The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3645, 4 Janvier 1913

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Title: L'Illustration, No. 3645, 4 Janvier 1913

Author: Various

Release date: June 5, 2011 [eBook #36331]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3645, 4 JANVIER 1913 ***







L'Illustration, No. 3645, 4 Janvier 1913.


(Agrandissement)

Illustration: Ce numéro Comprend deux suppléments:
L'Illustration Théâtrale avec le texte complet de la pièce de M. Jean Auzanet: Le Double Madrigal:
2° Le 6e fascicule d'Un double amour, par Claude Ferval.


                      M. Raymond Poincaré.                                 M. Alexandre Ribot.
AVANT L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
M. Raymond Poincaré a rendu visite à M. Ribot. L'entretien, qui a duré plus d'une heure, a été très amical; il a porté sur l'ensemble de la situation tant extérieure qu'intérieure.
Agence Havas.


L'Illustration contiendra le 18 janvier un supplément théâtral d'un exceptionnel intérêt: le texte complet, illustré, de l'adaptation en 18 tableaux, par M. Emile Vedel, du
FAUST, de
Goethe,
actuellement représentée avec tant de succès à l'Odéon. La presse a été unanime à louer l'intelligence scrupuleuse avec laquelle les deux parties de ce chef-d'oeuvre formidable, inégal et touffu, presque injouable et d'une lecture difficile, ont été là et pour la première fois en France clairement et scéniquement présentées.

Nous publierons auparavant (le 11 janvier) les Phares Soubiyou, l'amusante comédie de M. Tristan Bernard, et dans les numéros suivants: Bagatelle, la belle oeuvre de M. Paul Hervieu; Kismet, de M. E. Knoblauch, dans le texte français de M. Jules Lemaitre, etc., etc.


COURRIER DE PARIS

DETAILLE, PORTE-DRAPEAU.

Sur le monument qui sera élevé à l'auteur du Rêve je proposerais, si l'on me faisait l'honneur de me consulter, que l'on inscrivît ces simples mots: Detaille, porte-drapeau. Pendant près de cinquante ans il fut cela, en effet, avec ferveur, noblesse et discipline. C'est à la mise en valeur constante et à la glorification régulière des trois couleurs qu'il employa et rehaussa les autres.

Quand surgit et passe le régiment, musique en tête, ce régiment qui de sa cadence unique et puissante aplatit et traverse tout, là où il entre et s'enfonce avec une tranquillité martiale et gaie à travers les tranchées des maisons, ramassant et draguant après lui les pensées, faisant prisonniers tous les cours,... avez-vous regardé le porte-drapeau?

C'est généralement un homme jeune, impassible et de belle stature. Comme il se redresse et marche bien! La façon dont il tient l'emblème fragile et sacré est admirable de correction, de calme énergie et de respect. Il le tient droit, tout droit, comme un grand flambeau, comme une pique, le plus droit qu'il peut. On dirait qu'il évite de le secouer, de le remuer, de lui imprimer le moindre mouvement. Il y consacre une application religieuse. Il sait qu'il a dans les mains l'ostensoir de la patrie. Il sait que l'étendard doit s'avancer ferme et haut, immobile, comme s'il allait tout seul et sans le secours de personne, que sa soie doit retomber recueillie, expressive comme une idée, repliée connue une aile. Il sait--en même temps qu'il se grandit--qu'il ne le fait que pour qu'on voie mieux l'emblème de partout et du plus loin, et que sa fierté personnelle et nécessaire à lui chétif ne lui vient que de son redoutable fardeau, et qu'il n'est rien qu'une hampe humaine, mais orgueilleuse et pâle de l'être... Et c'est pourquoi, grave, digne, il s'avance, acceptant que son visage durant le trajet soit, à chaque minute, caché par l'étoffe pourvu qu'elle vienne lui frôler les lèvres et recevoir son incessant baiser.

Ainsi Detaille, depuis sa vingtième année, jusqu'à la fin de celle-ci, jeune, svelte, élégant et soigné comme à la parade, tête haute et regard fixe vers l'horizon qui a toujours, quel qu'il soit, l'air mystérieux d'une frontière,... ainsi le beau peintre d'armées, duquel sont en deuil les soldats autant au moins que les artistes, fut lui aussi, dans sa manière, un porte-drapeau. Il aima le montrer partout, sur le rempart et au sommet de l'édifice, au champ de bataille et sur la barricade, à la, charge et au repos, flottant et apaisé, neuf et mutilé, baptisé par le feu et dormant sur les faisceaux, roulé dans sa sombre gaine de cuir, au-dessus des soldats étendus à terre dans la posture des morts et délirant au fond d'un sommeil tourmenté de gloire.

Ce rôle qu'il avait assumé explique et justifie la rare distinction de l'homme, distinction de sentiments, tous élevés et supérieurs, et aussi l'impeccabilité de sa tenue physique et morale. Rien pour lui n'était négligeable. A peine engagé volontaire du patriotisme et de l'art, il s'était tout de suite habitué à passer chaque jour l'inspection de détail de ses pensées et de ses convictions, tout comme celle de son vêtement, car il n'ignorait pas que les premières sont l'uniforme de l'âme au même degré que le second est celui du corps. Detaille portait l'habit comme s'il avait l'épaulette. On a reproché quelquefois à ses soldats leur excessive et méticuleuse netteté, leur persistante coquetterie, leur élégance voulue... Jamais on n'eut moins raison en exprimant à ce sujet, même avec déférence, de timides réserves. Ce soin touchant et prémédité n'était à ses yeux, et dans sa ferme résolution, que l'expression d'un hommage et la forme d'un culte. Il s'était rapidement rendu compte que, pour un vrai soldat d'esprit et de pratique, tout se tient, qu'il n'y a plus de petites choses, que le bouton acquiert aussitôt une importance de vertu et que le coeur n'est pas loin d'être bien placé quand la cravate est à l'ordonnance. Il prétendait que, dans son oeuvre, du simple troupier à l'officier et au général, chacun fût représentatif, honorable d'aspect, satisfît le regard difficile et soutînt l'examen, devînt, par la manière dont il était rehaussé, paré et accommodé, un exemple, un modèle, un petit morceau d'armée, un fragment vivant d'honneur, de beauté militaire, et voilà pourquoi son pinceau minutieux les caressait en les vénérant. Jamais, à aucune minute, il ne perdit le sentiment de la tenue que devait, selon lui, conserver, jusque dans la pire bousculade de la guerre, le soldat soucieux de ce nom. Toujours, nous voyons les troupes de Detaille revenir en bon ordre et avec une parfaite décence de la plus chaude affaire. La défaite elle-même ne saurait les débrailler ni les avachir. Ils font toilette pour aller à l'assaut comme une femme s'habille et se met en frais pour le bal. Ils sont pareils à ces raffinés de l'agonie qui n'oublient pas de recommander à leur dernière heure qu'on les lave bien après la mort pour paraître avec propreté là où il faut. Aussi, à nous avoir montré au repos, à l'exercice et dans l'action, des soldats ragoûtants, bien brossés et bien ficelés, bien plantés et satisfaits d'eux-mêmes, et qui ne changeraient pas avec le voisin, Detaille a conquis de bon aloi son bâton de maréchal populaire. Pour la foule de Paris et de France il restera l'auteur du Régiment qui passe. Oui, c'est bien cela. Depuis 1870 il a fait passer le régiment, partout, dans toutes les villes, dans toits les quartiers, dans toutes les rues, dans tous les villages, à toutes les étapes. Il ne nous a jamais laissé perdre le contact avec le soldat. Il a maintenu entre lui et nous, en la renouvelant sans cesse, la sainte communication. Et il a rempli ce grand devoir avec le goût le plus fin, le plus serré, la plus juste mesure, sans que cependant il se soit jamais condamné à retenir la franchise de ses desseins, ni à déguiser la direction de son élan.

Il avait un caractère aussi charmant que beau. Il eut l'esprit droit, noble et gai, le jugement sûr, le coeur chaud, la bonté discrète et tendre. Son oeuvre considérable, vaste et limpide, si étonnamment variée, porte la signature, bien lisible et jolie, de toutes ces qualités rares qui s'étaient enrôlées chez lui pour composer l'ensemble national que nous avons admiré, que nous regrettons. Mais son souvenir demeure et continue de monter la garde. Notre ami a laissé, pour le remplacer, «son soldat», le petit soldat, «le Detaille» épingle au mur que sait toute la France, clair comme son sabre, vif, astiqué, dégourdi, l'oeil pur et malin, le sang aux joues et à fleur de peau, prêt à sortir des veines et à se répandre pour le pays. Ses tableaux ont débordé les collections et les musées pour aller se suspendre d'eux-mêmes dans la maison, l'auberge et la chaumière, s'accrocher dans le regard de l'enfant, du petit paysan, du conscrit et du retraité, se placer à la cimaise de leur contemplation quotidienne. En reconnaissance, l'Alerte, le Salut aux blessés, la Sortie d'Euningue... et combien d'autres pages!... sont venues dans les chambres françaises, aux environs du lit, jusque sous la tente de l'alcôve, voisiner près des images des vieux parents morts, non loin du buis desséché qui est le plumet des crucifix.

Ainsi la carrière de Detaille, glorieuse par l'honneur auquel il subordonna toujours sa conduite et par les honneurs qu'il eut l'orgueil d'obtenir rien que pour les avoir mérités, ainsi cette carrière, quoique trop tôt brisée, finit-elle néanmoins brillamment, dans l'énergie et la clarté, sans nous apporter la moindre déception, en nous léguant au contraire l'exaltante leçon d'une belle chose, poussée et achevée, d'un ensemble complet et harmonieux. Et le peintre lyrique de la Chevauchée disparaît dans les nuages et sur la piste de la mort à une heure privilégiée, ayant assez vécu pour se réjouir avec amour du relèvement des idées de patrie et de devoir militaire qui étaient ses idées continuelles, ses idées d'activité et de loisir, de chevalet et de chevet, et sur le laurier desquelles il repose aujourd'hui, comme un bon hussard qui, le soir du combat, dort tout botté sur de la paille.
Henri Lavedan.

(Reproduction et traduction réservées.)


LA VOCATION D'ÉDOUARD DETAILLE

Un de nos lecteurs nous communique le dessin reproduit ci-contre, qui prouve à quel point Édouard Detaille était prédestiné à devenir le grand peintre militaire qu'il a été, comme la brève note qui accompagnait l'envoi, et qui raconte dans quelles circonstances le maître, célèbre, universellement admiré, apposa sur ce croquis ancien sa signature, atteste la délicieuse urbanité du parfait galant homme qui vient de disparaître.

Ce croquis, précieux pour quiconque voudrait chercher à discerner les dons de précision, de virtuosité déjà en germe dans le lycéen de douze ans, date de 1861. Édouard Detaille en fit don à l'un de ses condisciples, Paul Thumeloup, plus tard avocat, puis négociant. Des mains de celui-ci il passa, par héritage, en celles d'un sien cousin, M. A. Géraud, à l'obligeance duquel nous en devons la communication.

Or, M. Géraud, s'armant de courage, osa demander un jour au grand peintre la permission de le lui montrer. Il reçut à l'atelier du boulevard Malesherbes l'accueil exquis qu'y rencontrèrent toujours tous les visiteurs. C'était en juin dernier.


UN «DETAILLE» DE 1861.--Dessin fait par Édouard Detaille à l'âge de douze ans, reconnu et signé par lui cinquante et un ans plus tard, le 13 juin 1912.--Communiqué par M. A. Géraud.]

Édouard Detaille fut content de revoir ce croquis enfantin, déjà si alerte. Il le jugea avec la sévérité qu'il montrait invariablement envers lui-même: «C'est amusant, dit-il... J'avais déjà du goût pour les soldats!... Mais ce n'est pas fameux.» Et il évoquait, souriant, les pensums innombrables que lui avait valus, en ces temps lointains, sa passion pour le dessin,--pour «les soldats»! Puis il prit sa plume, et dans l'angle du papier, en haut à gauche, il signa, reconnaissant galamment cet enfant oublié de sa prime jeunesse.


LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

MM. Raymond Poincaré et Alexandre Ribot

Le 17 janvier prochain, le Congrès réuni à Versailles désignera le successeur de M. Armand Fallières, dont le septennat arrive à son terme. Les circonstances que nous traversons, la situation extérieure toujours difficile, les graves problèmes qui se posent maintenant devant l'Europe donnent à cette élection une importance plus grande que jamais. La France entière sent profondément la nécessité d'avoir à sa tête un homme d'une expérience éprouvée, qu'une haute autorité morale, une valeur indiscutable dressent au-dessus des partis et de leurs querelles. Le Parlement partage, cette fois, les préoccupations du pays. Et consciencieusement il cherche, pour l'élever à une si haute charge, le meilleur et le plus digne.

Même, rompant avec une tradition néfaste qui faisait de la préparation d'une élection présidentielle une affaire de conciliabules secrets, d'intrigues, les groupes agissants du Sénat et de la Chambre ont voulu présenter d'avance aux votes du Congrès le ou les candidats qu'à leurs yeux il serait désirable de voir élire: c'est un geste dont la presse a été à peu près unanime à les féliciter. On avait tout d'abord songé à offrir la candidature à M. Léon Bourgeois, qui a rendu au pays d'éminents services et dont le prestige hors de nos frontières est certain: des raisons impérieuses, une santé délicate et qui exige de grands ménagements, ont contraint le ministre du Travail à ne point accepter la tâche qu'on voulait lui confier.

Alors, un grand nombre de sénateurs et de députés se retournèrent vers M. Raymond Poincaré. Il n'est pas besoin de rappeler ici les titres qui imposaient à leur attention le président du Conseil, et le rôle de très haute tenue qu'il a joué au cours des événements dont nous venons d'être les spectateurs passionnés. M. Raymond Poincaré, avec cette belle loyauté, cette netteté d'allures qu'il a montrées au cours de toute sa carrière politique--deux des qualités justement qui l'imposaient au choix de ses amis--fit immédiatement connaître qu'il acceptait de laisser poser sa candidature.

Cependant on savait que M. Alexandre Ribot, lui aussi ancien président du Conseil et ancien ministre des Affaires étrangères, avait également l'intention de briguer la suprême magistrature. M. Raymond Poincaré lui-même, d'ailleurs, l'y avait encouragé. Et, de fait, à peine celui-ci avait-il fait connaître sa décision que M. Ribot, à son tour, annonçait officiellement, par la voie de l'Agence Havas, qu'il maintenait sa candidature, même en face de celle de l'éminent chef du cabinet.

Mais quelle compétition élégante et courtoise, entre ces deux hommes d'État et comme les façons raffinées qu'ils ont tout de suite adoptées contrastent avec celles dont nous vîmes user dans telles campagnes électorales!

Le premier soin de M. Raymond Poincaré, une fois qu'il connut quel adversaire il aurait en face de lui, fut de lui demander une entrevue. Et dimanche, amicalement, tous deux échangeaient leurs vues sur la situation tant intérieure qu'extérieure, et constataient leur accord sur la ligne de conduite à adopter au milieu de toutes les complications politiques du moment. Le lendemain, M. Ribot rendait à son concurrent, au quai d'Orsay, sa visite de courtoisie.

M. Ribot et M. Poincaré ne seront pas les seuls, d'ailleurs, à se présenter aux suffrages des sénateurs et des députés. D'autres candidatures se préparent, plus ou moins ouvertement. M. Antonin Dubost, président du Sénat, et M. Paul Deschanel, président de la Chambre, soumis à la réélection à l'une et à l'autre assemblées, seront certainement sur les rangs. Mais déjà nous pouvons attendre avec confiance le scrutin de Versailles: le Congrès n'eût-il à choisir qu'entre les deux candidats déclarés, la France aurait, devant le monde, un représentant digne d'elle.


La prochaine élection présidentielle: aménagement de la salle du Congrès de l'Assemblée nationale, au palais de Versailles.

Les préparatifs du Congrès.

Pendant que l'on discute avec animation, à Paris et dans la France entière, les candidatures officielles ou probables à la présidence de la République, on s'occupe spécialement, à Versailles, de tout préparer pour recevoir dignement les 900 parlementaires qui, le 17 janvier, éliront le successeur de M. Fallières. Commencés il y a bientôt deux mois, les travaux sont à peu près terminés aujourd'hui. Ce délai peut paraître long à ceux qui savent qu'il y a en permanence, au château, tout un personnel chargé d'entretenir le palais pour le cas où s'ouvrirait, par démission ou autrement, une vacance présidentielle. Mais, cette fois, des mesures spéciales ont dû être prises.

Il y a sept ans, en effet, la lutte, circonscrite entre M. Fallières et M. Doumer, ne nécessita qu'un seul tour de scrutin, alors que, cette année, on en prévoit pour le moins trois. Or, chaque tour, qui amène 300 sénateurs et 600 députés à défiler un à un à la tribune, avec, le pointage et le dépouillement des bulletins, la: proclamation du résultat, la préparation du vote suivant, demande trois heures environ. Commencée à 2 heures de l'après-midi, la séance menace donc de durer jusqu'à minuit, sinon davantage. Il a fallu, par suite, renforcer la buvette. Des commandes fermes ont été adressées aux fournisseurs ordinaires du Luxembourg et du Palais-Bourbon, et, le jour venu, 250 kilos de veau, de jambon et de pain viendront s'emmagasiner dans le garde-manger du palais, à côté d'un millier de bouteilles d'eaux minérales. En outre, deux marmites monumentales ont été installées, où mijotera un bouillon parfumé.

On a dû se préoccuper aussi de l'éclairage, très incomplet jusqu'ici, puisqu'il n'était assuré que par une centaine de becs de gaz «papillon», quantité suffisante d'ailleurs, tous les précédents congrès ayant pris fin avant la nuit ou ayant eu lieu dans les mois aux longs jours. On avait songé, tout d'abord, à l'électricité, mais Versailles, paraît-il, ne peut fournir le courant nécessaire, et l'on dut adopter le bec Auer: il y aura 600 lampes de ce modèle. Quant au chauffage, il est réalisé par un calorifère très puissant.

Les appartements intérieurs ont été tendus à neuf. Le nouvel élu n'a point, à Versailles, ainsi qu'on l'a dit parfois, de chambre personnelle où il puisse, s'il lui plaît, passer la nuit. Seuls, les deux présidents de la Chambre et du Sénat ont droit au logement: ils n'usent d'ailleurs que de la salle à manger mise à leur disposition, pour y convier à déjeuner les bureaux de leurs assemblées respectives.

Dans la salle, les sièges ont été recouverts de cuir jaune foncé. Les membres des deux Chambres s'assoient, sans places marquées, au hasard, ou plutôt, si l'on peut dire, suivant leurs affinités électives.

Les frais assez élevés que nécessite cette mise en état indispensable sont supportés pour un tiers par le Sénat et pour deux tiers par la Chambre. C'est la questure du Palais-Bourbon qui règle et ordonnance les dépenses. En revanche, c'est le personnel du Luxembourg qui assure, le jour de l'élection, le fonctionnement des différents services; au cas où le congrès se prolongerait le lendemain, le personnel de la Chambre remplacerait celui du Sénat. Enfin, douze lignes télégraphiques ont été équipées entre Versailles et Paris; et quatre trains spéciaux ont été commandés aux chemins de fer de l'État: un pour le gouvernement, qui partira de Montparnasse, et les trois autres, qui partiront respectivement de cette dernière gare, des Invalides et de Saint-Lazare, pour les membres des deux Assemblées.

MORT DE M. DE KIDERLEN-WAECHTER


      M. de Kiderlen-Waechter.

La mort soudaine, au lendemain des fêtes de Noël, de M. de Kiderlen-Waechter, le secrétaire d'Etat à l'office impérial des Affaires étrangères d'Allemagne, a provoqué en Europe des impressions diverses, mais non point cette émotion générale qui s'attache à la disparition des hommes de tout premier plan, difficilement remplaçables. M. de Kiderlen-Waechter dut aux circonstances d'occuper le poste de ministre des Affaires étrangères dans une période d'âpre controverse franco-allemande, et son rôle, au regard de la France, fut, un moment, des plus ingrats. Nous ne saurions évidemment lui en vouloir de s'être efforcé de servir son pays, le mieux possible, et à sa manière, qui était teutonne. Il avait pourtant pris une part active et sincère à l'accord franco-allemand de 1909. Par la suite, obsédé par le souvenir des attitudes et des procédés de Bismarck, son maître, il tenta les chances périlleuses d'Agadir pour réaliser, lui aussi, une oeuvre. Son but, qui était de faire payer au plus haut prix, par de précieuses compensations coloniales, le désistement de l'Allemagne au Maroc, fut poursuivi dans les conditions retentissantes et périlleuses que l'on sait et qui sont à peine d'hier. Mais, bien que, finalement, cette politique de M. de Kiderlen-Waechter nous ait coûté une partie de notre Congo, nous lui devons néanmoins une gratitude pour avoir provoqué dans notre pays un admirable réveil national. M. Maximilien Harden n'écrivait-il pas, il y a un an, dans le Zukunft: «Les Français, loin d'en vouloir à de Kiderlen-Waechter, devraient lui élever un monument. La France, qui allait à l'antimilitarisme et à l'anarchie, s'est, après le coup d'Agadir, ressaisie dans un élan magnifique; elle sort vivifiée de cette épreuve.»


LA SANTÉ DU TSARÉVITCH

On se rappelle quelle inquiétude a donnée, à la fin du moi d'octobre dernier, à la famille impériale de Russie, la santé du grand-duc héritier Alexis Nicolaiévitch Nous avons dit ici (numéro du 2 novembre) que, s'étant blessé assez grièvement au côté gauche, en jouant, le tsarévitch eut à souffrir de complications qui causèrent de graves alarmes. Or, une grande agence photographique anglaise, Central News, nous communique une photographie récemment faite, nous assure-t-elle à Tsarskoié-Selo, qui serait pour rassurer pleinement sur l'état de santé actuel du jeune prince: elle le montre, jouant dans le parc, par un temps de neige. L'image est jolie, en tout cas. Si elle a réellement été obtenue dans les conditions qu'on nous dit, récemment, elle atteste qu'il ne reste chez le tsarévitch aucune trace de l'accident qui avait si fort affecté sa santé.

Le tsarévitch, dont la santé inquiétait récemment encore la Russie et l'Europe entière. Cette photographie aurait été prise il y a peu de jours, à Tsarskoié-Selo, par le correspondant de l'agence anglaise Central News.



LA CAMPAGNE GRECQUE EN ÉPIRE

A LA CONQUÊTE DE JANINA


Volontaires macédoniens, auxiliaires de l'armée serbe, aux avant-postes.


DANS LES NEIGES DE L'ALBANIE.--Un train d'équipages, dans un cantonnement serbe.

Les Serbes, pendant la trêve des négociations, demeurent en Albanie, sur ces positions que leur disputent actuellement non plus les Turcs, mais les diplomates. C'est l'hiver! C'est la neige qui, peu à peu, ensevelit les cantonnements et les équipages, cependant que çà et là, vigilantes sentinelles, les auxiliaires macédoniens, qui connaissent si bien toutes les ruses de la guerre de surprises, protègent les postes serbes contre un coup de main toujours possible, malgré l'armistice, des bandes albanaises.


         Le théâtre de la guerre qui continue: l'Épire.
      Faute de documents suffisants, les positions de Schéfik-Bey et
                  d'Imin-Aga n'ont pu être portées sur cette carte.

Depuis que Bulgarie, Serbie, Monténégro ont conclu avec la Turquie un armistice et suspendu les hostilités, la Grèce est seule à continuer la guerre. Toute l'attention devrait donc se concentrer sur les opérations que poursuit en Épire l'armée des Hellènes. Mais, nous l'avons indiqué en présentant, il y a quinze jours, à nos lecteurs l'intéressante correspondance de M. Jean Leune, l'état-major, respectueux des volontés du diadoque, a tout fait pour décourager les correspondants de guerre d'accomplir la mission pour laquelle ils étaient partis.

Voilà pourtant que M. Jean Leune a, par son opiniâtreté, son entrain, sa vaillance, triomphé de ces dispositions d'abord peu bienveillantes, et est admis officiellement, enfin, à suivre, toujours accompagné de la courageuse Mme Jean Leune, l'armée d'Épire. Le Pylaros, petit vapeur affrété, emmena, bien pourvus de recommandations, le correspondant de L'Illustration et sa femme vers Preveza, dont, depuis le 21 octobre, les Grecs sont les maîtres.

C'est une prise qui fait honneur, M. Jean Leune y insiste, au général Sapoundsakis, commandant en chef de l'armée d'Epire, qui, chargé seulement, avec 6.000 hommes, au plus, de retenir 15.000, puis 20.000 Turcs et de leur barrer, par une défensive obstinée, la route d'Arta et du territoire grec, n'hésita pas à prendre une offensive audacieuse qui lui réussit admirablement, puisqu'elle lui livra tour à tour les villages de Strivina et de Philippias, puis, après un combat dans les ruines de l'antique Nicopolis, où les Ottomans étaient retranchés, Preveza et Metsovan, au nord-est de Janina.

De Preveza, une automobile destinée au transport des blessés emmenait par une route splendide, qui passe près des vestiges de Nicopolis, et d'où l'on découvre le calme golfe d'Arta, M. et Mme Jean Leune à Philippias, où venait de s'installer le quartier général. Et l'accueil fut charmant... Maintenant, nous allons emprunter à la longue relation de notre excellent correspondant ses passages les plus intéressants. D'abord, la présentation au général:

SYMPATHIES POUR LA FRANCE

Le général Sapoundsakis est un homme grand et fort, superbe dans son uniforme bleu foncé très simple, cheveux blancs, moustache blanche. Un visage ferme et doux à la fois, où brillent des yeux dont le regard doit savoir être, tour à tour, impérieux ou plein d'indulgence et de bonté.

Sa longue capote bleue, ses bottes à l'écuyère dont le devant remonte sur le genou, lui donnent tout à fait l'air d'un maréchal du premier Empire. C'est l'impression qu'il nous produit dès son arrivée, et, comme il parle admirablement le français, l'illusion est complète.

Il nous accueille de la façon la plus aimable, la plus paternelle.

--Soyez les bienvenus, nous dit-il. Votre seule qualité de Français vous donne droit à toute ma sympathie!

Puis il lit un mot que le général Eydoux m'avait chargé de lui remettre.

--Ah! le général Eydoux, «notre général», si vous saviez ce que nous lui devons!... Il a toute mon admiration et toute mon affection... Dites-le-lui bien, et dites-lui toute ma reconnaissance dès que vous lui écrirez, car je n'aurai malheureusement pas le temps de le faire, j'ai tant d'occupations ici...

Le lendemain, on nous présentait au commandant Spiliadis, sous-chef d'état-major du général, le même qui, avec 1.800 hommes, enleva gaillardement Preveza. Nous lui demandons de nous raconter le combat de Nicopolis, puis son entrée dans la ville conquise:

--Quand je suis entré dans Preveza, nous dit-il, je me suis dit: Je venge enfin les Grecs, mais je venge aussi les 3.000 soldats français que le fameux Ali pacha fit, en 1812, lâchement massacrer dans les rues de cette ville...

Que de souvenirs français ici! Que de sympathies pour nous, aussi! Ce général, qui se dit le profond admirateur de nos théories militaires et les applique constamment; presque tous les officiers et beaucoup de soldats qui parlent notre langue; les sonneries de clairon ou de trompette qui sont des airs bien connus de nos troupiers; toute l'artillerie de campagne à tir rapide, enfin, qui sort du Creusot... On se sent vraiment dans une atmosphère de sympathie, dans une atmosphère presque française. Et cela suffirait à nous attacher à cette brave armée d'Epire, au milieu de laquelle nous ne nous sentons nullement dépaysés. Il y a plus: un uniforme français apparaît, au milieu des tenues kaki: c'est le capitaine Barès, chef du centre d'aviation de Bue, attaché militaire. Il suit la campagne, qu'il doit étudier au point de vue aviation. Et c'est un homme charmant avec lequel, bien entendu, nous fraternisons tout de suite, sans peine.

VISITES AUX CANONS ET AUX AÉROPLANES

L'après-midi du 9 décembre, nous partons en automobile pour les avant-postes, en même temps que le général.

A Schéfik-Bey, derrière une colline grisâtre, sont installés les quatre seuls canons de 105 que possède l'armée d'Epire,--d'anciens Krupp. On vient de finir de les monter, et le général Sapoundsakis vérifie lui-même les emplacements des pièces... En quelques mots il nous en explique le mécanisme et la manoeuvre. Après quoi, souriant, il nous annonce qu'il nous attache, ma femme et moi, à son état-major, avec lequel, désormais, nous allons vivre. Cela nous reposera des rigueurs de la vie en Macédoine.

Le lendemain matin, 10 décembre, nous allons, en compagnie du capitaine Barès, nous rendre compte de ce qui se passait au camp d'aviation de Nicopolis. Deux aéroplanes, un Maurice-Farman et un Henri-Farman, sont devant leurs hangars démontables en toile bleue. Deux mécaniciens français, Chauveau et Berni, achèvent de monter et de régler les appareils que doivent piloter le lieutenant d'artillerie Cambéros et le lieutenant de cavalerie Notaras.


Les biplans français Maurice-Farman et Henri-Farman de
l'armée d'Epire, au camp d'aviation de Nicopolis, près des ruines antiques.

Et le spectacle est vraiment frappant de ces appareils ultra-modernes posés sur la prairie toute verdoyante, au milieu des ruines antiques.

De tous les environs, la foule est accourue... Des paysans, des femmes, des enfants. On regarde curieusement les grands oiseaux blancs. On se demande comment de pareilles machines peuvent bien voler.

Chauveau a fait des merveilles. Le Maurice-Farman est prêt, l'Henri-Farman sera prêt pour la fin de l'après-midi. On essaie le moteur. Tout va bien.


                                                                    Gnl. Sapoundsakis.
Le général commandant l'armée grecque d'Epire, ses officiers et Mme
                 Lejeune examinant une pièce de 105 en batterie.

Vers 5 heures, le lieutenant Cambéros s'envole. La foule alors éclate en bravos enthousiastes. Hommes et femmes se signent et marmottent des prières, tout à fait impressionnés par le miracle auquel ils assistent. Tous les visages expriment un étonnement indescriptible. A l'église voisine, les cloches sonnent à toute volée, tandis que des soldats tirent en l'air des salves d'honneur!

Avant le vol, le poète Matsoukas, le fameux «mendiant national» dont les triomphales tournées en Amérique ont valu à la Grèce un contre-torpilleur, une batterie de campagne et trois aéroplanes, était arrivé à Nicopolis.

Il a regardé les appareils, puis, comme des troupes passaient non loin sur la route, il est allé les haranguer, leur tenir des discours d'un patriotisme si vibrant, si sincère, que, même sans les comprendre, on se sent irrésistiblement forcé d'applaudir! Les hommes, enthousiasmés, crient cent fois: «Vive notre Matsoukas!» Et, lorsqu'ils partent, leur pas est plus alerte...

IMPRESSIONS DE COMBAT

Le jeudi 12 décembre, nous retournons à l'endroit que nous avions visité le lundi en compagnie du général. Depuis le matin on se bat sur toute la ligne.


                                Le poète Matsoukas.
        Le poète hellène Matsoukas haranguant les soldats.

Sur la droite, du côté de Pesta, la canonnade est terrible. La fusillade crépite. On a l'impression très nette qu'une grosse partie se joue là-bas. On n'en peut malheureusement rien voir, parce que de hautes montagnes nous masquent complètement la vue de ce côté.

Sur la gauche, la 2e division, très visible encore pour nous dans la vallée du Louros, va opérer un mouvement débordant sur la droite de l'ennemi, en se faufilant par les ravins, à l'abri des vues et du tir.

A midi et demi, une heure, la canonnade cesse du côté de Pesta... A 2 heures, quelques obus turcs éclatent très nettement à gauche sur une crête dans la direction de la 2e division que les Turcs doivent avoir aperçue.

Les grosses pièces de 105 en batterie ici tirent de temps à autre, dès qu'au loin apparaissent des convois ou des troupes sur la vieille route de Janina.

Les Turcs ne répondent pas, n'ayant pas de pièces de gros calibre à opposer à celles-ci. Mais ils ont sur la gauche une batterie de campagne très gênante pour la 2e division et qu'il faudrait bien réduire au silence. On tire de son côté, mais malheureusement des collines empêchent de voir les éclatements.

A 3 heures, un paysan vient indiquer l'emplacement précis des Turcs. Les 105 aussitôt corrigent leur tir. Les résultats doivent être bons, puisque les Turcs se taisent. Ce paysan a fait trois heures de marche à travers les lignes turques pour venir donner ce renseignement.

Le lendemain, nouvelle visite à Schéfik-Bey, d'où nous poussons jusqu'à Imin-Aga, que les Turcs avaient évacué la veille. Et là, nous apprenons que les Grecs ont pris huit canons, huit beaux canons de Krupp, à tir rapide, dont deux sont intacts, avec leurs culasses.

Le 15 décembre est un dimanche. On nous a conseillé de rester «chez nous», aucune opération sérieuse ne devant, vraisemblablement, être engagée ce jour-là. La 2º division avait à prononcer son mouvement en avant sur la gauche de Pisani, tandis qu'à droite, des evsones devaient gagner les flancs des positions turques. Les Grecs avaient encore de l'artillerie à placer... C'étaient au contraire d'excellentes raisons pour qu'une bataille sérieuse s'engageât, les Turcs ayant tout intérêt à empêcher les Grecs de prendre contre eux tous les atouts en mains... Donc, de bonne heure, une auto de l'état-major nous emmenait vers l'avant, au delà de Hani-Imin-Aga.

En arrivant à Schéfik-Bey, nous avons entendu sur notre gauche une fusillade très nourrie. C'est la 2º division qui a pris le contact avec les troupes ennemies envoyées à sa rencontre. Puis, sur la droite, sur les hauteurs, encore de la fusillade. Tout là-haut, ce sont les evsones qui sont aussi accrochés à l'ennemi.

Le canon tonne des deux côtés. Les forts de Saint-Nicolas et de Pisani aident l'infanterie turque à résister au mouvement en avant des Grecs.

Dans le ravin, que deux hautes collines protègent des vues et des feux de Pisani, trois pièces de 105 sont déjà en batterie. C'est cette nuit qu'on les a montées et placées. Les projecteurs turcs ayant tenté de gêner les mouvements de l'ennemi, l'une des grosses pièces, aussitôt en batterie, leur envoya quelques obus très bien placés qui les annihilèrent pour le restant de la nuit.

A midi, les 105 mêlent leur très grosse voix à l'effroyable concert auquel nous assistons. A 1 heure, après qu'une pièce a tiré, du haut de la colline où se trouvent le capitaine et les officiers qui règlent le tir, des bravos et des «zitos» éclatent, transmis par les hommes de liaison. Un enthousiasme fou s'empare de tous, artilleurs ou spectateurs, car le dernier obus grec vient de tomber juste sur un des ouvrages de Pisani, y causant de terribles ravages.

Le commandant Spiliadis, qui nous parlait, se détourne alors, et deux grosses larmes coulent lentement le long de ses joues...

Nous souhaitons de voir de plus près les effets du tir des 105. Le commandant Spiliadis nous donne un laissez-passer, et nous voilà partis, ma femme et moi, à l'assaut de la haute colline rocheuse, du sommet de laquelle nous avons hier reconnu les positions ennemies.

Nous n'étions pas là depuis une minute, qu'une pièce grecque tire. Un coup de tonnerre, grossi par l'écho. Puis le ronflement sourd de l'obus qui se visse dans l'atmosphère.

Le ronflement s'enfle, s'enfle, puis décroît, mais d'une façon toute particulière qui donne l'impression très nette de la montée puis de la descente de l'obus en sa trajectoire. Et alors, sur l'ouvrage qui couronne le sommet le plus haut des collines de Pisani, une longue colonne de fumée noire monte, verticale et brusque. L'obus grec a bien travaillé. C'est une poudrière, ou un dépôt de munitions, qui vient de sauter. Aussi les « zitos » se font-ils très nourris, derrière nous.

A gauche et à droite, crépitements de fusillade, halètements rythmés de mitrailleuses se mêlent au bruit des canons qui tirent et des obus qui éclatent. Malheureusement, de là où nous sommes nous ne pouvons voir que Pisani, et rien de la bataille d'infanterie. Si bien qu'au bout de quelque temps d'une observation prodigieusement intéressante, nous nous décidons à redescendre.

Par moments, le duel s'interrompt. Les Turcs s'appliquent à rectifier leur tir. Puis, quand ils croient y avoir réussi, des coups de tonnerre de nouveau résonnent, enflés démesurément par l'écho. Mais les obus turcs toujours tombent à côté du but, certains à droite des pièces grecques, d'autres, plus nombreux, en arrière de notre batterie, si admirablement dissimulée que l'ennemi ne parviendra pas à la repérer exactement. Les soldats grecs le sentent, pleins de confiance, et quand un obus passe, ils lèvent la tête, lui sourient et le saluent de la main en criant quelque chose comme: «Bon voyage!»


       Sur la route de Janina: l'état-major observe
       les résultats du tir dans la direction de Pisani.

Même, non loin de l'endroit où tombent et éclatent les projectiles, il y a une compagnie d'infanterie. La plupart des hommes sont assis ou allongés à terre; d'autres vont et viennent, se promènent en mangeant ou causant entre eux. Et ceux-là aussi plaisantent, très calmes.

Tandis que ce combat d'artillerie se déroulait ainsi sur notre gauche, tout au haut des collines assez élevées, on pouvait voir les Grecs progresser. Ils débouchaient de derrière un haut sommet pointu, puis descendaient les pentes de la montagne par longues files, au pas ou en courant. Et tout autour d'eux, en avant, en arrière, à droite et à gauche, des nuages blancs, bleutés ou noirs accusaient d'innombrables éclatements d'obus.

C'est une véritable pluie de mitraille que Pisani fit ainsi pleuvoir durant tout l'après-midi sur les evsones, sans pouvoir une seule minute arrêter leur diabolique marche en avant. On les voyait très bien à l'oeil nu, marcher et courir comme des fourmis sur les rochers ou les terres rousses. Les Turcs étaient trop nerveux, cela se sentait très bien, et leur tir s'en ressentait: leurs obus, qui tombaient de tous les côtés comme au hasard, firent parmi les assaillants infiniment peu de ravages...

Au retour, nous apprîmes que l'armée grecque avait, autour de Pisani, gagné du terrain d'une façon étonnante. Elle avait eu beaucoup de pertes, mais rien n'avait pu ralentir son élan admirable. Si la marche en avant continue ainsi, nous serons bientôt à Janina.

Aux dernières nouvelles, le capitaine qui commandait la batterie de 105 avait demandé et obtenu pour le soir des lanternes en quantité. Il avait éteint la nuit précédente tous les projecteurs turcs de Pisani. Il avait juré d'en réduire au silence aussi toutes les batteries...

Et de toute la nuit les assiégés ne durent guère dormir!...
Jean Leune.



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LA DANSE DES SYLPHES ET DES ELFES (par les jeunes élèves de Loïe Fuller)
AUTOUR DE FAUST ENDORMI--
---Méphistophélès: «Petits Sylphes, et vous, Elfes légers, accourez auprès de ce malheureux et soyez-lui bienfaisants! Voltigez autour de son front pour en écarter les tempêtes. Ecartez de lui les flèches brûlantes du remords...» Voir l'article, page 16.

Dessin de Léon Fauret, d'après le IXe tableau (décor de M. Deshayes) de
l'adaptation de Faust, représentée à l'Odéon.

Comparaison des effectifs de paix de la France et de l'Allemagne en 1911 et en 1915.

FRANCE ET ALLEMAGNE

LA RÉORGANISATION DES FORCES MILITAIRES DANS LES DEUX PAYS

Le projet de la loi des cadres réorganisant nos forces militaires a été, ces derniers jours, discuté à la Chambre des députés qui, dans ses séances des 10 et 20 décembre, a voté les articles portant modification des cadres actuels de l'infanterie et de la cavalerie. Aux termes de la loi nouvelle, nos troupes d'infanterie se composeront désormais de 173 régiments au lieu de 163. La récente organisation de la cavalerie, que le Sénat ne tardera certes pas à adopter, porte le nombre de nos régiments de 89 à 91, dont 81 en France, 10 en Afrique. Rappelons aussi que notre artillerie a été réorganisée par la loi du 24 juillet 1909.


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Toutes ces transformations, prochainement réalisées, ont été rendues indispensables par la situation générale de l'Europe et la situation particulière de l'Allemagne où la loi militaire votée par le Reichstag, le 14 juin dernier, entraîne pour l'armée allemande les accroissements les plus importants qu'on ait eus à enregistrer depuis 1870.

Si cette réorganisation et ces augmentations d'effectifs ont, à juste titre, ému, chez nous, les milieux techniques et parlementaires, elles ne sauraient non plus laisser indifférent le grand public que touchent de si près toutes les questions intéressant notre défense nationale. Aussi nous a-t-il paru opportun d'examiner ici les principales dispositions de la loi allemande du 14 juin 1912,-et leurs conséquences que résumeront et rendront sensibles les tableaux comparatifs intercalés dans le texte.

*
* *

La loi du 14 juin fut, au lendemain de l'accord franco-allemand sur le Maroc, votée par le Reichstag dans une courte séance d'une heure et demie; seuls, les socialistes et les Polonais votèrent contre; les Alsaciens-Lorrains s'abstinrent. Un mois à peine s'était écoulé depuis le dépôt du projet, dont la réalisation comporte, pour l'armée et la flotte, une dépense globale de 1.100 millions, échelonnée en grande partie sur les années 1912-1917, bien que la majorité de ces dispositions dussent être effectuées le 1er octobre 1912. C'était sanctionner l'effort le plus considérable qui ait été consenti depuis la guerre; le gouvernement, poussé par l'opinion, estimait en effet que des nécessités politiques et militaires impérieuses exigeaient au plus tôt un effort aussi inusité.

Suivant la formule bismarkienne, le peuple allemand veut avoir une armée assez forte pour assurer son indépendance, au besoin sans le secours de ses alliés; au moins aussi puissant que ses adversaires éventuels, il s'efforce toujours de se réserver une supériorité marquée sur le théâtre d'opérations principal. Depuis que l'opportunité de créations nouvelles s'est fait si impérieusement sentir, dans quel sens la situation militaire de l'Allemagne s'est-elle donc modifiée, alors que l'ancienne organisation suffisait à faire face sur les Vosges et sur la Vistule?

On sait effectivement qu'au sein de la commission du Reichstag, il fut déclaré que l'empire aurait désormais à lutter simultanément contre la Russie en Pologne, contre la France et l'Angleterre sur la Meuse. Aussi, comme le montrent les deux derniers tableaux de cette page, en 1915, l'armée active mobilisée comptera environ 150.000 hommes de plus qu'en 1911, et, sur la Meuse, les grandes unités stratégiques seront de 3 corps d'armée supérieures à l'armée française. Or, le corps expéditionnaire anglais, appelé à coopérer à une guerre continentale, comporte précisément 6 divisions, soit 3 corps d'armée, à l'effectif de 153.000 hommes!

1° Créations nouvelles.--Les créations nouvelles, dont la plupart devaient, être réalisées le 1er octobre 1912, comportent la formation d'un état-major d'armée à Sarrebruck, de 2 corps d'armée, l'un en Alsace, l'autre en Prusse orientale, de 2 divisions d'infanterie, 4 brigades d'artillerie, de 18 bataillons d'infanterie, 59 batteries, 4 bataillons de pionniers, 2 du train, 1 de troupes de chemin de fer, de 26 sections de projecteurs, de troupes d'aviation et de télégraphie sans fil. Quand la loi nouvelle aura reçu son plein effet, la situation de l'armée allemande sur le pied de paix, comparée à celle de l'armée française sera telle que nous l'indique le tableau ci-contre.

Renforcement des unités.--L'accroissement incessant de la population a permis de porter à 544.211 le nombre des recrues des contingents sous les drapeaux, soit 0.838% de la population, proportion restant encore au-dessous de la limite de contribution de 1% fixée par la loi du 16 avril 1871. Cette mesure aura pour conséquence immédiate d'augmenter le nombre de réservistes susceptibles d'entrer dans des formations de campagne, ainsi que le montre le tableau ci-contre. Bien qu'en Allemagne on se soit toujours efforcé d'entamer les hostilités avec les troupes actives renforcées d'un minimum de réservistes, on songe cependant à nous imiter et à constituer des divisions de réserve comprenant toutes les armes. Les cadres disponibles pour les formations de deuxième ligne et les dépôts communs aux régiments actifs et de réserve ont été accrus. La situation en 1911 et 1915 pour les deux pays est donnée par le tableau ci-dessous:

La nouvelle loi militaire allemande qui comporte aussi une amélioration sensible de la mobilisation, une extension des moyens techniques (augmentation du nombre des compagnies de mitrailleuses et de la puissance des nouvelles formations d'artillerie), un perfectionnement de l'organisation générale de l'armée, et une amélioration du réseau ferré de la Prusse rhénane, questions qui mériteraient une plus longue étude, est incontestablement une oeuvre mûrement réfléchie, avec un but précis, un objectif nettement délimité. Elle nous intéresse au premier chef, nous avertissait charitablement la Gazette de l'Allemagne du Nord, le 23 mars; sans aucun doute, mais elle ne saurait nous intimider, car, en résumé, sur le champ de la bataille décisive (tableau ci-contre), la différence sera seulement de 24 bataillons, soit la valeur d'un corps d'armée. Nos forces de couverture peuvent suffire, avec leur entraînement incomparable. La rapidité de notre mobilisation égale celle d'outre-Rhin; la valeur de nos unités mobilisées avec leur complément de réservistes ne le céderait en rien à celle des bataillons allemands. Ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, qu'il n'y aurait pas des améliorations notables h introduire dans notre organisme militaire, telles, notamment, que l'adoption définitive d'une artillerie lourde, et l'utilisation intensive des projecteurs, télégraphes, téléphones, automobiles, poids lourds, dirigeables, aéroplanes, de tous les moyens techniques que les ingénieurs mettent à notre disposition.
C. Le Dualis.



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SUR LA FRONTIÈRE.--Emplacement et composition des troupes
de couverture en France et en Allemagne.

Les voies nouvelles, indiquées sur la carte et qui seront achevées prochainement, ont pour objet de relier le Rhin à la frontière belge et au Luxembourg; d'après les Allemands eux-mêmes, elles pourraient assurer les transports de 6 à 7 corps d'armée.



Le campement des naufragés du Salazie, près du paquebot
échoué sur la pointe nord-est de l'îlot de corail Nosy Ankomba,
à 100 milles au sud de Diégo-Suarez.
--Phot. L. V.


UN CYCLONE A MADAGASCAR

La pointe nord de Madagascar vient d'être ravagée par un violent cyclone qui a causé, à Diego Suarez, notamment, de graves dégâts, presque ruiné cette active cité et jeté à la côte un des paquebots des Messageries Maritimes, le Salazie.

Un de nos confrères, fixé à Diégo-Suarez, M. Henri Cognié, nous adresse une description émouvante du phénomène, que suit un tableau lamentable des ruines qu'il a, en quelques heures, accumulées.

Ce fut le dimanche 24 novembre que se déchaîna le cyclone. Pendant la moitié de la nuit il fit rage. Les frêles baraques de bois et de tôle qui constituent là-bas la plupart des habitations furent, en un clin d'oeil, découvertes, renversées, broyées, comme paille. Les maisons même plus solidement construites, les bâtiments administratifs, ne furent pas épargnés non plus. Les habitants, blottis dans les abris les plus invraisemblables, passèrent d'effroyables heures, attendant d'un moment à l'autre la catastrophe suprême.

Quand, enfin, vers minuit, le vent diminuant de violence, les plus vaillants se hasardèrent, sous la pluie torrentielle, à sortir de leurs gîtes, quels désastres ne constatèrent-ils pas: pour la plupart, leur pauvre bien anéanti, la maisonnette péniblement édifiée, les meubles, tout perdu; c'était la ruine totale. Le jour levant éclaira les plus tragiques scènes.


L'hôtel de l'administration.

L'administration, en cette circonstance, usa de tous les moyens en son pouvoir pour mettre fin à cette situation critique.

Naturellement, le phénomène n'avait pas limité son action dévastatrice à la terre.

Le paquebot Salazie avait quitté Diégo-Suarez la veille de la catastrophe, se rendant à Tamatave. Il rencontra le cyclone à 100 milles en mer, dans le sud. Après avoir lutté pendant plusieurs heures, il fut jeté, dans la soirée du 24, vers 8 heures, sur l'îlot de corail Nosy Ankomba.

On eut à déplorer la mort d'un des lieutenants, mais les passagers purent être débarqués. Pendant trois jours, ils demeurèrent sous des tentes improvisées, dans une situation pénible, avec des vivres, mais fort peu d'eau. Le cyclone ayant détruit toutes les lignes télégraphiques, ce fut un indigène qui, à pied, apporta à Diégo-Suarez la nouvelle du naufrage. Immédiatement fut envoyé au secours de ces malheureux le cargo Eugène-Orossoz, de la Compagnie Havraise Péninsulaire, emmenant à son bord 20 marins de l'État sous le commandement de l'enseigne de vaisseau Le Voyer, de l'aviso transport Vaucluse. Il ramena les naufragés à Diégo-Suarez, beaucoup très éprouvés, tous dans le dénûment le plus complet. Quant au Salazie, il est perdu.


Après le passage du cyclone à Diégo-Suarez: la place de l'octroi.
--Photographies Moreau et Descarpentries.


LA RENAISSANCE DE LA GOURMANDISE FRANÇAISE.--
Le "Club des Cent" dégustant une vieille fine Champagne au fond d'une grande cave parisienne.

--Dessin de L. Sabattier..

LES «CENT»

C'est le dernier club dont on parle: vieux de quelques mois à peine, il a déjà conquis la notoriété. A vrai dire, il a grandi sans tapage, et ses débuts dans le monde furent mystérieux comme ceux d'une association secrète. Son nom d'abord, murmuré sotto voce, éveilla, retint l'attention; et ce fut, si l'on peut dire après Basile, «un bruit léger, rasant le sol comme l'hirondelle avant l'orage...» On savait bien qu'ils étaient cent: mais quel dessein les avait réunis? et quelle grande entreprise menaient-ils silencieusement dans l'ombre?

La chronique s'empara de l'affaire. Et l'on apprit bientôt, par la voix de la presse, que la cuisine française, cette gloire nationale, était en danger, et que ses bonnes, ses succulentes traditions se perdaient de plus en plus. Tout concourait à précipiter son déclin: la hâte de notre vie moderne, qui nous fait négliger la chère délicate et les vins choisis, la concurrence de la cuisine étrangère, qui s'installe en maîtresse sur nos fourneaux, et jusqu'aux funestes progrès de la science, auxquels il faut imputer les conserves, les produits concentrés, les aliments artificiels, et toutes les impostures de la table. «On se nourrit, proclamait un choeur de gourmets attristés, mais on ne mange plus; on se désaltère, mais on ne boit plus. Hélas! où sont les repas d'antan?»

C'est afin d'arrêter l'affligeante décadence de notre art culinaire, de le protéger, de le défendre, non point par de vains discours, mais par des actes, que s'est fondé le nouveau club: tous ceux en qui sommeille l'âme d'un Brillat-savarin se réjouiront de cet alléchant programme. Pour le réaliser, les «Cent», militants infatigables du goût français, font merveilles. Tous fervents de l'automobile, ayant roulé leurs pneus sur les routes de toutes nos provinces, passé dans bien des hôtels, ils ont résolu de mettre en commun leur expérience acquise au hasard des voyages, et, pour leur plus grand profit, de s'indiquer généreusement les bons endroits. Tel qui, dans une petite ville, a été traité à souhait s'empresse d'en avertir le club, auquel il envoie une note mentionnant les spécialités de la maison, les plats qu'il convient de demander au maître queux, les vins particulièrement appréciables, et jusqu'aux moindres détails du service. N'importe-t-il point de savoir qu'ici le patron possède un «tour de main inouï pour la sauce mousseline», et que là les petits marmitons sont des «anges de propreté»? Il n'est pas moins nécessaire d'être avisé qu'il faut fuir telle localité comme «la peste et le choléra», et que, dans telle autre, il sied de préférer à l'hôtel où se fabrique une «triste cuisine», le simple «restaurant de cochers»...

Consignés sur des feuillets mobiles dont l'assemblage forme le plus secret des répertoires de poche, ces précieux renseignements sont transmis aux autres membres, pour leur usage exclusif. Mais il ne leur est pas interdit, tout au contraire, de faire connaître, autour d'eux, les bonnes adresses. «Nul ne mangera bien, hors nous et nos amis», pourraient-ils dire. Et c'est ainsi que, pour le plaisir des vrais gastronomes, ils constituent patiemment, petit à petit, une sorte de dictionnaire de la bonne chère, à la façon dont l'Académie élabore, par un choix judicieux des mots, le dictionnaire du bon langage.

Un club qui compte des amateurs de la vieille cuisine française ne saurait s'abstenir d'agapes collectives: il donnait, l'autre semaine, son premier dîner. Ce fut, pour son aimable président, M. Louis Forest, et pour les hommes de lettres, les artistes, les parlementaires, les sportsmen, les industriels qui le composent, une occasion d'affirmer, fourchette en main, la délicatesse de leur goût. Sont-ils cent en vérité, ces nouveaux chevaliers de la Table ronde? Eux seuls le savent. Mais qu'importe: ils sont «les Cent». Et ils s'étaient adjoint, pour la circonstance, quelques amis, et de très gracieuses Parisiennes. Afin de ne point marquer de préférence entre tant d'établissements qui se seraient honorés de les recevoir, ils avaient sagement décidé que la fête aurait lieu dans un restaurant toujours fermé en hiver, comme le music-hall qui l'avoisine: il avait, pour ce seul soir; entr'ouvert ses portes, par grâce spéciale de son propriétaire, membre lui-même du club,--le plus répandu des surintendants de nos plaisirs, celui qui connaît, entre tous, la recette exacte du succès, et l'exploite aussi bien aux Champs-Elysées que sur la côte normande. Nul lieu ne pouvait être mieux choisi pour une réunion--sinon d'ambassadeurs--du moins de gourmets.

Après s'être, comme il convenait, régalés de mets exquis, les convives descendirent dans les caves du restaurant,--véritable Bibliothèque Nationale des bouteilles, où tous les grands crus sont représentés par leurs échantillons les plus suaves. Et l'on savoura parmi les tonneaux poudreux, dans un des carrefours du vaste cellier, l'arôme incomparable d'une «fine Champagne» centenaire.


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Deux des feuillets mobiles du répertoire secret du Club des Cent. Résumées au siège social et datées, les fiches fournies par les membres du Club, et signées de leur numéro d'inscription, sont transcrites sur ces feuillets. Ceux-ci sont envoyés aux membres du Club, qui les insèrent, à leur place alphabétique, dans leur répertoire individuel.


DOCUMENTS et INFORMATIONS

La maladie du plomb.

Cette maladie n'a rien de commun avec l'asphyxie qui frappe parfois certains travailleurs nocturnes, on avec les troubles si douloureux qui frappent les ouvriers peintres. C'est une altération progressive spéciale au plomb, comme la maladie de l'aluminium, celle de l'étain et celle de l'acier sont spéciales à ces divers métaux. Elle a été étudiée récemment sur l'initiative du conservateur du musée de Cluny qui voyait avec désespoir certains objets d'art anciens en plomb s'oxyder progressivement et tomber finalement en poussière, alors que d'autres objets de même métal n'éprouvaient aucune altération.

Les recherches faites semblent avoir démontré que la cause déterminante de la maladie des objets en plomb est la présence, dans le métal, de chlorures et en particulier de sel marin. On a pu, en effet, constater la présence constante de chlorures dans le plomb malade et l'on a réussi, d'autre part, à provoquer la maladie dans un objet sain en le chlorurant artificiellement. On a pu démontrer ainsi que le sel marin, excellent pour a conservation de la viande, était détestable pour celle des objets en plomb.

Le remède est assez difficile à trouver, car, s'il est relativement facile de faire disparaître par un lavage des traces superficielles de chlorure, il est impossible de supprimer le chlorure incorporé au plomb. Tout au plus peut-on chercher à atténuer le mal, comme on doit se contenter de le faire dans la plupart des maladies humaines. On enduit à cet effet les objets malades que l'on veut protéger d'un vernis transparent imperméable, à base de fulmicoton. Le vernis, supprimant à peu près complètement l'action de l'air, ralentit dans une notable mesure la maladie qui sévissait jusqu'ici sur les objets d'art en plomb de nos musées. On peut même espérer qu'une étude plus complète de ce mal permettra de le supprimer définitivement.

Les progrès de l'alcoolisme au Maroc.

Le docteur Remlinger vient de dénoncer le danger que présente le développement grandissant de l'alcoolisme au Maroc.

De 1909 à 1910, l'importation des boissons alcooliques, dans ce pays, a doublé, et le nombre des débits s'est multiplié dans des proportions fantastiques. Ainsi Casablanca, qui ne comptait que 5-6 débits en 1907, en compte maintenant 161.

La progression du nombre des débits ne donne, au surplus, qu'une idée incomplète de la marche de l'alcoolisme au Maroc. En effet, ce n'est pas, en général, dans les cafés que les indigènes, les musulmans en particulier, viennent boire ou même se fournir. Ils préfèrent s'alcooliser discrètement chez eux et s'approvisionner tout aussi discrètement chez l'épicier ou chez tout autre fournisseur. Ainsi, à Mazagan, il n'est pas jusqu'aux marchands de tissus qui ne tiennent du genièvre ou du whisky.

Les alcools de dernière qualité--véritable camelote allemande--débarqués à Saffi en provenance de Hambourg s'infiltrent jusque dans l'Atlas, où, après les avoir aromatisés de diverses façons, particulièrement avec de l'anis, on les consomme en grande quantité; et les femmes se sont mises à boire comme les hommes.

Il faut remarquer, d'ailleurs, que si l'Européen en général boit pour le plaisir de boire, malgré l'ivresse qui peut en résulter, l'Arabe ne boit jamais ou presque jamais par goût. C'est l'ivresse qu'il recherche. On le voit parfois vider d'un trait une copieuse ration d'alcool pur, puis, comme s'il s'était agi d'une médecine, faire suivre cette ingestion d'un grand verre d'eau, afin d'en chasser le goût. Son idéal serait plutôt de pouvoir être ivre sans boire.

Une des causes qui favorisent le plus les progrès de l'alcool au Maroc, c'est son bon marché. Chose à peine croyable, alors que toute marchandise importée paie un droit de 12,50% ad valorem, les boissons alcooliques ne paient que 7,50%. Et il n'en coûte guère à un Marocain que 20 à 30 centimes pour obtenir l'ivresse désirée.

La marche à quatre pattes et la digestion.

Les remèdes préconisés pour les maladies ou pour les simples paresses d'estomac sont fort nombreux et, parfois, en apparence contradictoires. Tantôt, par exemple, on recommande un exercice normal après le repas; tantôt on prescrit le repos absolu dans la position horizontale. Dans le premier cas, la flexion des cuisses sur l'abdomen produit un massage qui facilite la digestion stomacale; dans le second cas, la position de l'estomac est modifiée de façon à éviter la formation au-dessous du pylore d'une poche où s'arrête la masse alimentaire.

S'il faut en croire le docteur Léon Meunier, la marche à quatre pattes réunirait les avantages des deux procédés. Car, en même temps que l'estomac prend la position horizontale, la flexion des cuisses, et, par conséquent le massage qui en résulte, se fait au maximum.

A l'appui de sa théorie, l'auteur cite des expériences sur trois sujets différents condamnés respectivement, après un repas toujours identique, à marcher normalement, à garder le repos horizontal, et à marcher à quatre pattes.

Ce dernier exercice fut le plus salutaire. Le volume digéré par l'estomac variait de 42 à 62% du repas ingéré, après la marche normale; de 48 à 72% après le repos horizontal; de 70 à 88% après la marche à quatre pattes.

Si le remède manque d'élégance, il paraît, du moins, sans danger, et facile à essayer.

Les progrès de la vitesse sur le P.-L.-M

En signalant, au cours du dernier été, les améliorations apportées par l'administration des chemins de fer de l'État à la marche du rapide Paris-Trouville, nous faisions remarquer que la réduction du temps de trajet d'un express n'est point toujours due à une augmentation effective de la vitesse du train. Elle s'obtient souvent par une exploitation plus serrée visant à supprimer les pertes de temps qu'impliquent les arrêts fréquents, la multiplicité des manoeuvres, le tracé défectueux de certaines sections de la voie, etc.

Mais il est des solutions différentes, et le réseau P.-L.-M., qui vient de remettre en marche son train extra-rapide de Paris à Nice, le «Côte d'Azur», nous offre à cet égard un exemple intéressant.

Le premier des deux tableaux suivants montre les progrès réalisés depuis trente ans dans le trajet Paris-Nice et Paris-Marseille par les trains rapides n'admettant que les voyageurs de première classe.

Ainsi, de 1882 à 1912, la vitesse maxima des rapides ordinaires Paris-Marseille et Paris-Nice a passé (en chiffres ronds) de 70 kilomètres à 91 kilomètres. La vitesse commerciale, c'est-à-dire la vitesse effective, arrêts compris, s'est élevée respectivement de 58 et de 53 kilomètres à 73 et 68 kilomètres. En même temps, le poids du train et, par conséquent, le nombre de places disponibles a augmenté dans: de sérieuses proportions.



Si nous considérons la dernière décade, 1902-1912, nous constatons dans la marche des trains récents extra-rapides de la Riviera un progrès aussi important quoique en apparence moins accentué.

Ces trains extra-rapides ne sont point des trains de luxe. Accessibles aux porteurs de billets ordinaires de première classe, ils ne se distinguent des autres rapides que par la limitation du nombre de places. Cependant, la charge qu'ils remorquent a presque doublé, et elle est peu inférieure à celle des rapides ordinaires. Ceci demande une explication.

En fait, le nombre des places pouvant être offertes dans un express est toujours limité; mais, en cas d'affluence, on dédouble le train. Le train dit «à nombre de places limité» ne peut pas être dédoublé.

Avec le développement incessant du nombre de voyageurs, on doit chercher à réduire au minimum les dédoublements, cause d'encombrement sur des lignes déjà fort chargées. Aussi, à chaque progrès réalisé par ses machines, l'administration du P.-L.-M. sut presque toujours résister à la tentation d'augmenter uniquement la vitesse. Elle a préféré consacrer une partie de la puissance gagnée à l'accroissement de la capacité des trains.

Comme il ressort du premier tableau, le nombre et la durée des arrêts n'ont joué pour ainsi dire aucun rôle dans l'augmentation de la vitesse commerciale. Au point de vue des arrêts, le P.-L.-M. se trouve, en effet, dans une situation particulière très différente de celle du Nord, par exemple, qui détient, avec le rapide Paris-Calais, le record de la vitesse. De Paris à Nice, on rencontre de grandes villes qui exigent des stationnements assez longs; après Saint-Raphaël, le rapprochement des gares desservies interdit les grandes vitesses; la manoeuvre des voitures directes pour des lignes d'embranchement (voitures de plus en plus nombreuses) prend un temps relativement considérable, etc.

Notre second tableau montre qu'un progrès encore plus considérable a été réalisé dans la marche des trains Paris-Marseille et Paris-Nice à voitures de toutes classes.

En outre, contrairement à ce que nous faisions remarquer plus haut en ce qui concerne les rapides de première classe, la réduction du nombre des arrêts a contribué dans une mesure appréciable à l'augmentation de vitesse des rapides à toutes classes.

LES THÉÂTRES

Semaine peu chargée.

Aux Bouffes-Parisiens, une comédie-vaudeville en quatre actes de MM. Mouezy-Eon et Nancey, la Part du feu, a obtenu un fort joli succès; elle est composée selon la meilleure tradition du genre, rajeuni avec beaucoup d'esprit, et fournit à Mlles Ariette Dorgère et Praince, Victor Boucher, Hurteaux et Lefaur l'occasion d'être, une fois de plus, applaudis.

Au Théâtre Michel, une petite comédie également «bien parisienne» de MM. Pierre Veber et Claude Roland: les Bonnes Relations, a été, aussi, favorablement accueillie.

UNE ACTRICE FRANÇAISE AUX ÉTATS-UNIS


Une artiste française qui interprète, en Amérique, le
rôle d'une baronne autrichienne dans une pièce d'un auteur
anglais: Mme Simone.
--Copyright White N.-Y.

Notre correspondant de New-York, M. François de Tessan, nous envoie un curieux portrait de Mme Simone (Mme Claude Casimir-Perier) accompagné de l'intéressants note suivante:

«Mme Simone a décidé de conquérir les États-Unis et, ce que femme veut, Dieu le veut, surtout lorsque c'est une Française... Déjà l'hiver dernier elle avait donné une très remarquable série de représentations en anglais. Elle avait interprété des adaptations de la Rafale, du Voleur, du Retour de Jérusalem, de la Princesse lointaine, de Froufrou. Cette saison elle a poussé la gageure plus loin. Elle a voulu créer directement une pièce anglaise. M. Louis N. Parker a donc écrit à son intention The Paper Chase (la Chasse aux petits papiers), comédie légère qui se passe au temps de Marie-Antoinette. L'intrigue roule autour d'un pamphlet écrit par le duc de Richelieu pour discréditer «l'Autrichienne» et dont s'est emparée la baronne Bettina de Schomberg, confidente de la reine. Richelieu cherche naturellement à rentrer en possession de ses papiers et déploie à cet effet une astuce digne du policier le plus adroit. Mais la baronne déjoue toutes ses intrigues et se sert de son arme pour ramener dans le droit chemin et le loyalisme le marquis de Belange dont elle est devenue amoureuse. Au fond, elle ne tient pas à causer un terrible scandale, mais plutôt à confondre les ennemis de Marie-Antoinette et à détacher des dangereuses conspirations le galant marquis. Vous devinez qu'elle triomphe aisément. Elle ne détruit le manuscrit que lorsque, après maint marivaudage et des péripéties sans nombre, elle tient définitivement Belange sous le charme. Alors elle termine la comédie par un mariage ainsi qu'il sied dans tout roman de ce genre.

»Autour de ce sujet si menu, M. Louis N. Parker a su adroitement multiplier les incidents amusants, les bons mots, les élégants badinages tout à fait dans le ton de l'époque. Mme Simone, dans ce rôle de la baronne de Schomberg, a trouvé l'occasion d'une création pimpante, infiniment spirituelle où elle joue la grande coquette avec autant d'aisance que les rôles poignants auxquels elle nous avait habitués jusqu'ici.»

LES ÉLÈVES DE LOÏE FULLER

A L'ODÉON (Voir la gravure de double page,)

Si Ton peut considérer le génie, sous l'un de ses aspects, comme «de l'ingéniosité au service d'une grande cause», il faut reconnaître ce don particulier à M. Antoine, pour les mille ingéniosités dont il a entouré la présentation scénique de la nouvelle version des deux Faust de Goethe.

Le spectacle tient du prodige par la richesse de ses enchantements,--et aussi par leur variété. M. Antoine a très habilement mis à profit ce principe qu'il est bon de faire s'opposer des émotions contraires,--et de ménager, au cours d'une action dramatique, quelque reposante clairière où le spectateur se délassera d'émotions plus vives.

C'est ainsi qu'aux conversations sarcastiques et glaciales que, dans le jardin fleuri, le diable échange avec dame Marthe, nous entendons succéder, par un ingénieux balancement régulier d'allées et venues, et répondre, comme répondent les violoncelles en échos douloureux à l'ironie des cuivres, les doux, tendres, aveugles propos d'amour que Faust murmure à Marguerite...

Et c'est ainsi surtout qu'après la très belle scène de la prison d'où s'élève l'horreur d'une intense suggestion tragique, nos yeux ont la joie reposante de voir s'exécuter, dans un décor miraculeux de calme et de jeune verdure, la ronde exquise que les Sylphes dansent autour de Faust endormi. On connaîtra par l'image que publie L'Illustration quelle charmante poésie se dégage à première vue de ce palpitement d'ailes de gaze sur l'accablement du Héros. Les jeunes élèves de Loïe Fuller ont réalisé avec la plus grande saveur ce merveilleux enchantement. Elles ont juste la candeur qu'il faut, le lyrisme instinctif, la grâce fragile,--et la science qu'une glorieuse direction leur a très habilement inculquée.

Cette danse de petites filles revêt une nouvelle, étrange et haute signification si l'on approfondit les paroles par lesquelles Méphistophélès la provoque autour de Faust. Ils deviennent alors, ces Sylphes légers, l'emblème des puissances occulte: de la terre, des émanations du printemps, des fleurs, des parfums, de tout ce qui doit ramener Faust, par des routes de joie, vers le plaisir divin de vivre.

Et le drame s'enrichit par là d'un autre contraste: n'est-il point touchant que de si petites filles entreprennent de guérir une si grande blessure que leur âge ignore, et que ce soit sur d'aussi frêles épaules qu'un instant repose la lourde tâche d'anéantir les remords et les nostalgies de Faust et de ramener dans son coeur l'amour de Marguerite?

Loïe Fuller était naturellement désignée pour apporter à de tels desseins le concours précieux de sa jeune école.

Après des tableaux dont quelques-uns rappellent la grandeur effroyable de Rembrandt ou la beauté de Scheffer, elle devait faire tourner, dans un cadre idyllique, la ronde des petites joies, pour nous rappeler la guirlande des anges dont Reynolds a suggéré les traits en touches divinement imprécises.

Avec ce commentaire de danses et celui, soutenu, d'une musique heureusement choisie, Faust réalise un spectacle complet d'où l'on sort plus riche et charmé.

Didier Debraux.

UN MONUMENT A ADÉLAÏDE RISTORI


       Maquette du monument qui va être élevé à
              Adélaïde Ristori par sa ville natale,
                            Cividale (Frioul).

                     --Phot. L. Scavalli Veccia.

Adélaïde Ristori, la célèbre actrice italienne, l'émule de notre Rachel, aura bientôt sa statue dans sa ville natale, à Cividale, près d'Udine, dans le Frioul. Ses compatriotes ont voulu honorer dignement la mémoire de celle qui, par son art et sa beauté, sut conquérir un universel renom.

Il y a quelques mois, la municipalité de Cividale, désireuse de consacrer un monument à la gloire de l'illustre tragédienne, ouvrait, à cet effet, un concours entre tous les sculpteurs italiens. Nombre d'entre eux se mirent au travail, et leurs ébauches, d'inspirations très diverses, furent récemment exposées à Rome. A l'unanimité, le jury chargé d'élire une oeuvre parmi toutes celles qui lui étaient soumises, a désigné le projet d'un jeune artiste romain, M. Antonio Marrini.

Le monument qu'il a conçu, et dont nous reproduisons ici la maquette, se recommande par une originalité assez hardie qui ne sera point pour déplaire aux amateurs de la statuaire ultra-moderne. L'interprète de Marie Stuart et de Médée est représentée, comme il convenait, dans une véhémente attitude: son effigie en bronze, haute de 3 mètres, se dressera sur un vaste piédestal de granit, encadrée par deux colonnes, sans autre ornement que deux masques à leur sommet, et qui ne mesureront pas moins de 7 mètres. L'ensemble apparaîtra colossal: on ne pouvait sans doute rendre à la Ristori un plus considérable hommage.

LA VENGEANCE DE LA GAZELLE

De tous les spectacles que permet de fixer la photographie, il n'en est point peut-être le plus curieux, de plus étrange parfois, que celui des moeurs animales, si diverses, si abondantes en aspects pittoresques et imprévus. On aura sans doute remarqué que la vie des bêtes nous fournit, en ce journal, de nombreuses gravures: à feuilleter, depuis quelque dix ans, les numéros de L'Illustration, on trouverait toute une histoire naturelle, fidèlement commentée par l'image. Le document reproduit ci-dessous devait y avoir sa place. Il y a trois mois, dans notre numéro du 28 septembre dernier, nous publiions un cliché représentant, sur la rive d'un fleuve africain, une gazelle capturée par un boa, qui, avant de la dévorer, l'enroulait de ses anneaux étouffants. La photographie que nous donnons aujourd'hui montre la revanche de l'innocent animal.

C'est dans le Sud africain, aux environs de Bulawayo, qu'elle a été prise récemment. Un python, long de 5 mètres, avait avalé, tout entière, une jeune gazelle, après l'avoir écrasée dans ses replis. On connaît l'extraordinaire faculté que possède ce reptile d'absorber les proies les plus grosses: saisissant sa victime par le bout du museau, il en introduit la tête entre ses mâchoires, qui s'écartent peu à peu, s'élargissent de manière à y faire pénétrer, tout d'une pièce, le corps de l'animal. Notre python avait réussi, non sans de laborieux efforts, à loger la gazelle dans son estomac, où il s'apprêtait à la digérer patiemment, lorsque les cornes acérées de la pauvre bête vinrent à percer le dos écaillé du monstre.

C'est dans cet état qu'on le trouva, mort, étendu sur le sol de toute sa longueur, le ventre dilaté, deux petites pointes trouant sa peau: la gazelle s'était vengée.


La revanche de la gazelle: python trouvé mort près d'une ferme
de Bulawayo (Afrique du Sud) après avoir avalé une gazelle dont
les cornes lui ont transpercé la peau.

Communiqué par M. le Dr P.-R. Nèl.



(Agrandissement)



(Note du transcripteur: Ce supplément ne nous a pas été fourni.)