The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3692, 29 Novembre 1913

This ebook is for the use of anyone anywhere in the United States and most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you will have to check the laws of the country where you are located before using this eBook.

Title: L'Illustration, No. 3692, 29 Novembre 1913

Author: Various

Release date: June 16, 2011 [eBook #36436]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3692, 29 NOVEMBRE 1913 ***







L'Illustration, No. 3692, 29 Novembre 1913


(Agrandissement)

Ce numéro contient:

1º LA PETITE ILLUSTRATION, Série-Théâtre n° 21: Le Secret, de M. Henry Bernstein;

2º Un Supplément économique et financier de deux pages.



LA FRANCE EN ASIE MINEURE Une visite de l'état-major de notre première escadre de la Méditerranée aux écoles françaises d'Adana. L'amiral Nicol sort de l'école des filles, accompagné par la directrice, soeur Mélanie. Phot. Mavropoulo.--Voir l'article, page 407.

L'échéance de la fin de décembre étant une des plus importantes de l'année, nous demandons à ceux de nos lecteurs dont l'abonnement expire à cette date de vouloir bien ne pas attendre pour le renouveler les derniers jours du mois. En nous adressant le plus tôt possible leur renouvellement (France et colonies: 40 francs; Étranger: 52 francs), ils épargneront un surmenage excessif à nos employés au moment des fêtes de Noël et du Jour de l'An, et ils éviteront en même temps tout retard dans la réception des premiers numéros de 1914.

NOTRE NUMÉRO DE NOËL

Le numéro de Noël de L'Illustration a éveillé de tout temps la curiosité et la sympathie du public. Mais c'est surtout dans ces dernières années qu'une faveur croissante des amateurs d'estampes et des bibliophiles a fait, de son apparition très attendue, une sorte d'événement artistique.

Cette vogue flatteuse nous créait des devoirs et nous obligeait chaque année à augmenter le luxe et le volume de cet album, à inventer des présentations nouvelles de nos gravures, à varier les procédés de reproduction, à faire de notre «Noël» une manière de résumé des perfectionnements des arts graphiques à notre époque.

Et chaque année aussi notre tâche devenait plus difficile, car, au problème de la qualité, s'ajoutait celui non moins ardu de la quantité. En huit ans, le tirage du numéro de Noël a doublé. Il dépassera cette fois le chiffre de 200.000 exemplaires.

Depuis plusieurs mois les feuilles, au fur et à mesure de leur impression, viennent s'entasser dans les immenses réserves de la maison G. de Malherbe, à Vaugirard, où elles forment aujourd'hui un monceau de 325 mètres cubes, pesant 268.000 kilos. Deux cents ouvrières procèdent au collage de 9 millions de gravures tirées à part. Il y a deux semaines, l'assemblage et le brochage ont été mis en train, et l'expédition des numéros commencera mercredi prochain 3 décembre, à raison de 20.000 à 25.000 par jour, ce qui demandera neuf ou dix jours pour épuiser le tirage.

Il est matériellement impossible d'activer davantage la sortie d'une édition de pareille importance, car chaque numéro doit être vérifié après brochage, et nous prions nos abonnés de ne pas nous adresser de réclamations avant le 10 décembre, en cas de retard dans la réception de leur numéro. Ils ne nous en voudront pas de leur demander un peu de patience, quand ils sauront quel désintéressement nous impose la fabrication de cette prime, dont le prix de revient, supérieur à 500.000 francs, dépasse de plus de 150.000 francs toutes les recettes réalisables par l'abonnement, la vente et les annonces.

Ce sacrifice est si réel que nous avons dû, cette année, refuser la fabrication de 75.000 exemplaires que d'importantes firmes d'Allemagne, d'Argentine, et un grand journal de New-York nous avaient demandé d'imprimer en allemand, en espagnol et en anglais: nous ne pouvions admettre pour ces éditions étrangères la perte que nous nous résignons à subir sur l'édition française.

Cet empressement de l'étranger, confirmé par les demandes qui nous arrivent de tous pays, est à l'honneur de l'industrie et du goût français, et nos lecteurs et amis nous permettront de tirer vanité du fait qu'aucune publication similaire n'est attendue avec autant de faveur et d'impatience que l'album annuel de L'Illustration française. Un libraire de Vienne n'offrait-il pas par une annonce, en janvier dernier, 2.000 francs pour 100 exemplaires du Noël de 1912 qu'il n'a pu, du reste, obtenir, l'édition ayant été épuisée dès son apparition.

*
* *

Le «clou» du Noël de 1913 sera une étude magnifiquement illustrée sur le MUSÉE JACQUEMART-ANDRÉ, ce somptueux palais, cette merveilleuse collection, comparable seulement à la collection Wallace de Londres, dont l'Institut de France vient d'hériter et dont il ouvrira les portes au moment même où paraîtra notre numéro.

Vingt-six gravures remmargées, dont sept grandes planches, accompagnent le texte qu'ont écrit pour L'Illustration M. Henry Boujon, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts et membre de l'Académie française, et M. Emile Bertaux, chargé de cours à la Sorbonne et conservateur du nouveau musée.

La peinture des anciens maîtres est encore représentée dans notre album par deux oeuvres d'une grâce incomparable, et peu connues, puisqu'elles appartiennent à des collections privées, celles des barons de Bothschild de Londres et de Vienne: Le Baiser envoyé de Greuze, et un portrait intime de la Marquise de Pompadour par Boucher.

Parmi les artistes vivants, Marcel Baschet, de l'Institut, J. A. Muenier, Helleu, Edmund Dulac, Antoine Caïbet, Pierre Duménil, Mossa, F. Waldraff et Clément Mère ont apporté à L'Illustration--Noël de 1913 la plus brillante collaboration.

De Marcel Baschet, c'est un très séduisant profil de Jeune Fille au pastel; de J. A. Muenier, le Réveil, qui fut le succès du dernier Salon; de Paul Helleu, un admirable type d'American beauty.

Edmund Dulac, un des plus appréciés et le plus fidèle des collaborateurs de nos Noëls, a transposé cette année en savoureuses aquarelles des Chansons françaises du vieux temps: la Petite lingère, l'Amoureux transi, Cadet Rousselle, Ma Lison.

Pour célébrer la Jeunesse, et le passé où elle s'épanouissait librement, deux poètes se sont associés; les vers d'André Bivoire encadrant les aquarelles d'Antoine Calbet, c'est, en quatre pages, toute une évocation de la vie antique, des âges d'or.

Et voici, en contraste, les Deux Notre-Dame, Paris et Chartres, les admirables cathédrales gothiques: à leur fervente célébration n'ont pas moins heureusement collaboré le pinceau habile de Pierre Duménil et la plume érudite de Péladan.

Dans ce numéro de Noël, il y a, enfin, un Conte de Noël: la Vierge Sarrasine. Ce récit, à la fois naïf et raffiné, est l'oeuvre d'un grand écrivain, Jules Lemaître. Et il est illustré, par Gustav Adolf Mossa, d'images précieuses comme des miniatures de missel.

Pour présenter L'Illustration-Noël de 1913, F. Waldraff et Clément Mère ont composé une couverture et un frontispice qui sont d'excellents exemples des recherches nouvelles en matière d'art décoratif.

Ainsi, du commencement à la fin de ce numéro, chaque page, chaque gravure, chaque ornement a été l'objet de soins attentifs. Le goût du grand public s'affine de plus en plus et ne supporte plus aucune médiocrité, aucune banalité. Nous avons voulu que rien de médiocre ou de banal ne s'introduisît dans l'ensemble que nous composions à l'intention de nos lecteurs. Nous croyons avoir réussi.



COURRIER DE PARIS

ADIEUX AUX DÉCORS DU PASSÉ

Il suffit de quitter Paris pendant plusieurs mois pour s'apercevoir, à la rentrée, des énormes changements qui chaque année s'y opèrent en notre absence avec une rapidité et une audace surprenantes. Ils nous frappent et nous blessent chaque fois en nous laissant un fonds de triste colère. Sans doute, quand le mal se fait devant nous, sous nos yeux, nous sommes atteints, mais pas de la même façon... tandis que, si nous le trouvons accompli à notre retour, il nous semble --circonstance aggravante--que l'on ait profité de notre éloignement pour le commettre avec plus d'effronterie et de malice.

Voici les Champs-Elysées. Jamais je n'ai mieux senti qu'en les revoyant la semaine dernière la transformation qu'ils ont commencé depuis dix ans de subir.

A peine appréciable d'abord, entamée avec mesure et timidité, puis, mettant bientôt dans sa marche un sans-gêne assuré de toutes les protections, l'oeuvre néfaste est aujourd'hui--sinon totalement et en fait--du moins moralement achevée et couronnée. Les Champs-Elysées ont vécu, et ce qui existe à la place est tout autre chose qui ne les rappelle en rien. L'avenue des Champs-Elysées est morte, et c'est maintenant le boulevard des Champs-Elysées. Pendant quarante-cinq ans de notre vie qui portent le nom d'hier, ce beau chemin fut une allée d'honneur, une avenue de parc impérial, vaste, déserte à certains moments, et qui, même avec de la foule, ne paraissait jamais tout à fait remplie, une voie spacieuse, solennelle, fière et jolie, et dont les arbres étaient la note dominante. On pouvait croire qu'il n'y avait pas de maisons... Et, quand elles se révélaient, c'était mieux que des maisons: des hôtels, qui se tenaient un peu en arrière, comme exprès, bien rangés au second plan. On eût dit qu'ils montaient la garde.

Une majesté charmante, une grâce paisible et toute particulière ennoblissaient cette promenade. Elle respirait le calme et le luxe tranquille. Même à ses heures de plus vive animation, elle n'était pas bruyante et désordonnée. On la comprenait. Elle avait un sens qui s'imposait dans la clarté des grandes lignes. On pouvait s'imaginer qu'elle avait été faite d'un coup, qu'elle était la réalisation, lointaine et soudaine, d'un dessein bien préparé, tellement elle offrait, dans son ensemble, sa perspective, et le fondu de toutes ses parties, une harmonieuse distinction. Monter et descendre cette belle voie «appienne» de verdure, d'où étaient absentes l'image et l'idée des tombeaux, et qui ne s'imposait que comme le riant décor de la vie, de la vie aimable, enivrante, facile, toute droite, et de pente douce, avec un portique de gloire et des horizons rassurants à ses extrémités... constituait une des plus profondes joies quotidiennes pour le Parisien voluptueux de sa ville. Les Champs-Elysées étaient le centre et le jardin de sa pensée. Il ne craignait pas de faire un détour--en allant à son devoir ou à sa folie--pour goûter le plaisir de les suivre ou de les traverser, d'en attraper au moins un bout. C'était une espèce de bain rafraîchissant qu'il prenait chaque fois dans une incroyable détente. Ces Champs-Elysées-là n'éveillaient aucune idée commerciale. Les seules boutiques de l'avenue--dont on n'avait pas le coeur de lui faire un reproche, tant leur modestie s'affirmait touchante et gentille--étaient ces petites constructions de bois découpé où des marchandes en bonnet et à fichus de laine noire... qui avaient l'air un peu parentes des «femmes aux chaises» des églises (n'étaient-ce pas les mêmes?), vendaient des sucres d'orge verts et des biscuits roses, des toupies lie de vin couleur d'oeuf dur et des fouets de postillon dont les pompons de laine semblaient avoir été pris au trousseau des bébés qui les agitaient innocemment. Rien n'était plus facile que de s'isoler et de s'asseoir à l'écart pour lire, ou penser, si le spectacle de la chaussée sillonnée de brillants équipages vous semblait une fatigue ou une dissipation trop prolongée. Enfin, les Champs-Elysées donnaient bien l'impression d'une promenade réservée, d'un salon, d'un palais de verdure, d'une route magnifique et souveraine tracée au milieu de Paris pour procurer à ceux qui s'y engageaient une satisfaction de la plus haute et de la plus rare qualité.

Qu'est devenu aujourd'hui ce lieu incomparable? Qu'en a-t-on fait et laissé faire? Un boulevard... qui garde sans doute encore çà et là un peu de la beauté de ses premiers aspects. Mais l'ensemble est atteint et gâché. Les lignes sont rompues. Le commerce, en l'envahissant, lui a retiré son désintéressement et sa fierté. Il en est des Champs-Elysées comme de la place Vendôme et de tant d'autres endroits sur lesquels est venue s'abattre la hideuse réclame, la publicité outrancière par l'affiche, par l'abus des violentes couleurs, des formes excessives, par l'éclairage extravagant et la pétarade des feux,... par tous les procédés nouveaux enfin qui font de nos rues d'aveuglants champs de foire, des Luna-Park et des Magic-City... des décors d'Exposition universelle un jour de fête de nuit. On cherche malgré soi les chevaux de bois à vapeur et les montagnes russes... Je me représente un défunt d'il y a seulement vingt ans, ramené brusquement à la vie... et au rond-point... vers les six heures... Il ne sait pas où il est: il ne reconnaît rien... Il voit des maisons de sept étages à dômes, à coupoles, à minarets, toute une architecture qui semble le résultat classé d'un concours d'incohérence et de laideur, il voit des inscriptions en lettres de feu, fixes, bicolores, multicolores, alternantes, giratoires et en spirales, éclatant et courant le long des maisons, à tous les étages, dans tous les sens, horizontalement, verticalement, en oblique... il voit des théâtres, des cinémas, des terrasses de café, des magasins d'auto, de chemiserie, d'articles anglais... il voit des panneaux de toile où un enfant de deux ans de vingt mètres de haut, tout nu, avec un nombril grand comme une horloge de gare, glorifie un savon... il voit des hôtels cosmopolites d'une telle élévation que l'Arc de triomphe, écrasé par leur voisinage, n'est plus qu'une petite curiosité pour les amateurs de Vieux Paris, moins qu'une porte Saint-Denis ou Saint-Martin... il est alors ahuri, terrifié; «mais qu'est-ce que c'est que tout ça? qu'est-ce qui se passe?» et quand on lui répond: «Il ne se passe rien, c'est la vie ordinaire, courante. Vous êtes dans les Champs-Elysées», il tombe à la renverse et remeurt de saisissement.

Je ne voudrais pas que l'on crût que je méconnais les beautés du progrès, les efforts de l'activité humaine et des temps nouveaux. Je pense qu'il faut être de son époque et qu'il y a là un devoir, douloureux parfois, mais qu'il convient de remplir, et que c'est mal se comporter que de mettre des bâtons dans les roues, et de se livrer à un dénigrement systématique, à des railleries ou à des plaintes faciles au lieu d'encourager un mouvement nécessaire, qui n'existe pas par hasard mais parce qu'il a ses raisons lointaines, ses causes puissantes, irrésistibles, et qu'il vaut mieux en somme essayer de le diriger que de prétendre l'arrêter, ce qui est folie. Mais, ceci accordé, il y a une chose qui me heurte et que je ne comprends pas, c'est la résolution, le parti pris d'abîmer toute beauté acquise et reconnue, consacrée par l'admiration générale, pour les besoins de n'importe quelle entreprise commerciale et industrielle, de toute affaire au bout de laquelle est le gain. Faut-il donc absolument pour que d'honorables commerçants attirent l'attention sur eux et leurs produits et les écoulent mieux, que des lettres d'or et des tableaux démesurés couvrent les murs des édifices sur les places de Notre-Dame des Victoires et Vendôme,... et ailleurs? Pourquoi choisir précisément ces endroits réputés et longtemps respectés? J'entends la réponse des intéressés: Nous ne les choisissons pas, nous les habitons, nous sommes chez nous... Je réplique: Non. Vous êtes chez vous dedans, mais pas dehors. La façade est à tous, elle est à moi. Il y a des servitudes de bruit et de tapage... On n'a pas le droit de faire partir dans la rue des bombes, même inoffensives, ni des pétards... ni de se masser, de se rassembler, ni de hurler sans raison, ni de sonner des cloches, ni de faire scandale de quelque façon que ce soit. Pourquoi n'y a-t-il pas des servitudes pour les yeux comme il y en a pour les oreilles?... pourquoi l'obsession, la persécution par le panneau-réclame et l'inscription fulgurante sont-elles tolérées? Si vingt personnes, dès que je sors, s'attachaient à mes pas, pour me crier pendant des heures le nom d'un bouillon ou d'une oxygénée, je n'aurais qu'à appeler des agents et on les arrêterait... et cependant ce même bouillon et cette même oxygénée ont le droit de s'attacher à mes yeux sur tous les murs et de forcer mes regards, de me suivre, quand je marche, sans que je puisse éviter cet attentat quotidien. Voilà qui est incroyable.

Mais à quoi bon répéter ces choses cent fois dites, et se lamenter!

Il n'y a plus rien à faire qu'à subir, impassible et serein, l'invasion de la voie publique par la laideur. Toutes les protestations, toutes les indignations ne produiront pas d'autre effet que d'augmenter le mal et de le déchaîner... Il faut prendre son parti des affiches, des gratte-ciel, des cacophonies de lumière sur les façades, des imageries canaques sur les pans de murs, de tout enfin, et dire adieu aux beautés de site et de paysage, à toutes les harmonies décoratives d'architecture, de vue, de perspective, qui disparaissent les unes après les autres, spécialement visées et attaquées par la Laideur dans un duel à mort, où elles ne peuvent plus se défendre. Jouissons avec un égoïsme désolé des derniers tableaux, des derniers dioramas, des derniers aspects attachants et chargés de passé que nous donne encore en de certains endroits oubliés ou mal connus Paris saccagé, livré aux apaches de la réclame personnelle, aux barbares de la publicité. Ne nous vantons pas surtout de ces vestiges, conservés par le hasard pieux, car, si nous avions le malheur d'en parler... dès le lendemain, on trouverait un prétexte pour les souiller ou les anéantir. La laideur est à tous les coins de rues, on ne voit qu'elle, débordante, stupide, altière. Avant cinq ans la place de la Concorde commencera d'entrer en agonie.
Henri Lavedan.

(Reproduction et traduction réservées.)



A LA MÉMOIRE D'UN GRAND MÉDECIN

Les élèves, les amis du professeur Georges Dieulafoy ont élevé à ce grand médecin un monument commémoratif qui est à la fois un hommage d'admiration à son caractère, à sa haute valeur professionnelle et un tribut de gratitude pour tous les services qu'il a rendus, au cours de sa belle et calme carrière, à la science et à l'humanité.


           Le monument du professeur
               Dieulafoy à l'Hôtel-Dieu.

Ce monument, inauguré dimanche dernier à l'Hôtel-Dieu, est dû à la collaboration de deux maîtres éminents, M. Charles Girault qui en composa l'architecture, et le médailleur Vernon qui a modelé une très frappante effigie du regretté praticien. Il a ces qualités de convenance, de sobriété, de discrétion que nous louions récemment dans le buste dédié à Lamartine, à Bergues, dans le Nord. Très simple, composé de motifs de décoration d'un pur classicisme, il consiste en une stèle d'harmonieuses proportions sur laquelle s'enlève le médaillon de M. Vernon, et qu'on a scellée contre le mur de la galerie qui, au premier étage de l'immense maison hospitalière, conduit à l'amphithéâtre Trousseau, à cette salle où, pendant tant d'années, d'une parole élégante et persuasive, le professeur Dieulafoy dispensa une science très sûre et les fruits d'une consciencieuse expérience.

L'inauguration eut lieu en présence d'une assistance choisie où l'on remarquait, autour de M. Liard, vice-recteur de l'Université de Paris, de M. Mesureur, directeur de l'Assistance publique, de M. Bayet, directeur de l'enseignement supérieur, et de M. le sénateur Strauss, toutes les sommités de l'art médical. Mme Georges Dieulafoy, veuve de l'éminent professeur, assistait également, avec les membres de sa famille, à cette cérémonie.

Successivement, M. le professeur Widal, président du comité de souscription, qui, au nom des élèves du maître, fit remise du monument à la clinique médicale de l'Hôtel-Dieu, puis M. le professeur Landouzy, doyen de la Faculté de médecine, firent, de leurs différents points de vue, l'éloge de Georges Dieulafoy. M. Mesureur, enfin, traça de ce collaborateur éminent de l'Assistance publique un portrait fidèle et délicat. Et, aux apologies qu'avaient prononcées les deux précédents orateurs de «cet artiste scientifique», il demanda à ajouter l'expression de la reconnaissance du grand service qu'il dirige «pour le bienfaiteur, pour l'ami des pauvres et des malades, pour l'éducateur enthousiaste de la jeunesse».




La maison d'un grand seigneur en Albanie.           Les cabanes qu'habitent les paysans.
Photographies F. de Jessen.     

LE FUTUR PRINCE D'ALBANIE

Notre confrère danois M. F. de Jessen--dont on n'a pas oublié l'intéressante collaboration à ce journal, naguère--est, à l'heure actuelle, l'un des journalistes qui connaissent le mieux la question albanaise. Dans une récente correspondance qu'il nous adressait, il rapportait que comme, en mai dernier, il se préparait à s'aller renseigner sur place et à explorer l'Albanie entière, il avait rencontré, à Vienne, une délégation qui justement se préoccupait de l'organisation du futur État, de son gouvernement, et surtout du choix de son souverain. Et Soureya bey Vlora, ancien député de Bérat au Parlement ottoman, qui la conduisait de chancellerie en chancellerie, lui exposait alors les voeux du gouvernement dans les termes suivants, qui revêtent presque l'allure d'une annonce:

«Nous cherchons un prince. Il doit connaître les méthodes de gouvernement en vigueur dans les monarchies constitutionnelles. Il doit être simple dans ses habitudes et d'un commerce facile. On ne peut, pour le moment, lui accorder qu'une liste civile modeste. Quant à la religion, sans être absolument fixés, nous préférerions qu'il fût de religion protestante. Nous aimerions, de plus, qu'il possédât une certaine fortune. Mais il serait inutile aux candidats de se présenter s'ils n'avaient l'agrément de Vienne et de Rome.»

Le prince Guillaume de Wied, qui ne peut ignorer ce programme de concours imposé aux candidats au trône d'Albanie, croit être l'homme rêvé. Il a fait agréer «par l'Europe», disent les journaux, sa candidature. Et il attend l'appel de l'Albanie.

Le prince Guillaume, né le 26 mars 1876, à Neuwied, capitale de la principauté de Wied, dans la régence de Coblentz, Prusse rhénane, est capitaine prussien affecté à l'état-major général de l'armée. Il est de grande et d'ancienne lignée, et l'Almanach de Gotha enregistre l'apparition authentique, dans l'histoire, de la maison de Runkel, dont sont les princes de Wied, avec Sigefroi III, en 1226 Son frère aîné, Frédéric, sixième prince de Wied, est actuellement le chef de la famille et haut seigneur à Neuwied. La reine Elisabeth de Roumanie est sa propre tante,--et peut-être cette deuxième parenté ne fut-elle pas étrangère à l'accueil que trouva, en certains lieux, sa candidature.

La photographie reproduite ici, qui fut prise à une réunion sportive, à Bucarest précisément, montre le prétendant favori sous l'aspect d'un gentleman de belle mine. Quant à la simplicité et à la bonne grâce que réclamait le gouvernement de Valona, on n'en saurait juger sur image. Par ailleurs, le futur prince--voire roi d'Albanie--s'il est dûment prévenu qu'il ne saurait escompter une très forte liste civile, doit encore avoir été avisé qu'il ne saurait être bien exigeant non plus sur la question du logement. Il apparaît qu'il trouvera difficilement un palais digne de son antique noblesse, dans ce pays où les paysans habitent des chaumières misérables, et où les grands eux-mêmes n'ont pour asile qu'une maison bien simplette, et peu décorative. Mais il est d'âge à bâtir,--puisque aussi bien les jouvenceaux de la fable en reconnaissaient le droit même à l'octogénaire.


L'élégant gentilhomme allemand qui veut régner sur la fruste Albanie. Photographie H. Ghinsberg, montrant le prince et la princesse Guillaume de Wied dans l'enceinte d'un champ de courses de Bucarest.




La première escadre de la Méditerranée manoeuvrant devant
Djounieh, sur les côtes du Liban.
--Phot J. Lind.

L'ESCADRE FRANÇAISE DANS LE LEVANT

La croisière de la première escadre dans la Méditerranée se poursuit dans les meilleures conditions, et nos marins voient se renouveler, dans chacun des ports qu'ils touchent, les manifestations de sympathie que nous enregistrions la semaine dernière, en rendant compte de leur escale à Alexandrie d'Égypte.

Le 5 novembre, après avoir salué au passage Aboukir et les souvenirs qu'il évoque, puis Chypre, d'assez loin, l'amiral de Lapeyrère arrivait à Mersina.

Un navire allemand y était mouillé, le Goeben, avec lequel on échangea les courtoisies d'usage, tout en lui montrant une manoeuvre magistrale.

Mersina, en soi, n'offre pas un grand intérêt. Mais c'est le port d'Adana, dont le nom se voile encore du tragique souvenir des massacres d'Arméniens.

L'amiral Boué de Lapeyrère chargea son chef d'état-major, l'amiral Nicol, d'aller jusqu'à cette ville, chef-lieu de vilayet. Aussitôt après les visites officielles, l'amiral, qu'accompagnaient M. Lorgeou, consul de France, et Mme Lorgeou, se rendait aux établissements scolaires français, qui sont toujours dans tout l'Orient les meilleurs auxiliaires de notre influence.

Au collège des pères jésuites, tout pavoisé aux couleurs nationales, où se trouvait momentanément, en tournée d'inspection, le E. P. Chanteur, supérieur provincial, en résidence à Lyon, les religieux et leurs quatre cents élèves, la petite colonie française groupée autour d'eux, firent à l'amiral et aux officiers qui l'accompagnaient un accueil triomphal. L'amiral Nicol donna connaissance aux maîtres, aux disciples et à leurs hôtes français d'une éloquente lettre dans laquelle le commandant en chef de la première escadre leur adressait le salut de la France. Des acclamations enthousiastes accueillirent sa lecture, et tous les enfants entonnèrent l'Hymne au drapeau.

Puis l'amiral Nicol, toujours accompagné du consul de France, et guidé par le E. P. Chanteur, rendit tour à tour visite au pensionnat des religieuses de Saint-Joseph de Lyon et à l'hôpital français dirigé par des soeurs du même ordre. Les représentants de la France retrouvèrent, ici et là, la même réception chaleureuse.

Dans la soirée, l'amiral et les officiers qui l'accompagnaient s'embarquaient à la gare pour rejoindre, par la nouvelle ligne Adana-Toprak-Kalé, la première division de l'escadre, arrivée à Alexandrette.

Cependant, la deuxième division visitait tour à tour Latakieh qui a donné son nom au blond tabac parfumé, puis, longeant la côte du Liban, Djounieh et sa baie magnifique.

La région est peuplée de catholiques maronites, nos loyaux amis depuis les Croisades. La journée passée dans cet aimable petit port est peut-être celle qui, de tout ce voyage, laissera dans la mémoire de ceux qui l'ont vécue le plus durable souvenir, tant fut empressée, affectueuse, débordante de cordialité, et pittoresque aussi, l'hospitalité qu'ils trouvèrent parmi cette population fidèle et plus particulièrement auprès du patriarche.

Le prélat les reçut solennellement, entouré de ses évêques; puis il fit servir, en l'honneur des officiers français, un déjeuner magnifique, arrosé des généreux «vins d'or» des vignes du Liban.

L'empressement de leurs hôtes ne laissa pas à nos marins un moment de répit. Après une intéressante station aux archives du patriarcat, où sont conservés des autographes de vingt rois de France, ce fut la tournée à travers des écoles, des collèges, des asiles. «Partout, écrit l'un des officiers de l'escadre, c'était la même joie profonde de nous voir; c'étaient le même enthousiasme juvénile, les mêmes acclamations parties du coeur, presque les mêmes discours où la France était exaltée.»


A Adana: le contre-amiral Nicol visitant le collège des
Pères Jésuites. A sa droite, le P. Chanteur, supérieur provincial;
à sa gauche,M. Lorgeou, vice-consul de France.
Phot. Mavropoulo.




Une gare du Bagdad: Oulou Kichla, la plus élevée de la
ligne (1.467 m.). A remarquer l'orthographe française de l'inscription.

LE CHEMIN DE FER DE BAGDAD

Les négociations depuis quelque temps engagées entre la France et la Turquie d'abord, puis entre l'Allemagne et la Turquie et à propos desquelles Djavid bey, ministre des Finances du cabinet Saïd-Halim, séjourne à Berlin, en attendant de venir à Paris, ont appelé à nouveau l'attention générale sur la grosse question des concessions de chemins de fer en Asie Mineure, et en particulier sur la plus importante d'entre elles: le «Bagdad». Peut-être n'est-il pas inutile de saisir cette occasion de préciser exactement l'état actuel des travaux.

De Haïdar-Pacha, sur la rive asiatique du Bosphore, en face de Constantinople, le «chemin de fer ottoman d'Anatolie» va jusqu'à Konia, l'ancienne Iconium, à 750 kilomètres dans l'intérieur[1].

Note 1: L'aviateur Daucourt, se rendant de Paris au Caire, vient précisément de parvenir à Konia, par la voie des airs, le jour même où est écrit cet article.

C'est à Konia que commence le Bagdad proprement dit, ou, pour l'appeler de son nom officiel: la «Compagnie impériale ottomane du chemin de fer de Bagdad». Aujourd'hui les trains (un train mixte par jour dans chaque sens) circulent jusqu'à la station de Karabounar, à 303 kilomètres plus loin au sud-est, au milieu des montagnes du Taurus, et non pas, comme on le dit généralement, au pied.

Le Taurus n'est, en effet, du côté du nord, que le prolongement presque insensible des hauts plateaux de Lycaonie, situés à plus de 1.000 mètres d'altitude (Konia, 1.028, Eregli, 1.050). Jusqu'au point culminant de 1.467 mètres en deçà de la station d'Oulou Kichla, on ne rencontre presque aucun ouvrage d'art: vers le sud, au contraire, la chaîne s'abaisse rapidement vers la mer et présente, quand on la regarde de la plaine d'Adana, l'aspect d'un formidable rempart.

Les rampes deviennent très raides, à la descente: il y en a de 26mm par mètre qui interdisent l'emploi de trains pesant plus de 100 tonnes. On a exécuté assez vite les tranchées, hauts remblais et courts tunnels qui séparent Oulou Kichla de Karabounar pour arriver à la cote 770; mais là les difficultés ont commencé. Laissant à l'ouest les fameuses portes de Cilicie par où passèrent Alexandre le Grand, les envahisseurs arabes et les Croisés, la voie s'engage dans l'étroite gorge du Tchakit, affluent du Seihun, jusqu'à ces derniers temps inaccessible et qui nécessitera 12 kilomètres de tunnels, ponts et viaducs. Le premier tunnel, celui de Belemedik, long de 1.700 mètres, est à moitié foré, mais les autres sont à peine commencés et l'ensemble ne sera pas terminé avant un an et demi.


Carte de la traversée du Taurus.

L'une des photographies ci-jointes donne une idée des conditions dans lesquelles s'effectue le transport des matériaux dans un ravin aux bords escarpés et profond de 1.000 mètres: il a fallu tout d'abord établir dans le roc une route provisoire qui vaut, pour le pittoresque, les plus renommées des Alpes.


Route construite pour permettre les travaux dans les
                                gorges du Tchakit.

Après une interruption d'une vingtaine de kilomètres, le service reprend sur un second tronçon au sud du Taurus, depuis la station de Dorak jusqu'à celle de Mamouret, au pied de l'Amanus ou Aima Dagh, à travers la fertile plaine d'Adana, où l'on cultive les céréales et le coton. Sur une dizaine de kilomètres, entre Yenidje et Adana, la voie nouvelle se confond avec celle de l'ancienne ligne française de Mersina à Adana, rachetée en 1901.

Contrairement à ce qui avait été décidé dans le premier projet, la ligne principale ne touche pas Alexandrette; il aurait fallu pour cela lui faire longer sur un certain parcours les bords du golfe. Abd-ul-Hamid, craignant de la voir facilement couper par un bombardement ou un débarquement, exigea qu'elle demeurât à une demi-journée de marche de la mer.

A Toprak Kale se détache un embranchement de 60 kilomètres, dont l'inauguration vient d'avoir lieu et qui mène à la petite ville dont les Allemands veulent faire un grand port: ils en ont obtenu la concession.

D'autres travaux très importants sont nécessaires pour franchir l'Amanus, entre autres un tunnel long de plus de 5 kilomètres, celui de Bagtché, où dernièrement une explosion tuait vingt ouvriers. Le forage est lent, et il s'écoulera deux années au moins avant que le premier train parti de Constantinople atteigne Alep.

Un troisième tronçon en exploitation va de Radjoun, à l'est de l'Amanus, à Alep (95 kilomètres) et se confond à 15 kilomètres au nord de la ville avec un dernier venu de Djerablis (l'ancienne Europos) sur l'Euphrate (105 kilomètres).

On a déjà jeté un pont provisoire sur le fleuve et, dans le courant de 1914, 100 ou 200 kilomètres nouveaux seront ouverts dans la direction de Ras el Aïn, et 100 autres le long du Tigre, entre Bagdad et Samara: on estime qu'en 1917 Bagdad sera reliée à Constantinople.

Le tracé définitivement adopté court en ligne droite de l'ouest à l'est, de la vallée de l'Euphrate à celle du Tigre avec trois courts embranchements projetés vers Marach, Aïn Tab et Ourfa: de Tell-Helif, un autre beaucoup plus important passe par Diarbékir pour aller rejoindre à Arghana le nouveau réseau français d'Arménie.

Le tronçon principal s'infléchit vers le sud en suivant sensiblement le cours du Tigre, dessert Mossoul, et passe sur la rive droite où il reste jusqu'à Bagdad.

Là il l'abandonne pour reprendre la vallée de l'Euphrate, passe à Kerbela et à Nedjef, les deux villes saintes du chiisme, et ne s'en écarte un peu qu'avant d'atteindre Bassora, terminus actuel de la concession allemande, les Anglais ayant tenu, on le sait, à se réserver le principal rôle dans le choix du point d'aboutissement au golfe Persique et dans la construction du dernier tronçon.


LE RÉSEAU FERRÉ ASIATIQUE.--Chemin de fer de Bagdad et
autres lignes construites, en construction ou en projet.

Les grands navires peuvent d'ailleurs remonter jusqu'à Bassora, et c'est là que l'on s'embarque pour Bombay.

Instrument civilisateur de premier ordre, le chemin de fer de Bagdad nous paraît devoir servir beaucoup plus au pays dans lequel il est construit qu'à celui qui le construit.

S'il n'est pas destiné à transporter d'Europe en Mésopotamie, ou inversement, les marchandises lourdes qui continueront à prendre la voie de mer moins coûteuse, il peut, par contre, favoriser merveilleusement le développement d'une région immense qui fut jadis l'une des plus riches du monde et des plus avancées en civilisation, au temps des empires de Ninive, de Babylone et de Bagdad. Il ne dépend que du gouvernement turc de l'utiliser.

Aujourd'hui, partout où l'on travaille, les Allemands sont nombreux; mais, l'oeuvre achevée, ils s'en vont et l'on est contraint de reconnaître, sans parti pris, que le souvenir qu'ils laissent ne contribue pas à faire aimer le nom allemand.

Comme dans leurs colonies, ils se révèlent maladroits et inaptes à comprendre ceux auxquels ils commandent; à certains, la cravache paraît facilement indispensable; à d'autres, soucieux avant tout des intérêts de la Compagnie, il arrive de réduire les salaires convenus pour un travail qu'ils estiment insuffisant; or l'indigène peut admettre la violence, mais jamais l'injustice chez l'Européen. Quand, sur le quai d'une gare dont le nom est écrit non pas seulement en caractères français, mais même avec une orthographe française, où le chef de gare parle français et turc, mais ignore l'allemand, on voit passer des trains construits, il est vrai, en Allemagne, on se doute à peine, si l'on n'est pas prévenu, que le Bagdad est une oeuvre--«la grande oeuvre»--allemande.

Mais l'Allemagne n'est pas seule en Asie Mineure: la France et l'Angleterre, venues avant elle, prirent toutes deux Smyrne comme point de départ et pénétrèrent profondément dans l'intérieur.

La France a le réseau Smyrne-Cassaba qui envoie l'une de ses branches vers l'est jusqu'à Afioun-Kara-Hissar (420 kilomètres) où elle rejoint le Bagdad, mettant ainsi le cours de l'Anatolie en relations directes, sinon pour l'instant rapides, avec la mer, l'autre vers le nord à Panderma (275 kilomètres) sur la mer de Marmara, voie stratégique de premier ordre puisqu'elle fait communiquer Constantinople avec Smyrne et toute la côte sans passer par les Dardanelles.

L'Angleterre vient de prolonger jusqu'à Egherdir (500 kilomètres), au bord du lac du même nom, sa ligne de la vallée du Méandre qui longtemps s'arrêta à Dineir (Ottoman Smyrna and Aïdin Railway).

L'Italie, continuant sa politique méditerranéenne, a jeté son dévolu sur Adalia au sud du Taurus: deux compagnies de navigation y font escale en attendant que quelque jour une ligne en parte au nord sur Bourdour et Isparta.

Mais toutes ces lignes même réunies n'égalent pas l'importance du réseau que le dernier accord franco-turc vient de concéder à la France après entente avec la Russie:

1° Sur le littoral de la mer Noire et en Arménie:

De Samsoun à Sivas par Amasia, d'où un embranchement se détache sur Kastamouni;
De Sivas à Erzingan et Erzeroum;
De Sivas à Kharpout et Arghana (jonction avec le Bagdad);
D'Arghana à Bitlis et à Van;
D'Erzeroum à Trébizonde;

Soit au total, sans parler de prolongements ou de raccordements ultérieurs possibles, environ 2.000 kilomètres;


              L'ascension par le rail des hauts plateaux d'Asie
                       Mineure: un train près d'Eski-Cheïr.

2° En Syrie:

Prolongement vers le sud de la ligne à voie normale d'Alep à Rayak (appartenant à la Compagnie Damas-Hamah et, prolongements) jusqu'en Palestine à Ramleh ou Lydda sur l'autre ligne française de Jaffa à Jérusalem.

Quand il sera terminé, et après l'achèvement sans doute plus rapide du Bagdad entre le Taurus et Alep, il sera possible d'aller en wagon de Constantinople, c'est-à-dire de Paris à Jérusalem et peut-être un peu plus tard de Paris au Caire.

Qui sait si la génération qui nous suivra ne verra pas mieux encore: la construction d'une des lignes qu'indique notre carte, le long du golfe Persique, à travers l'Afghanistan jusqu'aux Indes? Qui sait si dans cinquante ans un immense ruban de rails ne se déroulera pas ininterrompu de Calais à Calcutta, comme il se déroule déjà de Lisbonne à Pékin?
Henri Vimard.




Le plafond de l'École coloniale,
par M. Claude Bourgonnier.
--Phot. Vyzavona.

A LA GLOIRE DE LA FRANCE COLONIALE

Le plafond que M. Bérard, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, a commandé à M. Bourgonnier, pour la bibliothèque de l'École coloniale, a été mis en place ces jours derniers. L'artiste a glorifié la France dans une composition d'une belle et patriotique inspiration. Sous la figure d'une femme qui se détache fièrement sur le drapeau aux trois couleurs dont les plis se déroulent harmonieusement dans le ciel, la France voit s'incliner devant elle les représentants des races qui peuplent son empire colonial, rendant hommage à son génie: Arabes aux burnous d'éclatante blancheur, Noirs d'ébène de nos possessions africaines, Asiatiques aux yeux bridés de l'Extrême-Orient. A droite, l'Histoire écrit sous la dictée de la Vérité.

S'inspirant des traditions vénitiennes, M. Bourgonnier a groupé, dans un angle de sa composition, les fondateurs et directeurs de l'École coloniale: MM. Étienne, ministre de la Guerre; Dislère, président du Conseil d'administration de l'École coloniale; de Mouy, son vice-président; Doubrère, son directeur; Yvon, son architecte; Hubert, Frank Puaux, membres du Conseil. Dans cette bibliothèque où travaillent, sans cesse, les futurs administrateurs de nos possessions lointaines, l'idée était heureuse d'évoquer les bienfaits de la France colonisatrice. M. Claude Bourgonnier l'a noblement réalisée.



UNE ÉCOLE MODERNE
DANS LE VIEUX PARIS

C'est le sort des quartiers de l'ancien Paris, si chers à ceux qui aiment les visages du passé, de se modifier chaque année, et de perdre un peu de leur aspect d'autrefois. Faut-il toujours le déplorer? Si leur transformation inspire des regrets légitimes, elle apparaît souvent heureuse, à ne considérer que le bénéfice de la propreté, qui est l'élégance et la raison des villes modernes. Du moins conviendrait-il que les maisons condamnées à disparaître ne périssent point tout entières, et qu'un souvenir précis en restât. Combien de fois souhaiterait-on, au hasard des promenades, de voir rappeler, sur les édifices nouveaux, les monuments et les décors de jadis par des plans qui seraient comme les testaments des vieilles pierres!

Ce voeu, un jeune et très distingué architecte, qui porte avec honneur un nom célèbre, M. Pierre Sardou, l'a compris et réalisé. Chargé de la construction d'une école maternelle, rue Paul-Dubois, il a eu l'excellente idée de faire graver dans la pierre dure polie, sur le mur de clôture, au coin de la rue Dupetit-Thouars et de la rue Gabriel-Vicaire, un plan de l'Enclos du Temple et de ses alentours à la fin du dix-huitième siècle, exactement en 1793, au moment où Louis XVI et la famille royale étaient incarcérés dans la Tour.

Soumis, tout d'abord, à l'approbation de M. Bonifier, directeur des services d'architecture de la Ville, et du comité des Inscriptions parisiennes, le projet séduisit M. F. Hoffbauer, l'éminent vice-président de la commission du Vieux-Paris, dont la collaboration fut précieuse à M. Pierre Sardou. Tous deux, s'aidant des travaux des multiples historiens de la capitale, et des collections du musée Carnavalet, mises à leur disposition par M. Georges Cain, purent établir le tracé du célèbre Enclos, qui permet d'évoquer, devant le bâtiment tout neuf de l'école maternelle, le Marché, sur l'emplacement duquel elle se dresse, le palais du Grand Prieur de France, la Tour, dont une représentation très exacte en bas-relief est figurée dans l'angle du plan, l'église du Temple, si curieuse avec la disposition de sa rotonde, inspirée par l'église Saint-Jean de Jérusalem, les charniers, la Tour de César, le Cloître, la Geôle, restes du moyen âge, la Rotonde, élevée en 1789 et démolie sous le Second Empire, la Fontaine, où, pendant la tragique journée du 3 septembre 1792, on lava la tête de la princesse de Lamballe pour la montrer à la reine, enfin toute cette profusion d'hôtels particuliers, de cours et de maisons qui, à l'époque révolutionnaire, couvraient environ 125 hectares, et formaient une véritable cité de 4.000 habitants: il ne subsiste d'elle aujourd'hui que de rares vestiges, la cour de la Carderie et une partie de l'hôtel de la Trésorerie.

L'école même, officiellement inaugurée cette semaine, est une construction gaie et claire, où la brique domine. Comme décoration principale, M. Pierre Sardou a adopté des sgrafitti figurant des treilles qui supportent des guirlandes de feuillage. Dans le préau, de semblables motifs encadrent des peintures aux sujets agrestes, dues à M. Marcel Magne: la montagne et ses troupeaux, la forêt, les champs, la mer et ses pêcheurs. Ainsi l'architecte a voulu mettre sous les yeux des petits Parisiens les couleurs joyeuses des fleurs, des fruits, de la verdure, le ciel libre et les grands horizons.


L'école maternelle de la rue Paul-Dubois, construite par M. Pierre Sardou sur l'emplacement de l'ancien marché du Temple. Sur le mur de clôture, en pan coupé, est gravé dans la pierre un plan de l'Enclos et de ses alentours tels qu'ils étaient en 1793.--Phot. Trosley.



LES STATUES DE PARIS II

Alfred de Musset
Place du Théâtre-Français.
Gustave Larroumet
Place du Théâtre-Français.
Amiral de Coligny
Oratoire.
Béranger
Square du Temple.
Gutenberg
Rue Vieille-du-Temple.
Louis XIV
Hôtel Carnavalet.
Nicolas Leblanc
Arts-et-Métiers.

Denis Papin
Arts-et-Métiers.
Boussingault
Arts-et-Métiers.
Louis XIII
Square des Vosges.
Pascal
Tour Saint-Jacques.
Goldoni
Square de l'Archevêché.
Charlemagne
Place du Parvis-Notre-Dame.
Barye
Ile Saint-Louis.

Th. Renaudot
Rue de Lutèce.
Beaumarchais
Rue Saint-Antoine.
Étienne Marcel
Jardin de l'Hôtel-de-Ville.
Voltaire
Square Monge.
Jacques Villon
Square Monge.
J. Aubry et
P. de Viole

Square Monge.
Gabriel de Mortillet
Square des Arènes.

Gérard
Square de la Sorbonne.
Cuvier.
Jardin des Plantes.
Chevreul
Jardin des Plantes.
Bernardin de Saint-Pierre
Jardin des Plantes.
Buffon
Jardin des Plantes.
Lamarck
Jardin des Plantes.
Le Dante
Jardin du Collège de France.

Claude-Bernard
Jardin du Collège de France.
Budé
Collège de France.
Champollion
Collège de France.
Louis Blanc
Place Monge.
J.-J. Rousseau
Place du Panthéon.
P. Corneille
Place du Panthéon.
Étienne Dolet
Place Maubert.

Pelletier et Caventou
Boulevard Saint-Michel.
Auguste Comte
Place de la Sorbonne.
Dr Péan
Boulevard de Port-Royal.
L'abbé de l'Epée
Institut des Sourds-Muets.
Baron Larrey
Val-de-Grâce.
Eustache Lesueur
Jardin du Luxembourg.
Bailly
Jardin du Luxembourg.

Phot. René Millaud.

LES STATUES DE PARIS--III

Phidias
Jardin du Luxembourg.
Eugène Delacroix
Jardin du Luxembourg.
Th. de Banville
Jardin du Luxembourg.
Henry Murger
Jardin du Luxembourg.
Watteau
Jardin du Luxembourg.
Sainte-Beuve
Jardin du Luxembourg.
Chopin
Jardin du Luxembourg.

Gabriel Vicaire
Jardin du Luxembourg.
Ferdinand Fabre
Jardin du Luxembourg.
Le Play
Jardin du Luxembourg.
Scheurer-Kestner
Jardin du Luxembourg.
George Sand
Jardin du Luxembourg.
Leconte de Lisle
Jardin du Luxembourg.
Comtesse de Ségur
Jardin du Luxembourg.

Ratisbonne
Jardin du Luxembourg.
Paul Verlaine
Jardin du Luxembourg.
Bernard Palissy
Square Saint-Germain-des-Prés.
Bossuet, Fénélon, Fléchier, Massillon.
Fontaine St-Sulpice.
Bichat
École de Médecine.
Brouardel
École de Médecine.
Vauquelin.
École de Pharmacie Avenue de l'Observatoire.

Parmentier.
École de Pharmacie Avenue de l'Observatoire.
Maréchal Ney
Avenue de l'Observatoire.
Francis Garnier
Avenue de l'Observatoire.
Voltaire
Quai Malaquais.
Pierre Puget et Nic. Poussin
Portail École des Beaux-Arts.
Condorcet
Quai Conti.
Diderot
Boulevard Saint-Germain.

Broca
Boulevard Saint-Germain.
Dante n
Boulevard Saint-Germain.
Emile Augier
Place de l'Odéon.
Tarnier
Rue d'Assas.
César Franck
Square Sainte-Clotilde.
Prince Eugène
Jardin de l'Hôtel des Invalides.
Valentin Hauy
Institut des Jeunes Aveugles.

François Coppée
Place Saint-François-Xavier.
Claude Chappe
Boulevard Saint-Germain.
Alphonse Daudet
Champs-Elysées.
Armand Silvestre
Cours-la-Reine.
Alfred de Musset
Cours-la-Reine.
Guy de Maupassant
Parc Monceau.
Gounod
Parc Monceau.

Phot. René Millaud.

LES STATUES DE PARIS--IV

Ambroise Thomas
Parc Monceau.
Pailleron
Parc Monceau.
Chopin
Parc Monceau.
Lavoisier
Place de ta Madeleine.
Jules Simon
Boulevard de la Madeleine.
SHAKESPEARE
Avenue de Messine.
Jeanne d'Arc
Place Saint-Augustin.

BALZAC
Avenue de Friedland.
Berlioz
Square Berlioz.
Sedaine
Square d'Anvers.
Diderot
Square d'Anvers.
Maréchal Moncey
Place Clichy.
Charles Fourier
Boulevard de Clichy.
Gavarni
Place Saint-Georges.

Ranc
Mairie du IXe.
Voltaire
Mairie du IXe.
Rollin
Collège Rollin.
Charles Garnier
Opéra.
Frederick Lemaître
Faubourg du Temple.
Baron Taylor
Boulevard Saint-Martin.
De JEAN
Place Pasdeloup.

Ledru-Rollin
Place Voltaire.
Sergent Bobillot
Boulevard Richard-Lenoir.
Charles Floquet
Avenue de la République.
Baudin
Avenue Ledru-Rollin.
Dr Philippe Pinel
Boulevard de l'Hôpital.
Jeanne d'Arc
Boulevard Saint-Marcel.
Charcot
Salpêtrière.

Ernest Rousselle
Boulevard Blanqui.
Charlet
Square Denfert-Rochereau.
Raspail
Square Denfert-Rochereau.
Trarieux
Square Denfert-Rochereau.
Arago
Boulevard Arago.
Dr Ricord
Boulevard de Port-Royal.
Th. Roussel
Rue Denfert-Rochereau.

Michel Servet
Place de Montrouge.
Leverrier
Observatoire.
Dr Emile Dubois
Crèche de la Santé, rue d'Alésia.
Garibaldi
Square Cambronne.
Pasteur
Avenue de Breteu.
Rosa Bonheur
et trois autres médaillons, à Grenelle.
La Fontaine
Ranelagh.

Phot. René Millaud.

LES STATUES DE PARIS--V

Alphand
Avenue du Bois-de-Boulogne.
Lamartine
Square Lamartine.
Benjamin Godard
Square Lamartine.
Eugène Manuel
Lycée J. de Sailly, av. H. Martin.
Washington et Lafayette
Place des États-Unis.
Horace Wells et Paul Bert
Place des États-Unis.
Franklin
Square Franklin.

Washington
Place d'Iéna.
Victor Hugo
Place Victor-Hugo.
Dumas, père
Place Malesherbes.
Dumas, fils
Place Malesherbes.
Jean Leciaire
Square des Epirettes.
Maria Deraismes
Square des Epirettes.
Eugène Flachat
Carrefour Brémontier.

Alain Chartier
Rue de Tocqueville.
Alphonse de Neuville
Place Wagram.
Serpollet
Place Saint-Ferdinand.
Henry Becque
Boulevard de Courcelles.
Chevalier de la Barre
Rue Lamarck.
André Gill
Rue des Martyrs.
Marat
Parc des Buttes-Chaumont.

Général Dumas
Place Malesherbes.
Le Nôtre
Jardin des Tuileries.
Jean Macé
Place Armand-Carrel.
Dr Métivier
Square Tenon.

Phot. René Millaud.



A LA MANIÈRE DE PÉGOUD

Pégoud a aujourd'hui des émules en «haute école» aérienne. Le succès de ses sensationnelles acrobaties a excité l'ambition des autres aviateurs, et toute une audacieuse phalange de «boucleurs de boucle» s'est formée, depuis quelques semaines, rivalisant de virtuosité et d'adresse avec le créateur du genre... Ils seront bientôt une dizaine à savoir voler «la tête en bas»: successivement Garros, Chevillard, Hanouille, Domenjoz, Chanteloup, Tabuteau, ont désiré, et conquis, les lauriers de Pégoud. Et, venu d'Angleterre, Hucks a renouvelé brillamment ses périlleux exercices.

Un de ses compatriotes, l'aviateur Lee-Temple, s'entraîne, lui aussi, en ce moment, pour les vols renversés, --et de la plus originale façon. Sans doute est-il nécessaire, avant de tenter l'expérience, de s'habituer à la position peu naturelle qu'exige le «looping». Méthodique et prévoyant, M. Lee-Temple se fait attacher, par de solides cordes, à une chaise, qui, suspendue, les pieds en l'air, à une barre de fer, figure assez bien le siège du pilote à l'instant où l'aéroplane glisse sur le bombé des ailes: et ainsi s'accoutume-t-il, comme le montre une de nos gravures, aux émotions de la voltige aérienne. Ce n'est pas à un semblable entraînement que se livre l'aviateur représenté, en singulière posture, sur l'autre photographie. Lorsque, après avoir bouclé la boucle, le 15 novembre, à l'aérodrome de Buc, Hucks revint à Londres, il fut, sur le quai de la gare de Charing-Cross, bruyamment acclamé par ses amis, et porté en triomphe... la tête en bas. La réception était peu banale; elle donna lieu à des scènes de joyeux tumulte, où l'on n'eût pas reconnu le traditionnel flegme britannique.


Pour apprendre à voler la tête en bas: l'entraînement quotidien de l'aviateur Lee-Temple.

L'aviateur Hucks, imitateur anglais de Pégoud, porté en triomphe, la tête en bas, à son retour à Londres.



LA VIEILLESSE DE L'EXILÉ.--Un orang-outang de Malaisie
encagé au Jardin zoologique d'Amsterdam.
Phot. A.-J. W. de Veer.]

C'est un singe très vieux, et l'on serait tenté de dire, très vénérable, tant l'âge lui a conféré de sérénité majestueuse. Tout récemment, dans notre numéro du 25 octobre, nous avons publié l'image, amusante comme une caricature, d'un perroquet plus que centenaire, que les années avaient bizarrement déformé: elles ont, tout au contraire, marqué la face qui apparaît à cette page d'une expression singulièrement grave et solennelle. Ce doyen de la gent simiesque semble chargé d'expérience et de sagesse; et dans ses yeux luit un étrange regard, presque humain... Il achève aujourd'hui sa longue vie dans une cage du Jardin zoologique d'Amsterdam, auquel il fut donné naguère par le sultan de Serdang. On sait seulement de lui qu'il appartient à l'espèce des orangs-outangs, et qu'il est originaire d'une des îles de la Malaisie, sans doute Bornéo ou Sumatra; il mesure 1 m. 20 de hauteur, et la longueur de ses bras, du bout des doigts jusqu'à l'épaule, est de 78 centimètres. Bien que doué d'une force redoutable, il se montre généralement fort docile. Mais il faut prendre garde de l'irriter, car il n'est pas aussi philosophe qu'il en a l'air.



CE QU'IL FAUT VOIR

PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER A PARIS

Beaucoup d'académiciens viendront se promener, ces jours-ci, place Saint-Georges.

Deux inaugurations avaient, en ces derniers temps, appelé l'attention sur cette place: il y a quelques années, celle du monument de Gavarni et, plus récemment, celle d'une station du Nord-Sud... L'inauguration de cette semaine fut celle d'une bibliothèque publique, ou à demi publique, pourrait-on dire, et qui devient une annexe de celle de l'Institut.

L'entrepreneur Dosne ne se doutait guère --quand la place Saint-Georges fut ouverte, en 1824, sur des terrains qu'il possédait à cet endroit--des augustes destinées (augustes, et tragiques un instant!) que réservait l'avenir à sa maison! L'une des filles du riche entrepreneur allait être Mme Thiers; et ainsi, sur l'hôtel Dosne, devenu l'hôtel Thiers, devait, quarante-six ans plus tard, s'abattre la fureur des communards. La Commune avait ordonné la confiscation des biens de Thiers; elle ordonna la destruction de sa maison, en même temps qu'elle jetait à terre la colonne Vendôme. Mme Louise Michel, dans l'histoire de la Commune qu'elle a publiée dix-sept ans après ces lamentables événements, écrivait: «...La maison de Thiers, démolie, avait empli la place Saint-Georges de la poussière de ses nids à rats. Elle devait lui rapporter un palais.»

La maison de Thiers contenait-elle autant de nids à rats que le laisse entendre Mme Louise Michel? Ce point n'a pas été fixé par l'Histoire. Ce qu'on sait, c'est que la reconstruction de l'immeuble détruit fut, aussitôt après la Commune, votée par le Parlement; que l'architecte Aldrophe fit de cette maison non pas «un palais», mais une demeure charmante, digne de l'homme illustre dont elle était le foyer, et de la Compagnie qui devait plus tard en être l'héritière. Mlle Dosne a, en effet, donné à l'Institut de France, il y a neuf ans, la maison dont elle était restée, après la mort de Thiers, la seule occupante; en même temps que l'hôtel, elle léguait à l'Institut la bibliothèque d'histoire de l'ancien Président, et une somme importante destinée à l'achat de nouveaux ouvrages. C'est cette bibliothèque qui s'est ouverte mardi dernier pour la première fois. Le legs de Mlle Dosne a permis à la commission académique, chargée de l'administrer, d'intéressantes acquisitions, notamment celle de la collection militaire et napoléonienne d'Henry Houssaye. Vingt mille volumes s'y trouvent aujourd'hui rassemblés.

On dit que l'hôtel de la place Saint-Georges n'ouvrira ses portes que trois fois par semaine, et l'après-midi, aux personnes munies de l'autorisation d'y venir travailler.

Nous réclamons en faveur des simples visiteurs, de tous ceux pour qui regarder Paris est la plus noble et la plus intelligente des façons de flâner, le droit de pénétrer dans cette maison, et d'en faire le tour, comme on fait le tour d'un musée. Il serait tout naturel que l'Institut nous reçût, au moins de temps en temps, chez Thiers, place Saint-Georges, comme il nous reçoit chez le duc d'Aumale, à Chantilly.

Un souvenir: au centre du carrefour qui devint en 1824 la place Saint-Georges, il y avait un bassin minuscule qu'affectionnaient les deux petites filles de l'entrepreneur Dosne. Celui-ci spécifia formellement que ce bassin serait respecté. Il l'a été... jusqu'au jour où la construction du Nord-Sud obligea les ingénieurs à le supprimer. L'entrepreneur n'avait pas prévu le vilain tour que devait lui jouer le progrès des sciences. Ses enfants non plus! Mais aucun d'eux n'est plus là pour en ressentir le chagrin.

*
* *

Un Salon chasse l'autre. La Société des Amis de l'Eau-Forte a organisé à la galerie Devambez une Exposition extrêmement intéressante, qui durera quelques jours,--jusqu'à jeudi. Avis aux retardataires... amis de l'eau-forte.

A la galerie des Artistes modernes, c'est le Vieux Paris qu'il faut aller voir.

M. Charles Jouas est un enfant de Paris, très attaché je ne dirai pas à son clocher, mais à ses clochers (car nous en avons, à Paris, plus de quatre-vingts); et l'on trouvera dans son oeuvre une interprétation tout à fait intéressante, originale, spirituelle, du Paris contemporain, en même temps que la restitution si fidèle, et presque émouvante quelquefois, du Paris d'autrefois, de ces «décors du passé» sur lesquels Henri Lavedan a tellement raison de ne voir qu'avec terreur s'appesantir davantage, d'année en année, la main des embellisseurs officiels de Paris. Notre-Dame, le musée de Cluny, Saint-Julien le Pauvre, Saint-Séverin... sans doute nos embellisseurs ne sauraient toucher à tout cela; mais le Pont-Neuf, la place Dauphine, et tant d'autres morceaux délicieux et vénérables de notre Cité, de notre Ile Saint-Louis, dont M. Charles Jouas a si profondément compris, si joliment exprimé le charme auguste et familier tout ensemble, sommes-nous bien sûrs qu'ils survivront longtemps au besoin terrible qu'on a de les restaurer?...

Déjà cette restauration redoutable est entreprise au quai des Orfèvres; on est en train d'y achever les agrandissements du Palais de Justice; et j'entends des artistes, des amoureux du vieux Paris se lamenter sur cet ouvrage... Sur le quai, des échafaudages enveloppent une inquiétante tour de pierre, dont l'architecture était appréciée, ces jours-ci, en termes plutôt amers, par M. André Hallays, un écrivain dont la compétence en ces matières n'est contestée par personne. Sur le boulevard du Palais, la surprise est plus douloureuse encore: derrière les murs de la façade neuve, la flèche de la Sainte-Chapelle a disparu presque tout entière... Les Parisiens ne pourraient-ils être prévenus de telles aventures avant qu'elles s'accomplissent? La semaine prochaine, nous serons conviés par M. Léon Bérard à venir «juger», à l'École des beaux-arts, les acquisitions faites par l'État, depuis un an, dans les expositions et les ventes. Excellent usage. Mais pourquoi, de même, l'usage ne s'établirait-il--je pose respectueusement la question à M. le sous-secrétaire d'État--d'exposer, quelques mois avant l'exécution, les maquettes des travaux d'architecture qui menacent la beauté des villes? On demande au contribuable son avis sur les incommodités (de commodo et incommoda) d'une usine qu'on va bâtir. Quant à ce qu'il pense du monument qui va s'ériger pour des siècles sur le sol de son pays, on n'en a cure. Est-ce bien juste?
Un Parisien.



AGENDA (29 novembre-6 décembre 1913)

Expositions.--Grand Palais: Salon d'automne.--Galerie Devambez (43, boulevard Malesherbes): exposition des Amis de l'Eau-Forte (jusqu'au 4 décembre).--Galerie La Boétie (64 bis, rue La Boétie): Association des Artistes de Paris.--Cercle de la Librairie (117, boulevard Saint-Germain): exposition d'oeuvres des membres de l'Association amicale et professionnelle de graveurs à l'eau-forte.

Ventes d'art.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze), les 1er, 2, 3 et 4 décembre, vente de la collection Édouard Aynard, tableaux anciens et modernes, objets de haute curiosité et d'ameublement--Galerie Manzi-Joyant (15, rue de la Ville-l'Evêque), les 8 et 9 décembre, deuxième et dernière vente de l'atelier de J.-B. Carpeaux, sculptures originales, tableaux et dessins.

Ventes de charité.--Le 30 novembre, au ministère de la Justice, vente au profit de l'Oeuvre de la Pouponnière.--Les 5 et 6 décembre, dans l'ancien hôtel Gaillard (place Malesherbes), vente annuelle au profit de l'Union des Femmes de France.

La bibliothèque Thiers.--La bibliothèque Thiers est maintenant ouverte, les mardis, mercredis et jeudis, aux porteurs d'une recommandation écrite d'un membre de l'Institut.

Cours et conférences.--Cours: à la Société française de photographie (51, rue de Clichy), le mercredi à 9 heures du soir, cours public de photographie par M. E. Cousin.--Conférences: salle Gaveau (45, rue La Boétie): le 2 décembre, à 9 heures du soir, l'Orient de Pierre Loti, causerie avec projections en couleurs de M. Gervais-Courtellemont; le 4 décembre, à 3 heures: Promenade dans le vieux Paris, par M. Georges Cain.--Société des Conférences (184, boulevard Saint-Germain): le 3 décembre, à 2 h. 1/2, le Duel et la Mort de Pouchkine, par le marquis de Ségur; le 5, les Nouveaux musées de Paris, par M. Emile Bertaux.--Université des Annales (51, rue Saint-Georges), à 5 heures: le 1er décembre. Leurs caricatures, par M. Sem; le 2, l'Enfance d'un petit roi, par M. Batifol; le 3, Victor Hugo (le théâtre romantique), par M. Jean Richepin; le 4, la Maison du berger, par M. Emile Faguet; le 5, le Peintre d'Anvers, par M. Henry Roujon.

Concerts.--Église de la Sorbonne (Association des concerts spirituels de la Sorbonne), le 30 novembre: le Messie, de Haendel.

L'Exposition de l'aéronautique.--Le 5 décembre: au Grand Palais, ouverture de l'Exposition internationale de locomotion aérienne.

Sports.--Courses de chevaux: le 29 novembre, Vincennes; le 30, Auteuil (prix la Haye-Jousselin); le 1er décembre, Saint-Ouen; le 2, Auteuil; le 3, Compiègne; le 4, Auteuil; le 5, Saint-Ouen.--Cyclisme: au Palais des Sports, les 29 et 30 novembre, course de vingt-quatre heures à l'américaine.



LES LIVRES & LES ÉCRIVAINS

«LE ROMAN MERVEILLEUX»

Il est bien vrai que, parfois, les morts parlent. Et leurs voix nous émeuvent d'une émotion singulière lorsqu'elles proclament, comme une révélation décisive de l'au delà, la beauté de la vie. Le fantôme, le doux fantôme, pas encore lointain, toujours familier, qui nous entretient aujourd'hui, c'est Pierre de Coulevain. Le roman posthume, que publient ses éditeurs[2], s'appelle le Roman merveilleux.

Note 2: Calmann-Lévy, 3 fr. 50.

Ce livre, au contraire de beaucoup d'autres livres soudainement éclos sur une tombe, appartient tout entier à la pensée de Pierre de Coulevain. Et, jusqu'à la dernière ligne, il est de sa plume. Ce volume-ci, écrivait l'«errante», en ses notes de Lausanne, me sera-t-il donné de l'achever? J'en doute. Il m'achèvera, lui, je crois.» Pierre de Coulevain n'est plus, et le livre qu'elle eut le temps de finir naît à la vie des livres presque au lendemain du Jour des Morts, à l'instant même où une modeste colonne du souvenir vient de marquer d'un signe et d'un nom la sépulture anonyme du cimetière de Territet.


     Le monument de Pierre de
     Coulevain au cimetière de
               Territet.

     --Phot. A. Schneeg.

Le Roman merveilleux sera, pour les amis inconnus de Pierre de Coulevain, comme une dernière pensée de l'éminente disparue. En ces pages, qui n'auront pas de suite, l'auteur de Sur la Branche, si peu encline jusqu'alors aux confidences personnelles, nous livre, sur sa vie, sur sa jeunesse, sur le mystère de sa destinée, quelques lueurs dont s'éclaire la lente préparation de son oeuvre d'écrivain. «La nature, dit-elle, m'avait donné un jeu assez complet de cellules littéraires avec défense de m'en servir. De fait, pendant les trois quarts de ma vie, elles ont été stériles... stériles mais non pas inactives, je m'en rends compte aujourd'hui. Elles ont tout le temps capté des impressions, des images, amassé des matériaux sans nombre, et, à l'heure voulue, elles ont produit... ce qu'elles devaient produire. Elles ont rendu mon enfance bizarre, «originale», mon adolescence difficile, ma jeunesse douloureuse. Elles m'ont inspiré une ambition démesurée, un besoin de beauté, de luxe, de bien-être que je ne pouvais satisfaire. Elles ont affecté mon caractère, ma destinée, elles auraient pu me jouer de mauvais tours si d'autres forces, en parfait équilibre physique, une gaieté triomphante, le sens humoristique ne les avaient tenues en respect. Elles étaient inconfortables, mais amusantes; grâce à elles je n'ai jamais connu l'ennui. Elles ont bien pu faire de moi une romanesque cérébrale, non une romanesque sentimentale, à cela je dois mon salut.»

Et Pierre de Coulevain nous apprend que, dès sa quinzième année, elle écrivit son premier roman sur un cahier d'écolière. Ce roman, naturellement, est un roman d'amour. L'héroïne, au moment de son mariage, «a sur le visage le radieux éclat de l'amour». Elle épouse un officier de marine, car les marins avaient alors--comme aujourd'hui les explorateurs--une grande place dans les rêves des jeunes filles. Or, il advient que cet officier reprend la mer deux mois après les noces. Il demeure absent pendant cinq années, et, quand il rentre dans son foyer, il y trouve trois petits enfants «que Dieu lui avait envoyés pour le dédommager de son exil». «Je suis étonnée, ajoute Pierre de Coulevain, de n'en avoir pas mis une demi-douzaine, tant que j'y étais». Et voilà comment, à quinze ans, l'auteur du Roman merveilleux comprenait le romanesque conjugal.

*
* *

Le Roman merveilleux, c'est le Roman de la Vie, la vie dans toutes ses réalités «terriennes», dans toutes ses manifestations de joie ou de deuil, dans tous ses élans vers l'idéal. Ce livre est un véritable essai philosophique. Les proportions en sont vastes, ambitieuses, certes, et faites, avoue son auteur, pour décourager une simple romancière. Il ne s'agit de rien moins, en effet, que de nous donner une révélation des buts de la vie, de nous expliquer les religions, l'amour, la mort, avec des incursions dans le domaine des arts, des sciences et des lettres. Tout cela est beaucoup pour une seule femme, voire pour une experte moraliste. On sent la pensée qui se raidit à se rompre et le style qui se tend avec la pensée. Ce n'est plus la conversation charmante et familière de Sur la Branche ou de l'Ile inconnue. Le dialogue devient monologue et la causerie prend des allures de conférence.

... Tout concourt dans l'univers à une oeuvre divine, et nous sommes, nous, les Terriens, les ouvriers admirables de cette oeuvre. Tout en poursuivant nos chimères qui sont nos destinées, nous travaillons à l'oeuvre divine. Notre libre arbitre n'existe pas et voici l'une des preuves, au moins ingénieuse, qui nous est donnée:

«Vous n'ignorez pas l'influence de la température sur l'homme, sur sa santé, sur ses actes, sur sa pensée même; essayez donc de faire monter ou descendre le baromètre, ou le thermomètre. Les deux petits instruments enregistrent des forces devant lesquelles tout le genre humain est impuissant, ils devraient suffire à nous démontrer l'inanité du libre arbitre.»

Nos défauts et nos qualités, nos vices et nos vertus sont autant de «forces psychiques». «Ce sont les cartes avec lesquelles se joue le jeu de la vie. Il y en a qui sont de gros atouts, il y en a qui font gagner la partie, il y en a qui la font perdre, et elles sont toutes nécessaires.» Ce déterminisme, d'ailleurs, selon Pierre de Coulevain, ne doit pas être confondu avec le fatalisme. Nous ne sommes point créés pour nous croiser les bras. Nous vivons «pour faire quelque chose», ou du mal ou du bien. Oui, mais alors où est la justice divine? «Dans la grâce d'état qui aide le malheureux à supporter sa peine, dans les forces qui le pénètrent, dans les réincarnations qui l'attendent.» Jansénisme, spiritisme, métempsychose. Tout cela un peu brouillé, confus, contradictoire même, mais où l'on sent la volonté convaincue de nous intéresser à la grande oeuvre où nous jouons notre rôle, de nous faire accepter nos peines, utiles à cette oeuvre, et de nous imposer l'indulgence pour les défaillances humaines. Le Roman merveilleux est un livre de sérénité. Il mêle son parfum au grand souffle d'optimisme que, avec des pensées et des expressions tellement différentes, les Bergson, les Maeterlinck, les Jean Pinot, ont mis dans notre littérature d'idées.

En achevant ce livre qui l'avait épuisée, et au moment où elle pensait aller se reposer à Rome, Pierre de Coulevain fut saisie de funèbres pressentiments: «Je sais, écrivait-elle, combien s'est aminci le fil de ma vie... il me semble que, par moment, j'entends ricaner la sinistre ouvrière du destin, celle qui doit le couper... Oh! l'horrible femme! Elle trouve sans doute qu'elle a été bien gentille de tarder si longtemps... mais quitter la vie, alors que je la vois si immense, belle d'une immortelle beauté, c'est dur! Le courage me viendra. Si c'est à Rome que je dois succomber...»

Pierre de Coulevain devait recevoir à Lausanne même, près de son cher Léman, la visite immédiate de la sinistre, de l'horrible femme... Pierre de Coule van est morte avant d'avoir pu faire le voyage de Rome. Albéric Cahuet.



LA QUESTION DE LONGWOOD

Notre article du 15 novembre sur les Domaines français de Sainte-Hélène, la publication de ces irrécusables témoignages que sont les photographies de Longwood abandonné, ont vivement impressionné le publie et la presse.

Les premiers, parmi nos confrères, le Matin du 15 novembre, et le Journal, du 18, ont donné à la situation dénoncée par notre collaborateur Albéric Cahuet, la grande publicité de leurs colonnes. Le Petit Journal, sous la signature de M. Jean Lecoq, lui consacre son premier Paris du 22 novembre. Sur l'abandon définif de Longwood, notre confrère écrit:

«Ce sera pour notre pays la pire des hontes. Mais qu'importe!... L'administration aura fait 9.000 francs d'économie qu'on pourra employer à créer un nouveau poste pour quelque fonctionnaire bien en cour...»

Dans un article de première page de l'Éclair (21 novembre), M. Georges Montorgueil observe:

«Nous sommes peu enclins à remplir les grands devoirs du souvenir. Ce sont les affronts que nous recevons de l'étranger qui nous les rappellent. Des Anglais ont demandé à entretenir la maison de la captivité et le tombeau. Nous n'avons pas osé officiellement nous débarrasser sur eux d'un tel soin. Jusqu'à hier, nous préférions encore le remplir...»

M. Étienne Charles, dans la Liberté du 22 novembre, après avoir envisagé la question en un substantiel article, conclut, avec éloquence:

«Les descriptions et les photographies que M. Albéric Cahuet publie dans L'Illustration nous montrent la maison de Longwood déjà réduite à l'état de maison croulante, faute d'un crédit suffisant pour l'entretenir... La France a fait un musée de la maison natale de Napoléon Ier à Ajaccio. Elle veille jalousement à la conservation, dans l'état où ils étaient du temps qu'il les habitait, des appartements qu'il occupa à Fontainebleau, à Compiègne, au Grand-Trianon. Elle a transformé la Malmaison, où il passa les plus heureuses de ses années et d'où il partit pour son dernier exil et pour la captivité, en musée napoléonien. Elle recueille pieusement ses souvenirs qui attirent par milliers les visiteurs non seulement dans ces palais et ces logis plus modestes, mais encore au musée de l'Armée et au musée Carnavalet. Elle étale à Versailles et au Louvre, sous les yeux du public, le spectacle de ses victoires. Elle est fière de dresser sur l'une des plus belles places de Paris la colonne Vendôme qui proclame sa gloire. Elle fait à tous les visiteurs impériaux, royaux ou princiers, les honneurs de son tombeau des Invalides. Va-t-elle laisser périr la maison où il est mort après un martyre de cinq années dont l'humanité rougit encore comme d'une honte qui l'atteint tout entière?»

Il nous faut ajouter aussi que, dès que l'abandon imminent a été signalé au public, de touchantes et multiples protestations nous sont parvenues par lettres. La plupart demandent que l'on fasse appel à d'initiative privée pour suppléer à l'indifférence de l'administration. M. Paul Robiquet, dont le grand-père, Louis-Édouard Lemarchand, ancien officier de Waterloo et fournisseur du mobilier de la couronne sous le roi Louis-Philippe, confectionna le dernier cercueil de l'Empereur, propose de transformer en musée la modeste et légendaire demeure de Longwood. Et il offre, comme premier don, une réduction du cercueil en ébène, identique à celle dont il a déjà fait don au musée des Invalides.

Enfin, d'autres lettres nous apportent cette certitude que la fonction, si peu rémunérée, de conservateur des domaines français dans l'île perdue peut encore trouver des candidats français. Notamment, un capitaine en retraite, chevalier de la Légion d'honneur, propose d'aller continuer à Sainte-Hélène la tradition des conservateurs militaires du tombeau impérial. Et il y aura, nous en sommes certains, d'autres volontaires.

Avec un peu de bonne volonté, on n'en sera donc pas réduit à confier la garde de ce domaine sentimental de la France à un insulaire illettré, ignorant notre langue et étranger à notre âme nationale. Et nous voulons nous persuader aussi que le gouvernement, éclairé maintenant sur la situation lamentable de Longwood, et convaincu de l'émotion que provoquerait en France un abandon définitif, se décidera à relever les premières ruines.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

Mangé par les anthropophages.

Il y a quelques mois, une pénible nouvelle nous arrivait de la Côte d'Ivoire: un commerçant français, M. Huberson, avait été surpris par des anthropophages, mis à mort, et dévoré. La photographie reproduite ici, dont nous devons la communication, avec d'intéressants renseignements, à un de nos abonnés, M. le docteur Teste, évoquera cet affreux drame, heureusement fort rare.


            Deux des anthropophages de la Côte d'Ivoire qui ont
                dévoré un commerçant français, M. Huberson.

C'est en août dernier que M. Huberson, qui se livrait au négoce, à ses risques et périls, et malgré des avertissements répétés, sur le territoire du Haut-Cewally, dans le pays Guère, fut attaqué, à la tombée du jour, par une bande de rebelles; il tenta de se défendre, mais sans doute le fusil Browning dont il se servait ne fonctionna-t-il pas. Et les sauvages purent ainsi s'emparer de lui.

On ne tarda pas à apprendre sa disparition et les circonstances de sa fin: un officier, à la tête d'un détachement de tirailleurs, se mit aussitôt à la poursuite des coupables. Il réussit à les cerner, et à en prendre deux vivants; la plupart des autres étaient tombés sous les balles de nos soldats.

Le plus grand des prisonniers--celui qui figure à gauche sur la photographie--a fait des aveux complets, et a conté dans le détail les agapes auxquelles donna lieu la capture du blanc. On a donc eu l'horrible certitude que notre vaillant mais téméraire compatriote a été dévoré par ces monstres, dont la soumission se poursuit au milieu des plus grandes difficultés.

Troncs d'arbre lumineux.

Un de nos abonnés, M. Broquet, nous signale un phénomène curieux qu'il a observé récemment à la campagne.

Un soir, on venait de rentrer dans une grange des troncs de châtaigniers, âgés d'une quinzaine d'années et qui, coupés dix mois auparavant, avaient été laissés couchés dans les bois, exposés aux intempéries. Comme il avait plu toute la journée, on se mit à les écorcer pour éviter qu'ils péchassent difficilement.

Or, à mesure que les arbres étaient écorcés, ils s'éclairaient du haut en bas de lueurs presque ininterrompues. Les morceaux d'écorce eux-mêmes étaient lumineux en de nombreux points de leur surface interne. Ces lueurs permettaient de lire sur le cadran d'une montre.

On a déjà observé pareil phénomène sur de vieux bois ou même sur les vieilles souches; il paraît dû à un champignon microscopique dont le développement est favorisé par la décomposition de l'arbre et de son écorce. Mais on peut se demander comment il s'est manifesté sur des arbres qui, quoique abattus depuis dix mois, présentaient les apparences d'un bois sain.

La levure alimentaire.

Il y a quelques années, l'industrie allemande imagina d'utiliser la levure pour la nourriture des chevaux, des vaches, des porcs et de la volaille. Mais ce débouché n'a point paru suffisamment rémunérateur, et l'on cherche à introduire dans l'alimentation humaine de la levure convenablement purifiée. La chose a une grande importance pour les brasseurs allemands. Ces industriels, en effet, emploient une partie minime de la levure qu'ils produisent; ils disposent annuellement d'un excédent de 70.000 tonnes.

La boulangerie n'utilisant plus qu'une levure spéciale, on a d'abord préparé avec les levures de brasserie des extraits destinés à remplacer les extraits de viande. Ce nouvel aliment ayant eu peu de succès auprès des estomacs teutons, on s'est borné à faire sécher la levure et à obtenir ainsi une nourriture pour le bétail aisément transportable. Cette nouvelle industrie est déjà prospère: on compte 26 usines de séchage de levure, et le prix de la levure sèche a passé de 22 francs à 29 francs le quintal.

Les chimistes veulent faire encore mieux. En débarrassant la levure sèche des principes amers de la bière, ils obtiennent un aliment facile à assimiler, représentant, disent-ils, la valeur de plus de trois fois son poids de viande de boeuf, et dont le prix atteint 6 fr. 20 le kilo.

Le travail d'un faucheur.

Un bon faucheur peut mener un train de coupe large de 1 m. 80 à 2 m. 20 sur une profondeur de coutelée qui est de 0 m. 20 environ. Chaque coup de faux rase donc une surface de 2,20 X 0,20 = 40 décimètres carrés. L'ouvrier donne en moyenne 25 coups de faux à la minute. Si l'on fait abstraction de toutes les pertes de temps, aiguisage et battage de la faux, retours et reprises du train de coupe, repas, arrêts divers, etc., il ne reste guère que six heures de travail effectif. Pour ces six heures un bon faucheur peut abattre Om. q. 40 X 25 X 60 X 6 = 36 ares.

Un monument à Annenkof.

La Russie vient d'acquitter une vieille dette de reconnaissance en élevant, à Samarcande, un monument au général Annenkof, créateur du chemin de fer transcaspien, mis en service en 1887, et promoteur du Transsibérien.


      Le monument du général
      Annenkof à Samarcande.

            --Phot. Guikitine.

Ce monument, assez simple, comme on le voit sur la photographie ici reproduite, perpétuera le souvenir de l'un des hommes les plus énergiques et les plus audacieux qu'ait enfantés la Russie: celui qui lança sur l'Amou-Daria, l'antique Oxus, pour le passage du rail, un simple pont de bois de 3 kilomètres et demi, était certes d'âme hardie.

L'inauguration du monument a eu lieu le 3 novembre dernier (21 octobre vieux style). Elle a revêtu un caractère de grande solennité.

L'empereur Nicolas y était représenté par l'un de ses aides de camp, le général prince Vassiltchikof, qui, au nom de son souverain, déposa au pied du monument une superbe couronne en argent. Le général Samsonof, gouverneur général du Turkestan, présidait la cérémonie, à laquelle assistaient Mlles Annenkof, les deux filles du général, et le vicomte de Vogué, son neveu, fils du vicomte Eugène-Melchior de Vogué, de l'Académie française, lequel avait épousé une soeur du général Annenkof. Les splendides costumes du représentant de l'émir de Boukhara et des hauts dignitaires de sa suite donnaient, sous le soleil éclatant, une note de brillant pittoresque. Et la chute du voile qui recouvrait la statue fut le signal d'un impressionnant défilé des troupes, sous les ordres du représentant du tsar.


Rectifications.

Dans l'article que nous avons consacré, dans notre numéro du 15 novembre, au mariage de Nijinsky, nous avons dit que le célèbre danseur russe avait épousé une jeune fille «appartenant à une riche famille russe», Mlle Pulska. Un de nos plus notables confrères de Budapest nous informe que celle-ci descend d'une très honorable et ancienne famille hongroise: son père a été directeur des musées de Hongrie, et sa mère, écrit notre confrère, est «la première comédienne de notre théâtre national».

Sous le portrait du président de la République mexicaine qu'a publié L'Illustration la semaine dernière, et dans l'article qui le concerne, c'est Victoriano Huerta qu'il fallait lire, au lieu de Vittoriano, qui est de consonance italienne.

A propos du procès de Kief, que nous avons signalé dans notre numéro du 15 novembre, le directeur de l'Univers Israélite nous écrit que le meurtre du jeune Youtchinsky a été, d'après le jugement, commis dans une fabrique «de tuiles».




Le chef pilote Perreyon.

LES DEUILS DE L'AVIATION

C'est avec une douloureuse stupeur que le monde des sports a appris la chute mortelle de l'aviateur Perreyon, chef pilote de l'école Blériot. Depuis plusieurs années, en effet, Perreyon occupait avec une maestria incomparable un poste des plus périlleux; chargé d'essayer les nouveaux appareils et d'assurer leur mise au point définitive, il se trouvait exposé presque chaque jour à des dangers imprévus bien supérieurs aux risques que court, dans ses plus grandes audaces, un bon pilote montant un appareil éprouvé et qu'il connaît bien. Mais sa prudence et son habileté, comme aussi sa parfaite intelligence de la navigation aérienne, semblaient le mettre à l'abri de la chute banale où périt trop souvent un aviateur insuffisamment entraîné.

C'est pourtant un accident de ce genre qui a causé sa perte. Perreyon essayait, pour la première fois, à l'aérodrome de Buc, un appareil d'un modèle inédit: un monoplan à deux places de front, pourvu d'un moteur de 100 chevaux placé derrière les pilotes. L'avion évoluait normalement à une quinzaine de mètres de hauteur lorsqu'on le vit tout à coup piquer du nez et venir se briser sur le sol, écrasant le mal heureux pilote. On suppose que Perreyon, voulant atterrir, ne put se redressera temps.

Cet aviateur hors ligne, était âgé de trente et un ans. Se consacrant tout entier à l'école Blériot, il cherchait peu les occasions de succès personnel. Il s'était pourtant signalé à l'attention du grand public en s'adjugeant plusieurs records sensationnels: record de hauteur par 5.880 mètres; record de hauteur avec passager, par 4.920 mètres; record de distance avec passager par un raid de 1.200 kilomètres Turin-Rome-Turin. Il y a quelques jours, il avait à son tour bouclé la boucle.


     Le capitaine Denis de
     Lagarde.
--Phot. Otto.

Sa fin tragique a particulièrement ému notre maison. C'est, en effet, Perreyon qui avait monté, pour les épreuves de réception, le monoplan Servir, offert à l'armée par L'Illustration, et qui a été affecté au centre du camp d'Avord.

Quelques jours avant, un accident analogue mettait en deuil le corps des aviateurs militaires. Le capitaine d'artillerie Denis de Lagarde, attaché au centre d'aviation de Reims, venait d'être nommé à Villacoublay; il se rendait à son nouveau poste par la voie des airs. En voulant atterrir à l'aérodrome de Buc, il fut, croit-on, pris dans un remous; l'appareil capota et le malheureux officier fut tué sur le coup. Le capitaine de Lagarde était un des plus jeunes aviateurs de son grade. Technicien de valeur, il s'occupait spécialement du fonctionnement de la télégraphie sans fil à bord des avions, et il avait imaginé plusieurs dispositifs présentant un réel intérêt.



EN NOUVELLE-CALÉDONIE

Le 24 septembre 1853, le contre-amiral Febvrier-Despointes, commandant en chef de nos forces navales en Océanie, ayant son pavillon sur le Phoque, prenait possession, au nom de la France, de la Nouvelle-Calédonie: l'anniversaire de cette annexion a été célébré, il y a deux mois, à Balade, par l'inauguration d'un monument commémoratif,--une simple pierre portant une inscription et deux dates: 1853-1913.


Inauguration du monument commémoratif de l'annexion de la
Nouvelle-Calédonie.
Phot. A. Richard.

La cérémonie fut présidée par M. Brunet, gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, qu'entouraient les officiers de l'aviso Kersaint, représentant la Marine, les délégations du Conseil général et des sociétés patriotiques et sportives de l'île. Les tribus étaient venues des environs pour participer à cette fête française, et elles témoignèrent de leur joie en exécutant, après les discours, des danses canaques.

M. ÉDOUARD LOCKROY

Depuis longtemps déjà, une douloureuse maladie tenait M. Édouard Lockroy éloigné de la scène politique où, pendant près de quarante ans, il avait tenu une place considérable. Il a succombé samedi dernier, à l'âge de soixante-treize ans.


   Édouard Lockroy.--Phot. Marius

Sa vie avait été étonnamment intéressante en raison même de sa variété. Il était le fils de l'acteur Lockroy, l'un des interprètes préférés des romantiques, et qui, insatisfait de ses lauriers de comédien, écrivit maintes pièces, en leur temps fort applaudies.

Fidèle au «tel père tel fils», comme disait Monselet, M. Édouard Lockroy se devait de produire quelques actes. Son premier rêve, pourtant, avait été d'être peintre. Il dessinait fort bien, et quand, un peu plus tard, il accompagna Renan dans son fameux voyage en Orient, il fut pour l'historien un précieux collaborateur et fournit à son ouvrage de remarquables illustrations.

Sa curiosité insatiable, son esprit d'aventure, non moins peut-être que ses convictions, l'avaient porté encore à s'attacher à la fortune de Garibaldi et à s'enrôler parmi les Mille. Il avait amassé ainsi d'innombrables souvenirs, qu'il contait avec une verve, un esprit charmants et dont il fit, tout récemment, un attachant volume.

Le journalisme, les polémiques ardentes qu'il avait soutenues à la fin de l'Empire l'avaient conduit à la politique. Il y devait trouver une enviable carrière. De 1885 à 1899, il fit partie de cinq cabinets et fut deux fois ministre de la Marine.

Rue Royale, il s'était consacré à la lourde tâche qui lui incombait avec une énergie, un zèle, une conviction profonde. On a pu discuter les systèmes dont il fut l'ardent défenseur. Qui détient la vérité pure? On ne saurait oublier qu'il fut l'un des premiers champions de la navigation sous-marine, son véritable initiateur, peut-on dire, et il est équitable de rendre hommage au dévouement, à l'affection sincère qu'il avait voués à la marine française. Même après qu'il eut quitté le ministère, il ne cessa de se passionner pour toutes les questions qui la pouvaient toucher de près. C'est ainsi qu'il donna à L'Illustration, on 1901, d'intéressants articles sur l'Experimental Dock de Bremerhaven, où il préconisait--voeu aujourd'hui réalisé--la création en France d'un laboratoire semblable, et sur les Ports allemands en Chine.




     L'ex-légionnaire Troemel.
          --Phot. Ouvière.

L'EX-LÉGIONNAIRE TROEMEL EN FRANCE

Le cas du légionnaire Troemel, ancien bourgmestre d'Usedom, qui, au mois de mars dernier, contracta un engagement de cinq ans au 2e régiment étranger, a fait grand bruit, naguère, en Allemagne comme en France, et nous avons, dans notre numéro du 31 mai dernier, publié son portrait en même temps qu'une déclaration, écrite de sa main, par laquelle il affirmait être fort satisfait de sa nouvelle existence. Le légionnaire Troemel, après avoir été mis en observation à l'hôpital d'Oran, vient d'être réformé pour surdité; et il est arrivé cette semaine, en France.

Interrogé sur son séjour à la légion, M. Paul Troemel a assuré que «ses impressions étaient excellentes», et qu'il regrettait de n'avoir pu y rester plus longtemps.

LES THÉÂTRES

Le nouveau spectacle du théâtre Femina est des plus attrayants: il se compose de deux comédies, une en trois actes de M. Louis Bénière, Paraphe Ier, une en deux actes de M. Pierre Veber, Petite Madame.

Dans Paraphe Ier (type d'administrateur suffisant, encombrant, infatué de l'importance de sa signature), l'auteur de Papillon a mis le trésor d'observations de sa longue carrière de conducteur d'hommes et d'entrepreneur de grands travaux; on y retrouve donc cette verve satirique qui est, par moments, presque moliéresque; et l'interprète de ce personnage, M. Signoret, est admirable de solennité caricaturale.

Petite Madame vaut, au contraire, par la finesse et par le délié du trait, par la grâce légère et spirituelle.

La Comédie-Française a repris avec un succès considérable la très belle oeuvre de M. Henry Bataille, la Marche nuptiale, jouée au Vaudeville en 1905, et publiée par L'Illustration dans son numéro du 18 novembre de cette même année. C'est sans doute l'une des pièces par lesquelles l'éminent et brillant écrivain a le mieux exprimé tout ce qu'il y a en lui de sensibilité profonde et subtile. Et c'est une oeuvre dont va s'enrichir indiscutablement le répertoire de la Maison de Molière. Le rôle principal a fourni l'occasion d'un triomphe pour Mlle Piérat, et il suffit de nommer MM. Georges Berr, Grand, Granval, Mme Lara, pour juger de la qualité du reste de l'interprétation.

PARIS-LE CAIRE INTERROMPU

Au moment de mettre sous presse, une dépêche de Daucourt nous apprend que le raid Paris-Le Caire est provisoirement interrompu. D'Ada-Bazar, où nous l'avions laissé la semaine dernière, l'audacieux aviateur était parvenu sans incident à Konia puis à Eregli. A Bozanti (voir la carte, page 408), surpris par une forte tempête en traversant les monts Taurus, il fit une chute terrible, heureusement sans graves conséquences. L'appareil est brisé, mais le pilote est indemne. Son compagnon, M. Roux, avait pris le chemin de fer.

Une des photographies qui illustrent précisément (pages 408 et 409) notre article sur le chemin de fer de Bagdad permet de concevoir les difficultés avec lesquelles l'aviateur se trouvait aux prises et les risques qu'il courait. On ne saurait guère imaginer de montagnes plus abruptes et l'on frémit à la seule pensée d'une panne banale commandant l'atterrissage dans une telle région.




(Agrandissement)




Note du transcripteur: Les pages 411-414 manquent au document qui a
servi de source. Comme d'habitude, les suppléments ne nous ont pas
été fournis.