvenirs de notre existence, tout un monde de choses se réveille et se dresse devant nous; c'est un anneau de la chaîne du passé qui se brise, et combien d'anneaux sont déjà rompus de la mienne! En voyant nos contemporains, les témoins de notre jeunesse disparaître, on se rappelle telle circonstance, telle soirée, pleines d'émotions vives, où ils étaient spectateurs; puis tout s'engloutit dans un tombeau ouvert avant le nôtre. Avoir creusé le fond des choses humaines et rester de force lié au monde est souvent une bien lourde épreuve! J'ai des jours d'épuisement si profond, d'angoisse si vraie que le train monotone de la vie me trouve sans force pour y faire face. La faculté de souffrir est inépuisable, tandis que celle de jouir s'émousse de plus en plus. Quand le serrement de cœur est arrivé à un certain point, il faut renoncer à le voir s'épanouir jamais plus, et on s'étonne d'avoir encore des larmes ou des soupirs pour autre chose!

Sagan, 29 décembre 1856.—J'ai une lettre de Paris dans laquelle on me parle d'une correspondance entre lord Palmerston et M. Walewski, au sujet du violent langage du Morning Post contre ce dernier. Lord Palmerston a écrit à Walewski, dit-on, qu'il était surpris que celui-ci s'étonnât de ce langage, qu'il paraissait avoir oublié que ce même journal était sous son influence et sous son inspiration pendant son ambassade à Londres et qu'alors M. Walewski l'avait employé à perdre M. Drouyn de L'Huys, ce à quoi il avait réussi; que maintenant, ce même 240 journal, inspiré par M. de Persigny, suivait les mêmes traditions pour perdre M. Walewski et qu'il n'y avait rien là qui puisse surprendre celui-ci.

Le jeune lord Shrewsbury, récemment mort, a laissé, dans l'intérêt catholique, la plus grande partie de sa fortune au second fils du Duc de Norfolk actuel. The Earl Talbot, héritier du titre de Shrewsbury, soutenu par tout le parti protestant, conteste ce testament: de là, procès qui sera jugé au prochain Parlement [205].

Il y a eu dernièrement à Paris une soirée chez lady Holland, toute de pièces de rapport. La maréchale Serrano y brillait de tout l'éclat d'une charmante beauté, Mme Barrington de l'éclat de sa touchante pâleur; Villemain y dissimulait sa laideur sous la vivacité de ses propos malins; Guizot y haussait la tête plus que jamais; Thiers roulait son pétulant embonpoint; Mme de Lottum, belle encore comme un beau soir, y parlait de son départ pour Berlin; Mme Delmar, qui vend son bel hôtel, s'informait si on pouvait décemment habiter rue de l'Université; la duchesse d'Istrie, dans ses habits de deuil, semblait dire: Je suis veuve. Lord Holland souriait à la beauté des femmes et lady Holland circulait dans sa bonbonnière avec bonne grâce et belle humeur, au milieu de cinquante crinolines. Voilà un petit tableau de genre que je mets sur le chevalet.

241

1857

Berlin, 9 janvier 1857.—L'assassinat de l'archevêque de Paris [206] m'a fort émue par le fait en lui-même, comme par tout ce qui réveille en moi le souvenir de son avant-dernier prédécesseur, qui n'a pas été tué d'un seul coup, mais qui a succombé à une série de persécutions d'autant plus pénibles pour lui qu'il sentait l'Église attaquée dans sa personne.

Je lis maintenant, après avoir achevé les lettres édifiantes, et toutes admirables, de Mme de Maintenon, les Mémoires de l'abbé Ledieu sur Bossuet. Décidément, je ne me sens à l'aise que dans la compagnie du grand siècle [207].

242 Berlin, 15 janvier 1857.—On savait que M. de Morny courtisait une jeune Américaine qu'il devait épouser; elle devait venir ici à sa rencontre, et il la plante là pour épouser une Russe [208]. Mme Le Hon n'est pas moins consternée que l'Américaine; une lettre formelle (qu'elle montre) lui a signifié son arrêt. Cette lettre dit qu'en se mariant il cédait au désir de l'Empereur et de la France! Puis il finit: «Ne me répondez pas de lettre; seulement, par le télégraphe, le seul mot: J'approuve.» Les quolibets, épigrammes, bons mots pleuvent à Paris sur les différents acteurs de cette étrange et vulgaire comédie.

Berlin, 20 janvier 1857.—Louis-Napoléon est fort à la mode ici en ce moment. On reconnaît bien ce qu'il y a d'humiliant à être son protégé, mais on est bien aise de l'efficacité de cette protection; on s'en targue à l'égard de l'Autriche, qu'on déteste, et de l'Angleterre, dont on est mécontent. Quant aux aboyeurs imbéciles, ils vous disent tout simplement qu'il a suffi de mobiliser l'armée pour faire céder les Suisses. Mais maintenant que les Neuchâtelois sont mis en liberté, fera-t-on de nouvelles conditions [209]? Ira-t-on, en ce sens, au delà de ce qu'on a fait 243 savoir verbalement au grand protecteur. Il y a des personnes qui le craignent, car un certain parti y pousse à force. D'un autre côté, Hatzfeldt mande de Paris que si on ne tient pas implicitement ce qu'il a eu la simplicité de rapporter, sans avoir rien d'écrit, le protecteur pourrait bien s'en irriter grandement. Hübner et Cowley, dit-on, guettent ce joint. Ainsi, on ne peut pas dire qu'on soit hors de la crise; seulement, elle est dans une nouvelle phase moins guerrière, mais non moins déplaisante.

Berlin, 30 janvier 1857.—La voilà donc morte cette femme dont le salon sera regretté. Ici, on est curieux des détails de sa fin, mais on n'est que curieux. Mme de Hatzfeldt, dont le mari est malade, a mandé télégraphiquement, au ministre Manteuffel, la mort de Mme de Lieven, et celui-ci l'a annoncé au Roi et à la Famille Royale; cela a paru un peu ridicule. Malgré les dix ans que Mme de Lieven avait de plus que moi, je la regardais comme une contemporaine; je l'ai tant pratiquée, son souvenir se mêlait à des années qui ont été si riches et si remplies pour moi que j'ai été émue de sa fin. Ce grand gouffre du passé se remplit si vite qu'il n'y a presque plus place que pour moi; et même, je ne tarderai guère à la prendre.

Berlin, 1er février 1857.—On me mande de Paris que Mme de Lieven a eu peu d'agonie, qu'elle a reçu la communion 244 l'avant-veille de sa mort, qu'elle connaissait et envisageait son état avec calme. On assure qu'elle a écrit, la veille de sa mort, une lettre à M. Guizot pour lui être remise après sa fin. M. Guizot l'avait quittée, ainsi que Paul de Lieven, à dix heures du soir, pour revenir le lendemain matin; mais elle a expiré à minuit et demi. Elle a laissé un testament par lequel elle demande à être enterrée en Russie. Dès le lendemain de sa mort, M. Guizot était à une séance à l'Académie, y lisant un morceau sur M. Biot.

Berlin, 8 février 1857.—J'ai vu ici les Meyendorff accablés par la mort de leur fils. Ils racontent que Mme de Lieven, après avoir imploré les médecins de la tirer d'affaire, est devenue toute calme, résignée, simple et courageuse, lorsqu'elle a vu que les secours humains étaient inutiles. Elle a nommé le duc de Noailles et le duc de Montebello exécuteurs testamentaires. Le premier m'a écrit qu'elle ne laissait pas précisément des mémoires, mais beaucoup de morceaux détachés et force correspondances. Elle a laissé huit mille livres de rente viagère à M. Guizot, cent mille francs comptant à son neveu Benkendorff, vingt-cinq mille francs à chacune des petites Ellice, un bijou et de l'argent à sa demoiselle de compagnie. M. Guizot écrit des lettres sur du papier à larges bords noirs, papier de veuf. Il y a des personnes qui croient au mariage. Il a paru très affecté auprès du lit mortuaire, ce qui ne l'a pas empêché d'aller le lendemain à une séance préparatoire de l'Académie; c'est lui qui a écrit dans les Débats l'article nécrologique.

245 Les journaux anglais placés sous l'inspiration de lord Palmerston disent du mal de Mme de Lieven, ceux de l'influence opposée en disent du bien; les uns trop de bien, les autres trop de mal: cela se passe toujours ainsi.

Berlin, 21 février 1857.—J'ai reçu le sixième volume du duc de Raguse; je le lis et je trouve, à part la partie militaire que je ne sais pas apprécier, ces mémoires curieux, non pas par le sens politique, dont ils ne portent pas le caractère, mais par l'appréciation du caractère de Napoléon; on y voit très bien comment a grandi l'Empire et comment il s'est écroulé. Quant au duc de Raguse lui-même, il est si content de lui qu'on ne prend aucun intérêt à ce qui lui arrive d'heureux ou de malheureux; comment plaindre celui qui a vécu dans la béatitude de l'orgueil?

On admire beaucoup le dernier discours de l'Empereur Napoléon III. Je suppose que M. Thiers doit en admirer surtout la dernière phrase [210]. Au fait, il est l'homme qui, sans s'en douter, a le plus servi au réveil du bonapartisme 246 en France: le retour des cendres de Sainte-Hélène et son ouvrage sur le Consulat et l'Empire ont frappé les imaginations populaires. Il ne s'est guère embarrassé de son amour de la liberté pour louer l'esprit le plus despotique des temps modernes.

Quelqu'un qui arrive de Paris disait ici, il y a quelques jours, que les amis libéraux de Thiers sont aigris contre lui, qu'ils le tiennent en suspicion, tandis que lui-même déborde de satisfaction personnelle. Quel singulier temps! Quelle confusion!

Sagan, 28 février 1857.—M. de Humboldt a eu une petite attaque d'apoplexie, la veille de mon départ de Berlin; la tête restait libre, mais ses jambes avaient peine à retrouver quelque mouvement. Le médecin Schœnlein ne voyait aucun danger immédiat; mais il a dit que l'adieu suprême ne pouvait guère tarder.

J'ai trouvé ici plusieurs lettres qui m'y attendaient. Il y en a une partant du camp doctrinaire ou, au moins, d'une affiliée, qui me dit: «De l'aveu de tous nos amis, les torts, dans les malheureuses dissidences qui ont de nouveau éclaté entre les deux branches de la Maison de Bourbon, les torts sont, dit-on, du côté des Princes d'Orléans. Ils semblent retomber sous le joug de leur belle-sœur. M. le Comte de Chambord vient de répondre au duc de Nemours, et cette réponse a complètement satisfait nos amis [211]. La rupture n'éclatera pas publiquement encore, 247 mais je crains bien qu'elle ne devienne inévitable.»

D'autre part, on me dit que l'aigreur augmente entre les légitimistes pur sang et les orléanistes violents, et cela par l'imbroglio nouveau résultant de la mission de M. de Jarnac envoyé à Venise par le duc de Nemours. La réponse du Comte de Chambord a été portée à Claremont par M. de La Ferté. Le Comte de Chambord avait reçu la lettre de son cousin sans l'ouvrir devant M. de Jarnac, lui disant qu'il y répondrait plus tard. M. de Jarnac s'était rendu de Venise à Gênes près de Mme la Duchesse d'Orléans; en route, il a reçu une dépêche télégraphique du duc de Nemours lui enjoignant de ne pas communiquer à la Duchesse d'Orléans une copie de la lettre adressée par lui au Comte de Chambord, quoiqu'il se rendît à Gênes dans ce but. La réponse portée par le marquis de La Ferté dit que l'on ne peut rien faire, rien discuter, loin de la France et sans elle. Cette réponse me plaît assez, je l'avoue. Elle est, ce me semble, la seule raisonnable à la pression exercée par les Princes d'Orléans qui veulent que le Comte de Chambord s'engage, dès aujourd'hui, à prendre le drapeau tricolore, à promettre le gouvernement représentatif (bien tentant, en effet, d'après ses beaux résultats pour les deux branches) et le suffrage universel. Voilà ce que les d'Orléans appellent le baptême de la légitimité. En attendant, le Comte de Paris, actuellement à Gênes, se pâme d'aise en contemplant la garde nationale piémontaise. Quel avenir cela promet à la France, si ce jeune homme y rentre en souverain! Nous y reverrions un second roi-citoyen. Le Comte de Chambord a donné l'ordre 248 à son monde de ne publier sa réponse au duc de Nemours que si celui-ci faisait publier sa lettre à lui.

Il y a eu dernièrement dîner chez le ministre d'Autriche à Paris, M. de Hübner, auquel assistaient le duc et la duchesse de Galliera, M. de Flavigny et autres fusionnistes, et auquel se rendirent, par méprise du jour indiqué, en outre, le général Fleury et sa femme. On peut imaginer la figure que firent le maître de la maison, plus aplati que jamais dans sa maigreur, d'une part, et les violents fusionnistes, de l'autre. La grimace de la duchesse de Galliera l'enlaidissait fort. Le général Fleury disait de son côté: «Passe pour les autres, mais pour M. de Flavigny dont j'ai lu une lettre sollicitant une place de sénateur, c'est trop fort!»

En vérité, quand je me représente ce que deviendrait le monde si tourmenté par ses instincts socialistes et par ses associations secrètes et sanguinaires, sous le règne du Comte de Paris, élevé par Madame sa mère qui est pire encore que Mme de Genlis... quand je songe au peu que pourrait M. le Comte de Chambord, seul, sans postérité, contre la masse d'intrigues, de perfidies, de trahisons qui neutraliseraient, dès le début, l'union si peu franche des deux branches, je me prends à désirer que l'homme taciturne ne quitte pas de longtemps le terrain difficile, dangereux sur lequel il a su se maintenir jusqu'à présent. M. de Talleyrand disait: «Ce ne sont pas les dupes qui manquent, ce sont les charlatans.» Eh bien, il y a des moments où ils sont les seuls héros possibles, comme il y a des maladies que les empiriques seuls guérissent ou, du moins, 249 s'ils ne guérissent pas, ils empêchent de mourir trop tôt.

Sagan, 2 mars 1857.—On me mande de Vienne que l'on jette la pierre à Marmont sur le portrait plus juste que flatteur de M. de Metternich qu'il a mis dans ses Mémoires. On dit, avec raison, que ce n'était pas à lui, Marmont, comblé par le vieux prince, de livrer au public un portrait aussi peu flatté. En effet, ce n'est pas la reconnaissance qui paraît avoir été la tendance principale de Marmont. Il y a un passage, entre autres, dans le sixième volume, où Marmont énumère ses motifs pour ne pas se croire des obligations envers l'Empereur Napoléon 1er, qui m'a semblé assez vilain dans ses vulgaires détails. Du reste, voilà une preuve de plus de l'inconvénient de publier trop vite. Quand on écrit pour des contemporains, il faut peindre avec des nuances adoucies qui nuisent à la vérité, et quand on veut parler selon le fond de sa pensée, il ne faut s'adresser au public qu'après avoir mis le dernier contemporain sous terre.

Sagan, 14 mars 1857.—La faveur de M. de Morny auprès de l'Empereur Napoléon pâlit de plus en plus; on le tiendra à Saint-Pétersbourg assez longtemps, puis on l'engagera à continuer son honey-moon [212] en Auvergne. Il n'aura pas de sitôt une situation officielle, pas même celle de président du Corps législatif.

J'ai reçu, hier, une lettre datée de Paris de M. de Falloux. 250 J'ai confiance dans les impressions de cette nature si finement et si délicatement organisée. Voici un passage de cette lettre: «J'aurais dû trouver ici bien des changements, et je ne vois, au contraire, que des sentiments et des partis pris qui se tiennent imperturbablement à la même place, aussi bien dans le sens favorable que dans le sens opposé à mes propres vœux. Les hommes qui ont vu les derniers événements de famille [213] tourner contre eux, n'aiment pas à s'avouer battus; ceux qui sont parvenus à leurs fins, ou à peu près, sont effrayés de la partie qui leur reste à jouer, et n'en semblent que plus préoccupés de chanter victoire. En attendant, tous les résultats immédiats profitent au possesseur actuel; mais, à mesure que ses ennemis le servent mieux, ses amis le servent plus mal, cela rétablit l'équilibre.»

Sagan, 24 mars 1857.—L'Empereur Napoléon a donné tout dernièrement à Mme de Castiglione une émeraude de cent mille francs, la plus belle qui existe. On dit que jamais belle n'a été aussi intéressée. Ce qui fait tourner, non pas une tête couronnée, mais toutes les têtes couronnées ou non, à Paris, c'est un Américain nommé Hume qui produit gratis des effets étranges. Il tient son principal domicile chez la princesse de Beauveau. On assure qu'il a mis la comtesse Delphine Potocka en communication avec Paul Delaroche, mort il y a quelques semaines. J'ai plus d'une raison pour ne rien nier, rien 251 contester; mais si je crois que Dieu, dans sa miséricorde ou dans son courroux, permet de certaines exceptions aux règles communes, dont sa sagesse nous a environnés, je trouve qu'il y a profanation, péché à chercher spontanément, curieusement à soulever le voile. Cela ne peut être que contraire au salut. Ce que Dieu envoie sans notre recherche, ah! c'est différent; il y a des grâces spéciales à ce qu'il permet, à ce qu'il autorise; mais quand c'est nous qui prévoyons, ce n'est plus que l'amour du démon qui nous pousse. Voilà, je le sais, une doctrine toute hypothétique, fort contestable, mais non pas fausse; du moins, elle n'a rien dont la foi puisse s'offenser. J'ose dire qu'elle contient du vrai plus qu'on ne pense.

On me dit que Guizot court le monde, les salons, qu'il se mêle aux foules, comme si de rien n'était; vraiment la sécheresse de son cœur n'a d'égale que celle du cœur auquel il était uni.

Ce qui est plus fâcheux pour le public, c'est que M. Cousin est assez malade pour interrompre forcément ses études sur les femmes du dix-septième siècle. J'en suis désolée, car je n'aime en fait de peintres de portraits que ceux qui embellissent haut la main; s'il est évident que M. Cousin peint trop favorablement nos grandes et belles devancières qui nous laissent, pauvres pygmées que nous sommes, si loin derrière elles, il nous repose, du moins, de l'esprit libellique qui est un miroir plus infidèle encore.

Mignet vieillit; on le dit fini. La perte de ce qui lui semblait la liberté a brisé un esprit qu'aucune chaleur 252 d'âme ne nourrissait. Il avait une conviction qui lui échappe; des sentiments, non. Il paraît que Thiers surnage mieux; on dit qu'il vit en assez bonne harmonie avec un pouvoir qu'il ne veut pas servir, mais qu'il est bien aise de conseiller dans l'occasion. Pour passer le temps, il court les ventes, les marchands de curiosités, et il jouit des succès de son livre [214].

Sagan, 27 mars 1857.—On m'écrit de Paris de nouveaux faits encore étranges du fameux M. Hume. Il vient d'aller chercher en Amérique sa sœur qui possède, dit-il, à un plus haut degré que lui une puissance électro-magnétique formidable. La duchesse de Vicence, une des plus incrédules en toute chose, esprit fort, a eu son mouchoir arraché de ses mains, quelque insistance qu'elle y mît, et cela par deux mains dont on n'apercevait pas les bras. On me cite d'autres nouvelles que je ne répéterai pas, parce que les croyants sont, en ce genre de choses, moins croyables que les incrédules. Baissons la tête, ne contestons pas ce que nous ne pouvons expliquer, mais n'augmentons pas le nombre des curieux, de peur de tomber au pouvoir du mauvais esprit, en sortant des limites tracées par une sage Providence.

Sagan, 2 avril 1857.—J'ai lu le discours de M. de Falloux à l'Académie; il faut lui savoir gré d'avoir, par prudence et modération, renoncé à l'éclat, et de s'être borné 253 à l'élégance du style, à la délicatesse d'expression, à la finesse d'aperçus et, en général, au plus exquis bon goût ajouté encore à une charmante modestie [215].

Sagan, 8 avril 1857.—Il paraît qu'on s'attend, à Paris, à ce que le Pape oblige l'évêque de Moulins [216] à donner sa démission. Il est, hélas! à ce qu'il semble, atteint de la maladie qui a déjà frappé plusieurs personnes de sa famille, entre autres un frère aîné, jadis charmant homme, et mort avec la camisole de force. Mgr de Moulins mériterait presque qu'on la lui mît, quand il fait défendre en chaire la lecture de Bossuet comme schismatique et protestant.

M. de Morny ne tardera pas à quitter la Russie; il ne fera que traverser Paris pour aller en Écosse chez M. de Flahaut. Mme de Castiglione, dont le règne finit, retourne en Piémont, munie de la colossale émeraude.

A l'occasion de l'élection de M. Émile Augier à l'Académie, il s'est manifesté une aigreur inaccoutumée parmi les quarante immortels. Les voltairiens ont été attaquants, les catholiques véhéments, les ralliés au gouvernement actuel exigeants, les opposants intolérants. Ce que M. de Fontanes appelait la liberté de la république des Lettres en est aussi à la licence, au fractionnement infini. On y 254 voit, comme ailleurs, des dissidents, des schismatiques, des hérétiques s'excommuniant les uns les autres, ce qui achèvera de perdre le peu de sagesse, de bon goût, de courtoisie qui s'était réfugié à l'Académie comme son dernier asile.

Sagan, 17 avril 1857.—Dans l'audience académique que M. de Falloux a eue aux Tuileries, et qui s'est passée très gracieusement, l'Empereur lui a dit: «Le désordre nous avait rapprochés, je regrette que l'ordre ne nous ait pas réunis!» Un instant après, il a ajouté: «J'espère que le temps de votre Ministère [217] est entré pour quelque chose dans le choix de l'Académie; j'aurai ainsi un peu contribué à votre élection, et j'en suis charmé.» Le reste n'a été qu'un échange bienveillant de propos sur le théâtre de l'Empire entre M. Brifaut et l'Empereur.

Sagan, 22 avril 1857.—La comtesse Colloredo m'écrit de Rome, en date du 14: «Il arrive deux fois par jour des dépêches télégraphiques qui se contredisent sur l'arrivée de la Czarine ici. Il paraît que c'est décidément demain qu'elle apparaîtra. La Grande-Duchesse Olga n'a voulu recevoir jusqu'à présent que les Russes, les Ambassadeurs et les Ambassadrices; le reste du Corps diplomatique et les dames italiennes sont ajournées. Nous avons été reçus en particulier; elle a été fort aimable pour mon mari qu'elle a connu à Saint-Pétersbourg, et très polie 255 pour moi; mais je lui ai trouvé les manières et le langage cassants; il paraît que c'est le ton des Princesses Impériales russes. Son visage, son regard sont très froids; elle me paraît ressembler beaucoup à feu son père; cependant, de temps à autre, il se répand sur ce visage régulier un ravissant, mais triste sourire. La Grande-Duchesse Olga a été chez le Saint-Père; elle lui a baisé, non pas la mule, mais la main. Le jour de Pâques, sous le prétexte de quelques nuages peu effrayants, on a contremandé l'illumination de Saint-Pierre, et, le lendemain, le feu d'artifice du Pincio. Le dessous des cartes, c'est qu'on a voulu garder ces deux admirables coups d'œil pour la Czarine; et cela, à la grande fureur des dévots et des convertis. L'illumination de Saint-Pierre aura donc lieu le jour de Pâques grecques, et cela pour une souveraine schismatique! Tout ceci produit des commérages gigantesques. Grégoire XVI, le dernier Pape, n'aurait pas remis l'illumination.»

Sagan, 5 mai 1857.—On dit qu'il y a eu, à la suite d'un dîner chez la maréchale d'Albuféra, un assaut entre la duchesse de Galliera et M. Thiers qui doit avoir été piquant, la Duchesse soutenant la discussion contre le grand jouteur avec une fermeté remarquable. C'était à propos d'un article de M. de Montalembert qui a valu un avertissement au journal qui l'a publié. Thiers soutenait qu'il n'était pas vrai que tous les hommes politiques en France eussent changé d'opinions, que chacun avait commis des erreurs, à commencer par Napoléon Ier et 256 Louis-Philippe; mais que pour les hommes sérieux, il en connaissait plus d'un qui était resté fidèle à ses doctrines, que souvent, en France, on se distrayait en changeant de goûts et d'occupations, mais non pas d'opinions. Puis, il a ajouté: «Quant à moi, je n'ai plus envie de rien dire au public; aussi je ne me plains nullement de la loi qui régit la presse; après tous ses excès, elle n'a eu que ce qu'elle méritait; personne dans le pays ne s'y intéresse, ne s'en soucie; parfois on regrette la liberté de la tribune pour ce qui regarde les finances, mais à ce point de vue uniquement; et on a maintenant une bien autre liberté que sous le premier Empire.»

Que dire de ce langage de la part de quelqu'un qui prône la fixité des opinions. Ne se donne-t-il pas un démenti à lui-même?

On m'écrit ceci sur l'arrivée du Grand-Duc Constantin à Paris: «Le Grand-Duc Constantin est arrivé hier pour notre gloire plus que pour la sienne. S'il vient pour sonder les secrets de notre civilisation, son séjour sera bien court, et s'il compte enlever notre alliance, je crois qu'il se trompe [218]

257 Il paraît qu'il y a une lettre singulière de feu la duchesse de Broglie à Schlegel, publiée dans les œuvres complètes de celui-ci. Elle lui écrit au sujet des difficultés de Schlegel sur la religion. Cette lettre est curieuse pour ceux qui ont connu la duchesse de Broglie, à cause des révélations sur elle-même, bien plus que par la force des raisonnement. Elle dit par exemple: «Je sais, et par expérience, que l'âme peut souffrir plus que tous les tourments du corps, si elle se trouve vide, dépouillée, privée des objets qui lui plaisent et ne pouvant rien aimer de ce qui l'entoure.»

Quel aveu! Le plus étrange, c'est que c'est son mari et sa famille qui viennent de faire imprimer séparément cette lettre, et qu'ils la distribuent de tous côtés; tant les caractères imprimés portent à la tête des doctrinaires, qu'ils ne s'embarrassent pas qu'une des leurs dise qu'elle ne pouvait les souffrir. Les drôles de gens! La Duchesse a évidemment souffert du manque d'affection, mais son organisation ne l'a pas entraînée, et l'extrême froideur qui règne dans tout ce qu'elle a écrit prouve que l'abstraction a pu lui suffire. Dieu lui a fait là une grande grâce! L'aridité, ou du moins la sécheresse, vient quelquefois en aide à la vertu.

Un mot encore de Rome. L'Impératrice, et les quatre-vingts chevaux qu'elle a réclamés, ont fait leur entrée à Rome, au milieu d'une foule morne, effrayée de la maigreur de squelette de la Czarine. Cette robuste mourante a été, dès le lendemain, à Saint-Pierre et y a marché d'un pas très ferme; puis de là, elle s'est rendue à la villa 258 Borghèse par un temps désagréablement refroidi à la suite d'un gros orage; cela n'a pas empêché l'Impératrice de descendre de voiture, de s'asseoir dans une allée, de demander le nom des promeneurs et d'en faire appeler (qu'elle ne connaissait pas) pour leur parler. Le lendemain, elle devait aller chez le Saint-Père, le jour après à son église grecque et recevoir tous les Russes. On ne pense pas qu'elle s'amuse à Rome pendant les trois semaines qu'elle compte y rester; elle doit retourner par mer à Gênes, puis par Turin et la Suisse à Wildbad. La société romaine, qui affiche depuis quelque temps une grande insouciance pour tout ce qui est princes et rois, ne fait rien pour la divertir. On ne parle que d'un déjeuner offert à la Czarine par les Doria dans leur belle villa Pamphili.

Sagan, 8 mai 1857.—On m'écrit encore de Rome que l'Impératrice de Russie, en se rendant chez le Saint-Père, a demandé à celui-ci de lui montrer tout son appartement, y compris la chambre à coucher où jamais femme ne peut entrer. Le Saint-Père y a cependant consenti, et a mené cette importune personne partout. Il me semble qu'il a eu grand tort, et qu'il aurait dû tout simplement lui dire que jamais aucune personne du sexe féminin n'y pénétrait.

Le ciel romain est moins complaisant; car, après un hiver d'une sécheresse remarquable, il ne cesse de pleuvoir à verse depuis que la Czarine est présente.

Sagan, 12 mai 1857.—A la fête donnée à Villeneuve-l'Étang, 259 près Paris, par l'Empereur Napoléon au Grand-Duc Constantin de Russie, malgré les brodequins en gros-de-naples et les plus magnifiques dentelles, il y a eu des parties de barre jusqu'à huit heures du soir, des courses sur les collines où on simulait l'assaut d'un château fort; puis des promenades sur l'eau, l'Impératrice ramant et conduisant une petite barque! l'Empereur courant de vrais dangers sur une planche qu'on appelle patin, sur laquelle il faut une adresse infinie pour se tenir en équilibre, et qu'il conduit avec une dextérité remarquable. N'est-ce pas comme un apologue! La Grande-Duchesse Stéphanie était au milieu de toute cette joie, malgré son âge et un changement qui a frappé tout le monde. Elle est revenue à huit heures du soir à Paris en calèche découverte.

Lord Cowley a engagé le Grand-Duc Constantin à aller en Angleterre; il se bornera à une course à l'île de Wight.

Sagan, 24 juin 1857.—Quelqu'un, de l'entourage de la Reine de Prusse, me mande de Téplitz que le Roi comptait aller, de Marienbad, faire une courte visite à Vienne, avant de venir prendre la Reine, à Marienbad, pour se rendre avec elle à Sans-Souci, où on attend la Czarine veuve, le 18 juillet [219].

260 Sagan, 31 juillet 1857.—J'entends dire de tristes choses sur la santé du roi de Prusse. L'état moral se ressent de la dernière secousse, par une extrême agitation. Il dit lui-même: «Je suis à bout.» On lui épargne les affaires; mais cela ne saurait durer ainsi, car il y a des choses qu'il est urgent de décider; bref, c'est un état de santé qui se remettra sans doute, mais le coup de tocsin a sonné.

Günthersdorf, 17 août 1857.—On m'écrit que le jour où le feld-maréchal Radetzky a quitté Vérone pour se rendre à Milan, où il va finir les quelques jours qu'il lui reste à passer sur cette terre, il a été entouré d'ovations par les indigènes; on avait tapissé les rues, toute la population de Vérone était au débarcadère; il y a eu des vivats, sans fin. C'est le seul Autrichien qui trouve franchement grâce auprès des Italiens. Je suis bien aise qu'il ait eu ces acclamations pour dernière joie humaine. Son successeur, l'Archiduc Maximilien, et sa jeune épouse doivent être arrivés hier à Venise; s'ils y sont bien reçus, ils y resteront plusieurs semaines; sinon, ils iront sans délai à Milan.

On mande de Toscane que l'arrivée du Pape y a causé de grandes discussions à cause du cérémonial. Le Nonce voulait que le Grand-Duc précédât à cheval la voiture du Saint-Père à son entrée à Florence, comme l'a fait le Duc de Modène. Après force parlementage, il a été décrété que le Grand-Duc héréditaire et son frère iraient au-devant du Pape, jusqu'à la frontière, et toute la famille 261 Grand-Ducale à la station delle tre Maschere, à trois heures de Florence, auberge dont Boccace fait mention dans son Décaméron [220].

Le général de Goyon prépare un grand bal superbe à Rome pour la Saint-Napoléon; mais, hors deux vieilles centenaires et trois jeunes femmes en couches, il n'y a pas une seule femme mobile de la société à Rome. Qui est-ce qui dansera [221]?

Günthersdorf, 26 août 1857.—Le Saint-Père a été reçu par la cour de Toscane avec la plus antique magnificence. La population a été convenable à l'entrée et profondément émue et touchée, à la bénédiction donnée sur le balcon du palais Pitti. Tout le monde ou presque tout le monde des quarante mille personnes présentes s'est mis à genoux. On dit que c'est admirable.

Sagan, 23 septembre 1857.—Je me suis rendue hier à Sorau pour me trouver à la descente du wagon royal, afin de donner une preuve de respectueux attachement au Roi qui se rendait à Muskau. La Reine m'a semblé 262 fatiguée; ses yeux ne quittaient guère le Roi que j'ai trouvé fort affaissé, rouge, pesant dans sa marche; en cherchant à m'expliquer son itinéraire, il embrouillait les dates que la Reine redressait. J'ai reçu de cet abattement inaccoutumé une impression très pénible. Les entours répétaient avec affectation que le Roi se portait à merveille. Je voudrais le pouvoir penser.

Sagan, 12 octobre 1857.—On peut imaginer quelle est la confusion des esprits, l'agitation des uns, l'embarras des autres depuis cette nouvelle attaque survenue au Roi de Prusse. Je verrai tout cela de plus près demain à Berlin. D'après ce que j'entends, le mieux se soutient et je crois à un nouveau sursis; mais à quelles conditions? Permettra-t-on au Roi de s'occuper du gouvernement? ou bien songera-t-on à une abdication ou à un état intermédiaire, et aux mains de qui? avec quelle latitude? avec quelles entraves? L'air me semble bien chargé d'électricité [222].

Le Prince Frédéric-Guillaume [223] est venu déjeuner 263 ici; il a reçu de graves nouvelles; il a causé sérieusement avec moi; toujours plein de bons et honorables sentiments; mais il ne saurait bien naviguer que sur une mer pacifique.

Berlin, 16 octobre 1857.—Le Roi n'est plus en danger de mort pour le moment. La Reine est très contente de l'extrême délicatesse du Prince de Prusse à son égard. Elle-même est digne au possible. Je pars le cœur oppressé et l'esprit bien inquiet pour Nice.

Nice, 13 novembre 1857.—Il y a quinze jours que je suis arrivée. J'ai repris mes leçons d'italien dans la prévision d'une semaine sainte passée à Rome, projet bien vague encore, soumis à tout ce que l'imprévu peut apporter d'obstacle. Je me complais dans cette chance, et je la repousse d'autant moins que je me sens un vrai besoin de reporter mes yeux et mes pensées sur un horizon plus large que celui dans lequel mes derniers mois ont été renfermés.

Nice, 16 novembre 1867.—Dans les lettres que je reçois de Sans-Souci, il n'est question que des rapides progrès du Roi vers le bien moral et physique, ainsi que des précautions extrêmes dont il est entouré. Jusqu'à quand ces précautions s'étendront-elles? Quelle en sera la durée? De tout ce que la Providence pouvait préparer de plus difficile pour le Prince de Prusse, de moins heureux, de moins satisfaisant pour le pays, pour son bien-être 264 intérieur, pour le repos des esprits et pour le rôle à jouer à l'extérieur, c'est ce qui, d'en haut, a été décrété à la Prusse!

Le dubitatif, qui s'étend nécessairement sur toute chose, est une situation malsaine et malséante pour chacun.

Nice, 7 décembre 1857.—J'ai eu hier des lettres de Charlottenbourg. Le Roi va très bien de santé et irait bien au moral sans une certaine incertitude de mémoire dont il s'aperçoit, ce qui le peine et l'impatiente; il fait de grandes promenades à pied et en voiture. Il mange avec la Reine et sa sœur de Mecklembourg-Schwerin, qui est revenue s'établir pour l'hiver à Charlottenbourg. Il voit quelquefois, pour un quart d'heure, quelque habitué; mais, à tout prendre, il est assez muré encore. Les médecins redoutent toute excitation. Le Prince de Prusse se remet de sa grippe dont plus de quatre-vingt mille personnes ont été atteintes à Berlin.

Nice, 31 décembre 1857.—Je termine cette année en meilleure santé que je ne l'ai traversée. Cependant les nouvelles, moins satisfaisantes, de ma fille gâtent le sommeil qui m'était revenu; les nerfs qui se calmaient et la tête qui s'était dégagée, tout cela reprend et je suis moins bien, en raison des moins bonnes lettres que ces derniers jours m'ont apportées...

On m'écrit de Berlin: «Le Roi ne pourra pas de longtemps reprendre le gouvernement; cependant, il y a 265 espoir qu'il finira par se remettre; mais, pour le moment, sa tête est bien faible encore. Il a lui-même la conviction que son état lui interdira, pour un temps indéfini, tout travail sérieux. Il se trouve très bien remplacé par son frère, dont on est généralement fort content. Cet intérim prolongé a des inconvénients bien graves pour la marche des affaires.»

266

1858

Nice, 2 janvier 1858.—J'étais préoccupée de l'état de Pauline quand, hier, une dépêche télégraphique arrivée le soir m'a fait voir que l'état était grave. Je pars donc ce matin; j'irai le plus vite possible.

Paris, 4 janvier 1858.—Je me suis embarquée avant-hier à Nice sur un assez mauvais bateau, mais il me faisait gagner douze heures; j'ai fait le trajet en trente-six heures et je ne regrette pas cette hâte; car, si j'ai un regret, c'est de ne pas être venue plus tôt, et d'avoir écouté les dires des médecins et les conseils de mes correspondants, au lieu de suivre mes instincts. Je trouve Pauline très mal; les médecins disent que le cas n'est pas désespéré; mais il me paraît, à moi, qu'il est bien près de l'être et que, peut-être, dans quelques jours, cette âme séraphique aura pris son vol vers la céleste patrie. Elle a toute sa tête et paraît fort aise de me voir [224].

Paris, 9 janvier 1858.—Je viens de passer de bien 267 mauvais jours. Mes anxiétés pour Pauline sont aggravées par neuf à douze degrés de froid! Mais il faut louer Dieu de tout et le remercier à genoux du mieux notable qui, depuis vingt-quatre heures, s'est manifesté dans l'état de Pauline, lorsqu'il s'agissait de rien moins que de l'extrême-onction qu'elle demandait.

Paris, 16 janvier 1858.—L'attentat d'avant-hier a ému tout Paris et aura un retentissement en Europe [225]. 268 Elle est bien malade partout, cette pauvre Europe. Je vis si uniquement à l'hôtel d'Albuféra, qu'en dehors de là, tout est ignorance pour moi [226].

Paris, 25 janvier 1858.—On dit, répète, raconte et croit tout dans la seule maison où je suis en communication avec le monde extérieur; mais on y dit tant de choses contradictoires que le vrai est difficile à en extraire; cependant, avec ce que mes fils me rapportent de leurs clubs, et ce que le duc de Noailles me dit dans les visites qu'il me fait une demi-heure avant mon dîner, j'apprends quelques bruits. Je n'en suis pas plus habile. Chacun voit par sa propre lunette, dont les verres me paraissent assez obscurs; la passion, la rancune, la poltronnerie, la bassesse ou un stupide dédain, ou bien encore l'âcreté des ambitions déçues: tout cela fait un vilain ou du moins un stupide ensemble, dans lequel la raison, la modération, le vrai ne trouvent guère leur place. Il en résulte pour moi un tableau sombre et alarmant, quoique les dernières découvertes aient le mérite de mettre beaucoup de choses à nu, et de valoir peut-être à l'Europe un sursis dans le crime.

Paris, 29 janvier 1858.—Je ne dirai rien du Paris social, puisque je n'y participe pas, rien du Paris politique, 269 puisque j'en suis plus loin encore; reste le Paris académique, qui pourrait bien être assez épineux et délicat à toucher; car tous les sujets vont devenir de plus en plus scabreux.

M. de Hatzfeldt est revenu hier de Berlin; il va avoir trois Princes prussiens à recevoir; c'est beaucoup à la fois [227]. Il paraît que la grande affection de la Famille Royale d'Angleterre pour l'Empereur et l'Impératrice des Français a fait beaucoup d'impression sur les Princes prussiens, et qu'ils arrivent déjà fort modifiés de ce qu'ils étaient en quittant leurs propres foyers.

Paris, 27 février 1858.—Les Anglais qui sont ici s'accordent à dire que le Cabinet Derby traversera la session, mais n'ira pas au delà. Lady Westmorland me mande qu'elle trouve lord Palmerston très baissé, très brisé et que sa chute était moins étonnante que ne l'avait été la durée de ses victoires parlementaires [228]. La mort du Père de Ravignan est généralement reconnue, par le bon public, comme une perte sensible; Pauline en est 270 attristée profondément. Le bon Père lui avait fait dire par leur médecin commun de bien touchantes paroles.

Le procès d'Orsini, la condamnation, les discours, les plaidoiries, de nombreuses arrestations, le meeting à Londres et surtout le discours fort inattendu du général Mac-Mahon au Sénat, qui pourrait bien briser le bâton de maréchal qu'il entrevoyait; voilà ce qui défraie le parlage des salons. L'inquiétude morale se mêle à tout: on entend des bruits sourds, on marche et on sent la terre trembler sous ses pieds. On s'émeut de tout, on ne se rassure sur rien. Le doute, ce grand tourment de l'âme, s'empare des masses comme des individus; ce qui formait le charme de la société, la sûreté confiante, s'envole à tire-d'aile; l'on se heurte, d'autant plus aisément et plus rudement, qu'on est plus près les uns des autres.

Paris, 3 mars 1858.—La lettre d'Orsini, dont la publication a été permise par celui à qui elle était adressée (ce qui ne laisse pas que d'étonner le Corps diplomatique); ce qui s'est passé au meeting de Londres [229], le discours de Félix Pyat, l'autorisation accordée aux généraux Changarnier et Bedeau de rentrer en France [230] (autorisation destinée à rassurer, dit-on, tout ce qui n'est pas rouge, ou à tenir ces messieurs plus sous la main); puis des arrestations nombreuses, ne portant, du reste, que sur des écarlates; voilà, avec les funérailles de M. de Ravignan, ce qui occupe Paris depuis plusieurs jours!

271 Paris, 12 mars 1858.—La brochure parue hier, intitulée: Napoléon III et l'Angleterre, qu'on croit être tracée de la main du maître, est l'événement du jour, et les paris sont ouverts pour savoir si elle fera un bon ou un mauvais effet de l'autre côté du détroit [231]. On dit qu'à Vienne, l'autorisation donnée à la publication de la lettre d'Orsini a fait un mauvais effet.

Paris, 10 avril 1858.—L'infâme article signé Rigault qu'a donné, il y a quelques jours, le voltairien 272 Journal des Débats sur les sermons du carême, est faux dans les faits, lourd dans son ironie de mauvais goût. Il est mal pensé, mal senti, mal dit [232]. Celui d'Albert de Broglie, sur le Père de Ravignan, a ses parties charmantes quoiqu'il témoigne de la gêne que lui cause le souvenir de ce séjour à Rome, pendant lequel il avait été chargé de jouer de mauvais tours aux Pères Jésuites. Ah! si le présent n'était pas encadré entre le passé et l'avenir, comme ce serait plus commode de parler et d'écrire!

Paris, 14 avril 1858.—Voilà les pouvoirs du Prince de Prusse prolongés [233]; mais cet indéfini est bien fâcheux. Aussi, comme le parti ultra-libéral relève la tête en Prusse! On achèvera, sous ce pauvre Prince (et cela sous forme semi-légale), le peu qui survivait de 1848. Tout va mal en Prusse, comme ici, comme partout. C'est ennuyeux d'assister à la fin du monde; j'en trouve le spectacle fort laid!

Paris, 22 avril 1858.—M. Guizot est venu hier chez moi et m'a forcée à avoir une explication sur certain passage du premier volume de ses Mémoires qu'il vient de publier [234]. Alors je la lui ai accordée, et il a passé condamnation 273 avec une humilité qui ne lui est pas habituelle. Il m'a, de lui-même, promis de rayer, dans la seconde édition, certains mots malsonnants; il a convenu des mauvaises interprétations dont plusieurs paroles étaient susceptibles. Enfin, il m'a dit qu'en parlant de l'ambassade de M. de Talleyrand à Londres, il le replacerait dans sa vraie lumière. Il m'a priée d'observer que, de tous les écrivains qui ont parlé de M. de Talleyrand depuis sa mort, il était celui qui l'avait le plus ménagé; mais il a aussi ajouté qu'il regrettait et qu'il me demandait pardon de ne pas m'avoir montré ce passage manuscrit, mais que comme j'avais décliné toute communication avec lui au sujet de M. de Talleyrand, il n'aurait pas cru qu'il serait bien venu à m'en occuper. Bref, il a voulu être singulièrement doux.

Paris, 17 mai 1858.—C'est aujourd'hui un anniversaire qui me reporte vivement vers un temps de ma vie dont il ne me reste plus rien que ce qui a survécu dans mon cœur et qui s'éteindra avec cette petite flamme de l'existence qui jette encore une faible lueur sur le court sentier qui me reste à parcourir. Je le vois sans regret s'abréger: «Je m'ennuie des choses de la terre», comme dit l'Imitation, sans avoir, malheureusement, une ardeur égale des choses du ciel!

274 J'ai eu une intéressante lettre d'Angleterre. Le maréchal Pélissier s'y ennuie et demande à n'y pas rester longtemps [235]. La situation actuelle de l'Angleterre me paraît assez pauvre, sans grand danger. Le parti Tory est bien déchu. On fait ce que l'on peut pour réconcilier lord Palmerston et lord John Russel, et réorganiser ainsi le parti libéral [236]; mais il est douteux qu'on y parvienne. On dit que Macaulay se meurt et qu'il est devenu méconnaissable.

Paris, 19 mai 1858.—La nouvelle de la mort de Mme la Duchesse d'Orléans s'est répandue bien rapidement dans Paris [237]. On peut imaginer la diversité des impressions qu'une semblable nouvelle fait éprouver. L'intrigue protestante, très vive et très soutenue par la défunte, est atterrée, bien des ambitions expectantes sont déroutées. Les fusionnistes disent: «Pourquoi pas une année plus tôt?» Des catholiques fervents sont en actions de grâces. J'ignore l'impression du monde officiel. On se 275 demande, de partout, sous quel toit, sous quelle direction les orphelins, qui ne sont plus des enfants, vont se trouver, se placer et s'abriter. Il mondo va da se [238]. L'hostilité, l'intrigue pâlissent devant le terrible imprévu qui, parti de haut, broie, pulvérise tout ce qui se croit capable de l'éviter ou de le diriger.

Paris, 21 mai 1858.—Mme la Duchesse d'Orléans a laissé un testament; il était déposé ici, chez un notaire, qui est parti hier pour le porter à Claremont. On suppose qu'il est plus politique que privé et qu'il est le commentaire de celui de son mari. Les gens de bon sens s'en alarment. Il y a foule pour aller assister aux obsèques qui auront lieu demain. Dans cette foule, toutes les nuances orléanistes, même celles entachées de républicanisme, s'y trouvent. Il n'y a que les fusionnistes qui s'abstiennent, comme Guizot, Duchâtel, Broglie, le duc de Montmorency. Les orléanistes pointus sont désolés; l'intrigue du prosélytisme protestant fort déconcertée; les catholiques pur sang en actions de grâces.

Le Gouvernement a fait mettre, dans la Patrie d'avant-hier au soir, un article convenable dans la forme, habile à son point de vue dans le fond. Dans le monde officiel, les uns sont satisfaits qu'une personne, qui, dit-on, se trouvait plus ou moins compromise dans la plupart des complots, qui, en tout cas, était le principe vital, agissant, persévérant d'un des prétendants, n'existe plus. Les 276 autres croient, qu'elle de moins, il y a plus de chances pour que la fusion se reprenne, et y voient un danger. Tout ceci le démontre clairement.

M. Thiers est dans les partants, et cela contre le gré de sa femme et de sa belle-mère, quoique Mme la Duchesse d'Orléans écrivît toutes les semaines à Mme Dosne! Il va, dit-on, pour s'emparer du comte de Paris, si toutefois il y parvient. Voici aussi trois cent mille livres de rente, payées jusqu'ici par la France, qui vont faire défaut. On me dit, de bonne source, que la Reine Marie-Amélie, quoique souffrante et alitée, a pris cette mort subite avec un grand calme. Son cœur ni sa conscience n'ont jamais été en sympathie avec cette belle-fille ambitieuse, intrigante et protestante. On ajoute que les beaux-frères seront soulagés, car elle pesait sur eux de sa volonté, de son activité et de sa persévérance obstinée dans de certaines routes. Il n'y a que ses fils qui soient, dit-on, désespérés. Voilà ce que je recueille de divers côtés. Je m'abstiens de toute opinion, de toute prévision. Je suis un simple écho.

Paris, 25 mai 1858.—La mort de Mme la Duchesse d'Orléans est encore le sujet de toutes les conversations. Que de déceptions dans la vie de cette Princesse, où l'ambition a tenu une si grande place! Quel brusque dénouement à tant de vaines aspirations! Je ne sais rien de plus triste que de mourir ainsi, sans avoir pu se recueillir en face de l'éternité. Je ne cherche pas à démêler quelles seront les conséquences de cette disparition imprévue; 277 elles pourraient être immenses; mais, dans les temps où nous vivons, les événements tournent le plus souvent de manière à confondre toute prévoyance humaine.

La Reine malade, au lit, n'a reçu aucune des personnes qui s'étaient rendues aux obsèques. Le comte de Paris et le duc de Chartres sont pour le moment à Claremont; ils iront ensuite en Allemagne pour voir leur grand'mère de Mecklembourg; puis ils reviendront se fixer en Angleterre, chez eux, voulant témoigner de leur indépendance à tous leurs oncles. Il reste à chacun des deux orphelins cent quatre-vingt mille livres de rentes, qui proviennent de l'héritage de Madame Adélaïde, et d'économies faites, depuis longtemps, au profit de celui des deux frères qui n'avait pas la chance du trône.

On m'a raconté que les trois Princes, oncles, tous vêtus de noir et d'une pâleur mate, ressemblaient aux Princes de France du temps de la Ligue; le duc de Nemours surtout était la reproduction de Henri IV. Le testament ne contient que des dispositions pécuniaires; mais il y a un écrit en forme de lettre qui, pour le moment, ne sera pas publié, mais qui ne rendra pas les chances pacifiques. La Reine a été plus saisie qu'affligée. Elle ira à St Léonard's dans peu de jours; on espère que l'air de la mer rendra des forces à cette pauvre Niobé. Sa faiblesse est grande et ne laisse pas que d'inquiéter.

A l'audience que M. le comte de Paris a donnée aux différentes personnes venues de Paris, il a dit: «J'ai beaucoup perdu; mais l'esprit, les conseils de ma mère 278 me guideront toujours; c'est en ce sens qu'elle n'est pas morte.» M. de Montguyon, présent, a eu l'inconvenance de prendre la parole et de dire comme corollaire: «Messieurs, est-ce assez clair?». Sur quoi, le comte de Paris a repris: «Oui, messieurs, ce que je viens de vous dire, vous pouvez le répéter à tous.» C'est un de ceux présents qui m'a raconté cette scène.

Paris, 29 mai 1858.—On n'a pas fait part de Claremont à Frohsdorff, tandis que le Comte de Chambord a écrit spontanément à la vénérable tante, ce qui impatiente les orléanistes pointus et les républicains à l'eau de rose, qui se donnent le triste plaisir d'inventer les plus grandes stupidités, des impossibilités évidentes pour irriter et exciter la crédulité merveilleuse des partis.

Hélas! il y a des gens mal intentionnés pour tout inventer, il y a aussi des imbéciles pour tout croire.

On a ouvert le testament de la Duchesse d'Orléans; le grand écrit politique avait été retiré et détruit, parce qu'il devait être refait à Eisenach, dans le courant de l'été, avec l'aide de M. Thiers, qui devait s'y rendre à cet effet.

On me mande d'Angleterre ce qui suit: «Quel singulier choix que le maréchal Pélissier comme ambassadeur! Ses goûts, ses manières dépassent tout ce qu'on peut imaginer; tout ici l'ennuie, ce qui n'est pas étonnant, vu qu'il paraît avoir en haine la vie de la société et la vie politique. La politique, les femmes, la conversation lui sont totalement antipathiques; il lui reste le jeu et 279 la table, mais, des personnes qui lui ont adressé la parole, aucune n'a envie de recommencer. Il n'a pas même voulu se faire présenter aux dames du Corps diplomatique». On a de l'humeur dans Albion, le high-life anglais est peu propre à comprendre un soldat africain; les défauts le choquent, les qualités lui échappent.

Nouvelle réunion à Bade des deux correspondants.

Sagan, 27 juillet 1858.—On m'écrit de Tegernsee que la santé du Roi de Prusse se fortifie, sans apporter de changement dans l'état de l'intelligence.

Voici ce que je trouve dans une lettre de Londres: «On n'est préoccupé ici que de Cherbourg et de la visite que la Reine Victoria doit y faire [239]. Elle devait d'abord y aller avec six vaisseaux, les gens d'esprit ont dit: «Non, cinquante ou un seul.» Elle ira avec deux frégates; la mer sera couverte de yachts et de steamers particuliers; les deux Chambres du Parlement sont aussi invitées et auront leur vaisseau. Lord Palmerston voulait y aller; mais, quand il a vu le sentiment public, il y a renoncé.»

280 Berlin, 14 août 1858.—Il n'y a, pour ainsi dire, personne à Berlin; chacun a pris le large ou est à Potsdam pour satisfaire sa badauderie. En général, on n'approuve pas la visite actuelle de la Reine Victoria; on ne la trouve pas suffisamment motivée au point de vue maternel et peu délicate en regard du Roi.

L'arrivée de la Reine à Potsdam a été tardive; les illuminations étaient éteintes; il ne restait que tout juste assez de luminaire pour éclairer l'immuable paletot du Prince consort [240] et la tenue, plus que négligée, de la Mission britannique à Berlin, qui a mêlé ses redingotes et ses cravates noires à la tenue de grand gala de la Famille Royale, des autorités supérieures, réunies au débarcadère de Potsdam. Voilà pour le début.

Ici, à Berlin, on ne parle que du shocking anglais et de la pose du câble électrique entre l'Angleterre et l'Amérique. Ceci me frappe plus que les cravates noires et les pantalons écrus. Nous avons beau être accoutumés aux miracles électriques, ce nouvel effort reste étourdissant; la terre deviendra trop petite pour la science et la puissance de l'homme.

Sir James Graham voulait aller à Hambourg; sur quoi lord John Russel lui a écrit: «How can you go to such a national humiliation [241]?» Il paraît que c'est là, en effet, le sentiment public. Pour la France, la visite de la Reine Victoria à Cherbourg est une démonstration pacifique; 281 pour l'Angleterre, il me semble que c'est un principe d'humeur et d'hostilité qu'on pourra bien ne pas oublier de sitôt.

Les médecins ont souhaité que le Roi de Prusse allât passer les mois de septembre et d'octobre à Côme; il y avait d'abord consenti; puis il s'y est refusé avec obstination et a résolu de revenir le plus vite possible à Sans-Souci; il voulait même y arriver avant que la visite britannique ne fût achevée, et la Reine a eu beaucoup de peine à l'en empêcher. Il paraît que ce pauvre Roi, et cette malheureuse et royale garde-malade, reviendront à Sans-Souci dans les premiers jours de septembre. Le Roi n'est mieux que physiquement.

Berlin, 17 août 1858.—La Cour est venue, hier, à Berlin, pour montrer les différents palais à la Reine Victoria; le lunch a eu lieu chez la Princesse Frédéric-Guillaume; personne d'autre n'y était invité que l'Olympe, les Radziwill et moi. La Reine a été des plus gracieuses, se souvenant de moi et de Pauline à Kensington-Palace, causante, rieuse, animée, l'air gaie, tout à fait en bonne veine. Sa fille, plus grande que sa mère, a pourtant l'air moins royal; elle plaît à son mari et paraît en train de faire des enfants; elle remplit ainsi les deux grandes conditions; en outre, elle a l'air ouvert et naturel.

Berlin, 24 août 1858.—Voici une lettre d'Angleterre qui dit ceci: «Nous sommes inquiets ici, même des libéraux quand ils sont modérés, lord Grey, par exemple. On 282 ne sait comment lutter contre le mal qui nous trouble. Les hommes sérieux conviennent eux-mêmes que ce qui leur manque le plus, c'est le courage de dire tout haut ce qu'ils pensent. Ils disent que le premier qui ferait hardiment appel au bon sens national contre l'esprit radical trouverait beaucoup d'appui; mais cet homme ne se trouve pas.»

On me disait hier que le Roi Léopold a eu un gros échec par le rejet de sa loi sur les fortifications d'Anvers; c'était sa propre idée et il y tenait fortement. Il en avait parlé à Londres, dans son dernier voyage, comme de sa meilleure garantie contre les ambitions et les révolutions françaises. On ne sait pas encore comment il a pris ce coup, et s'il fera quelque chose pour revenir sur cette question [242]. Quand il est battu, il devient encore plus silencieux que de coutume.

On m'écrit de Paris de bonne source: «Lord Palmerston se propose, non pas de quitter les affaires, comme le disent niaisement les gazettes, mais de venir très prochainement ici faire une visite à l'Empereur Napoléon. Il se flatte de reprendre bientôt son poste, voudrait se concerter sur sa politique future avec l'Empereur, et se faire absoudre de quelques incartades; il croit qu'un tel certificat lui serait utile pour remonter au pouvoir.

283 «Dans les dernières conférences de Paris, il s'est établi une singulière entente cordiale entre la France et l'Angleterre; par suite, sans doute, de l'entrevue de Cherbourg [243], M. de Hübner, étonné, a vivement interpellé lord Cowley qui a répondu qu'il se conformait aux instructions de son Gouvernement: «En ce cas, a dit M. de Hübner, il est de mon devoir d'instruire le mien de ce qui se passe.» Le lendemain, Walewski a dit, à l'ouverture de la séance, que lord Cowley, étant à Chantilly, l'avait prié de le représenter en lui donnant ses pleins pouvoirs. Dans le cours des entretiens que l'Empereur a eus à Plombières avec M. de Cavour [244], l'Empereur a dit, 284 au milieu de beaucoup d'autres choses: «Dans peu de temps, on sera bien surpris en Europe de mes nouveaux rapports avec le Gouvernement anglais; on verra que l'alliance s'est fortifiée au lieu de s'affaiblir.»

D'autre part, on me mande que la Bretagne est conquise à l'Empire, que les légitimistes sont totalement découragés et les orléanistes furieux.

Berlin, 31 août 1858.—Le Roi arrive après-demain à Sans-Souci. La Reine demande, d'une façon expresse, qu'il n'y ait personne au débarcadère de Potsdam, ni au perron de Sans-Souci. Il est même douteux que le Prince de Prusse s'y trouve au premier moment. M. de Manteuffel a dit, à un membre important du Corps diplomatique qui 285 me l'a répété en confidence, que l'on n'attendrait assurément pas la réunion des Chambres pour procéder à un état de choses moins provisoire que ce qui a lieu depuis un an. M. de Manteuffel et M. von der Heydt, s'étant bien insinués dans l'esprit du Prince de Prusse, se croient certains de conserver leur poste sous la Régence, ce qui fait qu'ils y poussent, tandis que Westphalen, Raümer et Waldersee, sentant qu'ils seraient expulsés, s'y opposent. Personne ne croit à l'abdication, que ni Roi, ni Reine n'admettent; mais le mot de Régence se prononce de plus en plus dans les cercles élevés et dans le public.

On dit que la Reine Victoria, en échange de la complaisance qu'elle a eue d'aller à Cherbourg, a obtenu l'abandon de toute insistance pour le canal de Suez. Ce qui est plus sérieux, c'est que l'Empereur Napoléon, qui a beaucoup causé avec M. de Cavour à Plombières, lui a fait de fort belles promesses pour l'affranchissement de l'Italie. C'est l'Empereur qui a voulu voir M. de Cavour et lui a fait dire de venir à Plombières. Il voulait, d'abord, que la visite fût secrète. Cavour s'y est refusé et a demandé la publicité qui lui a été accordée. Le Comte de Chambord, pendant sa visite à Bruxelles, a dit au Roi Léopold: «Je ne sais pas ce qui arrivera en France, ni quand il y arrivera quelque chose; mais il n'y arrivera rien sans que je n'y sois et que j'en sois.» Le Roi Léopold n'a pas manqué d'écrire ces paroles au duc d'Aumale.

Voici deux bons mots du duc de Malakoff, un peu risqués, mais n'importe. L'Impératrice Eugénie voulait que le mariage, avec Mlle de la Paniega, se fît le 8 septembre [245], 286 anniversaire de la prise de Malakoff. «Non, a répondu le Maréchal, je l'ai pris le 8, mais je n'y suis entré que le 9.» La comtesse Walewska, qui fait la corbeille, trouve le futur un peu avare. Elle voulait qu'il donnât deux rivières de diamants; sur quoi il lui a dit: «Non, une est suffisante pour s'y noyer.»

Berlin, 5 septembre 1858.—J'ai été en communication avec des revenants de Potsdam bien informés: il n'y a ni aggravation, ni amélioration dans l'état du Roi, statu quo complet. On croit qu'une sorte d'intuition, à moitié voilée, préoccupe, agite et a fait tenir à revenir à Sans-Souci pour y prendre un grand parti. Seulement, la faculté d'exprimer, de formuler sa pensée, la laisse incertaine pour les entours les plus intimes; on suppose plus qu'on ne sait.

Dès les premières heures du retour, la Reine a été circonvenue de plusieurs faiseurs prêchant dans un sens, tiraillant dans l'autre, sans laisser à cette pauvre martyre le temps de respirer. Cependant, elle ne s'est rendue ni aux uns, ni aux autres, et il me semble qu'on atteindra ainsi la fin du mois. Mais deux choses me paraissent résolues: un nouveau départ pour Méran, peut-être pour Gênes après; ce départ aurait lieu dans les premiers jours d'octobre. Avant, il y aurait une résolution définitive de prise, en ce sens que l'état actuel se modifierait, non par une abdication, mais par une Régence.

287 On a remis au Prince de Prusse un mémoire sur les différentes formes à donner au définitif relatif; une de ces formes s'appelle Co-Régence. Le Prince a rendu ce mémoire après avoir mis en marge: «Jamais», ce qui est fort sage.

M. de Manteuffel est tout à la politique française; l'influence anglaise est plus particulièrement dans une partie de la Famille Royale, tandis que l'autre tourne ses regrets vers la Russie. Personne ne me semble assez pénétré que le plus sage et le plus prévoyant serait de tendre honnêtement la main à l'Autriche. Du reste, il faut en convenir, l'étoile napoléonienne est, pour l'instant, resplendissante. Tout lui sourit, depuis la Bretagne jusqu'à la Chine. Le berceau de la fidélité monarchique a passé à d'autres amours!

Le mariage Malakoff est fixé au 2 octobre. L'Impératrice donne, non pas la corbeille, mais le trousseau; elle veut attacher le Maréchal à sa fortune en le faisant son allié... Mais lui, quel vieux fou! S'affubler, à soixante-trois ans, d'une Espagnole, belle à miracle, et qui, dit-on, a bien de la peine à se résigner à une pareille union!

Berlin, 8 septembre 1858.—On m'écrit que la duchesse Mathieu de Montmorency a laissé douze cent mille livres de rente. En conscience, il devrait en revenir une part à M. Cousin; les grandes dames du passé lui doivent quelque chose. Que lui auraient-elles donné s'il avait dit, de leur vivant, tout ce qu'il en dit aujourd'hui? La duchesse Mathieu descend en ligne droite de la 288 duchesse de Chevreuse (connétable de Luynes en premières noces), qui a inspiré un des jolis articles de M. Cousin.

M. de Falloux me mande des confins de la Bretagne: «Les ovations napoléoniennes de la Bretagne n'ont pas ébranlé le parti légitimiste. Tant que l'Empereur Napoléon vivra et régnera, il pourra avoir de semblables satisfactions; mais elles ne le feront pas vivre ni régner un jour de plus. Ce sont des succès plus bruyants et plus brillants que sérieux; pour quelque temps, l'apparence vaut la réalité, sans que ce soit pourtant la même chose. Il y a dans la situation de l'Empereur Napoléon des faiblesses que ni les rencontres royales ni les applaudissements populaires ne peuvent guérir, et sa destinée dépend de plus grandes causes.»

Berlin, 11 septembre 1858.—Avant-hier, M. de Manteuffel a eu la première conversation sérieuse avec la Reine, qui en est sortie extrêmement agitée. Les médecins se taisent et haussent en silence les épaules; les courtisans l'effrayent en lui disant que si elle prononce le mot Régence au Roi, elle peut l'exposer à une attaque subite et mortelle. Les ministres, c'est-à-dire deux ministres, disent que la Régence est indispensable, que tous les équivalents, sans le nom, ne suffiront pas au public, pas aux Chambres, qui tiendront d'autant plus au nom de Régence que le serment de la Constitution s'y rattache.

Le Prince de Prusse s'enfuit aux manœuvres de Silésie, de Hanovre, de Varsovie, pour n'avoir pas à s'expliquer. 289 Il y a des personnes qui disent qu'on pourrait éviter l'action des Chambres par un Conseil de famille qui déférerait la Régence au Prince, sans que le Roi en ait, pour ainsi dire, la connaissance et le déplaisir; mais, avec une famille si désunie, cela n'est pas possible. La Reine, et ce qu'on commence déjà à appeler la vieille Cour, voudraient une simple délégation illimitée, comme durée et comme pouvoir; mais cela ne convient pas aux hommes proprement dits politiques, ni au public qui veut du définitif. Puis vient la question du voyage. La Reine est persuadée qu'il est urgent qu'il ait lieu au début d'octobre. Mais où aller? Le Roi redoute l'Italie; Méran, en Tyrol, n'est bon qu'en automne, horriblement triste en hiver, et dénué de toutes ressources; Venise est trop pauvre en promenades pédestres, qui remplissent les deux tiers des journées royales; Gênes, trop exposé à l'air irritant de la mer et au soleil trop vif; Rome, impossible pour la Reine [246]. Il y a des voix qui s'élèvent pour Pau; enfin, d'autres indiquent l'île de Wight, mais il y aurait pour le Roi l'agitation d'être près de la Reine Victoria, sans la voir; car le Roi est plus séquestré que jamais, d'après la volonté expresse des médecins. On ne permet pas à Humboldt de le voir, ce qui est pour celui-ci un chagrin profond et une véritable blessure. Quelqu'un, qui voit de près, me disait que, dans son opinion, il n'y aura jamais guérison, et que probablement 290 il y aura déchéance, lentement progressive, qui finira par conduire à un état d'enfance.

Sagan, 16 septembre 1858.—Avant-hier, je suis allée à Sans-Souci, où j'ai vu le Roi sur la terrasse, et la Reine seule dans son cabinet, si confiante, si causante, si différente de ce qu'elle est habituellement que j'en ai été frappée et émue. Pauvre femme! Quelle tâche, et comme elle est noblement et simplement accomplie! Elle a abordé bien des difficultés de sa position, et j'ai clairement vu que, si le Roi n'est pas assez lucide pour juger par lui-même, il l'est cependant assez pour opposer sa volonté à celle des autres, pour être méfiant, en un mot pour rendre les responsabilités de toutes choses, grandes et petites, bien difficiles. C'est ainsi qu'avant-hier tout était doute: partira-t-on? restera-t-on? où ira-t-on? Toutes questions irrésolues encore. La Reine désire vivement le départ et une absence prolongée; elle se résignerait même à Rome, ce qui cependant, pour elle, ne saurait être que pénible. Le Roi a horreur de l'idée de l'Italie. Que c'est bizarre!

La question politique devient tellement brûlante dans le pays qu'il faudra qu'elle soit bientôt décidée, et je crois, pour ma part, à la Régence, la chose appelée par son nom. Mais cette Régence, sera-t-elle octroyée? Par qui? Dans quelle forme? Les plus intéressés n'en savaient rien, il y a deux jours.

Sagan, 27 septembre 1858.—J'ai eu une lettre de Sans-Souci, du 24, dans laquelle on me dit que, jusqu'à 291 ce jour, on avait inutilement guetté un joint qui permît de porter la pensée du Roi sur l'acte devenu si urgent. Il semblait éviter de laisser tomber un seul mot qui facilitât une proposition à lui faire accepter; aussi était-on décidé à tout faire d'emblée, proposition et acte à signer, le tout en un quart d'heure. Comment cela réussira-t-il? On est dans une grande angoisse sur l'effet moral et physique.

J'apprends à l'instant que le voyage est décidé: d'abord pour Méran, d'où on s'enfoncera en Italie. On doit quitter Sans-Souci le 10 ou 11 octobre. La Reine a désiré aller passer une demi-journée à Dresde, pour consoler sa pauvre sœur jumelle, désolée de la mort de la jeune et florissante Archiduchesse Marguerite [247]; mais le tyrannique docteur Bœger l'a positivement interdit. La Reine s'est soumise, mais on voit par là à quel point tout est redouté pour le Roi.

La presse prussienne prend des allures si vives, et sur la Régence et sur les élections, qu'on saisit une gazette après l'autre.

Sagan, 9 octobre 1858.—Je suppose qu'aujourd'hui ou demain nous aurons la Régence; car il paraît que le Prince de Prusse a tenu bon et décidément qu'il emporte, non seulement le pouvoir, mais le titre.

Sagan, 14 octobre 1858.—J'ai reçu une lettre de la Princesse Charles de Prusse, écrite le lendemain du départ 292 du Roi de Berlin. En voici le résumé: «Le Roi, en partant, était mieux que la semaine précédente, qui avait été très fâcheuse; à tout prendre, moins bien qu'avant Tegernsee. On n'a pas voulu que la famille lui fît ses adieux à Potsdam; il a été lui-même avec la Reine recevoir ces adieux, à Glienicke et à Babelsberg; il était cassé et voûté; les regrets ont été très douloureux en quittant Sans-Souci. On croit, dans la famille, qu'il sera plus facile d'empêcher le Roi de quitter Méran que de le décider pour l'Italie. On suppose qu'il passera tout l'hiver dans le Tyrol.

Sagan, 4 novembre 1858.—Je pense que l'élaboration ministérielle à Berlin est maintenant chose faite. MM. de Budberg et de Moustiers seront de moins belle humeur; car c'est contre leur alliance qu'on élèverait un drapeau anglo-austro-prussien, que le Prince de Hohenzollern-Sigmaringen serait chargé de tenir haut et ferme. Il y a, au-dessus et au-dessous de toutes ces combinaisons ministérielles, la question des élections. Les démocrates s'agitent et ils ont singulièrement haussé le ton depuis la Régence.

Les nouvelles du Roi, depuis qu'il est à Méran, sont tellement meilleures que la Reine se reprend à l'espérance d'un rétablissement qui, après les changements que le Régent est en train d'opérer, ne laisserait pas que de rendre la confusion suprême.

Sagan, 11 novembre 1858.—Avant de rien préjuger sur le nouveau Cabinet prussien, il faut le voir à l'œuvre, 293 et quelles Chambres il aura à gouverner [248]. Les élections se font ces jours-ci et agitent tout le pays. On dit que le prince de Hohenzollern ne donne que son nom au Cabinet, que M. d'Auerswald en sera l'âme et le leader. On s'étonne seulement qu'on l'ait nommé ministre du Trésor, vu qu'il a mangé sa propre fortune et celle de sa femme.

Sagan, 16 novembre 1858.—Je ne parlerai pas politique prussienne; les élections répondent aux craintes des conservatifs comme aux espérances des démocrates. Il y aurait présomption à vouloir tirer maintenant les horoscopes; je m'en abstiens, malgré le peu de goût que j'ai pour la résurrection de certains noms malsonnants qui se présentent avec bonne chance aux élections, et pour la licence des gazettes. Tout cela rappelle 1848; mais il faut croire que le Ministère actuel saura être libéral, sans danger pour l'État, modéré sans faiblesse, triomphant sans entraînement. Je lui souhaite bonne chance, car je lui crois d'excellentes intentions, mais l'enfer n'est-il pas pavé de bonnes intentions?

Sagan, 20 novembre 1858.—Je ne sais trop que penser de l'état des choses qui a subi un si rapide changement. 294 S'il fallait classer les partis, je dirais que les conservatifs sont en défiance, les libéraux en confiance, les démocrates en espérance; ils voient, dans la porte qu'on a entr'ouverte, un arc de triomphe par lequel ils espèrent entrer, pour faucher ce que 1848 a épargné. Les Ministres semblent déjà s'effrayer un peu de leur premier début, puisque le ministre de l'intérieur a publié une seconde circulaire pour expliquer la première, et dire que celle-ci avait été mal comprise par le public [249]; mais ceci est un coup d'épée dans l'eau, car l'impulsion imprudente a été donnée. Il est bien à craindre que les élections ne s'en ressentent, et cette reculade du Ministère l'affaiblit sans faire revenir les esprits.

Sagan, 25 novembre 1858.—Voici les élections accomplies. Ici, on a nommé deux députés centre droit, et le troisième centre gauche; il serait à désirer qu'on n'eût pas fait de plus mauvais choix dans les autres collèges électoraux du Royaume; mais les gazettes nous apportent bien des noms malsonnants. Je ne crains pas grand'chose pour la session. Le gouvernement n'y présentera 295 rien qui permette la discussion; rien que l'urgent. La gauche voudra jouer la modération, et les pointus de droite seront évidemment plutôt découragés. La grande bataille ne se livrera qu'à une seconde session; même la première Chambre sera, je crois, dans la prochaine, assez mesurée et prudente. Gouvernement, Chambres, pays, tutti quanti, sont encore pour l'instant plus ébouriffés que clairvoyants et assurés.

Sagan, 7 décembre 1858.—Je ne crois pas que la panique financière soit terminée pour de bon. L'atmosphère est bien lourde, bien chargée. Les propos à Compiègne ont été fort guerriers, les dénégations entortillées, insuffisantes. A Vienne, on est fort averti. Bref, je ne pense pas que je puisse prudemment me prolonger en France, où je compte me rendre dans un mois, au delà du début printanier, si toutefois j'y puis rester jusque-là. Si lord Palmerston ne rentre pas au Ministère, il y aura chance pacifique; s'il y rentre, je vois le feu aux étoupes. Les amis du Régent l'ont mal servi en publiant son programme [250], sujet actuel d'une controverse vive et d'une argumentation au moins inutile. Les Rois, ou du moins les Régents, ne devraient jamais se livrer nominativement au public.

296

1859

Paris, 18 janvier 1859.—J'ai vu pas mal de monde hier.

Depuis vingt-quatre heures le vent est des plus pacifiques. Le recri du commerce et de l'industrie, la pression de l'Angleterre, les démissions offertes par plusieurs ministres, ont fait reculer. On n'a rien abandonné, mais reconnaissant le moment défavorable, on a ajourné, au grand déplaisir de l'Impératrice Eugénie, qui est une des plus vives pour substituer les chances de la guerre aux dangers des assassins. On a envoyé quelqu'un à Londres pour tout expliquer, dans le sein de la paix, et on a transmis au prince Napoléon, au général Niel, à M. Bixio à Turin, des recommandations d'agir avec la plus grande prudence [251].

Ni M. Walewski, ni la princesse Mathilde (à peu près brouillée avec son frère) n'ont eu connaissance du mariage sarde que lorsque tout a été convenu.

297 Paris, 20 janvier 1859.—Le Roi Jérôme a dit, avant-hier, à une personne qui l'a répété, qu'il n'y aurait pas de guerre cette année, tous les nécessiteux ayant pu, par un jeu de baisse, se relever.

A Rome, la Reine de Prusse a reçu le cardinal Antonelli. Le Roi prend de plus en plus intérêt à ce que lui offre la Ville éternelle. Il répète souvent avec une sorte d'agitation précipitée qu'il veut voir le Pape. «J'ai tant de choses à lui dire.» Ses entours en sont surpris et embarrassés. Tout ceci n'est-il pas bien étrange?

A un grand dîner diplomatique donné ici, il y a quelques jours, par l'ambassadeur de Russie, M. de Kisseleff, sans qu'il y eût anniversaire ou motif particulier, l'Ambassadeur s'est levé et a dit qu'il était sûr de répondre au désir des convives, en portant la santé de l'Empereur des Français. On s'est regardé et on a bu, M. de Hübner y compris. Puis, le comte Walewski s'est levé à son tour, disant qu'il était sûr de répondre au désir général en portant la santé de l'Empereur de Russie. Autre échange de regards plus ou moins surpris. On ne s'explique pas cette démonstration sans motif spécial.

Paris, 23 janvier 1859.—Paris est toujours à la guerre. On parle d'un traité offensif et défensif, signé entre la France et la Sardaigne, sans lequel M. de Cavour ne consentirait pas au mariage de la princesse Clotilde. Cependant ce fait qui se répète beaucoup ne m'est pas démontré.

298 Rochecotte, 3 février 1859.—Quand j'ai quitté Paris, on était mi-partie à la guerre, mi-partie à la paix. Ce qui paraît certain, c'est que si la pression extérieure, qui hélas! est bien peu unie et ferme, ne pèse pas dans la balance pacifique, c'est Pélissier qui commandera l'armée de Paris pour y maintenir l'ordre pendant l'absence de l'Empereur, lequel Empereur veut commander en personne l'armée des Alpes, Canrobert celle de réserve. Les nouvelles d'Algérie, d'où on retirerait des troupes en cas de guerre, sont qu'aussitôt l'armée diminuée, les Arabes se révolteraient sur nouveaux frais; déjà les assassinats recommencent depuis que le nouveau système du prince Napoléon y est établi. Les banqueroutes se succèdent à Paris et en province. En un mot, désarroi partout et bien des nuages à tous les horizons.

Rochecotte, 8 février 1858.—Mon fils, qui a assisté à la séance du Corps législatif, m'écrit qu'elle a été des plus froides; ni cris, ni applaudissements, rien pour l'Impératrice. Il en a été de même à l'arrivée à Paris de la princesse Clotilde; les hommes n'ôtaient pas même leur chapeau.

Le discours d'ouverture de l'Empereur ne paraît pas suffisant pour faire croire à la paix réelle; il ne parvient pas à rétablir la confiance profondément ébranlée. Les journaux du Gouvernement parlent d'un grand enthousiasme que les spectateurs impartiaux nient. En attendant, les banqueroutes vont grand train, et les armements et préparatifs de guerre ne discontinuent pas. On reste très inquiet.

299 Rochecotte, 14 février 1859.—Je viens de lire l'ouvrage que Mme la comtesse d'Harcourt a publié sur Mme la Duchesse d'Orléans. Cette lecture m'a plu. C'est un récit ému, naturel, d'une destinée brillamment et tristement dramatique; assez de passion pour aller au delà du vrai, et pourtant, une certaine retenue habile sur les moments délicats. C'est une lecture très agréable où la mémoire de la Princesse est heureusement sauvegardée et honorée, utile à son souvenir, et peut-être même à l'avenir de ses enfants [252].

Rochecotte, 28 février 1859.—Je crois de plus en plus à la guerre. L'Empereur Napoléon a dit à M. de Villamarina, le ministre de Sardaigne à Paris, à l'occasion de la mission de lord Cowley à Vienne: «Rassurez votre maître, cette mission ne saurait aboutir.» C'est bien pour cela qu'il y a consenti. Il paraît certain, en effet, que si l'Angleterre veut la paix, elle n'en prend guère les moyens, car lord Cowley est chargé de propositions qui me paraissent inadmissibles [253]. Et ce pauvre Pape? Je 300 ne m'étonne pas qu'aux Tuileries on se prête à évacuer Rome, car ce sera le signal de troubles dans lesquels on puisera le prétexte qu'on cherche depuis longtemps. A côté de ces sombres prévisions, on s'amuse, à Paris, comme dans les jours de la plus grande quiétude. Il n'est bruit que de bals; cinq bals costumés chez les Ministres, mille invités hier chez Mme Duchâtel.

On me mande qu'on ne parle d'autre chose que de bals chez Mme de Boigne, où le duc de Fezensac a lu, l'autre jour, un fragment de mémoires sur son enfance pendant la Terreur à Méréville [254]. Là, et alors aussi, on s'amusait. La nouvelle du 21 janvier 1793 suspendit, à Méréville, une comédie qu'on s'apprêtait à y jouer. On dit que ces mémoires sont à la fois naturels et piquants.

Rochecotte, 8 mars 1859.—J'ai lu le fameux article du Moniteur, ainsi que la reculade de mauvaise humeur qu'il contient [255]. Je suppose que ce qui y a le plus contribué, c'est l'animosité de l'opinion en France, en Angleterre, et celle qui me paraît presque exaltée en Allemagne. 301 Il a donc reculé (je veux dire l'Empereur Napoléon) et reculé le premier. Cela disposera peut-être l'Autriche à faire quelques petites concessions qui lui concilieront encore plus Londres et Berlin. Il est vrai que, dans cet article grognon du Moniteur, on ne pouvait plaider la cause de la paix dans un style plus belliqueux; il y a des gens qui diront que le principal motif de l'article a été la nécessité de rassurer ce pauvre Corps législatif qui montre quelques velléités de sortir de son obéissance muette et passive. Mais l'article sera-t-il suffisant pour rendre la sécurité? Je n'y vois qu'un sursis, c'est beaucoup, mais est-ce assez?

On me parle de conversations étranges entre M. de Persigny et l'Empereur, puis entre M. de Persigny et le marquis de Villamarina.

On dit que M. de Persigny, qui prêche la paix, comme Pierre l'Ermite prêchait la Croisade, somme le Piémont de dégager l'Empereur de ses engagements. M. de Morny et M. Baroche garantissent la paix au Corps législatif; cela suffira-t-il pour empêcher qu'il réclame contre le peu de compte qu'on fait de lui, quand on présente à sa commission un budget de paix, au moment où la guerre paraît près d'éclater? De tout ceci, la Bourse se remet à monter et on peut se croire quelques mois de plus de tranquillité.

Rochecotte, 14 mars 1859.—A l'occasion de la démission du prince Napoléon [256], on disait dans Paris, en y 302 appliquant le titre d'une comédie qui a fait du bruit au Théâtre-Français: La joie fait peur. Je crois la guerre inévitable; mais comme on n'est prêt ni ici ni en Piémont, qu'il faut encore trois mois pour achever tous les préparatifs et qu'on veut pouvoir les compléter en paix, on a l'air de se prêter à des négociations sur l'utilité desquelles on s'efforce de rassurer secrètement M. de Cavour. J'ai bien peur qu'en Prusse on ne se fasse de grandes illusions ainsi qu'à Londres et qu'on ne se prépare, dans un certain délai, une grande journée des dupes.

Rochecotte, 31 mars 1859.—Je me souviens d'un mot de Mme de Maintenon: «Il n'y a que la mort qui termine nettement les embarras de la vie.» Quelque embarrassé qu'on soit, la porte qui seule en tire n'est du goût de personne. Il arrive un temps, hélas! où on n'a plus de plaisir à vivre, tout en ayant terreur de mourir. C'est un peu mon cas. Quel être inconséquent et impossible à satisfaire que l'être humain!

Il y a quelques jours que la nouvelle du Congrès tranquillisait tout le monde; depuis, on n'y a plus la même confiance. On croit qu'en le proposant, la Russie tendait un piège, qu'elle coupait l'herbe sous les pieds de l'Angleterre, et en France on se flattait d'un refus de l'Autriche d'y assister. Quand on ne croit plus à la bonne foi de personne, où placer sa confiance?

Les uns me mandent, ce sont ceux qui se cramponnent à la paix, que le prince Napoléon est de mauvaise humeur et Cavour mécontent; ceux qui, surtout, prévoient la 303 guerre, prétendent que le prince Napoléon est rayonnant et Cavour souriant [257].

Il faudrait un baromètre bien subtil pour marquer exactement la température parisienne, européenne, pour dire vrai; car partout, il y a fluctuation.

A propos de Cavour, on raconte que la veille de son départ, il aurait dit en ricanant à Rothschild: «Je sais fort bien que si je donnais ma démission, les fonds monteraient de trois pour cent.»—«Mieux que cela», lui a répondu le juif, assez brutalement. Israël se met à avoir de l'esprit et presque du courage, quand il s'agit de voir des millions s'engloutir.

La princesse Clotilde a été au concert chez la duchesse de Hamilton. Il ne s'y trouvait que des étrangers ou du 304 monde officiel. Elle n'avait pas osé en inviter d'autres, quoique ses intimités se trouvent concentrées dans le faubourg Saint-Germain. La duchesse d'Albuféra, qui était à ce concert, me mande qu'elle a trouvé la princesse Clotilde mieux qu'elle ne pensait d'extérieur.

Paris, 8 avril 1859.—On hésite toujours ici à fixer définitivement le lieu où se tiendra le Congrès; mais le veut-on sérieusement? Il y a bien des habiles qui en doutent. On ne voit que pièges et duplicités partout, notamment de la part de la Russie; la méfiance est générale. L'Empereur Napoléon ne s'attendait pas à la dissolution du Parlement anglais; il espérait la venue de lord Palmerston au Ministère; malgré cela, tout ce qui est guerroyant va son train.

Strasbourg est mis sur le pied de guerre, les régiments aguerris de l'Algérie sont remplacés par des régiments nouveaux; les anciens seront employés aux Alpes et sur le Rhin. Les généraux Martimprey, Trochu, Niel, seront à la tête de l'État-Major de l'Empereur qui commandera en chef; il y aura une armée des Alpes et une armée d'observation du Rhin; Pélissier contenant les rouges à Paris. Le prince Napoléon sera emmené de gré ou de force à l'armée. Voilà à quoi on s'apprête. Le Congrès ne semble à bien des gens qu'un leurre pour épuiser l'Autriche dans une vaine attente. On dit que M. de Cavour, en rentrant à Turin, a été un peu surpris de s'y trouver dépassé par les cris des réfugiés, qui y deviennent chers et importuns.

305 Paris, 12 avril 1859.—Le rôle que joue la Russie sera dans son plus grand développement à l'arrivée du prince Gortschakoff, qu'on attend ces jours-ci. Le Congrès reste douteux, le lieu où il se tiendrait également incertain; il n'y a de certain que les élégantes toilettes commandées par les femmes des plénipotentiaires qui comptent exercer leurs séductions. On me nomme Mme Walewska et lady Cowley. Cette dernière est revenue fort autrichienne de Vienne, où on l'a habilement cajolée. Depuis hier, on croit à la paix; avant-hier, c'était la guerre; je ne sais encore rien d'aujourd'hui; demain, ce sera autre chose. C'est un va-et-vient auquel on ne comprend plus rien; mais, ce qui est évident, c'est qu'on ne croit plus à personne, ni aux gazettes, ni aux hommes, ni aux choses.

Paris, 22 avril 1859.—On s'attend à ce que l'ultimatum, à bref délai, que l'Autriche, fatiguée et poussée à bout, vient de proposer à Turin, n'y étant pas accepté, sera suivi le lundi de Pâques des premières hostilités. Depuis hier, toutes les troupes d'ici partent par le mont Genèvre ou par Toulon. Paris est consterné; jamais guerre n'a trouvé moins d'entrain dans cette France toujours si gaie au canon. La rente a baissé hier de trois francs, on suppose qu'elle va tomber bien plus bas encore. Si lord Derby avait voulu tenir, il y a deux mois, le langage de son dernier discours [258], si la Prusse s'y était 306 jointe, on aurait alors évité probablement le terrible coup qui nous menace.

Paris, 28 avril 1859.—L'Autriche a accepté la dernière proposition de l'Angleterre, qui s'offre à être seule médiatrice et à reprendre la négociation, au point où elle en était, avec lord Cowley, lorsque la Russie a substitué tout à coup l'idée d'un Congrès; mais l'Empereur Napoléon a refusé pour ne pas déplaire à la Russie. Il paraît maintenant évident qu'il y avait eu accord secret entre la France et la Russie, dont la rumeur blesse profondément l'Angleterre. Ainsi donc, depuis quarante-huit heures, nouveau changement de décoration, revirement inattendu et confusion complète. Le prince Napoléon ne veut pas partir; il dit qu'on l'envoie dans un coupe-gorge et qu'il n'a pas envie d'y périr avec son beau-père. On dit que le sang savoyard se révolte de cette timidité chez la princesse Clotilde; mais on dit l'Empereur Napoléon si décidé à ne pas laisser l'aimable cousin derrière lui, qu'il pourrait bien retarder son propre départ. Les militaires, voire même les généraux, partent avec peu d'entrain et de tristes pressentiments. Au ministère de la Guerre, tout est en désordre; il y a angoisse et consternation partout, 307 jusqu'au Corps législatif, cette pâle ombre, qui a des velléités d'humeur. Les rapports de la police sur les sociétés secrètes disent qu'elles sont toutes prêtes à éclater au moindre revers. L'effroi du commerce, l'arrêt des entreprises, les sinistres figures qui surgissent dans les faubourgs, oiseaux de mauvais augure, la terreur des financiers, les prévisions des gens sensés, le langage démesuré des hommes de parti, la liberté étrange des paroles, la tristesse du monde officiel, tout cela fait de Paris, en ce moment, avec le mouvement des troupes, les larmes des femmes et des mères, un lieu des plus douloureusement curieux. L'entrain belliqueux, si naturel à ce pays, n'est nulle part. Avec cela, la plupart des maréchaux infirmes, partant, à la vérité, mais pouvant à peine se traîner. Les Russes, avant-hier encore, fort goguenards et insolents, sont beaucoup moins hautains; ce qui tient à l'attitude de l'Angleterre, furieuse du traité tenu longtemps secret et qui éclate.

Paris, 29 avril 1859.—Les grandes banques cherchaient encore hier, dans les incidents de la journée, une chance de paix; mais les Anglais ne doutaient pas de la guerre; ils croient au traité secret avec la Russie, officieusement, mais non officiellement démenti. Albion fulmine; lord Cowley s'exprime en termes massifs; la révolution de Florence et de Parme creuse le fossé [259]; l'Autriche ne 308 peut les tolérer, la France ne peut les abandonner. Quel gâchis! L'Empereur Napoléon a dit avant-hier au vieux prince Adam Czartoryski: «Ayez patience, aussitôt que j'aurai fini en Italie, je m'occuperai de la Pologne, car ma mission est de rétablir toutes les nationalités.» On pourrait bien demander comme dans la comédie: «Qui trompe-t-on ici?» Mais comment se laisser tromper? Les rouges sont ravis et les plus sinistres figures accompagnent, jusqu'aux barrières, les troupes qui partent sans entrain.

Nouvelle réunion à Bade des deux correspondants.

Dresde, 15 juin 1859.—Je suis arrivée ici avant-hier au soir. La veille, j'avais été à la messe à Weimar dans le pauvre petit réduit accordé aux catholiques du lieu; puis, j'ai été passer le reste de la journée à Eltersburg, qui est vraiment un charmant séjour [260]. J'ai eu la bonne chance de trouver ici, à l'hôtel de Saxe, le prince Paul Esterhazy, se rendant à Londres; il m'a appris bien des choses, plus curieuses que consolantes. Le comte Clam et le prince Édouard Lichtenstein sont furieux contre Gyulay 309 qui avait, pour ainsi dire, gagné la bataille de Magenta et qui a tout perdu par sa faute, qu'il veut rejeter sur eux [261].

La comtesse Colloredo est venue s'abriter ici; elle a des nouvelles alarmantes de Rome; les sociétés secrètes y sont puissantes, assez même pour braver le général de Goyon et ses soldats. On s'attend à des scènes de carnage et le Pape y est virtuellement prisonnier. Et les Légations? Les voilà libres des Autrichiens, réclamant les Français et proclamant le Roi de Sardaigne [262]. Ceci me semble plutôt un embarras qu'un avantage pour l'Empereur Napoléon; car que devient sa garantie de neutralité donnée au Pape?

Metternich s'est éteint sans agonie, sans maladie. Paul Esterhazy assistait à cette mort, qui n'a été qu'un épuisement sans souffrances. Il paraît que les quinze jours de réveil et d'action politique, auxquels il a été appelé, ont hâté sa fin, en lui faisant dépenser, en peu 310 de jours, ce qui lui aurait suffi pour vivre encore un ou deux ans [263]. Esprit éclairé, caractère modéré, grande expérience, dignité naturelle, humeur facile, il réunissait bien des avantages rares partout, mais surtout dans son pays et à notre époque si appauvrie.

Téplitz, 18 juin 1859.—Il n'y a ici que des malades, des gens tristes, des âmes abattues, des esprits assombris. Cependant, les habitants de céans se remontent à la nouvelle officielle d'un échec essuyé par Garibaldi [264] et puis de l'éloignement de Gyulay, sur l'incapacité duquel on dit des choses incroyables. Il paraît que les généraux Clam et Édouard Lichtenstein avaient voulu provoquer contre lui un conseil de guerre. On se croit sûr du Tyrol allemand et de son ancienne fidélité; on l'est moins du Tyrol italien, et les pièces de vingt francs françaises circulent trop librement en Hongrie pour ne pas causer du souci. La mobilisation prussienne se fait avec tant de gravité lente et de circonspection que le drame lombard sera probablement dénoué avant que la Prusse ne se mette de la partie.

311 Téplitz, 29 juin 1859.—Voici le trait principal d'une lettre que j'ai reçue d'Angleterre: «L'esprit d'ici est triste; la cour, la haute société sont d'un côté, le Ministère et le gros du public de l'autre. Point d'homme qui pèse sur ce simulacre de Parlement. Qu'est-ce qu'une majorité de treize voix et un Ministère composé d'ennemis jurés qui se sont fait et qui se font encore mille tours? Les hommes publics de ce temps-ci sont tombés dans le dernier décri; l'Angleterre abdique sans estime ni confiance pour celui [265] sous lequel elle s'incline. Elle abdique par imprévoyance, par pusillanimité, par prédominance des intérêts matériels; dans une telle situation, elle ne pèsera que du mauvais côté!»

Téplitz, 2 juillet 1859.—Je ne puis dissimuler que je suis bien mécontente du rôle que joue la Prusse, bien dangereux, d'ailleurs, à tous les points de vue. Je crains qu'il ne soit trop tard pour tout. Si la mobilisation n'est qu'une vaine et illusoire démonstration, elle est trop chère; elle dérange, sans profit, la vie privée de tout le monde et mécontentera l'armée, dont on stimule l'honneur sans jamais le satisfaire. Si on voulait réellement opposer une barrière sérieuse à l'ennemi, il ne fallait pas lui donner le temps de battre les uns sur le Mincio et de s'armer fortement sur le Rhin, où on aura probablement, par cette belle combinaison, des échecs sérieux.

En attendant, la Révolution marche à pas fermes et 312 habiles, et nous en avons les indices certains par les promenades des gens de mauvaise mine qui crient la faim. Il y a eu dans ce genre de mauvaises scènes à Kœnigsberg. Quel avenir! et qu'il eût été facile de l'éviter avec de la bonne foi, de la netteté, de l'à-propos et une intelligence prompte des vrais intérêts de la Prusse. Mais avec l'irrésolution d'un ministre paresseux comme Schleinitz et un ambassadeur chimérique à Paris comme Pourtalès, comment ne pas faire fausse route?

Téplitz, 7 juillet 1859.—On me mande de Paris que l'Empereur Napoléon voudrait y revenir, et laisser là l'Italie; mais il ne sait à qui confier le commandement de l'armée; le maréchal Canrobert aurait été au-dessous du médiocre à Solferino [266] et les autres savent mener les troupes, mais manquent d'autorité.

Les pièces diplomatiques mettent bien à découvert l'ambition piémontaise et la conspiration italienne [267]. Ce 313 langage n'a rien qui m'étonne, car l'équilibre européen n'a évidemment plus de gardien. Les grandes puissances ont renoncé à veiller sur l'Europe, et quand lord John Russel et lord Palmerston jugeront à propos d'intervenir, cette intervention ne suffira plus, pas plus que la note qui vient si tard, si mollement. L'Angleterre et la Prusse se trouvent impuissantes à force d'avoir été inactives.

La position du Pape me fend le cœur, et un Gramont geôlier du Pape, qui l'eût cru!

Dresde, 11 juillet 1859.—Que dire de cet armistice demandé par l'Empereur Napoléon dans une lettre autographe adressée à l'Empereur d'Autriche? C'est le général Fleury qui est venu en parlementaire porter cette lettre à Vérone. L'Empereur François-Joseph, après l'avoir lue, a fait entrer M. Fleury et a passé deux heures enfermé avec lui; et c'est à la suite de cette lettre et de cet entretien que le jeune Empereur a consenti à l'armistice. L'étrangeté, c'est que la demande soit venue du côté du vainqueur, au moment où Kossuth et l'intrigue russe mettaient la Hongrie en émotion [268], où les flottes françaises 314 sont maîtresses de l'Adriatique, où le fameux quadrilatère est cerné.

Je vois ici des personnes, intéressées à être bien informées, qui prétendent que le typhus et la dysenterie font ravage dans le camp français, que l'Empereur Napoléon est importuné des ambitions sardes, inquiet du mouvement révolutionnaire de l'Italie et gêné par les complications romaines, qu'il a envie de hâter une rentrée triomphale en France, avant d'avoir éprouvé des revers. Tout ceci me paraît insuffisant pour motiver une pareille démarche avant que le fameux programme soit accompli.

Le ministre de Prusse ici, M. de Savigny, prétend que la mobilisation prussienne a effrayé l'Empereur. Quelle bêtise! La Prusse a eu le tort de l'inquiéter sans avoir eu l'énergie de lui faire peur, et c'est la plus fatale des conduites. Si j'en crois mes instincts, cet armistice tournera contre les Prussiens. L'Empereur Napoléon et la France sont bien plus intéressés à la ligne du Rhin qu'à l'Italie, et ce n'est pas l'Autriche, si lâchement abandonnée, qui se mettra en mouvement pour lui venir en aide. J'ai causé avec quelqu'un venant de Berlin, et qui m'a raconté des choses étranges sur la débandade qui y règne, sur le Régent soumis à quelques-uns de ses ministres. On dit que rien ne peut donner idée des luttes qui y règnent, de l'aveuglement des uns, de la faiblesse des autres, de la médiocrité de tous, et hélas! des flots montants de 315 l'esprit révolutionnaire. Auerswald, doublé du comte Schwerin (deux parfaits jacobins), partent de l'idée qu'en faisant du libéralisme, toutes les populations germaniques se soumettront à la Prusse et qu'elle héritera de ses voisins, à la façon dont Victor-Emmanuel s'étend vers Milan, Florence, Modène et Parme.

A Berlin, on est d'une étroitesse et d'une aigreur protestantes extrêmes; on est charmé de l'écroulement du Pape et on s'est réjoui de la scène hideuse qui s'est passée à Milan le jour de Saint-Pierre et Saint-Paul. Ce jour-là, on a brûlé en place publique, aux cris féroces de la multitude, trois grandes poupées figurant le Pape, tiare en tête, le cardinal Antonelli et le général commandant des Suisses. Les sociétés bibliques anglaises, qui depuis longtemps travaillent l'Italie, ont en grande partie atteint leur but. Lord John Russel ne s'en tient plus de joie, en particulier lady John qui est une Minto enragée [269]. Bernstorff est retourné à Londres dégoûté et effrayé du gâchis de Berlin. Pourtalès y règne plus chimérique que jamais; malheureusement, on dit qu'il a enlacé et aveuglé le prince de Hohenzollern. A Berlin on n'a jamais voulu de la guerre et on attendra l'arme au bras qu'on vienne la faire.

On se montre inquiet de la Russie, sans l'être au fond, car on trouve que c'est commode; du reste, la réponse anglaise aux propositions tardives de la Prusse est plus mauvaise et plus absurde que celle de Saint-Pétersbourg [270]; 316 on croit même savoir que la Russie, craignant que l'Autriche n'obtienne des dédommagements vers l'Est qui pourraient la gêner (elle Russie), est disposée à voter pour que la Vénétie appartienne à l'archiduc Maximilien, en faveur duquel le roi Léopold s'agite infiniment; mais, on dit aussi que, si cela avait lieu, le pauvre Prince ne tarderait pas à succomber aux poignards mazziniens, et que, si l'Empereur Napoléon contrarie le mouvement antipapal, les Romagnols deviendraient des Orsini. Quel chaos!

Lœbichau, 14 juillet 1859.—Je suis chez ma sœur depuis avant-hier; je la quitterai demain pour Berlin où je suppose que je trouverai tutti quanti un peu ébouriffés de la rapidité avec laquelle se succèdent armistice, entrevue et préliminaires de paix. Il sera curieux d'en connaître les conditions; car, comment l'Empereur Napoléon pourra-t-il se départir de son fameux programme sans réveiller les héritiers d'Orsini? Et comment l'Empereur François-Joseph, qui est bien loin encore d'être dans une position désespérée, en acceptera-t-il toute l'étendue? 317 Enfin, nous ne tarderons pas à savoir le mot de l'énigme. Il sera curieux à connaître. On murmure encore le mot de peste, ayant éclaté chez les zouaves et les turcos. L'Angleterre par son action, la Prusse par ses finasseries, la Russie malgré ses intrigues, se sont placées hors de la conclusion de ce drame, qui ne me paraît être que le prélude d'autres entreprises préparées dans quelque temps sur un autre théâtre. Ah! la Prusse, la Prusse! quel rôle que le sien! On tenait encore la dragée haute au prince Windisch-Graetz à Berlin que déjà le général Fleury frappait en parlementaire aux portes de Vérone [271].

Le duc de Gramont a déclaré au Pape que s'il excommuniait Victor-Emmanuel, lui, Gramont, et le général de Goyon quitteraient Rome et livreraient par là Pape et Cardinaux à la férocité d'une population plus que jamais travaillée par les mazziniens. On dit Cavour de fort mauvaise humeur [272]. On aura bien de la peine à rapproprier l'Italie, même en parquant l'Autriche hors de la Lombardie.

Berlin, 19 juillet 1859.—J'ai eu beaucoup d'émotion, 318 en revoyant le Roi; malgré ses débilités qui ne guériront jamais, je l'ai cependant trouvé infiniment moins troublé, altéré et affaissé que je ne le croyais. Il sent parfaitement ce que son état a de pénible, mais il espère toujours une guérison complète. La Reine ne se fait aucune illusion. Pendant que j'étais auprès de Leurs Majestés, le télégraphe a apporté la nouvelle de la mort de cette charmante Reine de Portugal [273]. J'en suis restée peinée au cœur. Ce pauvre jeune Roi sera désespéré!

L'Italie reste en feu, l'Europe reste méfiante. L'Empereur Napoléon est à la fois téméraire et timide, s'engageant audacieusement et reculant devant les embarras que son audace a fait naître, ce qui n'a d'autre effet que d'en créer de nouveaux. L'Europe finira par se lasser, et certes, elle n'aura pas manqué de patience. Ici on a d'autant plus d'humeur qu'on sent le ridicule de la position qu'on s'est faite, sans vouloir en convenir.

On m'a dit assez de mal du Ministère actuel; tout le monde ici se déteste; mais le mot d'ordre est la haine de l'Autriche, qu'on accuse de n'avoir fait la paix que par malice contre la Prusse, tandis qu'à la fin d'août, on serait venu, dit-on, à son secours. Ceci est merveilleux! En attendant, on est ruiné, humilié, irrité, et la disposition des esprits est très peu satisfaisante.

Sagan, 23 juillet 1859.—Je suis arrivée ici le 20. La veille de mon départ de Berlin, j'ai eu un long entretien 319 avec le Prince-Régent; je l'ai trouvé bien vieilli; il m'a fait grand'pitié. Malgré les efforts de la presse prussienne, qui ergote tant qu'elle peut, il n'en est pas moins vrai que la position qu'on s'est faite est fausse et embarrassante. Dieu veuille qu'elle ne devienne pas dangereuse. Le Prince-Régent rejette toute la faute sur l'Angleterre. Comme il est très honnête homme, il faut bien croire ce qu'il dit; mais il a de singuliers conseillers qui abusent de sa bonne foi et de sa crédulité. Il m'a fait l'honneur de me dire que l'argument principal, que l'Empereur Napoléon a fait valoir auprès de l'Empereur François-Joseph, a été une note de l'Angleterre, très hostile à l'Autriche et qui était (le Prince-Régent dit qui semblait être) écrite au nom de la Prusse comme à celui de l'Angleterre. Cette note plaçait l'Autriche beaucoup plus mal que la France ne lui offrait de l'être, ce qui aurait fait céder l'Empereur François-Joseph. Le Prince-Régent se dit très irrité de ce procédé fallacieux de l'Angleterre.

Sagan, 26 juillet 1859.—Le discours de l'Empereur Napoléon aux grands Corps de l'État [274], à mon avis, n'est pas sans habileté; mais il ne change rien à la situation; il la laisse aussi brouillée, aussi obscure, aussi épineuse que l'ont faite les événements. C'est, du reste, un art comme un autre que faire des aveux pour couvrir des fautes et des embarras, et cet art n'est pas sans effet auprès du 320 gros public. Il en pourrait bien être des discours comme des victoires, dont le succès est plus grand que l'effet. Que de choses étranges n'entend-on pas? ainsi, chacun critiquant de plus en plus cette paix dont on est toujours aussi content. Je crois pouvoir dire avec certitude que dans leurs conversations, l'Empereur François-Joseph a été net et résolu; il a abandonné sur-le-champ la Lombardie, et cela, sans la moindre hésitation, ni objection! «Ceci ne me regarde plus, je n'y suis plus rien; disposez-en comme vous l'entendrez.» Mais quand l'Empereur Napoléon a mis en avant quelques idées sur d'autres points, comme un Archiduc souverain en Vénétie, l'abandon des Duchés au Piémont, l'Empereur François-Joseph les a écartées sur-le-champ aussi, comme décidé plutôt à continuer la guerre, si on insistait. «Un membre de ma famille souverain en Vénétie, a-t-il dit, c'est impossible! On m'en demanderait bientôt autant pour la Hongrie, puis pour la Bohême, le Tyrol et je ne resterais plus qu'Archiduc d'Autriche.» Sur cette réponse, que je trouve très juste et perspicace, l'Empereur Napoléon n'a plus insisté.

M. de Cavour a fait proposer de racheter Parme à la Duchesse régente; cela a été repoussé comme inadmissible. La plus vive, contre, a été l'Impératrice Eugénie; on cite d'elle ce propos: «On ne traite pas une Princesse de la maison de Bourbon comme un prince de Monaco.»

C'est M. de Cavour qui a fait mettre à sa place, au Ministère, M. Rattazzi; il ne tardera pas beaucoup lui-même à y rentrer; son maître le regrette et veut le ravoir, disant: «On crie beaucoup contre Cavour, il est vrai 321 qu'il brouille tout; mais c'est égal, je l'aime, c'est mon homme.»

La dépêche de ce pauvre M. de Schleinitz aux Cours de Londres et de Saint-Pétersbourg [275] est une publication rétrospective destinée à éclairer et à satisfaire l'opinion. En vérité, je ne sache rien de mieux fait pour faire hausser les épaules! Ne concluant à rien, ne proposant rien. Tout y est confus; on conçoit à merveille que les réponses aient été aussi obscures que les demandes. Il dément, dans une pièce plus récente, le projet de médiation attribué à la Prusse; Schleinitz se borne au démenti sans oser inculper l'Angleterre; car on n'ose rien ici, où l'Angleterre prime encore. Pour exhaler son humeur contre l'Autriche et retrouver, s'il se peut, l'influence que par sa faute elle a perdue en Allemagne, la Prusse se remet en coquetterie avec le parti de Gotha et avec les débris du parlement de Francfort de 1848. Elle veut (triste politique d'Auerswald et de Bethmann-Holweg) réveiller les passions de 1848, les protéger en espérant les diriger et inspirer, par elles, aux petits souverains allemands le détachement de l'Autriche, ou sinon, les livrer aux exigences révolutionnaires de leurs peuples. Triste jeu, mauvaise politique! Le Prince Régent et le prince de Hohenzollern ne se doutent pas du chemin que les Ministres leur font faire.

Sagan, 11 août 1859.—Voilà le Roi de Prusse retombé 322 dans un état qui détruit toutes les espérances que certaines personnes s'obstinaient à conserver [276].

Il y a des gens qui croient qu'on ne s'entendra pas à Zurich; je n'ai jamais vu les acteurs prévoir aussi peu les chances et comprendre aussi mal l'imbroglio de leur propre drame [277]. On m'assure que la France fait sous main tout ce qu'elle peut pour arriver à s'emparer modestement, mais sûrement de la Savoie: procédé bien encourageant pour la Prusse qui, en somme, l'aura bien voulu.

Sagan, 26 août 1859.—J'apprends de bonne source qu'on a découvert à Naples un complot contre le Roi; on voulait le chasser comme on a chassé le Grand-Duc de Toscane [278]. On a les preuves de la complicité du nouveau ministre de Sardaigne à Naples, M. de Salmour; le général 323 Filangieri voulait lui envoyer ses passeports; le Roi s'y est refusé. Je me permets de trouver que le Roi a eu tort. Il n'y a pas moyen de ne pas rester les yeux fixés sur l'Italie. Intérêt de curiosité plutôt que de goût. Comment finira la question des anciens Princes? Elle me paraît se compliquer de jour en jour. Le parti, qui ne veut pas d'eux, mène assez adroitement ses affaires; des apparences tranquilles et des votes font plus d'effet que des émeutes. Il paraît que les Mazziniens sont surtout concentrés pour le moment en Romagne. L'Assemblée de Florence vote l'exclusion du Grand-Duc de Toscane [279]; pendant ce temps-là, l'Empereur Napoléon le reçoit très bien à Paris; mais on laisse Garibaldi organiser une armée pour l'empêcher de rentrer dans ses États. Qui donc est-ce qu'on trompe dans cet imbroglio? les Princes ou les Peuples? Quels que soient les trompeurs ou les trompés, non seulement l'Italie, mais toute l'Europe est bien malade.

Sagan, 31 août 1859.—Voici les extraits de plusieurs 324 lettres que j'ai reçues de Paris, de Londres et de Nice:

«Paris, 25 août. Le Gouvernement est assez troublé du chaos italien; cependant, il espère s'en tirer. On se disait sûr, hier, que le Roi de Sardaigne refuserait les couronnes que lui offrent Florence, Parme et Modène. Que feraient alors les meneurs actuels des trois duchés? La République leur est interdite. Quel Roi iraient-ils chercher? un Leuchtenberg, le petit Robert de Parme, le prince Napoléon? on ne sait. En tout cas, on a un moyen de les mettre dans l'embarras; on leur dira que leurs élections et leurs assemblées ne valent rien; qu'ils n'ont pas mis en œuvre le vrai suffrage universel, tel qu'il a opéré en France; il faut que tout le monde vote, les paysans comme les bourgeois. Tout sera donc à recommencer, et l'on se flatte que soit opinion, soit lassitude, des élections nouvelles ramèneront les anciens Princes, qu'à Villafranca on s'est engagé à rétablir, pourvu que ces Princes fassent (et on y compte) des concessions suffisamment libérales. Les hommes d'affaires, la Bourse avaient hier des nouvelles bien différentes de celles du Gouvernement. Ils croyaient que le Roi de Sardaigne accepterait les trois petites couronnes. Il y a des spectateurs, gens d'esprit, qui admirent la modération et l'habileté des libéraux italiens. On dit qu'ils marchent avec ensemble, qu'ils ont promptement étouffé le mouvement de colère suscité en Italie par la paix de Villafranca; qu'ils se sont bien ralliés tous à la cause piémontaise et qu'ils la feront triompher. D'autres gens, d'esprit aussi, disent que les grands révolutionnaires, les Mazziniens, n'acceptent rien de tout cela et sont plus que jamais 325 décidés à mettre ou à remettre l'Italie en feu. L'émeute de Naples est un prélude; Bologne est un foyer inextinguible; les Légations ne veulent décidément plus du Pape. Le Pape ne veut, ni ne peut y renoncer; il y a là de quoi faire échouer toutes les solutions piémontaises et françaises. Le petit mouvement en Savoie, pour la réunion à la France, a assez troublé le cabinet de Turin. Le général Dabormida a adressé à tous les agents piémontais une circulaire pour repousser absolument cette idée et démontrer l'insignifiance du mouvement en l'attribuant au parti clérical. Il y a, dans la circulaire, plus d'humeur que d'inquiétude. Les vrais spectateurs politiques, les connaisseurs, sont bien plus préoccupés du nord-ouest de l'Europe que de l'Italie: bien ou mal, Piémont ou chaos, le coup est fait en Italie, on n'y retournera pas de sitôt.

«L'humeur est grande ici contre la Belgique. Le maréchal de Mac-Mahon, commandant à Lille, est la réponse aux fortifications d'Anvers; c'est l'homme de guerre du jour. On dit que, dans l'entrevue de Villafranca, il a été fort question de la Prusse et que les deux Empereurs se sont confiés leurs rancunes. Je crois savoir que les Russes sont plutôt favorables qu'hostiles à la Prusse, et que l'amitié de l'Empereur Alexandre pour le Prince Régent est sincère; il n'en est pas moins vrai que le mouvement militaire de l'Allemagne, qui éclate en ce moment, importune également à Saint-Pétersbourg et aux Tuileries, et que les deux Cours s'entendent pour le contrarier, comme pouvant opposer une barrière gênante à leurs ambitions.»

«Londres, 26 août. Nous sommes plus que jamais ici 326 en méfiance et en inquiétude; rien de prochain, mais une collision très probable et à laquelle nous nous préparons en faisant tout ce que nous pouvons et tout ce que nous pourrons pour l'éviter.»

«Nice, 25 août. Dans l'entrevue des deux Empereurs à Villafranca, l'Empereur Napoléon a insisté pour que des quatre places fortes, l'Empereur François-Joseph cédât au moins Peschiera aux Piémontais, et, sur le refus persévérant de l'Empereur d'Autriche, l'Empereur des Français a dit: «Eh bien, ne me répondez pas aujourd'hui sur ce point; je vous demande d'y réfléchir jusqu'à demain. Je vais faire rédiger ce dont nous sommes convenus; je vous l'enverrai par mon cousin, et signé de moi, en laissant le sort de Peschiera en blanc; vous y mettrez votre décision, mais je vous prie d'y bien penser.» De retour à Vallegio [280], l'Empereur Napoléon, qui seul avait pris des notes, rédigea, en effet, la convention; puis, il a appelé le Roi Victor-Emmanuel et la lui a montrée, en lui demandant de la signer aussi. Le Sarde s'est récrié: «Ce n'est pas du tout là ce que vous m'avez promis.Après tout, vous gagnez une belle province», reprit l'Empereur, ajoutant avec un sourire: «Le Milanais, c'est le pays des belles femmes.» Le Roi Victor-Emmanuel a répondu: «Je croyais que nous étions ici pour parler sérieusement d'affaires sérieuses; je vais signer, mais comme il me convient!» Et il a signé: «Je ratifie, pour ce qui me concerne, la présente convention», ne ratifiant 327 ainsi que ce qui se rapportait à la Lombardie et restant étranger à toutes les autres dispositions ou omissions sur le reste de l'Italie. L'Empereur Napoléon a vainement tenté d'obtenir une signature pure et simple, elle est restée telle que je vous le dis. Le lendemain, l'Empereur Napoléon a envoyé son cousin à Vérone en lui recommandant d'insister fortement sur la question de Peschiera, et de ne remettre la convention signée qu'à la dernière extrémité, et qu'après avoir fait les derniers efforts pour cette cession. On dit que le prince Napoléon, jaloux de se faire bien venir à Vérone, n'a fait aucun effort, et a remis la convention signée, en parlant à peine de Peschiera.»

«Paris, 26 août. Le prince Napoléon était hier à la séance publique de l'Académie française avec la princesse Clotilde, elle, dans une tribune réservée, lui, dans les rangs de l'institut, comme membre libre de l'Académie des Beaux-Arts. Le public était très nombreux, quoique fort choisi, et aussi chaud que le temps était brûlant. Les discours de Villemain et de Guizot, surtout le dernier, ont été frénétiquement applaudis. Vous les verrez dans les journaux et vous y remarquerez plus d'une allusion qui ont été toutes vivement saisies par le public [281]

Sagan, 15 septembre 1859.—Je cause un peu politique avec le comte Haugwitz, et le fameux article du 328 Moniteur du 9 fait jaser dans ce petit coin du monde, comme dans les capitales [282]. Je trouve cette politique napoléonienne à la fois téméraire et embarrassée, entreprenante et indécise, qui fait le chaos et dit ensuite à ceux qu'elle y a plongés: «Tirez-vous de là comme vous pourrez.» Parfois, il me vient à l'esprit qu'on pourrait bien, sous main, jouer le jeu des Italiens, au moment où on leur déclare qu'on s'en retire. Il est bien étrange, en tout cas, d'entendre poser en principe, sans que l'Europe s'en émeuve, la doctrine de la royauté élective, et cette autre: que les traités qui ont réglé les territoires ne sont rien pour les peuples, et que le suffrage universel peut changer, comme il lui plaît, les limites des États aussi bien que les dynasties. La France de 1830-1848 a renversé son gouvernement intérieur, mais elle n'a pas changé l'état territorial et le droit public européens. Et 329 voilà trois petits Duchés, qui prétendent à la fois faire des révolutions et refaire la carte de l'Europe. Et l'Angleterre, soutenant activement ces énormes prétentions et ces infimes petits pays! Si la Prusse, la Russie et l'Autriche, au lieu de se jalouser puérilement, prenaient en main la bonne cause et refusaient péremptoirement de la laisser mettre en pièces par une poignée de Florentins, de Parmesans et de Bolonais, elles remettraient l'ordre en Europe, malgré lord Palmerston.

Sagan, 19 septembre 1859.—Nous voici avec un nouvel article du Moniteur provoqué par la Chine. J'ai toujours eu goût aux Chinois et je me figure que c'est à leur tour à venir mettre l'Europe à la raison; ce serait tristement drôle. En attendant, voilà l'Angleterre avec deux chancres, l'Inde et la Chine; elle en avait déjà assez d'un. Du reste, son indigne politique en Europe mérite bien cette expiation asiatique. L'Empereur Napoléon rira dans sa barbe de ce nouvel affaiblissement pour sa rivale, et le petit nombre d'hommes qu'il enverra à Pékin ne l'affaiblira pas sur la Manche.

Sagan, 29 septembre 1859.—Le Saint-Père a été très blessé de l'ultimatum présenté par le duc de Gramont, qui tend à séculariser le clergé romain et le réduire au même état qu'en France [283]. Le Pape ne veut plus voir 330 l'Ambassadeur. On pense à lui envoyer le cardinal Morlot comme Ambassadeur extraordinaire. La question va en s'envenimant au dernier point. Nous verrons le Pape à Fontainebleau. Mais, avant peu, nous verrons aussi l'Allemagne en pleine révolution; les petits trônes croulent sans que les plus grands inspirent confiance. Le Roi des Belges s'imagine arrêter le courant; je crains qu'il ne se trompe. Les Congrès sont chose illusoire, quand le vent est aux guerres révolutionnaires.

On m'assure que la France est mal satisfaite de son Gouvernement. En abdiquant sa liberté, elle voulait le repos, l'ordre, la facilité de se livrer à l'industrie et au commerce; et, au lieu de cela, on lui donne des aventures; elle se voit compromise, livrée au gré des caprices d'un seul homme, elle se lasse du despotisme qui lui refuse les avantages sur lesquels elle comptait. Plus l'Empereur Napoléon s'en apercevra, et plutôt il se lancera dans de nouvelles guerres pour occuper les esprits, à qui on donne, par là, un aliment qui ne leur convient pas, mais qui les distrait. La France agit sur ses côtes comme si elle croyait à un péril prochain. On fait et on projette à 331 Toulon des travaux gigantesques; il en est de même sur les côtes de l'Ouest. A Paris, on prépare un grand mélodrame intitulé: Jeanne d'Arc; toute son histoire: Orléans, Reims, Compiègne et le bûcher de Rouen. Ce ne sont, peut-être, que des en-cas plutôt que des plans; mais les en-cas sont bien entraînants.

Sagan, 11 octobre 1859.—La protestation de Mgr Dupanloup est belle, éloquente et vraie; et ce qui vaut mieux encore, elle est courageuse. Voilà donc Arras, Poitiers, Orléans, Nantes, Rennes et Pamiers, six évêques sonnant le tocsin [284]. J'oubliais Alger. Le cardinal Morlot a assisté, avec approbation, à un sermon prêché à Saint-Sulpice, plus prononcé encore dans la cause papale. Tout cela n'empêche pas le mouvement révolutionnaire de se propager et de commettre des excès qui rappellent ceux de 1848.

Les eaux de Saint-Sauveur n'ont pas bien réussi à l'Empereur Napoléon, qui aurait mieux fait de s'en tenir à celles de Plombières. Est-il possible de s'être mis tant d'embarras sur les bras! Et si sa santé continue à chanceler, 332 comme c'est le cas depuis un mois, où en sera-t-il, et où en sera l'Europe qu'il a jetée dans un fossé profond, dont je ne sais qui l'en tirera?

Sagan, 16 octobre 1859.—J'ai vu une lettre de Biarritz qui dit que l'Empereur Napoléon y était triste, mécontent, agité comme un homme qui vient d'avoir ou qui attend des mécomptes. Quand je vois des Gouvernements tolérer des assassins, comme ceux de Parme [285], et préparer des massacres, je suis émerveillée de tant d'aveuglement et de coupable faiblesse.

Les adhésions épiscopales augmentent chaque jour. C'est au moins une étoile brillante dans le ciel sombre! M. de Cavour, qui était dernièrement à Genève, a dit, à qui voulait l'entendre, que l'Empereur Napoléon était le plus faible et le plus irrésolu des hommes, et que c'était là tout le secret de son machiavélisme; qu'il ne savait ni ce qu'il voulait, ni ce qu'il faisait.

Sagan, 29 octobre 1859.—Je viens d'avoir une visite de six heures du Prince-Régent de Prusse et de son beau-frère de Weimar, venant, tous deux, de la rencontre à Breslau avec l'Empereur de Russie [286]. Ils étaient tous 333 deux en belle et bonne humeur. Le Prince-Régent était très satisfait de son entrevue avec le Czar, plus du maître que du ministre Gortschakoff. Le Prince-Régent m'a paru n'avoir envie ni de provoquer, ni d'avoir à faire la guerre offensive ou défensive à la France; mais il a en lui assez de défiance pour désirer préparer des chances défensives. Il est même désireux d'adoucir les dispositions de la Russie et les siennes propres envers l'Autriche. Tout cela est excellent, sage et modéré; mais il est faible, ce bon Prince.

Sagan, 3 novembre 1859.—J'avance lentement dans la lecture du livre publié sur Mme Récamier par sa fille adoptive, Mme Lenormant [287]. Le second volume est plus intéressant, ce me semble, que le premier, surtout à cause de M. de Chateaubriand: l'égoïsme reste en lui bien supérieur à la tendresse, il a évidemment plus besoin de Mme Récamier qu'il ne l'aime. A peine trouve-t-on, par-ci par-là, quelques mouvements de cœur, des aveux de faiblesse, presque de défaite; c'est un vaincu et il en convient. Cependant, le vrai naturel manque à ses lettres; l'éclat, le talent y abondent; c'est le grand écrivain drapant le pauvre amoureux. Il y a aussi là un homme qui me touche en m'étonnant par l'excès du désintéressement: 334 c'est M. Ballanche. Tant d'amour et pas un désir! donnant son âme et sa vie pour n'être pas même le premier dans l'amitié, et en être content! C'est bien plus original et bien plus intéressant que Mathieu de Montmorency, tout saint qu'il fût.

Il y a, dans le numéro du Correspondant, poursuivi à cause de l'article de M. de Montalembert, un autre article bien spirituel de Villemain sur cet ouvrage de Mme Récamier. Il y fait patte de velours plus que ça ne lui appartient.

Sagan, 10 novembre 1859.—Il y a peut-être du vrai dans ce qu'on dit sur la vertu de Mme Récamier, à propos du livre publié par Mme Lenormant. Quoi qu'il en soit, Mme Récamier avait des qualités réelles, plus réelles que sa vertu. Elle était certainement douce, belle, égale, attachée, d'un commerce sûr et affectueux. Du moins, c'est ainsi qu'elle est restée dans le souvenir de ses nombreux amis, dont le nombre et la qualité prouvent la réalité de son mérite.

On m'écrit de Londres que les deux volumes de Mme Lenormant y font quelque bruit; on ne lui pardonne pas ses rigueurs moqueuses envers le duc de Wellington, et ses plaintes de ce que le duc de Devonshire lui avait interdit, à Rome, l'entrée de la chambre de sa mère mourante [288]. On est choqué de la déférence que lui 335 témoignait Mme de Chateaubriand et la duchesse Mathieu de Montmorency. Dans le public anglais, ce livre ne tourne pas du tout au profit de M. de Chateaubriand. En effet, on l'y retrouve égoïste, orageux, fantasque, plein de fiel sous les apparences d'indifférence et d'une ambition vaniteuse, sous la forme affectée du détachement et de l'ennui. Mais quel talent d'écrivain!

Sagan, 17 novembre 1859.—La fête de Schiller a très mal tourné à Berlin; le public a été indécent, grossier, turbulent, et quoique la démonstration politique n'ait pas éclaté, la partie orgie roheit [289] a été un mauvais indice. C'est à Berlin que la fête a été ainsi profanée; partout ailleurs, les choses se sont passées avec des formes décentes, mais le fond reste au profit du principe démocratique, qui a eu occasion de s'infiltrer et les chefs de s'aboucher.

M. d'Auerswald a fait de grands efforts pour engager le Prince-Régent à assister à cette ovation qui a produit une si vilaine scène, où des femmes ont été insultées avec un cynisme hideux. Le Régent s'est borné à assister de loin, par une fenêtre de la maison occupée par la Seehandlung; c'était moins fâcheux que d'être sur la place, mais c'était encore beaucoup trop [290].

336 Berlin, 3 décembre 1859.—Me voici à Berlin depuis avant-hier soir; j'y suis arrivée saupoudrée de neige, qu'une forte gelée a arrêtée depuis hier. La disposition des esprits n'est pas ce que je voudrais. La session sera bien difficile et chacun se sent sous une calotte de plomb. Aussi le commerce, les affaires, tout souffre, car la confiance n'est nulle part.

Berlin, 20 décembre 1859.—Berlin est curieux à observer en ce moment, mais tristement curieux. M. de Moustiers, le ministre de France, a remis hier ses lettres de rappel; il a reçu du Régent le grand cordon de l'Aigle rouge avec diamants! Cela déplaît au ministre de Russie, Budberg. La Russie est, en général, d'assez mauvaise humeur contre la France, depuis le replâtrage de celle-ci avec l'Angleterre.

Berlin, 27 décembre 1859.—Il faisait grand froid il y a deux jours; depuis, le dégel a été complet et, en vingt-quatre heures, nous avons traversé l'épreuve d'une différence de seize degrés; il y avait de quoi jeter tout le monde sur le carreau. Le Roi est un peu plus lucide et un peu moins débile, ce qui laisse le fond des choses au même point.

La dernière brochure: le Pape et le Congrès, parue à 337 Paris, qui fait tomber à la renverse la diplomatie, ne laisse pas que d'agiter et d'embarrasser, même ici; il n'y a que lord John Russell qui en triomphe [291]. L'Empereur Napoléon sacrifie, en ce moment, à ce vilain petit radical; il n'est point encore en mesure de se ruer sur Albion; l'Allemagne y passera avant. Il me semble que l'on commence à revenir de bien des illusions; mais il en reste encore trop, sans compter la faiblesse, l'incertitude, les embarras intérieurs et tout ce qui garotte et entrave le Cabinet. Cependant Schleinitz disait hier que cette brochure mettait le Congrès en question et pourrait bien empêcher le Pape de s'y faire représenter. Le comte de Pourtalès est parti pour Paris, l'oreille basse et très peu in spirits.

338

1860

Berlin, 1er janvier 1860.—Voici un jour bien sérieux. Il établit une nouvelle coupe dans notre existence; elle l'abrège, elle en marque la décadence, mais aussi, elle nous replace sous les yeux la date des affections qui survivent à tous les autres écroulements.

La réponse de l'Évêque d'Orléans à la fameuse brochure le Pape et le Congrès est courageuse, elle prend l'auteur corps à corps. Mais quel état du monde que celui où une brochure anonyme suffit pour mettre l'Europe entière en émoi! Ici, on est très agité.

Berlin, 9 janvier 1860.—Le comte Karoly, ministre d'Autriche, ici, dit tout simplement que l'Autriche est anéantie, qu'elle ne peut agir que négativement, mais que, par son abstention, elle montrera sa répulsion des iniquités et du manque de parole. M. de Schleinitz est très occupé et le prince de Hohenzollern vraiment effaré, surtout des ambitions savoyardes et niçoises de l'Empereur Napoléon. Il paraîtrait que les trois puissances du Nord s'entendraient pour ne pas consacrer de nouvelles délimitations territoriales; au moins, voilà le mot d'ordre 339 d'aujourd'hui; je ne réponds pas de demain, car on est fluctuant comme la jeunesse. On est bien mal posé ici vis-à-vis des autres puissances de l'Allemagne, qui se défient toutes de la Prusse. On va avoir les Chambres qui donneront bien de l'embarras; la Chambre des Seigneurs déteste les concessions libérales, dont le Cabinet est prodigue, et la seconde Chambre déteste les lois de finance, très onéreuses, dont la réorganisation de l'armée fait une nécessité. Il est évident qu'on est trop pauvre pour avoir une grande armée, et trop mal limité pour s'en passer.

Quelqu'un qui doit le savoir m'a dit qu'en faisant paraître la brochure l'Empereur Napoléon avait bien joué sa partie, son intérêt étant d'empêcher la réunion d'un Congrès, où les projets émis dans cette brochure n'auraient eu pour défenseurs que l'Angleterre et lui. Sans Congrès, les choses restent comme elles sont, le temps leur donnera la consécration d'un désir reconnu, à moins que de nouvelles révoltes italiennes ne surviennent; alors ce serait une nouvelle guerre.

L'Académie française se prépare, m'écrit-on, à donner un grand exemple de courage en nommant le Père Lacordaire; cette candidature, créée par M. Cousin, n'avait pas eu d'abord grandes chances de succès; elle en a plus depuis la brochure.

Le langage de M. Budberg sur la cour papale est assez mauvais; les Russes abandonnent volontiers Rome pour Constantinople, à laquelle ils croient déjà toucher du doigt. Pauvre Pape! On parle ici de lui sans foi chrétienne, sans principe politique; on a seulement un instinct 340 vague que tout cela est grave. On en est sur ce point où en était une femme qui disait à propos des revenants: «Je n'y crois pas, mais je les crains.»

Berlin, 15 janvier 1860.—J'ai reçu tout dernièrement une lettre de M. Guizot; ce qu'il dit des choses académiques est piquant. Je copie ce passage: «J'ai vu le Père Lacordaire et bien d'autres candidats académiques; mes préférences sont pour le dominicain. Ce sera à moi à faire le discours de réception et j'aurai plaisir d'esprit à parler d'un moine [292] à l'occasion d'un républicain, car vous savez que c'est M. de Tocqueville que nous allons remplacer. C'est le 2 février que se fera l'élection; et cependant j'hésite encore entre le Père Lacordaire et M. de Carné. Si c'est le premier, mon discours m'amusera bien plus; si c'est le second, je serai plus sûr d'un choix sensé; car le jugement du Révérend Père n'est pas certain et, en vérité, nous pourrions redouter de sa part quelque brochure contre les droits temporels du Pape. Madame votre fille ne s'attend pas, sans doute, à cette objection de ma part; faites-m'en honneur auprès d'elle, je vous en prie. C'est hier que j'ai vu le Père Lacordaire, chez moi: je lui ai dit à peu près tout ce que j'avais dans le cœur, et sur le cœur, à son sujet. Il m'a parlé avec sincérité, abandon, dignité ouverte et naïve; mais il est bien moins remarquable dans la conversation que dans la chaire ou dans ses livres. A tout prendre, cependant, il m'a plu et 341 ses chances augmentent. Il y a une femme spirituelle et jolie qui lui cherche des voix. Elle en parlait à Thiers, qui lui a répondu qu'il n'avait pas goût à M. Lacordaire. Elle insiste. Il répond: «Je ne me fie pas assez à l'abbé Lacordaire.» Enfin, comme elle ne lâche pas prise, il finit par dire: «Eh bien! peut-être donnerai-je ma voix au Père Lacordaire.» Voilà mes anecdotes académiques, il est plus aisé d'en écrire que de parler politique.»

Berlin, 24 janvier 1860.—On dit ici que c'est le prince Napoléon qui triomphe. Il répète beaucoup en parlant de son cousin impérial: «Maintenant, je le tiens.» C'est lui aussi qui est le patron d'un affreux journal qui s'imprime à Genève, le plus subversif possible.

La Russie est bien mécontente de la nouvelle alliance anglo-française; mais celle-ci est-elle bien solide? La méfiance règne partout; ici on se défie de la France, mais autant de l'Autriche; on n'est pas sûr de pouvoir se fier à la Russie et on se demande si on peut s'appuyer sur l'Angleterre. Tous les États en sont à peu près au même point.

Berlin, 29 janvier 1860.—Il y a dans le dernier numéro du Correspondant deux articles qui font du bruit à Paris; l'un est fort bon, et l'autre est tellement distingué que je le regarde comme une œuvre supérieure par le fond et par la forme. Ce premier article est de M. de Falloux sur le devoir et les moyens légaux, à l'usage des catholiques dans les circonstances actuelles: très bon. Le 342 second est sur la lettre de l'Empereur Napoléon au Pape [293]; il est d'Albert de Broglie et tout simplement admirable, sans pathos, sans véhémence, mesure parfaite, logique serrée, argumentation puissante, ironie incisive, grande dignité, simplicité, élévation et élégance de langage. J'y ai pris un de ces rares plaisirs que les temps actuels n'offrent plus guère.

Berlin, 30 janvier 1860.—Je viens d'apprendre la mort de la Grande-Duchesse Stéphanie, qui a expiré à une heure de l'après-midi à Nice. La Grande-Duchesse était bonne, aimable; elle était restée pure dans les circonstances difficiles de sa jeunesse; elle était restée fidèle, elle avait goût et confiance en moi, elle m'avait souvent défendue; c'était une contemporaine, bien des souvenirs agréables ou intéressants se rattachaient à elle; ses défauts, qui n'étaient que des faiblesses, ne m'ont jamais fait souffrir. Enfin, j'ai des larmes dans les yeux et dans le cœur pour cette mort, qui élargit les vides du passé et les dépouillements du présent.

Je compte partir d'ici le 10 février pour la France.

Ici se place une nouvelle interruption par suite de la rencontre à Paris des deux correspondants.

343 Paris, 12 avril 1860.—Le prince Richard de Metternich est venu hier causer avec moi dans un fort bon sens; il m'a fait souvenir de son père dans la façon de procéder en raisonnements et déductions.

Il paraît que pour dissiper les aigreurs de l'Angleterre, on va lui concéder, de la part de la France, un traité de navigation qui ébouriffe les armateurs français, lesquels, sommés de venir ici donner des explications, s'en sont retournés inquiets et mécontents. Commerce, industrie, clergé et beau monde, voilà un gros fagot d'épines.

Paris, 15 avril 1860.—Les suppositions, les interprétations vont leur train et leur grand train; mais autant en emporte le vent, et ce n'est pas la peine de s'y arrêter. L'opinion de M. de Falloux, et celle de bien d'autres, est que M. Veuillot, dans son inexplicable mésaventure, a été un traître et son propre espion au profit du Gouvernement d'ici. En effet, c'est la seule façon de comprendre ce chef-d'œuvre d'imprudence et de bêtise de la part de quelqu'un qui est spirituel et aguerri [294]. On est beaucoup occupé de la dissolution du Journal des Débats, de ses rédacteurs: MM. de Sacy et Saint-Marc Girardin se retirent, M. Prévost-Paradol passe à la Presse. Le journal passe au Gouvernement, qui l'a acheté. Les Bertin font un cas spécial de l'argent. On croit, néanmoins, que si la 344 subvention est forte, le nombre des abonnés diminuera sensiblement, malgré les transitions adoucies qu'on emploiera, pour ne pas effaroucher les lecteurs et continuer leur illusion pendant un peu de temps encore.

Paris, 18 avril 1860.—M. Cuvillier-Fleury, qui reste au Journal des Débats, disait, avant-hier soir, chez Mme Mollien, que le journal conserverait une certaine indépendance, à quoi M. Dumont a répliqué que c'était pour mieux servir l'Empereur en trompant le public. On est fort aigre sur cette question des Débats; mais tout pâlit devant une nouvelle brochure, parue il y a trente-six heures, et qui a fait baisser la rente de vingt-cinq centimes. Elle a pour titre la Coalition. Elle est attribuée à la même source que les autres brochures qui remplacent les manifestes, précédant autrefois les grands chocs politiques. Je n'entends pas parler d'autre chose. Qu'en dira l'Europe et surtout l'Angleterre [295]?

Paris, 20 avril 1860.—La brochure a été désavouée; mais il y a des esprits mal faits qui prétendent que, si elle n'est pas d'origine directe, elle est puisée dans des inspirations puissantes. Ces gens-là disent que la librairie Dentu n'aurait pas osé publier un pareil brandon sans la certitude de n'être ni poursuivie, ni saisie. En quarante-huit 345 heures, il s'en est imprimé et vendu trois éditions; bref, les esprits mal faits disent que c'est un ballon d'essai contenant la pensée de Napoléon.

Le maréchal Randon quitte, dit-on, le ministère de la Guerre, qui rentrerait aux mains du maréchal Vaillant [296]. On assure que cette sortie et cette rentrée déplaisent à l'armée.

On est très agité en Sicile qui paraît, de par l'intrigue anglaise, en pleine combustion. Naples est menacé, M. de Cavour lui-même débordé et l'oracle des Tuileries fort embarrassé.

A travers ces gros et sombres nuages, les quadrilles, les déguisements, les décors du bal du 24 de ce mois [297] préoccupent toutes les jeunes et jolies étrangères et dames du monde officiel.

J'ai dîné, avant-hier, chez la duchesse de Vicence, qui est assez mécontente de M. Thiers, pour avoir cité de travers les Mémoires de son mari, dans le dix-septième volume de l'Histoire du Consulat et de l'Empire [298].

346 M. Cuvillier-Fleury, qui est la dernière petite lumière du Journal des Débats, y a inséré un article sur ce dix-septième volume, qu'on dit assez piquant pour avoir irrité M. Thiers [299]. Celui-ci dit que les Princes d'Orléans (dont il suppose M. Cuvillier-Fleury d'être l'agent) ne lui ont jamais pardonné d'avoir dit, dans le temps où il était ministre, qu'ils étaient des Archiducs.

Le Journal des Débats a perdu dans les dernières semaines trois mille abonnés!

Je lis maintenant les deux derniers volumes du Port-Royal de M. de Sainte-Beuve [300]. C'est une bonne lecture qui reporte vers d'autres temps. Le nôtre est de plus en plus déplorable à tous les points de vue.

Paris, 23 avril 1860.—Le général Ortega fusillé et le comte de Montemolin arrêté maladroitement en Espagne, c'est de cela qu'on jase ici [301]. Ce qui est plus curieux, 347 c'est que lord Cowley a eu, la veille de son départ pour Londres, une conversation orageuse avec l'Empereur Napoléon, qui a dit: «Il faut que l'Angleterre choisisse entre une alliance franche et cordiale, sérieuse, ou la guerre. Je suis à bout de ma patience.» Nous sommes donc à la veille d'une tempête générale ou d'un aplatissement universel [302]. On ne croit plus au changement immédiat du ministre de la Guerre.

Paris, 27 avril 1860.—Si seulement on avait un peu de soleil pour se réconforter; mais l'obscurité est partout; au ciel, dans les esprits et sur la terre. Encore si les âmes étaient éclairées! Il n'y a plus ici d'autre clarté que celle des feux électriques qui ont éclairé le palais d'Albe d'une étrange magie à la fête d'avant-hier. Cependant, le clair de lune, tant annoncé, a été supprimé, car Diane [303] n'a paru qu'en domino. Le carquois en diamants, les flèches 348 en diamants, le Régent devenu centre d'un croissant, tout cela a été tristement, et non sans larmes, replacé au trésor de la Couronne. Un article du Times en a été cause. La police avait eu aussi de sinistres rapports qui avaient fait tripler les précautions. Aussi, les vives instances de Mme Walewska, pour que la fête fût répétée demain, ont été repoussées par un non fort sec, répété trois fois par l'Empereur Napoléon.

Le comte de Montemolin et son frère n'ont pas été arrêtés par un zèle maladroit, mais bien pour ôter à ceux qui avaient exécuté cette entreprise tout prétexte d'y revenir.

On parle d'explications vives en plein bal avec l'Ambassadeur d'Espagne [304]. Il paraît qu'on voulait ôter à la Reine Isabelle toute liberté de secourir le Pape; on est aussi fort importuné, ici, de l'attitude du duc de Montpensier et de la jeune gloire du comte d'Eu [305]. L'Angleterre arme à outrance; l'Europe n'est plus dupe; mais personne ne songe, à ce qu'il paraît, à autre chose qu'à sa défensive.

Paris, 30 avril 1860.—L'Ambassadeur d'Espagne a reçu, hier, de Madrid, un télégramme qui lui annonce 349 que le comte de Montemolin et son frère, l'Infant don Juan, ont adressé des lettres autographes à la Reine Isabelle, dans lesquelles ils déclarent renoncer à tous leurs droits à la couronne d'Espagne. C'était bien la peine de se faire fusiller, comme Ortega, pour de pareils gens!

M. Thiers est encore plus furieux contre le second article de M. Cuvillier-Fleury, dans le Journal des Débats, que contre le premier. On assure, que sans Mmes Dosne et Thiers, l'historien national serait déjà aux Tuileries où il me paraît très digne de figurer.

La duchesse de Galliera a été en Angleterre pour négocier le mariage du Comte de Paris avec la fille de la Duchesse de Parme; elle a échoué!

La question d'Orient est entamée; la Russie est aux pieds de la France, l'Autriche très plate, la guerre contre l'Angleterre presque décidée. Je crois que l'Angleterre aurait tort de compter sur ses alliés du continent.

Rochecotte, 15 mai 1860.—La nouvelle qui courait à Paris, le 12, du débarquement de Garibaldi en Calabre est prématurée. Il a touché Livourne, est allé à terre, a pris là huit cents hommes de plus, s'est embarqué en disant qu'il n'avait point de parti pris sur son lieu de débarquement [306]. Voici le partage des rôles. Le Roi Victor-Emmanuel 350 avoue Garibaldi; M. de Cavour le désavoue; l'Empereur Napoléon désavoue M. de Cavour et Garibaldi et le Roi! Si Garibaldi n'est pas pris et pendu par les bâtiments du Roi de Naples, toute l'Italie sera de nouveau en feu dans un mois.

J'ai une lettre d'Angleterre dans laquelle on me dit que lord Palmerston ne veut plus qu'on le croie impérialiste, et dit tout haut les raisons de son éloignement. Il parle aussi de l'avenir qu'il prévoit et des difficultés que rencontrerait l'Angleterre pour renouer de fortes alliances sur le continent. Il dit que, ni à Vienne, ni à Berlin, ni à Saint-Pétersbourg, il n'y a plus de Gouvernement, personne en état de prendre une initiative, une résolution et de l'accomplir, qu'il faut attendre une forte crise qui poussera tout le monde. Il me semble que ce qu'il dit des autres Cabinets s'appliquerait bien aussi à celui de l'Angleterre!

Nouvelle réunion à Bade des deux correspondants.

Berlin, 17 juin 1860.—Je suis arrivée ici par un temps hideux. Aujourd'hui, un pâle soleil éclaire les rues désertes de Berlin. En route, à Bruchsal, j'ai rencontré les Rois de Saxe et de Hanovre; ils m'ont fait l'effet de moutons menés à la boucherie; car cette entrevue à Bade des 351 Souverains allemands avec l'Empereur Napoléon pourrait n'être que cela [307].

J'ai trouvé ici des lettres d'un peu partout: en voici les extraits: De Paris: «L'Empereur Napoléon, en revenant de Lyon [308], a dit à son secrétaire, M. Mocquard: «Il faut se tenir tranquille pour le moment, et tranquilliser les autres: toutes ces alarmes gâtent le présent et nuisent à l'avenir.» Des instructions ont été données aux journaux du Gouvernement pour mettre une sourdine et surtout pour caresser l'Allemagne. Le manifeste de Mazzini [309] est aussi pour quelque chose dans ce temps d'arrêt. Il revient de tous côtés que les révolutionnaires illimités sont de plus en plus les maîtres en l'Italie. On s'attend à voir Garibaldi passer de Sicile sur le continent. Il ira prendre Messine à Naples.»

352 De Vienne: «L'Empereur François-Joseph est dans un grand découragement, non seulement à cause de ses revers, mais parce qu'il a, dit-il, fait fausse route, sur la foi du prince Félix Schwarzenberg, qui l'a lancé dans le système de l'unité politique et administrative de l'Empire. Il essaye d'en revenir sans grande vigueur et sans espoir.»

J'ai aussi trouvé ici le nouveau livre de l'évêque d'Orléans sur la Souveraineté du Pape. J'ai passé ma soirée d'hier à le parcourir; il m'a semblé plein de talent, d'esprit et de courage, écrit avec une sincère intention d'être de son temps et d'en être bien compris, en lui disant ses vérités. C'est grand dommage qu'il se laisse aller à une polémique de détail et de routine. J'aurais cru qu'il eût été plus habile de ne s'attacher qu'à une ou deux idées simples, et à les mettre et remettre incessamment en lumière. L'Évêque remue trop de choses secondaires, ce qui obscurcit les grandes [310]. Du reste, je juge un peu à la légère, car je n'ai pas lu, je n'ai que parcouru.

Berlin, 19 juin 1860.—Lady Westmorland m'écrit de Londres: «Le roi Léopold de Belgique est venu me faire une longue visite fort aimable. Cela fait du bien de 353 causer avec quelqu'un qui conserve encore nos traditions. Il désapprouve et craint extrêmement l'entrevue de Bade.»

On m'écrit de Paris sous la date du 16 juin: «La réunion de Bade est décidément prise ici pour une promesse d'été pacifique, peut-être même d'un peu de désarmement. Ce n'est pas un retour de confiance, c'est une suspension de méfiance. On ajourne ses inquiétudes en les gardant. Le monde officiel tient deux langages: aux uns il promet la paix, aux autres il dit: «N'ayez pas peur, rien n'est abandonné; la France reprendra ce que l'Empire lui avait donné; les propositions de Francfort en 1813; c'est là votre minimum

«N'êtes-vous pas frappée de lord John Russel abandonnant le bill de Réforme? Voilà deux fois en trois semaines que le bon sens anglais se retrouve et fait la loi au Cabinet: ce n'est encore, j'en conviens, que sur des questions intérieures. L'esprit public est toujours échauffé en Angleterre sur les affaires d'Italie. Garibaldi y est populaire; mais quand le mouvement révolutionnaire fera des Garibaldi ailleurs, volontaires ou entraînés, le bon sens anglais se ravivera. Les hommes manquent là, à la bonne cause, plus que le public.»

Sagan, 22 juin 1860.—Une personne ayant des relations en Sicile m'écrit que, si on y laissait les votes libres, cette belle île se choisirait pour souverain le duc d'Aumale dont la femme est Sicilienne. Comme de raison, l'Empereur Napoléon ne le souffrira pas.

354 On m'écrit de Paris qu'il est fortement question, dans le monde législatif, d'établir un impôt nouveau, consistant à donner une part d'enfant à l'État dans les successions; c'est du socialisme pur.

Sagan, 25 juin 1860.—Je suis parvenue à savoir quel était le langage que l'Empereur Napoléon se proposait de tenir au Prince-Régent de Prusse lorsqu'il s'est rendu à Bade. A-t-il réellement suivi ce programme? J'en doute, vu la différence du terrain qui a été autre qu'il ne s'y attendait. Voici donc en résumé ce qu'il comptait dire au Régent: «Force protestations pacifiques, au travers desquelles l'Empereur Napoléon aurait demandé au Prince-Régent de le laisser en finir avec l'Autriche. Il voulait lui dire qu'il n'y avait pas moyen d'en rester où l'on en est; qu'il fallait que la Hongrie fût satisfaite, la Vénétie délivrée; que le repos de l'Europe et la sécurité de l'Allemagne n'était qu'au prix de l'entière défaite de l'Autriche. Que la Prusse devait donc le laisser faire, lui Napoléon; et qu'elle aurait part à l'héritage. Que l'Empereur Napoléon ne pensait pas à la ligne du Rhin proprement dite, qu'il ne voulait rien enlever à la véritable nationalité allemande, que la ligne de la Meuse lui suffisait, que celle-là ne rendrait à la France que des populations françaises, ou à peu près, que la Prusse y gagnerait une extension des provinces rhénanes vers l'Ouest; sans parler de ce qui pourrait lui échoir en Allemagne, même à l'Est et au Nord; quel intérêt la Prusse aurait-elle à l'existence de la Belgique? La Belgique est un État factice, incapable de se 355 protéger lui-même, et qui, toujours en question, tiendra en trouble ses voisins. Que pour en finir avec les révolutions, il fallait faire partout de grands États: que l'Italie devait redevenir l'empire romain, que l'Allemagne devait devenir l'empire prussien; que les petites populations françaises, de langue et de mœurs, qui longent les frontières de la France: la Belgique, le canton de Vaud, ceux de Neufchâtel et de Genève, devaient rentrer dans l'empire français. Qu'alors les nationalités seraient satisfaites, les ambitions aussi; que les imaginations auraient de l'espace. Que ce qui faisait les révolutions étaient les petits qui voulaient devenir grands; que du jour où il n'y aurait plus que des grands, en petit nombre, mais unis entre eux, on aurait bon marché des révolutionnaires. Que les grands empires, c'est la paix!»

C'est là ce qui est au fond du personnage.

On me mande de Londres que lord Palmerston se prépare à la lutte, qu'il est rentré dans la confiance de la Reine et du prince Albert, et en quasi-intelligence avec les Tories; que les questions intérieures anglaises seront mises à l'écart, qu'on ne s'occupera plus de réprimer en Europe les ambitions françaises et qu'on espère que la Prusse ne se laissera pas leurrer par l'Empereur Napoléon.

Sagan, 28 juin 1860.—On m'écrit de Londres: «Les nouvelles que l'on reçoit ici de Bade sont bonnes. L'Empereur Napoléon avait cru apparemment qu'il y avait moyen de s'entendre avec la Prusse. Il a fourni à la Prusse une occasion excellente pour s'entendre avec toutes les 356 cours d'Allemagne. Le Prince-Régent en a profité avec adresse, et il résulte de la conférence de Bade, que toutes les cours d'Allemagne, y compris, dit-on, celle d'Autriche, sont arrivées à s'entendre beaucoup mieux qu'elles n'ont fait depuis longtemps. Il serait curieux que le résultat de la politique impériale eût été de consolider les nationalités italiennes et allemandes dans un esprit d'opposition à la France.»

Sagan, 5 juillet 1860.—Voici les extraits de mes lettres reçues de Paris:

Paris, 1er juillet: «Nous avons été très occupés de la rencontre des souverains à Bade. Plusieurs personnes bien informées disent que l'Empereur Napoléon a été très peu content de son séjour à Bade, et très mécontent, depuis son retour, du langage que les journaux prêtent au Prince-Régent de Prusse.

«La situation du Roi de Naples devient de jour en jour plus mauvaise, ce n'est plus Victor-Emmanuel qui sera roi d'Italie, c'est la révolution sous le nom de Garibaldi. A quelle frontière s'arrêtera-t-elle? L'Empereur commence à s'en alarmer. Le prince Napoléon est irrité que l'Empereur ne soit pas venu en personne à la cérémonie des obsèques de son père [311]. Le roi Jérôme allait régulièrement à la messe et s'était confessé cet hiver: ceci est certain; 357 il a fini très régulièrement, malgré les impiétés de son fils.

«Prévost-Paradol fera son temps de prison dans une maison de santé à Passy [312]. La Presse, dans laquelle il écrivait, après avoir quitté les Débats, a rompu son engagement avec lui; il se trouve avec une femme folle et sans moyen d'existence.»

Autre lettre du 1er juillet de Paris. «Le roi Jérôme a demandé que son corps ne fût pas déposé à Saint-Denis, disant que, quand les Bourbons reviendraient, ils ne manqueraient pas de le jeter dehors. Son fils a tenu à l'exécution de sa dernière volonté, ce qui a contrarié l'Empereur, car il voulait amuser les Parisiens en faisant promener, sur les boulevards, les cendres du grand homme et celles de Jérôme.

«Les affaires de Rome sont fort tristes: Mme de Lamoricière en est revenue navrée; le feu de paille s'est vite éteint: point d'officiers, point d'argent et partout des résistances. Le Saint-Père, résigné à la façon des martyrs, et trouvant qu'il est peu digne à lui de se défendre. Il a peut-être raison.

«L'entrevue de Bade est prise comme un échec pour le mystificateur habituel; il va s'en consoler à Nice, en 358 Savoie, en Algérie. Il voit que tout lui échappe; sa politique devient plus tortueuse, plus hésitante, plus mensongère que jamais. Le roi de Wurtemberg paraît lui avoir parlé ouvertement de cet étrange système de brochures; il l'a dit à ses Ministres auxquels, depuis son retour, il paraît triste et soucieux.»

Autre lettre du 2 juillet de Paris: «Je sais de façon certaine, et j'avoue que je m'en étonne, que l'Empereur Napoléon a trouvé que, des souverains réunis à Bade, celui qui avait le plus d'esprit, c'était le Roi de Hanovre, après lui, le Roi de Saxe, que le reste n'était que des médiocrités.

«Le sursis est positif. L'Empereur a dit à des commerçants que nous n'aurions pas de guerre cette année-ci, ce qui ne les a guère rassurés; car, qu'est-ce qu'une année pour des affaires commerciales?»

Günthersdorf, 10 juillet 1860.—Quarante-huit heures avant la mort de son père, le prince Napoléon a voulu faire vendre publiquement ses chevaux. L'Empereur l'en a empêché. Le jour même du décès, il a renvoyé la maison militaire de son père et il en a donné avis au Ministre de la Guerre. Le Ministre a répondu que la maison resterait jusqu'à ce qu'il en eût été référé à l'Empereur.

L'Empereur, immédiatement après la mort du roi Jérôme, a fait mettre les scellés sur ses papiers et en a pris possession depuis.

Le prince Napoléon a aussi empêché le fils et le petit-fils 359 de Jérôme [313] d'arriver au lit de mort du mourant et de lui dire un dernier adieu.

Je ne puis me calmer sur l'histoire du comte de Montemolin: la bêtise au commencement, la lâcheté au milieu, la déloyauté à la fois. Quel mal de semblables aventures ne font-elles pas à la légitimité [314]!

Günthersdorf, 13 juillet 1860.—Une personne, qui a occasion de savoir ce que pense et ce que dit tout bas le ministre de Sardaigne à Paris, M. Nigra, sur les affaires d'Italie, me mande que, selon lui, la Russie et la Prusse sont presque aussi mécontentes que l'Autriche de ce qui se passe en Italie. L'Angleterre, tout en se tenant en dehors, verrait sans déplaisir que les trois États du Nord se rapprochassent pour une cause quelconque, même 360 pour une cause qui n'aurait pas sa sympathie. La France seule est vraiment favorable à l'Italie. La France laissera tout faire en Italie, sauf l'expropriation de la ville de Rome contre le Pape. Seulement, elle ne reconnaîtra, quant à présent, aucun des changements de territoire à opérer. Maintenant que tous les renforts destinés à Garibaldi sont partis de Gênes, elle conseille au roi Victor-Emmanuel d'arrêter quelque petite expédition en retard pour prouver la non-complicité du Piémont et calmer un peu le Nord. Quant au roi Victor-Emmanuel, à Cavour et à Garibaldi, ils sont parfaitement résolus à parachever leur œuvre, et à amener la Sicile, puis Naples, puis les Marches, puis le reste des États romains, sans se soucier du Roi de Naples, de sa constitution et de ses propositions d'alliance. On me dit d'ailleurs que, si le Roi de Naples était un peu capable, sa partie serait beaucoup moins mauvaise qu'elle n'en a l'air, car Garibaldi est, à ce qu'il paraît, fort mal à l'aise et grandement embarrassé en Sicile.

Günthersdorf, 18 juillet 1860.—On se demande, à Paris, ce qu'on fera du million qui formait la dotation du roi Jérôme. Les indépendants et les économes le réclament pour le Trésor; les prudents veulent qu'on s'en serve pour augmenter la dotation du prince Napoléon et de la princesse Clotilde qui n'ont, l'un qu'un million, l'autre que deux cent mille francs de douaire assuré.

Il paraît que l'Empereur Napoléon se refroidit un peu dans son goût pour le libre échange: les souffrances et les 361 plaintes de l'industrie le préoccupent, ou il y a moins d'empressement à plaire au delà de la Manche.

Nouvelle réunion des deux correspondants à Günthersdorf.

Sagan, 26 août 1860.—Voici les extraits des lettres qui me sont parvenues:

De Paris, 20 août. «Lamoricière est assez content à Rome. Sans illusion et sans charlatanisme, sa petite armée se forme; il aura dans deux mois vingt mille hommes de vraies troupes, et de quoi les payer pendant deux ans; car l'emprunt romain est couvert, pas beaucoup au delà, mais réellement couvert; c'est en France qu'il a le moins réussi. Les soldats de Lamoricière sont presque tous des Allemands, des Irlandais ou des Belges. La plupart des petits gentilshommes français, qui y étaient allés, n'y sont pas restés. Lamoricière a fait de son mieux pour s'en débarrasser. Ils avaient toutes sortes de fantaisies: les uns ne voulaient pas saluer les officiers français dans les rues de Rome; les autres demandaient des uniformes particuliers. D'honnêtes hobereaux écrivaient au général pour le conjurer de veiller aux mœurs de leur fils, ce qui le faisait un peu jurer et dire: «Je ne fonde pas un couvent; ils pécheront, puis ils se confesseront; puis ils repécheront et se reconfesseront.»

«Si Garibaldi, après avoir renversé le Roi de Naples, envahit et veut soulever les Marches, Lamoricière les 362 défendra. Il n'essaiera pas de défendre Rome, si l'armée française s'en va. Il emmènera le Pape ailleurs, à Ancône, probablement. Le Pape répugne extrêmement à quitter Rome, quelle que soit l'extrémité à laquelle on le réduise; on se promet pourtant à l'y décider, s'il le faut. Il est toujours à merveille pour Lamoricière, qui est assez bien avec le cardinal Antonelli; rien qu'assez bien.

«On regarde le rappel un peu déguisé du général de Goyon comme un commencement d'abandon. On a fortement essayé, dans ces derniers temps, d'obtenir du Pape quelque grande mesure, quelques concessions éclatantes, le pendant de la constitution du Roi de Naples; on dit que M. de Cadore, qui remplace par intérim le duc de Gramont, a passé à ce sujet une note très hautaine, qui a irrité le Pape et lui a suggéré un refus absolu. On ne doute guère de la chute du Roi de Naples. Et Garibaldi partira de là pour Venise, comme il est parti de Gênes pour Palerme, et de Palerme pour Naples. La réception pourrait être différente!»

Sagan, 30 septembre 1860.—On m'écrit que l'Impératrice Eugénie est fort souffrante; elle a attrapé un gros rhume à Lyon; cependant, elle veut continuer le voyage pour Alger [315].

363 La réunion probable de Varsovie, le toast de l'Empereur de Russie le jour de la fête de l'Empereur d'Autriche [316], le peu de foi qu'on attache au discours de Persigny [317], tout cela surprend à Paris, où l'on se croyait surtout avoir plus d'action sur la Russie.

On me mande: «Je viens de voir le général prince de Holstein. Il revient de Danemark et de Berlin. Il dit que le Prince-Régent de Prusse lui a donné la commission de dire au Roi de Danemark, pour le désillusionner sur le compte de l'Empereur Napoléon, que celui-ci avait offert à la Prusse de lui garantir le Holstein et le Schleswig, si elle entrait dans ses vues par rapport au Rhin.»

364 Sagan, 6 septembre 1860.—Je reçois une lettre de Paris dans laquelle je trouve ceci: «Avant de partir pour la Savoie, l'Empereur Napoléon a envoyé chercher le prince de Metternich et lui a dit: «Surtout gardez-vous de recommencer la faute du Tessin; attendez l'attaque des Piémontais. Quand elle viendra, respectez les stipulations de Villafranca, et faites, du reste, sur le Piémont, la Toscane, Parme, Modène, ce que vous voudrez. Je vous livre les agresseurs et ce que je n'ai pas reconnu.» Mais en même temps que Napoléon tenait ce langage au prince de Metternich, il a dit à l'ambassadeur de Sardaigne: «Tenez-vous prêts, complétez votre armée, troupes et matériel, je vous y aiderai.» Toujours de la fourberie, Dieu veuille qu'on n'en soit la dupe nulle part!»

9 Septembre 1860.—La mort du vieux Grand-Duc de Mecklembourg-Strélitz [318], que je regrette personnellement, m'est même très sensible. Il m'a comblée de constantes bontés. Pendant sa dernière maladie, il me faisait donner de ses nouvelles par la Grande-Duchesse, et depuis sa mort, sa veuve m'a fait écrire des paroles bien touchantes, dont il l'a chargée pour moi. Il avait de l'esprit, des goûts fins et délicats, des sentiments élevés, des manières exquises, de cette belle politesse perdue, hélas! Il en conservait avec soin la tradition; c'était un ami fidèle et sûr; bref, c'était le dernier d'un meilleur temps.

365 Voici un passage d'une lettre de Paris, du 7: «Malgré ce qu'en disent les gazettes, tenez pour certain que le couple impérial a été très froidement reçu en Savoie, pays catholique et conservateur, qu'on inonde de fonctionnaires révolutionnaires. L'Empereur vit au jour le jour, manœuvrant entre les sociétés secrètes qui menacent de le poignarder s'il abandonne leur cause, et l'ordre qu'il ne veut pas se mettre à dos dans la personne de la coalition; position difficile à maintenir à la longue.»

11 septembre 1860.—Il y a quelques jours, le Journal des Débats [319] donnait, d'après l'Opinione, un article sur le principe de non-intervention à propos du général Lamoricière. On somme le Pape de congédier Lamoricière et ses troupes, parce que leur présence est une intervention étrangère en Italie et menace ses voisins. L'intérêt de la paix en Italie exige que le Pape 366 renonce à se défendre. Je ne crois pas que le mélange de mensonge et d'audace, d'hypocrisie et d'arrogance, de fourberie et d'effronterie qui caractérise la politique révolutionnaire, ait jamais été poussé plus loin. Je suis convaincue que si Lamoricière n'avait à combattre que Garibaldi, il le battrait bel et bien, mais pris entre deux feux, entre le brigand venant de Naples, et les Piémontais venant de l'autre côté, comment résister?

Voici deux extraits de lettres qui auront, du moins, quelque intérêt rétrospectif:

«Turin, 3 septembre: Cavour, ce joueur intrépide et heureux, qui a successivement battu deux Empereurs et un Pape, va jouer tout ce qu'il a gagné contre un autre joueur, qui est terriblement en veine dans ce moment: Garibaldi. La partie est engagée à l'heure qu'il est. Il s'agit de souffler à Garibaldi Naples et les États du Pape, de lui faire mettre son grand sabre dans le fourreau et de renvoyer Cincinnatus à sa charrue: rude besogne! Mais si Cavour a l'Empereur Napoléon comme partenaire (ce qui est plus que probable), on peut parier pour lui.

«Le gouvernement piémontais veut être à Naples avant Garibaldi, ou tout au moins en même temps que lui. Ce n'est pas Garibaldi qui aura l'honneur de battre les croisés et de tracer les limites de l'oasis papale. Ce sera le général Cialdini, si ce n'est le roi Victor-Emmanuel en personne. Farini et Cialdini ne sont allés à Chambéry que pour demander à l'Empereur Napoléon carte blanche et lui soumettre le plan de campagne.»

«Rome, 31 août: Lamoricière se croit certain de 367 battre Garibaldi. Le général de Goyon partageait ce sentiment. Dans l'armée du général de Lamoricière, personne ne doute d'une victoire complète. Garibaldi n'a rencontré aucun obstacle sérieux; ce sont les trahisons qui ont fait sa fortune: ses plans de campagne se bornent à profiter des intelligences que les sociétés secrètes lui ont procurées et à faire jouer la mine de trahison.

«Lamoricière a vingt mille hommes parfaitement sûrs, en laissant de côté les Italiens [320]

368 Sagan, 14 septembre 1860.—Je prévois que l'ère des monarchies est finie partout; ce qui nous livre d'abord à l'anarchie, puis au despotisme et à la tyrannie, à toutes les horreurs de la dissolution complète de l'état social. Le monde finira, sans doute, par reprendre son niveau, mais quand? à quelles conditions? après quelle traversée? Nous n'y serons plus, la tourmente nous aura engloutis bien avant. Si ce n'était la foi en Dieu, on ne saurait où reposer sa pensée. La proclamation de Victor-Emmanuel a été suivie sans retard de l'entrée de Cialdini et de la prise de Pesaro [321].

369 Sagan, 18 septembre 1860.—Comment la Prusse n'a-t-elle pas pris les devants pour rappeler son Ministre de Turin et s'est-elle laissée devancer par la France, sans même l'imiter jusqu'à présent? Car enfin, le Pape étant souverain temporel, il ne s'agit pas pour la Prusse protestante d'une question religieuse, mais d'une question de principe qui s'applique au droit des gens universel! Quant au rappel de Charles de Talleyrand, ce n'est qu'une nouvelle scène de cette longue comédie; mais, du moins, c'est de la comédie bien jouée [322]. Et comme le parterre 370 est plein de dupes, qui ne savent pas regarder dans la coulisse, il s'y trouve encore d'imbéciles claqueurs.

Les renforts envoyés à Rome me semblent surtout destinés à y garder le Pape prisonnier, sous le prétexte de le protéger, car l'Empereur Napoléon ne se soucie pas de la pitié poétique qu'exciterait un Pape pèlerin. Quelque pervertie que soit l'Europe, il y aurait encore un certain cri dont l'Empereur Napoléon ne se soucie pas d'entendre l'écho.

A propos de politique, la brochure la plus remarquable qui ait paru, au milieu de ce tas de niaiseries et d'absurdités, est la Politique anglaise. Elle émane de l'Empereur Napoléon, mais elle est rédigée par Mocquard. La Prusse y est traitée de parvenue, l'Autriche de perfide agonisante, l'Angleterre de folle égarée; la Russie est seule ménagée; le reste de l'Europe agriffée ou méprisée, et la France vantée dans un style d'apothéose. Le tout est bien écrit et le sophisme habilement manié.

Sagan, 24 septembre 1860.—J'ai reçu les douloureuses nouvelles d'Italie [323]. Je gémis sur les héroïques victimes; je me sens alternativement consternée, découragée, indignée. Je tremble pour le Saint-Père; je crains 371 qu'il ne se laisse enjôler par le général de Goyon qui, probablement, est dupe lui-même de son maître fallacieux. Le piège est cependant facile à découvrir, mais les âmes essentiellement candides ont de déplorables aveuglements; en vérité, dans tel moment donné, il vaut mieux être moins pur et moins avisé.

A la quantité de dupes dont je vois le monde grossir chaque jour, je me dis qu'il faut que la duperie ait bien des charmes. Quant à moi, je ne sais rien de plus humiliant.

Sagan, 26 septembre 1860.—M. de Falloux m'écrit une lettre que voici: «Le Père Lacordaire travaille à son discours pour l'Académie. Je crains bien que ce discours ne contienne pas tout ce que nous voudrions y trouver sur la question italienne; mais, malgré la douleur dont je me sens opprimé en voyant se préparer dans les États romains une seconde édition de la guerre du Sonderbund de 1847, je suis disposé à pardonner toutes les incartades de mon éloquent confrère, en songeant qu'elles n'auront, du moins, rien de commun avec l'incomparable bassesse des harangues épiscopales, dont la lecture me fait rougir depuis un mois.

«Le Pape, déplorablement induit en erreur, a accepté, et accepte encore la comédie dont il est le jouet. Sa politique est essentiellement timide, expectante, prête à subir presque tout, de peur de tout perdre.. Il semble qu'il ait perdu l'indépendance et la confiance en soi, qui fait les trois quarts de la force de tous les pouvoirs temporels et 372 spirituels. Il lui restait, cependant, encore un grand empire, mais il le croit plus battu et plus faible qu'il ne l'est en effet. On s'arrange plus volontiers du martyre que de la lutte.

«Je suis navré de la mort de Pimodan, et triste pour Lamoricière; mais il a attaqué bravement et succombé devant des forces trop supérieures. Il essaie de tenir dans Ancône. Le malheur sera, hélas! complet, mais l'honneur sera sauf, du moins l'honneur personnel.»

Sagan, 2 octobre 1860.—La Princesse Charles de Prusse, qui a passé trois jours chez moi, m'a parlé des Grandes-Duchesses de Russie: Hélène et Marie, Duchesse de Leuchtenberg. La dernière est toute garibaldienne, furieuse de l'entrevue de Varsovie [324], indignée de tout rapprochement avec l'Autriche. La Grande-Duchesse Hélène, moins véhémente dans ses discours, est, au fond, assez dans les mêmes errements.

La reddition d'Ancône, après une lutte énergique et sanglante, me contriste profondément sans m'étonner. Ce qui m'étonne et me contriste, c'est de voir le Saint-Père jouer le jeu de la France en restant à Rome; il n'y gagnera rien au temporel et il perdra beaucoup au spirituel. De 373 Vienne et de Berlin, on agit diplomatiquement pour faire rester le Pape à Rome; c'est d'une bien courte vue et c'est perdre l'occasion très belle de créer un embarras à Napoléon.

Je suis ravie de l'article du Correspondant: «la Question romaine», par M. de Falloux. Rien d'aussi complet, ni d'aussi hardi n'avait encore été écrit. Il y a mis son caractère et plus de talent qu'il n'a coutume d'en avoir. Le poursuivra-t-on? c'est bien difficile. Il a fait là une action réellement méritoire et peut-être efficace, autant que quelque chose peut être efficace aujourd'hui.

Le baron de Talleyrand est à Bade. Il ne m'a pas écrit; mais, dans une lettre que j'ai reçue de Paris, il y a le passage suivant: «L'Empereur est mécontent du baron de Talleyrand, disant qu'il l'a mal servi. C'est ce que l'Empereur a dit à M. de Cadore, lorsque celui-ci est venu apporter les conditions du Pape. Il n'y a rien à gagner de servir un Gouvernement si faux et si perfide, qui livre ses agents pour masquer ses fourberies.»

Dans une autre lettre, il est dit: «Vous ne pouvez vous imaginer la fureur des classes élevées. Au cercle de l'Union on voudrait mettre le duc de Gramont en pièces. C'est qu'en effet, il a été exécrable et que par de fausses assurances (qu'il savait fausses) il a été cause de la perte de Lamoricière et de la mort de Pimodan.»

On m'écrit aussi de Paris, le 5 octobre: «Je trouve ici les esprits très aigris, amers. L'envahissement de l'Ombrie et des Marches jette le clergé et les catholiques dans les dernières fureurs. La défaite de Lamoricière met les 374 légitimistes en rage. Les personnes sensées demandent où on nous conduit avec de telles violences, un tel renversement du droit public. Le gouvernement perd du terrain chaque jour; il voudrait reculer et ne sait comment s'y prendre. La Russie s'oppose à la chute du Roi de Naples, ce qui fait qu'on voudrait arrêter ou contenir quelque peu Victor-Emmanuel. Les embarras de l'Empereur Napoléon sont bien grands, bien graves; en sortira-t-il en conservant sa couronne? Ici, la défiance est à son comble; l'Empereur a des ennemis puissants, nombreux, implacables à l'intérieur comme à l'extérieur.

«La mort de M. de Pimodan cause des regrets irrités, car le duc de Gramont avait promis le concours des troupes françaises en cas d'attaque. On crie à la trahison, au mensonge. Vous n'avez pas idée des clameurs. Ce matin, il y a un service à Notre-Dame pour les victimes de ce cruel combat. L'autorité voulait en refuser la permission; il a fallu céder devant la violence de l'opinion générale.

«On n'a pas osé supprimer le Correspondant, malgré le courageux article de M. de Falloux et les pages écrasantes de M. Cochin, pas davantage sévir contre la chronique de la Revue des Deux Mondes. L'attitude a bien changé et on sent la crainte au lieu de l'arrogance confiante.»

Sagan, 8 octobre 1860.—On me mande de Vienne qu'on regarde l'entrevue de Varsovie comme annulée d'avance par toutes les adroites menées qui ont été mises 375 en jeu par la diplomatie française d'une part, et par MM. Gortschakoff et de Kisseleff de l'autre; les craintes pour l'avenir n'ont plus de bornes.

Sagan, 12 octobre 1860.—Une amie de M. de Falloux me mande que M. Billault avait proposé à l'Empereur Napoléon de poursuivre l'article ou de supprimer le Correspondant. «Non, a dit l'Empereur, il y a déjà bien assez d'émotion; plus tard, nous verrons.»

On m'écrit aussi ici: «Il manque à la politique anglaise, en ce moment, d'oser se montrer telle qu'elle a envie d'être et qu'elle essaie de devenir. Les Anglais se préparent timidement à des transformations qu'ils n'osent pas avouer; ils cherchent à se rapprocher de l'Espagne. C'est un propos étourdi de l'Empereur Napoléon qui a reporté l'attention de Londres sur Madrid. A Chambéry, l'Empereur Napoléon a dit aux envoyés piémontais: «Quant à Naples, faites ce que vous voudrez; les Bourbons et moi, cela ne peut aller nulle part.» Le grand Empereur disait cela aussi, et il ne s'en est pas bien trouvé.

L'Empereur Napoléon a bien tort de s'alarmer de l'entrevue de Varsovie; la présence de Gortschakoff et de Kisseleff, et les natures données des principaux personnages me semblent des garanties suffisantes pour qu'il puisse dormir, non pas du sommeil du juste, mais de celui du fourbe satisfait.

Sagan, 13 octobre 1860.—Voici l'extrait d'une lettre de Paris du 11 octobre: «Les classes élevées sont arrivées 376 au dernier degré de l'exaspération; la bourgeoisie est très blessée et mécontente des affaires du Pape; les masses ignorantes et impies restent indifférentes; les républicains applaudissent, et l'armée semble une chose plutôt qu'une réunion d'hommes. Ce qui est assez grave, c'est l'aigreur et la désaffection des bonapartistes, qui trouvent qu'on perd leur cause. Les aides de camp, en plein salon de service, s'insurgent contre une telle manière de gouverner; ils vont même jusqu'à refuser à l'Empereur Napoléon le véritable esprit politique. Ils n'ont pas tort. Les Ministres sont aux abois et ne savent plus comment se tirer d'embarras inextricables et croissants. L'Empereur, de son côté, se plaint de ses Ministres qu'il accuse de le mal servir. M. Thouvenel disait, avant-hier, à un de ses amis: «Que puis-je faire ici? J'ignore les plans politiques de l'Empereur: je marche dans les ténèbres, sans but, sans plan, avançant, reculant à travers une politique double et jamais expliquée.»

«On ne fera pas de procès à M. de Falloux; on veut adoucir les catholiques, afin d'éviter le départ du Pape de Rome. Là, il y a discussion entre M. de Mérode qui opine et insiste pour le départ, et le cardinal Antonelli qui veut le statu quo. Il nous aurait fallu une démission éclatante de l'Archevêque de Paris, une encyclique écrasante de Rome concluant au départ. Les laïques ne suffisent plus à la lutte; c'est aux sommités à se prononcer et à agir. Dans les cercles et les clubs de bonne compagnie, on écume contre M. de Gramont. Croyez-moi, l'Empereur Napoléon couve quelque surprise inattendue. Il veut bouleverser 377 l'Europe de fond en comble. La faiblesse de l'Europe étonne; elle laissera donc tout faire.»

Sagan, 21 octobre 1860.—On m'écrit d'Italie, qu'à Rome, il y a eu, ainsi qu'à Paris, un monde énorme aux obsèques du pauvre général de Pimodan; mais pas un des Princes romains.

Je reçois un billet de Paris, ainsi conçu, du 19 octobre: «Le parti révolutionnaire l'emporte; les liens qui enchaînent aux Mazziniens ne peuvent être rompus. On vient de signer un nouveau traité avec le Piémont, par lequel on s'engage à le soutenir par les armes dans l'attaque contre la Vénétie [325]. On compte soulever en même temps plus d'une nationalité. Ici, on espère pêcher en eau trouble et profiter des nouvelles trahisons qui vont éclater.»

Outre ce billet, écrit évidemment à la hâte, j'ai une lettre qui, moins palpitante d'actualité, a cependant quelque intérêt. En voici les principaux passages: «L'Empereur est sombre, perplexe. Il voudrait la fédération au lieu de 378 l'union italienne; mais il ne sait comment enrayer le mouvement actuel. Il a des engagements qui pèsent sur lui, sans compter la peur incessante des poignards. Quand il a vu que les Puissances du Nord n'ont pas suivi l'exemple qu'il a donné, en rappelant le baron de Talleyrand, il a reproché vivement à M. Thouvenel de lui avoir fait jouer cette comédie. Thouvenel ne sait plus comment se tirer d'un labyrinthe et d'un filet frauduleux, dont il commence à avoir honte et dégoût. Tenez pour certain qu'à Chambéry, la réponse donnée par l'Empereur Napoléon à Cialdini et à Fanti a été: «Allez de l'avant, mais faites vite, et que tout soit terminé avant l'entrevue de Varsovie.»

«Le Ministre de Prusse ici ne voit rien [326], ne pénètre rien; je doute qu'il fasse voir plus clair à sa Cour qu'il n'y voit lui-même. Le Nonce du Pape est parti; le Saint-Père quittera Rome. Tout cela aurait dû être fait il y a des mois. Et Varsovie? on a bien tort si l'on ne s'y inquiète que de la Hongrie. Toutes les Polognes sont travaillées par des émissaires français; c'est d'ici qu'on y prépare le soulèvement. Je suis parfois à me demander si vous n'êtes pas bien près d'une frontière prête à s'enflammer.»

Sagan, 23 octobre 1860.—Voici une lettre de M. Guizot, datée du Val-Richer le 18 octobre: «J'avais à dîner hier un de mes voisins dont je veux, madame, vous 379 parler; moins de lui, cependant, que de deux jeunes cousins de sa femme, qu'il m'a amenés. Ils étaient dans le bataillon franco-belge sous les ordres de Lamoricière. L'un d'eux a vu et lu de ses propres yeux la lettre du duc de Gramont au général Lamoricière, lui annonçant que les Français empêcheraient les Piémontais d'entrer dans les Marches. Elle est arrivée au Général à Spolète. Le duc de Gramont avait aussi écrit au consul de France à Ancône, qui est venu apporter au Général la même promesse. C'est de cette seconde lettre que le Moniteur s'est servi pour cacher la première. M. de Lamoricière a eu tort de se confier à l'une et à l'autre; mais je sais bien quel nom je donnerais, si je voulais, à l'Ambassadeur qui les a écrites.

«A Castelfidardo, Lamoricière a fait l'impossible pour mener au feu son corps d'Allemands et d'Italiens, il les a harangués, il s'est mis à leur tête, il s'est de sa personne porté en avant; ils n'ont pas suivi, le grand nombre de l'armée piémontaise les avait terrifiés. Le bataillon franco-belge seul a donné. C'est alors que Lamoricière s'est décidé à tout tenter pour aller se jeter dans Ancône et s'y défendre encore. Il y est arrivé seul avec deux officiers. Quelques bataillons épars l'y ont rejoint ensuite. Le général Cialdini a invité à dîner M. de Bourbon-Chalus, son prisonnier. Celui-ci, pour lui expliquer leur tranquille attente, a parlé de la lettre du duc de Gramont. Cialdini a ri: «Je savais mieux que votre Ambassadeur ce que voulait Napoléon; je l'avais vu à Chambéry et il m'avait dit: Allez, allez, seulement, dépêchez-vous; il faut que ce soit fini avant la réunion de Varsovie.»

380 «Que pensez-vous, madame, que fera ou qu'a déjà fait Varsovie? Tout le monde attend; les badauds comme les gens d'esprit; les indifférents comme les plus zélés. Espérons le retrait motivé des agents diplomatiques; la déclaration qu'on ne reconnaîtra rien de ce qui se fait ou se fera en Italie, en dehors de Villafranca, de Zurich et quelque engagement envers l'Autriche pour l'avenir. Si on ne fait pas ces trois choses, la réunion sera plus que vaine, elle sera ridicule.»

Sagan, 25 octobre 1860.—Je copie une lettre de Paris du 23: «Nous sommes ici dans l'huile bouillante; les troupes sont en marche vers le Midi; avant trois mois Venise n'appartiendra plus aux Autrichiens; mais que de flots de sang pour en arriver là!

«L'attaque se fera par les Piémontais, appelés par la révolution intérieure de l'État de Venise; nous irons à leur secours. La Sardaigne et l'île d'Elbe en seront la récompense. On croit aux Tuileries n'avoir d'autres ennemis à combattre que l'Autriche; on endort la Russie par l'appât de Constantinople; on laissera dire l'Angleterre et on sait bien que la Prusse ne marchera pas sans les Anglais: ils sont si favorables à l'indépendance italienne qu'il est permis de douter qu'ils empêcheront l'écrasement des Autrichiens à Venise.

«M. de Hübner, porteur d'une lettre de l'Empereur Napoléon, a reçu en échange de bonnes paroles, qu'il a la naïveté étrange de prendre au sérieux, au pied de la lettre.

381 «Le Pape est prisonnier ou peu s'en faut; nous le verrons à Fontainebleau, ou, du moins, en France, sous bonne escorte. Il y aurait mille détails curieux à vous conter, mais ils disparaissent dans le grand drame de l'Italie et de l'Europe; car c'est l'Europe entière qui est en jeu: qu'on ne s'y trompe pas. Avec cela, les bonapartistes sont inquiets, car ils se sentent débordés. C'est la révolution qui nous gouverne. L'armée du Roi de Naples s'épuise, il ne tiendra pas longtemps [327]. La Gazette de Lyon a été supprimée; elle a paru le jour de la suppression, avant l'avis officiel, avec un article des plus violents, et une espèce d'adresse aux catholiques d'Angleterre, qui viennent de voter une épée d'honneur au général de Lamoricière: «Jouissez de la liberté de votre pays, disait-il, nous l'admirons, nous vous l'envions, car nous gémissions sous le poids de l'oppression et de la tyrannie.» Ils étaient supprimés et ils cassaient les vitres. C'est du reste, ou pour dire plus juste, c'était un journal sérieux, très goûté par 382 la ville de Lyon qu'on a blessée au cœur en le frappant.»

Sagan, 5 novembre 1860.—La Princesse Charles de Prusse m'écrit de Berlin ce qui suit, à l'occasion de la mort de l'Impératrice mère de Russie [328]: «Le Prince-Régent est véritablement accablé de douleur et fait pitié à voir. Je suis accourue de Glienicke pour le voir, et je m'établis quinze jours plus tôt que je ne le voulais en ville, pour être plus près de mon excellent beau-frère, et donner plus exactement de ses nouvelles à ma sœur. Mon mari n'est pas moins désolé que le Régent; chacun des deux frères l'est à la façon de son caractère. Quant au Régent, il a positivement perdu la personne qu'il aimait le mieux, et dont l'affection le consolait de beaucoup de choses pénibles. Le Roi n'apprendra jamais la mort de sa sœur; la Reine ne porte pas le deuil pour ne pas effrayer le Roi qui, du reste, est de plus en plus silencieux, et de moins en moins lucide!»

L'Impératrice d'Autriche est attaquée du larynx; on en est inquiet à Vienne. Elle se rend à Madère et sera au moins onze jours en mer pour l'atteindre. Les enfants restent à Vienne. Cette absence, cette séparation, dans les circonstances actuelles, a quelque chose de sinistre.

Sagan, 9 novembre 1860.—Il paraît que l'Impératrice mère de Russie est morte en chrétienne, de la façon 383 la plus édifiante, la plus touchante. C'est un grand réveil à la nature que le glas de la mort.

Le pauvre Empereur d'Autriche fait grande pitié. Il est revenu très morne de Varsovie, regrettant d'y avoir été, blessé du mauvais esprit des Hongrois qui se laissent exciter par Kossuth et Cie; et enfin, ce qui l'achèvera, ce sera le départ de l'Impératrice. Il a demandé une frégate à l'Angleterre, afin d'être en sûreté sur le voyage de sa femme. Il y a, du reste, à Vienne, des personnes pour dire que l'état de l'Impératrice n'est pas grave, qu'elle l'exagère, et qu'elle a agi sur les médecins pour se faire ordonner le Midi. En tout cas, l'Impératrice a un bel exemple dans la conduite de sa sœur cadette, la Reine de Naples, dont tout Gaëte est édifié. Courage, dévouement, dignité, énergie: tout est réuni dans cette jeune et malheureuse Reine.

Sagan, 23 novembre 1860.—On m'écrit de Vienne que c'est la comtesse Sophie Esterhazy (la Grande-Maîtresse) qui, la première, a donné l'éveil sur l'état de l'Impératrice; qu'à la première consultation, celle-ci a avoué aux médecins qu'elle se sentait malade et faible tout l'été, et qu'elle avait alors redoublé les bains froids et l'exercice du cheval, dans la pensée de se fortifier. Avant son départ de Vienne, les évanouissements étaient fréquents. Elle n'a pas voulu aller au Caire, s'imaginant que ce projet venait de sa belle-mère, ce qui n'est pas le cas.

Tout va décidément mieux en Hongrie; mais le pays demande à grands cris pour Palatin, l'Archiduc Maximilien, 384 celui qui a été à Milan. Il parle parfaitement le hongrois; on ne doute pas qu'il ne soit nommé. Ceux qui sont mécontents en Hongrie et qui font du bruit, c'est la folle jeunesse; car, tout ce qui est âgé et raisonnable comprend combien leur position est admirable et avantageuse [329].

Sagan, 5 décembre 1860.—On m'écrit de Dresde: «Le jeune Grand-Duc de Toscane passe l'hiver à Dresde. On lui a donné le petit palais à la Ostra-Allée, où il a un petit établissement modeste, mais honorable. C'est par milliers que la famille grand-ducale de Toscane peut compter des adhérents fidèles dans leur pays, et qui sont en relations permanentes avec les Princes exilés; mais à quoi cela leur sert-il? Le vieux ménage grand-ducal est dans un affreux village, près de Carlsbad, d'où la Grande-Duchesse, née princesse de Naples, ne veut pas sortir. Sa mélancolie noire inquiète pour la santé de l'âme; mais il y a bien de quoi perdre l'esprit!»

On m'écrit de Paris: «Murat lance une nouvelle protestation [330]; soyez sûre que d'ici on cherchera à l'implanter 385 à Naples, au jour inévitable de la brouillerie avec l'Angleterre. Les ministres actuels d'ici disent à leurs intimes qu'ils sont victimes du parti de la guerre. En attendant, les Anglais sont nos dupes et livrés à la joie de voir tomber le Pape; ils ne sentent pas qu'on se tournera contre eux plus tôt qu'ils ne le pensent.

«Imaginez qu'il y a des niais des vieux partis pour croire au retour d'institutions libres et régulières... sous Napoléon III, tandis qu'il ne faut s'attendre qu'à des pièges, des trappes et des fourberies.

«L'Impératrice Eugénie verra la Reine d'Angleterre à Londres, d'où elle rentrera en France par La Haye où elle veut faire visite à la Reine de Hollande. La nomination du général Pélissier à Alger est faite en vue de la guerre générale.»

Dans une autre lettre de Paris, on me dit: «Les libertés accordées sont si peu de chose, qu'il n'y faut voir qu'une concession à la révolution; on cherchera à en éluder les conséquences, à moins qu'elles ne soient utiles contre le clergé et les vieux partis [331]

Sagan, 7 décembre 1860.—M. Guizot qui a été appelé à assister au mariage de la fille de Cuvillier-Fleury [332], beau-frère de M. Thouvenel, ministre des Affaires étrangères, 386 me mande ce qui suit: «Je viens de passer une heure avec M. Thouvenel; il est dans la bonne voie et il veut qu'on le sache. Quand il s'afflige de la situation, il ajoute: «Ce n'est pas de moi qu'il s'agit, car, après tout, si une situation ne convient pas, on en sort quand on veut.» Il est convaincu que ce qui s'est fait en Italie ne tiendra pas; cela est déjà évident pour Naples, probable pour Florence. A Bologne et dans les Marches on est mécontent; les impôts, la souscription et les Piémontais y déplaisent beaucoup; Rome paraît la grande question insoluble. Thouvenel est très inquiet du printemps. Pourtant la guerre est bien difficile aux Piémontais, car pour garder Naples, il faut qu'ils y laissent trente à quarante mille hommes; que leur restera-t-il pour attaquer la Vénétie? Il ne m'a pas paru que cette extrême difficulté de la guerre diminuât son inquiétude. Je doute qu'il reste à son poste jusque-là. Il me paraît que l'Empereur aimerait assez à rester neutre, si la guerre se rengage en Italie au printemps; mais il n'y est pas décidé et le prince Napoléon, qui a plus d'influence que jamais, est décidé contre. Si on veut rester neutre ou se mettre derrière le Corps législatif pour qu'il fasse une Adresse pacifique, on aura l'air de céder au vœu du pays. Si, au contraire, on prend le parti de la guerre, on se promet de trouver quelque moyen de la faire éclater inopinément par la faute des adversaires, comme en 1859, de telle sorte qu'on n'en réponde pas et qu'on y soit forcé, auquel cas le Corps législatif et le pays se résigneront à la nécessité et voteront ce qu'il faudra.

387 «Au dedans, on a en tête toutes sortes de projets semi-socialistes; on veut faire des coups de main sur les successions, sur les compagnies de chemin de fer, sur les sociétés d'assurance..., etc..., etc... Le nouveau Ministre des Finances est un homme jeune, spirituel, entreprenant, qui aime les nouveautés et qui, par là, a fait son chemin auprès du maître. Si on entre dans cette voie, la France sera soumise, au dedans, au même trouble, au même gâchis où elle est au dehors. Tout est possible, y compris l'impossible. M. Fould a été très opposé aux petites coquetteries libérales, disant que «c'était trop ou trop peu» [333]. L'Empereur Napoléon a fait de grands efforts pour le garder; il a tout refusé; le ministère des Finances, le titre d'archi-trésorier, les Affaires étrangères, l'ambassade de Londres: tout.

«Le mécontentement de l'Impératrice contre lui est venu de deux sources. Quand le duc d'Albe est venu lui parler des obsèques de sa femme, Fould lui a répondu: «Cela regarde les pompes funèbres.» L'Impératrice a voulu vendre quelques diamants pour le denier de Saint-Pierre. Fould l'a su et en a prévenu l'Empereur!»

Berlin, 17 décembre 1860.—La lecture du journal me donne un nouvel accès d'indignation et de mépris contre les grands gouvernements. Voilà l'Angleterre, la Russie et la France qui engagent, dit-on, le Roi de Naples à céder et à ne pas pousser plus loin une résistance inutile. 388 Inutile! quelle bêtise! quel abaissement! Ce qui fait précisément l'utilité, comme la dignité, de la résistance de ce Roi, c'est qu'il l'a tentée et qu'il y résiste à tout risque, et contre toute chance. Il défend son droit et fait son devoir, quoi qu'il puisse advenir. Je ne sais s'il se rendra aux instances de ces grands souverains; mais s'il ne se rendait pas, s'il était tué sur la brèche de Gaëte, il serait mille fois plus utile à la royauté, en général, et à celle de sa maison qu'il ne le sera s'il cède. Il aurait, avec le temps, la plus grande des utilités, celle de la protestation et de l'exemple jusqu'au bout. Il est vrai que ce sont là des forces morales dont notre temps semble avoir perdu l'intelligence. Je suis peut-être exagérée, eh bien! il me semble, dans mon outrecuidance, que j'ai tout simplement un bon sens un peu moins humble et la vue un peu plus longue que ceux qui sont prosternés devant la force matérielle du moment. N'ai-je pas aussi raison de m'inquiéter du mouvement révolutionnaire de l'Allemagne? Je suis, du reste je l'avoue, plus inquiète des Princes que des rouges. Je persiste à croire qu'avec un peu de prévoyance et point de peur, on viendrait à bout de ces démons, mais on a de la peur et pas de prévoyance!

Berlin, 29 décembre 1860.—Nous voici achevant une triste année. Il y a longtemps que je déteste le jour de l'An qui, avec son changement de chiffre, ne permet aucune illusion. Point de temps d'arrêt dans le chemin qui conduit au dernier terme; on croit à peine marcher, et voilà une étape de passée. Que rencontrera-t-on sur la 389 route qui reste à parcourir? Personne ne saurait le prévoir. L'ennui, le manque d'intérêt, de but, forment une plaie qui, pour n'être pas saignante, en apparence, n'en est pas moins profonde; on n'en guérit point, et je ne sors du découragement et de l'ennui que par des sujets d'impatience et d'irritation.

390

1861

Berlin, 2 janvier 1861.—On m'a réveillée en me disant que le Roi était mort. C'est la nuit dernière, à minuit quarante minutes, que cette pauvre âme, renfermée dans une si triste enveloppe, s'est envolée dans de meilleures régions. On peut imaginer ce qu'a été Sans-Souci pendant cette agonie; je n'en sais point les détails, car personne n'est encore revenu de ce triste lieu [334]. Dieu veuille que la couronne n'ensanglante pas le front de celui qui la porte avec un regret sincère et touchant. Je m'attends pour lui à de cruels embarras, à de fâcheuses complications et à des Chambres les plus incommodes, avec les ministres les plus maladroits; enfin un gouvernement faible et intimidé.

Berlin, 8 janvier 1861.—Ah! quelle foule, quelle tuerie, quel désordre que l'enterrement du Roi à Potsdam, auquel j'ai assisté hier!

La cérémonie, en elle-même, n'était pas ce que j'aurais 391 voulu qu'elle fût. L'église n'était pas tendue de noir. La double rangée de vitres blanches laissait entrer, en plein, un soleil qui éclairait dix-sept degrés de froid; l'éclat de ses rayons éteignait celui des cierges placés autour du catafalque, qu'on n'avait pas assez exhaussé pour être imposant. Je ne puis juger du cortège, puisque j'étais dans l'intérieur de l'église sans pelisse; c'est ainsi que nous avons attendu deux heures; car la cérémonie n'a commencé qu'à une heure au lieu de onze heures. Le nouveau Roi pleurait à sangloter et n'était occupé que de la Reine veuve qui s'appuyait sur lui.

Berlin, 10 janvier 1861.—Par son testament, le Roi a laissé à sa veuve Sans-Souci et Stolzenfels; puis ses logements habituels dans les châteaux de Charlottenbourg, Berlin et Potsdam. En outre, toutes les pierreries personnelles du Roi, ainsi que les pierres gravées, tous les objets d'art, tableaux, marbres, bronzes, gravures, tout, tout, et un revenu considérable. Il laisse le vilain petit château de Paretz (c'est près de Potsdam) au Prince Royal; aucun autre legs; pas un mot, pas un souvenir; aucune autre personne nommée, pas même les plus proches.

Le Roi actuel a pris toute la maison militaire du défunt et l'a ajoutée à la sienne, ce qui en fait une vraie légion. Chose singulière! il a ordonné que les aides de camp du feu Roi feraient, pendant toute la durée du deuil, le service à Sans-Souci, auprès de la veuve, comme si le défunt vivait encore.

392 Berlin, 10 janvier 1861.—Hier a eu lieu la bénédiction solennelle des drapeaux. C'était une très belle et très imposante cérémonie, sous les bras étendus de Frédéric le Grand, au pied de sa statue, et devant le palais du Roi actuel. Les troupes se sont développées, les évolutions se sont faites avec la plus grande précision. Le jeu des drapeaux, s'abaissant et se relevant à la voix du pasteur, saluant le Roi dont la prestance se distinguait entre tous; les chants religieux, les vivats de la foule, toutes les Princesses en blanc sur le balcon et aux fenêtres du palais, tout cela faisait merveille; le soleil seul a manqué; il n'a pas daigné nous accorder le plus léger sourire; cependant, il ne neigeait pas, le brouillard était léger et la gelée imperceptible. Le blanc avait été mis exprès par ordre du Roi qui avait voulu faire cette politesse à l'armée. La Reine avait sa bonne grâce accoutumée. Le tout a duré trois heures.

Berlin, 22 janvier 1861.—La session des Chambres débute assez orageusement, du moins à celle des Députés; Vincke y règne; il est insolent, exigeant, il malmène les Ministres et ne sera satisfait que lorsqu'il sera président du Conseil à la place du prince de Hohenzollern. Celui-ci est malade, de mauvaise humeur, fatigué, ahuri, trouvant le Roi nerveux et démonté, la Reine impatiente, le Ministère désuni, la Chambre haute méfiante, la Chambre basse arrogante et hostile; au dedans, le pays inquiet et marchant sans boussole, car le pilote n'est nulle part; au dehors, des complications qui lui semblent inextricables.

393 Le Roi a de l'humeur contre tous et chacun, excepté contre le général de Manteuffel, qui, pour le moment, a le plus de crédit sur lui; il y a bien du monde pour s'en inquiéter. Le Ministère, du moins le comte Schwerin (ministre de l'Intérieur), qui est le doctrinaire le plus maladroit possible, commence à découvrir qu'il a été à la dérive; il voudrait s'arrêter, mais Vincke et consorts crient haro. Le ministre de la Guerre est du parti de la Croix. Chacun se méfie d'Auerswald dont le rôle d'anguille ne réussit auprès de personne. Le ministre des Finances, Patow, assez habile financier, déteste la noblesse et voudrait qu'elle portât le poids du jour.

Berlin, 26 janvier 1861.—On croit ici que le branle-bas de l'Allemagne (de par la France) est ajourné d'un an, au moins; que Garibaldi a renoncé à attaquer la Vénétie au printemps, qu'il a ajourné la révolution de Hongrie et des contrées slaves, et qu'on a fait prendre patience à l'Italie, en lui livrant Rome qui va être dévorée au premier jour, sans que cela fasse rien à ce gouvernement protestant (comme si ce n'était pas autant une question monarchique que religieuse). Socialement, l'hiver est et restera encore longtemps fort sérieux, pour ainsi dire nul; mais si les esprits sont assombris, je trouve les cœurs froids, comme les corps. On voit s'accomplir d'abominables et indignes actions comme on verrait sur la scène jouer un grand drame. Après la lecture de son journal du matin, on va patiner gaiement sur le canal de Thiergarten, et se coucher paisiblement après le journal du 394 soir, sans se soucier des malheurs de tant d'êtres semblables à nous. Avec cela, la misère est grande; que de gens morts de froid et de faim!

J'ai une lettre de Paris qui me dit ceci: «Voici le probable sur le royaume de Naples. On croit que ce royaume, tel que l'avait Murat, sera donné au jeune Murat que vous avez vu à Berlin [335]; que l'Angleterre y consentira, à condition de prendre la Sicile; mais le Roi François II, lorsqu'il sera forcé de quitter Gaëte [336], pourrait bien se rendre en Sicile, où ses partisans deviennent chaque jour plus nombreux. Ces deux chances ont été admises par M. Thouvenel devant son beau-frère, de qui je le tiens [337]

Le duc de Noailles m'écrit à la date du 23 janvier: «Nous avons demain notre belle séance académique, Guizot et Lacordaire. Les discours sont beaux, je les connais: celui du dominicain, très académique; il ne sort pas de son sujet Tocqueville, et ne fait aucune excursion, ni politique, ni religieuse, se complaisant assez dans la démocratie qui est forcément son sujet, et aussi son penchant; mais tout cela dit avec beaucoup d'art.

«Guizot est fort beau, le début un peu brusque. Il dit au Père Lacordaire (en termes académiques) qu'il l'aurait probablement fait brûler il y a trois cents ans; mais il le traite très bien; aussi, en sortant de la Commission, le 395 Père lui a dit: «Ce ne sont pas des remerciements que je vous dois, c'est de la reconnaissance.»

Berlin, 1er février 1861.—La Cour de condoléance a eu très bel air hier. Le Roi s'est enfin décidé à assister la Reine de sa présence, et je pense qu'en définitive, il n'y aura pas eu de regret; car la Reine avait l'air très royal sous le dais et ses gestes étaient des plus nobles et des plus gracieux.

Il y a un mot de M. de Montalembert sur les défenseurs de Gaëte: «Au moins, nous pouvons dire comme dans les contes de fée: il y avait un roi et une reine.»

Berlin, 22 février 1861.—Les documents diplomatiques que nous apportent les journaux français [338] me font, en ce qui regarde l'Italie, l'effet d'être des chefs-d'œuvre d'embarras; on voit nager entre deux courants; on fait, puis on regrette; on essaie de mettre les apparences d'un côté, quand les réalités sont de l'autre; les brochures sont tantôt le supplément, tantôt le démenti des dépêches. Que sortira-t-il de cette confusion? probablement une nouvelle poussée révolutionnaire à la suite de laquelle on se mettra, tout en la reniant. Nous verrons le Corps législatif chercher à dire quelque chose qui ait 396 l'air rassurant et qui, au fond, ne fasse obstacle à rien; et si le Sénat était plus net, j'en serais fort surprise.

Berlin, 6 mars 1861.—C'est aujourd'hui qu'a lieu, au grand Palais de Berlin, la cérémonie de la remise au Roi des insignes de l'ordre de la Jarretière que vient de lui envoyer la Reine d'Angleterre, par une députation à la tête de laquelle on trouve lord Breadalbane. Par miracle, il me survient un peu de curiosité; je la croyais morte et enterrée. Eh bien! pas du tout, voilà que j'ai grande envie de voir cette cérémonie qu'on dit être fort originale, surtout à une époque où les hérauts d'armes n'auront plus guère à proclamer que des déchéances de monarques et de monarchies.

Mes dernières nouvelles de ma fille Pauline [339] sont meilleures; elle avait subi une violente migraine dont elle se remettait; et si la Touraine n'avait pas les allures exceptionnelles du Nord, elle serait dans l'état auquel sa douce résignation l'a habituée depuis trois ou quatre années. Elle attendait, avec une grande impatience, ou plutôt avec un grand désir, l'évêque d'Orléans, la duchesse Hamilton et la princesse de Wittgenstein. Pauline ne s'impatiente plus quand elle n'a pas ce dont, cependant, elle jouit avec vivacité quand elle le possède. C'est vraiment une créature essentiellement soumise, et sereine au milieu des imperfections et des mécomptes de sa destinée.

Il est difficile de rencontrer une piété plus efficace: 397 quand le présent ne la satisfait pas, ou l'attriste, elle entre dans l'éternité, comme une autre entre dans sa chambre pour se reposer. Elle voit plus clair au delà de ce monde que dans ce monde. Ma nature est bien moins sérieuse, plus exigeante, l'avenir est pour moi, à la fois certain et obscur. J'y crois, mais je n'y vois pas.

Ici, le Roi et la Reine sont très ébouriffés du prince Napoléon [340]. Je prétends que ce discours est une brochure parlante, et je regrette qu'il y ait ici des personnes pour soutenir que l'Empereur en est irrité! En tout cas, Persigny, Piétri et Billault en sont fort satisfaits. Le général de Bonin, qui est revenu de Turin et de Paris, a dit à Schleinitz, qui me l'a raconté hier au soir, qu'il avait été frappé à Paris de la fermentation des esprits, et en Italie, du mécontentement et des hostilités des villes entre elles. M. de Schleinitz a évidemment un faible pour M. de Cavour, qu'il vante à toute occasion, disant par exemple hier: «Cavour a raison d'aller son train; car enfin, il faudra bien que nous finissions par reconnaître le roi d'Italie.» Schleinitz m'a étonné aussi par son admiration, non pour les doctrines du prince Napoléon, mais pour son grand talent oratoire. Conçoit-on que des cinq cardinaux présents à ce discours, aucun n'ait quitté la séance? Il me 398 semble qu'ils auraient dû spontanément se lever et s'en aller en disant le pourquoi.

Et le cardinal Morlot ayant trois démissions à donner (je ne parle pas de celle de l'Archevêque de Paris) et qui n'en offre aucune [341]!

Berlin, 10 mars 1861.—La cérémonie de la remise de la Jarretière s'est très bien passée; elle avait très bel air. Le Roi rajeuni, la Reine fort à son avantage. Le tout a fort bien réussi et a fait un peu diversion au lugubre du deuil et à la lourdeur générale de l'atmosphère de Berlin. Le Roi s'en est évidemment amusé; et depuis, je le trouve in better spirits [342], quoique les événements de Varsovie lui trottent dans la tête, et certes avec raison [343]. Les 399 Ministres en montrent leur inquiétude et le prince de Hohenzollern ne cache pas assez l'ennui et le découragement qui s'emparent de lui.

Berlin, 23 mars 1861.—Le concert à la Cour a été hier excellent; le Palais, les toilettes et les humeurs étaient en meilleures dispositions que depuis longtemps. C'était l'anniversaire de la naissance du Roi. Il y a eu partiellement d'assez belles nominations. Les rues étaient pleines d'un peuple qui, au milieu des hurras! faisait entendre d'assez mauvais cris. Des sifflets nous accueillaient autant que des vivats. La foule était immense, à peine si on pouvait, au pas, arriver jusqu'au Palais. J'étais glacée, non par le froid, car il faisait doux, mais par ces clameurs rugissantes. On s'est bien gardé d'en faire part à Leurs Majestés, qui ont pu prendre les mugissements pour des cris d'allégresse; certes, tous n'étaient pas de mauvais cris; il y en avait d'excellents, mais bien mélangés.

Berlin, 12 avril 1861.—Voici des extraits de lettres que je viens de recevoir de Paris: «Je ne sais ce qu'on dit à Berlin des débats qui viennent de finir dans nos deux corps politiques; ici, on en est frappé, on les trouve avec raison fort importants, non pas pour le présent, mais pour l'avenir. Dans le présent, il peut y avoir dans le courant des événements, des délais, des temps d'arrêt, mais 400 nous suivrons la même pente jusqu'au bout. Je le répète, pour l'avenir, c'est différent, car il y a, en France, trois classes d'intérêts puissants, tous trois nationaux, quoique de nature diverse et à divers degrés, et tous trois mécontents, froissés, irrités: les intérêts catholiques, les intérêts libéraux et les intérêts industriels. Eh bien, ces trois classes d'intérêts se sont rapprochées et concertées dans leurs mécontentements mutuels; et plus la situation actuelle durera et empirera, plus elles se rapprocheront, se concerteront et uniront leurs forces comme leurs causes. Il peut sortir de là, si on sait les saisir, des chances très favorables pour la bonne cause, religieuse et politique; saura-t-on les saisir?»

Autre lettre: «Ces jours derniers, la duchesse de Hamilton, sincèrement et vivement catholique et qui a longtemps vécu dans l'intimité de l'Empereur Napoléon, est allée le voir le matin, en tête à tête, et lui a parlé avec tristesse de ce qui se passe: «Que voulez-vous que je fasse? lui a-t-il dit, attristé lui-même. Il n'y a pas moyen de rétrograder, de s'arrêter! Je l'ai essayé à Villafranca, je n'ai pas réussi. Les sociétés secrètes ne le souffriraient pas et je ne puis rien contre elles; je serai renversé, j'en suis sûr, il faut donc aller en avant.»

«La Duchesse a été, de chez l'Empereur, chez l'Impératrice; et bien loin de trouver là la femme de Pilate, elle a trouvé encore plus de vivacité, de colère contre la soi-disant ingratitude du clergé, encore plus d'entraînement vers la pente fatale, malgré un grand fond d'inquiétude.»

401 Sagan, 3 mai 1861.—Quand j'ai quitté Berlin, il y a quelques jours, rien n'était encore décidé pour les fêtes du mois de juin [344].

Le Roi veut aller faire prêter le serment des Etats provinciaux dans les villes de Kœnigsberg, Breslau, Cologne. Le Ministère dit que c'est une cérémonie du temps passé et qui ne va plus à la Constitution actuelle. On a de plus représenté au Roi que ce serait très onéreux pour les provinces et que ce n'est pas lorsqu'on demande de grands sacrifices pour l'armée, qu'il faut en demander encore pour des dépenses sans un but réel et important. On propose au Roi de se promener dans les provinces et d'y donner des fêtes à son compte. Mais la liste civile est extrêmement obérée.

Sagan, 8 juin 1861.—On me dit que le couronnement, même à Kœnigsberg, devient douteux; que Berlin l'est infiniment; que le prince de Hohenzollern, fort souffrant, va partir sur l'ordre des médecins pour Dusseldorf, et qu'il serait question pour lui de pays chauds pour l'hiver prochain! On me dit aussi qu'à la séance de clôture des Chambres prussiennes, le Roi a été peu et froidement applaudi; puis que les députés, qui avaient encore quelque besogne à terminer, ont été choqués d'être clos ex abrupto.

L'émotion causée à Berlin par le duel Manteuffel [345] et 402 par la nomination de M. de Winter, faisant déjà les fonctions de chef de la police, dure encore. Les succès du Cabinet (si succès il y a) sont bien minimes et payés bien cher. En tout cas, il n'a pas gagné en considération et l'opposition, je ne dis pas libérale, mais pleinement démocratique se découvre et s'affermit de plus en plus. On la rencontre à chaque pas, et c'est encore plus visible en province qu'à Berlin.

Voilà donc M. de Cavour mort! Mme de Sévigné disait à la mort de M. de Seignelay: «C'est la splendeur qui est morte.» Ne pourrait-on pas dire aujourd'hui: «C'est le succès qui est mort!» Il y a cependant des gens qui prétendent que les mécomptes et les ennuis avaient commencé pour lui. Mais aujourd'hui, sa mort ne laisse-t-elle pas le champ libre à Mazzini, à Garibaldi, et du rose n'allons-nous pas passer au rouge? La conflagration ne sera-t-elle pas précipitée d'une part, et de l'autre, l'Empereur Napoléon ne se croira-t-il pas plus dégagé envers le Piémont?

Günthersdorf, 15 juin 1861.—J'ai reçu, avant-hier, une lettre de la Reine de Prusse qui a la bonté de m'annoncer que la Huldigung [346] est remise décidément au 4 octobre, qu'elle se fera à Kœnigsberg, et l'entrée solennelle 403 à Berlin, le 17. Malgré les prétextes officiels que l'on donne à ce retard, la vraie raison, c'est la divergence, entre le Roi et ses Ministres, sur la forme à observer pour cette Huldigung. On m'a écrit que le prince de Hohenzollern ne voulait rester dans sa position ministérielle qu'à de certaines conditions, mais on ne me dit pas lesquelles.

Sagan, 24 juin 1861.—Je suis, non seulement fort ébranlée, mais encore toute meurtrie et contusionnée, à la suite d'un gros accident qui m'a atteinte entre Günthersdorf et ici, et cela en rase campagne, loin de toute habitation, et, par conséquent, loin de tout secours et de tout abri. Un orage violent, un ouragan turbulent, une grêle monstrueuse (sans exagération, les grêlons étaient gros comme des billes de billard), tout cela a fondu sur nous avec furie. Les chevaux, il y en avait quatre à ma voiture, ont perdu leur pauvre cervelle; ils sont devenus comme fous, et se sont jetés dans le fossé bordant la chaussée. Sans le piqueur, qui précédait et qui n'a pas perdu la tête, nous étions perdus. Il a coupé les traits, mais déjà les roues de devant glissaient dans le fossé; il a fallu descendre pour qu'on puisse retirer et relever la voiture. Pendant que cela se faisait, et qu'on courait après les chevaux, nous, c'est-à-dire moi et mes deux femmes de chambre, nous avons été exposées aux coups frappés par les grêlons, sur la tête, sur toutes nos personnes.

Rentrées enfin dans la voiture, il nous a fallu y rester avec des vêtements ruisselants d'eau bourbeuse jusqu'ici, 404 c'est-à-dire pendant une heure et demie. Nous n'avions rien pour changer. Les cochers, les domestiques, les chevaux, tout saignants des coups de la grêle, enflés, méconnaissables. Nous avons tous des bosses à la tête et le corps tout marbré de taches bleues et noires. Ce long séjour dans des vêtements mouillés nous a fait mal à tous [347].

Sagan, 27 juin 1861.—J'ai eu hier une lettre du prince de Hohenzollern, qui me semble assez sombre sur les destinées du Ministère qu'il préside.

Voilà donc la reconnaissance du Royaume d'Italie au Moniteur français avec des réserves qui garantissent le Pape, comme le traité de Zurich a garanti tous les Princes italiens [348]. Le répit que la France comptait s'accorder pendant quelques mois du côté de l'Orient, en sacrifiant à l'Angleterre son ancien protectorat en Turquie, va probablement faire place à de nouvelles complications par suite de la mort du Sultan [349].

405 Les nouvelles de Russie ne sont guère bonnes, la révolte des paysans y continue; il paraîtrait aussi qu'à Saint-Pétersbourg le bonapartisme est moins de mode; mais ce qui paraît assez certain, c'est l'entrevue du Roi de Prusse avec l'Empereur Napoléon au camp de Châlons [350].

Téplitz, 17 juillet 1861.—L'attentat contre le Roi de Prusse à Bade m'a bouleversée [351]; je l'ai su, le 14 au soir assez tard, par le Prince Adalbert de Prusse, ici mon voisin. L'émotion a été chaude, car il y a force Prussiens céans. Les églises retentissaient hier d'un Te Deum.

On me mande confidentiellement de Berlin que M. de Bernstorff remplace M. de Schleinitz comme ministre des 406 Affaires étrangères, et que celui-ci devient ministre de la Maison du Roi. Le prince de Hohenzollern aurait demandé ce changement comme condition pour rester chef du Cabinet, et Bernstorff aurait fait la condition de n'avoir de chef que le prince de Hohenzollern, ne voulant en aucune façon d'Auerswald comme intermédiaire entre le Roi et lui.

Téplitz, 21 juillet 1861.—L'autre jour, M. Dupin parlant du mandement de Mgr Pie, évêque de Poitiers, a dit: «Mgr de Poitiers se trompe; il a grandement tort de comparer l'Empereur à Pilate. Pilate s'est lavé les mains, et l'Empereur se les frotte [352]

Sagan, 30 septembre 1861.—Je me sens dans le plus déplorable état de santé. Mes souffrances n'ont pas cessé depuis mon retour ici; elles augmentent chaque jour et ma patience est bien éprouvée.

Voici ce qu'on m'écrit de Paris: «On dit le Pape de nouveau malade, assez malade pour qu'on s'occupe beaucoup de l'avenir après lui. On se promet, s'il meurt, un grand mouvement populaire dans Rome, une explosion de suffrage universel, un plébiscite qui demanderait l'abolition 407 formelle du pouvoir temporel. Il y a des gens qui se flattent que cet élan révolutionnaire dominerait assez les Cardinaux pour déterminer l'élection d'un Pape qui abdiquerait le trône en y montant. Les mieux informés disent que la très grande majorité des Cardinaux tiendrait bon et irait tenir le conclave ailleurs, s'ils ne pouvaient élire le Pape à Rome avec liberté.»

On me dit que le Cabinet anglais a grande envie de reconnaître sans délai les États désunis d'Amérique et qu'il travaille à faire prendre au Gouvernement français la même résolution. Ce serait une bien prompte et bien docile abdication de la politique française que de consentir si vite à proclamer la chute de la seule puissance qui inquiète et gêne sur mer la domination de l'Angleterre. Du reste, les correspondances américaines donnent lieu de croire que les États du Nord sont passionnément résolus à soutenir la lutte, en se flattant qu'elle se terminera par leur victoire. Quoi qu'il arrive, ce château de cartes républicain est bien près de tomber, et le vainqueur, quel qu'il soit, changera profondément ce gouvernement incapable de supporter toute forte épreuve [353].

408 Sagan, 4 octobre 1861.—Je suis charmée d'apprendre que les Gazettes se sont trompées en annonçant que le Roi de Prusse emmènerait des ministres à Compiègne. Le contraire est bien plus prudent et convenable. Je ne doute pas de la présence de l'Impératrice Eugénie et de quelques jolies dames. D'après ce qui me revient, les efforts du Roi pour rassurer les Cabinets allemands sur cette visite en France n'ont pas toute l'efficacité désirable. La méfiance est extrême. Certes, elle est injuste en regard des intentions du Roi en y allant.

Sagan, 6 octobre 1861.—Il y a de mauvais symptômes dans l'esprit démocratique, si absurdement encouragé par le Ministère prussien, qui est incapable, terriblement court et borné dans ses vues. Nous voici, ayant la Turner-Fest dans toutes les petites villes avec de fort mauvais discours, de fort mauvais drapeaux, etc... etc... Les villes s'endettent pour ces dangereuses fêtes, et quand on demande ce qui se fera pour fêter le couronnement, on répond qu'on n'a pas d'argent. La Huldigung ne convenait pas au système constitutionnel et la Krœnung ne plaît pas à l'esprit démocratique; cela leur paraît trop royal, trop aristocratique; bref, on ne satisfait plus personne. Mais que le Ministère est coupable d'avoir encouragé le Turner-Verein, le Sænger-Verein, le Schützen-Verein et surtout le National-Verein [354]. Il faut vouloir 409 être aveugle pour n'en pas connaître le danger qui saute aux yeux des moins clairvoyants. C'est quand on habite la province ou la campagne qu'on discerne les ravages de ces associations.

Sagan, 10 octobre 1861.—Une lettre de Berlin que je viens de recevoir me dit ceci: «M. d'Abzac est ici, envoyé par le duc de Magenta, pour organiser sa maison; on envoie de Paris des masses d'ouvriers pour construire à la hâte toute une grande salle dons le jardin de l'ambassade de France. On envoie aussi trente-huit domestiques et dix-huit chevaux. Le Maréchal aura une suite de treize personnes. Lord Clarendon a loué tout le premier de l'hôtel Royal qu'on décore magnifiquement. Je ne sais encore rien du duc d'Ossuna, sinon qu'il est ici [355].

«La grande voiture dans laquelle la Reine fera son entrée est très belle dans son antiquité; on vient de la 410 redorer à neuf. L'intérieur est doublé de satin blanc tout brodé d'aigles d'or; les harnais sont en cuir vert avec des dessins rouge et or. Ils seront mis sur huit beaux chevaux noirs. Le manteau de couronnement de la Reine est de toute magnificence, en velours rouge, tout doublé d'hermine et brodé d'aigles d'or.»

Sagan, 14 octobre 1861.—Voici la copie d'une lettre écrite par une personne toute napoléonienne, qui contient un récit de la visite du Roi de Prusse à Compiègne: c'est l'impression française:

«Paris, 10 octobre 1861.—Comme j'en avais le sentiment, tout a parfaitement réussi à Compiègne, et les choses se sont passées comme vous aviez toujours prévu qu'elles se passeraient, si le Roi de Prusse venait en France. Il n'a pas caché son impression, qui a été franchement favorable. Ce qu'il y a d'amusant, c'est que le bon général de Manteuffel l'a très décidément partagée. Il est impossible de voir une réussite plus complète; cela me revient de tous les côtés. Le premier soir, il y avait un peu de gêne et de froideur dans le salon. Tout le monde se tenait à l'écart: l'Empereur, l'Impératrice, le Roi assis loin de tout le monde.

«Le maintien de l'Impératrice a été parfait et sans un moment d'oubli pendant tout le séjour du Roi. Le lendemain, chasse à tir où le Roi s'est amusé, et superbe promenade dans la forêt terminée par Pierrefonds, où on a goûté. Le théâtre français, un peu long, car il faisait affreusement chaud. Le lendemain, petite 411 revue improvisée sur la pelouse, devant le château. L'Impératrice est venue rejoindre à pied, jolie comme on ne l'avait pas vue depuis longtemps. Le Roi de Prusse l'a abordée en lui baisant la main de si bon air, et elle a répondu à la politesse en s'inclinant d'une manière si noble et si digne, que cela a ravi les troupes qui ont tout de suite pris le Roi en amitié. On ne parlait que de cela dans les cafés de Compiègne. Notre Impératrice a repris cette belle politesse espagnole qu'elle sait si bien trouver quand elle veut.

«Dans cette réception, il n'y a rien eu de trop comme empressement, ni de trop peu. La suite allemande a été charmée de la dignité générale de l'attitude, chacun a bien joué son rôle; et, comme des deux côtés on s'apercevait de la bonne impression qu'on se faisait réciproquement, cela allait toujours mieux. Les grâces de cordon, ordres..., etc... ont été faites de la manière la plus aimable par le Roi à Edgar Ney, à qui il donnait plus qu'il ne pouvait prétendre (pour réparer ce qui s'était passé à Bade), il lui dit: Je vous la donne avec plaisir, parce que je sais que vous êtes l'ami de l'Empereur! En allant dans les rangs de la troupe, le Roi a dit qu'il ne reconnaissait plus la cavalerie française; qu'autrefois, les hommes avaient la jambe roulante et qu'à présent, ils sont admirablement à cheval et ont des chevaux superbes.

«Le Roi a trouvé le petit Prince Impérial très gentil; il a aussi admiré fort le joli visage de Mme de Galliffet. Quant à l'Impératrice, elle n'a pas manqué son effet 412 habituel; il la trouve délicieuse. Pour moi, qui aime profondément l'Empereur et l'Impératrice, je suis enchantée de la manière dont tout cela a tourné et du genre sérieux de cette réussite, qui a été plus loin qu'on ne pouvait l'espérer.»

Sagan, 19 octobre 1861.—Il m'est revenu quelques particularités allemandes sur l'entrevue de Compiègne que j'ai motif de croire exactes. Les deux souverains ont eu deux entretiens; un petit à la chasse, un plus long dans l'appartement du Roi, où l'Empereur est allé le chercher, tout à la fois, avec empressement et réserve. Il n'a pas parlé du tout des affaires d'Allemagne. Sur l'Italie, il a trouvé naturel, et même bon, que le Roi n'ait pas reconnu le nouveau royaume, dont l'avenir est fort douteux et sur lequel il a fait lui-même des réserves. Il a très bien parlé de la légitimité, principe excellent dont les revers sont des échecs pour tous les gouvernements. En tout, langage très conservateur. La tentative délicate a porté sur l'Angleterre. Il s'est montré à la fois très ami de l'alliance anglaise et très préoccupé de ses difficultés, de ses exigences. Il a fort approuvé la Prusse de devenir une puissance maritime; c'est bon pour elle, pour la France, pour l'Europe; mais l'Angleterre le souffrira-t-elle? Il avait bien envie de savoir jusqu'où allait l'intimité entre Berlin et Londres, et envie aussi de l'intimité entre Berlin et Paris, et que cette intimité-ci fût indépendante de l'autre. Le Roi dit avoir été réservé, négatif par son silence. On dit aussi qu'à propos du traité de commerce, qui se négocie 413 entre la France et le Zollverein, l'Empereur ayant témoigné le désir d'une réduction des droits allemands sur les vins et les soieries de France, le Roi a répondu: «Mais ce sont aussi des productions des provinces rhénanes, et j'ai à cœur de ne pas les mécontenter.»

Sagan, 21 octobre 1861.—Voici l'extrait d'une lettre que m'a écrite de Kœnigsberg un personnage important du parti catholique conservateur et monarchique. L'Aigle noir, donné à la Reine, est quelque chose de tout nouveau, et par conséquent de tout à fait exceptionnel, qui doit lui avoir fait plaisir:

«Kœnigsberg, 19 octobre 1861.—La fête d'hier s'est passée aussi bien que nous pouvions le désirer. Son effet, son ordonnance, la manière dont elle a été exécutée, ont surpassé mon attente. Il n'était pas facile d'organiser un acte pareil, auquel il manquait et traditions et précédents. Le tout a été digne de son caractère symbolique, comme un acte d'invocation à la protection de Dieu, et comme un acte politique et monarchique. Il ne manquait que l'onction, que les bénédictions, que l'Église à laquelle nous appartenons y aurait apportées. Sans cela tout a été digne et convenable. Le Roi et la Reine ont eu belle et noble tenue, s'inclinant humblement devant le Tout-Puissant, duquel ils ont pris en fief leur couronne, et se relevant avec dignité en le proclamant à leurs peuples.

«Le plus beau temps a favorisé la cérémonie; la tenue du public n'a rien laissé à désirer et a fait la meilleure 414 impression aux étrangers. Lord Clarendon m'a dit qu'il en avait été frappé.

«Un silence, un ordre respectueux et un élan vibrant lorsque le moment d'une démonstration est venu. Le Roi a très bien parlé dans les diverses occasions, simplement, mais appuyant fortement sur le principe monarchique, qu'il était appelé à conserver intact à sa dynastie. Entre les allocutions qui lui ont été adressées, celle du Cardinal archevêque de Cologne [356], qui a parlé au nom de notre clergé, a été généralement reconnue comme la plus remarquable; elle était apostolique, marquée par la grâce du Saint-Esprit; ce qu'il a dit des affaires de ce monde était vrai, noble, en un mot chrétien. Le tout s'est passé sans la moindre dissonance. La partie libérale du Ministère a dû pâtir des paroles du Roi; elles ne cadraient pas avec leurs principes; les plus conservatifs n'auraient pas pu les désirer autres. Les Ministres ont dissimulé les couleuvres qu'ils ont été obligés d'avaler; nous verrons s'ils se rattraperont.»

Sagan, 26 octobre 1861.—Voici des extraits de diverses lettres de Berlin: «L'entrée à Berlin, quoique favorisée par un temps magnifique, une foule empressée et démonstrative, a été loin de m'impressionner autant que Kœnigsberg. A Berlin, les couleurs allemandes dominaient, à Kœnigsberg les couleurs prussiennes excluaient 415 presque les autres. A Berlin, un bon tiers des ouvriers avait arboré une médaille en carton, portant la lettre V. der Handwerken Verein, espèce de société comme celle de la Marianne, en France, tolérée tacitement par le ministre de l'Intérieur, comte de Schwerin, et qui compte à Berlin vingt mille adhérents, menés par des démocrates rouges. Une des vraies raisons de l'opposition contre le président de la police Zedlitz vient de la guerre qu'il voulait faire à cette dangereuse association.

«Un doux contraste à ces dissonances étaient des tribunes, placées à cinq cents pas les unes des autres, remplies de jeunes filles vêtues en mousseline blanche et couronnées de fleurs; leur air pur, enjoué et innocent, faisait du bien à voir. La Cour et ce qui y tenait faisait très bon effet; les équipages étaient très beaux; le Roi, entouré des Princes de sa Maison, précédé par les généraux de son armée, avait grande mine; la Reine et la Princesse Royale, dans une voiture dorée et à glaces, étaient rayonnantes d'affabilité.»

Autre lettre: «Au grand concert gala, il y avait trop de foule, et pas même une glace ou un verre d'orgeat; mais des toilettes magnifiques. La Reine est superbe; elle est enfin couverte des diamants de la couronne, et portant admirablement, à toutes les fêtes, le grand diadème; mais elle est bien fatiguée, ses traits s'en ressentent. La maréchale de Mac-Mahon est élégante, mais pas richement vêtue; des toilettes de Longchamps, mais non pas de Cour. Elle n'a pas l'air distingué.

«L'Infante de Portugal, princesse de Hohenzollern, 416 ressemble à la duchesse de Nemours; elle est bien belle, elle a l'air d'avoir plus de seize ans; son mari est plus petit qu'elle. La princesse Putbus avait imaginé de profaner ses jolis cheveux blonds en les poudrant d'une poudre d'or, qui retombait en pluie jaune sur son front et son cou. Elle avait piqué dans ses cheveux une plume si hardie, si droite, si menaçante que, voyant l'étonnement qu'elle causait, elle a voulu faire disparaître cette fatale plume; mais elle était si bien ajustée qu'elle n'a pu venir à bout de l'arracher; alors, elle s'est adressée à Antoine Radziwill en le priant de couper cette plume maudite avec son sabre: ce qui fut dit, fut fait.»

Autre lettre: «Ce matin a eu lieu la consécration de l'église catholique de Saint-Michel [357]. Le Roi et la Reine devaient s'y rendre; mais au dernier moment, les protestants ont tellement tourmenté le Roi, qu'il a fait dire par le Prince Royal au Prince-Évêque de Breslau, qu'il était enrhumé et ne pouvait aller à l'église. Le soir, il était au bal!

On dit que la cérémonie a été très imposante, le curé a fait un beau discours et le Prince-Évêque, au Te Deum, a prononcé un discours sublime. Tout le Corps diplomatique catholique s'y trouvait. Le Prince-Évêque était revêtu d'un magnifique ornement: cadeau que la nouvelle église a reçu du Saint-Père.»

Sagan, 2 novembre 1861.—Le Roi et la Reine viennent 417 décidément chez moi dans quelques jours [358]. La Grande-Duchesse de Bade aura été bien satisfaite du couronnement qui a été, en effet, une belle décoration; je ne puis m'empêcher d'y voir le chant du cygne des monarchies [359]. Dieu veuille que je n'aie pas le sens commun et que je ne voie si noir qu'à cause de ma lunette de malade!

Ici nouvelle interruption de la correspondance qui ne reprit qu'au mois de mars 1862, M. de Bacourt s'étant rendu à Sagan, où il passa tout l'hiver auprès de la malade.

418

1862

Sagan, 11 mars 1862.—J'ai lu hier les journaux, et pour ne pas tomber de plein saut dans l'ignorance des choses de ce monde, j'y ai mis plus d'attention que de coutume. Je ne réponds cependant pas d'y avoir plongé très intelligemment; aussi n'y ai-je été frappée que de la liberté de langage de MM. de Pierres, Picard et Jules Favre; ils n'ont épargné aucune critique sur le gouvernement intérieur de la France et ses fallacieuses promesses. Cela rappelait le temps passé, et sans changer actuellement les votes, cela ne peut manquer de déplaire beaucoup et de gêner pas mal en haut lieu, disons mieux: en très bas lieu.

Sagan, 12 mars 1862.—On m'écrit ce qui suit de Paris: «Les discussions dans les deux Chambres ont été chaudes. Pour Palikao, l'affaire a été désagréable. L'Empereur aura pu juger ce que c'est que l'opinion publique. En retirant la proposition, il a bien fait, mais en demandant une somme pour récompenser les grands services, il a fait une faute énorme [360]. Le général Fleury est le 419 coupable de toute cette affaire. C'est lui qui a inventé le général Montauban; puis il a poussé à ce qu'on lui donnât un titre et une dotation.»

Voilà donc la Chambre prussienne dissoute; j'ai bien peur que les mêmes Ministres, incapables d'agir sur l'opinion publique, n'obtiennent une Chambre pire que celle qu'on renvoie [361]. Le monde est au moins aussi malade que moi.

Sagan, 14 mars 1862.—M. Guizot m'écrit de Paris: «Il y a un peu de réveil dans les esprits; mais dans tout cela la médiocrité des hommes égale la gravité des situations; agresseurs ou défenseurs, conspirateurs ou fonctionnaires, tous paraissent petits ou ternes, quelque grandes que soient les choses auxquelles ils touchent. Les Anglais qui sont à Paris disent tous que les tories reprennent de l'ascendant, qu'ils pourraient, s'ils voulaient, dès aujourd'hui renverser le Cabinet, mais qu'il y a dissentiment à ce sujet entre lord Derby et son fils, lord Stanley, le fils étant plus pressé que le père.

420 Nous sommes un peu inquiets de ce qui se passe en Prusse. Les pessimistes disent qu'elle est, au fond, plus malade que l'Autriche; j'espère qu'elles ne le sont définitivement ni l'une ni l'autre; je craindrais bien plus la révolution en Allemagne qu'en Italie.»

Un ami de M. de Falloux m'écrit aussi: «En quittant Paris, M. de Falloux s'est rendu en Bretagne pour des affaires de famille toutes personnelles. En arrivant à Rennes, il a trouvé au débarcadère deux amis de l'Archevêque pour excuser le prélat de ne pouvoir le recevoir, à cause de dépêches télégraphiques, parties du ministère, pour lui ôter la liberté de voir M. de Falloux, qu'on signale voyageant en Bretagne dans un but politique. Le pauvre prélat était, disaient ses amis, honteux et désolé, mais trop faible pour ne pas fléchir. Si un fait pareil était porté à la tribune comme spécimen de la liberté dont nous jouissons, les Ministres sans portefeuille auraient beau jeu pour nier audacieusement; car c'est là tout leur savoir-faire! Opprimer en criant: Vivent les principes de 1789!

«L'Archevêque de Tours vient de traverser Paris en revenant de Rome; il m'a rapporté une bonne impression. Tous les cardinaux, ainsi que le Saint-Père, lui ont paru très fermes, très résolus, mais sans illusions sur l'issue finale qu'une politique hypocrite leur prépare.»

Sagan, 18 mars 1861.—Voici un petit extrait d'une de mes lettres d'hier: «L'Archevêque de Tours est revenu rapportant d'excellentes impressions de Rome et du Sacré-Collège, qui l'ont accueilli avec une distinction 421 toute particulière. Plus de vingt Cardinaux sont allés le visiter et tous ont annoncé fermeté et résolution dans les épreuves que chacun entrevoit comme très prochaines. Le Saint-Père est préparé à tout et ne songe qu'à sauver l'honneur. L'Archevêque et son compagnon de voyage ont refusé les invitations à dîner du duc de Gramont et du général de Goyon. Dès l'arrivée des prélats à Paris, revenant de Rome, ils ont eu la visite d'un employé supérieur du ministère des Cultes, pour leur reprocher, officiellement, l'inconvenance de ce refus, ajoutant que la seule chose à faire, pour la réparer, était d'aller faire leur cour aux Tuileries et une visite au Ministre. «Ni l'un ni l'autre, a répondu le pieux prélat de Tours.»—«Mais prenez-y garde, a-t-on répliqué, une telle attitude indisposera le Gouvernement contre vous, et l'œuvre de saint Martin en souffrira.»—«A Dieu ne plaise, a repris l'Archevêque, que je sacrifie jamais saint Pierre à saint Martin; ce dernier ne me le pardonnerait pas [362]

Si, dès le début, le haut clergé de France avait en une attitude aussi nette et aussi digne, bien des disgrâces eussent été épargnées, et à l'Église, et à l'honneur de la France.

C'est aujourd'hui un anniversaire qui pourrait bien ne pas passer inaperçu à Berlin: 18 mars! Il y a quatorze ans qu'il s'est livré une bataille, qui, gagnée, a été reperdue 422 pour le présent et pour l'avenir; le tout en douze heures de temps. Je m'inquiète des manifestations qui pourraient avoir lieu le 22, au jour de naissance du Roi. L'année dernière, à cette date, Berlin était des plus unheimlich [363] et il ne faisait pas bon d'y circuler avec des livrées et des armoiries. Et depuis lors, on a été également faible et imprudent. Les Ministres laissent tout aller à la dérive, et le Roi improvise un peu trop, il me semble! Je voudrais espérer que tout s'apaisera et rentrera dans le calme; mais nous sommes tous sous le réseau des sociétés secrètes; elles sont bien actives et on en trouve la trace à chaque pas.

On me mande de Berlin que la crise ministérielle préoccupe tous les esprits; il paraît que le changement ne sera pas partiel; on ignore encore quelle est la partie qui s'en ira. M. de Bernstorff doit avoir dit que, depuis qu'il est au Ministère, il n'a éprouvé qu'amertume et ingratitude, et qu'entre son poste de Londres et celui de Berlin, il y a toute la distance du ciel à l'enfer [364].

Sagan, 19 mars 1862.—Le journal d'hier m'apporte la composition du nouveau Ministère prussien qui aura, du moins, le mérite de l'homogénéité. Dieu veuille que ce ne soit pas le seul.

De Vienne, on m'écrit de tristes nouvelles. Le général 423 Schlic est mort, le prince Windisch-Graetz a été administré, le comte Walmoden expirant et le pauvre Zedlitz aussi. Toute une génération du bon temps disparue.

Sagan, 20 mars 1862.—Ma cousine de Chabannes m'écrit, de Claremont, que la Reine Marie-Amélie se porte parfaitement bien, mais qu'elle est inquiète du Roi des Belges, qui se fait faire des opérations successives de la pierre, qui l'éprouvent et l'épuisent. Le duc de Brabant, en passant dernièrement par Claremont, y a fait la plus triste impression; il est fort menacé de la poitrine. La princesse de Joinville souffre beaucoup du foie.

Sagan, 24 mars 1862.—J'ai eu hier la visite de mon voisin silésien, le comte de Rittberg, arrivant de Berlin. Voici le résumé de ses dires. Il n'a pas accepté, lui, le Ministère qui lui a été proposé, parce qu'il se sent fatigué corporellement, que sa femme est inquiète de lui et qu'elle a insisté pour qu'il refusât. Je crois que ce qu'il souhaiterait serait de remplacer le prince de Hohenlohe à la présidence de la Chambre des seigneurs. Il dit du bien des nouveaux Ministres qu'il connaît; il les dit très honnêtes, sincèrement dévoués au Roi, n'appartenant pas au parti de la Croix, comme le parti démocratique se plaît à les représenter. Il les dit capables, chacun dans sa spécialité; il craint seulement que le talent parlementaire leur fasse défaut. Il ajoute que si le Roi avait fait, il y a 424 six mois, ce qu'il vient de faire maintenant, il y aurait d'assez bonnes élections, tandis qu'aux mauvaises élections de décembre dernier, nous en verrons succéder, très probablement, de détestables au mois de mai. Il regrette qu'on se soit tant hâté de dissoudre la Chambre; il en accuse les Ministres sortants, qui, ayant jugé qu'ils seraient battus sur toutes les questions, ne s'étaient pas souciés d'en avoir la honte; que d'ailleurs, la désunion dans le Cabinet rendait tout impossible. Il est surtout fort irrité contre le comte Schwerin et M. d'Auerswald; il voit dans l'esprit borné et doctrinaire du premier, dans les expédients souvent peu loyaux dont le second leurrait le Roi, les deux principales causes des grandes difficultés du moment. Il désire vivement qu'Auerswald ne reste pas à Berlin, car il craint ses intrigues à la sourdine.

J'ai eu hier une lettre de Paris: «On va nous retirer les petites libertés qui nous ont été données le 24 novembre. La discussion des Chambres prouve que le Gouvernement ne peut supporter le contrôle et les observations motivées. Le discours du député de Rouen a produit un effet immense; on a bien sapé M. de Persigny; il n'en reste pas moins [365]. Il coûte cher à l'Empereur; il a quinze cent mille francs de dettes. Dernièrement, l'Empereur lui reprochait d'être resté trois jours sans paraître à l'hôtel de son ministère. «Auriez-vous préféré, a-t-il répondu, que je fusse arrêté? J'avais signé un billet de trois cent mille francs et je serais à Sainte-Pélagie si je ne m'étais pas caché.» L'Empereur fit chercher la somme et la lui remit.

La première et la dernière lettre adressées par la duchesse de Dino et de Talleyrand à sa petite fille, la princesse Radziwill, née Castellane.

I

Sagan, 3 janvier 1859.

Ma chère Marie, je te remercie de ta lettre du 20 décembre et des bons souhaits qu'elle contient pour moi; qui, de mon côté, prie Dieu avec ferveur pour ta santé et le développement de ton âme et de ton intelligence. Tu es en bonnes mains, en bon air [366], et les fréquentes visites de ta chère maman [367] et d'Antoine [368] te procurent de douces distractions! J'espère aussi que nous ne tarderons pas à nous revoir, ma chère Minette, et que nous nous aimerons encore plus après nous être embrassées en réalité. En attendant je t'envoie de loin mes baisers et mes bénédictions.

D. D Duchesse DE SAGAN TAL.

II

Sagan, 31 août 1862.

Ma chère fillette,

Merci des intéressants détails sur la petite visite de notre Saint Évêque [369]. Il a eu la grande bonté de m'écrire lui-même quelques lignes du cher asyle [370]!

Je ne m'étonne pas du succès de Georges [371] auprès de lui, car il est de la sphère des anges!

Je suis ravie que tu puisses retrouver ton mari ici. Tu sais que vous êtes mes CHERS enfants.

Ton beau-père s'est annoncé pour ce soir. Ton oncle Dino et Élisabeth [372], à l'improviste pour cette nuit. Probablement un article stupide des journaux de Berlin, par lequel il m'aura cru à toute extrémité, aura réveillé son inquiétude et hâté son arrivée. Enfin Louis [373] s'annonce pour demain ou après-demain. Je vais être terriblement envahie. Je voudrais que M. de Bacourt [374] vînt m'abriter.

Boson [375], Jeanne [376] et Adalbert [377] viennent aussi me menacer!

Certes, je ne manque pas de cœur pour mes enfants; mais je manque de force pour écouter, pour entendre, pour parler, pour répondre; dès que j'ai fait le plus petit effort, les vomissements reprennent et la transpiration m'inondent! Adieu, ma chère fille, j'ai pour toi et pour Dear Rochecotte une affection toute exceptionnelle.


P.-S.—Toi et ton mari ne me gênent ni en santé ni en maladie et quant à ton frère, il serait aussi le très bien venu. Tu sais que je te dis vrai.

425 Sagan, 2 avril 1862.—On me mande que la plupart des évêques de France répondront à l'appel qui leur a été fait de Rome pour les martyrs japonais [378]; qu'ils partiront en avertissant le Gouvernement, mais sans demander de permission, et que l'Empereur n'en sera pas trop mécontent. Cette question romaine l'embarrasse tellement qu'il en est, dit-on, encore plus attristé qu'irrité. M. de Lavalette se défend d'être mal avec le Pape [379], c'est avec M. de Goyon qu'il ne peut vivre.

La Reine Marie-Amélie va passer un mois à Holland-House pour être plus près de la grande Exposition dont elle est curieuse. Être encore curieuse, à son âge, et après avoir été crucifiée! c'est merveilleux et enviable!

Le prince Windisch-Graetz laisse six enfants et très peu de fortune; il avait de gros traitements qui finissent avec lui; sa fille, veuve, sans enfants, âgée de vingt-six ans, qui, depuis son veuvage s'était consacrée à son père, est particulièrement à plaindre. Les journaux allemands ont 426 donné un récit touchant des obsèques qui ont eu lieu à Vienne et à Prague; et surtout, de ce qui s'est passé dans cette dernière ville au haut du Hradchin, où le cardinal Schwarzenberg, beau-frère du défunt, a béni le corps, et d'où les salves de deuil ont retenti du même point, juste d'où l'illustre mort a tenu la ville en échec, lorsqu'il a sauvé à son maître la couronne de Bohême, en 1848. Naturellement, le cortège aurait dû traverser le bas de la ville pour prendre la route de Tachau, où se trouve le caveau de famille; mais l'Empereur a donne l'ordre que le cortège traversât toute la ville, montât au haut du Hradchin où se trouve la Cathédrale, fît halte à la porte de l'église et y reçût les honneurs militaires. Le concours de monde de tous les genres paraît avoir été énorme, et le recueillement touchant et honorable.

Sagan, 1er mai 1802.—Voici le joli mois arrivé tout plein de soleil, de verdure et de parfums. Eh bien! tout cela me semble une dérision, car ce soleil n'éclaire pour moi que des souffrances qui augmentent à chaque instant de cruauté. Je n'ai pour ainsi dire plus un moment de vrai répit. Cependant voici deux jours que je suis sortie; mais hier, après une tournée d'une demi-heure dans le parc, je suis rentrée pour être torturée avec une rage incessante qui vient de me ressaisir.

427 Ici s'arrête la Chronique. La maladie de celle qui l'écrivit allait chaque jour s'aggravant; les eaux d'Ems, pas plus que celles du Schlangenbad qu'elle prit ensuite, n'apportèrent aucune amélioration à son état. Elle avait hâte de retourner à Sagan pour y mourir, comme elle le répétait sans cesse.

En effet, elle atteignit Sagan le 3 août, et expira le 19 septembre 1862.

FIN

428

429

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

Article du Times donné par le Galignany du 17 février 1853.

L'adresse aux dames américaines, partie de Stafford-House, a reçu l'accueil auquel nous nous attendions. Les dames du monde de l'État de Virginie qui, à l'exemple de leurs mères, ont toujours eu des esclaves, se soulèvent maintenant à l'unanimité contre cette ingérence dans ce qu'elles considèrent comme un privilège séculaire.

Par l'organe d'un journal de la Virginie, le Richmond-Enquirer, ces dames en appellent à Mme Julia Gardiner Tyler (l'ex-présidente Tyler, comme on l'appelle officiellement), qui, élevée par ses alliances, ses talents, sa naissance, son mariage avec l'ex-président, et enfin, par son long séjour dans une plantation de Virginie comme maîtresse d'une colonie d'esclaves, était le digne champion de l'esclavage considéré comme institution sociale.

Appelée par un pareil devoir, l'illustre citoyenne prit la plume et ne l'a quittée qu'après avoir fait justice sommaire de la Duchesse (de Sutherland) et de ses amis.

Notre correspondant de New-York, qui est, certes, fort américain, ne s'est pas rendu compte, comme il aurait dû le faire, de l'importance à donner à cette rivalité de dames en colère, se battant aux yeux du monde pour leurs compatriotes. Nous ne doutons point que, malgré les huit années passées à la tête d'une plantation, Mme Tyler ne soit encore jeune, belle, intelligente et charmeuse, comme le décrit 430 le New-York Herald; mais décidément, on peut dire qu'elle est agressive et bavarde. Elle voudrait que la doctrine de Monroe fût appliquée, non seulement au territoire, mais aussi aux institutions de l'Amérique du Nord; et elle se venge de la Duchesse, en énumérant soigneusement toutes les allusions déplaisantes pour les institutions anglaises que lui fournissent son intelligence, sa mémoire et ses amis. Au fait, en allant au fond des choses, nous y trouvons pour les neuf dixièmes des redites; comme la presse anglaise semble prendre un soin tout particulier de mettre les étrangers au courant de nos défauts, la tâche de cette dame était facile, et l'intérêt pour le lecteur anglais en reste minime.

En disant que la réponse de Mme Julia Tyler contient des redites et des contradictions, nous devons ajouter que le même jugement peut s'appliquer à la Duchesse. On n'aurait jamais dû publier une lettre ouverte, capable de provoquer une semblable réponse, et, d'autre part, quand une semblable publication a été faite et que le bon sens du pays où elle a eu lieu la désapprouve, les personnes auxquelles elle était adressée auraient donné une preuve de tact en ne la relevant pas.

Il faut dire à l'honneur des dames américaines qu'aucune d'entre elles n'a répondu, à l'exception de la propriétaire d'une plantation de tabac, seule capable, peut-être, de manier la plume avec autant de férocité. Elle ne nous fait grâce sur aucun point: l'Islande, la corruption de la métropole, le Dun robin Estate, l'ancien commerce des esclaves, les diamants de la duchesse de Sutherland, notre journalisme, notre impôt des pauvres, nos souscriptions de bienfaisance, notre reine, nos évêques, nos hommes d'État, nos importations de coton et nos larmes de crocodile, tout, tout est successivement attaqué avec autant d'adresse que d'âpreté, tout et tous ont leur part.

Nous en sommes redevables à une petite coterie de femmes philanthropes, que les souffrances de l'oncle Tom et de ses compagnons héroïques touchèrent au point de leur faire oublier que ces types, modèles de toutes les vertus, étaient le fruit du système qu'elles blâmaient.

Notre métier de journaliste nous met en contact si intime avec la 431 fragilité de notre édifice social, que nous hésitons à lancer des pierres que nos adversaires pourraient trop facilement nous rejeter.

La témérité de l'appel Sutherland prouve que les belles plaignantes ne connaissent aucunement les maux existant beaucoup plus près d'elles, qu'il aurait été peut-être de leur devoir de connaître et de secourir. Cependant, nous ne saurions subir les verges de Mme Julie sans réagir; nous ne saurions tolérer que l'ex-présidente Tyler écrive, comme si l'Angleterre n'avait jamais rien fait, rien souffert, rien payé pour la cause de l'abolition de l'esclavage. Nous ne saurions admettre que rien n'ait changé chez nous, depuis le temps où la Reine Anne partageait, avec le Roi d'Espagne, le gain produit par la traite des nègres, et que nos hommes d'État, nos législateurs, nos prélats, nos pairesses, soient ce qu'ils étaient encore il y a deux cents ans. Pour appuyer son raisonnement, la belle Julie attribue le procès Wilberforce et Clarkson à des causes que jamais le lutteur n'aurait imaginées. Selon elle, il serait dû à l'envie que nous éprouvons pour les États-Unis, au désir de nous venger du succès de leur récolte, la douleur d'y avoir perdu un marché (que d'ailleurs nous n'avons pas perdu), au dessein infâme de semer la discorde entre les États du Nord et du Sud, et à d'autres motifs semblables qui pourront paraître évidents à une certaine classe de femmes, mais qui paraissent absurdes à tout homme de bon sens.

Nous voudrions encore prier la belle lutteuse de Sherwood-Forest de jeter un regard sur l'espace occupé sur la carte par son pays, baigné, comme elle le dit, par deux Océans, et de le comparer à celui qu'occupent les Iles-Britanniques; elle verrait qu'on peut nous excuser, si nous avons plus de peine à nourrir une population de trente millions, que les Américains pour en nourrir une de vingt-six. Elle aurait beaucoup mieux fait, pour avoir raison, si, en défendant les institutions de son pays contre toute ingérence anglaise, elle ne se fût pas mêlée de nos affaires; mais, elle se mêle de nos institutions et perd, en les attaquant, le terrain gagné en défendant celles de son pays, justifiant presque, ainsi, l'intervention des philanthropes de Stafford-House. Les institutions monarchiques et aristocratiques, dont elle parle, durent depuis dix siècles et nous ne pourrions, même en le voulant, nous en débarrasser aisément. D'ailleurs, il est incontestable 432 qu'elles ont beaucoup contribué à la formation du caractère de notre race, dont les États-Unis eux-mêmes sont le plus éclatant résultat.

Nous avons encore à régler avec Mme Tyler une petite affaire pour notre propre compte. Quel droit a-t-elle de dire que la lettre de Stafford-House a eu son origine dans les journaux? Nous n'en avons rien su, jusqu'à ce qu'elle fut approuvée par le conclave et couverte de nombreuses signatures. Il nous est fort pénible d'avoir été crus les complices de cette singulière affaire. Quant aux éloges patriotiques, dont Mme Tyler a enjolivé sa réplique, nous sommes enchantés de pouvoir en reconnaître l'exactitude; nous apprécions, selon leur mérite, le territoire des fleuves, les deux Océans, le sol, les ports, la population, l'esprit d'entreprise, la politique, le coton, le riz et le tabac des États-Unis, et quoique nous en ayons souvent entendu parler, nous sommes enchantés qu'une belle dame vienne nous les rappeler; mais nous ne comprenons pas comment toutes ces belles choses puissent nous empêcher de prendre des mesures pour l'abolition complète de l'esclavage.


II

NOUVELLES DISSIDENCES ENTRE LES PRINCES D'ORLÉANS
ET LE COMTE DE CHAMBORD

Lettre du comte de Chambord au duc de Nemours.

5 février 1857.

MON COUSIN,

J'ai lu votre lettre avec un profond sentiment de tristesse et de regret. J'aimais à penser que nous avions compris de la même manière la réconciliation accomplie entre nous, il y a bientôt quatre ans. Ce rétablissement de nos rapports politiques et de famille, en même temps qu'il plaisait à mon cœur, semblait à ma raison un gage de salut pour la France et une des plus fermes garanties de son avenir. Pour justifier mon espérance, pour rendre notre union efficace et 433 digne tout ensemble, il ne fallait que deux choses qui étaient bien faciles: rester de part et d'autre également convaincus de la nécessité d'être unis, mais vouer une confiance inébranlable en nos mutuels sentiments.

Je n'ai pas douté de votre dévouement aux principes monarchiques; personne ne peut mettre en question mon attachement à la France, mon respect de sa gloire, mon désir de sa grandeur et de sa liberté. Ma sympathique reconnaissance est acquise à tout ce qui s'est fait par elle, à toutes les époques, de bien, d'utile et de grand. Ainsi que je n'ai cessé de le dire, j'ai toujours cru, et je crois toujours à l'inopportunité de régler, dès aujourd'hui, et avant le moment où la Providence m'en imposerait le devoir, des questions que résoudront les intérêts et les vœux de notre patrie. Ce n'est pas loin de la France et sans la France, qu'on peut disposer d'elle.

Je n'en conserve pas moins ma conviction profonde, que c'est dans l'union de notre maison, et dans les efforts communs de tous les défenseurs des institutions monarchiques que la France trouvera un jour son salut. Les plus douloureuses épreuves n'ébranlent pas ma foi.


III

Lettre adressée par l'Empereur Napoléon III au Pape Pie IX le 31 décembre 1859.

TRÈS SAINT-PÈRE,

La lettre que Votre Sainteté a bien voulu m'écrire le 2 décembre m'a vivement touché, et je répondrai avec une entière franchise à l'appel fait à ma loyauté.

Une de mes préoccupations, avant comme après la guerre, a été la situation des États de l'Église, et certes, parmi les raisons puissantes qui m'ont engagé à faire si promptement la paix, il faut compter la crainte de voir la révolution prendre tous les jours de plus grandes proportions. Les faits ont une logique inexorable, et, malgré mon dévouement au Saint-Siège, malgré la présence de mes troupes à 434 Rome, je ne pouvais échapper à une certaine solidarité avec les effets du mouvement national, provoqué par la lutte contre l'Autriche.

La paix une fois conclue, je m'empressai d'écrire à Votre Sainteté pour lui soumettre les idées les plus propres, suivant moi, à avancer la pacification des Romagnes, et je crois encore que si, dès cette époque, Votre Sainteté eût consenti à une séparation administrative de ces provinces et à la nomination d'un gouvernement laïque, elles seraient rentrées sous son autorité.

Malheureusement, cela n'a pas eu lieu, et je me suis trouvé impuissant à arrêter l'établissement du nouveau régime. Mes efforts n'ont abouti qu'à empêcher l'insurrection de s'étendre, et la démission de Garibaldi a préservé les Marches d'Ancône d'une invasion certaine.

Aujourd'hui le Congrès va se réunir. Les puissances ne sauraient méconnaître les droits incontestables du Saint-Siège sur les Légations. Néanmoins, il est probable qu'elles seront d'avis de ne pas recourir à la violence pour les soumettre; car si cette soumission était obtenue à l'aide des forces étrangères, il faudrait encore occuper les Légations militairement pendant longtemps. Cette occupation entretiendrait les haines et les rancunes d'une grande portion du peuple italien, comme la jalousie des grandes puissances; ce serait donc perpétuer un état d'irritation, de malaise et de crainte.

Que reste-t-il donc à faire? car enfin, cette incertitude ne peut pas durer longtemps. Après un examen sérieux des difficultés et des dangers que présentaient les diverses combinaisons, je le dis avec un regret sincère, et quelque pénible que soit la solution, ce qui me paraîtrait le plus conforme aux intérêts du Saint-Siège, ce serait de faire le sacrifice des provinces révoltées. Si le Saint-Père, pour le repos de l'Europe, renonçait à ces provinces qui, depuis cinquante ans, suscitent tant d'embarras à son gouvernement, et qu'en échange, il demandât aux puissances de lui garantir la possession du reste, je ne doute pas du retour immédiat de l'ordre. Alors, le Saint-Père assurerait, à l'Italie reconnaissante, la paix pendant de longues années, et au Saint-Siège, la possession paisible des États de l'Église.

Votre Sainteté, j'aime à le croire, ne se méprendra pas sur les sentiments qui m'animent; elle comprendra la difficulté de ma situation; 435 elle interprétera avec bienveillance la franchise de mon langage, en se souvenant de tout ce que j'ai fait pour la religion catholique et pour son auguste chef.

J'ai exprimé, sans réserve, toute ma pensée et je l'ai cru indispensable avant le Congrès. Mais je prie Votre Sainteté, quelle que soit sa décision, de croire qu'elle ne changera en rien la ligne de conduite que j'ai toujours tenue à son égard.

En remerciant Votre Sainteté de la bénédiction apostolique qu'elle a envoyée à l'Impératrice, au Prince Impérial et à moi, je lui renouvelle l'assurance de ma profonde vénération.

De Votre Sainteté, votre dévot fils,

NAPOLÉON.
Palais des Tuileries, le 31 décembre 1859.

Cette pièce est tirée du Journal des Débats du 12 janvier 1860.

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INDEX BIOGRAPHIQUE
DES NOMS DES PERSONNAGES MENTIONNÉS DANS CETTE CHRONIQUE

(Les noms suivis d'un astérisque sont ceux qui ont été déjà donnés, avec plus de détails, dans l'index biographique du tome I; ceux qui sont suivis de deux astérisques ont été donnés dans le tome II, et ceux qui sont suivis de trois astérisques sont donnés dans le tome III.)

A

ABERDEEN (lord), 1784-1860 *. Diplomate et homme d'État anglais.

ABZAC (le marquis D'), 1822-1905. Venance d'Abzac, général de brigade en France, fut, durant de longues années, premier aide de camp du maréchal de Mac-Mahon. Le général d'Abzac fut promu officier de la Légion d'honneur en 1859, et commandeur en 1873. Il avait épousé Mlle Dorothée de Lazareff.

ADÉLAÏDE d'ORLÉANS (Madame), 1777-1847. Sœur cadette du Roi Louis-Philippe.

ALBE (le duc D'), 1821-1881. Luis duc d'Albe avait épousé, en 1844, la comtesse de Montijo, sœur aînée de l'Impératrice Eugénie.

ALBUFÉRA (la duchesse D') **, 1791-1884. Née de Saint-Joseph.

ALEXANDRE II (l'Empereur de Russie), **, 1818-1881.

ALLEGRI (Grégoire), 1587-1640. Compositeur de musique sacrée. Allegri doit surtout sa réputation à un Miserere qu'on chante régulièrement le samedi saint dans la chapelle Sixtine, à Rome.

ALWENSLEBEN (le comte Albert D') ***, 1794-1858, ministre d'État en Prusse.

ALWENSLEBEN (le comte Gustave D'), 1803-1881. Entré, en 1821, dans l'armée prussienne, le comte Alwensleben fit, avec le prince de Prusse, la campagne en 1848 contre les insurgés dans le grand-duché de Bade. Lieutenant-général depuis 1863, Alwensleben prit part à la guerre de 1870-1871, et se retira du service en 1872.

ANCELOT (Jacques-Arsène-François-Polycarpe), 1794-1854. Littérateur français, auteur dramatique. 438 Ancelot remplaça M. de Bonald à l'Académie française.

ANDREA DEL SARTO, 1488-1530. Le vrai nom de ce célèbre peintre florentin était Andrea Vannucchi.

ANTONELLI (le cardinal), 1806-1876. Premier ministre du Pape Pie IX. Le Pape Grégoire XVI fit Antonelli prélat et assesseur au tribunal supérieur. Successivement délégué à Orvieto, à Viterbe, à Macerata, Antonelli devint, en 1841, sous-secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur, grand trésorier en 1845, cardinal en 1847; puis ministre des Finances et président de la consulte d'État. En 1848, le cardinal Antonelli fit partie de la commission qui rédigea le statut libéral de mars. Devenu l'un des conseillers les plus influents auprès du Pape Pie IX, le Cardinal conseilla la fuite à ce Pontife, après le meurtre du comte Rossi, en 1848. Lors de la rentrée du Pape Pie IX, à Rome, le cardinal Antonelli fut nommé secrétaire d'État des Affaires étrangères, poste qu'il occupa jusqu'à sa mort.

APPONYI (le comte Rodolphe), 1812-1876. Diplomate autrichien: attaché très jeune à l'ambassade d'Autriche à Paris, il passa à celle de Saint-Pétersbourg où il épousa, en 1840, la fille du comte Alexandre Benkendorff (nièce de la princesse Lieven). Devenu ministre à Carlsruhe, puis à Turin et à Munich, le comte Apponyi fut nommé ambassadeur à Londres et ensuite à Paris. Il mourut à Venise.

AQUILA (le comte D'), 1824-1897. Louis, prince de Bourbon, fils du second mariage de François Ier, Roi de Naples, et de l'Infante Isabelle d'Espagne, épousa, en 1844, à Rio-Janeiro, une princesse de Bragance, fille de Pierre Ier, Empereur du Brésil. Le comte d'Aquila était grand-amiral brésilien et chevalier de la Toison d'or.

ARENBERG (le prince Pierre D'), 1790-1877.

ARENBERG (Auguste-Marie-Raymond D'), 1753-1832. Prit le titre de comte de la Marck à la mort de son grand-père maternel, et c'est sous ce nom qu'il figure aux États généraux de 1789. Le comte de la Marck s'y déclara d'abord en faveur du Tiers État; mais il se rapprocha bientôt de la Cour, se lia d'amitié avec Mirabeau et devint l'intermédiaire de ses relations avec la Famille Royale. Mirabeau mourut entre ses bras et le nomma son exécuteur testamentaire.

ARJUZON (le comte D'), 1800-1874. Gentilhomme de la chambre du Roi Charles X, le comte d'Arjuzon débuta dans la carrière politique comme conseiller général du canton de Montfort, dans l'Eure. Député au Corps législatif sous le second Empire, il s'associa à tous les actes du règne de Napoléon III, et devint chambellan de l'Empereur, qui le fit officier de la Légion d'honneur en 1861.

ARNIM-HEINRICHSDORFF (le comte Henri D'), 1791-1859. Diplomate et homme d'État prussien.

AUERSWALD (M.-Rodolphe D'), 1795-1886. Homme d'État prussien. 439 Élevé avec le prince Guillaume de Prusse (le futur Empereur d'Allemagne), Auerswald commença par la carrière des armes. Il s'en retira en 1820, pour occuper, en province, plusieurs postes administratifs. Après la révolution de 1848, Auerswald fut chargé de présider le nouveau ministère Hansemann-Kühlwetter-Schreckenstein. Élu ensuite député, il siégea dans les rangs de la droite. En 1858, le Prince-Régent appela Auerswald à faire partie du ministère de la nouvelle ère, comme ministre sans portefeuille. Auerswald entreprit alors la réorganisation de l'armée, qui fut cause d'un conflit avec la Chambre prussienne, dura des années et fut la raison de la chute du ministère libéral en 1862. M. de Bismarck le remplaça alors à la tête des affaires.

AUGIER (Émile), 1820-1889. Poète dramatique français, membre de l'Académie, où, en 1858, il remplaça M. de Salvandy, Augier fut nommé sénateur par décret impérial en 1870, pour services rendus par ses productions littéraires.

AUGUSTENBOURG (le duc D'), 1798-1869. Chrétien, duc d'Augustenbourg, habitait en Silésie la terre de Primkenau, dans les environs de Sagan.

AUMALE (le duc D') **, 1822-1893. Henri d'Orléans, quatrième fils du Roi Louis-Philippe.

AUTRICHE (l'archiduc Léopold D'), 1823-1893. Ce prince était fils de l'archiduc Regnier, qui fut vice-Roi du royaume de Lombardie, et de la princesse de Savoie-Carignan, sœur du Roi Charles-Albert de Sardaigne.

AUTRICHE (l'archiduchesse Élisabeth D') ***, 1831-1903. Cette princesse était fille du palatin de Hongrie.

AUTRICHE (l'archiduc Regnier D'), 1783-1853. Vice-Roi du royaume lombardo-vénitien, époux de la princesse Élisabeth de Savoie-Carignan, sœur du Roi Charles-Albert de Sardaigne.

AUTRICHE (l'archiduchesse Marie-Henriette D'), 1836-1902. Cette princesse épousa, en 1853, le duc de Brabant qui, en 1865, monta sur le trône de Belgique, sous le nom de Léopold II.

AUTRICHE (l'impératrice Élisabeth D'), 1837-1898. Duchesse en Bavière, épousa, en 1854, François-Joseph, Empereur d'Autriche. Elle mourut à Genève, assassinée par un anarchiste.

AUTRICHE (l'archiduc Étienne D'), 1817-1867. Étienne-François-Victor, propriétaire de la seigneurie de Halzappel-Schaumbourg; palatin de Hongrie, propre frère de l'archiduchesse Henriette, qui épousa le Roi des Belges.

AUTRICHE (l'archiduchesse Marguerite D'), 1840-1858. Cette princesse, fille du Roi de Saxe, avait épousé, en 1856, l'archiduc Charles-Louis, frère de l'Empereur François-Joseph Ier.

AUTRICHE (l'archiduc Maximilien D'), 1832-1867. Second frère de l'Empereur François-Joseph Ier, servit d'abord comme vice-amiral dans la marine autrichienne et fut quelque temps gouverneur du 440 royaume lombardo-vénitien. A la suite de l'expédition française du Mexique en 1864, Maximilien fut proclamé Empereur, par l'assemblée des notables de ce pays; après avoir tenté en vain d'y organiser un gouvernement monarchique régulier, et abandonné par Napoléon III, il fut pris à Queretaro et fusillé en 1867.

AVENAS (Mme Aimée D'). Religieuse du Sacré-Cœur. Mme d'Avenas était d'une famille originaire de Lyon. Elle avait dirigé les études des pensionnats confiés aux soins spéciaux des dames de l'ordre du Sacré-Cœur, et avait été chargée, par ses supérieures, de fonder la maison d'Orléans. Quand la maladie vint l'atteindre, Mme d'Avenas fut envoyée à Bruxelles où elle mourut, vers l'année 1865, dans une maison de son ordre.

AVIGDOR (Jules). Député de Nice où il possédait de belles maisons, M. Avigdor avait fondé à Turin le journal la Voix de l'Italie. Il eut un duel avec M. de Cavour à propos d'un article sur la question des impôts, où M. Avigdor attaquait le Risorgimento, dans des termes qui mettaient en doute l'honneur et la délicatesse de son rédacteur, le comte de Cavour.

AYEN (le duc D'), 1826-1895. Jules, duc d'Ayen, prit le titre de duc de Noailles, en 1887, à la mort de son père. En 1851 il avait épousé Mlle de Champlâtreux, petite-fille de M. Molé.

AYEN (la duchesse D'), née en 1831. Clotilde de La Ferté-Meun-Molé de Champlâtreux, mariée au duc d'Ayen, en 1851, qui devint duc de Noailles, en 1887, à la mort de son père.

B

BADE (la grande-duchesse Stéphanie DE) **, 1789-1860. Née de Beauharnais.

BADE (la grande-duchesse Louise DE), née en 1838. Fille de l'Empereur Guillaume Ier et de l'Impératrice Augusta. Cette princesse, aussi charmante que distinguée, épousa, en 1856, le grand-duc de Bade.

BALBI-SENAREGA (le marquis James DE), né en 1800. Mort en 1878.

BALBI (la marquise DE), née en 1800. Morte en 1862. Épouse du marquis James de Balbi-Senarega.

BALLANCHE (Pierre-Simon) ***, 1776-1847. Membre de l'Académie française.

BAOUR-LORMIAN (Pierre-Marie-François-Louis), 1770-1854. Poète et auteur dramatique français. Il entra à l'Académie en 1815, pour y remplacer le chevalier de Boufflers.

BARANTE (le baron DE) *, 1782-1866. Diplomate et historien français.

BAROCHE (M.), 1802-1870. Baroche fit toute sa carrière au barreau; en 1850, il fut nommé ministre de l'Intérieur, après le coup d'État, et en juin 1863, ministre de la Justice. En 1864, M. Baroche fut nommé sénateur.

BARROT (Odilon) *, 1791-1873. Homme politique français.

BAUFFREMONT (la princesse Laurence DE) **, 1802-1862, née Montmorency.

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BAVIÈRE (le duc Maximilien en), 1808-1888. Père de l'Impératrice d'Autriche, de la Reine de Naples, de la duchesse d'Alençon, et de plusieurs autres enfants.

BAVIÈRE (la duchesse en), 1808-1892. Née princesse de Bavière. Elle épousa, en 1828, le duc Maximilien en Bavière.

BÉARN (le prince DE), 1802-1871. Louis-Hector de Galard, comte de Brassac, comte et prince de Béarn, était fils de Pauline de Tourzel, celle qui avait partagé la captivité de Louis XVI et de la Famille Royale au Temple. Officier d'état-major, le prince de Béarn fut chargé de suivre, à la suite de l'armée russe, les opérations de la guerre contre les Turcs, en 1828. De retour en France, il entra dans la diplomatie où il occupa les différents postes et fut fait sénateur en 1854.

BEAUCHESNE (M. DE). 1804-1873. Ancien gentilhomme de la chambre du Roi, sous la Restauration, fut nommé, en 1825, chef au cabinet des Beaux-Arts et, en 1830, devint chef de section aux Archives. Son principal ouvrage a pour sujet: Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort, ouvrage couronné par l'Académie.

BEAUVAU-CRAON (la princesse DE), 1824-1862, Marie d'Aubusson de la Feuillade épousa, en 1840, le prince de Beauvau-Craon.

BECKX (Pierre-Jean), 1795-1891. Général des Jésuites. Originaire de Belgique, Beckx entra dans l'ordre des Jésuites dont il fut nommé général en 1853. Son habileté et sa fermeté contribuèrent puissamment aux succès obtenus par les Jésuites dans les divers pays de l'Europe. Lors de la suppression à Rome des couvents de son ordre, le Père Beckx se retira à Fiesole d'où il ne cessa d'inspirer le journal la Civita Catolica.

BEDEAU (le général), 1804-1863. Le général se distingua dans toutes les guerres d'Afrique et fut exilé lors du coup d'État du 2 décembre.

BEDMAR (le marquis DE), 1821-1883. Député aux Cortès, plus tard sénateur et conseiller d'État en Espagne, le marquis de Bedmar fut nommé, par le Roi Alphonse XII, ambassadeur à Saint-Pétersbourg. En 1853, il fut témoin de la fille du comte de Montijo, lorsqu'elle épousa Napoléon III et devint l'Impératrice Eugénie.

BELGES (le Roi Léopold des) *. 1790-1865. Léopold Ier, prince de Cobourg.

BELGES (la Reine Louise des) *, 1812-1850, née princesse d'Orléans, première femme de Léopold Ier.

BELGIOJOSO (la princesse DE) *, 1808-1868. Née Christine Trivulzio.

BELMONT (le marquis DE), 1804-1857. Chambellan de l'Empereur Napoléon III et chevalier de la Légion d'honneur, M. de Belmont fut nommé député au Corps législatif comme candidat officiel et donna son approbation à tous les actes du gouvernement impérial.

BELLINI (Jean), mort vers 1516. Peintre vénitien.

BENEDEK (L. DE), 1804-1878. Général autrichien. Il se distingua dans la 442 campagne de 1848 contre le Piémont, sous les ordres de Radetsky, et dans la guerre de Hongrie en 1849; mais il fut battu par l'armée prussienne en 1866.

BENKENDORFF (le comte Constantin DE), 1817-1858. Aide de camp général de l'Empereur de Russie, neveu de la princesse de Lieven, le comte de Benkendorff épousa, en 1848, la princesse Louise de Croy.

BERESFORD (le vicomte DE), 1770-1854. William Carr, général anglais. Après avoir servi en Amérique, aux Indes, en Égypte, en Irlande, il fut appelé en Portugal où il devint généralissime de l'armée portugaise. Beresford battit le général Soult à Albuféra et commanda un corps d'armée sous Wellington. En 1814, il entra à Bordeaux avec le duc d'Angoulême et, bientôt après, fut appelé à la Chambre des lords en récompense de ses services.

BERG (le comte), 1790-1874, général russe, appartenant à une famille livonienne. Le comte Frédéric-Guillaume Berg commença sa carrière militaire par la guerre de 1812; prit part ensuite à toutes les guerres que fit la Russie avec l'étranger, et contribua beaucoup à soumettre l'insurrection de Pologne en 1830. Le comte Berg fut de nouveau envoyé à Varsovie en 1863. Il s'y associa aux sévérités excessives mises en vigueur pour dompter ce malheureux pays dont il prit le commandement général. En 1829, le comte Berg avait épousé en Italie la comtesse Cicogna qui sut, par sa bonté, conquérir toutes les sympathies en Pologne.

BERNSTORFF (le comte Albert DE) ***, 1809-1873. Homme d'État prussien.

BERTIN (Armand), fils de Bertin l'aîné. C'est à lui que revient principalement l'honneur d'avoir fait tenir au journal des Débats le rôle prépondérant qu'il a rempli dans le journalisme français.

BERRY (la duchesse DE) *, 1798-1870. Princesse des Deux-Siciles.

BERRYER (Antoine) *, 1790-1868. Avocat français.

BETHMANN-HOLWEG (Maurice-Auguste DE) ***, 1795-1877. Jurisconsulte allemand.

BILLAULT (M.), 1805-1863. D'abord avocat, puis député et sous-secrétaire d'État en 1840, M. Billault devint président du Corps législatif sous le second Empire; deux fois ministre de l'Intérieur; puis, en 1860, ministre sans portefeuille. Durant cette période, il soutint la politique impériale avec beaucoup de talent.

BIOT (Édouard-Constant), 1803-1850. Fils du célèbre astronome, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1847, Biot fut un des premiers en France à démontrer les avantages des chemins de fer, et s'adonna aux recherches historiques.

BISMARCK-SCHœNHAUSEN (le prince DE), 1815-1898. Ministre de Guillaume Ier, roi de Prusse, et son collaborateur pour la reconstruction de l'Empire d'Allemagne.

BIXIO (Jacques-Alexandre), 1808-1865. 443 Savant et homme politique français, quoique né en Italie à Chiavari. Venu jeune en France, Bixio y fit ses études. En 1831, il fonda, avec M. Buloz, la Revue des Deux Mondes. Lors de la révolution italienne, Bixio fut nommé ambassadeur extraordinaire à la cour de Turin. Élu plus tard député, il accepta le portefeuille de l'Agriculture en 1868.

BLUCHER DE Wahlstadt (le prince DE), 1742-1819. Général des armées prussiennes, dont il prit le commandement en 1813. Blücher entra un des premiers en France en 1814; il décida, en 1815, le gain de la bataille de Waterloo et fut toujours un ennemi implacable des Français.

BOBOLA (le Père André), 1590-1657. Issu d'une des plus anciennes familles de la Pologne, André Bobola se fit prêtre et entra dans la société de Jésus en 1611. Pendant les guerres de la Pologne contre les Suédois et les Russes, Bobola prêcha, avec tant de ferveur, contre le schisme orthodoxe, que les Russes l'appelèrent voleur d'âmes. Bobola dut s'enfuir d'une maison de son ordre, dont il était supérieur, à Bobrusk, devant les Cosaques qui le poursuivirent à Pinsk et à Ianow où il fut tué par eux le 16 mai 1657, après le plus affreux martyre.

BœGER (le docteur), 1813-1875. Auguste Bœger, médecin militaire prussien, soigna le roi Frédéric-Guillaume IV pendant les quatre années que dura la maladie qui finit par l'emporter.

BOIGNE (la comtesse DE) *. 1780-1866. Née Adèle d'Osmond.

BOISGELIN (Marguerite DE), née Mlle Lepelletier de Morfontaine. Elle était la sœur de la comtesse Ernest de Talleyrand. Le fils de Mme de Boisgelin épousa Mlle Duclère, dont le père (Belge) avait été l'homme d'affaires des Rohan d'Autriche. Par sa mère, Mme de Boisgelin était la petite-fille de Lepelletier de Saint-Fargeau.

BONNECHOSE (le cardinal DE), 1800-1883. Mgr de Bonnechose fut nommé archevêque de Rouen en 1858 et reçut le chapeau de cardinal en 1863.

BONALD (le cardinal DE), 1787-1870. Entré dans les ordres en 1811, M. de Bonald fut promu en 1839 à l'archevêché de Lyon et créé cardinal en 1841.

BONAPARTE (Jérôme) *, 1784-1860. Roi de Westphalie.

BONAPARTE (le prince Jérôme-Napoléon), 1822-1891. Fils du Roi de Westphalie et de sa seconde femme la princesse Catherine de Würtemberg. Ce prince épousa lui-même la princesse Clotilde de Savoie, fille du Roi Victor-Emmanuel II, de Sardaigne.

BONIN (Édouard DE) ***, 1793-1863. Général prussien, qui, en 1852, devint ministre de la Guerre.

BOURBON-CHALUS (le comte DE), frère cadet du comte de Bourbon-Busset, commandant du corps des guides de Lamoricière, avec le grade de lieutenant dans l'armée pontificale.

BOURQUENEY (le baron, puis comte DE) *, 1800-1869. Diplomate français, 444 ambassadeur et sénateur.

BOYEN (le général DE), mort en 1886. Hermann de Boyen avait été aide de camp du prince de Prusse durant de longues années et devint plus tard général d'infanterie. En 1850, M. de Boyen épousa la princesse Fanny de Biron-Courlande.

BRABANT (le duc DE), 1835-1909. Fils aîné du Roi des Belges, Léopold Ier, et de la princesse Louise d'Orléans, fille aînée du Roi Louis-Philippe. Ce prince monta sur le trône de Belgique, en 1865, à la mort de son père. Il avait épousé, en 1853, l'archiduchesse Marie-Henriette d'Autriche.

BRABANT (la duchesse DE), 1836-1902. Marie-Henriette, archiduchesse d'Autriche, épousa, en 1853, le duc de Brabant, qui monta sur le trône de Belgique en 1865.

BRASSIER DE SAINT-SIMON (le comte DE), 1798-1872. Diplomate prussien. Le comte Brassier de Saint-Simon occupa le poste de Constantinople jusqu'en 1869, et fut alors transféré à Turin, puis à Florence, lorsque la capitale du royaume d'Italie y fut transportée. Il mourut à son poste.

BREADALBANE (le marquis DE), 1796-1862. John, marquis de Breadalbane fut chargé par la Reine Victoria d'Angleterre, en 1861, de remettre solennellement l'ordre de la Jarretière au Roi de Prusse qui venait de monter sur le trône.

BRIFAUT (Charles) ***, 1787-1867. Poète et littérateur français.

BROGLIE (le duc Victor DE) *, 1785-1870. Ministre en France sous le Roi Louis-Philippe.

BROGLIE (la duchesse DE) *, 1797-1840. Fille de Mme de Staël.

BROGLIE (le prince Albert DE), 1821-1901. Fils aîné du duc Victor de Broglie, le prince Albert devint duc en 1870, à la mort de son père. Écrivain très distingué, il fut élu à l'Académie française dès 1863. Durant la présidence du maréchal de Mac-Mahon, le duc de Broglie fut chef de son cabinet.

BRUNNOW (le baron) ***, 1796-1875. Diplomate russe.

BRYAS (Mme DE), 1790-1866. Marie-Thérèse d'Hunolstein, fille du comte d'Hunolstein, maréchal de camp et député de la Moselle en 1815.

BUDBERG (le baron André DE), 1820-1881. Diplomate russe; fils du général de Budberg qui fut gouverneur de Saint-Pétersbourg. En 1846, le baron André commença sa carrière diplomatique, et devint en 1851 ministre plénipotentiaire à Berlin. En 1862, il fut nommé ambassadeur à Paris. Après avoir donné sa démission en 1868, M. de Budberg rentra à Saint-Pétersbourg où il devint membre du Conseil de l'Empire.

BUOL-SCHAUENSTEIN (le comte DE) **, 1797-1865. Diplomate autrichien.

BULOW (Mme DE), 1802-1889. Fille de Guillaume de Humboldt, elle avait épousé le baron Henri de Bülow, diplomate prussien.

BUNSEN (le chevalier DE) ***, 1791-1860. Diplomate allemand.

BURGHERSH (lord), né en 1824. Ernest Fitzroy-Neville, lord Burghersh, fils aîné de lord Westmorland. Officier dans la garde écossaise.

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BYRON (lord) **, 1788-1824. Célèbre poète anglais.

C

CADORE (le marquis DE), 1827-1882. Le marquis de Cadore servit d'abord dans la marine et entra plus tard dans la diplomatie. Il fut pendant quelque temps chargé d'affaires à Rome, puis ministre de France à Bade et à Munich. Le marquis de Cadore avait épousé, en 1854, la fille du marquis de Bonneval. Il devint duc en 1870 à la mort de son père.

CANROBERT (le maréchal), 1809-1895. François-Certain Canrobert fit toute la première partie de sa carrière militaire en Afrique. Lorsque la guerre contre la Russie éclata, en 1854, Canrobert prit le commandement de la première division de l'armée d'Orient et, deux jours après la bataille de l'Alma, le maréchal de Saint-Arnaud, qui se mourait, lui remit le commandement en chef des forces réunies en Crimée. Se trouvant dans une position embarrassante, et en s'entendant pas avec lord Raglan, qui commandait les troupes anglaises, Canrobert résigna son commandement en chef en mai 1855 et le remit entre les mains du général Pélissier, reprenant sa place à la tête du 1er corps. Napoléon III le nomma maréchal de France en 1856. Canrobert prit encore part aux guerres d'Italie et d'Allemagne.

CARAMAN (la marquise DE), née Gallard de Béarn.

CARNÉ (le comte Joseph DE) ***, 1804-1876. Membre de l'Académie française.

CAROLA (la princesse), 1833-1907. Caroline, princesse de Holstein-Gottorp-Wasa, épousa, en 1853, le Prince Royal de Saxe qui monta sur le trône en 1873. Le prince Gustave de Wasa, père de la princesse Carola, avait épousé la princesse Louise de Bade. Il servait militairement en Autriche.

CASTELBAJAC (le marquis DE), 1787-1864. Général français qui, après avoir fait les guerres du premier Empire, fut mis à la retraite. Napoléon III l'en retira et lui confia d'importantes missions, entre autres celle d'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, où M. de Castelbajac resta de 1849 à 1854, époque de la déclaration de guerre de Crimée. Il était sénateur.

CASTELBAJAC (la marquise DE), née en 1799. Sophie de La Rochefoucauld-Liancourt, mariée, en 1824, au marquis de Castelbajac, lieutenant-général.

CASTELLANE (le comte DE), 1788-1862. Esprit-Victor-Élisabeth-Boniface de Castellane, fils unique du marquis de Castellane-Novéjean et d'Adélaïde-Louise-Guyonne de Rohan-Chabot de Jarnac: descendant d'une famille des anciens barons de Provence, indépendante sous les rois d'Arles, et dont le faste avait popularisé le vieil adage du Roi René: Dissolution des Castellane, Boni de Castellane entra au service militaire en 1804; prit part aux campagnes d'Italie, 446 d'Espagne et de Russie. Il fut créé colonel-major au 1er régiment des gardes d'honneur en 1813, qu'il commanda jusqu'à la fin du premier Empire. Colonel du 5e régiment de hussards en 1815, maréchal de camp en 1822, le comte de Castellane devint lieutenant-général à la suite du siège d'Anvers en 1833, et commanda de 1837 à 1847 la division militaire de Perpignan. Mis à la retraite en 1848, il fut rappelé à l'activité dès 1849 par Louis-Napoléon. Placé à la tête de l'armée de Lyon qu'il commanda jusqu'à sa mort, le comte de Castellane empêcha par sa vigoureuse attitude toute insurrection républicaine. Après le 2 Décembre, il reçut, en 1852, le bâton de maréchal de France.

CASTIGLIONE (la comtesse DE), 1830-1899. La comtesse de Castiglione était fille du marquis Oldoini, qui était issu d'une bonne famille de Toscane, servit dans la diplomatie et fut longtemps ministre du Roi d'Italie à la cour de Portugal. Sa fille épousa, en 1849, le comte François Verasis de Castiglione, écuyer du Roi d'Italie, dont elle devint veuve en 1867. Célèbre par sa beauté, la comtesse de Castiglione vivait à Paris, séparée de son mari. Elle exerça sur Napoléon III une certaine influence dont M. de Cavour sut se servir dans la période décisive de 1855 à 1859. Après la chute du deuxième Empire, la comtesse de Castiglione disparut, n'ayant d'autres ressources qu'une petite pension que lui donnaient d'anciens amis, entre autres M. de Cassagnac. Son fils unique mourut à vingt-cinq ans, à Madrid, où il était attaché à la légation du Roi d'Italie.

CAULAINCOURT (le marquis DE), 1819-1865. Hervé-Anna-Olivier de Caulaincourt, second fils du duc et de la duchesse de Vicence.

CAVOUR (le comte DE). 1810-1861. Servi par une intelligence merveilleuse, le comte de Cavour fut un grand patriote et le véritable fondateur de l'unité italienne. Issu d'une très ancienne famille piémontaise, Camille Beuso de Cavour servit d'abord dans l'armée, puis devint journaliste, fonda le Risorgimento en 1847, devint député en 1849, ministre du Commerce, des Finances en 1850 et enfin président du Conseil. Cavour inaugura en Piémont une politique libérale à l'intérieur, entreprenante à l'extérieur, qui amena la guerre avec l'Autriche, en 1859, l'alliance avec la France et l'érection du royaume de Sardaigne en royaume d'Italie. Cavour mourut au moment où il essayait de donner Rome pour capitale à l'Italie, voulant établir, comme il disait lui-même, l'Église libre dans l'État libre.

CHABANNES (la comtesse Alfred DE) ***. 1802-1891. Née miss Ellice.

CHABANNES (Mlle Emma DE). Chanoinesse et dame d'honneur de Mme la comtesse de Chambord. Elle était la sœur du marquis Frédéric de Chabannes-Curton et de La Palice.

CHAMBORD (le comte DE), 1820-1883, 447 titre pris, plus tard, par le duc de Bordeaux *.

CHAMBORD (la comtesse DE), 1817-1885. Marie-Thérèse-Béatrice, archiduchesse d'Autriche-Este; fille de François IV, duc de Modène, mariée en 1846 au duc de Bordeaux, comte de Chambord.

CHAMPLATREUX (Mlle DE), né en 1831. Clotilde de la Ferté-Meun-Molé de Champlâtreux épousa, en 1851, le duc d'Ayen qui devint duc de Noailles, en 1851, à la mort de son père. Mlle de Champlâtreux était la petite-fille de M. Molé.

CHANGARNIER (le général) ***, 1793-1877. Général et homme politique.

CHARTRES (Robert d'Orléans, duc DE) ***, né en 1840. Second fils du duc d'Orléans.

CHASTENAY (Mme DE). 1779-1863. Née Laguiche, fille du marquis de Laguiche et de Mlle de Clermont-Montoison. Mme de Chastenay recevait beaucoup, elle avait un salon très agréable dans la maison devenue maintenant le Cercle de la rue Royale, à Paris.

CHATELAIN (Auguste-Henri). 1801-1882. Notaire à Paris et homme de confiance de toute la famille Talleyrand et Castellane. M. de Bacourt lui légua, avec M. Paul Andral, la propriété des Mémoires du prince de Talleyrand.

CHATEAUBRIAND (le vicomte DE) *, 1768-1848. Illustre écrivain français.

CHEVREUSE (la duchesse DE), 1600-1679. Marie de Rohan-Montbazon, fille d'Hercule de Rohan, gouverneur de Paris sous Henri IV, épousa, en 1617, Charles-Albert, duc de Luynes, cet heureux favori de Louis XIII. Devenue veuve en 1621, elle se remaria, en 1622, à Claude de Lorraine, fils de Henri de Guise, et fut cette duchesse de Chevreuse qui joua un rôle important pendant la Fronde et dans les complots contre Richelieu et contre Mazarin.

CHEVREUSE (le duc DE), 1823-1854. Honoré d'Albert, duc de Chevreuse, avait épousé, en 1843, Valentine, fille du vicomte Jules de Contades. Il mourut avant son père et ne porta jamais le titre de duc de Luynes.

CHOISEUL-GOUFFIER (le comte DE), 1752-1817. Marie-Gabriel-Florent-Auguste, diplomate français. Ambassadeur à Constantinople, d'où il se retira en Russie pendant la tourmente révolutionnaire, et ne revint en France qu'en 1802. Sous la Restauration, M. de Choiseul-Gouffier fut nommé ministre d'État et pair de France.

CHOISEUL-GOUFFIER (la comtesse DE). Née La Vauguyon, sœur de la duchesse de Bauffremont, survécut à son mari le comte de Choiseul-Gouffier qui avait été ambassadeur à Constantinople.

CIALDINI (le général), duc de Gaëte, 1812-1892. Lancé dans le mouvement libéral en 1831, Henri Cialdini dut quitter l'Italie. Il s'engagea dans la légion d'Oporto, au service du Roi dom Pedro de Portugal, passa ensuite en Espagne, combattit les Carlistes et obtint le grade de lieutenant-colonel. Revenu en Italie en 1848, Cialdini fit 448 la campagne de 1849 contre les Autrichiens. Il y fut gravement blessé et, après Novare, fit partie de l'armée piémontaise régulière. En Crimée, il commanda la 111e brigade et devint, en 1859, aide de camp du Roi et général de division. En 1860, Cialdini reçut l'ordre d'entrer, avec les troupes sardes, dans les États Pontificaux; il battit Lamoricière à Castelfidardo et fut chargé du siège de Gaëte. Envoyé à Naples, en 1861, comme lieutenant général du Roi, il arrêta la marche de Garibaldi à Aspromonte, commanda un corps d'armée en 1866, devint président du Conseil en 1867 et ambassadeur à Paris en 1876.

CLAM-GALLAS (le comte Édouard DE) **, 1805-1891. Général autrichien.

CLAM-GALLAS (la comtesse DE), 1833. Fille du prince Hugo de Salm-Krautheim, elle épousa, en 1851, le comte Henri de Clam-Martiniez.

CLARENDON (lord) *, 1800-1870. Diplomate anglais.

CLÉMENTINE (la princesse) **, 1817-1907. Fille du Roi Louis-Philippe.

CLÉMENT XIV (le Pape), 1704-1774. Laurent Ganganelli fut d'abord franciscain. Élevé au Pontificat en 1769, dans les circonstances les plus difficiles, ce Pape parvint à rétablir la paix. Après un examen des plus minutieux. Clément XIV abolit l'ordre des Jésuites, ce qui fut un des grands actes de son pontificat.

CLOTILDE (la princesse), née en 1843. La princesse Clotilde de Savoie, fille du Roi Victor-Emmanuel II et de l'archiduchesse Adélaïde d'Autriche, épousa, en 1859, le prince Jérôme-Napoléon. Ce mariage fut le gage de l'alliance franco-sarde.

COBOURG (le duc Ernest II de Saxe) ***, 1818-1893.

COBOURG (le prince Albert de Saxe) ***, 1819-1861. Époux de la Reine Victoria d'Angleterre.

COCHIN (Augustin), 1823-1872. Administrateur et publiciste français, Cochin faisait partie d'une foule de Sociétés philanthropiques. En 1853, il devint maire de Paris; et, après la guerre de 1870, M. Thiers le nomma préfet de Versailles, où il mourut. On a de lui beaucoup d'écrits, relatifs aux questions de charité sociale, et beaucoup d'ouvrages sur l'économie politique.

COLLOREDO (la comtesse DE) ***, née Séveríne Potocka, en premières noces Mme Sabańska.

CONDÉ (le prince DE), dit le grand Condé. 1621-1686. Il s'illustra par des victoires brillantes qui furent couronnées, en 1648, par le traité de Westphalie. Après s'être jeté, d'une façon regrettable, dans les intrigues de la Fronde, le prince fut rétabli dans son commandement et prit une part glorieuse aux guerres de Flandre et de Franche-Comté. Le grand Condé mourut à Chantilly. Bossuet prononça son oraison funèbre.

COSNAC (Daniel DE), 1630-1708. Prélat français, attaché dans sa jeunesse au prince de Conti, frère du Grand Condé, Cosnac fut mêlé de bonne heure à beaucoup d'intrigues 449 de cour, et rendit des services à Mazarin, qui pour l'en récompenser lui donna l'évêché de Valence, quoiqu'il n'eût que vingt-quatre ans. Devenu ensuite aumônier de Monsieur, frère de Louis XIV, Cosnac ne réussit pas auprès de ce Prince et s'attira une disgrâce. Il reparut à la Cour, lors de l'assemblée du clergé, en 1682, il y joua un rôle actif et fut nommé, en 1687, archevêque d'Aix.

COUSIN (Victor) *, 1792-1867. Philosophe et écrivain français.

COWLEY (lady). Olivia-Cecilia-Fitzgerald de Ros épousa, en 1833, lord Cowley.

COWLEY (lord) ***, 1804-1884. Diplomate anglais, neveu du duc de Wellington, longtemps ambassadeur à Paris.

CRÉTINEAU-JOLY (Jacques), 1803-1875. Littérateur français. Après avoir terminé ses études au séminaire de Saint-Sulpice, Crétineau-Joly y fut chargé, à dix-neuf ans, d'une classe de philosophie. Il voyagea ensuite en Suisse et en Allemagne et publia plusieurs ouvrages historiques qui eurent beaucoup de retentissement.

CRETON (Nicolas-Joseph), 1798-1864. Homme politique et jurisconsulte français.

CROIX (Mlle Marguerite DE), née en 1832, épousa, en 1853, le marquis de Caulaincourt, second fils du duc et de la duchesse de Vicence.

CUVILLIER-FLEURY (Alfred) **, 1802-1887. Littérateur français, précepteur du duc d'Aumale.

CZARTORYSKI (le prince Adam) *, 1770-1861. Ancien ministre des Affaires étrangères d'Alexandre 1er de Russie.

D

DABORMIDA (le général), 1799-1865. Le chevalier Giuseppe Dabormida, major général dans l'armée sarde, député à la première législature, ministre de la Guerre et de la Marine en 1848; ministre des Affaires étrangères en 1852, donna alors sa démission, parce que le traité conclu par le Piémont avec la France et l'Angleterre ne contenait aucun article qui défendit les droits des émigrés lombards dont l'Autriche avait confisqué les biens. Dabormida fut de nouveau ministre des Affaires étrangères en 1859.

DALMATIE (le marquis DE) ***, 1807-1857. Fils du maréchal Soult.

DECAZES (Élie, duc), 1780-1860. Homme d'État français, ministre sous Louis XVIII.

DELAROCHE (Paul), 1797-1856. Peintre français, se consacra surtout aux tableaux historiques. Il épousa une fille d'Horace Vernet qui était d'une beauté remarquable.

DELMAR (la baronne DE), née miss Rumbold, épousa le baron de Delmar, qui était originaire de Prusse. Il possédait une grosse fortune et habitait toujours Paris avec sa femme.

DENTU (Édouard-Henri-Justin), 1830-1874. Éditeur français. Il avait la spécialité de la vente des brochures politiques et des écrits de 450 circonstance auxquels les événements du second Empire furent particulièrement favorables.

DERBY (lord) *, 1799-1869. Edward-Geoffroy Stanley, prit le titre de comte de Derby en 1851. Homme d'État anglais.

DESSAU (la princesse Marie-Anne d'Anhalt), 1837-1906. Elle épousa, en 1854, le prince Frédéric-Charles de Prusse, dont elle devint veuve en 1885.

DEVONSHIRE (le duc DE) *, 1802-1871. William, duc de Devonshire, descendant de l'ancienne famille de Cavendish.

DIEPENBROCK (le cardinal DE). 1798-1853. Le vicomte Melchior de Diepenbrock suivit d'abord la carrière des armes, et ce ne fut qu'après 1815 qu'il se décida à embrasser la carrière ecclésiastique. Appelé au siège épiscopal de Breslau en 1845, malgré la résistance du gouvernement prussien qui ne lui pardonnait pas ses sympathies en faveur de la Pologne, il reçut de Pie IX le chapeau de cardinal. Diepenbrock était un prédicateur remarquable.

DOHNA (le comte Fabian), 1802-1871. Seigneur de Kunzendorf, Landrat du cercle de Sagan. En 1829, il avait épousé Mlle Marie de Steinach.

DOHNA (la comtesse Marie) **, 1805-1893, née Mlle de Steinach.

DON JUAN (l'Infant), 1822-1887. Frère du comte de Montemolin, second fils de Don Carlos (Charles V). En 1847, l'Infant Don Juan épousa l'archiduchesse Marie-Béatrice d'Autriche-Este.

DORIA-PAMPHILY-LANDI (le prince), 1813-1876. Le prince Doria avait épousé la fille de John Talbot, sœur de la princesse Borghèse.

DORIA-PAMPHILY-LANDI (la princesse), 1815-1858. Lady Mary Talbot, fille de John Talbot, comte de Shrewsbury, épouse du prince Doria-Pamphily. Elle était sœur de la première femme du prince Marc-Antoine Borghèse.

DOSNE (Mme) *, née en 1788 Mlle Matheron, belle-mère de M. Thiers.

DOUGLAS (lady), 1817-1887, plus tard duchesse de Hamilton **, née princesse Marie de Bade.

DREUX-BRÉZÉ (le marquis DE), 1797-1845, officier français. Il fut un des chefs les plus ardents de l'opposition légitimiste.

DROUYN DE L'HUYS (M.), 1806-1881. Diplomate et homme d'État français, ministre des Affaires étrangères sous le second Empire.

DUCHATEL (le comte), 1803-1867. Charles-Marie, comte Duchâtel, fut député et ministre dans plusieurs cabinets sous le règne de Louis-Philippe, où il joua un rôle très important dans les affaires intérieures de la France. Depuis la révolution de 1848, le comte Duchâtel ne s'occupa plus de politique. Il était membre de l'Académie des sciences morales et politiques et aussi membre libre de l'Académie des beaux-arts.

DUCHATEL (la comtesse) ***. Mlle Églé, fille de M. Paulé.

DUMONT (Auguste), 1816-1887. Homme politique français, gendre de l'imprimeur Boulé.

DUPANLOUP (Mgr) **, 1802-1878. 451 Félix-Philibert, évêque d'Orléans depuis 1849 et membre de l'Académie française depuis 1854.

DUPIN (André-Marie-J.-J.) *, 1783-1865, dit Dupin l'aîné.

DURAZZO (le marquis DE), 1781-1855. Giacomo-Philippo de Durazzo.

DURAZZO (la marquise DE), née en 1803. Thérèse Spinola, marquise de Durazzo.

E

ELLICE (les deux misses). Filles de l'honorable Édouard Ellice et de son mariage avec la fille aînée de Charles, comte de Grey.

ESTERHAZY (le prince Paul) *, 1786-1866. Diplomate autrichien.

ESTERHAZY (la comtesse), 1798-1869. La princesse Sophie Lichtenstein épousa, en 1817, le comte Vincent Esterházy dont elle devint veuve en 1835. Au moment du mariage de l'Empereur François-Joseph Ier avec la princesse Élisabeth de Bavière, la comtesse Esterházy fut nommée grande-maîtresse de cour de la jeune Impératrice d'Autriche.

EU (le comte D') **, né en 1842. Gaston d'Orléans, fils aîné du duc de Nemours.

EUGÉNIE (l'Impératrice), née en 1826. Eugénie de Montijo, fille du comte Cyprien de Montijo, duc de Penaranda. Célèbre par sa beauté, Mlle de Montijo épousa, en 1853, l'Empereur Napoléon III.

F

FALLOUX (le comte Alfred DE) ***, 1811-1885. Homme politique français, grand ami de la famille Castellane.

FALLOUX (Mlle Loyde DE), 1842-1881. Fille du comte et de la comtesse Alfred de Falloux. Infirme, elle ne s'est jamais mariée.

FANTI (le général), 1810-1865. Né dans le duché de Modène, Fanti prit une part active, en 1831, dans le mouvement contre le grand-duc de ce pays. Réfugié en Espagne en 1835, il y combattit contre don Carlos. En 1848, à la nouvelle du soulèvement de l'Italie, Fanti accourut en Lombardie, où le Roi Charles-Albert lui donna un commandement. Il commanda la 2e brigade en Crimée, la 2e division en 1859, comme lieutenant-général, et, en 1860, devint ministre de la Guerre, puis sénateur. En 1862, il était commandant du 5e département militaire.

FARINI (Louis-Charles), 1812-1866. Né dans les États Pontificaux, Farini fut d'abord médecin. Très mêlé aux agitations libérales en Italie, il devint sous-secrétaire d'État au ministère de l'Intérieur, à Turin, en 1847; puis député en 1848, et ministre de l'Instruction publique en 1850. Farini exerça les fonctions de dictateur à Modène en 1859. En octobre 1860, il fut envoyé à Naples en qualité de lieutenant du Roi et de commissaire extraordinaire. En 1861, Farini devint ministre d'État, et, en 1862, président du Conseil.

FAVRE (Jules), 1809-1880. Avocat et homme politique français, connu par ses opinions républicaines. 452 Élu député, Jules Favre fit à l'Empire une opposition très vive, et, en 1870, en proposa la déchéance. Nommé alors membre du gouvernement de la Défense nationale, il conduisit, avec plus de zèle que d'habileté, les négociations avec l'Allemagne, à la suite de la guerre. Jules Favre était membre de l'Académie française.

FAUCHER (Léon), 1803-1854. Économiste et homme d'État français. En 1851, Léon Faucher devint ministre de l'Intérieur, mais, au lendemain du coup d'État, il donna sa démission. Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Faucher fit de grands travaux sur les finances et l'économie politique avec ses amis Michel Chevalier et Louis Wolowski.

FELETZ (Charles-Dorimond DE), 1767-1850. Aimable causeur, critique spirituel, Feletz fut pendant quelque temps attaché à la rédaction du journal des Débats. Conservateur de la bibliothèque Mazarine, membre de l'Académie française, il prit une part active aux travaux de cette compagnie.

FEZENSAC (le duc DE), 1784-1867. Raimon-Émery-Philippe de Montesquiou-Fezensac, général, pair de France, fit les guerres du premier Empire, se rallia au gouvernement de Louis-Philippe et ne prit sa retraite qu'après la révolution de 1848. Le duc de Fezensac employa ses loisirs à écrire ses souvenirs militaires.

FICQUELMONT (le comte Charles DE) **, 1777-1875. Diplomate et homme d'État autrichien.

FICQUELMONT (la comtesse DE). Dolly de Tysenhaus: famille d'origine russe.

FILANGIERI (le général), 1783-1867. Charles Filangieri, général napolitain, mais ayant été élevé en France, où il avait fait ses premières armes dans l'armée française sous Napoléon Ier. Filangieri fut toujours jaloux du rôle joué dans son pays par le général Pepe. En 1848, il commanda l'expédition destinée à soumettre la Sicile, ce qui lui réussit pleinement et le fit nommer Vice-Roi de l'île. Appelé, en 1857, par François II à son avènement, au poste de premier ministre, Filangieri ne sut pas réaliser les espérances que l'on avait fondées sur lui pour sauver la Monarchie.

FLAHAUT (le général comte DE) *, 1785-1870. Aide de camp de Napoléon Ier, diplomate français.

FLAMARENS (le comte Grossoles DE), 1806-1879. Il entra d'abord dans la carrière diplomatique: en 1848, Flamarens soutint vivement l'élection du prince Louis-Napoléon à la présidence de la République, dans le département du Gers. Créé sénateur en 1854, le comte de Flamarens devint chambellan honoraire de l'Empereur Napoléon III en 1864.

FLAVIGNY (le comte DE), 1799-1873. Maurice de Flavigny avait, dans sa jeunesse, rempli les fonctions de secrétaire auprès de M. de Polignac. Il fit partie de la Chambre des Pairs et plus tard, sous le second Empire, fut, pendant de longues années, député du département d'Indre-et-Loire.

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FLAVIGNY (la comtesse DE), née en 1811. Mathilde de Montesquiou-Fezensac épousa le comte Maurice de Flavigny. Elle a publié plusieurs livres de prières fort estimés, et pendant le siège de Paris, la comtesse prit la direction du Comité des dames qui firent le service des ambulances.

FLEURY (le comte Émile-Félix), 1815-1884. Général français, sénateur et premier écuyer de Napoléon III.

FLEURY (la comtesse), 1835-1890, née Calley de Saint-Paul, sœur de la duchesse d'Isly; elle avait épousé le comte Fleury, grand écuyer à la cour de Napoléon III.

FœRSTER (Henri), 1799-1881. Chanoine du diocèse de Breslau: Henri Fœrster fut sacré évêque en 1853 et prit alors possession du trône épiscopal de Breslau. Ayant fait opposition en 1875 aux lois de mai en Prusse, Mgr Fœrster fut exilé et dut se réfugier dans sa résidence de Johannisberg, en Silésie autrichienne, qui faisait aussi partie de son diocèse.

FONTANES (Louis DE) **, 1757-1821. Grand-maître de l'Université et sénateur sous le premier Empire.

FORBIN-JANSON (le comte DE), 1777-1841. Louis-Auguste de Forbin, peintre et archéologue français, avait commencé par la carrière des armes. Il fut, pendant quelque temps, chambellan de la princesse Pauline Borghèse, et à l'époque de la Restauration, M. de Forbin fut nommé directeur des musées royaux. Il conserva ce poste sous Louis-Philippe.

FOULD (Achille), 1800-1867. Membre de la Constituante en 1848, Achille Fould fut ministre des Finances d'abord en 1849 sous la Présidence et ensuite en 1852, après le coup d'État. De 1853 à 1857, il fut ministre de la maison de Napoléon III; devint sénateur et membre de l'Académie des beaux-arts.

FOULD (Bénédict), 1792-1858. Fils d'un banquier israélite qui avait fondé l'importante maison de banque Fould-Oppenheim et Cie. Bénédict Fould fut député en 1834 et chevalier de la Légion d'honneur depuis 1843.

FRANÇOIS II d'Autriche (l'Empereur), 1768-1835. Son règne fut marqué par les luttes contre Napoléon Ier.

FRANÇOIS-JOSEPH Ier d'Autriche, né en 1830. Monta sur le trône en 1848.

FRANÇOIS II, Roi de Naples, 1836-1894. Dernier Roi des Deux-Siciles. Monté sur le trône en 1859, après avoir épousé la princesse Sophie de Bavière, il vit, en 1860, Garibaldi (avec les mille) débarquer d'abord à Marsala, et entrer ensuite à Naples. Ayant accordé une Constitution à ses sujets, François II se réfugia à Gaëte, où, après une courageuse défense, la place fut obligée de capituler en 1861. François II se retira alors à Paris où il passa les dernières années de sa vie.

FREY (Mrs Elizabeth) ***, 1780-1865. Toute sa vie fut consacrée aux œuvres de piété et de bienfaisance.

G

GADUEL (l'abbé), 1811-1888. Jean-Pierre-Laurent 454 Gaduel, chanoine théologal d'Orléans, très attaché à la personne de Mgr Dupanloup, dont il partagea les travaux. L'abbé Gaduel a laissé plusieurs ouvrages de piété.

GALLIFFET (la marquise DE), morte en 1901, née Laffite.

GALLIERA (le duc DE), 1803-1876. Rafaële Ferrari, financier italien, établi à Paris, avait hérité de son père une immense fortune. A partir de 1850, le duc de Galliera s'intéressa dans presque toutes les affaires de l'Europe, spécialement dans les entreprises des chemins de fer français. En 1874, il donna à Gênes, sa ville natale, une somme de vingt millions, destinée à l'amélioration du port.

GALLIERA (la duchesse DE) ***, 1812-1888. Marie, fille aînée du marquis de Brignole-Sale.

GARIBALDI (Joseph), 1807-1882. Patriote italien. Après avoir mené une vie d'aventures, il combattit, pour l'unification de l'Italie, contre les Autrichiens, contre le royaume de Naples et contre le pouvoir pontifical.

GEORGE IV d'Angleterre (le Roi) *, 1762-1830. Régent en 1810, il monta sur le trône en 1820.

GÊNES (le duc DE), 1822-1855. Second fils du Roi Charles-Albert de Sardaigne. Prince plein de bravoure et de brillantes qualités, s'était fort distingué dans la guerre du Piémont contre l'Autriche, 1848-1849. En 1850, le duc de Gênes épousa à Dresde la princesse Élisabeth de Saxe.

GÊNES (la duchesse DE), née en 1830. Élisabeth, princesse de Saxe, épousa le duc de Gênes en 1850. Devenue veuve en 1855, la duchesse de Gênes se remaria morganatiquement en 1856, à Stresa, avec le marquis Rampallo, qui mourut lui-même en 1882.

GENLIS (Mme DE), 1746-1830. Félicité Ducrest de Saint-Aubin, épousa à l'âge de quinze ans le comte de Genlis. Elle fut l'ins titutrice des enfants du duc d'Orléans.

GERLACH (le général Léopold DE) ***, 1790-1861. Ancien aide de camp du prince de Prusse, puis général aide de camp du Roi Frédéric-Guillaume IV.

GERLACH (M. Ernest-Louis DE), 1795-1871. Homme politique prussien. Après les événements de 1848, Gerlach devint le chef des réactionnaires et du parti de la Croix penchant du côté des piétistes. Devenu directeur de la Nouvelle Gazette de Prusse, il acquit une influence considérable sur l'esprit du Roi Frédéric-Guillaume IV. En 1850, Gerlach fit partie du congrès d'Erfurth.

GONTAUT-BIRON (la comtesse Charles DE), 1794-1869. Adèle de Rohan-Chabot, fille du duc de Rohan et de Mlle de Montmorency, avait épousé en 1812 le comte Charles de Gontaut-Biron.

GORTSCHAKOFF (le prince), 1798-1883. Il commença sa carrière diplomatique aux congrès de Laybach et de Vérone. Devenu secrétaire d'ambassade en 1824, puis chargé d'affaires, il arriva au poste de Stuttgard, où il négocia le mariage 455 de la grande-duchesse Olga de Russie avec le Prince Royal de Würtemberg. Gortschakoff fut alors nommé conseiller intime et, après avoir été ambassadeur à Vienne, fut appelé à remplacer le comte de Nesselrode aux Affaires étrangères. En 1863, il fut élevé à la dignité de Chancelier de l'Empire de Russie.

GOYON (le général DE), 1802-1870. Sorti en 1821 de l'école de Saint-Cyr, le comte de Goyon suivit tous les grades et devint en 1853 général de division. Nommé aide de camp de Napoléon III, Goyon fut appelé, en 1859, au commandement du corps d'occupation de Rome. En 1862, il devint sénateur et en 1867 il fut placé à la tête du 6e corps d'armée à Toulouse.

GRAHAM (sir James) *, 1792-1861. Homme politique anglais.

GRAMONT (le duc DE), 1819-1880. Connu d'abord sous le nom de duc de Guiche **, diplomate français.

GRANVILLE (lord) *, 1815-1891. Diplomate anglais, connu d'abord sous le nom de George Leveson ***.

GRANVILLE (lady). Fille du duc de Dalberg, elle avait épousé en premières noces lord Acton, dont elle eut un fils.

GRÈCE (la Reine Amélie DE) ***, 1818-1867. Fille du grand-duc d'Oldenbourg.

GRÉGOIRE VII(le Pape) **, 1015-1085. Hildebrand fut élu au pontificat en 1073.

GRÉGOIRE XVI (le Pape), 1765-1846. Mauro Cappellari, abbé de l'ordre des Camaldules, fut élevé en 1831 au trône pontifical. Le 28 décembre 1842, le Pape Grégoire XVI reçut la marquise de Castellane (Pauline de Périgord) en audience spéciale. Sa Sainteté, prenant alors sur son bureau des papiers qui y étaient rangés, lui demanda si elle les reconnaissait. C'était la rétractation signée par le prince de Talleyrand, le matin du jour de sa mort, et la lettre qui l'accompagnait. «Ces papiers ne quittent pas ma table, lui dit le Pape, ils m'ont apporté la plus vive consolation que j'aie ressentie depuis mon pontificat

GREY (lord), né en 1825. George Grey fut écuyer du prince de Galles et capitaine aux grenadiers-gardes en Angleterre.

GRIESHEIM (le général DE), 1798-1854. Charles-Gustave de Griesheim était commandant des forteresses de Coblence et d'Ehrenbreitstein, dans la Prusse rhénane. Il fit, pendant quelque temps, partie de l'état-major du prince de Prusse et mourut à Coblence.

GROEBEN (le général DE) ***, 1788-1876. Le comte Charles de Grœben était aide de camp du Roi Frédéric-Guillaume IV.

GROTE (la comtesse DE) ***, 1799-1876. Première dame à la cour du Roi de Hanovre.

GUIZOT (François-Pierre-Guillaume) *, 1767-1874. Homme d'État français.

GYULAY (le général), 1798-1868. Le comte François Gyulay, feld-maréchal autrichien, suivit, depuis sa jeunesse, la carrière des armes. Il 456 fut investi en 1847 du commandement militaire de Trieste et contribua alors puissamment à sauver la marine de l'Autriche pendant la révolution italienne de 1848 à 1849. En 1859, lorsque la guerre éclata, Gyulay reçut le commandement du IIe corps, avec l'ordre d'envahir le Piémont. Il s'avança vers le Tessin, mais l'arrivée de l'armée française en Italie le força à se replier. Battu à Montebello, Gyulay subit à Magenta une défaite complète qui le fit reculer sur Milan.

GUICHE (Duc DE), 1819-1880. Voir à Duc de Gramont.

H

HAHN-HAHN (la comtesse Ida DE), 1805-1880. Fille du comte Charles de Hahn, épousa en 1826 son cousin, le comte Frédéric-Guillaume-Adolphe de Hahn-Hahn, dont elle se sépara en 1829. La comtesse Ida voyagea alors pendant plusieurs années, se fit catholique en 1850, fonda un couvent à Mayence où elle vécut et mourut. La comtesse de Hahn-Hahn est l'auteur de plusieurs livres religieux.

HAMMERSTEIN (le baron Gustave DE), 1817-1875. Général distingué de l'armée autrichienne, chambellan à la cour de l'Empereur François-Joseph, le baron de Hammerstein fut employé dans plusieurs missions hors de son pays, et il dut, entre autres, accompagner en 1851 le Roi de Prusse à l'entrevue d'Ischl.

HAMILTON (la duchesse DE) **, 1817-1887. Princesse Marie de Bade.

HANOVRE (le Roi Ernest DE) ***, 1771-1851. D'abord duc de Cumberland, il monta sur le trône de Hanovre en 1837.

HARCOURT (la comtesse D'), morte en 1893. Née de Sainte-Aulaire, la comtesse d'Harcourt écrivit un livre très intéressant sur la duchesse d'Orléans.

HAUGWITZ (le comte Eugène DE) ***, 1777-1867. Feld-maréchal autrichien.

HAUSSONVILLE (le comte D'), 1809-1884. Othenin de Cléron, comte d'Haussonville. Homme politique et historien français. Ses ouvrages le firent élire à l'Académie française. Après 1870, le comte d'Haussonville fut un des plus actifs fondateurs de la Société de protection des Alsaciens-Lorrains. Il fut élu sénateur après avoir été député de Seine-et-Marne à l'Assemblée nationale de 1871. En 1836, le comte d'Haussonville avait épousé la sœur du duc Albert de Broglie.

HATZFELDT (le comte Max DE) ***, 1813-1859. Diplomate prussien.

HATZFELDT (la comtesse Max DE), 1823-1895. Mlle Pauline de Castellane épousa en 1844, à Paris, le comte Max de Hatzfeldt, qui fut pendant de longues années ministre de Prusse à Paris. Devenue veuve en 1859, elle épousa en 1861 le duc de Valençay, plus tard duc de Talleyrand et de Sagan.

HAUTEFORT (Marie DE), 1616-1691. Duchesse de Schomberg. Dame 457 d'atour de la Reine Anne d'Autriche. Elle avait été élevée par sa grand'mère, Mme de la Flotte-Hauterive. Mlle de Hautefort était une des dames les plus distinguées du dix-septième siècle. Louis XIII avait de l'amitié pour elle, mais Richelieu l'éloigna de la cour pour avoir pris part à quelques intrigues contre ce ministre, et son opposition envers Mazarin lui fit subir une nouvelle disgrâce.

HAYNAU (le baron Jules-Jacques DE) ***, 1786-1853. Militaire au service de l'Autriche.

HENRIETTE D'ANGLETERRE (la Reine), 1609-1669. Henriette-Marie de France, fille du Roi Henri IV et de Marie de Médicis, épousa en 1625 le Roi Charles Ier d'Angleterre. Son oraison funèbre fut prononcée par Bossuet.

HENSEL (Guillaume) ***, 1794-1861. Peintre, dessinateur très répandu dans la société berlinoise.

HESS (le général, baron DE) ***, 1788-1863. Militaire au service de l'Autriche.

HESSE (le landgrave Frédéric DE), 1828-1884. Ce prince avait épousé en premières noces une grande-duchesse de Russie, fille de l'Empereur Nicolas Ier, et en deuxièmes noces, il se remaria en 1853 avec la princesse Anna de Prusse, fille du prince Charles.

HESSE-CASSEL (l'électeur Guillaume DE) ***, 1777-1847.

HESSE-PHILIPPSTHAL-BARCHFELD (le landgrave Alexis DE), né en 1829. Marié en 1854 avec la princesse Louise de Prusse, fille du prince Charles.

HEYDT (Auguste VON DER), 1801-1874. Homme d'État prussien. Directeur de la banque prussienne à Berlin en 1851, puis ministre de l'intérieur et du commerce. Sous le ministère Auerswald, von der Heydt prit le portefeuille des Finances; mais, en 1862, lorsque Bismarck arriva au pouvoir, il se retira dans la vie privée pour reparaître un moment aux Finances en 1866.

HOHENZOLLERN-SIGMARINGEN (le prince Antoine DE), 1811-1885. Chef de la branche aînée de la maison de Hohenzollern. Catholique, général d'infanterie dans l'armée prussienne. En 1858, le prince de Hohenzollern fut placé, avec le titre de ministre président, à la tête du cabinet libéral prussien et devint ensuite gouverneur militaire des provinces du Rhin et de la Westphalie.

HOHENZOLLERN (la princesse DE), née en 1845. Antonia, infante de Portugal, épousa à Lisbonne en 1861 le prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen qui devint en 1885, à la mort de son père, chef de cette ligne princière.

HOHENLOHE-INGELFINGEN (le prince Adolphe DE), 1797-1873. Général de cavalerie au service de Prusse, membre du conseil d'État et membre héréditaire de la Chambre des Seigneurs, dont il fut le président durant de longues années.

HOHENLOHE-INGELFINGEN (le prince Kraft DE), 1827-1892. Général d'artillerie dans l'armée prussienne. Au commencement du règne de Guillaume Ier, le prince 458 Kraft de Hohenlohe fut durant quelque temps son aide de camp.

HOLLAND (lord), 1802-1859. Henry-Édouard, quatrième lord Holland, diplomate anglais, fut plusieurs années ministre d'Angleterre à Florence. Il avait épousé la fille du comte de Coventry. Lord Holland mourut sans laisser d'enfants et en lui s'éteignit le titre fondé par le Roi Georges III en faveur de Stephen Fox, le célèbre rival du premier Pitt.

HOLLAND (lady Maria-Augusta) ***, 1812-1890. Fille du comte de Coventry.

HOLLANDE (la Reine DE), 1818-1877. La princesse Sophie, fille du premier Roi de Würtemberg, épousa en 1839 Guillaume III, Roi de Hollande. Elle fut très liée d'amitié avec l'Empereur Napoléon III.

HOLSTEIN (le général, prince DE), 1810-1871. Général au service prussien, gouverneur de Mayence.

HÜBNER (le comte DE) **, 1811-1892. Diplomate autrichien.

HUMBOLDT (Alexandre DE) **, 1769-1858. Grand naturaliste et savant allemand.

HUME. Spirite venu d'Amérique à Paris en 1857 où il a fait beaucoup parler de lui.

HUNIADY (la comtesse Julie DE), née en 1831. Fille du comte François Huniady, chambellan de l'Empereur d'Autriche, elle épousa en 1853 le prince Michel Obrenowitch de Serbie.

I

IMPÉRIAL (le Prince), 1856-1879. Eugène-Louis-Jean-Joseph-Napoléon, fils unique de l'Empereur Napoléon III et de l'Impératrice Eugénie, mort au Zoulouland où il fut tué à l'ennemi le 1er juin 1879.

INÈS DE CASTRO. Femme célèbre par sa beauté et ses malheurs, assassinée en 1355. Elle avait épousé l'infant Pierre de Portugal.

ISABELLE II. Reine d'Espagne *, 1830-1904. Succéda à son père le Roi Ferdinand VII.

ISTRIE (la duchesse D') ***. Née la Grange, elle avait épousé le maréchal Bessières.

J

JARNAC (Philippe de Chabot, comte DE), **, 1815-1875. Diplomate français.

JELLACHICH DE BUZIM (le général DE) ***, 1801-1859. Ban de Croatie.

JOINVILLE (le prince DE) **, 1818-1900. François d'Orléans, fils du Roi Louis-Philippe.

JOINVILLE (la princesse DE) ***, 1824-1898. Fille de l'Empereur du Brésil.

K

KALERGIS (Mme), 1823-1874. Marie, fille du comte Frédéric-Charles de Nesselrode, épousa, en 1839, M. Jean de Kalergis qui était d'origine grecque. Devenue veuve en 1863, Mme Kalergis se remaria avec M. Serge Muchanow, colonel russe, qui avait été maître de la police à Varsovie. Élève de 459 Chopin, elle charmait tout le monde par son beau talent sur le piano.

KANITZ (le comte Rodolphe), 1822-1902. Aide de camp du Roi Guillaume Ier de Prusse et plus tard général. Il avait épousé la comtesse Louise Schwerin, dame d'honneur de l'Impératrice Augusta d'Allemagne.

KAROLYI (le comte Louis), 1825-1889. Diplomate autrichien. Après avoir occupé plusieurs postes en Europe, le comte Louis Karolyi prit part, après la guerre d'Italie, à la conférence de Zurich, puis il fut nommé ministre à Berlin où il resta jusqu'à la rupture entre l'Autriche et la Prusse en 1866. En 1871, le comte Karolyi revint à Berlin comme ambassadeur; il y assista au Congrès en 1878 et fut nommé ensuite ambassadeur à Londres où il conserva ce poste jusqu'en 1888.

KELLER (le comte Alexandre DE), 1801-1879. Maréchal de cour du Roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse. En 1838, il avait épousé une comtesse Stolberg.

KETTLER (le baron DE), 1811-1877. Guillaume-Emmanuel de Kettler, né à Münster. Après avoir servi quelque temps dans l'administration, le baron de Kettler entra dans les ordres en 1846. Il était membre du parlement de Francfort en 1848, et en 1850, il fut appelé à l'évêché de Mayence. Dès lors, Mgr Kettler eut une grande autorité dans l'épiscopat allemand.

KISSÉLEFF (le comte Nicolas) ***. Mort en 1869. Diplomate russe.

KISSÉLEFF (le général, comte DE), 1788-1872. Ayant pris part aux guerres du commencement du dix-neuvième siècle, Kisséleff fut nommé aide de camp de l'Empereur Alexandre Ier et suivit ce souverain au congrès de Vienne. En 1828, Kisséleff fit la campagne contre les Turcs et fut envoyé de 1829 à 1834 dans les principautés de la Valachie et de la Moldavie, occupées alors par les troupes russes, où il exerça un pouvoir dictatorial. Nommé plénipotentiaire au congrès de Paris en 1856, et ensuite ambassadeur à la cour de Napoléon III, le comte de Kisséleff y garda ses fonctions jusqu'en 1862.

KOSSUTH (Louis) ***, 1802-1894. Chef de la révolution hongroise en 1848.

KUBECK DE KÜBAU (Charles-Frédéric) ***, 1780-1855. Homme d'État autrichien.

L

LACORDAIRE (Henri) **, 1802-1861. Célèbre prédicateur dominicain français.

LACRETELLE (Charles) dit le Jeune, 1766-1855. Historien français. Lacretelle fit paraître plusieurs ouvrages historiques qui eurent de suite une certaine réputation et le firent nommer, en 1809, professeur d'histoire à la Faculté de Paris. Il y resta jusqu'en 1853. Lacretelle fut admis à l'Académie française et Louis XVIII l'anoblit pendant son règne.

LA MARMORA (le général Alphonse, marquis DE), 1804-1878. En 1823, Alphonse de la Marmora sortit de 460 l'Académie militaire de Turin comme lieutenant d'artillerie; il se distingua à la bataille de Pastrengo en 1848 et délivra Charles-Albert le 5 août de la même année, lorsque sa vie était menacée à Milan, dans le palais Greppi où la foule exaspérée l'avait assiégé. Nommé général en 1848, Alphonse de La Marmora fut à deux reprises ministre de la Guerre. A la tête de la division piémontaise en Crimée, il y remporta une victoire à la Tchernaïa qui lui donna une belle auréole militaire. Président du cabinet de 1864 à 1866. La Marmora conclut l'alliance italo-prussienne en 1866, grâce à laquelle Venise fut rendue à l'Italie.

LAMARTINE (Alphonse DE) **, 1790-1869. Poète et homme politique français.

LAMORICIÈRE (le général DE), 1806-1865. Envoyé tout jeune officier en Algérie, Lamoricière s'y distingua aussitôt et fut grièvement blessé au siège de Constantine en 1837. Devenu général en 1848, Lamoricière devint ministre de la guerre sous la présidence du général Cavaignac; il fut arrêté au coup d'État et ne rentra en France qu'en 1857. Appelé à organiser l'armée pontificale, Lamoricière fut battu à Castelfidardo le 18 septembre 1860 par le général Cialdini, et dut capituler à Ancône.

LAMORICIÈRE (Mme DE). Amélie Gaillard de Ferré d'Auberville épousa en 1847 le général de Lamoricière, auquel elle survécut et dont elle eut deux filles.

LAMBRUSCHINI (le cardinal Louis), 1776-1854. Archevêque de Gênes, nonce à Paris en 1832, Lambruschini devint en 1836 secrétaire d'État sous le Pape Grégoire XVI. Il suivit le Pape Pie IX à Gaëte après les événements de 1848.

LA FERRONNAYS (les). Le nom patronymique des La Ferronnays est Ferron. Les Ferron sont de très ancienne noblesse bretonne. Les plus vieux documents qui les concernent remontent à 1160.

LA FERTÉ (le comte Hubert DE) ***, 1806-1872. Dévoué serviteur du comte de Chambord.

LA FERTÉ (la comtesse DE). Elle était la fille du comte Molé.

LA GRANGE (la marquise DE), née Flavigny. Son mari, Gustave Lelièvre, marquis de La Grange, était fils de Mlle de Beauvau: il était attaché comme écuyer à la cour de l'Impératrice Eugénie.

LA REDORTE (la comtesse DE) ***, morte en 1885. Louise Suchet, fille du maréchal d'Albuféra.

LA ROCHEJAQUELEIN (Auguste du Vergier, comte DE) ***, 1784-1868. Officier français.

LA ROCHEJAQUELEIN (Georges, marquis DE) ***, 1805-1867. Sénateur sous le second Empire.

LA ROCHELAMBERT (la marquise DE), 1801-1893. Elle était née Bruges et survécut longtemps à son mari, qui avait été sénateur sous le second Empire. Mme de La Rochelambert avait habité longtemps Berlin dans sa jeunesse.

LAMENNAIS (l'abbé DE) *, 1782-1854, philosophe et théologien français, révolutionnaire, condamné en Cour de Rome.

461

LAVAL (la vicomtesse DE), 1745-1838. Née Tavernier de Boullongne, grande amie du prince de Talleyrand.

LA VALETTE (le marquis DE), 1806-1881. Diplomate français; ayant une grande connaissance de l'Orient où il avait occupé deux fois le poste de Constantinople. En 1861, le marquis de La Valette passa au poste de Rome; puis, en 1868, il devint ministre des Affaires étrangères. Il avait épousé en premières noces Mme Welles et en secondes noces une fille du comte de Flahaut.

LEDIEU (François). Ecclésiastique né à Péronne, mort en 1713 à Paris. Attaché à la personne de Bossuet en qualité de secrétaire, Ledieu écrivit un journal où il notait les faits et gestes de son auguste maître. En 1856, l'abbé Guettie publia ce journal.

LEFEBVRE (Armand-Édouard), 1807-1864. Diplomate français. Sous le second Empire, en 1852, Lefebvre devint directeur des affaires politiques au ministère des Affaires étrangères.

LEHON (la comtesse) ***, morte en 1880. Née Mathilde de Mosselmann.

LEHON (Mlle Louise), née en 1838. Fille du comte et de la comtesse Lehon, Mlle Louise épousa, en 1856, à Paris, le prince Stanislas-Auguste Poniatowski et de Monte-Rotondo.

LEININGEN (le comte DE), 1794-1869. Charles-Théodore, comte de Leiningen, major-général au service badois. Il avait épousé en 1822 la comtesse Westerholt de Gysenberg, dont il devint veuf en 1852.

LEMOINNE (John), 1815-1893. Publiciste français, membre de l'Académie française. Les langues française et anglaise lui étaient aussi familières l'une que l'autre, avantage dont le directeur du Journal des Débats sut profiter en lui confiant, en 1840, la correspondance anglaise de son journal, auquel M. Lemoinne n'a jamais cessé d'appartenir. Il en devint plus tard le rédacteur en chef.

LENORMANT (Mme), 1817-1893. Mlle Amélie Cyvoct, nièce de Mme Récamier, mariée en 1836 à Charles Lenormant, archéologue et historien distingué, membre de l'Institut. On doit à Mme Lenormant la publication des souvenirs et correspondances de Mme Récamier, ainsi que des études sur Chateaubriand, Mme de Staël et Benjamin Constant.

LESSEPS (le vicomte Ferdinand DE), 1805-1894. Employé durant de longues années dans la carrière des consulats, M. de Lesseps occupa longtemps le poste de Barcelone. Il conçut l'idée du percement de l'isthme de Suez et c'est à lui qu'on doit le canal. Il fut élu membre de l'Académie française en 1884.

LEUCHTENBERG (la duchesse DE), 1819-1876. Marie Nicolaïewna, grande-duchesse de Russie, fille de l'Empereur Nicolas Ier, mariée en 1839 au duc Max de Leuchtenberg, dont elle devint veuve en 1852. La grande-duchesse Marie se remaria morganatiquement en 462 1856 avec le comte Grégoire Strogonoff.

LÉVIS (le duc DE), 1794-1863. Gaston-François-Christophe, duc de Ventadour et de Lévis, avait reçu sous le premier Empire un brevet de sous-lieutenant. Devenu en 1814 aide de camp du duc d'Angoulême, il prit part en 1823 à la guerre d'Espagne et aussi à l'expédition de Corée. Nommé, à son retour, officier de la Légion d'honneur, le duc de Lévis fut appelé, dans les derniers jours de la Restauration, à succéder, comme pair de France, à son père mort en 1830. Il refusa de siéger pour rester fidèle à la branche aînée, qu'il accompagna dans l'exil en Écosse et en Allemagne. Le duc de Lévis fut un des principaux conseillers du comte de Chambord et mourut à Venise auprès de ce prince.

LÉVIS (la duchesse DE), morte en 1854. Mlle d'Aubusson de la Feuillade épousa en 1831 le duc de Ventadour et de Lévis, dont elle n'eut pas d'enfants.

LICHTENSTEIN (le prince Édouard), 1809-1866. Feld-maréchal autrichien, marié en 1839 à Honorine Choloniewska, veuve Kownacka.

LIEGNITZ (la princesse DE) **, 1800-1873. Née comtesse Harrach; épouse morganatique du Roi Frédéric-Guillaume III.

LIEVEN (la princesse DE) *, 1784-1857. Née Dorothée de Benkendorff.

LIEVEN (le prince Paul DE), mort en 1881 à Téplitz. Il était grand-maître de la cour en Russie.

LINDHEIM (le général DE), 1791-1862. Général prussien; aide de camp général du Roi Frédéric-Guillaume IV. En 1859, le général de Lindheim fut nommé commandant du corps d'armée de Silésie.

LITTA (le duc), 1825-1891. Giulio-Litta-Visconti-Arese, épousa en 1855 Mlle Eugénie Attendolo-Bologuni, qui était née en 1837.

L (le général, baron DE), 1828-1908. Le baron Walter de Loë était jeune officier dans le régiment des hussards à Bonn, quand il fut nommé aide de camp du prince de Prusse (plus tard le Roi Guillaume Ier). M. de Loë fut envoyé à Paris comme attaché militaire de 1862 à 1867, puis il commanda le 7e régiment de hussards en 1873, et devint ensuite général. Après avoir commandé plus tard la 5e division, il reçut le commandement du 8e corps d'armée à Coblence.

LONGUEVILLE (Mme DE), 1619-1679. Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville, sœur du grand Condé et du prince de Conti. Une des héroïnes de la Fronde.

LOUIS XVII (Louis-Charles de France), 1785-1795. Deuxième fils du Roi Louis XVI et de Marie-Antoinette. Devenu dauphin à la mort de son frère aîné en 1789, ce prince suivit partout sa famille et fut enfermé au Temple où il mourut sous les mauvais traitements dont il fut la douloureuse victime.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE, 1808-1872. Plus tard l'Empereur Napoléon III.

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LOUIS-PHILIPPE Ier *, 1773-1849. Roi des Français.

LOTTUM (la comtesse DE) ***, 1809-1894. Clotilde, fille aînée du prince de Putbus.

LUCCHESI-PALLI (le comte Hector DE), 1805-1864. Diplomate italien, époux morganatique de la duchesse de Berry. Lucchesi-Palli appartenait à une famille qui tient par ses origines aux ducs de Bénévent. Fils du grand Chancelier des Deux-Siciles, le comte suivit la carrière diplomatique. Son gouvernement lui ayant confié une mission pour celui de La Haye, il se rendait à ce poste, lorsqu'il fit à Massa la rencontre de la duchesse de Berry qui était sur le point de rentrer en France pour y donner l'ordre du soulèvement en Vendée. Éprise du diplomate italien, la duchesse de Berry contracta avec lui un mariage secret qu'elle ne déclara publiquement que lorsqu'elle fut prisonnière au château de Blaye.

LUYNES (le connétable DE), 1578-1621. Favori de Louis XIII qui le couvrit d'honneurs et le fit connétable de France. Il avait épousé la fille du duc de Montbazon.

M

MAC-MAHON (le maréchal DE), 1808-1893. S'était fort distingué en Algérie et en Crimée; il fut créé maréchal de France et duc de Magenta, en 1859, en Italie, après la bataille de ce nom. Mac-Mahon fut président de la troisième République française de 1873 à 1879.

MAC-MAHON (la maréchale DE), 1834-1900. Élisabeth de La Croix de Castries, mariée en 1854 à Maurice de Mac-Mahon, plus tard duc de Magenta.

MACAULEY (lord) ***, 1800-1859. Historien anglais.

MAILLÉ (la duchesse DE), morte en 1853. Blanche-Joséphine Le Bascle d'Argenteuil, épouse de Charles-François-Armand, duc de Maillé, dont elle était la seconde femme. La duchesse de Maillé devint veuve en 1837.

MAILLÉ (la duchesse DE), 1827-1899. Seconde fille du marquis d'Osmond, épousa en 1845 Jacquelin, duc de Maillé.

MAINTENON (la marquise DE) *, 1635-1719. Françoise d'Aubigné.

MAISTRE (le comte Joseph DE), 1753-1821. Piémontais, célèbre par son esprit philosophique chrétien et les grands services qu'il rendit à sa patrie, dans les différents emplois que lui donna le Roi Charles IV de Sardaigne. Son ambassade à Saint-Pétersbourg dura quatorze ans. Il a laissé des ouvrages fort remarquables.

MAISTRE (le comte Rodolphe DE) ***, 1789-1865. Gouverneur de Nice.

MALMESBURY (lord), 1807-1889. James Howard Harris. Homme d'État anglais. Il appartenait au parti torie et fit partie du cabinet de lord Derby en 1852, comme ministre des Affaires étrangères. Lié d'amitié depuis 1839 avec le prince Louis-Napoléon Bonaparte, alors réfugié en Angleterre, lord Malmesbury mit le plus grand empressement à faire reconnaître, 464 par l'Angleterre, Napoléon III lorsqu'il devint Empereur.

MANTEUFFEL (le baron Othon DE) ***, 1805-1879. Ministre et homme d'État prussien.

MANTEUFFEL (le général DE), 1805-1885. Edwin-Hans-Charles, baron de Manteuffel, général prussien, fut employé dans plusieurs missions diplomatiques. Aide de camp général de l'Empereur Guillaume Ier, le général de Manteuffel a joui d'un grand crédit auprès de ce prince.

MANUEL (Mme). Anna-Maria del Consuelo, Espagnole de naissance, sœur du marquis de Bedmar, elle porta le titre de comtesse de Gramedo, qui appartenait à sa famille. Elle épousa M. Manuel, agent de change en France.

MANUEL (Jacques-André), 1791-1857. Homme politique français. Après avoir commencé par la carrière militaire, Manuel quitta les armes à la suite de la chute du premier Empire et fonda une banque à Nevers, sa ville natale. En 1839, Manuel fut élu député; il siégea à la Constituante de 1848, puis à l'Assemblée législative. Après le coup d'État du 2 décembre, il fut appelé au Sénat.

MARIE-AMÉLIE (la Reine) *, 1782-1866. Épouse du Roi Louis-Philippe.

MARIE-CHRISTINE (la Reine) ***, 1806-1878. Reine d'Espagne.

MARMONT (le maréchal) ***, 1774-1852. Duc de Raguse.

MARS (Mlle) ***, 1778-1847. Célèbre actrice française.

MARTIMPREY (le général DE), 1808-1883. Édouard-Charles de Martimprey, ancien élève de Saint-Cyr, fit de nombreuses campagnes en Afrique. Colonel en 1848, général en 1852. Martimprey devint chef d'état-major pendant les guerres de Crimée et d'Italie, puis gouverneur de l'Algérie, et, à la fin, gouverneur des Invalides à Paris.

MASAMILLO, 1622-1647. Pêcheur napolitain, il se mit à la tête des Napolitains révoltés contre l'Espagne, et fut assassiné.

MATHILDE (la princesse) **, 1820-1904. Fille de Jérôme Bonaparte. Portait d'abord le nom de Mlle de Montfort.

MAZZINI (Giuseppe), 1808-1872. Patriote italien, né à Gênes. Fondateur d'une société secrète: la Jeune Italie, Mazzini ne cessa de conspirer soit en Italie, soit en Suisse, soit en Angleterre. En 1848, il fit partie du triumvirat romain.

MECKLEMBOURG-SCHWERIN (la grande-duchesse DE), 1803-1892. Cette princesse, fille du Roi Frédéric-Guillaume III, avait épousé en 1823 le grand-duc Paul-Frédéric de Mecklembourg-Schwerin dont elle devint veuve en 1842.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (le grand-duc DE), 1779-1860. Frère de la Reine Louise de Prusse.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (le duc Georges DE) ***, 1819-1904. Prince héréditaire.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (la duchesse Caroline DE), 1821-1876. Fille du grand-duc Georges de Mecklembourg-Strelitz, mariée en 1841 à Frédéric VII, alors Prince Royal 465 de Danemark, dont cette Princesse divorça en 1846.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (le duc Georges DE), 1824-1871. Épousa en 1851 la grande-duchesse Catherine Michaïlowna de Russie, quitta l'Allemagne et s'établit à Saint-Pétersbourg après s'être engagé au service russe.

MEDEM (le comte Paul DE) *, 1800-1854. Diplomate russe.

MENSCHIKOFF (le prince Alexandre-Sergewitch), 1789-1869. Amiral et homme d'État russe. En 1853, Menschikoff fut envoyé en Turquie, en qualité d'ambassadeur extraordinaire, pour exiger du gouvernement ottoman qu'il reconnût à la Russie le droit de protectorat sur les populations de religion grecque, habitant sur son territoire. N'ayant pas réussi, Menschikoff quitta brusquement Constantinople, et la guerre d'Orient éclata peu après. Nommé alors gouverneur de la Crimée, il contribua, par ses mesures, à l'anéantissement d'une partie de la flotte russe à Sinope.

MENSDORFF-POUILLY (le comte Alexandre DE), 1813-1871. Général autrichien. En 1859, il fut promu au grade de feld-maréchal.

MÉRIMÉE (Prosper), 1803-1870. Romancier et érudit français. Une excursion qu'il fit en Espagne, vers 1840, lui donna l'occasion de se lier avec Mme de Montijo (mère de l'Impératrice Eugénie) et ces relations lui valurent d'être reçu aux Tuileries, sous le second Empire, sur le pied d'une familière intimité. En 1844, Mérimée entra à l'Académie, et en 1853 il fut fait sénateur.

MÉRODE (Mgr DE), 1802-1874. Après avoir été officier dans l'armée belge, M. de Mérode entra dans les ordres. Il devint camérier du Pape Pie IX et fut nommé en 1860 ministre des armes. Mgr de Mérode fut l'inspirateur de l'organisation de l'armée pontificale, commandée par le général de Lamoricière. Démissionnaire en 1865, Mgr de Mérode fut créé archevêque de Métylène en 1866.

MÉRODE (la comtesse Werner DE), 1823-1901. Thérèse de Mérode épousa en 1843 son cousin le comte Werner de Mérode.

METTERNICH (le prince DE) *, 1773-1859. Diplomate et homme d'État autrichien.

METTERNICH (la princesse Mélanie DE) **, 1805-1854. Fille du comte Zichy-Ferraris, troisième femme du prince de Metternich.

METTERNICH-WINNEBOURG (le prince Richard DE), 1829-1895. Fils du célèbre chancelier d'Autriche et de sa seconde femme, née comtesse de Beilstein, occupa d'abord le poste de ministre d'Autriche à Dresde en 1856 et fut nommé ambassadeur à Paris, à la suite de la guerre d'Italie en 1859. Le prince Richard occupa ce poste jusqu'à la fin du second Empire.

METTERNICH-WINNEBOURG (la princesse Pauline DE), née en 1836. Fille du comte Sandor, elle épousa en 1856 son oncle, le prince Richard de Metternich.

METTERNICH (la princesse Mélanie DE), née en 1832. Fille du troisième 466 mariage du prince de Metternich avec la comtesse Zichy Ferraris. Elle épousa en 1853 le comte Zichy de Vasonykaïa.

MEULAN (Mme DE) ***. Mère de la première Mme Guizot.

MEYERBEER (1794-1864). Célèbre compositeur allemand, né à Berlin. On lui doit de magnifiques opéras.

MEYENDORFF (le baron Pierre DE) ***, 1792-1863. Diplomate russe longtemps ministre de Russie à Berlin.

MEYENDORFF (la baronne DE) ***, née en 1800. Wilhelmine-Sophie de Buol-Schœnstein.

MIGNET (François-Auguste-Marie) *, 1796-1884. Historien français, membre de l'Académie française.

MINTO (lord), 1782-1859. Gilbert-Elliot-Murray Kynynmond, comte de Minto, homme d'État anglais. Entré à la Chambre des Lords en 1840, Minto y prit place dans le parti whig et vota pour les mesures les plus libérales. Ministre plénipotentiaire à Berlin en 1832, il prit ensuite en 1835 la direction générale des postes et fut bientôt nommé premier Lord de l'Amirauté dans le ministère Melbourne. Lord Minto alla alors en Suisse, en Italie pour examiner l'état de l'opinion et y encourager dans leurs tendances libérales Pie IX et Charles-Albert. Lord Minto passait pour un administrateur habile.

MILOSCH (le prince), 1825-1868. Michel III Obrenowitch succéda en Serbie à son frère le prince Milosch II. Il épousa la comtesse Julie Huniady.

MILDE (Mgr), 1777-1853. En 1831, il fut appelé au siège de Vienne comme archevêque et y resta jusqu'à sa mort.

MIRABEAU (Victor-Riquetti, marquis DE) *, 1749-1791. Député du Tiers aux États généraux, grand orateur.

MIRÈS (Jules), 1809-1871. Comme courtier d'affaires, Mirès parvint à diriger d'énormes entreprises, notamment à Marseille où il fut décoré lors du voyage de Napoléon III, en 1860. Placé à la tête des chemins de fer romains, Mirès fut poursuivi en 1861, comme gérant de la caisse de ces chemins de fer, et condamné à plusieurs peines sévères. Cet arrêt fut cassé par la cour de Douai qui réhabilita Mirès sur tous les points. Mirès fut propriétaire du Constitutionnel et de la Presse.

MOCQUARD (Jean-François-Constant), 1791-1864. Ayant commencé par la carrière du barreau, Mocquard dut la quitter en 1826 à la suite d'une maladie de larynx. Très chaud partisan du prince Louis Bonaparte, Mocquard fut un des premiers confidents des projets du coup d'État, et demeura ensuite le secrétaire particulier de l'Empereur Napoléon III, dont il avait toute la confiance. En 1863, Mocquard fut nommé sénateur.

MODÈNE (le duc DE), 1819-1875. François V succède à son père en 1846. Marié en 1842 à la princesse Aldegonde de Bavière.

MOLÉ (le comte Mathieu) *, 1781-1855. Homme politique sous le premier Empire et la Monarchie de Juillet.

MOLLIEN (la comtesse) *, 1785-1878. 467 Dame du palais de la Reine Marie-Amélie.

MONACO (le prince DE). Charles III, 1818-1889. Ce prince avait épousé en 1846 la comtesse Antoinette de Mérode.

MONTAUBAN (le général Cousin), 1796-1878. Antoine de Cousin-Montauban fit avec distinction les campagnes d'Afrique, commanda en 1860 l'expédition anglo-française en Chine, força l'embouchure du Pei-ho, remporta la victoire de Palikao, entra dans Pékin et imposa à l'Empereur de Chine un traité qui assura le respect des intérêts européens.—Voir Palikao.

MONTALEMBERT (le comte Charles DE) **, 1810-1879. Un des plus brillants défenseurs du catholicisme en France.

MONTALEMBERT (la comtesse DE), née en 1818. Anne de Mérode épousa en 1836 le comte Charles de Montalembert, pair de France.

MONTGUYON (M. DE). Officier, aide de camp du duc d'Orléans. Le bruit avait couru en 1853 que la duchesse d'Orléans l'épouserait. Il était fils de M. de Montguyon, pair de France sous Louis-Philippe et très orléaniste dans ses opinions.

MONTEBELLO (le duc DE) ***, 1801-1874. Fils du maréchal Lannes.

MONTEMOLIN (le comte DE) ***, 1818-1861. Infant d'Espagne, fils de don Carlos.

MONTENEGRO (le chevalier Joachim). Attaché à l'ambassade d'Espagne à Vienne, Montenegro y vivait dans la plus grande intimité de la famille du prince Metternich. Plus tard, il devint chambellan du duc de Parme.

MONTIJO (le comte DE), mort en 1839. Cyprien comte de Montijo et de Miranda, duc de Penaranda, officier espagnol, dévoué à la cause française qu'il servit comme officier d'artillerie. M. de Montijo était le père de l'Impératrice Eugénie.

MONTIJO (la comtesse DE). Donna Maria Manuella. Andalouse issue des Kirkpatrik de Closburn, famille écossaise exilée pour son dévouement à la cause des Stuarts. Mme de Montijo vivait séparée, à l'amiable, de son mari, dont elle devint veuve en 1839. Elle avait deux filles dont l'aînée épousa le duc d'Albe et la seconde devint l'Impératrice Eugénie.

MONTIJO (Mlle DE).—Voir à Impératrice Eugénie.

MONTMORENCY (le duc DE) *, 1790-1862. Raoul porta d'abord le titre de baron de Montmorency et prit celui de duc en 1846, à la mort de son père.

MONTMORENCY (le duc Mathieu DE), 1767-1826. M. de Montmorency prit part dans sa jeunesse à l'expédition de La Fayette en Amérique. Remarqué de bonne heure par ses idées libérales, Mathieu de Montmorency fut un des premiers qui se réunirent au Tiers État, prêta le serment du Jeu de paume, et proposa, dans la séance du 4 août 1789, l'abolition des droits féodaux ainsi que des privilèges; enfin il appuya le décret d'abolition de la noblesse. Aide de camp du maréchal Luckner, le duc Mathieu 468 de Montmorency donna bientôt sa démission; puis il émigra, pour aller rejoindre à Coppet, en Suisse, Mme de Staël, à laquelle il témoigna une constante amitié ainsi qu'à Mme Récamier. Rentré en France en 1815, il ne s'occupa plus guère que d'œuvres de bienfaisance. Aide de camp du comte d'Artois, il prit le portefeuille des Affaires étrangères après la mort du duc de Berry; il détermina la guerre d'Espagne au congrès de Vérone et reçut, en 1822, le titre de duc. Il mourut subitement dans l'église de Saint-Thomas d'Aquin le vendredi saint au moment où il faisait ses dévotions. Depuis 1825, le duc Mathieu était membre de l'Académie française.

MONTMORENCY (la duchesse Mathieu DE) ***, 1774-1858. Née Hortense de Chevreuse-Luynes.

MONTPENSIER (Antoine d'Orléans, duc DE) ***, 1824-1890. Le plus jeune fils du Roi Louis-Philippe.

MONTPENSIER (la duchesse DE), 1832-1896. Louise, Infante d'Espagne, sœur de la Reine Isabelle II, mariée, en 1846, à Antoine d'Orléans, duc de Montpensier, dernier fils du Roi Louis-Philippe.

MONTROND (le comte Casimir DE) *, 1757-1843. Ami du prince de Talleyrand.

MORLOT (le cardinal), 1795-1862. Mgr Morlot avait été évêque d'Orléans en 1839 et devint archevêque de Tours en 1842. Il y reçut le chapeau de cardinal en 1853 et fut appelé, en 1857, au siège de Paris. Il devint sénateur, grand aumônier de l'Empereur et membre du conseil privé.

MORNY (le duc DE), 1811-1865. Charles-Auguste de Morny fut élevé par Mme de Souza (d'abord comtesse de Flahaut). Entré dans l'armée en 1832, Morny fit la campagne d'Afrique à la suite du duc d'Orléans. Il entreprit plusieurs affaires industrielles et fut élu député en 1842 dans le Puy-de-Dôme. S'étant rapproché de Louis-Napoléon en 1849, Morny devint un de ses conseillers les plus influents. Ministre de l'Intérieur durant le coup d'État du 2 décembre, il offrit sa démission lors du décret de confiscation des biens de la maison d'Orléans. Morny devint en 1854 président du Corps législatif et fut envoyé à Moscou en 1856 pour représenter la France au couronnement de l'Empereur Alexandre II de Russie.

MOTTEVILLE (Mme DE) **, 1621-1689. Auteur de mémoires sur Anne d'Autriche, dont elle avait été dame de cour.

MOUCHY (le duc DE), 1808-1854. Charles-Philippe-Henry de Noailles, prince de Poix, connu sous le nom de duc de Mouchy, arrière-petit-fils du célèbre maréchal de Mouchy, avait d'abord servi dans l'armée, qu'il quitta en 1839. Propriétaire dans l'Oise et conseiller général, le duc de Mouchy fut élu député en 1849, et appelé aussitôt à siéger au Sénat de l'Empire en 1852.

MOUCHY (la duchesse DE), 1810-1858. Cécile, fille d'Alfred de 469 Noailles, mariée en 1834 au duc Henri de Mouchy.

MOUCHY (le duc DE), 1841-1909. Antoine, sixième duc de Mouchy, épousa en 1865 la princesse Anna Murat.

MOUSTIER (le marquis DE), 1817-1869. Nommé ministre de France à Berlin en 1853, le marquis de Moustier devint ensuite ambassadeur à Vienne, en 1859, puis à Constantinople en 1861. En 1866, M. de Moustier reçut le portefeuille des Affaires étrangères qu'il garda jusqu'à la fin de 1868.

MÜLLER (Frédéric DE), 1779-1849. Dit: «le Chancelier de Müller». Entré au service du duc de Saxe-Weimar en 1801. Frédéric de Müller fut chargé, après la bataille d'Iéna, quoique bien jeune encore, des négociations avec Napoléon Ier, qui laissèrent au grand-duché de Saxe-Weimar son autonomie. Ami de Gœthe, Frédéric de Müller était un homme fort aimable, et un esprit cultivé; il resta jusqu'en 1848 à la tête des affaires du grand-duché de Weimar.

MÜLLER (Jean DE), 1752-1809. Célèbre historien suisse, conseiller aulique à Mayence, puis à Vienne. Jean de Müller vint à Berlin en 1795 et le Roi de Prusse le nomma conseiller intime et historiographe de sa maison. Napoléon Ier vit à Berlin en 1806 Jean de Müller, se l'attacha et l'employa comme ministre d'État du nouveau royaume de Westphalie.

MÜNCHHAUSEN (le baron Ferdinand DE), 1810-1882. Conseiller intime du roi de Prusse, membre de la Chambre des Seigneurs, président de la province de Poméranie, commissaire du Roi à la chambre provinciale du duché de Poméranie et de la principauté de Rügen.

MÜNSTER (la comtesse DE), 1789-1876. Julie Berndt de Marwitz, fille de M. de Marwitz qui fut maréchal de cour du Roi de Prusse, Frédéric-Guillaume II. Elle avait épousé le comte Münster, général au service de Prusse. Sa mère était une Française: Mlle Duchat de Dorwell.

MURAT (le Roi), 1771-1815. Joachim Murat, beau-frère de Napoléon Ier dont il avait épousé la sœur. Roi de Naples de 1808 à 1814, fusillé à Pizzo en 1815.

MURAT (prince Joachim), 1834-1901. Petit-fils du Roi Murat. Colonel au régiment des Guides de la garde impériale de Napoléon III. En 1854, le prince Joachim épousa une fille du prince de Wagram.

MURAT (le prince Lucien), 1803-1878. Prince Royal de Naples, fils du Roi Joachim et de Caroline Bonaparte. Après la mort de son père, le prince Lucien Murat résida à Trieste auprès de sa mère, et retourna en France en 1848. Le second Empire le fit sénateur en 1852, prince français en 1853 et titré Altesse. Le prince Lucien avait épousé en 1831 Mlle Georgine Fraser.

N

NAPIER (sir Charles) ***, 1786-1860. Amiral anglais.

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NAPLES (le Roi DE), 1836-1894. François II, fils du Roi Ferdinand II et de sa première femme Marie-Christine, fille de Victor-Emmanuel Ier, Roi de Sardaigne. En 1859, il succéda à son père sur le trône des Deux-Siciles, dans les circonstances les plus difficiles. Il venait d'épouser, cette même année, la princesse Marie de Bavière. Après l'entrée de Garibaldi à Naples le 7 septembre 1860, François II, se voyant abandonné de tous les siens, s'enferma avec la Reine et quelques fidèles dans Gaëte où il soutint un siège désespéré. Contraint de capituler le 13 février 1861, François II se retira d'abord à Rome, et vécut le reste de ses jours dans l'exil.

NAPLES (la Reine DE), née en 1841. Marie-Sophie-Amélie, fille du duc Maximilien de Bavière, épousa en 1859 François II, Roi de Naples.

NAPOLÉON Ier, Empereur des Français *, 1769-1821.

NAPOLÉON (le prince Jérôme), 1822-1893. Fils du Roi Jérôme de Westphalie et de la princesse Catherine de Würtemberg, ce prince naquit à Trieste durant l'exil de ses parents. En 1859, il épousa la princesse Clotilde, fille du Roi de Sardaigne. Il mourut à Rome en 1893.

NARBONNE-LARA (le comte Louis DE), 1755-1814. Né à Colorno dans le grand-duché de Parme, Narbonne vint en France à l'âge de cinq ans, avec sa mère, devenue dame d'honneur de Madame Adélaïde, fille du Roi Louis XV. Louis de Narbonne entra dans la carrière militaire, devint colonel à trente ans, accueillit les idées nouvelles de 1789, fut nommé ministre de la guerre en 1791, perdit son portefeuille en 1792 et partit alors pour l'armée. Nommé aide de camp de Napoléon Ier, Louis de Narbonne suivit l'Empereur en Russie et fut nommé ambassadeur à Vienne en 1813.

NASSAU (la princesse DE), 1831-1888. Hélène de Nassau, fille du second mariage du duc Adolphe de Nassau avec la princesse Adélaïde d'Anhalt. Cette princesse épousa, en 1853, Georges, prince régnant de Waldeck et de Pyrmont.

NEGRO (le marquis Gian Carlo DI), mort en 1856. Italien, poète et protecteur des artistes, musicien lui-même. La viletta di Negro, à Gênes, est devenue, après sa mort, un musée d'histoire naturelle, et le jardin fait maintenant partie de la promenade de l'Acquasola à Gênes.

NEMOURS (le duc DE) *, 1814-1896. Second fils du Roi Louis-Philippe.

NEMOURS (la duchesse DE) ***, 1822-1852. Fille du prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha.

NESSELRODE (le comte DE) *, 1780-1862. Chancelier de l'Empire de Russie.

NEY (Edgard) ***, 1812-1882. Prince de la Moskowa, officier d'ordonnance de Napoléon III.

NICOLAS Ier (l'Empereur) *, 1776-1855. Empereur de Russie.

NIEBUHR (Marc-Carsten-Nicolas), 1817-1860. Homme d'État prussien qui collabora activement au Journal de la Croix (Kreuz-Zeitung). 471 Après avoir été nommé successivement conseiller de Régence et secrétaire de cabinet, Niebuhr fut chargé d'une mission diplomatique à Londres en 1852. En 1854, il devint conseiller d'État et reçut cette même année ses lettres de noblesse.

NIEL (le général Adolphe), 1802-1869. Ayant suivi de bonne heure la carrière des armes, Niel fut attaché, en 1849, à l'expédition de Rome en qualité de chef d'état-major du génie, et y mérita le grade de général de brigade. En 1853, il fit partie du corps expéditionnaire de la Baltique et, en 1855, fut chargé du commandement en chef du génie de l'armée d'Orient; il dirigea ainsi les opérations du siège de Sébastopol. En 1859, pendant la guerre d'Italie, Niel commanda le 4e corps d'armée, prit part aux batailles de Magenta et de Solférino et fut nommé maréchal de France. En 1865, il devint ministre de la guerre.

NIGRA (le chevalier), 1827-1907. Après avoir pris part à la lutte contre l'Autriche, en 1848, Nigra entra dans la diplomatie piémontaise et remplit, en 1856, les fonctions de secrétaire du comte de Cavour au congrès de Paris, puis de secrétaire des plénipotentiaires italiens aux négociations de Zurich. Nommé une première fois ministre à Paris, Nigra fut attaché, en 1861, au prince de Carignan, pendant sa mission à Naples; il fut nommé une seconde fois au poste de ministre, puis à celui d'ambassadeur d'Italie à Paris qu'il garda jusqu'en 1867. Il fut fait comte alors; et, depuis cette époque, il occupa encore les ambassades de Saint-Pétersbourg et de Vienne.

NISARD (Jean-Marie-Napoléon-Désiré), 1806-1888. Littérateur français. Collaborateur du journal des Débats, maître des requêtes au conseil d'État, Nisard remplaça en 1843 Burnouf dans la chaire d'éloquence latine au collège de France. Membre de l'Académie française, Nisard resta à la tête de l'École Normale jusqu'en 1867, date à laquelle il fut nommé sénateur et officier de la Légion d'honneur.

NOAILLES (le duc Paul DE) *, 1802-1885. Pair de France et académicien.

NOAILLES (la vicomtesse DE) **, 1792-1851. Fille du duc de Poix, elle épousa le vicomte Alfred de Noailles.

NORFOLK (le duc DE), 1815-1860. Henry, quatorzième duc de Norfolk, avait épousé une fille de lord Lyons.

NORMANBY (le marquis DE) ***, 1797-1863. Fut ambassadeur à Paris.

NOTHOMB (le baron Jean-Baptiste) ***, 1805-1881. Ministre de Belgique durant de longues années à Berlin.

O

O'DONNELL (le comte Maximilien), 1812-1895. Général-major au service de l'Autriche, le comte O'Donnell était aide de camp de 472 l'Empereur François-Joseph, et auprès de lui lors de l'attentat dont ce souverain faillit être la victime en 1853. A cette occasion le comte O'Donnell fut comblé d'honneurs.

OLBERG (le général D'). De 1852 à 1853, le général d'Olberg fut gouverneur du Luxembourg et ensuite attaché à la légation prussienne à Bruxelles. En 1855, Olberg devint commandant de la forteresse de Luxembourg, poste qu'il occupa jusqu'en 1858.

OLGA (la grande-duchesse), 1822-1892. Fille de l'Empereur Nicolas Ier de Russie. Cette Princesse, d'une beauté très remarquable, épousa en 1846 le Prince Royal de Würtemberg qui monta sur le trône en 1864.

OPORTO (le duc D'), 1838-1889. Dom Luiz-Philippe, second fils de la Reine Maria II da Gloria de Portugal et du Roi Ferdinand, prince de Saxe-Cobourg-Gotha, succéda, en 1861, sur le trône de Portugal, à son frère le Roi Pedro V d'Alcantara. Le Roi Luiz avait épousé en 1862 la princesse Maria-Pia de Savoie, fille de Victor-Emmanuel II, roi d'Italie.

ORESTIS (la comtesse DE), morte en 1876. Nathalie Tchikatcheff avait épousé, en premières noces, le prince Dewlet-Kildieff dont elle eut quatre fils. Devenue veuve, elle se remaria avec le comte Orestis dont elle eut une fille. La comtesse Orestis avait une belle installation à Nice.

ORLÉANS (le duc D') *, 1810-1842. Fils aîné du Roi Louis-Philippe.

ORLÉANS (la duchesse D') ***, 1814-1858. Née princesse de Mecklembourg-Schwerin.

ORLOFF (le prince), 1786-1861. Général et homme d'État russe. Le prince Alexis Fœdorowitch Orloff prit part aux guerres du premier Empire, puis à toutes les campagnes de la Russie en Turquie et en Pologne. En 1853, il assista aux conférences de Berlin et d'Olmütz et eu 1854, pendant la guerre de Crimée,* le prince Orloff reçut une mission diplomatique à Vienne. Alexandre II le chargea de représenter la Russie au congrès de Paris en 1856. Peu après, il fut fait prince.

ORSINI (Félix), 1819-1858. Conspirateur italien, qui attenta à la vie de Napoléon III le 14 janvier 1858. Défendu par Jules Favre, Orsini fut condamné à mort et exécuté à Paris.

ORTEGA (le général). Espagnol, capitaine général des Iles Baléares, dévoué à don Carlos qui voulut se servir d'Ortega pour risquer un coup de main et détrôner la Reine Isabelle II. Le 4 avril 1860, Ortega débarqua sur les côtes d'Espagne, à la tête d'une partie des troupes qu'il commandait, dans le but de favoriser un soulèvement que comptait opérer le prétendant. L'entreprise échoua, le général Ortega, lâchement dénoncé et abandonné par le Prince, fut fusillé le 15 avril 1860, peu de jours après son essai infructueux.

OSMOND (la marquise D'), née Dillon. Elle fut la mère de la comtesse de Boigne.

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OSMOND (Rainulphe-Eustache D'), frère de Mme de Boigne, aide de camp du duc d'Angoulême, marié à Mlle Destillières.

OSSUNNA ET D'INFANTANDO (le duc D'), mort en 1885. Diplomate espagnol. En 1866, il avait épousé la princesse Éléonore de Salm-Salm. Il ne laissa pas d'enfants.

O'SULLIVAN DE GRASS (Alphonse), 1798-1865. Il entra d'abord dans la carrière administrative et ce ne fut qu'en 1825 qu'O'Sullivan de Grass passa au département des Affaires étrangères. Lorsque le royaume de Belgique fut constitué, il fut envoyé, en 1833, à Vienne comme chargé d'affaires de Belgique, y devint en 1836 ministre plénipotentiaire et resta à ce poste jusqu'à sa mort. En 1847, il fut créé comte et, en 1853, nommé ambassadeur extraordinaire à Vienne pour le mariage du duc de Brabant avec l'archiduchesse Marie-Henriette.

OUBRIL (M. Paul D'), 1819-1896. Diplomate russe. Durant plusieurs années, M. d'Oubril fut secrétaire à l'ambassade de Russie à Paris et devint ensuite ambassadeur à Berlin, poste qu'il occupa pendant assez longtemps. Quand M. d'Oubril le quitta, il fut nommé sénateur à Saint-Pétersbourg. Il mourut à Naples où il avait été chercher un retour à la santé.

P

PALLADIO (André), 1518-1580. Illustre architecte italien, né à Vicence.

PALLAVICINI (le marquis), 1821-1855. François Pallavicini épousa la fille du marquis Sauli.

PALIKAO (le maréchal comte de), 1796-1878. Titre que reçut le maréchal de Montauban après ses victoires en Chine durant la guerre de 1860.

PALMERSTON (lord) *, 1784-1865. Homme d'État anglais, à plusieurs reprises ministre des Affaires étrangères.

PALMERSTON (lady) *, 1787-1858. Sœur de lord Melbourne, et en premières noces lady Cowper.

PANIEGA (Mlle DE LA). Jeune et riche Espagnole, fille du marquis de la Paniega, que l'Impératrice Eugénie fit épouser en 1858 au maréchal Pélissier, duc de Malakoff.

PARIS (le comte DE) **, 1838-1894. Fils aîné du duc d'Orléans.

PARME (la duchesse régente DE), 1819-1864. Louise-Marie-Thérèse de Bourbon, fille du duc de Berry, mariée en 1845 au duc Charles III de Parme dont elle devint veuve en 1854. Cette Princesse prit alors la régence pendant la minorité de son fils le duc Robert de Parme.

PARME (le duc Robert DE), 1848-1907. Succéda à son père en 1854, sous la tutelle de sa mère. Par décret du 18 mars 1860, les duchés de Parme, de Plaisance et de Guastalle furent unis aux États du Roi de Sardaigne et le duc Robert fut déclaré déchu de son trône. Le duc Robert de Parme épousa en 1869 la princesse Marie-Pia de Bourbon, fille du Roi Ferdinand II des Deux-Siciles.

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PASQUIER (le duc) *, 1767-1862. Pair de France et grand chancelier.

PASTORET (le marquis DE) ***, 1756-1840. Pair de France. Louis XVIII lui donna la tutelle des enfants du duc de Berry.

PASTORET (le marquis DE), 1791-1857. M. de Pastoret avait servi dans la carrière administrative, sous le premier Empire, puis sous la Restauration. Ami du comte de Chambord, il avait refusé d'adhérer au gouvernement de Louis-Philippe, mais il se montra sympathique à celui du prince Louis-Napoléon qui le nomma sénateur en 1852, grand-officier de la Légion d'honneur et, en 1855, membre de la commission municipale de Paris.

PATOW (Érasme-Robert, baron DE), 1804-1881. Homme d'État prussien, M. de Patow suivit la carrière administrative. En 1858, il devint ministre des finances dans le cabinet présidé alors par le prince de Hohenzollern.

PAYS-BAS (la Reine DES), 1818-1877. Sophie, fille du Roi Guillaume Ier de Würtemberg, épousa en 1839 (lorsqu'il était encore Prince Royal) Guillaume III qui monta sur le trône de Hollande en 1849. La Reine Sophie était liée d'amitié avec l'Empereur Napoléon III.

PÉLISSIER (Jean-Jacques-Amable), 1792-1864. Soldat d'Afrique, où il combattit durant de longues années, Pélissier fut appelé au commandement du 1er corps de l'armée d'Orient. Il arriva à Sébastopol en 1855. Trois mois après, Canrobert ayant donné sa démission, Pélissier le remplaça et le 8 septembre suivant, il prit la ville d'assaut. Cette victoire lui valut le bâton de maréchal et le titre de duc de Malakoff. Le maréchal Pélissier fut ensuite ambassadeur à Londres et, pendant la guerre d'Italie en 1859, fut chargé d'organiser à Nancy le corps d'observation contre la Prusse.

PELLICO (Silvio) ***, 1788-1854. Poète et littérateur italien.

PEPE (le général Guillaume), 1782-1855. Grand patriote et général italien, ayant fait les guerres du premier Empire dans la légion italienne. Après 1815, Pepe devint un des chefs du carbonarisme et du parti libéral à Naples où il était né. Après de nombreuses péripéties qui le forcèrent à s'exiler, Pepe fut rappelé à Naples en 1848 par la révolution triomphante, reçut le commandement du corps d'armée envoyé par le gouvernement constitutionnel de Naples à Charles-Albert pour battre les Autrichiens. Quand le Roi Ferdinand rappela ses troupes, Pepe, trahi et abandonné par la plupart de ses soldats, resta fidèle à la cause nationale et offrit son épée à Manin. Il combattit avec vaillance pendant le siège de Venise et, après la capitulation de cette ville, Pepe se fixa à Nice, puis à Turin où il termina sa vie.

PÉRIGORD (la comtesse Edmond DE), 1793-1862, plus tard duchesse de Dino, auteur de cette Chronique.

PÉRIGORD (la duchesse DE) *, 1789-1866. Née Choiseul-Praslin.

PÉRIGORD (le comte Paul DE) **, 475 1811-1880. Second fils du duc et de la duchesse de Périgord.

PÉRIGORD (le comte Alexandre DE) *, 1813-1894. Plus tard duc de Dino, second fils du duc et de la duchesse de Talleyrand.

PÉRIGORD (Mlle Pauline DE) *, 1820-1890. Fille du duc de Talleyrand et de l'auteur de la Chronique que nous publions. Elle épousa en 1839 le marquis Henri de Castellane.

PERRONE DI S. MARTINO (le baron Paul), né en 1832. Il était fils du général Perrone qui fut tué à la bataille de Novare, en 1849, et de la baronne Perrone, née La Tour-Maubourg.

PERRONE DI S. MARTINO (la baronne), 1844-1879. Maria Giamazzo-Pampurata, mariée au baron Paul Perrone di S. Martino.

PERSIGNY (Fialin DE) ***, 1808-1872. Grand ami du prince Louis Bonaparte, plusieurs fois ministre sous le second Empire.

PERSIGNY (la duchesse DE), née en 1831. Églée-Napoléone-Albine, fille unique du prince de la Moskowa, épousa, en 1852, M. de Persigny dont elle devint veuve en 1872.

PEYRONNET (le comte DE) **, 1778-1854. Ministre de l'Intérieur en 1824 dans le ministère Polignac.

PIE (Mgr), 1815-1880. Louis-François-Désiré-Édouard Pie, évêque de Poitiers, chef du parti religieux ultramontain en France, ami de M. Veuillot, rédacteur du journal l'Univers, adversaire en polémique de Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans. Mgr Pie fut promu au cardinalat en 1879.

PIERRE L'ERMITE, 1050-1115. Religieux, né à Amiens, prédicateur de la première croisade.

PIERRES (le baron DE), 1818-1876. Etienne de Pierres était premier écuyer de l'Impératrice Eugénie et fut député au Corps législatif. Il quitta la vie politique après la révolution du 4 septembre 1870.

PIETRI (Joachim), né en 1820. D'abord avocat et plusieurs fois préfet, Pietri fut appelé en 1866 à remplacer M. Boitelle comme préfet de police à Paris. Nommé sénateur en 1870, Pietri resta depuis en dehors de la politique.

PICARD (Louis-Joseph-Ernest), 1821-1877. Avocat et homme politique français, député sous le second Empire, Picard se fit remarquer par la vivacité incisive de sa parole dans l'opposition. Il fut membre du Gouvernement de la défense nationale dans lequel il fut chargé du ministère des Finances. Picard fit partie du premier ministère de M. Thiers, comme ministre de l'Intérieur, et fut ensuite envoyé à Bruxelles pour y représenter la France.

PIMODAN (Georges de la Vallée de Rarécourt, marquis DE), 1822-1860. Georges de Pimodan entra au service de l'Autriche après la révolution de 1830 en France. En 1848, il fit la campagne d'Italie sous les ordres du maréchal Radetzky et prit une part brillante en 1849 à la campagne pour soumettre la Hongrie. Le marquis de Pimodan renonça alors à poursuivre sa carrière militaire, il rentra en France et y épousa 476 Mlle de Couronnel. En 1860, il reçut le grade de général dans l'armée pontificale, organisée par le général de Lamoricière, et fut tué à Castelfidardo.

POLIGNAC (le prince Jules DE) *, 1780-1847. Ministre du Roi Charles X.

POLIGNAC (le prince Alphonse DE), 1826-1863. Fils du prince de Polignac, ministre de Charles X, il épousa en 1860 Mlle Émilie Mirès, qui se remaria en 1865 avec Gustave de Rozan.

PONIATOWSKI (le prince Stanislas), 1835-1908. Fils du prince Joseph Poniatowski, épousa, en 1856, Mlle Louise Le Hon, fille de l'ancien ministre de Belgique à Paris.

PORTUGAL (le Roi DE), 1837-1861. Pedro V, fils aîné de la Reine Marie II da Gloria à laquelle il succéda en 1853 sur le trône de Portugal. Ce prince avait épousé la princesse Stéphanie de Hohenzollern dont il n'eut pas d'enfant.

PORTUGAL (la Reine DE), 1837-1859. La princesse Stéphanie de Hohenzollern-Sigmaringen épousa en 1858 le Roi Pedro V de Portugal. Elle mourut un an après son mariage de la diphtérie.

POTOCKA (la comtesse), 1807-1877. Mlle Delphine de Komar, fille de M. Stanislas-Dauphin de Komar et de Mlle Honorine Orlowska, épousa le comte Miécislas Potocki de Tylczyn dont elle se sépara bientôt. La comtesse Delphine était connue par sa merveilleuse beauté, sa voix superbe, son grand talent musical, et ses succès dans la haute société européenne.

POURTALÈS (le comte Albert DE), 1812-1861. Diplomate prussien, chambellan du Roi de Prusse et ministre plénipotentiaire à Paris où il succéda au comte Max de Hatzfeldt après la mort de celui-ci.

POZZO DI BORGO (le duc). Charles, neveu du célèbre diplomate de ce nom, et son héritier, épousa en 1852 Mlle Valentine de Crillon.

POZZO DI BORGO (la duchesse). Valentine, fille du duc de Crillon, épousa en 1852 le duc Charles Pozzo di Borgo.

PRÉVOST-PARADOL (Lucien-Anatole), 1829-1878. Fils d'un ancien officier de marine, Prévost-Paradol fut un des élèves les plus distingués de l'École normale. En 1856, il était à Paris comme rédacteur du Journal des Débats et du Courrier du Dimanche, où la distinction de sa plume lui fit une réputation rapide, mais lui attira aussi les rigueurs du gouvernement. En 1869, il remplaça Ampère à l'Académie française. Sous le ministère d'Émile Ollivier en 1870, s'étant rallié au gouvernement, Prévost-Paradol fut nommé ministre de France à Washington; les malheurs du pays et des chagrins personnels le poussèrent au suicide.

PROKESCH-OSTEN (le baron Antoine DE) ***, 1795-1876. Diplomate autrichien.

PRUSSE (le Roi DE) **. Frédéric-Guillaume IV, 1795-1861.

PRUSSE (le prince DE) **, 1797-1888. Plus tard Empereur d'Allemagne.

PRUSSE (princesse DE) **, 1811-1890. Née princesse Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach.

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PRUSSE (la Reine Élisabeth DE) ***, 1801-1879. Née princesse de Bavière.

PRUSSE (la princesse Albert DE) **, 1810-1883. Née princesse des Pays-Bas.

PRUSSE (le prince Charles DE), 1801-1883. Troisième fils du Roi Frédéric-Guillaume III, épousa en 1827 la princesse Marie de Saxe-Weimar-Eisenach.

PRUSSE (la princesse Charles DE) **, 1808-1877. Née princesse Marie de Saxe-Weimar-Eisenach.

PRUSSE (le prince Adalbert DE) **, 1811-1873. Chef de la marine prussienne.

PRUSSE (la princesse Anne DE), née en 1836. Fille du prince Charles de Prusse, mariée à Berlin en 1853 au landgrave Frédéric de Hesse dont elle devint veuve en 1884.

PRUSSE (le prince Frédéric-Charles DE). Fils unique du prince Charles de Prusse, militaire distingué, feld-maréchal dans l'armée prussienne. Ce prince avait épousé en 1854 la princesse Marianne d'Anhalt.

PRUSSE (la princesse Louise DE). Née en 1838, épousa en 1856 le grand-duc de Bade. (Voir Bade.)

PRUSSE (le prince Frédéric-Guillaume DE), 1831-1888. Fils unique de l'Empereur Guillaume Ier. Ce prince prit le titre de Prince Royal le jour où son père devint Roi. Il fit avec bravoure les guerres de 1866 et de 1870; puis, déjà fort malade, il monta sur le trône en 1888 sous le nom de Frédéric III. Le terrible mal qui le minait l'emporta bientôt et son règne ne dura que quatre-vingt-dix-neuf jours.

PRUSSE (la princesse Frédéric-Guillaume DE), 1840-1901. Victoria, Princesse Royale de la Grande-Bretagne et d'Irlande, duchesse de Saxe, mariée en 1858 au prince Frédéric-Guillaume de Prusse, qui ne monta sur le trône qu'en 1888.

PÜCKLER (le comte Hermann), 1797-1892. Maréchal de Cour du prince de Prusse, le comte Pückler continua ses fonctions lorsque ce prince monta sur le trône de Prusse et devint ensuite Empereur d'Allemagne.

PUTBUS (la princesse DE), 1837-1867. Wanda, fille de Georges de Veltheim-Bartensleben, épousa en 1857 le comte Guillaume de Lottum qui devint héritier des terres et du titre de prince de Putbus, en 1860, par la décision de son grand-père maternel.

PYAT (Félix), 1810-1889. Auteur dramatique et homme politique français. Sa carrière littéraire s'arrêta à l'année 1848, qui modifia toute sa vie. Nommé représentant du peuple à l'Assemblée constituante, il siégea parmi les démocrates les plus avancés de cette chambre, et vota constamment avec les représentants de la Montagne.

Q

QUÉLEN (le comte DE) *, 1778-1839. 478 Hyacinthe-Louis de Quélen, archevêque de Paris.

QUITRY (le marquis DE), 1827-1866. Odon-Charles, marquis de Chaumont-Quitry, fut nommé au début du second Empire chambellan de Napoléon III. En 1854, M. de Quitry fut élu député dans le département de la Sarthe.

R

RACHEL (Mlle) **, 1820-1858. Grande tragédienne française.

RADETZ-RADETZKY (le comte) ***, 1766-1858. Feld-maréchal autrichien.

RADOWITZ (le général Joseph DE) ***, 1797-1853. Grand ami du Roi Frédéric-Guillaume IV.

RADZIWILL (prince Guillaume) **, 1797-1870. Général au service de Prusse.

RADZIWILL (la princesse Guillaume), **, 1806-1896. Mathilde, fille du prince Clary.

RADZIWILL, (prince Antoine), 1833-1904. Fils aîné du prince Guillaume Radziwill. Officier d'artillerie dans l'armée prussienne; fut, pendant vingt-deux années, aide de camp de l'Empereur Guillaume Ier, et ne se retira de la carrière militaire qu'en 1888, après la mort de Frédéric III. Il était alors aide de camp général et avait reçu l'ordre de l'Aigle noir. A la suite de la mort de son père en 1870, le prince Antoine Radziwill devint chef de sa famille et propriétaire du majorat de Nie['s]wie[:z] en Lithuanie et de deux autres ordinaties dont il hérita de son oncle, le prince Léon Radziwill. En 1857, il épousa à Sagan Mlle Marie de Castellane.

RAGLAN (lord). 1788-1855. James-Henri-Fitzroy-Somerset, baron Raglan, général anglais, aide de camp du duc de Wellington. Lord Raglan avait fait avec lui les campagnes d'Espagne et le suivit à Waterloo, où il fut atteint d'une balle au bras droit qui en nécessita l'amputation. Après la mort du duc de Wellington, lord Raglan fut nommé maître général de l'artillerie, et élevé à la pairie. Général en chef des forces anglaises envoyées en Orient, l'année 1854, il débarqua en Crimée et prit une part décisive au succès de la bataille de l'Alma. Atteint du choléra, pendant le siège de Sébastopol, il mourut à son quartier général.

RAGUSE (le duc DE) ***, 1774-1852. Marmont, maréchal de France.

RANDON (le maréchal comte), 1795-1871. Engagé volontaire lors de la campagne de Russie, Randon était capitaine en 1813. Mis à l'écart sous la Restauration, il devint, seulement en 1841, maréchal de camp, et en 1847 lieutenant-général. Après 1848, Randon fut chargé du gouvernement de l'Algérie, après le coup d'État. Sénateur en 1852, maréchal de France en 1856, il devint ministre de la guerre de 1859 à 1867.

RATTAZZI (Urbain), 1808-1873. Piémontais et homme politique, qui contribua fort, avec Cavour, à faire l'unité de l'Italie.

479

RAÜMER (Charles-Otto), 1805-1859, suivit la carrière administrative en Prusse et fut ministre des cultes de 1850 à 1858.

RAUZAN (la duchesse DE) ***, née en 1820. Claire, fille du dernier duc de Duras.

RAVIGNAN (l'abbé DE) **, 1795-1858. Jésuite fort distingué et prédicateur très goûté.

RÉCAMIER (Mme) *, 1777-1849. Célèbre par sa beauté et par ses hautes amitiés.

REDERN (le comte Henri), 1804-1890. Diplomate prussien. Ministre à Dresde et à Saint-Pétersbourg. En 1836, il avait épousé la princesse Victoire Odescalchi.

RESSÉGUIER (le comte Albert DE), 1816-1902. Issu d'une famille de Toulouse, le comte de Rességuier fut élu député, en 1849, dans les Basses-Alpes et fit partie de la majorité monarchique à l'Assemblée législative. Il ne se rallia pas à la politique du coup d'État et, ayant protesté avec ses collègues réunis à la mairie du Xe arrondissement, il fut emprisonné au Mont Valérien. Enfermé dans Paris, pendant le siège de 1870-1871, le comte de Rességuier fut un des membres les plus actifs de la Société internationale des secours aux blessés. En 1871, il fut élu représentant à l'Assemblée nationale où il prit place à droite. Non réélu en 1876, M. de Rességuier vécut, depuis lors, dans la retraite.

RETZ (le cardinal DE) *, 1614-1679. Joua un rôle considérable dans la Fronde.

REUSS (le prince Henri VII), 1825-1906. Diplomate prussien. Le prince Reuss fut, durant plusieurs années, premier secrétaire à la légation de Prusse à Paris où il était très en faveur à la cour des Tuileries. Plus tard, il occupa, comme ambassadeur, les postes de Saint-Pétersbourg, de Constantinople et de Vienne qui fut la fin de sa carrière. En 1876, le prince Henri VII Reuss épousa la princesse Marie de Saxe-Weimar, fille du grand-duc régnant. Il était chevalier de l'Aigle noir.

RIGAULT (Ange-Hippolyte), 1821-1858. Littérateur et critique français, Rigault fut choisi en 1847 par le duc de Nemours, pour être le précepteur de son fils, le comte d'Eu. Il suivit son élève en Angleterre après la révolution de 1848, mais revint bientôt en France où il entra à la rédaction du Journal des Débats.

RITTBERG (le comte Louis DE), 1797-1881. Président du tribunal de Glogau, en Silésie prussienne; membre à vie de la Chambre des seigneurs en Prusse.

ROBECK (le prince DE), 1801-1853. Gaston de Montmorency. Grand d'Espagne; capitaine de cavalerie.

ROGER DU NORD (le comte Édouard), 1803-1881. Homme politique français. Roger du Nord entra dans la diplomatie sous la Restauration; puis, en 1831, ayant été élu député, il se consacra exclusivement à ses nouveaux devoirs. Grand ami de M. Thiers, il suivit la même ligne de conduite que lui.

480

ROTHSCHILD (le baron Meyer-Alphonse DE), né en 1827. Chef de la maison de banque de Paris que lui laissa son père en 1868. Le baron Alphonse de Rothschild épousa, en 1837, sa cousine Éléonore de Rothschild, fille du baron Lionel, chef de la maison de Londres.

ROTHSCHILD (James) **, 1792-1868. Quatrième fils de Mayer-Anselme Rothschild.

RUSSEL (lord John) *, 1792-1878. Homme d'État anglais, troisième fils du duc de Bedford.

RUSSEL (lady John). Françoise-Anna-Maria, fille de lord Minto (un des ardents du parti whig), épousa en 1841 lord John Russel, dont elle fut la seconde femme.

RUSSIE (l'Impératrice DE) *, 1792-1860. Princesse Charlotte de Prusse.

RUSSIE (la grande-duchesse Hélène DE) **, 1807-1873. Princesse Charlotte de Würtemberg.

RUSSIE (le grand-duc Constantin DE) ***, 1827-1893. Second fils de l'Empereur Nicolas Ier. Grand amiral de la marine russe.

S

SABLÉ (la marquise DE), 1598-1678. Madeleine de Souvré, marquise de Sablé, était une des femmes les plus spirituelles du dix-septième siècle. Fille du maréchal de Souvré, Mme de Sablé était l'amie de Mme de Longueville, et son salon fut le rendez-vous des beaux esprits du temps. En 1855, M. Cousin a publié un livre sur Mme de Sablé.

SACY (Samuel-Ustazade-Silvestre DE), 1801-1879. Écrivain français, pendant longtemps rédacteur du Journal des Débats, M. de Sacy fut, en 1854, nommé membre de l'Académie française et, en 1864, sénateur pour avoir consacré dans le Journal des Débats deux articles fort élogieux sur la Vie de Jules César que l'empereur Napoléon III venait de publier.

SAFFI. Membre influent du gouvernement organisé à Rome en 1848 par Mazzini. Un triumvirat avait été élu par cette assemblée romaine. Il se composait de Mazzini, Saffi et Armellini, qui étaient tous trois investis de pouvoirs absolus.

SAINT-AIGNAN (Mlle Amicie Rousseau DE), 1835-1854, épousa en 1853 le comte Paul de Périgord et mourut en donnant le jour à une fille.

SAINT-ARNAUD (Achille Leroy DE), 1798-1854. Entré au service militaire en 1815. Achille de Saint-Arnaud fit toutes les campagnes d'Afrique et, en 1851, il fut promu au commandement d'une division de l'armée de Paris. Devenu ensuite ministre de la guerre, il s'attacha à la réorganisation de l'armée. Le 2 décembre 1851, Saint-Arnaud fut chargé de prendre les mesures militaires qui devaient assurer la réussite du coup d'État et, en 1852, il reçut le bâton de maréchal. Mis, en 1854, à la tête de l'armée dirigée sur la Crimée, Saint-Arnaud y opéra une heureuse descente, et après avoir remporté la victoire de l'Alma, 481 succomba en peu de jours, vaincu par une maladie qui le minait depuis longtemps.

SAINTE-AULAIRE (le comte DE) *, 1788-1854. Pair de France et diplomate distingué.

SAINTE-BEUVE (Charles-Augustin) ***, 1804-1899. Critique français célèbre.

SAINTE-FOIX (Radix DE). Premier commis des Affaires étrangères sous le Directoire: aimable et plein d'esprit, au dire de Mme Geoffrin, Sainte-Foix était un grand ami du prince de Talleyrand.

SAINT-MARC-GIRARDIN (1801-1873). Littérateur français, appelé, en 1830, à suppléer M. Guizot à la Faculté des lettres et nommé maître des requêtes au Conseil d'État, Saint-Marc-Girardin devint rédacteur du journal des Débats. En 1834 il fut élu député et, en 1844, nommé à l'Académie française. Sous la République et l'Empire, Saint-Marc-Girardin se tint à l'écart de la politique.

SAINT-PRIEST (le vicomte DE), 1789-1881. Emmanuel-Louis-Marie-Guignard vicomte de Saint-Priest avait suivi sa famille en Russie lors de l'émigration; il entra au service militaire de ce pays et ne revint en France qu'après la chute de Napoléon Ier. Il servit avec ardeur la cause du gouvernement royal et, à la seconde Restauration, fut nommé maréchal de camp, premier écuyer tranchant, et menin de M. le duc d'Angoulême. En 1823, le vicomte de Saint-Priest se distingua pendant la guerre d'Espagne où sa belle conduite lui valut le grade de lieutenant-général. Nommé ministre de France à Madrid, puis à Berlin, il démissionna en 1832, pour préparer, avec la duchesse de Berry, le mouvement royaliste en Vendée. Le vicomte de Saint-Priest vécut ensuite dans la retraite jusqu'en 1849. Il fut alors élu à l'Assemblée législative, où il vota toujours avec l'extrême droite, restant fidèle au comte de Chambord dont il était le confident. Le coup d'État de 1851 mit fin à sa carrière parlementaire.

SAINT-PRIEST (le comte Alexis DE) *, 1805-1885. Diplomate et écrivain français, membre de l'Académie française où il fut élu en 1849.

SALMOUR (le comte Roger Gabaleone DE). Le comte de Salmour était un ami de jeunesse du comte de Cavour. Il fut d'abord secrétaire au ministère des Finances en Piémont, puis au ministère des Affaires étrangères et devint ensuite ministre plénipotentiaire à Naples où il resta jusqu'en 1859.

SALVANDY (Narcisse-Achille, comte DE) *, 1795-1856. Littérateur et homme politique français.

SARDAIGNE (le roi DE), ***, Victor-Emmanuel II, 1820-1878.

SAVIGNY (Charles-Frédéric DE), 1813-1875, diplomate prussien, fils du célèbre jurisconsulte de ce nom. Charles de Savigny reçut plusieurs missions diplomatiques et en 1864 fut envoyé à la Diète de Francfort-sur-le-Mein. Après la victoire de Sadowa, Charles de Savigny eut une grande part aux traités et aux négociations ayant pour objet 482 l'unification de l'Allemagne sous l'hégémonie de la Prusse. En 1867 il abandonna le service d'État et fut élu député à la Diète de la nouvelle confédération de l'Allemagne du Nord.

SAXE (le prince Albert DE), 1828-1902. Fils aîné du roi Jean de Saxe et de la princesse Amélie de Bavière; succéda à son père sur le trône de Saxe en 1873. Ce prince avait épousé en 1853 la princesse Carola de Holstein-Gattorp-Wasa, dont il n'a pas eu d'enfants.

SAXE (le prince Georges DE), 1832-1904, second fils du roi Jean de Saxe, marié en 1859 à l'infante Marie de Portugal, fille de la Reine Marie II da Gloria. Ce prince succéda à son frère le roi Albert sur le trône de Saxe en 1902.

SAXE-COBOURG-KOHARY (la princesse Clémentine d'Orléans), 1797-1862. Épousa le prince Auguste de Cobourg-Kohary.

SAXE-MEININGEN (le prince Georges DE), né en 1826. Son père, le duc Bernard de Saxe-Meiningen, abdiqua, en 1866, en faveur de ce prince. Celui-ci se maria trois fois: 1e en 1850 à Berlin, avec la princesse Charlotte de Prusse qui mourut en 1855; 2e avec la princesse Feodora de Hohenlohe-Langenburg, morte en 1872; 3e enfin en 1873, il contracta un mariage morganatique avec Hélène Franz, créée baronne de Heldburg.

SAXE-MEININGEN (la princesse héréditaire DE) ***, princesse Charlotte de Prusse, 1831-1855.

SAXE-WEIMAR (le grand-duc Charles-Frédéric DE), 1789-1853. Épousa, en 1804, la grande-duchesse Marie-Paulowna de Russie.

SAXE-WEIMAR (le grand-duc Charles DE ***), 1818-1901. Succéda à son père en 1853.

SCARELLA. Artiste habitant Venise.

SCHMERLING (le chevalier Antoine DE). 1805-1893. Homme d'État autrichien. Lors des événements de 1848, M. de Schmerling fut désigné pour faire partie de l'assemblée préparatoire de Francfort. Il fut membre du Comité des 17 et prit une part des plus actives à ses travaux. Peu après Schmerling fut élu membre de l'assemblée de Francfort; et, lorsque l'archiduc Jean, vicaire de l'Empire, forma son premier cabinet, ce fut M. de Schmerling qui fut appelé à le présider. N'ayant pu contre-balancer l'influence croissante de la Prusse, Schmerling demanda à être rappelé en 1849. Après avoir encore occupé différents postes en Autriche, il se retira tout à fait lorsque M. de Beust reçut le pouvoir des mains de l'Empereur d'Autriche.

SCHULENBOURG (le comte Charles DE) **, 1788-1856. Lieutenant-colonel autrichien; troisième mari de la duchesse Wilhelmine de Sagan.

SCHIAVONE (Andrea), 1522-1582. Peintre et graveur, très protégé par le Titien. Il était né en Dalmatie.

SCHILLER, 1759-1805. Grand poète tragique et historien allemand.

SCHLEINITZ (le comte Alexandre DE) ***, 1807-1885. Diplomate et ministre en Prusse.

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SCHLEGEL (Auguste-Guillaume) ***, 1767-1845. Célèbre critique allemand, très attaché à Mme de Staël.

SCHLICK (François), 1789-1862. Comte de Bassano et de Weisskirchen, général autrichien qui fit les guerres contre Napoléon Ier. En 1844 il fut fait feld-maréchal et, après la révolution de Vienne en 1848, Schlick commanda la place de Cracovie. Il remporta alors avec des forces minimes plusieurs victoires sur les insurgés et se réunit ensuite à Windisch-Graetz ainsi qu'à Haynau pour contribuer aussi à la soumission de la Hongrie. Ayant reçu encore un commandement en 1859, il combattit aussi à Solferino.

SCHMETTAU (Mme DE), morte en 1854. Justine de Blücher épousa à Coblence en 1852 M. de Schmettau et mourut deux ans après son mariage.

SCHOENLEIN (le docteur) **, 1793-1864. Savant médecin natif de Zurich et plus tard établi à Berlin.

SCHOENBURG (la princesse Louise) **, 1803-1884. Née princesse de Schwarzenberg.

SchœNBORN (la comtesse DE), née en 1800. Ernestine, fille du comte de Kürnburg, mariée en 1822 au comte Charles de Schœnborn. Devenue veuve en 1841, la comtesse Schœnborn fut nommée grande-maîtresse de cour de l'archiduchesse Sophie d'Autriche.

SCHWANTHALTER (Louis-Michel), 1802-1848. Célèbre sculpteur allemand. Bavarois de naissance. Il laissa de nombreux ouvrages, ornant surtout la ville de Munich.

SCHWARZENBERG (le prince Félix) ***, 1800-1852. Diplomate autrichien et premier ministre après 1848.

SCHWARZENBERG (le cardinal-prince Frédéric DE), ***, 1807-1885. Prince-archevêque de Prague depuis 1849.

SCHWARZENBERG (le prince Charles-Philippe DE), 1771-1819. Feld-maréchal autrichien. Envoyé comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, puis à Paris, il y négocia le mariage de Napoléon Ier avec l'archiduchesse Marie-Louise en 1809. Dans un bal que le prince Schwarzenberg donnait en 1810, à l'occasion de cet événement, un incendie terrible éclata où il périt une foule de personnes, entre autres sa propre belle-sœur. Le prince Schwarzenberg commanda les troupes autrichiennes auxiliaires de celles de la France, pendant la campagne de Russie, puis il devint général en chef des troupes coalisées après la défection de l'Autriche.

SCHWARZENBERG (le prince Adolphe DE), 1799-1888. Landgrave princier de Kleggau, épousa en 1838 la princesse Éléonore de Lichtenstein.

SCHWERIN (le comte Maximilien) ***, 1804-1872. Homme d'État prussien, plusieurs fois ministre.

SCLOPIS (le comte), 1798-1859. Paul-Frédéric Sclopis di Salerano, natif de Turin, était un jurisconsulte du plus haut mérite. Membre de la commission nommée par le roi Charles-Albert, pour élaborer un 484 nouveau code civil dans le royaume de Piémont, Sclopis devint président de la commission pour la loi de la presse, puis ministre de la Justice en 1848 dans le cabinet Balbo. Après la démission de ce ministère, le comte Sclopis fut créé sénateur et devint président de ce Sénat. Président de l'Académie des sciences à Turin, il collabora à l'Antologia fondée à Florence: catholique fervent, Sclopis combattit la suppression des ordres religieux. En 1868, le roi lui accorda le collier de l'ordre de l'Annunziata. En 1872, dans la question de l'Alabama qui faillit faire éclater la guerre entre l'Amérique et l'Angleterre, le comte Sclopis fut nommé arbitre entre les deux nations.

SCLOPIS (la comtesse), née Avogadro, d'une très bonne famille de Novare.

SEEBACH (la comtesse DE), 1820-1888. Marie, fille du comte de Nesselrode, chancelier de Russie, épousa, en 1839, le comte Albin-Léon de Seebach, chambellan du roi de Saxe, ministre plénipotentiaire durant de longues années, à Paris, où il mourut en 1894.

SEIGNELAY (Jean-Baptiste Colbert, marquis DE), 1651-1691. Fils aîné du grand Colbert, auquel il succéda comme secrétaire d'État au département de la marine. Le marquis de Seignelay prit part à quelques-uns des faits d'armes de cette marine qu'il avait très puissamment organisée.

SERRANO (la maréchale), duchesse de la Torre, habitait Paris. Elle était célèbre par sa beauté et une vie un peu aventureuse.

SÉVIGNÉ (la marquise DE), 1636-1696. Marie de Rabutin-Chantal, une des femmes les plus distinguées du dix-septième siècle.

SEYMOUR (sir George Hamilton), 1797-1880. Diplomate anglais et petit-fils du premier marquis d'Hertford. Après avoir passé par plusieurs postes diplomatiques en Europe, sir Hamilton Seymour fut transféré en 1851 de Lisbonne à Saint-Pétersbourg où il eut avec l'empereur Nicolas Ier ces fameux entretiens secrets, communiqués à lord John Russell, et ensuite au Parlement, dans lesquels le Czar offrait à l'Angleterre de partager avec elle les dépouilles de l'empire turc. En 1855 sir Hamilton Seymour fut envoyé comme ambassadeur à Vienne et nommé membre du Conseil privé. En 1858 il prit sa retraite.

SEYMOUR (Lady Gertrude), fille du duc Dacre, mariée en 1831 à sir George Hamilton Seymour, diplomate anglais.

SHELLEY (Lady Suzanne), fille de Stephen-Martin, avait épousé en 1843 sir Spencer-Shelley.

SHREWSBURY (lord Bertram-Arthur), 17e lord. Shrewsbury mourut sans enfants et laissa la partie disponible de sa fortune au second fils du duc de Norfolk.

SINGLIN (Antoine), 1600-1664. Ascète de la Société de Port-Royal et directeur de la maison de Paris. Lié d'amitié avec Saint-Cyran et Gondi, Singlin tenait rang parmi les prédicateurs de cette époque. Ses 485 sermons attiraient la foule et il avait des pénitents des classes les plus élevées. Antoine Singlin fut interdit par l'archevêque de Paris en sa qualité de Janséniste. Il quitta Paris en 1661 et se retira dans une terre appartenant à la duchesse de Longueville.

SOPHIE D'AUTRICHE (l'archiduchesse) **, 1805-1872. Fille du roi Max de Bavière, épousa en 1824 l'archiduc François.

SOPHIE-CHARLOTTE (la Reine), 1668-1705. Fille d'Ernest-Auguste, électeur de Hanovre, épouse de Frédéric Ier, Roi de Prusse, dont elle fut la seconde femme.

SOUVAROFF (Alexis Vialiéwitch, comte DE), 1729-1800. Général dans l'armée russe, Souvaroff fit toutes les guerres contre la Turquie, soumit les Tartares-Nogaïs de la Crimée et battit l'armée polonaise, en 1794, commandée par Kosciusko. Avant de prendre possession de Varsovie, Souvaroff fit un carnage effroyable des habitants du faubourg de Praga. En 1799, Souvaroff fut envoyé, comme généralissime, en Italie où il obtint d'abord des succès contre les Français; mais Masséna sut ensuite le refouler en Suisse. Souvaroff revint alors en Russie, y mourut peu après, mécontent et en disgrâce.

SPONNECK (Guillaume-Charles, comte DE), 1815-1888. Homme d'État et économiste danois. En 1850 il était ministre des Finances en Danemark, et ce fut le comte Sponneck qui accompagna le Roi Georges en Grèce.

STAEL (Mme DE) *, 1766-1817. Née Necker, célèbre par ses talents et son exil.

STANLEY (Lord Edward-Henry-Smith), 1826-1893. Fils aîné de lord Derby (Edward-Geoffrey Stanley, mort en 1869). Envoyé à vingt-deux ans à la Chambre des Communes, lord Stanley y siégea avec les tories dont son père était le chef. En 1869, à la mort de son père, il prit le titre de lord Derby et suivit la politique de M. Disraëli.

STOLBERG-WERNIGERODE (le comte Henri DE) ***, 1772-1854. Ministre d'État en Prusse.

STRATFORD DE REDCLIFFE (lord Canning, vicomte DE), 1786-1880. Diplomate anglais, cousin du célèbre Canning. Après avoir occupé plusieurs postes, lord Stratford devint ambassadeur auprès du Sultan; il y travailla à réconcilier la Russie avec la Turquie et se retira ensuite à Navarin. Redevenu ambassadeur à Constantinople, de 1841 à 1858, il appuya la Porte qui refusait de livrer les réfugiés hongrois et prit une part prépondérante aux négociations qui amenèrent l'alliance franco-anglaise et la guerre de Crimée. En 1852, lord Stratford fut élevé à la pairie en Angleterre.

STRAUSS (Victor), 1809-1899. D'abord théologien, Strauss devint, depuis 1850, ministre de la principauté de Schaumburg-Lippe à la Diète de Francfort. Partisan de la politique autrichienne, Strauss était détesté de Bismarck et de la cour de Berlin.

486

STRIKLAND (Miss Agnès), 1806-1874. Femme de lettres, auteur de plusieurs ouvrages historiques, entre autres de la biographie des reines d'Angleterre et d'Écosse.

SUE (Eugène), 1804-1857. Célèbre romancier français, auteur des Mystères de Paris et du Juif Errant.

SUÈDE (la princesse Amélie DE) ***, 1805-1853, sœur du prince Gustave de Wasa, père de la Reine Carola de Saxe.

SUÈDE (le Roi Oscar Ier DE), 1799-1859, succède à son père le Roi Charles XIV en 1844. En 1829, ce prince avait épousé la princesse Joséphine de Leuchtenberg, fille du prince Eugène de Beauharnais.

SUÈDE (le prince Oscar DE), duc d'Ostrogothie, 1829-1907. En 1872 ce prince monta sur le trône de Suède. En 1857, il avait épousé la princesse Sophie de Nassau.

T

TALBOT (lord Edmond Bernard), né en 1855, second fils du quatorzième duc de Norfolk, adopta, avec l'autorisation de la Reine en 1876, les noms et les armes de Talbot. Il était officier dans l'armée anglaise et avait épousé, en 1879, lady Mary, fille de lord Montagu-Bertie des earls of Abingdon.

TALLEYRAND (le prince DE) *, 1754-1838. Charles-Maurice, prince de Bénévent.

TALLEYRAND (le baron, puis comte Charles DE) ***, 1821-1896. Diplomate français.

TALLEYRAND (la comtesse Louis DE), 1819-1855. Stéphanie de Pommereu, mariée en 1839 au comte Louis de Talleyrand.

Tański (Joseph), 1805-1888. Patriote et publiciste polonais. Après avoir pris une part active à la révolution de 1830, Joseph Tański se réfugia en France où il fut incorporé, comme officier, dans la Légion étrangère et devint capitaine en combattant contre Abd-el-Kader, et en Espagne contre les carlistes. Joseph Tański entra alors dans la presse et devint collaborateur du journal des Débats. Pendant la guerre de Crimée, à laquelle il prit part, Joseph Tański organisa une direction d'informations militaires qui rendit les plus précieux services à l'armée des alliés. A la fin de 1870, il fonda l'Avenir militaire, dans lequel Tański s'occupa de la réforme et de la réorganisation de l'armée française. Il a laissé plusieurs ouvrages et s'était fait une place très honorable, comme publiciste.

THEIMER (Augustin), 1804-1874. Théologien allemand, prêtre de l'Oratoire à Rome, il devint Conservateur des archives secrètes du Saint-Siège. Le père Theimer écrivit une Histoire du Pontificat du pape Clément XIV, qui avait aboli les Jésuites. Il se vit alors accusé par les Pères de cet ordre de procurer aux évêques de l'opposition, pendant le Concile du Vatican (1869-1870), les documents nécessaires pour combattre le 487 dogme de l'infaillibilité du Pape; il se retira alors de sa charge d'archiviste en 1870.

THIERS (Adolphe) *, 1797-1877. Homme d'État et historien français, membre de l'Académie française.

THIERS (Mme), 1815-1880, née Mlle Élise Dosne.

THOUVENEL (Édouard-Antoine), 1818-1866. Homme d'État français et diplomate. Ministre à Athènes en 1850, il vit arriver au Pirée une escadre anglaise qui venait appuyer les réclamations du juif Pacifico et ce fut alors M. Thouvenel qui organisa la défense de la cour d'Athènes. Après avoir été ambassadeur à Constantinople de 1855 à 1860, Thouvenel fut nommé ministre des Affaires étrangères, et c'est sous son administration qu'eurent lieu l'annexion du comté de Nice, celle de la Savoie, la reconnaissance du royaume d'Italie, l'expédition de Syrie et la conclusion de plusieurs traités de commerce.

THUN (le comte Frédéric DE), 1810-1881. Diplomate autrichien. Le comte Thun fut ministre à Berlin, puis ambassadeur à Saint-Pétersbourg. Il avait épousé la comtesse Léopoldine de Lamberg.

TOCQUEVILLE (le comte Alexis-Clérel DE) **, 1805-1859. Député français et historien distingué, membre de l'Académie française.

TORENO (la comtesse DE), 1810-1858. Dona Isabel-Gayaso, fille du marquis Camarasa, dame de S. M. la Reine Isabelle d'Espagne, épousa le comte de Toreno. Celui-ci était de très grande famille et homme d'État considérable en Espagne, où il fut président du Conseil en 1835. Il était à la fois écrivain très considéré et grand orateur.

TOSCANE (le grand-duc DE) **, 1797-1870. Léopold II, archiduc d'Autriche, succéda à son père en 1824.

TOSCANE (la grande-duchesse mère DE), 1814-1898. Marie-Antoinette, fille du roi des Deux-Siciles, François Ier, épousa en 1833 Léopold II, grand-duc de Toscane, qui abdiqua en 1859 en faveur de son fils Ferdinand.

TOSCANE (le prince héréditaire DE), 1837-1908. Ferdinand IV, fils du grand-duc Léopold II, qui abdiqua en faveur de ce prince en 1859. Il épousa, en premières noces, une princesse de Saxe et, en deuxièmes noces, une princesse de Parme.

TROCHU (le général), 1815-1895. Louis-Jules Trochu fut toujours voué à la carrière militaire. Envoyé en Algérie en 1840, comme lieutenant d'état-major, Trochu y fit plusieurs campagnes comme aide de camp de Lamoricière, puis, comme attaché au maréchal Bugeaud. Membre de l'état-major de Saint-Arnaud, il fit ainsi la guerre de Crimée. Nommé en 1870 gouverneur de Paris, il dut y subir tout le siège, et se retira, après la chute de la capitale, dans la ville de Tours, où il vécut ignoré et éloigné du monde le reste de sa vie.

TYLER (Mrs Julie), 1821. Julie Gardiner, fille aînée de David Gardiner 488 (qui périt par suite d'une explosion à bord du vaisseau Princeton), épousa en 1844, à New-York, le président Tyler un an avant la fin de son gouvernement.

U

USEDOM (le comte D') ***, 1805-1884. Diplomate prussien.

V

VAILLANT (le maréchal), 1790-1872. Comme jeune officier, Vaillant avait déjà combattu à Waterloo en 1815. En 1830, il fut blessé à la prise d'Alger, devint colonel en 1832 pendant le siège d'Anvers et enfin lieutenant général en 1845. En 1849, Vaillant fut chargé de diriger le siège de Rome; il fut créé maréchal de France en 1851, sénateur et membre de l'Académie des sciences en 1853. Vaillant fut ministre de la guerre de 1854 à 1859 et remplit les fonctions de major général pendant la campagne d'Italie. De 1860 à 1870 le maréchal Vaillant fut ministre de la maison de l'Empereur Napoléon III.

VALENÇAY (le duc DE) *, 1811-1898. Louis de Talleyrand-Périgord, duc de Talleyrand et de Sagan, fils aîné de la duchesse de Dino.

VAN DER MEULEN (Antoine-François), 1624-1690. Peintre de batailles, né à Bruxelles. Colbert l'appela en France, et Lebrun lui fit épouser sa nièce.

VARENNES (Le baron Burignot DE), 1795-1873. Ministre de France en Mecklembourg, lors du mariage de la princesse Hélène avec le duc d'Orléans, M. de Varennes passa ensuite en Portugal, où il resta jusqu'en 1848, puis remplaça à Berlin, en 1852, M. de Persigny comme ministre de France. En 1855, M. de Varennes entra au Sénat.

VEUILLOT (Louis), 1813-1883. Littérateur et journaliste français, fils d'un pauvre tonnelier, rédacteur en chef du journal l'Univers. Au nom de l'ultramontanisme, Louis Veuillot y attaqua avec une violence inouïe le parti des catholiques qui n'approuvait pas ses tendances, et ne se rangeait pas à l'avis de l'Univers.

VICENCE (la duchesse DE), 1785-1876. Adrienne Carbonnel de Canisy, épousa en 1814 le comte Armand de Caulaincourt, duc de Vicence.

VICTORIA Ire (la reine) *, 1819-1901, monta sur le trône d'Angleterre en juin 1837.

VIEUXTEMPS (Henri), 1820-1881. Célèbre violoniste, né à Bruxelles. Artiste de premier ordre et du talent le plus brillant.

VILLAMARINA (le marquis Salvator DE), 1813-1877. Ministre de Sardaigne à Paris depuis 1853 et second plénipotentiaire du Piémont, au Congrès de Paris, en 1856, où Cavour occupait le premier rang.

VILLEMAIN (Abel-François) *, 1790-1870. Écrivain français, membre de l'Académie française.

VINCKE (le baron Frédéric-Georges-Ernest DE), 1811-1875. Homme politique prussien. L'activité que 489 M. de Vincke déploya aux premières Diètes prussiennes attira l'attention générale. Vincke défendit, avec une violence extrême, les opinions constitutionnelles et prit une part vive aux luttes révolutionnaires: député à la seconde Chambre prussienne en 1849, il y combattit toujours la politique du ministère.

VISCONTI (Louis-Joachim) ***, 1791-1863. Architecte d'origine italienne mais naturalisé Français.

VOGÜÉ (la comtesse DE), née Mlle de Damas, fille du duc Charles de Damas et de Mlle de Langeron. Elle épousa en premières noces le comte de Vogüé dont elle eut un fils, et en deuxièmes noces le comte de Chastellux dont elle eut deux filles. Mme de Vogüé, comme Mme de Damas, sa mère, était remplie d'esprit; elles avaient toutes les deux un salon très fréquenté à Paris.

W

WAGRAM (Berthier, prince DE), 1810-1887. Fils du maréchal Berthier, le prince de Wagram succéda à son père en 1815 dans sa dignité de pair de France. N'ayant que cinq ans à cette époque, il ne put siéger qu'en 1836. Le gouvernement de Louis-Philippe le fit, en 1846, chevalier de la Légion d'honneur et, en 1852, le prince de Wagram entra au Sénat constitué par Napoléon III.

WAGRAM (Mlle DE), 1832-1884. Maley-Berthier, fille du prince de Wagram, épousa le prince Jérôme Murat en 1854, dont elle fut la première femme.

WALEWSKI (le comte) **, 1810-1868. Homme politique français.

WALEWSKA (la comtesse), née à Florence en 1823. Mlle Anna-Alexandra de Ricci épousa, en 1846, le comte Walewski, qui était alors veuf de lady Caroline Montagu, fille de lord Sandwich. Après la mort du comte Walewski, en 1868, sa veuve se remaria avec M. Alexandro.

WALDERSÉE (le comte Frédéric-Gustave DE), 1795-1866, lieutenant-général dans l'armée prussienne. Il fut pendant quelque temps ministre de la guerre.

WALLMODEN-GIMBORN (le comte Louis DE) ***, 1769-1862. Feld-maréchal autrichien qui commanda le corps d'armée dans l'Italie supérieure durant de longues années.

WALSCH (M. Olivier), chambellan de l'empereur Napoléon III. Son frère avait épousé la veuve du marquis d'Aramon.

WASA (le prince Gustave DE) ***, 1790-1877, épousa en 1830 la princesse Louise de Bade, fille aînée de la grande-duchesse Stéphanie de Bade.

WASA (la princesse) **, 1811-1854. Louise, fille du grand-duc Charles de Bade et de la grande duchesse Stéphanie.

WEDEL (le général DE), 1785-1861. Général prussien, gouverneur du Luxembourg, chevalier de l'ordre de l'Aigle noir, aide de camp général du Roi Frédéric-Guillaume IV.

WELLESLEY (la marquise DE), morte 490 en 1853. Marianne, fille d'un Américain de Philadelphie, mariée en premières noces à Robert Paterson, fils d'Élisabeth Paterson et de Joseph Bonaparte, roi de Westphalie. Devenue veuve, elle épousa, en 1825, Richard, marquis de Wellesley, qui fut gouverneur des Indes, et dont elle devint la seconde femme.

WELLINGTON (le duc DE) *, 1769-1852. Général anglais, vainqueur à la bataille de Waterloo en 1815.

WESTMORLAND (lord), 1811-1859. Lord John Burghersh *, devint comte de Westmorland après la mort de son père.

WESTMORLAND (Lady) ***, 1793-1879. Anne, fille du baron Maryborough, frère du duc de Wellington.

WESTPHALEN (M. DE), 1799-1876. Fut ministre de l'Intérieur en Prusse de 1850 à 1858, et devint en 1854 membre de la Chambre des seigneurs.

WINDISCH-GRAETZ (le prince Alfred), 1787-1862, général autrichien; après avoir réprimé le soulèvement de Vienne, en 1848, il fut fait feld-maréchal.

WINDISCH-GRAETZ (la princesse Mathilde DE), née en 1835. Fille du maréchal Windisch-Graetz; elle épousa en 1857 son cousin le prince Charles Windisch-Graetz, qui fut tué en 1859 à la bataille de Solferino en Italie.

WINTER (M. DE). Fut ministre de l'Intérieur en Prusse, de 1859 à 1860, et, après le duel Manteuffel, nommé président de la police à Berlin.

WINTERHALTER (François-Xavier), 1806-1873, peintre et portraitiste allemand, établi à Paris. Sous le règne de Louis-Philippe il fit plusieurs portraits de la famille royale; mais il fut surtout en vogue sous le règne de Napoléon III, ayant fait plusieurs beaux portraits de l'Impératrice Eugénie.

WITTGENSTEIN (la princesse Léonille DE), née en 1816, fille du prince Ivan Bariatinsky et de la comtesse Wilhelmine Keller; elle épousa en 1834 le prince Louis de Sayn-Wittgenstein, dont elle devint veuve en 1866.

WRANGEL (le maréchal, comte DE), 1784-1877. Commandant des troupes allemandes en Holstein pendant l'année 1848. Wrangel sut la même année contenir la populace fort menaçante de Berlin sans verser de sang. En 1863 il commanda le corps d'armée prussien contre le Danemark.

WURTEMBERG (le Roi Guillaume Ier DE) *, 1781-1864, monté sur le trône en 1816.

WURTEMBERG (le prince Auguste) **, 1813-1885. Officier prussien. Il prit une grande part aux guerres de 1866 et de 1870, comme commandant du corps de la garde de Prusse.

WURTEMBERG (le prince royal DE) ***, 1823-1891. Charles, fils du Roi Guillaume Ier, auquel il succéda, en 1864, sur le trône de Wurtemberg.

WURTEMBERG (la princesse royale DE). 1822-1892. Olga, fille de l'empereur Nicolas de Russie. 491 Cette princesse, d'une beauté très remarquable, épousa, en 1846, Charles, prince royal de Wurtemberg, qui monta sur le trône en 1864. Ils n'eurent jamais d'enfant.

Z

ZAMOYSKI (le général), 1803-1868. Le comte Ladislas Zamoyski, général de division au service anglais, avait servi dans l'armée polonaise en 1830.

ZEDLITZ (le baron Joseph-Chrétien DE) ***. 1790-1861. Officier dans l'armée autrichienne; poète fort apprécié.

ZEDLITZ (M. DE), né en 1813, préfet de police à Berlin de 1856 à 1861.

ZICHY DE VASONYKEÖ (le comte Eugène DE) ***, 1809-1848. Il fut accusé d'espionage par les Hongrois insurgés qui le mirent à mort.

ZICHY DE VASONYKEÖ (le comte Joseph DE), 1814-1897. Epousa, en 1853, la princesse Mélanie de Metternich, fille du chancelier d'Autriche.

492

493

TABLE GÉNÉRALE
DES NOMS CITÉS DANS LES QUATRE VOLUMES DE LA CHRONIQUE

A

ABD-EL-KADER (L'émir),
II, 168;
III, 323.

ABERCROMBY (George-Ralph),
I, 94, 119, 120, 145, 165.

ABERDEEN (Lord),
I, 146;
III, 155, 225;
IV, 124.

ABERGAVENNY (Earl of),
I, 6, 7.

ABRANTÈS (La duchesse d'),
I, 340.

ABZAC (Le général marquis d'),
IV, 409.

ACERENZA (La duchesse Jeanne d'),
II, 279, 332, 338;
III, 295.

ACTON (Lady),
II, 340.

ADAMS (Le président),
II, 451.

ADÉLAÏDE d'ORLÉANS (Madame),
I, 29, 33, 243, 278, 310, 314, 318, 324, 326, 356, 358, 362, 373, 376, 383, 387, 395;
II, 2, 16, 30, 47, 49, 74, 79, 84, 85, 87, 94, 106, 117, 129, 140, 150, 151, 157, 160, 180, 186, 195, 197, 213, 223, 262, 320, 363, 364, 369, 379, 381, 397;
III, 20, 37, 55, 63, 192, 201, 202, 209, 213, 219, 225, 264, 265, 268, 322, 324,332;
IV, 277.

ADOLPHE DE NASSAU (Empereur d'Allemagne),
I, 343, 346.

AFFRE (Monseigneur),
II, 348, 361, 366, 428, 441;
III, 4, 5, 22, 23, 27, 44, 98, 105.

AGOULT (La vicomtesse d'),
I, 72;
II, 379;
III, 50.

AILESBURY (Lord),
III, 38.

AILESBURY (Lady),
III, 38.

ALAVA (Le général don Ricardo),
I, 51, 54, 215, 234, 359, 371, 380;
II, 9, 38, 47, 183, 337;
III, 130, 131, 204, 207, 304.

ALBANY (La comtesse d'),
I, 193, 194.

ALBE (Le duc d'),
IV, 387.

ALBUFÉRA (La duchesse d'),
II, 117, 126, 151, 156, 339, 347, 352, 361, 376, 387, 389, 394, 417, 437;
III, 24, 97, 98, 99, 125, 127, 131, 155, 185, 280;
IV, 16, 33, 35, 73, 77, 92, 130, 255, 268, 304.

ALCUDIA (Le duc d'),
I, 209.

ALDBOROUGH (Lady),
I, 103, 104, 333;
III, 38.

ALEXANDRE Ier (Empereur de Russie),
I, 332;
II, 335;
III, 301.

ALFIERI (Le comte Victor),
I, 193, 378.

494

ALIBAUD,
II, 66, 67, 69, 70, 78, 99, 116, 182.

ALLEGRI (Grégoire),
IV, 162.

ALLEN (George),
I, 99, 103, 122.

ALTENSTEIN (Le baron Charles D'),
II, 321.

ALTHORP (Lord),
I, 92, 101, 102, 161, 163, 164, 165, 168, 170, 177, 179.

ALTON-SHÉE (Le comte Édouard D'),
II, 390;
III, 50, 325.

ALVANLEY (Lord),
I, 197, 368.

ALVENSLEBEN (Le comte D'),
III, 284;
IV, 177.

AMÉLIE D' ANGLETERRE (La princesse),
I, 170.

AMPÈRE (M.), I, 338;
III, 221.

ANCELOT (M.),
III, 42;
IV, 194.

ANCILLON (M.),
II, 44, 49, 50, 55, 63, 119, 121, 142, 143.

ANCILLON (Mme),
II, 119.

ANDILLY (Arnauld D'),
II, 44, 196.

ANDRAL (Le docteur),
III, 57, 258.

ANDRAL (Mme),
II, 138.

ANDREA DEL SARTO,
IV, 107.

ANGLETERRE (La reine Adélaïde D'),
I, 56, 113, 149, 150;
II, 168, 179;
III, 67, 318, 391.

ANGLETERRE (Le prince Albert D'),
III, 32.

ANGLETERRE (La reine Charlotte D'),
II, 168.

ANGLETERRE (le roi Guillaume IV D'),
I, 66, 68, 70, 78, 106, 131, 144, 172, 198;
II, 34, 144, 156, 160;
III, 318.

ANGLONA (Le prince D'),
II, 183.

ANGOULÊME (Le duc D'),
II, 40, 110.

ANGOULÊME (La duchesse D'),
II, 40;
III, 253;
IV, 26, 27.

ANHALT-DESSAU (La duchesse D'),
III, 103.

ANNE D'AUTRICHE (Reine de France), I, 36, 43; II, 97.

ANNE DE BRETAGNE (Reine de France),
II, 165.

ANTONELLI (Le cardinal), IV, 297, 315, 362, 376.

ANTONIO (L'infant d'Espagne),
I, 239.

ANTROBUS (Lady),
I, 374.

APPONYI (Le comte),
II, 1, 15, 127, 395, 409;
III, 52, 109, 115;
IV, 81, 89.

APPONYI (La comtesse Annette),
I, 395;
III, 52, 97, 115.

ARAGO (M.),
III, 148, 248, 360, 368, 370.

ARBUTHNOT (Mrs),
I, 209, 230.

ARCO (La comtesse D'),
II, 113.

ARENBERG (La duchesse D'),
I, 366, 367.

ARENBERG (Le prince Pierre D'),
I, 347;
III, 27, 71, 79, 132, 133, 134, 238, 239;
IV, 17, 101.

ARENBERG (La princesse Pierre D'),
I, 349;
III, 132, 219, 230.

ARENBERG (Le duc Prosper-Louis D'),
I, 366.

ARGENSON (Le comte D'),
I, 251.

ARGOUT (Le comte D'),
II, 90; III, 242, 247.

ARJUZON (Le comte D'),
IV, 64.

ARNAULD (La mère Angélique de Saint-Jean),
II, 44.

ARNAULD (Antoine),
II, 44.

ARNAULD (La mère Marie-Angélique de Sainte-Madeleine),
II, 44.

ARNAULT,
I, 246.

ARNFELD (Le baron D'),
III, 287.

ARNIM-BOITZENBURG (Le comte D'),
III, 408, 409, 410, 453.

ARNIM-HEINRICHSDORF (Le baron Henri D'),
II, 281;
III, 104, 113, 184, 351.

ARNIM-HEINRICHSDORF (Le comte Henri D'),
IV, 3.

ARSOLI (Le prince D'),
II, 150.

ARSOLI (La princesse D'),
II, 187.

ARTOIS (Le comte D'),
I, 298;
III, 471, 472, 473, 474, 475.

ASHLEY (Sir),
I, 40.

ASSELINE (Adolphe),
III, 34.

ASTON (Le comte),
III, 152, 157.

ATHALIN (Le général baron),
I, 359;
II, 146.

495

AUBUSSON DE LA FEUILLADE (Le comte D'),
I, 393.

AUBUSSON (Mlle Noémie D'),
II, 418.

AUDIN,
III, 95.

AUERSPERG (La princesse D'),
III, 301.

AUERSWALD (Rodolphe D'),
IV, 293, 315, 321, 335, 393, 406, 424.

AUGEREAU (Le maréchal),
I, 257.

AUGIER (Émile),
IV, 253.

AUGUSTE D'ANGLETERRE (La princesse),
I, 5, 172, 211;
II, 131.

AUGUSTENBERG (La duchesse D'),
III, 327.

AUMALE (Le duc D'),
I, 385;
II, 178, 372;
III, 35, 37, 45, 117, 192, 268, 280;
IV, 10, 59, 285, 353.

AUMALE (La duchesse D'),
III, 447;
IV, 10.

AUSTIN (Sarah),
II, 336.

AUTRICHE (L'archiduc Albert D'),
III, 309.

AUTRICHE (L'impératrice Caroline D'),
II, 63.

AUTRICHE (L'archiduc Charles D'),
II, 49-56, 69.

AUTRICHE (L'impératrice Élisabeth D'),
IV, 120 , 121 , 122 , 382.

AUTRICHE (L'archiduchesse Élisabeth D'),
III, 399;
IV, 90.

AUTRICHE (L'empereur Ferdinand Ier),
I, 383;
II, 69.

AUTRICHE (L'empereur François II D'),
III, 161.

AUTRICHE (L'archiduc François-Charles D'),
II, 69;
III, 348.

AUTRICHE (L'archiduc Jean D'),
III, 352, 354, 382.

AUTRICHE (L'archiduc Léopold D'),
IV, 6.

AUTRICHE (L'archiduc Louis-Joseph D'),
I, 383.

AUTRICHE (L'archiduchesse Marguerite D'),
IV, 291.

AUTRICHE (L'archiduchesse Marie D'), Duchesse de Brabant,
IV, 112, 116, 119, 151, 152, 186.

AUTRICHE (L'archiduchesse Marie-Louise D'), plus tard l'impératrice des Français,
I, 258, 332;
II, 65.

AUTRICHE (L'archiduc Max D'),
III, 446;
IV, 228, 260, 316, 383.

AUTRICHE (L'archiduchesse Sophie D'),
I, 383;
II, 55, 69;
III, 311, 367, 445, 446;
IV, 51, 87, 94, 101, 113, 114, 227, 228.

AUTRICHE (L'archiduchesse Thérèse D'), plus tard reine de Naples,
II, 56, 79, 122, 182.

AVENAS (Mme D'),
IV, 77, 214.

AVIGDOR (Jules),
IV, 79.

AYEN (Le duc D'),
IV, 235.

AYEN (La duchesse D'),
IV, 235.

B

BACH (Le baron),
III, 444.

BACKHOUSE (John),
I, 127, 128, 207.

BACOURT (M. DE),
I, 32, 45, 365, 382;
III, 471, 474.

BADE (La princesse Alexandrine DE),
III, 161.

BADE (Le prince-régent Frédéric-Guillaume DE),
IV, 230.

BADE (Le grand-duc Léopold DE),
II, 348;
III, 369, 427, 431.

BADE (La princesse Marie DE), plus tard marquise de Douglas, duchesse de Hamilton,
II, 285, 348, 354, 355, 356;
III, 65, 67, 142, 146, 149, 156, 157, 160, 231, 235, 272, 420;
IV, 40, 43, 76, 303, 396, 400.

BADE (La grande-duchesse Stéphanie DE), née de Beauharnais,
I, 382;
II, 81, 105, 127, 195, 198, 272, 328, 351, 353;
III, 65, 66, 67, 69, 139, 141, 143, 149, 150, 154, 158, 159, 160, 161, 170, 171, 172, 192, 236, 271, 272, 273, 368, 369, 420;
IV, 40, 42, 114, 133, 259, 342.

BAGRATION (La princesse),
II, 157, 160.

496

BAILLOT (M.),
I, 48.

BALBI (La comtesse DE),
I, 324, 325;
II, 76, 204.

BALBI-SENAREGA (Le marquis DE),
IV, 224.

BALLANCHE (M.),
II, 438;
III, 66, 167, 181;
IV, 334.

BALZAC (Honoré DE),
II, 108;
III, 308.

BAOUR-LORMIAN (M.), IV, 194.

BARANTE (Le baron DE),
I, 385;
II, 63, 87, 163, 393, 403;
III, 11, 118, 121, 150, 154, 155, 164, 167, 168, 174, 181, 189, 190, 193, 195, 214, 222, 225, 227, 239, 247, 252, 284, 301, 321, 325;
IV, 12, 17, 19.

BARANTE (La baronne DE),
II, 407.

BARBÈS (M.),
III, 370.

BARBEY DE JOUY (M.),
II, 357.

BARING (Sir Francis),
III, 38, 39.

BARING (Lady),
III, 38.

BAROCHE (M.),
IV, 301.

BARRINGTON (Charles),
I, 121.

BARRINGTON (Mme),
IV, 240.

BARROT (Odilon),
I, 311;
II, 124, 130, 219, 298, 394, 405, 420, 421, 423, 424, 428, 438;
III, 11, 222, 242;
IV, 200.

BARRY (Le docteur),
III, 284.

BARTHE (Ministre),
I, 322;
II, 18, 116, 219.

BARTHOLONY (M.),
I, 345.

BASSANO (Le duc DE),
I, 227, 228, 246, 277, 278, 280, 283, 293;
III, 38.

BASSANO (La duchesse DE),
I, 228.

BASTARD (Le comte DE),
I, 322.

BASTIDE (Jules),
II, 75.

BATHURST (Lord),
I, 208.

BATHURST (Lady Georgina),
II, 34.

BATTHYANY (La comtesse),
I, 7, 163;
II, 390.

BAUDRAND (Le général comte),
I, 2, 259, 260, 291;
II, 15, 65, 162, 213, 214;
III, 250, 255.

BAUDRAND (Mme, modiste),
II, 124.

BAUFFREMONT (La duchesse DE),
II, 150, 418;
III, 53.

BAUFFREMONT (Le prince Gontran DE),
II, 418.

BAUFFREMONT (La princesse Laurence DE),
II, 225, 366;
IV, 212.

BAUSSET (Le cardinal DE),
II, 196, 335.

BAUTAIN (L'abbé),
II, 97, 355, 362.

BAVIÈRE (Le prince royal DE), plus tard roi Maximilien II,
II, 56;
III, 156, 233, 274, 373;
IV, 177.

BAVIÈRE (La reine douairière Caroline DE),
II, 49;
III, 161.

BAVIÈRE (La princesse Hildegarde DE),
III, 309.

BAVIÈRE (Le roi Louis Ier DE),
II, 343;
III, 274, 441, 443.

BAVIÈRE (Le duc Maximilien DE),
IV, 122.

BAVIÈRE (La duchesse Maximilien DE),
IV, 120.

BAVIÈRE (La reine Thérèse DE),
II, 343;
III, 443.

BÉARN (Le prince DE),
IV, 65.

BEAUCHESNE (M. DE),
IV, 67.

BEAUFORT (Le duc DE),
III, 122.

BEAUHARNAIS (Eugène DE), duc de Leuchtenberg,
I, 333;
III, 442.

BEAUHARNAIS (Hortense DE),
I, 332.

BEAUMONT (Léon DE), dit Fanfan,
II, 335.

BEAUVALE (Lord),
III, 28, 48, 83.

BEAUVAU (Le prince Marc DE),
II, 418.

BEAUVAU (La maréchale, princesse DE),
II, 366, 367.

BEAUVAU-CRAON (La princesse DE),
IV, 250.

BEAUVILLIERS (La duchesse DE),
I, 312.

BECKETT (Thomas),
I, 354.

BECKX (Le père),
IV, 119.

BEDEAU (Le général),
IV, 271.

BEDFORD (Le duc DE),
I, 81, 99, 195, 196, 212, 213.

BEDFORD (La duchesse DE),
I, 80.

BEDMAN (Le marquis DE),
IV, 70, 84, 86.

BEGAS (Charles-Joseph), II, 322.

497

BEIRA (La duchesse DE),
I 127, 192.

BELFAST (Lady),
I, 4.

BELGES (La princesse Charlotte DES),
IV, 237.

BELGES (La reine Louise DES), princesse d'Orléans,
I, 362, 363, 386;
II, 75, 120, 177;
III, 396, 426, 428, 451, 453;
IV, 110.

BELGIOJOSO (La princesse),
II, 29;
III, 234, 254, 303.

BELLINI (Jean),
IV, 105, 107.

BELLUNE (Le duc DE),
III, 42.

BELMONT (Le marquis DE),
IV, 64.

BEM (Le général),
III, 376.

BENACET (M.),
III, 96.

BENDEMANN,
II, 329.

BENEDECK (Le général DE),
IV, 97.

BENKENDORFF (Le général DE),
I, 86;
II, 295.

BENKENDORFF (Le comte Constantin DE),
IV, 244.

BENNINGSEN (Le comte DE),
III, 419, 420.

BÉRENGER (Mlle Élisabeth DE),
I, 67.

BERG (Le général comte),
IV, 121.

BERGAMI,
I, 82, 83.

BERGERON (Louis),
I, 396;
II, 402.

BÉRIOT (M. DE),
III, 299.

BERNARD (Le baron Simon),
II, 94, 96.

BERNARD (Samuel),
III, 121.

BERNSTORFF (Le comte DE),
III, 184, 382, 415, 426, 454, 456;
IV, 315, 405, 406, 422.

BERRY (Le duc DE),
I, 355;
II, 158.

BERRY (La duchesse DE),
I, 22, 28, 72, 246, 273, 338, 367;
III, 97;
IV, 102, 103, 106, 107, 109.

BERRYER (Antoine),
I, 338, 367;
II, 4, 11, 20, 22, 25, 27, 28, 30, 38, 81, 83, 136, 219, 367, 389, 390, 420, 424, 425, 426, 438;
III, 50, 132, 187, 242;
IV, 10, 40, 42, 198, 199, 200.

BERTIN DE VEAUX,
I, 19, 34, 206, 240, 267, 291, 306;
II, 36, 37, 42;
III, 15, 16, 45, 118, 185.

BERTIN DE VEAUX (Mme),
II, 116.

BERTIN DE VEAUX (Le général Auguste),
III, 15, 45, 118.

BERTRAND (Le général),
II, 434.

BÉRULLE (Le cardinal DE),
I, 389.

BERWICK (La duchesse DE),
II, 418.

BETHMANN-HOLWEG (M. DE),
III, 407;
IV, 172, 321.

BÉTHYSY (Le marquis DE),
III, 44, 58.

BEUST (Le comte DE),
III, 378, 448.

BIGNON (Le baron),
I, 119, 120, 125, 311.

BIGNON (François),
III, 238.

BILLAULT (M.),
IV, 375, 397.

BILZ (Mlle DE),
II, 354.

BINZER (Mme DE),
II, 269;
III, 116, 446.

BIRON (Le duc Armand-Louis DE),
I, 297.

BIRON (Le marquis Henri DE),
II, 262.

BIRON (La princesse DE),
I, 68;
II, 331.

BIRON-COURLANDE (Le prince Calixte DE),
III, 300.

BIRON-COURLANDE (Le prince Charles DE),
II, 386.

BIRON-COURLANDE (La princesse Fanny DE),
II, 325;
III, 96, 113, 114, 120, 123, 130, 132, 135, 138, 142, 143, 149, 152, 160, 162, 176, 205, 212, 213, 300, 307.

BIRON-COURLANDE (Le prince Pierre DE),
III, 300.

BISMARCK-SCHœNHAUSEN (Le prince DE),
IV, 161, 162, 190.

BIXIO (M.), IV, 126, 296.

BJOERNSTJERNA (M.),
I, 76, 77.

BJOERNSTJERNA (La comtesse DE),
II, 334.

BLACAS (Le duc DE),
I, 28, 129, 159.

BLITTERSDORF (Le baron DE),
II, 344, 345, 346, 349.

BLUCHER DE WAHLSTADT (Le maréchal prince DE),
IV, 96.

BLUM (Robert),
III, 386.

BOBOLA (Le Père André),
IV, 134, 135.

498

BODELSCHWING (M. DE),
III, 425.

BODELSCHWING (Mlle DE),
III, 438.

BOEGER (Le docteur),
IV, 291.

BOIGNE (La comtesse DE),
I, 299, 300;
II, 16, 170, 171;
III, 26, 247, 250, 251;
IV, 126, 300.

BOISMILON (Jacques-Dominique DE),
I, 259;
III, 209, 214, 215, 385.

BOISSY (Mlle Rouillé DE),
I, 393;
II, 418.

BOLIVAR (Simon),
I, 289.

BONALD (Le vicomte DE),
II, 438;
III, 42;
IV, 20, 75.

BONAPARTE (Jérôme), roi de Westphalie,
I, 70, 72, 341;
II, 19;
IV, 126, 297, 356, 357, 358, 360.

BONAPARTE (Joseph),
I, 159; II, 18.

BONAPARTE (Mme Laetitia),
II, 18.

BONAPARTE (Le prince Louis), plus tard l'empereur Napoléon III,
II, 105, 106, 344, 352, 355, 367, 384, 389, 390;
III, 351, 366, 386, 412, 421;
IV, 45, 62, 66, 68, 69, 70, 88, 91, 99, 111, 124, 132, 147, 152, 154, 159, 161, 174, 177, 179, 183, 184, 185, 188, 193, 195, 196, 200, 203, 206, 207, 208, 209, 210, 221, 223, 227, 229, 230, 242, 245, 250, 259, 269, 271, 282, 285, 288, 297, 299, 301, 304, 306, 308, 309, 312, 313, 314, 316, 318, 319, 320, 323, 326, 327, 329, 330, 331, 332, 337, 338, 339, 342, 345, 347, 348, 350, 351, 353, 354, 355, 356, 358, 360, 363, 364, 366, 370, 373, 374, 375, 376, 378, 380, 385, 387, 400, 402, 405.

BONAPARTE (Lucien),
I, 107, 146, 266, 333;
II, 18, 19.

BONIN (Le général DE),
III, 416, 424;
IV, 129, 176, 397.

BONNECHOSE (Le cardinal DE),
II, 97;
IV, 237.

BONNIVARD (François DE),
I, 337.

BORDEAUX (Le duc DE), dit Henri V, comte de Chambord,
I, 367, 372;
II, 33, 35, 50, 97, 107, 110;
III, 26, 97, 132, 214, 215, 218, 272, 396, 422, 428, 444, 445;
IV, 9, 28, 57, 97, 98, 99, 102, 110, 117, 136, 138, 212, 224, 246, 247, 248, 278, 285.

BOSSUET (Jacques-Bénigne),
II, 24, 25, 27, 30, 42, 169, 196, 236, 237;
III, 53, 269;
IV, 139, 241, 253.

BOURBON (Le duc DE),
III, 66.

BOURBON-CHALUS (Le comte DE),
IV, 379.

BOURDOIS DE LA MOTTE Dr.,
II, 230.

BOURGOGNE (La duchesse Marie DE),
II, 378;
III, 34.

BOURLIER (L'abbé),
II, 228.

BOURLON DE SARTY (Paul DE),
II, 312.

BOURQUENRY (Le baron, puis comte DE),
I, 374;
II, 419;
III, 116;
IV, 151, 152, 164, 185, 187, 206.

BOUTÉNIEFF (M. DE),
III, 127.

BRABANT (Le duc DE), plus tard le roi Léopold II, de Belgique,
III, 151, 152;
IV, 112, 116, 186, 423.

BRAGANCE (La duchesse DE),
I, 133;
III, 79.

BRANDEBOURG (Le comte DE),
III, 301, 369, 386, 408, 432, 433, 437, 451, 452, 454, 457, 461.

BRANDEBOURG (La comtesse DE),
III, 406.

BRANDHOFEN (Mme DE),
III, 382.

BREADALBANE (Le marquis DE),
IV, 396.

BRÉDY (Le général Hugo DE),
III, 359.

BRENIER DE RENAUDIÈRE (Le baron),
I, 373.

BRÉSIL (L'empereur dom Pedro II DU),
III, 191.

BRESSON (Le comte),
I, 277, 285, 288;
II, 49, 50, 123, 133, 159, 167, 275, 276, 277, 278, 279, 286, 291, 297, 301, 349, 351, 361, 362, 363, 380, 431;
III, 48, 63, 79, 80, 86, 99, 102, 104, 105, 499 107, 108, 109, 111, 112, 163, 172, 235, 283, 284, 288, 321.

BRESSON (La comtesse),
III, 283.

BRETONNEAU (Le docteur),
I,242, 368, 370, 373;
II, 207.

BRETZENHEIM DE REGÉCE (La princesse DE),
II, 8.

BRÉZÉ (Le marquis DE DREUX-),
II, 114;
III, 42.

BRÉZÉ (L'abbé DE DREUX-),
III, 42;
IV, 253.

BRIFAUT,
III, 221;
IV, 254.

BRIGNOLE-SALE (La marquise DE),
II, 231;
III, 38.

BRIGNOLE-SALE (Le marquis DE),
III, 38.

BRIGODE (Le baron DE),
II, 225.

BROGLIE (Le duc DE),
I, 18, 19, 29, 30, 31, 32, 33, 38, 57, 145, 162, 237, 246, 266, 272, 273, 281, 294, 295, 302, 306, 308, 315, 317, 318, 319, 320, 341, 354, 356, 365, 387;
II, 3, 4, 5, 9, 11, 15, 17, 18, 16, 19, 20, 23, 36, 85, 120, 124, 138, 144, 225, 402, 405, 406, 413, 414, 454;
III, 40, 255, 321, 325, 366, 406, 412;
IV, 65, 130, 194, 200, 225, 226, 275.

BROGLIE (La duchesse DE),
I, 273, 283, 320, 358;
II, 16, 119, 138, 253, 254;
III, 366;
IV, 65, 257.

BROGLIE (Le prince Albert DE),
IV, 126, 272, 342.

BROGLIE (Mlle Louise DE),
II, 187.

BRONZINO (Angiolo),
III, 440.

BROOKE (Lord),
I, 40, 43.

BROSSES (Charles DE),
II, 268, 271.

BROUGHAM (Lord),
I, 80, 82, 86, 91, 93, 97, 99, 126, 146, 167, 175, 195, 214, 290, 291, 299;
II, 223;
III, 137.

BROUGHAM (Lady),
I, 71.

BRUGES (Mme DE),
III, 306.

BRUNNOW (Le baron DE),
II, 337, 351;
III, 227;
IV, 141, 150.

BRUNNOW (Mme DE),
II, 337.

BRUNSWICK (Le duc Guillaume DE),
III, 429, 430, 431, 432.

BUDBERG (Le baron DE),
IV, 150, 152, 156, 292, 336, 339.

BUDOW (Le baron DE),
I, 12, 14, 83, 203, 204, 229;
II, 349, 350, 362, 383, 409, 431;
III, 172, 178, 184, 226, 228, 235.

BUDOW (Le comte DE),
III, 370.

BUDOW (Le général DE),
III, 429.

BUDOW (Mme DE),
II, 285, 293.

BUFFON (M. DE),
I, 351.

BUGEAUD DE LA PICONNERIE (Le maréchal),
III, 12.

BULWER (Sir Henry),
II, 383, 388, 465;
III, 65, 121, 349.

BUNSEN (Le chevalier DE),
III, 377, 379, 453;
IV, 7, 141, 171, 172.

BUOL (La comtesse DE),
II, 140.

BUOL-SCHAUENSTEIN (Le comte DE),
IV, 49, 50, 104, 131, 206, 227, 228.

BURGHERSH (John, lord),
I, 193.

BURGHERSH (Ernest, lord),
IV, 210.

BUSSIÈRE (Jules-Edmond DE),
II, 326.

BUTERA (Le prince),
I, 60.

BYRON (George Gordon, lord),
I, 181, 337;
IV, 108.

C

CADORE (Le marquis DE),
IV, 362, 373.

CALATRAVA (Don),
II, 82.

CALOMARDE (François-Thadé),
I, 180.

CAMBRIDGE (La duchesse DE),
I, 4;
II, 281.

CAMBRIDGE (La princesse Auguste DE),
III, 314.

CAMBRIDGE (Le prince Georges DE),
III, 234.

CAMPAN (Mme),
I, 331;
II. 81.

CANINO (Le prince DE),
I, 71.

CANIZZARO (La duchesse DE),
I, 108.

CANNING (George),
I, 140, 253.

CANOVA,
I, 247, 332.

CANROBERT (Le maréchal),
IV, 231, 298, 312.

500

CAPO D'ISTRIA (Le comte),
I, 12;
III, 366.

CAPOUE (Le prince DE),
II, 57.

CAPRARA (Le cardinal),
II, 237.

CARADOC (Sir John Hobart),
II, 156, 160, 174.

CARAMAN (La marquise DE),
II, 16, 339;
III, 25, 241.

CARDIGAN (Lord),
III, 31.

CARIGNAN (La princesse Joséphine DE),
III, 287.

CARIGNAN (Philiberte DE),
II, 150.

CARIGNAN (Mme DE),
II, 187.

CARLISLE (Lord),
I, 111, 192, 198.

CARLOS (Don), prince des Asturies,
I, 239;
II, 425.

CARLOTTA (L'infante),
I, 166;
II, 260;
III, 216, 260.

CARNÉ (Le comte DE),
II, 238;
IV, 340.

CAROLATH-BEUTHEN (La princesse Adélaïde DE),
III, 113, 291, 318.

CAROLATH-BEUTHEN (Le prince Henri DE),
III, 318.

CAROLATH-SAABOR (Le prince Frédéric DE),
II, 312, 313, 319.

CAROLINE D'ANGLETERRE (La reine),
I, 82.

CARRACHE (Annibal),
I, 248;
II, 317.

CARREL (Armand),
I, 303, 304;
II, 72.

CARS (La duchesse DES),
III, 130.

CASANOVA DE SEINGALT,
II, 332.

CASTELBAJAC (Le marquis DE),
IV, 160, 163.

CASTELBAJAC (La marquise DE),
IV, 160, 163, 167.

CASTELLANE (Le marquis André DE),
I, 100.

CASTELLANE (Le maréchal comte Boniface DE),
IV, 83, 214.

CASTELLANE (La comtesse Cordelia DE),
I, 300, 302, 305, 310, 393;
II, 40, 113, 124, 129, 138, 186, 261, 361, 368, 381.

CASTELLANE (Le marquis Henri DE),
II, 261, 262, 263, 381;
III, 35, 131, 139, 140, 142, 145, 149, 161, 169, 175, 179, 185, 186, 187, 196, 199, 200, 201, 263, 250.

CASTELLANE (Mlle Marie DE),
II, 381;
III, 170, 175, 187;
IV, 13, 17, 232.

CASTIGLIONE (La comtesse DE),
IV, 250, 253.

CASTILLE (La reine Blanche DE),
III, 70.

CASTLEREAGH (Lord),
I, 143;
III, 60.

CASTRIES (Le duc DE),
I, 65.

CATHERINE D'ARAGON,
I, 82.

CATHERINE DE MÉDECIS (La reine),
I, 36, 112, 271.

CATHERINE-PAULOWNA DE RUSSIE (La grande-duchesse),
I, 236.

CAULAINCOURT (Le général marquis DE, duc de Vicence),
III, 393;
IV, 82.

CAULAINCOURT (La comtesse DE),
I, 392, 393.

CAVAIGNAC (Le général),
I, 353, 386.

CAVOUR (Le comte DE),
IV, 283, 285, 297, 302, 303, 304, 317, 320, 332, 345, 350, 360, 366, 397, 402.

CELLAMARE (Le prince DE),
III, 148.

CELLES (Le comte DE),
I, 236, 300.

CÉSOLE (Le comte Eugène DE),
III, 150, 152.

CÉSOLE (La comtesse DE),
III, 152, 153.

CESSAC (Le comte DE),
III, 167.

CHABANNES (Le comte Alfred DE),
I, 389;
III, 36, 385.

CHABANNES (La comtesse Alfred DE),
III, 36, 383, 385, 395, 428;
IV, 9, 10, 22, 57, 117, 180.

CHABANNES (Mlle Emma DE),
IV, 102.

CHABANNES (Louisa DE),
I, 388, 389;
II, 233.

501

CHABOT (Mlle Olivia DE),
III, 34.

CHABOT (Philippe DE), comte de Jarnac,
II, 124, 434;
IV, 247.

CHABROL (Le comte DE),
II, 41.

CHAIX-D'EST-ANGE (M.),
III, 242.

CHALAIS (Le prince DE),
II, 80;
III, 100, 131, 207, 208.

CHALAIS (La princesse DE),
I, 309. 312.

CHAMBORD (La comtesse DE),
IV, 103, 110, 212.

CHAMPCHEVRIER (Mme DE),
II, 198.

CHAMPLATREUX (Mlle DE),
IV, 11, 65.

CHANALEILLES (La marquise DE),
III, 34.

CHANGARNIER (Le général),
III, 386, 389, 415, 419, 422, 452, 453;
IV, 33, 35, 37, 40, 58, 270.

CHANTELAUZE (Victor DE),
I, 384;
II, 7.

CHARLES Ier (Roi d'Angleterre),
I, 41, 68.

CHARLES IV (Empereur d'Allemagne),
II, 310.

CHARLES VII,
III, 4, 45, 134.

CHARLES IX (Roi de France),
I, 355;
III, 36.

CHARLES X (Roi de France),
I, 28, 48, 71, 118, 279, 299, 324, 364, 372, 377;
II, 4, 9, 35, 97, 107, 108, 110, 160, 161, 252, 451;
III, 81, 243, 314, 315.

CHARLES-JEAN DE SUÈDE (Le roi),
I, 76.

CHARLES-MARTEL,
II, 270.

CHARLES-QUINT,
III, 440.

CHARLES-THÉODORE (L'électeur),
II, 246.

CHARTRES (Le duc DE),
III, 225, 246, 384;
IV, 232, 277.

CHASTELLUS (Mme DE),
II, 2, 40.

CHASTENAY (Mme DE),
IV, 126.

CHATEAUBRIAND (Le vicomte DE),
I, 74, 338;
II, 32, 73, 101, 221;
III, 1, 19, 25, 26, 42, 61, 168, 242, 392, 393;
IV, 52, 333, 335.

CHATEAUBRIAND (La vicomtesse DE),
III, 97;
IV, 335.

CHATEAUBRIAND (Mlle DE),
III, 167.

CHATELAIN (M.),
IV, 17.

CHATILLON (Le duc DE),
I, 67.

CHEVREUSE (La duchesse DE), duchesse de Luynes,
III, 159;
IV, 288.

CHODRON (Jules),
I, 12.

CHOISEUL-GOUFFIER (Le comte DE),
IV, 144, 145.

CHOISEUL-GOUFFIER (La comtesse DE),
IV, 127.

CHOISEUL-PRASLIN,
II, 374.

CHOISEUL-STAINVILLE (Le duc DE),
I, 136.

CHOMEL (Le docteur),
II, 407;
III, 210.

CHREPTOWICZ (La comtesse),
II, 337;
III, 288.

CHRISTINE D'ESPAGNE (La reine),
I, 187, 191, 205, 211, 216;
II, 98, 249, 371, 396, 399, 400, 416, 417, 422, 433;
III, 55, 124, 125, 126, 128, 163, 192, 216, 260.

CIALDINI (Le général), duc de Gaëte,
IV, 366, 368, 379.

CIRCOURT (La comtesse DE),
III, 394.

CLAM-GALLAS (Le comte DE),
II, 55;
IV, 308, 310.

CLANRICARDE (Lord),
I, 140;
II, 176.

CLANRICARDE (Lady),
I, 156, 253, 254, 255, 256, 259, 282, 300, 301;
II, 176, 207, 210;
III, 54, 103, 195.

CLARENCE (Le duc DE),
I, 219.

CLARENCE (La duchesse DE),
I, 113.

CLARENDON (Lord),
I, 43;
III, 228;
IV, 171, 409, 414.

CLARENDON (Le comte),
I, 214.

CLARY-ALDRINGEN (Le prince Edmond),
III, 346, 354.

CLARY-ALDRINGEN (Le prince Charles),
II, 287.

CLARY-ALDRINGEN (La princesse),
III, 354.

502

CLAUSEL (Le maréchal comte DE),
II, 114, 166;
III, 182.

CLÉMENT XIV (Le pape),
IV, 78.

CLÉMENT DE RIS (Mlle),
II, 386.

CLÉMENTINE D'ORLÉANS (La princesse),
II, 180, 372;
III, 34, 225, 244, 245, 254, 264, 265, 280;
IV, 138, 225.

CLEREMBAULT (Le vicomte DE),
III, 170.

CLERMONT- TONNERRE (Le prince Jules DE),
II, 262.

CLOTILDE DE SAVOIE (La princesse),
IV, 297, 298, 303, 304, 306, 327, 360.

COBBETT (William),
I, 179, 195.

COCHIN (Augustin),
IV, 374.

CœUR (L'abbé),
II, 362;
III, 134, 255.

COGNY (Le docteur),
II, 86, 201;
III, 252.

COIGNY (Le duc DE),
II, 95, 132, 142, 155, 217;
III, 255.

COIGNY (La duchesse DE),
II, 7.

COLLARD (Mme Hermine),
II, 376.

COLLOREDO (Le comte DE),
III, 318, 320.

COLLOREDO (La comtesse DE),
III, 320, 348;
IV, 254, 309.

COLMAGHI,
I, 64.

COMBALOT (L'abbé),
II, 362.

CONDÉ (Louis II, prince DE), dit le Grand Condé,
II, 335, 435;
IV, 216.

CONDÉ (La princesse DE),
III, 66.

CONROY (Sir John),
I, 92;
II, 127, 131, 156, 174, 176.

CONSALVI (Le cardinal),
III, 250.

CONTADES (La vicomtesse DE),
III, 52.

CONYNGHAM (Le marquis DE),
I, 126, 129, 140;
II, 127, 131, 132.

CONYNGHAM (Lady),
I, 37, 62, 95.

CORMENIN (Le vicomte DE),
II, 119.

CORNÉLIUS (Pierre DE),
II, 297;
III, 299, 442.

CORTANZE,
IV, 224.

COSNAC (L'archevêque Daniel DE),
IV, 63.

COSSÉ (Le duc DE),
II, 35.

COSSÉ-BRISSAC (Mlle DE),
III, 16.

COURTIER (M. DE),
III, 23.

COUSIN,
I, 301, 318, 322, 323, 377;
II, 31, 326, 355, 392;
III, 303;
IV, 56, 80, 87, 135, 147, 148, 200, 221, 222, 251, 287, 288, 339.

COWLEY (Lord),
III, 103, 109, 122, 165, 191;
IV, 238, 243, 259, 283, 299, 306, 307, 347.

COWLEY (Lady),
I, 149;
III, 165;
IV, 305.

COWPER (Lady),
I, 50, 98, 132, 153, 188, 202, 209, 253, 357;
II, 383.

COWPER (Lady Fanny),
III, 31, 66.

CRANMER (L'archevêque Thomas),
I, 8.

CRÉMIEUX (M.),
III, 206, 207.

CRESCENTINI (Girolamo),
II, 329.

CRÉTINEAU (M.),
IV, 79.

CRETON,
IV, 10.

CRILLON (Mlle Marie-Louise-Amélie DE),
III, 192.

CRILLON (Mlle Valentine DE),
III, 166.

CROIX (Mlle DE),
IV, 82.

CROMWELL (Olivier),
I, 61, 82.

CRUVEILHIER (Le docteur),
II, 199, 207, 215, 230.

CUBIÈRES (Le général DE),
II, 394.

CUMBERLAND (Le duc Ernest-Auguste DE), plus tard roi de Hanovre,
I, 55, 61, 70, 122, 157;
II, 168, 169, 293, 302;
III, 103, 276, 285, 373, 402, 419, 420;
IV, 28, 29.

CUMBERLAND (La duchesse DE), née princesse de Mecklembourg-Strelitz,
I, 199, 200, 201; II, 44, 51;
III, 98, 272.

CUSTINE (Le marquis DE),
III, 269, 270, 274, 276, 278, 289, 308.

CUSTINE (La marquise DE),
III, 269.

CUVIER (Georges),
I, 369;
III, 79.

CUVIER (Rodolphe),
II, 178;
III, 45;
IV, 344, 346, 349, 385.

CUVILLIER-FLEURY (M.),
II, 147.

503

CZARTORYSKI (Le prince Adam),
I, 239;
II, 287;
III, 337;
IV, 308.

D

DABORMIDA (le général),
IV, 325.

DACRE (Lord),
I, 111, 119.

DALBERG (Le duc DE),
I, 227;
II, 230.

DALMATIE (Le marquis DE),
III, 99, 333;
IV, 10.

DANEMARK (Le prince Chrétien DE), plus tard roi Christian VIII,
II, 258, 259;
III, 289, 326, 327.

DANEMARK (La princesse Chrétien DE),
II, 258, 259.

DANEMARK (Le roi Frédéric III DE),
II, 259.

DANEMARK (Le roi Frédéric VII DE),
III, 374, 447, 462;
IV, 363.

DANEMARK (La reine Mathilde DE),
II, 258.

DARMÈS (M.),
II, 395, 396, 398, 406.

DARMSTADT (La duchesse DE),
I, 200.

DAUPHIN DE FRANCE (Louis),
I, 28, 353;
III, 12, 218.

DAUPHINE DE FRANCE (Mme LA),
I, 28, 279, 372;
II, 57;
III, 51, 217, 218.

DAURE (M.),
I, 285, 286, 287.

DAVOUST,
I, 119.

DAWSON-DAMER (Le colonel),
I, 253, 256, 275.

DAWSON-DAMER (Mrs),
I, 253, 254, 282.

DECAZES (Élie, duc),
I, 95, 160, 206, 246, 306, 308, 315, 322;
II, 13, 69, 70, 189;
III, 17, 23, 54, 155, 253;
IV, 126.

DECAZES (La duchesse),
I, 95, 303;
III, 128;
IV, 126.

DEDEL (Salomon),
I, 30, 47, 122, 156, 203;
III, 225, 226, 227.

DEGUERRY (L'abbé),
III, 19.

DELAROCHE (Paul),
III, 36;
IV, 250.

DELAVIGNE (Casimir),
II, 48.

DELESSERT (M.),
III, 19, 20.

DELMAR (La baronne DE),
IV, 240.

DEMERSON (L'abbé),
II, 138.

DEMIDOFF (Le comte Anatole),
II, 377, 394, 399, 427;
III, 23, 128.

DEMIDOFF (Mme),
II, 394;
III, 128.

DEMION (M.),
I, 242.

DENISON (Le baron),
I, 156.

DESJARDINS (L'abbé),
II, 229.

DESSAU (La princesse d'Anhalt),
IV, 130.

DEVONSHIRE (Le duc DE),
I, 3, 66, 80;
III, 146, 174;
IV, 344.

DEVONSHIRE (La marquise DE),
I, 108, 110.

DEVRIENT (M.),
III, 78.

DIDOT (Firmin),
I, 356.

DIEFFENBACH (Jean-Frédéric),
II, 283, 294.

DIÉGO-LÉON (Le général),
III, 125.

DIEPENBROCK (Le cardinal prince-évêque),
III, 303, 327, 328;
IV, 71, 74, 139.

DIESKAU (Mlle Sidonie DE),
II, 339, 341.

DINO (La duchesse DE),
I, 98, 237, 251, 278, 375;
II, 16, 119, 226;
IV, 26, 146.

DINO (Clémentine DE),
III, 191.

DINO (La duchesse Marie-Joséphine DE),
III, 123, 189.

DOENHOFF (La comtesse),
III, 301.

DOHNA (La comtesse Marie),
II, 315.

DOLOMIEU (La marquise DE),
I, 123;
II, 146;
III, 220, 280, 281.

DOM MIGUEL,
I, 2, 73, 101, 106, 121, 125, 127, 129, 183, 192, 209, 225, 239.

DON CARLOS,
I, 24, 32, 64, 106, 121, 125, 127, 128, 129, 146, 147, 155, 157, 159, 160, 171, 173, 174, 180, 181, 183, 184, 190, 192, 204, 205, 207, 209, 211, 215, 217, 232, 238, 239, 240, 243, 371;
II, 47, 97, 117, 122, 144, 168, 169, 186;
III, 134.

DON FRANCESCO D'ESPAGNE,
I, 166;
II, 260.

DON JUAN (L'infant),
IV, 349.

504

DONNADIEU (Le général),
I, 118.

DORIA SAMPHILY-LANDI (Le prince),
IV, 258.

DORIA SAMPHILY-LANDI (La princesse),
IV, 258.

DORSET (Le duc DE),
I, 8, 20.

DOSNE (M.),
II, 357.

DOSNE (Mme),
I, 34;
II, 189, 192, 429;
III, 349;
IV, 33, 276, 349.

DOUDAN (Ximénès),
II, 124, 216.

DOUGLAS (Le marquis DE), duc de Hamilton,
I, 46; III, 231, 272.

DOURO (Lady),
III, 31.

DROUET D'ERLON (Le général),
I, 198.

DROUYN DE L'HUYS (M.),
IV, 131, 194, 206, 239.

DUBOIS (M.),
II, 411.

DUCHATEL (Le comte),
I, 163;
II, 11, 87;
III, 17;
IV, 200, 275.

DUCHATEL (La comtesse),
III, 76;
IV, 300.

DU DEFFANT (La marquise),
III, 43, 387, 393.

DUDEVANT (Mme), en littérature George Sand,
I, 247.

DUFAURE (M.),
II, 404, 405, 420, 424;
III, 8, 9, 13, 14, 26, 41, 127, 163, 168, 238.

DUMONT (M.),
IV, 344.

DUMOURIEZ (Le maréchal),
III, 22.

DUNCANNON (Lord),
I, 180, 181.

DUPANLOUP (Mgr), évêque d'Orléans,
II, 136, 138, 139, 211, 212, 213, 217, 220, 226, 240, 242, 257, 261, 262, 336, 355, 362, 366, 367, 408;
III, 57, 59, 120, 175, 194, 251, 266;
IV, 30, 180, 183, 199, 214, 331, 338, 352, 396.

DUPERRÉ (L'amiral),
I, 283.

DUPIN,
I, 19, 73, 74, 89, 91, 94, 95, 99, 114, 115, 119, 125, 126, 139, 150, 290, 292, 295;
II, 2, 10, 12, 14, 17, 18, 23, 38, 41, 116, 125, 134, 372, 417, 424;
III, 2, 3, 4, 5, 7, 163, 238, 242, 245;
IV, 406.

DUPIN (Charles, baron),
I, 278.

DUPOTY,
III, 147, 148.

DUPRAT (Le cardinal chancelier),
II, 459.

DUPREZ,
II, 151, 440.

DURAZZO (Le marquis DE),
III, 38;
IV, 224.

DURAZZO (La marquise DE),
III, 38;
IV, 224.

DURER (Albert),
II, 342, 343.

DURHAM (Lord),
I, 56, 71, 89, 96, 107, 115, 126, 167, 175, 176, 178, 191, 282;
II, 162, 167, 342.

DURHAM (Lady),
I, 96, 178.

DUVERGIER DE HAURANNE,
II, 406, 428.

E

EASTNOR (Lord),
I, 40.

EASTNOR (Lady),
I, 40.

EBVINGTON (Lord),
I, 94.

ECKMUHL (Le prince D'),
I, 106.

ELCHINGEN (La duchesse D'),
III, 246.

ÉLISABETH (La reine),
I, 6, 8, 42, 43.

ELLICE (L'honorable Édouard),
I, 79, 90, 107, 125, 145, 178, 296;
II, 37;
III, 413.

ELLICE (Les deux misses),
IV, 244.

ELSSLER (Thérèse),
III, 389.

EMMANUEL-PHILIBERT (duc de Savoie),
II, 224.

ENGHIEN (Le duc D'),
III, 39, 60, 393.

ENTRAIGUES (Amédée Goveau D'),
II, 312, 386, 407;
III, 204, 206, 209, 231.

ENTRAIGUES (Mme D'),
II, 386;
III, 204, 231.

ENTRAIGUES (Jules D'),
I, 260;
II, 125.

ENTRAIGUES (Le marquis D'),
III, 19.

ÉON DE BEAUMONT (Le chevalier),
II, 179.

ESCLIGNAC (La duchesse D'),
I, 394, 395.

ESPARTERO (Le général),
II, 371, 372, 390;
505 III, 72, 125, 128, 147, 148, 151, 156, 157, 216.

ESPRUIL (Le marquis D'),
III, 167.

ESSEX (Lord),
III, 31.

ESSEX (Caroline),
III, 31.

ESTERHAZY (Le comte Maurice),
III, 93, 283, 311.

ESTERHAZY (Le prince Nicolas),
III, 87, 284.

ESTERHAZY (Le prince Paul),
I, 50, 60, 62, 70, 78, 204;
II, 52, 176, 338;
III, 87, 184, 226, 301, 311;
IV, 125, 231, 233, 308, 309.

ESTERHAZY (La princesse Paul),
III, 88, 238.

ESTERHAZY (La comtesse Sophie),
IV, 383.

ÉTIENNE (Charles-Guillaume),
I, 311.

ÉTIENNE DE BLOIS (Roi d'Angleterre),
I, 270.

EU (Le comte D'),
III, 186;
IV, 348.

EXELMANS (Le général),
I, 304;
II, 27.

EYNARD (Jean-Gabriel),
III, 10.

F

FABRE (Le peintre),
I, 193, 194; III, 177.

FAGEL (Le général),
I, 47;
II, 66;
III, 281.

FALK (M.),
I, 203, 330.

FALK (Mme),
I, 14, 95, 203.

FALLOUX (Le comte DE),
III, 408;
IV, 16, 17, 19, 26, 35, 40, 97, 123, 179, 194, 200, 215, 219, 235, 249, 252, 254, 288, 341, 343, 371, 373, 374, 375, 376, 420.

FALLOUX (Mlle Loyde DE),
IV, 216.

FANE (Lady),
III, 285.

FARINI (M.),
IV, 366.

FARNBOROUGH (Lord),
I, 163.

FAUCHER (Léon),
IV, 12, 13.

FAVRE (Jules),
IV, 418.

FELETZ (M. DE),
IV, 147.

FÉNELON (François de Salignac de la Mothe-, l'archevêque comte DE),
II, 239, 325, 335;
III, 53, 89.

FERDINAND VII (Roi d'Espagne),
I, 24, 25, 137, 239;
II, 422.

FEREY (Mlle),
III, 21.

FERGUSSON (M.),
I, 126.

FERRERS (Lady),
I, 5.

FERRETTE (Le bailli DE),
I, 2.

FERRUS (Le docteur),
II, 7.

FESCH (Le cardinal),
II, 19;
III, 120.

FEUCHÈRES (La baronne Sophie DE),
III, 21.

FEZENSAC (Le duc DE),
IV, 300.

FICQUELMONT (Le comte DE),
III, 338; 346, 354, 355;
IV, 121.

FICQUELMONT (La comtesse DE),
IV, 119.

FIESCHI (Joseph),
I, 348, 355, 357, 358, 362, 382;
II, 2, 12, 13, 14, 18, 20, 21, 67, 74, 104, 116, 436, 441.

FILANGIERI (Le général),
IV, 323.

FITZCLARENCE (Lord),
I, 21, 63, 172;
II, 156.

FITZ-JAMES (Jacques, duc DE),
II, 35.

FITZ-PATRICK (Richard),
I, 180.

FITZROY-SOMERSET (Lady),
I, 46, 123.

FLAHAUT (Le général comte DE),
I, 38, 214, 252, 285, 304, 305;
II, 15, 155, 162, 173, 213, 214, 217, 249, 340, 373, 384, 389, 398, 432;
III, 40, 54, 64, 83, 86, 87, 104, 115, 116, 122, 125, 214, 238, 311;
IV, 253.

FLAHAUT (La comtesse DE),
I, 98, 289, 290, 299, 318;
II, 2, 16, 119, 153, 162, 173, 183, 213, 217, 249, 340, 347, 352, 398, 422, 437;
III, 25, 28, 83, 99, 100, 104, 118, 238, 313.

FLAHAUT (Comtesse DE),
II, 16.

FLAHAUT (Adélaïde DE),
III, 48.

FLAHAUT (Emily DE),
III, 25, 118.

FLAMARENS (Le comte DE),
IV, 64.

FLAVIGNY (Le comte DE),
IV, 57, 248.

FLAVIGNY (La comtesse DE),
IV, 189.

FLEURY (Le général comte),
IV, 248, 313, 317, 418.

506

FLEURY (La comtesse),
IV, 248.

FLOTOW (Le comte DE),
III, 329.

FœRSTER (Le prince-évêque Henri),
IV, 110, 186, 228, 416.

FONTAINE (L'architecte),
I, 326.

FONTANES (Louis DE),
II, 68;
IV, 253.

FORBIN-JANSON (Le comte DE),
IV, 204.

FOUCHÉ (Duc d'Otrante),
I, 366.

FOUGÈRES (Mlle DE),
I, 391.

FOULD (Bénédict),
II, 357, 361;
IV, 123, 124, 236, 387.

FOULQUES NERA (Comte d'Anjou),
II, 165.

FOUQUET (Nicolas),
III, 269.

FOX (Miss),
III, 32.

FOX (Charles-Jacques),
I, 180;
III, 69.

FOY (Le comte),
II, 124.

FRANÇOIS Ier (Roi de France),
I, 200, 365;
II, 49.

FRANÇOIS (Le Père), capucin,
III, 85, 90.

FRANÇOIS-JOSEPH Ier (Empereur d'Autriche),
III, 380, 451;
IV, 49, 50, 60, 61, 63, 94, 101, 120, 152, 201, 206, 207, 313, 316, 319, 320, 326, 352, 363, 383.

FRÉDÉRIC II, dit LE GRAND,
II, 287, 288, 289, 300, 323, 335;
III, 81, 84, 295, 298, 401;
IV, 14, 392.

FRÉDÉRIC-GUILLAUME, dit le Grand Électeur,
II, 287;
III, 286.

FREY (Mrs Élisabeth),
III, 164;
IV, 172.

FRIAS (Le duc DE),
I, 218;
II, 183.

FRONSAC (Le duc DE),
II, 379.

FUGGER (Ulrich),
III, 440.

FULCHIRON (Jean-Claude),
I, 319, 320.

G

GADUEL (L'abbé),
IV, 81.

GAËTE (Le duc DE),
I, 206.

GAGE (L'amiral sir William),
II, 96.

GAGERN (Le baron Henri DE),
III, 364, 365, 407, 433.

GALLES (Le prince DE),
III, 128.

GALLIERA (Le duc DE),
IV, 248.

GALLIERA (La duchesse DE),
III, 238;
IV, 248, 255, 349.

GALLIFFET (Le marquis DE),
II, 260.

GALLIFFET (La marquise DE),
IV, 411.

GARCIA (Manuel),
I, 59.

GARIBALDI (Mgr Antoine),
II, 184.

GARIBALDI (Joseph),
IV, 310, 323, 349, 350, 351, 353, 356, 360, 361, 362, 366, 367, 393, 402.

GARNIER-PAGÈS (M.),
II, 423;
III, 8, 10, 98.

GARRAUBE (Le colonel DE),
I, 261.

GASTON D'ORLÉANS,
I, 271.

GAUTARD (M. DE),
I, 342.

GAY (Mme Sophie),
III, 25.

GEISSEL (Le cardinal Jean),
IV, 414.

GÊNES (Le duc DE),
IV, 110, 194.

GÊNES (La duchesse DE),
IV, 110, 225, 233, 234.

GENLIS (Mme DE),
II, 376;
III, 202;
IV, 248.

GENOUDE (L'abbé),
III, 19, 20, 105, 178.

GENTZ (Frédéric DE),
III, 69, 117, 247.

GEORGE III (Roi d'Angleterre),
I, 14, 170, 173.

GEORGE IV (Roi d'Angleterre),
I, 37, 55, 63, 72, 95, 113, 129, 170, 173, 373;
IV, 185.

GEORGEI (Le général),
III, 380.

GÉRARD (Le maréchal),
I, 25, 187, 198, 236, 237, 259, 264, 266, 267, 300, 318, 321.

GÉRARD (Le peintre),
II, 293.

GERGONNE (M.),
III, 177.

GERLACH (Le général DE),
III, 391, 461;
IV, 52, 169.

GERSDORFF (Le baron DE),
II, 304, 314;
III, 102.

GESSLER (Le bailli),
I, 334.

GIRARDIN (Mme DE),
III, 281.

507

GIRARDIN (Le comte Émile DE),
III, 402.

GIRARDON (Le sculpteur),
I, 354.

GIRAUD (Augustin),
II, 124.

GIROLLET (L'abbé),
I, 57, 241; II, 42.

GIVRÉ (Le baron DE),
II, 429.

GLOUCESTER (Le duc DE),
I, 3, 68, 69, 70, 71, 127, 146, 157, 287.

GLOUCESTER (La duchesse DE),
I, 63;
II, 34, 177.

GOBERT (M.),
III, 44.

GOEKING (Léopold DE),
II, 304.

GœTHE,
II, 335, 459;
III, 78, 279, 329.

GONTAUT (Le vicomte Élie DE),
II, 263.

GONTAUT-BIRON (La duchesse DE),
I, 71, 72;
II, 33.

GORE (Charles),
III, 31.

GORTSCHAKOFF (Le prince),
IV, 198, 201, 305, 333, 375.

GOURGAUD (Le général),
II, 434.

GOURIEFF (M. DE),
III, 184.

GOYON (Le général comte DE),
IV, 261, 309, 317, 362, 367, 371, 421, 425.

GRAFTON (Le duc DE),
I, 208.

GRAHAM (Sir James),
I, 88, 90, 101;
IV, 280.

GRAMONT (Mme DE),
II, 366, 368;
III, 61, 106, 218.

GRAMONT-GUICHE (La duchesse DE),
III, 26, 241, 281.

GRANDE MADEMOISELLE (La),
I, 256;
II, 98, 99;
III, 248.

GRANT (Charles, lord Glenelg),
I, 165.

GRANVILLE (Lord),
I, 29, 32, 33, 38, 57, 74, 105, 162, 222, 226, 244, 283, 290, 294;
II, 162, 208, 340, 390, 391, 398, 409, 434;
III, 54, 100, 103, 109, 152;
IV, 44, 233.

GRANVILLE (Lady),
I, 106;
II, 322, 340, 390, 434;
III, 100;
IV, 233.

GRANVILLE (Lady-Charlotte-Georgiana),
II, 20.

GRÈCE (Le roi Othon Ier DE),
II, 56.

GRÈCE (La reine Amélie DE),
III, 85;
IV, 159.

GREFFULHE (Mme),
I, 393.

GRÉGOIRE VII (Le pape),
I, 354;
IV, 135.

GRÉGOIRE XVI (Le pape),
I, 328;
II, 185, 336, 399, 427;
III, 419;
IV, 118, 255.

GREVILLE (Henry),
I, 253, 255, 256, 259.

GREY (Lord Charles-Howick),
I, 6, 18, 46, 47, 54, 56, 59, 60, 63, 64, 70, 71, 79, 82, 86, 88, 89, 90, 91, 92, 96, 101, 102, 104, 106, 108, 109, 110, 115, 120, 122, 126, 128, 131, 132, 145, 149, 150, 161, 163, 164, 165, 168, 169, 171, 174, 177, 178, 179, 180, 182, 185, 186, 187, 188, 189, 194, 195, 196, 204, 205, 208, 212, 213, 214, 218, 219, 223, 232, 263, 294, 299, 357, 384;
II, 127, 157, 337.

GREY (Lady),
I, 79, 100, 109, 174, 178, 212, 213, 384, 385.

GREY (Lady Élisabeth),
I, 109.

GREY (Lord George),
II, 281.

GREY (Lady Georgiana),
I, 79, 108, 109, 110.

GRISI (Giulia),
I, 59;
II, 205;
III, 156.

GRIVEL (L'abbé),
II, 70.

GROEBEN (Le général comte DE),
III, 456;
IV, 165, 171.

GROGAU (Le colonel James W.),
III, 125.

GROS (Le peintre),
I, 332;
II, 322.

GROSVENOR (Lady),
I, 66.

GROTE (La comtesse DE),
III, 381;
IV, 7.

GUELLE (L'abbé),
III, 385.

GUERNON-RANVILLE (Le comte DE),
II, 7.

GUICHE (Le duc DE), duc de Gramont,
II, 262;
IV, 65, 313, 317, 329, 362, 373, 374, 376, 379, 421">.

508

GUILLAUME LE CONQUÉRANT (Duc de Normandie),
I, 64.

GUILLON (Mgr),
III, 23.

GUISE (Le duc DE),
I, 271.

GUIZOT (Guillaume),
I, 19, 238, 259, 272, 273, 281, 286, 295, 302, 305, 308, 315, 320, 321, 326, 356, 358, 361, 370, 377, 378, 382, 394;
II, 15, 17, 18, 20, 23, 30, 31, 32, 84, 85, 86, 87, 89, 90, 92, 108, 116, 124, 125, 126, 127, 130, 133, 136, 162, 163, 170, 177, 183, 186, 193, 194, 197, 205, 206, 219, 222, 223, 246, 333, 336, 337, 345, 347, 350, 351, 352, 353, 359, 360, 364, 365, 373, 384, 387, 390, 397, 400, 401, 402, 404, 405, 406, 407, 408, 410, 411, 412, 413, 415, 416, 419, 421, 423, 425, 426, 437, 440, 442, 472, 473, 476;
III, 2, 3, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 17, 22, 28, 40, 41, 47, 52, 57, 64, 84, 87, 97, 98, 104, 115, 121, 122, 129, 148, 152, 163, 178, 180, 192, 195, 205, 212, 213, 217, 219, 220, 225, 228, 237, 239, 242, 243, 248, 249, 250, 267, 317, 326, 333, 388, 409, 412;
IV, 11, 45, 126, 192, 200, 236, 240, 244, 251, 272, 275, 327, 340, 378, 385, 394, 419.

GUIZOT (Mme),
I, 272.

GUSTAVE III (Roi de Suède),
III, 287, 288, 314.

GYULAY (Le général comte),
IV, 87, 308, 310.

H

HAENDEL,
I, 142.

HAHN-HAHN (La comtesse DE),
IV, 21, 58.

HAINGUERLOT (M.),
II, 225.

HALFORD (Sir Henry),
I, 37, 53, 122.

HAMILTON (Le colonel),
II, 188.

HAMILTON (John-Church),
II, 188.

HAMMERSTEIN (Le baron DE),
IV, 23.

HANOVRE (Le roi DE),
I, 27.

HANOVRE (Le prince Georges de DE), plus tard roi Georges V,
I, 201;
III, 103, 381;
IV, 177, 350, 358.

HANOVRE (La princesse royale Marie-Wilhelmine DE),
III, 380, 381.

HANOVRE (L'électrice Sophie DE),
III, 381.

HANSEMANN (M.),
III, 356.

HARCOURT (La comtesse D'),
IV, 299.

HARCOURT (Lady Élisabeth),
II, 253.

HARDENBERG (Le prince DE),
III, 318.

HARDWICK (Lady),
I, 40.

HARDY (Miss Emily),
I, 46.

HAREWOOD (Lord),
I, 175.

HARISPE (Le général),
I, 84.

HARRISON (Miss),
II, 325.

HASSENPFLUG (M. DE),
III, 432.

HATZFELDT (Le prince Hermann DE),
III, 357.

HATZFELDT (Le comte Max DE),
III, 282, 418;
IV, 2, 180, 229, 243, 269.

HATZFELDT (La comtesse DE),
III, 73;
IV, 18, 243.

HAUGWITZ (Le général comte DE),
III, 88, 91, 380;
IV, 327.

HAUSSONVILLE (Le comte D'),
II, 124.

HAUTEFORT (Marie D'),
III, 35;
IV, 221.

HAYDN,
I, 142.

HAYNAU (Le général baron DE),
III, 445, 450;
IV, 95.

HECKER (M.),
III, 351.

HÉLIAUD (Le comte D'),
II, 198.

HENEAGE (M.),
II, 322.

HENNENBERG (Le conseiller),
II, 88, 100, 304, 311.

HENRI III (Roi d'Angleterre),
I, 61, 271.

HENRI IV (Roi de France),
I, 363; 509 II, 142, 439, 459;
III, 49, 50;
IV, 277.

HENRI (Roi d'Angleterre),
I, 82.

HENRIETTE D'ANGLETERRE (La reine),
IV, 63.

HENSEL (Guillaume),
III, 74;
IV, 192.

HERDING (M. DE),
III, 272.

HERTFORD (Lady),
I, 62.

HERZ (Henri),
III, 256.

HESKERN (Le baron DE),
III, 229.

HESS (Le général baron Henri DE),
III, 409;
IV, 176, 177.

HESSE (Le landgrave Frédéric DE),
IV, 55.

HESSE (Le prince Georges DE),
II, 281, 322.

HESSE-CASSEL (L'électeur Guillaume DE),
III, 96, 238, 429, 432, 459.

HESSE-CASSEL (L'électrice DE),
III, 40.

HESSE-DARMSTADT (La princesse Marie DE),
II, 285, 346, 356;
III, 54.

HESSE-DARMSTADT (Le grand-duc Louis II DE),
I, 200;
II, 355;
III, 429, 432.

HESSE-HOMBOURG (La landgravine Élisabeth DE),
I, 4;
III, 314.

HESSE-PHILIPPSTHAL-BARCHFELD (Le landgrave DE),
IV, 168.

HEYDT (Auguste VON DER),
IV, 285.

HEYTESBURY (Lord),
I, 85.

HILL (Lord),
I, 69.

HOBHOUSE (Sir John Cam),
I, 181.

HOCHBERG-FURSTENSTEIN (Le comte DE),
III, 414.

HOHENLOHE-INGELFINGEN (Le prince Adolphe DE),
IV, 155.

HOHENLOHE-VERINGEN (Le prince DE),
II, 355.

HOHENTHAL, (Le comte DE),
II, 325;
III, 96, 113, 300.

HOHENTHAL (La comtesse DE),
I, 68;
II, 325, 359;
III, 96, 110, 111, 113, 218, 300.

HOHENZOLLERN-HECHINGEN (Le prince Constantin DE),
III, 290, 308.

HOHENZOLLERN-HECHINGEN (Le prince Frédéric DE),
II, 253.

HOHENZOLLERN-HECHINGEN (La princesse Pauline DE),
II, 314, 315, 332, 335, 338;
III, 89, 102;
IV, 22.

HOHENZOLLERN-SIGMARINGEN (Le prince Antoine DE),
IV, 165, 171, 174, 292, 293, 315, 321, 338, 392, 399, 401, 403, 404, 406, 423.

HOLLAND (Lord),
I, 38, 52, 81, 99, 103, 121, 165, 166, 168, 226, 246, 294;
II, 383, 389;
III, 30, 228;
IV, 240.

HOLLAND (Lady),
I, 37, 77, 78, 81, 97, 102, 103, 146, 167, 168, 202, 209;
II, 53;
III, 29, 195;
IV, 86, 240.

HOLSTEIN (Le général prince DE),
IV, 363.

HOPE (Thomas),
I, 156.

HOPE (William),
III, 189.

HOTTINGER (Le baron),
II, 369;
III, 119.

HOWARD DE WALDEN (Baron),
II, 106, 108.

HOWE (Lord),
I, 5.

HOWICK (Lord Henri),
I, 187, 191.

HUDEN (M.),
III, 284.

HÜBNER (Le comte DE),
II, 338;
IV, 243, 248, 283, 297, 380.

HÜGEL (Le baron Charles DE),
III, 84, 91.

HÜGEL (Le général baron Ernest-Eugène DE),
II, 187;
III, 84, 88.

HUGO (Mme Victor),
I, 340.

HUMANN (Le ministre),
I, 282, 283;
II, 4, 8, 9, 10, 149;
III, 184, 185.

HUMANN (Mlle Louise),
II, 97.

HUMBOLDT (Alexandre DE),
II, 44, 48, 100, 279, 285, 286, 292, 293, 299, 321, 323, 431;
III, 72, 119, 121, 283, 296, 298, 307, 322, 428, 452;
IV, 3, 28, 56, 110, 128, 139, 147, 170, 191, 204, 229, 232, 246, 289.

510

HUMBOLDT (Le baron Guillaume DE),
II, 293.

HUMBOLDT (Mme Guillaume DE),
II, 293.

HUME (M.),
IV, 250, 252.

HURE (M.),
I, 180.

HUSS (Jean),
I, 161.

HYDE DE NEUVILLE (Le baron),
II, 35;
III, 42.

I

IBRAHIM (Pacha),
II, 397, 412, 413, 415, 416, 469.

IFFLAND (M.),
III, 77.

INÈS DE CASTRO,
I, 124;
IV, 204.

INGRES (M.),
III, 183.

ISABELLE II (Reine d'Espagne),
I, 158, 192, 216, 217, 232;
II, 47, 425;
III, 124, 184, 216, 261;
IV, 43, 348, 349.

ISTRIE (La duchesse D'),
III, 24;
IV, 217, 240.

ISTURITZ (Xavier D'),
II, 38, 47, 82.

J

JACKSON (Le président André),
II, 3, 443.

JACOB (L'amiral comte),
I, 84.

JACQUES Ier D'ANGLETERRE (Le roi),
I, 9.

JANSON (Mme DE),
III, 221.

JAUBERT (Le comte),
II, 114, 122, 134, 366, 406, 424, 428, 429.

JAUCOURT (La marquise DE),
I, 48, 283;
II, 178, 368;
III, 216.

JELLACHICH (Le général),
III, 361, 367;
IV, 50.

JERMINGHAM (Miss),
I, 47.

JERSEY (Lord),
III, 184, 284.

JERSEY (Lady),
I, 33, 55, 153, 154, 169, 246;
II, 47, 127, 183, 337;
III, 87, 88, 102, 157, 184.

JOCELYN (Lord),
III, 49, 66.

JOINVILLE (Le prince DE),
II, 103, 288, 434, 437;
III, 33, 34, 35, 36, 37, 87, 120, 192, 217, 230, 268, 280, 288;
IV, 10, 15, 20, 21, 22, 23, 33, 59.

JOINVILLE (La princesse DE),
III, 288, 385;
IV, 10, 208, 423.

JOSÉPHINE (L'impératrice),
I, 332, 333;
II, 335.

JOUFFROY (M.),
III, 26.

JUMILHAC (Le duc DE RICHELIEU-),
II, 35.

K

KAGENECK (La comtesse DE),
III, 272.

KANITZ (Le général comte Auguste DE),
III, 172, 178, 351.

KAROLYI (Le comte),
IV, 338.

KAROLYI (La comtesse dite Nandine),
II, 333;
III, 91.

KAULBACH (Guillaume DE),
III, 442.

KENT (La duchesse DE),
I, 21, 58, 61, 62, 63, 64, 70, 87, 88, 92, 93, 365;
II, 127, 131, 144, 156, 157, 167, 174, 176, 177.

KETTLER (L'évêque baron DE),
IV, 74, 112.

KISSELEFF (Le comte Nicolas),
III, 150, 152, 157, 220;
IV, 65, 150.

KISSELEFF (Le général comte),
IV, 236, 297, 375.

KOMAR (Mlle Nathalie DE),
III, 232.

KOREFF (Le docteur),
I, 53.

KOSSUTH (Louis),
III, 376;
IV, 81, 82, 91, 313, 383.

KROLL,
III, 386.

KRÜDENER (La baronne DE),
II, 171;
III, 390, 391.

KRÜDENER (La baronne Amélie DE),
II, 288.

KRÜGER (Le peintre François),
II, 351.

KÜBECK DE KUBAUM),
III, 415;
IV, 50.

KÜPER (Le Rév. Dr. William),
I, 92.

KUSHNIX (La comtesse),
II, 278.

L

LA BESNARDIÈRE (M. DE),
I, 324;
II, 188;
III, 200, 203, 205.

511

LABLACHE,
III, 156.

LABORDE (Le comte Léon DE),
II, 124.

LABOUCHÈRE, lord Taunton (Henri),
I, 100, 245;
II, 118;
III, 69, 119.

LA BOULAVE (M. DE),
II, 357.

LA BRICHE (La comtesse DE),
II, 2;
III, 16.

LA BRUYÈRE (Jean DE),
I, 183;
II, 73;
III, 53.

LACAVE-LAPLAGNE (M.),
II, 404
III, 185, 238.

LACORDAIRE (L'abbé),
II, 34, 35, 362;
III, 24, 25, 27, 95;
IV, 339, 340, 341, 371, 394.

LACRETELLE (Jean-Claude-Dominique DE),
I, 136.

LACRETELLE (Charles),
IV, 219.

LADENBERG,
III, 454, 461.

LADVOCAT (M.),
II, 13.

LAFARGE (Mme, la mère),
II, 382.

LAFARGE (Mme, Marie Capelle),
II, 373, 374, 375, 376, 382.

LA FAYETTE (Le marquis DE),
I, 86, 100, 184, 377.

LA FERRONNAYS (La comtesse DE),
III, 24, 25.

LA FERTÉ (Le comte DE),
III, 444;
IV, 247.

LA FERTÉ (La comtesse DE),
IV, 127, 189, 235.

LAFITTE (Le ministre),
II, 743;
III, 217.

LA GRANGE (Mme DE),
IV, 189.

LAGRANGE-CHANCEL (Joseph DE),
I, 238.

LA MARCK (Le comte DE),
IV, 14.

LA MARMORA (Le marquis, général DE),
IV, 78.

LAMARTINE (M. DE),
II, 124, 221, 405, 424, 425;
III, 8, 11, 19, 163, 168, 222, 230, 349;
IV, 20, 136.

LAMB (Sir Frédéric),
I, 27, 291, 293, 294, 296;
II, 338.

LAMBERG (Le général comte DE),
III, 358.

LAMBRUSCHINI (Le cardinal),
II, 427.

LAMENNAIS (L'abbé DE),
I, 65, 66, 74;
III, 27, 99;
IV, 20, 159.

LAMORICIÈRE (Le général DE),
IV, 58, 361, 362, 365, 366, 367, 372, 373, 379, 381.

LAMORICIÈRE (Mme DE),
IV, 357.

LANGWARD (L'improvisateur),
I, 123.

LANSDOWNE (Lord),
I, 46, 97, 102, 121, 145, 179.

LANSDOWNE (Lady),
I, 52;
II, 336.

LARCHER (Mlle Henriette),
I, 242;
II, 255.

LA REDORTE (Le comte DE),
I, 266;
II, 117, 126, 313, 347, 361, 396, 407;
III, 52.

LA REDORTE (La comtesse DE),
II, 38, 119, 126, 366;
III, 52, 152, 447.

LA ROCHE-AYMOND (La comtesse DE),
III, 306.

LA ROCHEFOUCAULD (Le comte Alexandre DE),
III, 42.

LA ROCHEFOUCAULD (Marie DE),
II, 432.

LA ROCHEFOUCAULD (Le comte Sosthène DE), duc de Doudeauville,
II, 423;
III, 242, 467.

LA ROCHEFOUCAULD (La vicomtesse DE),
I, 147, 148.

LA ROCHELAMBERT (La marquise DE),
IV, 26.

LA ROCHEJAQUELEIN (Le maréchal, comte Auguste DE),
III, 196.

LA ROCHEJAQUELEIN (Le marquis Georges DE),
IV, 20, 64, 65, 148.

LA ROCHEJAQUELEIN (La comtesse DE),
III, 196.

LA RONCIÈRE le Noury (Émile-Clément DE),
I, 276.

LA ROVÈRE (La marquise DE),
II, 347

LASALLE (M. DE),
III, 37.

LA TOUR (Le général, comte DE),
III, 358.

LA TOUR-MAUBOURG (Le marquis DE),
I, 315;
III, 189.

LAURENCE (M.),
I, 12.

512

LAUZUN (Le duc DE),
I, 257, 277, 297;
III, 248.

LAVAL (Adrien, prince DE),
I, 364, 395;
II, 69, 70, 71, 76, 77, 78, 100, 107, 109, 138, 139, 154, 163.

LAVAL (La vicomtesse DE),
II, 155, 205, 217, 219, 235, 246, 254;
IV, 144.

LA VALETTE (Le marquis DE),
IV, 425.

LAVRADIO (Le comte DE),
I, 209.

LAZAREFF (Le comte Lazare DE),
I, 68.

LAZAREFF (Mme DE),
II, 283, 325;
III, 278, 300.

LÉAUTAUD (La comtesse DE),
II, 276, 382.

LEDIEU (L'abbé François),
IV, 241.

LEFÈVRE (M.),
IV, 41.

LEGONIDEC (Le conseiller),
I, 349, 362.

LE HON (Le comte),
I, 25;
II, 143;
III, 165.

LE HON (La comtesse),
II, 143, 155;
III, 28;
IV, 97, 242.

LEHZEN (La baronne),
I, 58.

LEININGEN (Le général, comte DE),
IV, 95, 100.

LEMOINNE (John),
IV, 85.

LENORMAND (Marie-Anne),
I, 115, 117, 118.

LENORMANT (Mme),
IV, 333, 334.

LÉON (L'évêque DE, don Joachim Albarca y Blanquès),
I, 157.

LÉON (Le prince DE),
II, 377.

LÉON (La princesse DE),
I, 104.

LÉON X (Le pape),
II, 459.

LÉON XII (Le pape),
II, 211.

LÉOPOLD Ier de Belgique (Le roi),
I, 22, 24, 30, 31, 47, 88, 92, 104, 105, 381;
II, 157, 174, 177, 249, 359, 401;
III, 158, 245, 263, 382, 396;
IV, 15, 43, 110, 111, 112, 117, 129, 142, 175, 282, 285, 316, 330, 352, 423.

LERCHENFELD (Le comte DE),
II, 288;
III, 378.

LE REIS-EFFENDI,
II, 64.

LESLIE (Robert),
I, 9.

LESPINASSE (Mlle DE),
III, 43.

LESSEPS (Le vicomte Ferdinand DE),
IV, 69.

LESTOCQ (La baronne DE),
II, 278.

LEUCHTENBERG (Le duc Auguste-Charles DE),
I, 27, 133;
II, 260.

LEUCHTENBERG (Le prince Max DE),
I, 333;
II, 127;
III, 79.

LEUCHTENBERG (La duchesse Marie DE),
III, 79;
IV, 372.

LEVESON (Lord),
II, 340;
III, 152.

LÉVIS (Le duc DE),
IV, 109.

LÉVIS (La duchesse DE),
IV, 159.

LEZAY-MARNESIA (Le comte DE),
II, 312.

LIAUTARD (L'abbé),
II, 147.

LICHTENSTEIN (Le prince Aloys-Joseph DE),
I, 27.

LICHTENSTEIN (La princesse DE),
II, 334.

LICHTENSTEIN (Le feld-maréchal, prince DE),
IV, 308, 310.

LICHTENSTEIN (Le général, prince Joseph-Wenzel DE),
III, 449.

LICHTENSTEIN (Le prince Wenzel DE),
III, 88.

LIEBERMANN (Le baron Auguste DE),
II, 282, 334;
III, 289, 301.

LIEGNITZ (La princesse DE),
II, 275, 278, 286, 292, 295, 300, 302.

LIEVEN (Alexandre DE),
II, 192.

LIEVEN (Le prince Christophe DE),
I, 60, 83, 84, 85, 86, 89, 98, 113, 131, 132, 144, 145, 205, 214, 245;
II, 193;
III, 194.

LIEVEN (Le prince Paul DE),
IV, 244.

LIEVEN (La princesse DE),
I, 4, 7, 19, 20, 44, 45, 47, 49, 50, 56, 62, 63, 65, 83, 86, 87, 89, 93, 94, 95, 98, 111, 112, 113, 122, 123, 124, 129, 131, 132, 143, 144, 151, 152, 156, 162, 167, 171, 175, 177, 196, 202, 215, 226, 244, 294, 330, 354, 357, 367, 385, 395, 396, 397; 513
II, 2, 6, 11, 16, 20, 29, 52, 54, 61, 62, 63, 81, 83, 92, 93, 105, 106, 113, 114, 118, 119, 120, 126, 127, 131, 132, 136, 162, 163, 167, 168, 174, 175, 177, 180, 183, 186, 192, 197, 198, 205, 206, 208, 248, 297, 322, 333, 337, 347, 351, 358, 366, 383, 384, 386, 387, 390, 391, 394, 398, 400, 402, 409, 421, 423, 426, 432, 433;
III, 6, 10, 22, 28, 40, 47, 52, 54, 64, 84, 86, 97, 98, 99, 100, 102, 108, 119, 121, 124, 128, 152, 157, 164, 165, 172, 178, 180, 184, 192, 194, 205, 217, 218, 225, 228, 235, 238, 247, 249, 301, 322, 387, 393, 398, 406, 414, 419;
IV, 16, 17, 40, 42, 45, 76, 126, 150, 184, 185, 202, 236, 243, 244, 245.

LINANGE (Le prince DE), ou prince de Leiningen,
II, 131;
III, 408, 409.

LINDENAU (Le baron DE),
II, 330.

LINDHEIM (Le général DE),
IV, 171.

LIONNE (M. DE),
II, 460.

LISFRANC DE SAINT-MARTIN (Le chirurgien),
II, 128, 199.

L'ISLE (Lady DE),
II, 131.

LISZT,
III, 329.

LITTLETON (Le baron),
I, 155, 161, 164, 168, 177.

LIVERPOOL (Le comte DE),
III, 102.

LOBAU (Le maréchal),
II, 70.

LOBAU (La maréchale),
II, 121.

LOEWENHIELM (Le comte DE),
II, 333.

LOEWENHIELM (La comtesse DE),
II, 6, 333.

LOEWE-WEIMAR (Le baron DE),
II, 83, 92.

LOLA MONTÈS,
III, 441.

LOMBARD (Henri),
III, 256, 257, 258.

LOMBARD (Mme),
III, 258.

LONDONDERRY (Lord),
I, 58, 59, 60;
III, 122.

LONDONDERRY (Lady), I, 55.

LONGUEVILLE (Mme DE),
IV, 56, 80, 87, 135, 148, 222.

LOTTUM (Le comte Charles-Henri DE),
II, 297, 321.

LOTTUM (La comtesse),
III, 279;
IV, 240.

LOUIS (Le baron),
I, 291;
II, 166, 178, 183.

LOUISE DE LORRAINE (Reine de France),
III, 132.

LOUIS-PHILIPPE (Le roi),
I, 10, 14, 60, 94, 184, 197, 217, 235, 264, 296, 326, 340, 341, 365, 370, 372, 383;
II, 49, 51, 92, 98, 165, 170, 279;
III, 19, 263, 284, 323, 330, 333, 385, 396, 428, 447, 448;
IV, 28, 152, 256.

LOUIS XIV (Roi de France),
I, 36, 233, 270;
II, 142, 335, 378, 459;
III, 12, 147, 177, 248;
IV, 107.

LOUIS XV (Roi de France),
I, 310, 326, 351;
III, 148.

LOUIS XVI (Roi de France),
I, 100, 306;
II, 158;
III, 253, 474.

LOUIS XVII,
IV, 67, 107.

LOUIS XVIII (Roi de France),
I, 136, 237, 238, 298, 325, 332;
II, 49, 432; III, 247, 253, 473.

LOULÉ (Le marquis et la marquise DE),
I, 192.

LOUVEL,
II, 66, 67.

LOUVOIS (Le marquis DE),
I, 351, 352, 353.

LOVÈRE (M. DE),
II, 279.

LUCCHESI-PALLI (Le comte DE),
IV, 103, 107.

LUCQUES (Le duc DE),
III, 319.

LUCQUES (La duchesse DE),
II, 63.

LUCQUES (Le prince DE),
III, 320.

LUDOLF (Le feld-maréchal, comte François DE),
III, 343.

LUDOLF (Le comte Guillaume-Constantin DE),
I, 156.

LUDRE (La comtesse DE),
III, 240.

LURDE (M. DE),
III, 370.

514

LUTHER (Martin),
II, 273;
III, 70, 95.

LUTTEROTH (Alexandre DE),
II, 123.

LUYNES (La duchesse DE),
III, 314.

LYNDHURST (Lord),
II, 223.

LYNDHURST (Lady),
I, 103, 104.

M

MACAULAY (Lord),
IV, 274.

MACDONALD (Le maréchal),
II, 387.

MACDONALD (Le général Francis),
II, 191.

MACKAU (L'amiral baron DE),
III, 238.

MAC-LEOD (Alexandre),
III, 48, 125.

MAC-MAHON (Le maréchal DE), duc de MAGENTA,
IV, 270, 325, 409.

MAC-MAHON (La maréchale DE),
IV, 415.

MAGNAN (Le maréchal),
III, 387.

MAGON-LABALLUE (Mlle),
II, 150.

MAHMOUD (Le sultan),
II, 154.

MAHON (Lady Emily),
III, 31.

MAILLÉ (Le duc DE),
II, 160, 161.

MAILLÉ (La duchesse DE),
II, 24, 126.

MAILLÉ (La marquise DE),
III, 127.

MAINTENON (La marquise DE),
I, 233, 312;
II, 196, 378;
III, 12, 42, 58, 313;
IV, 241, 302.

MAISON (Le maréchal),
I, 318, 344;
II, 5, 15.

MAISON (La maréchale),
II, 5, 6.

MAISTRE (La comtesse Adèle DE),
III, 172.

MAISTRE (La comtesse Azélia DE),
III, 140, 151.

MAISTRE (Mlle Francesca DE),
III, 166.

MAISTRE (Le comte Joseph DE),
IV, 19, 20.

MAISTRE (Le comte Rodolphe DE),
III, 140, 151, 154, 232;
IV, 20.

MALABRIA,
IV, 224.

MALESHERBES (M. DE),
II, 31.

MALIBRAN (Mme),
I, 59, 147.

MALTZAN (Le comte Mortimer DE),
II, 338, 359;
III, 28, 104, 114, 116, 172, 178, 235, 300.

MANNAY (L'abbé),
II, 228.

MANTEUFFEL (Le baron Othon DE),
III, 429, 430, 437, 458, 459, 461, 462, 463, 464;
IV, 2, 3, 8, 27, 41, 43, 52, 128, 129, 155, 156, 157, 161, 169, 170, 172, 175, 190, 192, 195, 224, 229, 243, 284, 285, 287, 288, 401.

MANTEUFFEL (Le général DE),
IV, 393, 410.

MANUEL (M.),
IV, 84.

MANUEL (Mme), comtesse de Gramedo,
II, 84.

MARBœuf (La marquise DE),
II, 233.

MARBOIS (Le marquis DE),
I, 206, 369.

MARCHAND (Le comte),
II, 24, 288.

MARCHESI (Luigi),
II, 329.

MARESCALCHI (La comtesse DE),
II, 145.

MAREUIL (Le comte DE),
I, 22;
II, 18.

MARIE II ou MARIA DA GLORIA (Reine de Portugal),
I, 12, 128, 133;
II, 96, 260.

MARIE-AMÉLIE (Reine de France),
I, 363;
II, 143;
III, 231, 348, 363, 448, 451, 452, 453;
IV, 15, 56, 59, 66, 118, 208, 212, 224, 237, 276, 423, 425.

MARIE-LOUISE (L'impératrice),
III, 318.

MARIE DE MÉDICIS (Reine de France),
I, 271;
II, 142, 371.

MARIE D'ORLÉANS (La princesse),
I, 60, 362, 381;
II, 178, 180, 189, 195, 196, 209, 221;
III, 241.

MARIE DE PORTUGAL (L'infante),
I, 192.

MARIE DE RUSSIE (L'impératrice),
II, 356.

MARIE STUART (Reine d'Écosse),
I, 386.

MARIE-THÉRÈSE (L'impératrice),
I, 366;
II, 365.

MARIO, marquis DE CANDIA,
III, 156.

515

MARLBOROUGH (La duchesse DE),
II, 167.

MARMONT (Le maréchal), duc DE RAGUSE,
III, 84, 85, 88, 90, 311, 457;
IV, 235, 245, 249.

MARNES (Le comte DE),
II, 107, 110.

MAROCHETTI (Le baron Charles),
II, 224.

MARS (Mlle),
II, 148;
III, 59, 60;
IV, 60.

MARTIGNAC (Aglay DE),
III, 239.

MARTIN (M.),
I, 13; II, 265.

MARTIN DU NORD,
I, 362;
II, 15, 18, 122, 124, 133, 136, 404;
III, 242.

MARTIMPREY (Le général DE),
IV, 304.

MARTINEZ DE LA ROSA (François),
I, 184, 238, 371.

MASSA (La duchesse DE),
I, 299, 300;
II, 16, 195, 388.

MASSIMO (La princesse),
II, 187.

MATHIEU (M.),
II, 354.

MATTHIOLI (Le comte),
III, 252.

MATUSIEVICZ (Le comte),
I, 144, 396;
II, 118, 122, 337;
III, 194.

MAUGUIN,
I, 12.

MAUSSION (Le baron Alfred DE),
II, 384, 386.

MAZZINI (Giuseppe),
IV, 7, 79, 81, 87, 91, 173, 351, 402.

MECKLEMBOURG-SCHWERIN (La grande-duchesse DE),
II, 116, 145, 156, 168, 283;
III, 225, 254, 265, 284;
IV, 54, 264, 277.

MECKLEMBOURG-SCHWERIN (Le grand-duc Frédéric DE),
III, 352, 429.

MECKLEMBOURG-SCHWERIN (Le duc Gustave DE),
III, 191.

MECKLEMBOURG-SCHWERIN (La princesse Hélène DE), plus tard duchesse d'Orléans,
II, 66, 113, 115, 117, 120, 123, 132, 138, 141, 143, 144, 148, 149, 151, 154, 155, 157, 159, 160, 161, 178, 180, 183, 184, 185, 207, 212, 221, 223, 260, 283, 313, 320, 352, 355, 369, 372, 400, 407, 409;
III, 33, 63, 65, 71, 191, 210, 212, 213, 216, 217, 219, 224, 225, 241, 244, 245, 246, 250, 253, 254, 255, 262, 264, 265, 267, 284, 330, 332, 333, 334, 335, 348, 352, 355, 369, 383, 385, 396, 399, 425, 428, 450, 452;
IV, 10, 11, 22, 32, 33, 35, 37, 57, 58, 61, 66, 91, 97, 117, 122, 136, 138, 162, 225, 230, 231, 247, 274, 275, 276, 278, 299.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (Le grand-duc héréditaire Frédéric-Guillaume DE),
III, 314.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (Le grand-duc Georges DE),
II, 299;
III, 429, 432, 434;
IV, 158, 364.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (La grande-duchesse Georges DE),
IV, 364.

MECKLEMBOURG-STRELITZ (Le duc Georges DE),
IV, 173, 174, 175.

MEDEM (Paul, comte),
I, 10, 98, 144, 145, 162;
II, 193, 206, 254, 337, 351;
III, 115, 116, 184, 311, 317, 338, 342, 351;
IV, 125.

MÉHÉMET-ALI (Le vice-roi),
I, 245;
II, 350, 353, 369, 383, 387, 467, 468, 469, 470, 471, 472, 473, 474, 476, 478;
III, 7, 47, 329.

MELBOURNE (Lord),
I, 46, 99, 164, 166, 167, 170, 171, 174, 177, 178, 180, 189, 190, 203, 208;
II, 34, 53, 167, 174, 175, 176, 407;
III, 6, 157, 226, 227, 228, 235.

MELBOURNE (Lady),
III, 32.

MELZI (Le duc),
III, 233.

MELZI (La duchesse),
III, 233.

MENDELSLOH (Le comte DE),
I, 70.

MENDIZABAL (Don Juan Alvarez y),
I, 371;
II, 38.

MENNECHET (Edouard),
I, 372.

MENSCHIKOFF (L'amiral prince),
IV, 125.

516

MENSDORF-POUILLY (Le feld-maréchal comte DE),
IV, 228.

MÉRAN (Le comte DE),
III, 382.

MÉRODE (Mgr DE),
IV, 376.

MÉRODE (Le comte Werner DE),
II, 2, 63.

METTERNICH (Le prince DE),
I, 27, 294, 296, 383;
II, 56, 61, 63, 170, 250, 338, 386;
III, 7, 22, 69, 83, 84, 88, 89, 92, 104, 108, 111, 116, 117, 184, 221, 236, 311, 319, 320, 338, 352, 382;
IV, 15, 51, 52, 89, 158, 164, 175, 228, 249, 309.

METTERNICH (La princesse Mélanie DE),
II, 56, 360;
III, 83, 84, 88, 91, 104, 184, 238, 338;
IV, 15, 51, 112, 116, 159, 164, 166.

METTERNICH-WINNEBOURG (Le prince Richard DE),
IV, 243, 364.

MEULAN (Mme DE),
III, 237.

MEUNIER (M.),
II, 116, 117, 159.

MEYENDORFF (Le baron DE),
III, 351, 380, 404, 406, 408, 414, 416, 417, 425, 427, 428, 430, 434, 436, 437, 459, 463;
IV, 164, 244.

MEYENDORFF (La baronne DE),
III, 289, 408, 417, 431;
IV, 51, 164, 244.

MEYERBEER (M.),
III, 283;
IV, 40.

MIAOULIS (Amiral),
I, 12.

MIGNET,
I, 34, 318;
II, 24, 125, 178;
III, 5, 245;
IV, 251.

MINA (Don),
I, 245.

MINTO (Lord),
IV, 91, 315.

MIRABEAU (Le marquis DE),
I, 134, 135, 136;
IV, 14, 17.

MIRAFLORÈS (Le marquis),
I, 51, 87, 121, 125, 127, 128, 146, 174,
178, 181, 183, 191, 203, 226.

MIRAFLORÈS (La marquise DE),
I, 205.

MITFORD (John),
III, 75.

MOCQUART (M.),
IV, 200, 351, 370.

MODÈNE (Le duc François IV DE),
I, 366.

MODÈNE (Le duc François V DE),
III, 156;
IV, 260.

MOIRA (Lord),
II, 157.

MOLAY (Jacques DE),
III, 45.

MOLÉ (Le comte),
I, 246, 267, 268, 272, 274, 289, 294, 295, 300, 305, 306, 307, 308, 310, 313, 315, 319, 320, 321, 322, 392;
II, 1, 9, 10, 12, 15, 17, 21, 23, 84, 87, 89, 91, 94, 99, 110, 112, 114, 122, 124, 125, 129, 133, 138, 143, 147, 154, 162, 163, 166, 169, 177, 183, 185, 186, 192, 194, 205, 219, 220, 246, 360, 361, 368, 370, 387, 390, 392, 401, 402, 403, 404, 405, 412, 414, 416, 424, 440;
III, 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 18, 22, 28, 41, 42, 50, 55, 57, 96, 105, 121, 123, 167, 180, 181, 183, 210, 212, 213, 217, 219, 225, 237, 238, 239, 242, 243, 349, 383, 406, 444;
IV, 11, 17, 40, 42, 65, 67, 126, 189, 218, 219, 235.

MOLÉ (La comtesse),
II, 126, 143, 121.

MOLÉ (Mathieu),
III, 121.

MOLITOR (Le maréchal comte),
II, 15, 94.

MOLLIEN (Le comte),
I, 291, 296;
II, 72, 116;
III, 221.

MOLLIEN (La comtesse DE),
I, 299, 303, 312;
II, 72, 116, 312, 320, 373, 374, 375, 401, 417, 428, 436;
III, 11, 15, 33, 123, 182, 221, 259, 447, 452;
IV, 59, 66, 97, 126, 208, 344.

MOLYNEUX (Francis),
III, 75.

MONCEY (Le maréchal),
III, 182.

MONSON (Lord),
I, 39, 42.

MONSON (Lady),
I, 39, 43.

MONTALEMBERT (Le comte Charles DE),
II, 361, 362, 366, 368;
III, 325, 394;
IV, 210, 255, 334, 395.

MONTALIVET (Le comte DE),
II, 15, 84, 90, 94, 115, 185, 191, 403.

MONTALIVET (Mme DE),
III, 35.

517

MONTBRETON (M. DE),
II, 35.

MONTBRETON (Mme DE),
II, 376, 382.

MONTCALM (Le marquis DE),
III, 177.

MONTEBELLO (Le duc DE),
II, 101;
III, 64, 115;
IV, 244.

MONTEMOLIN (Le comte DE),
III, 396;
IV, 346, 348, 349, 359.

MONTÉNÉGRO (Le chevalier),
IV, 165.

MONTENON (M. DE),
II, 386.

MONTESPAN (La marquise DE),
I, 312.

MONTESQUIOU (La comtesse Anatole DE),
II, 132.

MONTESQUIOU (L'abbé DE),
III, 247.

MONTESSUY (Le comte DE),
II, 87, 92.

MONTFORT (Mlle DE, la princesse Mathilde),
II, 377, 394;
III, 368;
IV, 40, 43, 74, 199, 214, 296.

MONGUYON (M. DE),
IV, 97, 232, 278.

MONTIJO (Mlle DE), plus tard l'Impératrice Eugénie,
IV, 65, 69, 70, 72, 73, 77, 84, 87, 92, 112, 189, 206, 207, 213, 214, 235, 269, 285, 296, 320, 362, 385, 408.

MONTIJO (Mme DE),
IV, 69.

MONTJOYE (La comtesse DE),
III, 220, 363.

MONTMORENCY (Le duc Mathieu DE),
IV, 334.

MONTMORENCY (Le baron, puis duc Raoul DE),
I, 257, 260, 261, 296;
II, 77, 115, 137, 163, 187;
III, 131;
IV, 28, 275.

MONTMORENCY (La duchesse DE),
I, 27;
II, 16, 26, 33, 138, 143, 252, 394, 434;
III, 22, 44, 52, 97, 102, 105, 280.

MONTMORENCY (La duchesse Mathieu DE),
II, 233, 250, 380, 432;
III, 310;
IV, 287, 335.

MONTMORENCY (La baronne DE),
III, 131.

MONTPENSIER (Le duc DE),
III, 35, 132, 268, 324, 349;
IV, 57, 348.

MONTPENSIER (La duchesse DE),
III, 349;
IV, 58.

MONTROND (Le comte DE),
I, 16, 24, 32, 51, 114, 120, 148, 149, 249, 250, 252, 255, 256, 283, 285, 395;
II, 173, 197, 256, 373, 383;
III, 52, 242;
IV, 144.

MONTROND (La comtesse DE),
I, 148.

MORELL (La baronne DE),
I, 276.

MORELL (Mlle Marie DE),
I, 276.

MORELLET (L'abbé),
I, 121.

MOREY (M.),
II, 18, 21.

MORLOT (Le cardinal),
III, 202;
IV, 330, 331, 398.

MORNAY (Le comte Charles DE),
I 276;
II, 121;
III, 18.

MORNINGTON (Lady),
I, 3.

MORNY (Le duc DE),
IV, 41, 90, 123, 184, 202, 231, 233, 236, 242, 249, 253, 301.

MORPETH (Lord),
III, 39.

MORTEMART (Mlle Alicia DE),
I, 312;
III, 203.

MORTEMART (Arthur DE),
II, 392;
III, 203;
IV, 17.

MORTIER (Le maréchal),
I, 278, 318, 360.

MOSKOWA (Le prince DE LA),
I, 89, 106;
III, 44, 255, 256, 368.

MOTTEUX (M.),
I, 263.

MOTTEVILLE (Mme DE),
II, 98;
IV, 205.

MOUCHY (Le duc DE),
IV, 64.

MOUCHY (La duchesse DE),
IV, 126.

MOUNIER (M.),
II, 41, 415, 425;
III, 54.

MOUNT-EDGECUMBE (Lord),
I, 20.

MOUSTIERS (Le marquis DE),
IV, 152, 292, 336.

MULLER (Frédéric DE),
IV, 28, 29.

MULLER (Jean DE),
IV, 29.

MUNCHHAUSEN (Le baron DE),
IV, 7.

MUNSTER (Le comte DE),
I, 204.

MUNSTER (La comtesse DE),
I, 204.

MULGRAVE (Lord),
I, 94, 198.

518

MUNIER DE LA CONVERSERIE (Le général),
I, 119.

MUNOZ (Fernando, duc DE RIANZARÈS),
II, 400;
III, 124, 260.

MUNSTER (Lord),
II, 156.

MURAT (La princesse),
II, 19, 83, 191.

MURAT (Le prince Joachim),
IV, 394.

MURAT (Le prince Lucien),
IV, 86, 184, 394.

MURILLO,
III, 441.

MUSSET (Alfred DE),
I, 247.

N

NANTES (Mlle DE),
I, 233.

NAPIER (L'amiral),
II, 371, 433, 439;
III, 47; IV, 192.

NAPLES (La reine Caroline DE),
II, 30.

NAPLES (Le prince Charles DE),
II, 30.

NAPLES (Le roi Ferdinand II DE),
I, 60, 236;
II, 49, 56, 65, 79, 80, 82, 107, 150.

NAPLES (Le roi François II DE),
IV, 350, 356, 360, 361, 362, 374, 381, 387, 394.

NAPLES (Le prince Léopold DE),
I, 362.

NAPLES (La princesse Marie DE),
II, 237.

NAPLES (La reine Marie DE),
IV, 383.

NAPLES (La reine Marie-Christine DE),
II, 12, 20, 107.

NAPOLÉON Ier (L'empereur),
I, 33, 107, 116, 137, 227, 228, 247, 310, 326, 332, 397;
II, 24, 158, 231, 288, 297, 328, 329, 335, 401, 425, 426, 432, 433, 435, 439, 440, 463;
III, 38, 39, 167, 295, 330, 393, 408;
IV, 96, 147, 200, 245, 249, 255.

NAPOLÉON (Le prince Jérôme),
IV, 42, 69, 70, 86, 151, 296, 298, 301, 302, 303, 304, 305, 324, 327, 341, 356, 358, 360, 386, 397.

NARBONNE (La comtesse Louis DE), née DE MONTHOLON,
III, 142.

NASSAU (Le duc Adolphe DE),
III, 314, 429.

NASSAU (Le duc Guillaume DE),
I, 30.

NASSAU (La princesse Marie DE),
III, 157.

NASSAU (La duchesse Pauline DE),
III, 52.

NÉALE (La comtesse Pauline),
III, 71, 75, 282, 285, 288.

NECKER (Jacques),
I, 320, 345.

NECKER (Mme),
I, 345.

NEELD (Lady Caroline),
I, 40.

NEGRO (Le marquis Carlo DI),
IV, 77.

NEIPPERG (Le comte DE),
II, 345, 346, 348.

NEMOURS (Le duc DE),
I, 296, 310, 340, 357;
II, 36, 48, 65, 103, 179, 196, 199, 207, 214, 250, 291, 365, 372;
III, 36, 37, 210, 212, 217, 244, 261, 262, 265, 268, 383, 384;
IV, 10, 59, 117, 136, 138, 225, 246, 247, 248, 277.

NEMOURS (La duchesse DE),
II, 251, 372;
III, 34, 125, 186, 225, 244, 383, 384;
IV, 10, 59, 225, 416.

NERLI,
IV, 108.

NESSELRODE (Le comte DE),
I, 85, 86, 99, 112, 124;
II, 337, 415;
III, 220, 317;
IV, 51, 52, 131, 138.

NESSELRODE (La comtesse DE),
I, 330;
II, 351, 415, 417, 422;
III, 10, 28, 96.

NEUMANN (Le général),
III, 431.

NEUMANN (Le baron),
II, 349, 472, 473;
III, 115.

NEU-WIED (Le prince Guillaume DE),
III, 157.

NEY (Le maréchal),
I, 89, 304, 306;
III, 255.

NEY (La maréchale),
II, 437.

NEY (Edgar),
III, 386;
IV, 411.

519

NICOLAÏ (Le marquis DE),
II, 376.

NICOLAÏ (La marquise Scipion DE),
II, 376, 382.

NICOLAS Ier de Russie (L'empereur),
I, 11, 52, 85, 112, 144, 360, 383, 385, 386;
II, 54, 87, 92, 105, 248, 276, 293, 295, 301, 302, 303, 377;
III, 23, 62, 79, 127, 220, 267, 299, 307, 317, 332, 375, 377, 413, 462;
IV, 14, 50, 52, 53, 54, 68, 113, 124, 127, 129, 131, 134, 151, 152, 159, 161, 163, 164, 186, 187, 195, 196, 201, 202, 204.

NICOLE (Pierre),
II, 39, 44.

NIEBUHR (M. DE),
IV, 192.

NIEL (Le général),
IV, 195, 296, 304.

NIGRA (Le chevalier),
IV, 359.

NINA LASSAVE,
II, 13.

NISARD (M.),
IV, 227, 228.

NOAILLES (Le duc DE),
I, 312, 322, 324, 338; II, 28, 34, 41, 67, 71, 72, 100, 114, 118, 125, 173, 178, 182, 198, 298, 332, 333, 347, 383, 392, 396, 403, 407, 408, 417, 419, 438, 441;
III, 12, 17, 40, 41, 42, 52, 97, 100, 103, 121, 153, 187, 214, 215, 241, 248, 392, 393, 397;
IV, 12, 25, 26, 36, 97, 126, 136, 180, 218, 244, 268, 394.

NOAILLES (La duchesse DE),
I, 340;
II, 76;
III, 221;
IV, 126.

NOAILLES (Le comte Maurice DE),
II, 403, 407;
III, 153.

NOAILLES (La vicomtesse DE),
I, 338;
IV, 24.

NOAILLES (Mlle Sabine DE),
I, 366.

NODIER (Charles),
III, 57.

NOTHOMB (Le baron DE),
III, 334;
IV, 43.

NORFOLK (Le duc DE),
I, 141, 209, 210.

NORFOLK (Le duc Henry DE),
IV, 240.

NORMANBY (Le marquis DE),
III, 54, 406, 421;
IV, 44.

NORTHUMBERLAND (La duchesse DE),
I, 58.

NORTON (M.),
II, 53.

NORTON (Mrs),
II, 37, 53, 63.

NOSTITZ (Le comte DE),
III, 307.

NOSTITZ (La comtesse DE),
III, 73.

O

OBERKAMPF,
III, 21.

O'DONNEL (Daniel),
I, 145, 155, 175, 176, 179, 186, 195, 205, 207, 218, 368;
II, 12.

O'DONNELL (Le général comte Maurice),
III, 85.

O'DONNELL (Le général comte Maximilien),
IV, 86, 88, 94, 122.

OFFALIA (Le comte D'),
II, 416.

OLBERG (Le général DE),
IV, 192.

OLDENBURG (Le grand-duc Auguste D'),
III, 433.

OLDENBURG (La grande-duchesse D'),
VI, 85.

OLFERS (M.),
III, 76, 79, 284, 299.

OLIVIER (L'abbé),
I, 344;
II, 225.

OLOZAGA (Don Salluste),
III, 125.

OMPTEDA (La baronne D'),
I, 72, 204;
II, 333.

ORANGE (Le prince Guillaume D'),
I, 149;
II, 54.

ORANGE (La princesse D'),
I, 149,330.

ORESTIS (La comtesse DE),
IV, 76.

ORIE (Le docteur),
II, 201;
III, 52, 206.

ORLÉANS (Le duc Ferdinand D'),
I, 25, 33, 35, 105, 136, 232, 235, 236, 252, 256, 258, 260, 264, 265, 266, 282, 285, 289, 290, 291, 293, 299, 305, 310, 311, 315, 323, 340, 346, 361, 363, 381, 382, 383;
II, 15, 36, 38, 39, 40, 43, 44, 45, 48, 50, 51, 56, 57, 61, 63, 65, 68, 69, 73, 75, 79, 82, 86, 93, 99, 103, 113, 115, 116, 118, 119, 121, 123, 142, 143, 146, 153, 155, 161, 176, 179, 189, 193, 196, 206, 207, 520 208, 235, 291, 296, 313, 319, 320, 352, 353, 364, 365, 366, 376, 396, 400, 401, 404, 415, 421;
III, 9, 12, 17, 18, 25, 34, 35, 40, 44, 45, 56, 86, 131, 148, 163, 164, 178, 183, 186, 191, 207, 209, 210, 214, 215, 216, 217, 218, 220, 222, 224, 234, 241, 245, 254, 261, 283, 332, 355;
IV, 237.

ORLÉANS (Gaston D'),
III, 239.

ORLÉANS (Le duc Philippe D'), Philippe-Égalité,
I, 297, 298.

ORLOFF (Le comte, puis prince),
II, 168, 174, 180;
IV, 149, 150, 151, 152, 156, 164, 227.

ORNANO (Le général),
I, 261.

ORSAY (Le comte Alfred D'),
I, 46.

ORSAY (Lady Harriet D'),
III, 234.

ORSINI,
IV, 270, 271, 316.

ORTEGA (Le général),
IV, 346, 349.

OSMOND (La marquise D'),
IV, 126.

OSSAT (Le cardinal D'),
II, 459.

OSSULSTON (Lord),
I, 80.

OSSUNA (Le duc D'),
IV, 69, 112, 409.

O'SULLIVAN DE GRASS (Le comte),
IV, 117.

OULTREMONT ET DE VERGIMOND (La comtesse D'),
III, 40, 76.

OUTREMONT DE MINIÈRES (Le général D'),
III, 117.

P

PAGANINI,
III, 299.

PAGEOT (M.),
III, 180.

PAHLEN (Le comte),
I, 78, 156, 383, 387, 395, 396, 397;
II, 5, 15, 193;
III, 127, 150, 154, 164, 167, 184, 225, 239, 249, 250, 301.

PALAFOX (Don José DE),
I, 207.

PALATINE (La princesse), Anne de Gonzague,
II, 24, 30, 196.

PALFFY (Le comte Aloys),
III, 343.

PALFFY (La princesse),
II, 336.

PALIKAO (Le maréchal Cousin-Montauban, comte DE),
IV, 418, 419.

PALLADIO (André),
IV, 104, 105.

PALLAVICINI (Le marquis),
II, 224.

PALMELLA (Le duc DE),
I, 127.

PALMELLA (La duchesse DE),
II, 259.

PALMERSTON (Lord),
I, 6, 19, 29, 32, 33, 47, 50, 51, 63, 83, 85, 86, 89, 94, 96, 98, 102, 104, 105, 113, 125, 128, 131, 132, 161, 162, 170, 175, 176, 183, 184, 188, 202, 203, 209, 210, 214, 216, 225, 226, 238, 239, 246, 253, 262, 265, 293, 294, 296, 359;
II, 107, 108, 157, 162, 345, 349, 353, 364, 383, 386, 387, 388, 391, 393, 395, 398, 399, 407, 409, 411, 412, 415, 419, 421, 433, 439, 465, 479;
III, 6, 7, 8, 10, 22, 54, 87, 90, 109, 157, 226, 228, 229, 320, 325, 342, 349, 379, 384, 396, 402, 410, 413, 414, 416, 417, 421, 426, 453;
IV, 8, 9, 38, 39, 44, 45, 111, 124, 138, 151, 171, 191, 222, 239, 245, 269, 274, 275, 282, 295, 304, 313, 329, 350, 355.

PALMERSTON (Lady),
II, 351, 397;
III, 48, 49, 54, 102, 109, 157;
IV, 44.

PALMERSTON (Mlle Fanny),
III, 49.

PALMYRE (Mlle),
I, 255;
II, 142.

PANIEGA (Mlle DE LA),
IV, 285.

PANIS (Le comte DE),
III, 102, 158.

PAPPENHEIM (Le comte),
III, 318.

PARIS (Le comte DE),
II, 387, 394, 400, 401, 407;
III, 63, 224, 246, 250, 255, 262, 333, 384, 385, 396, 422;
IV, 99, 138, 232, 247, 248, 276, 277, 278, 349.

PARME (Le duc Robert DE),
IV, 324.

PARME (La duchesse régente DE),
IV, 349.

PARRY (Le capitaine),
I, 45.

PASCAL (Blaise),
II, 44;
III, 392;
IV, 25.

PASKEWITSCH (Le feld-maréchal),
III, 301, 380, 452.

521

PASQUIER (Le duc),
I, 10, 283, 291, 304, 306, 322, 362, 382;
II, 1, 2, 20, 146, 225, 441;
III, 9, 18, 22, 44, 167;
IV, 126.

PASSINI (M.),
III, 299.

PASSY,
I, 277, 278;
II, 14, 15, 17, 219, 404, 405, 410, 419, 424;
III, 8, 9, 14, 26, 127, 163, 185, 238.

PASTA (Judith),
I, 59.

PASTORET (Le marquis DE),
III, 9;
IV, 64, 65, 148.

PATOW (Le baron DE),
IV, 393.

PAYS-BAS (Le prince Frédéric DES),
I, 172;
II, 290;
III, 388.

PAYS-BAS (La princesse Frédéric DES),
I, 172;
II, 284, 286.

PAYS-BAS (le Roi Guillaume Ier DES),
I, 14, 24, 30, 172, 341;
II, 249, 356;
III, 48, 76, 229, 233, 307.

PAYS-BAS (le Roi Guillaume II DES),
III, 191, 226, 227, 281.

PAYS-BAS (Le prince héréditaire DES), plus tard roi Guillaume III,
III, 66, 388.

PAYS-BAS (La reine Wilhelmine DES),
I, 172;
II, 45, 48.

PÉAN (Valet de chambre du prince de Talleyrand),
II, 247.

PECHLIN (M.), diplomate danois,
III, 427.

PEDRO Ier (Dom),
I, 11, 56, 72, 121, 125, 128, 171, 192.

PEEL (Sir Robert),
I, 101, 104, 139, 140, 141, 145, 171, 189, 190, 288, 293, 299, 308, 357;
II, 175;
III, 6, 8, 52, 102, 122, 194, 226.

PEEL (Lady),
I, 140;
III, 52.

PEEL (The Right Hon. William-Yates),
III, 52.

PÉLISSIER (Le maréchal), duc DE MALAKOFF,
IV, 231, 274, 278, 285, 287, 298, 304, 385.

PELLICO (Silvio),
III, 141;
IV, 50.

PEMBROKE (Lady),
II, 47.

PÉNÉLOPE Smith (Miss),
II, 31, 57.

PEPE (Le général),
IV, 218.

PÉPIN (M.),
I, 348, 349, 356, 362, 373;
II, 18, 20, 21.

PERIER (Casimir),
I, 6, 9, 10, 15, 19, 273;
III, 151, 157, 167, 220.

PÉRIGORD (Le duc DE),
I, 344.

PÉRIGORD (La duchesse DE),
I, 348;
IV, 82.

PÉRIGORD (Le comte Alexandre DE), duc DE DINO,
I, 363;
II, 199, 204, 226, 247, 399, 401, 435;
III, 1, 98, 123, 170, 187, 205;
IV, 35, 64, 80, 180, 206, 215.

PÉRIGORD (Boson DE),
II, 104, 434.

PÉRIGORD (Le comte Paul DE),
IV, 82.

PÉRIGORD (Mlle Pauline DE), plus tard marquise DE CASTELLANE,
I, 45, 242, 305, 314, 327, 337, 349;
II, 26, 33, 34, 40, 41, 43, 46, 53, 72, 136, 141, 145, 146, 149, 151, 157, 158, 188, 204, 205, 207, 211, 217, 220, 227, 228, 235, 236, 244, 245, 252, 259, 260, 261, 262, 263, 332, 347, 381, 386;
III, 1, 49, 64, 68, 74, 120, 129, 130, 139, 140, 142, 145, 149, 150, 152, 153, 159, 161, 169, 175, 179, 181, 185, 186, 187, 192, 193, 196, 197, 198, 200, 201, 203, 205, 233, 249, 250, 326, 331, 353, 394;
IV, 15, 48, 126, 178, 179, 183, 266, 267, 269, 281, 396.

PÉRIGORD (Le cardinal DE TALLEYRAND-),
I, 327, 330, 392;
II, 229, 232;
III, 5.

PERPONCHER (Le comte Henri DE),
II, 282.

PERPONCHER (La comtesse DE),
II, 278, 280, 282, 290, 321, 324;
III, 71, 73, 74, 75, 80, 103, 113, 282, 286.

PERREGEAUX (Le comte DE),
II, 374.

PERRONE DI S. MARTINO (Le baron Paul),
IV, 224.

PERSIGNY (Le duc DE),
III, 402, 403, 407, 408, 417, 418, 423, 425, 430, 434;
IV, 3, 41, 90, 124, 522179, 238, 240, 301, 363, 397, 424.

PERSIL (Jean-Charles),
I, 377;
II, 134.

PETER (Mrs),
I, 176, 214.

PETETOT (L'abbé),
II, 362;
III, 257.

PETIT (Le général),
I, 259.

PEYRONNET (Le comte DE),
II, 7, 52, 110;
III, 243.

PIATOLI (L'abbé Scipion),
II, 310.

PICARD (Ernest),
IV, 418.

PIE (Mgr),
IV, 406.

PIE VII (Le pape),
II, 230, 231, 255;
III, 295.

PIE IX (Le pape),
III, 363;
IV, 183, 253, 255, 258, 260, 261, 297, 299, 309, 313, 315, 317, 325, 329, 330, 337, 342, 348, 352, 357, 360, 362, 365, 369, 370, 371, 372, 373, 376, 378, 381, 385, 387, 406, 416, 420, 421, 425.

PIERRES (Le baron DE),
IV, 418.

PIETRI (M.),
IV, 397.

PIMODAN (Le général marquis DE),
II, 224, 225;
IV, 372, 373, 374, 377.

PIRON (M.),
I, 119, 126.

PISCATORY (M.),
II, 406.

PITT (William),
I, 64, 163.

PLAISANCE (La duchesse DE),
II, 171.

PLESSEN (M. DE),
II, 123.

PLYMOUTH (Lady),
I, 8.

PODENAS (La marquise DE),
III, 130.

POIX (Le duc DE),
III, 215.

POIX (La duchesse-princesse DE),
I, 340, 394;
III, 241.

POLIGNAC (Le prince DE),
I, 30, 277;
II, 7, 108, 109, 110;
III, 192.

POLIGNAC (La princesse DE),
I, 95;
II, 100.

POLIGNAC (Le cardinal DE),
II, 459.

POMPONNE (Le marquis DE),
II, 44.

PONCEAU (Le vicomte DU),
III, 52.

PONIATOWSKI (Roi de Pologne),
II, 335.

PONIATOWSKI (Le maréchal prince),
I, 272.

PONSARD,
III, 281.

PONSONBY (Lord),
I, 125,;
II, 64, 65, 349, 371;
III, 47, 54, 349.

PONTOIS (Le comte DE),
II, 349.

PORCHESTER (Lord),
I, 38.

PORTUGAL (Le roi PEDRO V DE),
IV, 237, 318.

PORTUGAL (La reine DE), princesse Stéphanie de Hohenzollern-Sigmaringen,
IV, 318, 415.

POTEMKIN (M. DE),
II, 337.

POTOCKI (Le comte Stanislas DE),
I, 228.

POTOCKA (La comtesse Delphine DE),
IV, 250.

POURTALÈS (Le comte Albert DE),
IV, 141, 161, 172, 312, 315, 337.

POURTALÈS (Le comte Louis DE),
III, 298.

POZZO (Le comte),
I, 15, 32, 33, 57, 98, 99, 291, 294;
II, 39, 106;
III, 166, 251.

POZZO DI BORGO (Le comte Charles),
III, 166.

PRASLIN (Le duc DE),
II, 141;
III, 34.

PRASLIN (La duchesse DE),
III, 35.

PREISSAC (Le comte DE),
II, 189.

PRÉVOST-CLARADOL (M.),
IV, 343, 357.

PRINCE NOIR (Le),
I, 41.

PRITWITZ (Le général DE),
III, 373, 374.

PROKESCH-OSTEN (Le baron DE),
III, 378, 408, 423, 426, 430, 436, 437;
IV, 5, 27.

PRUD'HON (Le peintre),
I, 247.

PRUSSE (Le prince Adalbert DE),
II, 322;
III, 288, 389;
IV, 232, 405.

PRUSSE (Le prince Albert DE),
III, 233, 234, 431;
IV, 115, 172.

PRUSSE (La princesse Albert DE),
II, 50, 63, 279, 281;
III, 77, 234, 281, 299, 313.

PRUSSE (La princesse Anna DE),
IV, 55, 56.

PRUSSE (Le prince Auguste DE),
III, 306.

PRUSSE (Le prince Charles DE),
III, 274, 431;
IV, 156, 197.

523

PRUSSE (La princesse Charles DE),
II, 278, 283;
III, 73, 74, 78, 112, 285, 288;
IV, 168, 291, 372, 382.

PRUSSE (La princesse Charlotte DE), plus tard princesse de Saxe-Meiningen,
III, 427;
IV, 115.

PRUSSE (Le prince Frédéric DE),
I, 199;
II, 355;
III, 67, 72, 273, 274.

PRUSSE (La princesse Frédéric DE),
III, 74.

PRUSSE (Le prince Frédéric-Charles DE),
IV, 130.

PRUSSE (Le roi Frédéric-Guillaume II DE),
III, 301.

PRUSSE (Le roi Frédéric-Guillaume III DE),
I, 14, 235;
II, 115, 272, 319, 331, 350.

PRUSSE (Le prince royal DE), puis roi Frédéric-Guillaume IV,
II, 45, 48, 50, 55, 270, 275, 280, 281, 285, 287, 288, 289, 290, 295, 317, 351, 359, 372, 431;
III, 7, 40, 46, 62, 67, 110, 114, 157, 164, 165, 172, 222, 263, 273, 289, 318, 369, 377, 388, 391, 464;
IV, 52, 72, 110, 112, 114, 196, 234, 260, 262, 275, 281, 321.

PRUSSE (La princesse royale DE), puis la reine Élisabeth,
II, 45, 47, 278, 280, 290, 327;
IV, 53, 110, 115, 119, 120, 159, 225, 259, 297, 391.

PRUSSE (Le prince Frédéric-Guillaume DE), plus tard empereur Frédéric III,
IV, 262, 391, 416.

PRUSSE (La princesse Frédéric-Guillaume DE),
IV, 281, 415.

PRUSSE (Le prince Guillaume DE), plus tard empereur d'Allemagne,
II, 278, 282, 300, 301, 321;
III, 62, 77, 271, 274, 282, 283, 289, 291, 293, 294, 296, 349, 381, 430, 454, 457, 461;
IV, 6, 52, 155, 166, 170, 174, 175, 176, 177, 190, 197, 263, 264, 272, 284, 285, 287, 288, 291, 319, 321, 325, 332, 333, 335, 354, 356, 363, 382, 405, 408, 410, 411.

PRUSSE (La princesse Guillaume DE), plus tard impératrice d'Allemagne,
II, 45, 278, 279, 280, 282, 284, 286, 287, 288, 291, 296, 301, 302, 321, 322, 323, 324, 325;
III, 71, 73, 74, 75, 78, 80, 95, 113, 116, 117, 264, 281, 282, 285, 288, 306, 309, 322, 331, 365, 430, 435;
IV, 27, 116, 155, 402.

PRUSSE (Le prince Guillaume DE), frère du roi Frédéric-Guillaume III,
II, 51;
III, 282, 334, 365, 389.

PRUSSE (La princesse Guillaume DE),
II, 278, 283, 284;
III, 71, 73, 74, 282, 284, 389.

PRUSSE (Le prince Louis DE),
I, 83.

PRUSSE (La reine Louise DE),
I, 71;
II, 288, 299.

PRUSSE (La princesse Louise DE), puis grande-duchesse de Bade,
IV, 234, 417.

PRUSSE (La princesse Louise DE), puis princesse Alexis de Hesse-Philippsthal-Barchfeld,
IV, 168.

PRUSSE (La princesse Louise DE), princesse Antoine Radziwill,
II, 48;
III, 302.

PRUSSE (La princesse Marie DE),
III, 156, 233.

PRUSSE (Le prince Waldemar DE),
III, 365.

PUCKLER (Le prince),
II, 277;
III, 282, 291, 292, 293, 294, 295, 318, 329.

PUCKLER (La princesse),
II, 283, 291;
III, 291, 293, 294.

PUTBUS (Le prince DE),
III, 296.

PUTBUS (La princesse DE),
III, 279;
IV, 416.

PUTBUS (Le comte Malte DE),
II, 140, 141;
III, 279.

PYAT (Félix),
IV, 270.

524

Q

QUATREMÈRE DE QUINCY (Antoine-Chrysostôme),
II, 130.

QUÉLEN (Le comte DE), archevêque de Paris,
I, 327, 328, 329, 344, 391, 395;
II, 34, 35, 65, 67, 108, 109, 121, 122, 137, 138, 139, 182, 211, 217, 231, 232, 237, 241, 242, 243, 309, 361, 366, 368, 393, 441;
III, 1, 2, 4, 5, 23, 27, 44, 46, 105, 106, 144, 310, 328.

QUINEMONT (Le marquis DE),
III, 206.

QUITRY (Le marquis DE),
IV, 64.

R

RACHEL (Mlle),
II, 259;
III, 18, 103, 128, 153, 242, 445, 467, 468, 469, 470, 471;
IV, 59.

RACZYNSKI (Le comte),
II, 297.

RADETZKY (Le maréchal comte DE),
III, 361, 366, 367, 371, 380;
IV, 88, 95, 96, 97, 101, 148, 260.

RADNOR (Lord William),
I, 106, 449.

RADOWITZ (Le général DE),
III, 318, 321, 334, 377, 378, 407, 410, 413, 415, 425, 433, 435, 451, 453, 454, 457, 461, 464;
IV, 5, 130, 138, 139, 140.

RADZIWILL (Le prince Antoine),
III, 78;
IV, 232, 416.

RADZIWILL (Le prince Guillaume),
II, 287, 300;
III, 71, 75, 77, 282, 288, 296, 299, 302;
IV, 8, 281.

RADZIWILL (La princesse Guillaume),
II, 287;
III, 71, 75, 77, 282, 288, 296, 299, 302;
IV, 8, 281.

RAGLAN (Lord),
IV, 202, 210.

RAMBUTEAU (Le comte DE),
I, 228;
III, 9, 59.

RAMBUTEAU (La comtesse DE),
I, 300;
III, 24, 25, 142, 248.

RANDON (Le maréchal comte),
IV, 345.

RANELAGH (Lord),
III, 171.

RANTZAU (Le maréchal DE),
II, 156.

RANTZAU (Le comte DE),
II, 156-159.

RANVILLE (M. DE),
II, 108.

RAPHAEL SANZIO,
II, 130.

RAQUENA (Le comte DE),
II, 418.

RATISBONNE (L'abbé),
II, 97.

RATTAZI (M.),
IV, 320.

RAUCH (le général DE),
III, 377, 404, 405, 424, 425.

RAUCH (Le sculpteur),
II, 48, 296, 300, 343;
III, 79.

RAULLIN (M.),
I, 32, 283, 287, 288;
II, 428;
III, 24.

RAUMER (M.),
IV, 285.

RAUZAN (La duchesse DE),
IV, 127.

RAVIGNAN (L'abbé DE),
II, 27, 220, 224;
III, 248, 249, 266;
IV, 269, 271, 272.

RAYNEVAL (Le comte DE),
I, 295, 307, 308;
II, 83, 95.

RAZUMOWSKI (La comtesse Léon),
II, 336.

RÉAL (Le comte),
I, 394.

RÉCAMIER (Mme),
I, 338, 340;
II, 100;
III, 18, 25, 66, 168, 221, 242, 467;
IV, 333, 334.

RECKE (La comtesse DE),
II, 330, 334.

REDERN (Le comte Guillaume DE),
II, 281;
III, 77, 430;
IV, 115.

REDERN (La comtesse Guillaume DE),
II, 45, 281, 283;
III, 77;
IV, 115.

REDERN (Le comte Henri),
IV, 158.

REEDE (La comtesse DE),
II, 278, 298, 301, 323, 324, 380;
III, 71, 73, 281, 286.

REEDTZ (M. DE),
III, 427.

RÉGENT (Le) PHILIPPE D'ORLÉANS,
I, 237.

REICHENBACH (La comtesse Émilie DE),
III, 238.

REINHARD (Le comte),
II, 213, 241, 242, 457, 458, 459, 460, 461, 462, 463, 464.

REMILLY (Le député),
II, 298.

RÉMUSAT (Le comte DE),
I, 18, 19; II, 40, 41, 406, 429;
III, 174, 186, 412.

525

RÉMUSAT (Mme DE),
I, 136;
III, 186.

RESSÉGNIER (Le comte Albert DE),
IV, 216.

RETZ (Le cardinal DE),
I, 394;
II, 73, 98, 101, 196, 406;
IV, 205.

REUSS (Le prince Henri LXIV DE),
II, 340.

REUSS-SCHLEIZ (Le prince DE),
II, 333.

REUSS-SCHLEIZ (La princesse DE),
II, 333.

RIBEAUPIERRE (Le comte Alexandre DE),
II, 51.

RICHELIEU (Le maréchal duc DE),
II, 375, 377, 378, 379;
III, 159, 366.

RICHMOND (Le duc DE),
I, 90, 94, 127, 129, 141, 161.

RIGAULT (Hippolyte),
IV, 271.

RIGNY (L'amiral comte DE),
I, 10, 19, 51, 57, 60, 84, 114, 145, 237, 238, 240, 245, 259, 267, 268, 272, 281, 282, 283, 284, 291, 307, 308, 315, 318, 324, 337, 338, 373;
II, 16.

RIGNY (Vicomte Alexandre DE),
II, 165, 166, 178.

RIGNY (Mlle Auguste DE),
II, 183.

RIPON (Lord),
I, 90.

RITTBERG (Le comte DE),
IV, 423.

RIVERS (Lady),
II, 340.

RIVIÈRE (Le duc DE),
III, 16.

ROBESPIERRE (Maximilien),
I, 388.

RODEN (Le comte Robert),
III, 49.

RODIL (Le marquis DE),
I, 211, 245.

ROENNE (M. DE),
III, 298.

ROGER DU NORD (Le comte Édouard),
IV, 37.

ROGER (Jean-François),
III, 101.

ROGERS (Samuel),
I, 77, 78.

ROHAN (Le duc DE),
II, 347, 377;
III, 44, 58.

ROKEBY (Le baron Edward),
III, 88.

ROLAND (Mme),
I, 135.

ROMERO-ALPUENDE (M.),
I, 207, 211.

ROOTHE (M. DE),
II, 375, 377, 378.

ROOTHE (Mme DE),
II, 378, 379.

ROSAMEL (M. DE),
II, 114.

ROSAS (Manuel),
III, 11.

ROSNY (Mlle DE),
III, 321.

ROSS (Le capitaine sir John),
I, 45.

ROSSE (Le comte Lawrence DE),
II, 93.

ROSSI (Le comte),
III, 96, 366.

ROSSI (La comtesse),
II, 83.

ROSSINI,
III, 156.

ROTHSCHILD (Le baron Anselme DE),
III, 357.

ROTHSCHILD (James DE),
II, 357, 361;
IV, 86, 162, 303.

ROTHSCHILD (Nathan),
I, 125.

ROTHSCHILD (Mme Salomon DE),
II, 26.

ROUGÉ (Le marquis Alexis DE),
II, 223.

ROUSSEAU (Jean-Jacques),
I, 343;
II, 247.

ROUSSIN (L'amiral),
I, 84, 125;
II, 64.

ROVIGO (Le duc DE),
III, 60.

ROVIGO (La duchesse DE),
II, 437.

ROY (Le comte),
II, 357.

ROYER-COLLARD,
I, 19, 26, 30, 45, 133, 150, 272, 273, 274, 275, 277, 289, 301, 302, 309, 312, 320, 321, 348, 355, 369, 370, 375, 376, 377;
II, 1, 4, 8, 10, 11, 20, 25, 29, 30, 41, 61, 91, 97, 101, 112, 119, 121, 124, 126, 130, 136, 138, 153, 162, 169, 181, 190, 193, 206, 213, 216, 222, 312, 326, 367, 425, 437;
III, 1, 3, 4, 42, 57, 58, 60, 101, 181, 183, 194, 215, 219, 231, 310.

RUBINI (Jean-Baptiste),
I, 59;
II, 205.

RUMFORD (Mme DE),
II, 16;
III, 129.

RUMIGNY (Le général comte DE),
II, 15, 221;
III, 103, 110, 111.

RUSSELL (Lord John),
I, 156, 194, 212, 387;
II, 399;
III, 228;
IV, 44, 45, 111, 167, 194, 195, 196, 197, 201, 202, 206, 211, 274, 280, 313, 315, 337, 353.

RUSSELL (Lady John),
IV, 315.

RUSSELL (Lord William),
I, 161, 354;
526 II, 279, 285, 294, 297, 321, 322, 432;
III, 75.

RUSSELL (Lady William),
II, 279.

RUSSIE (Le grand-duc héritier DE), plus tard empereur Alexandre II,
I, 84, 112;
II, 272, 284, 290;
III, 62, 260, 269, 314;
IV, 229, 230, 297, 325, 332, 363.

RUSSIE (L'impératrice DE), née princesse Charlotte de Prusse,
II, 275, 278, 321, 346, 359;
III, 283;
IV, 52, 54, 115, 167, 197, 230, 235, 236, 258, 259, 382.

RUSSIE (Le grand-duc Constantin DE),
III, 220;
IV, 196, 256, 259.

RUSSIE (La grande-duchesse Constantin DE),
II, 277;
III, 381.

RUSSIE (La grande-duchesse Hélène DE),
I, 235;
II, 281;
III, 285;
IV, 236, 372.

RUSSIE (Le grand-duc Michel DE),
III, 263, 285.

RUSSIE (La grande-duchesse Olga DE),
II, 346;
IV, 254, 255.

S

SABLÉ (La marquise DE),
IV, 147, 148.

SACKFIELD (Duc de Dorset),
I, 8.

SACY (M. DE),
IV, 84, 343.

SAFFI (M.),
IV, 91.

SAGAN (La duchesse Wilhelmine DE),
II, 196, 245, 269, 315, 316, 335;
III, 46.

SAINT-AIGNAN (Mlle DE),
IV, 82.

SAINTE-ALDEGONDE (La comtesse Camille DE),
I, 257, 258, 260, 267, 364;
II, 177, 178, 180;
III, 189, 190.

SAINT-ARNAUD (Le maréchal DE),
IV, 180.

SAINT-AUGUSTIN,
II, 35, 39.

SAINTE-AULAIRE (Le comte DE),
I, 26, 307, 315, 322;
II, 56, 78, 79, 198, 206, 388, 429, 432;
III, 10, 40, 48, 54, 57, 84, 86, 87, 101, 118, 122, 125, 163, 164, 172, 179, 215, 227;
IV, 126, 194, 226.

SAINTE-AULAIRE (La comtesse DE),
II, 56, 407;
III, 227.

SAINTE-BEUVE,
III, 26, 89;
IV, 346.

SAINT-BLANCARD (Le marquis DE),
II, 263.

SAINT-CYRAN (L'abbé DE),
II, 44.

SAINTE-DOROTHÉE,
II, 211;
III, 328.

SAINT-ELME (Ida),
III, 25.

SAINT-ÉVREMOND,
III, 350.

SAINTE-FOIX (Radix DE),
IV, 144.

SAINT FRANÇOIS d'ASSISE,
IV, 105.

SAINTE-GENEVIÈVE (L'église),
II, 181, 185.

SAINT-LEU (La duchesse DE),
I, 331, 332, 333;
II, 105, 106, 128, 191.

SAINT-MARC GIRARDIN,
IV, 343.

SAINT-MARTIN,
II, 409;
IV, 421.

SAINT-PAUL (Le général DE),
I, 239.

SAINT-PRIEST (Le comte Alexis DE),
I, 325;
II, 93;
IV, 126, 198.

SAINT-PRIEST (Le vicomte général DE),
IV, 79, 85.

SAINTE THÉRÈSE,
I, 389, 391;
III, 391;
IV, 25, 102.

SALERNE (La princesse DE),
II, 65.

SALISBURY (La marquise DE),
I, 48.

SALMOUR (Le comte DE),
IV, 322.

SALVANDY (Le comte DE),
I, 319;
II, 17, 18, 114, 148, 170, 184, 185, 199, 403, 409, 410, 423, 439, 440;
III, 1, 3, 7, 9, 41, 68, 119, 122, 125, 126, 127, 128, 130, 147, 148, 151, 154, 155, 157, 162, 179, 214, 229, 237, 238, 395, 450, 452;
IV, 126, 179, 192, 198, 199, 237, 238.

SALVANDY (La comtesse DE),
II, 170;
III, 21.

SAMPAÏO,
I, 129.

SAND (George),
I, 247.

SANDWICH (Lady),
II, 339.

SAPIEHA (La princesse),
III, 348.

SARAIVA,
I, 129.

SARDAIGNE (Le roi Charles-Albert DE),
II, 150;
III, 146, 287, 326, 366, 371.

SARDAIGNE (La reine DE),
III, 146.

SARDAIGNE (Le prince royal DE),
plus 527 tard roi Victor-Emmanuel II;
III, 156;
IV, 81, 193, 194, 234, 236, 309, 315, 317, 324, 326, 349, 356, 360, 366, 368, 374.

SARMENTO (M. DE),
I, 226.

SAULX-TAVANNES (Le duc DE),
II, 262.

SAUZET,
I, 292;
II, 14, 17, 31, 90, 394;
III, 14, 177, 242.

SAVIGNY (Charles DE),
IV, 314.

SAVIGNY (Mme DE),
III, 299.

SAVOIE (Le prince Eugène DE),
III, 88, 449.

SAXE (Le prince Albert DE), plus tard roi de Saxe,
IV, 89, 115, 116, 159.

SAXE (La princesse Amélie DE),
II, 328.

SAXE (La princesse Auguste DE),
II, 328.

SAXE (Auguste II le Fort, électeur DE), roi de Pologne,
II, 329.

SAXE (Le roi Frédéric-Auguste II DE),
II, 45, 326;
III, 252, 354, 373, 385;
IV, 177.

SAXE (Le prince Georges DE),
IV, 237.

SAXE (Le prince Jean DE), plus tard roi de Saxe,
II, 327;
IV, 234, 350, 358.

SAXE (La princesse Jean DE),
II, 327.

SAXE (La reine Marie DE),
II, 326.

SAXE (Maurice, comte DE), maréchal de France,
I, 247, 270.

SAXE (Le prince Maximilien DE),
III, 96.

SAXE-COBOURG-ALTENBOURG (La duchesse douairière Caroline DE),
III, 69, 70.

SAXE-COBOURG-GOTHA (Le prince Albert DE), roi d'Angleterre,
III, 32, 227;
IV, 7, 141, 214, 355.

SAXE-COBOURG-GOTHA (Le duc Auguste DE),
II, 180;
III, 252;
IV, 225.

SAXE-COBOURG-GOTHA (Le duc Ernest II DE),
III, 161, 429, 431, 432, 435;
IV, 234.

SAXE-COBOURG (Le prince Ferdinand DE),
I, 58, 62, 63;
II, 96.

SAXE-MEININGEN (Le duc Bernard DE)
I, 4, 132;
III, 436.

SAXE-MEININGEN (Le prince Georges DE),
III, 427.

SAXE-WEIMAR (La duchesse Amélie DE),
III, 329.

SAXE-WEIMAR (Le duc Bernard DE),
I, 172, 200;
II, 354, 355;
III, 95, 191, 348.

SAXE-WEIMAR (La duchesse Bernard DE),
I, 3, 14, 149, 172;
III, 65, 67.

SAXE-WEIMAR (Le prince héréditaire Charles DE),
III, 329;
IV, 332.

SAXE-WEIMAR (Le grand-duc Charles-Frédéric DE),
III, 329, 330, 429;
IV, 116.

SAXE-WEIMAR (La grande-duchesse Maria Paulowna DE),
III, 328, 329, 330.

SAXE-WEIMAR (La princesse héréditaire Sophie DE), princesse des Pays-Bas,
II, 330.

SCARELLA (M.),
IV, 118.

SCHEFFER (Ary),
I, 64;
III, 212, 385.

SCHIAVONE (Andrea),
IV, 108.

SCHILLER,
II, 458;
III, 329, 438;
IV, 335.

SCHLEGEL (Auguste-Guillaume),
III, 84, 309;
IV, 257.

SCHLEINITZ (Le comte Alexandre DE),
III, 415;
IV, 312, 321, 337, 338, 397, 495.

SCHLIECK (Le feld-maréchal),
IV, 423.

SCHMERLING,
IV, 6.

SCHNEIDER (Le chevalier Antoine),
III, 13, 14.

SCHOENBURG (La princesse Louise DE),
II, 125;
III, 91, 311, 444, 445;
IV, 61, 228.

SCHÖNHALS (Le général DE),
III, 415.

SCHOENLEIN (Le docteur),
II, 284;
III, 284;
IV, 246.

SCHRECKENSTEIN (Le baron DE),
II, 353, 354;
III, 65, 272.

528

SCHULENBURG (Le comte Charles DE),
II, 333;
III, 162.

SCHULENBURG-KLOSTERRODE (Le comte DE),
II, 246;
III, 82, 88, 91, 93, 305;
IV, 87, 88, 89, 90.

SCHWANTHALER,
III, 442, 443.

SCHWARZENBERG (Le cardinal prince),
III, 444;
IV, 426.

SCHWARZENBERG (Le prince Adolphe),
IV, 117.

SCHWARZENBERG (Le feld-maréchal prince Charles-Philippe),
II, 158;
IV, 96.

SCHWARZENBERG (Le prince Félix),
III, 361, 382, 402, 409, 410, 444, 451, 459, 461, 462, 463, 464, 466;
IV, 2, 5, 49, 50, 158, 352.

SCHWARZENBERG (La princesse Lory),
III, 449.

SCHWEINITZ (La comtesse DE),
II, 278, 296, 301.

SCHWERIN (Le comte Maximilien),
III, 351, 425;
IV, 315, 393, 415, 424.

SCLOPIS (Le comte),
IV, 218.

SCLOPIS (La comtesse),
IV, 218.

SCRIBE,
III, 154.

SEAFORD (Lord),
III, 38.

SEAFORD (Lady),
III, 38.

SÉBASTIANI (Le maréchal),
I, 9, 18, 19, 22, 23, 24, 308, 315, 324, 358, 368, 374;
II, 94, 162, 364, 387, 470, 471, 475;
III, 226, 227, 241.

SÉBASTIANI (La maréchale),
I, 374.

SEEBACH (La comtesse DE),
IV, 3.

SEFTON (Lord),
I, 58, 79, 82, 100, 149, 204.

SEFTON (Lady),
I, 44, 59, 79, 99.

SÉGUIER (Le comte),
I, 322.

SÉGUR (Le comte DE),
I, 143;
II, 363.

SÉGUR (La comtesse DE),
II, 119.

SEIGNELAY (Le marquis DE),
IV, 402.

SÉMONVILLE (Le marquis DE),
I, 206, 246;
II, 16, 116, 161.

SÉMONVILLE (Mme DE),
III, 142.

SERCEY (Le marquis DE),
II, 54.

SERRANO (La maréchale), duchesse de Torre,
IV, 240.

SÉVIGNÉ (La marquise DE),
I, 40;
II, 39, 44, 196;
III, 53, 269;
IV, 402.

SEYDELMANN (Charles),
III, 77.

SEYMOUR (Sir George Hamilton),
IV, 159, 167.

SEYMOUR (Lady),
III, 31;
IV, 159.

SFORZA (Ludovico),
II, 165.

SFORZE (Mme DE),
I, 40.

SGRICCI (L'improvisateur Thomas),
I, 124.

SHAFTESBURY (Lord),
I, 40.

SHELLEY (Lady),
IV, 218.

SHREWSBURY (Lord Bertram-Arthur),
IV, 240.

SIBOUR (Mgr l'archevêque de Paris),
IV, 241.

SIDNEY (Lord),
I, 255.

SIDNEY (Lady Sophia),
I, 172.

SIEYÈS (L'abbé),
I, 185, 383, 384;
II, 66.

SIGALON,
II, 134.

SIMÉON (Le comte),
II, 115.

SINGLIN (Antoine),
IV, 222.

SISMONDI (M. DE),
III, 204.

Sobańska (Mme),
III, 85.

SOBIESKI (Jean III), roi de Pologne,
I, 271.

SOLMS (Le comte DE),
II, 333.

SOLMS (La comtesse DE),
II, 333.

SOLMS (Le prince Charles DE),
III, 272.

SOLMS (La princesse DE),
I, 200.

SOMERSET (Le duc DE),
I, 62.

SOMMERSET (Lady Blanche),
II, 234.

SONTAG (Mlle),
III, 96.

SOPHIE D'ANGLETERRE (La princesse),
I, 72.

SOULT (Le maréchal),
I, 32, 114, 160, 187, 190, 198, 237, 285;
II, 94, 96, 118, 404, 466;
III, 8, 9, 13, 14, 15, 17, 38, 86, 87, 103, 185.

SOULT (La maréchale),
III, 86.

529

SOUVAROW (Le général comte DE),
IV, 96.

SPARRE (La comtesse DE),
III, 256.

SPONNECK (Le comte DE),
IV, 5.

SPRING-RICK (Sir Thomas),
I, 94, 122, 165.

STACKELBERG (Le comte Gustave DE),
II, 217.

STACKELBERG (La comtesse DE),
II, 217.

STADION (Le comte),
III, 361.

STAEL (Mme DE),
I, 42, 55, 345;
II, 53;
III, 84;
IV, 144.

STANGER (Le baron DE),
III, 312.

STANLEY (Edward-Geoffroy), plus tard comte de Derby,
I, 88, 90, 94, 96, 101, 141, 155, 164, 191, 218, 299;
IV, 45, 269, 305, 419.

STANLEY (Lord Edward-Henry-Smith),
IV, 8, 419.

STANLEY (Mme),
II, 366.

STEVENS (Catherine),
I, 142.

STIRUM (Le comte),
III, 419.

STOCKHAUSEN (Le général DE),
III, 424, 426.

STOLBERG (Le comte DE),
III, 465.

STOLBERG-WERNIGERODE (Le comte Henri DE),
III, 298;
IV, 52, 152, 154.

STOPFORD (L'amiral),
II, 421.

STRATFORD DE REDCLIFFE (Lord Canning),
I, 52, 83, 85, 294;
IV, 104, 125, 131, 138.

STRAUSS (Johann),
III, 89, 92;
IV, 192.

STROGONOFF (La comtesse), précédemment comtesse d'Ega,
II, 348;
III, 96, 301.

STUART (Lord Charles),
III, 195.

STUART DE ROTHESAY (Lady),
I, 40.

STURMFEDER (La baronne DE),
II, 354;
III, 65, 272.

STYLER,
III, 299.

SUCHET (Marie),
I, 327;
II, 61.

SUÈDE (Le roi Charles XIV DE),
III, 314.

SUÈDE (Le roi Oscar Ier DE),
IV, 70.

SUÈDE (La princesse Amélie DE),
III, 85;
IV, 51.

SULLY (Le duc DE),
III, 49.

SURREY (Le comte DE),
I, 141.

SUSSEX (Le duc DE),
I, 21, 71.

SUTHERLAND (Le duc DE),
II, 167, 352;
III, 164.

SUTHERLAND (La duchesse DE),
I, 45, 113, 129, 163, 179;
II, 167, 173, 352.

SWETCHINE (Mme),
III, 458.

SYRACUSE (Le comte DE),
II, 150.

T

TAHMASP-KOULI-KHAN (Roi de Perse),
I, 227.

TALARU (Le marquis DE),
II, 374.

TALBOT (Comte),
IV, 240.

TALMA, I, 59.

TALLEYRAND (Le duc DE),
II, 217, 226, 248.

TALLEYRAND (La duchesse DE),
II, 226.

TALLEYRAND (Le baron DE),
I, 197.

TALLEYRAND (La baronne DE),
I, 197, 378.

TALLEYRAND (Le prince Charles-Maurice DE),
I, 2, 6, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 44, 48, 50, 51, 52, 56, 59, 60, 64, 65, 73, 76, 77, 78, 80, 86, 89, 90, 100, 103, 104, 105, 107, 113, 114, 116, 117, 120, 125, 128, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 143, 146, 148, 150, 167, 171, 182, 184, 185, 188, 198, 203, 206, 209, 210, 211, 212, 215, 220, 225, 226, 227, 228, 231, 233, 236, 237, 239, 240, 242, 243, 245, 248, 250, 251, 252, 253, 254, 256, 257, 258, 259, 260, 262, 263, 264, 265, 266, 267, 268, 271, 272, 274, 275, 277, 278, 280, 282, 283, 284, 285, 289, 290, 291, 293, 295, 296, 297, 301, 302, 305, 306, 307, 312, 315, 316, 317, 321, 323, 324, 326, 327, 328, 332, 530 355, 359, 361, 365, 366, 367, 368, 370, 372, 373, 374, 375, 376, 378, 379, 383, 386, 391, 392, 394, 395, 396;
II, 1, 6, 15, 20, 22, 24, 29, 36, 37, 43, 46, 47, 49, 50, 53, 55, 56, 58, 61, 68, 69, 72, 78, 79, 80, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 91, 92, 94, 100, 104, 105, 106, 109, 118, 119, 140, 141, 145, 147, 150, 151, 152, 155, 156, 157, 160, 173, 180, 183, 184, 185, 188, 190, 197, 203, 204, 206, 208, 209, 210, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 221, 222, 223, 224, 226, 227, 228, 229, 230, 231, 233, 235, 236, 237, 239, 241, 242, 244, 245, 246, 247, 248, 254, 255, 256, 257, 263, 299, 327, 344, 349, 364, 380, 382, 409, 429, 457;
III, 19, 20, 38, 39, 43, 58, 60, 69, 71, 82, 119, 120, 121, 132, 142, 158, 182, 185, 194, 227, 247, 249, 251, 252, 253, 287, 295, 304, 310, 314, 315, 322, 332, 336, 372, 385, 393, 394, 471, 472, 473, 474, 475, 476;
IV, 28, 30, 51, 144, 145, 146, 147, 183, 198, 199, 203, 204, 248, 273.

TALLEYRAND (La princesse DE),
I, 378, 382, 393, 394, 395;
II, 232.

TALLEYRAND (Le comte Anatole DE),
II, 254.

TALLEYRAND (Le baron, puis comte Charles DE),
III, 87, 122, 169, 176, 178;
IV, 369, 373, 378.

TALLEYRAND (La comtesse Louise DE),
IV, 63.

TANKERVILLE (Lady),
I, 89.

TAŃSKI (M.),
IV, 85, 86.

TASCHEREAU (M.),
II, 312.

TATITCHEF (M. DE),
II, 336, 338;
III, 115.

TAURY (L'abbé),
II, 236, 240.

TAYLOR (Sir Herbert),
I, 170, 171, 172, 173;
II, 174.

TERCEIRE (Le général duc DE),
I, 121,

TESTE (M.),
I, 277, 278;
III, 17, 203.

THEINER (Le Père Augustin),
IV, 78, 84.

THIARD DE BUSSY (Le comte DE),
I, 48, 350.

THIERRY (Augustin),
II, 325.

THIERS (Adolphe), I, 19, 28, 34, 114, 120, 133, 160, 235, 237, 239, 259, 267, 272, 284, 291, 292, 295, 300, 301, 302, 306, 317, 318, 319, 320, 321, 326, 327, 339, 355, 356, 357, 359, 360, 363, 377, 384, 396;
II, 3, 8, 9, 10, 11, 17, 18, 20, 21, 22, 23, 25, 30, 31, 36, 37, 41, 74, 85, 87, 89, 91, 92, 95, 101, 104, 112, 116, 117, 118, 119, 120, 123, 125, 126, 129, 130, 133, 134, 136, 146, 163, 168, 169, 172, 179, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 197, 198, 206, 213, 219, 222, 223, 246, 250, 298, 313, 319, 326, 332, 340, 341, 345, 353, 357, 360, 361, 362, 364, 365, 366, 367, 370, 376, 381, 383, 384, 387, 388, 389, 390, 391, 392, 394, 395, 396, 397, 400, 401, 404, 405, 406, 407, 408, 412, 413, 415, 416, 417, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426, 428, 429, 439, 440, 465, 473, 479;
III, 2, 5, 8, 11, 13, 14, 15, 17, 38, 39, 40, 41, 57, 84, 95, 103, 107, 109, 110, 122, 163, 167, 180, 183, 186, 212, 214, 222, 223, 225, 229, 238, 239, 242, 245, 349, 371, 383, 406, 450, 453;
IV, 3, 10, 11, 22, 32, 33, 34, 35, 37, 136, 138, 144, 194, 217, 223, 232, 240, 245, 246, 252, 255, 276, 278, 341, 345, 346, 349.

THIERS (Mme),
I, 34, 318;
II, 189, 190, 192, 213, 376, 394;
III, 103, 107, 110, 112, 186, 243;
IV, 349.

531

THORWALDSEN,
I, 248, 334;
II, 293;
III, 79, 117, 442.

THOUVENEL (M.),
IV, 376, 378, 385, 386, 394.

THUN (Le général),
III, 430.

THUN (Le comte DE),
IV, 161, 162.

TIEDK (Louis DE),
III, 299.

TILLY (Le comte DE),
III, 440.

TOCQUEVILLE (Le comte Alexis DE),
II, 25, 28, 29, 31, 34, 35, 101, 114, 125, 438, 441;
III, 42, 167, 180, 181, 183;
IV, 340, 394.

TORENO (Le comte José DE),
I, 184, 216, 245, 371.

TORENO (La comtesse DE),
III, 182, 260;
IV, 84.

TOSCANE (Le grand-duc Léopold II DE),
II, 65, 399;
III, 319;
IV, 260, 322, 323.

TOSCANE (Le prince héréditaire Ferdinand IV DE),
IV, 237, 260, 384.

TOSCANE (La grande-duchesse mère DE),
IV, 384.

TOUR ET TAXIS (La princesse DE LA),
II, 288, 299.

TRACY (Le marquis DE),
III, 8.

TRÉVISE (Le duc DE),
I, 360;
II, 141.

TRIQUETI (Le baron DE),
III, 241.

TROCHU (Le général),
IV, 304.

TROGOFF (Mme DE),
II, 204.

TROUBETZROÏ (La princesse),
III, 276.

TULLEMORE (Lord),
I, 46.

TULLEMORE (Lady),
I, 46.

TYCHO-BRAHÉ,
III, 81.

TYLER (Mme),
IV, 84, 85.

TYSZKIEWICZ (La princesse),
I, 271, 285, 287;
III, 85.

U

UGGLAS (La comtesse),
II, 334.

ULRIQUE (Reine de Suède),
III, 287.

USEDOM (Le comte D'),
IV, 402, 416.

V

VAILLANT (Le maréchal),
IV, 345.

VALÉE (Le maréchal),
II, 302, 340;
III, 12, 238.

VALENÇAY (Louis, duc DE),
I, 258, 285, 296, 301;
II, 9, 36, 43, 44, 45, 48, 49, 51, 55, 56, 57, 63, 65, 67, 69, 98, 129, 141, 192, 198, 247, 257, 276, 278, 305, 309, 313, 314, 346, 353, 381, 386, 415;
III, 19, 20, 22, 27, 38, 75, 119, 120, 132, 133, 134, 187, 207, 213, 219, 288, 297, 298, 305;
IV, 68, 177.

VALENÇAY (La duchesse DE),
I, 258, 313;
II, 99, 141, 381.

VALENÇAY (Yolande DE),
II, 16, 247, 248.

VALLOMBROSE (La duchesse DE),
III, 56, 59.

VANDERMARCK (Mlle),
III, 102.

VAN DER MEULEN,
IV, 107.

VANDOEUVRE (Le baron DE),
II, 116, 170.

VAN DYCK,
I, 9, 41.

VANTADOUR (La duchesse DE),
I, 393.

VARENNES (Le baron DE),
IV, 65.

VATRY (Le baron DE),
II, 124.

VATRY (La baronne DE),
II, 225.

VAUDÉMONT (La princesse DE),
I, 66, 105.

VAUGUYON (Mlle Pauline DE LA),
II, 150.

VELTHEIM (Le comte DE),
III, 279.

VELTHEIM (La comtesse DE),
III, 278.

VÉRAC (Le marquis DE),
II, 34;
III, 18, 221.

VERNET (Horace),
II, 83, 92;
III, 75, 222.

VÉRON (Le docteur),
III, 128.

VÉRONÈSE (Paul),
IV, 106.

VERQUIGNIEULLE (La marquise DE),
II, 49.

VERTOT (L'abbé DE),
II, 108.

VESTIER (Phidias),
II, 7, 42, 43;
III, 130, 131, 196, 197, 200, 203.

VEUILLOT (M.),
IV, 81, 343.

VIARDOT (Mme),
III, 309.

VICENCE (Le duc DE),
II, 340.

532

VICENCE (La duchesse DE),
IV, 73, 262, 345.

VICTORIA D'ANGLETERRE (La princesse), plus tard la reine,
I, 21, 70, 92, 93;
II, 143, 144, 168, 173, 176, 223, 249, 349, 434;
III, 10, 102, 184, 191, 194, 225, 226, 251, 320, 408, 435;
IV, 8, 45, 202, 207, 214, 229, 275, 280, 281, 285, 289, 355, 385, 396.

VIEL,
III, 45.

VIENNET,
I, 246, 302.

VILLAMARINA (Le marquis DE),
IV, 224, 299, 301.

VILLEFRANCHE (Le comte DE),
II, 150.

VILLEGONTIER (Le comte DE LA),
II, 69.

VILLÈLE (L'archevêque comte DE),
II, 158;
III, 61, 134.

VILLEMAIN (Abel-François),
I, 246, 301;
II, 1, 115, 216, 221, 225, 247, 393, 419;
III, 17, 230;
IV, 135, 143, 144, 145, 146, 147, 192, 199, 203, 204, 290, 327, 334.

VILLENEUVE (Mme DE),
III, 131, 132.

VILLIERS (Lady Sarah),
III, 284.

VINCKE (Le baron DE),
IV, 392, 393.

VINCKE (La comtesse DE),
II, 278.

VIRY,
IV, 224.

VISCONTI (L'architecte),
III, 218.

VISCONTI (La marquise),
I, 2.

VITROLLES (Le baron DE),
I, 119, 120;
III, 315, 473, 474, 476.

VIVIEN (M.),
II, 357.

VIVONNE (Le comte DE),
I, 312.

VOGUÉ (Le comte Charles DE),
I, 67.

VOGUÉ (La comtesse DE),
IV, 127.

VOLTAIRE (M. DE),
I, 346;
II, 247;
III, 194, 392.

W

WAGRAM (Le prince Berthier DE),
IV, 64.

WAGRAM (Le prince Napoléon-Louis DE),
II, 38.

WAGRAM (Mlle DE),
IV, 70.

WALCKENAER (Le baron DE),
III, 269.

WALDECK (La princesse régente Emma DE),
III, 430, 431.

WALDECK (M.),
III, 390.

WALDERSEE (Le général comte DE),
IV, 285.

WALEWSKI (Le comte),
II, 415;
III, 243;
IV, 86, 238, 239, 240, 283, 296, 297.

WALEWSKA (La comtesse),
IV, 286, 305, 348.

WALSH (La comtesse),
II, 354, 355;
III, 65, 272.

WALSH (M. Olivier),
IV, 64.

WALLENSTEIN (Le comte),
II, 332;
III, 81.

WALMODEN-GIMBORN (Le général comte DE),
III, 342, 381;
IV, 423.

WARD (Sir Henry-George),
I, 89, 90, 92, 101, 165.

WARWICK (Lord),
I, 6, 40, 44.

WARWICK (Lady),
I, 39, 40, 42, 43, 44.

WARWICK (Guy, comte DE),
I, 6.

WASA (Le prince),
III, 161, 170, 272, 273;
IV, 115.

WASA (La princesse Carola), plus tard reine de Saxe,
IV, 51, 89, 90, 114, 116, 159, 229.

WASA (La princesse Louise),
II, 195, 198;
III, 161, 272, 273.

WASHINGTON (Le président),
II, 451.

WEDELL (Le général DE),
IV, 191, 192, 194, 197, 198.

WEIZEL (Mlle DE),
II, 386.

WELLESLEY (Le marquis DE),
I, 168; II, 348.

WELLINGTON (Le duc DE),
I, 3, 13, 14, 17, 54, 55, 59, 60, 69, 89, 108, 122, 123, 127, 141, 146, 149, 150, 152, 153, 157, 159, 165, 169, 182, 189, 190, 207, 209, 219, 230, 232, 263, 284, 299, 307, 308, 311, 333, 371, 374, 376, 388;
II, 175, 359;
III, 8, 31, 435;
IV, 61, 89, 96, 334.

WERTHER (Le baron DE),
I, 33, 239;
II, 121, 127, 142, 143, 145, 278, 533 281, 284, 291, 380;
III, 71, 73, 79, 104, 112, 282.

WERTHER (La baronne DE),
II, 6, 142, 143, 278, 284, 291;
III, 71, 73, 112, 282.

WERTHER (Mlle Joséphine DE),
III, 112.

WESSENBERG (Le baron DE),
I, 23, 204;
III, 351, 361.

WESTMORLAND (Lord John),
III, 284.

WESTMORLAND (Lord John-Burghersh),
III, 285, 427, 430, 436;
IV, 8, 88, 89, 111.

WESTMORLAND (Lady),
III, 282, 284, 285, 372, 426, 428, 430, 432;
IV, 8, 89, 104, 111, 123, 124, 127, 131, 134, 138, 143, 164, 173, 174, 185, 187, 201, 205, 210, 269, 352.

WESTPHALEN (M. DE),
IV, 155, 285.

WEYER (Van DE),
I, 3;
II, 106.

WICHMANN (Louis-Guillaume),
III, 76.

WIELAND,
II, 458;
III, 329.

WILLOUGHBY-COTTON (Sir),
I, 46.

WILTON (Lord),
III, 122.

WINCHELSEA (Lord),
I, 14, 123.

WINDISCH-GRAETZ (Le prince Alfred DE),
III, 85, 353, 355, 360, 361, 366, 367;
IV, 49, 50, 229, 315, 423, 425.

WINDISCH-GRAETZ (La princesse DE),
III, 301, 351.

WINTER (M. DE),
IV, 402.

WINTERHALTER (M.),
IV, 203.

WITTGENSTEIN (Le prince),
II, 50, 275, 286, 288, 297, 301, 321, 380, 432;
III, 71, 309.

WITTGENSTEIN (La princesse DE),
IV, 396.

WOLFF (M. DE),
II, 275, 277, 314, 316, 322;
III, 71, 73, 76, 77, 102, 282, 284, 289, 304, 305, 308.

WOLFF (Mme DE),
II, 277, 384, 440;
III, 71, 73, 76, 284.

WORONZOFF-DASCHKOFF (Le comte DE),
II, 346;
III, 301.

WORONZOFF (La comtesse DE),
I, 20.

WRÈDE (Le prince DE),
III, 440.

WRIGHT (Mrs),
I, 230.

WURMB (Frédéric-Charles DE),
II, 304, 306, 307, 316;
III, 282.

WURMB (Mme DE),
II, 304, 307.

WURTEMBERG (Le roi Guillaume Ier DE),
I, 236, 330;
II, 183, 184, 187, 345, 346, 348, 377;
III, 373, 374;
IV, 177, 228, 234, 358.

WURTEMBERG (Le prince royal Charles DE),
III, 439;
IV, 230.

WURTEMBERG (La princesse royale DE),
IV, 230.

WURTEMBERG (Le duc Alexandre DE),
II, 178, 180, 184, 186, 187;
III, 264.

WURTEMBERG (Le prince Auguste DE),
III, 285;
IV, 234.

WURTEMBERG (La princesse Marie DE),
I, 330.

WURTEMBERG (Le prince Paul DE),
II, 280;
III, 52.

WURTEMBERG (La princesse Sophie DE), plus tard reine des Pays-Bas,
I, 330, 361;
II, 82;
III, 66, 388;
IV, 4, 385.

WURTEMBERG (La duchesse DE),
I, 193, 223;
III, 220.

WYM (Sir Henry),
III, 436.

X

XIMÉMÈS (Le cardinal),
II, 264.

Y

YARBOROUGH (Lord),
I, 4.

YORK (Le duc D'),
I, 113.

Z

ZEA-BERMEDEZ (Don Francisco),
I, 203, 330;
III, 216.

ZEA-BERMEDEZ (Mme),
I, 203, 330;
II, 260.

534

ZEDLITZ (Le baron Joseph-Chrétien DE),
III, 116, 446;
IV, 423.

ZEDLITZ (M. DE),
IV, 415.

ZICHY (Le comte Eugène DE),
II, 358.

ZICHY (Le comte Ferdinand),
III, 343.

ZICHY DE VASONYKEÖ (Le comte Pèpy),
IV, 116.

Z (Négresse),
II, 251.

ZUMALACARREGUY (Le général),
I, 157.

ZUYLEN VAN NYEVELT (Le baron DE).
I, 203.

NOTES:

[1] La Commission pour rédiger l'Adresse en réponse au Discours du Trône venait d'être nommée par la Chambre, lorsque M. de Manteuffel monta à la tribune et donna lecture du décret royal de prorogation de la Chambre au 3 janvier 1851. Ce jour-là, le Bureau de la Chambre venant d'être de nouveau nommé, l'extrême droite, unie au Ministère, déclara qu'il n'y avait plus lieu de discuter une Adresse, la situation politique étant changée.

[2] Ce successeur fut M. Armand Lefebvre, qui arriva à Berlin le 20 novembre 1850 et y demeura jusqu'en février 1852.

[3] Les sourdes menées bonapartistes amenaient à tout instant des conflits, des dissentiments qui entretenaient l'agitation publique; à une revue à Satory, Edgar Ney ayant engagé plusieurs régiments à crier: «Vive l'Empereur!», le général Changarnier avait répondu par un ordre du jour où il défendait à ses troupes de faire entendre aucun cri politique. Le général Changarnier fut bientôt destitué et, le 3 janvier, le Ministère, ne rencontrant ni sympathie ni respect dans la Chambre, donna sa démission.

[4] Frédéric Ier s'était fait couronner Roi de Prusse le 17 janvier 1701 et avait institué, le lendemain, l'Ordre de l'Aigle noir. Il ordonna que, pour perpétuer le souvenir de son couronnement et de la fondation de cet Ordre, cette fête fût célébrée chaque année. Cette tradition est pieusement conservée à la Cour de Berlin sous le nom de fête des Ordres.

[5] L'Assemblée nationale de Francfort ayant complètement échoué dans son œuvre, Gagern, qui n'avait pas renoncé à régler les affaires de l'Allemagne, invita les députés à se réunir à Gotha pour y délibérer sur l'ébauche d'une Constitution, ayant pour point de départ la réunion de l'Allemagne sous la prépondérance de la Prusse, à l'exclusion de l'Autriche. Cent trente députés environ se rendirent à cet appel. Les disputes furent tris vives au sein de cette Assemblée, qui fut promptement l'objet des attaques et des moqueries du pays. On appelait ses membres die Gothaer ou le parti Gotha.

[6] La première exposition universelle. C'est le Prince Albert, mari de la Reine d'Angleterre, qui en était l'instigateur.

[7] Le 22 février 1851, le Cabinet de lord John Russell, dont lord Palmerston faisait partie, se sentant faible et prévoyant de grandes difficultés financières, avait déposé sa démission entre les mains de la Reine, au sujet de la discussion du budget. La Reine voulut alors confier le Ministère à lord Stanley, mais sur les instances du duc de Wellington, elle décida lord J. Russell à garder ses fonctions. Le 3 mars suivant, lord J. Russell annonça donc, à la Chambre des Communes, que le Ministère whig conservait le pouvoir.

[8] A la suite de la réunion de Wiesbaden, il fut publié, au nom du Prince prétendant, un manifeste, signé par M. de Barthélémy, où le système de l'appel au consentement de la nation était absolument rejeté comme étant la négation du principe de l'hérédité monarchique. C'est à cette lettre que l'Indépendance belge répondit, le 13 mars 1851, par un article non signé, des plus injurieux pour la Royauté.

[9] La proposition Creton, relative au rappel des lois d'exil contre les Bourbons et les d'Orléans, avait été amenée le 1er mars à la Chambre. Ce rappel n'aurait pu être obtenu que par l'accord des deux branches qui n'avait pas encore été rendu possible. Les légitimistes acceptaient ces lois d'exil, car ils étaient désireux de les maintenir pour le compte des orléanistes; M. Berryer, au nom de leur parti, proposa d'ajourner la proposition Creton au 1er septembre. Toute la Montagne vota avec les orléanistes et M. Berryer, avec les légitimistes, continua de faire campagne pour le triomphe de l'idée monarchique, sans favoriser les menées de l'Élysée.

[10] Le Cabinet français du 14 avril était ainsi composé: M. Baroche aux Affaires étrangères; M. de Chasseloup-Laubat à la Marine; M. Léon Faucher à l'Intérieur; M. Rouher à la Justice; M. Buffet à l'Agriculture et au Commerce; M. de Crouseilhes à l'Instruction publique; M. Fould aux Finances; le maréchal Randon à la Guerre.

[11] Marie de Castellane.

[12] Le prince de Talleyrand à Valençay.

[13] De l'anglais: ni avec entrain, ni en bonne humeur: je me sentirai seule et délaissée.

[14] Le comte de La Marck ayant légué sa correspondance avec Mirabeau à M. de Bacourt, celui-ci la publia en 1851, en la faisant précéder d'une préface historique qui fut assez remarquée.

[15] Le 17 mai, le Roi de Prusse se rendit à Varsovie, où il se rencontra avec l'Empereur et l'Impératrice de Russie. Le 26, les deux souverains partirent ensemble jusqu'à Oderberg; le Roi se dirigea alors sur Breslau, tandis que l'Empereur Nicolas allait à Olmütz, où il conféra avec l'Empereur d'Autriche. C'est là que M. de Manteuffel, qui venait de remplacer M. de Radowitz comme premier ministre, se rendit pour déclarer au prince Schwarzenberg que la Prusse accordait à l'Autriche la présidence de la Diète germanique de Francfort, humiliation qui amena Sadowa quinze ans plus tard.

[16] Les Majestés russes n'assistèrent pas à cette inauguration.

[17] Mgr Dupanloup.

[18] Les évêques d'Orléans possèdent, à quelques kilomètres de la ville épiscopale, une jolie maison de campagne au bord de la Loire et près du petit bourg de la Chapelle Saint-Mesmin. Ils y ont établi un petit séminaire. L'abbé Dupanloup, quand il prit possession de l'évêché d'Orléans, s'occupa beaucoup de cet établissement d'éducation, et réussit à y élever les études à un point remarquable.

[19] A Meillan, dans le Cher.

[20] Marie de Castellane fit sa première Communion le 22 juin 1851 dans le couvent des Dames du Sacré-Cœur, établi à deux kilomètres de Tours, dans l'ancienne abbaye des Bénédictins, fondée en 371 par saint Martin, évêque de Tours.

[21] Extrait de lettre. La correspondance Mirabeau-La Marcq venait d'être livrée au public par M. de Bacourt.

[22] Mme de Lieven, qui souffrait des yeux, avait adopté pour écrire un papier vert qui frappait plus dans un temps où ce genre était à peu près inconnu.

[23] A Paris, la Princesse recevait tous les dimanches soirs.

[24] Mlle Pauline de Castellane, fille du Maréchal, avait épousé le comte de Hatzfeldt, ministre de Prusse à Paris. Devenue veuve, elle épousa en secondes noces, en 1851, le duc de Valençay, fils aîné de l'auteur de la Chronique.

[25] La duchesse de Courlande et la princesse de Hohenzollern.

[26] Le Roi et la Reine de Prusse étaient arrivés à Ischl le 31 août et s'y étaient rencontrés avec l'Empereur d'Autriche. Le prince Schwarzenberg et M. de Manteuffel assistèrent à cette entrevue.

[27] La duchesse d'Angoulême était morte à Frohsdorf le 19 octobre 1851.

[28] Il n'y eut ni régence ni tutelle en Hanovre, Georges V succéda à son père malgré sa cécité, le Roi Ernest-Auguste ayant, dès 1843, tranché la question, en établissant que les actes présentés à la signature du futur monarque seraient lus en présence de douze témoins et contresignés par le secrétaire de ce comité.

[29] On appelait du nom de Burgraves quelques politiques rétrogrades, membres de la Commission de l'Assemblée législative chargée de préparer la loi du suffrage restreint, dite loi du 31 mai. La plupart étaient des chefs d'anciens partis monarchiques comme Thiers, Molé, Broglie. Les républicains les regardaient comme des politiques usés et impuissants.

[30] Extrait de lettre.

[31] Intéressé par le caractère si complexe de M. de Talleyrand, qu'il avait pu suivre de près, l'abbé Dupanloup, devenu évêque d'Orléans, avait passé de longues années à recueillir une série d'actes publics ou privés, concernant les diverses périodes de la vie du Prince. Cette collection de lettres et de documents forme quatorze volumes: Mgr Dupanloup y a joint un récit des derniers moments du Prince de Talleyrand dont il a été déjà question dans le deuxième volume de la Chronique. Tous ces papiers et manuscrits se trouvent à l'heure actuelle dans la possession de M. Bernard de Lacombe, Mgr Dupanloup les ayant légués à son père, M. Hilaire de Lacombe.

[32] Dans la nuit du 1er au 2 décembre, le Prince Louis Bonaparte, ayant fait garder à vue le président de l'Assemblée, avait fait arrêter les principaux chefs des partis républicain et monarchistes, puis, par deux proclamations, déclaré l'Assemblée dissoute et le suffrage universel rétabli. Il procéda ensuite à un plébiscite qui lui donna la Présidence pour dix ans. La force armée et les commissions mixtes ayant fait justice des récalcitrants, ce coup d'État, préparé avec l'énergique concours de M. de Morny, du général de Saint-Arnaud et du préfet de police, M. de Maupas, triompha de toutes les résistances.

[33] M. Thiers, qui croyait la branche aînée des Bourbons frappée d'une impopularité irrémédiable, avait approuvé et appuyé avec énergie l'opposition faite par la Duchesse d'Orléans à un accord entre la branche aînée et la branche cadette. Regardée comme le principal obstacle d'une si désirable réconciliation, les partisans de la fusion accusaient la Princesse d'avoir, par ses fautes, contribué plus que toute autre chose à ramener l'Empire au pouvoir. Ils avaient aussi trop mis leurs espérances dans le général Changarnier qui, loyal mais présomptueux, jouait serré les légitimistes et les orléanistes les uns contre les autres, ne donnant aucun signe de ses intentions réelles, mais ne voulant, dans le fond de sa pensée, que poser la couronne sur la tête qui devait la porter, en tenant à la poser lui-même. Son attitude énigmatique l'avait rendu suspect aux yeux de plusieurs.

[34] A cause de l'arrestation de M. Thiers.

[35] Les généraux Le Flô, Changarnier, Lamoricière et Bedeau.

[36] M. de Falloux, ainsi que le duc de Luynes, le comte de Rességuier et bien d'autres, avait été emprisonné au Mont-Valérien, lors du coup d'État du 2 décembre.

[37] Le 22 janvier, le Prince-Président avait fait publier le fameux décret qui confisquait les biens de la famille d'Orléans. Ce décret, appelé le premier vol de l'aigle, ne fut pas sans rencontrer quelque désapprobation dans l'entourage même du chef de l'État. M. de Morny et M. Fould refusèrent de le signer et, après deux jours de discussion, donnèrent leur démission. M. de Persigny remplaça alors M. de Morny à l'Intérieur.

[38] Le 2 février, six semaines après la naissance de sa fille aînée, la Reine Isabelle se rendait, pour la cérémonie de ses relevailles, à l'église d'Antocha, quand un prêtre du nom de Martin Merimo se précipita sur elle, lui porta vivement un coup de couteau dans le côté droit, au-dessous de la hanche, et avec tant de force que la lame coupa une baleine de son corset, et fit une blessure d'à peu près dix pouces de profondeur. L'assassin était un ancien moine connu pour son exaltation démagogique. Il avait autrefois déjà menacé les jours de Ferdinand VII. Frappé alors d'exil, il avait passé plusieurs années en France et en Belgique et, depuis huit ans, il avait été autorisé à rentrer en Espagne. Condamné cinq jours après sa tentative d'assassinat sur la Reine, il dut subir la peine du garote et fut exécuté le 7 février.

[39] Après le coup d'État du 2 décembre, lord Palmerston, alors ministre des Affaires étrangères, avait envoyé à lord Normanby, représentant de l'Angleterre à Paris, une dépêche officielle où il lui prescrivait de continuer comme par le passé les relations avec le Gouvernement français, la Reine ne voulant point paraître intervenir en rien dans les affaires intérieures de la France. Mais, sans consulter ses collègues, et dans une conversation avec l'ambassadeur de France à Londres, le comte Walewski (qui la rapporta immédiatement à Paris), lord Palmerston exprima sa satisfaction du coup d'État. Cette contradiction entre les instructions officielles et le langage de son ministre direct mit lord Normanby dans une situation embarrassante. Il écrivit à lord John Russell, président du Conseil, pour s'en plaindre. Lord John Russell demanda des explications à lord Palmerston, qui garda d'abord le silence et donna ensuite une réponse qui ne parut pas suffisante. Le Président du Conseil demanda alors à lord Palmerston sa démission et le remplaça au portefeuille de l'Extérieur par lord Granville.

[40] Allusion au discours que M. Guizot prononça le 5 février 1852, jour où le comte de Montalembert fut reçu à l'Académie française.

[41] Le palais habité par le général-gouverneur de Varsovie fut, par suite d'un accident, la proie des flammes dans la nuit du 22 février/6 mars 1852. A force d'efforts on put, pourtant, en sauver une partie, ainsi que les archives. Cet ancien palais de la famille Radziwill avait été vendu en 1821 au gouvernement du Royaume de Pologne.

[42] Cette entrevue des deux souverains n'avait d'autre but, pour l'Empereur Nicolas, que de rendre à l'Empereur d'Autriche, dans sa capitale, les deux visites que le Monarque lui avait faites à Varsovie.

[43] La Princesse Royale de Saxe.

[44] Mgr Diepenbrock, Prince-évêque de Breslau, mourut le 19 janvier 1853. Deux années auparavant, Son Éminence avait été poursuivie et attaquée, dans la montagne du Johannisberg, par une vache furieuse, excitée par la vue de la soutane rouge du Cardinal, qui ne se remit jamais de cet accident.

[45] Cortège accompagné de torches enflammées.

[46] Victor Cousin, le père de l'éclectisme, après avoir erré plus de quarante ans sur tous les grands chemins de la pensée, sans dresser sa tente nulle part, finit par renoncer à la philosophie pour se donner à la littérature et à l'érudition, disant qu'après tout, la philosophie se réduisait à la morale. Or, d'après lui, la morale ne différait pas de la religion, et la religion, c'était le christianisme. Le voltairien s'était ainsi créé une religion intellectuelle, qui explique l'esprit de ses derniers ouvrages sur le dix-septième siècle.

[47] La comtesse de Hahn-Hahn prit en effet le voile en novembre 1852.

[48] La Princesse de Salerne. Elle était fille de François II, Empereur d'Autriche.

[49] L'Empereur François-Joseph était rentré solennellement dans sa bonne ville de Vienne le 14 août 1852, après avoir fait en Hongrie une grande tournée, qui avait achevé la pacification de son Empire, dont les Madgyars avaient été sur le point de se détacher par la révolution de 1849.

[50] Quelque temps après la session législative, le Prince-Président se mit à visiter une partie de la France. Le 20 septembre, il inaugurait à Lyon une statue de Napoléon Ier, se rendait ensuite à Marseille, à Bordeaux où il prononçait dans un discours ces paroles célèbres: l'Empire, c'est la paix. A son retour à Paris, il fut accueilli aux cris de Vive l'Empereur; des députations se rendirent auprès de lui, lui demandant de céder aux vœux du peuple, en reprenant la couronne du fondateur de sa dynastie. Cédant à cette pression de l'opinion publique, il consulta le Sénat qui s'empressa de répondre à cet appel en proclamant l'Empire, par quatre-vingt-six voix sur quatre-vingt-sept votants, le 7 novembre 1852, et son sénatus-consulte fut soumis à la ratification du peuple. Un an après le coup d'État, Louis Bonaparte était proclamé Empereur sous le nom de Napoléon III, à Saint-Cloud, en présence du Sénat et du Corps législatif.

[51] Cosnac, nommé évêque de Valence par le cardinal Mazarin et appelé plus tard à l'archevêché d'Aix, fut aumônier de Monsieur, frère de Louis XIV. Il joua un rôle actif lors de l'Assemblée du Clergé en 1682, et il laissa des Mémoires qui ne furent publiés qu'en 1852, par le comte Jules de Cosnac, pour la Société de l'Histoire de France.

[52] Le duc de Dino.

[53] M. de Beauchesne, ancien gentilhomme de la Chambre du Roi sous la Restauration, avait publié en 1852, le fruit de longues études et de patientes recherches sur le malheureux fils de Louis XVI, sous le titre: Louis XVII, sa vie, son agonie, sa mort. Cet ouvrage fut couronné par l'Académie française.

[54] Le duc de Valençay.

[55] Au mois de janvier 1853, le bureau du Sénat, celui du Corps législatif et le Conseil d'État tout entier furent convoqués au Palais des Tuileries, dans la salle du Trône; Napoléon III, en uniforme de général, monta les degrés de ce trône, et, par un discours qui fut affiché dans toute la France, annonça aux grands Corps de l'État sa résolution d'épouser Mlle de Montijo et de la faire Impératrice. Le mariage fut célébré quelques jours plus tard, le 31 janvier.

[56] La nouvelle Impératrice se nommait Eugénie.

[57] Les Clary étaient une famille de petits négociants à Marseille. Dans sa jeunesse, et avant les grandeurs de sa famille, Joseph Bonaparte avait épousé Julie Clary, et leur fille Désirée épousa Bernadotte qui devint Roi de Suède. Le fils aîné de Berthier, prince de Neufchâtel, duc de Wagram, avait épousé Françoise Clary, et c'est leur fille qu'il était question de marier au prince Jérôme-Napoléon.

[58] Allusion à Mgr de Quélen.

[59] Par un décret du 26 janvier 1853, l'Empereur Napoléon III nommait, dans la maison de l'Impératrice, la princesse d'Essling, Grande-Maîtresse; la duchesse de Bassano, Dame d'honneur; la comtesse de Montebello, Mme Feray, la vicomtesse Lezay-Marnesia, la baronne de Pierres, la baronne de Malaret et la marquise de Las Marimas, Dames du palais; le comte Tascher de la Pagerie (sénateur), Grand-Maître; le comte Charles Tascher de la Pagerie, premier Chambellan; le vicomte Lezay-Marnesia, Chambellan; le baron de Pierres, Écuyer.

[60] Présage.

[61] Une sanglante échauffourée avait eu lieu à Milan le 6 février, mais le mouvement eut peu d'importance; les émeutiers ne tinrent nulle part devant la troupe. La véritable gravité de cette affaire fut dans ses conséquences, dans le redoublement des rigueurs de la police autrichienne, et les malheurs qui en résultèrent pour un grand nombre de familles, surtout après la proclamation de Mazzini au peuple italien, et celle de Kossuth au peuple hongrois, dont l'apparition simultanée et la ressemblance semblaient indiquer une entente entre ces deux chefs de la démagogie européenne.

[62] L'Histoire du Pontificat de Clément XIV, écrite d'après des documents inédits des Archives secrètes du Vatican, par A. Theiner, prêtre de l'Oratoire et garde-adjoint de ces Archives, venait d'être traduite de l'allemand par Paul Geslin, et publiée chez Firmin-Didot. C'était une réhabilitation de la mémoire de Clément XIV pour le venger des attaques des Jésuites, et comme une réponse à M. Crétineau-Joly, qui, partisan de l'autorité absolue, en religion comme en politique, avait écrit une Histoire de la Compagnie de Jésus et de Clément XIV, où il se montrait très sévère pour ce Pape.

[63] Le 7 février, le général vicomte de Saint-Priest, MM. René de Rovigo, de la Pierre, le comte de Mirabeau, de Coëtlogon et quarante autres personnes, parmi lesquelles plusieurs Allemands et Italiens, furent arrêtés à Paris, dans leurs domiciles respectifs, et après une perquisition faite dans leurs papiers, ils furent tous conduits à la prison de Mazas. Ils étaient prévenus d'avoir fait partie d'agences secrètes, ayant pour but d'adresser aux journaux étrangers de fausses nouvelles sur l'état de la France et de déconsidérer le Gouvernement de Napoléon III aux yeux de l'Europe. Parmi les personnes arrêtées se trouvait M. Joseph Tański, réfugié polonais, naturalisé français et attaché depuis plusieurs années à la rédaction du Journal des Débats. Le général de Saint-Priest fut remis en liberté le soir même de son arrestation, tandis que M. Tański n'obtint sa mise en liberté sous caution que le 24 février.

[64] En 1853, M. Victor Cousin publia son livre sur Mme de Longueville, qui ouvrait la série de ses études sur les Femmes et la Société du dix-septième siècle, et esquissait tous les personnages de la Fronde.

[65] A propos d'articles que l'abbé Gaduel, vicaire général d'Orléans, avait fait paraître dans l'Ami de la religion, et qui critiquaient philosophiquement et théologiquement un livre recommandé par Louis Veuillot, dans son journal l'Univers, Mgr Sibour, archevêque de Paris, avait condamné ce journal et en avait interdit la lecture au clergé de son diocèse. M. Veuillot, au lieu de discuter ces critiques, attaqua M. Gaduel dans sa personne et se livra à de sarcastiques déclamations contre la science et l'enseignement de la théologie.

[66] Le 18 février, l'Empereur d'Autriche se promenait sur les remparts de Vienne, lorsqu'il fut tout à coup arrête par un garçon tailleur hongrois, ancien hussard. L'assassin avait dirigé son coup de poignard vers la gorge, mais François-Joseph, ayant aperçu l'arme levée contre lui, fit avec le bras un mouvement qui la repoussa en arrière, au bas de la nuque. L'aide de camp de Sa Majesté, comte O'Donnell, dégaina aussitôt et porta à l'assassin un coup de sabre qui l'abattit à ses pieds.

[67] Le comte Schulenbourg.

[68] En 1848, la publication de la Case de l'oncle Tom, où Mme Becker-Stowe peignait avec autant de vivacité que de couleur les souffrances des esclaves noirs en Amérique, provoqua en Angleterre un mouvement d'opinion très accentué en faveur de l'abolition de l'esclavage. Plusieurs grandes dames, réunies à Stafford-House, sous la présidence de la duchesse de Sutherland, rédigèrent une lettre ouverte aux dames américaines, les engageant à faire œuvre de propagande pour l'abolition de l'esclavage dans leur pays. Cette lettre provoqua une verte réponse de Mme Tyler, où, en parlant de la misère et des abus de toutes sortes qui règnent en Angleterre, elle invitait les dames anglaises à vouloir bien s'occuper de réformer leur nation, avant de penser à réformer les institutions américaines, qui avaient leur raison d'être dans les conditions spéciales de cette contrée.

[69] Voir cet article du Times aux pièces justificatives de ce volume.

[70] Le Prince Royal de Saxe avait épousé, le 18 juin 1852, la Princesse Carola Wasa, fille du Prince de Holstein-Gottorp, Prince Wasa.

[71] A l'occasion de son mariage, et par un décret daté du 31 janvier 1853, Napoléon signa une amnistie dont profitèrent plus de trois mille individus qui avaient été l'objet de mesures rigoureuses après les troubles de décembre 1851.

[72] De l'anglais: aspirants de marine.

[73] La paix ayant été signée après la guerre de 1848-1849, l'Autriche, croyant rendre plus solide sa souveraineté sur ses possessions italiennes en les frappant de terreur, leur fit lourdement sentir le poids de son joug. Les populations de ces provinces, de plus en plus irritées, recoururent, malheureusement, pour le secouer, au moyen des conspirations. Mazzini, réfugié à Londres et à l'abri de tout danger, y avait fondé un Comité national d'où partait le mot d'ordre, et qui centralisait les efforts des sociétés secrètes répandues en Lombardie et en Vénétie, dans le seul but de chasser les Autrichiens d'Italie. Pour agir plus efficacement, un Comité révolutionnaire se constitua à Mantoue, sous la présidence d'un prêtre fort estimé: Enrico Tazzoli. La police autrichienne fut mise sur sa piste par l'imprudence d'un des membres du Comité qui, pour en augmenter le nombre, admit dans son sein des personnes appartenant aux classes les plus basses de la population. Dès lors, le secret devint impossible à garder et les procès commencèrent. Plusieurs exécutions en furent la suite et enfin celle du prêtre Crioli, fusillé à Mantoue pour avoir conseillé à des soldats autrichiens de déserter, fut le prélude de cette Conspiration de Mantoue qui eut son épilogue sur les glacis de Belfiore. Une poésie révolutionnaire ayant été trouvée sur une des victimes qui, sous le bâton, avoua qu'il la tenait du prêtre Tazzoli, ce dernier fut arrêté. On trouva dans ses papiers la liste chiffrée des noms de tous les membres du Comité révolutionnaire, dont un traître livra la clef, ce qui permit de les saisir et de les arrêter tous. Un long procès en fut la suite: procès qui dura depuis janvier 1852 jusqu'au 19 mars 1853. Les accusés étaient au nombre de cent cinquante; tous appartenaient aux meilleures classes de la population: neuf d'entre eux furent pendus à Belfiore à la suite de la sentence qui en condamnait presque la moitié à mort. Les autres virent leur peine commuée et furent envoyés aux galères.

[74] Avec douceur.

[75] Par ordre de M. le Comte de Chambord, les légitimistes devaient s'abstenir de toute espèce de service dans l'État.

[76] Le Feld-Maréchal comte Leiningen avait été chargé d'une mission diplomatique auprès de la Porte Ottomane, concernant les différends entre les deux Gouvernements. Ayant remis au Sultan, le 3 février, la lettre autographe de l'Empereur d'Autriche, le comte de Leiningen était de retour le 16 février à Vienne, la Porte ayant adhéré aux demandes et réclamations que l'Autriche lui avait adressées par l'intermédiaire de ce diplomate.

[77] Elle était dame d'honneur de Mme la Comtesse de Chambord.

[78] Mari de Mme la Duchesse de Berry.

[79] De l'italien: le véritable portrait du très saint Fondateur des Ordres mendiants.

[80] Princesse d'Orléans, fille du Roi Louis-Philippe.

[81] Le Roi Léopold des Belges, dans le but de présenter aux principales Cours de l'Europe son fils aîné, qui avait atteint sa majorité, et qu'il voulait marier, et en même temps désireux d'obtenir l'augmentation des garanties de l'indépendance de la Belgique, ainsi que la conclusion d'un traité de commerce avec le Zoll-Verein, entreprit, au mois de mai 1853, un voyage à Berlin et à Vienne. Le Roi de Prusse, qui le reçut à Berlin avec une grande affabilité, le retrouva peu de jours après dans la capitale de l'Autriche, où Frédéric-Guillaume IV, accompagné de son frère, le Prince Charles de Prusse, se rendit le 20 mai pour y signer le traité de commerce austro-prussien. Le Roi put alors assister aux fiançailles du Duc de Brabant avec l'Archiduchesse Marie, fille de feu le Palatin. Ce mariage fut célébré le 23 août suivant.

[82] Hansdorf était alors la station du chemin de fer d'embranchement de Berlin-Sagan.

[83] La Grande-Duchesse Stéphanie.

[84] Le Prince Albert de Prusse, qui vivait séparé de sa femme depuis quelque temps, venait d'épouser, assez clandestinement, une dame d'honneur de cette Princesse, Mlle de Rauch, qui reçut le titre et le nom de comtesse de Hohenau.

[85] L'Église grecque, dans les Lieux Saints, empiétait sur l'Église latine qui perdait ainsi tout droit. Appuyée par la France, l'Église latine demanda que la question reçût un nouveau règlement, et la Turquie fut appelée à en décider. La Russie, croyant le moment venu d'imposer ses volontés, envoya à Constantinople le maréchal Menschikoff, avec des propositions dont elle exigeait la signature immédiate. La Turquie, voyant l'abdication de son indépendance, les rejeta. La Russie envahit aussitôt les Principautés danubiennes. C'était un casus belli. L'Angleterre, la France et l'Autriche, dans l'espoir de maintenir la paix, adressèrent à la Russie une note portant leurs trois signatures. La Turquie, n'ayant pas accepté, sans modification, le contenu de cette note, le Czar la rejeta, et le but que l'on se proposait ne fut pas atteint.

[86] L'Empereur Nicolas arriva, en effet, à Olmütz: il était accompagné de son beau-frère, le Prince de Prusse, pour s'entendre avec l'Autriche et la Prusse. Une longue conférence eut lieu le 2 octobre, sous la tente impériale, entre les deux Empereurs, le Prince de Prusse et MM. de Nesselrode et de Buol. Les délibérations en restèrent d'abord secrètes, puis, on apprit bientôt que le Czar avait fait savoir à la Porte Ottomane que ces puissances ne lui donneraient qu'une garantie séparée de chacune d'elles, et non pas une garantie collective, et qu'il n'y aurait aucune solidarité entre les garants de l'intégrité et de l'indépendance de la Turquie. La proposition austro-russe fut repoussée à Londres comme à Paris, et absolument rejetée à Constantinople.

[87] Pour le mariage du Duc de Brabant.

[88] Marquise de Castellane.

[89] Une dépêche avait apporté la déclaration formelle de la guerre de la Porte à la Russie. Le texte en était d'abord parvenu à la Légation ottomane à Vienne avec la condition que les hostilités ne seraient ouvertes que dans le cas où la Russie n'évacuerait pas les Principautés danubiennes dans les quatre semaines.

[90] Maréchal des logis.

[91] Lord Clarendon.

[92] (De l'anglais), de second rang.

[93] M. de Nesselrode avait envoyé une dépêche datée du 7 septembre, destinée à expliquer les motifs par lesquels l'Empereur Nicolas avait rejeté les modifications, demandées par le Sultan, au projet de note préparé par le Cabinet de Vienne. Entre autres, il joignait à cette dépêche une note spéciale adressée à M. de Meyendorff, alors ambassadeur de Russie à Vienne, dans laquelle étaient discutées point par point les modifications elles-mêmes.

[94] Le duc de Wellington.

[95] Allusion à ces vers de Racine dans sa tragédie de Bajazet:

L'imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance,

Traîne, exempt de péril, une éternelle enfance.

Indigne également de vivre et de mourir,

On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir.

[96] Mgr Fœrster.

[97] Le 3 novembre, les Turcs remportèrent un avantage notable sur la rive valaque du Danube. Au nombre de douze mille hommes, ils passèrent le fleuve entre Lurtukai et Oltenitza, maintinrent leurs positions dans ce dernier endroit et s'y fortifièrent. Les Russes firent de grandes pertes.

[98] Vers la fin du règne de Louis-Philippe, M. Cousin comprit qu'il était inutile de lutter contre l'ordre des choses. Sans renoncer positivement au libre-penser, il se rapprocha des doctrines plus saines et publia en 1853 un ouvrage intitulé Du vrai, du beau et du bien. Il y faisait appel à la conciliation et rêvait l'union des idées religieuses avec la liberté, en émettant des regrets de nature à calmer les animosités, au sujet des aberrations de sa vie passée.

[99] L'histoire de Grégoire VII fut trouvée achevée dans les papiers de M. Villemain et ne fut publiée qu'après sa mort, en 1873. L'auteur en avait tracé le plan et rédigé une notable partie à la fin de la Restauration, puis l'abandonna lorsque la révolution de Juillet eut soufflé sur les entreprises du clergé, et y revint dans les dernières années de sa vie.

[100] Allusion à la façon malveillante et peu impartiale dont M. Thiers avait parlé du prince de Talleyrand dans son grand ouvrage: Le Consulat et l'Empire.

[101] Le 18 décembre 1853, lord Palmerston, qui voulait devenir Premier ministre, et qui n'était alors que ministre de l'intérieur dans le Cabinet wigh-peelite, donna sa démission, en refusant d'accepter le nouveau bill de Réforme électorale, proposé par lord John Russell dans le sein du Cabinet; puis, sous le prétexte d'une méprise qui se serait dissipée, il reprit son portefeuille, qu'il n'avait jamais sérieusement abandonné. Ce ne fut que le 8 février 1855 que lord Palmerston parvint à remplacer, comme premier Lord de la Trésorerie, lord Aberdeen, à la joie de Constantinople et à la stupeur de la Russie.

[102] L'amiral russe Dachinoff avait remporté, le 30 novembre, une éclatante victoire dans la mer Noire, près de Synope, sur une division navale turque, commandée par Osman-Pacha, qui fut fait prisonnier et vit tous ses navires détruits. Quelques jours plus tard, le général russe Andranikoff battait les Turcs sur terre à Aikaizick. Ils perdirent quatre mille hommes dans ce sanglant combat.

[103] Le comte Pourtalès à Londres et M. de Bunsen à Paris avaient pour mission de s'assurer des déterminations positives des puissances occidentales, dans le but de dessiner la part de la Prusse à l'action commune; on espérait ainsi avoir une influence considérable sur l'Autriche, qui, si elle devait se ranger du côté de la Russie, se trouverait fort embarrassée par l'hostilité de la France à l'ouest, et par sa grande rivale allemande au nord.

[104] A la réception de la dépêche annonçant le combat naval de Synope, les Gouvernements de France et d'Angleterre envoyèrent à leurs amiraux respectifs l'ordre d'entrer immédiatement dans la mer Noire; par suite de quoi, les vaisseaux russes se trouvèrent bloqués à Sébastopol, et la Turquie put travailler librement à son ravitaillement.

[105] On faisait courir en Angleterre mille bruits absurdes sur l'influence que le Prince Albert cherchait à prendre dans les affaires politiques et même sur ses ambitions personnelles pour accaparer l'autorité. La populace commençait à s'en montrer très irritée.

[106] De l'anglais: la populace.

[107] Ce volume était la première partie des Souvenirs littéraires de M. Villemain, qui publia la seconde deux ans après.

[108] Comme suite à son premier volume sur Mme de Longueville, Cousin fit paraître en 1854 une étude sur Mme de Sablé, poursuivant ainsi ses publications sur les femmes de la société du dix-septième siècle.

[109] M. de La Rochejaquelein, partisan du suffrage universel, s'était rallié au coup d'État, après avoir rompu avec les légitimistes de la rue de Poitiers, ainsi qu'avec M. le Comte de Chambord. M. de Pastoret, qui avait refusé en 1830 de prêter serment à Louis-Philippe, avait trempé dans le complot des tours de Notre-Dame, se montra sympathique au gouvernement du Prince Louis-Napoléon, qui le nomma sénateur en 1853.

[110] La comtesse Radetzky de Ravez était morte à Vérone, le 12 janvier, des suites d'une fluxion de poitrine.

[111] L'Empereur Nicolas comprenant l'importance de l'Union des Puissances belligérantes tentait, alors, par un vigoureux effort de rompre l'accord de la Conférence de Vienne et de rattacher à sa cause l'Autriche et la Prusse. Ce fut le but de la mission du comte Orloff. La lettre autographe de son maître, dont le comte Orloff était porteur pour l'Empereur d'Autriche, lui demandait de prendre, conjointement avec le Roi de Prusse, vis-à-vis de lui, l'engagement d'observer une neutralité stricte, pendant toute la durée de la guerre; mais François-Joseph s'y refusa nettement, le Czar ne voulant pas donner la promesse de ne pas franchir le Danube et de ne pas troubler l'ordre et la possession territoriale de l'Empire turc. A Berlin, l'Empereur Nicolas voulut traiter l'affaire comme en famille. Il en chargea tout simplement son représentant accrédité à cette Cour, le baron de Budberg. Celui-ci se servit, en cette occasion, de l'intervention du Ministre de la maison du Roi et non de celle du Ministre des Affaires étrangères. M. de Manteuffel, blessé de ce procédé, donna sa démission qui ne fut pas acceptée, et le baron de Budberg fut éconduit moins courtoisement que ne l'eût été le comte Orloff.

[112] Le 30 janvier 1854, le prince Napoléon fit à Bruxelles une visite toute de courtoisie, très officielle, mais sans mission politique spéciale.

[113] Allusion aux décrets du 22 janvier 1852, relatifs à la confiscation des biens de la famille d'Orléans.

[114] La diplomatie officielle et régulière étant à bout de ressources, l'Empereur Napoléon III avait, avec l'assentiment du Gouvernement anglais, écrit à l'Empereur Nicolas une lettre confidentielle où il se montrait très désireux d'une conclusion pacifique et proposant de signer, tout d'abord, un armistice, pour reprendre ensuite le cours régulier diplomatique. A la date du 8 février, l'Empereur Nicolas répondait négativement à cette lettre, qui fut fort indiscrètement publiée dans les journaux; et il la faisait suivre d'un manifeste adressé au peuple russe sur sa mésintelligence avec la Porte Ottomane. Le Czar y évoquait le souvenir de l'année 1812 et attestait la valeur déployée par son peuple dans ces fastes mémorables.

[115] Un parti, ayant à sa tête le prince Adolphe de Hohenlohe-Ingelfingen, représentait à la Chambre prussienne la nuance des Conservateurs-libéraux. Dans la session de 1854, une proposition faite par le comte Westphalen, se rapportant à l'état des communes pour les six provinces orientales n'ayant pu aboutir à une solution dans la Commission constituée pour en délibérer, des membres des divers partis libéraux, auxquels se joignirent ceux de la fraction Hohenlohe, composèrent un nouveau projet, modifiant la proposition du Gouvernement et demandant qu'il fût examiné par la Commission. Cette demande, qui s'appelait la demande de la fraction Hohenlohe, fut rudement attaqué par le parti de la Kreuzzeitung.

[116] Le parti du Prince et de la Princesse de Prusse était ainsi désigné.

[117] L'Autriche, invitée par les Puissances occidentales à s'allier avec elles contre les Russes, en transmit la proposition à la Prusse avec les modifications suivantes: «L'Autriche ne se croit pas appelée à s'associer aux Puissances occidentales dans une déclaration de guerre contre la Russie, mais elle est prête à signer une convention pour garantir l'intégrité de la Turquie selon l'esprit du traité de 1841.» En outre, l'Autriche maintiendrait la paix en Serbie, dans le Montenegro et en Bosnie, laissant aux puissances de l'Occident le soin de s'occuper de la Grèce et des provinces grecques de la Turquie.

[118] De l'anglais: A la classe des caractères plus sérieux.

[119] De l'italien: triomphe et s'anime.

[120] La Russie avait envoyé à Vienne un projet de préliminaires de paix, offrant d'évacuer les Principautés, lorsque ces préliminaires seraient signés. La Conférence, réunie alors à Vienne, considérant les conditions, auxquelles cet arrangement était subordonné, absolument inacceptables, rejeta ce projet.

[121] Le comte Buol.

[122] L'esprit faible et flottant de Frédéric-Guillaume IV était disputé par deux influences rivales: d'un côté, le parti de la Cour, acquis à la Russie; de l'autre, les Chambres prussiennes acquises à l'opinion libérale et parlementaire, naturellement peu favorable à cette Puissance du nord. Le Roi, cherchant toujours à temporiser, envoya le prince de Hohenzollern à Paris et le général de Grœben à Londres pour donner confidentiellement des explications sur sa politique, qui furent assez froidement reçues, comme étant celles d'un homme à la parole duquel on croyait peu.

[123] Les tiraillements entre les deux frères étaient comme étouffés par la noble attitude du Prince de Prusse, qui disait très haut que la volonté du Roi devait faire loi. Mais personne n'ignorait que le Prince déplorait les hésitations du Roi, sa politique vacillante, et que, désirant un rapprochement avec les Puissances occidentales, il se trouvait en contradiction avec la politique conseillée à son royal frère.

[124] Le 18 mars 1854, le Ministère prussien présenta à la seconde Chambre un projet d'emprunt de 30 millions de thalers, accompagné d'un mémoire annonçant que la Prusse maintiendrait le protocole de Vienne, et établissant les résolutions que le Roi se proposait de prendre à l'égard des États de la Confédération allemande.

[125] Le Gouvernement anglais fit alors la publication des pièces diplomatiques échangées en 1853 entre la Russie et l'Angleterre, au sujet de la Turquie, dans lesquelles se trouvaient de longs récits des conversations de l'Empereur Nicolas avec sir Hamilton Seymour. Le Czar dissimulait mal ses ambitieux projets et, pour arriver à son but, il représentait à l'ambassadeur d'Angleterre la ruine certaine et imminente de la Turquie, et il semblait avoir arrêté dans sa pensée que l'heure pour sa dissolution devait être arrivée. A cette politique, John Russel et lord Clarendon furent aussi explicites que conséquents; ils refusèrent ouvertement de partager cette idée fixe de l'Empereur Nicolas et se montrèrent très décidés à prévenir une catastrophe en Turquie.

[126] Une fièvre typhoïde des plus graves, dont la Princesse Louise fut atteinte à l'âge de seize ans, l'avait laissée faible de tête. Cette maladie causa la rupture de négociations déjà entamées avec la Cour de Sardaigne au sujet d'un mariage projeté avec le Duc de Gênes.

[127] Le prince de Hohenzollern-Sigmaringen à Paris, le général de Grœben à Londres.

[128] Les rapports du prince de Hohenzollern-Sigmaringen et du général de Grœben à la Cour de Berlin déterminèrent le départ du général de Lindheim pour Saint-Pétersbourg, avec une lettre particulière pour le Czar dans laquelle le Roi faisait de nouvelles propositions de médiation. L'Empereur Nicolas, ne pouvant maîtriser sa colère, chargea le prince Georges de Mecklembourg-Strélitz de porter sa réplique dans une lettre où il disait hautement à son royal beau-frère: «que quand les Puissances occidentales assureront l'émancipation des chrétiens en Turquie par un traité, lui, le Czar, consentirait à évacuer les Principautés, en même temps que les flottes combinées évacueraient le Pont-Euxin.»

[129] Dans le parti libéral en Prusse, il y avait la nuance des vieux Prussiens, à la tête desquels se trouvaient Bethmann-Holweg, Usedom, Pourtalès, Goltz. Le Preussische Wochenblatt était leur organe et avait comme rédacteur le docteur Jasmund. On le nommait communément le Journal de Bethmann-Holweg. Cette feuille se distinguait par des articles bien écrits, critiquant avec une certaine modération les actes du Gouvernement, mais pleins d'amertume contre le parti représenté par la Kreuzzeitung. Cette feuille cessa de paraître en 1861.

[130] Ferdinand-Charles III, duc de Parme, avait succombé le 27 mars 1854, après avoir été frappé la veille par un assassin qui lui avait porté un coup de couteau dans le ventre.

[131] Le parti russe de la Cour regardait le général de Bonin comme un ennemi personnel, et multiplia ses intrigues dans les hauts parages pour le faire sortir du ministère de la Guerre. Comme le Prince de Prusse, M. de Bonin était également favorable à un rapprochement avec les Puissances occidentales; aussi, sa démission, demandée par le Roi, fit la plus fâcheuse impression en dehors du cercle de la Cour. On se rappela l'énergie déployée par le Ministre dans la Commission au sujet de l'emprunt, et l'ardeur avec laquelle il sentait la nécessité de la réalisation d'une entente plus intime entre la Prusse et l'Autriche. Cette entente était devenue un si pressant besoin que l'Empereur d'Autriche n'hésita pas d'envoyer alors à Berlin le général de Hess avec des propositions formelles d'une alliance offensive et défensive, insistant pour que la Prusse concentrât un corps d'armée sur sa frontière. Ces négociations aboutirent à un renouvellement formel du traité secret de 1851, par lequel la Prusse et l'Autriche se garantissaient réciproquement leurs États, quoique le Gouvernement prussien se fût efforcé d'écarter toute stipulation qui pouvait l'obliger à se montrer en armes contre la Russie.

[132] Le comte d'Alvensleben, qui avait refusé une mission spéciale à Londres et était retourné dans ses terres, venait d'en être rappelé et pressé de partir pour Vienne, afin de s'y concerter et d'y surveiller de plus près les mesures à prendre avec le Cabinet autrichien, après la négociation du général de Hess à Berlin.

[133] Duc de Valençay.

[134] La duchesse de Talleyrand se retrouvait pour la première fois à Rochecotte, depuis qu'elle en avait cédé la propriété à sa fille en 1847.

[135] Marquise de Castellane.

[136] M. de Salvandy était atteint au cou d'une loupe d'un volume considérable. Il en souffrit durant de longues années et cette tumeur fut la cause de sa fin.

[137] Dans la lutte de l'Épiscopat français contre l'enseignement des langues anciennes, Mgr Dupanloup, s'étant prononcé avec beaucoup de talent pour l'Université, s'était acquis un titre qui lui ouvrit les portes de l'Académie française où il remplaça M. Tissot, le traducteur des Bucoliques de Virgile. Cette réception eut lieu le 8 novembre 1854.

[138] Lorsque éclata la guerre d'Orient, le maréchal de Saint-Arnaud reçut le commandement de l'armée française qui s'embarqua du 24 au 29 avril 1854. Il débarqua avec ses troupes le 14 septembre en Crimée; et, de concert avec les troupes alliées, remporta la victoire de l'Alma qui leur ouvrit la route de Sébastopol. Accablé d'une maladie mortelle, il dut remettre le commandement de l'armée au général Canrobert, puis s'embarqua pour la France. Il mourut pendant la traversée le 29 septembre. Ses restes furent déposés en grande pompe à l'Hôtel des Invalides à Paris.

[139] L'Autriche avait à peine conclu à Berlin le traité d'alliance offensive et défensive négocié par le général de Hess, que, sans en prévenir la Prusse, et profitant des droits qu'elle s'était réservé de conclure indépendamment des traités, elle s'était empressée de s'entendre avec les Puissances belligérantes. Le Moniteur de Paris, du 4 décembre, annonçait que le 2, à Vienne, un traité d'alliance avait été signé entre les plénipotentiaires de la France, de l'Autriche et de la Grande-Bretagne.

[140] Désirant assister aux solennités qui se préparaient dans la Ville Éternelle pour la proclamation du dogme de l'Immaculée-Conception le 8 décembre, la marquise de Castellane, emmenant sa fille avec elle, se rendit à Rome, par mer, vers la fin de novembre; elle y séjourna jusqu'à la fin du mois d'avril 1855.

[141] La princesse revenait de Bruxelles où elle s'était réfugiée après l'entrée en campagne des Puissances belligérantes.

[142] De l'anglais: pernicieux.

[143] Le palais Cafarelli à Rome était la propriété du Roi de Prusse et la résidence de la Légation auprès du Saint-Siège.

[144] Le traité du 2 décembre avait fait la plus profonde impression à Saint-Pétersbourg. La Russie cherchait, par des moyens détournés, d'affaiblir cette puissante coalition, afin d'enlever au Cabinet de Vienne tout prétexte d'hostilité active. Le prince Gortschakoff, ambassadeur de Russie, se déclara autorisé à négocier d'une manière générale. Les plénipotentiaires des trois Puissances alliées du 2 décembre se réunirent à Vienne dans la journée du 28. Les explications, données de part et d'autre, montrèrent qu'on se comprenait, et qu'on était d'accord sur les points essentiels, mais sous réserve de l'assentiment des Cabinets de Londres et de Paris; une base de paix était comme posée, mais la Russie, n'ayant jamais voulu faire aucune concession, quant au nombre des vaisseaux qu'elle pourrait avoir dans la mer Noire, les négociations tirèrent en longueur et n'aboutirent pas.

[145] Fille de M. Molé.

[146] La duchesse de Talleyrand avait une terreur innée des chats qu'elle ne parvint jamais à vaincre.

[147] L'étrange épuisement qui consumait l'armée anglaise devant Sébastopol avait déchaîné l'opinion publique en Angleterre contre le Ministère, qui réclamait à grands cris le relèvement de la puissance britannique. Le 27 novembre 1854, la Reine avait convoqué d'urgence le Parlement, pour le 12 décembre, afin de prendre des mesures qui pousseraient la guerre avec vigueur et accroîtraient les forces de l'armée. Lord Palmerston, le ministre le plus populaire de l'Angleterre, reçut la mission de former un nouveau Cabinet. Celui-ci concentra dans les mains du commandant en chef de l'armée les forces militaires, réforma le commissariat, organisa un service de transport, et les dons des particuliers affluèrent en telle exubérance, qu'après avoir passé par toutes les souffrances, par tous les dénûments de l'extrême misère, l'armée anglaise connut toutes les abondances, et aussi tous les dangers de l'extrême bien-être.

[148] Le dissentiment, qui s'était manifesté entre l'Autriche et la Prusse sur la question de la mobilisation, avait fait commencer au Cabinet de Vienne des négociations avec différents gouvernements allemands, et pour donner un point d'appui, l'Empereur d'Autriche manifestait le désir de se placer à la tête de l'armée fédérale. Effrayée de cet isolement, la Prusse avait envoyé le comte de Wedel à Paris, dans l'espoir de s'entendre directement avec les Puissances occidentales. La France devait reconnaître à la Prusse le droit de prendre part au Congrès de Vienne et la Prusse disposée à accéder au traité du 2 décembre. Mais ces négociations échouèrent complètement.

[149] M. de Niebuhr, conseiller du Cabinet du Roi, passait pour un ami de la Russie.

[150] Chez Mme de Lieven.

[151] Au retour de la campagne peu fructueuse de la Baltique, l'amiral Napier, le cœur gonflé d'amertumes, ne respectant ni autorité, ni discipline, ni convenance, ni lui-même, avait, après un dîner du Lord-Maire, prononcé un discours extraordinaire dans lequel il attaquait le Gouvernement et sir James Graham, président de l'Amirauté. Il le déclara indigne de présider, puisque sir James Graham s'était joint aux hommes qui l'avaient blâmé de n'avoir pas enlevé Cronstadt et de s'être opposé à son attaque. Il avait fallu rabattre des illusions qu'on se faisait si légèrement au commencement des hostilités du Nord et de l'Orient; les Anglais rendirent leurs chefs responsables des difficultés, le langage de sir Charles Napier et la conduite de lord John Russell abandonnant ses collègues à l'heure du danger et travaillant ouvertement, par ses intrigues, à supplanter l'administration dont il avait fait partie, rendirent plus complète l'anarchie qui régnait dans les régions les plus élevées du pouvoir.

[152] Ce fait n'a pas été prouvé et fut même démenti. On en parla beaucoup à Turin, à cette époque, et il est certain que le Roi Victor-Emmanuel ne signa qu'avec une grande répugnance les lois dont il est ici question. La mort avait frappé, en un mois, la Reine mère, la Reine régnante et le Duc de Gênes, frère du Roi.

[153] Ce fut, en effet, en 1855 que le duc de Broglie prit possession du fauteuil laissé vacant par la mort de Sainte-Aulaire à l'Académie française. M. Ernest Legouvé remplaça M. Ancelot. M. Ponsard succéda, dans la même année, à M. Baour-Lormian.

[154] Le général de Wedel avait été chargé de négocier à Paris un projet de traité séparé, pour conclure entre la Prusse et la France, sur la base que la Prusse serait disposée à signer, le protocole du 28 décembre, afin de prendre sa place dans la Conférence de Vienne. Mais ces négociations n'aboutirent pas, la Prusse cherchant toujours à conserver sa liberté d'action.

[155] L'Empereur Nicolas avait cru au prompt triomphe de ses armes; les défaites qu'elles essuyèrent successivement en Crimée lui portèrent un coup terrible qui abrégea ses jours. Déjà souffrant en janvier, il commença à ressentir les atteintes de la grippe; malgré les défenses des médecins, il voulut, un jour, inspecter les troupes qui partaient pour la Crimée; le mal s'aggrava et fit des progrès si rapides qu'il fut emporté subitement le 2 mars. Cette nouvelle inattendue fut comme un coup de foudre pour l'Europe, particulièrement pour Berlin.

[156] Le 25 février 1855, M. Berryer prenait place à l'Académie française. Il y était reçu par M. de Salvandy et remplaçait Alexis de Saint-Priest dont il avait à faire l'éloge. En parlant des relations de M. de Saint-Priest, M. Berryer avait dit entre autres: «De bonne heure, il fut admis dans les entretiens familiers où M. de Talleyrand se jouait et profitait avec éclat et finesse de ses avantages, étant d'assez grande naissance et revêtu d'assez hautes dignités, pour ne parler ou se taire, n'interroger ou ne répondre qu'à son moment, toujours assuré de la victoire, comme un capitaine pouvant toujours, à son gré, choisir le terrain du combat.»

[157] Le 5 mars 1855, l'Impératrice d'Autriche accoucha de son premier enfant. A l'occasion de sa naissance, l'Empereur accorda une amnistie qui fut publiée simultanément dans toutes les provinces de l'Empire. Cette jeune Archiduchesse mourut à l'âge de deux ans.

[158] Les difficultés inattendues que les troupes expéditionnaires rencontrèrent en Crimée et les épreuves qu'elles eurent à subir avaient, en Angleterre, dépopularisé lord Raglan en le rendant responsable de ce que Sébastopol était entouré de murailles et de ce qu'il y avait de la neige en Crimée. Comme sir Charles Napier, lord Raglan était fort attaqué par l'opinion publique.

[159] Winterhalter, qui avait peint en 1837 le fameux tableau: le Décaméron, fut choisi pour reproduire, dans le même genre d'attitudes, l'Impératrice Eugénie entourée des dames de sa Cour. Ce tableau, qui prit place à l'Exposition de 1855 à Paris, fournit une ample matière aux critiques les plus mordantes.

[160] Ce livre, qui formait la seconde partie des Souvenirs historiques et littéraires de M. Villemain, piqua encore plus vivement l'opinion publique que la première. Dans le chapitre consacré au Congrès de Vienne, se trouvait un portrait aussi fin que spirituel de l'auteur de cette Chronique.

[161] Extrait de lettre à M. de Bacourt.

[162] Les alliés avaient ouvert le 9 avril le feu de toutes leurs batteries contre Sébastopol et une brèche y avait été pratiquée dans la journée du 10.

[163] Le 28 avril, l'Empereur Napoléon III montait à cheval les Champs-Élysées, lorsqu'un Italien, nommé Pianori, lui tira un coup de pistolet sans l'atteindre. Arrêté, il déclara qu'il avait voulu venger la République romaine. Il fut condamné à mort et exécuté le 14 mai suivant.

[164] Le 23 avril, dans la séance de la Chambre des Communes, lord Palmerston déclarait que les Conférences étaient ajournées indéfiniment, la Russie ayant refusé de réduire sa flotte et de considérer le Pont-Euxin comme mer neutre.

[165] Dans le but de l'empêcher d'aller en Crimée, les Cabinets anglais et français avaient persuadé à l'Empereur Napoléon III de venir rendre visite à la Reine d'Angleterre. Il y alla, en effet, passer une semaine, au mois d'avril 1855, accompagné de l'Impératrice Eugénie.

[166] La plus célèbre des sources à Carlsbad.

[167] Dans la matinée du 18 juin 1855, les Français avaient attaqué Malakoff et les Anglais le grand Redan. Cet assaut fut rejeté sur tous les points avec des pertes immenses pour les deux armées alliées, qui y perdirent chacune plusieurs généraux et un grand nombre d'officiers supérieurs.

[168] Lord Raglan avait soutenu avec dignité le poids du commandement, mais le dénuement de ses soldats et les attaques de la presse anglaise contre un état de choses, auquel il ne pouvait remédier, l'affectèrent vivement. Atteint du choléra, il n'y résista pas et mourut à son quartier général.

[169] L'Empereur Napoléon III avait convoqué les Chambres en session extraordinaire, afin de faire un nouvel appel à leur patriotisme, en leur demandant les moyens de continuer la lutte.

[170] A propos de l'observation du dimanche et du bill dit du Commerce de lord Growenor, une démonstration populaire avait eu lieu à Hyde-Park. La police dut arrêter la circulation des voitures et sévir contre les personnes qui avaient voulu intervenir.

[171] De l'anglais: pauvre chère vieille Angleterre.

[172] La Reine Marie-Amélie voulant aller passer une partie de l'hiver en Italie, on avait parlé d'une visite à Frohsdorff, mais la Reine se borna à un séjour à Savone, sans donner suite à ce premier projet.

[173] Le bruit s'était répandu que, sur la demande du prince Napoléon, l'Empereur retirerait son commandement au maréchal de Castellane.

[174] Maison de campagne des évêques d'Orléans que Mgr Fayet avait eu la bonne fortune d'acquérir pour le diocèse. Elle avait appartenu, au commencement de ce siècle, à la célèbre comédienne Mlle de Raucourt. Mgr Dupanloup en faisait sa résidence d'été, à proximité de laquelle se trouvait son petit séminaire, objet de ses soins particuliers.

[175] Quelques jours avant la prise de Sébastopol, l'Empereur Napoléon III eut le grand triomphe de recevoir à Paris la Reine Victoria, accompagnée du prince Albert. Sur les conseils du Gouvernement anglais, desireux de resserrer l'alliance entre les deux peuples, la Reine vint à Paris pour y visiter l'Exposition universelle.

[176] Le 8 septembre 1855, à midi, les Français avaient emporté d'assaut la tour de Malakoff regardée comme la clef de Sébastopol et, un peu plus tard, le Grand Redan. Les Russes, voyant la solide occupation de ces deux points principaux, se déterminèrent à évacuer la place, après avoir ruiné et fait sauter par la mine, les défenses, les édifices et avoir coulé leurs derniers vaisseaux.

[177] Ce mot allemand, intraduisible en français, veut dire: quelque chose de désagréable.

[178] Dans la nuit du 26 au 27 août 1855, cinq à six cents ouvriers des ardoisières de Maine-et-Loire s'étaient emparés d'une caserne de gendarmerie et avaient essayé de surprendre la ville d'Angers; ils furent dispersés par la force armée et pour la plupart faits prisonniers. Ils appartenaient à la société secrète dite de la Marianne.

[179] La duchesse d'Istrie habitait le premier étage de l'ancien hôtel Talleyrand, alors en possession du baron de Rothschild, qui en avait fait l'acquisition après la mort du prince de Talleyrand.

[180] De l'anglais: bas bleu.

[181] Dans cet ouvrage, M. Cousin essaie de peindre, dans toute sa vérité, la lutte mémorable que le cardinal Mazarin eut à soutenir, en 1643, au début de la Régence, contre les Importants, les devanciers des Frondeurs. Parmi ses nombreux et puissants adversaires, figurent deux femmes qui avaient déjà tenu tête à Richelieu. C'étaient Mme de Chevreuse et Mme d'Hautefort qui, dit M. Cousin, «est à peu près assurée de plaire par le pur éclat de sa beauté, la vivacité généreuse de son esprit, la délicatesse et la fierté de son cœur et son irréprochable vertu.»

[182] Le 21 février 1856 s'était ouvert à Paris, sous la présidence du comte Walewski, un Congrès des grandes Puissances qui avaient pris part à la guerre de Crimée, pour arrêter les bases d'un traité. L'Autriche, quoique non belligérante, étant directement intéressée dans la lutte, dont la rive gauche du Danube était l'enjeu, y prit une large part par son représentant le comte Buol, dont l'attitude raide et cassante fut souvent une cause d'irritation parmi les négociateurs, froissés d'entendre l'Autriche parler comme si elle avait pris Sébastopol; mais ce ne fut que quand les principales clauses du traité furent arrêtées le 18 mars par les Puissances, qu'elles admirent la Prusse à la continuation des débats qui allaient s'engager sur la convention des Détroits, la Prusse ayant été partie contractante en 1841 dans l'acte relatif à la fermeture des Dardanelles et du Bosphore. La paix fut signée le 30 mars, amenant la neutralisation de la mer Noire et empêchant l'absorption de l'Empire Ottoman par la Russie. Tout paraissait donc fini, mais l'Empereur Napoléon et le comte de Cavour en avaient décidé autrement. Le 27 mars, les plénipotentiaires sardes avaient présenté aux Ministres des Affaires étrangères de France et d'Angleterre une note relative aux affaires d'Italie. M. Walewski, par ordre de son maître, proposa aux plénipotentiaires d'ajourner leur départ pour un échange d'idées sur différents sujets qui demandaient une solution. Les discussions restèrent sans conclusion alors, mais grâce à la connivence des Gouvernements de France et d'Angleterre, qui soutinrent vivement le comte de Cavour, la situation des affaires italiennes n'en fut pas moins traduite à la barre de l'Europe.

[183] M. de Rochow, membre de la Chambre des Seigneurs de Prusse, avait tué en duel M. Hinckeldey, directeur général de la police à Berlin. Le Roi, ayant eu connaissance de ce projet de duel, avait chargé M. Raümer, conseiller du Ministère de sa maison, de voir les adversaires et de les réconcilier. N'ayant pas réussi dans sa mission, celui-ci se suicida en apprenant la fatale issue de ce duel. A la séance de la Chambre des Seigneurs, le Président, prince de Hohenlohe, ayant simplement exprimé le regret que M. de Rochow se trouvait empêché de s'y rendre, le point d'honneur l'ayant forcé d'enfreindre les lois du pays, sans parler de la mort de M. Hinckeldey, un grand mécontentement s'en était suivi en ville.

[184] La visite du Comte de Chambord à sa tante la Reine Marie-Amélie avait eu lieu à Nervi les tout premiers jours d'avril.

[185] La Princesse Marguerite, l'aînée de ces deux enfants, est Reine d'Italie.

[186] M. de Sainte-Aulaire.

[187] En 1854, l'Empereur François-Joseph avait inauguré une ligne de chemin de fer qui reliait directement la ville de Vienne à la mer Adriatique. Une Compagnie, dont M. Nathaniel de Rothschild était un des principaux actionnaires, avait, à l'aide de seize mille ouvriers, construit cette voie ferrée qui, tout en serpentant la chaîne du Semmering, la traverse à plus de trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer.

[188] L'Archiduc fut reçu à Paris avec tous les honneurs civils et militaires. Son voyage était sans but politique, quoique le bruit courut que ce Prince venait négocier une entrevue à Munich entre l'Empereur, son auguste frère, et l'Empereur Napoléon.

[189] Pendant que le Congrès était réuni à Paris, l'Impératrice Eugénie donna le jour à un fils qui naquit aux Tuileries, le 16 mars 1856. D'abord ondoyé, le Prince Impérial ne fut baptisé que le 15 juin suivant, très solennellement à Notre-Dame. Le Pape Pie IX, qui était son parrain, se fit représenter par le cardinal Patrizi, et la Reine de Suède, sa marraine, par la Grande-Duchesse Stéphanie de Bade.

[190] Le prince Windisch-Graetz se trouvait alors à Berlin pour assister à des manœuvres militaires. Il n'avait aucune mission politique.

[191] Le Prince Louis de Bade incapable de régner, par suite d'une maladie mentale des plus graves, son frère cadet, le Prince Frédéric-Guillaume, succéda en 1852 à leur père, le Grand-Duc Charles-Léopold. Il prit d'abord le titre de Régent, et ce ne fut qu'en 1856 qu'il s'attribua le titre de Grand-Duc, par une patente spéciale.

[192] Le 24 août était le jour de naissance du Comte de Paris qui, en 1856, atteignait l'âge de dix-huit ans, par conséquent, la majorité pour les rois de France.

[193] Le duc de Morny se rendait à Moscou comme Ambassadeur extraordinaire, pour représenter la France au couronnement de l'Empereur Alexandre II. Il déploya un luxe qui paraissait d'un goût douteux à côté de celui du prince Esterhazy et de lord Granville, le premier représentant l'Autriche, le second l'Angleterre.

[194] Après la signature de la paix et l'évacuation de la Crimée, le maréchal Pélissier revint en France au mois d'août 1856. Il fut reçu avec les plus grands honneurs et un accueil enthousiaste de la part de la population. En débarquant à Marseille, le Maréchal trouva une lettre de l'Empereur qui lui conférait le titre de duc de Malakoff; en outre, le Corps législatif lui vota une dotation annuelle de cent mille francs, transmissible à sa descendance directe de mâle en mâle.

[195] Mme la Duchesse d'Orléans était pour un mois à Hambourg où elle avait appelé plusieurs de ses partisans.

[196] Le Prince Adalbert, grand-amiral de la flotte prussienne, à bord de la frégate Dantzig, avait été attaqué sur la côte du Maroc par les pirates du Riff. Le Prince avait reçu une balle dans la cuisse durant le combat où il perdit sept hommes, son lieutenant de vaisseau entre autres, et dix-sept blessés. Cette mésaventure avait péniblement impressionné à Berlin où, par dérision, on la compara au désastre de cette formidable flotte de guerre, connue sous le nom de l'invincible Armada, équipée en 1588 par le Roi Philippe II d'Espagne et destinée à envahir l'Angleterre afin d'y rétablir le catholicisme.

[197] Le comte Schulenbourg avait été frappé à table, pendant qu'il dînait, le 3 septembre, d'une attaque d'apoplexie, dont il mourut le lendemain.

[198] Devenue veuve le 10 février 1855 du Duc de Gênes, la Duchesse avait épousé morganatiquement et secrètement, en octobre 1856, un marquis de Rapollo qui avait été aide de camp de son mari.

[199] La Princesse Louise de Prusse, fille de celui qui fut plus tard l'Empereur Guillaume 1er, avait épousé, le 20 septembre 1856, le Grand-Duc de Bade.

[200] La question de l'Altesse Royale pour le Duc de Cobourg-Gotha n'avait pas encore été acceptée ni réglée en Prusse.

[201] Le maréchal Marmont avait épousé, en 1798, la fille du banquier comte de Perrégaux qui devint sénateur, puis régent de la Banque de France. Les Mémoires du duc de Raguse ont un cachet d'âpreté et d'amour-propre qui froissèrent bien des personnes quand ils furent publiés en 1856.

[202] Le mariage de la Princesse Charlotte, fille du Roi des Belges, avec l'Archiduc Maximilien d'Autriche venait d'être décidé; mais il ne fut célébré que l'année suivante, le 27 juillet 1857.

[203] Le discours royal avait surtout un passage relatif aux affaires de Neuchâtel, que le Roi se montrait disposé à traiter comme une question de droit européen, et, sans les spécialiser, Sa Majesté annonçait qu'une augmentation des recettes du budget était indispensable pour pourvoir à plusieurs pressants besoins.

[204] L'exécution du traité de Paris ayant soulevé quelques difficultés de détail entre la Russie et les autres puissances contractantes, la réunion d'une nouvelle conférence fut décidée le 31 décembre. La première séance eut lieu à Paris au ministère des Affaires étrangères pour arriver à mettre fin aux difficultés qui entravaient l'exécution de l'article 20 du traité du 30 mars précédent. Cet article comprenait la nouvelle délimitation de la Bessarabie, la possession de la ville de Belgrade, l'évacuation de Kars et de l'île des Serpents par les Russes. L'entente entre les deux puissances fut faite le 8 janvier 1857.

[205] Lord Shrewsbury avait légué sa fortune au second fils du duc de Norfolk, mais le comte Henry-Jean Chetwynd Talbot avait hérité des titres et armes de lord Shrewsbury. Le duc de Norfolk lui en ayant contesté le droit, la Chambre des lords fut saisie du procès le 30 juillet 1858; sur un rapport du lord Chancelier, les pairs d'Angleterre rendirent un jugement favorable au comte Henry-Jean Chetwynd Talbot.

[206] Le 4 janvier 1857, l'archevêque de Paris, Mgr Sibour, avait été frappé d'un coup de poignard dans l'église de Saint-Étienne-du-Mont, où il officiait, par un prêtre du diocèse de Meaux, nommé Verger, récemment interdit et que Mgr Sibour avait refusé de recevoir dans son clergé. Jugé et condamné à mort, Verger fut exécuté le 30 janvier suivant.

[207] L'abbé Ledieu avait été, en 1684, attaché à la personne de Bossuet en qualité de secrétaire. Quatre ans avant la mort de l'évêque de Meaux, il se mit à écrire un journal, aussi curieux qu'instructif, notant jour par jour, heure par heure, les faits et gestes de son illustre maître. Ces Mémoires, qui renferment des trésors de détails des plus intéressants, ne furent publiés qu'en 1856 par l'abbé Guette, d'après le manuscrit autographe.

[208] En revenant du couronnement de Moscou, M. de Morny épousa à Saint-Pétersbourg une princesse Troubetskoï, demoiselle d'honneur de l'Impératrice, qui devint en secondes noces duchesse de Sesto.

[209] A la suite d'une insurrection qui avait éclaté dans le canton le 29 février 1848, Neuchâtel s'était rendu indépendant de la Prusse en proclamant une constitution démocratique. Le Roi de Prusse protesta et, au mois de septembre 1856, le parti royaliste, ayant à sa tête le comte de Pourtalès, tenta un coup de main pour rétablir la suzeraineté prussienne. Cette tentative fut réprimée par les troupes du Conseil fédéral, qui firent plusieurs prisonniers, et il fallut l'intervention de la France pour obtenir leur élargissement sans caution, après avoir fait prendre au Roi de Prusse l'engagement de renoncer à son droit de suzeraineté. Le traité du 26 février 1858 affirma définitivement l'indépendance de Neuchâtel.

[210] En ouvrant le 15 février la session législative de 1857, l'Empereur Napoléon III avait prononcé un discours dans lequel il célébrait les bienfaits de la paix qu'il était parvenu à rétablir, l'intention de réduire les dépenses sans suspendre les grands travaux et de diminuer certains impôts. Puis il remerciait les députés d'avoir proclamé l'Empire pendant leur législature, de l'avoir soutenu pendant la guerre, et résumait toute sa pensée dans cette phrase où il faisait une si évidente allusion à M. Thiers: «La France, sans froisser les droits de personne, a repris dans le monde le rang qui lui convenait et peut se livrer en toute sécurité à tout ce que produit le grand génie de la paix. Que Dieu ne se lasse pas de la protéger et bientôt l'on pourra dire de notre époque ce qu'un homme d'État, historien illustre et national, a écrit du Consulat: «La satisfaction était partout, et quiconque n'avait pas dans le cœur les mauvaises passions des partis était heureux du bonheur public.»

[211] On trouvera la lettre de M. le Comte de Chambord au duc de Nemours aux pièces justificatives de ce volume.

[212] De l'anglais: sa lune de miel.

[213] De la maison de Bourbon.

[214] Le Consulat et l'Empire.

[215] M. de Falloux fut reçu à l'Académie française le 26 mars 1857; il y remplaçait M. Molé. Son discours fut accueilli assez froidement par la docte Assemblée, comme par une grande partie du public, qui s'interdisait une approbation littéraire pouvant ressembler à un assentiment politique.

[216] Mgr de Dreux-Brézé.

[217] M. de Falloux avait été Ministre de l'Instruction publique et des Cultes sous la Présidence]

[218] Le Grand-Duc Constantin, frère cadet de l'Empereur de Russie et marin de profession, vint en France accompagné du général de Totleben et d'une suite nombreuse. A la tête d'une escadre russe, il débarqua à Toulon le 20 avril et fut reçu avec un grand éclat dans toutes les villes de France où il s'arrêta. Pendant les dix jours qu'il séjourna à Paris et les quatre qu'il passa avec la Cour à Fontainebleau, on multiplia les fêtes en son honneur. Après avoir séjourné un mois en France, le Grand-Duc s'embarqua à Bordeaux le 21 mai sur un yacht impérial, la Reine Hortense, mis à sa disposition; il visita les principaux ports et les établissements maritimes de l'Océan et se rendit à Osborne pour saluer la Reine d'Angleterre. Il retourna ensuite par l'Allemagne en Russie.

[219] Cette course à Vienne, sans motif politique, eut lieu le 8 juillet. Le Roi était accompagné de sa sœur, la Grande-Duchesse de Mecklembourg-Schwerin. Ce fut au retour, à Marienbad, qu'il eut une petite attaque d'apoplexie que l'on crut pouvoir dissimuler, mais qui fut le commencement de sa maladie, un ramollissement du cerveau qui conduisit le Roi au tombeau quelques années plus tard.

[220] Pie IX, ayant résolu de se rendre à Lorette pour y accomplir un pieux pèlerinage, entreprit un voyage qui, pendant quatre mois, le tint éloigné de Rome. Parti le 4 mai 1857, il ne rentra dans sa capitale que le 5 septembre suivant. Après avoir été prier dans la Casa Sancta, s'être rendu à Sinigaglia, sa ville natale, et dans plusieurs autres villes d'Italie, le Saint-Père fit encore visite au Duc de Modène et au Grand-Duc de Toscane.

[221] Le général de Goyon avait reçu, en 1856, le commandement du corps d'occupation que la France entretenait auprès du Pape depuis 1850. Le général était fort bien vu par Pie IX; mais de fréquents démêlés avec le proministre des armes pontificales, Mgr de Mérode, rendirent petit à petit sa position difficile. Il fut obligé de revenir en France en 1862.

[222] Une nouvelle attaque d'apoplexie, beaucoup plus grave que celle de Marienbad, frappa Frédéric-Guillaume IV le 6 octobre 1857, ce qui le força (par un décret du 23 octobre 1857) à remettre provisoirement à son frère, le Prince de Prusse, les rênes du gouvernement pour trois mois. Dans son manifeste, le Prince promit de gouverner conformément à la Constitution et aux lois, et confirma les Ministres de son frère dans leurs fonctions. Le Cabinet se composait de MM. de Manteuffel, de Heydt, Simon de Raümer, de Westphalen, de Massow, de Bodelschwing et du comte de Waldersee.

[223] Fils unique du Prince de Prusse, monta sur le trône en 1888 sous le nom d'Empereur Frédéric III; son règne n'eut qu'une durée de quatre-vingt-dix-neuf jours.

[224] Après le mariage de sa fille et son retour d'Allemagne, la marquise de Castellane tomba gravement malade à Paris d'une inflammation intestinale et ne se remit que lentement de cette atteinte sérieuse.

[225] Orsini avait médité d'assassiner Napoléon III, qu'il regardait comme la cause des malheurs de sa patrie; il s'était associé à trois réfugiés italiens, Pieri, Rudio et Gomes. Trois bombes fulminantes éclatèrent coup sur coup, au moment où l'Empereur et l'Impératrice se rendaient en voiture le 14 janvier à l'Opéra; ni l'un ni l'autre ne furent atteints, mais il y eut cent cinquante-six personnes blessées, plus ou moins mortellement. Rudio et Gomes furent condamnés aux travaux forcés, les deux autres à la peine de mort. Orsini avoua tout, et en posant sa tête sur la fatale machine, il poussa le cri de: «Vive l'Italie! Vive la France!» De sa prison de Mazas, il avait adressé à Napoléon III une lettre qui fit beaucoup de bruit et dont voici les principaux passages: «Les dépositions que j'ai faites contre moi-même dans le procès politique, intenté à l'occasion de l'attentat du 14 janvier, sont suffisantes pour m'envoyer à la mort; près de la fin de ma carrière, je viens, néanmoins, tenter un dernier effort pour venir en aide à l'Italie, dont l'indépendance m'a fait, jusqu'à ce jour, tenter tous les périls, aller au-devant de tous les sacrifices. Elle fait l'objet de toutes mes affections, et c'est cette pensée que je veux déposer dans ces paroles que j'adresse à Votre Majesté. Pour maintenir l'équilibre actuel de l'Europe, il faut rendre l'Italie indépendante ou desserrer les chaînes dans lesquelles l'Autriche la tient en esclavage. Demandé-je pour sa délivrance que le sang des Français soit répandu pour les Italiens? NON, je ne vais pas jusque-là. L'Italie demande que la France n'intervienne pas contre elle; elle demande que la France ne permette pas à l'Allemagne d'appuyer l'Autriche dans les luttes qui vont peut-être s'engager. Or, c'est précisément ce que Votre Majesté peut faire si elle le veut. De votre volonté dépendent, ou le bien-être ou les malheurs de ma patrie, la vie ou la mort d'une nation à qui l'Europe est en grande partie redevable de sa civilisation. Telle est la prière que, de mon cachot, j'ose adresser à Votre Majesté, ne désespérant pas que ma faible voix soit entendue. J'adjure Votre Majesté de rendre à ma patrie l'indépendance que ses enfants ont perdue en 1849 par la faute même des Français.»

[226] La marquise de Castellane était tombée malade chez la duchesse d'Albuféra, où elle resta des mois.

[227] Le 1er février 1858, l'Empereur Napoléon et l'Impératrice recevaient à Paris: le Prince Albert de Prusse, le plus jeune frère du Roi, le Prince Frédéric-Charles de Prusse, neveu du Roi, et le Prince Adalbert de Prusse, cousin du Roi.

[228] Le 21 février, lord Palmerston tomba du pouvoir après l'avoir tenu en main pendant trois années consécutives, et sur la demande de la Reine, ce fut lord Derby qui reconstitua un Cabinet dans lequel on remarquait lord Salisbury, comme Président du Conseil, le général Peel à la Guerre, lord Malmesbury aux Affaires étrangères et M. Disraeli, chancelier de l'Échiquier; mais la politique de lord Salisbury n'ayant point été approuvée par le Parlement, lord Palmerston et lord John Russell reprirent les rênes du gouvernement en juin 1859.

[229] Les habitants de Londres, afin de protester contre le bill relatif aux conspirations pour assassinat, s'étaient portés en foule à Hyde-Park pour y faire une réunion monstre; mais en arrivant, le public trouva une affiche, annonçant que les promoteurs du meeting y avaient renoncé à la suite du vote de la Chambre des Communes qui avait renversé le Ministère.

En même temps, il paraissait à Londres une brochure, Lettre au Parlement et à la presse, signée: Félix Pyat, Besson et Talandier au nom du Comité de la commune révolutionnaire et en date du 24 février 1858. Cette brochure défendait le droit à l'assassinat et faisait l'apologie de l'attentat dans le langage le plus passionné.

[230] Le Moniteur du 1er mars annonçait que le général Changarnier et le général Bedeau étaient autorisés à rentrer en France.

[231] Cette brochure était un exposé des questions que les derniers événements avaient fait surgir entre la France et l'Angleterre. L'auteur, qui était, dit-on, M. de la Guéronnière, débutait en rappelant les gages nombreux de sympathie que l'Empereur Napoléon III avait donnés à l'Angleterre pour maintenir les bons rapports entre les deux pays et éviter les conflits; puis il arrive à l'attentat du 14 janvier, aux incidents qu'il a déterminés entre les deux pays et il établit que ces complots sont préparés, organisés, exécutés par les réfugiés de Londres. Au moment où cette brochure paraissait, il y avait quelques difficultés diplomatiques entre la France et l'Angleterre, le ministre des Affaires étrangères de Londres n'ayant pas jugé à propos de répondre à une note adressée par M. Valewski, ministre des Affaires étrangères de France. La chute du Cabinet britannique s'en était suivie, et lord Malmesbury, devenu ministre, ne pouvant s'entendre avec M. de Persigny, ambassadeur de France à Londres, celui-ci dut donner sa démission.

[232] M. Rigault avait fait paraître dans le Journal des Débats du 6 avril un feuilleton critique et moqueur sur ce qu'il appelait la dévotion du temps et l'éloquence religieuse. Il y faisait trois catégories de prédicateurs, et distinguait, par les opinions, le clergé séculier de la rive droite de la Seine de celui de la rive gauche.

[233] Le Président du Conseil en Prusse, le 12 avril 1858, annonçait aux Chambres que le Roi venait de conférer de nouveau les pouvoirs complets, pour trois mois, à son frère le Prince de Prusse.

[234] C'était à propos de la façon dont M. Guizot avait parlé, dans les chapitres III et IV du premier volume de ses Mémoires, de M. de Talleyrand; il s'agissait d'insinuations, malveillantes dans le fond quoique courtoises dans la forme, dont M. Guizot avait fait usage, au sujet du rôle politique de M. de Talleyrand pendant la Révolution, qu'il rapprochait de celui qu'il avait rempli au Congrès de Vienne; comme aussi de celui qu'il avait joué lors de la restauration des Bourbons.

[235] Le maréchal Pélissier avait remplacé à Londres, comme ambassadeur de France, M. de Persigny.

[236] Après l'attentat d'Orsini, lord Palmerston proposa un bill pour modifier la loi sur les réfugiés. Lord John Russel parla contre cette proposition et froissa le Premier Ministre qui se brouilla avec lui, et le Cabinet tomba sous le blâme d'avoir gardé le silence sur une dépêche de M. Valewski, accusant le Gouvernement britannique de trop de tolérance pour les réfugiés. Quelques mois après, lord Palmerston et lord John Russel se réconcilièrent dans une entrevue chez M. Ellice et formèrent en juin 1859 un nouveau Cabinet.

[237] La Duchesse d'Orléans, qui habitait alors avec ses enfants à Richmond en Angleterre, était morte le 17 mai, enlevée en très peu de jours par une grippe inflammatoire, et sans qu'on se soit douté autour d'elle du danger qui la menaçait.

[238] De l'italien: le monde marche tout seul.

[239] La Reine Victoria vint à Cherbourg pour en visiter le port; elle fut reçue le 6 août 1858, avec autant de pompe que d'honneurs, par l'Empereur Napoléon III et l'Impératrice Eugénie. Un mois plus tard, la Reine vint à Potsdam et à Berlin pour y voir sa fille mariée depuis quelques mois au Prince Frédéric-Guillaume de Prusse.

[240] Appelé paletot classique par Humboldt.

[241] De l'anglais: «Comment pouvez-vous aller à une telle humiliation nationale?»

[242] La majorité de la Chambre, en Belgique, se basant sur l'avis que le projet du Gouvernement n'offrait pas assez de stabilité, en alléguant qu'une place forte intérieure serait plus utile, avait rejeté le projet du Gouvernement de fortifier le port et la ville d'Anvers. Le lendemain de ce vote, le Ministère donnait lecture à la Chambre de deux arrêtés royaux, l'un déclarant que le Gouvernement retirait son projet; l'autre que la session de la Chambre était close.

[243] Cette Conférence, où siégeaient les plénipotentiaires de France, d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de Prusse, de Russie, de Sardaigne et de Turquie, avait pour but de régler l'organisation des Principautés danubiennes. Le 19 août, la première partie de cette tâche étant accomplie, une convention, arrêtée et signée, devait former un acte additionnel au traité de Paris. La Conférence, ayant rejeté le travail de la Commission relatif à la navigation du Danube, ce point resta encore en suspens.

[244] L'attentat d'Orsini fut le point de départ mystérieux de la phase des affaires italiennes et l'origine de la guerre de 1859, préparée, au fond, dès le Congrès de 1856. A partir de cette époque, la situation prit une gravité singulière et un emportement effaré sembla régner à Paris. Deux diplomaties s'y jouaient en même temps. D'un côté, le comte Walewski s'adressait de toutes parts pour réclamer des garanties contre le droit d'asile; de l'autre, l'Empereur Napoléon très tourmenté, surtout depuis la lettre qu'Orsini lui avait adressée la veille de son exécution, trouvait que, s'il y avait des conspirateurs, la faute était à la situation violente de l'Italie; et dans l'intimité des Tuileries, il se disait que tant qu'il y aurait des Autrichiens en Italie, il y aurait des attentats à Paris. Au mois de mai 1858, l'Empereur Napoléon faisait écrire secrètement au comte de Cavour une lettre contenant tout un plan d'alliance entre la France et le Piémont, les conditions d'arrangements réciproques, et même une proposition de mariage du prince Napoléon avec une fille du Roi Victor-Emmanuel; et il faisait prévenir de la possibilité d'une négociation décisive. Rien n'était pourtant possible sans une entrevue, et comme il en fallait détourner les soupçons, le docteur Conneau (médecin de l'Empereur) passa en juin par Turin, sous prétexte d'un voyage de plaisir en Italie, chargé de convenir d'une excursion, sans éclat, du comte de Cavour à Plombières où l'Empereur devait se rendre. Le Comte s'y achemina, en effet, sans bruit et y arrivait le 20 juillet. De suite, l'Empereur aborda le sujet en question et se dit décidé à appuyer la Sardaigne de toutes ses forces dans une guerre contre l'Autriche, pourvu que la guerre fût entreprise pour une cause non révolutionnaire, qui pût être justifiée aux yeux de la diplomatie et de l'opinion publique en France et en Europe. Il toucha ensuite la constitution d'un royaume italien de onze millions d'âmes, la cession de la Savoie et de Nice à la France, et le mariage du prince Napoléon avec la princesse Clotilde. Durant l'automne, on sortait des conventions verbales pour la signature d'un traité d'alliance offensive et défensive entre la France et le Piémont; et au grand étonnement de la France mal informée, Napoléon III, en recevant le 1er janvier 1859 le corps diplomatique, témoignait brusquement à M. de Hübner, ambassadeur d'Autriche, son regret que les relations fussent mauvaises entre Paris et Vienne. Ces quelques mots et ceux que le Roi Victor-Emmanuel prononçait quelques jours après, le 10 janvier, en ouvrant les Chambres, furent en quelque sorte l'éclair précurseur de l'orage qui allait éclater. C'était la première conséquence des engagements de Plombières.

[245] Le mariage ne fut célébré que le 2 octobre 1858.

[246] La Reine Élisabeth, qui était une Princesse de Bavière, avait, sous la pression de son beau-père Frédéric-Guillaume III, quelques années après son mariage, abjuré la religion catholique pour entrer dans l'Église protestante. Malgré cette situation difficile, le Roi et la Reine passèrent à Rome la plus grande partie de l'hiver 1858-1859.

[247] Fille du Roi de Saxe et première femme de l'Archiduc Charles-Louis d'Autriche. Cette Princesse venait de mourir en couches.

[248] Le nouveau Ministère prussien était ainsi composé: le prince de Hohenzollern-Sigmaringen, président du Conseil; M. d'Auerswald, ministre d'État; M. de Schleinitz, ministre des Affaires étrangères; le général de Bonin, ministre de la Guerre; M. de Patow, ministre des Finances; le comte Pückler, ministre de l'Agriculture; M. de Bethmann-Holweg, ministre des Cultes; M. de Heydt, ministre du Commerce; M. Simons, ministre de la Justice; M. de Flottwell, ministre de l'Intérieur.

[249] Dans une allocution que le Prince-Régent de Prusse avait adressée le 8 novembre au Ministère d'État, après la reconstitution du Cabinet, le Prince avait dit que, s'il s'était opéré un changement dans les conseillers de la Couronne, cela avait eu lieu parce qu'il avait trouvé chez tous les conseillers choisis par lui l'opinion qui était la sienne, à savoir: qu'il ne pouvait être question, ni maintenant, ni jamais, d'une rupture avec le passé, qu'il s'agissait seulement d'améliorer, là où l'arbitraire s'était fait sentir. L'opinion s'étant fort agitée sur ces paroles, les Ministres crurent nécessaire de les expliquer; mais ces explications étaient enveloppées d'obscurité et leur langage nébuleux rendait impossible d'y pénétrer.

[250] Ce programme était tout entier dans l'allocution du Prince-Régent au Ministère d'État, dont nous avons déjà parlé plus haut, et qu'une indiscrétion avait fait connaître aux gazettes qui, naturellement, l'imprimaient avec plus ou moins de vérité.

[251] Le prince Napoléon, accompagné du général Niel et de M. Bixio, était parti de Paris le 13 janvier pour Turin, où son mariage avec la princesse Clotilde, fille du Roi Victor-Emmanuel, fut célébré le 30 du même mois.

[252] Ce livre, qui parut au printemps de 1859, chez l'éditeur Michel Lévy à Paris, ne portait pas le nom de son auteur.

[253] La guerre était imminente, mais les Puissances médiatrices, comprenant que si elles voulaient en conjurer le fléau, elles devaient s'interposer activement, l'Angleterre donna à lord Cowley (alors ambassadeur de Londres à Paris), la mission de se rendre à Vienne pour sonder les dispositions de l'Autriche et amener la régularisation de ses rapports avec la Sardaigne; mais tout s'évanouit, quand, le 20 mars, éclata, en pleine Europe, une proposition de Congrès, venant de Pétersbourg (et en réalité, répondant à un vœu secret des Tuileries), qui compliquait la situation au lieu de la simplifier, en la faisant entrer dans une voie sans issue. Ce Congrès ne pouvait être et ne fut qu'une chimère.

[254] La révolution de 1848 ayant mis fin à sa carrière politique et militaire, le duc de Fezensac avait employé ses loisirs à écrire les souvenirs des grandes guerres de sa jeunesse dont il fit plus tard la publication.

[255] Le Moniteur du 4 mars contenait simplement ces mots: «Le Constitutionnel annonce que l'évacuation des États romains par nos troupes a été ordonnée, et que le corps d'armée français a déjà reçu l'ordre de se diriger sur Civita-Vecchia. Cette nouvelle est au moins prématurée.» Puis le lendemain, le Moniteur publiait une déclaration démentant tour à tour les bruits relatifs à des engagements contractés avec la Sardaigne et assurait qu'il n'y avait que la promesse, faite par la France, de défendre la Sardaigne contre tout acte agressif de l'Autriche, qui n'était nullement de nature à faire redouter la guerre.

[256] Sur son désir, le prince Napoléon s'était déchargé du ministère de l'Algérie et des Colonies.

[257] Au moment où éclatait la proposition de Congrès, la situation commençait à devenir critique; une scène des plus vives avait eu lieu à Paris entre le comte Walewski et le représentant sarde, M. de Villamarina. Le ministre des Affaires étrangères se laissait emporter jusqu'à dire que «l'Empereur ne ferait pas la guerre pour favoriser les ambitions de la Sardaigne; que tout devait être réglé par un Congrés auquel le Piémont n'avait aucun droit de participer». Un langage aussi acerbe était tenu à Turin par le ministre de France, le prince de la Tour-d'Auvergne. Le comte de Cavour se hâtait de faire face à l'orage. Il expédiait une lettre du Roi à l'Empereur à laquelle celui-ci répondait simplement: «Que le comte de Cavour vienne à Paris sans plus de retard.» Cavour était à Paris le 25 mars, où il eut des entrevues successives avec l'Empereur et reçut aux Tuileries un accueil cordial; mais il ne tarda pas à s'apercevoir de tout un travail dans l'entourage de l'Empereur, qui n'avait pas seulement pour objet le maintien de la paix (fût-ce par le sacrifice du Piémont), mais qui tendait à l'écarter lui-même comme le principal obstacle à la paix. M. de Cavour rentrait à Turin le 1er avril, quand, peu de jours après, l'Autriche envoya, le 23 avril, au Roi de Piémont un ultimatum qui n'était autre que la sommation immédiate de son désarmement, et que le moindre sentiment de fierté lui interdisait d'accepter. Les hostilités étant devenues imminentes, l'armée française franchit les Alpes.

[258] Au sujet de la réforme électorale, le Cabinet anglais ayant eu une minorité de trente voix, le Ministère résolut de ne pas donner sa démission, mais de dissoudre le Parlement. Lord Derby en fit communication le 4 avril à la Chambre et fit figurer en première ligne, dans son discours, l'intérêt qui s'attachait au maintien de la paix; en faisant allusion à lord Palmerston et à lord John Russel, il exprimait l'espoir que la résolution du Ministère serait approuvée par l'opinion publique, car la nation ne pourrait voir sans déplaisir le pouvoir passer dans les mains des partis coalisés, qui n'ont de force que pour détruire et non pour gouverner.

[259] Le 27 avril, le Grand-Duc de Toscane, pressé par une députation d'officiers supérieurs, qui s'étaient présentés pour lui demander d'opter entre l'alliance avec le Piémont ou son abdication, s'était retiré avec sa famille à Bologne. Aussitôt, le Roi de Sardaigne avait été proclamé Dictateur de la Toscane, pendant la durée de la guerre. Ce mouvement s'étendit immédiatement dans les Duchés voisins, notamment dans le duché de Modène. Une proclamation de commissaires extraordinaires, de Massa et de Carrare, plaçait ces villes sous la protection du Roi Victor-Emmanuel. Ce ne fut pourtant qu'au 15 juin que la Duchesse de Parme résolut d'abandonner ses États.

[260] Campagne du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse de Weimar.

[261] Le 4 juin 1859, l'Empereur Napoléon s'était avancé sur Magenta, sans se rendre compte des forces qu'il avait devant lui; sa position était devenue fort critique. Le général de Mac-Mahon se porta, par une marche rapide, en avant de Magenta, avec une partie du second corps d'armée, sur les Autrichiens. Il parvint à dégager les grenadiers de la Garde fort compromis, prit et reprit sept fois le village de Magenta, fit cinq mille prisonniers et, vers huit heures du soir, resta maître du champ de bataille.

[262] Vers le 10 juin, les Autrichiens abandonnèrent la région du Pô pour se retirer derrière l'Oglio; ils quittèrent de même Ferrare, Ancône et les États romains, qui rejetaient l'autorité du Pape pour s'annexer au royaume de Sardaigne. Dans la nuit du 11 au 12 juin, les Autrichiens évacuaient Bologne, d'où le Cardinal-Légat se retirait, laissant à la Municipalité le soin de gouverner cette ville, qui proclamait immédiatement la dictature du Roi Victor-Emmanuel, auquel Parme et toutes les villes de la Lombardie s'empressaient de faire acte de soumission.

[263] Le prince de Metternich était mort, le 5 juin 1859, sous le coup des émotions que lui donnèrent les défaites des Autrichiens et la destruction des effets de sa politique en Italie.

[264] Une escarmouche d'avant-poste, à Bertoletto, où Garibaldi avait fait construire un pont sur la Chiese, avait amené un combat entre quelques compagnies des chasseurs des Alpes et les avant-postes autrichiens qui avaient d'abord battu en retraite. Les légionnaires, emportés par leur ardeur, les ayant poursuivis jusqu'à Castelnedolo, y trouvèrent l'ennemi en masse, qui chercha à les envelopper. S'apercevant du péril, ils durent se retirer devant les Autrichiens qui firent sauter le pont, à peine bâti sur la Chiese en face de Montechiari.

[265] Lord Palmerston.

[266] Le maréchal Canrobert, qui commandait le 3e corps d'armée, avait reçu l'ordre d'appuyer le général Niel; mais ne jugeant pas prudent de prêter, tout d'abord, son appui au commandant du 4e corps (celui de Niel) il crut plus sage de rester à surveiller les mouvements d'une colonne détachée dont le départ de Mantoue avait été signalé, ce qui amena entre les deux généraux d'amères récriminations après cette bataille de Solferino, qui fut livrée le 24 juin, les deux armées ennemies s'étant rencontrées inopinément, entre la Chiese et le Mincio. Le fruit de cette nouvelle victoire des armées alliées fut l'abandon par les Autrichiens de toutes les positions préparées par eux sur la rive droite du Mincio et amena les préliminaires de Villafranca.

[267] Une circulaire du comte de Cavour adressée, à la date du 14 juin 1859, à tous les représentants de la Sardaigne auprès des Cours étrangères, avait exposé le point de vue sous lequel il envisageait les derniers événements accomplis. Il rappelle d'abord que l'Autriche a refusé le Congrès proposé par la Russie, qu'elle a envahi le Piémont et que les victoires des armées alliées leur ont ouvert la Lombardie. Parlant ensuite des antipathies des populations italiennes qui ont éclaté contre l'Autriche et demandé l'annexion de leur pays au Piémont, M. de Cavour prouve que le Roi de Sardaigne, en acceptant ce vœu spontané de la volonté nationale, ne porte aucune atteinte aux traités existants, puisque l'Autriche, en refusant le Congrès, les a déchirés elle-même et a rendu les populations italiennes à leurs droits naturels. Le but, hautement avoué par le Roi, était l'indépendance italienne et l'exclusion de l'Autriche.

[268] Secrètement poussé par la Russie, qui ne pardonnait pas à l'Autriche son attitude pendant la guerre de Crimée, Kossuth lançait les nouvelles proclamations appelant la nation madgyare aux armes, à la lutte pour la liberté de la Hongrie et annonçait qu'il allait reparaître sur le sol de la patrie.

[269] Lady John Russell était la fille de lord Minto, connu par ses tendances libérales et son penchant pour la cause italienne.

[270] La Prusse s'efforçait justement d'amener les Gouvernements anglais et russe à tenter une médiation commune auprès des Puissances belligérantes, à laquelle, du reste, le Ministère anglais n'avait pas adhéré lorsque, par un inexplicable revirement d'idées, Napoléon III s'arrêta tout à coup, malgré une suite ininterrompue de victoires. Le 6 juillet, il offre un armistice à l'Empereur François-Joseph, alors à Vérone, avec son armée dans une situation fort compromise. La lutte est suspendue jusqu'au 15 août, et, le 11 juillet, Napoléon III et l'Empereur d'Autriche avaient, à Villafranca, une entrevue qui mettait fin à la guerre, avant que le comte de Cavour eût eu le temps d'accourir pour détourner le Roi Victor-Emmanuel d'adhérer à ce traité.

[271] Le prince Windisch-Graetz avait été envoyé à Berlin en mission militaire pour s'y assurer de la disposition des esprits et arrêter avec le Gouvernement la marche de trois corps d'armée, que l'Autriche devait mettre à la disposition de la Confédération germanique.

[272] En face de ce traité de Villafranca, qui n'était qu'une cruelle déception, laissant tous les problèmes à résoudre et ne répondant à aucune des espérances des Italiens, le comte de Cavour refusa de contresigner cette paix, abdiqua le Ministère, et l'âme remplie de douleur et d'agitation, remit aussitôt sa démission au Roi, croyant le devoir à lui-même, à son honneur et à sa politique. Il laissait le pouvoir à un Ministère formé avec le général La Marmora, Ratazzi et le général Dabormida.

[273] La Princesse Stéphanie de Hohenzollern avait épousé, en 1858, le Roi de Portugal.

[274] Dans ce discours, l'Empereur avait dit entre autres: «Si je me suis arrêté, ce n'est pas par lassitude ou par épuisement, ni par abandon de la noble cause que je voulais servir, mais parce que dans mon cœur quelque chose parlait plus haut encore: l'intérêt de la France

[275] Sous le prétexte que de nombreuses erreurs se seraient commises dans les tentatives de médiation faites par la Prusse, le Cabinet prussien avait adressé à tous ses agents diplomatiques en Allemagne une dépêche circulaire ayant le but de rétablir les faits.

[276] Le 10 août 1859, le Roi Frédéric-Guillaume IV avait été frappé d'une nouvelle attaque d'apoplexie.

[277] Le traité de Zurich entre la France et l'Autriche ne fut conclu que le 10 novembre 1859. Il n'était que la suite des préliminaires de Villafranca et mettait fin à la guerre qui, d'après la solennelle promesse de Napoléon III, devait avoir pour résultat l'affranchissement de l'Italie entière depuis les Alpes jusqu'à l'Adriatique. Mais en laissant tout désormais au désarroi et à l'imprévu, les Italiens prirent alors, eux-mêmes, la direction de leurs destinées et, déjouant les calculs, ils se chargèrent d'interpréter cette paix par laquelle on avait cru les enchaîner.

[278] Cavour n'avait rien fait pour précipiter l'explosion de cette question de l'Italie méridionale qui allait naître d'une aventure. Sa politique eût été de nouer ce qu'il appelait «l'alliance des deux grands royaumes de la Péninsule», former ainsi le faisceau fédératif des forces italiennes du nord et du midi dans un intérêt d'avenir national. A l'avènement de François II, fils d'une Princesse de Savoie, Cavour avait envoyé à Naples le comte de Salmour avec une mission de paix, offrant amitié et appui. Avec Rome, avec Naples, Cavour se serait prêté volontiers aux ménagements et aux transactions.

[279] A Florence, Modène, Bologne, Parme, l'acte de Villafranca éclatait comme un coup de foudre. L'Autriche, à peine diminuée d'une province, restait, aux yeux de tous, la puissance débordante de l'Empire sur le Mincio et sur le Pô. Dès lors, la pensée de l'annexion à la Sardaigne domina toutes ces populations, afin de se créer le plus de forces italiennes possible pour sortir de l'alternative, ou d'une soumission découragée, ou du déchirement d'une résistance révolutionnaire; cela amena le vote unanime de ces petits États vers le Piémont, qui leur avait donné l'exemple du courage, de l'honneur militaire, du patriotisme éprouvé, de la liberté régulière. Le 21 août, l'Assemblée des notables, à Modène, votait la déchéance du Duc François V et leur annexion au Piémont; celle de Florence faisait de même; puis un décret royal annonçait que le général Garibaldi était nommé commandant de la 2e division des Toscans, et ce même jour, la ligue défensive de tous les États de l'Italie était conclue.

[280] Quartier général de l'Empereur Napoléon III.

[281] A la séance annuelle pour la distribution du prix Montyon, M. Villemain avait fait le rapport sur les œuvres littéraires et M. Guizot sur celui des œuvres de vertu, qu'il terminait par une allusion fort éloquente sur le dévouement pour la patrie des soldats morts dans la guerre d'Italie.

[282] L'article du Moniteur était un avertissement à l'Italie contre les annexions. Il y était déclaré que la restauration des Archiducs formait une partie importante des stipulations de Villafranca et la condition sine qua non des avantages qui résultaient pour l'Italie d'une partie de ces stipulations. Il énumérait ces avantages, mais repoussait l'idée de la restauration de ces Princes par une force étrangère. Il menaçait même d'une nouvelle guerre si les populations des Duchés persistaient à repousser leurs souverains; car l'Autriche se déclarerait alors comme déliée de ses engagements. L'article finissait par ces mots: «Que l'Italie ne s'y trompe pas: il n'y a qu'une seule Puissance en Europe qui fasse la guerre pour une idée; c'est la France, et la France a accompli sa tâche.» En même temps que cette déclaration, l'organe du Ministère anglais continuait à soutenir avec ardeur le parti de l'annexion des Duchés au Piémont et à promettre à l'Italie le concours de l'Angleterre. L'attention du Gouvernement français fut alors attirée sur la Chine et le Moniteur du 14 septembre annonçait que la France et l'Angleterre se concertaient pour infliger un châtiment aux violateurs du traité de Tien-tsin conclu en 1858.

[283] L' Empereur Napoléon III, toujours flottant, songeait de temps en temps à tenter, contre les provinces soulevées des États ecclésiastiques, l'effort des armes: trois fois déjà, ordres et contre-ordres avaient été donnés à ce sujet. Le duc de Gramont, de retour de France vers la fin d'août, eut, le 29, une entrevue prolongée avec le Pape. L'Ambassadeur recommandait des réformes pour le reste des États pontificaux et ajoutait que l'occupation militaire par une division française devait expirer dans le courant de l'année 1860. Le duc de Gramont exposait ensuite à Pie IX qu'il devait se préparer, lui-même, une force militaire sérieuse, en lui faisant entendre que l'Autriche n'interviendrait pas, et que si une troisième puissance venait s'immiscer dans les affaires d'Italie et que le Piémont voulût s'y opposer, la France n'aurait aucun motif suffisant pour y mettre obstacle et l'Angleterre pourrait bien appuyer directement les efforts de la Sardaigne.

[284] En prenant connaissance de l'allocution du Saint-Père au Consistoire du 26 septembre, dans laquelle le Pape annulait les actes de l'Assemblée bolonaise et rappelait les censures formulées contre les membres du Gouvernement des Légations, Mgr Dupanloup, qui, la veille, avait publié un exposé de ses sentiments sur les tristes circonstances où se trouvait placée l'Église romaine, protesta hautement contre ces attentats, en communiquant à son clergé les paroles textuelles de Pie IX. Plusieurs évêques de France adhérèrent à cette énergique protestation. Quelques-uns cependant le firent en montrant confiance dans les intentions du Gouvernement français.

[285] Le 6 octobre 1859, un comte Anviti, colonel de l'ancienne gendarmerie ducale, et connu par ses relations avec le Duc de Parme, avait été massacré, dans les rues de Parme, par une population furieuse. La rapidité avec laquelle ce malheureux événement eut lieu ne permit pas à la force armée d'intervenir à temps.

[286] L'Empereur Alexandre II et le Prince-Régent de Prusse se rencontrèrent le 23 octobre à Breslau et il semble que des liens plus intimes se nouèrent entre les Gouvernements des deux souverains, chacun sentant l'influence considérable que leur entente mutuelle pouvait amener sur la solution des difficultés qui préoccupaient, à ce moment-là, la diplomatie européenne.

[287] En 1859, Mme Lenormant, nièce et fille adoptive de Mme Récamier, écrivit la vie de sa tante en réunissant tous les souvenirs qui la concernaient, d'après les correspondances laissées par la défunte.

[288] Mme Récamier se trouvait à Rome en même temps que le duc de Devonshire qui, de peur que sa belle-mère, au moment de sa mort, ne révélât le secret obscur planant sur sa naissance, séquestra la Duchesse, en la privant de toute communication avec ses amis.

[289] De l'allemand: rudesse grossière.

[290] Le 10 novembre 1859, la pose de la première pierre d'un monument que la ville de Berlin élevait au poète Schiller, connu par ses idées démocratiques, avait un peu échauffé les têtes avancées qui voulaient en faire le motif d'une démonstration dans ce sens. Mais des mesures habiles prises à temps par le Magistrat de la ville empêchèrent la réunion des masses populaires et tout se passa avec ordre, malgré les orgies grossières (roheit) qui avaient précédé. Le Prince-Régent n'assista pas officiellement à cette cérémonie, qu'il regarda simplement d'une fenêtre de la Chambre de commerce (Seehandlung), institution datant de plus d'un siècle et qui fut toujours sous la dépendance du ministère des Finances en Prusse.

[291] Par une brochure retentissante, attribuée à l'Empereur lui-même, et intitulée le Pape et le Congrès, Napoléon III achevait de rendre ce Congrès impossible. Cet écrit servait de texte aux interprétations les moins rassurantes pour le pouvoir temporel du Pape quand, quelques jours après, dans une lettre du 31 décembre 1859 à Pie IX, l'Empereur insistait personnellement sur la nécessité qu'il y avait pour le Pape à céder aux circonstances et à faire le sacrifice des Romagnes, où le vœu des populations se prononçait en faveur de l'annexion à la Sardaigne. Le Pape répondit à toutes ces menaces par l'Encyclique du 19 janvier 1860, où il s'éleva violemment contre cette doctrine. En France, Mgr Dupanloup fit entendre un cri d'indignation dans un écrit intitulé: Lettre de Mgr l'évêque d'Orléans à un catholique sur la brochure «le Pape et le Congrès», tandis que le prince Albert de Broglie faisait entendre le sien dans un article du Correspondant intitulé: La lettre impériale et la situation, qui recevait aussitôt un avertissement du Gouvernement.

[292] M. Guizot était protestant.

[293] Nous avons déjà parlé de cet article du prince de Broglie intitulé: La lettre impériale et la situation. Sous une forme polie, discrète, mais claire, l'Empereur Napoléon, dans cette lettre, sommait, très respectueusement, le Pape de sacrifier ce qu'il avait perdu, sous peine de perdre ce qu'il possédait encore. On trouvera cette lettre aux pièces justificatives de ce volume.

[294] Ces soupçons n'étaient pas tout à fait sans fondement, car le journal l'Univers, supprimé par une ordonnance du 29 janvier 1860, motivée par une opposition directe de ce journal contre les droits de l'État, reparaissait par la bienveillance du Gouvernement, quelques jours après, sous ce titre nouveau, le Monde, rédigé également par M. Veuillot.

[295] Cette brochure, qui fut le prétexte de nombreuses manœuvres de Bourse, était anonyme, ce qui rendit facile au Gouvernement de la dénoncer, en la déférant à la justice. Sous le voile des limites naturelles, cet écrit traitait assez ouvertement l'idée, caressée par l'Empereur Napoléon, de l'annexion à la France des provinces rhénanes.

[296] Le maréchal Randon avait été fait ministre de la Guerre le 5 mai 1859, en remplacement du maréchal Vaillant, promu major général de l'armé alliée, lorsque les troupes françaises avaient franchi les Alpes.

[297] Le 24 avril eut lieu, à l'hôtel d'Albe à Paris (maison appartenant à Mme de Montijo, mère de l'Impératrice Eugénie), un bal qui resta célèbre dans les annales napoléoniennes, non seulement par l'étalage de la richesse des costumes et d'un luxe effréné, mais plus encore par le décolletage, les jupes trop courtes des dames, leur déguisement en homme, ainsi que le manque de convenance dans les propos qui s'y tinrent.

[298] Napoléon Ier, arrivé le 31 mars 1814 à quelques lieues de Fontainebleau, avait ordonné au duc de Vicence de partir sur-le-champ, pour aller trouver l'Empereur Alexandre Ier et essayer de conclure la paix aux conditions de Châtillon. M. Thiers, en rappelant cette circonstance dans le dix-septième volume, page 624, de son ouvrage, donne un tout autre caractère à cette mission. Il fait croire qu'elle n'avait d'autre but, dans la pensée de l'Empereur, que de lui faire gagner deux ou trois jours, afin de donner à l'armée le temps de le rejoindre.

[299] Dans une série d'articles publiés dans le Journal des Débats sur le XVIIe volume du Consulat et de l'Empire, Cuvillier-Fleury, tout en faisant ressortir l'immense succès de l'œuvre de M. Thiers, le critiquait spirituellement en le mettant en opposition avec lui-même. Il démontrait que, malgré ses opinions actuelles, M. Thiers ne semblait pas admettre que toute dictature ne fût fatalement entraînée à des excès qui la perdent; qu'il paraissait croire qu'une autorité forte, lorsqu'elle est indispensable, n'est pas nécessairement malfaisante, et qu'il admettait même qu'un despotisme qui vient à propos peut être sage.

[300] Ce livre est l'œuvre la plus complète et la plus sérieuse que Sainte-Beuve ait jamais faite. Elle occupa vingt-deux ans de sa vie, et l'histoire de ce couvent si attaqué, si défendu, devint, sous sa plume, une histoire littéraire du siècle de Louis XIV.

[301] Le général Ortega, capitaine général des îles Baléares, chef apparent d'une nouvelle tentative d'insurrection carliste, qui venait d'avorter en Espagne, fut fusillé le 18 avril 1860. Le comte de Montemolin et son frère, arrêtés en même temps, recouvrèrent promptement leur liberté en renonçant à leurs droits au trône par une lettre écrite en langue espagnole, adressée à la Reine Isabelle II, datée de Tortosa le 12 avril 1860.

[302] L'Empereur Napoléon III était très irrité contre l'Angleterre, qui protestait avec vigueur contre l'annexion de Nice et de la Savoie à la France. Lord Cowley avait eu, à ce sujet, des entretiens peu amicaux avec M. Walewski, ensuite avec M. Thouvenel, et échangeait sur ce point une correspondance confidentielle avec lord John Russel, ministre des Affaires étrangères. Dans un discours très violent contre l'Empereur Napoléon, prononcé par le chef du Foreign-Office à la Chambre des Communes le 25 mars, le noble Lord avait déclaré que l'Angleterre ne pouvait sacrifier pour la France l'alliance du reste de l'Europe. Tous ces symptômes de mécontentement entretenaient l'opinion publique dans la croyance d'une guerre prochaine avec l'Angleterre.

[303] L'Impératrice Eugénie.

[304] M. Mon était alors Ambassadeur d'Espagne à Paris.

[305] Le duc de Montpensier s'était définitivement fixé à Séville et y intriguait sourdement, malgré tous les honneurs dont l'avait comblé sa belle-sœur, la Reine Isabelle. Le comte d'Eu, fils du duc de Nemours, enseigne dans le régiment des chasseurs à cheval espagnols (Albuféra), faisait avec éclat ses premières armes au Maroc, à cette époque-là en guerre avec l'Espagne.

[306] Garibaldi quitta Gênes dans la nuit du 5 au 6 mai 1860, sur un bateau de plaisance qui lui appartenait, et rallia le bateau expéditionnaire qui, ayant prit une patente pour Malte, était sorti du port deux jours avant et se tenait au large. Après avoir abordé ce navire, Garibaldi fit route sur la Sicile, au lieu de se diriger sur Malte, suivi de plusieurs autres bâtiments chargés d'hommes et de munitions, qui le rejoignirent dans cette direction. Ils débarquèrent le 11 mai à Marsala et entrèrent dans Palerme le 27, après avoir bombardé cette ville pendant quelques heures. C'est ce qu'on a appelé l'expédition des Mille.

[307] Dans les premiers jours de juin 1860, le Ministre de France à Berlin, le prince de la Tour d'Auvergne, fit savoir au baron de Schleinitz, ministre des Affaires étrangères en Prusse, que l'Empereur Napoléon, ayant appris que le Prince-Régent allait se rendre à Bade, désirait aussi s'y rendre, car il considérait une entrevue avec ce Prince comme le meilleur moyen de rassurer l'Allemagne sur la stabilité de la paix. Soupçonnant que cette demande cachait un secret désir d'obtenir un agrandissement du côté du Rhin et l'espoir de disloquer la Ligue germanique, le Prince-Régent accepta la proposition de l'Empereur, qui vint à Bade du 15 au 17 juin; mais, auparavant, il faisait adresser une communication confidentielle à toutes les Cours allemandes, les invitant à venir à Bade assister à cette visite. Tous les Princes s'y trouvèrent, jusqu'au Roi de Hanovre, aveugle, au grand désappointement de Napoléon III, qui avait compté sur un tête-à-tête avec le Prince de Prusse.

[308] L'Empereur et l'Impératrice s'étaient rendus à Lyon pour y rencontrer l'Impératrice mère de Russie.

[309] Le rôle que Mazzini remplit alors en Italie fut assez secondaire. Il essaya, sans succès, par diverses tentatives, de faire tourner au profit de la démocratie républicaine l'élan irrésistible qui poussait le pays tout entier à reconnaître son unité; il venait de publier, dans ce but, son manifeste intitulé: Ni apostat, ni rebelle, où il proclamait qu'entre le programme de Cavour et celui de Garibaldi, il choisissait le second, et que, sans Rome ni Venise, il n'y avait point d'Italie.

[310] Ce livre est un ouvrage de circonstance trop détaillé, mais formant un exposé complet au point de vue de l'exercice de la puissance spirituelle, de l'origine, de la durée et de la nécessité du pouvoir temporel.

[311] Le prince Jérôme-Napoléon Bonaparte, le plus jeune et le dernier survivant des frères de Napoléon Ier, qui avait été Roi de Westphalie, était mort à Paris, dans sa soixante-seizième année. Ses funérailles eurent lieu en grande pompe, le 3 juillet 1860, aux Invalides. L'Empereur Napoléon III s'y fit représenter par le duc de Malakoff.

[312] M. Prévost-Paradol, qui, en 1860, figurait parmi les collaborateurs du Journal des Débats, avait publié une brochure intitulée: Les anciens partis. Cette publication lui valut d'être traduit en police correctionnelle, comme ayant voulu exciter à la haine et au mépris du Gouvernement. M. Prévost-Paradol fut condamné à un mois de prison et à mille francs d'amende. Cette condamnation eut un tel retentissement qu'elle rendit M. Prévost-Paradol presque populaire.

[313] Il s'agit ici du fils issu du mariage légal et légitime que Jérôme avait contracté à Baltimore, en 1803, avec Élisa Paterson. Ce mariage, non reconnu par Napoléon, fut arbitrairement cassé en 1805; mais Élisa Paterson défendit ses droits toute sa vie, et ceux de son fils, avec une énergie singulière. Son fils se fixa à Baltimore et épousa dans cette ville, en 1829, Mlle Suzanne Gay dont il eut un fils qui vint s'établir à Paris où, grâce à la princesse Mathilde dont il avait su conquérir l'amitié, il entra dans le régiment des Guides, dont il fut un brillant officier. Pendant le siège de Paris, il se distingua et conquit les galons de colonel. Après la guerre de 1870, il se fixa à Boston et mourut en 1893.

[314] Vers le 1er juillet 1860, un document accompagné d'une lettre fut adressé par le comte de Montemolin à la Reine Isabelle II. Ces deux écrits expliquaient la renonciation passée et une rétractation présente: «Considérant, disait Don Carlos, que l'acte de Tortosa du 23 avril est le résultat de circonstances exceptionnelles; écrit dans une prison et au moment où toute communication nous était interdite, il ne remplit aucune des conditions qu'exigeait sa validité; que, par conséquent, il est nul et illégal et ne saurait être ratifié. Attendu l'avis de jurisconsultes compétents, nous le déclarons nul et non avenu et le rétractons

[315] Le 23 août 1860, l'Empereur Napoléon et l'Impératrice Eugénie entreprirent un voyage qui dura plus d'un mois, leur fit visiter Lyon d'abord, puis les nouvelles provinces annexées de la Savoie et de Nice. A leur passage par Chambéry, ils furent salués, au nom du Roi Victor-Emmanuel, par le ministre de l'Intérieur Farini et le général Cialdini, porteur d'une lettre autographe du Roi de Sardaigne à l'Empereur. Revenant ensuite à travers le Dauphiné, la Provence et Nice, ils s'embarquèrent pour la Corse; de là, ils allèrent en Algérie et ne revinrent que le 24 septembre à Saint-Cloud.

[316] Au banquet donné à Saint-Pétersbourg par l'Empereur Alexandre II pour le jour de la naissance de l'Empereur François-Joseph, le Czar avait dit dans son toast: «A mon cher frère l'Empereur d'Autriche.» Ces paroles furent commentées par les journaux allemands qui les rapprochèrent des conférences prolongées que M. de Rechberg avait alors à Vienne avec l'Ambassadeur de Russie, M. de Bolovine, depuis son retour de Teplitz; il s'établit ainsi la croyance d'une prochaine rencontre du Prince-Régent, de l'Empereur d'Autriche et de l'Empereur de Russie. Les trois souverains du Nord se rencontrèrent, en effet, le 23 octobre à Varsovie et tombèrent d'accord pour repousser toute proposition d'un Congrès sur la question italienne.

[317] A l'ouverture du Conseil général du département de la Loire dont M. de Persigny était président, celui-ci prononça un discours où l'intention de tranquilliser l'opinion publique était visible. M. de Persigny tendait à prouver que, malgré les guerres d'Italie et de Crimée, la parole de l'Empereur à Bordeaux: «L'Empire, c'est la paix!» était restée inattaquable, que le nouvel Empire n'acceptait la succession du premier Empire que sous bénéfice d'inventaire; qu'il répudiait l'héritage des luttes et des vengeances pour entrer dans des rapports de paix et de concorde avec toutes les Puissances et que son programme était fidèlement suivi.

[318] Frère de la Reine Louise de Prusse.

[319] Le Journal des Débats du 7 septembre 1860 disait: «On lit dans l'Opinion de Turin du 4 septembre: «Notre Parlement ne peut pas dévier d'une politique qui a produit de bons fruits, pour courir des aventures qui susciteraient contre lui toute l'Europe. Si jamais une autre politique devait prévaloir, si la force des événements contraignait le Gouvernement du Roi à prendre une autre attitude, le Ministère actuel n'y pourrait pas souscrire et accepter la responsabilité d'une situation qu'il ne pourrait pas dominer. Nous croyons que le parti libéral, qui a soutenu et soutient encore le Cabinet, est de cet avis et qu'en Italie on est assez sage pour éviter de nouvelles complications. En tout cas, le Ministère ne voudrait pas être responsable d'événements qui amèneraient une guerre entre la France et l'Autriche. Nous ignorons qui aurait le courage de s'exposer à une telle responsabilité. Assurément, il n'aurait pas à compter sur l'appui du Parlement qui, s'il est prêt à tout sacrifier pour la défense de la patrie, ne le fera qu'à la condition que le Gouvernement ne se laissera pas enlever la direction de la chose publique, et qu'au contraire, il dirigera le mouvement tendant à l'indépendance italienne.»

[320] La convention de Villafranca rencontrait tous les jours des obstacles plus sérieux; l'annexion de Nice et de la Savoie ajouta encore aux difficultés, quand il se fut agi de la réaliser, et elle jeta en Italie une nouvelle cause de haine contre la France qui, dès lors, la vit s'échapper définitivement de son influence. Le Gouvernement sarde était embarrassé entre les excitations du patriotisme et les remontrances de l'Empereur Napoléon; mais M. de Cavour se tenait prêt à jouer cette terrible partie, qui devait le mener à recevoir d'un seul coup le complément inespéré de son œuvre. Craignant les emportements de Garibaldi, il le suit vigilant, le couvrant seulement, en parvenant à paralyser la diplomatie qui regarde faire. Garibaldi, le cœur ulcéré par le ressentiment de la cession de Nice, fut facilement gagné à l'insurrection de Sicile qui, depuis quelque temps, tenait l'Italie en éveil. Il était parti à la dérobée par un soir de mai du golfe de Gênes avec mille à onze cents volontaires et ses deux navires: le Piemonte et le Lombarda. A travers les croisières napolitaines, il débarquait le 11 mai à Marsala et, après un sanglant combat à Calatafini, avec les troupes royales, entrait dans Palerme et disposait de la Sicile. Devenu ainsi en peu de jours dictateur victorieux, il passe au mois d'août le détroit de Messine, alla à Naples le 7 septembre, réduisant le Gouvernement napolitain à des conditions de libéralisme trop tardives. Cavour, qui voulait constituer l'Italie sans se laisser dominer par la révolution, accepter l'unité dans ce qu'elle avait de réalisable et marcher sur cette révolution pour l'arrêter et l'empêcher de compromettre la cause nationale, sentit que le moment critique était arrivé et il se décida à l'intervention. Considérer la révolution de Naples comme un fait accompli avant même que François II eût livré sa dernière bataille, pénétrer dans les Marches jusqu'à la frontière napolitaine pour empêcher Garibaldi de se jeter sur Rome, tel est l'acte auquel il se résolut. A Rome, toutes les fantaisies belliqueuses s'agitaient pour reconquérir les Romagnes; on y avait décidé la formation d'une armée pontificale dans la prévision du départ de la garnison française, qui semblait prochain: et le général Lamoricière en avait pris le commandement, par un ordre du jour, où il annonçait qu'il était venu pour combattre la révolution, ce nouvel «islamisme». Le Gouvernement sarde, voyant une menace pour la sécurité de l'Italie dans cette agglomération d'étrangers armés à Rome, dans le but avoué de reconquérir les provinces pontificales détachées des États de l'Église, Cavour saisit ce prétexte en envoyant, le 7 septembre 1860, au cardinal Antonelli la sommation de désarmer; puis, voulant devancer Garibaldi qui arrivait à Naples, deux corps d'armée sardes, sous les ordres des généraux Fanti et Cialdini, s'avancèrent alors par le territoire pontifical et en dix-huit jours occupèrent les places de Pesaro, Urbino, Perugio, Spoleto, rencontrèrent Lamoricière à Castelfidardo, où sa petite armée fut anéantie, et s'emparèrent d'Ancône que Lamoricière avait gagné rapidement avec quelques fidèles, après sa défaite. Pris par terre et par mer, Lamoricière serait contraint de capituler. La question des Marches ainsi tranchée, l'armée piémontaise, dont Victor-Emmanuel prit alors le commandement, gagna la frontière napolitaine où François II avait arrêté Garibaldi sur le Vulturne. Mais Cialdini battit l'armée napolitaine à Issernia et Sesso; François II, après avoir vainement réclamé la protection des escadres française et anglaise, quittait Naples pour se réfugier à Gaëte; Capoue se rendait le 2 novembre et le Roi Victor-Emmanuel faisait son entrée à Naples le 7 du même mois.

[321] Cette proclamation du Roi, datée de Turin du 11 septembre, était une réponse indirecte à l'ordre du jour de Lamoricière; la voici:

»Soldats! Vous entrez dans les marches de l'Ombrie pour restaurer l'ordre civil dans les villes désolées, pour donner aux peuples la liberté d'exprimer leurs propres vœux. Vous n'avez pas à combattre des armées puissantes, mais seulement à délivrer de malheureuses provinces italiennes de la présence de compagnies d'aventuriers étrangers. Vous n'allez pas venger des injures faites à moi ou à l'Italie, mais bien empêcher que les haines populaires se déchaînent contre les oppresseurs. Vous enseignerez, par votre exemple, le pardon des offenses et la tolérance chrétienne à ceux qui comparent l'amour de la nation italienne à l'islamisme. En paix avec toutes les grandes puissances, éloigné de toute provocation, j'entends faire disparaître du centre de l'Italie une cause continuelle de troubles et de discordes, je veux respecter le siège du Chef de l'Église, à qui je suis toujours prêt à donner, d'accord avec les Puissances alliées et amies toutes garanties d'indépendance et de sécurité, que ses aveugles conseillers ont espéré en vain du fanatisme de la secte méchante qui conspire contre mon autorité et contre la liberté de la nation. Soldats, on m'accuse d'ambition; oui, j'ai celle de restaurer les principes d'ordre moral en Italie et de préserver l'Europe des dangers continuels de révolution et de guerre.» (Copié textuellement dans le Journal des Débats du 13 septembre 1860.)

[322] La Russie et la Prusse rappelèrent leurs Ministres de Turin; mais Cavour eut l'habileté de ne pas prendre trop au sérieux cette rupture, surtout avec la Prusse, qu'il ne cessait de flatter dans ses ambitions secrètes, et dès le mois de janvier, au moment où le Prince-Régent devait ceindre la couronne, il envoyait le général la Marmora avec une mission particulière à Berlin. La France rappela de Turin M. de Talleyrand, sans donner au fond à ce rappel la forme d'une véritable rupture diplomatique.

[323] Allusion à la bataille de Castelfidardo qui avait été livrée le 18 septembre 1860. Par une marche forcée, Cialdini était parvenu à devancer Lamoricière qui réunissait ses troupes à Foligno, et en occupant les hauteurs d'Orsino et de Castelfidardo, il ferma le chemin d'Ancône aux troupes pontificales. Lamoricière voulut s'ouvrir un passage, attaqua les positions de l'armée piémontaise, qui le repoussa impétueusement et mit en déroute la petite armée du Pape.

[324] Dans cette ville, mal choisie pour y conférer sur l'indépendance des nations, les souverains du Nord eurent une nouvelle entrevue en octobre 1860. On croyait généralement que les délibérations qui s'y tiendraient feraient entrer les affaires d'Italie dans une nouvelle phase; mais l'Autriche ne put obtenir de la Russie ni de la Prusse l'appui et les encouragements sur lesquels elle avait compté pour lui assurer la possession de la Vénétie.

[325] L'Autriche, inquiète et troublée de voir que l'Italie avait su se constituer en nation, en se dégageant de l'absolutisme monarchique sans tomber dans le despotisme révolutionnaire, multipliait les efforts pour obtenir une garantie en cas d'attaque de la Vénétie. Vers la fin de septembre 1860, elle fit demander à Paris par le prince de Metternich et M. de Hübner si, devant la formation du royaume d'Italie, la France et le Piémont ne pourraient pas garantir à l'Autriche la possession de la Vénétie, vu que la situation n'était plus la même qu'au traité de Zurich et qu'un nouveau traité, ratifié par le Parlement piémontais, lui paraissait nécessaire. L'Empereur Napoléon se borna à inviter l'Autriche à faire cette proposition au Piémont, sans dissimuler à ses deux envoyés que l'acceptation d'une pareille proposition lui paraissait bien difficile. Cette réponse avait fait croire à l'existence d'un nouveau traité avec le Piémont au sujet de la Vénétie, qui était sans fondement.

[326] Le comte Albert Pourtalès était alors Ministre de Prusse à Paris.

[327] François II, trahi par les soldats de sa propre garde, ne recevant de secours de nulle part, quittait Naples le 6 septembre à l'approche de Garibaldi. Il prit d'abord position, avec ce qui lui restait de troupes, près de Capoue, où il livra le 1er octobre un combat, sur le Vulturne, qui resta indécis. Il essaya de prolonger la lutte en se réfugiant dans la forteresse de Gaëte; là, suivi par la Reine et le Corps diplomatique, ce jeune Souverain s'illustra d'un dernier effort de virilité. Garibaldi en commença le siège au mois de novembre 1860, mais empêché par l'escadre française, du côté de la mer, dans ses opérations militaires, ce siège marcha lentement et le drapeau bourbonien resta planté sur le rocher de Gaëte jusqu'au 13 février 1861. Après une courageuse défense. François II signa une capitulation et arriva à Rome avec la Reine le 15 février sur un bâtiment français. Le 25 septembre 1860, le Roi de Naples avait adressé un mémorandum à la diplomatie étrangère pour protester contre l'invasion de ses États et l'inaction des puissances européennes.

[328] L'Impératrice mère de Russie était morte le 1er novembre à Saint-Pétersbourg.

[329] L'Empereur d'Autriche venait de donner une nouvelle constitution à ses peuples; mais les Hongrois, qui croyaient au rétablissement pur et simple de leur ancienne constitution, se montrèrent fort mécontents et traduisirent ce mécontentement par des tumultes que la force armée dut réprimer.

[330] Après la chute des Bourbons de Naples, Murat écrivit, d'abord dans une lettre, qu'il déclinait toute initiative dans la revendication du trône autrefois occupé par son père; mais en mars 1861, après la chute de Gaëte, il revenait sur cette première résolution et lançait, dans une sorte de manifeste, ses prétentions au trône: prétentions que le Gouvernement français déclara ne vouloir encourager en rien, dans une note officielle.

[331] Le Moniteur venait d'annoncer que, par un décret donné le 24 novembre 1860, l'Empereur, voulant accorder aux grands Corps de l'État une participation plus directe à la politique générale, avait ordonné que le Sénat et le Corps législatif voteraient dorénavant tous les ans à l'ouverture de la session une Adresse, en réponse à son discours du trône.

[332] Mme Victor Tiby.

[333] M. Fould quitta le Ministère à cause du décret du 24 novembre.

[334] Le Roi Frédéric-Guillaume IV mourut à Sans-Souci dans la nuit du 1er au 2 janvier 1861.

[335] Le prince Joachim Murat, accompagné de deux officiers d'ordonnance, fut envoyé à Berlin vers le 10 janvier pour complimenter le Roi Guillaume Ier sur son avènement au trône, au nom de Napoléon III.

[336] Le Roi était enfermé dans Gaëte qui n'avait pas encore capitulé.

[337] M. Cuvillier-Fleury, qui avait épousé en 1840 Mlle Thouvenel, sœur du futur ministre des Affaires étrangères de l'Empire.

[338] Le Gouvernement français venait de faire distribuer au Sénat et au Corps législatif un volume de deux cent soixante pages, grand in-quarto, contenant des documents diplomatiques rangés sous les sept titres suivants: 1o Annexion de l'Italie centrale; 2o Question de Nice et de la Savoie; 3o Affaires de Rome; 4o Affaires de l'Italie méridionale; 5o Entrevue de Varsovie; 6o Affaire de Syrie; 7o Expédition de Chine.

[339] Marquise de Castellane.

[340] En réponse à un discours de M. de La Rochejaquelein, le prince Napoléon prit la parole au Sénat le 1er mars 1861, pour faire une charge à fond contre le pouvoir temporel du Pape et attaquer, dans le langage le plus véhément, le parti légitimiste et clérical français, ainsi que les mandements des évêques qui en avaient pris la défense. L'Empereur Napoléon ne blâma pas trop ce discours; il ne se montra qu'irrité de la violence des paroles.

[341] Le cardinal Morlot, archevêque de Paris, était encore: sénateur, grand-aumônier et membre du Conseil privé. Il ne voulut pas se démettre des charges indépendantes de son administration diocésaine, «craignant, disait-il, qu'en faisant un acte d'opposition au Gouvernement, l'Empereur n'en fût que plus fortifié dans sa pensée.»

[342] De l'anglais: mieux disposé.

[343] La date du 25 février donna le signal d'une insurrection qui marqua douloureusement dans les annales de la Pologne. Une manifestation pacifique de la population de Varsovie avait été arrêtée dans les esprits pour l'anniversaire de la bataille de Grochow livrée en 1831. On devait prier pour les morts. Le mauvais état du pont de la Vistule ne permettant pas de se rendre au champ de bataille, c'est sur la place du Vieux-Marché que les citoyens se réunirent. Le 25, à cinq heures du soir, une procession de trente mille personnes se mit en branle, entonnant l'hymne national de la Pologne, Dieu saint, Dieu immortel. Le colonel Trépow, effrayé de l'importance de cette démonstration, fit charger au sabre cette foule. Les morts et les blessés furent nombreux, et les événements se précipitant ainsi, amenèrent un véritable état de guerre, avec lequel la Russie dut lutter plus de deux ans, et qui finit par attirer des malheurs irréparables sur le pays. Le nom de nationalité n'avait pu retentir depuis un an en Europe, sans que la Pologne s'étonnât d'être oubliée et ne fût tentée de rappeler au monde que, parmi les nations dont on faisait tant de bruit, elle était la seule dont on ne parlât point, quoiqu'elle fût une des plus malheureuses.

[344] Il était alors question de fixer le couronnement du Roi de Prusse au mois de juin. Il n'eut lieu qu'au mois d'octobre.

[345] M. de Manteuffel, chef du Cabinet militaire du Roi, s'était battu en duel, le 30 mai, à Potsdam, avec M. Twesten, auteur d'une brochure intitulée Comment nous tirer d'affaire? qui contenait des attaques assez vives contre le Cabinet militaire. M. Twesten eut le bras droit brisé par une balle, et un jugement ayant condamné le général de Manteuffel à trois mois de prison dans une forteresse, il se rendit à Magdebourg pour se constituer prisonnier.

[346] C'est-à-dire l'hommage de toute la nation (couronnement).

[347] Depuis cet accident, la duchesse de Talleyrand ne retrouva plus la santé. A partir de cette époque, elle fut atteinte par cette maladie douloureuse, qu'elle supporta avec une patience exemplaire, pendant quatorze mois, et qui la conduisit graduellement au tombeau.

[348] Le Moniteur du 26 juin 1861 annonçait ainsi la reconnaissance du Royaume d'Italie: «L'Empereur a reconnu le Roi Victor-Emmanuel comme Roi d'Italie. En notifiant cette détermination au Cabinet de Turin, le Gouvernement de Sa Majesté a déclaré qu'il déclinait d'avance toute solidarité dans les entreprises de nature à troubler la paix de l'Europe, et que les troupes françaises continueraient d'occuper Rome, tant que les intérêts qui les y ont amenées ne seront pas couverts par des garanties suffisantes.»

[349] Le Sultan Abdul-Medjid venait de mourir à l'âge de trente-huit ans. Sous son règne, des luttes sanglantes ayant éclaté en 1860, entre les Druses et les Maronites dans le Liban, la France, qui s'attribuait le protectorat sur les chrétiens de ces contrées, intervint dans la querelle. Le général d'Hautpoul-Beaufort débarqua avec des troupes à Beyrouth; il s'ensuivit une occupation du pays par les Français, qui ne finit qu'à la suite des réclamations de la Turquie, appuyées par l'Angleterre. Une nouvelle organisation du Liban fut décidée dans une Conférence des Puissances européennes, où il fut déterminé que le Liban dépendrait directement de la Porte, tout en ayant un chef chrétien pris dans celle des Églises chrétiennes qui comptait le plus d'adhérents.

[350] Le Roi de Prusse devant rendre à l'Empereur Napoléon la visite que celui-ci lui avait faite à Bade, il avait d'abord été question du camp de Châlons comme lieu de rendez-vous; mais la rencontre n'eut lieu que plus tard, le 7 octobre, à Compiègne.

[351] Le 14 juillet, le Roi de Prusse faillit être victime à Bade d'un attentat. Un jeune homme de vingt et un ans, nommé Becker, étudiant à Leipzig, s'était approché de Guillaume 1er à la promenade, et lui lâcha un coup de pistolet à bout portant. La balle dévia et ne fit qu'effleurer l'épaule du Roi. Arrêté immédiatement, l'auteur de cet attentat déclara que son but avait été de délivrer l'Allemagne d'un Prince qui ne la poussait pas, avec une énergie assez active, dans les voies de l'unité. Becker fut condamné à vingt ans de réclusion, et, pour sa vie, sous la surveillance de la police.

[352] M. de la Guéronière ayant fait paraître une brochure intitulée: Rome, la France et l'Italie, Mgr Pie, évêque de Poitiers, la réfuta par un mandement où il comparait le chef de l'État à Pilate, «qui pouvait tout empêcher et qui laisse tout faire.» M. de Persigny, ministre de l'Intérieur, croyant voir une offense à la personne de l'Empereur Napoléon et une contravention aux lois de l'Empire, déféra Mgr Pie au Conseil d'État et le mandement fut annulé.

[353] La guerre d'Amérique, appelée aussi guerre de la Sécession, dura de 1861 à 1865. La question de l'esclavage avait divisé la république en deux camps; le Sud travaillant depuis longtemps à le propager dans l'Union, au risque de briser avec le Nord. En 1860, une élection présidentielle, dans laquelle le candidat abolitionniste Lincoln l'emporta sur le candidat esclavagiste Breckinridge, fut le prétexte dont le Sud s'empara pour rompre avec l'Union. Les hostilités commencèrent et, pendant quatre ans, les deux armées se battirent héroïquement avec des alternatives de revers et de succès; la lutte finit par la prise de Richmond en Virginie, où le général Lee, qui commandait les forces du Sud, fut contraint de capituler devant le général Grant, chef des troupes du Nord. La question de l'esclavage fut ainsi terminée.

[354] La Huldigung veut dire l'hommage; la Krœnung, le couronnement, le Turner-Verein, une société de gymnastique; le Sænger-Verein, une société orphéonique; le Schützen-Verein, la société des tireurs; le National-Verein, la société des patriotes. Toutes ces sociétés cachaient, sous le prétexte de se réunir pour s'amuser, le but de s'occuper de ce qui se passait dans l'État, et les meneurs en profitaient pour échauffer les têtes selon leurs idées politiques plus ou moins avancées.

[355] La question de préséance entre les diverses ambassades extraordinaires venues à Kœnigsberg et à Berlin pour le couronnement du Roi de Prusse fut réglée par la date de l'arrivée de chacune d'elles. Suivant cette règle, les Ambassadeurs prirent rang dans l'ordre suivant: pour l'Espagne, le duc d'Ossuna; pour l'Italie, le général della Rocca; pour l'Angleterre, lord Clarendon; pour la France, le duc de Magenta. L'Autriche, la Russie, la Belgique se firent représenter par des membres de familles royales et impériales. Le duc de Magenta se fit remarquer par la richesse de ses équipages et par une fort belle fête, qu'il donna dans la maison de l'ambassade de France à Berlin.

[356] L'Archevêque de Cologne était Mgr Jean Geissel.

[357] L'église de Saint-Michel est l'église catholique de la garnison de Berlin.

[358] En revenant de Breslau, où les Majestés Prussiennes allèrent, après les fêtes de Berlin, recevoir l'hommage de la province de Silésie, le Roi et la Reine s'arrêtèrent pendant un jour à Sagan, afin d'y voir pour la dernière fois la duchesse de Talleyrand et de Sagan déjà fort malade.

[359] Le couronnement du Roi de Prusse avait eu lieu le 18 octobre 1861 à Kœnigsberg. Avant comme après son couronnement, le Roi, en répondant aux différents discours qui lui furent adressés à cette occasion, avait mis une certaine affectation (même marquée) à dire qu'il ne tenait sa couronne que de Dieu, que la royauté était une grâce de Dieu, et que, dans cette grâce, résidait la sainteté de la couronne qui était inviolable. Ce langage indigna le parti libéral européen. Il trouva que le Roi semblait ainsi établir une lutte entre la royauté de droit divin et celle fondée par la souveraineté du peuple, comme sur une élection primitive, et ce parti trouva dans les paroles royales une pâture à de vaines querelles. Elles provoquèrent ensuite des discussions fort longues qui s'élevèrent de toutes parts.

[360] Le Gouvernement avait demandé une dotation annuelle de cinquante mille francs pour le général Cousin-Montauban, comte de Palikao, qui avait commandé les troupes françaises en Chine. La Commission chargée de cette demande avait conclu au rejet, le 28 février 1862; mais le Corps législatif ne se prononça pas le même jour et remit la discussion à plus tard. Craignant un refus de la Chambre, l'Empereur écrivit, le 4 mars, au président du Corps législatif qu'il y avait eu malentendu et qu'il présentait un nouveau projet, soumettant à la Chambre l'appréciation d'un principe général qui permettrait d'assurer, dans de justes limites, à toutes les actions d'éclat, depuis le maréchal jusqu'au soldat, des récompenses dignes de la grandeur du pays.

[361] La Chambre prussienne fut dissoute le 10 mars. Le Ministère, ayant été battu dans la discussion du budget, avait d'abord donné en bloc sa démission. Elle ne fut pas acceptée de suite par le Roi; mais peu à peu les Ministres furent relevés l'un après l'autre.

[362] A l'aide de subsides et de quêtes, l'Archevêque de Tours, avec l'autorisation gouvernementale, avait entrepris de relever l'antique basilique de Saint-Martin, presque entièrement disparue sous les profanations des guerres de religion du seizième siècle et les destructions causées par la grande Révolution.

[363] De l'allemand: très désagréable.

[364] M. de Bernstorff, ministre de Prusse à Londres, avait été appelé par le Roi pour remplacer M. de Schleinitz comme ministre des Affaires étrangères; M. von der Heydt avait pris le portefeuille des Finances, en gardant provisoirement celui du Commerce; le comte d'Itzenplitz, celui de l'Agriculture; M. von Mühler, les Cultes; le comte Lippe, la Justice; M. de Jagow, l'Intérieur.

[365] Dans la discussion de l'Adresse, accordée au Corps législatif depuis le décret du 24 novembre 1860, on attaquait alors le traité de commerce avec l'Angleterre, et le député de la Seine-Inférieure, M. Pouyer-Quertier, qui était protectionniste, le combattait avec beaucoup de violence.

[366] Marie de Castellane était alors à Marmoutiers au couvent du Sacré-Cœur.

[367] La marquise de Castellane.

[368] Antoine de Castellane, alors âgé de 5 ans.

[369] Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans.

[370] Rochecotte.

[371] Fils aîné de la princesse Radziwill, alors âgé du 2 ans.

[372] Alexandre, duc de Dino et sa fille Élisabeth, plus tard comtesse Oppersdorff.

[373] Duc de Valençay.

[374] Correspondant de la Chronique.

[375] Prince de Sagan.

[376] Princesse de Sagan, née Seillière.

[377] Second fils du duc de Valençay.

[378] Le Pape avait invité tous les évêques du monde catholique à se rendre à Rome, le jour de la Pentecôte (8 juin 1862), pour assister à la fête de la solennelle canonisation de vingt-cinq martyrs qui, en 1594, avaient versé leur sang pour la foi à Nagasaki, au Japon, et avaient déjà été béatifiés en 1627. Plus de trois cents évêques se rendirent à l'appel de Pie IX.

[379] Au mois d'août 1861, M. de Lavalette, qui était Ambassadeur à Constantinople au moment des massacres du Liban, fut envoyé à Rome pour y remplacer M. de Gramont, comme Ambassadeur auprès du Pape.