The Project Gutenberg eBook of Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 4/4

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Title: Histoire des Musulmans d'Espagne, t. 4/4

Author: Reinhart Pieter Anne Dozy

Release date: December 23, 2012 [eBook #41692]
Most recently updated: January 25, 2021

Language: French

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*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK HISTOIRE DES MUSULMANS D'ESPAGNE, T. 4/4 ***


HISTOIRE

DES

MUSULMANS D'ESPAGNE

JUSQU'A LA CONQUÊTE DE L'ANDALOUSIE
PAR LES ALMORAVIDES
(711—1110)

PAR

R.  D O Z Y

Commandeur de l'ordre de Charles III d'Espagne, membre correspondant
de l'académie d'histoire de Madrid, associé étranger de la Soc. asiat.
de Paris, professeur d'histoire à l'université de Leyde, etc.

 

 

TOME QUATRIÈME


LE Y D E
E.   J.   B R I L L
Imprimeur de l'Université
——
1861

 

 

TABLE

I., II., III., IV., V., VI., VII., VIII, IX., X., XI., XII., XIII., XIV., XV.
NOTES.
CHRONOLOGIE DES PRINCES MUSULMANS DU XIe SIÈCLE.
LISTE DES OUVRAGES IMPRIMÉS ET MANUSCRITS DONT L’AUTEUR S’EST SERVI.
INDEX ALPHABÉTIQUE des matières contenues dans les quatre volumes de l’Histoire des musulmans d’Espagne.:
A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z

 

 

LIVRE IV

LES PETITS SOUVERAINS

I.

Depuis plusieurs années, les provinces de l’Espagne musulmane se trouvaient abandonnées à elles-mêmes sans qu’elles l’eussent voulu. Le peuple en général s’en affligeait; il ne songeait qu’avec effroi à l’avenir et regrettait le passé. Les capitaines étrangers furent les seuls qui profitèrent de la décomposition totale de la Péninsule. Les généraux berbers se partagèrent le Midi; les Slaves régnèrent dans l’Est; le reste échut en partage, soit à des parvenus, soit au petit nombre de familles nobles qui, par un hasard quelconque, avaient résisté aux coups qu’Abdérame III et Almanzor avaient portés à l’aristocratie. Enfin, les deux villes les plus considérables, Cordoue et Séville, se constituèrent en républiques.

Les Hammoudites étaient, mais seulement de nom, les chefs du parti berber. Ils prétendaient avoir des droits sur toute la partie arabe de la Péninsule; en réalité ils n’y possédaient que la ville de Malaga et son territoire. Les plus puissants parmi leurs vassaux étaient les princes de Grenade, Zâwî, qui éleva Grenade au rang de capitale[1], et son neveu Habbous qui lui succéda. Il y avait en outre des princes berbers à Carmona, à Moron, à Ronda. Les Aftasides, qui régnaient à Badajoz, appartenaient à la même nation; mais entièrement arabisés, ils se donnaient une origine arabe, et occupaient une position assez isolée.

Dans le parti opposé, les hommes les plus marquants étaient Khairân, le prince d’Almérie, Zohair, qui lui succéda en 1028, et Modjéhid, le prince des Baléares et de Dénia. Ce dernier, le plus grand pirate de son temps, se rendit fameux par les expéditions qu’il fit en Sardaigne et sur la côte de l’Italie, et aussi par la protection qu’il accorda aux hommes de lettres. D’autres Slaves régnèrent d’abord à Valence; mais dans l’année 1021, Abdalazîz, un petit-fils du célèbre Almanzor[2], y fut proclamé roi. A Saragosse une noble famille arabe, celle des Beni-Houd, obtint le pouvoir après la mort de Mondhir, arrivée en 1039.

Enfin, sans compter un assez grand nombre de petits Etats, il y avait encore le royaume de Tolède. Un certain Yaîch y régna jusqu’à l’année 1036; depuis lors les Beni-Dhî-'n-noun en prirent possession. C’était une ancienne famille berbère qui avait pris part à la conquête de l’Espagne au huitième siècle.

Quant à Cordoue, après que le califat y eut été aboli, les principaux habitants se réunirent et résolurent de confier le pouvoir exécutif à Ibn-Djahwar, dont la capacité était universellement reconnue. Il refusa d’abord d’accepter la dignité qu’on lui offrait, et quand il céda enfin aux instances de l’assemblée, il ne le fit qu’à condition qu’on lui donnerait pour collègues deux membres du sénat qui appartenaient à sa famille, à savoir Mohammed ibn-Abbâs et Abdalazîz ibn-Hasan. L’assemblée y consentit, mais en stipulant que ces deux personnes auraient seulement voix consultative.

Le premier consul gouverna la république d’une manière équitable et sage. Grâce à lui, les Cordouans n’eurent plus à se plaindre de la brutalité des Berbers. Son premier soin avait été de les congédier; il avait seulement retenu les Beni-Iforen, sur l’obéissance desquels il pouvait compter, et il avait remplacé les autres par une garde nationale. En apparence, il laissa subsister les institutions républicaines. Quand on lui demandait une faveur: «Ce n’est pas à moi de l’accorder, répondait-il; cela regarde le sénat, et je ne suis que l’exécuteur de ses ordres.» Quand il recevait une lettre officielle qui était adressée à lui seul, il refusait d’en prendre connaissance en disant qu’elle devait être adressée aux vizirs. Avant de prendre une décision, il consultait toujours le sénat. Jamais il ne prenait des airs de prince, et au lieu d’aller habiter le palais califal, il resta dans la modeste demeure qu’il avait toujours occupée. En réalité, toutefois, son pouvoir était illimité, car en aucune circonstance le sénat ne s’avisait de le contredire. Sa probité était rigide et scrupuleuse; il ne voulait pas que le trésor public se trouvât dans sa maison; il en confia la garde aux hommes les plus respectables de la ville. Il aimait l’argent, il est vrai, mais jamais l’intérêt ne lui faisait rien faire de malhonnête. Econome et même parcimonieux, pour ne pas dire avare, il doubla sa fortune, de sorte qu’il devint l’homme le plus riche de Cordoue. Mais en même temps il faisait de louables efforts pour rétablir la prospérité publique. Il s’efforçait d’entretenir des relations amicales avec tous les Etats voisins, et il y réussit si bien, que le commerce et l’industrie jouirent en peu de temps de la sécurité dont ils avaient tant besoin. Aussi le prix des denrées baissa, et Cordoue reçut dans son sein une foule de nouveaux habitants qui rebâtirent quelques-uns des quartiers que les Berbers avaient démolis ou brûlés lors du sac de la ville[3]. Mais quoi qu’il fît, l’ancienne capitale du califat ne recouvra pas sa prépondérance politique. Le premier rôle appartenait dorénavant à Séville, et c’est de l’histoire de cette cité que nous aurons à nous occuper principalement.

Le sort de Séville avait été longtemps lié à celui de Cordoue. De même que la capitale, elle avait obéi successivement à des souverains de la famille d’Omaiya ou de celle de Hammoud; mais la révolution de Cordoue en 1023 eut son contre-coup à Séville. Les Cordouans s’étant insurgés contre Câsim le Hammoudite et l’ayant chassé de leur territoire, ce prince résolut d’aller chercher un refuge à Séville, où se trouvaient ses deux fils avec une garnison berbère, commandée par Mohammed ibn-Zîrî, de la tribu d’Iforen. En conséquence, il envoya aux Sévillans l’ordre d’évacuer mille maisons qui seraient occupées par ses troupes. Cet ordre causa un mécontentement très-vif, d’autant plus que les soldats de Câsim, les plus pauvres de leur race, avaient la triste réputation d’être de grands pillards. Cordoue venait de montrer aux Sévillans la possibilité de s’affranchir du joug, et ils étaient tentés de suivre l’exemple que leur avait donné la capitale. La crainte de la garnison berbère les retenait encore; mais le cadi de la ville, Abou-'l-Câsim Mohammed, de la famille des Beni-Abbâd, réussit à gagner le chef de cette garnison. Il lui dit qu’il lui serait facile de devenir seigneur de Séville, et dès lors Mohammed ibn-Zîrî se déclara prêt à le seconder. Le cadi conclut ensuite une alliance avec le commandant berber de Carmona, et alors les Sévillans, secondés par la garnison, prirent les armes contre les fils de Câsim, dont ils cernèrent le palais.

Arrivé devant les portes de Séville, qu’il trouva fermées, Câsim essaya de gagner les habitants par des promesses; mais il n’y réussit pas, et comme ses fils étaient exposés à un grand péril, il s’engagea enfin à évacuer le territoire sévillan, pourvu qu’on lui rendît ses fils et ses biens. Les Sévillans y consentirent, et Câsim s’étant retiré, ils saisirent la première occasion qui s’offrit à eux pour chasser la garnison berbère[4].

La ville ayant ainsi recouvré sa liberté, les patriciens se réunirent pour se donner un gouvernement. Cependant ils n’étaient nullement tranquilles sur les conséquences de leur révolte; ils craignaient de voir revenir bientôt les Hammoudites irrités, qui, dans ce cas, ne manqueraient pas de punir les coupables. Aussi nul n’osa prendre sur soi la responsabilité de ce qui s’était passé; tous étaient d’accord pour la faire peser uniquement sur le cadi, auquel on enviait ses richesses; on prévoyait déjà, avec un secret plaisir, le moment où ces richesses seraient confisquées[5]. On offrit donc au cadi l’autorité souveraine; mais quelle que fût son ambition, il était trop sage pour l’accepter en ce moment. Sa naissance n’était pas illustre. Il était très-riche, car il possédait le tiers du territoire sévillan, et il jouissait d’une haute considération à cause de ses talents et de son savoir; mais sa famille n’appartenait que depuis peu à la haute noblesse, et il savait qu’à moins qu’il n’eût des soldats à sa disposition—et il n’en avait pas encore—la fière et exclusive aristocratie de Séville se soulèverait bientôt contre un parvenu. Il n’était rien autre chose, en vérité. Il est vrai que plus tard, lorsque les Abbâdides furent sur le point de rétablir à leur profit le trône des califes, ils se prétendaient issus des anciens rois lakhmides qui, avant Mahomet, avaient régné à Hira, et que les poètes faméliques de leur cour saisissaient alors chaque occasion pour célébrer une si illustre origine; mais rien ne justifie une telle prétention; les Abbâdides et leurs flatteurs n’ont jamais pu la prouver. Tout ce que cette famille avait de commun avec les anciens rois de Hira, c’est qu’elle appartenait comme eux à la tribu yéménite de Lakhm; mais la branche de cette tribu d’où sortaient les Abbâdides ne semble jamais avoir habité Hira; elle demeurait à Arîch, sur les frontières de l’Egypte et de la Syrie, dans le district d’Emèse[6], et les Abbâdides, loin de pouvoir rattacher leur généalogie à celle des rois de Hira, n’ont jamais pu la faire remonter au delà de Noaim, le père d’Itâf. Cet Itâf, capitaine d’une division des troupes d’Emèse, était arrivé en Espagne avec Baldj, et les soldats d’Emèse ayant reçu des terres près de Séville, il s’était établi dans le hameau de Yaumîn, qui se trouvait dans le district de Tocina et sur les bords du Guadalquivir. Sept générations de gens probes, économes, laborieux, firent sortir la famille, lentement et péniblement, de son obscurité. Ismâîl, le père de notre cadi, fut le premier qui l’illustrât; ce fut lui qui, pour ainsi dire, fit inscrire dans le livre d’or de la noblesse sévillane le nom des Beni-Abbâd ou Abbâdides[7]. A la fois théologien, jurisconsulte et homme d’épée, il avait commandé un régiment de la garde de Hichâm II; puis il avait été imâm de la grande mosquée à Cordoue et cadi de Séville. Renommé par ses lumières, sa sagacité, la prudence de ses conseils et la fermeté de son caractère, il ne l’était pas moins par sa probité, car en dépit de la corruption générale, il n’accepta jamais aucun don du sultan ou de ses ministres. Sa libéralité était sans limites, et les Cordouans exilés avaient trouvé chez lui une généreuse hospitalité. Toutes ces qualités lui valurent le titre du plus noble homme de l’Ouest. Il était mort dans l’année 1019, peu de temps avant l’époque dont nous nous occupons[8].

Son fils Abou-’l-Câsim Mohammed l’égala peut-être en savoir, mais non en vertu. Egoïste et ambitieux, son premier acte avait été un acte d’ingratitude. Lorsque son père fut mort et qu’il avait espéré de lui succéder comme cadi, un autre lui avait été préféré. Il s’était adressé alors à Câsim ibn-Hammoud, et grâce à l’entremise de ce prince, il avait obtenu l’emploi qu’il désirait[9]. Nous avons déjà vu de quelle manière il récompensa plus tard cette faveur.

Les patriciens de Séville lui offraient maintenant le pouvoir; mais, devinant leurs motifs, il leur répondit qu’il ne pouvait accepter leur offre, toute honorable qu’elle était, qu’à la condition qu’on lui adjoindrait quelques personnes qu’il nommerait. Ces personnes, ajouta-t-il, seraient ses vizirs, ses collègues, et il ne prendrait aucune résolution sans les avoir consultées. Malgré qu’ils en eussent, les Sévillans furent obligés d’accepter cette proposition, car le cadi refusait fermement de gouverner seul. On le pria donc de nommer ses collègues. Il désigna alors les chefs de quelques familles patriciennes tels que Hauzanî et Ibn-Haddjâdj, et des personnes que l’on regardait comme ses créatures ou du moins comme ses partisans, tels que Mohammed ibn-Yarîm, de la tribu d’Alhân, et Abou-Becr Zobaidî, le célèbre grammairien qui avait été le précepteur de Hichâm II[10]. Cela fait, son premier soin fut de se procurer des troupes. Grâce à la haute paye qu’il promettait, il attira sous son drapeau plusieurs soldats arabes, berbers ou autres, et il acheta d’ailleurs beaucoup d’esclaves qu’il fit instruire dans le métier des armes[11]. Une expédition qu’il fit dans le Nord, probablement avec d’autres princes, lui fournit le moyen de grossir ce noyau d’une armée. Il assiégea à cette occasion deux châteaux au nord de Viseu, qui étaient bâtis, l’un vis-à-vis de l’autre, sur des rochers séparés par un ravin, et qui portaient le nom d’al-akha-wén ou d’al-akhowén, les deux frères, nom qui s’est conservé dans la dénomination actuelle Alafoens[12]. Ils étaient habités par des Espagnols chrétiens, dont les ancêtres avaient conclu un traité avec Mousâ ibn-Noçair, alors que ce général conquit Viseu[13], mais qui, à l’époque dont nous parlons, ne semblent avoir été soumis ni au roi de Léon ni à un prince musulman. Le cadi se rendit maître de ces deux châteaux et força trois cents de leurs défenseurs à entrer à son service[14], de sorte que dès lors il pouvait disposer de cinq cents cavaliers. Il avait donc assez de soldats pour faire des razzias sur les terres de ses voisins[15], mais il n’était pas encore en état de défendre Séville contre une attaque sérieuse. C’est ce qu’il éprouva en 1027. Dans cette année le calife hammoudite Yahyâ ibn-Alî et le seigneur berber de Carmona, Mohammed ibn-Abdallâh, vinrent assiéger Séville[16]. Trop faibles pour opposer une longue résistance, les Sévillans entrèrent en pourparlers avec Yahyâ. Ils se déclarèrent prêts à reconnaître sa souveraineté, à condition que les Berbers n’entreraient pas dans la ville. Yahyâ y consentit; mais il exigea comme otages quelques jeunes patriciens qui lui répondraient sur leur tête de la fidélité des Sévillans. Cette demande répandit la consternation dans la ville; aucun patricien ne voulait livrer son fils aux Berbers, qui pourraient le tuer au moindre soupçon. Le cadi seul n’hésita pas; il offrit à Yahyâ son fils Abbâd, et le calife, qui savait que le cadi jouissait d’une grande influence, se contenta de ce seul otage. Grâce à cet acte de dévoûment, le cadi vit sa popularité s’accroître, et n’ayant désormais plus rien à craindre ni des nobles ni du calife, dont il reconnaissait la souveraineté pour la forme, il crut le moment venu pour régner seul. Ayant déjà écarté du conseil les patriciens tels qu’Ibn-Haddjâdj et Hauzanî, il n’avait plus que deux collègues, Zobaidî et Ibn-Yarîm. Il les congédia et Zobaidî fut même envoyé en exil[17]. Un plébéien des environs de Séville, qui s’appelait Habîb, fut nommé premier ministre. C’était un homme sans principes, mais intelligent, actif et entièrement dévoué aux intérêts de son maître[18].

Le cadi voulut ensuite agrandir son territoire en s’emparant de Béja. Dans les derniers temps cette ville, qui avait déjà beaucoup souffert au neuvième siècle par la guerre entre les Arabes et les renégats, avait été saccagée et en partie détruite par les Berbers qui avaient couru le pays en pillant et brûlant tout ce qui se trouvait sur leur passage. Le cadi avait l’intention de la rebâtir; mais informé de son projet, Abdallâh ibn-al-Aftas, le prince de Badajoz, y envoya des troupes commandées par son fils Mohammed (qui lui succéda plus tard sous le nom de Modhaffar), et ces troupes avaient déjà pris possession de Béja au moment où Ismâîl, le fils du cadi, se présenta devant les portes avec l’armée de Séville et celle du seigneur de Carmona, l’allié de son père. Il commença aussitôt le siége et fit piller par sa cavalerie les villages qui se trouvaient entre Evora et la mer. Malgré le renfort qu’il avait reçu du seigneur de Mertola, Ibn-Taifour, Mohammed l’Aftaside fut très-malheureux: après avoir perdu ses meilleurs guerriers, il tomba entre les mains des ennemis et fut envoyé à Carmona.

Enhardis par les succès qu’ils avaient remportés, le cadi et son allié firent des incursions, non-seulement sur le territoire de Badajoz, mais aussi sur celui de Cordoue, de sorte que le gouvernement de cette ville dut prendre à son service des Berbers de la province de Sidona. Quelque temps après, cependant, ils conclurent la paix, ou du moins un armistice, avec l’Aftaside, et alors Mohammed fut délivré de sa prison du consentement du cadi (mars 1030). En lui annonçant qu’il était libre, le seigneur de Carmona lui recommanda de passer par Séville et de remercier le cadi; mais Mohammed avait tant d’aversion pour ce dernier, qu’il répondit au Berber: «J’aime mieux demeurer votre prisonnier que d’avoir une obligation à cet homme. Si ce n’est pas à vous seul que je suis redevable de ma délivrance, si j’en dois remercier aussi le cadi de Séville, je resterai où je suis.» Le seigneur de Carmona respecta ses sentiments, et sans insister davantage, il le fit reconduire à Badajoz avec tous les honneurs dus à son rang.

Quatre ans plus tard, en 1034, Abdallâh l’Aftaside se vengea, mais d’une manière peu honorable, des revers qu’il avait essuyés. Il avait accordé au cadi le passage de son armée, qui allait faire, sous les ordres d’Ismâîl, une razzia dans le royaume de Léon; mais quand Ismâîl fut arrivé dans un défilé non loin de la frontière léonaise, il l’attaqua à l’improviste. Beaucoup de soldats sévillans furent tués, d’autres furent massacrés pendant leur fuite par les cavaliers léonais. Ismâîl lui-même échappa au carnage avec une poignée de ses guerriers; mais tandis qu’il se dirigeait sur Lisbonne, ville qui formait la frontière des Etats de son père du côté du nord-ouest, lui et les siens eurent à endurer les plus grandes privations.

Dès lors le cadi devint l’ennemi mortel du prince de Badajoz[19]; mais nous ne possédons pas de détails sur les combats qu’ils se livrèrent dans la suite, et sans doute cette guerre n’eut pas pour l’Espagne musulmane des conséquences aussi importantes qu’un événement d’une autre nature, dont nous avons à nous occuper à présent.

Le cadi, comme nous l’avons dit, avait reconnu la souveraineté du calife hammoudite Yahyâ ibn-Alî. Ç’avait été longtemps un acte de nulle conséquence; le cadi régnait sans contrôle à Séville, Yahyâ étant trop faible pour y faire valoir ses droits. Peu à peu cet état de choses changea. Yahyâ parvint à rallier successivement à sa cause presque tous les chefs berbers; il devint donc en réalité ce qu’auparavant il n’avait été que de nom, le chef de tout le parti africain, et comme il avait établi son quartier général à Carmona, d’où il avait chassé Mohammed ibn-Abdallâh[20], il menaçait à la fois Cordoue et Séville[21].

La gravité du péril inspira alors au cadi une pensée qui eût été grande et patriotique, si elle n’eût été suggérée en partie par l’ambition. Pour empêcher les Berbers, désormais unis, de reconquérir le terrain qu’ils avaient perdu, l’union des Arabes et des Slaves sous un seul chef était nécessaire; c’était le seul moyen pour préserver le pays du retour des maux dont il avait souffert. Le cadi le sentait; il désirait qu’une grande ligue se formât, dans laquelle entreraient tous les ennemis des Africains, mais en même temps il voulait en devenir le chef. Il ne s’aveuglait pas sur les obstacles qu’il aurait à vaincre; il savait que les princes slaves, les seigneurs arabes et les sénateurs de Cordoue seraient blessés dans leur ombrageuse fierté au cas où il tâcherait de les dominer; mais il ne se laissa pas décourager par des considérations de cette nature, et comme les circonstances lui prêtèrent un puissant appui, il parvint, jusqu’à un certain point, à réaliser son projet. Nous allons voir de quelle manière il s’y prit.

Nous avons dit plus haut que le malheureux calife Hichâm II s’était évadé du palais sous le règne de Solaimân, et que, selon toute apparence, il était mort en Asie, ignoré et inconnu. Cependant le peuple, encore fort attaché à la dynastie omaiyade qui lui avait donné la prospérité et la gloire, refusait de croire à la mort de ce monarque, et accueillait avidement les bruits étranges qui couraient sur son compte. Il se trouvait des gens qui se piquaient de pouvoir donner les détails les plus précis sur son séjour en Asie. D’abord, disait-on, il s’était rendu à la Mecque, muni d’une bourse remplie d’argent et de pierres précieuses. Cette bourse lui ayant été arrachée par des nègres de la garde de l’émir, il passa deux jours et deux nuits sans manger, jusqu’à ce qu’un potier, touché de compassion, lui demandât s’il savait pétrir de l’argile. A tout hasard Hichâm répondit que oui. «Eh bien! lui dit alors le potier, si tu veux entrer à mon service, je te donnerai un dirhem et un pain par jour.—J’accepte de grand cœur votre offre, lui répondit Hichâm, mais donnez-moi tout de suite un pain, je vous en supplie, car j’ai été deux jours sans manger.» Pendant quelque temps Hichâm, quoiqu’il fût un ouvrier fort paresseux, gagna sa vie chez le potier; mais enfin, dégoûté de sa besogne, il s’échappa et se joignit à une caravane qui allait partir pour la Palestine. Il arriva à Jérusalem dans le plus complet dénûment. Un jour qu’il se promenait sur le marché, il s’arrêta devant la boutique d’un nattier qui travaillait. «Pourquoi me regardes-tu avec tant d’attention? lui demanda cet homme; est-ce que tu connaîtrais mon métier?—Non, lui répondit tristement Hichâm, et je le regrette, car je n’ai aucun moyen de subsistance.—Eh bien, reste auprès de moi, reprit le nattier; tu pourras m’être utile en allant me chercher du jonc et je te payerai tes services.» Hichâm accepta avec joie cette proposition, et peu à peu il apprit à faire des nattes. Plusieurs années se passèrent ainsi, mais en 1033 il retourna en Espagne[22]. Après s’être montré à Malaga[23], il se rendit à Almérie, où il arriva dans l’année 1035; mais bientôt après, le prince Zohair l’ayant expulsé de ses Etats, il alla se fixer à Calatrava[24].

Ce récit, que le peuple acceptait avec une aveugle crédulité, ne semble mériter aucune confiance. Le fait est qu’à l’époque où Yahyâ menaçait Séville et Cordoue, il y avait à Calatrava un nattier du nom de Khalaf, qui avait une ressemblance frappante avec Hichâm; mais rien ne prouve que cet homme ait été l’ex-calife, et les clients omaiyades tels que les historiens Ibn-Haiyân et Ibn-Hazm, bien qu’il eût été de leur intérêt de reconnaître le soi-disant Hichâm, ont toujours protesté de la manière la plus énergique contre ce qu’ils appelaient une grossière imposture. Khalaf, toutefois, avait de l’ambition. Ayant souvent entendu dire qu’il ressemblait beaucoup à Hichâm II, il se donna pour ce monarque, et comme il n’était pas né à Calatrava, ses concitoyens le crurent. Qui plus est, ils le reconnurent pour leur souverain et se révoltèrent contre leur seigneur Ismâîl ibn-Dhî-’n-noun, le prince de Tolède. Ce dernier vint alors les assiéger, et leur résistance ne fut pas longue. Ayant fait sortir le soi-disant Hichâm de leur ville, ils se soumirent de nouveau à leur ancien seigneur[25].

Cependant le rôle de Khalaf n’était pas fini; il ne faisait que commencer. Le cadi de Séville, quand il fut informé de la réapparition de Hichâm II, comprit sans tarder le parti qu’il pouvait tirer de cet homme s’il le faisait venir à Séville. Peu lui importait que ce fût Hichâm ou un autre; l’essentiel pour lui, c’était que la ressemblance fût assez grande pour qu’on pût prétendre, sans trop se compromettre, que c’était Hichâm, et alors une ligue contre les Berbers pourrait s’organiser en son nom, ligue dont le cadi, en sa qualité de premier ministre du calife, serait le chef et l’âme. Il fit donc inviter le prétendant de se rendre à Séville, et lui promit son appui pour le cas où son identité serait constatée. Le nattier ne se fit pas prier; il vint à Séville, où le cadi le montra à des femmes du sérail de Hichâm. Sachant ce qu’elles avaient à dire, elles déclarèrent presque toutes que cet homme était réellement l’ex-calife, et alors le cadi, s’appuyant sur leurs témoignages, écrivit au sénat de Cordoue ainsi qu’aux seigneurs arabes et slaves, pour leur annoncer que Hichâm II se trouvait auprès de lui et les inviter à prendre les armes pour sa cause[26]. Cette démarche fut couronnée d’un brillant succès. La souveraineté de Hichâm fut reconnue par Mohammed ibn-Abdallâh, le prince détrôné de Carmona, qui avait trouvé un refuge à Séville[27], par Abdalazîz, prince de Valence, par Modjéhid, prince de Dénia et des îles Baléares, et par le seigneur de Tortose[28]. A Cordoue le peuple apprit avec enthousiasme qu’il vivait encore. Moins crédule et jaloux de conserver le pouvoir, le président de la république, Abou-’l-Hazm ibn-Djahwar, ne fut pas dupe de cette imposture; mais il savait qu’il lui serait impossible de résister à la volonté du peuple. Il comprenait la nécessité de l’union des Arabes et des Slaves sous un seul chef, et il craignait de voir Cordoue attaquée par les Berbers. Il ne s’opposa donc pas aux désirs de ses concitoyens, et il permit que l’on prêtât de nouveau serment à Hichâm II (novembre 1035)[29].

Sur ces entrefaites et pendant que le parti arabe-slave s’armait partout contre lui, Yahyâ assiégeait Séville ou en ravageait le territoire, bien résolu à tirer une éclatante vengeance de l’astucieux cadi. Mais il était entouré de traîtres. Les Berbers de Carmona qu’il avait contraints à s’enrôler sous sa bannière, étaient fort attachés à leur ancien seigneur; ils entretenaient des intelligences avec lui, et en octobre 1035, quelques-uns d’entre eux se rendirent secrètement à Séville. Quand ils y furent arrivés, ils apprirent au cadi et à Mohammed ibn-Abdallâh qu’il leur serait facile de surprendre Yahyâ, attendu que ce prince était presque toujours ivre. Le cadi et son allié résolurent aussitôt de profiter de cet avis. En conséquence, Ismâîl, le fils du cadi, se mit en marche à la tête de l’armée sévillane et accompagné de Mohammed ibn-Abdallâh. La nuit venue, il se tint en embuscade avec le gros de ses forces, et envoya un escadron contre Carmona, dans l’espoir d’attirer Yahyâ hors de la place. Son projet lui réussit. Yahyâ était occupé à boire lorsqu’il fut informé de l’approche des Sévillans. Quittant aussitôt son sofa: «Quel bonheur! s’écria-t-il; Ibn-Abbâd vient me rendre visite! Qu’on s’arme sans perdre un instant! En selle!» Ses ordres furent exécutés, et bientôt après il sortit de la ville, accompagné de trois cents cavaliers. Echauffé par le vin, il se précipita sur les ennemis, sans prendre le temps de ranger ses troupes en bataille et quoique l’obscurité l’empêchât presque de distinguer les objets. Un peu déconcertés d’abord par sa brusque attaque, les Sévillans y répondirent cependant avec vigueur, et quand enfin ils eurent été contraints à la retraite, ils rétrogradèrent vers l’endroit où se trouvait Ismâîl. Dès lors Yahyâ était perdu. Ismâîl fondit sur les ennemis à la tête de ses chrétiens d’Alafoens, et les mit en déroute. Yahyâ lui-même fut tué, et peut-être la plupart de ses soldats auraient-ils partagé son sort, si Mohammed ibn-Abdallâh ne l’eût pas empêché. Il pria Ismâîl d’épargner ces malheureux. «Presque tous, lui dit-il, sont des Berbers de Carmona, qui ont été obligés, bien contre leur gré, à servir un usurpateur qu’ils haïssaient.» Ismâîl céda à ses instances, et ordonna qu’on cessât la poursuite. Cet ordre à peine donné, Mohammed galopa vers Carmona pour se remettre en possession de sa principauté. Les nègres de Yahyâ, qui s’étaient rendus maîtres des portes de la ville, voulaient lui en interdire l’entrée; mais Mohammed, secondé par la population, y pénétra par une brèche; puis il se rendit au palais de Yahyâ, livra les femmes de ce prince à ses fils, et s’appropria tous ses trésors (novembre 1035).

La nouvelle de la mort de Yahyâ causa une joie indicible tant à Séville qu’à Cordoue. Le cadi, quand il la reçut, tomba à genoux pour remercier le ciel, et tous ceux qui l’entouraient suivirent son exemple[30]. Pour le moment il n’avait plus rien à craindre des Hammoudites. Idrîs, un frère de Yahyâ, fut bien proclamé calife à Malaga; mais il lui fallait du temps pour gagner, à force de promesses et de concessions, les chefs berbers à sa cause, et il fut même hors d’état de réduire à l’obéissance Algéziras, où son cousin Mohammed avait été proclamé calife par les nègres[31]. Voyant donc que les circonstances lui étaient propices, le cadi voulut s’installer, avec le soi-disant Hichâm II, dans le palais califal de Cordoue. Mais Ibn-Djahwar n’avait nulle envie d’abdiquer le consulat. Il réussit à convaincre ses concitoyens que le prétendu calife n’était qu’un imposteur; le nom de Hichâm II fut supprimé dans les prières publiques, et lorsque le cadi arriva devant les portes de la ville, il les trouva fermées. N’étant pas assez puissant pour réduire à main armée une ville aussi considérable, force lui fut de retourner d’où il était venu[32].

Il résolut alors de tourner ses armes contre le seul prince slave qui avait refusé de reconnaître Hichâm II. C’était Zohair d’Almérie. Depuis que le calife Câsim, qui voulait se concilier l’affection des Amirides, lui avait donné plusieurs fiefs, Zohair avait fait ordinairement cause commune avec les Hammoudites, et quand Idrîs eut été proclamé calife, il s’était hâté de le reconnaître[33]. Menacé maintenant par le cadi, il conclut une alliance avec Habbous de Grenade; puis, l’armée sévillane s’étant mise en marche, il alla à sa rencontre avec ses propres troupes et celles de son allié, et la contraignit à la retraite[34].

Il était évident que le cadi avait trop présumé de ses forces, et il pouvait craindre que le moment ne vînt où les armées d’Almérie et de Grenade, prenant l’offensive à leur tour, envahiraient le territoire de Séville. Heureusement pour lui, le hasard, qui le servait presque toujours à souhait, voulut que l’un de ses ennemis le débarrassât de l’autre.

II.

A l’époque dont nous parlons, deux hommes également remarquables, mais qui se portaient une haine mortelle, avaient la conduite des affaires à Grenade et à Almérie. C’étaient l’Arabe Ibn-Abbâs et le juif Samuel.

Rabbi Samuel ha-Lévi, qu’on nommait ordinairement Ben-Naghdéla, était né à Cordoue, où il avait étudié le Talmud sous Rabbi Hanokh, le chef spirituel de la communauté juive. Il s’était appliqué aussi, avec beaucoup de succès, à l’étude de la littérature arabe et de presque toutes les sciences que l’on cultivait alors. Au reste, il n’avait été longtemps rien autre chose qu’un simple marchand d’épicerie, d’abord à Cordoue, puis à Malaga, où il s’était établi après la prise de la capitale par les Berbers de Solaimân, lorsqu’un heureux hasard vint l’arracher à son humble condition.

Sa boutique se trouvait près d’un château qui appartenait à Abou-’l-Câsim ibn-al-Arîf, le vizir de Habbous, roi de Grenade. Or, les gens de ce château avaient souvent à écrire à leur maître, mais comme ils étaient illettrés, ils firent rédiger leurs lettres par Samuel. Ces lettres excitèrent l’admiration du vizir, car elles étaient écrites avec la plus grande élégance et artistement émaillées des plus belles fleurs de la rhétorique arabe. Aussi s’empressa-t-il, quand il eut l’occasion de venir à Malaga, de s’enquérir de la personne qui les avait composées. Puis, ayant fait venir le juif: «Il n’est pas digne de toi, lui dit-il, de rester dans une boutique. Tu mérites de briller à la cour, et si tu le veux bien, tu seras mon secrétaire.» Samuel accompagna donc le vizir alors que ce dernier retourna à Grenade, et l’estime qu’Ibn-al-Arîf avait déjà conçue pour lui ne fit que s’accroître quand, dans leurs entretiens sur des affaires d’Etat, il découvrit chez lui une rare intelligence des hommes et des choses, et une sûreté de coup d’œil vraiment merveilleuse. «Tous les conseils que donnait Samuel, dit un historien juif, étaient comme si quelqu’un interrogeait la parole de Dieu.» Aussi le vizir les suivait-il désormais, ce dont il n’eut qu’à se louer. Puis, étant tombé malade et sentant sa fin approcher, il dit à son roi qui était venu le visiter et qui ne savait comment remplacer le fidèle serviteur qu’il allait perdre: «Dans ces derniers temps, seigneur, je ne vous ai jamais conseillé d’après mon propre cœur, mais par l’inspiration de mon secrétaire, le juif Samuel. Fixez vos yeux sur lui, qu’il vous soit un père et un ministre; faites tout ce qu’il vous conseillera, et Dieu vous sera en aide.» Le roi Habbous suivit ce conseil. Il accueillit Samuel dans son palais, et ce juif devint son secrétaire et son conseiller[35].

Dans aucun autre Etat musulman peut-être, un juif n’a gouverné directement et publiquement sous le titre de vizir et de chancelier. Souvent, il est vrai, des juifs ont joui d’une certaine considération auprès des souverains musulmans, qui aimaient surtout à leur confier l’administration des finances; mais d’ordinaire la tolérance musulmane n’allait pas jusqu’à souffrir patiemment qu’un juif fût premier ministre. Aussi la chose, si elle était possible quelque part, ne l’était qu’à Grenade. Les juifs y étaient si nombreux, qu’on l’appelait la ville des juifs[36], et comme ils étaient riches et puissants, ils se mêlaient assez souvent des affaires de l’Etat. C’est là, en un mot, qu’ils avaient trouvé, sinon la terre promise, au moins la manne au désert et le rocher d’Horeb. L’élévation de Samuel s’explique encore d’une autre manière. Il n’était pas facile pour le roi de Grenade de trouver un premier ministre, car, à vrai dire, il ne pouvait confier ce poste important ni à un Berber ni à un Arabe. Dans ce temps-là on voulait qu’un ministre fût très-lettré, qu’il fût en état de composer les lettres que l’on envoyait à d’autres princes et qui s’écrivaient en prose rimée, dans un style extrêmement recherché. Le roi de Grenade surtout tenait à des talents de cette nature. Il ressemblait à un parvenu qui tâche de se donner les airs du grand monde: à demi barbare, il prenait une peine infinie pour ne pas le paraître. Il se piquait d’avoir de la littérature, et prétendait même que la nation dont il était issu, celle de Cinhédja, n’était pas d’origine berbère, mais d’origine arabe[37]. Il lui fallait donc à tout prix un ministre qui ne le cédât en rien à ceux de ses voisins. Mais où le trouver? Ses Berbers savaient fort bien se battre, prendre des villes, les saccager et les brûler, mais ils étaient incapables d’écrire correctement une seule ligne dans la langue du Coran. Et quant aux Arabes, qui ne subissaient son joug qu’en frémissant de rage et de honte, il ne pouvait se fier à eux. Ils auraient tenu à honneur de le tromper, de le trahir. Dans ces circonstances un juif tel que Samuel, qui, selon le témoignage des savants arabes eux-mêmes, avait approfondi toutes les finesses de leur langue; qui, tout zélé qu’il était pour sa religion, ne se faisait cependant point scrupule, quand il écrivait à des musulmans, d’employer les formules religieuses qui leur étaient habituelles[38], devait être pour lui un véritable trésor. Et il n’eut point à rougir de l’avoir élevé au rang de premier ministre: son choix fut approuvé même par les Arabes. Malgré leur intolérance et leurs préjugés contre les enfants d’Israël, ils étaient forcés d’avouer que Samuel était un génie supérieur. Et de fait, son savoir était varié et immense. Il était mathématicien, logicien, astronome[39]; il ne savait pas moins de sept langues[40]. Joignez-y qu’il était fort généreux envers les poètes et les hommes de lettres en général. Aussi ceux qu’il avait comblés de ses faveurs ne tarissaient pas sur son éloge, et le poète Monfatil lui adressa même ces vers, que les écrivains musulmans ne citent qu’avec une sainte horreur:

O toi qui as réuni en ta personne toutes les belles qualités dont d’autres ne possèdent qu’une partie, toi qui as rendu la liberté à la Générosité captive, tu es supérieur aux hommes les plus libéraux de l’Orient et de l’Occident, de même que l’or est supérieur au cuivre. Ah! si les hommes pouvaient distinguer la vérité de l’erreur, ils n’appliqueraient leur bouche que sur tes doigts. Au lieu de chercher à plaire à l’Eternel en baisant la pierre noire à la Mecque, ils baiseraient tes mains, car ce sont elles qui disposent du bonheur. Grâce à toi, j’ai obtenu ici-bas ce que je désirais, et j’espère que, grâce à toi, j’obtiendrai aussi là-haut ce que je souhaite. Quand je me trouve auprès de toi et des tiens, je professe ouvertement la religion qui prescrit d’observer le sabbat, et quand je suis auprès de mon propre peuple, je la professe en secret[41].

Mais ce que les Arabes ne pouvaient estimer à sa juste valeur, c’étaient les services que Samuel rendait à la littérature hébraïque. Et ils étaient très-considérables. Il publia en hébreu une Introduction au Talmud et vingt-deux ouvrages relatifs à la grammaire, parmi lesquels le plus développé et le plus remarquable était le Livre de richesse, qu’un juge fort compétent, un coreligionnaire de Samuel qui florissait au douzième siècle, met au-dessus de tous les autres ouvrages qui traitent de la grammaire. Il était aussi poète: il donna des imitations des Psaumes, des Proverbes et de l’Ecclésiaste. Remplies d’allusions, de proverbes arabes, de sentences empruntées aux philosophes, d’expressions rares tirées des poètes sacrés, ces poésies étaient fort difficiles à comprendre; les juifs, même les plus savants, n’en saisissaient le sens qu’avec l’aide d’un commentaire[42]; mais comme l’affectation et la recherche étaient alors aussi communes dans la littérature hébraïque que dans la littérature arabe qui lui servait de modèle, l’obscurité comptait plutôt pour un mérite que pour un vice. Il veillait, d’ailleurs, avec une sollicitude paternelle sur les jeunes étudiants juifs, et s’ils étaient pauvres, il pourvoyait généreusement à leurs besoins. Il avait à son service des écrivains qui copiaient le Michnâ et le Talmud, et il donnait ces copies en cadeau aux élèves qui n’avaient pas les moyens d’en acheter. Ses bienfaits ne se bornaient pas à ses coreligionnaires d’Espagne. En Afrique, en Sicile, à Jérusalem, à Bagdad, partout enfin les juifs pouvaient compter sur son appui et ses largesses[43]. Aussi les juifs de la principauté de Grenade, voulant lui donner une preuve de leur estime et de leur reconnaissance, lui avaient décerné, dès l’année 1027, le titre de naghîd, c’est-à-dire de chef ou prince des juifs de Grenade.

Comme homme d’Etat, il joignait à un esprit vif et lucide un caractère ferme et une prudence consommée. D’ordinaire—qualité précieuse pour un diplomate—il parlait peu et pensait beaucoup. Il profitait de toutes les circonstances avec un savoir-faire merveilleux; il connaissait le caractère et les passions des hommes, et les moyens de les dominer par leurs vices. De plus, il était homme du monde. Dans les magnifiques salles de l’Alhambra il se montrait si parfaitement à son aise, qu’on l’eût cru né au sein du luxe. Personne ne parlait avec autant d’élégance ou d’adresse, ne maniait mieux la flatterie, ne savait avec plus d’art être caressant ou familier dans le discours, entraînant par sa verve ou persuasif par ses arguments. Et pourtant—chose rare chez ceux qu’un tour de roue de la fortune élève à une subite opulence et à une haute dignité—il n’avait rien de la hauteur d’un parvenu, rien de l’insolente et sotte infatuation généralement familière aux enrichis. Bienveillant et aimable pour tout le monde, il possédait cette dignité vraie qui résulte du naturel, du manque absolu de prétentions. Loin de rougir de son ancienne condition et de la vouloir cacher, il la glorifiait de son mieux, et imposait par sa simplicité même à ses détracteurs[44].

Le vizir de Zohair d’Almérie, Ibn-Abbâs, était aussi un homme fort remarquable. On disait de lui qu’il n’avait point d’égal sous quatre rapports: le style épistolaire, la richesse, l’avarice et la vanité. Sa richesse était en effet presque fabuleuse. On évaluait sa fortune à plus de cinq cent mille ducats[45]. Son palais était meublé avec une magnificence princière et encombré de serviteurs; il y avait cinq cents chanteuses, toutes d’une rare beauté; mais ce que l’on y admirait surtout, c’était une immense bibliothèque, qui, sans compter d’innombrables cahiers détachés, contenait quatre-cent mille volumes. Rien ne semblait manquer au bonheur de ce favori de la fortune. Il était beau et encore jeune, car il comptait à peine trente ans; sa naissance était fort honorable, car il appartenait à l’ancienne tribu des défenseurs de Mahomet; il nageait dans l’or, et d’ailleurs, comme il était fort instruit, qu’il avait la repartie prompte et qu’il s’exprimait avec beaucoup de correction et d’élégance, il jouissait d’une haute réputation littéraire. Malheureusement une sorte de vertige s’était emparé de lui: sa présomption ne connaissait pas de bornes et elle lui avait fait des ennemis innombrables. Les Cordouans surtout étaient furieux contre lui, car une fois qu’il était venu dans leur ville avec Zohair, il avait traité avec le plus grand dédain les hommes les plus distingués par leur naissance ou par leurs talents, et en partant il avait dit: «Je n’ai vu ici que des sâïl et des djâhil (des mendiants et des ignorants).» Le fait est que sa présomption tenait de près à la folie. «Tous les hommes fussent-ils mes esclaves, disait-il dans ses vers, mon âme ne serait pas encore contente. Elle voudrait monter à un endroit plus élevé que les plus hautes étoiles, et arrivée là, elle voudrait monter encore.» Il avait aussi composé ce vers qu’il répétait à tout propos, mais principalement quand il jouait aux échecs:

Lorsqu’il s’agit de moi, le Malheur dort toujours,—et défense expresse lui a été faite de me frapper.

Cet insolent défi jeté à la destinée avait excité à Almérie l’indignation de tout le monde, et un hardi poète se fit l’interprète de l’opinion publique en substituant à la seconde moitié du vers ces mots qui étaient un pronostic véritable:

Mais le temps arrivera où la Destinée, qui ne dort jamais, l’éveillera (éveillera le Malheur).

Arabe pur sang, Ibn-Abbâs haïssait les Berbers et méprisait les juifs. Peut-être ne voulait-il pas précisément que son maître se joignît à la ligue arabe-slave, car dans ce cas Zohair aurait été jeté dans l’ombre par le chef de cette ligue, le cadi de Séville; mais il s’indignait du moins de le voir l’allié d’un Berber qui avait pour ministre un juif qu’il détestait et dont il se savait haï. De concert avec Ibn-Bacanna[46], le vizir des Hammoudites de Malaga, il avait tâché d’abord de renverser Samuel. Pour y parvenir, il avait inventé d’innombrables calomnies, mais sans atteindre son but. Alors il avait essayé de brouiller son maître avec le roi de Grenade, en l’engageant à prêter son appui à Mohammed de Carmona, l’ennemi de Habbous, et ce plan lui avait réussi.

Peu de temps après, dans le mois de juin de l’année 1038[47], Habbous vint à mourir. Il laissa deux fils, dont l’aîné s’appelait Bâdîs et le cadet Bologguîn. Les Berbers et quelques juifs voulaient donner le trône à ce dernier; d’autres juifs, Samuel entre autres, penchaient pour Bâdîs, de même que les Arabes. Une guerre civile eût donc éclaté, si Bologguîn n’eût renoncé spontanément à la couronne, et quand il eut prêté serment à son frère, ses partisans, malgré qu’ils en eussent, furent obligés de suivre son exemple[48].

Le nouveau prince fit tout ce qu’il put pour rétablir l’alliance avec le seigneur d’Almérie, et celui-ci déclara enfin que tout serait réglé dans une entrevue. Accompagné d’un nombreux et magnifique cortége, il se mit donc en marche, et arriva inopinément devant les portes de Grenade, sans avoir demandé la permission de franchir la frontière. Bâdîs fut profondément blessé de cette démarche inconvenante; néanmoins il reçut le prince d’Almérie avec beaucoup d’égards, régala somptueusement les gens de sa suite, et les combla de dons. La négociation, toutefois, n’aboutit pas; ni les princes, ni leurs ministres (Samuel avait conservé son poste) ne purent s’entendre. Joignez-y que Zohair, qui se laissait influencer par Ibn-Abbâs, prenait envers Bâdîs un ton de supériorité fort offensant. Aussi le roi de Grenade songeait déjà à punir le prince d’Almérie de son insolence, lorsqu’un de ses officiers, qui s’appelait Bologguîn, se chargea de faire une dernière tentative pour amener une réconciliation. La nuit venue, il se rendit donc auprès d’Ibn-Abbâs. «Craignez le châtiment de Dieu, lui dit-il. C’est vous qui faites obstacle à un raccommodement, car votre maître se laisse guider par vous. Cependant vous savez aussi bien que nous, qu’à l’époque où nous agissions de concert, nous étions heureux dans toutes nos entreprises, de sorte que nous faisions envie à tout le monde. Eh bien, rétablissons notre alliance! Le point sur lequel nous n’avons pu nous entendre jusqu’ici, c’est l’appui que vous prêtez à Mohammed de Carmona. Abandonnez ce prince à son sort, comme notre émir l’exige, et tout le reste s’arrangera de soi-même.» Ibn-Abbâs lui répondit d’un ton moitié protecteur, moitié dédaigneux, et quand le Berber essaya de toucher son cœur en l’embrassant et en versant des larmes: «Epargne-toi ces démonstrations et ces grands mots, lui dit-il, car ils n’ont aucun effet sur moi. Ce que je te disais hier, je te le dis aujourd’hui: si toi et les tiens, vous ne faites pas ce que nous voulons, je ferai en sorte que vous vous en repentirez.» Exaspéré par ces paroles: «Est-ce là la réponse que je dois rapporter au conseil?» demanda Bologguîn. «Sans doute, lui répondit Ibn-Abbâs, et si tu veux me prêter des termes encore plus forts que ceux dont je me suis servi, je te le permets volontiers.»

Pleurant d’indignation et de rage, Bologguîn retourna auprès de Bâdîs et de son conseil. Puis, quand il eut rapporté l’entretien qu’il avait eu avec le vizir: «Cinhédjites, s’écria-t-il, l’arrogance de cet homme est insupportable. Levez-vous tous pour la rabattre, sinon vos demeures ne vous appartiennent plus!» Les Grenadins partagèrent son courroux, et l’autre Bologguîn, le frère de Bâdîs, se montra le plus indigné de tous. Il somma son frère de prendre à l’instant même les mesures nécessaires pour punir les Almériens, et Bâdîs le lui promit.

En retournant vers ses Etats, Zohair avait à passer plusieurs défilés et un pont auquel un village voisin empruntait son nom d’Alpuente. Bâdîs ordonna de couper ce pont et envoya des soldats qu’il chargea d’occuper les défilés. Toutefois, comme il était moins exaspéré contre Zohair que son frère, et qu’il ne désespérait pas encore tout à fait de ramener l’ancien ami de son père à de meilleurs sentiments, il résolut de le faire avertir secrètement du péril qui le menaçait. A cet effet il eut recours à l’entremise d’un officier berber qui servait dans l’armée almérienne. Cet officier alla trouver Zohair pendant la nuit, et lui parla en ces termes: «Croyez-moi, seigneur, quand je vous assure que vous aurez de la difficulté à passer demain les défilés qui se trouvent sur votre route. Je vous conseille donc de partir à l’instant même; de cette manière vous serez peut-être en état de traverser les défilés avant que les Grenadins aient eu le temps de les occuper, et si alors ils vous poursuivent, vous pourrez leur livrer bataille dans la plaine ou vous mettre en sûreté dans une de vos forteresses.» Ce conseil parut ne pas déplaire à Zohair; mais Ibn-Abbâs, qui assistait à cet entretien, s’écria: «C’est la peur qui le fait parler ainsi.» «Quoi! dit alors l’officier, c’est en parlant de moi que vous dites cela? De moi qui ai pris part à vingt batailles, tandis que vous-même, vous n’en avez jamais vu une seule? Eh bien! vous verrez que l’événement me donnera raison.» Et il sortit indigné.

Les ennemis d’Ibn-Abbâs (et nous avons déjà dit qu’il en avait beaucoup) ont prétendu qu’il avait repoussé le conseil de l’officier berber, non parce qu’il le croyait mauvais, mais parce qu’il désirait que Zohair fût tué. Ibn-Abbâs, disaient-ils, avait l’ambition de régner à Almérie; il voulait donc que Zohair trouvât la mort en combattant contre les Grenadins, et quant à lui-même, il espérait qu’il lui serait possible de se sauver par la fuite et de se faire proclamer souverain à Almérie. Peut-être y a-t-il quelque chose de vrai dans cette accusation; nous verrons du moins que plus tard Ibn-Abbâs se vanta auprès de Bâdîs d’avoir attiré Zohair dans un piége.

Quoi qu’il en soit, Zohair se vit cerné, le lendemain matin (5 août 1038), par les troupes de Grenade. Ses soldats en furent consternés; mais lui-même ne perdit pas sa présence d’esprit. Il rangea aussitôt en bataille ses fantassins noirs, qui étaient au nombre de cinq cents, et ses Andalous; puis il ordonna à son lieutenant Hodhail de fondre sur les ennemis à la tête de la cavalerie slave. Hodhail obéit; mais le combat à peine engagé, il fut démonté, soit par un coup de lance, soit par un faux pas de son cheval, et alors ses cavaliers prirent la fuite dans le plus grand désordre. Au même instant Zohair fut trahi par ses nègres, dans lesquels il avait cependant une grande confiance. Ces nègres passèrent à l’ennemi, après s’être rendus maîtres du dépôt d’armes. Il ne restait donc que les Andalous; mais ceux-ci, qui étaient en général de fort mauvais soldats, n’eurent rien de plus pressé que de s’enfuir, et bon gré, mal gré, Zohair dut en faire autant. Comme le pont d’Alpuente était coupé et que les défilés étaient occupés par les ennemis, les fuyards durent chercher un refuge sur les montagnes. La plupart furent sabrés par les Grenadins qui ne donnaient point de quartier; d’autres trouvèrent la mort dans d’effroyables précipices, et de ce nombre fut Zohair lui-même.

Tous les fonctionnaires civils avaient été faits prisonniers, Bâdis ayant ordonné d’épargner leur vie. Ibn-Abbâs se trouvait parmi eux. Il croyait n’avoir rien à craindre et ne s’inquiétait que de ses livres. «Mon Dieu, mon Dieu, criait-il, que deviendront mes paquets!» Et s’adressant aux soldats qui le conduisaient vers Bâdîs: «Allez dire à votre maître, leur dit-il, qu’il prenne bien soin de mes paquets; il ne faut pas qu’il s’en déchire quelque chose, car ils contiennent des livres d’une valeur inestimable.» Puis, quand il fut arrivé en présence de Bâdîs: «Eh bien, lui dit-il en souriant, n’ai-je pas bien servi vos intérêts, puisque je vous ai livré les chiens que voilà?» et il désigna du doigt les prisonniers slaves. «Rendez-moi maintenant un service à votre tour, continua-t-il; ordonnez qu’on respecte mes livres; rien ne me tient tant au cœur.» Pendant qu’il parlait ainsi, les prisonniers almériens lui jetaient des regards furieux, et l’un d’entre eux, le capitaine Ibn-Chabîb, s’écria en s’adressant à Bâdîs: «Seigneur, je vous en conjure par celui qui vous a donné la victoire, ne laissez pas échapper cet infâme qui a perdu notre maître. Lui seul est coupable de tout ce qui est arrivé, et si je puis être témoin de son supplice, je me laisserai volontiers couper la tête l’instant d’après!» A ces paroles Bâdîs sourit d’une manière bienveillante, et ordonna de rendre la liberté au capitaine. Il fut le seul parmi les militaires qui eût la vie sauve; tous les autres furent livrés successivement au bourreau. Ibn-Abbâs, au contraire, fut le seul parmi les fonctionnaires civils qui ne fût pas remis en liberté. L’orgueilleux vizir connut enfin le malheur qu’il avait défié dans sa folle audace; il voyait s’accomplir la prédiction du poète almérien. Il fut enfermé dans un cachot de l’Alhambra, et les chaînes dont on le chargea ne pesaient pas moins de quarante livres. Il savait que Bâdîs était fort irrité contre lui, et que Samuel désirait sa mort. Toutefois il conservait encore quelque espoir; Bâdîs, à qui il avait fait offrir trente mille ducats comme le prix de sa délivrance, lui avait fait répondre qu’il prendrait sa demande en considération, et il avait laissé passer presque deux mois sans rien décider à son égard. Pendant ce temps des influences contraires se combattaient à la cour de Grenade: d’une part, l’ambassadeur cordouan sollicitait la liberté des prisonniers et principalement d’Ibn-Abbâs; de l’autre, l’ambassadeur et le beau-frère de l’Amiride Abdalazîz de Valence, Abou-’l-Ahwaç Man ibn-Çomâdih, insistait auprès de Bâdîs pour qu’il mît à mort tous les prisonniers, et Ibn-Abbâs en premier lieu. Abdalazîz s’était hâté de prendre possession de la principauté d’Almérie, sous le prétexte qu’elle lui revenait par droit de dévolution, Zohair ayant été un client de sa famille, et il craignait que si Ibn-Abbâs et les autres prisonniers recouvraient la liberté, ils ne lui disputassent le pouvoir. Bâdîs lui-même ne savait à quel parti s’arrêter; la cupidité et le désir de la vengeance se combattaient dans son cœur; mais un soir qu’il se promenait à cheval avec son frère Bologguîn, il lui parla de la proposition d’Ibn-Abbâs et lui demanda son avis. «Quand vous aurez accepté son argent, lui répondit Bologguîn, et qu’il aura recouvré la liberté, il vous suscitera une guerre qui vous coûtera le double de sa rançon. Je suis d’avis que vous ferez bien de le mettre à mort sans retard.»

La promenade finie, Bâdîs se fit amener son prisonnier et lui reprocha ses torts dans les paroles les plus dures. Ibn-Abbâs attendit avec résignation la fin de cette longue invective; puis, quand le roi eut cessé de parler: «Seigneur, s’écria-t-il, je vous en supplie, ayez pitié de moi; délivrez-moi de mes peines!—Tu en seras délivré aujourd’hui même,» lui répondit le prince; et comme il voyait briller une lueur d’espérance sur la pâle et morne figure de son prisonnier, il se tut quelques instants. Puis il reprit avec un sourire féroce: «Tu iras là où tu souffriras bien davantage.» Ensuite il dit à Bologguîn quelques paroles en berber, langue qu’Ibn-Abbâs ne comprenait pas; mais les derniers mots que Bâdîs lui avait adressés, son terrible sourire, son air menaçant et farouche, tout cela lui disait assez clairement que sa dernière heure allait sonner. «Prince, prince, s’écria-t-il en tombant à genoux, épargnez ma vie, je vous en conjure! Ayez pitié de mes femmes, de mes jeunes enfants! Ce n’est pas trente mille ducats que je vous offre, c’est soixante mille; mais au nom de Dieu, laissez-moi la vie!»

Bâdîs l’écouta sans mot dire; puis, brandissant son javelot, il le lui plongea dans la poitrine. Son frère Bologguîn et son chambellan Alî ibn-al-Carawî suivirent son exemple; mais Ibn-Abbâs, qui ne discontinuait pas d’implorer la clémence de ses bourreaux, ne tomba par terre qu’au dix-septième coup (24 septembre 1038)[49].

Grenade ne tarda pas à apprendre que le riche et orgueilleux Ibn-Abbâs avait cessé de vivre. Les Africains s’en réjouirent, mais personne ne reçut cette nouvelle avec autant de satisfaction que Samuel. Il ne lui restait maintenant qu’un seul ennemi dangereux, Ibn-Bacanna, et un pressentiment secret lui disait que celui-là aussi périrait bientôt. De même que les Arabes, les juifs croyaient alors qu’on entendait parfois dans son sommeil un esprit qui prédisait l’avenir en vers, et une nuit qu’il dormait, Samuel entendit une voix qui lui récitait trois vers hébreux, dont voici le sens:

Déjà Ibn-Abbâs a péri, ainsi que ses amis et ses affidés; à Dieu louange et sanctification! Et l’autre ministre, celui qui complotait avec lui, sera promptement abattu et broyé comme la vesce. Que sont devenus tous leurs murmures, leur méchanceté et leur puissance?—Que le nom de Dieu soit sanctifié[50]!

Peu d’années plus tard, comme nous serons obligé de le raconter, Samuel vit s’accomplir cette prédiction; tant il est vrai que les sentiments de haine ou d’amour donnent parfois une singulière prescience de l’avenir.

III.

Bien malgré lui, Bâdîs avait rendu aux coalisés qui reconnaissaient le soi-disant Hichâm pour calife, un éclatant service alors qu’il fit assaillir et tuer Zohair. L’Amiride Abdalazîz de Valence, qui, comme nous l’avons dit, avait pris possession de la principauté d’Almérie, ne fut pas en état, il est vrai, de prêter du secours à son allié, le cadi de Séville, car il fut bientôt obligé de se défendre contre Modjéhid de Dénia, qui voyait de fort mauvais œil l’agrandissement des Etats de son voisin[51]; mais au moins le cadi n’avait plus à craindre une guerre contre Almérie, et parfaitement rassuré de ce côté-là, il ne songea désormais qu’à prendre l’offensive contre les Berbers, en commençant par Mohammed de Carmona, avec lequel il s’était brouillé. En même temps il entretenait des intelligences avec une faction à Grenade, et tâchait d’y faire éclater une révolution.

Bien des gens à Grenade étaient mécontents de Bâdîs. Au commencement de son règne, ce prince avait donné quelques espérances[52]; mais dans la suite il s’était montré de plus en plus cruel, perfide, sanguinaire et adonné à la plus honteuse ivrognerie. D’abord on se plaignit, puis on murmura, à la fin on conspira.

L’âme du complot était un aventurier qui s’appelait Abou-’l-Fotouh. Né à une grande distance de l’Espagne, d’une famille arabe établie dans le Djordjân, l’ancienne Hyrcanie, il avait étudié les belles-lettres, la philosophie et l’astronomie sous les professeurs les plus renommés de Bagdad. Mais il était encore autre chose qu’un savant: excellent cavalier et guerrier intrépide, il appréciait un noble coursier ou une épée bien trempée aussi bien qu’un beau poème ou un profond traité scientifique. Arrivé en Espagne dans l’année 1015, probablement pour y chercher fortune, il passa quelque temps à la cour de Modjéhid de Dénia. Là il s’entretenait tantôt de littérature avec ce savant prince, ou travaillait à son commentaire sur le traité grammatical qui porte le titre de Djomal; tantôt il combattait aux côtés du prince en Sardaigne; maintefois aussi il méditait sur les questions philosophiques les plus abstraites, ou tâchait de deviner l’avenir en observant le cours des astres. Ensuite, étant allé à Saragosse, la résidence de Mondhir, ce prince le prit d’abord en amitié et lui confia l’éducation de son fils; mais comme d’après l’observation fort juste, quoiqu’un peu rebattue, de l’historien arabe que nous suivons ici, les temps changent et les hommes avec eux, Mondhir lui fit un jour entendre qu’il n’avait plus besoin de ses services, et que, par conséquent, il lui permettait de quitter Saragosse. Abou-’l-Fotouh alla alors s’établir à Grenade, où il ouvrit un cours sur les anciennes poésies, et notamment sur le recueil connu sous le nom de Hamâsa[53]; mais il y fit encore autre chose: sachant que Bâdîs avait beaucoup d’ennemis, il stimula l’ambition de Yazîr, un cousin germain du roi, en l’assurant qu’il avait lu dans les étoiles que Bâdîs perdrait le trône et que son cousin régnerait trente ans. Il réussit ainsi à former une conspiration; mais Bâdîs ayant découvert le complot avant le temps fixé pour son exécution, Abou-’l-Fotouh, Yazîr et les autres conjurés eurent à peine le temps de se soustraire par la fuite à sa vengeance. Ils allèrent chercher un refuge auprès du cadi de Séville, sans doute leur complice, bien qu’il soit impossible de dire jusqu’à quel point il l’était[54].

Sur ces entrefaites, le cadi avait attaqué Mohammed de Carmona, et son armée, commandée comme à l’ordinaire par son fils Ismâîl, avait déjà remporté de brillants avantages. Ossuna et Ecija avaient été forcées de se rendre, Carmona elle-même était assiégée. Réduit à la dernière extrémité, Mohammed demanda du secours à Idrîs de Malaga et à Bâdîs. L’un et l’autre répondirent à son appel: Idrîs, qui était malade, lui envoya des troupes sous les ordres de son ministre Ibn-Bacanna; Bâdîs vint en personne avec les siennes. Ces deux armées s’étant réunies, Ismâîl, plein de confiance dans le nombre et dans la bravoure de ses soldats, leur offrit aussitôt la bataille; mais Bâdîs et Ibn-Bacanna, voyant que l’ennemi avait la supériorité du nombre ou le croyant du moins, n’osèrent l’accepter, et sans trop se mettre en peine du seigneur de Carmona, ils l’abandonnèrent à son sort; l’un reprit la route de Grenade, l’autre celle de Malaga. Ismâîl se mit aussitôt à la poursuite des Grenadins. Heureusement pour Bâdîs, il y avait à peine une heure qu’Ibn-Bacanna s’était séparé de lui; il lui envoya donc en toute hâte un courrier, en le conjurant de venir à son secours, puisque, sans cela, il allait être écrasé par les Sévillans. Ibn-Bacanna le rejoignit sans retard, et les deux armées ayant opéré leur jonction dans le voisinage d’Ecija, elles attendirent l’ennemi de pied ferme.

Les Sévillans, qui croyaient avoir affaire à une armée en retraite, furent désagréablement surpris lorsqu’ils vinrent se heurter contre deux armées parfaitement préparées à les recevoir. Démoralisés par cette circonstance inattendue, le premier choc suffit pour jeter le désordre dans leurs rangs. Vainement Ismâîl tâcha-t-il de les rallier et de les ramener au combat: victime de sa bravoure, il fut tué le premier de tous. Dès lors les Sévillans ne songèrent plus qu’à se sauver[55].

Demeuré maître du champ de bataille après une si facile victoire et ayant établi son camp près des portes d’Ecija, Bâdîs fut fort étonné en voyant venir Abou-’l-Fotouh se jeter à ses pieds. Ce qui l’amenait, c’était l’amour de sa famille. Il avait été obligé de quitter Grenade avec tant de précipitation, qu’il avait dû abandonner à leur sort sa femme et ses enfants. Il savait que Bâdîs les avait fait arrêter par le nègre Codâm, son grand prévôt, son Tristan-l’Ermite à lui, et que Codâm les avait fait enfermer à Almuñecar. Or, il aimait passionnément sa femme, une jeune et belle Andalouse, et sa tendresse pour ses enfants, un fils et une fille, était extrême. Ne pouvant se résoudre à vivre sans eux, et craignant surtout que Bâdîs ne se vengeât de son crime sur ces têtes chéries, il venait maintenant implorer son pardon, et quoiqu’il connût l’humeur implacable et sanguinaire du tyran, il espérait néanmoins que cette fois il ne serait pas inflexible, attendu qu’il avait déjà fait grâce à son oncle Abou-Rîch, qui avait également trempé dans le complot.

S’agenouillant donc devant le prince:

—Seigneur, lui dit-il, ayez pitié de moi! Je vous assure que je suis innocent.

—Quoi, s’écria Bâdîs le regard enflammé de colère, tu oses te présenter devant moi? Tu as semé la discorde dans ma famille, et à présent tu viens me dire que tu n’es pas coupable! Crois-tu donc qu’il soit si facile de me tromper?

—Pour l’amour de Dieu, soyez clément, seigneur! Souvenez-vous qu’un jour vous m’avez pris sous votre protection, et que, condamné à vivre loin des lieux qui m’ont vu naître, je suis déjà assez malheureux. Ne m’imputez pas le crime commis par votre cousin; je n’y ai participé d’aucune manière. Il est vrai que je l’ai accompagné dans sa fuite; mais je l’ai fait parce que, comme vous me saviez lié avec lui, je craignais d’être puni comme son complice. Me voici devant vous: si vous le voulez absolument, je suis prêt à m’avouer coupable d’un crime dont je suis innocent, pourvu que de cette manière je puisse obtenir votre pardon. Traitez-moi comme il sied à un grand roi, à un monarque qui est placé trop haut pour avoir de la rancune contre un pauvre homme comme moi, et rendez-moi ma famille.

—Certes, je te traiterai comme tu le mérites, s’il plaît à Dieu. Retourne à Grenade; tu y retrouveras ta famille, et quand j’y serai revenu, je règlerai tes affaires.

Rassuré par ces paroles, dont il ne remarqua pas d’abord l’ambiguïté, Abou-’l-Fotouh prit le chemin de Grenade sous l’escorte de deux cavaliers. Mais quand il fut arrivé dans le voisinage de la ville, Codâm le nègre exécuta les ordres qu’il venait de recevoir de son maître. Il fit donc arrêter Abou-’l-Fotouh par ses satellites, qui, après lui avoir rasé la tête, le placèrent sur un chameau. Un nègre d’une force herculéenne monta derrière lui, et se mit à le souffleter sans relâche. De cette manière il fut promené par les rues, après quoi on le jeta dans un cachot fort étroit, qu’il dut partager avec un de ses complices, un soldat berber qui avait été fait prisonnier dans la bataille d’Ecija.

Plusieurs jours se passèrent. Bâdîs était déjà de retour et pourtant il n’avait encore rien décidé à l’égard d’Abou-’l-Fotouh. Cette fois, au rebours de ce qui s’était passé alors qu’il s’agissait d’Ibn-Abbâs, c’était Bologguîn qui l’empêchait de prononcer l’arrêt fatal. Bologguîn s’intéressait au docteur, on ne sait pourquoi; il tâchait de prouver son innocence, et il le défendait avec tant de chaleur, que Bâdîs, craignant de le mécontenter, hésitait à prendre une résolution. Mais un jour que Bologguîn se grisait dans une orgie—ce qui lui arrivait fréquemment, de même qu’à son frère—Bâdîs se fit amener Abou-’l-Fotouh ainsi que son compagnon. Dès qu’il vit le docteur, il vomit contre lui un torrent d’injures; après quoi il continua en ces termes: «Tes étoiles ne t’ont servi de rien, menteur que tu es! N’avais-tu pas promis à ton émir, à ce pauvre imbécile dont tu avais fait ta dupe, qu’il m’aurait bientôt en son pouvoir et qu’il régnerait trente ans sur mes Etats? Pourquoi n’as-tu pas plutôt dressé ton propre horoscope? Tu aurais pu te préserver alors d’un grand malheur. Ta vie, misérable, est à présent entre mes mains!»

Abou-’l-Fotouh ne lui répondit rien. Quand il espérait revoir une épouse et des enfants qu’il adorait, il s’était abaissé à la prière et au mensonge; mais à présent, pleinement convaincu que rien ne pourrait fléchir ce perfide et farouche tyran, il retrouva toute sa fierté, toute la force de son âme, toute l’énergie de son caractère. Les yeux fixés sur le sol, un sourire méprisant sur les lèvres, il garda un silence plein de dignité. Cette attitude noble et calme mit le comble à l’irritation de Bâdîs. Ecumant de rage, il bondit de son siége, et tirant son épée, il la plongea dans le cœur de sa victime. Abou-’l-Fotouh reçut le coup fatal sans sourciller, sans qu’une plainte s’échappât de sa poitrine, et son courage arracha à Bâdîs lui-même un cri d’admiration involontaire. Puis, s’adressant à Barhoun, un de ses esclaves: «Tu couperas la tête à ce cadavre, lui dit le roi, et tu la feras attacher à un poteau. Quant au corps, tu l’enterreras à coté de celui d’Ibn-Abbâs. Il faut que mes deux ennemis reposent l’un à côté de l’autre jusqu’au jour du dernier jugement.... Et maintenant c’est ton tour. Approche, soldat!»

Le Berber auquel s’adressaient ces paroles était en proie à une indicible angoisse et tremblait de tous ses membres. Tombant à genoux, il tâcha de s’excuser de son mieux et conjura le prince d’épargner sa vie. «Misérable, lui dit alors Bâdîs, as-tu donc perdu toute honte? Le docteur chez qui un peu de crainte eût été excusable, a subi la mort avec un courage héroïque, comme tu as pu le voir; il n’a pas daigné m’adresser une seule parole, et toi, vieux guerrier, toi qui te comptais parmi les plus braves, tu montres tant de lâcheté? Que Dieu n’ait pas pitié de toi, misérable!» Et il lui coupa la tête. (20 octobre 1039.)

Ainsi que Bâdîs l’avait ordonné, Abou-’l-Fotouh fut enseveli à côté d’Ibn-Abbâs. Les regrets de la partie intelligente et lettrée de la population de Grenade le suivirent dans la tombe, et maintefois, en passant près de l’endroit qui renfermait sa dépouille mortelle, l’Arabe, condamné à porter en silence le joug d’un étranger et d’un barbare, murmurait tout bas: «Ah! quels savants incomparables étaient-ils, ceux dont les ossements reposent ici!... Dieu seul est immortel; que son nom soit glorifié et sanctifié!»[56]

IV.

Le sanguinaire tyran de Grenade devenait de plus en plus le chef de son parti. Il est vrai qu’il reconnaissait encore la suzeraineté des Hammoudites de Malaga, mais ce n’était que pour la forme. Ces princes étaient très-faibles: ils se laissaient dominer par leurs ministres, ils s’exterminaient les uns les autres par le fer ou par le poison, et loin de pouvoir songer à contrôler leurs puissants vassaux, ils s’estimaient heureux s’ils réussissaient à régner, avec quelque apparence de tranquillité, sur Malaga, Tanger et Ceuta.

Il y avait, d’ailleurs, une profonde différence entre ces deux cours. A celle de Grenade il n’y avait que des Berbers ou des hommes qui, comme le juif Samuel, agissaient constamment dans l’intérêt berber. Il y régnait, par conséquent, une remarquable unité de vues et de plans. A la cour de Malaga, au contraire, il y avait aussi des Slaves, et tôt ou tard les jalousies, les rivalités, les haines, qui avaient tant contribué à renverser les Omaiyades, devaient s’y faire jour.

Le calife Idrîs Ier, déjà malade au moment où il envoya ses troupes contre les Sévillans, rendit le dernier soupir deux jours après qu’il eut reçu la tête d’Ismâîl, qui avait été tué dans la bataille d’Ecija. Aussitôt la lutte s’engage entre Ibn-Bacanna, le ministre berber, et Nadjâ, le ministre slave. Le premier veut donner le trône à Yahyâ, le fils aîné d’Idrîs, pleinement convaincu que dans ce cas le pouvoir lui appartiendra. Le Slave s’y oppose. Premier ministre dans les possessions africaines, il y proclame calife Hasan ibn-Yahyâ, un cousin germain de l’autre prétendant, et prépare tout pour passer le Détroit avec lui. D’un caractère moins ferme, moins audacieux, le ministre berber se laisse intimider par l’attitude menaçante du Slave. Ne sachant à quelle résolution s’arrêter, il veut tantôt persister dans son projet, et tantôt y renoncer. Dans son indécision, il néglige de prendre les mesures nécessaires. Tout à coup il voit la flotte africaine mouiller dans la rade de Malaga. Il s’enfuit en toute hâte, et se retire à Comarès avec son prétendant. Hasan, maître de la capitale, lui fait dire qu’il lui pardonne et qu’il lui permet de revenir. Le Berber se fie à sa parole, mais on lui coupe la tête. La prédiction que le juif Samuel avait cru entendre dans son rêve, s’était donc accomplie.

Bientôt après, le compétiteur de Hasan fut aussi mis à mort. Peut-être Nadjâ fut-il seul coupable de ce crime, comme quelques historiens donnent à l’entendre; mais Hasan dut en subir la punition. Il fut empoisonné par sa femme, la sœur du malheureux Yahyâ.

Alors Nadjâ crut pouvoir se passer d’un prête-nom. D’un souverain il voulait posséder non-seulement l’autorité, mais aussi le titre. Ayant donc tué le fils de Hasan, qui était encore fort jeune, et jeté son frère Idrîs en prison, il se proposa hardiment aux Berbers comme souverain, et tâcha de les gagner par les promesses les plus brillantes. Quoique profondément indignés de son incroyable audace, de son ambition sacrilége—car ils avaient pour les descendants du Prophète une vénération presque superstitieuse—les Berbers crurent toutefois devoir attendre, pour le punir, un moment plus favorable. Ils répondirent donc qu’ils lui obéiraient et lui prêtèrent serment.

Nadjâ annonça alors son intention d’aller enlever Algéziras au Hammoudite Mohammed qui y régnait. On se mit en campagne; mais déjà dans les premières rencontres avec l’ennemi, le Slave put remarquer que les Berbers se battaient mollement et qu’il ne pouvait pas compter sur eux. Il crut donc agir sagement en donnant l’ordre de la retraite. Il avait formé le projet d’exiler les Berbers les plus suspects dès qu’il serait de retour dans la capitale, de gagner les autres à force d’argent, et de s’entourer d’autant de Slaves que cela lui serait possible. Mais ses ennemis les plus acharnés furent informés de son plan ou le devinèrent, et au moment où l’armée passait par un étroit défilé, ils fondirent sur l’usurpateur et le tuèrent (5 février 1043[57]).

Pendant que la plus grande confusion régnait parmi les troupes, les Berbers poussant des cris de joie et les Slaves prenant la fuite parce qu’ils craignaient de partager le sort de leur chef, deux des meurtriers galopèrent vers Malaga à bride abattue. En arrivant dans la ville: «Bonne nouvelle, bonne nouvelle, crièrent-ils, l’usurpateur est mort!» Puis, se précipitant sur le lieutenant de Nadjâ, ils l’assassinèrent. Idrîs, le frère de Hasan, fut tiré de sa prison et proclamé calife.

Dès lors le rôle des Slaves était fini à Malaga; mais la tranquillité, un moment rétablie, ne fut pas de longue durée.

Idrîs II n’était pas, à coup sûr, un grand esprit, mais il était bon, charitable, presque exclusivement occupé de répandre des bienfaits. S’il n’eût tenu qu’à lui, personne n’eût été malheureux. Il rappela tous les exilés, de quelque parti qu’ils fussent, et leur rendit leurs biens; jamais il ne voulait prêter l’oreille à un délateur; chaque jour il faisait distribuer cinq cents ducats aux pauvres. Sa sympathie pour les hommes du peuple, avec lesquels il aimait à s’entretenir, contrastait singulièrement avec le faste, l’ostentation et la scrupuleuse étiquette de sa cour. En leur qualité de descendants du gendre du Prophète, les Hammoudites étaient, aux yeux de leurs sujets, presque des demi-dieux. Pour entretenir une illusion si favorable à leur autorité, ils se montraient rarement en public et s’entouraient d’une sorte de mystère. Idrîs lui-même, malgré la simplicité de ses goûts, ne s’écarta pas du cérémonial établi par ses prédécesseurs: un rideau le dérobait aux regards de ceux qui lui parlaient; seulement, comme il était la bonhomie en personne, il oubliait parfois son rôle. Un jour, par exemple, un poète de Lisbonne lui récita une ode. Il vanta sa charité et glorifia aussi sa noble origine. «Tandis que les autres mortels ont été créés d’eau et de poussière, disait-il dans son langage bizarre, les descendants du Prophète ont été créés de l’eau la plus pure, l’eau de la justice et de la piété. Le don de la prophétie est descendu sur leur aïeul, et l’ange Gabriel, invisible pour nous, plane sur leur tête. Le visage d’Idrîs, le commandeur des croyants, ressemble au soleil levant, qui éblouit par ses rayons les yeux de ceux qui le regardent, et pourtant, prince, nous voudrions vous voir, afin de pouvoir profiter de votre lumière, émanation de celle qui entoure le seigneur de l’univers.» «Lève le rideau!» dit alors le calife à son chambellan, car jamais il ne repoussait une prière. Plus heureux que cette pauvre amante de Jupiter qui périt victime de sa fatale curiosité, le poète put alors contempler à son aise la figure de son Jupiter à lui, laquelle, si elle ne répandait pas une lumière foudroyante, portait au moins l’empreinte de la bienveillance et de la bonté. Peut-être lui plut-elle mieux, telle qu’elle était, que si elle eût été entourée de ces rayons éblouissants dont il avait parlé dans ses vers. Il est certain du moins qu’ayant reçu un beau cadeau, il se retira fort content.

Malheureusement pour la dignité et la sûreté de l’Etat, Idrîs joignait à une grande bonté de cœur une extrême faiblesse de caractère. Il ne savait ou n’osait rien refuser à qui que ce fût. Bâdîs ou un autre lui demandait-il un château ou autre chose, il lui accordait toujours sa demande. Un jour Bâdîs le somma de lui livrer son vizir, lequel avait eu le malheur de lui déplaire. «Hélas, mon ami, dit alors Idrîs à son ministre, voici une lettre du roi de Grenade dans laquelle il me demande de vous mettre entre ses mains. J’en suis bien affligé, mais vraiment, je n’ose lui répondre par un refus.—Faites donc ce qu’il veut, répondit cet excellent homme, un vieux serviteur de la famille; Dieu me donnera des forces, et vous verrez que je saurai supporter mon sort avec résignation et avec courage.» Arrivé à Grenade, il eut la tête coupée....

Tant de faiblesse irrita les Berbers, déjà blessés par la sympathie qu’Idrîs montrait pour le peuple, par ses tendances socialistes comme on dirait aujourd’hui; mais elle exaspéra surtout les nègres. Accoutumés au régime du fouet, du sabre et de la potence, ils méprisaient un maître qui ne prononçait jamais un arrêt de mort. Il y avait donc beaucoup de mécontentement, lorsque le gouverneur du château d’Airos[58] donna le signal de la révolte. Geôlier des deux cousins d’Idrîs, il les remit en liberté, et proclama calife l’aîné, Mohammed. Alors les nègres qui formaient la garnison du château de Malaga, se mirent en insurrection et invitèrent Mohammed à se rendre au milieu d’eux. Le peuple de Malaga, toutefois, rempli d’amour pour le prince qui avait été son bienfaiteur, ne l’abandonna pas à l’heure du danger. Ces braves gens accoururent en foule auprès de lui et demandèrent à grands cris des armes, en l’assurant que, s’ils en avaient, les nègres ne tiendraient pas une heure dans le château. Idrîs les remercia de leur dévoûment, mais il refusa leur offre en disant: «Retournez dans vos demeures; je ne veux pas qu’il périsse un seul homme pour ma querelle.» Mohammed put donc faire son entrée dans la capitale, et Idrîs alla le remplacer dans la prison d’Airos. Ils avaient échangé leurs rôles (1046-7).

Le nouveau calife ne ressemblait pas à son prédécesseur, mais à sa mère, une vaillante amazone qui aimait à vivre dans les camps, à surveiller les préparatifs d’une bataille ou les travaux d’un siége, à stimuler par ses paroles ou par son or le courage des soldats. Il poussait la bravoure jusqu’à la témérité; mais il était en même temps d’une sévérité inexorable, et si Idrîs avait manqué d’énergie, Mohammed (tel, du moins, fut bientôt l’avis des auteurs de la révolution) n’en avait que trop. C’était la fable des grenouilles qui avaient demandé un roi à Jupiter. A l’exemple de la «gent marécageuse,» comme dit le bon la Fontaine, Berbers et nègres en vinrent bientôt à maudire la terrible grue et à regretter le pacifique soliveau. Un complot se forma; les conjurés entrèrent en négociations avec le gouverneur d’Airos qui se laissa facilement gagner par eux, et qui rendit la liberté à Idrîs II, après l’avoir reconnu pour calife. Cette fois Idrîs ne recula pas devant l’idée d’une guerre civile; le monotone séjour dans un cachot avait vaincu ses scrupules; mais Mohammed, soutenu par sa mère, combattit ses adversaires avec tant de vigueur, qu’il les contraignit à mettre bas les armes. Cependant ils ne lui livrèrent pas Idrîs; avant de faire leur soumission, ils le firent passer en Afrique, où commandaient deux affranchis berbers, à savoir Sacaute[59], qui était gouverneur de Ceuta, et Rizc-allâh, qui l’était de Tanger. Sacaute et Rizc-allâh l’accueillirent avec beaucoup d’égards et firent faire les prières publiques en son nom; mais au reste ils ne lui concédèrent aucune autorité réelle; jaloux de leur propre pouvoir, ils le gardèrent étroitement, l’empêchèrent de se montrer en public, et ne permirent à personne d’approcher de lui. Quelques seigneurs berbers, ennemis secrets des deux gouverneurs, trouvèrent cependant le moyen de lui parler et lui dirent: «Ces deux esclaves vous traitent comme un captif et vous empêchent de gouverner par vous-même. Donnez-nous plein pouvoir et nous saurons bien vous délivrer.» Mais Idrîs, toujours doux et débonnaire, refusa leur offre; dans la candeur de son âme, il raconta même aux deux gouverneurs tout ce qu’il venait d’entendre. Les seigneurs en question furent frappés à l’instant même d’une sentence d’exil; mais comme il y avait peut-être quelque raison de craindre qu’une autre fois Idrîs ne prêtât l’oreille aux insinuations des mécontents, Sacaute et Rizc-allâh le renvoyèrent en Espagne, sans cesser toutefois de le reconnaître comme calife dans les prières publiques. Idrîs alla chercher un asile auprès du chef berber de Ronda[60].

Sur ces entrefaites, les mécontents de Malaga avaient imploré le secours de Bâdîs. Celui-ci déclara d’abord la guerre à Mohammed, mais bientôt après, il se réconcilia avec lui. Alors on proclama le prince d’Algéziras, qui portait aussi le nom de Mohammed et qui prit à son tour le titre de calife. A cette époque il y en avait donc quatre depuis Séville jusqu’à Ceuta: c’étaient le soi-disant Hichâm II à Séville, Mohammed à Malaga, l’autre Mohammed à Algéziras, et enfin Idrîs II. Deux d’entre eux n’avaient en réalité aucun pouvoir; les deux autres étaient des princes d’une mince importance, des roitelets, et l’abus du titre de calife était d’autant plus ridicule que, dans sa véritable acception, il indiquait le souverain de tout le monde musulman.

Le prince d’Algéziras échoua dans sa tentative. Abandonné par ceux qui l’avaient appelé, il retourna précipitamment dans son pays, et mourut, peu de jours après, de honte et de douleur (1048-9).

Quatre ou cinq ans plus tard, Mohammed de Malaga rendit aussi le dernier soupir. Un de ses neveux (Idrîs III) aspira au trône, mais sans succès; cette fois, on rétablit le bon Idrîs II, et le destin ayant enfin cessé de le persécuter, il régna paisiblement jusqu’à ce qu’il payât, lui aussi, son tribut à la nature (1055). Un autre Hammoudite crut régner à sa place, mais Bâdîs frustra ses espérances. Véritable chef du parti berber, le roi de Grenade ne voulait plus d’un calife; il avait résolu d’en finir avec les Hammoudites et d’incorporer la principauté de Malaga dans ses Etats. Il exécuta son projet sans rencontrer de grands obstacles. Les Arabes, il est vrai, ne se soumirent à lui qu’à contre-cœur; mais ayant gagné les plus influents d’entre eux, tels que le vizir-cadi Abou-Abdallâh Djodhâmî[61], il se soucia peu des murmures des autres; et quant aux Berbers, comme ils étaient convaincus de la faiblesse de leurs princes et de la nécessité de s’unir étroitement à leurs frères de Grenade, s’ils voulaient se maintenir contre le parti arabe qui gagnait chaque jour du terrain dans le Sud-ouest, ils favorisèrent les projets de Bâdîs plutôt qu’ils ne les contrarièrent. Le roi de Grenade devint donc maître de Malaga et tous les Hammoudites furent exilés. Ils jouèrent encore un rôle en Afrique, mais celui qu’ils avaient rempli en Espagne était terminé[62].

V.

Afin de ne pas interrompre notre rapide esquisse de l’histoire de la principauté de Malaga, nous avons tant soit peu anticipé sur les événements, et comme à présent nous allons jeter un coup d’œil sur les progrès que le parti arabe avait faits dans cet intervalle, nous devons nous reporter quelques années en arrière.

Le cadi de Séville, Abou-’l-Câsim Mohammed, étant mort à la fin de janvier 1042, son fils Abbâd, qui comptait alors vingt-six ans, lui avait succédé sous le titre de hâdjib, ou premier ministre du soi-disant Hichâm II. Dans l’histoire il est connu sous le nom de Motadhid, et bien qu’il ne prît ce titre que plus tard, nous l’appellerons ainsi dès à présent, afin d’éviter la confusion qu’un changement de nom pourrait faire naître.

Le nouveau chef du parti arabe dans le Sud-ouest réalisait en sa personne une des physionomies les plus accentuées qu’ait jamais produites la verte vieillesse d’une société. C’était en tout point le digne rival de Bâdîs, le chef de la faction opposée. Soupçonneux, vindicatif, perfide, tyrannique, cruel et sanguinaire comme lui, comme lui adonné à l’ivrognerie, il le surpassait en luxure. Nature mobile et voluptueuse s’il en fut, ses appétits étaient insatiables et incessants. Aucun prince d’alors n’avait un sérail aussi nombreux que le sien: huit cents jeunes filles, assure-t-on, y entrèrent successivement[63].

D’ailleurs, malgré la ressemblance générale, les deux princes n’avaient pas tout à fait le même caractère; leurs goûts, leurs habitudes différaient sur bien des points. Bâdîs était un barbare ou peu s’en faut; il dédaignait les belles manières, la culture de l’esprit, la civilisation. Point de poètes dans les salles de l’Alhambra; parlant ordinairement le berber, Bâdîs aurait à peine compris leurs odes. Motadhid, au contraire, avait reçu une éducation soignée; il ne pouvait prétendre, à la vérité, au titre de savant; il n’avait pas fait de vastes lectures; mais, comme il était doué d’un tact fin et pénétrant et d’une excellente mémoire, il savait plus qu’un homme du monde ne sait ordinairement. Les poèmes qu’il composa, et qui, indépendamment de leur valeur littéraire, ne sont pas sans intérêt quand on veut connaître à fond son caractère, lui valurent parmi ses contemporains la réputation d’un bon poète[64]. Il était ami des lettres et des arts. Pour un peu d’encens, il comblait les poètes de cadeaux. Il aimait à faire bâtir de magnifiques palais[65]. Jusque dans la tyrannie il apportait une certaine érudition; il avait pris pour modèle le calife de Bagdad dont il avait adopté le titre, tandis que Bâdîs ignorait probablement à quelle époque ce calife avait vécu. Buveurs tous les deux, Bâdîs se grisait brutalement, grossièrement, sans honte ni vergogne, comme un rustre ou comme un troupier. Motadhid, toujours homme du monde, toujours grand seigneur, ne faisait rien sans grâce; il apportait un certain bon goût, une certaine distinction, jusque dans ses orgies, et tout en buvant d’une manière immodérée, lui-même et ses compagnons de débauche improvisaient des chansons bachiques qui se distinguaient par un tact merveilleux, par une grande délicatesse d’expression. Sa puissante organisation se prêtait également au plaisir et au travail; viveur effréné et travailleur prodigieux, il passait de la fièvre des passions à celle des affaires. Il aimait à s’absorber tout entier dans ses occupations de prince, mais après des efforts surhumains qu’il faisait pour regagner le temps donné aux plaisirs, il lui fallait l’ivresse de nouveaux désordres pour retremper ses forces[66]. Chose étrange! ce tyran dont le terrible regard faisait trembler les nombreuses beautés de son sérail, a composé pour quelques-unes d’entre elles des vers d’une galanterie exquise, d’une suavité charmante.

Il y avait donc entre Bâdîs et Motadhid la distance qui sépare le scélérat barbare du scélérat civilisé; mais, à tout prendre, le barbare était le moins profondément dépravé des deux. Bâdîs apportait une certaine franchise brutale jusque dans le crime; Motadhid était impénétrable, même pour ses affidés. Tandis que son regard scrutateur épiait sans cesse les pensées les plus secrètes des autres et les devinait, personne ne surprenait jamais un mouvement de sa physionomie ni un accent de sa parole[67]. Le prince de Grenade payait de sa personne sur les champs de bataille; celui de Séville, quoiqu’il fût presque constamment en guerre et qu’il ne manquât pas de courage, ne commanda ses troupes qu’une ou deux fois dans toute sa vie; d’ordinaire il traçait du fond de sa tanière, comme dit un historien arabe, les plans de campagne à ses généraux[68]. Les ruses de Bâdîs étaient grossières et il était facile de les déjouer; celles de Motadhid, bien calculées et subtiles, échouaient rarement. C’était là son fort, et l’on raconte à ce sujet une histoire qui mérite d’être rapportée.

En guerre contre Carmona, Motadhid entretenait une correspondance secrète avec un habitant arabe de cette ville, qui l’informait des mouvements et des desseins des Berbers. Afin que les lettres qu’ils s’écrivaient ne fussent pas interceptées et que personne ne soupçonnât leurs intrigues, il fallait naturellement une grande circonspection. Or, Motadhid, d’après un plan qu’il avait concerté avec son espion, fit venir un jour dans son palais un paysan des environs, homme simple et sans malice s’il en fut, et lui dit: «Ote ta casaque qui ne vaut rien, et revêts cette djobba. Elle est assez belle comme tu vois, et je t’en fais cadeau à condition que tu feras ce que je vais te dire.» Rempli de joie, le paysan revêtit la djobba sans soupçonner que la doublure de cet habit cachait une lettre que Motadhid voulait faire tenir à son espion, et promit d’exécuter fidèlement les ordres que le prince voudrait bien lui donner. «Fort bien, reprit alors Motadhid; voici ce que tu as à faire: tu prendras le chemin de Carmona; quand tu seras arrivé dans le voisinage de cette ville, tu ramasseras du bois et tu en formeras un fagot. Cela fait, tu entreras dans la ville et tu iras le mettre à l’endroit où les marchands de fagots se tiennent ordinairement; mais tu ne vendras le tien qu’à celui qui t’en offrira cinq dirhems.»

Le paysan, quoiqu’il ne devinât nullement le motif de ces ordres singuliers, s’empressa d’y obéir. Il partit donc de Séville, et arrivé près de Carmona, il se mit à fagoter; mais comme il n’en avait pas l’habitude et qu’il y a fagots et fagots selon le proverbe, il entra dans la ville avec un faisceau de branchages bien maigre, bien chétif, et alla se placer sur le marché.

—Combien coûte-t-il, ce fagot? lui demanda un passant.

—Cinq dirhems, sans en rien rabattre; c’est à prendre ou à laisser, lui répondit le paysan.

L’autre lui rit au nez.

—Bon Dieu! dit-il, c’est donc sans doute de l’ébène que tu as là?

—Mais non, dit un autre, c’est du bambou.

Et chacun de lancer son petit bon-mot au paysan et de le railler.

Déjà le jour baissait, lorsqu’un homme qui n’était autre que l’espion de Motadhid, s’approcha du paysan, et lui ayant demandé le prix de son fagot, il l’acheta; après quoi il lui dit:

—Prends ce bois sur tes épaules et porte-le à ma demeure. Je vais te montrer le chemin.

Quand ils furent arrivés à la maison, le paysan déposa sa charge, et ayant reçu ses cinq dirhems, il voulut s’en aller.

—Où vas-tu à cette heure avancée? lui demanda le maître de la maison.

—Je vais sortir de la ville, car je ne suis pas d’ici, lui répondit le paysan.

—Y songes-tu? Ignores-tu donc qu’il y a des brigands sur les routes? Reste ici; je suis à même de t’offrir un souper et un gîte, et demain de bonne heure tu pourras te remettre en voyage.

Le paysan accepta cette offre avec reconnaissance. Bientôt un bon souper lui fit oublier les railleries auxquelles il avait été en butte, et quand il eut mangé d’un excellent appétit:

—Apprends-moi maintenant d’où tu viens, lui dit son hôte.

—Des environs de Séville, où je demeure.

—Dans ce cas, mon frère, tu me parais bien courageux, bien hardi, d’avoir osé venir ici, car tu dois connaître la cruauté, la férocité de nos Berbers, tu dois savoir qu’ils vous tuent un homme en moins de rien. C’est sans doute quelque grave motif qui t’amène?

—Nullement; mais il faut gagner sa vie, et puis, personne ne s’avisera de maltraiter un pauvre paysan inoffensif comme moi.

On causa jusqu’à ce que le paysan se sentît gagner par le sommeil. Son hôte le conduisit alors au gîte qu’il lui destinait. L’autre voulut se coucher sans se déshabiller; mais l’homme de Carmona lui dit:

—Ote ta djobba; tu dormiras mieux alors et tu te réveilleras plus rafraîchi, car la nuit est tiède.

Le paysan le fit et bientôt après il dormait profondément. Alors l’espion prit la djobba, en décousit la doublure, trouva la lettre de Motadhid, la lut, y répondit sur-le-champ, mit sa propre lettre à la place de celle du prince, recousit la doublure sans qu’il y parût, et remit la djobba à l’endroit où le paysan l’avait mise. Ce dernier, s’étant levé le lendemain de bonne heure, la revêtit, et après avoir remercié l’habitant de Carmona de sa généreuse hospitalité, il reprit la route de Séville.

Quand il y fut de retour, il se présenta devant Motadhid et lui raconta ses aventures.

—Je suis content de toi, lui dit alors le prince d’un air bienveillant, et tu mérites une récompense. Ote donc ta djobba et laisse-la-moi; voici un habillement complet dont je te fais cadeau.

Se sentant à peine de joie, le paysan prit les beaux habits que le prince lui offrait, et alla raconter avec un certain orgueil à ses amis, à ses voisins, à tous ceux qu’il connaissait, que le prince lui avait donné des vêtements d’honneur, tout comme s’il eût été un homme d’importance, un haut fonctionnaire ou une altesse. Qu’il avait servi de courrier extraordinaire, de porteur de dépêches tellement importantes, qu’elles lui eussent coûté la vie, si les Berbers les eussent trouvées sur lui, c’est ce dont il n’eut pas le moindre soupçon[69].

Il était bien rusé, le prince de Séville, bien fertile en expédients, en stratagèmes, en artifices de tout genre; il avait à son service tout un arsenal d’embûches, et malheur à celui qui avait provoqué sa colère! Un tel homme avait beau chercher un asile dans un autre pays: fût-il allé se cacher au bout du monde, la vengeance du prince l’atteignait infailliblement. Un aveugle, raconte-t-on, avait été privé par Motadhid de la plus grande partie de ses biens; il en avait dépensé le reste, et, complétement ruiné, il était allé comme pèlerin mendiant à la Mecque. Là il maudissait sans cesse et en public le tyran qui l’avait réduit à la mendicité. Motadhid l’apprit, et ayant fait venir un de ses sujets qui allait faire le pèlerinage de la Mecque, il lui remit une cassette qui contenait des pièces d’or enduites d’un poison mortel. «Quand tu seras arrivé à la Mecque, lui dit-il, tu feras tenir cette cassette à notre concitoyen aveugle. Tu lui diras que c’est un cadeau que je lui fais et tu le salueras de ma part. Mais prends garde de ne pas ouvrir la cassette.» L’autre promit d’exécuter ces ordres et se mit en route. Arrivé à la Mecque et ayant rencontré l’aveugle:

—Voici une cassette que Motadhid t’envoie, lui dit-il.

—Bon Dieu! elle rend un son métallique, s’écria l’aveugle, il y a de l’or là-dedans! Mais comment se peut-il qu’à Séville Motadhid me réduise à la misère et qu’en Arabie il m’enrichisse?

—Les princes ont de singuliers caprices, répliqua l’autre. Peut-être aussi que Motadhid, convaincu à cette heure de l’injustice qu’il t’a faite, en éprouve des remords. Enfin, je n’en sais rien et cela ne me regarde pas; j’ai fait ma commission, cela me suffit. Prends toujours ce cadeau; c’est pour toi un bonheur inespéré.

—Je le crois bien, reprit l’aveugle; mille mercis pour ta peine et assure le prince de ma gratitude.

Son trésor sous le bras, le pauvre homme courut à son misérable taudis avec autant de vitesse que sa cécité le lui permettait, et après avoir soigneusement fermé la porte, il s’empressa d’ouvrir sa cassette.

Il n’y a, dit-on, rien de plus enivrant pour un malheureux qui a lutté longtemps contre la misère et que le hasard enrichit tout d’un coup, que de couver des yeux son monceau d’or, de se laisser éblouir par l’éclat de ces belles pièces luisantes. Aveugle, le Sévillan ne pouvait se donner une telle jouissance; chez lui, le tact et l’ouïe devaient remplacer la vue, et ravi, plongé dans une extase délicieuse, il tâtait, palpait, maniait ses chères espèces, les faisait sonner, les comptait, les plaçait dans sa bouche, les goûtait pour ainsi dire... Le poison produisit son effet: avant la nuit venue le malheureux était un cadavre[70].

Bâdîs et Motadhid étaient tous les deux cruels, mais avec des nuances assez sensibles. Tandis que le premier, dans ses accès d’aveugle fureur, massacrait souvent ses victimes de ses propres mains, Motadhid empiétait rarement sur les attributions du bourreau; mais quoiqu’il n’aimât pas à souiller de sang ses mains aristocratiques, la haine chez lui était plus implacable, plus tenace, que chez son rival. Son ennemi mort, la vengeance de Bâdîs était satisfaite, sa rage assouvie; il faisait attacher la tête du cadavre à un poteau, la coutume le voulait ainsi, mais il n’allait pas plus loin. Chez le prince de Séville, au contraire, la haine ne se rassasiait jamais; il poursuivait ses victimes jusqu’au-delà du trépas; il voulait que l’aspect de leurs restes mutilés stimulât sans relâche ses passions féroces. A l’exemple du calife Mahdî, il fit planter des fleurs dans les crânes de ses ennemis, et les plaça dans la cour de son palais. Un morceau de papier, attaché à l’oreille de chaque crâne, portait le nom de celui auquel ce crâne avait appartenu jadis. Souvent il s’extasiait devant ce jardin, comme il disait. Et cependant il ne contenait pas les têtes à ses yeux les plus précieuses, celles des princes qu’il avait vaincus. Celles-là, il les gardait, avec le plus grand soin, au fond de son palais, dans une cassette[71].

Ajoutons que ce monstre de cruauté était à ses propres yeux le meilleur des princes, un Titus formé exprès pour le bonheur du genre humain. «Si tu désires, mon Dieu, que les mortels soient heureux, disait-il dans ses vers, fais-moi régner alors sur tous les Arabes et sur tous les barbares; car jamais je n’ai dévié de la bonne route, jamais je n’ai traité mes sujets autrement qu’il ne convient à un homme généreux et magnanime. Toujours je les protége contre leurs agresseurs, toujours je détourne les calamités de leur tête[72]

VI.

Ayant d’abord mis à mort Habîb, le vizir et le confident de son père[73], Motadhid tourna ses armes contre les Berbers et principalement contre ceux de Carmona, ses voisins. Il avait un motif tout particulier pour haïr les Berbers, car il croyait que, s’il n’y pourvoyait, ils ôteraient le trône à lui ou à ses descendants, ses astrologues lui ayant prédit que sa dynastie serait renversée par des hommes nés hors de la Péninsule[74]. Il mit donc tout en œuvre pour les extirper. Cette guerre fut de longue durée. Mohammed, le prince de Carmona, fut tué après s’être laissé attirer dans une embuscade (1042-3)[75]; mais comme son fils Ishâc lui succéda[76], les hostilités continuèrent.

En même temps Motadhid étendait ses limites du côté de l’ouest. En 1044 il enleva Mertola à Ibn-Taifour[77]. Puis il attaqua Ibn-Yahyâ, seigneur de Niébla. Ce n’était pas un Berber, c’était un Arabe, mais quand il s’agissait d’arrondir son territoire, Motadhid n’y regardait pas de si près. Réduit à l’étroit, Ibn-Yahyâ se jeta dans les bras des Berbers. Modhaffar de Badajoz vint à son secours, repoussa Motadhid, et se mit à former contre lui une ligue formidable dans laquelle entrèrent Bâdîs, Mohammed de Malaga et Mohammed d’Algéziras. Abou-’l-Walîd ibn-Djahwar, qui, dans l’année 1043, avait succédé à son père comme président de la république de Cordoue, fit tout ce qu’il pouvait pour réconcilier les deux partis; mais ce fut en vain: personne ne prêta l’oreille à ses ambassadeurs.

Les Berbers avaient formé le projet de marcher contre Séville aussitôt qu’ils auraient réuni leurs troupes et opéré leur jonction. Motadhid les prévint. Profitant de l’absence de Modhaffar qui n’avait pas suffisamment pourvu à la défense de ses propres Etats, il fit d’abord ravager le territoire de Badajoz; puis, se mettant en personne, contre sa coutume, à la tête de son armée, il marcha contre Niébla, attaqua les ennemis dans une espèce de défilé près des portes de la ville, et les culbuta en partie dans le Tinto; mais Modhaffar réussit à rallier ses soldats, les ramena à la charge, et força Motadhid à la retraite.

Modhaffar se réunit ensuite à ses alliés; mais pendant qu’il ravageait avec eux le pays sévillan, Ibn-Yahyâ se détacha de son parti, Motadhid l’ayant forcé de conclure une alliance avec lui. Modhaffar le punit en s’appropriant l’argent qu’il lui avait confié, et en faisant piller la campagne de Niébla[78]. Alors Ibn-Yahyâ implora le secours de Motadhid. Celui-ci fit attaquer les troupes de Badajoz, les attira dans une embuscade, et les mit en déroute. Non content de ce succès, il fit ravager les environs d’Evora par son fils Ismâîl. Afin de repousser cette attaque, le roi de Badajoz fit prendre les armes à tous ceux qui étaient en état d’en porter, et, ayant reçu un renfort de son allié, Ishâc de Carmona, il alla à la rencontre de l’ennemi. En vain les Berbers de Carmona l’exhortaient à ne pas le faire. «Vous ignorez, lui disaient-ils, que l’armée sévillane est fort nombreuse; nous au contraire, nous le savons, car nous avons reçu des nouvelles de Séville, et qui plus est, nous avons vu les troupes de Motadhid.» Le bouillant Modhaffar ne voulut pas les croire. Son audace lui coûta cher. Il essuya une terrible déroute et perdit au moins trois mille hommes. Parmi les morts on comptait le fils du prince de Carmona, qui avait commandé les troupes de son père. Sa tête fut apportée à Motadhid, qui la plaça dans sa cassette, à côté de celle de l’aïeul du jeune prince.

Badajoz présenta longtemps un spectacle lugubre. Les boutiques y étaient fermées, les marchés déserts, l’élite de la population ayant péri dans cette bataille fatale[79]. Pour comble de misère, les Sévillans continuaient à détruire les moissons, de sorte que la famine désolait le royaume. Modhaffar n’y pouvait rien. Abandonné par ses alliés qu’il appelait en vain à son secours, il était condamné à rester inactif et immobile dans Badajoz, où il se dévorait les entrailles de colère. Cependant son orgueil ne se laissait pas fléchir. Il ne voulait pas entendre parler d’un accommodement, quoique son ennemi victorieux ne refusât pas positivement la médiation d’Ibn-Djahwar. Il feignait de ne pas se soucier de ses pertes, au point qu’il envoya quelqu’un acheter des chanteuses à Cordoue. Elles y étaient rares alors, et ce fut à grand’peine qu’on en trouva deux; encore étaient-elles d’un médiocre talent. On s’étonna d’abord du caprice du roi de Badajoz. On le connaissait pour un homme grave, studieux et qui à l’ordinaire ne faisait nul cas de chanteuses. On ne comprenait pas qu’il eût choisi, pour en faire acheter, le moment même où ses Etats présentaient le spectacle d’une affreuse dévastation. Mais l’étonnement cessa quand on découvrit le motif de sa conduite. Modhaffar avait appris qu’à la vente des biens d’un vizir cordouan qui venait de mourir, Motadhid s’était procuré une chanteuse renommée, et c’était pour montrer qu’il pouvait s’occuper de chanteuses avec autant de liberté d’esprit que son adversaire, qu’il en avait fait acheter à son tour.

Cependant Ibn-Djahwar continuait ses efforts pour amener une réconciliation, et dans le mois de juillet 1051, ils furent enfin couronnés du succès, car à cette époque et par son entremise, Modhaffar et Motadhid conclurent la paix après une longue négociation[80].

Motadhid tourna alors toutes ses forces contre Ibn-Yahyâ de Niébla, désormais réduit à ses propres ressources. Pour lui cette expédition ne fut pas une campagne, ce ne fut qu’une promenade militaire. Convaincu de sa faiblesse, Ibn-Yahyâ n’essaya pas même de se défendre. Il prit le chemin de Cordoue avec l’intention d’aller passer dans cette ville le reste de ses jours, et Motadhid eut la courtoisie de lui envoyer un escadron en guise d’escorte[81].

Le prince qui régnait sur Huelva et la petite île de Saltès, Abdalazîz le Becrite, comprit alors que son tour était venu. Cependant il espérait encore pouvoir sauver quelque chose du naufrage. Il s’empressa donc d’écrire à Motadhid, le félicita de sa nouvelle conquête, lui rappela les relations amicales qui avaient toujours existé entre sa propre famille et celle des Abbâdides, se déclara son vassal, et lui offrit Huelva à condition qu’il lui laisserait Saltès. Motadhid accepta son offre, et feignant de vouloir s’aboucher avec lui, il prit la route de Huelva. Abdalazîz jugea prudent de ne pas l’attendre, et se rendit avec ses trésors à Saltès. Ayant pris possession de Huelva, Motadhid retourna à Séville; mais il laissa à Huelva un de ses capitaines, qui devait empêcher qu’Abdalazîz ne quittât son île et que personne ne se rendît auprès de lui. Informé de ces mesures, Abdalazîz prit le parti le plus sage: il entra en pourparlers avec le capitaine de Motadhid, vendit au prince de Séville ses vaisseaux et ses munitions de guerre au prix de dix mille ducats, et obtint la permission de se rendre à Cordoue. Pendant son voyage, le perfide Motadhid voulut l’attirer dans un piége et s’emparer de ses richesses; mais Abdalazîz pénétra son dessein, et grâce à une escorte qu’il demanda au prince de Carmona, il arriva sans encombre à Cordoue[82].

Ensuite Motadhid attaqua la petite principauté de Silves, où régnaient aussi des Arabes, les Beni-Mozain, dont les ancêtres, qui possédaient déjà des propriétés étendues dans cette partie de la Péninsule, avaient souvent rempli, du temps des Omaiyades, des postes importants[83].

Résolu à mourir plutôt que de se rendre, le prince de Silves se défendit avec le courage du désespoir. Mais l’armée sévillane, dont Mohammed (Motamid), un fils de Motadhid, était le général, mais seulement de nom, car à cette époque il comptait à peine treize ans[84], poussa le siége avec non moins de vigueur, et Silves fut enfin pris d’assaut. Ibn-Mozain chercha en vain la mort au plus fort de la mêlée; on épargna sa vie, et Motadhid se contenta de l’exiler[85]. Puis, ayant donné le gouvernement de Silves à son fils Mohammed, il fit marcher son armée contre la ville de Santa-Maria, située près du cap qui porte encore aujourd’hui ce nom. Le calife Solaimân l’avait donnée en fief à un certain Saîd ibn-Hâroun, de Mérida, dont on ne connaît pas la généalogie, et qui peut-être n’était ni Arabe ni Berber, car les hommes dont l’origine était inconnue aux chroniqueurs arabes, étaient ordinairement des Espagnols. Après la mort de Solaimân, il s’était déclaré indépendant, et quand il eut rendu le dernier soupir, son fils Mohammed lui avait succédé. Ce dernier, attaqué par les Sévillans, n’opposa qu’une courte résistance. Motadhid réunit le district de Santa-Maria à celui de Silves, et voulut que son fils Mohammed les gouvernât conjointement (1052)[86].

Grâce à ces conquêtes rapides, la principauté de Séville s’était fort étendue du côté de l’Ouest. Cependant elle n’avait encore que peu d’extension vers le Sud, où régnaient des princes berbers. La plupart d’entre eux étaient alors en paix avec Motadhid et avaient même reconnu sa suzeraineté, ou plutôt celle du soi-disant Hichâm II. Motadhid, toutefois, ne se contentait pas de si peu: son intention était de tuer ces princes et de prendre possession de leurs Etats; mais, procédant avec modération et prudence, il ne voulait s’aventurer à une tentative aussi hardie que quand les manœuvres souterraines auraient rendu le succès certain.

Après la conquête de Silves, il alla donc rendre visite, accompagné seulement de deux serviteurs, à deux de ses vassaux, Ibn-Nouh, le seigneur de Moron, et Ibn-abî-Corra, le seigneur de Ronda, sans les avoir prévenus de son intention. Quand on songe à la haine que ces Berbers lui portaient, on s’étonne avec raison qu’il eût l’imprudence d’aller se mettre ainsi à leur merci; mais le fait est qu’il ne manquait pas d’audace, et que, malgré sa perfidie envers tout le monde, il se fiait à la bonne foi des autres. A Moron il fut accueilli de la manière la plus honorable. Ibn-Nouh lui témoigna sa joie à cause de cette visite inattendue, le festoya avec une hospitalité somptueuse, et l’assura de nouveau qu’il serait toujours un vassal fidèle. Mais Motadhid n’était pas venu pour écouter des compliments ou recevoir des témoignages d’affection; son but était tout autre. Il voulait sonder le terrain, et gagner, si cela était possible, quelques personnages influents. Il s’aperçut facilement que la population arabe brûlait du désir de secouer le joug berber, et que, dans l’occasion, il pourrait compter sur son appui. Grâce aux pierres précieuses et à l’argent que portaient les deux serviteurs qui l’accompagnaient, il corrompit même plusieurs officiers berbers, sans qu’Ibn-Nouh eût le moindre soupçon de ces intrigues.

Fort content des résultats de sa visite, Motadhid continua son voyage en prenant la route de Ronda. Il y fut reçu avec la même bienveillance, et ses pratiques secrètes y réussirent aussi bien, mieux peut-être, car les Arabes de Ronda étaient encore plus impatients que ceux de Moron de s’affranchir de la domination berbère, les Beni-abî-Corra étant, à ce qu’il paraît, des maîtres plus durs que les Beni-Nouh. Motadhid fut donc à même d’ourdir une conspiration terrible qui éclaterait au premier signal.

Peu s’en fallut, cependant, qu’il ne payât de sa vie son audacieuse entreprise. Une fois, vers la fin d’un repas dans lequel le vin n’avait pas été épargné, il se sentit gagner par le sommeil.

—Je me sens fatigué et j’ai envie de dormir, dit-il à son hôte; mais n’interrompez pas pour cela vos conversations ni vos rasades; un petit somme m’aura bientôt remis et je reviendrai alors reprendre ma place à table.

—Faites comme vous voulez, seigneur, lui répondit Ibn-abî-Corra en le conduisant à un sofa.

Au bout d’une demi-heure environ, lorsque Motadhid semblait dormir d’un profond sommeil, un officier berber pria les autres de l’écouter un moment, puisqu’il avait quelque chose d’important à leur dire. Ayant obtenu le silence: «Il me semble, dit-il à voix basse, que nous avons là un gras bélier qui est venu s’offrir spontanément au couteau. C’est pour nous une bonne fortune à laquelle nous étions loin de nous attendre. Eussions-nous donné, pour avoir cet homme ici, tout l’or de l’Andalousie, cela ne nous eût servi de rien, et voilà qu’il vient de lui-même.... Cet homme est le démon en personne, vous le savez tous, et quand il aura cessé de vivre, personne ne nous disputera plus la possession de ce pays»....

Tous gardèrent le silence; mais on se consulta du regard, et comme l’idée d’assassiner celui qu’ils craignaient et haïssaient tous, dont ils connaissaient tous les voies tortueuses, ne souriait que trop à ces hommes endurcis dès leur enfance à toutes sortes de crimes, leurs visages basanés n’exprimaient ni surprise ni répugnance. Un seul, plus loyal que les autres, sentit son sang bouillir à l’idée d’une trahison aussi infâme. C’était Moâdh ibn-abî-Corra, un parent du seigneur de Ronda. Les yeux enflammés d’une généreuse indignation, il se leva, et, prenant la parole: «Au nom du ciel, ne faisons pas cela! dit-il à demi-voix, mais d’un ton ferme. Cet homme, en venant ici, a compté sur notre loyauté; sa conduite prouve qu’il nous croit incapables de le trahir, et notre honneur exige que nous justifions sa confiance. Que diraient nos frères des autres tribus, s’ils apprenaient que nous avons violé les droits sacrés de l’hospitalité, que nous avons assassiné notre hôte? Que Dieu maudisse celui qui oserait commettre un tel crime!»

Les Berbers se sentirent touchés par ces nobles paroles. En leur rappelant d’une manière aussi énergique les devoirs de l’hospitalité, Moâdh avait fait vibrer dans leurs cœurs une corde que l’on touche rarement en vain chez les peuples de l’Asie et de l’Afrique.

Cependant Motadhid, bien qu’il fît semblant de dormir, était parfaitement éveillé. En proie à une indicible angoisse, il avait entendu tout ce qui se disait. Rassuré maintenant par l’effet qu’avaient produit les paroles de Moâdh, il feignit de s’éveiller et alla se remettre à table. Tous les convives se levèrent aussitôt, l’embrassèrent et lui baisèrent respectueusement le front. Ils mirent d’autant plus d’effusion dans leurs caresses, que leur conscience n’était pas tout à fait tranquille, et qu’ils se reprochaient en secret d’avoir eu un instant l’idée d’envoyer leur hôte dans l’autre monde.

—Mes amis, leur dit alors le prince, il me faudra bientôt retourner à Séville; mais à la veille de vous quitter, je ne puis assez vous dire combien je suis content de votre accueil. Je voudrais vous donner quelques faibles marques de ma reconnaissance; malheureusement la provision de petits cadeaux que portaient mes serviteurs, est épuisée ou à peu près. Mais donnez-moi de l’encre et du papier; que chacun de vous me dicte son nom; qu’il dise ce qu’il désire le plus, des vêtements d’honneur, de l’argent, des chevaux, des jeunes filles, des esclaves, ou autre chose, et qu’il envoie dans ma capitale, quand j’y serai de retour, un serviteur qui vienne prendre le présent que je lui destine.

Tous s’empressèrent d’obéir aux désirs du prince, et quand celui-ci fut retourné à Séville, les serviteurs des Berbers y accoururent en foule et rapportèrent à Ronda des présents magnifiques.

Les meilleures relations semblaient donc exister entre Motadhid et les Berbers; les vieilles rancunes paraissaient oubliées pour faire place à une liaison étroite, à une amitié intime et cordiale, lorsque, six mois après la visite qu’il leur avait faite, Motadhid invita les seigneurs de Ronda et de Moron à un grand festin, qu’il voulait leur offrir, disait-il, pour leur témoigner sa reconnaissance de leur bon accueil. Il envoya aussi une invitation au Berber Ibn-Khazroun, le seigneur d’Arcos et de Xérès, et bientôt ils arrivèrent tous les trois à Séville (1053). Motadhid leur fit une réception magnifique, et selon la coutume, il leur offrit un bain, de même qu’aux principaux personnages de leur suite; mais, sous un prétexte quelconque, il retint le jeune Moâdh auprès de sa personne.

Environ soixante Berbers se rendirent à l’édifice que le prince leur avait indiqué. Après s’être déshabillés dans la première salle, ils entrèrent dans la seconde, la véritable salle de bain. Comme cela se voit encore aujourd’hui dans les pays musulmans, elle était bâtie en pierres, revêtue de marbre, et couronnée d’une coupole percée de trous en étoiles fermés par des verres dépolis. De distance à distance il y avait des cuves de marbre, et des tuyaux, disposés dans l’épaisseur des murs et partant d’une chaudière, y maintenaient un degré de chaleur très-élevé.

Savourant avec délices le bien-être que procure le bain, les Berbers entendirent bien un bruit léger, comme si des maçons fussent à l’œuvre, mais ils n’y firent pas grande attention d’abord. Au bout de quelque temps, toutefois, la chaleur devenant de plus en plus étouffante, ils voulurent ouvrir la porte. Qu’on se figure leur effroi! La porte était murée, tous les ventilateurs étaient bouchés.... Ils moururent tous suffoqués[87].

Cependant le jeune Moâdh, après avoir attendu longtemps le retour de ses compagnons, finit par devenir fort inquiet et se hasarda à demander à Motadhid pourquoi ils tardaient tant à rentrer. Le prince n’hésita pas à le lui dire, et comme il voyait une terreur profonde se peindre sur son visage:

—Quant à toi, lui dit-il, tu n’as rien à craindre. Tes parents et tes amis méritaient de périr puisqu’ils ont eu un instant l’idée de m’assassiner. Sache que je ne dormais pas au moment où cette proposition fut faite; mais j’ai entendu aussi les nobles paroles que tu as prononcées à cette occasion, et jamais je n’oublierai que, si je vis encore, c’est à toi que j’en suis redevable. Tu peux choisir maintenant: si tu consens à rester ici, je suis prêt à partager avec toi toutes mes richesses; mais si tu préfères de retourner à Ronda, je t’y ferai reconduire après t’avoir comblé de présents.

—Hélas! seigneur, lui répondit Moâdh d’un ton profondément triste, comment pourrais-je retourner à Ronda, où tout me rappellerait le souvenir de ceux que j’ai perdus?

—Eh bien, reste donc à Séville, reprit le prince; tu n’auras pas à te plaindre de moi.

Puis, s’adressant à un de ses serviteurs:

—Prends soin, lui dit-il, qu’un beau palais soit mis en ordre sur-le-champ, afin que Moâdh puisse venir l’habiter. Fais-y transporter mille pièces d’or, dix chevaux, trente jeunes filles et dix esclaves.—Je te donne d’ailleurs, continua-t-il en s’adressant de nouveau à Moâdh, un traitement annuel de douze mille ducats.

Moâdh resta donc à Séville, où il vécut dans une opulence princière. Chaque jour Motadhid lui envoyait des cadeaux d’un grand prix ou d’une rare élégance; il lui confia un commandement dans son armée[88], et aussi souvent qu’il consultait ses vizirs sur les affaires de l’Etat, il réservait la place d’honneur pour celui qui avait sauvé sa vie.

Ayant déposé les têtes des seigneurs berbers dans cette affreuse cassette dont il aimait tant à repaître ses regards, Motadhid envoya des troupes prendre possession de Moron, d’Arcos, de Xérès, de Ronda et d’autres places. Aidées par la population arabe et par des traîtres qui s’étaient vendus à Motadhid, elles y réussirent sans trop de peine. La prise de Ronda, où Abou-Naçr avait succédé à son père, semblait devoir coûter le plus d’efforts, car, bâtie sur une montagne très-élevée, elle était entourée de précipices et passait pour inexpugnable. Mais les Arabes s’insurgèrent en masse contre les Berbers, et se mirent à les massacrer avec une aveugle fureur. Abou-Naçr lui-même tâcha inutilement de se sauver par la fuite: au moment où il essayait de grimper à la muraille, son pied glissa, et son cadavre alla rouler dans le précipice[89].

Ce fut surtout la prise de Ronda qui causa au prince de Séville une joie indicible. Il se hâta de rendre cette ville plus forte encore qu’elle ne l’était déjà; puis, les travaux de fortification achevés, il alla les inspecter, et tressaillant d’aise, il composa ces vers:

Mieux fortifiée que tu ne l’as jamais été, tu es maintenant le plus beau bijou de mon royaume, ô Ronda! Les lances et les épées tranchantes de mes braves guerriers m’ont procuré l’avantage de te posséder; à présent tes habitants m’appellent leur seigneur et ils seront pour moi le plus ferme appui. Ah! pourvu que ma vie soit assez longue, je saurai bien abréger celle de mes ennemis. Pour me tenir en haleine, je ne cesserai jamais de les combattre. J’ai passé au fil de l’épée bataillons sur bataillons, et les têtes de mes ennemis, enfilées comme des perles, servent de collier à la porte de mon palais[90]!

VII.

Pendant que Motadhid, enivré de ses succès, se livrait aux transports d’une joie immodérée, Bâdîs était en proie à une anxiété toujours croissante. Quand il reçut la nouvelle du terrible sort qui avait frappé les seigneurs berbers, il déchira ses habits en hurlant de douleur et de rage. Puis, quand il apprit que, par un élan d’indignation patriotique, toute la population arabe de Ronda s’était levée comme un seul homme pour massacrer ses oppresseurs, de noirs pressentiments vinrent obséder et tourmenter son esprit soupçonneux. Qui lui répondait que ses propres sujets arabes ne se fussent pas concertés, eux aussi, avec l’Abbâdide, qu’ils ne conspirassent pas contre son trône et sa vie? Cette pensée le poursuivait sans relâche le jour et la nuit: on eût dit qu’il avait des accès de délire. Tantôt, transporté de fureur, il criait, jurait et s’emportait contre tout le monde; tantôt, l’âme troublée de crainte et remplie d’une noire mélancolie, il gardait un morne silence et languissait comme un arbre frappé de la foudre. Chose étrange et de sinistre présage: Bâdîs ne buvait plus....

Il laissait mûrir en secret un projet horrible. Tant qu’il y aurait des Arabes dans ses Etats, il ne serait pas un moment en sûreté; la prudence, pensait-il, lui commandait donc de les exterminer, et il le ferait le vendredi prochain, lorsqu’ils seraient tous réunis dans la mosquée. Cependant, comme il n’entreprenait rien sans consulter son vizir, le juif Samuel, il l’informa de son plan, mais en ajoutant qu’il était fermement décidé à l’exécuter, que le vizir l’approuvât ou non. Le juif jugea le plan mauvais; il tâcha d’en détourner le prince, le pria d’attendre, et de réfléchir mûrement aux conséquences d’une telle action. «Supposons, lui dit-il, que tout se passe selon vos souhaits; supposons que vous réussissiez à exterminer les Arabes, et ne comptons pas le péril d’une telle entreprise; mais alors, croyez-vous que les Arabes des autres Etats oublieront le malheur qui a frappé leurs compatriotes? croyez-vous qu’ils resteront tranquillement dans leurs demeures? Non pas, certainement; je les vois déjà accourir tout furieux, je vois des ennemis innombrables comme les vagues de la mer fondre sur vous, et brandir leurs cimeterres au-dessus de votre tête».... Si sensées qu’elles fussent, ces paroles n’eurent cependant aucun effet sur Bâdîs. Il fit promettre à Samuel de lui garder le secret, et donna les ordres nécessaires afin que tout fût prêt pour le vendredi. Ce jour-là les soldats devraient se réunir, armés de toutes pièces, sous le prétexte d’une revue.

Samuel, toutefois, ne resta pas oisif: il envoya secrètement auprès des principaux Arabes quelques femmes qui les connaissaient, et qui leur conseillèrent de ne pas se rendre à la mosquée le vendredi prochain, mais de se cacher au contraire. Ainsi avertis, les Arabes se tinrent sur leurs gardes, et au jour fixé il n’y eut dans la mosquée que quelques hommes du menu peuple. Furieux de voir son plan échouer, Bâdîs fit venir Samuel et lui reprocha d’avoir ébruité le secret qu’il lui avait confié. Le vizir le nia, après quoi il dit: «On s’explique aisément que les Arabes ne soient pas allés à la mosquée. Voyant que vous aviez rassemblé vos troupes sans raison apparente, car vous êtes en paix avec vos voisins, ils ont soupçonné naturellement que c’était à eux que vous en vouliez. Au lieu de vous fâcher, vous devriez plutôt rendre grâces à Dieu: devinant votre intention, ils auraient pu se soulever contre vous, et cependant ils n’ont pas bougé. Considérez l’affaire de sang-froid, seigneur; le temps viendra où vous approuverez ma manière de voir.» Peut-être Bâdîs aurait-il encore refusé, dans son aveuglement, de se laisser persuader, mais un chaikh berber ayant approuvé les raisons que donnait Samuel, il avoua enfin qu’il avait eu tort[91]. Il ne songea donc plus à exterminer ses sujets arabes; mais, vivement sollicité par les fugitifs de Moron, d’Arcos, de Xérès et de Ronda, qui étaient venus chercher un asile à Grenade, il résolut de punir le perfide ennemi de sa race, et envahit le territoire sévillan à la tête de ses propres troupes et des émigrés[92]. Nous ne possédons pas de détails sur cette guerre, mais tout porte à croire qu’elle fut sanglante; car d’une part les Berbers étaient enflammés du désir de venger la mort de leurs compatriotes, de l’autre, les Arabes haïssaient les Grenadins plus encore qu’ils ne haïssaient les autres Berbers. Ils les regardaient comme des infidèles, des mécréants, des ennemis de la religion musulmane, parce qu’ils avaient un vizir juif. «Ton épée a sévi parmi un peuple qui n’a jamais cru qu’au judaïsme, bien qu’il se donne le nom de berber», disaient les poètes sévillans quand ils chantaient les victoires de Motadhid[93]. Aux yeux des Sévillans une guerre contre les Grenadins était donc une guerre sainte; aussi les combattirent-ils avec tant de vigueur, qu’ils les forcèrent à se retirer. Les émigrés furent bien à plaindre alors. Motadhid ne leur permettant pas de retourner à leurs demeures et Bâdîs ne voulant pas qu’ils restassent à Grenade, attendu qu’il aurait dû pourvoir à leur subsistance, ils furent obligés de passer le Détroit. Ils débarquèrent dans le voisinage de Ceuta; mais Sacaute, le seigneur de cette place, ne voulait pas non plus d’eux. Repoussés ainsi par tout le monde, à une époque où la famine ravageait l’Afrique, ils périrent presque tous de faim[94].

Ensuite Motadhid tourna ses armes contre le Hammoudite Câsim, le seigneur d’Algéziras. C’était le plus faible parmi les princes berbers; aussi fut-il bientôt forcé de demander grâce. Motadhid lui permit d’aller vivre à Cordoue (1058)[95].

Cette nouvelle conquête achevée, Motadhid crut qu’il était temps de finir la comédie qu’il avait jouée jusqu’alors à l’exemple de son père, et de déclarer que le soi-disant Hichâm II était mort. Les raisons que son père avait eues pour se couvrir du nom de ce monarque n’existaient plus. Tout le monde était convaincu désormais que le retour au passé était impossible, que le califat était tombé pour ne plus se relever; à cet égard l’expérience avait dissipé toutes les illusions. Le nattier de Calatrava était donc devenu un personnage parfaitement inutile. Il se peut que cet homme, qui ne se montrait jamais ni au peuple ni aux courtisans, fût mort depuis plusieurs années; il se peut aussi que Motadhid, ennuyé de lui, l’ait fait tuer, comme quelques chroniqueurs l’assurent. Nous n’oserions rien affirmer à ce sujet, car le prince de Séville, quand il le voulait, savait envelopper ses actes d’un mystère impénétrable. Toujours est-il que, dans l’année 1059, il réunit les principaux habitants de sa capitale pour leur annoncer que le calife Hichâm avait succombé, quelque temps auparavant, à une attaque de paralysie. Tant qu’il avait eu des guerres à soutenir, ajouta-t-il, la prudence lui avait défendu de donner de la publicité à cet événement, mais maintenant qu’il était en paix avec tous ses voisins, il pouvait le faire sans danger. Puis il fit ensevelir la dépouille mortelle du nattier de Calatrava avec tous les honneurs dus à la royauté, et en sa qualité de hâdjib ou premier ministre, il accompagna le cortége à pied et sans tailesân[96]. Il communiqua aussi la mort du calife à ses alliés de l’Est, en les exhortant à faire un nouveau choix. Naturellement personne n’y songea. Il prétendit alors, dit-on, que, dans son testament, le calife l’avait nommé émir de toute l’Espagne[97]. Il est certain, du moins, qu’il tâchait de le devenir; tous ses efforts tendaient vers ce but, et il voulait s’emparer maintenant de l’ancienne capitale de la monarchie. La destinée, toutefois, lui préparait un désappointement terrible.

Déjà ses troupes avaient fait plusieurs razzias sur le territoire de Cordoue, lorsque, dans l’année 1063[98], il donna à Ismâîl, son fils aîné et le général de son armée, l’ordre d’aller prendre la ville à demi ruinée de Zahrâ. Ismâîl fit des difficultés, des objections. Depuis quelque temps déjà, il était mécontent de son père. Il se plaignait de sa dureté, de son humeur tyrannique; il l’accusait de l’exposer souvent à de graves périls, en refusant de lui donner assez de soldats alors qu’il y avait un combat à livrer ou une place forte à assiéger. Un aventurier ambitieux fomentait son mécontentement. C’était Abou-Abdallâh Bizilyânî, qui avait émigré de Malaga lors de la prise de cette ville par Bâdîs. Voulant à tout prix devenir premier ministre, n’importe de qui, n’importe où, cet intrigant avait tâché de faire naître dans le cœur d’Ismâîl la pensée de se révolter contre son père et de fonder quelque part, à Algéziras par exemple, une principauté indépendante. Il n’avait que trop bien réussi dans son projet: au moment où il reçut l’ordre de marcher contre Zahrâ, l’irritation d’Ismâîl était telle qu’il fallait peu de chose pour la porter au comble, et malheureusement son père refusa de nouveau de lui donner autant de troupes qu’il en demandait. En vain Ismâîl lui représenta qu’avec le peu de soldats qu’il avait, il lui serait impossible d’attaquer un Etat tel que Cordoue, et que, si Bâdîs venait au secours des Cordouans, comme il ne manquerait pas de le faire puisqu’il était leur allié, il serait placé entre deux feux. Motadhid ne voulut rien entendre; il s’emporta; dans son courroux il appela son fils un lâche, il l’accabla de menaces, et peu s’en fallut que des paroles il n’en vînt aux voies de fait. «Si tu tardes à m’obéir, s’écria-t-il, je te fais couper la tête!»

Blessé dans sa fierté et le cœur rempli de colère, Ismâîl se met en marche; mais il consulte Bizilyânî, et celui-ci lui persuade sans peine que le moment est venu d’exécuter le projet souvent discuté entre eux. A deux journées de Séville, Ismâîl annonce donc à ses officiers qu’il a reçu de son père une lettre dans laquelle il lui enjoint de retourner auprès de lui, attendu qu’il a encore quelque chose d’important à lui dire. Puis, accompagné de Bizilyânî et d’une trentaine de ses gardes à cheval, il retourne en toute hâte à Séville. Motadhid n’y était pas; il résidait dans le château de Zâhir, de l’autre côté du fleuve, Ismâîl trouve la citadelle de Séville faiblement gardée. Dans la nuit il s’en rend maître, charge les trésors de son père sur des mulets, et afin que personne ne puisse traverser le fleuve et porter à Zâhir la nouvelle de ce qui venait d’arriver, il fait couler à fond les barques amarrées devant la citadelle. Puis, emmenant sa mère et les autres femmes du sérail, il prend la route d’Algéziras.

Cependant, malgré les soins qu’il avait pris pour empêcher que le bruit de son entreprise ne parvînt aux oreilles de son père, celui-ci en fut informé par un cavalier de la suite de son fils, qui, désapprouvant sa coupable conduite, passa le Guadalquivir à la nage. A l’instant même, Motadhid fit battre la campagne sur tous les points par des brigades de cavalerie, et envoya des exprès aux gouverneurs de ses forteresses. Ils arrivèrent à temps, et Ismâîl trouva fermées les portes de tous les châteaux qui étaient sur sa route. Craignant alors de voir les châtelains se réunir pour l’attaquer, il implora la protection de Haççâdî qui était gouverneur d’un château posé sur la pointe d’une colline aux confins du district de Sidona. Haççâdî lui accorda sa demande, mais en stipulant qu’il resterait au pied de la colline. Puis, accompagné de ses soldats, il se rendit auprès de lui, lui conseilla de se réconcilier avec son père, et lui offrit sa médiation. Voyant que son plan avait complètement échoué, Ismâîl consentit à tout ce qu’il lui proposait. Haççâdî lui permit alors d’entrer dans le château, où il le traita avec tous les égards dus à son rang, et s’empressa d’écrire à Motadhid. Il disait dans sa lettre qu’Ismâîl se repentait de son échauffourée, et il suppliait le prince de lui pardonner. La réponse de Motadhid ne se fit pas attendre. Elle était rassurante; le prince déclarait qu’il pardonnait à son fils.

Ismâîl retourna donc à Séville. Son père lui laissa tous ses biens, mais en même temps il le fit étroitement garder, et ordonna que l’on coupât la tête à Bizilyânî ainsi qu’à ses complices. Ismâîl l’apprit, et comme il ne connaissait que trop bien la duplicité de son père, il ne vit plus qu’un piége dans le pardon qu’il avait obtenu. Dès lors son parti était pris. Ayant gagné, à force d’argent, ses gardes et quelques esclaves, il les rassemble pendant la nuit, les arme, les fait boire pour leur donner du courage, et escalade avec eux un endroit du palais qu’il croit facile à surprendre. Il espère trouver son père endormi, et cette fois il est bien résolu de lui ôter la vie. Mais tout à coup Motadhid se montre à la tête de ses soldats. A sa vue, les conspirateurs prennent précipitamment la fuite. Ismâîl réussit à franchir la muraille de la ville; mais des soldats lancés à sa poursuite l’atteignent et le ramènent prisonnier.

Au comble de la fureur, son père le fit traîner au fond du palais, et, ayant éloigné tous les témoins, il le tua de ses propres mains. Il sévit aussi contre ses complices, ses amis, ses serviteurs, et même contre les femmes de son sérail. Il y eut des mains, des nez, des pieds coupés, des exécutions publiques et secrètes.

Sa colère apaisée, le tyran fut en proie à une sombre tristesse, à des remords déchirants. Ce fils qui s’était révolté contre lui, qui avait attenté à sa vie, qui lui avait enlevé ses trésors et jusqu’à ses femmes, avait été bien coupable sans doute; mais il avait beau se le dire, se le répéter à tout instant, il ne pouvait oublier qu’il l’avait aimé, réellement aimé, car malgré la dureté de son âme, il avait une tendre affection pour sa famille. Dans ce fils prudent et sage dans le conseil, vaillant et intrépide sur le champ de bataille, il avait vu l’appui de sa vieillesse prématurée et le continuateur de son œuvre. Maintenant il avait détruit de ses propres mains ses espérances les plus chères!

«Le troisième jour après cette sanglante catastrophe, raconte un vizir sévillan, j’entrai avec mes collègues dans la salle du conseil. Le visage de Motadhid était terrible à voir; nous tremblions de peur, et en le saluant, nous pûmes à peine balbutier quelques paroles. Le prince nous mesura, de son regard scrutateur, des pieds à la tête; puis, rugissant comme un lion:—Misérables, s’écria-t-il, pourquoi ce silence? Vous vous réjouissez en secret de mon malheur; sortez d’ici!»

Pour la première fois peut-être cette sauvage énergie, cette volonté de fer, se trouva brisée; ce cœur en apparence invulnérable avait reçu une blessure que le temps pourrait adoucir peu à peu, mais qui laisserait toujours une profonde cicatrice. Pour le moment, laissant en repos la république de Cordoue, joyeuse autant qu’étonnée de ce répit, il ne songea plus à ses vastes projets[99]; mais insensiblement il y revint, et ce fut Malaga qui réveilla son ambition.

Courbés depuis plusieurs années sous le joug de Bâdîs, les Arabes de Malaga maudissaient chaque jour sa tyrannie, et c’était du prince de Séville qu’ils attendaient leur délivrance. Ils savaient bien qu’il était un tyran, lui aussi; mais tyran pour tyran, ils préféraient celui qui appartenait à la même nation qu’eux. Ils s’entendirent donc, avec Motadhid et tramèrent une conspiration. Bâdîs lui-même favorisa leurs projets par sa nonchalance, car, plongé dans une ivresse presque continuelle, il ne s’occupait des affaires qu’à de rares intervalles. Au jour fixé, un soulèvement général et irrésistible éclata dans la capitale et dans vingt-cinq forteresses; en même temps des troupes sévillanes, commandées par Motamid, le fils de Motadhid, franchirent la frontière pour venir au secours des insurgés. Pris au dépourvu, les Berbers furent passés au fil de l’épée; ceux qui réussirent à se sauver ne durent leur salut qu’à une prompte fuite, et en moins d’une semaine, toute la principauté fut au pouvoir du prince de Séville. Le château de Malaga, où il y avait une garnison de nègres, était le seul qui ne se fût pas encore rendu. Bien fortifié et situé sur le sommet d’une montagne, il pourrait tenir longtemps, et il était à craindre que Bâdîs ne profitât de cet intervalle pour venir au secours des assiégés. Tel, du moins, était l’avis des chefs de l’insurrection; ils conseillèrent donc à Motamid de presser le siège du château, de se tenir sur ses gardes, et de ne pas trop se fier aux Berbers qui servaient en assez grand nombre dans son armée. C’étaient de sages conseils, mais Motamid ne les écouta pas. Indolent de sa nature et nullement soupçonneux, il se laissait fêter par la population qu’il avait charmée par ses manières aimables, et ne prêtait que trop l’oreille à ses officiers berbers qui, poussés par une secrète sympathie pour Bâdîs, le trahissaient et l’assuraient que bientôt le château se rendrait spontanément. Quant à ses autres soldats, croyant aussi qu’aucun péril ne les menaçait, ils faisaient mauvaise garde et se livraient aux plaisirs.

Cette insouciance devint fatale à tout le monde. Les nègres du château ayant trouvé le moyen d’informer Bâdîs qu’il lui serait facile de surprendre l’armée sévillane, les troupes de Grenade se mirent en route. Elles traversèrent les montagnes avec tant de vitesse et de précaution, qu’elles entrèrent dans Malaga sans que Motamid, un instant auparavant, eût eu le moindre soupçon de leur approche. Elles n’eurent donc pas de combat à livrer; tout ce qu’elles avaient à faire, c’était d’égorger des soldats désarmés et pour la plupart à demi ivres. Motamid leur échappa en se retirant sur Ronda; mais toute la principauté fut forcée de se soumettre de nouveau à la domination de Bâdîs.

Que l’on se figure la rage de Motadhid lorsqu’il apprit que, par suite de la coupable négligence de son fils, il avait perdu une armée et une superbe principauté! Il commença par ordonner que Motamid fût retenu prisonnier à Ronda; puis, oubliant les remords que le meurtre de son fils aîné lui avait causés, il voulut que le second payât de sa tête la faute qu’il avait commise.

Ignorant encore jusqu’à quel point son père était irrité, Motamid lui envoya des poèmes remplis de flatteries adroites. Il y faisait l’éloge de sa générosité, de sa clémence; il tâchait de le consoler en lui rappelant ses anciens succès. «Que de victoires brillantes n’avez-vous pas remportées, disait-il, victoires dont on parlera toujours aux siècles futurs; les caravanes en ont porté le bruit dans les contrées les plus lointaines, et quand les Arabes du Désert s’assemblent au clair de la lune pour se raconter les exploits des preux, ils ne parlent que des vôtres.» Il cherchait à s’excuser en rejetant tout sur les perfides Berbers; il peignait avec les plus vives couleurs la tristesse que lui causait sa disgrâce. «Mon âme tremble, disait-il, ma voix et mes yeux sont éteints. La couleur a disparu de mes joues, et pourtant je ne suis pas malade; mes cheveux ont blanchi, et pourtant je suis jeune encore. Rien ne me plaît dorénavant; la coupe et la guitare n’ont plus d’attrait pour moi; les jeunes filles, qu’elles soient agaçantes ou timides, ont perdu l’empire qu’elles avaient sur mon âme. Ce n’est pas que je me sois jeté dans la dévotion, dans la cagoterie; non, je le jure, je sens encore bouillir dans mes veines le sang fougueux de la jeunesse; mais la seule chose qui me plairait aujourd’hui, ce serait d’obtenir votre pardon et de passer ma lance à travers le corps de vos ennemis.»

Peu à peu, Motadhid se laissa fléchir, en partie par les poèmes de son fils, car il était fort sensible aux beaux vers, en partie par les prières d’un pieux ermite de Ronda. Il permit donc à Motamid de retourner à Séville et se réconcilia avec lui[100]. Mais la principauté de Malaga était irrévocablement perdue; désormais Bâdîs se tint trop sur ses gardes pour que Motadhid pût tenter pour la seconde fois un pareil coup de main. Il est à présumer aussi que le roi de Grenade, toujours inexorable dans sa vengeance et qui ne marchait qu’escorté de bourreaux, aura châtié par le feu, par le fer, par la fosse, les malheureux qui avaient eu l’insolence de se révolter contre lui, et que de cette manière il aura ôté aux mécontents le désir de recommencer.

Au milieu de leurs maux, ils eurent cependant la consolation—et c’en était une, car à leur haine de l’oppression se joignait tant soit peu de fanatisme religieux—ils eurent la consolation, disons-nous, d’apprendre que l’influence des juifs à la cour de Grenade avait atteint son terme.

Samuel avait cessé de vivre, mais son fils Joseph lui avait succédé. C’était aussi un homme habile et instruit; seulement il ne savait pas, comme son père, se faire pardonner à force de modestie la haute dignité qu’il occupait. Il étalait le faste d’un prince, et quand il allait à cheval à côté de Bâdîs, on n’apercevait aucune différence entre le costume du monarque et celui du ministre. Et en vérité, il était plus roi que le roi. Il dominait complétement Bâdîs, qui était plongé dans une ivresse presque continuelle, et afin que ce prince ne tentât pas de se soustraire à son empire, il l’avait entouré d’espions qui lui rapportaient jusqu’à ses moindres paroles. Au reste il n’était juif que de nom. On disait du moins qu’il ne croyait pas plus à la religion de ses ancêtres qu’à une autre, et qu’il les méprisait toutes. Il ne semble pas avoir attaqué ouvertement celle de Moïse, mais quant à celle de Mahomet, il déclara en public que ses dogmes étaient absurdes, et il tourna en ridicule plusieurs versets du Coran.

Par sa fierté, son orgueil, ses sentiments irréligieux et son peu de respect pour la justice, Joseph avait blessé les Arabes, les Berbers, et même les juifs. Plusieurs forfaits lui furent imputés, et il se fit une foule d’ennemis parmi lesquels un faqui arabe, Abou-Ishâc d’Elvira, tenait le premier rang. La jeunesse de cet homme avait été orageuse; plus tard il avait essayé d’obtenir à la cour un rang auquel sa naissance semblait lui donner des droits; mais il n’y avait pas réussi: Joseph avait frustré ses espérances et l’avait envoyé en exil. Il s’était jeté alors dans la dévotion; mais rempli de haine contre Joseph, il composa contre lui et ses coreligionnaires le poème virulent qu’on va lire:

Va, mon messager, va rapporter à tous les Cinhédjites, les pleines lunes et les lions de notre temps, ces paroles d’un homme qui les aime, qui les plaint et qui croirait manquer à ses devoirs religieux s’il ne leur donnait des conseils salutaires:

Votre maître a commis une faute dont les malveillants se réjouissent: pouvant choisir son secrétaire parmi les croyants, il l’a pris parmi les infidèles! Grâce à ce secrétaire, les juifs, de méprisés qu’ils étaient, sont devenus des grands seigneurs, et maintenant leur orgueil et leur arrogance ne connaissent plus de limites. Tout à coup et sans qu’ils s’en doutassent, ils ont obtenu tout ce qu’ils pouvaient désirer; ils sont parvenus au comble des honneurs, de sorte que le singe le plus vil parmi ces mécréants compte aujourd’hui parmi ses serviteurs une foule de pieux et dévots musulmans. Et tout cela, ce n’est pas à leurs propres efforts qu’ils le doivent; non, celui qui les a élevés si haut est un homme de notre religion!... Ah! pourquoi cet homme ne suit-il pas à leur égard l’exemple que lui ont donné les princes bons et dévots d’autrefois? Pourquoi ne les remet-il pas à leur place, pourquoi ne les rend-il pas les plus vils des mortels? Alors, marchant par troupes, ils mèneraient au milieu de nous une vie errante, en butte à notre dédain et à notre mépris; alors ils ne traiteraient pas nos nobles avec hauteur, nos saints avec arrogance; alors ils ne s’asseyeraient pas à nos côtés, ces hommes de race impure, et ils ne chevaucheraient pas côte à côte des grands seigneurs de la cour!

O Bâdîs! Vous êtes un homme d’une grande sagacité et vos conjectures équivalent à la certitude: comment se fait-il donc que vous ne voyiez pas le mal que font ces diables dont les cornes se montrent partout dans vos domaines? Comment pouvez-vous avoir de l’affection pour ces bâtards qui vous ont rendu odieux au genre humain? De quel droit espérez-vous d’affermir votre pouvoir, quand ces gens-là détruisent ce que vous bâtissez? Comment pouvez-vous accorder une si aveugle confiance à un scélérat et en faire votre ami intime? Avez-vous donc oublié que le Tout-Puissant dit dans l’Ecriture qu’il ne faut pas se lier avec des scélérats? Ne prenez donc pas ces hommes pour vos ministres, mais abandonnez-les aux malédictions, car toute la terre crie contre eux; bientôt elle tremblera et alors nous périrons tous!... Portez vos regards sur d’autres pays et vous verrez que partout on traite les juifs comme des chiens et qu’on les tient à l’écart. Pourquoi vous seul en agiriez-vous autrement, vous qui êtes un prince chéri de vos peuples, vous qui êtes issu d’une illustre lignée de rois, vous qui primez vos contemporains, de même que vos ancêtres primaient les leurs?

Arrivé à Grenade, j’ai vu que les juifs y régnaient. Ils avaient divisé entre eux la capitale et les provinces; partout commandait un de ces maudits. Ils percevaient les contributions, ils faisaient bonne chère, ils étaient magnifiquement vêtus, au lieu que vos hardes, ô musulmans, étaient vieilles et usées. Tous les secrets d’Etat leur étaient connus; quelle imprudence que de les confier à des traîtres! Les croyants faisaient un mauvais repas à un dirhem par tête; mais eux, ils dînaient somptueusement dans le palais. Ils vous ont supplantés dans la faveur de votre maître, ô musulmans, et vous ne les en empêchez pas, vous les laissez faire? Leurs prières résonnent tout comme les vôtres; ne l’entendez-vous pas, ne le voyez-vous pas? Ils tuent des bœufs et des moutons sur nos marchés, et vous mangez sans scrupule la chair des animaux tués par eux! Le chef de ces singes a enrichi son hôtel d’incrustations de marbre; il y a fait construire des fontaines d’où coule l’eau la plus pure, et pendant qu’il nous fait attendre à sa porte, il se moque de nous et de notre religion. Dieu, quel malheur! Si je disais qu’il est aussi riche que vous, ô mon roi, je dirais la vérité. Ah! hâtez-vous de l’égorger et de l’offrir en holocauste; sacrifiez-le, c’est un bélier gras! N’épargnez pas davantage ses parents et ses alliés; eux aussi ont amassé des trésors immenses. Prenez leur argent; vous y avez plus de droit qu’eux. Ne croyez pas que ce serait une perfidie que de les tuer; non, la vraie perfidie, ce serait de les laisser régner. Ils ont rompu le pacte qu’ils avaient conclu avec nous; qui donc oserait vous blâmer si vous punissez des parjures? Comment pourrions-nous aspirer à nous distinguer, quand nous vivons dans l’obscurité et que les juifs nous éblouissent par l’éclat des grandeurs? Comparés avec eux, nous sommes méprisés, et l’on dirait vraiment que nous sommes des scélérats et que ces hommes-là sont d’honnêtes gens! Ne souffrez plus qu’ils nous traitent comme ils l’ont fait jusqu’à présent, car vous nous répondrez de leur conduite. Rappelez-vous aussi qu’un jour vous devrez rendre compte à l’Eternel de la manière dont vous aurez traité le peuple qu’il a élu et qui jouira de la béatitude éternelle!

Ce poème eut peu d’effet sur Bâdîs, qui accordait à Joseph une confiance illimitée, mais il produisit parmi les Berbers une sensation profonde. Ils jurèrent la perte du juif, et les chefs du complot répandirent le bruit que Joseph s’était vendu à Motacim, le roi d’Almérie, avec lequel on était alors en guerre. Puis, comme les moins crédules et les moins aveuglés par la passion leur demandaient quel intérêt Joseph pouvait avoir à trahir un prince qu’il gouvernait complètement, ils répondaient que, lorsque le juif aurait fait périr Bâdîs et qu’il aurait livré ses Etats à Motacim, il ferait aussi mourir ce dernier et qu’alors il s’assiérait sur le trône. Il est à peine besoin de dire que tout cela n’était qu’une pure calomnie. Le fait est que les Berbers cherchaient un prétexte pour faire tomber Joseph et pour piller les juifs auxquels ils enviaient depuis longtemps leurs richesses. Croyant l’avoir trouvé enfin, ils s’ameutèrent et assaillirent le palais royal où Joseph s’était réfugié. Pour échapper à leur aveugle fureur, le juif se cacha dans un charbonnier, où il se noircit la figure afin de se rendre méconnaissable; mais il fut découvert, reconnu, tué et attaché sur une croix. Puis les Grenadins s’étant mis à massacrer les autres juifs et à piller leurs demeures, environ quatre mille personnes devinrent les victimes de leur haine fanatique (30 décembre 1066)[101].

VIII

Le reste de l’Espagne musulmane n’était guère plus tranquille que le Midi; partout on se disputait avec acharnement les débris du califat, et cependant on voyait grossir dans le Nord un torrent dont le flot menaçait d’engloutir tous les Etats musulmans de la Péninsule.

Pendant un demi-siècle les rois chrétiens avaient eu trop à faire chez eux pour pouvoir se poser en conquérants; mais vers l’année 1055 les choses changèrent de face. A cette époque Ferdinand Ier, roi de Castille et de Léon, se trouva enfin à même de tourner toutes ses forces contre les Sarrasins. Il était à prévoir que ces derniers ne seraient pas en état de lui résister. Tous les avantages, en effet, étaient du côté des chrétiens; ils avaient ce que leurs ennemis n’avaient plus, l’esprit martial et l’enthousiasme religieux. Aussi les conquêtes de Ferdinand furent rapides et brillantes. Il enleva à Modhaffar de Badajoz Viseu et Lamego (1057), conquit sur le roi de Saragosse les forteresses au sud du Duero, fit une terrible razzia dans les Etats de Mamoun de Tolède, et s’avança jusqu’à Alcala de Hénarès. Les habitants de cette ville firent dire à leur souverain que, s’il ne se hâtait de venir à leur secours, ils seraient bientôt obligés de se rendre. Trop faible pour repousser l’ennemi, Mamoun prit le parti le plus sage: étant venu en personne offrir à Ferdinand une immense quantité d’or, d’argent et de pierres précieuses, il se déclara son vassal et son tributaire, comme les rois de Badajoz et de Saragosse l’avaient déjà fait[102].

Ce fut alors le tour de Motadhid. Dans l’année 1063, Ferdinand vint brûler les villages du territoire de Séville, et la faiblesse des Etats musulmans était telle que Motadhid, quoiqu’il fût sans contredit le monarque le plus puissant de l’Andalousie, crut prudent de suivre l’exemple que Mamoun lui avait donné. Il se rendit donc au camp chrétien, offrit de beaux présents à Ferdinand, et le supplia d’épargner son royaume. Ferdinand ne semble avoir connu ni la fourberie ni la cruauté de cet homme, auquel des cheveux blancs et un front sillonné de rides donnaient l’aspect imposant et vénérable d’un vieillard; car, bien qu’il ne comptât encore que quarante-sept ans, les soucis de l’ambition, le travail, les excès et peut-être le remords avaient vieilli ses traits avant l’âge[103]. Il n’est donc pas étonnant que le roi de Castille se laissât toucher par ses prières; mais croyant devoir consulter les grands et les évêques de son royaume, il les convoqua pour leur demander quelles conditions on imposerait à Motadhid. L’assemblée décida que le roi de Séville serait tenu de payer un tribut annuel, et de remettre à des ambassadeurs que Ferdinand lui enverrait, le corps de sainte Juste, vierge et martyre du temps de la persécution romaine. Motadhid ayant accepté ces conditions, Ferdinand ramena son armée, et quand il fut de retour à Léon, il envoya à Séville Alvitus, évêque de la capitale, et Ordoño, évêque d’Astorga.

Les deux prélats avaient une double tâche à remplir: ils devaient rapporter à Léon le corps de la sainte et régler l’affaire du tribut[104]. Malheureusement les recherches que l’on fit pour découvrir les reliques de sainte Juste demeurèrent inutiles. «Vous le voyez, mes frères, dit alors Alvitus à ses compagnons, à moins que la miséricorde divine ne nous vienne en aide, nous retournerons trompés dans nos espérances de ce pénible voyage. Il me semble donc nécessaire de demander à Dieu, par trois jours de jeûnes et de prières, qu’il daigne nous révéler le trésor caché que nous cherchons.» En conséquence, les chrétiens passèrent trois jours dans les jeûnes et les prières, ce dont la santé d’Alvitus, déjà altérée au moment où il arriva à Séville, souffrit beaucoup. Dans la matinée du quatrième jour, cet évêque réunit de nouveau ses compagnons et leur dit: «Nous devons, mes bien-aimés, rendre grâce à Dieu de tout notre cœur, puisque, dans sa miséricorde, il a daigné ne point frustrer notre voyage de sa récompense. Un ordre du ciel nous défend, il est vrai, de tirer d’ici les membres de la bienheureuse Juste; mais vous rapporterez dans votre patrie un don non moins précieux, à savoir le corps du bienheureux Isidore, qui a porté dans cette ville la mitre épiscopale, et qui, par ses œuvres et sa parole, fut l’ornement de l’Espagne entière. J’aurais voulu, mes frères, veiller et prier toute cette nuit, mais m’étant assis un instant accablé de fatigue, j’ai été vaincu par le sommeil. Alors un vieillard revêtu de l’habit épiscopal m’est apparu.—Je sais, m’a-t-il dit, dans quel dessein toi et tes compagnons vous êtes venus ici; mais comme il n’entre pas dans la volonté divine que cette ville soit attristée par le départ de sainte Juste, et que Dieu, dans son inépuisable miséricorde, ne veut pas non plus que tes compagnons partent les mains vides, il leur donne mon corps.—Qui êtes-vous qui me donnez ces ordres? lui ai-je demandé.—Je suis le docteur de toute l’Espagne, m’a-t-il répondu, et autrefois j’ai été le chef des prêtres de cette ville; je suis Isidore.—Ayant parlé ainsi, il disparut, et m’étant éveillé, je priai Dieu pour que, si cette vision venait de lui, il daignât la renouveler une deuxième et une troisième fois. Elle se renouvela en effet deux fois encore; à chaque reprise le vieillard m’adressa les mêmes paroles, et la troisième fois il ajouta, en me montrant l’endroit où son corps est enterré et en le frappant trois fois d’une baguette qu’il tenait à la main:—Ici, ici, ici, tu trouveras mon corps; et afin que tu ne t’imagines pas que c’est un fantôme qui t’abuse, tu reconnaîtras que ce que je dis est vrai à ce signe: aussitôt que mon corps aura été retiré de la terre, une maladie incurable te saisira, et, quittant ce corps mortel, tu viendras à nous avec la couronne des justes.—Cela dit, la vision disparut.»

Alvitus se rendit ensuite avec ses compagnons au palais de Motadhid, lui raconta sa vision, et lui demanda la permission d’emporter le corps d’Isidore, en remplacement de celui de sainte Juste.

Le récit de l’évêque a dû produire sur Motadhid une impression singulière. Sceptique et railleur, il enveloppait toutes les religions dans un même dédain, et ne croyait qu’à deux choses, l’astrologie et le vin[105]. Il écouta néanmoins l’évêque avec un sérieux imperturbable, et quand celui-ci eut conclu sa longue harangue: «Hélas! s’écria-t-il d’un ton de profonde tristesse, si je vous donne Isidore, que me reste-t-il donc ici? Toutefois, que la volonté de Dieu soit faite! Vous êtes un homme trop vénérable pour que je puisse vous refuser quelque chose. Cherchez le corps d’Isidore et emportez-le, malgré que j’en aie.» L’Arabe, en vrai renard qu’il était, comprenait le parti qu’il pouvait tirer de la piété des chrétiens, piété dont il riait sous cape. Ayant un tribut à payer, il calculait que s’il feignait d’attacher un grand prix aux reliques, si, pour ainsi dire, il ne se les laissait arracher qu’à son corps défendant, elles pourraient lui devenir fort utiles. Il comptait faire comme le débiteur qui, pressé de payer sa dette, sait faire entrer dans le compte quelque antiquaille, qu’il fait accepter à son créancier comme un objet d’une antiquité, d’une rareté et d’un prix tout à fait extraordinaires. Aussi joua-t-il son rôle jusqu’au bout, car au moment où l’évêque d’Astorga (son collègue Alvitus venait de mourir) s’apprêtait à quitter Séville avec les restes d’Isidore, il vint à la rencontre du cortége, jeta sur le sarcophage une couverture de brocart chargée d’arabesques d’un travail merveilleux, et, poussant de gros soupirs: «Voilà que tu te retires d’ici, Isidore, homme vénérable! s’écria-t-il; tu sais pourtant quelle étroite amitié nous unit[106]

L’année suivante (1064) fut extrêmement désastreuse pour les musulmans. Coïmbre fut obligée de se rendre à Ferdinand après avoir soutenu un siége de six mois. En vertu de la capitulation, plus de cinq mille des défenseurs de la place furent livrés au vainqueur; les autres quittèrent leurs demeures n’emportant avec eux que l’argent nécessaire à leur voyage. Ce n’était pas tout encore: tous les musulmans qui demeuraient entre le Duero et le Mondego reçurent l’ordre de quitter le pays[107]. Ferdinand tourna ensuite ses armes contre le royaume de Valence, où le faible et indolent Abdalmélic-Modhaffar, qui avait succédé à son père Abdalazîz en 1061, régnait alors. La capitale fut assiégée; mais voyant qu’elle était difficile à prendre, les Castillans eurent recours à une ruse pour la priver de ses défenseurs. Ils feignirent de se retirer et alors les Valenciens sortirent pour les poursuivre revêtus de leurs habits de fête, tant ils croyaient la victoire facile. Leur audace leur coûta cher. Près de Paterna, à gauche de la route qui mène de Valence à Murcie, ils furent assaillis à l’improviste par les Castillans. La plupart furent massacrés et leur roi ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval[108]. La prise de la forteresse de Barbastro, l’une des plus importantes dans le Nord-est, fut aussi un affreux malheur. Elle tomba au pouvoir d’une armée de Normands, commandée par Guillaume de Montreuil, qui était alors général en chef des troupes du pape, et qui, dans les romans de chevalerie, porte le nom de Guillaume au Court nez. Le sort des vaincus fut terrible. Les soldats de la garnison s’étaient rendus après avoir stipulé qu’ils auraient la vie sauve, mais étant sortis de la ville, ils furent presque tous massacrés. Les habitants ne furent pas mieux traités. Eux aussi avaient obtenu l’amân, et ils s’apprêtaient à quitter la ville, lorsque Guillaume de Montreuil, à qui leur grand nombre inspirait des inquiétudes, ordonna à ses soldats d’éclaircir leurs rangs. La boucherie ne cessa qu’après que six mille personnes eurent perdu la vie. Puis on enjoignit à tous ceux qui possédaient une maison de rentrer dans la ville avec leurs femmes et leurs enfants. Ils obéirent, et alors les Normands divisèrent tout entre eux. «Chaque chevalier qui recevait une maison pour son partage, dit un auteur arabe de ce temps, recevait en outre tout ce qu’il y avait dedans, les femmes, les enfants, l’argent etc., et il pouvait faire du maître de la maison tout ce qu’il voulait; aussi prenait-il tout ce que le maître lui montrait, et il le forçait par des tortures de tout genre à lui livrer ce qu’il prétendait lui cacher. Parfois le musulman rendait l’âme au milieu de ces tortures, ce qui était réellement un bonheur pour lui, car s’il y survivait, il avait à éprouver des douleurs encore plus grandes, attendu que les mécréants, par un raffinement de cruauté, prenaient plaisir à violer les femmes et les filles de leurs prisonniers devant les yeux de ceux-ci. Chargés de fers, ces infortunés étaient forcés d’assister à ces scènes horribles; ils versaient bien des larmes et leur cœur se brisait.» Heureusement pour les musulmans, Guillaume et ses compagnons ne tardèrent pas à quitter l’Espagne pour aller jouir dans leur patrie des immenses richesses qu’ils avaient acquises. Il ne resta donc à Barbastro qu’une garnison assez faible, et Moctadir de Saragosse, qui avait reçu de Motadhid un renfort de cinq cents cavaliers, profita de cette circonstance pour reprendre la ville dans le printemps de l’année suivante (1065)[109].

Cependant Ferdinand continuait ses efforts pour s’emparer de Valence, et quoique le roi de cette ville eût reçu des renforts de son beau-père, Mamoun de Tolède, il se trouvait dans une position fort dangereuse, lorsque Ferdinand tomba malade, ce qui le contraignit à retourner à Léon. Abdalmélic, toutefois, n’eut guère lieu de s’en féliciter, car en novembre il fut détrôné et enfermé dans la forteresse de Cuenca par son beau-père, qui incorpora le royaume de Valence dans ses Etats[110].

Bientôt après, la mort vint délivrer les musulmans de leur plus terrible adversaire. Par sa bravoure, sa piété et la pureté de ses mœurs, Ferdinand avait été le modèle des rois: une mort belle et sainte couronna dignement une vie belle et sainte aussi. Arrivé à Léon le samedi 24 décembre, il s’empressa d’aller prier dans l’église qu’il avait dédiée à saint Isidore, convaincu que le moment approchait où son corps y reposerait pour toujours. Ensuite il prit quelques heures de repos dans son palais, mais la nuit il retourna à l’église, où les prêtres célébraient par des chants solennels la fête de la nativité du Seigneur, et quand ils entonnèrent, selon la liturgie de Tolède encore en usage alors, le dernier nocturne des matines, l’Advenit nobis, il mêla sa voie affaiblie à la leur. Au lever de l’aube, il les pria de dire la messe, et, ayant reçu l’eucharistie, il se fit reconduire à son lit, marchant péniblement appuyé sur les serviteurs de sa maison. Le lendemain dans la matinée, il se fit revêtir de ses habits royaux et reporter à l’église, où il s’agenouilla devant l’autel, et, déposant le manteau royal et la couronne, il dit d’une voix encore claire: «A toi sont la puissance et le règne, Seigneur! Tu es le roi des rois; à toi sont les royaumes du ciel et de la terre. Je te rends donc celui que tu m’as donné et que j’ai gouverné tant qu’il a plu à ta divine volonté. Je te prie seulement de recevoir dans ta miséricorde mon âme arrachée au gouffre de ce monde.» Puis, prosterné sur les dalles, il implora en pleurant le pardon de ses péchés, reçut l’extrême onction de la main d’un évêque, et, le corps revêtu d’un cilice, la tête couverte de cendre, il attendit la mort, le regard plein de foi et de résignation. Le lendemain, mardi, à l’heure de sexte, il rendit son âme à Dieu, ou plutôt il s’endormit, tant son visage était demeuré calme et souriant[111].

Une autre mort, moins sainte à coup sûr, suivit d’assez près celle-là: Motadhid de Séville expira le samedi 28 février de l’année 1069. Deux ans auparavant il avait incorporé Carmona dans son royaume, et un peu plus tard il s’était souillé d’un nouveau meurtre, en poignardant de sa propre main un patricien de Séville, Abou-Hafç Hauzanî[112]. Au reste son esprit, dans les dernières années de sa vie, était obsédé par de noirs pressentiments. Il ne redoutait pas de voir succomber sous les attaques des Castillans le trône qu’il avait fondé à force de ruses, de trahisons, de perfidies; la prédiction de ses astrologues dont nous avons déjà parlé et qui disait que sa dynastie serait renversée par des hommes nés hors de la Péninsule, donnait à ses craintes une autre direction. Longtemps il avait pensé que ces étrangers étaient les Berbers qui demeuraient dans son voisinage; mais à présent qu’il les avait exterminés et qu’il croyait déjà avoir vaincu l’arrêt des astres, il commençait à soupçonner qu’il s’était trompé. De l’autre côté du Détroit une nuée de barbares, qu’une espèce de prophète avait arrachés à leurs déserts, marchaient à la conquête de l’Afrique avec la rapidité et l’enthousiasme des premiers musulmans. Dans ces sectaires, qui se donnaient le nom d’Almoravides, Motadhid voyait les conquérants futurs de l’Espagne, et aucun raisonnement ne pouvait dissiper les craintes qu’ils lui inspiraient. Un jour qu’il lisait et relisait une lettre qu’il avait reçue de Sacaute, le prince de Ceuta, et qui portait que l’avant-garde des Almoravides venait d’établir son camp dans la plaine de Maroc, un de ses vizirs s’écria: «Comment se peut-il, seigneur, que cette nouvelle vous cause des soucis? Ah, vraiment, c’est une belle résidence que cette pauvre plaine de Maroc, surtout quand on la compare à la belle, à la magnifique Séville! Qu’est-ce que cela vous fait que ces barbares soient arrivés là? Entre eux et nous il y a des déserts, de nombreuses armées et les ondes de l’océan.—Je suis convaincu qu’un jour ils arriveront ici, lui répondit Motadhid d’une voix sombre; tu le verras peut-être toi-même. Ecris sur-le-champ au gouverneur d’Algéziras, ordonne-lui de fortifier Gibraltar encore davantage, dis-lui qu’il se tienne sur ses gardes et qu’il épie avec la plus grande attention tout ce qui se passe au delà du Détroit.» Puis, promenant ses regards sur ses fils: «Puissé-je savoir, dit-il, qui de nous sera frappé par le malheur qui nous menace! Sera-ce vous ou moi?—Que Dieu vous épargne à mes dépens, mon père, s’écria alors Motamid, et qu’il m’envoie tous les malheurs, quels qu’ils soient, qu’il vous destinait!»[113]

Cinq jours avant sa mort, éprouvant déjà un certain malaise, une certaine pesanteur de corps et d’esprit, Motadhid fit venir un de ses chanteurs, un Sicilien, et lui enjoignit de chanter n’importe quoi. Il était résolu à regarder comme un présage les paroles de l’air que le chanteur choisirait. Or, celui-ci se mit à chanter un de ces airs à la fois suaves et tristes dont la littérature arabe est si riche, et qui commençait ainsi:

Jouissons de la vie, car nous savons qu’elle sera finie bientôt! Mêle donc le vin à l’eau des nuages, ô ma bien-aimée, et donne-le-nous!

Il chanta cinq vers de cette chanson, de sorte que par une coïncidence singulière, mais qui paraît bien avérée, le nombre des vers répondait justement à celui des jours que Motadhid vivrait encore.

Deux jours après, le jeudi 26 février, son amour paternel—car nous avons déjà dit que, malgré sa cruauté, il avait réellement une profonde affection pour ses enfants—reçut une atteinte extrêmement douloureuse par la mort d’une fille qu’il adorait. Dans la soirée du vendredi, il assista à ses funérailles, le cœur gonflé de tristesse; mais la cérémonie achevée, il se plaignit d’un violent mal de tête. Son médecin venu, il eut une hémorragie qui faillit le suffoquer. Le médecin voulut le saigner; mais Motadhid, en patient peu soumis qu’il était, lui ordonna d’attendre jusqu’au lendemain. C’est ce qui hâta sa mort, car le lendemain, samedi, l’hémorragie recommença. Elle fut encore plus violente que la première fois, et, ayant perdu l’usage de la parole, Motadhid rendit le dernier soupir[114].

Son fils Motamid, que nous tâcherons de faire connaître, lui succéda.

IX.

Né en 1040, Motamid, âgé de onze ou douze ans seulement, avait été nommé par son père au gouvernement de Huelva, et, peu de temps après, il avait commandé l’armée sévillane qui assiégeait Silves. Ce fut à cette occasion qu’il fit la connaissance d’un aventurier qui ne comptait que neuf ans de plus que lui et qui était appelé à jouer un rôle considérable dans sa destinée.

Il s’appelait Ibn-Ammâr. Né dans un hameau aux environs de Silves, de parents arabes, mais pauvres et obscurs, il avait commencé par étudier les belles lettres à Silves et à Cordoue; puis il s’était mis à parcourir l’Espagne, afin de gagner le pain du jour en composant des panégyriques pour tous ceux qui étaient en état de les payer; car, tandis que les poètes en renom auraient cru déroger, s’ils eussent composé des poèmes pour d’autres que pour des princes ou des vizirs, ce pauvre jeune homme inconnu et mal habillé, qui excitait l’hilarité des uns et la pitié des autres par sa longue pelisse et sa petite calotte, s’estimait heureux si quelque parvenu enrichi daignait lui jeter les miettes de sa table en échange de ses vers, qui pourtant avaient du mérite. Un jour il arriva à Silves dans un moment de gêne excessive, n’ayant que son mulet et ne sachant comment faire pour nourrir ce fidèle compagnon de ses misères. Heureusement il se souvint d’un homme fort à même de le seconder, s’il le voulait, d’un riche négociant de la ville, qui, à défaut de connaissances littéraires, avait du moins assez de vanité pour goûter une ode composée à sa louange. Le pauvre poète en écrivit une, la lui envoya et lui fit connaître sa détresse. Flatté dans son amour-propre, le négociant lui fit parvenir un sac d’orge. En recevant ce présent assez chétif, Ibn-Ammâr se disait bien que le marchand aurait pu lui envoyer tout aussi bien un sac de froment; mais il n’en fut pas moins fort joyeux, et nous verrons que dans la suite il sut se montrer reconnaissant envers son bienfaiteur.

Le talent poétique d’Ibn-Ammâr ne tarda pas à être connu et lui valut l’honneur d’être présenté à Motamid. Il lui plut extrêmement, et comme ils aimaient tous les deux les plaisirs, les aventures de toute sorte et surtout les beaux vers, une amitié intime s’établit bientôt entre eux. Aussi, dès que Silves eut été pris et que Motamid en eut été nommé gouverneur, il s’empressa de créer un vizirat pour son ami et lui abandonna le gouvernement de la province[115].

Les beaux jours passés à Silves, ce séjour enchanteur où tout le monde était poète alors[116] et que l’on appelle encore aujourd’hui le paradis du Portugal, ne s’effacèrent jamais du souvenir de Motamid. Son cœur ne s’était pas encore ouvert à l’amour; quelques vives fantaisies s’étaient bien emparées de son imagination, mais elles s’étaient évanouies sans lui avoir apporté des jouissances durables[117]. Pour lui c’était le temps de l’amitié enthousiaste, et il s’abandonnait à ce sentiment sans arrière-pensée, avec toute la fougue de son âge. Quant à Ibn-Ammâr, n’ayant pas été élevé comme le prince au sein de l’opulence, du luxe et du bonheur; ayant connu au contraire, dès le matin de la vie, les luttes, le découragement, les cruelles déceptions et l’indigence, son imagination était moins fraîche, moins riante, moins jeune; il ne pouvait se défendre d’une certaine ironie, il était déjà sceptique sur bien des points.... Un jour de vendredi les deux amis se rendaient à la mosquée, lorsque Motamid, entendant le moëzzin annoncer l’heure de la prière, improvisa ce vers, en priant Ibn-Ammâr d’y ajouter un second sur le même mètre et la même rime:

—Voici le moëzzin qui annonce l’heure de la prière;

—En le faisant, il espère que Dieu lui pardonnera ses nombreux péchés, répliqua Ibn-Ammâr.

—Qu’il soit heureux, puisqu’il porte témoignage à la vérité, continua le prince;

—Pourvu, toutefois, qu’il croie dans son cœur ce qu’il dit avec sa langue, répliqua en souriant le vizir[118].

Chose étrange, mais qu’on s’explique cependant quand on songe qu’il avait appris de bonne heure à connaître les hommes et à se méfier d’eux: Ibn-Ammâr doutait même de l’amitié, si tendre et si illimitée pourtant, que lui portait le jeune prince; il avait beau faire, il ne pouvait chasser les sombres pressentiments qui maintefois venaient obséder son esprit, surtout pendant les festins, car il avait le vin triste. On raconte à ce sujet une aventure singulière et bizarre à coup sûr, mais qui néanmoins semble vraie, car ce récit repose sur les témoignages les plus respectables en ce cas, ceux de Motamid et d’Ibn-Ammâr eux-mêmes. Un soir, dit-on, Motamid avait invité Ibn-Ammâr à un souper. Il l’avait choyé plus encore que de coutume, et quand les autres convives se retirèrent, il le conjura de rester et de partager son lit. Le vizir céda à ses instances; mais à peine endormi, il entendit une voix qui lui dit: «Malheureux, il te tuera un jour!» Saisi de frayeur, Ibn-Ammâr s’éveilla en sursaut; mais tâchant de chasser de son cerveau ces noires idées qu’il attribuait aux fumées du vin, il parvint enfin à se rendormir. Cependant il entendit ces sinistres paroles pour la seconde, pour la troisième fois. N’y tenant plus alors, et convaincu que c’était un avertissement surnaturel, il se leva sans faire de bruit, et, s’étant enveloppé le corps d’une natte, il alla se blottir dans un coin du portique, résolu à s’évader aussitôt que les portes du palais s’ouvriraient, car il voulait gagner un port de mer et s’embarquer pour l’Afrique.

Cependant Motamid, s’étant éveillé à son tour et ne trouvant pas son ami à ses côtés, poussa un cri d’alarme qui fit accourir tous ses serviteurs. On se mit à fouiller, à fureter le palais en tous sens. Motamid lui-même dirigeait les recherches. Voulant examiner si la porte avait été ouverte, il arriva dans le portique où Ibn-Ammâr se tenait caché. Celui-ci se trahit par un mouvement involontaire, au moment même où les regards du prince s’arrêtaient sur la natte dont il s’était enveloppé. «Qu’est-ce qui remue donc sous cette natte?» s’écria Motamid, et, les serviteurs y courant tous pour la fouiller, Ibn-Ammâr se montra dans le plus piteux état du monde, n’ayant pour tout vêtement qu’un caleçon, tremblant de tous ses membres, et rougissant de honte sans qu’il osât lever les yeux. A sa vue, Motamid fondit en pleurs. «O Abou-Becr, s’écria-t-il, qu’as-tu donc pour agir ainsi?» Puis, voyant que son ami tremblait toujours, il l’entraîna doucement dans sa chambre, où il tâcha de tirer de lui le secret de son étrange conduite. Il demeura longtemps sans y réussir. En proie à un violent paroxysme nerveux, partagé entre le ridicule de sa position et la peur, Ibn-Ammâr pleurait et riait à la fois. S’étant calmé enfin, il avoua tout. Motamid ne fit que rire de sa confession. «Cher ami, dit-il en lui serrant affectueusement la main, les vapeurs du vin t’ont offusqué le cerveau et tu as eu le cauchemar, voilà tout. Crois-tu donc que je serais jamais en état de te tuer, toi, mon âme, toi, ma vie? Mais ce serait commettre un suicide! Et maintenant, tâche d’oublier ces vilains rêves et n’en parlons plus.»

«Ibn-Ammâr, dit un historien arabe, essaya en effet d’oublier cette aventure et y réussit; mais à la fin, nombre de jours et de nuits s’étant écoulés dans l’intervalle, il lui arriva ce que nous raconterons plus tard[119]

Quand les deux amis n’étaient pas à Silves, ils étaient à Séville, où ils se livraient aux plaisirs de toute sorte qu’offrait cette brillante et délicieuse capitale. Souvent ils allaient, sous un déguisement quelconque, à la Prairie d’argent, sur les bords du Guadalquivir, où le peuple, hommes et femmes, venait chercher ses divertissements. C’est là que Motamid rencontra pour la première fois celle qui était destinée à devenir la compagne de sa vie. Se promenant un soir avec son ami dans la Prairie d’argent, il arriva que la brise effleura l’eau de la rivière, et que Motamid improvisa ce vers, après avoir prié Ibn-Ammâr d’y ajouter un second:

La brise a converti l’eau en cuirasse....

Mais Ibn-Ammâr ne trouvant pas instantanément une réplique, une jeune fille du peuple qui se trouvait dans leur voisinage, la donna ainsi:

Cuirasse magnifique, en effet, un jour de combat, pourvu que l’eau se fût congelée.

Emerveillé d’entendre une jeune fille improviser plus promptement qu’Ibn-Ammâr, fort renommé cependant pour ce talent, Motamid la regarda avec attention. Il fut frappé de sa beauté, et appelant aussitôt un eunuque qui le suivait à quelque distance, il lui ordonna de conduire l’improvisatrice à son palais, vers lequel il se hâta de retourner.

Quand la jeune fille fut arrivée en sa présence, il lui demanda qui elle était et quel était son état.

—Je me nomme Itimâd, répondit-elle; ordinairement on m’appelle Romaiquia, car je suis esclave de Romaic, et quant à ma profession, je suis muletière.

—Dites-moi, êtes-vous mariée?

—Non, mon prince.

—Tant mieux alors, car je vais vous acheter de votre maître et vous épouser[120].

Pendant toute sa vie, Motamid aima Romaiquia d’un amour inaltérable. Elle avait tout pour lui plaire. On la comparait parfois à Wallâda, de Cordoue, la Sapho de ce temps-là. Cette comparaison, juste sous certains rapports, ne l’était pas sous d’autres. N’ayant pas reçu une éducation soignée, Romaiquia ne pouvait rivaliser avec Wallâda en savoir; mais elle ne lui était pas inférieure pour la conversation spirituelle, les bons mots, les heureuses et naïves saillies, les répliques vives et ingénieuses, et la surpassait peut-être par ses grâces naturelles et presque enfantines, son enjouement et son espièglerie[121]. Ses caprices et ses fantaisies faisaient le bonheur et le désespoir de son époux, obligé de les satisfaire à tout prix, car une fois qu’elle s’était mis une idée dans la tête, rien ne pouvait l’y faire renoncer. Un jour, au mois de février, elle regarda, de l’embrasure d’une fenêtre du palais à Cordoue, tomber des flocons de neige, spectacle assez rare dans ce pays où il n’y a presque pas d’hiver. Tout à coup elle se mit à pleurer.

—Qu’as-tu donc, ma chère amie? lui demanda son mari.

—Ce que j’ai? lui répondit-elle en sanglotant; j’ai que tu es un barbare, un tyran, un monstre! Vois donc comme c’est joli la neige, comme c’est beau, comme c’est magnifique, comme ces moelleux flocons s’attachent gentiment aux branches des arbres; et toi, ingrat que tu es, tu ne songes pas seulement à me procurer ce superbe spectacle chaque hiver; jamais tu n’as eu l’idée de m’emmener dans quelque pays où il tombe toujours de la neige!

—Ne te désespère pas ainsi, ma vie, mon bien, lui répondit le prince en essuyant les larmes qui sillonnaient ses joues; tu auras ta neige chaque hiver, et ici même, je t’en réponds.

Et il ordonna de planter des amandiers sur toute la Sierra de Cordoue, afin que les blanches fleurs de ces beaux arbres qui fleurissent dès que les gelées sont passées, remplaçassent pour Romaiquia les flocons de neige qu’elle avait tant admirés[122].

Une autre fois elle vit des femmes du peuple qui pétrissaient de leurs pieds nus le limon dont on voulait faire des briques, et se mit à pleurer. Son mari lui ayant demandé la cause de son chagrin:

—Ah! je suis bien malheureuse, lui dit-elle, depuis le jour où m’arrachant à la vie joyeuse et libre que je menais dans ma masure, tu m’as enfermée dans ce triste palais et chargée des lourdes chaînes de l’étiquette! Regarde donc ces femmes, là-bas, au bord de la rivière! Je voudrais comme elles pétrir le limon de mes pieds nus, mais, hélas! condamnée par toi à être riche et sultane, je ne le puis pas!

—Si fait, tu le pourras, lui répondit le prince en souriant.

Et à l’instant même il descendit dans la cour du palais et y fit apporter une énorme quantité de sucre, de cannelle, de gingembre et de parfumeries de toute espèce; puis, la cour étant entièrement couverte de ces ingrédients précieux, il les fit mouiller d’eau rose et pétrir à force de bras, si bien qu’ils formèrent une espèce de limon. Tout cela fait:

—Veuille descendre dans la cour avec tes suivantes, dit le prince à Romaiquia; le limon t’y attend.

La sultane y alla, et, s’étant déchaussée de même que ses suivantes, toutes se mirent à plonger leurs pieds, avec une gaîté folâtre, dans ce limon aromatique.

C’était là une fantaisie bien dispendieuse; aussi Motamid savait-il la rappeler au besoin à sa capricieuse épouse dont les désirs ne connaissaient pas de bornes. Un jour, ayant demandé une chose que le prince ne pouvait lui accorder:

—Ah! je suis bien à plaindre, s’écria-t-elle. Décidément je suis la plus malheureuse des femmes, car je prends Dieu à témoin que jamais tu n’as fait la moindre chose pour me plaire.

—Pas même le jour du limon? lui demanda Motamid d’une voix douce et tendre.

Romaiquia rougit et n’insista pas davantage[123].

Force nous est d’ajouter que les ministres de la religion ne prononçaient jamais le nom de cette sémillante sultane qu’avec une sainte horreur. Ils la considéraient comme le plus grand obstacle à la conversion de son mari, sans cesse entraîné par elle, disaient-ils, dans un tourbillon de plaisirs et de voluptés, et si les mosquées étaient désertes le vendredi, ils en imputaient la faute à elle. Romaiquia riait de leurs clameurs; insouciante et étourdie, elle ne soupçonnait pas, la pauvrette, que ces hommes deviendraient redoutables un jour![124]

Au reste, malgré son amour, Motamid continuait d’accorder à Ibn-Ammâr une large place dans son cœur. Une fois, étant loin de Romaiquia avec son ami, il lui écrivit une lettre dans laquelle il fit entrer ces six vers acrostiches:

Invisible à mes yeux, tu es toujours présente à mon cœur.

Ton bonheur puisse-t-il être infini comme le sont mes soucis, mes larmes et mes insomnies!

Impatient du frein quand d’autres femmes veulent me l’imposer, je me soumets docilement à tes moindres souhaits.

Mon vœu de chaque instant, c’est d’être à tes côtés. Ah! puisse-t-il être exaucé bientôt!

Amie de mon cœur, pense à moi et ne m’oublie pas, quelque longue que soit l’absence!

Doux nom que le tien! Je viens de l’écrire, je viens de tracer ces lettres chéries: Itimâd[125].

Il termina sa lettre par ces mots: «Bientôt je viendrai te revoir, pourvu, toutefois, qu’Allâh et Ibn-Ammâr le veuillent bien.»

Ayant reçu connaissance de cette phrase, Ibn-Ammâr adressa ces vers à son ami:

Ah! mon prince, je n’ai jamais d’autre désir, moi, que de faire ce que vous voulez; je me laisse conduire par vous comme le voyageur nocturne se laisse guider par les éclairs éblouissants. Voulez-vous retourner auprès de celle qui vous est chère, montez alors sur un fin voilier,—je vous suis;—ou bien, sautez en selle,—je vous suis encore. Ensuite, quand, grâce à la protection divine, nous serons arrivés dans la cour de votre palais, vous me laisserez retourner seul à ma demeure, et vous-même, sans vous donner le temps de déposer votre épée, vous irez vous jeter aux pieds de la belle à la ceinture d’or; puis, rattrapant le temps perdu, vous l’embrasserez, vous la presserez contre votre poitrine, tandis que votre bouche et la sienne murmureront de douces paroles, de même que les oiseaux se répondent par des chants mélodieux au lever de l’aurore[126].

Partageant son cœur entre l’amitié et l’amour, le jeune prince menait une vie charmante; mais elle fut troublée tout à coup: son père frappa Ibn-Ammâr d’une sentence d’exil. Ce fut pour les deux amis un coup de foudre; mais qu’y faire? Motadhid était inébranlable dans ses résolutions une fois prises. Ibn-Ammâr passa dans le Nord, et notamment à Saragosse, les tristes années de son exil, jusqu’à ce que Motamid, qui comptait alors vingt-neuf ans, succédât à son père[127]. Le prince s’empressa de rappeler auprès de lui l’ami de son adolescence, et lui laissa le choix entre les divers emplois du royaume. Ibn-Ammâr se décida pour le gouvernement de la province où il était né. Bien qu’il le vît à regret s’éloigner de sa personne, Motamid lui accorda néanmoins sa demande[128]; mais au moment où son ami lui disait adieu, les charmants souvenirs de son séjour à Silves et toutes ces premières émotions qui ne laissent aucune amertume dans le cœur se ranimaient en lui, et il improvisa ces vers:

Salue à Silves les endroits chéris que tu sais, ô Abou-Becr, et demande-leur s’ils ont gardé mon souvenir. Salue surtout le Charâdjîb, ce superbe palais dont les salles sont remplies de lions et de blanches beautés, de sorte que l’on se croirait tantôt dans un antre, tantôt dans un sérail[129], et dis-lui qu’il y a ici un jeune chevalier qui en tout temps brûle du désir de le revoir. Que de nuits n’ai-je pas passées là, à côté d’une jeune beauté aux larges hanches, à la mince ceinture! Que de fois les jeunes filles blanches ou cuivrées m’y ont percé le cœur de leurs doux regards, comme si leurs yeux eussent été des épées ou des lances! Que de nuits n’ai-je pas passées aussi dans le vallon au bord de la rivière avec la belle chanteuse dont le bracelet ressemblait à la lune dans son croissant! Elle m’enivrait de toutes les manières, tantôt de ses regards, tantôt du vin qu’elle m’offrait, tantôt, enfin, de ses baisers. Puis, quand elle jouait sur sa guitare un air guerrier, je croyais entendre le cliquetis des épées et me sentais saisi d’une ardeur martiale. Délicieux moment surtout que celui où, ayant ôté sa robe, elle m’apparut svelte et flexible comme un rameau de saule! «La fleur, me disais-je alors, est sortie du bouton[130]

Ibn-Ammâr fit son entrée dans Silves entouré d’un cortége superbe et avec une pompe telle que Motamid lui-même, quand il était gouverneur de la province, n’en avait jamais déployé une pareille; mais il se fit pardonner cette bouffée d’orgueil par un noble acte de reconnaissance, car, ayant appris que le négociant qui l’avait secouru dans sa détresse alors qu’il n’était encore qu’un pauvre poète ambulant, vivait encore, il lui envoya un sac rempli de pièces d’argent. Ce sac était celui-là même que le négociant lui avait fait parvenir rempli d’orge; Ibn-Ammâr l’avait soigneusement conservé. Pourtant il ne dissimula point à son ancien bienfaiteur qu’il avait trouvé son présent un peu mesquin, car il lui fit dire ces paroles: «Si autrefois vous nous eussiez envoyé ce sac rempli de froment, nous vous l’aurions renvoyé rempli d’or[131]

Il ne resta pas longtemps à Silves. Ne pouvant vivre sans lui, Motamid le rappela à la cour, après l’avoir nommé premier ministre[132].

X.

Comme Motamid et son ministre aimaient avant tout la poésie, la cour de Séville devint le rendez-vous des meilleurs poètes de l’époque. Les rimailleurs n’avaient aucune chance d’y faire fortune, car Motamid était un critique sévère qui examinait avec soin chaque poème qu’on lui présentait et qui en pesait chaque expression, chaque syllabe[133]; mais quand il s’agissait d’un poète de talent, sa générosité ne connaissait pas de bornes. Un jour il entendit réciter ces deux vers:

La fidélité à tenir ses promesses est à présent une chose bien rare. Vous ne trouverez personne qui pratique cette vertu, personne même qui y songe. C’est quelque chose de fabuleux comme le griffon, ou comme ce conte qui dit qu’un poète reçut un jour un présent de mille ducats.

—De qui sont ces vers? demanda-t-il.

—D’Abd-al-djalîl, lui répondit-on.

—Eh quoi! s’écria-t-il alors, un de mes serviteurs, un bon poète, regarde un présent de mille ducats comme quelque chose de fabuleux?

Et à l’instant même il fit remettre mille ducats à Abd-al-djalîl[134].

Une autre fois il s’entretenait avec un des poètes siciliens qui étaient venus à sa cour après que leur patrie eut été conquise par Roger le Normand, lorsqu’on lui apporta des pièces d’or qui sortaient de l’hôtel de la monnaie. Il en donna deux bourses au Sicilien; mais celui-ci, non content de ce cadeau, tout magnifique qu’il était, regardait d’un œil de convoitise une figurine en ambre, incrustée de perles, qui se trouvait dans la salle et qui représentait un chameau. «Seigneur, dit-il enfin, votre présent est superbe, mais il est lourd, et je crois qu’il me faudrait un chameau pour le transporter à ma demeure.—Le chameau est à toi,» lui répondit Motamid en souriant[135].

En général, pourvu qu’on eût de l’esprit, on était sur de plaire à Motamid, fût-on poète ou autre chose, fût-on même voleur de grands chemins, témoin l’histoire du Faucon gris. Le Faucon gris—on ne le désignait que par ce sobriquet—avait été longtemps le plus grand voleur de l’époque, l’effroi et le fléau des habitants des campagnes; mais étant enfin tombé entre les mains de la justice, il fut condamné à être crucifié sur la grande route, afin que les paysans pussent être témoins de son supplice. Toutefois, comme il faisait une chaleur étouffante le jour où cet arrêt fut exécuté, la route était peu fréquentée. Au pied de la croix sur laquelle le voleur avait été cloué, se tenaient sa femme et ses filles. Elles pleuraient à chaudes larmes. «Hélas! disaient-elles, quand tu ne seras plus, nous devrons mourir de faim!» Or le Faucon gris était un homme très-compatissant, un cœur d’or, et la pensée que sa famille tomberait dans la misère lui fendait l’âme. Justement il vit arriver un marchand forain qui chevauchait sur un mulet chargé de pièces d’étoffe et d’autres marchandises qu’il allait vendre dans les villages voisins.

—Hé, seigneur, lui cria-t-il, je me trouve ici dans une position assez désagréable comme vous voyez, mais vous pourriez me rendre un grand service duquel vous profiteriez beaucoup vous-même.

—Comment cela? demanda l’autre.

—Vous voyez ce puits là-bas?

—Oui, je le vois.

—Fort bien! Sachez donc qu’au moment où j’ai eu la bêtise de me laisser prendre par ces maudits gendarmes, j’ai jeté cent ducats dans ce puits qui est à sec. Peut-être voudriez-vous bien avoir la complaisance de vous déranger pour les tirer de là; en ce cas je vous en laisserai la moitié. Voici ma femme et mes filles qui tiendront votre mulet jusqu’à ce que vous ayez fini.

Séduit par l’appât du gain, le marchand prit aussitôt une corde, en attacha un bout au bord du puits, et se laissa glisser ainsi jusqu’au fond.

—Alerte maintenant! dit alors le Faucon gris à sa femme; coupe la corde, prends le mulet et fuis au plus vite avec ces enfants!

Tout cela fut fait en un clin d’œil. Le marchand criait comme un forcené, mais comme la campagne était presque déserte, un temps assez considérable s’écoula avant qu’un passant vînt à son secours, et ce passant n’étant pas assez fort pour le tirer du puits, il fallut attendre jusqu’à ce qu’un second vînt l’aider. Arraché enfin à sa prison souterraine, le marchand dut répondre à ses libérateurs qui lui demandaient ce qu’il était allé faire dans ce puits. Il leur raconta donc sa mésaventure avec force imprécations contre le voleur qui l’avait si indignement trompé. Bientôt elle fut connue de toute la ville; elle parvint même aux oreilles de Motamid, qui ordonna de détacher le Faucon gris de sa croix et de le lui amener. Quand il fut arrivé en sa présence:

—Tu es bien certainement le plus grand fripon qui existe, lui dit-il, puisque même la perspective de la mort ne suffit pas pour te faire renoncer à tes mauvais tours.

—Ah! mon prince, lui répondit le voleur, si vous saviez comme moi quel délice c’est que de voler, vous jetteriez votre manteau royal aux orties et vous ne feriez que cela.

—Maudit coquin! s’écria le prince en riant aux éclats. Mais voyons, parlons sérieusement! Supposons que je te donne la vie, que je le rende la liberté, que je le mette en état de gagner ton pain d’une manière honorable, et que je t’assigne un traitement qui suffise à tes besoins, t’amenderas-tu alors, abandonneras-tu ton détestable métier?

—On fait beaucoup pour sauver sa vie, seigneur, même on s’amende. Tenez, vous serez content de moi!

Le Faucon gris tint sa parole. Nommé brigadier de gendarmerie, il inspira dorénavant autant d’effroi à ses anciens confrères, qu’il en avait inspiré jadis aux paysans[136].

Au reste, Motamid menait joyeuse vie, sans trop s’occuper des affaires de l’Etat. «A mon avis, disait-il dans un de ses poèmes, être sage, c’est ne pas l’être[137].» Les festins absorbaient une partie de son temps, et puisqu’il voulait se montrer galant chevalier, force lui était d’en consacrer le reste aux jeunes beautés de son sérail. Ce n’est pas qu’il eût cessé d’aimer Romaiquia; au contraire, il l’aimait toujours avec passion; mais comme selon le code bizarre qui régit l’amour dans les pays musulmans, on peut se passer quelques fantaisies sans devenir infidèle pour cela, il adressait aussi de temps en temps ses hommages à d’autres dames, sans que Romaiquia, sûre de régner en souveraine sur le cœur de son époux, y trouvât à redire. La belle Aimée était charmante, et quand il buvait à sa santé, le prince trouvait au vin plus de bouquet qu’à l’ordinaire[138]. Luna lui tenait compagnie alors qu’il étudiait les vers des anciens poètes ou qu’il écrivait les siens, et si le soleil s’avisait de jeter un regard indiscret dans le cabinet d’étude, elle était là pour l’intercepter; «car elle sait, disait le prince, que la lune seule peut éclipser le soleil[139].» Plus prude, plus revêche, La Perle avait parfois des caprices; alors elle se mettait en colère, et il fallait que Motamid se donnât des peines infinies pour l’apaiser. Une fois qu’il s’était attiré son courroux, il lui écrivit pour lui présenter ses excuses. Elle lui répondit bien, mais sans placer son propre nom en tête de sa lettre, comme la coutume le voulait.

Hélas! elle ne m’a pas encore pardonné, dit alors le prince; autrement elle aurait mis son nom en tête de son billet. Elle sait que je l’adore, son nom, mais elle est si fâchée contre moi qu’elle ne veut pas l’écrire. «Quand il le verra, s’est-elle dit, il va le baiser. Eh bien, par Dieu! il ne le verra pas[140]

Quelle gentille garde malade que La Fée! Le prince priait Allah de lui accorder comme une faveur d’être constamment valétudinaire, pourvu qu’il ne manquât pas de la voir constamment à son chevet, cette gracieuse gazelle aux lèvres pourprées[141].

On se tromperait, cependant, si l’on s’imaginait que Motamid négligeât entièrement de continuer l’œuvre de son père et de son aïeul. Quoiqu’il n’eût pas autant d’ambition qu’eux, il fit néanmoins ce qu’ils avaient essayé en vain de faire: dès la seconde année de son règne, il réunit Cordoue à son royaume.

Son père, il est vrai, lui avait frayé la route, et les circonstances le secondèrent admirablement. Six années auparavant, en 1064, le vieux président de la république, Abou-’l-Walîd ibn-Djahwar, s’était démis de ses fonctions en faveur de ses deux fils, Abdérame et Abdalmélic. Il avait confié à l’aîné tout ce qui regardait les finances et l’administration, et il avait donné au cadet, pour lequel il avait un grand faible, le commandement militaire[142]. Le cadet éclipsa bientôt son aîné; cependant tout alla bien tant que dura l’influence de l’habile vizir Ibn-as-Saccâ. Cet homme d’Etat inspirait du respect à tous les ennemis déclarés ou couverts de la république, et même à Motadhid. Aussi ce dernier comprit que, pour arriver à ses fins, il devait commencer par le faire tomber. Il tâcha donc de le rendre suspect à Abdalmélic ibn-Djahwar, et il y réussit. Ibn-as-Saccâ fut mis à mort, et cet événement eut pour la république les suites les plus fâcheuses. Les officiers et les soldats, qui avaient été fort attachés au vizir, donnèrent pour la plupart leur démission, tandis qu’Abdalmélic se rendait odieux à ses concitoyens par sa dureté et sa nonchalance. En outre, il semble avoir aboli peu à peu tout ce qui restait encore debout des institutions républicaines.

Le pouvoir d’Abdalmélic chancelait donc déjà, lorsque Mamoun de Tolède vint assiéger Cordoue dans l’automne de l’année 1070. N’ayant presque plus d’armée (sa cavalerie était réduite à deux cents hommes, et encore étaient-ils fort mal disposés), Abdalmélic demanda du secours à Motamid. Il obtint ce qu’il désirait: Motamid lui envoya des renforts très-considérables, et l’armée tolédane fut forcée de se retirer; mais Abdalmélic n’y gagna rien; au contraire, les chefs de l’armée sévillane, agissant d’après les ordres secrets de leur souverain, s’entendirent avec les Cordouans pour ôter le pouvoir à Abdalmélic et pour le donner au roi de Séville. Ce complot fut tramé dans le plus grand mystère, de sorte qu’Abdalmélic ne se doutait de rien. Dans la matinée du septième jour après le départ de Mamoun, il était sur le point de sortir pour faire la reconduite aux Sévillans, qui avaient annoncé qu’ils s’en retourneraient ce jour-là, lorsque des cris séditieux frappèrent son oreille. Il regarde, il voit son palais entouré par ses soi-disant auxiliaires et par le peuple. Presque au même instant on l’arrête, de même que son père et tout le reste de sa famille.

Motamid fut proclamé seigneur de Cordoue, et les Beni-Djahwar furent menés prisonniers à l’île de Saltès; mais le vieux Abou-’l-Walîd ne survécut que quarante jours à son infortune[143].

Le roi poète parle de cette conquête comme s’il se fût agi de celle d’une beauté un peu hautaine.

J’ai obtenu d’emblée, disait-il, la main de la belle Cordoue, de cette fière amazone qui, le glaive et la lance à la main, repoussait tous ceux qui la recherchaient en mariage. A présent nous célébrons, elle et moi, nos noces dans son palais, tandis que les autres rois, mes rivaux rebutés, pleurent de rage et tremblent de crainte. Tremblez, et pour cause, vils ennemis! car bientôt le lion viendra fondre sur vous[144].

Cependant Mamoun ne se tenait pas pour battu; au contraire, il était résolu à se rendre maître de Cordoue, quoi qu’il dût lui en coûter. Accompagné de son allié, Alphonse VI, il vint ravager les environs de la ville; mais il fut repoussé par le jeune gouverneur Abbâd, un fils de Motamid et de Romaiquia[145]. Alors Ibn-Ocâcha s’engagea à le mettre en possession de la ville qu’il convoitait. C’était un homme farouche et sanguinaire, un ancien bandit de la montagne, mais qui ne manquait pas de talents et qui connaissait bien Cordoue, où il avait déjà joué un rôle. Nommé gouverneur d’une forteresse, il se mit à former des intrigues et des complots à Cordoue, ce qui ne lui était pas difficile, car beaucoup de citoyens étaient mécontents de la marche des affaires. Le prince Abbâd donnait, il est vrai, de belles espérances, mais comme il était encore trop jeune pour gouverner par lui-même, le pouvoir était entre les mains du commandant de la garnison, Mohammed, fils de Martin, un chrétien d’origine à ce qu’il paraît. Or, cet homme, assez bon soldat du reste, était cruel, sanguinaire et débauché. Aussi les Cordouans le détestaient, et plusieurs d’entre eux ne se firent pas scrupule d’entrer en relations avec Ibn-Ocâcha. Cependant ce dernier ne réussit pas à tenir ses menées tout à fait secrètes. Un officier s’aperçut que l’ex-brigand venait souvent la nuit aux portes de la ville et qu’il avait alors des entretiens fort suspects avec des soldats de la garnison. C’est ce qu’il rapporta à Abbâd; mais ce prince ne fit pas grande attention à cet avis, et renvoya celui qui le lui donnait à Mohammed, fils de Martin. Celui-ci le renvoya, à son tour, à des officiers subalternes. En un mot, l’un se déchargeait sur l’autre des mesures à prendre, et personne ne fit son devoir.

Cependant Ibn-Ocâcha se tenait sans cesse aux aguets, et en janvier 1075, il profita, pour s’introduire avec ses hommes dans la ville, d’une nuit orageuse et extrêmement obscure, après quoi il marcha droit au palais d’Abbâd. Il n’y trouva pas de garde, et il était sur le point d’en enfoncer la porte, lorsque le prince, réveillé par le portier, vint lui barrer le passage avec une poignée d’esclaves et de soldats. Malgré son extrême jeunesse, il se défendit comme un lion, et il avait déjà forcé les assaillants à évacuer le vestibule, lorsque le pied lui glissa. Un homme de la bande fondit aussitôt sur lui et le tua. On laissa son cadavre dans la rue; il était presque nu, car, réveillé en sursaut, Abbâd n’avait pas eu le temps de s’habiller.

Ensuite Ibn-Ocâcha conduisit ses hommes à la maison du commandant. Celui-ci s’attendait si peu à être attaqué, qu’au moment même où l’on faisait irruption dans sa demeure, il regardait danser des almées. Moins brave qu’Abbâd, il se cacha lorsqu’il entendit le cliquetis des épées dans la cour; mais sa retraite ayant été découverte, il fut arrêté, et, dans la suite, tué.

Aux premiers rayons de l’aube, pendant qu’Ibn-Ocâcha courait de maison en maison afin de persuader aux nobles de faire cause commune avec lui, un imâm qui se rendait à la mosquée, vint à passer devant le palais d’Abbâd. Ses regards tombèrent sur un corps qui gisait là, nu et sans vie. Reconnaissant, non sans peine, dans ce cadavre souillé de boue celui du jeune prince, il lui rendit un pieux, un dernier honneur, en le couvrant de son manteau. A peine fut-il parti qu’Ibn-Ocâcha arriva au même endroit, entouré de cette tourbe qui, dans les grandes villes, pousse des cris d’allégresse à chaque révolution. Sur son ordre, la tête d’Abbâd fut détachée du cadavre et promenée par les rues sur la pointe d’une pique. A ce spectacle, les soldats de la garnison jetèrent leurs armes, et tâchèrent de sauver leur vie par une fuite précipitée. Ibn-Ocâcha rassembla alors les Cordouans dans la grande mosquée, et leur enjoignit de prêter serment à Mamoun. Bien qu’il y en eût plusieurs qui étaient sincèrement attachés à Motamid, la peur fut si grande et si générale, que tout le monde s’empressa d’obéir. Peu de jours après, Mamoun arriva en personne. En apparence, il fut très-reconnaissant envers Ibn-Ocâcha; il le combla d’honneurs et l’on eût dit qu’il lui accordait une confiance illimitée; mais en réalité, il haïssait et craignait cet ancien bandit endurci au crime et qui était homme à l’assassiner lui-même au besoin, avec autant de sang-froid qu’il avait fait égorger le jeune Abbâd. Aussi cherchait-il avidement un prétexte, une occasion, pour l’éloigner sans bruit, sans éclat, de son royaume. Ce dessein, il ne le cachait pas toujours à ses courtisans, et un jour qu’Ibn-Ocâcha venait de le quitter, il poussa un long soupir, et, le regard enflammé de colère, il murmura quelques paroles de mauvais augure; puis un ami d’Ibn-Ocâcha ayant osé dire quelque chose en sa faveur: «Laisse-là ces vains propos! lui dit Mamoun; celui qui ne respecte pas la vie des princes n’est pas fait pour les servir.»

Un mois plus tard (juin 1075), le sixième de son séjour à Cordoue, Mamoun mourut empoisonné.... Un de ses courtisans fut accusé d’avoir commis ce crime; mais Ibn-Ocâcha y aurait-il été étranger? On a peine à le croire.

Que l’on se transporte maintenant à la cour de Séville et que l’on se figure la douleur de Motamid, alors qu’il reçut la nouvelle doublement fatale de la perte de Cordoue et de la mort de son fils, de son premier-né qu’il chérissait jusqu’à l’idolâtrie! Et pourtant il y eut dans ce noble cœur un sentiment qui parla plus haut que la douleur, plus haut surtout que le désir de la vengeance: ce fut un sentiment de profonde gratitude envers cet imâm qui avait eu la délicatesse de couvrir de son manteau le cadavre d’Abbâd. Il regrettait de ne pouvoir le récompenser, car il ne connaissait pas même son nom, et s’appropriant un vers qu’un ancien poète avait composé dans une occasion semblable: «Hélas! dit-il, j’ignore quel est celui qui a couvert mon fils de son manteau, mais je sais que c’est un homme noble et généreux[146]

Pendant trois ans, les efforts qu’il fit pour reconquérir Cordoue et venger la mort de son fils sur Ibn-Ocâcha, demeurèrent inutiles, jusqu’à ce qu’enfin il prît Cordoue d’assaut, le mardi 4 septembre 1078. Pendant qu’il entrait dans la ville par une porte, Ibn-Ocâcha en sortait par une autre; mais Motamid lança à sa poursuite des cavaliers qui réussirent à l’atteindre. Sachant qu’il n’avait pas de pardon à attendre de la part d’un père dont il avait fait égorger le fils, l’ancien brigand voulut au moins vendre chèrement sa vie et se rua sur ses ennemis comme un buffle en fureur; mais il succomba sous le nombre. Motamid fit clouer son cadavre sur une croix, avec un chien à côté, et la conquête de Cordoue fut suivie de celle de tout le pays tolédan qui s’étendait entre le Guadalquivir et le Guadiana[147].

C’étaient de beaux succès, mais la médaille avait son revers. En comparaison des autres rois andalous, Motamid était un prince puissant; toutefois il n’était pas plus indépendant qu’eux; lui aussi était tributaire. D’abord il l’avait été de Garcia, troisième fils de Ferdinand et roi de Galice[148], et il l’était d’Alphonse VI, depuis que celui-ci s’était emparé des royaumes de ses deux frères, Sancho et Garcia. Or, Alphonse était un suzerain fort incommode: ne se contentant pas d’un tribut annuel, il menaçait de temps en temps de s’approprier les Etats de ses vassaux arabes. Une fois, entre autres, il vint envahir, à la tête d’une nombreuse armée, le territoire de Séville. Une consternation indicible régnait parmi les musulmans, trop faibles pour se défendre. Seul le premier ministre, Ibn-Ammâr, ne désespérait pas. Il ne comptait point sur l’armée sévillane; essayer de vaincre avec elle les troupes chrétiennes, c’eût été une tentative chimérique; mais il connaissait Alphonse, car souvent il avait été à sa cour[149]; il le savait ambitieux, mais aussi à demi arabisé, c’est-à-dire facile à gagner pourvu que l’on connût ses goûts, ses caprices, ses fantaisies. C’était sur cela qu’il comptait, et, sans perdre de temps à organiser la résistance à main armée, il fit fabriquer un échiquier tellement magnifique qu’aucun roi n’en possédait un pareil. Les pièces en étaient d’ébène et de bois de sandal; elles étaient incrustées d’or. Muni de cet échiquier, il se rendit, sous un prétexte quelconque, au camp d’Alphonse, lequel le reçut fort honorablement, car Ibn-Ammâr était du petit nombre des musulmans qu’il estimait.

Un jour Ibn-Ammâr montra son échiquier à un noble castillan qui jouissait auprès d’Alphonse d’une grande faveur. Ce noble en parla au roi, et celui-ci dit à Ibn-Ammâr:

—De quelle force êtes-vous aux échecs?

—Mes amis sont d’opinion que je joue assez bien, lui répondit Ibn-Ammâr.

—On m’a dit que vous possédez un échiquier superbe.

—C’est vrai, seigneur.

—Pourrais-je le voir?

—Sans doute, mais à une condition: nous jouerons ensemble; si je perds, l’échiquier vous appartiendra; mais si je gagne, je pourrai exiger ce que je veux.

—J’y consens.

On apporta l’échiquier, et Alphonse, stupéfait de la beauté et de la finesse du travail, s’écria en faisant le signe de la croix:

—Bon Dieu! jamais je n’aurais cru que l’on pût parvenir à faire un échiquier avec tant d’art!

Puis, quand il l’eut suffisamment admiré:

—Qu’est-ce que vous disiez donc, seigneur? reprit-il; quelles étaient vos conditions?

Ibn-Ammâr les ayant répétées:

—Non, par Dieu! je ne joue pas quand l’enjeu m’est inconnu; vous pourriez me demander une chose que je ne serais pas à même de vous accorder.

—Comme vous voulez, seigneur, répondit froidement Ibn-Ammâr, et il ordonna à ses serviteurs de reporter l’échiquier dans sa tente.

On se sépara; mais Ibn-Ammâr n’était pas homme à se laisser rebuter si facilement. Sous le sceau du secret, il confia à quelques nobles castillans ce qu’il exigerait d’Alphonse au cas où il gagnerait la partie, et leur promit des sommes fort considérables s’ils voulaient le seconder. Séduits par l’appât de l’or et suffisamment rassurés sur les intentions de l’Arabe, ces nobles s’engagèrent à le servir; et quand Alphonse qui, de son coté, brûlait du désir de posséder le superbe échiquier, les consulta sur ce qu’il ferait, ils lui dirent: «Si vous gagnez, seigneur, vous posséderez un échiquier que chaque roi vous enviera, et dussiez-vous perdre, que pourrait-il vous demander, cet Arabe? S’il fait une demande indiscrète, ne sommes-nous pas là, ne saurons-nous pas le mettre à la raison?» Ils parlèrent si bien qu’Alphonse se laissa vaincre. Il fit donc avertir Ibn-Ammâr qu’il l’attendait avec son échiquier, et quand le vizir fut arrivé:

—J’accepte vos conditions, lui dit-il; jouons donc!

—Avec grand plaisir, lui répondit Ibn-Ammâr; mais faisons les choses dans les règles; permettez qu’un tel et un tel—et il nomma plusieurs nobles castillans—soient nos témoins.

Le roi y consentit, et dès que les nobles qu’Ibn-Ammâr avait nommés furent arrivés, le jeu commença.

Alphonse perdit la partie.

—Puis-je maintenant demander ce que je veux, comme nous en sommes convenus? demanda alors Ibn-Ammâr.

—Sans doute, répliqua le roi; voyons, qu’exigez-vous?

—Que vous retourniez dans vos Etats avec votre armée.

Alphonse pâlit. En proie à une excitation fiévreuse, il mesurait la salle à grands pas, se rasseyait, puis se remettait à marcher.

—Me voilà pris, dit-il enfin à ses nobles, et c’est vous qui en êtes la cause. Je craignais une demande de cette nature de la part de cet homme, mais vous me rassuriez, vous me disiez que je pouvais être tranquille; je cueille à présent le fruit de vos détestables conseils!

Puis, après quelques moments de silence:

—Que me fait sa condition après tout? s’écria-t-il; je ne m’en soucie pas le moins du monde, et je vais continuer ma marche.

—Seigneur, lui dirent alors les Castillans, ce serait forfaire à l’honneur, ce serait manquer à sa parole, et vous, le plus grand roi de la chrétienté, vous êtes incapable de faire une telle chose.

A la fin, quand Alphonse se fut calmé un peu:

—Eh bien! reprit-il, je tiendrai ma parole; mais en compensation de cette expédition manquée, il me faut au moins un double tribut cette année.

—Vous l’aurez, seigneur, dit alors Ibn-Ammâr; et il s’empressa de faire remettre à Alphonse l’argent qu’il demandait, de sorte que cette fois le royaume de Séville, menacé d’une terrible invasion, en fut quitte pour la peur, grâce à l’habileté du premier ministre[150].

XI.

Non content d’avoir sauvé le royaume de Séville, Ibn-Ammâr voulut aussi en étendre les limites. C’était surtout la principauté de Murcie qui tentait son ambition. Elle avait fait partie, d’abord des Etats de Zohair, ensuite du royaume de Valence; mais à l’époque dont nous parlons, elle était indépendante. Le prince qui y régnait, Abou-Abdérame ibn-Tâhir, était un Arabe de la tribu de Cais. Immensément riche, car il possédait la moitié du pays, il était en même temps un esprit très-cultivé[151]; mais il avait peu de troupes, de sorte que sa principauté était facile à conquérir. Ibn-Ammâr s’en aperçut, lorsque, dans l’année 1078[152], il passa par Murcie pour se rendre, on ne sait pour quel motif, auprès du comte de Barcelone, Raymond-Bérenger II, surnommé Cap d’étoupe à cause de sa chevelure abondante, et il profita de l’occasion pour lier amitié avec quelques nobles murciens qui étaient mécontents d’Ibn-Tâhir, ou qui du moins étaient prêts à le trahir moyennant finances. Ensuite, quand il fut arrivé auprès de Raymond, il lui offrit dix mille ducats, s’il voulait l’aider à conquérir Murcie. Le comte accepta cette proposition, et, pour la sûreté de l’exécution du traité, il remit son neveu à Ibn-Ammâr. De son côté, le vizir lui promit que, si l’argent n’était pas là au temps fixé, le fils de Motamid, Rachîd, qui commanderait l’armée sévillane, servirait d’otage; mais Motamid ignorait cette clause du traité, et comme Ibn-Ammâr se tenait convaincu que l’argent arriverait à temps, il croyait qu’il n’y aurait pas lieu de l’appliquer.

Les troupes de Séville se mirent en campagne réunies à celles de Raymond, et l’on attaqua la principauté de Murcie; mais comme Motamid laissa passer, avec sa nonchalance ordinaire, le terme stipulé, le comte se crut trompé par Ibn-Ammâr, et dans sa colère il le fit arrêter de même que Rachîd. Les soldats sévillans essayèrent bien de les délivrer, mais ils furent battus et forcés à la retraite.

Motamid était à cette époque en route pour Murcie, emmenant à sa suite le neveu du comte; mais comme il marchait lentement, il n’était encore que sur les bords du Guadiana-menor, qu’il ne pouvait passer à cause de la crue des eaux, lorsque des fuyards de son armée se montrèrent sur l’autre rive. Parmi eux se trouvaient deux cavaliers auxquels Ibn-Ammâr avait donné ses instructions. Ils poussèrent aussitôt leurs montures dans le fleuve, et, l’ayant traversé, ils apprirent à Motamid les événements déplorables qui avaient eu lieu. Ils ajoutèrent toutefois qu’Ibn-Ammâr espérait recouvrer bientôt la liberté, et ils prièrent le prince, en son nom, de rester où il était. Motamid ne le fit pas. Consterné des nouvelles qu’il venait de recevoir et fort inquiet du sort de son fils, il rétrograda jusqu’à Jaën, après avoir fait jeter dans les fers le neveu du comte.

Dix jours après, Ibn-Ammâr, qui avait été élargi, arriva dans le voisinage de Jaën; mais n’osant se présenter aux regards de Motamid, dont il craignait la colère, il lui envoya ces vers:

Croirai-je à mes propres pressentiments, ou bien prêterai-je l’oreille aux conseils de mes compagnons? Exécuterai-je mon dessein, ou bien resterai-je ici avec mon escorte? Quand j’obéis aux élans de mon cœur, je m’avance, sûr de trouver les bras de l’ami ouverts pour me recevoir; mais quand je raisonne, je retourne sur mes pas. L’amitié m’entraîne en avant; mais le souvenir de la faute que j’ai commise me repousse. Quelle chose étrange que les arrêts de la destinée! Qui m’eût prédit qu’un jour il me serait plus doux d’être loin de vous que près de vous? Je vous crains parce que vous avez le droit de m’ôter la vie;—j’espère en vous parce que je vous aime de tout mon cœur. Ayez pitié de celui dont vous connaissez l’attachement inébranlable, de celui qui n’a d’autre mérite que de vous aimer sincèrement. Je n’ai fait rien qui puisse fournir des armes contre moi aux envieux, rien qui prouve de ma part, soit négligence, soit présomption; mais vous-même, vous m’avez exposé à une terrible calamité, vous avez émoussé mon épée, vous l’avez brisée. Certes, si je ne me rappelais vos nombreux bienfaits, qui ont été pour moi ce que la pluie est pour les branches des arbres, je ne me laisserais pas consumer ainsi par d’affreux tourments, et je ne dirais pas que ce qui est arrivé, est arrivé par ma faute. J’implore à genoux votre clémence, je vous supplie de me pardonner; mais dussé-je éprouver auprès de vous le souffle de l’âpre vent du nord, je m’écrierais cependant: O brise douce à mon cœur!

Motamid, qui devait sentir qu’il était coupable lui-même, ne résista pas à l’appel qu’Ibn-Ammâr faisait à son amitié, et lui répondit par ces vers:

Viens reprendre ta place à mes côtés! Viens sans rien craindre, car des bontés t’attendent, et non des reproches. Sois convaincu que je t’aime trop pour pouvoir t’affliger; rien, tu le sais, ne m’est plus agréable que de te voir content et joyeux. Quand tu viendras ici, tu me trouveras, comme tu m’as trouvé toujours, prêt à pardonner au pécheur, clément envers mes amis. Je te traiterai avec bienveillance comme par le passé, et je te pardonnerai ta faute, si faute il y a; car l’Eternel ne m’a pas donné un cœur dur, et je n’ai pas l’habitude d’oublier une amitié ancienne et sacrée.

Rassuré par cette réponse, Ibn-Ammâr vola aux pieds de son souverain. Ils convinrent entre eux d’offrir au comte la liberté de son neveu et les dix mille ducats auxquels il avait droit, pourvu qu’il élargît Rachîd. Mais Raymond ne se contenta pas de la somme stipulée; au lieu de dix mille ducats, il en exigea trente mille. Comme Motamid ne les avait pas, il en fit frapper avec un alliage très-considérable. Heureusement pour lui, le comte ne s’aperçut de cette fraude qu’après avoir rendu la liberté à Rachîd[153].

Malgré le mauvais succès de sa première tentative, Ibn-Ammâr ne cessa de convoiter Murcie. Il prétendit avoir reçu, de la part de quelques nobles murciens, des lettres qui donnaient de grandes espérances, et il fit si bien que Motamid lui permit enfin d’aller assiéger Murcie avec l’armée sévillane.

Arrivé à Cordoue, il s’y arrêta vingt-quatre heures afin de réunir à ses troupes la cavalerie qui se trouvait dans cette ville. Il passa la nuit en compagnie du gouverneur Fath, un fils de Motamid, et il fut si enchanté de sa conversation spirituelle et piquante, que, lorsqu’un eunuque vint lui annoncer que l’aurore commençait à paraître, il improvisa ce vers:

Va-t-en, imbécile! toute cette nuit a été une aurore pour moi. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque Fath me tenait compagnie?

Continuant sa marche, il arriva dans le voisinage d’un château qui portait encore le nom de Baldj, le chef des Arabes syriens au huitième siècle, et dont un Arabe qui appartenait à la tribu de Baldj, à savoir celle de Cochair[154], était gouverneur. Cet Arabe, qui s’appelait Ibn-Rachîc, vint à sa rencontre et le pria de se reposer dans le château. Ibn-Ammâr accepta cette invitation. Le châtelain le traita magnifiquement et ne négligea rien pour s’insinuer dans sa faveur. Il n’y réussit que trop bien. Ibn-Ammâr ne tarda pas à lui accorder sa confiance; mais jamais il ne l’avait placée si mal.

Accompagné de son nouvel ami, il alla mettre le siége devant Murcie. Peu de temps après, Mula se rendit à lui. C’était pour les Murciens une perte fort grave, car les vivres devaient leur arriver de ce côté-là; aussi Ibn-Ammâr ne douta-t-il pas que la ville ne se rendît sous peu, et, ayant confié Mula à la garde d’Ibn-Rachîc, auquel il laissa une partie de sa cavalerie, il retourna à Séville avec le reste de son armée. Quand il y fut arrivé, il reçut des lettres de son lieutenant. Elles portaient que Murcie était ravagée par la famine, et que des citoyens influents, auxquels on avait promis des postes lucratifs, s’étaient engagés à seconder les assiégeants. «Demain ou après-demain, dit alors Ibn-Ammâr, nous apprendrons que Murcie est prise.» Sa prédiction s’accomplit. Des traîtres ouvrirent à Ibn-Rachîc les portes de la ville; Ibn-Tâhir fut jeté en prison, et tous les habitants prêtèrent serment à Motamid[155].

Aussitôt qu’Ibn-Ammâr, transporté de joie, eut reçu ces nouvelles, il demanda à Motamid la permission de se rendre dans la ville conquise. Motamid la lui accorda sans hésiter. Alors le vizir, qui voulait récompenser noblement les Murciens, se fit donner quantité de chevaux et de mulets qui appartenaient aux écuries royales; il en emprunta d’autres à ses amis, et quand il en eut environ deux cents à sa disposition, il les fit charger d’étoffes précieuses, après quoi il se mit en marche, tambour battant et bannières déployées. Dans chaque ville qu’il traversait, il se fit remettre les caisses de l’Etat. Son entrée dans Murcie fut un véritable triomphe. Le lendemain il donna audience, mais en tranchant du souverain, car il était coiffé d’un bonnet très-haut, tel que son maître avait coutume d’en porter dans les occasions solennelles, et quand on lui présentait des pétitions, il écrivait au bas: «Qu’il en soit ainsi, s’il plaît à Dieu,» sans nommer Motamid.

Cette conduite présomptueuse ne ressemblait que trop à une révolte. Motamid, du moins, en jugea ainsi. Cependant il ne se mit pas en colère: un sentiment de tristesse et de découragement s’empara de lui; il voyait s’évanouir tout à coup le rêve qu’il avait caressé pendant vingt-cinq ans! L’instinct de son cœur l’avait donc abusé! L’amitié d’Ibn-Ammâr, ses protestations de désintéressement, de dévoûment inébranlable, tout cela n’avait donc été que mensonge et hypocrisie! Et pourtant il était moins coupable peut-être qu’il ne le paraissait aux yeux de son souverain. Il avait, il est vrai, une vanité excessive et absurde; mais il n’est nullement certain qu’il ait eu la coupable pensée de se révolter contre son bienfaiteur. D’un caractère moins ardent, moins impressionnable, il n’avait peut-être jamais éprouvé pour Motamid cette amitié enthousiaste et passionnée que Motamid avait éprouvée pour lui; mais il avait néanmoins pour son roi une affection véritable, témoin ces vers qu’il lui adressa en réponse aux reproches que Motamid lui avait faits:

Non, vous vous trompez quand vous dites que les vicissitudes de la fortune m’ont changé! L’amour que je porte à Chams, ma vieille mère, est moins fort que celui que je ressens pour vous. Cher ami! comment se fait-il que votre bienveillance ne m’éclaire pas de ses rayons, de même que la foudre éclaire les ténèbres de la nuit? Comment se fait-il qu’aucune tendre parole ne vienne me consoler comme une douce brise? Oh! je soupçonne que des hommes infâmes que je connais ont voulu détruire notre douce amitié! Me retirerez-vous donc ainsi votre main, après une amitié de vingt-cinq années, années de bonheur sans mélange et qui se sont envolées sans que vous ayez eu à vous plaindre de moi, sans que j’aie été coupable d’aucun trait méchant,—me retirerez-vous donc ainsi votre main et me laisserez-vous en proie aux griffes de la destinée? Suis-je autre chose que votre esclave obéissant et soumis? Réfléchissez encore; ne précipitez rien; souvent celui qui se presse trop tombe, tandis que celui qui marche avec circonspection arrive au but. Ah! vous vous souviendrez de moi quand les liens qui nous unissent seront rompus, et qu’il ne vous restera que des amis intéressés et faux. Vous me chercherez quand aucun de ceux qui vous entourent ne pourra vous donner un bon conseil, et que je ne serai plus là, moi qui savais aiguiser l’esprit des autres.

Qui sait si une heure d’entretien et d’épanchement n’eût pas dissipé les préventions de Motamid et réconcilié ces deux âmes si bien faites pour s’entendre? Mais, hélas! le prince et le vizir étaient loin l’un de l’autre, et le dernier avait à Séville une foule d’envieux et d’ennemis qui s’acharnaient à le calomnier, à le noircir aux yeux du monarque, à interpréter malicieusement ses moindres actes, ses moindres paroles. Ils s’étaient si bien emparés de l’esprit du prince, ces «hommes infâmes» dont Ibn-Ammâr parle dans son poème et parmi lesquels on distinguait le vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun[156], alors l’homme le plus influent à la cour, que Motamid avait déjà conçu des doutes sur la fidélité d’Ibn-Ammâr au moment où celui-ci prenait congé de lui pour se rendre à Murcie. Joignez-y qu’Ibn-Ammâr trouva un ennemi non moins dangereux dans la personne d’Ibn-Abdalazîz, prince de Valence et ami d’Ibn-Tâhir.

En arrivant à Murcie, Ibn-Ammâr avait l’intention de traiter Ibn-Tâhir d’une manière honorable. Aussi lui fit-il présenter plusieurs vêtements d’honneur afin qu’il en choisît un qui fût à son gré; mais Ibn-Tâhir dont l’humeur naturellement caustique s’était aigrie par la perte de sa principauté, répondit au messager d’Ibn-Ammâr: «Va dire à ton maître que je ne veux de lui rien autre chose qu’une longue pelisse et une petite calotte.» Recevant cette réponse au milieu de ses courtisans, Ibn-Ammâr se mordit les lèvres de dépit. «Je comprends le sens de ses paroles, dit-il enfin; oui, c’était là le costume que je portais, alors que, pauvre et obscur, je suis venu lui réciter mes vers[157].» Mais il ne pardonna pas à Ibn-Tâhir ce rude coup porté à son orgueil. Changeant d’intention à son égard, il le fit enfermer dans la forteresse de Monteagudo[158]. Cédant aux instances d’Ibn-Abdalazîz, Motamid envoya à son vizir l’ordre de rendre la liberté à Ibn-Tâhir. Ibn-Ammâr ne le fit pas[159]. Cependant Ibn-Tâhir réussit à s’évader, grâce au secours que lui prêta Ibn-Abdalazîz, et alla s’établir à Valence. Ibn-Ammâr en fut furieux. Il composa à cette occasion un poème dans lequel il excitait les Valenciens à se révolter contre leur prince. En voici quelques vers:

Habitants de Valence, soulevez-vous tous contre les Beni-Abdalazîz, proclamez vos justes griefs, et choisissez-vous un autre roi, un roi qui sache vous défendre contre vos ennemis. Que ce soit Mohammed ou Ahmed[160], il vaudra toujours mieux que ce vizir qui a livré votre ville à l’opprobre, comme un époux éhonté qui prostitue sa propre femme. Il a offert un asile à celui qui a été abandonné par ses propres sujets. En le faisant, il vous a amené un oiseau de mauvais augure, il vous a donné pour concitoyen un homme vil et infâme. Ah! il me faut me laver le front, sur lequel une fille sans bracelet, une vile esclave, a appliqué un soufflet. Crois-tu donc échapper, ô Ibn-Abdalazîz, à la vengeance d’un homme qui marche toujours à la poursuite de son ennemi, qui continue sa route, lors même qu’aucune étoile ne l’éclaire? Par quelle ruse pourrait-on se soustraire aux mains vengeresses d’un brave guerrier des Beni-Ammâr, qui traîne une forêt de lances à sa suite? Attendez-vous à le voir arriver bientôt, entouré d’une armée innombrable! Valenciens, je vous donne un bon conseil: marchez comme un seul homme contre ce palais qui recèle tant d’infamies dans ses murs; emparez-vous des trésors que renferment ses caveaux; détruisez-le de fond en comble, en sorte que des ruines seules attestent ce qu’il a été un jour!

Quand Motamid reçut connaissance de cette pièce, il était déjà tellement irrité contre Ibn-Ammâr, qu’il la parodia ainsi:

Par quelle ruse pourrait-on se soustraire aux mains vengeresses d’un brave guerrier des Beni-Ammâr; de ces hommes qui se prosternaient naguère, avec une bassesse inouïe, aux pieds de chaque seigneur, de chaque prince, de chaque tête couronnée; qui s’estimaient heureux quand ils recevaient de leurs maîtres une portion un peu plus large que les autres domestiques; qui, bourreaux méprisés, tranchaient la tête aux criminels, et qui se sont élevés de la plus basse condition aux dignités les plus hautes.

Ces vers causèrent une joie indicible à Ibn-Abdalazîz. Quant à Ibn-Ammâr, il étouffait de colère, et dans sa fureur il composa contre Motamid, contre Romaiquia, contre les Abbâdides en général, une satire bien plus sanglante encore. Lui, l’aventurier né sous le chaume, lui que la bonté de Motamid avait tiré du néant, il osa reprocher aux Abbâdides de n’être après tout que des cultivateurs obscurs du hameau de Jaumîn, «cette capitale de l’univers,» comme il disait avec une amère ironie. «Tu l’as choisie parmi les filles de la populace, poursuivait-il, cette esclave que Romaic, son maître, eût échangée bien volontiers contre un chameau d’un an. Elle a mis au monde des fils débauchés, de petits hommes trapus qui sont sa honte. Motamid! je flétrirai ton honneur, je déchirerai les voiles qui couvrent tes turpitudes, je les ferai tomber en lambeaux. Oui, émule des anciens preux, oui, tu as défendu tes villages, mais tu savais que tes femmes te trompaient et tu les laissais faire»....

Par un reste de pudeur, Ibn-Ammâr ne montra ces vers, composés dans un accès de rage atroce, qu’à ses amis intimes; mais parmi eux se trouvait un riche juif d’Orient auquel il avait accordé sa confiance, sans soupçonner que c’était un émissaire d’Ibn-Abdalazîz. Ce juif réussit sans trop de peine à se procurer une copie de la satire, écrite de la propre main d’Ibn-Ammâr, et la remit au prince de Valence. Celui-ci écrivit aussitôt à Motamid, et, se servant d’un pigeon, il lui envoya sa lettre et la satire sous le même pli.

Dès lors une réconciliation n’était plus possible. Ni Motamid, ni Romaiquia, ni leurs fils ne pouvaient pardonner à Ibn-Ammâr ses ignobles injures. Mais le roi de Séville n’eut pas besoin de punir son vizir: d’autres se chargèrent de ce soin. S’abandonnant au plaisir avec une insouciance complète, Ibn-Ammâr ne s’aperçut pas qu’Ibn-Rachîc, secondé par le prince de Valence, le trahissait, et quand enfin il ouvrit les yeux, il était trop tard: excités par Ibn-Rachîc, les soldats demandèrent à grands cris leur solde arriérée, et comme Ibn-Ammâr ne pouvait les satisfaire, ils menacèrent de le livrer à Motamid. Cette menace le fit frémir, et il se sauva par une fuite précipitée.

C’est auprès d’Alphonse qu’il alla chercher un asile. Il se flattait de l’espoir que ce monarque l’aiderait à reconquérir Murcie, mais il se trompait: Alphonse s’était laissé gagner par les magnifiques présents qu’Ibn-Rachîc lui avait faits, et il dit à Ibn-Ammâr: «Tout ceci est une histoire de voleurs: le premier voleur[161] a été volé par un autre[162], et celui-ci a été volé par un troisième[163].» Voyant donc qu’il n’avait rien à espérer à Léon, Ibn-Ammâr alla à Saragosse, où il entra au service de Moctadir. Mais cette cour, bien moins brillante que celle de Séville, lui déplut souverainement. Il alla donc à Lérida, où régnait Modhaffar, un frère de Moctadir. Il y trouva un excellent accueil; mais comme Lérida lui semblait encore plus monotone que Saragosse, il retourna à cette dernière ville, où Moutamin avait succédé à son père Moctadir[164]. L’ennui, ce mal horrible, avait envahi sa destinée et s’étendait comme un nuage noir sur son présent et son avenir; il s’estima donc heureux lorsqu’il trouva l’occasion de sortir de son oisiveté. Un châtelain qu’il connaissait s’était révolté. Il donna parole à Moutamin de le réduire, et se mit en route avec une faible escorte. Arrivé au pied de la montagne sur laquelle le château était assis, il fit demander au rebelle la permission de venir lui rendre visite, accompagné de deux hommes seulement. Le châtelain, qui ne se méfiait pas de lui, n’hésita pas à lui accorder sa demande. «Quand vous me verrez marcher à côté du gouverneur et lui serrer la main, dit alors Ibn-Ammâr à ses deux serviteurs Djâbir et Hâdî, vous plongerez vos épées dans sa poitrine.» Le châtelain fut tué, ses soldats demandèrent et obtinrent leur pardon, et Moutamin fut fort content du service qu’Ibn-Ammâr lui avait rendu. Bientôt après, ce dernier crut avoir trouvé une nouvelle occasion pour satisfaire le besoin d’activité fébrile qui le dévorait. Il voulait procurer à Moutamin la possession de Segura. Perchée sur la dernière crête d’un pic presque inaccessible, cette forteresse avait su conserver son indépendance alors que Moctadir s’était emparé des Etats d’Alî, prince de Dénia, et un fils de ce dernier, nommé Sirâdj-ad-daula, l’avait possédée quelque temps; mais comme il venait de mourir, les Beni-Sohail, qui étaient les tuteurs de ses enfants, voulaient vendre Segura à quelque prince voisin. Ibn-Ammâr promit à Moutamin de la lui livrer de la même manière qu’il lui avait livré l’autre château. Il partit donc avec quelques troupes, et fit prier les Beni-Sohail de lui accorder un entretien. Ils y consentirent; mais au lieu de les attirer dans ses filets, Ibn-Ammâr, qui les avait offensés à l’époque où il régnait à Murcie, tomba lui-même dans un piége. Les abords de la forteresse étaient défendus par une pente si escarpée, que, pour y entrer, il fallait se laisser hisser à force de bras. Arrivé à cet endroit dangereux avec Djâbir et Hâdî, ses compagnons obligés dans chaque entreprise aventureuse, Ibn-Ammâr se fit tirer en haut le premier; mais aussitôt qu’il eut touché le sol de ses pieds, les soldats de la garnison s’emparèrent de lui et crièrent à ses deux acolytes de se sauver au plus vite, s’ils ne voulaient pas être tués à coups de flèches. Ils n’eurent garde de se faire répéter cet avertissement, et descendant le rocher en courant, ils vinrent annoncer aux soldats de Saragosse qu’Ibn-Ammâr avait été fait prisonnier. Persuadés qu’une tentative pour le délivrer n’avait aucune chance de succès, ces soldats retournèrent d’où ils étaient venus.

Après avoir jeté Ibn-Ammâr dans un cachot, les Beni-Sohail résolurent de le vendre au plus offrant et dernier enchérisseur. Ce fut Motamid qui l’acheta, de même que le château de Segura, et il chargea son fils Râdhî de conduire le prisonnier à Cordoue. L’infortuné vizir entra dans cette ville chargé de fers et monté sur un mulet de bagage, entre deux sacs de paille. Motamid l’accabla de reproches et lui montra sa terrible satire en lui demandant s’il reconnaissait son écriture. Le prisonnier, qui avait de la peine à se tenir debout, tant ses chaînes étaient lourdes, l’écouta en silence, les yeux fixés à terre; puis, quand le prince eut terminé sa longue invective, il dit:

—Je ne nie rien, seigneur, de ce que vous venez de dire; et à quoi me servirait-il de le nier, puisque, si je le faisais, même les choses inanimées parleraient pour attester la vérité de vos paroles? J’ai failli, je vous ai offensé grièvement, mais pardonnez-moi!

—Ce que tu as fait ne se pardonne pas, lui répondit Motamid.

Les dames qu’il avait outragées dans sa satire se vengèrent en l’accablant de railleries mordantes. A Séville il eut de nouveau à endurer les insultes de la foule. Cependant sa captivité se prolongeait, et cette circonstance lui rendit quelque espoir. Il savait d’ailleurs que plusieurs personnages haut placés, le prince Rachîd entre autres, parlaient ou écrivaient en sa faveur. Aussi ne cessait-il de stimuler leur zèle par ses vers; mais Motamid était fatigué des prières multipliées qu’on lui adressait, et il avait déjà défendu de donner au prisonnier ce qu’il faut pour écrire, lorsque ce dernier le fit supplier de lui accorder une seule fois encore du papier, de l’encre et un calam. Ayant obtenu sa demande, il adressa à Motamid un long poème, que l’on remit au sultan dans la soirée, pendant un festin. Les convives partis, Motamid le lut, se sentit touché, et fit venir Ibn-Ammâr dans sa chambre, où il lui reprocha de nouveau son ingratitude. D’abord Ibn-Ammâr, suffoqué par les larmes, ne put rien lui répondre; mais se remettant peu à peu, il sut lui rappeler avec tant d’éloquence le bonheur qu’ils avaient autrefois goûté ensemble, que Motamid, ému, attendri, à demi vaincu peut-être, lui adressa quelques paroles rassurantes, mais sans lui accorder un pardon formel. Malheureusement—car le pire de tous les malheurs, c’est celui qui vient à nous environné d’espérance—malheureusement Ibn-Ammâr se trompa étrangement sur les sentiments de Motamid à son égard. Aux alternatives de courroux et d’attendrissement, dont il avait été témoin, il donna un sens qu’elles n’avaient point. Motamid avait bien conservé pour lui un reste d’affection; mais de là au pardon il y avait encore un grand pas à franchir. C’est ce qu’Ibn-Ammâr ne comprit pas. Rentré dans sa prison, il crut à un prochain retour de fortune, et ne pouvant contenir la joie dont son cœur débordait, il écrivit à Rachîd une lettre pour lui annoncer l’heureuse issue de son entretien avec le monarque. Rachîd était en compagnie quand cette lettre lui fut remise, et pendant qu’il la lisait, son vizir Isâ y jeta un regard furtif et rapide, mais qui suffisait pour l’apprendre de quoi il s’agissait. Soit bavarderie, soit qu’il n’aimât pas Ibn-Ammâr, Isâ ébruita la chose, et bientôt elle parvint aux oreilles d’Abou-Becr ibn-Zaidoun, grossie d’exagérations qui nous sont restées inconnues, mais qui doivent avoir été bien infâmes, car un historien arabe dit qu’il les a passées sous silence, parce qu’il ne voulait pas en souiller son livre. Ibn-Zaidoun passa la nuit dans une terrible angoisse: la réhabilitation d’Ibn-Ammâr était sa disgrâce, peut-être son arrêt de mort. Le lendemain, ne sachant pas encore à quoi s’en tenir, il resta chez lui à l’heure où il allait ordinairement au palais. Motamid le fit chercher et le reçut aussi amicalement que de coutume, de sorte qu’Ibn-Zaidoun acquit la certitude que sa situation était moins dangereuse qu’il ne l’avait craint. Aussi, quand le sultan lui demanda pourquoi il s’était fait attendre si longtemps, il lui répondit qu’il croyait être tombé en disgrâce; il lui apprit en même temps que son entretien avec Ibn-Ammâr était connu de toute la cour; que l’on s’attendait à voir l’ex-vizir remonter au pouvoir; que son ami et son compatriote Ibn-Salâm, le préfet de la ville, tenait déjà prêts les plus beaux appartements de sa maison pour l’y installer, en attendant que ses palais lui fussent rendus; et il va sans dire qu’il ne manqua pas non plus de raconter les calomnies que l’on débitait.

Motamid ne se sentait plus de rage. Lors même que ce qui s’était passé entre lui et son prisonnier n’eût pas été dénaturé par la haine, il aurait été indigné de la folle présomption d’Ibn-Ammâr qui, de quelques paroles bienveillantes, avait aussitôt conclu à sa mise en liberté, à sa rentrée au pouvoir. «Va demander à Ibn-Ammâr, dit-il en s’adressant à un eunuque slave, comment il a su trouver le moyen d’ébruiter l’entretien que j’ai eu avec lui hier au soir.»

L’eunuque revint bientôt.

—Ibn-Ammâr, dit-il, nie d’en avoir rien dit à personne.

—Mais il peut avoir écrit, reprit Motamid. Je lui ai fait donner deux feuilles de papier: sur l’une il a écrit un poème qu’il m’a envoyé, mais qu’a-t-il fait de l’autre? Va lui demander cela.

Quand l’eunuque fut de retour:

—Ibn-Ammâr prétend, dit-il, qu’il s’est servi de l’autre feuille pour écrire le brouillon du poème qu’il vous a adressé.

—Dans ce cas, qu’il te donne ce brouillon, répliqua Motamid.

Alors Ibn-Ammâr ne put plus nier la vérité. «J’ai écrit à Rachîd, dit-il tristement, pour lui communiquer ce que le prince m’avait promis.»

A cet aveu, le sang de son terrible père, de ce vautour toujours prêt à tomber sur sa proie pour la déchirer et assouvir sa rage dans ses entrailles, s’éveilla dans les veines de Motamid et les embrasa. Saisissant la première arme que sa main rencontra—c’était une hache superbe qu’il avait reçue d’Alphonse—il franchit en quelques bonds les marches de l’escalier qui conduisait à la chambre où Ibn-Ammâr était enfermé.

Rencontrant les regards foudroyants du monarque, Ibn-Ammâr frissonna. Il pressentit que sa dernière heure allait sonner.... Traînant ses chaînes, il alla se jeter aux pieds de Motamid, qu’il couvrit de baisers et de larmes; mais le sultan, inaccessible à la pitié, leva sa hache et l’en frappa à différentes reprises, jusqu’à ce qu’il fût mort, jusqu’à ce que tout reste de chaleur eût quitté le cadavre....[165]

Telle fut la fin tragique d’Ibn-Ammâr. Elle excita dans l’Espagne arabe une émotion très-vive, mais qui ne fut pas longue, car de graves événements qui eurent lieu à Tolède et les progrès des armes castillanes donnèrent bientôt aux idées une autre direction.

XII.

L’empereur Alphonse VI, roi de Léon, de Castille, de Galice et de Navarre, avait l’intention bien arrêtée de conquérir toute la Péninsule[166], et il était assez puissant pour accomplir son projet. Cependant il ne voulait pas le faire tout de suite. Rien ne le pressait, il avait le temps d’attendre. Avant tout, il amassait de l’argent, le nerf de la guerre, le moyen le plus sûr pour parvenir au but que se proposait son ambition. En conséquence, il mettait les princes musulmans au pressoir, et, comme d’un pressoir coulent le cidre et le vin, de ces roitelets écrasés coulait l’or.

Le plus faible parmi ses tributaires était peut-être Câdir, le roi de Tolède. Elevé dans la mollesse du sérail, ce prince était le jouet de ses eunuques et la risée de ses voisins, qui le dépouillaient l’un à l’envi de l’autre. Alphonse seul semblait le protéger. Aussi s’adressa-t-il à lui alors qu’il ne put plus contenir ses sujets fatigués de sa tyrannie. Alphonse promit de lui envoyer des troupes, mais en récompense de ce service il exigea une somme énorme. Câdir demanda cet argent aux principaux citoyens qu’il avait appelés auprès de lui. Ils refusèrent de le donner. «Je jure, s’écria-t-il alors, que si vous ne me procurez cette somme à l’instant même, je remettrai vos fils entre les mains d’Alphonse.—Nous te chasserons auparavant,» lui répondit-on. En effet, les Tolédans se donnèrent à Motawakkil de Badajoz, et Câdir fut forcé de s’évader pendant la nuit. Alors il implora de nouveau le secours d’Alphonse. «Nous irons assiéger Tolède, lui dit l’empereur, et tu seras rétabli sur ton trône. Mais il me faut pour cela tout l’argent que tu as emporté de Tolède; il m’en faudra encore davantage dans la suite, et tu me donneras quelques forteresses en nantissement.» Câdir consentit à tout, et les hostilités contre Tolède commencèrent (1080)[167].

Elles avaient déjà duré deux ans, lorsque l’empereur envoya, selon sa coutume, une ambassade à Motamid pour lui demander le tribut annuel. Cette ambassade se composait de plusieurs chevaliers; mais celui qui était chargé de recevoir l’argent était un juif, nommé Ben-Châlîb[168], car à cette époque les juifs servaient ordinairement d’intermédiaires entre les musulmans et les chrétiens.

Les ambassadeurs ayant dressé leurs tentes en dehors de la ville, Motamid leur fit porter l’argent qu’il avait à payer par quelques-uns de ses grands, à la tête desquels se trouvait le premier ministre, Abou-Becr ibn-Zaidoun. Une partie de cet argent était au-dessous du titre, Motamid n’ayant pas été en état d’en réunir assez, quoiqu’il eût imposé à ses sujets un impôt extraordinaire. Aussi le juif s’écria en le voyant: «Me croyez-vous assez simple pour accepter cette fausse monnaie? Je ne prends que de l’or pur, et l’année prochaine il me faudra des villes.»

Quand ces paroles eurent été rapportées à Motamid, il entra dans une grande colère. «Qu’on m’amène ce juif et ses compagnons!» cria-t-il à ses soldats. Cet ordre fut exécuté, et quand les ambassadeurs furent arrivés au palais:

—Que l’on jette ces chrétiens en prison, dit Motamid, et que l’on crucifie ce juif maudit.

—Grâce, grâce, cria le juif qui, naguère si orgueilleux, tremblait maintenant de tous ses membres; je vous donnerai le poids de mon corps en or.

—Par Dieu! Lors même que tu pourrais m’offrir la Mauritanie et l’Espagne pour ta rançon, je n’en voudrais pas!

Et le juif fut crucifié[169].

En apprenant ce qui s’était passé, Alphonse jura par la Trinité et par tous les saints du paradis qu’il en tirerait une vengeance éclatante, terrible. «J’irai, dit-il, ravager le royaume de ce mécréant avec des guerriers innombrables comme les cheveux de ma tête, et je ne m’arrêterai qu’au détroit de Gibraltar.» Cependant, ne pouvant abandonner à leur sort les chevaliers castillans qui gémissaient dans les cachots de Séville, il fit demander à Motamid à quelles conditions il consentirait à les élargir. Le sultan exigea la restitution d’Almodovar[170], et cette ville lui ayant été rendue, il remit les chevaliers en liberté[171]; mais à peine furent-ils de retour dans leur patrie, qu’Alphonse exécuta ses menaces. Il pilla et brûla les villages de l’Axarafe, tua ou emmena en esclavage tous les musulmans qui n’avaient pas eu le temps de se mettre en sûreté dans une place forte, assiégea Séville pendant trois jours, ravagea la province de Sidona, et, arrivé sur la grève près de Tarifa, il poussa son cheval dans les vagues en s’écriant: «Ce sol, c’est la dernière limite de l’Espagne et je l’ai touché!» Puis, son serment rempli et sa vanité satisfaite, il ramena son armée dans le royaume de Tolède[172].

Là aussi ses armes furent victorieuses, et Motawakkil ayant été obligé d’évacuer le pays, les habitants de la capitale ouvrirent leurs portes à Câdir, malgré qu’ils en eussent (1084). Câdir leur extorqua des sommes énormes qu’il offrit à Alphonse. «Cela ne suffit pas,» lui dit froidement l’empereur. Alors Câdir lui offrit en outre les trésors de son père et de son aïeul.

—Cela ne suffit pas encore, dit Alphonse.

—Je vous donnerai davantage, mais accordez-moi un délai.

—Je te l’accorde, pourvu que tu me donnes de nouveau des forteresses en nantissement.

Câdir y consentit.... Son héritage s’en allait par lambeaux, toutes ses ressources s’épuisaient, mais qu’y pouvait-il? Il savait que l’épée du terrible Alphonse était suspendue sur sa tête, et qu’au moindre signe de désobéissance, elle tomberait. Il donnait donc de l’or, et encore de l’or; des forteresses, et encore des forteresses; pour contenter l’empereur, il pressurait ses sujets et dépeuplait son royaume, car, n’y tenant plus, les Tolédans émigrèrent en foule pour aller s’établir dans les Etats du roi de Saragosse. Et cependant tout cela ne lui servait de rien; plus il donnait, plus Alphonse devenait exigeant; et quand il jurait qu’il n’avait plus rien à donner, l’empereur venait ravager les environs de Tolède. Quelque temps encore il se cramponna à son trône vermoulu, mais à la fin il dut lâcher prise. Il en vint donc où Alphonse l’attendait: il se déclara prêt à lui céder Tolède. Toutefois il y mit certaines conditions, dont celles-ci étaient les principales:

Alphonse prendrait sous sa sauvegarde la vie et les biens des Tolédans, et chacun d’entre eux pourrait, à son choix, partir ou rester;

Il n’exigerait d’eux qu’une capitation fixée d’avance;

Il leur laisserait la grande mosquée;

Il s’engagerait à remettre Câdir en possession de Valence.

L’empereur accepta ces conditions, et le 25 mai 1085, il fit son entrée dans l’ancienne capitale du royaume visigoth[173].

Dès lors rien n’égala son orgueil, si ce n’est la bassesse des princes musulmans. Ils s’empressèrent presque tous de lui envoyer des ambassadeurs pour le complimenter, ils lui firent offrir des présents, ils lui déclarèrent qu’ils se considéraient comme ses receveurs d’impôts. Alphonse, le souverain des hommes des deux religions, comme il s’intitulait dans ses lettres, ne se donnait pas même la peine de dissimuler le mépris qu’ils lui inspiraient. Hosâm-ad-daula, le seigneur d’Albarrazin, était venu en personne pour lui offrir un superbe cadeau. Justement un singe amusait l’empereur par ses gambades. «Prends cet animal en retour de ton présent,» dit Alphonse avec un accent de suprême dédain. Et le musulman, loin de ressentir l’injure, vit dans ce singe un gage d’amitié, une preuve qu’Alphonse n’avait pas l’intention de lui enlever ses Etats[174].

Après la prise de Tolède, ce fut le tour de Valence. Là les deux fils d’Ibn-Abdalazîz se disputaient le pouvoir; un troisième parti voulait donner Valence au roi de Saragosse, un quatrième à Câdir. Ce dernier parti l’emporta. Câdir, en effet, avait les meilleurs titres à faire valoir: il avait derrière lui une armée castillane, commandée par le grand capitaine Alvar Fañez. Seulement les Valenciens auraient à pourvoir à l’entretien de ces troupes: elles leur coûteraient six cents pièces d’or par jour! Ils avaient beau dire à Câdir qu’il n’avait pas besoin de cette armée, puisqu’ils le serviraient fidèlement, Câdir n’eut pas la naïveté de croire à leurs promesses; sachant qu’on le détestait et que d’ailleurs les anciens partis n’avaient pas abdiqué leurs espérances, il retint les Castillans. Afin d’être en état de les payer, il greva la ville et son territoire d’un impôt extraordinaire, et extorqua aux nobles des sommes énormes. Mais malgré les actes du plus terrible despotisme, Câdir, pressé par Alvar Fañez de lui payer l’arriéré de sa solde, se trouva un jour à bout de ressources. Alors il proposa aux Castillans de se fixer dans son royaume en leur offrant des terres très-étendues. Ils y consentirent; mais tout en faisant cultiver leurs vastes domaines par des serfs, ils continuaient à s’enrichir par des razzias dans le pays d’alentour. Leur troupe s’était grossie de la lie de la population arabe. Une foule d’esclaves, d’hommes tarés et de repris de justice, dont plusieurs abjurèrent l’islamisme, s’étaient enrôlés sous leurs drapeaux, et bientôt ces bandes acquirent, par leurs cruautés inouïes, une triste célébrité. Elles massacraient les hommes, violaient les femmes, et vendaient souvent un prisonnier musulman pour un pain, pour un pot de vin, ou pour une livre de poisson. Quand un prisonnier ne voulait ou ne pouvait payer rançon, elles lui coupaient la langue, lui crevaient les yeux, et le faisaient déchirer par des dogues[175].

Valence était donc en réalité au pouvoir d’Alphonse. Câdir y portait encore le titre de roi, mais une grande partie du sol appartenait aux Castillans, et, pour incorporer cette ville à ses Etats, Alphonse n’avait qu’une parole à prononcer. Saragosse aussi semblait perdue. L’empereur assiégeait cette ville, et il avait juré qu’il la prendrait[176]. A l’autre bout de l’Espagne, un capitaine d’Alphonse, Garcia Ximenez, qui s’était niché avec une troupe de chevaliers dans le château d’Alédo, non loin de Lorca, faisait sans cesse des incursions dans le royaume d’Almérie[177]. Celui de Grenade n’était pas épargné non plus, à preuve que dans le printemps de l’année 1085, les Castillans s’avancèrent jusqu’au village de Nibar, à une lieue E. de Grenade, et qu’ils y livrèrent bataille aux musulmans[178]. Partout, enfin, le péril était extrême, et le découragement l’était aussi. On n’osait plus se mesurer avec les chrétiens, même dans la proportion de cinq contre un. Dernièrement un corps de quatre cents Almériens (et c’était un corps d’élite) avait pris la fuite devant quatre-vingts Castillans[179]. Il était évident que si les Arabes d’Espagne restaient abandonnés à eux-mêmes, ils devraient choisir entre deux partis: la soumission à l’empereur ou l’émigration en masse. Plusieurs d’entre eux, en effet, étaient d’opinion qu’il fallait quitter le pays. «Mettez-vous en route, ô Andalous, chantait un poète, car rester ici serait une folie[180].» L’émigration, toutefois, était un parti extrême, et l’on se résolvait difficilement à le prendre. D’ailleurs, tout n’était pas encore perdu: on pouvait recevoir du secours de l’Afrique. C’était de là, en effet, que les moins découragés attendaient leur salut. La proposition avait été faite de s’adresser aux Bédouins d’Ifrikia; mais on avait objecté que ces gens-là s’étaient signalés par leur férocité autant que par leur bravoure, et qu’il était à craindre qu’arrivés en Espagne, ils ne se missent à piller les musulmans, au lieu de combattre les chrétiens[181]. On pensa donc aux Almoravides. C’étaient les Berbers du Sahara qui jouaient pour la première fois un rôle sur la scène du monde. Convertis récemment à l’islamisme par un missionnaire de Sidjilmésa, ils avaient fait des conquêtes rapides, et à l’époque dont nous parlons, leur vaste empire s’étendait depuis le Sénégal jusqu’à Alger. L’idée de les appeler en Espagne souriait principalement aux ministres de la religion. Les princes, au contraire, hésitèrent longtemps. Quelques-uns d’entre eux, tels que Motamid et Motawakkil, entretenaient bien des relations avec Yousof ibn-Téchoufîn, le roi des Almoravides, et ils l’avaient même prié à différentes reprises de les aider contre les chrétiens; mais en général, les princes andalous, sans en excepter Motamid et Motawakkil, avaient peu de sympathie pour le chef des rudes et fanatiques guerriers du Sahara; ils voyaient en lui un rival dangereux plutôt qu’un auxiliaire. Cependant, comme le péril croissait de jour en jour, il fallait bien saisir le seul moyen de salut qui restât. Motamid, du moins, en jugea ainsi, et quand son fils aîné, Rachîd, lui représenta le péril auquel il s’exposait, s’il amenait les Almoravides en Espagne: «Tout cela est vrai, lui répondit-il; mais je ne veux pas que la postérité puisse m’accuser d’avoir été la cause que l’Andalousie soit devenue la proie des mécréants; je ne veux pas que mon nom soit maudit sur toutes les chaires musulmanes, et s’il me faut choisir, j’aime encore mieux être chamelier en Afrique que porcher en Castille[182]

Son plan arrêté, il le communiqua à ses voisins, Motawakkil de Badajoz et Abdallâh de Grenade[183], en les priant de s’y associer et d’envoyer leurs cadis à Séville. Ils le firent; Motawakkil envoya à Séville le cadi de Badajoz, Abou-Ishâc ibn-Mocânâ, et Abdallâh, le cadi de Grenade, Abou-Djafar Colaiî. Le cadi de Cordoue, Ibn-Adham, se joignit à eux, ainsi que le vizir Abou-Becr ibn-Zaidoun. Ces quatre personnages s’embarquèrent à Algéziras, et se rendirent auprès de Yousof[184]. Ils étaient chargés de l’inviter, au nom de leurs souverains, à venir en Espagne avec une armée; mais ils devaient y mettre certaines conditions, lesquelles, du reste, nous sont inconnues; nous savons seulement que Yousof devait jurer de ne pas tenter d’enlever leurs Etats aux princes andalous, et qu’il prêta ce serment[185]. Il fallait fixer alors l’endroit où Yousof débarquerait. Ibn-Zaidoun proposa Gibraltar; mais Yousof donna à entendre qu’il préférait Algéziras et que même cette place devait lui être cédée. Le vizir de Motamid lui répondit qu’il n’était pas autorisé à lui accorder cette demande. Dès lors Yousof traita les ambassadeurs assez froidement, et ne leur donna que des réponses évasives, ambiguës; aussi ignoraient-ils en le quittant à quel parti il s’arrêterait; il n’avait pas promis de venir, mais aussi il n’avait pas dit qu’il ne viendrait pas.

Les princes andalous étaient donc aussi dans l’incertitude. Ils en furent tirés d’une manière assez désagréable et qui prouvait que leurs soupçons n’avaient pas été sans fondement. Yousof, qui d’ordinaire n’entreprenait rien sans avoir consulté ses faquis, leur avait demandé ce qu’il fallait faire, et les faquis avaient déclaré, d’abord qu’il était de son devoir d’aller combattre les Castillans, ensuite que, s’il avait besoin d’Algéziras et qu’on ne voulût pas le lui céder, il avait le droit de le prendre. Muni de ce fetfa, Yousof avait donné à plusieurs corps l’ordre de s’embarquer à Ceuta sur une centaine de navires et de faire voile vers Algéziras, de sorte que cette ville se trouva tout à coup entourée d’une grande armée qui exigeait qu’on lui donnât des vivres et la place elle-même. Râdhî, qui y commandait, se trouva dans une grande perplexité, le cas qui se présentait n’ayant pas été prévu. Il ne refusa pas de fournir des vivres aux Almoravides, mais en même temps il se mit en mesure de repousser au besoin la force par la force. En outre, il écrivit à son père pour lui demander des ordres, et ayant attaché sa lettre à l’aile d’un pigeon, il le lâcha vers Séville. La réponse de Motamid ne se fit pas attendre. Il s’était décidé vite, car, quelque révoltante que lui parût la conduite de Yousof, il sentait qu’il était allé trop loin pour reculer et qu’il lui fallait faire bonne mine à mauvais jeu. Il enjoignit donc à son fils d’évacuer Algéziras et de se retirer sur Ronda[186]. De nouvelles troupes s’embarquèrent alors pour Algéziras, et enfin Yousof y arriva lui-même. Son premier soin fut de mettre les fortifications de la ville en bon état, de la pourvoir de munitions de guerre et de bouche, et d’y établir une garnison suffisante. Ensuite il s’achemina vers Séville avec le gros de ses forces. Motamid vint à sa rencontre, entouré des principaux dignitaires de son royaume. Quand il fut arrivé en sa présence, il voulut lui baiser la main; mais Yousof l’en empêcha en l’embrassant de la manière la plus affectueuse. Les présents qui étaient d’usage ne furent pas oubliés: Motamid en offrit une si grande quantité à l’Almoravide, que celui-ci put donner quelque chose à chaque soldat de son armée, et qu’il conçut une haute idée des richesses que possédait l’Espagne. Près de Séville on s’arrêta, et c’est là que les deux petits-fils de Bâdîs, Abdallâh de Grenade et Temîm de Malaga, vinrent se joindre aux Almoravides, le premier avec trois cents cavaliers, le second avec deux cents. Motacim d’Almérie envoya un régiment de cavalerie commandé par un de ses fils, en exprimant ses regrets de ce que le voisinage menaçant des chrétiens d’Alédo ne lui permettait pas de venir en personne. Huit jours après, l’armée prit la route de Badajoz, où elle opéra sa jonction avec Motawakkil et ses troupes. Puis on marcha vers Tolède[187]; mais on ne s’était pas encore avancé bien loin qu’on rencontra l’ennemi.

Au moment où il apprit que les Almoravides avaient débarqué en Espagne, Alphonse assiégeait encore Saragosse. Croyant que le roi de cette ville ignorait l’arrivée des Africains, il lui fit dire que, s’il lui donnait beaucoup d’argent, il lèverait le siége; mais Mostaîn, qui avait reçu la grande nouvelle aussi bien que lui, lui fit répondre qu’il ne lui donnerait pas un seul dirhem. Alphonse retourna alors à Tolède, après avoir envoyé à Alvar Fañez, ainsi qu’à ses autres lieutenants, l’ordre de venir le rejoindre avec leurs troupes. Quand son armée, dans laquelle il y avait beaucoup de chevaliers français, fut rassemblée, il se mit en marche, car il voulait transporter la guerre dans le pays ennemi. Il rencontra les Almoravides et leurs alliés non loin de Badajoz, près d’un endroit que les musulmans appelaient Zallâca et les chrétiens Sacralias, et il n’avait pas encore fini de dresser ses tentes, qu’il reçut une lettre de Yousof, dans laquelle ce monarque l’invitait à embrasser l’islamisme ou à payer un tribut, en le menaçant de la guerre s’il ne voulait faire ni l’un ni l’autre. Alphonse fut fort indigné de ce message. Il chargea un de ses employés arabes d’y répondre que, les musulmans ayant été ses tributaires pendant nombre d’années, il ne s’attendait pas à des propositions aussi blessantes; que du reste il avait une grande armée, et que, grâce à elle, il saurait bien punir l’outrecuidance de ses ennemis. Cette lettre étant parvenue à la chancellerie musulmane, un Andalous y répondit sur-le-champ; mais quand il montra sa composition à Yousof, celui-ci la trouva trop longue, et, se bornant à écrire sur le revers de la lettre de l’empereur ces simples paroles: «Ce qui arrivera, tu le verras,» il la lui renvoya[188].

Il s’agissait alors de fixer le jour de la bataille; à cette époque la coutume le voulait ainsi. C’était le jeudi 22 octobre 1086, et ce jour-là Alphonse envoya ce message aux musulmans: «Demain, vendredi, est votre jour de fête, et dimanche est le nôtre; je propose donc que la bataille ait lieu après-demain, samedi[189].» Yousof agréa celle proposition; mais Motamid y vit une ruse, et comme dans le cas d’une attaque il aurait à soutenir le premier choc de l’ennemi (car les troupes andalouses formaient l’avant-garde, tandis que les Almoravides se tenaient en arrière cachés par les montagnes), il prit des précautions afin de ne pas être attaqué à l’improviste, et fit observer les mouvements de l’ennemi par des troupes légères. Son esprit n’était nullement tranquille et il consultait sans cesse son astrologue. On touchait, en effet, à un moment critique et décisif. Le sort de l’Espagne dépendait de l’issue de la bataille qui allait se livrer, et les Castillans avaient la supériorité du nombre. Leurs forces, les musulmans le croyaient du moins, s’élevaient à cinquante ou soixante mille hommes[190], tandis que leurs adversaires n’en avaient que vingt mille[191].

Au lever de l’aurore, Motamid vit ses craintes se réaliser: il fut averti par ses vedettes que l’armée chrétienne approchait. Sa position étant donc devenue fort dangereuse, car il risquait d’être écrasé avant que les Almoravides fussent rendus sur le champ de bataille, il fit dire à Yousof de venir promptement à son secours avec toutes ses troupes, ou de lui envoyer du moins un renfort considérable. Mais Yousof ne se hâta pas de satisfaire à cette demande. Il avait formé un plan dont il ne voulait pas s’écarter, et il s’inquiétait si peu du sort des Andalous, qu’il s’écria: «Qu’est-ce que cela me fait que ces gens-là soient massacrés? Ce sont tous des ennemis[192].» Ainsi abandonnés à leurs propres forces, les Andalous prirent la fuite; seuls les Sévillans, stimulés par l’exemple de leur roi, qui, quoique blessé au visage et à la main, faisait preuve d’une brillante bravoure, résistèrent vigoureusement au choc de l’ennemi, jusqu’à ce qu’enfin une division almoravide arrivât à leur aide. Dès lors le combat fut moins inégal; cependant les Sévillans furent fort étonnés quand ils virent les ennemis battre tout à coup en retraite, car le renfort qu’ils avaient reçu n’était pas assez considérable pour qu’ils pussent se flatter d’avoir remporté la victoire. Aussi n’en était-il pas ainsi; mais voici ce qui était arrivé. Voyant l’armée castillane engagée contre les Andalous, Yousof avait formé le dessein de la prendre à revers. Il avait donc envoyé à Motamid autant de renfort qu’il en fallait pour l’empêcher d’être écrasé par les ennemis; puis, faisant un détour, il s’était porté avec le gros de ses forces sur le camp d’Alphonse. Là il avait fait un carnage effroyable des soldats chargés de le garder, et, l’ayant incendié, il était allé tomber dans le dos des Castillans, en poussant devant lui une foule de fuyards. Alphonse se trouvait donc entre deux feux, et comme l’armée qui venait le prendre en queue était plus nombreuse que celle qu’il avait en face, il fut obligé de tourner contre elle sa force principale. Le combat fut extrêmement acharné. Le camp fut tour à tour pris et repris, tandis que Yousof parcourait les rangs de ses soldats en criant: «Courage, musulmans! Vous avez devant vous les ennemis de Dieu! Le paradis attend ceux d’entre vous qui succomberont!»

Cependant les Andalous qui avaient pris la fuite étaient parvenus à se rallier, et ils retournèrent sur le champ de bataille pour soutenir Motamid. D’un autre côté, Yousof jeta sur les Castillans sa garde noire qu’il tenait en réserve et qui fit des merveilles. Un nègre réussit même à s’approcher d’Alphonse et à le blesser à la cuisse d’un coup de poignard. A la nuit tombante, la victoire, chaudement disputée, se déclara enfin pour les musulmans; la plupart des chrétiens gisaient morts ou blessés sur le champ de bataille, d’autres avaient pris la fuite, et Alphonse lui-même, entouré seulement de cinq cents chevaliers, eut grand’peine à se sauver (23 octobre 1086).

Toutefois on ne recueillit pas de cette éclatante victoire tous les fruits qu’on pouvait en attendre. Yousof avait bien l’intention de pénétrer dans le pays ennemi, mais il y renonça quand il reçut la nouvelle de la mort de son fils aîné, qu’il avait laissé malade à Ceuta. Se contentant donc de mettre sous les ordres de Motamid une division de trois mille hommes, il retourna en Afrique avec le reste de ses troupes[193].

XIII.

Par suite de l’arrivée des Almoravides en Espagne, les Castillans avaient été forcés d’évacuer le royaume de Valence et de lever le siége de Saragosse. La déroute qu’ils avaient essuyée à Zallâca les avait privés d’une foule de leurs meilleurs guerriers; ils avaient perdu à cette occasion, disaient les musulmans, dix mille ou même vingt-quatre mille hommes[194]. En outre, les princes andalous étaient affranchis de la honteuse obligation de payer à Alphonse un tribut annuel, et l’Ouest, où les forteresses étaient défendues désormais par les soldats que Yousof avait laissés à Motamid, n’avait plus rien à craindre des attaques de l’empereur. C’étaient à coup sûr de beaux résultats et dont les Andalous avaient raison de se réjouir. Aussi tout le pays retentissait-il de cris d’allégresse; le nom de Yousof était dans toutes les bouches; on vantait sa piété, sa bravoure, ses talents militaires, on saluait en lui le sauveur de l’Andalousie et de la religion musulmane, on le proclamait le premier capitaine de son siècle. Le clergé surtout ne tarissait pas sur son éloge. A ses yeux Yousof était plus qu’un grand homme: il était l’homme béni par Dieu, l’élu du Seigneur[195].

Cependant les succès obtenus, si grands et si glorieux qu’ils fussent, n’étaient nullement décisifs. Les Castillans, du moins, en jugeaient ainsi. Malgré les pertes qu’ils avaient éprouvées, ils ne désespéraient pas de rétablir leurs affaires. Ils savaient fort bien qu’ils risqueraient trop s’ils dirigeaient leurs attaques du côté de Badajoz et de Séville, mais ils savaient aussi que l’Est de l’Andalousie leur offrait encore mainte chance de succès et qu’il leur serait facile de le ravager, peut-être même de le conquérir. Les petites principautés de l’Est, Valence, Murcie, Lorca, Almérie, étaient en effet les plus faibles de toutes celles qui existaient dans la Péninsule, et les Castillans occupaient au milieu d’elles une position très-forte et qui mettait le pays à leur merci. C’était la forteresse d’Alédo, dont les ruines subsistent encore aujourd’hui, et qui se trouvait entre Murcie et Lorca. Située sur une montagne très-escarpée et capable de contenir une garnison de douze ou treize mille hommes, elle pouvait passer pour inexpugnable. C’est de là que partaient les Castillans pour faire des razzias dans le pays d’alentour. Ils assiégèrent même Almérie, Lorca, Murcie[196], et tout semblait présager que, si l’on n’y pourvoyait, ces villes finiraient par tomber entre leurs mains.

Motamid sentit la gravité du péril qui menaçait l’Andalousie de ce côté-là, et d’ailleurs ses intérêts personnels étaient en jeu. Les deux villes les plus exposées aux attaques de l’ennemi, Murcie et Lorca, lui appartenaient, la première en droit, la seconde en fait, car le seigneur de Lorca, Ibn-al-Yasa, qui se sentait trop faible pour résister aux Castillans d’Alédo, l’avait reconnu pour son souverain, dans l’espoir d’être aidé par lui[197]. Quant à Murcie, Ibn-Rachîc y régnait encore, et Motamid brûlait du désir de punir ce rebelle. Ayant donc résolu de faire une expédition dans l’Est avec la double intention de mettre un terme aux invasions des chrétiens et de réduire Ibn-Rachîc à l’obéissance, il réunit ses propres troupes à celles que Yousof lui avait confiées, et prit le chemin de Lorca.

Arrivé dans cette ville, il fut informé qu’un escadron de trois cents Castillans se trouvait dans le voisinage. En conséquence il ordonna à son fils Râdhî d’aller l’attaquer avec trois mille cavaliers sévillans. Râdhî, toutefois, qui aimait les lettres bien plus que la guerre, s’excusa en prétextant une indisposition. Fort irrité de ce refus, Motamid confia alors le commandement à un autre de ses fils, qui s’appelait Motadd. Mais la supériorité des Castillans sur les Andalous devait se montrer une fois de plus. Quoiqu’ils fussent dix contre un, les Sévillans essuyèrent la plus honteuse déroute[198].

Les tentatives de Motamid pour réduire Murcie ne furent pas plus heureuses. Ibn-Rachîc sut mettre dans ses intérêts les Almoravides qui se trouvaient dans l’armée sévillane, et Motamid fut forcé de retourner vers sa capitale sans qu’il eût rien gagné[199].

Il était donc devenu évident qu’après comme avant la bataille de Zallâca, les Andalous n’étaient pas en état de se défendre, et qu’à moins que Yousof ne vînt une seconde fois à leur secours, ils finiraient par succomber. Aussi le palais de Yousof était-il assiégé par des faquis et des notables de Valence, de Murcie, de Lorca, de Baza. Les Valenciens se plaignaient de Rodrigue le Campéador (le Cid), qui s’était érigé en protecteur de Câdir après l’avoir forcé à lui payer une redevance mensuelle de dix mille ducats, et qui ravageait le royaume sous le prétexte de faire rentrer les rebelles sous l’autorité du roi[200]; les habitants des autres endroits ne tarissaient pas sur les vexations dont les Castillans d’Alédo les accablaient, et tous étaient unanimes pour déclarer que, si Yousof ne venait pas à leur aide, l’Andalousie tomberait inévitablement au pouvoir des chrétiens[201]. Leurs supplications, toutefois, semblaient produire peu d’effet sur l’esprit du monarque. Yousof promettait bien, il est vrai, de passer le Détroit dès que la saison le lui permettrait; mais il ne faisait pas des préparatifs bien sérieux, et, s’il ne le disait pas, il laissait du moins deviner qu’il s’attendait à une démarche directe de la part des princes. Motamid se décida alors à la faire. Les soupçons qu’il avait eus sur les intentions secrètes de Yousof s’étaient peu à peu dissipés ou du moins affaiblis. Sauf l’occupation d’Algéziras, le monarque africain n’avait fait rien qui pût blesser la susceptibilité des princes andalous ou justifier leurs appréhensions; au contraire, il avait dit maintefois qu’avant d’avoir vu l’Andalousie, il avait eu une grande idée de la beauté et de la richesse de ce pays, mais que son attente avait été trompée[202]. Motamid était donc à peu près rassuré, et comme le péril qui menaçait sa patrie était réellement très-grand, il prit la résolution de se rendre en personne auprès de Yousof.

L’Almoravide lui fit l’accueil le plus honorable et le plus cordial. «Vous n’aviez pas besoin, lui dit-il, de venir en personne; vous auriez pu m’écrire, et je me serais empressé de satisfaire à votre désir.—Je suis venu, lui répondit Motamid, pour vous dire que nous nous voyons dans un péril affreux. Alédo se trouve au cœur de notre pays; il nous est impossible de l’enlever aux chrétiens, et si vous êtes à même de le faire, vous rendrez à la religion un immense service. Une fois déjà vous nous avez sauvés: sauvez-nous cette fois encore.—Je le tenterai du moins,» lui répondit Yousof; et quand Motamid fut retourné à Séville, il poussa ses armements avec une grande vigueur; puis, ses préparatifs achevés, il passa le Détroit avec ses troupes, débarqua à Algéziras dans le printemps de l’année 1090, et, ayant opéré sa jonction avec Motamid, il invita les princes andalous à se réunir à lui pour assiéger Alédo. Temîm de Malaga, Abdallâh de Grenade, Motacim d’Almérie, Ibn-Rachîc de Murcie et quelques autres seigneurs d’une moindre importance répondirent à son appel, et le siége commença. Les machines de guerre furent construites par des charpentiers et des maçons de Murcie, et l’on convint que les émirs attaqueraient la forteresse alternativement chacun leur jour. Cependant on n’avançait pas beaucoup; les défenseurs d’Alédo, qui étaient au nombre de treize mille, dont mille cavaliers, repoussaient vigoureusement les assauts qu’on leur livrait, et la place était si forte, que les musulmans, après avoir tenté en vain de s’en emparer par la force, durent se résoudre à l’affamer[203].

Les assiégeants, du reste, s’occupaient moins du siége que de leurs intérêts personnels. Leur camp était un foyer d’intrigues. De plusieurs côtés on stimulait l’ambition de Yousof. En disant que l’Espagne n’avait pas répondu à son attente, ce monarque n’avait pas été sincère. La vérité est que ce pays lui avait plu on ne peut davantage, et que, soit par amour de conquêtes, soit par des mobiles plus nobles (car les intérêts de la religion lui tenaient fort au cœur), il désirait en devenir le maître. Et ce désir n’était pas difficile à réaliser. Beaucoup de gens en Andalousie étaient d’avis que leur pairie ne pouvait être sauvée que par sa réunion à l’empire des Almoravides. Ce n’était pas, il est vrai, l’idée des hautes classes de la société. Pour les gens bien élevés Yousof, qui savait très-peu d’arabe, était un rustre, un barbare, et il est vrai qu’il avait donné mainte preuve de son ignorance, de son manque d’éducation. Ainsi, lorsque Motamid lui eut demandé s’il comprenait les vers que les poètes de Séville venaient de réciter: «Tout ce que j’en comprends, avait-il répondu, c’est qu’ils demandent du pain.» Et quand, après son retour en Afrique, il eut reçu de Motamid une lettre où se trouvaient ces deux vers empruntés à un célèbre poème qu’Abou-’l-Walîd ibn-Zaidoun[204], le Tibulle de l’Andalousie, avait adressé à son amante Wallâda:—«Depuis que tu es loin de moi, le désir de te voir consume mon cœur et me fait répandre des torrents de larmes. Mes jours sont noirs aujourd’hui, et naguère, grâce à toi, mes nuits étaient blanches,»—il avait dit: «Il paraît qu’il me demande des jeunes filles noires et blanches.» Puis, quand on lui eut expliqué que, dans le langage poétique, noir signifie obscur, de même que blanc signifie serein: «C’est très-beau, avait-il dit; eh bien, qu’on lui réponde que j’ai mal à la tête depuis que je ne le vois plus[205].» Dans un pays aussi lettré que l’était l’Andalousie, de telles choses ne se pardonnaient pas. Joignez-y que les hommes de lettres étaient fort contents de leur position et qu’ils ne désiraient nullement de la voir changer. Les petites cours étaient autant d’académies, et les littérateurs étaient les enfants gâtés des princes qui leur accordaient des traitements magnifiques. Les représentants de la libre pensée n’avaient non plus nulle raison de se plaindre. Grâce à la protection que leur accordaient la plupart des princes, ils pouvaient pour la première fois dire et écrire ce qu’ils pensaient, sans avoir à craindre d’être brûlés ou lapidés[206]. Ils désiraient donc moins que personne la domination des Almoravides, qui ramènerait infailliblement celle du clergé.

Mais si Yousof comptait peu de partisans dans les classes supérieures et éclairées, il en avait beaucoup parmi le peuple. En général le peuple était fort mécontent et il avait raison de l’être. Presque chaque ville tant soit peu considérable avait sa cour à elle, sa cour qu’il fallait entretenir et qui coûtait beaucoup, car la plupart des princes étaient d’une prodigalité folle. Et encore si, à force de payer, on eût pu acheter la sûreté, la tranquillité! Mais il n’en était point ainsi; les princes étaient ordinairement trop faibles pour protéger leurs sujets contre leurs voisins musulmans et à plus forte raison contre les chrétiens. On n’avait donc pas un moment de repos, personne n’était sûr de sa vie ou de son avoir. C’était, il faut en convenir, une situation insupportable, et il était bien naturel que les classes laborieuses désirassent d’en voir le terme. Auparavant il n’y avait pas moyen d’en sortir. Il y avait bien eu des velléités de révolte; on avait écouté avec plaisir ces vers d’un poète de Grenade, Somaisir:

Rois, qu’osez-vous faire? Vous livrez l’islamisme à ses ennemis, vous ne faites rien pour le sauver. Se révolter contre vous est un devoir, puisque vous faites cause commune avec les chrétiens. Se soustraire à votre sceptre n’est pas un crime, car vous-mêmes, vous vous êtes soustraits au sceptre du Prophète.

Mais comme une révolte n’aurait servi qu’à empirer la situation, il avait fallu attendre et s’armer de patience, comme le même poète l’avait dit dans ces vers:

Nous espérions en vous, ô rois, mais vous avez frustré notre espoir; nous attendions de vous notre délivrance, mais notre attente a été déçue. Eh bien! nous prendrons patience; mais le temps amène de grands changements. A bon entendeur demi-mot[207]!

Maintenant, au contraire, une insurrection était possible, puisqu’il y avait en Espagne un monarque juste, puissant, glorieux, qui avait déjà remporté sur les chrétiens une victoire éclatante, qui sans doute en remporterait d’autres encore, et qui semblait envoyé par la Providence pour rendre à l’Andalousie sa grandeur et sa prospérité. Le mieux était donc de se soumettre à sa domination, et si on le faisait, on se débarrasserait en même temps d’une foule d’impôts vexatoires, car Yousof avait aboli dans ses Etats tous ceux qui n’étaient pas prescrits par le Coran, et l’on se tenait convaincu qu’il en agirait de même en Espagne.

C’est ainsi que raisonnait le peuple, et sous beaucoup de rapports il raisonnait juste; il oubliait seulement qu’à la longue le gouvernement ne pourrait se passer des impôts qu’il aurait abolis; que l’Andalousie, en liant son sort à celui du Maroc, s’exposerait à ressentir le contre-coup des révolutions qui pourraient éclater dans ce royaume; que la domination almoravide serait une domination étrangère, la domination d’un peuple sur un autre; qu’enfin les soldats de Yousof appartenaient à une race que l’Espagne avait toujours détestée, et que, comme ils étaient assez indisciplinés, ils pourraient devenir des hôtes très-incommodes. Au reste, le désir d’un changement était bien plus vif dans tel Etat que dans tel autre. A Grenade c’était le vœu unanime de toute la population arabe et andalouse, qui n’avait pas cessé de maudire ses tyrans berbers. Dans les Etats de Motamid il y avait aussi beaucoup de mécontents[208]; mais il n’y en avait point à Almérie, car le prince qui y régnait était fort populaire; il était pieux, juste, clément; il traitait son peuple avec une bonté toute paternelle; il était, en un mot, le modèle accompli des plus touchantes vertus.

Presque partout, cependant, Yousof avait pour lui les docteurs, les faquis, les cadis, les ministres de la religion et de la loi. C’étaient ses auxiliaires les plus dévoués et les plus remuants, car c’étaient eux qui avaient le plus à perdre si les chrétiens triomphaient, et d’un autre côté ils n’avaient guère à se louer des princes qui, occupés d’études profanes ou plongés dans les plaisirs, écoutaient à peine leurs sermons, n’en faisaient nul cas, et protégeaient ouvertement les philosophes. Yousof au contraire, qui était un modèle de dévotion, qui ne manquait jamais de consulter le clergé sur les affaires d’Etat et qui suivait les conseils qu’il en recevait, avait toutes leurs sympathies, tout leur amour. Ils savaient, ils devinaient du moins, qu’il avait une grande tentation de détrôner les princes andalous à son profit, et dès lors ils ne songeaient qu’à stimuler ses désirs et à lui faire croire que la religion elle-même les sanctionnait.

L’un des plus actifs d’entre eux était le cadi de Grenade, Abou-Djafar Colaiî. Cet homme était d’origine arabe, ce qui revient à dire qu’il détestait les oppresseurs berbers de sa patrie. Il tâchait, il est vrai, de dissimuler ses sentiments, mais il n’y réussissait pas. Par un instinct secret, Bâdîs l’avait entrevu comme l’auteur probable de la chute de sa dynastie, et maintefois il avait eu l’intention de le mettre à mort; «mais Dieu, pour me servir de l’expression d’un historien arabe, avait enchaîné la main du tyran, afin que l’arrêt du destin s’accomplît.» Or, ce cadi se trouvait dans l’armée qui assiégeait Alédo, et il eut plusieurs entretiens secrets avec Yousof, qu’il connaissait déjà, car on se rappellera qu’il avait été l’un des ambassadeurs qui, quatre ans auparavant, avaient été chargés d’inviter l’Almoravide au secours des Andalous. Le but qu’il se proposait dans ces entrevues se laisse aisément deviner: Yousof avait des scrupules de conscience, et le cadi voulait les vaincre[209]. Il lui représenta donc que les faquis andalous pourraient le délier de son serment; qu’il lui serait facile d’obtenir d’eux un fetfa où l’on énumérerait toutes les fautes, tous les forfaits des princes, et que l’on tirerait de là la conclusion qu’ils avaient perdu leurs droits aux trônes qu’ils occupaient.

Les raisonnements de ce cadi, l’un des plus renommés par son savoir et sa piété, firent une grande impression sur l’esprit de Yousof, et d’un autre côté, les discours que lui tenait Motacim, le roi d’Almérie, lui inspiraient une profonde aversion pour celui qui, parmi les princes andalous, était le plus puissant.

Motacim, nous l’avons déjà dit, était un prince excellent; mais si bon et si bienveillant qu’il fût à l’ordinaire, il haïssait cependant quelqu’un, et ce quelqu’un, c’était Motamid. Cette haine semble avoir pris sa source dans une mesquine jalousie plutôt que dans des griefs réels et sérieux, mais elle était très-forte, et quoiqu’en apparence Motacim se fût réconcilié avec le roi de Séville, il s’appliquait à le perdre dans l’esprit du monarque africain, dont il avait gagné la faveur par des moyens qui frisaient la bassesse. Motamid, cependant, ne se doutait de rien; quand il se trouvait seul avec Motacim, il lui parlait à cœur ouvert, et un jour que le prince d’Almérie lui exprima ses craintes sur le séjour prolongé de Yousof en Andalousie: «Sans doute, lui répondit-il d’un ton de forfanterie toute méridionale, sans doute, cet homme reste bien longtemps dans notre pays; mais quand il m’ennuyera, je n’aurai qu’à remuer les doigts, et le lendemain lui et ses soldats seront partis. Vous semblez craindre qu’il ne nous joue quelque mauvais tour; mais qu’est-il donc, ce prince pitoyable, que sont ses soldats? Dans leur patrie, c’étaient des gueux qui mouraient de faim; voulant faire une bonne œuvre, nous les avons appelés en Espagne pour les faire manger leur soûl; mais quand ils seront rassasiés, nous les renverrons d’où ils sont venus.» De tels discours devinrent, dans les mains de Motacim, des armes terribles. Quand il les eut rapportés à Yousof, celui-ci entra dans une violente colère, et ce qui jusque-là n’avait été chez lui qu’un projet vague, devint une résolution bien arrêtée, irrévocable. Motacim triomphait; mais il n’avait pas prévu ce qui allait arriver; «il n’avait pas prévu, dit fort à propos un historien arabe, qu’il tomberait, lui aussi, dans le puits qu’il avait creusé pour celui qu’il haïssait, et qu’il serait frappé à son tour par l’épée qu’il avait fait sortir du fourreau[210]

Cette imprévoyance, du reste, était commune à tous les princes andalous. Ils s’accusaient réciproquement auprès de Yousof, ils prenaient l’Almoravide pour arbitre dans leurs querelles, et tandis que le prince d’Almérie cherchait à perdre celui de Séville, ce dernier tâchait de faire tomber le prince de Murcie, Ibn-Rachîc. Pour y parvenir, il ne cessait de répéter à Yousof qu’Ibn-Rachîc avait été l’allié d’Alphonse; qu’il avait rendu de grands services aux chrétiens d’Alédo, et que, selon toute apparence, il leur en rendait encore. Puis, faisant valoir ses droits à la possession de Murcie, il exigea que le traître qui lui avait enlevé cette ville fût remis entre ses mains. Yousof chargea les faquis d’examiner cette affaire, et quand ils eurent donné raison à Motamid, il fit arrêter Ibn-Rachîc et le livra au roi de Séville, en lui défendant toutefois de le mettre à mort. Cette arrestation eut des suites très-fâcheuses, car les Murciens irrités quittèrent le camp et refusèrent de fournir désormais à l’armée les ouvriers et les vivres dont elle avait besoin.

La situation des assiégeants était donc devenue fort pénible, et elle menaçait de le devenir encore davantage attendu qu’on était aux approches de l’hiver, lorsqu’on apprit qu’Alphonse arrivait au secours de la place avec une armée de dix-huit mille hommes. Yousof eut d’abord l’intention de l’attendre dans la Sierra de Tirieza (à l’ouest de Totana) et de lui livrer bataille; mais bientôt il renonça à ce projet et se retira sur Lorca. Il craignait, disait-il, que les Andalous ne prissent de nouveau la fuite, comme ils l’avaient fait à la bataille de Zallâca, et d’ailleurs il se tenait convaincu qu’Alédo n’était plus en état de défense, de sorte que les Castillans seraient forcés de l’évacuer. Cette opinion était juste, comme l’événement le prouva. Trouvant les fortifications presque toutes démolies et la garnison réduite à une centaine d’hommes, Alphonse incendia la forteresse, et en ramena les défenseurs en Castille[211].

Le but de la campagne avait donc été atteint, mais d’une manière à la vérité bien peu éclatante, car Yousof avait assiégé Alédo durant quatre mois sans réussir à s’en emparer, et sa retraite à l’approche d’Alphonse ressemblait assez à une fuite. Cependant les faquis prirent soin que sa popularité n’en souffrît pas. Ils disaient que, si cette fois l’Almoravide n’avait pas obtenu d’aussi beaux succès que quatre années auparavant, la faute en était aux princes andalous qui, par leurs intrigues, leurs jalousies, leurs éternelles discordes, empêchaient le grand monarque de faire tout le bien qu’il pourrait faire, si lui seul était le maître. En général les faquis étaient plus actifs que jamais, et ils devaient l’être, car, les princes s’étant aperçus de leurs menées, ils commençaient à courir de grands périls. Le cadi de Grenade, Abou-Djafar Colaiî, l’éprouva à ses dépens. Déjà dans le camp, son souverain, dont la tente était tout près de la sienne, avait eu vent de ses entretiens secrets avec Yousof, et il en avait deviné le but. Cependant, comme la présence de Yousof l’intimidait, il n’avait pas osé prendre contre le conspirateur des mesures rigoureuses; mais à peine de retour à Grenade, il le fit venir, lui reprocha de l’avoir trahi, d’avoir tramé sa perte, et dans sa colère il donna même l’ordre à ses gardes de le frapper à mort. Heureusement pour Abou-Djafar, la mère d’Abdallâh se jeta aux genoux de son fils en le conjurant d’épargner un homme aussi pieux, et comme Abdallâh se laissait ordinairement dominer par elle, il rétracta l’ordre qu’il avait donné et se contenta de mettre le cadi aux arrêts dans une chambre du château. Dans cette chambre le cadi, qui se savait entouré de personnes fort superstitieuses, se mit à réciter des prières et des versets du Coran. Sa voix claire, sonore et très-forte faisait résonner le palais d’un bout à l’autre. Tout le monde prêtait l’oreille à ses pieuses éjaculations; on se taisait pour ne pas le troubler, on craignait de faire du bruit, et en même temps on ne cessait de répéter au prince que Dieu lui infligerait un châtiment terrible, s’il ne se hâtait pas d’élargir ce modèle de piété et de dévotion. La mère d’Abdallâh se montra encore plus zélée que les autres, et moitié par prières, moitié par menaces, elle persuada enfin à son fils de rendre la liberté au prisonnier. Mais après avoir reçu une telle leçon, le cadi se garda bien de rester à Grenade. Il profita de l’obscurité de la nuit pour gagner Alcala, et de là il se rendit à Cordoue. Dorénavant il n’avait plus rien à craindre, mais il brûlait du désir de se venger. Il écrivit donc à Yousof, lui peignit des plus vives couleurs les mauvais traitements auxquels il avait été exposé, et le conjura de ne pas différer plus longtemps l’exécution du projet si souvent discuté entre eux[212]. En même temps il s’adressa aux autres cadis et faquis andalous pour leur demander un fetfa contre les princes en général, et contre les deux petits-fils de Bâdîs en particulier. Les cadis et les faquis n’hésitèrent pas à décréter que les princes de Grenade et de Malaga avaient perdu leurs droits par plusieurs forfaits, et notamment par la manière brutale dont l’aîné d’entre eux avait traité son cadi; mais n’osant pas encore déclarer que les autres princes avaient aussi perdu les leurs, ils se contentèrent de présenter à Yousof une supplique où ils disaient qu’il était de son devoir de sommer tous les princes andalous de rentrer dans la légalité et de n’exiger d’autres contributions que celles que le Coran avait établies[213].

En vertu de ces deux fetfas, Yousof enjoignit aux princes andalous d’abolir les impôts, corvées etc. dont ils vexaient leurs sujets[214], et marcha vers Grenade avec une division de son armée, après avoir ordonné à trois autres divisions d’en faire autant. Cependant il ne déclara pas la guerre à Abdallâh, de sorte que ce prince devinait ses intentions plutôt qu’il ne les connaissait. Son effroi fut extrême. Il ne ressemblait nullement à son aïeul, l’ignorant mais énergique Bâdîs. Il avait quelque teinture des lettres, s’exprimait assez bien en arabe, faisait même des vers, et avait une si belle main, qu’on a longtemps conservé à Grenade un Coran de son écriture; mais c’était en même temps un homme pusillanime, énervé, indolent, incapable, un de ces hommes pour lesquels les femmes n’ont point d’attrait, qui tremblent à la vue d’une épée, et qui, ne sachant jamais à quel parti s’arrêter, prennent avis de tout le monde. Cette fois, ayant rassemblé son conseil, il demanda d’abord l’opinion du vieux Moammil, qui avait rendu d’utiles services à son aïeul. Moammil tâcha de le rassurer en lui disant que Yousof n’avait pas d’intentions hostiles, et il lui conseilla de donner à ce monarque une preuve de sa confiance en allant à sa rencontre. Puis, voyant qu’Abdallâh ne goûtait pas ce conseil et qu’il songeait plutôt à se mettre en état de défense, il s’efforça de lui prouver qu’il lui serait impossible de résister aux Almoravides. En ce point il avait raison, car Abdallâh avait très-peu de troupes, et comme il se défiait de son meilleur général, le Berber Mocâtil el Royo (le rougeaud), il l’avait éloigné[215]. Aussi tous les vieux conseillers de la cour se rangèrent-ils à l’opinion de Moammil; mais Abdallâh avait des soupçons sur la loyauté de cet homme; peu s’en fallait qu’il ne le considérât comme le complice du perfide cadi Abou-Djafar, qu’il se reprochait d’avoir laissé échapper. Ses soupçons, du reste, n’étaient pas tout à fait sans fondement. Nous ignorons si Moammil s’était réellement engagé à soutenir les intérêts de Yousof; mais il est certain que ce monarque, dont il avait gagné la faveur et qui appréciait ses talents, comptait sur son appui. Abdallâh ne vit donc qu’un piége dans les conseils de Moammil, et comme ses jeunes favoris l’assuraient que Yousof avait bien certainement de mauvais desseins, il annonça qu’il était décidé à repousser la force par la force, après quoi il accabla Moammil et ses amis de reproches et de menaces. C’était une imprudence, car de cette manière il se les aliénait tout à fait et les forçait presque à se déclarer pour Yousof. C’est ce qu’ils firent en effet. Ayant quitté Grenade pendant la nuit, ils se rendirent vers Loxa, et, s’étant emparés de cette ville, ils y proclamèrent la souveraineté du roi des Almoravides. Des troupes qu’Abdallâh avait envoyées contre eux, les forcèrent à se rendre et les traînèrent à Grenade, où ils furent promenés par les rues comme de vils criminels. Grâce à l’intervention de Yousof, ils recouvrèrent cependant la liberté. Le monarque africain enjoignit péremptoirement au prince de Grenade de les élargir, et comme ce dernier ne savait pas encore positivement quelles intentions Yousof avait à son égard, il n’osa lui désobéir. Mais tandis qu’il tâchait encore de prévenir une rupture ouverte, il se préparait activement à la guerre. Il dépêcha courrier sur courrier à Alphonse, pour le prier de venir à son secours, et, répandant l’or à pleines mains, il enrôla un grand nombre de marchands, de tisserands, d’ouvriers de toute sorte. Tout cela ne lui servit de rien. Alphonse ne répondit pas à son appel, et les Grenadins étaient mal disposés pour lui: ils attendaient avec impatience l’arrivée des Almoravides, et chaque jour une foule considérable quittait la ville pour aller se joindre à eux. Dans cet état de choses, la résistance était impossible. Abdallâh le sentit, et le dimanche 10 novembre 1090, Yousof étant arrivé à deux parasanges de Grenade, il réunit de nouveau son conseil pour lui demander ce qu’il y avait à faire. Le conseil ayant déclaré qu’il ne fallait pas songer à se défendre, la mère d’Abdallâh, qui assistait aux délibérations, et qui, à ce qu’on assure, avait conçu le fol espoir que Yousof l’épouserait, prit la parole et dit: «Mon fils, il ne te reste qu’un parti à prendre. Va saluer l’Almoravide; il est ton cousin[216], il te traitera honorablement.» Abdallâh se mit donc en route, accompagné de sa mère et d’un magnifique cortége. La garde slave ouvrait la marche, et la garde chrétienne entourait la personne du prince. Tous ces soldats portaient des turbans de toile de coton très-fine, et ils étaient montés sur des chevaux superbes et couverts de housses de brocart.

Arrivé en présence de Yousof, Abdallâh descendit de cheval et lui dit que, s’il avait eu le malheur de lui déplaire, il le suppliait de lui pardonner. Yousof l’assura fort gracieusement que, s’il avait eu des griefs contre lui, il les avait oubliés, et le pria de se rendre à une tente qu’il lui indiqua et où il serait traité avec tous les honneurs dus à son rang. Abdallâh le fit; mais aussitôt qu’il eut mis le pied dans la tente, il fut chargé de chaînes.

Peu de temps après, les principaux habitants de la ville arrivèrent au camp. Yousof leur fit un excellent accueil, en les assurant qu’ils n’avaient rien à craindre de lui et qu’ils ne pouvaient que gagner au changement de dynastie qui allait avoir lieu. Et de fait, dès qu’il eut reçu leurs serments, il publia un édit qui portait que tous les impôts non prescrits par le Coran étaient abolis. Il fit ensuite son entrée dans la ville aux bruyantes acclamations du peuple; et descendit au palais afin de faire l’inspection des richesses qu’il renfermait et que Bâdîs avait amassées. Elles étaient immenses, prodigieuses, innombrables; les chambres étaient ornées de nattes, de tapis, de rideaux d’une énorme valeur; partout des émeraudes, des rubis, des diamants, des perles, des vases de cristal, d’argent ou d’or éblouissaient la vue. Il y avait notamment un chapelet composé de quatre cents perles dont chacune fut évaluée à cent ducats. L’Almoravide fut émerveillé de tous ces trésors; avant d’entrer dans Grenade, il avait déclaré qu’ils lui appartenaient, mais comme il avait plus d’ambition que de cupidité, il voulut se montrer généreux et les partagea entre ses officiers sans en garder rien pour lui-même. Cependant on savait que ce qui était exposé aux regards n’était pas tout encore, et que la mère d’Abdallâh avait enfoui bien des objets précieux. On la força d’indiquer les endroits qui lui avaient servi de cachettes; mais comme on soupçonnait qu’elle n’avait pas été sincère dans ses aveux, Yousof enjoignit à Moammil, qu’il nomma intendant du palais et des domaines de la couronne, de faire fouiller les fondements et les égouts de l’édifice[217].

Après ce qui venait de se passer, les princes andalous auraient été bien excusables, s’ils avaient rompu tout de suite avec Yousof. Cependant ils ne le firent pas; au contraire, Motamid et Motawakkil se rendirent à Grenade pour féliciter l’Almoravide, et Motacim y envoya à sa place son fils Obaidallâh. Chose étrange! l’aveuglement de Motamid était tel qu’il se flattait de l’espoir que Yousof voudrait céder Grenade à son fils Râdhî en dédommagement d’Algéziras qu’il lui avait enlevé! Il connaissait donc bien peu l’Africain, puisqu’il le supposait capable de céder un royaume! Au reste, Yousof le tira bientôt de son erreur. Il fut pour les émirs d’une froideur glaciale, ne répondit rien à l’insinuation de Motamid à propos de Grenade, et fit jeter le fils de Motacim en prison. Une telle conduite devait dessiller les yeux aux princes. Aussi Motamid conçut-il des inquiétudes très-vives. «Nous avons commis une faute bien grave en appelant cet homme dans notre pays, dit-il à Motawakkil; il nous donnera à boire le calice qu’Abdallâh a été obligé d’avaler.» Puis, prétextant d’avoir reçu l’avis que les Castillans menaçaient de nouveau les frontières, les deux princes demandèrent à Yousof la permission de le quitter, et l’ayant obtenue, ils se hâtèrent de retourner dans leurs Etats; après quoi ils proposèrent aux autres émirs qui régnaient en Espagne de prendre ensemble les mesures nécessaires afin de pouvoir se défendre contre l’Almoravide dont les projets n’étaient plus un secret pour personne. Cette démarche fut couronnée de succès. Les émirs s’engagèrent l’un envers l’autre à ne fournir aux Almoravides ni troupes ni approvisionnements, et ils résolurent de conclure une alliance avec Alphonse[218].

De son côté, Yousof se rendit à Algéziras, car il avait l’intention de se rembarquer et de laisser à ses généraux la tâche odieuse de détrôner les princes andalous. Chemin faisant, il ôta la petite principauté de Malaga à Temîm, le frère d’Abdallâh, prince tout à fait insignifiant, et fit avertir les faquis que, le moment décisif étant venu, il attendait d’eux un fetfa très-explicite. Ils s’empressèrent de répondre à son désir. Ils déclarèrent donc que les princes andalous étaient des libertins, des débauchés, des impies; que, par leur mauvais exemple, ils avaient corrompu les peuples et les avaient rendus indifférents aux choses sacrées, témoin le peu d’empressement que l’on mettait à assister au service divin; qu’ils avaient levé des contributions illégales, et que, bien que sommés par Yousof de les abolir, ils les avaient maintenues; que, pour mettre le comble à leurs forfaits, ils venaient de conclure une alliance avec le roi de Castille, c’est-à-dire avec l’ennemi le plus implacable de la vraie religion; que, par conséquent, ils s’étaient rendus indignes de régner plus longtemps sur des musulmans; que Yousof était délié de tous les engagements qu’il pourrait avoir pris envers eux, et qu’il était non-seulement de son droit, mais de son devoir de les détrôner sans retard. «Nous prenons sur nous, disaient-ils en terminant, de répondre devant Dieu de cet acte. Si nous sommes dans l’erreur, nous consentons à porter dans la vie future la peine de notre conduite, et nous déclarons que vous, émir des musulmans, n’en êtes pas responsable; mais nous croyons fermement que les princes andalous, si vous les laissez en paix, livreront notre pays aux infidèles, et ce cas échéant, vous aurez à rendre compte à Dieu de votre inaction.»

Tel était le sens général de ce mémorable fetfa, qui contenait en outre des accusations dirigées contre certains princes en particulier. Il n’y avait pas jusqu’à Romaiquia qui n’y eût sa place; on l’accusait d’avoir entraîné son époux dans un tourbillon de plaisirs, et d’être la cause principale de la décadence du culte.

Ce fetfa était précieux pour Yousof, mais voulant lui donner une autorité encore plus grande, il le fit approuver par ses faquis africains, et l’envoya ensuite aux plus célèbres docteurs de l’Egypte et de l’Asie, afin qu’ils confirmassent l’opinion des docteurs de l’Ouest par la leur. Il eût été naturel qu’ils se déclarassent incompétents, puisqu’il s’agissait d’affaires qu’ils ne connaissaient pas; mais ils se gardèrent bien d’en agir ainsi; l’idée qu’il y avait quelque part un pays où des hommes de leur profession disposaient des trônes flattait agréablement leur orgueil, et les plus renommés d’entre eux, le grand Ghazzâlî en tête, n’hésitèrent pas à déclarer qu’ils approuvaient en tout point le décret des faquis andalous. Ils adressèrent en outre à Yousof des lettres de conseils et l’engagèrent de la manière la plus pressante à gouverner avec justice et à ne jamais s’écarter de la bonne voie, ce qui voulait dire qu’il devait constamment s’en tenir à l’opinion du clergé[219].

XIV.

On pouvait prévoir quel serait le caractère de la guerre qui allait commencer: ce serait une guerre de siéges et non de batailles. Aussi les deux partis se préparèrent-ils, l’un à attaquer les places fortes, l’autre à les défendre; et l’armée almoravide, dont Sîr ibn-abî-Becr, un parent de Yousof, était le général en chef, se divisa en plusieurs corps, dont un alla assiéger Almérie, tandis que les autres se portèrent vers les forteresses de Motamid. Parmi ces dernières, Tarifa succomba dès le mois de décembre 1090[220]. Peu de temps après, tant leurs progrès furent rapides, les soldats de Yousof avaient déjà commencé le siége de Cordoue, où commandait un fils de Motamid, à savoir Fath, surnommé Mamoun. L’ancienne capitale du califat n’opposa pas une longue résistance: ses propres habitants la livrèrent aux Almoravides. Fath essaya encore de se frayer une route avec son épée au travers des ennemis et des traîtres, mais il succomba sous le nombre. On lui trancha la tête, que l’on mit au bout d’une pique et que l’on promena en triomphe (26 mars 1091)[221]. Carmona fut prise le 10 mai[222], et alors on put commencer le siége de Séville. Deux armées marchèrent contre cette cité; l’une s’établit à l’est, l’autre à l’ouest. Le Guadalquivir séparait cette dernière de la ville, qui, de ce côté-là, était défendue par la flotte.

La position de Motamid était donc devenue fort critique. Cependant un seul espoir lui restait: il comptait sur le secours d’Alphonse, auquel il avait fait les promesses les plus brillantes pour le cas où il voudrait l’aider. Alphonse s’était engagé à le faire, et il tint sa parole: il envoya Alvar Fañez vers l’Andalousie avec une grande armée. Malheureusement pour Motamid, Alvar Fañez fut battu près d’Almodovar par des troupes que Sîr avait envoyées à sa rencontre[223]. La nouvelle de ce désastre fut un coup de foudre pour le roi de Séville. Toutefois il ne désespérait pas encore; ce qui le soutenait, ce qui lui donnait des forces, c’étaient les prédictions, les rêves de son astrologue. Tant que les pronostics étaient favorables, il croyait qu’il serait sauvé par je ne sais quel miracle; mais quand ils devinrent mauvais, quand ils parlèrent d’une fin qui approchait, d’un lion qui saisit sa proie, il tomba dans un morne abattement et abandonna à son fils Rachîd le soin de la défense.

Cependant les mécontents qui voulaient livrer la ville à l’ennemi, s’agitaient, conspiraient et s’efforçaient de faire éclater une sédition. Motamid les connaissait, et s’il l’avait voulu, il aurait pu les mettre à mort, comme on le lui conseillait; mais répugnant à l’idée de terminer son règne par un acte aussi rigoureux, il se contenta de les faire observer. Il paraît cependant que la surveillance qu’on exerçait sur eux n’était pas assez active, car ils trouvèrent le moyen de communiquer avec les assiégeants, les aidèrent à faire une brèche, et le mardi 2 septembre, quelques Almoravides pénétrèrent par cette brèche dans la ville. A peine averti de ce qui se passait, Motamid saisit un sabre; puis, sans se donner le temps de prendre un bouclier ou une cuirasse, il se jette à cheval et se précipite sur les agresseurs, entouré de quelques soldats dévoués. Un cavalier almoravide lui lance un javelot. L’arme passe sous son bras et effleure sa tunique. Prenant alors son sabre à deux mains, il fend le cavalier en deux morceaux, repousse les autres ennemis et les force à chercher leur salut dans une fuite précipitée. La brèche fut réparée sur-le-champ; mais le péril, écarté pour un instant, ne tarda pas à renaître. Dans l’après-midi les Almoravides réussirent à brûler la flotte, ce qui causa une grande consternation parmi les assiégés, car ils savaient qu’après la destruction des vaisseaux la ville n’était plus tenable, et ils n’ignoraient pas non plus que, pour aller à l’assaut, les ennemis n’attendaient que l’arrivée de Sîr, qui devait leur amener des renforts. Aussi l’effroi fut tel que les habitants ne songèrent qu’à sauver leur vie. Quelques-uns se jetèrent dans le fleuve en tâchant de le traverser à la nage, d’autres se précipitèrent du haut des murailles; il y en eut même qui se glissèrent par les cloaques. Sîr arriva sur ces entrefaites, et le dimanche 7 septembre, il fit livrer l’assaut. Les soldats postés sur les remparts se défendirent bravement, mais ils furent accablés par le nombre, et alors les Almoravides pénétrèrent dans la ville, la pillèrent et y commirent toutes sortes d’excès. Leur rapacité fut telle qu’ils enlevèrent aux Sévillans jusqu’à leur dernier vêtement.

Motamid était encore dans le château. Ses femmes pleuraient, ses amis le conjuraient de se rendre. Il ne le voulut point, car il entrevoyait avec horreur, non pas la mort qu’il était trop habitué à braver pour la craindre, mais un supplice infâme, et ce qu’il pensait à cette occasion, il l’a exprimé dans ces vers:

Quand mes pleurs cessèrent enfin de couler et qu’un peu de calme rentra dans mon cœur déchiré: «Rendez-vous, me dit-on, ce sera le parti le plus sage.» Ah! répondis-je, un poison me semblerait plus doux à avaler qu’une telle honte! Que les barbares m’enlèvent mon royaume et que mes soldats m’abandonnent: mon courage, ma fierté ne m’abandonnent pas. Le jour où je fondis sur les ennemis, je ne voulais pas d’une cuirasse; j’allai à leur rencontre sans autre vêtement qu’une tunique, et, espérant trouver la mort, je me jetai au plus fort de la mêlée; mais mon heure, hélas! n’était pas venue!

Résolu à chercher une fois encore la mort qui semblait le fuir, il réunit ses soldats; puis il se jeta en désespéré sur un bataillon almoravide qui avait pénétré dans la cour du château, le chassa et le culbuta dans la rivière. Son fils Mâlic perdit la vie à cette occasion; mais lui ne reçut pas même de blessure. Rentré dans le château, il eut un instant l’idée de se donner la mort; mais croyant que ce serait offenser Dieu, il renonça à ce projet et se décida enfin à se rendre. La nuit venue, il envoya donc son fils Rachîd auprès de Sîr, car il espérait encore obtenir des conditions. Cet espoir fut déçu. Rachîd demanda en vain une audience, et on lui donna à entendre que son père devait se rendre à discrétion. N’ayant plus le choix des partis, Motamid se résigna à prendre le seul qui lui restât. Il dit donc adieu à sa famille, à ses compagnons d’armes qui pleuraient et gémissaient, et se remit avec Rachîd entre les mains des Almoravides. Le château fut pillé comme la ville l’avait été, et l’on annonça à Motamid que lui et sa famille n’auraient la vie sauve, qu’à la condition qu’il enverrait à ses deux fils, Râdhî et Motadd, qui commandaient l’un à Ronda, l’autre à Mertola, l’ordre de se rendre sans retard aux corps almoravides qui les assiégeaient. Motamid consentit à le faire; mais comme il savait que ses deux fils avaient l’âme aussi fière que lui, il les conjura dans les termes les plus touchants d’obéir à ses volontés, la vie de leur mère, de leurs frères, de leurs sœurs ne pouvant être sauvée qu’à ce prix. Romaiquia joignit ses instances aux siennes; elle aussi craignait que ses fils ne refusassent de se soumettre, et cette crainte était fondée. Râdhî surtout, si touché qu’il fût du sort qui attendait sa famille au cas où il continuerait à se défendre, eut bien de la peine à se résoudre à obéir, car Ronda pouvait tenir très-longtemps encore. Le général Guerour, qui avait été chargé de l’assiéger, se tenait à distance; il n’osait approcher de ce nid d’aigle perché sur le sommet d’une montagne escarpée, et il n’avait aucun espoir de s’en emparer par la force des armes. A la fin, toutefois, le sentiment filial l’emporta dans le cœur de Râdhî; il consentit à traiter, et, ayant obtenu une capitulation honorable, il ouvrit aux Almoravides les portes de sa forteresse. Mais Guerour eut l’infamie de manquer à sa parole, et pour punir Râdhî d’avoir hésité si longtemps, il le fit assassiner. Motadd, qui s’était décidé plus vite, eut un sort moins dur; cependant la capitulation qu’il avait conclue fut violée aussi, car on lui enleva tous ses biens, quoiqu’on se fût engagé à les lui laisser[224].

La prise de Séville hâta la reddition d’Almérie. Sur son lit de mort, Motacim avait conseillé à son fils aîné, Izz-ad-daula, d’aller chercher un refuge à la cour des seigneurs de Bougie, aussitôt qu’il aurait appris que Séville avait dû se rendre. Cet événement ayant eu lieu, Izz-ad-daula obéit aux dernières volontés de son père, et alors les Almoravides entrèrent dans Almérie, tambour battant et enseignes déployées[225]. Peu de temps après, ils prirent Murcie, Dénia, Xativa[226]. Puis ils tournèrent leurs armes contre le royaume de Badajoz. Lors du siége de Séville, Motawakkil avait cru échapper à sa ruine en concluant une alliance avec les Almoravides, et il les avait même aidés, dit-on, à s’emparer de la capitale de Motamid[227]; mais plus tard, quand ses soi-disant alliés eurent commencé à ravager ses frontières, il s’était jeté dans les bras d’Alphonse et avait acheté la protection de ce monarque en lui cédant Lisbonne, Cintra et Santarem[228]. Cette démarche avait mécontenté ses sujets, et ce furent eux qui appelèrent les Almoravides. Par conséquent, Sîr, qui avait été nommé gouverneur de Séville, envoya une armée contre Motawakkil au commencement de l’année 1094, et cette armée conquit le pays, sans en excepter la capitale, avec tant de facilité et de rapidité, qu’Alphonse n’eut pas le temps de venir au secours de son allié. Motawakkil tomba au pouvoir des ennemis, la citadelle de Badajoz, où il s’était retiré avec sa famille, ayant été prise d’assaut. A force de tortures, Sîr le contraignit à révéler les endroits où il avait caché ses trésors, après quoi il lui annonça qu’il le ferait conduire à Séville de même que ses deux fils, Fadhl et Abbâs. Telle, cependant, n’était pas son intention; au contraire, il avait résolu d’en finir avec ces princes; seulement, comme il craignait que leur exécution, si elle avait lieu dans la ville, n’y produisît un mauvais effet, il avait ordonné au capitaine qui commandait l’escorte, de les mettre à mort dès qu’on serait hors de vue. A quelque distance de Badajoz, le capitaine annonça donc à Motawakkil que lui et ses fils devaient se préparer à mourir. Le prince infortuné ne tâcha pas de fléchir ses bourreaux, il savait que ce serait inutile; il les pria seulement de commencer par ses fils, car, selon les idées musulmanes, on peut racheter par les souffrances les péchés qu’on a commis. Sa demande lui fut accordée, et quand il eut vu tomber les têtes de ses deux enfants, il s’agenouilla pour faire une dernière prière. Les soldats ne lui laissèrent pas le temps de l’achever: ils le tuèrent à coups de lance[229].

En 1102, les Almoravides prirent possession de Valence, ville dont le Cid s’était emparé huit ans auparavant. Tant qu’il vécut, les Almoravides tâchèrent en vain de la lui enlever, et après sa mort (1099), sa veuve Chimène s’y maintint encore pendant plus de deux années; mais Alphonse, qu’elle avait appelé à son secours et qui croyait Valence trop éloignée de ses Etats pour qu’il pût la disputer longtemps aux Sarrasins, l’engagea à l’abandonner. C’est ce qui eut lieu; mais ne voulant laisser aux Almoravides que des décombres, les Castillans incendièrent la ville au moment de leur départ.

Il ne restait donc dans l’Espagne musulmane que deux Etats qui n’eussent pas encore été incorporés à l’empire des Almoravides: c’étaient Saragosse, où régnait Mostaîn, de la famille des Beni-Houd, et la Sahla, qui appartenait aux Beni-Razîn. Ces derniers avaient reconnu la souveraineté de Yousof; néanmoins ils furent déposés[230]. Plus heureux, Mostaîn, qui avait su gagner la faveur des Almoravides par les riches présents qu’il leur envoyait, conserva son trône tant qu’il vécut; mais à sa mort, arrivée le 24 janvier 1110, les choses changèrent de face. Son fils Imâd-ad-daula lui succéda; mais les habitants de Saragosse ne voulurent le reconnaître qu’à condition qu’il s’engagerait à licencier les soldats chrétiens qui servaient dans l’armée. C’était une condition bien dure à remplir, car depuis un siècle les chrétiens étaient les meilleures troupes de l’armée de Saragosse; ils étaient les plus sûrs appuis du trône, et si Imâd-ad-daula les congédiait, il était évident qu’il ne tarderait pas à succomber, attendu que ses sujets ne demandaient pas mieux que de se donner aux Almoravides. Malgré qu’il en eût, le prince consentit cependant à faire la promesse qu’on exigeait de lui; mais quand il l’eut remplie, ses sujets se hâtèrent de se mettre en rapport avec Alî, le fils de Yousof, qui régnait alors, son père étant mort trois ans auparavant, et de lui dire que, les chrétiens ayant été écartés, il lui serait facile de s’emparer du royaume. Informé de leurs menées, Imâd-ad-daula enrôla de nouveau des chrétiens. Cette mesure mit le comble au mécontentement de ses sujets. Ils informèrent Alî de ce qui s’était passé, et le supplièrent de les secourir. Alî demanda aux faquis de Maroc s’il avait le droit de céder à leur prière, et en ayant reçu une réponse affirmative, il fit parvenir au gouverneur de Valence l’ordre d’aller prendre possession de Saragosse. Cet ordre s’exécuta sans obstacle, car Imâd-ad-daula, qui ne se croyait plus en sûreté dans sa capitale, l’avait évacuée pour se jeter dans la forteresse de Rueda. Avant son départ, il avait encore écrit à Alî une lettre fort touchante, où il le conjurait, par l’amitié qui avait existé entre leurs pères, de lui laisser ses Etats, puisqu’il n’avait fait rien qui put motiver de la part d’Alî une démarche hostile. Cette lettre fit de l’impression sur Alî, d’autant plus que son père lui avait recommandé, sur son lit de mort, de vivre en paix avec les Beni-Houd; aussi envoya-t-il un contre-ordre au gouverneur de Valence; mais ce contre-ordre arriva trop lard; les Almoravides étaient déjà entrés dans Saragosse[231].

Toute l’Espagne musulmane était donc réunie sous le sceptre du roi de Maroc; ce que le peuple et les faquis avaient désiré s’était accompli, et les faquis du moins n’eurent pas à se repentir d’avoir coopéré de la manière la plus active au succès de la révolution. Il faudrait remonter jusqu’au temps des Visigoths pour trouver un second exemple d’un clergé aussi puissant que le clergé musulman l’était sous le règne des Almoravides. Les trois princes de cette maison qui régnèrent successivement sur l’Andalousie, Yousof, Alî (1106-1143) et Téchoufîn (1143-1145), étaient tous extrêmement dévots; ils entouraient tous les faquis de respects et d’hommages, ils ne faisaient rien sans avoir obtenu leur approbation. Cependant, c’est à Alî qu’il faut décerner la palme. Le hasard s’était trompé en faisant naître cet homme sur les marches d’un trône; la nature l’avait destiné pour une vie de repos et de pieuse méditation, pour le cloître, pour un ermitage dans le Désert. Sa vie durant, il ne fit que prier et jeûner. Naturellement les faquis n’eurent qu’à s’en applaudir: ils maniaient le monarque comme ils voulaient, gouvernaient l’Etat, disposaient de tous les postes et de toutes les faveurs, amassaient d’immenses richesses[232]; en un mot, ils recueillaient les fruits qu’ils s’étaient promis de la domination almoravide, et peut-être la moisson dépassait leurs espérances. Mais si l’événement avait justifié leur attente, il avait aussi justifié les craintes de ceux qui n’avaient voulu ni de la domination du clergé ni de celle des barbares soldats du Sahara et du Maroc. Les hommes de lettres, les poètes, les philosophes avaient de grands sujets de plainte. Il est vrai que plusieurs littérateurs qui avaient servi dans les chancelleries des princes andalous obtinrent des emplois dans celle du nouveau maître; mais ils se trouvaient déplacés et mal à l’aise au milieu de prêtres fanatiques et de rudes officiers; l’entourage des princes andalous avait été tout autre. Même chez ceux qui, pour gagner le pain du jour, flattaient les seigneurs almoravides et leur dédiaient des livres, on remarque une certaine tristesse mêlée à une grande admiration pour les princes lettrés qui avaient régné autrefois sur l’Andalousie. Il y en eut aussi qui éprouvaient parfois le besoin impérieux de décharger leur bile, comme ce secrétaire qui, lorsqu’il eut reçu l’ordre d’adresser, au nom du monarque, quelques reproches à l’armée de Valence, laquelle s’était laissé battre par le roi d’Aragon, céda à son antipathie jusqu’à placer dans sa lettre des phrases telles que celles-ci: «Lâches, infâmes, vous prenez donc tous la fuite à la vue d’un seul cavalier? Au lieu de chevaux à monter, nous devrions vous donner des brebis à traire. Il est temps que nous vous punissions sévèrement, que nous purgions de vous la Péninsule et que nous vous renvoyions dans le Sahara.» Un tel langage, il est à peine besoin de le dire, ne plut nullement au monarque, et le secrétaire fut destitué[233]. Quant aux poètes, ne trouvant plus de patrons, ils déploraient la décadence du goût et maudissaient la barbarie qui avait envahi leur pays[234]. Quelques-uns d’entre eux subsistaient péniblement en composant des odes en l’honneur des faquis, car, si dévots qu’ils fussent, ceux-ci n’étaient pas exempts de vanité, et leur chef Ibn-Hamdîn, le cadi de Cordoue, en avait même beaucoup. Il prétendait appartenir à la noblesse arabe, il tranchait du prince, et entre autres vers il se fit adresser ceux-ci: «Ne parle pas de la splendeur de Bagdad, ni de la beauté de la Chine ou de la Perse:—sur toute la terre il n’y a point de ville qui puisse se comparer à Cordoue, point d’homme qui puisse se mesurer avec Ibn-Hamdîn[235].» Mais les faquis, sans en excepter Ibn-Hamdîn, qui était cependant l’homme le plus riche de Cordoue[236], payaient fort mal[237], et d’ailleurs les poètes qui avaient le respect d’eux-mêmes et de leur art n’aimaient pas à les chanter. La pauvreté fut donc leur sort. Ibn-Bakî, un charmant poète, l’un des meilleurs que l’Andalousie ait eus, errait comme un vagabond de ville en ville et manquait de pain[238]. «Auprès de vous, mes compatriotes, disait-il dans un de ses poèmes, je suis dans la pauvreté et la misère, et si je méritais le nom d’homme libre et fier, je serais déjà parti. Votre jardin ne produit pas de fruits, votre ciel ne donne pas une goutte de pluie. J’ai du mérite cependant, et si l’Andalousie ne veut pas de moi, l’Irâc me recevra à bras ouverts. Ici ce serait une folie que de vouloir subsister par ses talents, car ici on ne trouve que de stupides et avares parvenus[239].» Une seule consolation restait aux poètes: ils pouvaient persifler les puissants du jour, écrire des satires pleines de fiel contre les faquis, «ces hypocrites, ces loups qui rampent dans les ténèbres et qui dévorent pieusement tous les biens d’ici-bas[240] mais il était dangereux d’exhaler sa colère de cette façon, car les faquis savaient punir les audacieux qui se moquaient d’eux. La philosophie, il est à peine besoin de le dire, était une science prohibée. Mâlic ibn-Wohaib, de Séville, eut l’imprudence de s’en occuper; mais voyant qu’il risquait sa vie, il y renonça pour se livrer entièrement à l’étude de la théologie et du droit canon. Il n’eut pas à s’en repentir, car il devint l’ami et le confident du monarque; cependant on ne lui pardonna jamais tout à fait la faute qu’il avait commise dans sa jeunesse, et un de ses ennemis composa contre lui ces vers: «La cour d’Alî, le petit-fils de Téchoufîn, serait pure de toute souillure, si le démon n’avait trouvé le moyen d’y faire admettre Mâlic ibn-Wohaib[241].» L’intolérance des faquis dépassait toutes les bornes, et leurs vues étaient fort étroites. Peu versés dans l’étude du Coran et des traditions relatives au Prophète, ils ne connaissaient que les écrits des disciples de Mâlic, qu’ils regardaient comme des autorités infaillibles et dont il n’était pas permis de s’écarter. Leur théologie, à vrai dire, n’était autre chose qu’une connaissance minutieuse du droit canon. En vain des théologiens un peu plus éclairés s’élevaient contre leur goût exclusif pour des questions et des livres, en réalité secondaires: on leur répondait par la persécution, on les traitait d’hétérodoxes, de schismatiques, d’impies. Le livre que le célèbre Ghazzâlî avait publié en Orient sous le titre de Vivification des sciences religieuses, causa en Andalousie un grand scandale. Ce n’était pas, cependant, un livre hétérodoxe. Ghazzâlî, qu’aucun système philosophique n’avait satisfait, avait d’abord conclu au scepticisme; puis, le scepticisme n’ayant pu le retenir, il s’était précipité dans l’ascèse, et dès lors il était devenu l’ennemi juré de la philosophie[242]. Aussi affirme-t-il, dans sa Vivification des sciences religieuses, que la métaphysique ne doit servir qu’à défendre la religion révélée contre les novateurs et les hérétiques; dans un temps de foi vraie et vive, déclare-t-il, elle serait superflue; et quant à l’étude de la nature, il veut que l’on s’en abstienne absolument, si l’on s’aperçoit qu’elle pourrait ébranler la foi[243]. Mais il prêchait une religion intime, fervente, passionnée, une religion du cœur, et il blâmait énergiquement les théologiens de son temps, qui, s’arrêtant à l’écorce, ne s’occupaient que de questions de droit, utiles seulement pour terminer les insignifiantes querelles de la vile populace[244]. C’était attaquer les faquis andalous dans leur faible; aussi se récrièrent-ils d’indignation. Le cadi de Cordoue, Ibn-Hamdîn, déclara que tous ceux qui avaient lu le livre de Ghazzâlî étaient des mécréants, des damnés, et il dressa un fetfa où il disait que tous les exemplaires devaient en être livrés au feu. Ce fetfa, signé par les faquis de Cordoue, fut présenté au roi Alî, qui l’approuva. Par conséquent, le livre de Ghazzâlî fut brûlé à Cordoue et dans toutes les autres villes de l’empire, et l’on défendit à tout le monde, sous peine de mort et de confiscation des biens, d’en avoir un exemplaire[245].

On comprend que sous un tel régime le sort de ceux qui étaient en dehors de la religion musulmane était intolérable. Voici, par exemple, ce qui arriva aux juifs. Un faqui de Cordoue crut avoir trouvé un excellent moyen pour les forcer à embrasser l’islamisme. Il prétendit avoir rencontré parmi les papiers d’Ibn-Masarra une tradition qui disait que les juifs s’étaient engagés envers Mahomet à se faire musulmans à la fin du cinquième siècle de l’Hégire, si le Messie qu’ils attendaient n’avait pas paru dans cet intervalle. Evidemment ce faqui n’était pas très-fort sur l’histoire littéraire; s’il l’eût été, il se serait bien gardé de dire qu’il avait trouvé cette tradition dans les papiers d’Ibn-Masarra, car on sait que l’orthodoxie de ce savant était plus que suspecte[246]. Mais on n’y regarda pas de si près, et le roi Yousof, qui se trouvait alors en Espagne, se rendit à Lucéna (la ville exclusivement juive, car aucun musulman ne pouvait y habiter) afin de sommer les juifs d’exécuter la promesse faite par leurs ancêtres. Grande consternation parmi les juifs de Lucéna; heureusement pour eux, il leur restait un moyen pour se tirer d’affaire. Au fond, ce n’était pas à leur conscience, à leur foi, qu’on en voulait, mais à leur or; ils passaient pour les juifs les plus riches du monde musulman, et le gouvernement comptait sur eux pour combler le déficit créé dans le trésor par l’abolition des contributions illégales. C’est ce qu’ils n’ignoraient pas; en conséquence, ils s’adressèrent au cadi de Cordoue Ibn-Hamdîn, en le suppliant de vouloir bien intercéder pour eux auprès du souverain. Le cadi ne se montra pas inaccessible à leurs prières; il promit de parler en leur faveur, et il le fit. Nous n’oserions affirmer qu’il leur ait rendu ce service pour rien; mais en tout cas, il persuada au roi de se contenter d’une somme d’argent. Cette somme, il est vrai, était énorme; mais dans les circonstances données, les juifs durent s’estimer heureux d’en être quittes pour un sacrifice pécuniaire[247].

Les chrétiens, les Mozarabes comme on les appelait, eurent à souffrir bien davantage; la haine que les faquis et la populace nourrissaient contre eux était plus forte et plus envenimée. Dans beaucoup d’endroits ils ne formaient plus qu’une petite communauté; mais ils étaient encore nombreux dans la province de Grenade, et tout près de la capitale de cette province ils possédaient une belle église qui avait été bâtie, vers l’an 600, par un seigneur goth nommé Gudila. Cette église offusquait les faquis. Se fondant probablement sur l’autorité du calife Omar II qui avait voulu qu’on ne laissât debout nulle part ni églises ni chapelles, qu’elles fussent nouvelles ou anciennes[248], ils donnèrent un fetfa qui ordonnait de la détruire; et ce fetfa ayant reçu l’approbation de Yousof, l’édifice sacré fut démoli de fond en comble (1099). Selon toute apparence, d’autres églises eurent le même sort; il est certain du moins que les faquis abreuvèrent les Mozarabes de tant de vexations, que ceux-ci supplièrent enfin le roi d’Aragon, Alphonse le Batailleur, de venir les délivrer du joug intolérable qui pesait sur eux. Alphonse céda à leurs prières. En septembre 1125, il se mit en marche avec quatre mille chevaliers, lesquels étaient suivis de leurs gens d’armes et qui tous avaient juré sur l’Evangile de ne pas s’abandonner l’un l’autre. Son expédition, toutefois, n’eut pas le résultat qu’il s’en était promis. Il est vrai qu’il ravagea l’Andalousie pendant plus d’une année, qu’il poussa jusqu’aux portes de Cordoue et qu’il remporta une grande victoire à Arnisol près de Lucéna; mais il était venu pour prendre Grenade, et il n’y réussit pas. L’armée aragonaise partie, les musulmans punirent les Mozarabes de la manière la plus cruelle. Dix mille d’entre eux s’étaient déjà soustraits à leur fureur; connaissant le sort qui les attendait, ils avaient obtenu d’Alphonse la permission de s’établir dans ses Etats; mais il en restait encore beaucoup, et ceux-ci furent privés de leurs biens, maltraités de toutes les manières, jetés en prison ou mis à mort. La plupart, cependant, furent transportés en Afrique en butte à d’insupportables souffrances, et on les établit dans les environs de Salé et de Miquenès (1126). Tout cela se fit en vertu d’un décret d’Alî, que le cadi Ibn-Rochd (le grand-père du célèbre philosophe Averroès) avait provoqué[249]. Onze ans plus tard eut lieu une seconde déportation de Mozarabes[250], de sorte qu’en Andalousie il n’en resta que bien peu.

Pour beaucoup de gens ce gouvernement était donc bien dur, bien tyrannique. Cependant les chrétiens, les juifs, les théologiens musulmans de l’école libérale, les philosophes, les poètes, les hommes de lettres ne formaient, même pris ensemble, qu’une minorité. C’était sans contredit une minorité fort considérable et dont il était impossible de ne pas tenir compte, car presque tous les hommes de talent en faisaient partie; mais enfin, ce n’était pas la masse de la population. Ce que celle-ci attendait du nouveau gouvernement pouvait se formuler ainsi: l’ordre au dedans, la protection contre l’ennemi du dehors, la diminution des impôts et l’accroissement de la prospérité publique. Ces vœux furent-ils remplis? On peut dire qu’ils le furent pendant le règne de Yousof et dans les premières années de celui de son successeur. Dans ce temps-là l’ordre ne fut point troublé; les routes étaient sûres[251]; les Castillans furent si bien tenus en respect, qu’ils ne songèrent plus à venir ravager l’intérieur de l’Andalousie[252], et dans l’origine du moins, le gouvernement ne leva point de contributions illicites; c’étaient les juifs, comme nous l’avons vu, qui devaient payer pour les musulmans quand le trésor se trouvait à sec. Cependant nous n’oserions affirmer, comme le fait un chroniqueur[253], qu’il n’y eut aucune contribution extraordinaire, car il est certain qu’une fois, du moins, Yousof essaya de lever une contribution de guerre, une maouna (aide) comme on disait. Les Almériens, qui n’avaient jamais montré une bien grande partialité pour les Almoravides, refusèrent de la payer, et le cadi de cette ville, Abou-Abdallâh ibn-al-Farrâ, répondit en ces termes aux réprimandes de Yousof: «Vous me blâmez, seigneur, parce que je n’ai pas voulu contraindre mes concitoyens à payer la maouna, et vous dites qu’elle doit être payée, attendu que tous les cadis et faquis du Maroc et de l’Andalousie l’ont décrété ainsi en se fondant sur l’exemple d’Omar, le compagnon du Prophète, qui a été inhumé à côté de celui-ci et dont la justice n’a jamais été révoquée en doute. Voici ma réponse, émir des musulmans: vous n’êtes pas le compagnon du Prophète, vous ne serez pas inhumé à ses côtés, je ne sache pas que votre justice n’ait jamais été révoquée en doute, et si les cadis et les faquis vous mettent sur la même ligne qu’Omar, ils auront à répondre devant Dieu de cette opinion téméraire. Omar, d’ailleurs, n’a demandé la contribution dont il s’agit qu’après avoir juré dans la mosquée qu’il ne restait pas un seul dirhem dans le trésor; si vous pouvez en faire de même, vous aurez le droit de demander une contribution extraordinaire; sinon, non. Salut[254]!» Ce fier langage eut-il pour effet que Yousof renonça à son dessein, ou bien y persista-t-il? Nous ne saurions le dire; mais nous serions porté à croire que, sous le règne d’Alî, les contributions illégales furent rétablies, du moins en partie, car en parlant des Roum (chrétiens) auxquels ce prince donna des emplois, un chroniqueur[255] dit qu’ils furent chargés aussi de percevoir les maghram, et ordinairement on entend sous ce mot des impôts qui n’ont pas été prescrits par le Coran. Toutefois, la population fut taxée moins haut que sous les princes andalous, et il est naturel que, grâce à cette circonstance et au repos dont on jouissait, la prospérité s’accrût. Elle fut en effet très-grande; la preuve en est que le pain se vendait à bon marché et qu’on pouvait se procurer des légumes presque pour rien[256].

En général, le peuple ne fut donc pas désappointé; seulement il s’était trompé s’il avait cru que les Almoravides remporteraient sur les chrétiens des victoires décisives et rendraient à l’Espagne musulmane la grandeur et la puissance qu’elle avait eues du temps d’Abdérame III, de Hacam II, d’Almanzor. Les circonstances étaient cependant favorables, car après la mort d’Alphonse VI (1109), l’Espagne chrétienne fut longtemps en proie à la discorde et à la guerre civile; mais les Almoravides ne surent pas en profiter. Tous leurs efforts pour reprendre Tolède demeurèrent inutiles; ils s’emparèrent, il est vrai, de quelques villes moins importantes, mais les succès qu’ils obtinrent furent contre-balancés par la perte de Saragosse (1118).

Le peuple, au reste, n’eut pas à se féliciter longtemps de la révolution accomplie: gouvernement, généraux, soldats, tout se corrompit avec une étonnante rapidité.

Les généraux de Yousof, quand ils arrivèrent en Espagne, étaient illettrés, il est vrai, mais pieux, braves, probes, et accoutumés à la vie simple et frugale du Désert[257]. Enrichis par les trésors des princes andalous que Yousof leur avait prodigués, ils perdirent bien vite leurs vertus, et désormais ils ne songeaient plus qu’à jouir tranquillement des biens qu’ils avaient acquis[258]. La civilisation de l’Andalousie fut pour eux un spectacle tout à fait nouveau; ayant honte de leur barbarie, ils voulurent s’y initier et prirent pour modèles les princes qu’ils avaient détrônés. Malheureusement ils avaient l’épiderme trop dur pour pouvoir s’approprier la délicatesse, le tact, la finesse des Andalous. Tout portait chez eux le cachet d’une imitation servile et manquée. Ils se mirent à protéger les lettrés, à se faire réciter des poèmes et dédier des livres; mais tout cela, ils le faisaient gauchement, sans grâce et sans goût; quoi qu’ils fissent, ils restaient à demi sauvages et ne prenaient de la civilisation andalouse que son mauvais côté. Le beau-frère du roi Alî, Abou-Becr ibn-Ibrâhîm, qui fut quelque temps gouverneur de Saragosse après l’avoir été de Grenade, fut, pour ainsi dire, le type de ces généraux qui essayèrent, sans trop de succès, de s’andalousiser, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Né dans le Sahara, il avait été élevé dans les principes rigides et austères de sa nation; mais à Saragosse il les oublia et se modela en tout sur l’exemple des Beni-Houd, les anciens rois du pays. Ceux-ci ayant été des bons vivants, il voulut l’être aussi; en conséquence, il s’entoura de viveurs, et quand il buvait avec eux, il portait une couronne et un manteau royal; puis, comme les Beni-Houd avaient été les patrons de la philosophie—deux d’entre eux, Moctadir et Moutamin, avaient même écrit sur cette science—il voulut l’être à son tour, et sans se demander ce que son beau-frère et les faquis en diraient, il choisit pour son ami, son confident, son premier ministre, un homme dont les fidèles ne prononçaient le nom qu’avec horreur, qui ne croyait pas au Coran, qui niait toute révélation, le célèbre philosophe Avempace en un mot[259]. Ses soldats en furent si indignés, qu’un grand nombre d’entre eux l’abandonna[260]. Cependant les soldats, quoique plus orthodoxes, ne valaient pas mieux que leurs chefs. Ce qui les caractérisait, c’était l’insolence envers les Andalous et la lâcheté devant l’ennemi. Leur lâcheté était en effet si grande, que le roi Alî fut obligé de vaincre son aversion pour les chrétiens et d’enrôler ceux que son amiral Ibn-Maimoun, qui faisait une véritable chasse aux hommes, lui amenait des côtes de la Galice, de la Catalogne, de l’Italie, de l’empire byzantin[261]; et quant à leur insolence, elle ne connaissait pas de bornes. Ils traitaient l’Andalousie en pays conquis; ils y prenaient tout ce qui leur plaisait, argent, biens, femmes. Le gouvernement les laissait faire, il n’y pouvait rien. Sa faiblesse faisait pitié à voir. Les faquis avaient dû céder le pouvoir aux femmes ou du moins le partager avec elles. Le roi Alî se laissait dominer par son épouse Camar; d’autres dames gouvernaient à leur gré les hauts dignitaires, et pour peu que l’on contentât leur cupidité, l’on pouvait se permettre tout ce que l’on voulait. Même les bandits avaient le droit de compter sur l’impunité, s’ils avaient les moyens d’acheter la protection de ces dames. C’étaient elles, d’ailleurs, qui donnaient les postes, et d’ordinaire elles les accordaient à des hommes tout à fait incapables. En un mot, le gouvernement devint méprisable et ridicule. L’armée et le peuple se moquaient de lui, parce qu’il révoquait le lendemain les ordres qu’il avait donnés la veille; les grands seigneurs visaient au trône, et on les entendait dire qu’ils gouverneraient bien mieux que le faible Alî, lequel ne savait que jeûner et prier[262].

Pour comble de malheur, une terrible révolte éclata en Afrique (1121). Fanatisés par un prétendu réformateur, qui se donnait pour le Mahdî annoncé par Mahomet, les sauvages habitants de la chaîne de l’Atlas marocain, les Almohades (unitaires) comme ils s’appelaient, prirent les armes contre les Almoravides. Pour une dynastie déjà si faible et si chancelante, un tel coup devait être mortel. A l’exception des chrétiens, les soldats dont elle disposait étaient si mauvais, qu’ordinairement la vue seule de l’ennemi suffisait pour les mettre en déroute. Aussi le gouvernement aux abois ne savait que faire; pour prolonger de quelques instants sa triste existence, il dégarnissait l’Andalousie et en retirait les soldats, les armes, les munitions, les vivres[263]. Les chrétiens ne tardèrent pas à s’en apercevoir et à en profiter. En 1125, quatre ans après le commencement de la révolte des Almohades, Alphonse le Batailleur, roi d’Aragon, ravagea l’Andalousie, comme nous l’avons vu, pendant plus d’une année. En 1133, Alphonse VII de Castille, qui portait le titre d’empereur de même que son aïeul Alphonse VI, mit à feu et à sang les environs de Cordoue, de Séville, de Carmona, prit Xérès, qu’il pilla et brûla, et pénétra jusqu’à ce qu’on appelait alors la tour de Cadix, c’est-à-dire jusqu’aux colonnes d’Hercule[264]. Son aïeul n’avait pas fait pis du temps de Motamid. Cinq ans plus tard, il revint pour ravager les alentours de Jaën, de Baëza, d’Ubeda, d’Andujar. En 1143, ce fut de nouveau le tour de Cordoue, de Séville, de Carmona. L’année suivante, toute l’Andalousie fut pillée et brûlée depuis Calatrava jusqu’à Almérie[265].

Après avoir joui de quelques années prospères, le peuple andalous avait donc gagné ceci à la révolution qu’il avait saluée avec tant d’enthousiasme: un gouvernement impuissant et corrompu; une soldatesque lâche, indisciplinée et brutale; une police pitoyable, car les villes regorgeaient de voleurs et les campagnes étaient infestées par une foule de brigands; la stagnation presque complète du commerce et de l’industrie; la cherté des vivres, pour ne pas dire la disette; enfin, des invasions plus fréquentes qu’elles ne l’avaient jamais été et qui malheureusement tendaient encore à se multiplier[266]. Toutes les espérances avaient été trompées, et l’on maudissait maintenant ces Almoravides dans lesquels on avait vu naguère les sauveurs du pays et de la religion. Dès l’année 1121, les Cordouans se soulevèrent contre la soldatesque qui tenait garnison dans leur ville et qui se livrait à toutes sortes d’excès, sans que le gouvernement l’en empêchât. Ces barbares furent expulsés, leurs demeures pillées. Alors le roi Alî arriva en Andalousie avec une nuée d’Africains; jamais encore une armée aussi considérable n’était débarquée en Espagne. Mais les Cordouans, poussés à bout, étaient déterminés à se défendre avec le courage que donne le désespoir; ils fermèrent leurs portes et barricadèrent leurs rues. Le combat, toutefois, eût été trop inégal, et les faquis s’interposèrent pour prévenir l’effusion du sang. Cette fois, malgré leur servilité habituelle, ils prirent parti pour leurs concitoyens et contre le pouvoir. Ils déclarèrent dans un fetfa que la révolte des Cordouans était juste et légitime, attendu qu’ils n’avaient pris les armes que pour défendre leurs biens, leurs femmes, leur vie. Alî céda, comme de coutume, aux faquis, et après quelques pourparlers, les Cordouans s’engagèrent à payer une amende en dédommagement de ce qu’ils avaient pillé et détruit[267]. Dans d’autres villes le mécontentement croissait toujours, et quoique le passé n’eût pas été brillant, on le regrettait et l’on voulait y revenir, tant le présent était sombre et insupportable. On peut s’en convaincre en lisant le message que les Sévillans envoyèrent en 1133 à Saif-ad-daula, le fils du dernier roi de Saragosse, qui se trouvait dans l’armée d’Alphonse VII, alors que celle-ci était devant les portes de leur ville. «Adressez-vous au roi des chrétiens, lui firent-ils dire; concertez-vous avec lui et faites en sorte que nous soyons délivrés du joug des Almoravides. Une fois libres, nous payerons au roi de Castille un tribut plus considérable que celui que nos pères payaient aux siens, et vous, vous régnerez sur nous, vous et vos fils[268].» Onze ans après, la mesure étant comble et l’empire croulant de toutes parts, on se disait dans les rues et dans les mosquées: «Les Almoravides nous tirent jusqu’à la moelle des os; ils nous enlèvent nos biens, notre argent, nos femmes, nos enfants; soulevons-nous contre eux, chassons-les, tuons-les!» Et d’autres disaient: «Nous devons d’abord faire alliance avec l’empereur de Léon; nous lui payerons un tribut comme nos pères le faisaient.—Oui, oui, criait-on de toutes parts, tous les moyens sont bons pourvu que nous soyons délivrés des Almoravides.» Et l’on appelait la bénédiction du ciel sur les projets qu’on avait formés[269]; toute l’Andalousie se levait comme un seul homme pour massacrer ses oppresseurs, les cadis et les faquis en tête, car le clergé, on le sait, a rarement compté la reconnaissance au nombre de ses vertus.

Nous n’avons à raconter ni l’histoire de cette révolution, ni la conquête de l’Espagne par les Almohades qui avaient renversé les Almoravides dans le Maroc. La tâche que nous nous étions imposée était de retracer l’histoire de l’Andalousie indépendante, et si, en jetant un rapide coup d’œil sur la période où ce pays n’était plus qu’une province d’un autre empire, nous avons passé les bornes de notre sujet, nous l’avons fait parce que nous croyions de notre devoir de montrer que l’Andalousie, quand elle se fut donnée aux Almoravides, fut loin d’être heureuse, et qu’elle en vint même à regretter ses princes indigènes, qu’elle avait tant calomniés, qu’elle avait abandonnés et trahis à l’heure du danger.

Avant de terminer, un seul devoir nous reste à remplir: c’est de raconter l’histoire de Motamid pendant sa captivité.

XV.

Quelles qu’aient été les vertus de Yousof—et les faquis affirmaient qu’il en avait beaucoup—la magnanimité envers les vaincus n’en faisait pas partie. Sa conduite à l’égard des princes andalous qu’il avait fait prisonniers, fut cruelle et odieuse. Il est vrai que les deux petits-fils de Bâdîs furent traités convenablement: ils recouvrèrent la liberté à condition qu’ils ne quitteraient pas le Maroc, et reçurent un traitement assez considérable, de sorte qu’Abdallâh put laisser une belle fortune à ses enfants. C’est que Yousof avait pour ces deux princes, qui étaient de sa nation, un certain faible; c’étaient en outre des hommes incapables dont il n’avait rien à craindre et qui le flattaient[270]. Quant aux autres princes, nous avons déjà vu quel fut le sort de Râdhî, de Motawakkil, de Fadhl, d’Abbâs; et celui de Motamid, quoiqu’on ne lui ôtât pas la vie, ne fut pas moins déplorable.

Après la prise de Séville, l’ordre avait été donné de le transporter à Tanger. Au moment où il s’embarquait avec ses femmes et plusieurs de ses enfants, une foule innombrable couvrait les rives du Guadalquivir pour lui dire un dernier adieu. Dans une de ses élégies, le poète Ibn-al-labbâna a décrit cette scène en ces termes:

Vaincus après une vaillante résistance, les princes furent poussés vers le navire. La foule encombrait les rives du fleuve; les femmes étaient sans voile et elles se déchiraient le visage de douleur. Au moment des adieux, que de cris, que de larmes! Que nous reste-t-il à présent? Pars d’ici, ô étranger! rassemble tes bagages et fais tes provisions, car la demeure de la générosité est désormais déserte. Et toi qui avais l’intention, de t’établir dans cette vallée, sache que la famille que tu cherchais n’y est plus et que la sécheresse a détruit notre moisson. Et toi, chevalier au superbe cortége, dépose tes armes qui ne te serviraient à rien, car le lion a déjà ouvert sa gueule pour te dévorer[271].

Quand Motamid fut arrivé à Tanger, où il resta quelques jours, le poète Hoçrî qui y habitait et qui avait passé quelque temps à la cour de Séville, lui envoya des poèmes qu’il avait composés en son honneur. Parmi ces pièces une seule était nouvelle, et dans celle-là Hoçrî demandait un cadeau, quoiqu’il dût savoir que Motamid n’était plus en état d’en faire. En effet, l’ex-roi de Séville n’avait conservé de toutes ses richesses que trente-six ducats, qu’il avait cachés dans sa bottine et que ses pieds avaient empreints de leur sang; mais telle était sa générosité, qu’il n’hésita pas à sacrifier cette dernière ressource: il enveloppa les ducats dans un morceau de papier, et y ayant ajouté une pièce de vers dans laquelle il s’excusait de l’exiguïté de son cadeau, il les envoya à Hoçrî. Ce mendiant éhonté n’eut pas même la politesse de l’en remercier, et quand les autres rimeurs de Tanger et des environs eurent appris que Motamid faisait encore des cadeaux, ils survinrent en grand nombre pour lui présenter leurs vers. Hélas! il n’avait plus rien à donner, et à cette occasion il dit:

Les poètes de Tanger, de la Mauritanie entière, se sont évertués à faire des vers, et ils voudraient recevoir quelque chose du captif. Ce serait plutôt à lui de leur demander une aumône; quelle merveille, quelle merveille! Si la pudeur qui est au fond de son âme, si la fierté que lui ont léguée ses ancêtres ne l’en empêchaient pas, il rivaliserait avec eux, il mendierait, lui qui naguère, quand on faisait un appel à sa générosité, répandait l’or à pleines mains[272].

De Tanger on le conduisit à Miquenès. En route il rencontra une procession qui allait implorer de la pluie, et à cette occasion il composa ces vers:

Voyant ces gens qui allaient implorer de la pluie: «Mes larmes, leur dis-je, vous en tiendront lieu.—Tu as raison, me répondirent-ils, tes larmes sont assez abondantes pour cela, mais elles sont mêlées de sang[273]

A Miquenès il resta plusieurs mois[274], jusqu’à ce que Yousof ordonnât de le transporter à la ville d’Aghmât, non loin de Maroc. Pendant qu’on lui faisait faire ce trajet, son fils Rachîd, qu’il avait refusé de voir, parce que, pour un motif que nous ignorons, il était fâché contre lui, lui adressa ces vers pour l’apaiser:

Emule de la pluie bienfaisante, seigneur de la générosité, protecteur des hommes! la plus grande faveur que vous pourriez m’accorder, ce serait de me permettre de contempler un instant ton noble visage, qui, gai et brillant, pourrait nous tenir lieu, la nuit de flambeaux, le jour du soleil.

Motamid lui répondit par ceux-ci:

J’étais l’émule de la pluie bienfaisante, le seigneur de la générosité, le protecteur des hommes, alors que ma main droite prodiguait les dons le jour de la distribution des cadeaux, ou enlevait la vie aux ennemis le jour du combat, et que ma main gauche tenait la bride qui domptait le coursier effrayé par le bruit des lances. Mais à présent je suis au pouvoir de la captivité et de la misère; je ressemble à une chose sacrée qu’on a profanée, à un oiseau dont on a brisé les ailes. Je ne puis plus répondre à l’appel de l’opprimé ou du pauvre. La gaîté de mon visage, à laquelle tu étais accoutumé, s’est changée en une morne tristesse; les soucis ne me permettent plus de penser à la joie; aujourd’hui les regards se détournent de moi, au lieu qu’auparavant ils me cherchaient[275].

A Aghmât il mena dans la prison une existence triste et douloureuse. Le gouvernement s’occupait de lui pour ordonner, tantôt qu’on lui mît des chaînes, tantôt qu’on les lui ôtât, mais au reste il ne prenait pas même soin de sa subsistance. Aussi vivait-il avec sa famille dans la dernière détresse. Pour subvenir à leurs besoins, son épouse et ses filles furent obligées de filer. C’est dans la poésie qu’il cherchait sa consolation. Ainsi, quand il eut aperçu de l’étroite fenêtre de son cachot une volée de ces oiseaux rapides auxquels les Arabes donnent le nom de catâ et qui sont une espèce de perdrix:

Je pleurais, dit-il, en voyant passer auprès de moi une compagnie de catâs; ils étaient libres, ils ne connaissaient ni prison ni chaîne. Ce n’était pas par jalousie que je pleurais, mais parce que j’aurais voulu être comme eux, car alors je pourrais aller où je voudrais, mon bonheur ne se serait pas évanoui, mon cœur ne serait pas rempli de douleur, je ne pleurerais pas la perte de mes enfants. Ils sont heureux: ils ne sont pas séparés l’un de l’autre, aucun d’entre eux n’éprouve la douleur d’être loin de sa famille, ils ne passent pas comme moi la nuit dans d’affreuses angoisses, alors que j’entends grincer la porte de la prison sur ses verrous ou dans sa serrure. Ah! que Dieu leur conserve leurs petits; quant aux miens, ils manquent d’eau et d’ombrage[276]!

Puis c’étaient des vers sur sa grandeur passée, sur les magnifiques palais qui naguère avaient été témoins de son bonheur, sur ses fils qui avaient été massacrés, et à l’occasion de la fête de la rupture du jeûne, il composa ceux-ci:

Autrefois les fêtes te rendaient joyeux, mais la fête qui te trouve captif à Aghmât te rend triste. Tu vois tes filles couvertes de haillons et mourant de faim; elles filent pour ceux qui les paient, car elles ne possèdent plus rien au monde. Elles viennent vers toi pour t’embrasser, fatiguées, brisées par le travail et les yeux baissés. Elles marchent nu-pieds dans la boue des rues, comme si elles n’eussent pas marché jadis sur du musc et du camphre[277]! Leurs joues creuses attestent la misère et les larmes les ont sillonnées.... De même qu’à l’occasion de cette triste fête (Dieu veuille qu’elle ne revienne pas pour toi!) tu as rompu le jeûne, de même ton cœur a rompu le sien: ta douleur, longtemps contenue, a éclaté enfin. Jadis, quand tu commandais, tout le monde t’obéissait: à présent tu en es réduit à recevoir toi-même des ordres. Les rois qui se réjouissent de leur puissance se laissent abuser par un rêve[278]!

La malheureuse Romaiquia n’était pas faite pour une vie si dure: elle tomba dangereusement malade. Motamid en fut fort attristé, d’autant plus qu’il n’y avait à Aghmât personne à qui il osât confier le soin de la guérir. Heureusement le célèbre Abou-’l-Alâ Avenzoar[279], qui, dans les dernières années de son règne, avait été le médecin de sa cour, et auquel il avait rendu les biens de son grand-père que Motadhid avait confisqués[280], se trouvait alors à Maroc. Il lui écrivit pour le prier de vouloir bien se charger du traitement de la maladie de Romaiquia. Avenzoar lui promit de venir; mais comme dans sa lettre il avait souhaité à Motamid une longue vie, celui-ci lui envoya ces vers en le remerciant:

Tu me souhaites une longue vie; mais comment un prisonnier pourrait-il la désirer? La mort n’est-elle pas préférable à une vie qui apporte sans cesse de nouveaux tourments? D’autres peuvent former un tel souhait, car ils ont l’espoir de rencontrer le bonheur; mais le seul souhait que je puisse former, c’est de rencontrer la mort. Voudrais-je vivre pour voir mes filles manquer de vêtements et de souliers? Elles sont à présent les servantes de la fille d’un homme dont l’emploi était d’annoncer ma venue quand je me montrais en public, d’écarter les gens qui se pressaient sur mon passage, de les contenir quand ils encombraient la cour de mon palais, de galoper à ma droite et à ma gauche quand je passais mes troupes en revue, et de prendre soin qu’aucun soldat ne sortît des rangs[281]. Toutefois la prière que tu as faite dans une intention bienveillante m’a fait du bien. Dieu te récompense, Abou-’l-Alâ, tu es un homme de cœur! J’ignore quand le vœu que je forme sera rempli, mais je me console par la pensée que dans ce monde tout a un terme[282].

Ce qui parfois lui apportait un soulagement momentané, c’étaient les lettres et les visites des poètes que jadis il avait comblés de ses bienfaits. Plusieurs d’entre eux firent le voyage d’Aghmât, Abou-Mohammed Hidjârî entre autres, qui, pour un seul poème, avait reçu de lui tant d’argent qu’il put ouvrir une maison de commerce et jouir d’une honnête aisance tant qu’il vécut. Motamid lui avoua qu’il avait eu tort d’appeler Yousof en Andalousie. «En le faisant, dit-il, j’ai creusé ma propre fosse.» Quand le poète vint lui dire adieu pour retourner à Almérie où il demeurait, Motamid voulut encore lui faire un cadeau, malgré l’exiguïté de ses moyens; mais Hidjârî eut la délicatesse de le refuser et improvisa ces deux vers:

Je jure que je n’accepterai rien de vous, à présent que la destinée vous a frappé d’une manière si cruelle et si injuste. Ce que vous m’avez donné autrefois est bien suffisant, quoique vous-même vous l’ayez oublié[283].

Mais le plus fidèle et le plus assidu de ces amis, c’était Ibn-al-labbâna, et une fois qu’il arriva à Aghmât, il apporta de bonnes nouvelles d’Andalousie. Les esprits, disait-il, y étaient en émoi. Les patriciens, qui n’avaient jamais voulu de la domination de Yousof, s’agitaient et conspiraient pour replacer Motamid sur le trône[284]. Il disait vrai; le mécontentement était très-grand dans les classes éclairées, et le gouvernement ne tarda pas à en acquérir des preuves. Aussi prit-il des mesures de précaution; il fit arrêter plusieurs personnes suspectes, notamment à Malaga; mais les conjurés de cette ville, dont Ibn-Khalaf, un patricien très-considéré, était le chef, profitèrent de l’obscurité de la nuit pour s’échapper de prison, après quoi ils se rendirent maîtres du château de Montemayor[285]. Bientôt Abd-al-djabbâr, un fils de Motamid qui était resté en Andalousie avec sa mère et que le peuple prenait pour Râdhî (celui qui avait été assassiné à Ronda), se rendit auprès d’eux. Ils le nommèrent leur chef, et tout semblait aller selon leurs souhaits. Un navire de guerre marocain qui échoua dans le voisinage du château, leur fournit des vivres, des munitions, des armes. Algéziras se déclara pour eux de même qu’Arcos, et s’étant rendu dans cette dernière ville en 1095, Abd-al-djabbâr se mit à faire des razzias jusqu’aux portes de l’ancienne capitale du royaume de ses ancêtres[286].

La première nouvelle de la révolte de son fils causa à Motamid une profonde douleur. La témérité de l’entreprise l’effrayait; il craignait pour Abd-al-djabbâr un sort aussi dur que celui qui avait déjà frappé plusieurs de ses fils. Mais ces sentiments firent bientôt place à l’espérance; il entrevoyait la possibilité de retourner dans son pays, de reconquérir son trône[287], et devant ses amis il ne s’en cachait pas. Ecrivant, par exemple, au poète Ibn-Hamdîs, qui était retourné à Mahdia après lui avoir rendu visite, il lui envoya un poème qui commençait ainsi:

La chaire dans la mosquée et le trône dans le palais pleurent le captif que le destin a jeté sur la plage africaine,

et dans lequel il disait:

Oh! je voudrais savoir si je reverrai mon jardin et mon lac dans ce noble pays où croissent les oliviers, où roucoulent les colombes, où les oiseaux font entendre leur doux ramage[288].

Ibn-al-labbâna nourrissait ces espérances. A la veille de retourner en Andalousie, il avait reçu de Motamid vingt ducats et deux pièces d’étoffe: il lui renvoya ce cadeau et parmi les vers qu’il lui fit parvenir à cette occasion se trouvaient ceux-ci:

Un peu de patience encore! Bientôt tu me combleras de bonheur, car tu remonteras sur le trône. Le jour où tu rentreras dans ton palais, tu m’élèveras aux plus hautes dignités. Tu surpasseras alors le fils de Merwân en générosité, et moi, je surpasserai Djarîr en talent[289]. Prépare-toi à luire de nouveau: une éclipse de lune n’est pas de longue durée[290].

Chargé de chaînes—car Yousof avait ordonné de les lui remettre; «le lionceau ayant rugi, dit un rhéteur de l’époque, on craignait un bond de la part du lion»—Motamid vivait ainsi d’espérance, et cette espérance n’était pas tout à fait sans fondement: le parti d’Abd-al-djabbâr était nombreux et il inspirait au gouvernement de graves inquiétudes; il sut se maintenir pendant plus de deux ans, et il n’était pas encore dompté au moment où Motamid mourut après une longue maladie[291] (1095), à l’âge de cinquante-cinq ans[292].

L’ex-roi de Séville fut inhumé dans le cimetière d’Aghmât. Quelque temps après, à l’occasion de la fête de la rupture du jeune, le poète andalous Ibn-Abd-aç-çamad fit sept fois le tour de son tombeau, à l’instar des pèlerins qui font le tour de la Caba; puis il s’agenouilla, baisa la terre qui couvrait les dépouilles mortelles de son bienfaiteur, et récita une élégie. Touchée par l’exemple qu’il lui avait donné, la foule fit aussi le tour du tombeau à la manière des pèlerins et en poussant de longs gémissements[293].

 

«Tout le monde aime Motamid, dit un historien du XIIIe siècle, tout le monde a pitié de lui, et aujourd’hui encore on le pleure[294].» En effet, il est devenu le plus populaire de tous les princes andalous. Sa générosité, sa bravoure, son caractère chevaleresque le rendaient cher aux hommes cultivés des générations suivantes; les âmes sensibles étaient touchées de son immense infortune; le vulgaire s’intéressait à ses aventures romanesques, et comme poète, il fut admiré même par les Bédouins qui, en fait de langage et de poésie, passaient pour des juges à la fois plus difficiles et plus compétents que les habitants des villes. Voici, par exemple, ce que l’on raconte à ce sujet:

Dans une des premières années du XIIe siècle, un Sévillan, qui voyageait dans le Désert, arriva à un campement de Bédouins Lakhmites. S’étant approché d’une tente et ayant demandé l’hospitalité à celui qui en était le maître, ce dernier, enchanté de pouvoir pratiquer une vertu que sa nation apprécie infiniment, l’accueillit avec une grande cordialité.

Le voyageur avait déjà passé deux ou trois jours auprès de son hôte, lorsque, une nuit, après avoir cherché en vain le sommeil, il sortit de la tente pour aller aspirer le souffle des zéphyrs.

Il faisait une nuit sereine et admirable, dont des brises douces et caressantes tempéraient la tiédeur. Dans un ciel d’azur, semé d’étoiles, la lune s’avançait, lente, majestueuse, éclairant de sa lumière le Désert auguste qu’elle faisait resplendir comme un miroir et qui présentait l’image la plus complète du silence et du repos. Ce spectacle rappela au Sévillan un poème que son ancien souverain avait composé, et il se mit à le réciter. Ce poème, c’était celui-ci:

La nuit ayant étendu les ténèbres sur la terre en guise d’un voile immense, je buvais, à la lueur des flambeaux, le vin qui scintillait dans la coupe, lorsque soudain la lune se montra, accompagnée d’Orion. On eût dit une reine superbe et magnifique, voulant jouir des beautés de la nature, et se servant d’Orion comme d’un dais. Peu à peu d’autres étoiles étincelantes vinrent l’entourer, l’une à l’envi de l’autre; d’instant en instant la splendeur s’augmentait, et dans le cortège les Pléiades semblaient le drapeau de la reine.

Ce qu’elle est là-haut, je le suis ici-bas, entouré de mes nobles chevaliers et des belles jeunes filles de mon sérail, dont la noire chevelure ressemble à l’obscurité de la nuit, tandis que ces coupes resplendissantes sont pour moi des étoiles. Buvons, mes amis, buvons le jus de la treille, pendant que ces belles, s’accompagnant de la guitare, vont nous chanter leurs airs mélodieux[295].

Puis le Sévillan récita encore un long poème, que Motamid avait composé pour apaiser le courroux de son père, irrité du désastre qui avait frappé son armée à Malaga par suite de la négligence de son fils qui la commandait.

A peine eut-il fini, que la toile de la tente devant laquelle il se trouvait par hasard, fut levée, et qu’un homme que l’on aurait reconnu pour le chef de la tribu rien qu’à son aspect vénérable, se montra à ses regards et lui dit avec cette élégance de diction et cette pureté d’accent, pour lesquelles les Bédouins ont toujours été renommés et dont ils sont excessivement fiers:

—Dites-moi donc, citadin que Dieu veuille bénir, de qui sont-ils, ces poèmes, limpides comme un ruisseau, frais comme une pelouse nouvellement arrosée par la pluie, tantôt tendres et suaves comme la voix d’une jeune fille au collier d’or, tantôt vigoureux et sonores comme le cri d’un jeune chameau?

—Ils sont d’un roi qui a régné en Andalousie et qui s’appelait Ibn-Abbâd, répondit l’étranger.

—Je suppose, reprit le chef, que ce roi régnait sur un petit coin de terre, et que, par conséquent, il pouvait consacrer tout son temps à la poésie, car quand on a d’autres occupations, on n’a pas le loisir de composer des vers comme ceux-là.

—Pardonnez-moi; ce roi régnait sur un grand pays.

—Et pourriez-vous me dire à quelle tribu il appartenait?

—Certainement; il était de la tribu de Lakhm.

—Que dites-vous? Il était de Lakhm? Mais il était de ma tribu alors!

Et ravi d’avoir trouvé une nouvelle illustration pour sa tribu, le chef, dans un élan d’enthousiasme, se mit à crier d’une voix retentissante:

—Debout, debout, gens de ma tribu! Alerte, alerte!

En un clin d’œil tous furent sur pied et vinrent entourer leur chef. Les voyant rassemblés:

—Ecoutez, leur dit-il, ce que je viens d’entendre, et retenez bien ce que je viens de graver dans ma mémoire; car c’est un titre de gloire qui s’offre à vous tous, un honneur dont vous avez tous le droit d’être fiers. Citadin, récitez encore une fois, je vous en prie, les poèmes de notre cousin.

Lorsque le Sévillan eut satisfait à ce désir et que tous les Bédouins eurent admiré ces vers avec le même enthousiasme que l’avait fait leur chef, celui-ci leur raconta ce qu’il avait entendu dire à l’étranger au sujet de l’origine des Beni-Abbâd, leurs alliés, leurs parents, puisqu’ils descendaient, eux aussi, d’une famille lakhmite qui parcourait autrefois le Désert avec ses chameaux, et dressait ses tentes là où les sables séparent l’Egypte de la Syrie; après quoi il leur parla de Motamid, le poète tour à tour gracieux ou sublime, le preux chevalier, le puissant monarque de Séville. Quand il eut fini, tous les Bédouins, ivres de joie et d’orgueil, montèrent à cheval pour se livrer à une brillante fantasia qui dura jusqu’aux premiers rayons de l’aurore. Puis le chef choisit vingt de ses meilleurs chameaux et en fit présent à l’étranger. Tous suivirent cet exemple dans la mesure de leurs moyens, et, avant que le soleil se fût levé tout à fait, le Sévillan se vit en possession d’une centaine de chameaux. Après l’avoir caressé, choyé, festoyé et honoré de toutes les manières, ces généreux fils du Désert consentirent à peine à le laisser partir quand le moment de se remettre en voyage fut arrivé pour lui, tant celui qui savait réciter les vers du roi poète qu’ils appelaient leur cousin, était devenu cher à leurs cœurs[296].

Environ deux siècles et demi plus tard, alors que l’Espagne musulmane, autrefois si sceptique, s’était depuis longtemps jetée dans la dévotion, un pèlerin, portant bourdon et rosaire, parcourait le royaume de Maroc, afin de s’entretenir avec les pieux ermites et de visiter les lieux saints. Ce pèlerin, c’était le célèbre Ibn-al-Khatîb, le premier ministre du roi de Grenade. Arrivé dans la petite ville d’Aghmât, il s’achemina vers le cimetière, où reposaient Motamid et son épouse sous un tertre couvert de lotus. A l’aspect de ces deux tombeaux, délabrés par la vétusté et le défaut de soin, le vizir grenadin ne put retenir ses larmes et improvisa ces vers:

Je suis venu à Aghmât pour y accomplir un pieux devoir, pour m’agenouiller sur ta tombe! Ah! pourquoi ne m’a-t-il pas été donné de te connaître vivant et de chanter ta gloire, toi qui surpassais tous les rois en générosité, toi qui brillais comme un flambeau dans l’obscurité de la nuit? Qu’au moins il me soit permis de saluer respectueusement ton tombeau! L’élévation du terrain le distingue de ceux du vulgaire: ayant primé les autres hommes pendant ta vie, tu primes aussi ceux qui à tes pieds dorment du sommeil éternel. O sultan parmi les vivants, et sultan parmi les morts! jamais dans les siècles passés on n’a vu ton égal, et jamais, j’en suis convaincu, on ne verra dans les siècles futurs un roi qui te ressemble[297].

Motamid, à coup sûr, ne fut pas un grand monarque. Régnant sur un peuple énervé par le luxe et ne vivant que pour le plaisir, il le serait devenu difficilement, lors même que son indolence naturelle et cet amour des choses extérieures, qui est le bonheur et l’infirmité des artistes, ne l’en eussent pas empêché. Mais nul autre n’avait dans l’âme tant de sensibilité, tant de poésie. Chez lui le moindre événement dans sa vie, la moindre joie ou le moindre chagrin, se revêtait aussitôt d’une forme poétique, et l’on pourrait écrire sa biographie, sa vie intérieure du moins, rien qu’avec ses vers, révélations intimes du cœur où se reflètent ces joies et ces tristesses que le soleil ou les nuages de chaque jour amènent ou remportent avec eux. Et puis, il eut la bonne fortune d’être le dernier roi indigène qui représentât dignement, brillamment, une nationalité et une culture intellectuelle, qui succombèrent, ou peu s’en faut, sous la domination des barbares qui avaient envahi le pays. Une sorte de prédilection s’attacha à lui, comme au plus jeune, au dernier né de cette nombreuse famille de princes poètes qui avaient régné sur l’Andalousie. On le regrettait plus que tout autre, presque à l’exclusion de tout autre, de même que la dernière rose de la saison, les derniers beaux jours de l’automne, les derniers rayons du soleil qui se couche, inspirent les regrets les plus vifs.

 

 

FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.

NOTES

Note A, p. 24.

Quelques auteurs font mourir Yahyâ dans l’année 427 de l’Hégire, d’autres dans l’année 429. Le récit d’Ibn-Haiyân montre que la première date est la véritable. Cet auteur rapporte les propres termes dont s’est servi un soldat berber de Carmona, Abou-’l-Fotouh (ou Abou-’l-Fath) Birzélî, qui se trouvait parmi ceux qui se rendirent à Séville au temps de la fête des sacrifices de l’année 426 (c’est-à-dire, dans le dernier mois de cette année), et qui, dans le mois suivant, celui de Moharram 427, prit part au combat que les cavaliers sévillans livrèrent à Yahyâ près des portes de Carmona, combat qui se termina par la mort de Yahyâ. Il n’y a donc aucun doute sur l’année et sur le mois de la mort de ce prince; mais nous ne saurions indiquer le quantième du mois. Abd-al-Wâhid dit: dimanche, sept jours après le commencement de Moharram (c’est-à-dire le huitième jour de ce mois) de l’année 427; mais le huitième Moharram de l’année 427 tombe un mercredi et non un dimanche.

Au reste, le récit d’Ibn-Haiyân montre encore qu’au lieu de dire que Hichâm II fut de nouveau proclamé calife à Cordoue dans le mois de Moharram 429, Ibn-al-Athîr (Abbad., t. II, p. 34, l. 9) aurait dû dire: dans le mois de Moharram 427; car, puisqu’Ibn-Djahwar consentit seulement à le faire parce qu’il craignait d’être attaqué par Yahyâ (Abbad., t. I, p. 222, l. 28), il doit l’avoir fait nécessairement avant la mort de ce prince.

Ibn-Khaldoun (apud Hoogvliet, p. 28; j’ai corrigé le texte de ce passage dans mes Recherches, t. I de la 1re édition, p. 215 dans la note) s’est trompé gravement en parlant du rôle que Mohammed ibn-Abdallâh joua à cette époque.

Note B, p. 86.

Ibn-Khâcân prétend qu’Ibn-Abd-al-barr a écrit cette lettre à Motadhid sur l’ordre de Mowaffac Abou-’l-djaich, c’est-à-dire de Modjéhid, prince de Dénia. Mais ce dernier étant mort en 436 de l’Hégire, et la prise de Silves ayant eu lieu en 443 ou dans l’année suivante, il doit y avoir une erreur dans cette assertion. La date de la prise de Silves ne saurait être douteuse. Cette ville doit avoir été conquise après la conquête de Niébla et de Huelva en 443 (voyez Abbad., t. I, p. 252, et comparez t. II, p. 210) et avant celle de Santa-Maria en 444 (voyez Abbad., t. II, p. 210, dern. ligne, et p. 123). D’ailleurs, Motamid, qui n’était né que dans l’année 431, ne pouvait pas commander l’armée de son père avant 436, époque de la mort de Modjéhid. Je crois donc qu’Ibn-Khâcân aurait dû nommer Alî, le fils et successeur de Modjéhid, ou peut-être quelque autre prince.

Note C, p. 95.

Les circonstances essentielles de ce récit se trouvent dans un passage d’Ibn-Bassâm (Abbad., t. I, p. 250, 251), où il y a deux ou trois fautes à corriger. Nowairî (ibid., t. II, p. 129, 130) donne aussi de bons renseignements; seulement ce chroniqueur, sans parler d’inexactitudes d’une moindre importance, a eu le tort de nommer Carmona au lieu de Ronda. Les récits d’Ibn-Khaldoun (ibid., t. II, p. 210, 214, 215) me semblent confus et inexacts, surtout pour ce qui concerne les noms propres et les dates.—Voyez aussi Ibn-Haiyân, dans mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 86.

Note D, p. 192.

En traitant cette période, je ne me suis pas servi du livre qui porte le titre de Raudh al-mitâr (Abbad., t. II, p. 236 et suiv.). Maccarî, qui en a donné de longs extraits, semble y attacher de l’importance, parce qu’il est d’un auteur espagnol; mais cet Espagnol n’est pas ancien et il n’a fait que copier un écrivain asiatique. C’est ce qui résulte de la comparaison de l’article sur Yousof ibn-Téchoufîn chez Ibn-Khallicân, où l’on trouve de longs passages tirés d’une biographie de Yousof, intitulée al-Morib an sîrati meliki ’l-Maghrib, et qui a été écrite à Mosoul en 1183; car ces passages se retrouvent textuellement dans le Raudh al-mitâr, de sorte qu’il est certain que l’auteur de ce dernier ouvrage a copié l’anonyme de Mosoul. Or, quand il s’agit de l’histoire d’Espagne, il faut presque toujours se défier des récits qui ont été écrits en Asie. Ces récits, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’observer ailleurs[298], proviennent ordinairement de voyageurs, de marchands, de colporteurs de bruits, et l’imagination n’y est pas étrangère, souvent même elle y joue un grand rôle. Celui dont il s’agit ne fait pas exception à la règle générale: écrit dans un langage extrêmement sentencieux et qui trahit chez l’auteur la prétention de vouloir rivaliser avec les anciens sages de l’Orient, il contient bien des choses qui sont invraisemblables en elles-mêmes et dont les chroniqueurs espagnols et africains ne savent rien.

Note E, p. 208.

Les chroniques latines, si l’on en excepte le Chronicon Lusitanum (Esp. sagr., t. XIV, p. 418, 419), n’entrent dans aucun détail sur la bataille de Zallâca, et parmi les chroniques arabes, qui en parlent fort au long[299], il y en a peu qui méritent une confiance entière. Quelques-unes se trompent même dans la date. La date véritable, vendredi 12 Redjeb 479, se trouve dans le Holal (Abbad., t. II, p. 197) et dans le Cartâs (p. 98), où on lit que ce jour répond au 23 octobre (1086), ce qui est vrai (comparez Annales Complut., p. 314, 315); mais d’autres auteurs se trompent, non-seulement dans le mois (car ils nomment Ramadhân au lieu de Redjeb), mais encore dans l’année. Abd-al-wâhid (p. 93, 94), par exemple, nomme l’année 480, et Ibn-al-Cardebous (Abbad., t. II, p. 23) l’année 481. C’est un phénomène bien singulier, attendu qu’il s’agit d’une bataille très-célèbre et qu’en Andalousie on disait l’année de Zallâca au lieu dire l’année 479[300]; mais le fait est qu’aucune des chroniques qui nous restent n’a été composée par un contemporain; elles sont du XIVe, du XIIIe, ou tout au plus du XIIe siècle; elles méritent donc peu de confiance. Joignez-y qu’à l’époque où elles s’écrivaient, les rhéteurs s’amusaient à fabriquer des lettres qu’ils supposaient écrites par des personnages historiques. Ce fait ne saurait être révoqué en doute; il en existe des preuves frappantes. L’auteur du Holal, par exemple, donne la lettre que Motamid écrivit à son fils Rachîd dans la soirée après la bataille. Elle n’est que de deux lignes (voyez Abbad., t. II, p. 199); mais l’auteur du Raudh al-mitâr (ibid., t. II, p. 248) la donne aussi, et chez lui elle est différente. Une troisième, enfin, se trouve chez Ibn-al-Khatîb (ibid., t. II, p. 176), et celle-là n’a pas moins de quinze lignes. Or, il faut nécessairement que deux de ces épîtres soient de fabrique moderne; peut-être le sont-elles toutes les trois. La prudence commande donc de se tenir en garde contre les pièces soi-disant officielles que présentent ces chroniques; aussi dois-je avouer que je doute de l’authenticité de la plupart des lettres que donne le Holal, et que le bulletin où Yousof raconte la bataille de Zallâca et qui se trouve dans le Cartâs, me paraît fort suspect.

Note F, p. 210-236.

J’ai à justifier la chronologie que j’ai adoptée dans ce récit. A mon sens, Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le printemps de l’année 483 de l’Hégire, 1090 de notre ère, trois ans et demi après la bataille de Zallâca, assiégea Alédo pendant l’été, et s’empara de Grenade en novembre. Cependant Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî (cité par Ibn-Khallicân dans son article sur Yousof), l’auteur du Cartâs et celui du Holal donnent une autre chronologie; ils supposent que Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans l’année 481 (1088) et qu’il assiégea Alédo[301] dans cette année-là; que dans l’automne il retourna en Afrique; qu’il revint en Espagne pour la troisième fois l’année 483 (1090), et qu’alors il s’empara de Grenade[302].

Contre cette manière de voir je dois observer, d’abord que les auteurs qui l’ont adoptée ne sont pas fort anciens (Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî écrivait au XIIIe siècle, et le Cartâs est du siècle suivant, de même que le Holal); ensuite qu’ils sont loin d’être toujours exacts[303], et enfin qu’ils ne sont pas d’accord entre eux quand il s’agit de signaler les mois. Ainsi l’auteur du Cartâs affirme que Yousof arriva pour la seconde fois en Espagne dans le mois de Rebî Ier 481 (juin 1088), tandis que Baiyâsî dit qu’il y arriva dans le mois de Redjeb, c’est-à-dire en septembre ou en octobre.

D’un autre côté, les auteurs les plus anciens et les plus dignes de foi, ceux du XIIe siècle, sont d’accord pour placer le siège d’Alédo et la prise de Grenade dans la même année, c’est-à-dire dans l’année 483 (1090). Ibn-Câsim de Silves, par exemple, qui a écrit une histoire très-estimée de Motamid[304], histoire dont Ibn-al-Abbâr nous a conservé des fragments, dit formellement qu’Alédo fut assiégé par Yousof et les princes andalous dans l’année 483[305]. Mohammed ibn-Ibrâhîm[306] atteste que, lorsque Yousof fut arrivé en Espagne pour la seconde fois, il assiégea Alédo et s’empara de Grenade. Ibn-al-Cardebous, dans son Kitâb al-ictifâ[307], dit la même chose, et il ajoute[308] que, lorsque Yousof vint pour la troisième fois en Espagne, on était dans l’année 490 (1097). A ces témoignages, très-respectables à coup sûr, nous pourrions ajouter celui d’Ibn-al-Athîr[309]; seulement cet historien, qui écrivait à Mosoul, et qui, par conséquent, n’était pas toujours bien informé de l’histoire d’Espagne, se trompe quand il dit que le siége d’Alédo et la prise de Grenade eurent lieu un an après la bataille de Zallâca, c’est-à-dire en 480 (1087).

Quant à la date précise de la prise de Grenade, l’historien Ibn-aç-Çairafî, cité par Ibn-al-Khatîb[310], dit que cet événement eut lieu le dimanche 14 Redjeb de l’année 483. Cette date soulève deux objections: d’abord le 14 Redjeb (26 août) tombait, non un dimanche, mais un jeudi; en second lieu, il est impossible que Yousof se soit emparé de Grenade dès le mois d’août, car, arrivé en Espagne au printemps, il assiégea Alédo pendant quatre mois[311] et jusqu’à l’approche de l’hiver, comme l’assure l’auteur du Cartâs. A la place de: dimanche 14 Redjeb, je crois donc devoir lire: dimanche 14 Ramadhân, c’est-à-dire 10 novembre. Le 14 Ramadhân tombait réellement un dimanche dans l’année 483, et ces deux mois se confondent assez souvent. Plusieurs auteurs, par exemple, disent que la bataille de Zallâca eut lieu dans le mois de Ramadhân 479, tandis qu’elle se livra dans le mois de Redjeb. Il se pourrait que dans ce temps-là on se soit parfois servi d’abbréviations pour indiquer les mois, et dans ce cas, les mois de Redjeb et de Ramadhân, qui ont la même initiale, pouvaient aisément se confondre. Rien, du reste, ne s’oppose au changement que j’ai proposé. Baiyâsî et l’auteur du Cartâs disent que Yousof se rembarqua avant la fin de Ramadhân, c’est-à-dire avant le 26 novembre. Or, dans l’espace de seize jours, il pouvait facilement recevoir la visite des princes andalous et faire le voyage de Grenade à Algéziras.

 

 

FIN DES NOTES DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.

CHRONOLOGIE
DES
PRINCES MUSULMANS
DU XIe SIÈCLE.

Séville. Les Beni-Abbâd.

Abou-’l-Câsim Mohammed ibn-Ismâîl (le cadi)1023-1042
Abou-Amr Abbâd ibn-Mohammed, Motadhid1042-1069
Abou-’l-Câsim Mohammed ibn-Abbâd, Motamid1069-1091

Cordoue. Les Beni-Djahwar.

Abou-’l-Hazm Djahwar ibn-Mohammed ibn-Djahwar1031 (déc.)-1043
Abou-’l-Walîd Mohammed ibn-Djahwar1043-1064
Abdalmélic 1064-1070
Cordoue est annexée au royaume de Séville.

Les Hammoudites de Malaga.

Hammoud
|
Ali le calife
|
  Yahyâ le calife   Idrîs Ier(1)
| |   | | | |
Idrîs II(4 et 7) Hasan(3)   Yahyâ(2)  Mohammed Ier(5)  Hasan  Mohammed II(8)
  |   |
  Yahyâ   Idrîs III(6)
1.Idrîs Ier1035-1039
2.Yahyâ, fils d’Idrîs Ier1039
3.Hasan, fils du calife Yahyâ ibn-Alî1039-1041
 Le Slave Nadjâ1041-1043
4.Idrîs II1043-1047
5.Mohammed Ier, second fils d’Idrîs Ier1047-1053
6.Idrîs III1053
7.Idrîs II, pour la seconde fois1053-1055
8.Mohammed II, 4e fils d’Idrîs Ier1055-1057
 Malaga est annexée au royaume de Grenade. 

Les Hammoudites d’Algéziras.

Mohammed, fils du calife Câsim ibn-Hammoud    1035-1048(9)
Câsim, son fils1048(9)-1058
Algéziras est annexée au royaume de Séville. 

Grenade. Les Beni-Zîrî.

Zâwî ibn-Zîrî        jusqu’à 1019
Habbous1019-1038
Bâdîs1038-1073
Abdallâh1073-1090

Carmona. Les Beni-Birzél.

D’après Ibn-Khaldoun (Abbad., t. II, p. 216), la liste de ces princes serait:

Ishâc 
Abdallâh, son fils
Mohammed ibn-Abdallâhjusqu’à 1042(3)
Al-Azîz Mostadhhir1042(3)-1067
D’après Ibn-Haiyân (apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 78 r.),
Ibn-Abdallâh (c’est-à-dire, Mohammed ibn-Abdallâh)
gouvernait Carmona à l’époque où
Hichâm III régnait à Cordoue
(1029-1031)
et à en croire le même auteur (ibid., fol. 109 r.),
qui mérite bien plus de confiance qu’Ibn-Khaldoun,
Mohammed ibn-Abdallâh eut pour
successeur:
Ishâc, son fils, qui régnait en 1050
Il paraît qu’Ibn-al-Abbâr (dans mes Recherches,
t. I, p. 286 de la 1re éd.) se trompe quand
il dit que Mohammed ibn-Abdallâh vivait encore
en 1051.

Ronda.

Abou-Nour ibn-abî-Corra1014(5)-1053
Abou-Naçr, son fils1053
Ronda est annexée au royaume de Séville. 

Moron.

Nouh1013(4)-1041(2)
Abou-Menâd Mohammed, son fils1041(2)-1053
Moron est annexé au royaume de Séville. 

Arcos.

Ibn-Khazrounjusqu’à 1053
Arcos est annexé au royaume de Séville. 

Huelva. Les Becrites.

Abou-Zaid Mohammed ibn-Aiyoubdepuis 1011(2)
Abou-’l-Moçab Abdalazîzjusqu’à 1051
Huelva est annexée au royaume de Séville. 

Niébla. Les Beni-Yahyâ.

Abou-’l-Abbâs Ahmed ibn-Yahyâ Yahçobî1023-1041(2)
Mohammed, son frère
Fath ibn-Khalaf ibn-Yahyâ, neveu des précédentsjusqu’à 1051
Niébla est annexée au royaume de Séville. 
Ibn-al-Abbâr (dans mes Recherches, t. I, p. 287
de la 1re éd.) donne au dernier prince de
Niébla les noms de: Yahyâ ibn-Ahmed ibn-Yahyâ.
J’ai cru devoir suivre Ibn-Khaldoun
(Abbad., t. II, p. 211). Ibn-Haiyân (apud
Ibn-Bassâm, t. I, fol. 108 v.) l’appelle: Fath
ibn-Yahyâ.
 

Silves. Les Beni-Mozain.

Abou-Becr Mohammed ibn-Saîd ibn-Mozain1028-1050
Abou-’l-Açbagh Isâjusqu’à 1051(2)
Silves est annexé au royaume de Séville. 

Santa-Maria d’Algarve.

Abou-Othmân Saîd ibn-Hâroun1016-1043
Mohammed, son fils1043-1052
Santa-Maria est annexée au royaume de Séville. 

Mertola.

Ibn-Taifourjusqu’à 1044
Mertola est annexée au royaume de Séville. 

Badajoz.

Sâbour. 
Ensuite les Aftasides: 
Abou-Mohammed Abdallâh ibn-Mohammed ibn-Maslama Almanzor Ier 
Abou-Becr Mohammed Modhaffarjusqu’à 1068
Yahyâ Almanzor II 
Omar Motawakkiljusqu’à 1094

Tolède.

Yaîch ibn-Mohammed ibn-Yaîchjusqu’à 1036
Ensuite les Beni-Dhî-’n-noun: 
Ismâîl Dhâfir1036-1088
Abou-’l-Hasan Yahyâ Mamoun1038-1075
Yahyâ ibn-Ismâîl ibn-Yahyâ Câdir1075-1085

Saragosse.

Mondhir ibn-Yahyâ le Todjîbite[312]jusqu’à 1039
Ensuite les Beni-Houd: 
Abou-Aiyoub Solaimân ibn-Mohammed Mostaîn Ier1089-1046(7)
Ahmed Moctadir1046(7)-1081
Yousof Moutamin1081-1085
Ahmed Mostaîn II1085-1110
Abdalmélic Imâd-ad-daula1110

La Sahla (capitale Albarracin). Les Beni-Razîn.

Abou-Mohammed Hodhail Ier ibn-Khalaf ibn-Lope ibn-Razîndepuis 1011
Abou-Merwân Abdalmélic Ier ibn-Khalaf, son frère
Abou-Mohammed Hodhail II Izz-ad-daula, fils du précédent
Abou-Merwân Abdalmélic II Hosâm-ad-daulajusqu’à 1103
Yahyâ 

Alpuente. Les Beni-Câsim.

Abdallâh Ier ibn-Câsim le Fihrite, Nidhâm-ad-daulajusqu’à 1030
Mohammed Yomn-ad-daula 
Ahmed Adhod-ad-daulajusqu’à 1048(9)
Abdallâh II Djanâh-ad-daula, frère du précédent1048(9)-1092

Valence.

Les Slaves Mobârac et Modhaffar 
Le Slave Lebîb, seigneur de Tortose 
Abdalazîz Almanzor1021-1061
Abdalmélic Modhaffar1061-1065
Réunion de Valence au royaume de Tolède 
Mamoun (de Tolède)1065-1075
Valence se sépare de Tolède
Abou-Becr ibn-Abdalazîz1075-1085
Le cadi Othmân, son fils1085
Câdir (l’ex-roi de Tolède)1085-1092
Valence devient une république. Ibn-Djahhâf président1092-1094

Dénia.

Abou-’l-djaich Modjéhid Mowaffacjusqu’à 1044(5)
Alî Icbâl-ad-daula1044(5)-1076
Il est détrôné par Moctadir de Saragosse. Réunion de Dénia au royaume de Saragosse. 
Moctadir (de Saragosse)1076-1081
Moctadir partage ses Etats entre ses deux fils.
Celui qui s’appelait le hâdjib Mondhir reçoit Lérida, Tortose et Dénia. 
Le hâdjib Mondhir1081-1091
Son fils sous la tutelle des Beni-Betyr 

Murcie.

Khairân (d’Almérie)1016(7)-1028
Zohair (d’Almérie)1028-1038
Abdalazîz Almanzor (de Valence)1038-1061
Abdalmélic Modhaffar (de Valence)1061-1065
Sous ces trois princes Abou-Becr Ahmed ibn-Tâhir est gouverneur de Murcie. Il meurt en1063
Son fils, Abou-Abdérame Mohammed, lui succède1063-1078
Motamid (de Séville) 
Ibn-Ammâr 
Ibn-Rachîcjusqu’à 1090

Almérie.

Khairânjusqu’à 1028
Zohair1028-1038
Abdalazîz Almanzor (de Valence)1038-1041
Ensuite les Beni-Çomadih: 
Abou-’l-Ahwaç Man1041-1051
Mohammed Motacim1051-1091
Izz-ad-daula1091

 

 

FIN DE LA CHRONOLOGIE.

L I S T E
DES   OUVRAGES   IMPRIMÉS   ET   MANUSCRITS
DONT L’AUTEUR S’EST SERVI[313].

Abbad. Scriptorum Arabum loci de Abbadidis editi a R. Dozy. Leyde, 1846.

Abd-al-wâhid, The History of the Almohades etc., ed. by R. Dozy. Leyde, 1847.

Abou-Ismâîl al-Baçrî, Fotouh as-Châm, éd. Lees, Calcutta, 1854, dans la Bibliotheca Indica.

Abou-’l-mahâsin, Annales, éd. Juynboll. Leyde, 1852 et suiv.

Aghânî. Alii Ispahanensis Liber Cantilenarum magnus, ed. Kosegarten. Greifswalde, 1840.

Ahmed ibn-abî-Yacoub, Kitâb al-boldân, man. de M. Muchlinski à Saint-Pétersbourg. M. Juynboll, fils, vient de donner une édition de cet ouvrage.

Akhbâr madjmoua, man. de Paris, nº 706. Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 10-12. Je possède une copie de ce manuscrit.

Alvaro, Vita Eulogii, dans l’Esp. sagr., t. X; Epistolae, Indiculus luminosus, dans le même ouvrage, t. XI.

Annales Complutenses, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Compostellani, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Annales Toledanos, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Arîb, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne, intitulée al-Bayâno ’l-mogrib, par Ibn-Adhârî (de Maroc), et fragments de la Chronique d’Arîb, publ. par R. Dozy. Leyde, 1848 et suiv.

Berganza, Antiguedades de Espana. Madrid, 1719.

Çâid de Tolède, Extrait de son Tabacât al-omam, man. de Leyde, nº 159.

Cartâs. Annales regum Mauritaniae ab Abu-l-Hasan Ali ben-Abdallâh ibn-abi-Zer’ Fesano conscripti, ed. Tornberg. Upsal, 1846.

Cazwînî, Cosmographie, éd. Wüstenfeld. Gœttingue, 1848.

Chahrastânî, Histoire des sectes, éd. Cureton. Londres, 1842.

Chronicon Adefonsi Imperatoris, dans l’Esp. sagr., t. XXI.

Chronicon Albeldense, dans l’Esp. sagr., t. XIII.

Chronicon Burgense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon de Cardena, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Complutense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Compostellanum, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Conimbricense, dans l’Esp. sagr., t. XXIII.

Chronicon Iriense, dans l’Esp. sagr., t. XX.

Chronicon Lusitanum, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Edrisi, Géographie, traduite par Jaubert.

Espana sagrada, por Florez, Risco etc. 2ª edicion. Madrid, 1754-1850. 47 vol.

Euloge. Ses œuvres se trouvent dans Schot, Hispania illustrata, t. IV.

Fâkihî, Histoire de la Mecque, man. de Leyde nº 463. Voyez mon Catalogue, t. II, p. 170.

Hamâsa. Hamasae Carmina ed. Freytag. Bonn, 1828.

Historia Compostellana, dans l’Esp. sagr., t. XX.

Holal. Histoire du Maroc, man. de Leyde nº 24. Comparez Abbad., t. II, p. 182 et suiv.

Homaidî, Dictionnaire biographique, man. d’Oxford, Hunt 464.

Ibn-abî-Oçaibia, Histoire des médecins. J’ai fait copier le chapitre relatif aux médecins arabes-espagnols sur le man. de Paris, nº 673 suppl. ar., et M. Wright a eu la bonté de noter sur la marge de cette copie les variantes des deux man. d’Oxford, Hunt. 171 et Pocock. 356.

Ibn-Adhârî. Voyez Arîb.

Ibn-al-Abbâr, dans mes Notices sur quelques manuscrits arabes. Leyde, 1847-1851.

Ibn-al-Athîr, man. de Paris. M. Tornberg a eu la bonté de me prêter sa copie.

Ibn-al-Coutîa, man. de Paris nº 706. Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 28-30. Je possède une copie de ce manuscrit.

Ibn-al-Khatîb, al-Ihâta fi tarîkhi Gharnâta, et l’abrégé de cet ouvrage: Marcaz al-ihâta bi-odabâi Gharnâta. B. man. de Berlin; E. man. de l’Escurial (plusieurs articles de ce man. ont été copiés pour moi par M. Simonet); G. man. de M. de Gayangos; P. man. de Paris. Voyez Abbad., t. II, p. 169-172, et mes Recherches, t. I, p. 293, 294.

Ibn-Badroun, Commentaire historique sur le poème d’Ibn-Abdoun, publ. par R. Dozy. Leyde, 1846.

Ibn-Bassâm, Dhakhîra. T. Ier. M. Jules Mohl possède ce volume, et il a eu la bonté de me le prêter. Ce man. appartient au même exemplaire que le 3e volume qui se trouve à Gotha.—T. II, man. d’Oxford, nº 749 du Catalogue d’Uri.—T. III, man. de Gotha, nº 266. M. de Gayangos possède aussi un manuscrit de ce volume, sur lequel M. Wright a bien voulu collationner pour moi les passages d’Ibn-Haiyân cités par Ibn-Bassâm.—Voyez sur Ibn-Bassâm et sa Dhakhîra, Abbad., t. I, p. 189 et suiv., et le Journ. asiat., février-mars 1861.

Ibn-Batouta, Voyages, éd. Defrémery et Sanguinetti. Paris, 1853 et suiv.

Ibn-Cotaiba, éd. Wüstenfeld. Gœttingue, 1850.

Ibn-Habîb. Voyez Tarîkh.

Ibn-Haiyân, man. d’Oxford, Bodl. 509, Catal. de Nicoll, nº 137. La copie que je possède de ce man. a été faite par moi sur celle de M. Wright. Voyez aussi Ibn-Bassâm.

Ibn-Hazm, Traité sur les religions, man. de Leyde nº 480.—Traité sur l’amour, man. de Leyde nº 927.

Ibn-Khâcân, Matmah, man. de Londres et de Saint-Pétersbourg.—Calâyid, man. de Leyde, nos 306 et 35.

Ibn-Khaldoun, Prolégomènes, éd. Quatremère, dans les Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. XVI, XVII et XVIII.—Tome II (Histoire des Omaiyades d’Orient), man. de Leyde nº 1350, t. II.—Tome IV (Histoire d’Espagne), man. de Paris nº 742/4 suppl. ar., et de Leyde nº 1350, t. IV.—Histoire des Berbers, éd. de Slane; traduction française par le même.

Içtakhrî, Liber Climatum, ad similitudinem Cod. Gothani exprimendum curavit Mœller. Gotha, 1839.

Idatii Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. IV.

Isidore de Béja, dans l’Esp. sagr., t. VIII. Comparez mes Recherches, t. I, p. 2 et suiv.

Isidore de Séville, Historia Gothorum, dans l’Esp, sagr., t. VI.

Khochanî, Histoire des cadis de Cordoue, man. d’Oxford, nº 127 du Catalogue de Nicoll. Je possède une copie de ce manuscrit.

Llorente, Noticias de las tres Provincias Vascongadas. Madrid, 1806.

Lucas de Tuy, Chronicon mundi, dans Schot, Hispania illustrata, t. IV.

Maccarî. Analectes sur l’histoire et la littérature des Arabes d’Espagne, par al-Makkari, publ. par MM. Dozy, Dugat, Krehl et Wright, Leyde, 1855-61.

Manuscrit de Meyá, dans les Memorias de la Academia de la Historia, t. IV.

Masoudî, Moroudj ad-dheheb, man. de Leyde nos 127 et 537 d.

Mobarrad, Câmil, man. de Leyde nº 587. Voyez mon Catalogue, t. I, p. 204, 205.

Mon. Sil. Monachi Silensis Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XVII.

Nawawî, Dictionnaire biographique, éd. Wüstenfeld. Gœttingue, 1842-47.

Notices sur quelques manuscrits arabes, par R. Dozy. Leyde, 1847-51.

Nowairî, Histoire d’Espagne. Je cite les pages du man. de Leyde nº 2 h, mais j’ai soigneusement collationné le man. de Paris nº 645, qui est beaucoup meilleur et qui comble plusieurs lacunes.

Paulus Emeritensis, De vita P. P. Emeritensium, dans l’Esp. sagr., t. XIII.

Pélage d’Oviédo, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Raihân al-albâb, man. de Leyde nº 415. Voyez mon Catalogue, t. I, p. 268, 269.

Râzî, traduction espagnole. Cronica del Moro Rasis, dans les Memorias de la Academia de la Historia, t. VIII. Comparez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 24, 25.

Recherches sur l’histoire et la littérature de l’Espagne pendant le moyen âge, par R. Dozy. 1re édition, Leyde, 1849, 2de édition, Leyde, 1860.

Rodrigue de Tolède, De rebus Hispanicis, dans Schot, Hispania illustrata, t. II. La meilleure édition de son Historia Arabum se trouve dans Elmacini Historia Saracenica, ed. Erpenius.

Sampiro, Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XIV.

Samson, Apologeticus, dans l’Esp. sagr., t. XI.

Sébastien, Sebastiani Chronicon, dans l’Esp. sagr., t. XIII.

Sota, Chronica de los principes de Asturias y Cantabria. Madrid, 1681.

Tabarî, Annales, éd. Kosegarten.

Tarîkh Ibn-Habîb, man. d’Oxford, Catalogue de Nicoll nº 127. Comparez mes Recherches, t. I, p. 32 et suiv.

Vita Beatae Virginis Argenteae, dans l’Esp. sagr., t. X.

Vita Johannis Gorziensis, dans Pertz, Monumenta Germaniae, t. IV des Scriptores.

 

 

FIN DE LA LISTE.

INDEX ALPHABÉTIQUE

des matières contenues dans les quatre volumes de l’Histoire des musulmans d’Espagne.

Les chiffres romains indiquent les tomes, les chiffres arabes les pages.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z

A.

Abadsolomes (Léovigild), II. 167, 168.
Abân, fils de Moâwia, I, 297.
Abbâd, c’est-à-dire, Motadhid. Voyez ce nom.
Abbâd, fils de Motamid, IV, 157 et suiv.
Abbâdides (les), leur origine, IV, 9 et suiv.
Abbâs ibn-Ahnaf, III, 346.
Abbâs ibn-Firnâs, poète, II, 169.
Abbâs, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.
Abda, fille de Hichâm, I, 297.
Abdalazîz, petit-fils d’Almanzor, roi de Valence, IV, 4, 21, 43, 47.
Abdalazîz ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 193.
Abdalazîz le Becrite, IV, 85.
Abdalazîz ibn-Hasan, IV, 5.
Abdalazîz, fils de Merwân, I, 174, 183, 186, 197, note 1, 214.
Abdalazîz, fils de Mousâ ibn-Noçair, II, 40, note 1, 43.
Abd-al-djabbâr, fils de Motamid, IV, 278 et suiv.
Abd-al-djalîl, IV, 148.
Abd-al-ghâfir, frère de Djad, II, 252.
Abd-al-hamîd ibn-Basîl, II, 346.
Abdallâh, le sultan, II, 204 et suiv.
Abdallâh, roi de Grenade, IV, 199, 202, 214, 225 et suiv., 270.
Abdallâh, fils d’Abbâs, I, 63, 79.
Abdallâh ibn-Abdalmélic, gouverneur de Moron, I, 360, 361.
Abdallâh, fils d’Abdérame Ier, II, 126, 150, 151.
Abdallâh ibn-Achath le Coraichite, II, 250.
Abdallâh ibn-al-Aftas, IV, 14 et suiv.
Abdallâh, père d’Almanzor, III, 115.
Abdallâh, fils d’Almanzor, III, 209 et suiv.
Abdallâh ibn-Amr, I, 362.
Abdallâh ibn-Haddjâdj, II, 243, 244, 255.
Abdallâh, fils de Handhala, I, 90, 101, 103, 104.
Abdallâh, descendant de Hodhaifa, I, 177 et suiv.
Abdallâh ibn-Maimoun, III, 7 et suiv.
Abdallâh, fils de Mohammed. Voyez Chakyâ.
Abdallâh, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 319.
Abdallâh ibn-Mokhâmis, III, 336.
Abdallâh, fils de Motî, I, 96, 101, 103.
Abdallâh ibn-Omaiya, II, 137, 160.
Abdallâh, fils du calife Omar, I, 80.
Abdallâh Pierre Sèche, III, 190, 210 et suiv.
Abdallâh, fils de Sad, fils d’Abou-Sarh, I, 47.
Abdallâh, fils de Zohair, I, 72, 74, 79 et suiv., 128 et suiv., 171 et suiv.
Abdalmélic, le conquérant de Carteya, II, 33; III, 114.
Abdalmélic ibn-abî-’l-Djawâd, II, 262.
Abdalmélic, fils d’Almanzor, III, 209, 218, 236, 240, 259, 260, 268.
Abdalmélic, fils de Catan, I, 252 et suiv.
Abdalmélic ibn-Habîb, I, 18.
Abdalmélic, fils de Merwân, I, 100, 163 et suiv.
Abdalmélic-Modhaffar, roi de Valence, IV, 124, 127.
Abdalmélic ibn-Mondhir, III, 172 et suiv.
Abdalmélic l’Omaiyade, gouverneur de Séville, I, 359 et suiv.
Abdalmélic ibn-Omaiya, II, 280.
Abd-al-wâhid Routî, II, 310.
Abdérame Ier, I, 298 et suiv., II, 49, 54.
Abdérame II, II, 65, 66, 87 et suiv.
Abdérame III, II, 319 et suiv.; III, 3 et suiv.
Abdérame IV Mortadhâ, IV, 323, 326 et suiv., 343, 344.
Abdérame V, III, 334 et suiv.
Abdérame ibn-Alcama, I, 263, 264.
Abdérame, fils d’Almanzor, III, 240, 268 et suiv.
Abdérame, fils d’Aslamî, II, 346.
Abdérame ibn-Fotais, III, 257.
Abdérame al-Ghâfikî, I, 221.
Abdérame ibn-Habîb le Fihrite, I, 246, 263, 268, 305 et suiv., 375 et suiv.
Abdérame, fils de Hacam II, III, 118, 122, 131, 132.
Abdérame, fils d’Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 302, 311 et suiv., 331.
Abdérame ibn-Motarrif le Todjîbide, III, 193, 209 et suiv.
Abdérame ibn-Noaim le Kelbite, I, 281, 354.
Abdérame ibn-Obaidallâh, petit-fils d’Abdérame III, III, 172 et suiv.
Abdérame, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340.
Abdérame, fils de Yousof le Fihrite, I, 327.
Ablî, poète, II, 213, 220, 230, 231.
Abou-’l-Abbâs, le calife, I, 298.
Abou-Abda (les), III, 260.
Abou-Abda (colline d’), II, 275.
Abou-Abdallâh, missionnaire ismaëlien, III, 13 et suiv.
Abou-Abdallâh Djodhâmî, IV, 67.
Abou-Abdallâh ibn-al-Farrâ, IV, 259.
Abou-’l-Ahwaç Man, III, 131, 193.
— (ibn-Çomâdih), IV, 43.
Abou-Alî Câlî, III, 110, 116, 249.
Abou-Amir ibn-Chohaid. Voyez Ibn-Chohaid.
Abou-Amir Mohammed ibn-al-Walîd, III, 115.
Abou-’l-Aswa, fils de Yousof le Fihrite, I, 357, 362, 375 et suiv.
Abou-Atâ, I, 279, 288, 293.
Abou-’l-Bassâm, II, 80 et suiv.
Abou-Becr, le calife, I, 31 et suiv., 41.
Abou-Becr ibn-Hilâl l’Abdite, I, 341.
Abou-Becr ibn-Ibrâhîm, beau-frère d’Alî l’Almoravide, IV, 262.
Abou-Becr ibn-Moâwia le Coraichite, III, 110, 116.
Abou-Çabbâh, I, 344, 345, 350, 354, 369 et suiv.
Abou-’l-Câsim ibn-al-Arîf, IV, 27 et suiv.
Abou-’l-Câsim Mohammed, le fondateur de la dynastie des Abbâdides, IV, 7 et suiv., 68.
Abou-Djafar Colaiî, IV, 200, 220, 225 et suiv.
Abou-’l-Faradj Isfahânî, III, 108.
Abou-’l-Fotouh, IV, 48 et suiv.
Abou-’l-Fotouh (ou Abou-’l-Fath) Birzélî, IV, 289.
Abou-’l-Fotouh Yousof ibn-Zîrî, III, 124.
Abou-Ghâlib Tammâm. Voyez Tammâm.
Abou-Hafç Omar al-Balloutî, II, 76.
Abou-Harb, II, 264.
Abou-Ishâc d’Elvira, IV, 113, et suiv.
Abou-Ishâc ibn-Mocânâ, IV, 200.
Abou-’l-Khattâr, I, 222, 267 et suiv.
Abou-Merwân, fils de Yahyâ ibn-Yahyâ, II, 281.
Abou-’l-Mofrih, II, 151, 152.
Abou-’l-Moghîra ibn-Hazm, III, 254 et suiv.
Abou-Mohammed Hidjârî, IV, 277.
Abou-Mohammed Odbrî, II, 314.
Abou-Mousâ, I, 64.
Abou-Naçr, seigneur de Ronda, IV, 95.
Abou-Omar Othmân, II, 295.
Abou-Rîch, IV, 52.
Abou-Sofyân, I, 46.
Abou-Thaur, gouverneur d’Huesca, I, 379.
Abou-Wahb, I, 189.
Abou-Yézîd, III, 66 et suiv.
Abou-Zaid, fils de Yousof le Fihrite, I, 349, 355, 356, 357, 362.
Abou-Zora Tarîf, II, 32.
Abrach, secrétaire du calife Hichâm, I, 221, 223.
Acaba (le grand serment d’), I, 27.
Acaba al-bacar (bataille d’), III, 295, 296.
Açbagh ibn-Abdallâh ibn-Nabîl, évêque de Cordoue, III, 103.
Achath, I, 61, 63, 64.
Achdac, cousin d’Abdalmélic, I, 169, 390.
Achdja, tribu, I, 101.
Achtar, I, 62, 63, 64.
Acîlî, III, 176.
Adhhâ, II, 221.
Aftasides (les), IV, 4.
Ahmas de Tolède, III, 38.
Ahmed, fils d’Abdallâh ibn-Maimoun, III, 12.
Ahmed ibn-Bord, III, 335.
Ahmed ibn-Ishâc, II, 347; III, 54 et suiv.
Ahmed ibn-Maslama, II, 332.
Ahmed ibn-Moâwia, III, 27 et suiv.
Ahmed ibn-Yila, III, 65, 79, 87.
Ahnaf, noble de Baçra, I, 139.
Aïcha, veuve de Mahomet, I, 53, 55.
Aichoun, II, 202.
Aihala-le-Noir, I, 30, 34.
Aimée, IV, 153.
Airos, IV, 63.
Akhtal, poète, I, 165, 166.
Alâ ibn-Moghîth, I, 365 et suiv.
Alafoens, origine de ce nom, IV, 12.
Alanje, forteresse, II, 184.
Alcama, lieutenant de Monousa, III, 23.
Alédo, château, IV, 197, 210, 211.
(Siége d’), IV, 214 et suiv.
Alexandrie, prise par les Andalous, II, 76.
Alhambra (l’), assiégé par les Andalous, II, 212, 218 et suiv.
Alhandega (bataille d’), III, 62.
Ali, le calife, I, 44, 51, 52 et suiv.
Ali, prince de Dénia, IV, 182.
Alî l’Almoravide, IV, 247, 248, 260, 263 et suiv.
Alî ibn-al-Carawî, IV, 45.
Alî ibn-Hammoud, III, 316 et suiv.
Al-Mançour, calife abbâside, I, 366, 367, 381, 382.
Al-Mançour, calife fatimide, III, 69.
Almanzor (Mohammed ibn-abî-Amir), III, 111 et suiv.
Almohades (les), IV, 264.
Almoravides (les), IV, 129, 198 et suiv.
Alphonse Ier, III, 24 et suiv.
Alphonse II, III, 229.
Alphonse III, II, 183, 184, 186, 197; III, 27 et suiv.
Alphonse IV, III, 47, 48, 50.
Alphonse V, III, 271.
Alphonse VI, IV, 157, 162 et suiv., 181, 189 et suiv., 230, 238.
Alphonse VII, IV, 265, 267.
Alphonse le Batailleur, IV, 256, 257, 265.
Alphonse, comte visigoth, II, 190.
Alvar Fanez, IV, 195, 196, 203, 238.
Alvaro, II, 107, 114, 165.
Alvitus, évêque de Léon, IV, 120 et suiv.
Amâlî (dictées), ouvrage d’Abou-Alî Câlî, III, 110.
Amir, favori du sultan Mohammed, III, 115.
Amir le Coraichite, I, 291, 292, 325.
Amir ibn-Fotouh, III, 317.
Ammâr, I, 59.
Amr, fils d’Acî, I, 60, 61.
Amr, fils de Thoâba, I, 283.
Amrolcais, I, 22.
Amrous, II, 63 et suiv.
Anbar, III, 298, 299, 302.
Anbasa, I, 227.
Ancar (al-), gouverneur de Saragosse, II, 259, 318.
Anulone, sœur d’Euloge, II, 113, 170, 171.
Apostoliques (les sept), II, 209.
Aqua-Portora (bataille d’), I, 264.
Arâba, I, 5, 6.
Arâbî (al-) le Kelbite, I, 375 et suiv.
Archidona, capitale de Regio, II, 181;
prise par les musulmans, II, 35;
prise par Mondhir, II, 202.
Ardabast, fils de Witiza, II, 49.
Argentea, fille d’Omar ibn-Hafçoun, II, 326, 343.
Arnisol (bataille d’), IV. 257.
Asadî, poète, II, 220, 221, 297.
Askelédja, III, 200 et suiv.
Aslamî, II, 346, 347.
Asmâ, III, 159 et suiv.
Assur Fernandez, III, 70.
Astorga prise et ravagée par les Visigoths, II, 14.
Athanagild, fils de Théodemir, III, 198.
Aurelio, martyr à Cordoue, II, 167 et suiv.
Aurore, III, 118, 119, 120, 131, 132, 147, 153, 155, 171, 221 et suiv.
Aus (les), tribu, I, 23 et suiv.
Ausone, ses vers sur Séville, II, 232, note 2.
Avempace, IV, 263.
Avenzoar (Abou-’l-Alâ), IV, 276.
Axarafe (l’), II, 234.
Azdites (les), c’est-à-dire les Yéménites dans le Khorâsân, I, 119.
Azrakites (les), secte, I, 149.

B.

Babba, I, 151.
Bâbec, III, 7.
Bacdoura ou Nafdoura (bataille de), I, 246 et suiv.
Bacrites (les), tribu, I, 34.
Badajoz. Ibn-Merwân s’y établit, II, 184.
Bâdîs, roi de Grenade, IV, 37 et suiv., 97 et suiv., 108 et suiv., 199, note 2, 220.
Badr, affranchi d’Abdérame Ier, I, 300, 302, 309 et suiv., 368, 384.
Badr, client d’Abdérame III, III, 139.
Badr, le Slave, II, 311, 317, 329, 332, 335, 336; III, 40.
Bagaudes (les), II, 9, 13.
Baladîs (les), I, 358.
Baldegotone, II, 115, 119.
Baldj, I, 244 et suiv.; II, 39.
— (château de), IV, 173.
Baldjâ, I, 147.
Banât-Cain (bataille de), I, 120.
Barbastro, pris par les Normands, IV, 125, 126.
Barcelone, prise par Almanzor, III, 199.
Barhoun, IV, 55.
Basile, chef des Bagaudes, II, 13.
Becr, prince d’Ocsonoba, II, 261, 262.
Béja (révolte des chrétiens de), II, 42.
Ben-Châlîb, IV, 191.
Ben-Naghdéla. Voyez Samuel ha-Lévi.
Benadalid, bourgade, origine de ce nom, I, 343, note 2.
Beni-Abî-Amir (les), III, 114 et suiv.
Beni-’l-Ahmar (les), I, 270.
Beni-Angelino (les), II, 233, 240.
Beni-Asad (les), I, 22.
Beni-Birzél (les), régiment africain, III, 138, 146.
Beni-Casî (les), II, 182, 346.
Beni-Câsim (les), I, 269.
Benicasim, village, I, 269.
Beni-Dhou-’n-noun (les), II, 260; IV, 5.
Beni-’l-Djad (les), I, 269.
Beni-Ferânic (les), II, 260.
Beni-Hâbil (les), II, 262.
Beni-Hâchim (les), III, 52.
Beni-Haddjâdj (les), II, 234, 235.
Beni-Hâritha (les), I, 103.
Beni-Hazm (les), I, 52, 94.
Beni-Houd (les), IV, 4.
Beni-Iforen (les), IV, 5.
Beni-Ishâc (les), III, 54.
Beni-Khaldoun (les), II, 234, 235.
Beni-al-Khalî (les), I, 343.
Beni-Matrouh (les), II, 202.
Beni-Mohallab (les), Berbers, II, 345.
Beni-Mozain (les), IV, 86.
Beni-Razîn (les), IV, 246.
Beni-Rostem (les), I, 308.
Beni-Sabarico (les), II, 233.
Beni-Sohail (les), IV, 182, 183.
Berbers (les), I, 228 et suiv.
Révolte des Berbers d’Espagne, I, 255 et suiv.
Bermude II, III, 195, 196, 206 et suiv., 215, 227 et suiv.
Bichr, fils de Merwân, I, 175, 183, 186, 190, 196 et suiv.
Bichr le Kelbite, gouverneur de l’Afrique, I, 219, 220, 227.
Bizilyânî Abou-Abdallâh, IV, 103 et suiv.
Boabdil-al-Zagal, IV, 167, note 1.
Bobastro, II, 192, 195, 198 etc.
Assiégé et pris par Abdérame III, II, 343.
Bohair, II, 126.
Bologguîn, vice-roi de l’Ifrîkia, III, 183, 200.
Bologguîn, officier berber, IV, 38, 39.
Bologguîn, fils de Habbous, IV, 37, 39, 44, 45, 54.
Boraiha, mère d’Almanzor, III, 115.
Borda, fils de Halhala, I, 182.
Borrel, III, 104, 105, 199.
Braga pillée par les Visigoths, II, 14.
Braulion, évêque de Saragosse, II, 20.
Brenes, village, origine de ce nom, I, 345.

C.

Câdir, roi de Tolède, IV, 189 et suiv., 193 et suiv., 212.
Câfour, esclave de Çâid, III, 250.
Çâid, poète d’Almanzor, III, 214, 247 et suiv., 284.
Cais, fils de Sad, I, 66, 67, 68, 69.
Caisân, I, 157.
Caisites (les), I, 114, 120, 225.
Calfât, poète, II, 315, 316.
Câlî. Voyez Abou-Alî Câlî.
Calife. Abdérame III prend ce titre, III, 48, 49.
Çâlih III, prince de Nécour, III, 39.
Camar, épouse d’Alî l’Almoravide, IV, 263.
Camar, chanteuse, II, 314, 315.
Cantich (bataille de), III, 292.
Capitation (la), II, 40, 41.
Caracuel, II, 185.
Carcaboulia, château, aujourd’hui Carabuey, II, 262.
Carmona, prise par les musulmans, II, 37.
Carrion (le comte de), III, 278 et suiv.
Cartagena (tour), II, 353.
Carteya, II, 32, 353.
Carteyana (tour), II, 353.
Câsim, prince d’Algéziras, IV, 101.
Câsim ibn-Hammoud, III, 316, 326 et suiv.; IV, 7, 8, 11.
Câsim, fils d’Ibn-Tomlos, III, 137.
Câsim le Kelbite, II, 304, 334.
Castro-Moros, c’est-à-dire, San Estevan (de Gormaz), III, 34.
Catan, fils d’Abdalmélic ibn-Catan, I, 262, 268.
Catholico, c’est-à-dire, évêque, III, 103, note 3.
Câyim, calife fatimide, III, 68.
Chakyâ, I, 372, 373, 375.
Chameau (Bataille du), I, 55.
Chamir, I, 77, 78, 277.
Charâdjîb (le), palais à Silves, IV, 146.
Charlemagne, I, 376 et suiv.
Charles-le-Chauve, II, 168, 182.
Charles Martel, I, 252.
Chauch (couvent de), III, 280.
Chiites (les), I, 156 et suiv.; III, 3 et suiv.
Chimène, IV, 245.
Chohaid (les), III, 260.
Cid (le). Voyez Rodrigue le Campéador.
Ciffîn (Bataille de), I, 59.
Clunia, ville, III, 42.
Codâm le nègre, IV, 51, 53.
Coïmbre (conduite des Suèves à), II, 15.
Colaiî. Voyez Abou-Djafar Colaiî.
Colomba, épouse d’Omar ibn-Hafçoun, II, 326.
Colombera, villa, I, 345.
Colthoum, I, 244 et suiv.
Çomail, I, 273, note 1, 274 et suiv.
Coraib ibn-Khaldoun, II, 235 et suiv., 243, 255, 257 et suiv., 299 et suiv.
Corbeau (église du), II, 261.
Cordoue, prise par les musulmans, II, 36.
(Cathédrale de), II, 48, 49.
(Université de), III, 110.
(Population chrétienne de), II, 50, 101 et suiv.
(Révolte des renégats de) contre Hacam Ier, II, 54 et suiv.
Cotaiba ibn-Moslim, I, 205, 211, 213, 216.
Covadonga (caverne de), III, 22.
Crète (la), II, 76.
Cutanda (bataille de), IV, 259, note 1.

D.

Daisam ibn-Ishâc, II, 263, 277.
Défenseurs (les), I, 27, 41, 52, 111.
Dhahhâc, I, 125, 126, 130, 131, 134.
Dhaloul, III, 39.
Dhou-’l-Kholosa, idole, I, 22.
Didyme, II, 10.
Djâbia (diète de), I, 130 et suiv.
Djâbir, IV, 182, 183.
Djâbir, fils d’Ibn-Chihâb, I, 340.
Djad, gouverneur d’Elvira, II, 215, 244 et suiv., 250 et suiv.
— (Bataille de), II, 216.
Djad, fils d’Abdallâh, I, 177 et suiv.
Djafar, nom que Hacam II avait donné à Aurore, III, 133, note 1.
Djafar, hâdjib de Hacam II, III, 102.
Djafar, fils d’Alî ibn-Hamdoun, III, 130, 184, 193, 194.
Djafar fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340 et suiv.
Djafar le Véridique, III, 4.
Djafarî ou Djoaifirî. Pourquoi les affranchis d’Aurore portaient ce surnom, III, 133, note 1.
Djahwar (les), III, 260.
Djarancas, montagne, II, 349.
Djarîr, poète, IV, 280.
Djaudhar, III, 134 et suiv., 171 et suiv.
Djauwâs, I, 208, 392.
Djéhâne, II, 228.
Djidâr le Caisite, I, 342, 343.
Djonaid, II, 244, 255.
Dorrî, III, 145, 146.
Dulcidius, évêque de Salamanque, III, 44.
Duodécimains (les), secte, III, 12.

E.

Ecija, assiégée par le sultan Abdallâh, II, 287, 288.
Ecoles primaires dans l’Espagne musulmane, III, 109.
Egica, II, 27, 28.
Elisabeth, religieuse, II, 131.
Elvira. Histoire de cette province sous le règne d’Abdallâh, II, 209 et suiv., 292 et suiv.
Elvire, régente de Léon, III, 106.
Empédocle, III, 19.
Enfant (l’) de l’enfer, c’est-à-dire, Walîd, frère utérin d’Othmân, I, 48.
Ermengaud d’Urgel, III, 295, 296.
Esmant, village, II, 168.
Eudes, duc d’Aquitaine, I, 256.
Euloge, II, 104, note 2, 105, 106, 112 et suiv., 135, 136, 142 et suiv., 165, 170 et suiv.

F.

Fadhl, I, 102, 103.
Fadhl, fils de Motawakkil, IV, 244, 245.
Fadhl ibn-Salama, II, 318.
Fadjîl ibn-abî-Moslim, II, 308 et suiv.
Fajardo (don Pedro), IV, 167, note 1.
Fath (ville d’al-), II, 349.
Fath, fils de Motamid, IV, 172, 237, 238.
Fath, seigneur d’Uclès, II, 260.
Faucon gris (le), IV, 149 et suiv.
Fâyic, III, 134 et suiv.
Fée (la), IV, 154.
Ferazdac, poète, I, 143.
Ferdinand Ier, IV, 118 et suiv.
Ferdinand Gonzalez, III, 51, 65, 70 et suiv., 81, 89, 96, 107.
Fez (fondation de), II, 76, 77.
Fezâra (les), tribu, I, 120.
Fihrites (les), I, 284.
Flora, II, 115 et suiv., 143 et suiv.
Fontîn (al-), I, 324.
Fortunio, page du sultan Abdallâh, II, 205.
Fosse (journée de la), II, 67.
Fotais (les), III, 260.
Frère. Les eunuques se donnaient ordinairement ce nom, III, 136, note 1.
Froïla II, III, 47.

G.

Galice. Ce mot désigne quelque-fois la province de Beira, III, 230, note 1.
Galindo, comte de la Cerdagne, I, 379, 381.
Garcia, roi de Navarre, III, 53, 95, 105, 243 et suiv.
Garcia Fernandez, comte de Castille, III, 191, 212 et suiv.
Garcia, fils d’Ordoño IV, III, 103.
Garcia Ximenez, IV, 197.
Gaton, comte du Bierzo, II, 163.
Georges, martyr à Cordoue, II, 167 et suiv.
Ghâlib, III, 77, 96, 97, 103, 105, 126 et suiv., 153 et suiv., 182 et suiv.
Gharbîb, poète, II, 63.
Gharcad, grande ronce épineuse, I, 98.
Ghazzâlî, IV, 235, 253, 254.
Gibraltar, Gebal-Târic, II, 32.
Gomez (les), comtes de Carrion, III, 215, 278.
Gomez, fils d’Antonien, II, 137 et suiv., 160.
Gonsalve, comte galicien, III, 106.
Gonsalve Gonzalez, III, 207.
Guadacelete (bataille du), II, 163, 164, 282.
Guadaira (bataille du), III, 297.
Guadalbollon (bataille du), II, 318.
Guadalete (bataille du), I, 280, 281.
Gudila, II, 210; IV, 256.
Guèbres (les), III, 5.
Guerour, IV, 242, 243.
Guillaume au Court nez, IV, 125.

H.

Habbous, III, 307; IV, 4, 25, 27 et suiv., 37.
Habentius, II, 133.
Habîb, lieutenant de Mohammed ibn-Haddjâdj à Carmona, II, 338.
Habîb, premier ministre d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 14, 80.
Habîb le Fihrite, I, 242, 243.
Habîb le Slave, III, 61.
Habîba, III, 338 et suiv.
Hacam Ier, II, 58 et suiv.
Hacam II, III, 75, 95 et suiv., 188.
Hacam, oncle du calife Othmân, I, 45.
Hacam (des Beni-Hâchim), III, 54.
Hacam ibn-Saîd, III, 361 et suiv.
Haççâdî, IV, 105, 106.
Hâchim, ministre de Mohammed Ier, II, 158, 183, 185, 186, 187, 188, 196, 197, 198.
Hâchim le forgeron, II, 97, 98.
Hâchim, frère de Djad, II, 252.
Haddjâdj, I, 109, 170, 173, 174, 200 et suiv., 225.
Hâdî, IV, 182, 183.
Hafç ou Hafçoun, II, 190, 191, 192.
Hafç, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 208, 340, 342, 343.
Hafç ibn-el-Moro, II, 225.
Haitham, gouverneur de l’Espagne, I, 220 et suiv.
Halhala, I, 183 et suiv.
Hamdouna, III, 56.
Hammâm, chef des Nomair, I, 135.
Hamza, oncle de Mahomet, I, 47.
Hanach Çanânî, II, 209.
Handhala le Kelbite, I, 267.
Hanokh (Rabbi), IV, 27.
Hâritha, noble de Baçra, I, 139, 140, 141, 152, 153, 154.
Hâroun ar-rachîd, II, 89 et suiv.; IV, 204, note 1.
Hâroun, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.
Harra, I, 100.
(Bataille de), I, 101 et suiv.
(Enfants de), I, 105.
Harrânî, médecin, II, 126, 127.
Hasan, fils d’Alî, I, 66 et suiv.
Hasan de Baçra, théologien, I, 143.
Hasan ibn-Kennoun, III, 124 et suiv, 200 et suiv.
Hasan ibn-Yahyâ, faqui, III, 271.
Hasan ibn-Yahyâ le Hammoudite, IV, 58, 59.
Hasdaï ibn-Chabrout, III, 75, 83 et suiv.
Hassân ibn-Mâlic ibn-Bahdal, I, 123, 124, 125, 130, 132.
Hassân ibn-Thâbit, poète, I, 52.
Hâtim, père de Çomail, I, 277.
Hauthara ibn-Abbâs, III, 56.
Hauzanî, IV, 11, 14.
— (Abou-Hafç), IV, 129.
Hayât ibn-Molâmis, I, 344.
Hazm, III, 341.
Hermogius, évêque de Tuy, III, 44.
Hichâm, le calife, I, 218 et suiv., 229 et suiv.
Hichâm Ier, II, 55 et suiv.
Hichâm II, III, 122, 131, 132, 143, 177 et suiv.
— (le pseudo-), IV, 18 et suiv., 101, 102.
Hichâm III, III, 360 et suiv.
Hichâm, oncle du sultan Abdallâh, II, 258, 298 et suiv.
Hichâm, petit-fils d’Abdérame III, III, 259, 271.
Hichâm ibn-Ozra, I, 366.
Hichâm-Moçhafî, III, 137, 163.
Hichâm, surnommé Rachîd, III, 286 et suiv.
Hiçn-Aute (Yznate), II, 190.
Hidjârî Abou-Mohammed, IV, 277.
Hilduin, II, 166.
Hind, mère de Moâwia, I, 46, 47.
Hobâb le Coraichite, I, 292, 325.
Hobâsa, III, 307.
Hoçain, général, I, 127, 128, 130, 131.
Hoçain, chef des Cab ibn-Amir, I, 326, 327, 341.
Hoçrî, poète, IV, 271, 272.
Hodair, II, 72, 73.
Hodhaifa ibn-Badr, I, 176.
Hodhail, lieutenant de Zohair, IV, 41.
Hodhail, fils de Çomail, I, 385.
Hodhail, fils de Zofar, I, 166.
Holal, mère de Hichâm Ier, I, 353.
Homaid ibn-Bahdal, I, 174, 175 et suiv.
Honaida, II, 214, note 1.
Honoriens (les), II, 11.
Horaith le Sauteur, I, 93.
Hosain, fils d’Alî, I, 72, 74 et suiv.
Hosain ibn-Yahyâ, I, 379, 381.
Hosâm-ad-daula, seigneur d’Albarrazin, IV, 195.
Hostegesis, évêque de Malaga, II, 47, 48.
Hotaia, poète, I, 49.
Hroswitha, III, 92.
Huebar, village, II, 238.
Hugues de Provence, roi d’Italie, III, 68.
Hyacinthe, page de Hacam Ier, II, 60, 71, 72.

I.

Ibn-Abbâs, vizir de Zohair, IV, 34 et suiv., 55, 56.
Ibn-Abdalazîz, prince de Valence, IV, 177 et suiv.
Ses fils, IV, 195.
Ibn-Abd-aç-çamad, poète, IV, 281.
Ibn-Abd-rabbihi, poète, II, 285, 315.
Ibn-abî-Abda. Voyez Obaidallâh ibn-abî-Abda.
Ibn-abî-’l-Afia, III, 49.
Ibn-abî-Amir. Voyez Almanzor.
Ibn-abî-Corra, IV, 88 et suiv.
Ibn-abî-Wadâa, III, 306, 307, 308.
Ibn-Adham, IV, 200.
Ibn-Adhhâ Mohammed, II, 294 et suiv.
Ibn-Aflah. Voyez Mohammed ibn-Aflah et Ziyâd ibn-Aflah.
Ibn-Aghlab, II, 271, 290.
Ibn-Ammâr, IV, 133 et suiv., 163 et suiv.
Ibn-Amr, I, 135.
Ibn-Angelino. Voyez Mohammed ibn-Angelino.
Ibn-al-Arîf. Voyez Abou-’l-Câsim.
Ibn-Arous, III, 173.
Ibn-Ascalédja, III, 272.
Ibn-Attâf, seigneur de Mentesa, II, 259.
Ibn-Bacanna, IV, 36, 45, 50, 51, 58.
Ibn-Bâddja (Avempace), IV, 263, note 1.
Ibn-Bahdal. Voyez Hassân ibn-Mâlic et Saîd ibn-Bahdal.
Ibn-Bakî, poète, IV, 251.
Ibn-Bartâl, III, 115.
Ibn-Becr, III, 306.
Ibn-al-Binnî, poète, IV, 251, note 2.
Ibn-Bord, III, 269, 270, 335.
Ibn-Chabîb, IV, 42.
Ibn-as-Châlia, II, 262, 327, 330.
Ibn-Chammâs, II, 60, 61.
Ibn-Chihâb, I, 294, 326, 327.
Ibn-Chohaid Abou-Amir, III, 351, 356, 363, 364, 365.
Ibn-Colzom, II, 297, note 3.
Ibn-al-Coutia, III, 110, 116.
Ibn-Dhacwân, III, 176, 269, 270, 293.
Ibn-Dhî-’l-calâ, I, 164.
Ibn-Djâbir, III, 165, 166.
Ibn-Djahwar, vizir sous Hichâm II, III, 166.
Ibn-Djahwar (Abdalmélic), IV, 154 et suiv.
Ibn-Djahwar (Abdérame), IV, 154.
Ibn-Djahwar Abou-’l-Hazm, III, 324, 359 et suiv.; IV, 5 et suiv., 22, 25.
Ibn-Djahwar (Abou-’l-Walîd), IV, 81, 83, 84, 154, 156.
Ibn-al-Djaiyâr, III, 324, 363.
Ibn-Doraid, III, 248.
Ibn-al-Faradhî, III, 309.
Ibn-al-Farrâ Abou-Abdallâh, IV, 259.
Ibn-Fotais Abdérame, III, 257.
Ibn-Ghâlib. Voyez Mohammed ibn-Ghâlib.
Ibn-Ghânim, II, 197.
Ibn-Haddjâdj, collègue d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 11, 14.
Ibn-Haiyân, IV, 20.
Ibn-Hakîm, I, 198.
Ibn-Hamdîn, IV, 250, 251, 254, 255.
Ibn-Hamdîs, poète, IV, 279.
Ibn-Haucal, III, 17, 21, 181.
Ibn-Hauchab, III, 13.
Ibn-Hazm Abd-al-wahhâb, III, 351, 356.
Ibn-Hazm Abou-’l-Moghîra, III, 254 et suiv.
Ibn-Hazm Ahmed, III, 342, 348.
Ibn-Hazm Alî, III, 309, 341 et suiv., 356; IV, 20.
Ibn-Hodair, vizir de Hacam II, III, 122.
Ibn-Horaith, I, 283 et suiv.
Ibn-Idhâh, chef de la tribu des Acharites, I, 83 et suiv., 99, 103.
Ibn-Imrân, III, 353, 354.
Ibn-Iyâch, III, 166.
Ibn-Kennoun. Voyez Hasan ibn-Kennoun.
Ibn-al-Khadâ, secrétaire de Hacam Ier, II, 60.
Ibn-Khalaf (de Malaga), IV, 278.
Ibn-al-Khalî, II, 306, 318.
Ibn-Khâlid, client omaiyade, I, 310 et suiv., 370, 371.
Ibn-al-Khatîb, IV, 286.
Ibn-Khattâb, III, 197, 198.
Ibn-Khazroun, IV, 92 et suiv.
Ibn-al-labbâna, poète, IV, 271, 278, 280.
Ibn-al-Macwâ, III, 246.
Ibn-Maimoun, amiral, IV, 263.
Ibn-Man, I, 135.
Ibn-Masarra, III, 19, 20, 261; IV, 254.
Ibn-Mastana, II, 262, 265, 278, 286, 307, 311, 318, 326.
Ses fils, II, 345.
Ibn-Merwân, II, 183 et suiv., 207, 238, 260.
Ibn-Mikhnaf, I, 198, 199.
Ibn-Mocânâ Abou-Ishâc, IV, 200.
Ibn-Mohâdjir, II, 99.
Ibn-Mozain, IV, 86.
Ibn-Nâdir, II, 73.
Ibn-Nouh, IV, 87 et suiv.
Ibn-Ocâcha, IV, 157 et suiv.
Ibn-Omar (château d’), II, 262.
Ibn-Rachîc, IV, 173, 174, 180, 211, 214, 223.
Ibn-Rochd, IV, 257.
Ibn-Sabarico, II, 247.
Ibn-as-Saccâ, IV, 155.
Ibn-Salâm, IV, 186.
Ibn-Salîm, seigneur de Medina-Beni-Salîm, II, 259.
Ibn-as-Salîm. Voyez Mohammed ibn-as-Salîm.
Ibn-as-Sonbosî, III, 246.
Ibn-Tâhir (Abou-Abdérame), IV, 168 et suiv., 177.
Ibn-Taifour, IV, 15, 81.
Ibn-Tâkît, II, 260.
Ibn-Tofail, I, 279.
Ibn-Tomlos, III, 98, 102, 125.
Ibn-Waddhâh, seigneur de Lorca, II, 259.
Ibn-Yahyâ, seigneur de Niébla, IV, 81 et suiv.
Ibn-al-Yasa, seigneur de Lorca, IV, 211.
Ibn-Zaidoun (Abou-Becr), IV, 176, 185, 186, 191, 200.
Ibn-Zaidoun (Abou-’l-Walîd), IV, 216.
Ibn-Zobair. Voyez Abdallâh ibn-Zobair.
Ibn-Zohr Abou-’l-Alâ, IV, 276.
Ibrâhîm, général de Mokhtâr, I, 160.
Ibrâhîm ibn-Câsim, II, 306.
Ibrâhîm ibn-Edrîs, III, 203.
Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 255, 257 et suiv., 298 et suiv., 321.
Ibrâhîm ibn-Khamîr, II, 265, 266.
Idrîs, II, 76.
Idrîs Ier, III, 331, 332; IV, 24, 50, 58.
Idrîs II, IV, 59 et suiv., 66.
Idrîs III, IV, 66.
Ildje, dans le sens de renégat, I, 338, note 1.
Imâd-ad-daula, roi de Saragosse, IV, 246, 247, 248 dans la note.
Isâ, vizir de Rachîd, IV, 185.
Isâ, client omaiyade, I, 333 et suiv.
Isâ ibn-Dînâr, II, 60, 61.
Isâ, fils de Moçab, I, 167.
Isaäc, moine, II, 130 et suiv.
Ishâc ibn-Ibrâhîm, II, 330.
Ishâc ibn-Mohammed, seigneur de Carmona, IV, 80, 82.
Ishâc Maucilî, II, 89 et suiv.
Isidore de Béja, II, 42.
Isidore (saint) de Péluse, II, 22.
Isidore (saint) de Séville, II, 22, 23; IV, 121 et suiv.
Ismaëliens (les), III, 4 et suiv.
Ismâîl, fils de Djafar le Véridique, III, 4.
Ismâîl, père d’Abou-’l-Câsim Mohammed l’Abbâdide, IV, 10.
Ismâîl, fils d’Abou-’l-Câsim Mohammed, IV, 15, 16, 23, 24, 50, 51.
Ismâîl, fils de Motadhid, IV, 82, 103 et suiv.
Ismâîl ibn-Dhî-’n-noun, IV, 20.
Ismâîl, fils d’Obaidallâh, I, 241.
Itâf, fils de Noaim, IV, 10.
Itimâd. Voyez Romaiquia.
Izz-ad-daula, fils de Motacim, IV, 243.

J.

Jean, marchand de Cordoue, II, 128 et suiv.
Jérémie, moine, II, 130, 131, 133.
José-Maria, II, 178, 179.
Joseph, fils de Samuel ha-Lévi, IV, 112 et suiv.
Joseph, frère d’Euloge, II, 113.
Juifs (persécutions des) par les Visigoths, II, 26 et suiv.
Jules (le fils de), II, 163.
Julien, gouverneur de Ceuta, II, 31, 32.

K.

Kelbites (les), I, 120.
Ketâmiens (les), III, 13 et suiv.
Khair ibn-Châkir, II, 262, 276, 277.
Khairân, III, 298, 299, 302, 315 et suiv., 322, 323, 326 et suiv., 331, 343, 358, 359; IV, 4.
Khalaf. Voyez Hichâm II (le pseudo-).
Khalaf, trésorier d’Omar ibn-Hafçoun, II, 307.
Khalaf ibn-Becr, II, 347, 348.
Khâlid, I, 33.
Khâlid, secrétaire de Yousof le Fihrite, I, 330, 333 et suiv., 357.
Khâlid ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 193 et suiv.
Khâlid ibn-Khaldoun, II, 298, 301, 303, 304.
Khâlid le Fihrite, I, 242, 243, 245.
Khâlid, fils de Yézîd Ier, I, 124, 132, 174.
Khalîl, II, 260.
Kharâdj (le), impôt sur les productions, II, 41.
Khazradj (les), tribu, I, 23 et suiv.
Khorramîa (les), secte, III, 7.

L.

Lacant, I, 358.
Lago de la Janda, II, 33.
Lât, idole, I, 28, 30.
Léocritia, II, 170, 171, 173.
Léon (royaume de), son origine et son histoire, III, 21 et suiv.
Léon III, pape, III, 229.
Léovigild, surnommé Abadsolomes, II, 167, 168.
Lope, fils de Mohammed ibn-Lope, II, 318, 319.
Lope, fils de Mousâ II, II, 182.
Lucéna (juifs de), IV, 255.
Lugo (meurtres commis à) par les Suèves, II, 15.
Luna, IV, 153.

M.

Maäddites (les), I, 23, 114 et suiv.
Mabramân ibn-Yézîd, III, 248.
Mahdî (le). Voyez Ahmed ibn-Moâwia.
Mahdî, cousin de Coraib ibn-Khaldoun, II, 243, 258.
Mahdî (Mohammed), III, 271 et suiv.; IV, 78.
Mahomet, I, 18 et suiv.
Son opinion sur la noblesse, I, 39, 40.
Opinions des chrétiens de Cordoue sur sa vie et sa doctrine, II, 106 et suiv.
Maisara, chef des non-conformistes, I, 241 et suiv.
Maisara, renégat, II, 99.
Maisour, III, 133.
Makil, fils de Sinân, I, 101, 105, 106.
Malego, au lieu de Lamego, III, 234, note 1.
Mâlic ibn-Anas, II, 56 et suiv.
Mâlic, fils de Bahdal, I, 120.
Mâlic, fils de Hobaira, I, 132.
Mâlic, fils de Motamid, IV, 241.
Mâlic ibn-Wohaib, IV, 252.
Mallâhî, II, 260.
Mamoun, II, 76.
Mamoun, roi de Tolède, IV, 119, 127, 155 et suiv.
Mancio, II, 168.
Mançour, musicien, II, 93.
Manzil-Hânî, III, 279.
Marguérite (la), forteresse, II, 262.
Marie, religieuse, II, 143 et suiv.
Marthad, roi du Yémen, I, 20.
Masarrîa (les), III, 261.
Maslama, fils d’Abdalmélic, I, 164.
Maslama, frère du calife Hichâm, I, 302, 303, 305.
Maslama, frère de Solaimân de Sidona, II, 299.
Masone, évêque de Mérida, II, 21, 44, note 1.
Matarî, I, 368, 369.
Meççâla, III, 38, 39, 49.
Medinaceli, rebâti, III, 72.
Medina Sidonia, prise par les musulmans, II, 37.
Mérida, prise par les musulmans, II, 37, 40.
(Révolte de) contre Hacam Ier, II, 62, contre Abdérame II, II, 96.
Merwân Ier, I, 45, 51, 52, 94, 99, 107, 129 et suiv.
Merwân II, I, 297.
Merwân (des Beni-Hodair), III, 309.
Micdam ibn-Moâfâ, II, 296.
Migetius, II, 355.
Miron, III, 104, 105.
Moâdh ibn-abî-Corra, IV, 90 et suiv.
Moammil, IV, 228, 229, 232.
Moâwia, fils d’Abou-Sofyân, I, 46, 55 et suiv.
Moâwia II, I, 122, 123.
Moçab, I, 383.
Moçab, frère d’Abdallâh ibn-Zobair, I, 162, 163, 167.
Mocâtil el Royo, IV, 228.
Moçhafî, III, 118, 130 et suiv.
Moctadir, roi de Saragosse, IV, 126, 181, 182, 262.
Modhaffar. Voyez Abdalmélic, fils d’Almanzor.
Modhaffar, roi de Badajoz, IV, 15, 16, 81 et suiv.
Modhaffar, seigneur de Lérida, IV, 181.
Modharites (les), I, 114.
Modjéhid, III, 358, 359; IV, 4, 21, 47, 48.
Moghîra l’Omaiyade, I, 385.
Moghîra, frère de Hacam II, III, 136, 138 et suiv.
Moghîth, I, 215.
Moghîth, client des Omaiyades, I, 245, 247, 248.
Mohallab, I, 155, 162, 168, 193 et suiv.
Mohammed Ier, II, 126, 150, 152 et suiv.
Mohammed II, III, 352 et suiv.
Mohammed Ier, prince de Malaga, IV, 63 et suiv., 81.
Mohammed, le douzième imâm, III, 12.
Mohammed (de Tolède), III, 293.
Mohammed (Mahdî). Voyez Mahdî.
Mohammed ibn-Abbâd. Voyez Motamid.
Mohammed ibn-Abbâs, IV, 5.
Mohammed, fils du sultan Abdallâh, II, 242, 244, 246 et suiv., 320, 328.
Mohammed ibn-Abdallâh, seigneur de Carmona, IV, 13, 15, 17, 21, 22 et suiv., 37, 47, 50, 80.
Mohammed ibn-Adhhâ. Voyez Ibn-Adhhâ.
Mohammed ibn-Aflah, III, 119, 120.
Mohammed ibn-Angelino, II, 240 et suiv., 246 et suiv.
Mohammed ibn-Câsim, I, 211, 216.
Mohammed ibn-Ghâlib, II, 239 et suiv., 244, 245.
Mohammed ibn-Hâchim le Todjîbite, III, 52 et suiv., 63.
Mohammed le Hammoudite, prince d’Algéziras, IV, 24, 59, 66, 81.
Mohammed ibn-Hosain, III, 75.
Mohammed, fils d’Ibrâhîm ibn-Haddjâdj, II, 331 et suiv., 338.
Mohammed ibn-al-Irâkî, III, 334 et suiv.
Mohammed ibn-Ismâîl, secrétaire d’Ibn-abî-Amir, III, 169.
Mohammed ibn-Khazer, III, 49.
Mohammed, fils de Lope, II, 197, 318; III, 42.
Mohammed, fils de Martin, IV, 157 et suiv.
Mohammed ibn-Maslama, III, 169.
Mohammed-Moçhafî, III, 157.
Mohammed Modhaffar. Voyez ce dernier nom.
Mohammed ibn-Mousâ, II, 154 et suiv.
Mohammed, fils de Saîd ibn-Hâroun, IV, 87.
Mohammed ibn-as-Salîm, III, 114, 117, 118, 142, 172, note 1.
Mohammed ibn-Wasîm, II, 98.
Mohammed ibn-Yarîm, IV, 12, 14.
Mohammed ibn-Yilâ, III, 277.
Mohammed ibn-Zîrî, IV, 7, 8.
Moïzz, calife fatimide, III, 15, note 2, 76, 77, 124.
Mokhtâr, I, 158 et suiv., 277.
Mola, forteresse, III, 155.
Mondhir III, roi de Hîra, I, 21.
Mondhir (de Saragosse), III, 323, 326 et suiv.; IV, 4, 49.
Mondhir, fils de Mohammed Ier, II, 164, 185, 200, 201 et suiv.
Mondhir ibn-Saîd Bolloutî, III, 117, note 2.
Monfatil, poète, IV, 31.
Monteagudo, forteresse près de Murcie, IV, 177.
Monteagudo, forteresse près de Xerez, II, 300.
Montemayor, château, IV, 278.
Monte-sacro, II, 212, 215.
Monte-Salud, II, 185.
Montexicar, II, 212.
Moslim, fils d’Ocba, I, 97 et suiv., 126.
Monousa, I, 256; III, 23.
Mosailima, I, 33.
Mostaîn, roi de Saragosse, IV, 203, 246.
Motacim, roi d’Almérie, IV, 116, 202, 214, 219, 220, 221 et suiv.
Motadd, fils de Motamid, IV, 212, 242, 243.
Motadhid Abbâd, IV, 14, 68 et suiv., 128 et suiv.
Motamid, IV, 86, 87, 108 et suiv., 130, 133 et suiv.
Motanabbî, IV, 204, note 1.
Motarrif (des Beni-Hâchim), III, 54.
Motarrif, seigneur d’Huete, II, 260.
Motarrif, fils du sultan Abdallâh, II, 294, 299 et suiv., 320.
Motarrif, fils de Hichâm, II, 258.
Motawakkil, roi de Badajoz, IV, 190, 199, 203, 232 et suiv., 243 et suiv.
Mousâ II, II, 182.
Mousâ, de Tolède, II, 164.
Mousâ, des Beni-Dhou-’n-noun, II, 260.
Mousâ, fils de Djafar le Véridique, III, 4.
Mousâ ibn-Noçair, I, 196, 197, 211, 214, 216 et suiv.; II, 31 et suiv.; IV, 12.
Moutamin, roi de Saragosse, IV, 181, 182, 262.
Mowallad (les). Voyez Renégats.
Mozaina, tribu, I, 110.
Muets (les), II, 68.
Mulets. On s’en servait ordinairement au lieu de chevaux, même dans les batailles, I, 349.
Mutonia (bataille de), III, 40.

N.

Nâbil, II, 212.
Naçr, eunuque, II, 96, 122, 124, 126 et suiv.
Nadjâ, IV, 58 et suiv.
Nadjda le Slave, III, 62, 63.
Nafdoura ou Bacdoura (bataille de), I, 246 et suiv.
Nâfi, fils d’Azrac, I, 149, 151.
Nafza ou Nefza, tribu, I, 308; II, 260; III, 27, note 2.
Nécour, ville, III, 36.
Nedjrân (chrétiens de), I, 23.
Nicéphore, IV, 204, note 1.
Nibar (bataille de), IV, 197.
Nizârites (les), I, 114.
Nomân, fils de Bachîr, I, 76, 82, 83, 96, 97, 124.
Non-conformistes (les), I, 64, 142 et suiv.
Influence de leurs doctrines en Afrique, I, 238 et suiv.,
et en Espagne, I, 257.

O.

Obaid le Kilâbite, I, 293, 333 et suiv., 351.
Obaida le Caisite, I, 219, 220 et suiv.
Obaidallâh, calife fatimide, II, 324; III, 14 et suiv.
Obaidallâh, cousin germain de Hacam Ier, II, 73, 74.
Obaidallâh, client omaiyade, I, 310 et suiv., 349, 356, 357, 384.
Obaidallâh le Caisite, gouverneur de l’Afrique, I, 230 et suiv.
Obaidallâh ibn-Abî-Abda, II, 280, 281, 289, 308 et suiv.; III, 34, 35, 40.
Obaidallâh ibn-Câsim, métropolitain de Tolède, III, 98, 103.
Obaidallâh, fils de Mahdî, III, 302.
Obaidallâh, fils de Motacim, IV, 232, 233.
Obaidallâh, fils de Ziyâd, I, 76 et suiv., 141, 145, 147, 390, 391.
Obaidîs, poète, II, 262.
Ocba, père de Walîd, I, 48.
Ocba, fils de Haddjâdj, I, 231 et suiv., 242, 253.
Ocba ibn-Nâfi, I, 236.
Ocsonoba, II, 261.
Odilard, II, 166 et suiv.
Ohaimir (al-), II, 277.
Omaiya, III, 367 et suiv.
Omaiya, prince, II, 98.
Omaiya, frère de Djad, II, 245, 247 et suiv., 253, 255 et suiv.
Omaiya ibn-Abdallâh ibn-Asîd, I, 196.
Omaiya, fils d’Abdalmélic ibn-Catan, I, 262, 268.
Omaiya ibn-Ishâc, III, 56, 57.
Omair, général caisite, I, 162.
Omair le Lakhmite, II, 234, 235.
Omair, fils de Hobâb, I, 137.
Omar Ier, calife, I, 29, 32, 36, 41, 44; II, 50.
Omar II, calife, I, 37, 218, 237.
Omar, fils de Gomez, II, 161, note 1.
Omar ibn-Hafçoun, II, 191 et suiv., 224, 225, 227, 263 et suiv.
Omm-Othmân, épouse de Yousof le Fihrite, I, 329, 352.
Oppas, frère de Witiza, II, 36.
Orch, I, 333.
Ordoño Ier, II, 162.
Ordoño II, III, 33 et suiv., 64.
Ordoño III, III, 72, 73 et suiv.
Ordoño IV, III, 81, 88, 89, 96 et suiv.
Ordoño, évêque d’Astorga, IV, 120 et suiv.
Orose (Paul), II, 16, 17.
Orvigo (bataille de l’), II, 14.
Othmân, le calife, I, 40 et suiv.
Othmân, cousin germain de Yézîd Ier et gouverneur de Médine, I, 90, 92.
Othmân, général des troupes de Baçra, I, 152, 153.
Othmân-Moçhafî, III, 159, 168.
Otton Ier. Jugement d’Abdérame III sur sa politique, III, 58.
Oyaina, chef des Fazâra, I, 42.

P.

Palencia prise et ravagée par les Visigoths, II, 14.
Pampelune (campagne de), III, 47.
Pancorvo (bataille de), II, 197.
Paterna (bataille de), IV, 125.
Paul, martyr à Cordoue, II, 134.
Pélage, III, 22, 23.
Perfectus, prêtre, II, 120 et suiv.
Perle (la), IV, 153.
Philosophie (étude de la) dans l’Espagne musulmane, III, 18 et suiv., 109, 261 et suiv.
Pierre Sèche. Voyez Abdallâh Pierre Sèche.
Pinna-Mellaria, cloître, II, 167.
Polei, forteresse, II, 269. (Bataille de), II, 279 et suiv.
Portilla de Arenas (bataille de), III, 195.

R.

Rachîd, fils de Motamid, I, 169, 172, 184, 185, 199, 239, 241, 242, 273.
Râdhî, fils de Motamid, IV, 183, 201, 211, 212, 233, 242, 243.
Rahîcî, II, 282.
Râhit (bataille de la prairie de), I, 134 et suiv., 347, 348, 391; II, 284.
Ramadhân, confondu avec Redjeb, IV, 296.
Ramâdî, poète, III, 172 et suiv.
Ramire II, III, 50 et suiv., 70 et suiv.
Ramire III, III, 106, 191, 195, 196.
Raudh al-mitâr. Jugement sur ce livre, IV, 291, 292.
Raymond de Barcelone, III, 295, 323.
Raymond-Bérenger II, IV, 168 et suiv.
Reccafred, II, 139, 142.
Reccared, II, 20.
Redjeb, confondu avec Ramadhân, IV, 296.
Réfugiés (les), I, 27, 41.
Regio (serrania de).
Sa population, II, 176 et suiv.
Révolte de cette province, II, 188 et suiv.
Rékeswinth, II, 20, 21, note 4.
Renégats (les), II, 50 et suiv.
Richard Ier, duc de Normandie, III, 107.
Rizc-allâh, IV, 65.
Rocadillo (torre del), II, 353.
Rocher des aigles, III, 126.
Roderic, II, 31 et suiv.
Rodrigue le Campéador (le Cid), I, 155; IV, 212, 245.
Rodrigue Velasquez, III, 105, 235, note 1.
Romaic, IV, 140.
Romaiquia, IV, 140 et suiv., 179, 235, 242, 276.
Roncevaux, I, 379, 380.
Rotland, I, 380.
Royol (el), II, 277.
Rueda (bataille de la), III, 191.

S.

Sabarico, II, 233, note 3.
Sâbic, I, 361, 362.
Sacralias (bataille de), IV, 203 et suiv.
Sacaute, IV, 65, 101, 129.
Sad, officier d’Almanzor, III, 212, 213.
Sad, fils de Djauwâs, I, 221, 273, 391.
Sad ibn-Obâda, I, 270, 271.
Sadoun, eunuque, II, 152 et suiv.
Sadoun, renégat, II, 184, 185.
Saîd, II, 260.
Saîd II, prince de Nécour, III, 37, 38.
Saîd l’Ismaëlien. Voyez Obaidallâh.
Saîd, de la tribu de Fazâra, I, 183, 187, 191.
Saîd ibn-Bahdal, I, 123.
Saîd ibn-Djoudî, II, 216, 222, 225, 226 et suiv., 293, 294, 295.
Saîd ibn-Hâroun, IV, 86.
Saîd ibn-Hodhail, II, 262, 330, 356.
Saîd ibn-Mondhir, II, 349; III, 309.
Saîd, fils de Mosaiyab, I, 105, 110.
Saif-ad-daula, seigneur de Rueda, IV, 248 dans la note, 267.
Saint-Jacques-de-Compostelle (campagne de), III, 228 et suiv.
Saint-Germain-des-Prés, II, 166, 168.
Saint-Vincent (église de) à Cordoue, I, 48.
Sâlim, affranchi, I, 302, 309.
Salvien de Marseille, II, 16, 18.
Samh, II, 39.
Samson, abbé, II, 268.
Samuel, évêque d’Elvira, II, 210.
Samuel ha-Lévi, IV, 27 et suiv., 45, 46, 98 et suiv., 112.
Samuel (II, 305). Voyez Omar ibn-Hafçoun.
Sancho, roi de Léon, III, 70, 73 et suiv., 78 et suiv., 95 et suiv.
Sancho-le-Grand, roi de Navarre, III, 30, 40, 42 et suiv.
Sancho, fils d’Ordoño II, III, 47, 48, 50.
Sancho, comte de Castille, III, 213, 214, 290 et suiv., 302, 303.
Sancho, martyr à Cordoue, II, 133.
Sanchol. Voyez Abdérame, fils d’Almanzor.
San Estevan, forteresse, II, 262.
Santa-Maria (d’Algarve), II, 261.
Sara, petite-fille de Witiza, II, 234.
Saül, évêque de Cordoue, II, 140, 143, 149, 167.
Sauwâr, II, 214 et suiv., 262.
Secunda (bataille de), I, 286 et suiv.
Sened (le), II, 243.
Servando, II, 267 et suiv.
Séville, prise par les musulmans, II, 37.
Son histoire sous le règne d’Abdallâh, II, 232 et suiv., 298 et suiv.,
dans la première moitié du onzième siècle, IV, 7 et suiv.
Sidoine Apollinaire, II, 17.
Sierra de Tirieza, IV, 224.
Siete Filla, château, II, 252.
Siete Torres, village, II, 239.
Simancas (bataille de), III, 62, 63.
Sindola, II, 161, 162.
Sîr ibn-abî-Becr, IV, 237, 240, 244.
Sirâdj-ad-daula, fils d’Alî de Dénia, IV, 182.
Sisenand, IV, 13, note 1.
Sisenand, martyr à Cordoue, II, 134.
Slave (le). Voyez Abdérame ibn-Habîb le Fihrite.
Slaves (les), III, 59 et suiv., 260, note 3.
Soair le Kelbite, I, 190, 191.
Socr, III, 146.
Solaimân, le calife, I, 213, 215 et suiv.
Solaimân Mostaîn, III, 288 et suiv.
Solaimân, seigneur de Lebrija, II, 243.
Solaimân, de Sidona, II, 298, 301.
Solaimân, fils d’Abdérame Ier, I, 299.
Solaimân, fils d’Abdérame III, III, 286, 287.
Solaimân, fils d’Abdérame IV, III, 334 et suiv.
Solaimân ibn-Houd, III, 328, 329.
Solaimân, fils d’Omar ibn-Hafçoun, II, 340, 342.
Somaisir, poète, IV, 218.
Sontebria, ville, I, 372.
Spera-in-Deo, II, 113.
Suèves (les), II, 12 et suiv.

T.

Tabanos, cloître, II, 130, 164.
Tâ-Corona, I, 343, note 2.
Talha, I, 40, 51, 53, 54, 55.
Taliares, défilé, III, 231.
Tâlib ibn-Mauloud, II, 300.
Tâlout, II, 79 et suiv.
Talyâta, village, II, 237.
Tamâchecca, II, 239, 252.
Tammâm Abou-Ghâlib, I, 323, 368.
Tarafa, poète, I, 22.
Târic ibn-Ziyâd, I, 215; II, 32 et suiv.
Tarîf (Abou-Zora), II, 32.
Taroub, II, 96, 126, 151.
Téchoufîn l’Almoravide, IV, 248.
Temîm, roi de Malaga, IV, 199, note 2, 202, 214, 234, 270.
Témîmites (les), c’est-à-dire les Maäddites dans le Khorâsân, I, 119.
Thakîf (les), tribu, I, 341;
leur conversion à l’islamisme, I, 28 et suiv.
Thalaba, I, 244, 265 et suiv.
Thalaba le Djodhâmite, I, 354.
Théodemir, II, 40; III, 198.
Théodemir, martyr à Cordoue, II, 134.
Théodemir, évêque d’Iria, III, 228.
Thoâba, I, 279 et suiv.
Tirieza (Sierra de), IV, 224.
Todjîbî, trésorier du sultan Abdallâh, II, 312.
Tolaiha, I, 33.
Tolède, prise par les musulmans, II, 36.
(Révolte de) contre Hacam Ier, II, 62 et suiv., 97,
contre Abdérame II, II, 97, 98 et suiv.,
contre Mohammed Ier, II, 161 et suiv., 181;
assiégée et prise par Abdérame III, II, 348 et suiv.
Torreximeno, I, 344, note 1.
Torrox, château entre Iznajar et Loja, I, 324.
Torrox, château des Beni-Abî-Amir, III, 114.
Tota, reine de Navarre, III, 53, 57, 62, 73, 82 et suiv.

U.

Usuard, II, 166 et suiv.
Urraque, épouse de Ramire II, III, 73.
Urraque, fille de Ferdinand Gonzalez, III, 72, 82.

V.

Val de Junquera (bataille de), III, 43, 44, 45.
Valadares, district, III, 230, note 2.
Valentius, évêque de Cordoue, II, 268.
Verdun (manufacture d’eunuques à), III, 60.
Vérinien, II, 10.
Villanova des Bahrites, I, 345.
Ville (bataille de la), II, 222.
Vincent (saint), reliques de ce martyr, II, 166.
Visigoths (les), II, 14, 15.

W.

Wâdhih, III, 227, 235, 236, 282, 284, 290 et suiv.
Wâdî-Becca (bataille du), II, 34, 35.
Wâdî-Cais, I, 374, note 1.
Wâdî-Charanba (la Jarama), I, 327.
Wadjîh, I. 384.
Wahabites (les), I, 37, 38, 41.
Wahb, fils d’Amir le Coraichite, I, 325.
Walîd Ier, I, 211 et suiv.; II, 32.
Walîd II, I, 306, 307.
Ses fils, ibid.
Walîd, frère utérin d’Othmân, I, 48 et suiv.
Walîd, frère d’Abdérame Ier, I, 387.
Walîd, frère d’Abdérame II, II, 100.
Walîd, petit-fils d’Abou-Sofyân, I, 124.
Walîd ibn-Khaizorân, III, 98, 99, 103.
Wallâda, IV, 140, 216.
Wamba, II, 29.
Wânzemâr, III, 185, 186.
Wiliésind, II, 146.
Wistremir, II, 161, 165.
Witiza, II, 33.
Wittekind, I, 377, 379.

X.

Ximena, nom de ville, son origine, I, 344.

Y.

Yahyâ, prince d’Ocsonoba, II, 261.
Yahyâ le Kelbite, I, 227.
Yahyâ, frère d’Abdérame Ier, I, 298.
Yahyâ, fils d’Alî ibn-Hamdoun, III, 130.
Yahyâ ibn-Alî le Hammoudite, III, 326, 330 et suiv., 356, 358; IV, 13, 17, 22 et suiv., 289.
Yahyâ, fils d’Anatole, II, 305.
Yahyâ ibn-Çocâla, II, 212.
Yahyâ, fils d’Idrîs Ier, IV, 58.
Yahyâ, fils d’Isaäc le chrétien, III, 115.
Yahyâ ibn-Mohammed Todjîbî, III, 105, 128, 130, 131.
Yahyâ, fils de Mousâ, II, 260.
Yahyâ-Simédja, III, 211.
Yahyâ ibn-Yahyâ, II, 57 et suiv., 69, 79, 88, 89, 107.
Yaîch, roi de Tolède, IV, 4.
Yaumîn, hameau, IV, 10.
Yazîr, IV, 49.
Yéménites (les), I, 23, 114 et suiv., 225 et suiv.
Yézîd Ier, I, 72 et suiv.
Yézîd II, I, 216, 218.
Yézîd ibn-abî-Moslim, I, 216, 229.
Yézîd, fils de Mohallab, I, 211 et suiv., 216, 226.
Yousof le Fihrite, I, 284 et suiv.
Yousof ibn-Basîl, II, 154.
Yousof ibn-Bokht, I, 310.
Yousof ibn-Téchoufîn, IV, 199 et suiv.

Z.

Zabrâ, maîtresse d’Ahnaf, I, 139.
Zadulpho, II, 261.
Zâhir, château, IV, 105.
Zâhira, ville, bâtie par Almanzor, III, 179.
Zahrâ, III, 92.
Zaid, affranchi, I, 336.
Zalal ibn-Yaîch, III, 29.
Zallâca (bataille de), IV, 203 et suiv., 292 et suiv.
Zamora, rebâtie, III, 27.
Zarcâ (fils de), I, 190.
Zâwî, III, 285, 288 et suiv., 317, 318, 326 et suiv; IV, 4.
Zîrî, père de Zâwî, III, 318.
Zîrî ibn-Atîa, vice-roi de la Mauritanie, III, 222 et suiv., 236, 237.
Ziryâb, II, 89 et suiv.
Ziyâd, frère bâtard de Moâwia, I, 75.
Ziyâd ibn-Aflah, III, 137, 172 et suiv.
Zobaidî, III, 176, 177; IV, 12, 14.
Zobair, I, 40, 51, 53, 54, 55.
Zofar, I, 123, 133, 134, 137, 163 et suiv., 184.
Zohair, III, 329; IV, 4, 19, 25, 37 et suiv.

erreurs corrigées:
elle voudrait montrer encore=> elle voudrait monter encore {pg 35}
que j’ai blié=> que j’ai publié {pg 103 (note 98)}
homms de cœur=> homme de cœur {pg 227}
sous a domination des barbares=> sous la domination des barbares {pg 288}

NOTES:

[1] Jusque-là Elvira avait été la capitale de cette province, mais cette ville ayant eu fort à souffrir de la guerre civile, ses habitants émigrèrent vers l’année 1010, et se transportèrent à Grenade.

[2] Son père était l’infortuné Abdérame-Sanchol.

[3] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 157 r. et v.; Abd-al-wâhid, p. 42, 43.

[4] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 129 r.; Abbad., t. II, p. 32, 208 etc.

[5] Abbad., t. I, p. 221.

[6] Abbad., t. I, p. 220. Cf. Caussin, t. III, p. 212, 422.

[7] Abbâd était le trisaïeul d’Ismâîl.

[8] Abbad., t. I, p. 220, 381 et suiv.; t. II, p. 173.

[9] Abbad., t. I, p. 221.

[10] Abd-al-wâhid, p. 65; Abbad., t. I, p. 221.

[11] Abbad., t. I, p. 221.

[12] Les Espagnols et les Portugais substituent ordinairement la lettre f à la gutturale arabe kh. Voyez mon Glossaire sur Ibn-Adhârî, p. 23.—Au reste, on se rappellera que sur la rive droite du Rhin, près de Caub, il y a aussi deux châteaux, Liebenstein et Sternberg, que l’on appelle les frères (die Brüder).

[13] La conquête de Viseu par Mousâ est mentionnée par Maccarî, t. I, p. 174.

[14] Sisenand, dont parle le moine de Silos (c. 90) et qui, après avoir quitté le service de Motadhid pour celui de Ferdinand Ier, devint gouverneur de Coïmbre, était, selon toute apparence, un de ces chrétiens d’Alafoens.

[15] Abbad., t. II, p. 7. L’auteur arabe raconte ceci en parlant de Motadhid, le fils du cadi, mais en ce point il se trompe.

[16] Abbad., t. II, p. 216. L’auteur arabe (Ibn-Khaldoun), au lieu de nommer le cadi, nomme ici par erreur son fils Motadhid.

[17] Il alla d’abord à Cairawân, puis à Almérie, où il devint cadi. Voyez Abbad., t. I, p. 234, note 49.

[18] Abbad., t. I, p. 223.

[19] Abbad., t. I, p. 223-225. Ibn-Khaldoun (Abbad., t. II. p. 209, 216) dit aussi quelques mots de ces événements, mais au lieu de nommer le cadi, il nomme son fils Motadhid.

[20] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v., 82 r.

[21] Abd-al-wâhid, p. 37, 38; Abbad., t. I, p. 222, l. 22.

[22] Abbad., t. II, p. 127, 128.

[23] Abbad., t. II, p. 34.

[24] Abbad., t. I, p. 222; t. II, p. 34.

[25] Abbad., t. II, p. 34.

[26] Abbad., t. I, p. 222.

[27] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r. et v.

[28] Abbad., t. II, p. 34.

[29] Abbad., t. I, p. 222; t. II, p. 34. Sur la date, voyez la note A à la fin de ce volume.

[30] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 81 r.-82 r.; Abd-al-wâhid, p. 38, 43; Abbad., t. II, p. 33. Comparez la note A à la fin de ce volume.

[31] Abd-al-wâhid, p. 43, 45.

[32] Ibn-Khaldoun, fol. 25 v.

[33] Ibn-Khaldoun, fol. 22 v. Comparez la lettre que Zohair fit écrire aux Cordouans par son ministre Ibn-Abbâs, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 170 r. et v.

[34] Abbad., t. II, p. 34.

[35] Journal asiat., IVe série, t. XVI, p. 203-205 (article de M. Munk).

[36] Cronica del Moro Rasis, p. 37.

[37] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 122 r.

[38] Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 97.

[39] Ibid., p. 96, 97.

[40] Journ. asiat., p. 209, dans la note.

[41] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 200 r.

[42] Journ. asiat., p. 222-224.

[43] Journ. asiat., p. 209.

[44] Voyez mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 96, 97.

[45] Cinq millions de francs; au pouvoir actuel de l’argent, trente-cinq millions.

[46] Moïse ben-Ezra (dans le Journ. asiat., p. 212, note) l’appelle Ibn-abî-Mousâ. Tel est en effet le nom que Homaidî donne au vizir Ibn-Bacanna, et c’est à tort que le copiste du man. d’Abd-al-wâhid (voyez mon édition de cet auteur, p. 43) a biffé le mot abî, qu’il avait écrit d’abord.

[47] Abbad., t. II, p. 34.

[48] Journ. asiat., p. 206-208.

[49] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 171 r.-175 r.; Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 134 v., 135 r. (article sur Zohair), 51 v.-52 v. (article sur Abou-Djafar Ahmed ibn-Abbâs al-Ançârî); Maccarî, t. II, p. 359, 360; Abbad., t. II, p. 34.

[50] Voyez Moïse ben-Ezra, cité par M. Munk dans le Journ. asiat., p. 212. Dans ce passage il faut prononcer onchida, au passif, et non anchada, à l’actif, comme l’a fait M. Munk.

[51] Voyez mes Recherches, t. I, p. 245.

[52] Voyez Abbad., t. I, p. 51.

[53] Voyez sur Abou-’l-Fotouh Thâbit ibn-Mohammed al-Djordjânî, outre l’article d’Ibn-al-Khatîb, ceux que lui ont consacrés Soyoutî, dans son Dictionnaire biographique des grammairiens, et Homaidî. Comparez aussi l’article sur Modjéhid, dans Dhabbî (man. de la Société asiatique).

[54] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 114 r. et v. (article sur Abou-’l-Fotouh).

[55] Abd-al-wâhid, p. 44, 65; Abbad., t. II, p. 33, 34, 207, 217. Cf. Ibn-al-Khatîb, fol. 114 v.

[56] Ibn-al-Khatîb, fol. 114 v.-115 v.

[57] Cette date se trouve chez Ibn-Bassâm, t. I, fol. 224 v.

[58] Cet endroit n’existe plus, à ce qu’il paraît.

[59] Abd-al-wâhid écrit ce nom Sacât, d’autres l’écrivent Sacout, ou, d’après la prononciation des Arabes d’Espagne, Sacôt (prononcez le t). Je crois donc que la voyelle longue dans la seconde syllabe a un son intermédiaire entre l’â et l’ô. En français on peut rendre ce son par la diphthongue au.

[60] D’après Ibn-Khaldoun, il alla à Comarès, mais j’ai cru devoir suivre Homaidî.

[61] Voyez Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 107 v. (article sur Bologguîn, fils de Bâdîs).

[62] Abd-al-wâhid, p. 45-49; Ibn-Khaldoun, fol. 22 v., 23 r.; Maccarî, t. I, p. 132, 282-284.

[63] Abbad., t. II, p. 48; t. I, p. 245.

[64] Abbad., t. I, p. 245.

[65] Abbad., t. I, p. 243.

[66] Voyez Abbad., t. I, p. 243, et un poème de Motadhid, ibid., p. 53.

[67] Abbad., t. I, p. 244.

[68] Abbad., t. I, p. 243.

[69] Abd-al-wâhid, p. 68-70.

[70] Abd-al-wâhid, p. 67, 68.

[71] Abbad., t. I, p. 243, 244; Abd-al-wâhid, p. 67; Ibn-Bassâm, t. I, fol. 109 r.

[72] Abbad., t. II, p. 52.

[73] Abbad., t. I, p. 242.

[74] Abbad., t. I, p. 251; t. II, p. 60.

[75] Abbad., t. II, p. 209, 216.

[76] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 109 r. Ibn-Khaldoun (Abbad., t. II, p. 216) donne à ce prince le nom d’al-Azîz. C’est une erreur.

[77] Abbad., t. II, p. 211.

[78] Abbad., t. I, p. 247, 248.

[79] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 108 v., 109 r.; poème d’Ibn-Zaidoun, ibid., fol. 99 v.

[80] Abbad., t. I, p. 248, 249.

[81] Abbad., t. I, p. 252.

[82] Abbad., t. I, p. 252, 253; Ibn-al-Abbâr, dans mes Recherches, t. I, p. 286 de la 1re édition.

[83] Voyez Ibn-al-Abbâr, p. 50, 51.

[84] Voyez Ibn-Bassâm, t. II, dans l’article sur Ibn-Ammâr.

[85] Voyez une lettre sur la prise de Silves qui se trouve dans le chapitre qu’Ibn-Khâcân, dans son Calâyid, a consacré à Abou-Mohammed ibn-Abd-al-barr, et comparez la note B, à la fin de ce volume.

[86] Abbad., t. II, p. 123, 210, 211. La date que donne Ibn-Khaldoun est erronée; j’ai indiqué celle qui se trouve chez Ibn-al-Abbâr.

[87] Un prince aghlabide avait fait mourir de la même manière plusieurs de ses eunuques et de ses gardes dont il voulait se débarrasser. Voyez Ibn-Adhârî, t. I, p. 127.

[88] Voyez Abbad., t. II, p. 14, l. 17.

[89] Voyez la note C, à la fin de ce volume.

[90] Abbad., t. I, p. 247.

[91] Ibn-Haiyân, dans mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 86-88. A la page 86, l. 16, il faut lire: wahadjara charâbaho alladhî lâ çabra laho anho.

[92] Abbad., t. II, p. 210.

[93] Abd-al-wâhid, p. 80; Ibn-Khâcân, Calâyid, t. I, p. 177 (article sur Ibn-Ammâr).

[94] Abbad., t. II, p. 210.

[95] Abbad., t. I, p. 249; t. II, p. 207; Ibn-Khaldoun, fol. 23 r.

[96] C’est une sorte de voile qu’on porte sur la tête et sur les épaules.

[97] Abbad., t. I, p. 250; t. II, p. 6; Abd-al-wâhid, p. 66 (cet auteur se trompe dans la date).

[98] 455 de l’Hégire. C’est ainsi qu’il faut lire, avec le man. de M. de Gayangos, dans le passage d’Ibn-Haiyân que j’ai publié Abbad., t. I, p. 256.

[99] Abbad., t. I, p. 253-259.

[100] Abbad., t. I, p. 51-54, 301, 302; t. II, p. 60, 63-65.

[101] Voyez Journ. asiat., IVe série, t. XVI, p. 210, 217-220, mon Introduction à la Chronique d’Ibn-Adhârî, p. 99-102, et mes Recherches, t. I, p. 292-305. Quelques détails nouveaux m’ont été fournis par Ibn-Bassâm, t. I, fol. 200 v.-201 v.

[102] Mon. Sil., c. 91-93; cf. Chron. Compost., p. 327.

[103] Le moine de Silos l’appelle grandacous.

[104] Comparez mes Recherches, t. I, p. 112.

[105] Dans un poème qu’il composa à l’heure où les croyants se rendaient aux mosquées pour y assister à la prière du matin, il disait: «Il faut boire au lever de l’aube, c’est un dogme religieux, et celui qui n’y croit pas est un païen.» Abbad., t. I, p. 246.

[106] La relation de cette ambassade se trouve dans la chronique du moine de Silos (c. 95-100), qui la tenait des compagnons mêmes d’Alvitus.

[107] Mon. Sil., c. 87, 89, 90; Chron. Compl., p. 317, 318. Voyez sur la date de la prise de Coïmbre, Ribeiro, Dissertações chronologicas e criticas.

[108] Ibn-Bassâm, dernière feuille du man. de Gotha; Maccarî, t. I, p. 111, et t. II, p. 748, 749.

[109] Voyez mes Recherches, t. II, p. 355-374.

[110] Voyez les textes que j’ai publiés dans mes Recherches, t. II, p. LI-LIV.

[111] Mon. Sil., c. 105, 106.

[112] Abbad., t. II, p. 216, 219, 220.

[113] Abbad., t. I, p. 251, 252; Abd-al-wâhid, p. 70.

[114] Abbad., t. II, p. 61, 62.

[115] Abd-al-wâhid, p. 79-81; Abbad., t. II, p. 88; Ibn-Bassâm, t. II, fol. 98 v.

[116] Dans les campagnes de Silves, presque chaque paysan avait le talent d’improviser; voyez Cazwînî, t. II, p. 364.

[117] Voyez le poème de Motamid sur Silves, que nous traduirons plus loin.

[118] Abbad., t. I, p. 384.

[119] Abd-al-wâhid (p. 81, 82) raconte cette aventure avec les propres paroles d’Ibn-Ammâr. Ibn-Bassâm (t. II, fol. 113 r. et v.) l’avait entendu raconter à plusieurs vizirs de Séville, qui la tenaient de Motamid. Voyez aussi Abbad., t. II, p. 120.

[120] Abbad., t. II, p. 151, 152; cf. p. 225, 226. Ce ne fut qu’après son mariage que le jeune prince prit le titre de Motamid, formé de la même racine que le mot Itimâd. Nous avons cru devoir le lui donner par anticipation, mais auparavant il en portait d’autres; voyez Abbad., t. II, p. 69, et comparez p. 61.

[121] Voyez Abbad., t. II, p. 234.

[122] El Conde Lucanor, c. 14.

[123] Abbad., t. II, p. 152, 153.

[124] Abbad., t. II, p. 151.

[125] Abbad., t. II, p. 68.

[126] Abbad., t. II, p. 88.

[127] Abd-al-wâhid, p. 77, 81. D’après une autre tradition (Abbad., t. II, p. 105), Ibn-Ammâr serait revenu à la cour du vivant de Motadhid, mais ce récit me paraît inexact.

[128] Abd-al-wâhid, p. 82.

[129] Il est à peine besoin de dire que le poète a ici en vue des statues et des figures de lions.

[130] Abbad., t. I, p. 39, 84.

[131] Abd-al-wâhid, p. 80.

[132] Abd-al-wâhid, p. 82, 83.

[133] Voyez Abbad., t, II, p. 148.

[134] Abd-al-wâhid, p. 72; Abbad., t. II, p. 222.

[135] Abbad., t. II, p. 146.

[136] Abbad., t. Il, p. 224, 225.

[137] Abd-al-wâhid, p. 72.

[138] Voyez Abbad., t. I, p. 392.

[139] Abd-al-wâhid, p. 73; Abbad., t. II, p. 30.

[140] Abbad., t. I, p. 391.

[141] Abbad., t. I, p. 388.

[142] Ibn-Haiyân, apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 158 v., 159 r.

[143] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 159 r.-160 r.; Ibn-Haiyân, ibid., fol. 160 r. et v.; poème d’Ibn-al-Cacîra, apud Ibn-al-Khatîb, man. P., fol. 51 r. et v.; Ibn-Khaldoun, fol. 25 v. Ce dernier auteur se trompe quand il dit que la prise de Cordoue eut lieu en 461, car Ibn-Bassâm dit: vers la fin de 462. C’est aussi à tort qu’il affirme qu’Abou-’l-Walîd était déjà mort à cette époque; Abd-al-wâhid (p. 43) est tombé dans la même erreur.

[144] Abbad., t. I, p. 46.

[145] Abbad., t, I, p. 322; Lucas de Tuy, p. 100.

[146] Abbad., t. I, p. 46-48, 322-324; t. II, p. 35, 122.

[147] Abbad., t. II, p. 16, 122 (cf. 68); Abd-al-wâhid, p. 90. D’après Ibn-Khaldoun, dans son chapitre sur les Beni-Djahwar, Motamid aurait repris Cordoue en 469 de l’Hégire; mais j’ai cru devoir suivre Abd-al-wâhid, parce que cet auteur donne le jour du mois et de la semaine.

[148] Chron. Compost., p. 327.

[149] Voyez Abbad., t. II, p. 89.

[150] Abd-al-wâhid, p. 83-85.—Vers l’an 1466, raconte Cascalès (Discursos históricos de Murcia, fol. 118), Boabdil al-Zagal joua un jour aux échecs avec don Pedro Fajardo, le gouverneur de Lorca. L’enjeu de l’Espagnol était Lorca, et celui du Maure Almérie. Le dernier gagna la partie, mais don Pedro Fajardo, moins loyal qu’Alphonse VI, lui fit faux bond. Cascalès cite à ce sujet une ancienne romance.

[151] Voyez Ibn-al-Abbâr, p. 186-188.

[152] 471 de l’Hégire; Abbad., t. II, p. 93; Ibn-al-Abbâr, p. 186. La date 474 (Abbad., t. II, p. 87) est erronée.

[153] Abbad., t. II, p. 86, 91-94.

[154] Voyez Abbad., t. II, p. 36.—Ce qu’on appelait alors le château de Baldj, est peut-être Velez-Rubio.

[155] Abbad., t. II, p. 86, 87.

[156] C’était le fils du grand poète Abou-’l-Walîd ibn-Zaidoun.

[157] Ibn-al-Abbâr, p. 189.

[158] A une lieue de Murcie. Les ruines de l’ancien château existent encore.

[159] Voyez Abbad., t. II, p. 87.

[160] Que ce soit Pierre ou Paul, dirions-nous.

[161] Motamid.

[162] Ibn-Ammâr.

[163] Ibn-Rachîc.

[164] En octobre 1081.

[165] Abbad., t. II, p. 103-119; Ibn-Bassâm, t. II, article sur Ibn-Ammâr; Abd-al-wâhid, p. 85-90.

[166] Voyez Abbad., t. II, p. 20.

[167] Abbad., t. II, p. 17; chronique arabe-valencienne, traduite dans la Cronica general, fol. 309, col. 3 et 4; Cartâs, p. 109; Rodrigue de Tolède, VI, 23.

[168] Nowairî l’appelle Chalbîb, sans Ben.

[169] Abbad., t. II, p. 231, 187, 174. Ce récit repose sur un témoignage fort respectable, celui d’Ibn-al-labbâna, un des poètes de la cour de Motamid. Cet auteur donne aussi la date (1082), tandis que d’autres historiens disent à tort que cet événement eut lieu après la prise de Tolède par Alphonse. L’auteur du Raudh al-mitâr (Abbad., t. II, p. 238, 239) rapporte une version bien différente et assez bizarre; mais consultez sur ce livre la note D à la fin de ce volume.

[170] Pélage d’Oviédo (c. 11) compte cette ville parmi celles qu’Alphonse avait conquises.

[171] Abbad., t. II, p. 175, 231, 188.

[172] Abbad., t. II, p. 8, 193 (note 27); Cartâs, p. 92. La date est 1082, comme on lit dans le Cartâs; l’auteur du Holal (Abbad., t. II, p. 188) nomme à tort l’année 1084.

[173] Abbad., t. II, p. 18.

[174] Abbad., t. II, p. 19.

[175] Voyez mes Recherches, t. II, p. 126-130.

[176] Abbad., t. II, p. 21; Cartâs, p. 92; Ibn-Khaldoun, Hist. des Berbers, t. II, p. 77 de la traduction.

[177] Comparez Annal. Toled. I, sous l’année 1086, avec mes Recherches, t. I, p. 273, note 4.

[178] Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Mocâtil.

[179] Abbad., t. II. p. 20.

[180] Maccarî, t. II, p. 672.

[181] Abbad., t. II, p. 37.

[182] Abbad., t. II, p. 8, 189 etc.

[183] Bâdîs étant mort en 1073, ses Etats avaient été divisés entre ses deux petits-fils, Abdallâh et Temîm. Le premier avait reçu Grenade, le second Malaga.

[184] Les auteurs qui disent que Motamid lui-même se rendit auprès de Yousof, me semblent avoir confondu la première expédition du monarque africain avec la seconde.

[185] Voyez Abbad., t. II, p. 27.

[186] Ibn-al-Abbâr, dans mes Recherches, t. I, p. 173, 174 de la 1re édition. Voyez aussi Abbad., t. I, p. 169, 175 (vers de Râdhî), t. II, p. 37, 191-193, 231.

[187] Ibn-al-Abbâr, ubi supra; Abbad., t. II, p. 22, 193; Abd-al-wâhid, p. 91.

[188] Le calife Hâroun ar-Rachîd avait répondu à peu près de la même manière à une lettre de l’empereur Nicéphore. Au reste, les auteurs qui font citer à Yousof un vers de Motanabbî, ont pris une citation d’un historien pour une partie de la réponse du monarque. Yousof était trop illettré pour être en état de citer des vers de Motanabbî.

[189] Abbad., t. II, p. 22; Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî, apud Ibn-Khallicân, XII, 16. D’après d’autres auteurs, Alphonse aurait proposé le lundi, le samedi étant la fête des juifs.

[190] Abbad., t. II, p. 23, 38.

[191] Abd-al-wâhid, p. 93.

[192] Kitâb al-ictifâ (Abbad., t. II, p. 23), où il faut retenir la leçon du manuscrit: facollon. Ce témoignage est remarquable, car l’auteur du Kitâb al-ictifâ est très-partial pour les Almoravides.

[193] Voyez la note E à la fin de ce volume.

[194] Abbad., t. II, p. 23, 199.

[195] Abd-al-wâhid, p. 94.

[196] Abbad., t. II, p. 25.

[197] Abbad., t. II, p. 120.

[198] Abbad., t. II, p. 25; il faut rectifier ce passage à l’aide d’Ibn-Khâcân (Abbad., t. I, p. 172-175).

[199] Abbad., t. II, p. 121.

[200] Recherches, t. II, p. 136, 137.

[201] Abbad., t. II, p. 201.

[202] Abd-al-wâhid, p. 92.

[203] Abbad., t. II, p. 202, 203.

[204] C’était le père du vizir de Motamid.

[205] Abbad., t. II, p. 221.

[206] Çâid de Tolède, dans mes Recherches, t. I, p. 4 de la 1re édition.

[207] Ibn-Bassâm, t. I, fol. 230 v.

[208] Abbad., t. II, p. 131, 132.

[209] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 16 v., 17 r., article sur Abou-Djafar Ahmed ibn-Khalaf ibn-Abdalmélic al-Ghassânî al-Colaiî.

[210] Abd-al-wâhid, p. 96, 97.

[211] Abbad., t. II, p. 39, 121, 203; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 25. Dans le récit du Cartâs (p. 99) et surtout dans celui d’Abd-al-wâhid (p. 92), il y a plusieurs inexactitudes. Voyez aussi les Gesta Roderici, et pour la chronologie comparez la note F à la fin de ce volume.

[212] Ibn-al-Khatîb, article sur Abou-Djafar Colaiî.

[213] Abbad., t. II, p. 211.

[214] Ibn-Khaldoun, Hist. des Berbers, t. II, p. 79 de la traduction.

[215] Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Mocâtil.

[216] C’est-à-dire, il est de la même race que toi, il est Berber comme toi.

[217] Ibn-al-Khatîb, man. E., articles sur Abdallâh ibn-Bologguin et sur Moammil; Abbad., t. II, p. 9, 26, 39, 179, 180, 203, 204; Cartâs, p. 99. Sur la date, comparez la note F à la fin de ce volume.

[218] Abbad., t. II, p. 180, 204; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 26; Ibn-al-Abbâr, dans mes Recherches, t. I, Appendice, p. L; Ibn-Khaldoun, Hist. des Berbers, t. II, p. 79 de la traduction.

[219] Ibn-Khaldoun, Hist. des Berbers, t. II, p. 79, 80, 82, Abbad., t. II, p. 27, 151.

[220] Abd-al-wâhid, p. 98.

[221] Abbad., t. I, p. 54, 55. La date que je donne se trouve dans le Cartâs (p. 100) et dans Abd-al-wâhid (p. 98). D’après Ibn-al-Khatîb (Abbad., t. II, p. 178), la prise de Cordoue aurait eu lieu dans le mois d’août.

[222] Cartâs, p. 100.

[223] Cartâs, p. 100, 101; Abbad., t. II, p. 42, 232; Anales Toledanos II, p. 404 (sous la fausse date 1092).

[224] Abd-al-wâhid, p. 98-101; Abbad., t. I, p. 55-59, 303, 304, 306; t. II, p. 68, 178, 204, 205, 227, 228, 232.

[225] Recherches, t. I, p. 279, 281.

[226] Cartâs, p. 101.

[227] Abbad., t. II, p. 44.

[228] Comparez Ibn-al-Khatîb (dans mes Recherches, t. I, p. 179, l. 10-12 de la 1re édition, où il faut lire avec le man. de Berlin emîr au lieu de asr) avec le Chron. Lusit., p. 419, et les Annal. Complut., p. 317.

[229] Ibn-al-Abbâr et Ibn-al-Khatîb (dans mes Recherches, t. I, p. 175, 179 et 180 de la 1re édition); Ibn-Khaldoun, apud Hoogvliet, p. 3 (j’ai corrigé le texte de ce passage dans mes Recherches, t. I, p. 158, 159 de la 1re édition).

[230] Ibn-al-Abbâr, p. 182.

[231] Holal, fol. 30 v.-31 v., 34 r., 39 r. et v.; Ibn-al-Abbâr p. 225 (chez cet auteur le jour du mois ne concorde pas avec celui de la semaine); Cartâs, p. 104.—Imâd-ad-daula resta en possession de Rueda jusqu’en 1130, qu’il mourut. Dix ans plus tard, son fils et successeur Saif-ad-daula céda la forteresse à Alphonse VII.

[232] Abd-al-wâhid, p. 122.

[233] Abd-al-wâhid, p. 127.

[234] Ibn-Khâcân, dans son chapitre sur Abou-Mohammed ibn-al-Djobair, a copié une touchante épître que cet homme de lettres adressa sur ce sujet à Ibn-Hamdîn.

[235] Maccarî, t. I, p. 299; comparez t. II, p. 360, 361, 472.

[236] Chron. Adef. Imper., c. 91.

[237] «Le monde touche à sa fin, disait le poète Ibn-al-Binnî, puisqu’Ibn-Hamdîn nous promet des récompenses. Les étoiles sont encore plus à notre portée que son argent.»—Abd-al-wâhid, p. 123.

[238] Voyez Ibn-Khâcân, apud Maccarî, t. II, p. 590.

[239] Maccarî, t. II, p. 303.

[240] Maccarî, t. II, p. 303, 304; Abd-al-wâhid, p. 123.

[241] Ibn-abî-Oçaibia, article sur Avempace; Maccarî, t. II, p. 322, 323.

[242] Renan, Averroès, p. 97 de la 2de édition.

[243] Gosche, Ueber Ghazzâlîs Leben und Werke (dans les Mém. de l’Acad. de Berlin pour 1858), p. 258, 290.

[244] Article de M. Hitzig sur l’ouvrage de Ghazzâlî, dans le Journ. asiat. allemand, t. VII, p. 173, 174.

[245] Abd-al-wâhid, p. 123, 124, 132; Holal, fol. 41 v.

[246] Voyez plus haut, t. III, p. 19, 20.

[247] Holal, fol. 33 r. et v. Comparez sur Lucéna et sa population juive, Edrisi, t. II, p. 54.

[248] Voyez Journ. asiat., IVe série, t. XVIII, p. 513.

[249] Voyez mes Recherches, t. I, p. 343-360.

[250] Chron. Adefonsi Imperatoris, c. 64.

[251] Cartâs, p. 108.

[252] Abd-al-wâhid, p. 114; Holal, fol. 52 r.; Chron. Lusit., p. 326.

[253] Cité dans le Cartâs, p. 108.

[254] Maccarî, t. II, p. 262, 263; Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 17, 18.—Ce cadi d’Almérie fut tué dans la bataille de Cutanda (près de Daroca), livrée en 1120. Maccarî, t. II, p. 759.

[255] Holal, fol. 35 r.

[256] Cartâs, p. 108; Holal, fol. 33 v.

[257] Holal, fol. 34 r.

[258] Abd-al-wâhid, p. 148.

[259] Avempace est une corruption d’Ibn-Bâddja.

[260] Ibn-al-Khatîb, man. G., fol. 98 v.-100 r. (article sur Abou-Becr ibn-Ibrâhîm); Ibn-Khâcân, Calâgid, article sur Avempace.

[261] Voyez sur ces Roum (qui, au fond, étaient ce qu’on appelait autrefois des Slaves) Chron. Adefonsi Imper., c. 45, 46, 94, Holal, fol. 35 r., 58 r., 62 v.

[262] Abd-al-wâhid, p. 128, 133, 148; Holal, fol. 58 v., 59 r.

[263] Holal, fol. 52 r.

[264] Chron. Adefonsi Imper., c. 13-16. Sur la tour de Cadix ou colonnes d’Hercule, voyez mes Recherches, t. II, p. 328, et l’Appendice, nº XXXV.

[265] Chron. Adef. Imp., c. 60, 82, 88.

[266] Comparez le Holal, fol. 52 r.

[267] Holal, fol. 35 v., 36 r.

[268] Chron. Adefonsi Imper., c. 16.

[269] Chron. Adef. Imper., c. 89.

[270] Voyez Ibn-al-Khatîb, man. E., article sur Abdallâh ibn-Bologguîn.

[271] Abbad., t. I, p. 59-61.

[272] Abbad., t. I, p. 313, 314; t. II, p. 71, 175, 232; Abd-al-wâhid, p. 101, 102.

[273] Abbad., t. I, p. 383.

[274] Abd-al-wâhid, p. 102.

[275] Abbad., t. II, p. 73, 74.

[276] Abbad., t. I, p. 68.

[277] Allusion à l’aventure que j’ai racontée plus haut, p. 142, 143.

[278] Abbad., t. I, p. 63, 64.

[279] Ibn-Zohr en arabe.

[280] Voyez Maccarî, t. II, p. 293.

[281] Parmi les femmes qui avaient apporté du lin à filer aux filles de Motamid, se trouvait la fille d’un arîf ou huissier de l’ex-roi de Séville.

[282] Abd-al-wâhid, p. 109.

[283] Abbad., t. II, p. 147-149.

[284] Voyez le poème d’Ibn-al-labbâna, Abbad., t. I, p. 319, 320, et mon commentaire, ibid., p. 366 et suiv.

[285] Montemayor, près de Marbella, est aujourd’hui ce que les Espagnols appellent un despoblado, un endroit inhabité.

[286] Abbad., t. II, p. 228, 229; t. I, p. 64.

[287] Abbad., t. I, p. 66.

[288] Abbad., t. I, p. 63.

[289] Djarîr était le poète favori du calife Abdalmélic, fils de Merwân.

[290] Abbad., t. I, p. 310, 311.

[291] Abbad., t. I, p. 306.

[292] La révolte d’Abd-al-djabbâr commença en 1093; deux ans après, ce prince fit son entrée dans la ville d’Arcos. Il y fut assiégé par Sîr, le gouverneur de Séville. Lui-même fut tué par une flèche, mais ses partisans ne se rendirent que quelque temps après. Voyez Abbad., t. II, p. 228, et t. I, p. 64, 65.

[293] Abbad., t. I, p. 71.

[294] Ibn-al-Abbâr, Abbad., t. II, p. 63.

[295] Abbad., t. I, p. 40.

[296] Abbad., t. II, p. 66, 67.

[297] Abbad., t. II, p. 222, 223.

[298] Recherches, t. I, p. 184 et suiv.

[299] Abbad., t. II, p. 8, 21-23, 36-39, 134-136, 196-201; Cartâs, p. 94-98; Abd-al-wâhid, p. 93, 94; Abou-’l-Haddjâdj Baiyâsî, apud Ibn-Khallicân, Fasc. XII, p. 16, 17.

[300] Ibn-Khallicân, Fasc. VII, p. 135.

[301] Alaet chez Pélage d’Oviédo (c. 11) qui compte cette ville parmi celles qu’Alphonse conquit; Halahet dans les Gesta Roderici. Au lieu de: «Fue la batalla de Dalaedon,» comme on trouve dans les Annal. Toled. I (p. 386), je crois devoir lire: «Fue la batalla de Alaedo,» ou bien «de Halaedo.»

[302] L’auteur du Cartâs parle d’un siége de Tolède à cette occasion; c’est, je crois, une grave erreur.

[303] Ce reproche frappe surtout l’auteur du Cartâs.

[304] Voyez Abbad., t. II, p. 92.

[305] Abbad., t. II, p. 121 (cf. 122, l. 3).

[306] Abbad., t. II, p. 8, 9.

[307] Abbad., t. II, p. 26, l. 12. En publiant ce passage, j’ai eu tort de changer la leçon du manuscrit; elle est bonne; sous al-ghazwa il faut entendre l’expédition contre Alédo.

[308] Man., fol. 162 v.

[309] Abbad., t. II, p. 39.

[310] Dans ses articles sur Motamid (Abbad., t. II, p. 179) et sur Abdallâh ibn-Bologguîn.

[311] Cartâs, p. 99. L’auteur du Holal dit: pendant un mois; mais comme on voulait affamer les assiégés, et que, jusqu’à un certain point, on y réussit, le siége doit avoir duré plus longtemps.

[312] Un récit très-circonstancié d’Ibn-Haiyân (apud Ibn-Bassâm, t. I, fol. 47 r. et v.) démontre que j’ai eu raison de dire (voyez mes Recherches, t. I, Appendice, nº XVII) qu’il n’y a eu à Saragosse qu’un seul roi de cette famille, à savoir Mondhir, et que c’est ce prince, et non pas son fils, qui a été assassiné en 1039.

[313] J’ai cru devoir donner cette liste parce que j’ai cité mes documents d’une manière fort succincte et que plusieurs d’entre eux se trouvent dans des collections. Je n’ai pas nommé ici les livres que je n’ai cités qu’une ou deux fois, car dans le cours de l’ouvrage j’ai eu soin d’en indiquer l’édition, ou le numéro quand il s’agissait d’un manuscrit.