The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3242, 15 Avril 1905

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Title: L'Illustration, No. 3242, 15 Avril 1905

Author: Various

Release date: November 20, 2010 [eBook #34385]

Language: French

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L'Illustration, No. 3242, 15 Avril 1905


(Agrandissement)


ENTENTE CORDIALE
L'entrevue du roi Edouard VII et du président Loubet dans le wagon royal, entre Pierrefitte et la gare de Lyon.


Courrier de Paris

JOURNAL D'UNE ÉTRANGÈRE

Je suis venue passer chez Chevillard mon après-midi de dimanche et dire adieu, pour six mois, aux symphonies des vieux maîtres. (Il y en a de jeunes aussi, mais j'aime mieux les vieux.) Dans huit jours, ce sera Pâques; et Pâques, c'est, à Paris, la fin des belles musiques de l'hiver;--le moment de l'année où les grands orchestres plient bagage et où se disperse, à leur suite, la troupe fidèle des adorateurs de Mozart, de Bach, de Beethoven, de Schumann et de Franck. J'ai vécu au milieu d'eux de très doux après-midi, depuis octobre; ces concerts dominicaux me faisaient aimer la «mauvaise saison» et, tout à l'heure, en regardant autour de moi cette foule d'hommes et de femmes, entassés aux petites places où l'on a si chaud, ou debout dans l'allée du promenoir, tous silencieux, en des attitudes recueillies ou les yeux baissés sur les pages d'une partition, je me rappelais la réflexion d'un vieux Parisien mélomane qui fut autrefois mon guide à travers les concerts de Paris et qui s'amusait, un dimanche, de me voir admirer la belle tenue de ces auditoires populaires. Nous sortions de chez Colonne, où l'on avait joué la Symphonie écossaise et les Béatitudes; il me prit le bras et me dit:

--Vous êtes surprise, hein? Vous ne pensiez pas qu'en cette ville-ci on pût voir une foule s'écraser, frémir de joie et battre des mains à d'autres spectacles que ceux de Buffalo-Bill, du Palais-Royal et de l'Olympia. C'est que nous avons, en effet, dans le monde, une très mauvaise réputation. Nous passons pour le plus frivole des peuples, à force de nous montrer accueillants à la frivolité des autres; et, parce que Paris est le refuge béni des fêtards de l'univers, on croit que «la fête» est la seule chose qui importe aux Parisiens.

» On nous accuse d'être immoraux parce qu'il y a chez nous une demi-douzaine de romanciers pornographes qui approvisionnent l'étranger de petits livres que nous ne lisons pas; et l'obstination de nos auteurs dramatiques à diffamer (si spirituellement!) les moeurs d'une société où je vous assure qu'on ne vit pas plus malhonnêtement qu'ailleurs, nous attire le reproche d'être une capitale où la vertu fait rire.

» Cela est très injuste, et l'on voit bien que ceux qui médisent de nous n'ont jamais passé leurs après-midi du dimanche dans ces endroits-ci... Regardez autour de vous; il y a de tout un peu, parmi ces clientèles de concerts parisiens: des élégances, des médiocrités, des misères; des bonheurs qui se recueillent; des tristesses qui se consolent; des neurasthénies qui se reposent; pas une curiosité bête, ou mauvaise... On a dit que la pêche à la ligne était un sport de braves gens et qu'un homme assis dans l'herbe, occupé pendant des heures à regarder passer les nuages, à «tremper du fil dans l'eau», ne pouvait pas être un méchant homme. Il me semble qu'il ne saurait, de même, y avoir autour d'une belle symphonie que d'honnêtes âmes assemblées: âmes de rêveurs, âmes d'amoureux, âmes de poètes...»

Il est vrai que Paris est rempli de ces âmes-là; et que nulle part ailleurs je n'ai vu tant aimer les beaux vers, célébrer avec plus d'esprit la grâce des femmes, entourer d'une plus admirative curiosité la naissance d'une grande oeuvre d'art, acclamer plus éperdument le Panache... Et ce ne sont point des snobs, en vérité, ces milliers de spectateurs qui saluaient d'ovations folles, au Grand Palais, mardi dernier, les chevaux, les uniformes et les sabres de Saumur; c'étaient de braves gens en qui ne veut pas mourir le poétique amour des jolis spectacles de guerre, et qu'un carrousel bien mené rend fous de joie.

J'avais goûté naguère, à Fontainebleau, la beauté de ces exercices; mais il me semble que l'artilleur, le sapeur de Fontainebleau, n'apportent point aux choses de l'équitation les qualités charmantes que le cavalier de Saumur y déploie. Ils me donnaient, à Fontainebleau, l'impression de jeunes savants agiles, que le manège amuse; ceux-ci sont des maîtres, aux mains de qui le cheval n'est point un jeu, mais l'instrument même et la raison d'être de leur état. Le joli spectacle! Sous les guirlandes de fleurs lumineuses dont resplendissaient les coupoles du Grand Palais, nous les regardions courir, s'entremêler, se poursuivre, se joindre et se disloquer en un vertige de vitesse, où chevaux et cavaliers composaient pour la joie de nos yeux de si ravissantes harmonies de mouvement, de dessin, de couleur et de gestes... Je n'eusse souhaité qu'un peu plus de somptuosité dans l'arrangement de ce décor; des uniformes plus «amusants», une pointe de fantaisie dans la chamarrure; mais je crois bien qu'il faut renoncer à cela. Ces coquetteries d'accoutrement qui paraient si joliment le soldat d'autrefois sont aujourd'hui démodées; l'uniforme, un peu partout, se simplifie, s'assombrit, se dépouille des fioritures qui étaient la grâce, et aussi la fierté, du beau militaire des temps passés. On veut une armée de mine sévère, débarrassée des accessoires de luxe où se complaisait le chauvinisme de nos anciens. (Ne parle-t-on pas de supprimer, comme «inutiles», les musiques des régiments?)

Sur de vieilles images françaises, longtemps conservées dans ma famille, j'ai pourtant vu d'admirables choses: des sapeurs barbus, à bonnets fourrés, armés de haches monstrueuses et que sanglaient, du col aux genoux, des tabliers de peau blanche, raides comme des cuirasses; d'extraordinaires géants à plumets,--tambours-majors dont les cannes dorées dessinaient, paraît-il, dans l'espace, des arabesques folles; des cantinières en pantalons rouges, la jupe à plis serrée sous le corsage à boutons d'or, et dont le chignon s'enroulait sous un panache aux couleurs éclatantes. Cet hiver même, j'ai vu ressusciter, en musique, sur la scène des Variétés, les cent-gardes à tuniques bleu-ciel, et les dragons de l'impératrice à plastrons blancs!

Tout cela était très compliqué, je le veux bien, mais charmant. Cela ne faisait point aimer la guerre, cependant il est possible que ce luxe en masquât un peu les tristesses, excitât la jeunesse à s'y préparer plus gaiement,--y ajoutât une poésie...

Poètes! A Paris, les cuisiniers mêmes le sont. Je suis allée flâner tout à l'heure aux Tuileries, sous la longue tente pavoisée de drapeaux où s'étalent, sur des tables nappées de blanc, les «chefs-d'oeuvre» de l'Exposition culinaire. Un monde fou... Des groupes joyeux qui s'entassent autour des viandes, des poissons, des fruits, des monuments en graisse de veau, des confiseries multicolores; et, çà et là, des messieurs en redingote noire, un insigne d'argent à la boutonnière, qui compulsent un catalogue, prennent des notes, semblent se chuchoter à l'oreille des choses graves... Ce sont les jurés. Je regarde ce qu'ils regardent, et j'en suis effarée.

C'est une tour Eiffel en nougat; une locomotive, un moulin à vent faits de pâte d'amande et de biscuit; la maquette d'un «projet de maison de retraite» pour vieux cuisiniers, construite en croûte de pâté et dont les murs fléchissent sous le poids des «vingt-cinq kilos» de volaille qui en bourrent l'intérieur; ce sont des architectures de langoustes et de ballottines de faisans, disposées en «bassin de Neptune» et en «fontaine des Innocents»!

Ces poètes ont parfois de l'esprit. Je note en passant un damier fait de carrés de truffes et de foie gras, un billard en biscuit dont le drap vert est une coulée de pistache, où des billes de sucre sont posées; un éventail dont les branches «d'écaillé» sont formées de bâtonnets de gelée blonde, au bout desquels se superposent, en demi-cercles, six limandes...

J'aime moins les vrais plats, les oeuvres sérieuses où s'affirme un effort de cuisine savante: l'omelette Sophie, «fourrée d'une mousse de jambon, décorée de truffes et d'estragon, nappée d'une gelée au madère» et qui gît là, refroidie, défigurée par un coloriage malsain; la truite emprisonnée dans une gaine de mayonnaise durcie, où l'on a sculpté des fleurs; la bécasse dont les ailes éployées semblent vouloir emporter dans l'air un ventre plein de farce; les «garnitures» où le fruit a la forme d'un légume, où le légume a la forme d'un fruit, où nulle chose n'a l'apparence loyale de la chose qu'elle est. Surtout le tatouage des viandes et la gravure sur poisson m'attristent.

On frémit à l'idée de porter à ses lèvres des objets si laborieusement manipulés, à la préparation desquels se sont attardés et obstinés tant de doigts inconnus. Et l'on sent une impatience de rentrer chez soi, d'y déjeuner de deux vrais oeufs, d'une côtelette authentique et d'une orange qui soit, sans contestation possible, une orange.

J'ai lu quelque part que Léon Gozlan ayant un jour mené un ami dans un des cabarets les plus célèbres de Paris, crut convenable d'y commander un plat rare: un gibier dont la préparation était une des «spécialités » de la maison. L'oiseau truffé, lardé, pimenté, farci, est apporté. Deux maîtres d'hôtel s'en emparent. On allume un réchaud; des combinaisons de sauces et de jus s'élaborent; quatre mains actives s'agitent autour de l'objet; on découpe, on écrase, on épluche, et Gozlan, à ce spectacle, se sent petit à petit pris de nausée.

C'est fait. L'oiseau est sur la table et les maîtres d'hôtel considèrent leur ouvrage avec satisfaction. Gozlan lève vers eux un oeil triste.

--Ce plat me semble succulent, dit-il, mais voulez-vous me rendre un grand service?...

--Lequel, monsieur?

--Ce serait de le manger.
Sonia.





M. Gariel.--Phot. Pirou, boul. Saint-Germain.


M. LE PROFESSEUR GARIEL

M. Gariel, dont la notoriété ne dépassait guère les limites, d'ailleurs assez larges, du monde scientifique et universitaire, vient de voir son nom livré à la grande publicité de la presse. On sait quelles circonstances récentes le mirent ainsi en vedette, à son corps défendant. Professeur agrégé à l'École de médecine, il y est, paraît-il, la terreur des candidats au doctorat, qui redoutent son extrême sévérité comme examinateur; les protestations des étudiants mécontents ont fini par dégénérer en manifestations bruyantes, en incidents tumultueux: d'où suspension du cours, puis, finalement, fermeture de la Faculté jusqu'aux vacances de Pâques.

Légitimes ou non, les griefs des protestataires visent un savant d'une valeur incontestée. Ancien élève de l'École polytechnique où il devint répétiteur, M. Gariel a droit tout ensemble aux titres d'ingénieur en chef des ponts et chaussées et de docteur en médecine; il appartient à l'Académie de médecine depuis vingt-deux ans et il y en a dix-huit qu'il occupe la chaire de physique à la Faculté. Il compte à son actif, outre d'importants travaux personnels, la publication des oeuvres de Léon Foucault. Mérite-t-il sa réputation de rigueur excessive? En tout cas, il ne serait pas étonnant qu'un homme qui a passé avec succès tant et de si rudes examens divers se montrât, maintenant qu'il en fait subir aux autres, quelque peu difficile sur les aptitudes et les capacités indispensables à ses yeux pour l'obtention d'un diplôme sérieux.

EDOUARD VII EN FRANCE


Le roi Edouard VII, arrivé par le paquebot "Queen", débarque à Calais.


M. Loubet et sir Francis Bertie, ambassadeur d'Angleterre, attendent le roi à Pierrefitte.


A la gare de Lyon; le roi et le président prennent congé
l'un de l'autre.

Le passage d'Édouard VII en France, pour aller rejoindre à Marseille la reine Alexandra, a été un des événements les plus marquants de la semaine dernière. Ce nouveau témoignage de l'«entente cordiale» empruntait aux circonstances actuelles une importance particulière, qu'a soulignée, d'une façon significative, l'entrevue ménagée entre le souverain anglais et le président de la République.

Le jeudi 6 avril, le roi, venant de Douvres, avec sa suite, sur le paquebot The Queen, mis entièrement à sa disposition, débarquait vers une heure et demie de l'après-midi à Calais, où il était reçu par MM. Hennon, président de la Chambre de commerce, et Fayton, consul d'Angleterre, et salué par les acclamations de la foule, aux abords de la gare maritime pavoisée aux couleurs des deux nations; il portait un pardessus de drap foncé et un chapeau de feutre noir. Après une heure consacrée à un lunch privé et à l'installation des voyageurs, s'effectuait le départ du train, composé de la voiture personnelle de Sa Majesté et de trois wagons-salons de la Compagnie du Nord.


  A Marseille: le roi va s'embarquer sur le "Victoria-and-Albert"

Il ne s'arrêta qu'un peu avant six heures, à Pierrefitte, petite station précédant Saint Denis. Le train présidentiel l'y avait précédé d'un quart d'heure environ, amenant de Paris M. Loubet, accompagné du général Dubois, chef de sa maison militaire, de M. Lépine, préfet de police, de sir Francis Bertie, ambassadeur d'Angleterre, et de M. Lister, premier secrétaire de l'ambassade.

La scène de la rencontre fut très rapide et dépourvue d'apparat: la voiture royale stoppant devant l'abri vitré, un marchepied abaissé, le roi se dressant dans l'encadrement de la portière ouverte et tendant la main au président, en échangeant avec lui des salutations d'une cordialité souriante, et le train emporta les deux chefs d'État. Ils étaient maintenant en tête à tête, n'ayant pour témoin de leur entretien qu'un personnage très discret, Jack, le chien favori d'Édouard VII, un petit griffon blanc, tacheté de feu. A travers la fumée d'excellents cigares, cet entretien historique, d'une quarantaine de minutes, se prolongea jusqu'à la gare de Lyon, vers laquelle le trajet se poursuivit par le chemin de ceinture.

Là, le roi, descendant le premier, se tint quelques instants sur le quai pour un dernier échange de shakehands et de paroles aimables: à sept heures, il remontait en wagon et, le lendemain matin, à neuf heures vingt, il arrivait à Marseille, où l'attendait la plus sympathique réception. Après y avoir passé toute une journée, il s'embarquait, le 8 avril, à bord de son yacht Victoria-and-Albert, pour entreprendre, en compagnie de la reine, une croisière dans la Méditerranée.

NOTES ET IMPRESSIONS

Celui qui veut faire un emploi sérieux de la vie doit toujours agir comme s'il avait à vivre longuement et se régler comme s'il lui fallait mourir demain.Émile Littré..

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Lorsqu'un vrai génie apparaît dans le monde, on le reconnaît à ce signe que les sots sont tous ligués contre lui. Swift.

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C'est à force de redouter le ridicule qu'on a renoncé au sublime. Maréchal Canrobert.

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La paix armée: tous les peuples en mesure de manger les autres sous peine d'être mangés. C'est l'ancien si vis pacem para bellum en face de nos rêves de fraternité internationale.

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La science moderne nous a apporté l'image exacte du cerveau de bien des gens: le phonographe. G.-M. Valtour.


LE «COMPLOT» DE COURBEVOIE


Un des uniformes d'infanterie achetés au "Chat noir" par les conspirateurs.

Vers la fin de mars, la police, opérant des perquisitions chez diverses personnes soupçonnées, disait-on, de contravention à la loi sur le pari aux courses, faisait une curieuse découverte. A Courbevoie, rue de Normandie, dans un petit pavillon situé au fond de la Villa Mosaïque, on trouvait 500 uniformes complets d'infanterie coloniale. Or, ce pavillon, non meublé, avait été sous-loué, en janvier, au nom de M. Tamburini, officier en disponibilité, habitant la même localité, rue de l'Alma, n° 8.

Celui-ci expliqua que ce fourniment était destiné à équiper des volontaires pour une expédition projetée sur la côte d'Ivoire ou au Congo, par une «société d'études». Le 5 avril, l'enquête, activement poursuivie, amenait une autre découverte encore plus sensationnelle, celle de munitions cachées à Nanterre, au lieu dit «la Fosse-aux-Loups»--une cité de chiffonniers--dans une maisonnette en construction de la ruelle des Fontenelles, appartenant à M. Meyer, mécanicien-ajusteur: 8.000 cartouches de guerre du modèle 1874 transformé!

D'où la présomption d'un complot ourdi contre la sûreté de l'État et l'arrestation d'une demi-douzaine de «conjurés».

Le capitaine Tamburini, héros principal de l'aventure, chevalier de la Légion d'honneur depuis 1900, est né en 1863, à Spoleto (Italie), d'un père naturalisé Français; après avoir fait de nombreuses campagnes coloniales, il comptait, en dernier lieu, au 136e régiment d'infanterie, à Saint-Lô; il est le gendre de M. Vrinat, qui tient, à Courbevoie, place Charras, le café de France, fréquenté par les officiers de la garnison. Le capitaine Volpert, impliqué dans l'affaire comme membre de la soi-disant «société d'études», est également en disponibilité.

S'agit-il réellement de tentative d'embauchage et d'un complot militaire organisé pour renverser le gouvernement? C'est ce que nous apprendront les conclusions de l'instruction, dirigée par M. Chênebenoît, un des magistrats les plus distingués du parquet de la Seine.


La maison habitée par le capitaine Tamburini, rue de l'Alma, n° 8, à Courbevoie.


Maison en construction, rue Fontenelles, à Nanterre, où la police a trouvé les cartouches.


Le magasin de friperie "Au Chat noir", 16, rue Dupetit-Thouars (quartier du Temple), où les conspirateurs avaient acheté, au mois de janvier, les 500 uniformes saisis.

Le capitaine Tamburini.
Photographie par G. Guérot, de Nevers, dans l'état où elle nous a été confiée.


Le capitaine Tamburini en civil. Phot. Chamussy, Courbevoie.


M. Chênebenoît, juge d'instruction.
Phot. Pirou, boulevard Saint-Germain.
Le capitaine Volpert.


La Villa Mosaïque, où la police a saisi les uniformes.



LE DIMANCHE DES RAMEAUX EN LOMBARDIE,
DANS LA VALLÉE DES ROSES (LAC DE LECCO).

Au val des Roses, au bord du lac de Lecco, la fête des Rameaux emprunte à la fidélité aux traditions des habitants un caractère très-particulier. A la grand'messe, au moment de la bénédiction des rameaux, le curé, apparaît au seuil de l'église, une palme à la main, et, la présentant à la foule assemblée, vêtue de ses habits de fête, dit: «Voici la paix!» Et, commentant les paroles évangéliques, il exhorte l'auditoire à la charité, au pardon des injures. Alors les fidèles agenouillés, tendant aussi les palmes, répondent par ces mêmes mots: «Voici la paix!»


LA SOIRÉE DE GALA DU 11 AVRIL AU CONCOURS HIPPIQUE DE PARIS;
LA POURSUITE DES MANNEQUINS.

Un grand carrousel militaire a corsé, cette année, l'intérêt du Concours hippique de Paris. Le succès même dont sont coutumiers les écuyers de Saumur, si souples sur leurs chevaux sauteurs, si élégants sous leur sobre uniforme noir et or, avec la culotte blanche et le petit lampion, a presque pâli devant celui qu'a obtenu la poursuite des chevaux en liberté, où l'on vit des cavaliers d'élite, chasseurs, dragons ou cuirassiers, armés les uns de sabres de bois, les autres de lances, poursuivre, attaquer, pourfendre des bonshommes d'étoupe et de chiffons, habillés d'uniformes; figures falotes, sans jambes, drôlement maquillées et qui, avec leurs terribles moustaches, leurs masques violemment enluminés, se balançaient en selle de si amusante façon, sous les coups d'estoc et de taille.


TANGER VU DE LA RADE.
--Photographie montrant l'état de la mer le matin de l'arrivée de l'empereur d'Allemagne.


Le canot impérial accoste au wharf.



L'empereur débarque sur le wharf.

Répétition de la fantasia qui fut supprimée du programme.

Le cortège impérial se rendant à la légation d'Allemagne.

LA VISITE DE GUILLAUME II A TANGER.--(Deuxième série de photographies.--Voir notre précédent numéro.)
L'Illustration est le seul journal, dans toute la presse illustrée européenne, qui ait réussi à publier, dans son numéro de la semaine dernière, des photographies de la visite de Guillaume II à Tanger. Nous n'avons pas consacré moins de trois pages, le 8 avril, à cet événement. Il a été assez important, cependant, pour que nous y revenions aujourd'hui avec une nouvelle série de documents photographiques dont on trouvera le principal à la page suivante.


Le caïd Mac-Lean, à pied, devant le cheval de l'empereur. Guillaume II, sur un cheval blanc, et son état-major. Abd el Malek oncle du sultan, et les autorités marocaines. Phot. Chusseau Flaviens.
ENTRÉE DE GUILLAUME II A TANGER: LE CORTÈGE IMPÉRIAL SUR LE PETIT-SOCCO




Le départ des cruisers, Delahaye-IV, Avenir-VII, Lanturlu, Titan-IV,
le 9 avril, par mer houleuse.


Le racer la Rapière en vitesse vers la haute mer.


Le canot "Marguerite" échoué au cap d'Ail. Mme du Gast en tenue de barreuse.


Le prince de Hohenlohe en canot.


La première journée du meeting de Monaco a été mouvementée. Les rarers, ou canots de course, venaient à peine de s'élancer vers la haute mer qu'une houle assez forte se leva Les petits engins trouaient les vagues crêtées d'écume; mais l'eau rejaillissaute, aveuglante, rendait toute surveillance du moteur, toute direction impossibles au mécanicien et au barreur. Il fallut rentrer, en toute hâte, sous la protection d'un contre-torpilleur. Néanmoins un des canots, la Marguerite, voulant doubler de trop près le cap d'Ail, fut roulé par le ressac sur une roche; les deux hommes qui le montaient ont été sauvés. Tous ces racers, construits pour la vitesse en rivière, ne mesuraient que 8 mères de long, ne pesaient que 1.000 à 1.200 kilos et emportaient, dans leurs coques fragiles, des moteurs de plus de 100 chevaux.

Les cruisers, ou canots de promenade, mieux pontés, ont parcouru jusqu'au bout, à petite vitesse (12 kilom. à l'heure), l'itinéraire fixé.


LE MEETING AUTOMOBILE DE 1905 A MONACO.--Les premières courses de canots.



Avant la représentation: les cavaliers peaux-rouges sont prêts à faire irruption sur la piste.


LE RETOUR DE BUFFALO-BILL A PARIS.--Le défilé des cavaliers indiens.
Voir la suite des gravures à la page suivante.


BUFFALO-BILL AU CHAMP DE MARS: DANS LES COULISSES
1. Un cavalier Indien et le colonel Cody.--2. Indiens occupés à peindre leurs tentes.--3. Un village du Far-West américain à Paris.--4. Le colonel Cody en conversation avec un Peau-Rouge de sa troupe.--5. Russes et Japonais dans le même camp.--6. Femmes et enfant peaux-rouges.--7. Les Indiens en costume de guerre prêts à s'élancer sur la piste.--8. La cavalerie de Buffalo Bill avant le défilé.--9. Le village indien.

(Agrandissement)



LA NOUVELLE CAMPAGNE NAVALE EN EXTRÊME-ORIENT
Le vice-amiral Rodjestvensky, commandant en chef la deuxième escadre russe du Pacifique.

On n'avait plus de nouvelles précises de l'escadre commandée par l'amiral Rodjestvensky, depuis qu'elle avait quitté, sans grand bruit, d'ailleurs, les parages de Madagascar pour une destination inconnue. Or, les dépêches viennent d'annoncer qu'elle a fait son apparition subitement, le 8 avril, devant Singapour. Puis, presque aussitôt, on signalait sa présence aux îles Anambas, en même temps que des navires japonais, envoyés sans doute en reconnaissance, étaient vus croisant sur les côtes de la Cochinchine. A la dernière heure, enfin, on affirmait qu'un combat naval était engagé aux îles Anambas. Donnera-t-il aux Russes la revanche si ardemment désirée? Quoi qu'il en soit, les techniciens sont unanimes à reconnaître que l'amiral Rodjestvensky, en amenant sans encombre une force de cette importance jusqu'aux mers de Chine, s'est montré un marin remarquable et a accompli un véritable exploit.


Documents et Informations


Le nouveau sanatorium en achèvement sur la plage de Zuydcoote (Nord),--Phot. Falciny.

Le sanatorium de Zuydcoote.



M. Étienne, ministre de l'intérieur, s'est rendu, dimanche dernier, dans le Nord, pour visiter le sanatorium de Saint-Pol, et surtout les nouveaux bâtiments qu'on construit à Zuydcoote pour remplacer cet établissement devenu insuffisant pour les besoins auxquels il doit faire face. On voit, sur notre photographie, quelle sera l'importance du sanatorium de Zuydcoote. C'est une véritable ville, un hôpital marin modèle, installé avec les derniers perfectionnements hygiéniques et médicaux indiqués par les spécialistes.

ENCORE LA SURDI-MUTITÉ ET LES UNIONS CONSANGUINES.



Dans notre numéro du 4 février dernier, nous faisions connaître une intéressante étude du docteur Castex, qui concluait à la non-évidence des relations entre la surdi-mutité et les unions consanguines.

Cette note nous a valu l'envoi, par M. Fehmers, professeur à l'Institution des sourds-muets de Rotterdam, d'une brochure dans laquelle l'auteur, s'appuyant sur des données statistiques recueillies dans l'établissement où il professe, conclut, au contraire, à la réalité de l'influence des unions consanguines sur la surdi-mutité.

C'est là la doctrine classique; et c'est précisément parce que cette opinion est généralement admise qu'il était intéressant de faire connaître la conclusion contraire, à laquelle était arrivé un observateur savant et consciencieux.

Ajoutons que les statistiques de M. Fehmers ne nous paraissent nullement probantes dans le sens indiqué par leur auteur, puisque, sur 100 élèves sourds-nés ou devenus sourds, il n'en relève guère que 10 issus de père et de mère apparentés.

Au surplus, pour résoudre cette question, il faudrait connaître quelle est la proportion, dans une population donnée, des mariages consanguins, et cette proportion est absolument inconnue.

Les primeurs d'Espagne en Angleterre.



Le commerce que fait l'Espagne avec le seul port de Liverpool, en fruits et légumes, atteint, d'après le consul d'Espagne, dans le grand port anglais, un chiffre qui peut bien faire envie à notre colonie algérienne. Il semble, en effet, que l'Algérie serait encore mieux adaptée que l'Espagne à la production des primeurs Quoi qu'il en soit, pour l'année 1902-1903 (juillet à juin), l'Espagne a vendu pour près de 1.500.000 livres sterling de fruits et légumes au seul port de Liverpool, plus de 37 millions de francs. Les articles les plus importants de ce commerce sont divers. Il y a les oranges d'abord, pour plus du quart du total. Les bananes et tomates des Canaries représentent plus du tiers; ensuite viennent les raisins. On est assez surpris de constater l'importance des oignons: Valence en vend pour 3 millions de francs exactement. Un des éléments du succès des exportateurs espagnols, en sus de l'excellence des produits, qui n'est pas contestable, est le soin avec lequel sont faits les emballages. La marchandise est présentée de façon séduisante, bien apprêtée, bien parée et qui plaît à l'oeil. Cela augmente un peu en frais, mais les prix obtenus sont sensiblement plus élevés qu'ils ne seraient autrement.


Inauguration de la place "de Lesseps" à Barcelone.--Phot. Maymi.

Hommage de Barcelone à Ferdinand de Lesseps.



Ferdinand de Lesseps était consul de France à Barcelone quand, en 1842, Espartero, pour mettre fin à l'insurrection qui y avait éclaté, vint bombarder la ville. M. de Lesseps eut le courage d'offrir sa médiation et alla trouver l'impitoyable général. Grâce à son intervention, le bombardement fut arrêté, Barcelone, d'ailleurs, étant à demi ruinée.

Si la ville n'a jamais pardonné à la mémoire d'Espartero cette exécution sanglante, elle a, en revanche, gardé à Ferdinand de Lesseps une pieuse gratitude pour sa généreuse démarche.

Elle vient de l'attester encore en donnant le nom du créateur du canal de Suez à l'une de ses places publiques. La plaque indicatrice a été inaugurée le dimanche 2 avril, aux accents de la Marseillaise et en présence des trois fils de Ferdinand de Lesseps et de tout le corps consulaire de Barcelone.



Le grand bassin de radoub de Sidi-Abdallah (Bizerte).

Les nouveaux bassins de Sidi-Abdallah.



Le lundi 27 mars a eu lieu, à Sidi-Abdallah (Bizerte), l'inauguration des nouveaux bassins de radoub; malgré qu'elle se soit accomplie sans aucune solennité, elle a cependant l'importance d'un grand événement maritime. A partir d'aujourd'hui, nos escadres peuvent compter sur l'effectivité du point d'appui de Bizerte et y trouver refuge en cas d'avaries.

Les nouveaux bassins sont les plus longs et les plus vastes que nous possédions. Ils ne mesurent pas moins de 200 mètres. Les machines d'épuisement qui les pompent les vident en moins de trois heures et demie; on peut s'imaginer ainsi la puissance des turbines.

C'est un petit remorqueur de la direction du port de Bizerte, le Cyclop, et un ponton-grue, le Kébir, qui ont eu l'honneur d'entrer les premiers dans les formes de Sidi-Abdallah. Ils semblent deux pygmées perdus dans ces immenses cales sèches faites pour recevoir des cuirassés de 16.000 tonnes. Entre le Cyclope et le Kébir on pourrait encore loger un croiseur, et la grue, de ses bras démesurés, domine à peine la hauteur des parapets de 9m,50! Mais qui peut le plus peut le moins; l'essentiel c'est qu'après le Kébir et le Cyclope d'autres navires, plus sérieux, pourront suivre.

L'arsenal de Sidi-Abdallah est donc entré dans la phase initiale de développement. Ce travail gigantesque des bassins, poursuivi avec persévérance au fond du lac de Bizerte, dont la situation est privilégiée, fait le plus grand honneur à notre pays.

Le vin de groseilles.



A l'approche de l'époque où la terre recommence à nous donner ses produits, il nous paraît intéressant de faire connaître à nos lecteurs un mode d'utilisation des groseilles qui n'est pas très répandu jusqu'ici. Il s'agit de la préparation du vin de groseilles. Ce vin se conserve plusieurs années et fournit une boisson agréable et saine. Voici la recette: on cueille des groseilles parfaitement mûres, par temps chaud et sec de préférence; on les pose dans un cuveau ou tonneau bien propre et bien sec, où elles restent deux jours au sec. Puis on égrappe; et l'on écrase les groseilles en ajoutant du sucre et de l'eau dans les proportions de 10 litres d'eau contenant 4 ou 5 kilos de sucre blanc dissous, pour 5 kilos de fruits.

On abandonne le mélange à lui-même dans un cuveau ou un tonneau qu'on ne remplit pas au delà des deux tiers; on laisse fermenter quelques jours, en ayant soin de mélanger la masse deux ou trois fois par jour, au moins.

Après achèvement de la première fermentation, reconnaissable à ce que la proportion des bulles gazeuses a diminué, on presse, et le liquide est placé dans un petit tonneau ou une bonbonne, bien propre, où on laisse s'opérer une seconde fermentation qui dure un peu plus longtemps que la première. Après celle-ci, on soutire le liquide dès qu'il s'est éclairci, et l'on met en bouteilles. Celles-ci doivent être tenues couchées. Le vin de groseilles est d'une jolie couleur rouge rose; il est limpide, agréable au goût, devenant légèrement gazeux en bouteille. La proportion d'alcool est de 10 ou 12%; celle des acides libres, de 9 ou 10%. C'est donc une boisson qui supporte d'être additionnée d'au moins son volume d'eau. Mieux vaut la faire forte, selon la recette précédente, que d'essayer de fabriquer un vin moins alcoolique en diminuant la proportion de sucre. Ce vin plus faible ne se conserverait pas, au lieu que confectionné selon les indications que nous venons de donner, le vin de marc se conserve au moins un an et sans doute davantage. Avis à ceux de nos lecteurs qui, ayant trop de groseilles, voudraient les utiliser autrement qu'en confitures.

Le suicide en France.



De 1826 à 1900, le nombre des suicides s'est régulièrement accru en France, atteignant le nombre de 9.186 pour la période 1896-1900, soit une proportion de 23 sur 100.000 habitants.

Depuis 1900, le mouvement ascendant semble enrayé et, en 1902, la proportion était tombée à 22 pour 100.000 habitants.

Mais le nombre absolu des suicides n'est pas seul à considérer, et leur cause est surtout intéressante.

Autrefois, la folie tenait une grande place parmi les causes des suicides et, il y a vingt ans seulement, elle figurait pour environ un tiers de ces causes. Or, actuellement, c'est à peine si les statistiques la notent 15 fois sur 100. Le suicide des fous aurait donc diminué de moitié; par suite, le suicide serait aujourd'hui, plus souvent qu'autrefois, un acte raisonné et volontaire.

La misère et les revers de fortune sont invoqués dans la proportion de 16% et les souffrances physiques dans celle de 25%; les chagrins de famille donnent la proportion de 12% et l'amour contrarié celle de 7%. Enfin l'accès d'ivresse est noté 15 fois sur 100.

Le suicide est surtout fréquent de cinquante à cinquante-neuf ans, à cet âge où l'activité de l'individu devient souvent insuffisante et où les situations, déjà difficiles, se compliquent si fréquemment de la maladie et de l'infirmité.

Le procédé de suicide le plus souvent employé est la pendaison (40%); puis la submersion (27%) et l'arme à feu (12%). Le poison n'est noté que 2 fois sur 100, ce qui permet de croire que les statistiques sont très imparfaites et que nombre de suicides par poison sont considérés comme morts naturelles.

Enfin, près du quart des suicidés appartiennent au sexe féminin.

Gros et petits mangeurs de pain.



L'Europe est une grosse mangeuse de pain: la consommation du blé et du seigle y est de 790 millions de tonnes par an.

Dans cette quantité, la Russie entre pour 220.000.000, l'Allemagne pour 130.000.000, la France pour 112.000.000, l'Angleterre pour 65.000.000, l'Italie pour 42.000.000, les Etats des Balkans pour 34.000.000, l'Espagne pour 30.000.000, la Belgique pour 18.000.000, la Hollande pour 10.000.000, la Suède pour 9.000.000, le Danemark pour 7.000.000, la Suisse pour presque autant, le Portugal pour 6.000 000, la Finlande pour près de 5.000.000 et la Norvège pour près de 3.000.000.

Les pays latins (sud-ouest de l'Europe) consomment ensemble 190.000.000 de tonnes et le reste de l'Europe occidentale en consomme 290.000.000, ce qui fait un total de 480 millions.

L'Europe, orientale est une moins grosse mangeuse de pain. Elle n'en consomme qu'un peu plus de 300.000.000 de tonnes.

La semence, dans l'Europe entière, absorbe 110 millions de tonnes.

L'Europe, cependant, ne produit que 725.000.000 de tonnes. Le déficit varie donc de 60 à 65 millions de tonnes.

Trois pays de l'Europe seulement ont une production supérieure à leurs besoins: la Russie, les Balkans et l'Autriche-Hongrie.

Au total, c'est le Danemark qui mange le plus de pain; la France ne vient qu'au troisième rang.

Kilos consommés par habitant (et par an)

Danemark................... 287
Belgique................... 274
France..................... 254
Allemagne.................. 230
Suisse..................... 212
Hollande................... 203
Russie..................... 173

En 1895 la France venait au premier rang parmi les consommateurs. On ne peut admettre sa déchéance à ce point de vue qu'en supposant que le bien-être a fait augmenter dans une mesure proportionnelle la consommation de la viande.

Les pays latins, qui ne sont pas très gros mangeurs de pain, consomment en moyenne 180 kilos par an, tandis que le reste de l'Europe occidentale en consomme 200.

Dans l'Europe entière, la consommation générale par habitant est de 183 kilos, ce qui représente assez exactement une livre de pain par jour.


Le roi de Siam en costume européen.
Phot. comm. par M. Delaunay.

S. M. Chulalongkorn, roi de Siam.



Dans son numéro du 31 janvier dernier. L'Illustration publiait sur le Siam, dont les rapports de bon voisinage avec les possessions indo-chinoises de la France ont été réglés dernièrement par une nouvelle convention, un article accompagné d'intéressantes reproductions photographiques. Comme complément de ces documents, nous donnons aujourd'hui un portrait tout récent du roi Chulalongkorn, vêtu à l'européenne.

A cette occasion, il convient de rectifier une erreur matérielle qui s'est glissée parmi les légendes des gravures du numéro de janvier. Sous un des groupes de personnages, au lieu de: La cour de Siam: S. M. Chulalongkorn et son état-major, il faut lire: Phra Noradat Sarakan, vice-député du Département sanitaire, entouré des officiers de police. Au moment où cette photographie a été prise, ce haut fonctionnaire attendait l'arrivée du souverain.





Mouvement littéraire

Romanciers d'hier et d'avant-hier, par Jules Barbey d'Aurevilly (Lemerre, 3 fr. 50).--Les Samedis littéraires, par Ernest-Charles (Sansot, 3 fr. 50).--Les Romanciers russes du XIXe siècle, par Ossip-Lourié (Alcan, 7 fr. 50).--Henri Heine penseur, par Henri Lichtenberger (Alcan, 3 fr. 75).

Romanciers d'hier et d'avant-hier.



Une main pieuse recueille peu à peu les pages de critique de Barbey d'Aurevilly. Le romancier puissant de l'Ensorcelée, le peintre fantastique des Diaboliques ne fut pas seulement un imaginatif. D'une race héroïque et fine, s'il savait raconter les aventures extraordinaires, il avait en même temps l'art de semer à pleines mains l'esprit et les mots redoutables. C'était, dans sa perfection, le Normand à la fois hardi et subtil. Ses articles sur les hommes et les livres valent, à mon avis, ses pages romanesques. Il voyait fort bien les qualités et les défauts de ceux qui passaient devant lui et qu'il soumettait à son jugement. Dans des causeries fortes, imagées, toutes pétillantes, il fait preuve à leur endroit du plus sur discernement. L'outrance des mots, leur inattendu, ne sont là que pour donner plus de vigueur à l'exécution, car il exécute souvent ses contemporains et surtout ses contemporaines. Le trait part, impétueux, rutilant, comme une flèche enflammée, et va se loger au point visé avec une maestria que les critiques actuels--s'il y a encore des critiques--sont loin de rappeler. Dans Romanciers d'hier et d'avant-hier, lisez l'étude sur MM. Erckmann-Chatrian, lesquels venaient de publier Contes fantastiques.

Comme il les remet sur leur chemin, les détournant de la route à laquelle leur talent ne les destine pas! «Le fantastique oblige. Par cela même qu'on écrit ce grand mot, on déclare ne plus se réclamer de cette simple fantaisie qui peut être si belle, mais de cette fantaisie là qui doit être transcendante, puisqu'elle se permet d'être étrange et qu'on la déchaîne du dernier lien du bon sens, du dernier fil de la réalité.» Or Erckmann-Chatrian--n'en faisons qu'un seul être--était plutôt fait pour rendre «le plein jour de la vie réelle et corpulente» que la clarté surnaturelle et demi-obscure du fantastique. Dans cette opinion de Barbey d'Aurevilly, tout est juste et ingénieux autant qu'original. Ses pages sur Léon Gozlan, celui qui nous a tous charmés avec son Aristide Froissart, son Polydore Marasquin et son Notaire de Chantilly, étincellent de vérité et d'humour: «Léon Gozlan, un des esprits les plus brillants du siècle, de la race en droite ligne et courte des Chamfort et des Bivarol, ne faisait nul tapage de ses facultés; c'était un délicat et un discret.» Peut-on mieux présenter un homme dans son individualité littéraire et morale, dans ses traits particuliers? Veut-on savoir ce que l'on pensait de M. Ranc à ses débuts, alors qu'il publiait, en 1869, le Roman d'une conspiration? Barbey d'Aurevilly nous l'apprend. Non sans sympathie, il juge, à ses premiers pas ou à ses premières passes, l'homme qui devait occuper une si grande place dans le parti républicain et dans le journalisme.

La beauté de la femme, disait Gozlan, c'est d'être un ornement. La beauté de l'homme, c'est d'être une arme. «Eh bien, Ranc a cette incontestable beauté-là. C'est donc, avant tout, une plume de guerre que Ranc... Tout utopiste qu'il soit, c'est l'esprit le plus ferme... avec un mordant et une terrible plaisanterie que n'avait point Carrel.» Je m'arrête, il me suffit d'avoir marqué la manière de Barbey d'Aurevilly, jusqu'à quel point, malgré la passion énergique de la phrase, il fut impartial et clairvoyant et quel répertoire nous fournit son oeuvre de critique.

Samedis littéraires.



Hélas! la critique qui se tenait encore debout, aux jours de Barbey d'Aurevilly, disparaît de plus en plus sous la réclame. Cependant elle vit encore en particulier dans une revue hebdomadaire. Là, elle est audacieuse, tranchant sur la banalité ambiante; on y fuit le mal terrible de ce temps, c'est-à-dire le snobisme béat. Ce n'est pas que je sois toujours d'accord avec M. Ernest-Charles dont un volume des Samedis littéraires nous est parvenu. Peut-être a-t-il parfois des favoris qui ne sont pas les miens et accorde-t-il une valeur exagérée à des livres qui marquent plus de savoir-faire et d'assimilation que de talent original. Il me comprendra sans que je m'explique davantage. D'un autre côté il presse trop persévéramment de ses aiguillons des écrivains comme M. Paul Bourget, par exemple. Mais quel feu dans les critiques! Comme M. Ernest Charles est amusant à observer quand il harcelle certains auteurs et certains livres! Je sais quelques hommes et même quelques femmes qui ne sortent de ses mains que criblés de piqûres. Son grand procédé consiste même à plonger plusieurs fois à la même place, pour que ce soit plus cuisant, la même pointe envenimée.

Dans la veulerie de plus en plus accentuée, on a plaisir à rencontrer ce courage et cette littéraire misanthropie. Ce jeune Alceste de la critique nous comble de joie en réunissant ses articles et en nous permettant de les savourer, sans que nous en omettions un seul d'important.

Psychologie des romanciers russes.



M. Ossip-Lourié n'use pas précisément de la même méthode. Il ne se passionne guère pour ou contre les hommes; il leur ménage par là même les attaques virulentes. Du reste, ne sommes nous pas remplis de mansuétude à l'endroit des étrangers, réservant pour les nôtres les agressions et les coups d'épingle ou de massue. Chacun, en effet, selon son tempérament, use en critique de l'épingle ou de la massue. Sainte-Beuve avait le coup léger; Taine maniait un instrument plus vigoureux et ne procédait guère par malignes insinuations, comme on s'en peut assurer dans la façon dont il a traité le philosophe Cousin et quelques autres. M. Ossip-Lourié, un érudit à tour philosophique, s'il avait à atteindre méchamment les hommes, ne rappellerait pas précisément l'auteur des Lundis. Mais ici il admire plutôt. Impossible de le suivre dans les multiples études de son livre. A propos d'une thèse féminine fort complète, j'ai déjà ici parlé de Gogol, le disciple de Pouchkine, Gogol vraiment Russe et qui inaugure la nouvelle littérature, toute nationale, du grand peuple. L'auteur des Ames mortes, réaliste, mystique aussi, a, le premier, donné une conscience et une voix à sa race. Après lui, Tourgueniev est venu--il était né le 28 octobre 1818--moins imprégné de mysticisme que Gogol, plus soigneux de sa phrase, composant minutieusement ses livres comme son ami Flaubert, représentant fort bien dans les Récits d'un chasseur la vie provinciale et les moeurs populaires. Mais là où M. Ossip-Lourié excelle et ce qui me paraît la meilleure partie de son oeuvre, c'est quand il nous rend Dostoïewski, dans ses fers, en Sibérie, dans sa misère, dans sa maladie nerveuse, dans la folie qui l'envahit peu à peu; et Gorki, recueillant tout l'héritage de ses prédécesseurs, s'occupant à peindre le peuple--quel peuple souvent!--et si amoureux des aventures et des routes éternelles qu'après une réception enthousiaste de la jeunesse studieuse et des lettrés il leur dit à tous: «Adieu, frères, je m'en vais.»

Tolstoï, dont nous connaissons l'oeuvre et les gestes, et d'autres romanciers russes, moins illustres parmi nous, sont étudiés dans le livre de M. Ossip-Lourié, qu'on lit avec autant d'intérêt qu'un roman.

Divers.



Combien je regrette de n'avoir pas la place suffisante pour présenter, comme il convient, le travail complet, philosophique--où la philosophie enveloppe peut-être et couvre un peu l'histoire--de M. Henri Lichtenberger: Henri Heine penseur!

J'aperçois aussi, près des deux volumes de M. Ossip-Lourié et de M. Lichtenberger, des livres où la pensée abonde et les fortes réflexions. Le peintre, l'ami de la critique littéraire, le lettré, ne peuvent que se délecter dans Bismarck et son, temps de M. Matter (Alcan, 10 fr.), et dans Condorcet et la Révolution française, de M. Cahen. Des études comme celles-là, modérées, nourries de faits, artistement écrites, nous font, au-dehors, le plus grand honneur.
E. Ledrain.



Ont paru;

Jaunes contre Blancs, par R. Castex. 1 vol., Lavauzelle, 3 fr.--Histoire de la littérature française classique (1515-1530), par Ferdinand Brunetière. 1 vol. in-8°, Delagrave, 2 fr. 50.--L'Impossible, par Jean de la Brète. 1 vol. in-16, Plon-Nourrit et Cie, 3 fr. 50.--La Villa de dessus, par J.-Jacques Langlois. 1 vol., Victor Havard et Cie, 3 fr. 50.--L'Évolution de la terre et de l'homme, par G. Lespagnol. 1 vol. in-8º écu, Delagrave, 5 fr.-Souvenirs entomologiques, par J.-H. Fabre. 1 vol. in-8°, Delagrave, 3 fr. 50.-- Ouvriers et Patrons, par E. Fournière. 1 vol., Fasquelle, 3 fr. 50.

LES THÉÂTRES

Les représentations de Mme Eleonora Duse, au Nouveau-Théâtre, ont une vogue si persistante qu'il devient puéril d'attribuer ce succès extraordinaire au snobisme parisien. La salle du théâtre est comble tous les soirs et les spectateurs témoignent par leur attitude de l'impression profonde que produit sur eux l'éminente comédienne. Qu'elle interprète de l'Ibsen, de l'Alexandre Dumas ou du Sardou, Mme Duse se montre toujours une actrice incomparable par le relief intense qu'elle donne à tous ses rôles: elle les vit plus encore qu'elle ne les joue.

Shylock, au Théâtre-Français, n'a pas donné tout ce qu'on en attendait. L'adaptation représentée n'est certes pas une des oeuvres marquantes d'Alfred de Vigny; elle laisse subsister néanmoins, dans son intégralité, l'émouvante figure du juif de Venise, et M. Leloir en dessine la silhouette avec un réalisme outré peut-être, fort saisissant en somme: le public n'est pas sans s'en apercevoir, M. Fenoux et Mlle Garrick sont encore à signaler parmi les bons interprètes des autres rôles. Un acte de M. André Rivoire, Il était une bergère, écrit en vers d'une facture exquise, complète agréablement le spectacle.

Nous publions avec ce numéro:
Scarron
de M. Catulle Mendès.

Notre prochain numéro contiendra:
L'Age d'aimer
de M. Pierre Wolff.

Paraîtront ensuite:

L'Armature
de M. Brieux,
d'après le roman de M. Paul Hervieu.

Le Duel
de M. Henri Lavedan.

Monsieur Piégois de M. Alfred Capus.

Les abonnés de L'Illustration reçoivent toutes ces pièces sans aucune augmentation de prix.


UN TREMBLEMENT DE TERRE AUX INDES ANGLAISES


Le Temple d'Or à Amritsar, en partie détruit.--Phot. Benedict.

Un tremblement de terre, qui s'est produit le mardi 14 avril, vient de ravager deux provinces entières, aux Indes anglaises. Les villes qui ont particulièrement souffert sont: Simla, où lady Curzon, femme du vice-roi, a failli périr; Kangra; Dharmsala; Palampur; Lahore; Amritsar, où une partie des tours du Temple d'Or se sont écroulées; Dehra-Dun; Jalandhar, etc.

Quant au nombre des victimes, il est considérable. On évalue à 3.000 le nombre des morts aux seuls environs de Palampur, à 10.000 ceux des environs de Kangra. A Dharmsala, les baraquements où étaient casernes le 1er et le 7e régiment de gourkhas et qui s'étageaient sur une colline ont enseveli plusieurs centaines de ces soldats.


Casernements des soldats gourkhas à Dharmsala (la flèche indique les bâtiments sous lesquels 400 hommes ont été ensevelis).-Phot. du lieutenant Inglis.

Ce tremblement de terre a eu sa lointaine répercussion en France même. Les appareils météorologiques de l'observatoire du Val-Joyeux ont enregistré, le 4 avril, une perturbation magnétique intense, à l'heure même où les secousses sismiques se produisaient dans l'Inde.

LA CATASTROPHE DE MADRID

Samedi matin. 8 avril, à sept heures, au moment où tous les ouvriers travaillant à l'achèvement du canal Isabelle II, qui amène à Madrid les eaux de la Lozaya, venaient de pénétrer sur les chantiers, sous la voûte du nouveau réservoir en construction, cet immense quadrilatère de 300 mètres sur 150, en ciment armé, s'effondra, ensevelissant tous les travailleurs.

Il y en avait plus de 300. Presque tous furent écrasés, tués du coup. Les rares survivants, affreusement blessés, étaient pris sous les mailles du filet d'acier qui servait d'armature à la voûte de ciment. Les secours furent organisés aussitôt, au milieu d'une émotion indescriptible, qui a donné lieu à des désordres pour la répression desquels la troupe est intervenue.


LA CATASTROPHE DE MADRID: ÉCRASEMENT DE TROIS CENTS OUVRIERS PAR LA CHUTE D'UNE VOUTE DE 70.000 MÈTRES CARRÉS

1. La foule sur le lieu du sinistre.--2. Les sauveteurs écoutant les gémissements des ouvriers ensevelis.--3. L'enlèvement des grilles du ciment armé sous lesquelles gisent les morts.--4. La découverte d'un cadavre.


(Agrandissement)


NOUVELLES INVENTIONS

(Tous les articles publiés sous cette rubrique sont entièrement gratuits.)

LE GARDE-BOUE "LE VARLET"

Les garde-boue ordinaires, en bois ou en tôle, possèdent quelques défauts que tous les cyclistes connaissent: ils sont difficiles à monter ou nécessitent le démontage des roues; une fois posés, ils rendent la machine disgracieuse ou l'alourdissent; souvent, ils font un bruit de ferraille pour le plus petit écrou desserré et ils nécessitent toujours leur démontage de la roue quand il faut réparer une crevaison.


Fig. 1--Le garde-boue replié.

Fig. 2.--Le garde-boue ouvert.

L'invention de M. Varlet a pour but d'obvier aux inconvénients précités. Son garde-boue, composé de branches articulées portant à leur extrémité une toile caoutchoutée extrêmement souple, se déploie tout comme un éventail. En dévissant simplement les écrous des axes des moyeux, les deux éventails sont posés, les taquets formant rondelles s'appliquent sur tous les axes et il suffit ensuite de revisser les écrous à leur placé respective sans démonter les roues. Les chapes porte-toiles s'adaptent au moyen de deux boulons pour la fourche arrière et deux colliers pour la fourche avant. En quelques instants l'appareil est installé. Nos deux figures montrent le volume minime occupé par cet appareil replié et sa protection efficace lorsqu'il est ouvert.

Deux minutes suffisent pour ouvrir le garde-boue; aucun bruit ne fait soupçonner sa présence, qu'il soit ouvert ou fermé. Il ne gêne en rien pour les réparations. Veut-on nettoyer cet appareil, on décroche la toile caoutchoutée, un coup d'épongé et sa propreté est parfaite!

Ce garde-boue se referme d'une façon instantanée; une simple pression sur la dernière branche de l'éventail fait replier le tout automatiquement; en un clin d'oeil la toile est enroulée et les branches sont rentrées l'une dans l'autre.

Le garde-boue Varlet a été récompensé d'une médaille d'argent à l'Exposition des petits inventeurs; organisée par l'Auto, en raison de ses qualités précieuses de légèreté et de commodité. Son prix est de 12 francs chez M. Varlet, 12 rue Dupetit-Thouars, Paris.





Note du transcripteur: Ce supplément ne nous a pas été fourni.