The Project Gutenberg eBook of Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 2 de 2

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Title: Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 2 de 2

Author: Anatole France

Release date: September 10, 2010 [eBook #33693]

Language: French

Credits: Produced by wagner, Mireille Harmelin, Christine P. Travers
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ANATOLE FRANCE
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE

VIE
DE
JEANNE D'ARC

II

PARIS CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS 3, RUE AUBER, 3

Published march twenty fifth, nineteen hundred and eight. Privilege of copyright in the United States reserved under the Act approved March third nineteen hundred and five by Manzi, Joyant et Cie.

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous les pays, y compris la Hollande.

(p. 1) VIE DE JEANNE D'ARC

CHAPITRE PREMIER
L'ARMÉE ROYALE DE SOISSONS À COMPIÈGNE. — POÈME ET PROPHÉTIE.

Le 22 juillet, le roi Charles, descendant l'Aisne avec son armée, reçut en un lieu nommé Vailly les clefs de la ville de Soissons[1].

Cette ville faisait partie du duché de Valois indivis entre la maison d'Orléans et la maison de Bar[2]. De ses ducs, l'un était prisonnier des Anglais; l'autre tenait au parti français par son beau-frère le roi Charles et au parti bourguignon par son beau-père le duc de Lorraine. Il y avait là de quoi troubler dans leurs sentiments de fidélité les habitants qui, foulés par les gens de guerre, pris et repris à tout moment, chaperons (p. 2) rouges et chaperons blancs, risquaient tour à tour d'être jetés dans la rivière. Les Bourguignons mettaient le feu aux maisons, pillaient les églises, justiciaient les plus gros bourgeois; puis les Armagnacs saccageaient tout, faisaient grande occision d'hommes, de femmes et d'enfants, violaient nonnes, prudes femmes et bonnes pucelles, tant que les Sarrazins n'eussent fait pis[3]. On avait vu les dames de la cité coudre des sacs pour y mettre les Bourguignons et les noyer dans l'Aisne[4].

Le roi Charles fit son entrée le samedi 23 au matin[5]. Les chaperons rouges se cachèrent. Les cloches sonnèrent, le peuple cria «Noël» et les bourgeois présentèrent au roi deux barbeaux, six moutons et six setiers de «bon suret», s'excusant du peu: la guerre les avait ruinés[6]. Comme ceux de Troyes, ils refusèrent leurs portes aux gens d'armes, en vertu de leurs privilèges et parce qu'ils n'avaient pas de quoi les nourrir. L'armée campa dans la plaine d'Amblény[7].

Il semble que les chefs de l'armée royale eussent (p. 3) alors l'intention de marcher sur Compiègne. Aussi bien importait-il d'enlever au duc Philippe cette ville qui était pour lui la clef de l'Île-de-France, et il y avait lieu d'agir avant que le duc eût amené une armée. Mais dans toute cette campagne le roi de France était résolu à reprendre ses villes par adresse et persuasion et non point de force. Du 22 au 25 juillet, il somma par trois fois les habitants de Compiègne de se rendre. Ceux-ci négocièrent, voulant gagner du temps et se donner l'apparence d'être contraints[8].

Partie de Soissons, l'armée royale fut le 29 devant Château-Thierry. Elle attendit tout le jour que la ville ouvrît ses portes. Au soir le roi y fit son entrée[9].

Coulommiers, Crécy-en-Brie, Provins se soumirent[10].

Le lundi 1er août, le roi passa la Marne sur le pont de Château-Thierry et prit ce même jour son gîte à Montmirail. Le lendemain il atteignit Provins à portée du passage de la Seine et des routes du centre[11]. L'armée avait grand'faim et ne trouvait rien à manger dans ces campagnes ravagées, dans ces villes pillées. On s'apprêtait, faute de vivres, à faire retraite et à regagner le (p. 4) Poitou. Mais les Anglais contrarièrent ce dessein. Pendant qu'on réduisait des villes sans garnison, le régent d'Angleterre avait rassemblé une armée. Elle s'avançait maintenant sur Corbeil et Melun. Les Français, à son approche, gagnèrent la Motte-Nangis, à cinq lieues de Provins, où ils s'établirent sur un de ces terrains bien plats et bien unis qui convenaient aux batailles telles qu'elles se donnaient en ce temps-là. Ils y demeurèrent rangés tout un jour. Les Anglais ne vinrent point les attaquer[12].

Cependant les habitants de Reims reçurent nouvelles que le roi Charles quittait Château-Thierry avec son armée et voulait passer la Seine. Se voyant abandonnés, ils craignirent que les Anglais et les Bourguignons ne leur fissent payer cher le sacre du roi des Armagnacs; et de fait ils étaient en grand danger. Ils décidèrent, le 3 août, d'envoyer un message au roi Charles pour le supplier de ne pas abandonner les cités mises en son obéissance. Le héraut de la ville partit aussitôt. Le lendemain, ils avertirent leurs bons amis de Châlons et de Laon, que le roi Charles, comme ils l'avaient entendu dire, prenait son chemin vers Orléans et Bourges et qu'ils lui avaient envoyé un message[13].

(p. 5) Le 5 août, tandis que le roi est encore à Provins[14] ou aux alentours, Jeanne adresse à ceux de Reims une lettre datée du camp, sur le chemin de Paris. Elle y promet à ses chers et bons amis de ne pas les abandonner. Elle n'a point l'air de soupçonner que la retraite sur la Loire est décidée. C'est donc que les magistrats de Reims ne le lui ont pas écrit et qu'elle est tenue en dehors du conseil royal. Elle est instruite pourtant que le roi a conclu une trêve de quinze jours avec le duc de Bourgogne et elle les en avertit. Cette trêve ne lui plaît pas; elle ne sait encore si elle la gardera. Si elle ne la rompt pas, ce sera seulement pour garder l'honneur du roi; encore ne faut-il pas que ce soit une duperie. Aussi tiendra-t-elle l'armée royale rassemblée et prête à marcher au bout de ces quinze jours. Elle termine en recommandant aux habitants de Reims de faire bonne garde et de l'avertir s'ils ont besoin d'elle.

Voici cette lettre:

Mes chiers et bons amis les bons et loiaulx Franczois de la cité de Rains, Jehanne la Pucelle vous fait assavoir de ses nouvelles et vous prie et vous requiert que vous ne faictes nulle doubte en la bonne querelle que elle mayne pour le sang roial; et je vous promect et certiffi que je ne vous abandonneray point tant que je vivray. Et est vray que le Roy a fait treves au duc de Bourgoigne quinze jours durant, par ainsi qu'il ly doit rendre la cité de Paris paisiblement au chieff de quinze jours. Pourtant ne vous donner nulle merveille si je ne y entre si brieffvement, combien que des (p. 6) treves qui ainsi sont faictes je ne suy point contente et ne scey si je les tendray; maiz si je les tiens, ce sera seulement pour garder l'onneur du Roy; combien aussi que ilz ne cabuseront[15] point le sang roial, car je tendray et mantendray ensemble l'armée du Roy pour estre toute preste au chieff desdits quinze jours, si ilz ne font la paix. Pour ce, mes très chiers et parfaiz amis, je vous prie que vous ne vous en donner malaise tant comme je vivray; maiz vous requiers que vous faictes bon guet et garder la bonne cité du Roy; et me faictes savoir se il y a nulz triteurs[16] qui vous veullent grever[17] et au plus brieff que je porray, je les en osteray; et me faictes savoir de voz nouvelles. À Dieu vous commans[18] qui soit garde de vous.

Escript ce vendredi, Ve jour d'aoust, enprès Provins[19] un logeiz sur champs ou chemin de Paris.

Sur l'adresse: Aux loyaux Francxois de la ville de Rains[20].

Nul doute que le religieux qui tenait la plume n'ait écrit fidèlement ce qui lui était dicté, et conservé le langage même de la Pucelle, au dialecte près, car enfin Jeanne parlait lorrain. Elle était alors parvenue au plus haut degré de la Sainteté héroïque. Dans cette lettre elle s'attribue un pouvoir surnaturel auquel doivent se (p. 7) soumettre le roi, ses conseillers, ses capitaines. Elle se donne le droit de seule reconnaître ou dénoncer les traités; elle dispose entièrement de l'armée. Et, parce qu'elle commande au nom du Roi des cieux, ses commandements sont absolus. Il lui arrive ce qui arrive nécessairement à toute personne qui se croit chargée d'une mission divine, c'est de se constituer en puissance spirituelle et temporelle au-dessus des puissances établies et fatalement contre ces puissances. Dangereuse illusion qui produit ces chocs où le plus souvent se brisent les illuminés. Vivant et conversant tous les jours de sa vie avec les anges et les saintes, dans les splendeurs de l'Église triomphante, cette jeune paysanne croyait qu'en elle était toute force et toute prudence, toute sagesse et tout conseil. Ce qui ne veut pas dire qu'elle manquait d'esprit: elle s'apercevait très justement au contraire que le duc de Bourgogne amusait le roi avec des ambassades et que l'on était joué par un prince qui enveloppait beaucoup de ruse dans beaucoup de magnificence. Non pas que le duc Philippe fût ennemi de la paix; il la désirait au contraire, mais il ne voulait pas se brouiller tout à fait avec les Anglais. Sans savoir grand'chose des affaires de Bourgogne et de France, elle en jugeait bien. Elle avait des idées très simples assurément, mais très justes sur la situation du roi de France à l'égard du roi d'Angleterre, entre lesquels il ne pouvait y avoir d'accommodement puisqu'ils se querellaient pour la possession du royaume, (p. 8) et sur la situation du roi de France à l'égard du duc de Bourgogne, son grand vassal, avec lequel une entente était non seulement possible et désirable, mais nécessaire. Elle s'est expliquée là-dessus sans ambages: «Il y a la paix avec les Bourguignons et la paix avec les Anglais. Pour ce qui est du duc de Bourgogne, je l'ai requis par lettres et par ambassadeurs qu'il y eût paix entre le roi et lui. Quant aux Anglais, la paix qu'il faut c'est qu'ils aillent en leur pays, en Angleterre[21]

Cette trêve qui lui déplaisait tant, nous ignorons quand elle fut conclue, et si ce fut à Soissons, à Château-Thierry, le 30 ou le 31 juillet, à Provins entre le 2 et le 5 août[22]. Il paraît qu'elle devait durer quinze jours, au bout desquels le duc s'engageait à rendre Paris au roi de France. La Pucelle avait grandement raison de se méfier.

Le roi Charles, devant qui le Régent s'était dérobé, reprit avec empressement son dessein de rentrer en Poitou. De la Motte-Nangis, il envoya des fourriers à Bray-sur-Seine, qui venait de faire sa soumission. Cette ville, située au-dessus de Montereau, à quatre lieues au sud de Provins, avait un pont sur la rivière, que l'armée royale devait passer le 5 août ou le 6 au matin; mais les Anglais y arrivèrent de nuit, détroussèrent (p. 9) les fourriers et gardèrent le pont; l'armée royale, à qui la retraite était coupée, rebroussa chemin[23].

Il existait dans cette armée, qui ne s'était pas battue et qui mourait de faim, un parti des ardents, conduit par ce que Jeanne nommait avec amour le sang royal[24]. C'était le duc d'Alençon, le duc de Bourbon, le comte de Vendôme; c'était aussi le duc de Bar, qui revenait de la guerre de la hottée de pommes. Ce jeune fils de madame Yolande, avant de rimer des moralités et de peindre des tableaux, faisait beaucoup la guerre. Duc de Bar et héritier de Lorraine, il lui avait fallu s'allier aux Anglais et aux Bourguignons; beau-frère du roi Charles, il devait se réjouir que celui-ci fût victorieux, car sans cela il n'aurait jamais pu se mettre du parti de la reine sa sœur, et il en aurait eu regret[25]. Jeanne le connaissait; elle l'avait demandé naguère à Nancy au duc de Lorraine, pour l'accompagner en France[26]. Il fut, dit-on, de ceux qui la suivirent volontiers jusqu'à Paris. De ceux-là encore étaient les deux fils de madame de Laval, Gui, l'aîné, à qui elle avait offert le vin à (p. 10) Selles-en-Berry et promis de lui en faire bientôt boire à Paris, et André, qui fut depuis le maréchal de Lohéac[27]. C'était l'armée de la Pucelle: de très jeunes hommes, presque des enfants, qui joignaient leur bannière à la bannière d'une fille plus jeune qu'eux, mais plus innocente et meilleure.

On dit qu'en apprenant que la retraite était coupée, ces petits princes furent bien contents et joyeux[28]. Vaillance et bon vouloir, mais étrange et fausse position de cette chevalerie qui voulait guerroyer quand le conseil du roi voulait traiter et qui se réjouissait que les ennemis aidassent à la prolongation de la campagne et que l'armée royale fût rencognée par les Godons. Malheureusement il n'y avait pas de très habiles hommes dans ce parti de la guerre et l'heure favorable était passée: on avait laissé au Régent le temps de rassembler des forces et de faire face aux dangers les plus pressants[29].

Sa retraite coupée, l'armée royale se rejeta en Brie. Le dimanche 7, au matin, elle était à Coulommiers; elle repassa la Marne à Château-Thierry[30]. Le roi Charles reçut un message des habitants de Reims qui le suppliaient (p. 11) de se rapprocher encore d'eux[31]. Il était le 10 à La Ferté, le 11 à Crépy en Valois[32].

Dans une des étapes de cette marche sur La Ferté et sur Crépy, la Pucelle chevauchait en compagnie du roi, entre l'archevêque de Reims et monseigneur le Bâtard. Voyant le peuple accourir au-devant du roi en criant «Noël!» elle se prit à dire:

—Voici de bonnes gens! je n'ai vu nulle part gens si réjouis de la venue du gentil roi[33]...

Ces paysans du Valois et de France, qui criaient «Noël» à la venue du roi Charles, en criaient autant sur le passage du Régent ou du duc de Bourgogne. Ils étaient moins joyeux sans doute qu'il ne semblait à Jeanne et si la petite sainte avait écouté aux portes de leurs maisons démeublées, voici, à peu près, ce qu'elle aurait entendu:

«Que ferons-nous? Mettons tout en la main du diable. Il ne nous chaut de ce que nous allons devenir, car, par mauvais gouvernement et trahison, il nous faut renier femmes et enfants, et fuir dans les bois, comme bêtes sauvages. Et il n'y a pas un an ou deux, mais déjà quatorze ou quinze ans que cette danse douloureuse commença. Et la plus grande partie des seigneurs de France sont morts par glaive ou par poison, (p. 12) par traîtrise, sans confession, enfin de quelque mauvaise mort contre nature. Mieux nous vaudrait servir les Sarrazins que les chrétiens. Autant vaut faire du pis qu'on peut comme du mieux. Faisons du pis que nous pourrons. Aussi bien ne nous peut-il arriver que d'être pris ou tués[34]

On ne cultivait alors la terre qu'aux alentours des villes ou proche des lieux forts et des châteaux, dans le rayon que, du haut d'une tour ou d'un clocher, le guetteur pouvait parcourir du regard. À la venue des gens d'armes, il sonnait de la cloche ou du cor, pour avertir les vignerons et les laboureurs de se mettre en sûreté. En maint endroit la sonnerie d'alarme était si fréquente que les bœufs, les moutons et les porcs, dès qu'ils l'entendaient, s'en allaient d'eux-mêmes vers le lieu de refuge[35].

Dans les pays de plaine surtout, d'un accès facile, les Armagnacs et les Anglais avaient tout détruit. À quelque distance de Beauvais, de Senlis, de Soissons, de Laon, ils avaient changé les champs en jachères, et, (p. 13) par endroits, s'étendaient largement la brousse, les buissons et les arbrisseaux.

—Noël! Noël.

Par tout le duché de Valois, les paysans abandonnaient le plat pays et se cachaient dans les bois, les rochers et les carrières[36].

Beaucoup, pour vivre, faisaient comme Jean de Bonval, couturier à Noyant, près Soissons, qui, bien qu'il eût femme et enfants, se mit d'une bande bourguignonne qui allait par toute la contrée pillant et dérobant, et, à l'occasion, enfumant les gens dans les églises. Un jour, Jean et ses compagnons prennent deux muids de grains, un jour six ou sept vaches; un jour une chèvre et une vache, un jour une ceinture d'argent, une paire de gants et une paire de souliers; un jour un ballot de dix-huit aunes de drap pour faire des huques. Et Jean de Bonval disait qu'à sa connaissance plusieurs bons prudhommes en faisaient autant[37].

—Noël! Noël!

Les Armagnacs et les Bourguignons avaient pris aux pauvres paysans jusqu'à leur cotte et leur marmite. Il n'y avait pas loin de Crépy à Meaux. Tout le monde, dans la contrée, connaissait l'arbre de Vauru.

(p. 14) À une des portes de la ville de Meaux était un grand orme où le bâtard de Vauru, gentilhomme gascon du parti du dauphin, faisait pendre les paysans qu'il avait pris et qui ne pouvaient payer leur rançon. Quand il n'avait point le bourreau sous la main, il les pendait lui-même. Avec lui vivait un sien parent, le seigneur Denis de Vauru, qu'on appelait son cousin, non parce qu'il l'était en effet, mais pour faire entendre que l'un valait l'autre[38]. Au mois de mars de l'année 1420, le seigneur Denis, en l'une de ses chevauchées, rencontra un jeune paysan, qui travaillait la terre. Il le prit à rançon, le lia à la queue de son cheval, le mena battant jusqu'à Meaux et, par menaces et tortures, lui fit promettre de payer trois fois plus qu'il n'avait. Tiré de la géhenne à demi mort, le vilain fit demander à sa femme, qu'il avait épousée dans l'année, d'apporter la somme exigée par le seigneur. Elle était grosse et près de son terme; pourtant, comme elle aimait bien son mari, elle vint, espérant adoucir le cœur du seigneur de Vauru. Elle n'y réussit point et messire Denis lui dit que si, tel jour, il n'avait pas la rançon, il pendrait l'homme à l'orme. La pauvre femme s'en alla tout en pleurs, recommandant bien tendrement son mari à Dieu. Et son mari pleurait de la pitié qu'il avait d'elle. À grand effort, elle recueillit la rançon exigée, mais ne put si bien faire qu'elle ne dépassât le jour fixé. (p. 15) Quand elle revint devant le seigneur, son mari avait été pendu, sans délai ni merci, à l'arbre de Vauru. Elle le demanda en sanglotant et tomba épuisée du long chemin qu'elle avait fait à pied, près de son terme. Ayant repris connaissance, elle le réclama de nouveau; on lui répondit qu'elle ne le verrait point tant que la rançon ne serait point payée.

Tandis qu'elle se tenait devant le seigneur, elle vit amener plusieurs gens de métiers mis à rançon qui, ne pouvant payer, étaient aussitôt envoyés pendre ou noyer. À leur vue, elle prit grand'peur pour son mari; néanmoins, l'amour la tenant au cœur, elle paya la rançon. Sitôt que les gens du duc eurent compté les écus, ils la renvoyèrent en lui disant que son mari était mort comme les autres vilains. À cette cruelle parole, émue de douleur et de désespoir, elle éclata en invectives et en imprécations. Comme elle ne voulait point se taire, le bâtard de Vauru la fit frapper à coups de bâton et mener à son orme.

Elle fut mise nue jusqu'au nombril et attachée à l'arbre où de quarante à cinquante hommes étaient branchés, les uns haut, les autres bas, qui lui venaient toucher la tête quand le vent leur donnait le branle. À la tombée de la nuit, elle poussa de tels cris qu'on les entendait de la ville. Mais quiconque serait allé la détacher aurait été un homme mort. La frayeur, la fatigue, ses efforts, hâtèrent sa délivrance. Attirés par ses hurlements, les loups vinrent lui arracher le fruit (p. 16) qui sortait de son ventre, et puis ils dépecèrent tout vif le corps de la malheureuse créature.

Mais en l'an 1422, la ville de Meaux ayant été prise par les Bourguignons, le bâtard de Vauru et son cousin furent pendus à l'arbre où ils avaient fait périr indignement un si grand nombre d'innocentes gens[39].

Pour les pauvres paysans de ces malheureuses contrées, armagnacs ou bourguignons c'était bonnet blanc et blanc bonnet: ils ne gagnaient rien à changer de maître. Pourtant il est possible qu'en voyant le roi, issu de saint Louis et de Charles le Sage, ils reprissent un peu de confiance et d'espoir, tant cette illustre maison de France avait renom de justice et de miséricorde.

Ainsi, chevauchant au côté de l'archevêque de Reims, la Pucelle regardait amicalement les paysans qui criaient: «Noël!» Après avoir dit qu'elle n'avait vu nulle part gens si réjouis de la venue du gentil roi, elle soupira:

—Plût à Dieu que je fusse assez heureuse, quand je finirai mes jours, pour être inhumée en cette terre[40]!

Peut-être le seigneur archevêque était-il curieux de savoir si elle avait reçu de ses Voix quelque révélation sur sa fin prochaine. Elle disait souvent qu'elle durerait (p. 17) peu. Sans doute il connaissait une prophétie fort répandue à cette heure, annonçant que la Pucelle mourrait en terre sainte après avoir reconquis avec le roi Charles le tombeau de Notre-Seigneur. Plusieurs attribuaient cette prophétie à la Pucelle elle-même qui avait dit à son confesseur qu'elle devait mourir à la bataille contre les Infidèles et qu'après elle viendrait de par Dieu une pucelle de Rome, qui prendrait sa place[41]. Et l'on comprend que messire Regnault ait voulu savoir ce qu'il fallait penser de ces choses. Enfin, pour cette raison, ou pour toute autre, il demanda:

—Jeanne, en quel lieu avez-vous l'espoir de mourir?

À quoi elle répondit:

—Où il plaira à Dieu. Car je ne suis sûre ni du temps ni du lieu, et je n'en sais pas plus que vous.

On ne pouvait répondre plus dévotement. Monseigneur le Bâtard, présent à l'entretien, crut se rappeler, bien des années plus tard, que Jeanne avait aussitôt ajouté:

—Mais je voudrais bien qu'il plût à Dieu que maintenant je me retirasse, laissant là les armes, et que j'allasse servir mon père et ma mère, en gardant les brebis avec mes frères et ma sœur[42].

(p. 18) Si vraiment elle parla de la sorte, ce fut sans doute parce qu'elle avait de sombres pressentiments. Depuis quelque temps, elle se croyait trahie[43]. Peut-être soupçonnait-elle le seigneur archevêque de Reims de mauvais vouloir à son égard. Qu'il pensât dès lors à la rejeter, après l'avoir utilement employée, ce n'est pas croyable. Il avait dessein, au contraire, de se servir encore d'elle, mais il ne l'aimait pas, et elle le sentait. Il ne la consultait pas, ne l'informait jamais de ce qui avait été décidé en conseil. Et elle souffrait cruellement du peu de cas qu'il faisait des révélations dont elle abondait. Ce souhait, ce soupir, qu'elle fit entendre devant lui, n'était-ce pas un reproche délicat et voilé? Sans doute, elle avait le regret de sa mère absente. Toutefois, elle s'abusait étrangement elle-même en croyant qu'elle pourrait désormais supporter la vie tranquille d'une fille au village. À Domremy, dans son enfance, elle n'allait guère aux champs avec les moutons; elle s'occupait plus volontiers du ménage[44]; mais si, après avoir chevauché avec le roi et les seigneurs, il lui avait fallu retourner au pays et garder les troupeaux, elle n'y serait pas restée six mois. Désormais il lui aurait été bien impossible de vivre autrement qu'en cette chevalerie où elle croyait que Dieu l'avait appelée. Tout (p. 19) son cœur s'y était pris et elle en avait bien fini avec ses fuseaux.

Pendant cette marche sur La Ferté et sur Crépy, le roi Charles reçut du Régent, alors à Montereau avec sa noblesse, un cartel l'assignant à tel endroit qu'il désignerait[45].

«Nous qui désirons de tout cœur, disait le duc de Bedford, l'achèvement de la guerre, nous vous sommons et requérons, si vous avez pitié et compassion du pauvre peuple chrétien qui, si longtemps, pour votre cause, a été inhumainement traité, foulé et opprimé, de désigner, soit au pays de Brie où nous sommes tous deux, soit en l'Île-de-France, un lieu convenable. Nous nous y rencontrerons. Et, si vous avez quelque proposition de paix à nous faire, nous l'écouterons, et nous aviserons en bon prince catholique[46]

Cette lettre injurieuse et pleine d'arrogance, le Régent ne l'avait pas écrite dans le désir et l'espoir de la paix, mais pour rendre, contre toute raison, le roi Charles seul responsable des misères et des souffrances que la guerre causait au pauvre peuple.

Dès le début, s'adressant au roi sacré dans la cathédrale de Reims, il l'interpelle de cette dédaigneuse sorte: «Vous qui aviez coutume de vous nommer dauphin de Viennois et qui maintenant, sans cause, vous dites roi.» Il déclare qu'il veut la paix, et il (p. 20) ajoute aussitôt: «Non pas une paix feinte, corrompue, dissimulée, violée, parjurée, comme celle de Montereau, dont, par votre coulpe et consentement, s'ensuivit le terrible et détestable meurtre, commis contre loi et honneur de chevalerie, en la personne de feu notre très cher et très amé père, le duc Jean de Bourgogne[47]

Monseigneur de Bedford avait épousé une des filles du duc Jean, traîtreusement assassiné en paiement de la mort du duc d'Orléans. Mais, en vérité, c'était mal préparer la paix que de reprocher si impitoyablement la journée de Montereau à Charles de Valois qui y avait été traîné enfant, en avait gardé un trouble de tout son corps et l'épouvante de passer sur un pont[48].

Pour le présent, le plus lourd grief que le duc de Bedford fasse peser sur le roi Charles, c'est d'être accompagné de la Pucelle et du frère Richard. «Vous faites séduire et abuser le peuple ignorant, lui dit-il, et vous vous aidez de gens superstitieux et réprouvés, comme d'une femme désordonnée et diffamée, étant en habit d'homme et de gouvernement dissolu, et aussi d'un frère mendiant apostat et séditieux, tous deux, selon la Sainte Écriture, abominables à Dieu.»

Pour mieux faire honte au parti ennemi de cette fille et de ce religieux, le duc de Bedford s'y prend à (p. 21) deux fois. Et au plus bel endroit de sa lettre, quand il cite Charles de Valois à comparoir devant lui, il s'attend ironiquement à le voir venir sous la conduite de la femme diffamée et du moine apostat[49].

Voilà comment écrivait le régent d'Angleterre, qui pourtant était un esprit fin, mesuré, gracieux, bon catholique au reste et croyant à toutes les diableries et à toutes les sorcelleries.

Quand il se montrait scandalisé que l'armée de Charles de Valois marchât commandée par un moine hérétique et par une sorcière, il était sincère assurément, et il pensait habile de publier cette honte. Sans doute il n'y avait que trop de gens disposés à croire, comme il le croyait lui-même, que la Pucelle des Armagnacs était idolâtre, hérétique et adonnée aux arts magiques. Pour beaucoup de prudes et sages hommes bourguignons, un prince perdait l'honneur à se mettre en pareille compagnie. Et si vraiment Jeanne était sorcière, quel scandale! Quelle abomination! Les fleurs de Lis restaurées par le diable! Tout le camp du dauphin en sentait le roussi. Cependant monseigneur de Bedfort, en répandant ces idées, n'était pas aussi adroit qu'il s'imaginait.

Jeanne, nous le savons de reste, avait bon cœur et ne ménageait pas sa peine: en donnant l'idée aux hommes de son parti qu'elle portait chance elle affermissait (p. 22) beaucoup leur courage[50]; toutefois les conseillers du roi Charles savaient à quoi s'en tenir sur elle et ne la consultaient point; elle-même sentait qu'elle ne durerait pas[51]. Qui donc en faisait un grand chef de guerre, une puissance surnaturelle? Son ennemi.

On voit par cette lettre comment les Anglais avaient transformé une enfant innocente en une créature surhumaine, terrible, épouvantable, en une larve sortie de l'enfer et devant qui les plus braves pâlissaient. Le Régent crie lamentablement: au diable! à la sorcière! Et il s'étonne après cela si ses gens d'armes tremblent devant la Pucelle, désertent de peur de la rencontrer[52]!

De Montereau, l'armée anglaise s'était repliée sur Paris. Maintenant, elle allait de nouveau à la rencontre des Français. Le samedi 13 août, le roi Charles tenait les champs entre Crépy et Paris et la Pucelle put voir, des hauteurs de Dammartin, la butte Montmartre avec ses moulins à vent et les brumes légères de la Seine sur cette grande cité de Paris, que ses Voix, trop écoutées, lui avaient promise[53]. Le lendemain dimanche, le roi et son armée vinrent loger en un village nommé (p. 23) Barron, sur la rivière de la Nonnette qui, à deux lieues en aval, baigne Senlis[54].

Senlis était en l'obéissance des Anglais[55]. On apprit que le Régent s'en approchait en grande compagnie de gens d'armes, commandés par le comte de Suffolk, le sire de Talbot, le bâtard de Saint-Pol. Il menait avec lui les croisés du cardinal de Winchester oncle du feu roi, de trois mille cinq cents à quatre mille hommes payés par l'argent du pape pour aller combattre les hussites de Bohême et que le cardinal jugeait bon d'employer contre le roi de France, très chrétien à la vérité, mais dont les armées étaient commandées par un apostat et par une sorcière[56]. Il se trouvait dans le camp des Anglais, à ce que l'on rapporte, un capitaine avec quinze cents hommes d'armes vêtus de blanc, qui arboraient un étendard blanc, sur lequel était brodée une quenouille d'où pendait un fuseau; et dans le champ de l'étendard, cette légende était brodée en fines lettres d'or: «Ores, vienne la Belle[57]!» Par là, (p. 24) ces hommes d'armes voulaient faire entendre que, s'ils rencontraient la Pucelle des Armagnacs, ils lui donneraient du fil à retordre.

Le capitaine Jean de Saintrailles, frère de Poton, observa les Anglais au moment où, tirant sur Senlis, ils passaient un gué de la Nonnette, si étroit qu'on y pouvait mettre à peine deux chevaux de front. Mais l'armée du roi Charles qui descendait la Nonnette n'arriva pas à temps pour les surprendre[58]; elle passa la nuit en face d'eux, près de Montepilloy.

Le lendemain lundi, 15 août, dès l'aube, les gens d'armes entendirent la messe dans les champs et mirent leur conscience en aussi bon état qu'ils purent, car pour grands pillards et paillards qu'ils étaient, ils ne renonçaient pas à gagner le Paradis au terme de leur vie. C'était fête chômée; à cette date, l'Église commémore solennellement le jour où la Vierge Marie, au témoignage de saint Grégoire de Tours, fut enlevée au ciel en corps et en âme. Les clercs enseignaient qu'il convient de garder les fêtes de Notre-Seigneur et de la Sainte-Vierge et que c'est gravement offenser la glorieuse Mère de Dieu que de livrer bataille aux jours qui leur sont consacrés. Personne dans le camp du roi Charles ne pouvait soutenir un avis contraire, puisque tout le monde y était chrétien, de même que (p. 25) dans le camp du Régent. Cependant aussitôt après le Deo gratias chacun alla prendre son rang de combat[59].

L'armée, selon les règles établies, était divisée en plusieurs corps: avant-garde, archers, corps de bataille, arrière-garde et trois ailes[60]. De plus, on avait formé, en application des mêmes règles, une compagnie destinée à faire des escarmouches, à secourir et à renforcer au besoin les autres corps; elle était commandée par le capitaine La Hire, monseigneur le Bâtard et le sire d'Albret, demi-frère du sire de La Trémouille. La Pucelle prit place dans cette compagnie. Le jour de Patay, malgré ses prières, il lui avait fallu se tenir à l'arrière-garde; cette fois, elle chevauchait avec les plus hardis et les plus habiles, parmi ces escarmoucheurs ou coureurs qui avaient charge, dit Jean de Bueil[61], de repousser les coureurs adverses et d'observer le nombre et l'ordonnance des ennemis[62]. On lui rendait justice; on lui donnait la place qu'elle méritait par son adresse à monter à cheval et son courage à combattre; pourtant elle hésitait à suivre ses compagnons. Elle était là, au rapport d'un chevalier chroniqueur du parti de Bourgogne, «toujours ayant diverses opinions, une fois voulant combattre, une autre fois non[63]».

Son trouble nous est bien concevable. La petite (p. 26) sainte ne pouvait se résoudre ni à chevaucher le jour d'une fête de Notre-Dame ni à se croiser les bras à l'heure de guerroyer. Ses Voix entretenaient son incertitude. Elles ne lui enseignaient ce qu'elle devait faire que lorsqu'elle le savait elle-même. Enfin, elle accompagna les gens d'armes, dont aucun, ce semble, ne partageait ses scrupules. Les deux partis étaient à un jet de couleuvrine l'un de l'autre[64]. Elle s'avança avec quelques-uns des siens jusqu'aux fossés et aux charrois derrière lesquels les Anglais étaient retranchés. Plusieurs Godons et Picards sortirent de leur camp et combattirent, les uns à pied, les autres à cheval, contre un nombre égal de Français. Il y eut de part et d'autre morts, blessés et prisonniers. Les corps à corps durèrent toute la journée; au coucher du soleil eut lieu la plus grosse escarmouche, autour de laquelle la poussière était si épaisse, qu'on ne voyait plus rien[65]. Il en fut, ce jour-là, comme il en avait été, le 17 juin, entre Beaugency et Meung. Avec l'armement et les habitudes d'alors, il était bien difficile de forcer à sortir un ennemi retranché dans son camp. Le plus souvent, pour engager la bataille, il fallait que les deux partis fussent d'accord, et que, après avoir envoyé et accepté le gage du combat, ils eussent fait aplanir, chacun de moitié, le terrain où ils voulaient en venir aux mains.

(p. 27) À la nuit close les escarmouches cessèrent et les deux armées dormirent à un trait d'arbalète l'une de l'autre. Puis le roi Charles s'en fut à Crépy, laissant les Anglais libres d'aller secourir la ville d'Évreux, qui s'était rendue à terme pour le 27 août. Avec cette ville, le Régent sauvait toute la Normandie[66].

Voilà ce que coûtait aux Français la procession royale du sacre, cette marche militaire, civile et religieuse de Reims. Si après la victoire de Patay on avait couru tout de suite sur Rouen, la Normandie était reconquise et les Anglais jetés dans la mer; si de Patay on avait poussé jusqu'à Paris, on y serait entré sans résistance. Il ne faut pas se hâter pourtant de condamner cette solennelle promenade des Lis en Champagne. Peut-être que le voyage de Reims assura au parti français, à ces Armagnacs décriés pour leurs cruautés et leurs félonies, au petit roi de Bourges compromis dans un guet-apens infâme, des avantages plus grands, plus précieux que la conquête du comté du Maine et du duché de Normandie, et que l'assaut donné victorieusement à la première ville du royaume. En reprenant sans effusion de sang ses villes de Champagne et de France, le roi Charles se fit connaître à son (p. 28) avantage, se montra bon et pacifique seigneur, prince sage et débonnaire, ami des bourgeois, vrai roi des villes. Et enfin, en terminant cette campagne de négociations honnêtes et heureuses par les cérémonies augustes du sacre, il apparaissait tout à coup légitime et très saint roi de France.

Une dame illustre, issue de nobles bolonais et veuve d'un gentilhomme de Picardie, versée dans les arts libéraux, qui avait composé nombre de lais, de virelais et de ballades, qui écrivait en prose et en vers d'une haute façon et pensait noblement; qui, amie de la France et champion de son sexe, n'avait rien plus à cœur que de voir les Français prospères et les dames honorées, Christine de Pisan, en son vieil âge, cloîtrée dans l'abbaye de Poissy où sa fille était religieuse, acheva, le 31 juillet 1429, un poème en soixante et un couplets, comprenant chacun huit vers de huit syllabes, à la louange de la Pucelle et qui, dans une langue affectée et dans un rythme dur, exprimait la pensée des âmes les plus religieuses, les plus doctes, les plus belles sur l'ange de guerre envoyé par le Seigneur au dauphin Charles[67].

Elle commence par dire, en cet ouvrage, qu'elle a pleuré onze ans dans un cloître. Et vraiment, cette dame de grand cœur pleurait les malheurs du royaume dans (p. 29) lequel elle était venue enfant, où elle avait grandi, où les rois et les princes lui avaient fait accueil, les doctes et les poètes l'avaient honorée, et dont elle parlait précieusement le langage. Après onze années de deuil, les victoires du dauphin furent sa première joie.

«Enfin, dit-elle, le soleil recommence à luire et se lèvent les beaux jours verdoyants. Cet enfant royal, longtemps méprisé et offensé, le voici venir, portant la couronne et chaussé d'éperons d'or. Crions: Noël! Charles, septième de ce haut nom, roi des Français, tu as recouvré ton royaume par le moyen de la Pucelle.»

Madame Christine rappelle la prophétie concernant un roi Charles, fils de Charles, surnommé le Cerf-Volant[68], lequel devait être empereur. De cette prophétie nous ne savons rien, sinon que l'écu du roi Charles VII était supporté par deux cerfs ailés et que dans une lettre d'un marchand italien, écrite en 1429, se trouve l'annonce obscure du couronnement du dauphin à Rome[69].

(p. 30) «Je prie Dieu, poursuit madame Christine, que tu sois celui-là, que Dieu te donne de vivre pour voir tes enfants grandir, que par toi, par eux, la France soit en joie et que, servant Dieu, tu n'y fasses point la guerre à outrance. J'ai espoir que tu seras bon, droit, ami de la justice, plus grand qu'aucun autre, sans que l'orgueil assombrisse tes beaux faits, doux et propice à ton peuple et craignant Dieu qui t'a choisi pour le servir.

»Et toi, Pucelle bien heureuse, tant honorée de Dieu, tu as délié la corde qui enserrait la France. Te pourrait-on louer assez, toi qui à cette terre humiliée par la guerre as donné la paix.

»Jeanne, née à la bonne heure, béni soit ton créateur! Pucelle envoyée de Dieu, en qui le Saint-Esprit mit un rayon de sa grâce et qui de lui reçus et gardes abondance de dons: jamais il ne refusa ta requête. Qui t'aura jamais assez de reconnaissance?»

La Pucelle, sauvant le royaume, madame Christine la compare à Moïse, qui tira Israël de la terre d'Égypte:

«Qu'une pucelle tende son sein pour que la France y suce douce nourriture de paix, voilà bien chose qui passe la nature!

»Josué fut grand conquérant. Quoi d'étrange à cela, puisque c'était un homme fort? Or, voici qu'une femme, une bergère montre plus de prud'homie qu'aucun homme. Mais tout est facile à Dieu.

»Par Esther, Judith et Déborah, précieuses dames, il restaura son peuple opprimé. Et je sais qu'il fut des (p. 31) preuses. Mais Jeanne est la nonpareille. Dieu a, par elle, opéré maints miracles.

»Par miracle elle fut envoyée; l'ange de Dieu la conduisit au roi.

»Avant qu'on la voulût croire, elle fut menée devant des clercs et des savants et bien examinée. Elle se disait venue de par Dieu et l'on trouva dans les histoires que c'était véritable, car Merlin, la Sibylle et Bède l'avaient vue en esprit. Ils la mirent dans leurs livres comme remède à la France et l'annoncèrent dans leurs prophéties, disant: «Elle portera bannière aux guerres françaises.» Enfin ils disent de son fait toute la manière.»

Que madame Christine connût les chants sibyllins, ce n'est pas pour nous surprendre, car on sait qu'elle était versée dans les écrits des anciens. Mais on voit que la prophétie fraîchement tronquée de Merlin l'Enchanteur et le chronogramme apocryphe de Bède le Vénérable lui étaient parvenus. Les carmes et vaticinations des clercs armagnacs volaient partout avec une merveilleuse rapidité[70].

Le sentiment de madame Christine sur la Pucelle s'accorde avec celui des docteurs du parti français et le poème qu'elle composa dans son cloître ressemble, en beaucoup d'endroits, au traité de l'archevêque d'Embrun.

(p. 32) Il y est dit:

«La bonne vie qu'elle mène montre que Jeanne est en la grâce de Dieu.

»Il y a bien paru, quand le siège était à Orléans et que sa force s'y montra. Jamais miracle ne fut plus clair. Dieu aida tellement les siens, que les ennemis ne s'aidèrent pas plus que chiens morts. Ils furent pris ou tués.

»Honneur du sexe féminin, Dieu l'aime. Une fillette de seize ans à qui les armes ne pèsent point, encore qu'elle soit nourrie à la dure, n'est-ce pas chose qui passe la nature? Les ennemis devant elle fuient. Maints yeux le voient.

»Elle va recouvrant châteaux et villes. Elle est premier capitaine de nos gens. Telle force n'eut Hector ni Achille. Mais tout est fait par Dieu qui la mène.

»Et vous, gens d'armes qui souffrez dure peine et exposez votre vie pour le droit, soyez constants: vous aurez au ciel gloire et los, car qui combat pour droite cause gagne le Paradis.

»Sachez que par elle les Anglais seront mis bas, car Dieu le veut, qui entend la voix des bons qu'ils ont voulu accabler. Le sang de ceux qu'ils ont occis crie contre eux.»

Dans l'ombre de son cloître, madame Christine partage la commune espérance des belles âmes; elle attend de la Pucelle l'accomplissement de tous les biens qu'elle souhaite. Elle croit que Jeanne fera renaître la concorde dans l'Église chrétienne, et, comme les esprits les plus doux rêvaient alors d'établir par le fer et le feu l'unité (p. 33) d'obédience et que la charité chrétienne n'était pas la charité du genre humain, la poétesse s'attend, sur la foi des prophéties, à ce que la Pucelle détruise les mécréants et les hérétiques, c'est-à-dire les Turcs et les Hussites.

«Elle arrachera les Sarrazins comme mauvaise herbe, en conquérant la Terre-Sainte. Là, elle mènera Charles, que Dieu garde! Avant qu'il meure, il fera tel voyage. Il est celui qui la doit conquérir. Là, elle doit finir sa vie. Là sera la chose accomplie.»

Il apparaît que la bonne dame Christine avait terminé de la sorte son poème, quand elle apprit le sacre du roi. Elle y ajouta alors treize strophes pour célébrer le mystère de Reims et prophétiser la prise de Paris[71].

Ainsi, dans l'ombre et le silence d'un de ces cloîtres où pénétraient adoucis les bruits du monde, cette vertueuse dame assemblait et exprimait en rimes tous les rêves que faisaient sur une enfant le royaume et l'Église.

Dans une ballade assez belle, composée à l'époque du sacre, pour l'amour et l'honneur

Du beau jardin des nobles fleurs de lis

et l'exaltation de la croix blanche, le roi Charles VII est désigné d'un nom mystérieux, que nous venons de trouver dans le poème de madame Catherine, «le (p. 34) noble cerf». L'auteur inconnu de la ballade y dit que la Sibylle, fille du roi Priam, prophétisa les malheurs de ce cerf royal, ce dont on sera moins surpris, si l'on songe que, Charles de Valois étant issu de Priam de Troye, Cassandre, en découvrant la destinée du cerf-volant ne faisait que suivre à travers les siècles les vicissitudes de sa propre famille[72].

Les rimeurs du parti français célébraient les victoires inespérées de Charles et de la Pucelle comme ils savaient, de façon un peu vulgaire, en quelque poème à forme fixe, vêtement étriqué d'une maigre poésie.

Toutefois, la ballade[73] d'un poète dauphinois qui commence par ce vers:

Arrière, Englois coués[74], arrière!

est touchante par l'accent religieux qui la traverse. L'auteur, quelque pauvre clerc, y montre pieusement la bannière anglaise abattue

Par le vouloir dou roy Jésus
Et Jeanne la douce Pucelle.

Les prophéties de Merlin l'Enchanteur et du vénérable (p. 35) Bède avaient accrédité la Pucelle dans le peuple[75]. À mesure que les actions de cette jeune fille étaient connues, on découvrait des prophéties qui les avaient annoncées. On trouva notamment que le sacre de Reims avait été connu d'avance par Engélide, fille d'un vieux roi de Hongrie[76]. On attribuait en effet à cette vierge royale une prédiction rédigée en langue latine et dont voici la traduction littérale:

«Ô Lis insigne, arrosé par les princes et que le semeur mit, en pleine campagne, dans un verger délectable, immortellement ceint de fleurs et de roses bien odorantes. Mais, ô stupeur du Lis, effroi du verger! Des bêtes diverses, les unes venues du dehors, les autres nourries dans le verger, se soudant cornes à cornes, ont presque étouffé le Lis, comme alangui par sa propre rosée. Elles le foulent longuement, en détruisent presque toutes les racines et le veulent flétrir sous leurs souffles empoisonnés.

»Mais, par la vierge venue des contrées d'où s'est répandu le brutal venin les bêtes seront honteusement (p. 36) chassées du verger. Elle porte derrière l'oreille droite un petit signe écarlate, parle avec douceur, a le cou bref. Elle donnera au Lis des fontaines d'eau vive, chassera le serpent, dont le venin sera par elle à tous révélé. D'un laurier non fait d'une main mortelle elle laurera heureusement à Reims le jardinier du Lis, nommé Charles, fils de Charles. Tout alentour les voisins turbulents se soumettront, les sources frémiront, le peuple criera: «Vive le Lis! Loin la bête! Fleurisse le verger!» Il accédera aux champs de l'île, en ajoutant une flotte aux flottes, et là nombre de bêtes périront dans la défaite. La paix s'établira pour plusieurs. Les clés en grand nombre reconnaîtront la main qui les avait forgées. Les citoyens d'une illustre cité seront punis de leur parjure par la défaite, se remémorant maints gémissements et à l'entrée [de Charles?] de hauts murs crouleront. Alors le verger du Lis sera... (?) et il fleurira longtemps[77]

Cette prophétie, attribuée à la fille inconnue d'un roi lointain, nous apparaît comme l'ouvrage d'un clerc français et armagnac. La royauté de France y est désignée par ce lis du verger délectable, autour duquel combattent des bêtes nourries dans le verger et des bêtes étrangères, c'est-à-dire les Bourguignons et les Anglais. Le roi Charles de Valois y est nommé par son nom et par le nom de son père et la ville du sacre (p. 37) désignée en toutes lettres. La reddition de plusieurs villes à leur légitime seigneur est exprimée de la façon la plus claire. La prophétie fut faite sans nul doute au moment même du couronnement; elle mentionne avec lucidité les faits alors accomplis et elle annonce en termes obscurs les événements qu'on attendait et qui tardèrent beaucoup à venir, ou ne vinrent point de la manière attendue, ou ne vinrent jamais, la prise de Paris après un terrible assaut, une descente des Français en Angleterre, la conclusion de la paix.

Il est grandement à croire qu'en disant que la libératrice du verger serait reconnaissable à la brièveté de son cou, à la douceur de son parler et à un petit signe écarlate, la fausse Engélide indiquait soigneusement ce qu'on remarquait en Jeanne elle-même. Nous savons d'ailleurs que la fille d'Isabelle Romée parlait d'une douce voix de femme[78]; un cou large et fortement ramassé sur les épaules s'accorde bien avec ce qu'on sait de son aspect robuste[79]; et la feinte fille du roi de Hongrie n'a pas, sans doute, imaginé l'envie derrière l'oreille droite[80].

(p. 38) CHAPITRE II
PREMIER SÉJOUR DE LA PUCELLE À COMPIÈGNE. — LES TROIS PAPES. — SAINT-DENYS. — LES TRÊVES.

De Crépy, après le départ de l'armée anglaise pour la Normandie, le roi Charles envoya le comte de Vendôme, les maréchaux de Rais et de Boussac avec leurs gens d'armes à Senlis. Les habitants lui donnèrent à savoir qu'ils désiraient les fleurs de lis[81]. La soumission de Compiègne était désormais assurée. Le roi somma les bourgeois de le recevoir; le mercredi 18, les clés de la ville lui furent apportées; le lendemain il fit son entrée[82]. Les attournés (c'était le nom des échevins)[83] (p. 39) lui présentèrent messire Guillaume de Flavy qu'ils avaient élu capitaine de leur ville comme le plus expérimenté et fidèle qui fût au pays. Ils demandaient que, suivant leur privilège, le roi, sur leur présentation, le confirmât et admît, mais le sire de la Trémouille prit pour soi la capitainerie de Compiègne, déléguant la lieutenance à messire Guillaume de Flavy, que néanmoins les habitants tinrent pour leur capitaine[84].

Le roi recouvrait une à une ses bonnes villes. Il enjoignit à ceux de Beauvais de le reconnaître pour leur seigneur. En voyant les fleurs de lis, que portaient les hérauts, les habitants crièrent: «Vive Charles de France!» Le clergé chanta un Te Deum et il se fit de grandes réjouissances. Ceux qui refusèrent de reconnaître le roi Charles furent mis hors de la ville avec licence d'emporter leurs biens[85]. L'évêque et vidame de Beauvais, messire Pierre Cauchon, grand aumônier de France pour le roi Henri, négociateur d'importantes affaires ecclésiastiques, voyait à contre-cœur sa ville (p. 40) retourner aux Français[86]; c'était à son dommage, mais il ne put l'empêcher. Il n'ignorait pas qu'il devait pour une part cette disgrâce à la Pucelle des Armagnacs, qui faisait beaucoup pour son parti et avait la réputation de tout faire. Étant bon théologien, il soupçonna, sans doute, que le diable la conduisait et il lui en voulut tout le mal possible.

À ce moment l'Artois, la Picardie, cette Bourgogne du Nord se débourgognisait. Si le roi Charles était allé à Saint-Quentin, à Corbie, à Amiens, à Abbeville et dans les autres fortes villes et châteaux de Picardie, il y aurait été reçu par la plupart des habitants comme leur souverain[87]. Mais pendant ce temps ses ennemis lui auraient repris ce qu'il venait de gagner dans le Valois et l'Île-de-France.

Entrée à Compiègne avec le roi, Jeanne logea à l'hôtel du Bœuf chez le procureur du roi. Elle couchait avec la femme du procureur, Marie Le Boucher qui était parente de Jacques Boucher, trésorier d'Orléans[88].

Il lui tardait de marcher sur Paris, qu'elle était sûre de prendre, puisque ses Voix le lui avaient promis. On conte qu'au bout de deux ou trois jours, n'y pouvant tenir, elle appela le duc d'Alençon et lui dit: «Mon beau duc, faites appareiller vos gens et ceux des (p. 41) autres capitaines», et qu'elle s'écria: «Par mon martin! je veux aller voir Paris de plus près que je ne l'ai vu[89].» Les choses n'ont pu se passer ainsi; la Pucelle ne donnait pas d'ordres aux gens de guerre. La vérité c'est que le duc d'Alençon prenait congé du roi avec une belle compagnie de gens et que Jeanne devait l'accompagner. Elle était prête à monter à cheval quand le lundi 22 août un messager du comte d'Armagnac lui apporta une lettre qu'elle se fit lire[90]. Voici ce que contenait cette missive:

Ma très chière dame, je me recommande humblement à vous et vous supplie pour Dieu que, actendu la division qui en présent est en sainte Église universal, sur le fait des papes (car il i a trois contendans du papat: l'un demeure à Romme, qui se fait appeler Martin quint, auquel tous les rois chrestiens obéissent; l'autre demeure à Paniscole, au royaume de Valence, lequel se fait appeller pape Climent VIIe; le tiers en ne sect où il demeure, se non seulement le cardinal de Saint-Estienne et peu de gens avec lui, lequel se fait nommer pape Benoist XIIIIe; le premier qui se dit pape Martin, fut esleu à Constance par le consentement de toutes les nacions des chrestiens; celui qui se fait appeler Climent fut esleu à Paniscole, après la mort du pape Benoist XIIIe, par trois de ses cardinaulx; le tiers, qui se nomme pape Benoist XIIIIe, à Paniscole fut esleu secrètement, mesmes par le cardinal de Saint-Estienne): Veuillez supplier à Nostre Seigneur Jhésuscrit que, (p. 42) par sa miséricorde infinite, nous veulle par vous déclarier, qui est des trois dessusdiz, vray pape, et auquel plaira que on obéisse de ci en avant, ou à cellui qui se dit Martin, ou à cellui qui se dit Climent, ou à celui qui se dit Benoist; et auquel nous devons croire, si secrètement ou par aucune dissimulation ou publique manifeste; car nous serons tous pretz de faire le vouloir et plaisir de Nostre Seigneur Jhésuscrit.

Le tout vostre conte D'ARMIGNAC[91]

C'était un grand vassal de la Couronne qui écrivait de la sorte, appelait Jeanne sa très chère dame et se recommandait humblement à elle, non à la vérité en s'abaissant soi-même, mais comme qui dirait aujourd'hui avec affabilité.

Elle n'avait jamais vu ce seigneur, et sans doute elle n'avait jamais entendu parler de lui. Fils du connétable de France, tué en 1418, l'homme le plus cruel du royaume, Jean IV, alors âgé de trente-trois ou trente-quatre ans, possédait l'Armagnac noir et l'Armagnac blanc, le pays des Quatre-Vallées, les comtés de Pardiac, de Fesenzac, l'Astarac, la Lomagne, l'Île-Jourdain; il était le plus puissant seigneur de Gascogne après le comte de Foix[92].

Tandis que son nom demeurait aux partisans du roi Charles et qu'on disait les Armagnacs pour désigner (p. 43) ceux qui étaient contraires aux Anglais et aux Bourguignons, Jean IV n'était lui-même ni Français ni Anglais, mais seulement Gascon. Il se disait comte par la grâce de Dieu, quitte à se reconnaître vassal du roi Charles pour recevoir des dons de son suzerain, qui pouvait n'avoir pas toujours de quoi payer ses houseaux, mais à qui ses grands vassaux coûtaient fort cher. Cependant Jean IV ménageait les Anglais, protégeait un aventurier à la solde du Régent et donnait des emplois dans sa maison à des gens qui portaient la croix rouge. Il était aussi féroce et perfide qu'aucun des siens. S'étant, contre tout droit, emparé du maréchal de Séverac, il lui extorqua la cession de ses biens et le fit ensuite étrangler[93].

Ce meurtre était alors tout frais. Voilà le fils docile de la sainte Église qui montrait tant de zèle à découvrir son vrai père spirituel. Il semble bien pourtant qu'il eût déjà son opinion faite à ce sujet et qu'il sût à quoi s'en tenir sur ce qu'il demandait. En réalité, le long schisme, qui avait déchiré la chrétienté, n'existait plus depuis douze ans, depuis que le conclave, ouvert le 8 novembre 1417, à Constance, dans la Maison des Marchands, avait proclamé pape, le 11 du même mois, jour de la Saint-Martin, le cardinal diacre Otto Colonna, (p. 44) qui prit le nom de Martin V. Martin V portait dans la Ville Éternelle la tiare sur laquelle Lorenzo Ghiberti avait ciselé huit figurines d'or[94], et l'habile Romain s'était fait reconnaître par l'Angleterre et même par la France, qui renonçait désormais à l'espoir d'avoir un pape français. Et si le conseil de Charles VII était en désaccord avec Martin V sur la question du concile, un édit de 1425 restituait au pape de Rome la jouissance de tous ses droits dans le royaume; Martin V était vrai pape et seul pape. Cependant, Alphonse d'Aragon, fort irrité de ce que Martin V soutenait contre lui les droits de Louis d'Anjou sur le royaume de Naples, imagina d'opposer un pape de sa façon au pape de Rome. Il avait précisément sous la main un chanoine qui se disait pape; et voici sur quel fondement: l'antipape Benoît XIII, réfugié à Peñiscola, avait, en mourant, nommé quatre cardinaux, dont trois désignèrent à sa place un chanoine de Barcelone, Gilles Muñoz, qui prit le nom de Clément VII. C'est ce Clément, emprisonné dans le château de Peñiscola, sur une morne pointe de terre, battue de trois côtés par la mer, que le roi d'Aragon avait imaginé d'opposer à Martin V[95].

Le pape Martin excommunia l'Aragonais, puis il (p. 45) ouvrit des négociations avec lui. Le comte d'Armagnac suivit le parti du roi d'Aragon. Il faisait venir de Peñiscola, pour baptiser ses enfants, de l'eau bénite par Benoît XIII. Il fut pareillement frappé d'excommunication. Ces foudres étaient tombées sur lui en cette même année 1429, et depuis un certain nombre de mois Jean IV était privé de la participation aux sacrements et aux prières publiques, ce qui ne laissait pas de lui causer des difficultés temporelles, sans compter qu'il avait peut-être peur du diable.

D'ailleurs la situation devenait intenable pour lui. Son grand allié, le roi Alphonse, cédait et sommait lui-même Clément VIII de se démettre. Quand il adressait sa requête à la Pucelle de France, l'Armagnac ne songeait plus évidemment qu'à quitter l'obéissance d'un antipape manqué, renonçant lui-même à la tiare, ou bien près d'y renoncer; car Clément VIII se démit à Peñiscola le 26 juillet. Ce ne peut être longtemps avant cette date que le comte dicta sa lettre, et il est possible que ce soit après. Dans tous les cas, en la dictant, il savait à quoi s'en tenir sur le souverain pontificat de Clément VIII.

Quant au troisième pape qu'il mentionnait dans sa missive, c'était un Benoît XIV, dont il n'avait pas de nouvelles et qui aussi ne faisait pas de bruit. Son élection au saint-siège avait eu cela de singulier qu'un seul cardinal y avait procédé. Benoît XIV tenait tous ses droits d'un cardinal créé par l'antipape Benoît XIII (p. 46) dans sa promotion de 1409, Jean Barrère, Français, bachelier es lois, prêtre, cardinal du titre de Saint-Étienne in Cœlio monte. Ce n'est pas à l'obédience de Benoît XIV que l'Armagnac pensait se ranger; évidemment, il avait hâte de faire sa soumission à Martin V.

On ne voit pas bien, dès lors, pourquoi il demandait à Jeanne de lui désigner le vrai pape. Sans doute, c'était l'usage, en ce temps-là, de consulter sur toutes choses les saintes filles que Dieu favorisait de révélations. Telle se montrait la Pucelle et sa renommée de prophétesse s'était, en peu de jours, partout répandue. Elle découvrait les choses cachées, elle annonçait l'avenir. On se rappelle ce capitoul de Toulouse qui, trois semaines environ après la délivrance d'Orléans, fut d'avis de demander à la Pucelle un remède à l'altération des monnaies. Bonne de Milan, mariée à un pauvre gentilhomme de la reine Ysabeau sa cousine, lui présentait une requête à fin d'être remise dans le duché qu'elle prétendait tenir des Visconti[96]. Il était tout aussi expédient de l'interroger sur le pape et l'antipape. La difficulté est, en cette affaire, de découvrir les raisons qu'avait le comte d'Armagnac de consulter la sainte fille sur un point dont il paraît bien qu'il (p. 47) était suffisamment éclairci. Voici ce qui semble le plus probable.

Disposé à reconnaître le pape Martin V, Jean IV cherchait les moyens de donner à cette soumission un tour honorable. C'est alors que l'idée lui vint de se faire dicter sa conduite par Jésus-Christ lui-même parlant en une sainte Pucelle. Encore fallait-il que la révélation s'accordât avec ses calculs. Sa lettre y tâche clairement. Il prend soin dans cette lettre de préparer lui-même à Jeanne et, par conséquent, à Dieu, la réponse convenable. Il y marque avec force que Martin V, qui vient de l'excommunier, fut élu à Constance par le consentement de toutes les nations chrétiennes, qu'il demeure à Rome et qu'il est obéi de tous les rois chrétiens. Il signale au contraire les circonstances qui infirment l'élection de Clément VIII, due à trois cardinaux seulement, et l'élection plus ridicule encore de ce Benoît, dont un seul cardinal composa tout le conclave[97].

Sur ce seul exposé comment hésiter à reconnaître que le pape Martin est le vrai pape? Cette malice fut perdue; Jeanne n'y vit rien. La lettre du comte d'Armagnac, qu'elle se fit lire en montant à cheval, ne dut pas lui paraître claire[98]. Les noms de Benoît, de Clément et de Martin lui étaient inconnus. Mesdames sainte (p. 48) Catherine et sainte Marguerite, qui conversaient avec elle à tout moment, ne lui firent pas de révélations sur le pape. Elles ne lui parlaient guère que du royaume de France, et Jeanne avait d'ordinaire la prudence de ne prophétiser que sur le fait de la guerre. C'est ce qu'un clerc allemand signala comme une chose singulière et notable[99]. Mais cette fois, bien que pressée par le temps, elle consentit à répondre à Jean IV pour soutenir sa renommée prophétique ou parce que ce nom d'Armagnac était une grande recommandation pour elle. Elle lui manda qu'à cette heure elle ne lui pouvait désigner le vrai pape, mais qu'elle lui dirait plus tard auquel des trois il faudrait croire, selon ce qu'elle trouverait d'elle-même, par le conseil de Dieu. Enfin, elle faisait un peu comme les devineresses qui remettent leur oracle au lendemain.

JHESUS ✝ MARIA

Conte d'Armignac, mon très chier et bon ami, Jehanne la Pucelle vous fait savoir que vostre message est venu par devers moy, lequel m'a dit que l'aviès envoié pardeçà pour savoir de moy auquel des trois papes, que mandez par mémoire, vous devriés croire. De laquelle chose ne vous puis bonnement faire savoir au vray pour le présent, jusques à ce que je soye à Paris ou ailleurs, à requoy; car je suis pour le présent trop empeschiée au fait de la guerre: mais quand vous sarez que je seray à Paris, envoiez ung message par devers moy, et je vous feray savoir tout au vray auquel vous devrez croire, (p. 49) et que en aray sceu par le conseil de mon droiturier et souverain seigneur, le roy de tout le monde, et que en aurez à faire, à tout mon pouvoir. À Dieu vous commans; Dieu soit garde de vous. Escript à Compiengne, le XXIIe jour d'aoust[100].

Certes, avant de faire cette réponse, Jeanne ne consulta ni le bon frère Pasquerel, ni le bon frère Richard, ni aucun des religieux qui se tenaient en sa compagnie; ils lui auraient appris que le vrai pape était le pape de Rome, Martin V. Peut-être aussi lui auraient-ils représenté qu'elle faisait peu de cas de l'autorité de l'Église, en s'en rapportant à une révélation de Dieu sur le pape et les antipapes; Dieu, sans doute, lui auraient-ils dit, confie parfois à de saintes personnes des secrets sur son Église, mais il est téméraire de s'attendre à recevoir un si rare privilège.

Jeanne échangea quelques propos avec le messager qui lui avait apporté la missive; l'entretien fut court. Ce messager n'était pas en sûreté dans la ville, non que les soldats voulussent lui faire payer les crimes et les félonies de son maître, mais le sire de la Trémouille était à Compiègne; il savait que le comte Jean IV, allié, pour lors, au connétable de Richemont, méditait quelque entreprise contre lui. La Trémouille n'était pas aussi méchant que le comte d'Armagnac; toutefois, il s'en fallut de peu que le pauvre messager ne fût jeté dans l'Oise[101].

(p. 50) Le lendemain, mardi 23 août, la Pucelle et le duc d'Alençon prirent congé du roi et partirent de Compiègne avec une belle compagnie de gens. Avant de marcher sur Saint-Denys en France, ils allèrent à Senlis rallier partie des hommes d'armes que le roi y avait envoyés[102]. La Pucelle y chevaucha parmi ses religieux, à sa coutume. Le bon frère Richard, qui annonçait la fin du monde, s'était mis de la procession. Il avait, ce semble, pris le pas sur les autres et même sur frère Pasquerel, le chapelain. C'est à lui que la Pucelle se confessa sous les murs de Senlis. En ce même lieu, elle communia deux jours de suite avec les ducs de Clermont et d'Alençon[103]. Assurément elle était entre les mains de moines qui faisaient un très fréquent usage de l'Eucharistie.

Le seigneur évêque de Senlis se nommait Jean Fouquerel. Il avait été jusque-là du parti des Anglais et tout à la dévotion du seigneur évêque de Beauvais. Homme de précaution, Jean Fouquerel, à l'approche de l'armée royale, s'en était allé à Paris cacher une grosse somme d'argent. Il tenait à son bien. Quelqu'un de l'ost lui prit sa haquenée pour la donner à la Pucelle. Elle lui fut payée deux cents saluts d'or en une assignation sur le receveur de Senlis et sur le (p. 51) grainetier de la ville. Le seigneur évoque ne l'entendit pas ainsi et réclama sa bête. La Pucelle, ayant appris qu'il était malcontent, lui fit écrire qu'il pouvait ravoir sa haquenée, s'il eu avait envie, qu'elle ne la voulait point, ne la trouvant pas assez endurante pour des gens d'armes. On envoya le cheval au sire de La Trémouille en l'avisant de le faire remettre au seigneur évêque, qui ne le reçut jamais[104].

Quant à l'assignation sur le receveur et sur le grainetier, il se peut qu'elle ne valût rien, et probablement révérend père en Dieu Jean Fouquerel n'eut ni la bête ni l'argent. Jeanne n'était point fautive, et pourtant le seigneur évêque de Beauvais et les clercs de l'Université devaient bientôt lui montrer quel sacrilège c'est que de toucher à une haquenée d'Église[105].

Saint-Denys s'élevait au nord de Paris, à deux lieues environ des murs de la grande ville. L'armée du duc d'Alençon y arriva le 26 août, et y entra sans résistance, bien que la ville fût forte[106]. Ce lieu était célèbre par son abbaye, très antique, très riche et très illustre. Voici de quelle manière on en rapportait la fondation: (p. 52) Dagobert, roi des Français conçut dès son enfance une vive dévotion pour saint Denys. Et aussitôt qu'il craignait la colère de son père, le roi Clotaire, il se réfugiait dans l'église du saint martyr. Lorsqu'il fut mort, un homme pieux eut un songe dans lequel il vit Dagobert cité au tribunal de Dieu; un grand nombre de saints l'accusaient d'avoir dépouillé leurs églises; et les démons allaient l'entraîner en enfer lorsque monseigneur saint Denys survint et, par son intercession, l'âme du roi fut délivrée et échappa au châtiment. Le fait était tenu pour véritable, et l'on supposait que l'âme du roi revint animer son corps et qu'il fit pénitence[107].

Quand la Pucelle occupa Saint-Denys avec l'armée, les trois portails, les parapets crénelés, la tour de l'église abbatiale, élevés par l'abbé Suger, dataient déjà de trois siècles. C'est là que les rois de France avaient leur sépulture; c'est là qu'ils prenaient l'oriflamme. Quatorze ans en ça, le feu roi Charles l'y était venu prendre, et nul depuis lors ne l'avait levée[108].

On rapportait beaucoup de merveilles touchant cet étendard royal, et il fallait que La Pucelle en eût entendu quelque chose, si, comme on l'a dit, elle avait, lors (p. 53) de sa venue en France, donné au dauphin Charles le surnom d'oriflamme, en gage et promesse de victoire[109]. On conservait à Saint-Denys le cœur du connétable Bertrand Du Guesclin[110]. Le bruit d'une si haute renommée était venu aux oreilles de Jeanne; elle avait offert le vin au fils aîné de madame de Laval et envoyé à son aïeule, qui avait été la seconde femme de sire Bertrand, un petit anneau d'or, en s'excusant du peu, et par révérence, pour la veuve d'un si vaillant homme[111].

Les religieux de Saint-Denys conservaient de précieuses reliques, notamment un morceau du bois de la vraie croix, les langes de l'enfant Jésus, un tesson d'une cruche où l'eau s'était changée en vin aux noces de Cana, une barre du gril de saint Laurent, le menton de sainte Madeleine, une tasse de bois de tamaris dont saint Louis s'était servi pour se préserver du mal de rate. On y montrait aussi le chef de monseigneur saint Denys. Il est vrai qu'on le montrait en même temps dans l'église cathédrale de Paris; et le chancelier Jean Gerson traitant, peu de jours avant sa mort, de Jeanne la Pucelle, disait qu'il en était d'elle comme du chef de (p. 54) monseigneur saint Denys, lequel était objet d'édification et non point objet de foi, et néanmoins devait être vénéré pareillement dans l'un et l'autre lieu pour que l'édification ne se tournât point en scandale[112].

Tout dans cette abbaye proclamait la dignité, les prérogatives et l'excellence de la maison de France. Jeanne dut admirer bien joyeusement les insignes, les symboles, les images de la royauté des Lis amassés en ce lieu[113], si toutefois ses yeux, remplis de visions célestes, pouvaient encore apercevoir les choses sensibles, et si les Voix qui parlaient à ses oreilles lui laissaient un moment de répit.

Monseigneur saint Denys était un grand saint, puisqu'on ne doutait pas que ce ne fût saint Denys l'Aréopagite lui-même[114], mais depuis qu'il avait laissé prendre son abbaye, on ne l'invoquait plus comme le patron des rois de France; les partisans du dauphin l'avaient remplacé par le bienheureux archange Michel, dont l'abbaye, près de la cité d'Avranches, résistait victorieusement aux Anglais. C'était saint Michel, non (p. 55) saint Denys, qui avait apparu à Jeanne dans le courtil de Domremy; mais elle savait que saint Denys était le cri de France[115].

Dans cette riche abbaye, ruinée par la guerre, les religieux, affranchis de toute discipline, menaient une existence misérable et déréglée[116]. Armagnacs et Bourguignons venaient les uns après les autres piller et ravager tout alentour villages et cultures et ne laissaient rien de ce qui se pouvait emporter. La foire du Lendit, une des plus belles de la chrétienté, se tenait à Saint-Denys. Les marchands n'y venaient plus. Au Lendit de l'an 1418 on n'avait vu que trois échoppes de souliers de Brabant dans la grande rue de Saint-Denys, près des Filles-Dieu; puis il n'y avait plus eu de foire jusqu'en l'an 1426, où s'était tenue la dernière[117].

À la nouvelle que les Armagnacs s'approchaient de Troyes, les paysans avaient scié leurs blés avant qu'ils fussent mûrs et les avaient apportés à Paris. Quand ils entrèrent à Saint-Denys, les gens d'armes du duc d'Alençon trouvèrent la ville abandonnée. Les gros bourgeois s'étaient réfugiés à Paris[118]. Il y restait encore quelques pauvres familles. La Pucelle y tint deux nouveau-nés sur les fonts[119].

(p. 56) Instruits des baptêmes de Saint-Denys, ses ennemis l'accusèrent d'avoir fait allumer des cierges qu'elle penchait sur la tête des nouveau-nés pour lire leur destinée dans la cire fondue. Ce n'était pas la première fois, paraît-il, qu'elle se livrait à de telles pratiques. Quand elle venait dans une ville, de petits enfants, disait-on, lui offraient à genoux des cierges qu'elle recevait comme une oblation agréable. Puis elle faisait tomber sur la tête de ces innocents trois gouttes de cire ardente, annonçant que, par la vertu d'un tel acte, ils ne pouvaient plus être que bons. Les clercs bourguignons discernaient en ces œuvres idolâtrie et sortilège impliqué d'hérésie[120].

À Saint-Denys encore, elle distribua des bannières aux gens d'armes; les clercs du parti anglais la soupçonnaient véhémentement de mettre des charmes sur ces bannières, et comme il n'y avait personne alors qui ne crût aux enchantements, on n'attirait pas sur soi sans danger un pareil soupçon[121].

La Pucelle et le duc d'Alençon ne perdirent pas de temps. Dès leur arrivée à Saint-Denys ils allèrent escarmoucher aux portes de Paris. Ils faisaient de ces escarmouches deux et trois fois par jour, notamment au moulin à vent de la porte Saint-Denys et au village (p. 57) de la Chapelle. Chose à peine croyable et pourtant certaine, car elle est attestée par un des seigneurs de l'armée, dans ce pays tant de fois pillé et ravagé, les gens de guerre trouvaient encore quelque bien à prendre. «Tous les jours y avait butin», dit messire Jean de Bueil[122].

Par révérence pour le septième commandement de Dieu, la Pucelle défendait aux gens de sa compagnie de faire le moindre vol; si on lui offrait des vivres qu'elle sût acquis par pillerie, jamais elle n'en voulait user. En fait, tout comme les autres, elle ne vivait que de maraude; mais elle l'ignorait. Un jour, un Écossais lui donnant à entendre qu'elle venait de manger d'un veau dérobé, elle se fâcha contre cet homme et voulut le battre: les saintes ont de ces emportements[123].

On a dit que Jeanne observait les murs de Paris et cherchait le meilleur endroit où donner l'assaut[124]. La vérité est que sur ce point comme sur tous les autres elle s'en rapportait à ses Voix. Au reste, elle passait de beaucoup tous les hommes de guerre en courage et bonne volonté. De Saint-Denys, elle envoyait au roi message sur message, le pressant de venir prendre Paris[125]. Mais le roi et son conseil négociaient à Compiègne avec les ambassadeurs du duc de Bourgogne, (p. 58) savoir: Jean de Luxembourg, seigneur de Beaurevoir, Hugues de Cayeux, évêque d'Arras, David de Brimeu, et le seigneur de Charny[126].

La trêve de quinze jours, que nous ne connaissons que par ce qu'en a écrit la Pucelle aux habitants de Reims, était expirée. Selon Jeanne, le duc de Bourgogne s'était engagé à rendre la ville au roi de France, le quinzième jour[127]. S'il avait pris cet engagement, c'était à des conditions que nous ne connaissons pas, et dont nous ne saurions dire si elles ont été remplies ou non. La Pucelle ne se fiait pas à cette promesse, et elle avait bien raison; mais elle ne savait pas tout, et le jour même où elle se plaignait de cette trêve aux habitants de Reims, le duc Philippe recevait des mains du Régent le gouvernement de Paris et se trouvait dès lors en droit de disposer en quelque manière de cette ville[128]. Le duc Philippe ne pouvait voir en face Charles de Valois qui avait été sur le pont de Montereau au moment du meurtre, mais il détestait les Anglais et les souhaitait au diable ou dans leur île. Il avait trop de vins à récolter et de laines à tisser pour ne pas désirer la paix. Il ne voulait pas être roi de France; on pouvait traiter avec lui, encore qu'il fût (p. 59) avide et dissimulé. Toutefois le quinzième jour était passé et la ville de Paris demeurait aux Anglais et aux Bourguignons non amis, mais alliés.

À la date du 28 août, une trêve fut conclue, qui devait courir jusqu'à la Noël et comprenait tout le pays situé au nord de la Seine, de Nogent à Harfleur, excepté les villes ayant passage sur le fleuve. En ce qui concernait la ville de Paris, il était dit expressément: «Notre Cousin de Bourgogne pourra, durant la trêve, s'employer, lui et ses gens, à la défense de la ville et à résister à ceux qui voudraient y faire la guerre ou porter dommage[129].» Le chancelier Regnault de Chartres, le sire de la Trémouille, Christophe d'Harcourt, le Bâtard d'Orléans, l'évêque de Séez, et aussi de jeunes seigneurs fort portés pour la guerre, tels que les comtes de Clermont et de Vendôme et le duc de Bar, tous les conseillers du roi et tous les princes du sang royal qui conclurent cette trêve et signèrent cet article, donnaient en apparence à leur ennemi des verges pour les battre et semblaient s'interdire toute entreprise sur Paris. Mais ces gens-là n'étaient pas tous des sots; le Bâtard d'Orléans avait l'esprit fin et le seigneur archevêque de Reims était tout autre chose qu'un Olibrius. Ils avaient bien sans doute leur idée, en reconnaissant (p. 60) au duc de Bourgogne des droits sur Paris. Le duc Philippe, nous le savons, était, depuis le 13 août, gouverneur de la grand'ville. Le Régent la lui avait cédée, pensant que Bourgogne pour contenir les Parisiens vaudrait mieux qu'Angleterre qui était parmi eux faible en nombre et haïe comme étrangère. Quel avantage le roi Charles trouvait-il à reconnaître les droits de son cousin de Bourgogne sur Paris? Nous ne le voyons pas bien clairement; mais en fait, cette trêve n'était ni meilleure ni pire que les autres. Certes elle ne donnait pas Paris au roi; mais elle n'empêchait pas non plus le roi de le prendre. Est-ce que les trêves empêchaient jamais les Armagnacs et les Bourguignons de se battre quand ils en avaient envie? Est-ce que de ces trêves sempiternelles une seule fut gardée[130]? Le roi, après avoir signé celle-là, s'avança jusqu'à Senlis. Le duc d'Alençon par deux fois l'y vint trouver. Charles arriva le mercredi 7 septembre à Saint-Denys[131].

(p. 61) CHAPITRE III
L'ATTAQUE DE PARIS.

Au temps où le roi Jean était prisonnier des Anglais, les habitants de Paris, voyant les ennemis au cœur du royaume, craignirent que leur ville ne fût assiégée et se hâtèrent de la mettre en état de défense; ils l'entourèrent de fossés et de contre-fossés. Les fossés, sur la rive gauche de la Seine, furent creusés au pied des murs de l'ancienne enceinte. De ce côté, qui était celui de l'université, les faubourgs restaient ainsi sans défense; ils étaient petits et lointains: on les brûla. Mais sur la rive droite, les faubourgs, beaucoup plus gros, touchaient presque la cité. Les fossés qu'on creusa, en renfermèrent une partie. Quand la paix fut faite, Charles, régent du royaume, entreprit d'entourer le nord de la ville d'une muraille crénelée, flanquée de tours carrées, avec terrasses et créneaux, un chemin de ronde et des degrés pour les courtines. Le fossé (p. 62) était simple ou double suivant les endroits. L'ouvrage fut conduit par Hugues Aubriot, prévôt de Paris, qui fit aussi bâtir la Bastille Saint-Antoine, achevée sous le roi Charles VI[132]. Cette nouvelle enceinte commençait, au levant, sur la rivière, à la hauteur des Célestins; elle enfermait dans son cercle le quartier Saint-Paul, la Culture Sainte-Catherine, le Temple, Saint-Martin, les Filles-Dieu, Saint-Sauveur, Saint-Honoré, les Quinze-Vingts, qui avaient été jusque-là dans les faubourgs, et découverts, et elle atteignait la rivière en aval du Louvre, qui se trouvait de la sorte réuni à la ville. La clôture était percée de six portes, savoir: en commençant par l'est, la porte Baudet ou Saint-Antoine, la porte Saint-Avoye ou du Temple, la porte des Peintres ou de Saint-Denis, la porte Saint-Martin ou de Montmartre, la porte Saint-Honoré et la porte de Seine[133].

(p. 63) Les Parisiens n'aimaient pas les Anglais et ils les enduraient à grand'peine. Quand, après les funérailles du feu roi Charles VI, le duc de Bedford fit porter devant lui l'épée du roi de France, le peuple murmura[134]. Mais il faut souffrir ce qu'on ne peut empêcher. Si les Parisiens n'aimaient pas les Anglais, ils admiraient le duc Philippe, seigneur de bonne mine et le plus riche prince de la chrétienté. Pour ce qui était du petit roi de Bourges, de triste figure et pauvre, véhémentement soupçonné de félonie à Montereau, il n'avait rien pour plaire; on le méprisait et ses partisans inspiraient l'épouvante et l'horreur. Depuis dix ans ils faisaient des courses autour de la ville, rançonnant et pillant. Sans doute, les Anglais et les Bourguignons n'en usaient pas d'une autre manière. Lorsqu'au mois d'août 1423 le duc Philippe vint à Paris, ses hommes d'armes ravagèrent toutes les cultures aux alentours, et c'étaient des amis et des alliés. Mais ils ne firent que passer[135]; les Armagnacs battaient sans cesse les campagnes, ils volaient sempiternellement tout ce qu'ils trouvaient, incendiaient les granges et les églises, tuaient femmes et enfants, violaient pucelles et religieuses, pendaient les hommes par les pouces. En 1420, ils se jetèrent comme diables déchaînés sur le village de Champigny et brûlèrent à la fois avoine, blé, brebis, vaches, bœufs, enfants et femmes. Ils firent de même (p. 64) et pis encore à Croissy[136]. Un clerc disait que par eux plus de chrétiens avaient été martyrisés que par Maximien et Dioclétien[137].

On aurait pu toutefois, en 1429, découvrir dans la ville des partisans du dauphin, et même un assez grand nombre. Madame Christine de Pisan, très attachée à la maison de Valois, disait: «Il y a dans Paris beaucoup de mauvais. Il y a aussi beaucoup de bons, fidèles à leur roi. Mais ils n'osent parler[138]

Il se trouvait dans le parlement, au su de tout le monde, et jusque dans le chapitre de Notre-Dame, des gens qui avaient des intelligences avec les Armagnacs[139].

Ces terribles Armagnacs, au lendemain de leur victoire de Patay, n'avaient qu'à marcher tout de suite sur la ville pour la prendre. On s'attendait à ce qu'ils y entrassent un jour ou l'autre. Le Régent la leur abandonnait d'avance. Il alla s'enfermer dans son château de Vincennes avec le peu d'hommes qui lui restaient[140]. Trois jours après la déconfiture des Anglais, le mardi (p. 65) devant la Saint-Jean, grand émoi dans la ville. On disait: «Les Armagnacs entreront cette nuit.» Pendant ce temps, les Armagnacs attendaient à Orléans l'ordre de se rassembler à Gien pour gagner ensuite Auxerre. À cette nouvelle le duc de Bedford dut pousser un grand soupir de soulagement; et tout aussitôt il s'occupa de pourvoir à la défense de Paris et à la sûreté de la Normandie[141].

La première émotion passée, la grand'ville redevenait de cœur, sinon anglaise (elle ne l'avait jamais été), du moins bourguignonne. Son prévôt, messire Simon Morhier, qui avait fait une terrible occision de Français, le jour des Harengs, tenait ferme pour le Léopard[142]. Au contraire, on soupçonnait l'échevinage de tendre volontiers l'oreille aux propositions du roi Charles. Le 12 juillet, les Parisiens élurent un nouveau corps de ville composé des plus zélés Bourguignons qui se pussent trouver dans le négoce et le change. Ils désignèrent comme prévôt des marchands l'argentier Guillaume Sanguin, à qui le duc de Bourgogne devait plus de sept mille livres tournois et qui avait en garde les joyaux du Régent[143]. Ce changement s'opérait au plus grand dommage du roi Charles qui, pour reprendre ses (p. 66) bonnes villes, préférait la douceur à la violence et comptait beaucoup plus sur un accord avec les bourgeois que sur les pierres de ses canons.

Très à point, le Régent céda la ville de Paris au duc Philippe, non sans regretter assurément de lui avoir refusé naguère la ville d'Orléans. Il sentait bien que la cité principale du royaume, redevenue ainsi française, se défendrait de meilleure volonté contre les dauphinois. Le magnifique duc y vint réchauffer la vieille amitié que lui gardaient les Parisiens et rallumer la haine qu'ils portaient au fils déshérité de madame Ysabeau. Il lut au Palais un récit de la mort de son père, entrecoupé de plaintes sur la paix enfreinte et la trahison des Armagnacs; il fit crier le sang de Montereau[144]: les assistants jurèrent d'être bons et loyaux à lui et au Régent. Le même serment fut prêté, les jours suivants, par le clergé séculier et régulier[145].

Mais plus encore que l'amour du beau duc, le souvenir de la cruauté armagnaque affermissait les bourgeois dans la résistance. Ce bruit courait parmi eux et trouvait créance, que messire Charles de Valois avait abandonné à ses soudoyers la ville et les habitants grands et petits, de tous états, hommes et femmes, et qu'il se promettait de faire passer la charrue sur l'emplacement de Paris. C'était le connaître très mal: il se (p. 67) montrait en toute occasion pitoyable et débonnaire; son Conseil réduisait prudemment la campagne du Sacre à une promenade armée et pacifique. Mais les Parisiens ne pouvaient juger sainement des intentions du roi de France et ils ne savaient que trop que, leur ville une fois prise, rien n'empêcherait les Armagnacs de la mettre à feu et à sang[146].

Un fait accrut encore leur aversion et leur effroi. Quand ils surent que le frère Richard, dont naguère ils avaient entendu si pieusement les sermons, chevauchait avec les gens du dauphin et leur gagnait par sa langue bien pendue de bonnes villes comme Troyes en Champagne, ils appelèrent sur lui la malédiction de Dieu et des saints. Ils arrachèrent de leur chapeau les médailles d'étain au saint nom de Jésus, que le bon frère leur avait données et, en haine de lui, ils reprirent aussitôt dés, boules, dames, et tous les jeux auxquels ils avaient renoncé sur ses exhortations. La Pucelle ne leur inspirait pas moins d'horreur. On contait qu'elle faisait la prophétesse et parlait de cette sorte: «Telle chose adviendra pour vrai.» Ils disaient: «Une créature en forme de femme est avec les Armagnacs. Ce que c'est, Dieu le sait!» On l'appelait ribaude[147]. Parmi ces ennemis, pires à leur sentiment que les païens et les Sarrazins, voilà ce qui leur paraissait le (p. 68) plus horrible: un moine et une jeune fille. Ils prirent tous la croix de Saint-André[148].

Pendant que le dauphin s'en allait à son sacre, une armée venait d'Angleterre en France. Le Régent la destina à couvrir la Normandie; il la dirigea en personne sur Rouen, laissant la garde et la défense de Paris à Louis de Luxembourg, évêque de Thérouanne, chancelier de France pour les Anglais, au sire de l'Isle-Adam, maréchal de France, capitaine de Paris, à deux mille hommes d'armes et aux milices parisiennes qui avaient la garde des remparts et le gouvernement de l'artillerie et étaient commandées par vingt-quatre bourgeois, dits quarteniers, pour les vingt-quatre quartiers de la ville. Dès la fin de juillet la place se trouvait à l'abri d'une surprise[149].

Le 10 août, vigile de Saint-Laurent, tandis que les Armagnacs campaient à La Ferté-Milon, la porte Saint-Martin, flanquée de quatre tourelles avec un double pont-levis, fut fermée et défense faite à quiconque d'aller à Saint-Laurent en procession ou à la foire, comme les précédentes années[150].

Le 28 du même mois, l'armée royale vint occuper Saint-Denys. À partir de ce jour personne n'osa plus (p. 69) sortir pour vendanger, ni aller rien cueillir dans les potagers qui couvraient la plaine, au nord de la ville. Tout enchérit aussitôt[151].

Dans les premiers jours de septembre les quarteniers, chacun en son endroit, firent redresser les fossés et affûter les canons aux murailles, aux portes et aux tours. Les tailleurs de pierres pour l'artillerie, mandés par l'échevinage, firent des milliers de boulets[152].

Les magistrats reçurent de monseigneur le duc d'Alençon des lettres commençant ainsi: «À vous, prévôt de Paris et prévôt des marchands et échevins...» Il les nommait par leurs noms et les saluait en beau langage. Ces lettres furent considérées comme un artifice pour rendre les échevins suspects au peuple et exciter les habitants les uns contre les autres. Il fut répondu à ce seigneur de ne plus gâter son papier à de telles malices[153].

Le chapitre de Notre-Dame fit célébrer des messes pour le salut commun. Le 5 septembre, trois chanoines furent autorisés à prendre des dispositions pour la garde du cloître. Les fabriciens avisèrent à mettre les reliques et le trésor à l'abri des soldats armagnacs. Ils vendirent, pour le prix de deux cents saluts d'or, (p. 70) le corps de monseigneur saint Denys, mais on garda le pied, qui était d'argent, le chef et la couronne[154].

Le mercredi 7 septembre, vigile de la nativité de la Vierge, une procession fut faite à Sainte-Geneviève-du-Mont pour remédier à la malice des temps et calmer l'animosité des ennemis. Les chanoines du Palais y portèrent la Vraie Croix[155].

Ce même jour, l'armée du duc d'Alençon et de la Pucelle escarmoucha sous les murs. Elle se retira le soir, et les habitants s'endormirent tranquilles, car le lendemain, le peuple chrétien célébrait la Nativité de la Sainte-Vierge[156].

C'était une grande fête et très ancienne. Voici comment on en rapportait l'origine. Un jour, un saint homme, qui vivait dans la contemplation, se remémorant que depuis bien des années, à la date du 8 septembre, il entendait une merveilleuse musique d'anges dans les airs, pria Dieu de lui révéler l'occasion de ce (p. 71) concert d'instruments et de voix célestes. Il obtint pour réponse que c'était le jour anniversaire de la naissance de la glorieuse Vierge Marie, et il reçut l'ordre d'en instruire les fidèles, afin qu'ils s'unissent dans la solennité de ce jour aux chœurs des anges. La chose fut rapportée au Souverain Pontife et aux autres chefs de l'Église, qui, après avoir prié, jeûné et consulté les témoignages et les traditions de l'Église, décrétèrent que désormais le jour du 8 septembre serait universellement consacré à la naissance de la Vierge Marie[157].

En ce jour, on lisait à la messe les paroles du prophète Isaïe: «Il sortira un rejeton de la tige de Jessé et une fleur naîtra de sa racine.»

Les habitants de Paris pensaient que les Armagnacs eux-mêmes ne feraient œuvre de leurs dix doigts pendant une si grande fête, et garderaient le troisième commandement de Dieu.

Ce jeudi 8 septembre, vers huit heures du matin, la Pucelle, les ducs d'Alençon et de Bourbon, les maréchaux de Boussac et de Rais, le comte de Vendôme, les sires de Laval, d'Albret, de Gaucourt, qui s'étaient logés avec leurs gens au nombre de dix mille et plus, dans le village de la Chapelle, à mi-chemin sur la route de Saint-Denys à Paris, se mirent en marche et parvinrent à l'heure de la grand'messe, entre onze heures (p. 72) et midi, sur la butte des Moulins, au pied de laquelle se tenait le marché aux Pourceaux[158]. Il y avait là un gibet. Cinquante-six ans auparavant, une femme, de vie édifiante aux yeux du peuple, mais reconnue hérétique et turlupine par les saints inquisiteurs, avait été brûlée vive sur cette place du marché[159].

Pourquoi les gens du roi se présentaient-ils devant les murailles du nord, celles de Charles V, qui étaient les plus fortes? On n'en sait rien. Quelques jours auparavant, ils avaient jeté un pont sur la rivière, en amont de Paris[160], ce qui donnerait à croire qu'ils voulaient assaillir la vieille enceinte et pénétrer par la rive universitaire. Se proposaient-ils d'opérer simultanément les deux attaques? C'est probable. Y renoncèrent-ils d'eux-mêmes, ou contre leur gré? On l'ignore.

Ils amenaient sous les murs de Charles V une abondante artillerie, canons, couleuvrines, veuglaires et traînaient dans des charrettes à bras des bourrées pour (p. 73) combler les fossés, des claies pour les rendre praticables, et sept cents échelles; matériel de siège fort copieux, bien qu'on eût, ainsi que nous l'allons voir, oublié le plus utile[161]. Ils ne venaient donc pas escarmoucher ni faire quelques vaillantises d'armes; ils venaient tenter l'escalade en plein jour et donner l'assaut à la plus vaste, à la plus illustre, à la plus populeuse ville du royaume; opération de très grande importance, proposée et décidée, sans aucun doute, en conseil et à laquelle, par conséquent, le roi n'était ni contraire, ni étranger, ni indifférent[162]. Charles de Valois voulait reprendre Paris. Il reste à savoir s'il comptait pour cela sur les gens d'armes seulement et les échelles.

La Pucelle n'était pas, à ce qu'il semble, informée des résolutions prises[163]; on ne la consultait jamais, et on ne l'avertissait guère de ce qu'on avait décidé. Mais elle était aussi sûre d'entrer ce jour-là dans la ville que d'aller en Paradis après sa mort. Depuis plus de trois mois, ses Voix la tympanisaient avec l'assaut de Paris. Ce qui pourrait surprendre c'est que, toute sainte qu'elle était, elle eût consenti à s'armer et à guerroyer le jour de la Nativité, contrairement à ce qu'elle avait (p. 74) fait le 5 mai, jour de l'Ascension de Notre-Seigneur, et au mépris de ce qu'elle avait dit le 8 du même mois: «Pour l'amour et honneur du saint dimanche, ne commencez point la bataille[164].» Il est vrai qu'ensuite elle avait escarmouché, à Montepilloy, le jour de l'Assomption, au grand scandale des maîtres de l'Université. Elle agissait sur le conseil de ses Voix et ses déterminations dépendaient du moindre bruit qui se faisait dans ses oreilles. Rien de plus inconstant et de plus contradictoire que les inspirations de ces visionnaires, jouets de leurs rêves. Ce qui est certain du moins, c'est que Jeanne, cette fois comme toujours, croyait bien faire et ne point pécher[165]. Rangés sur la butte des Moulins, devant Paris et sa ceinture grise, les Français avaient devant eux un premier fossé, étroit et sec, de seize ou dix-sept pieds environ de profondeur, qu'un dos d'âne séparait d'un second fossé large presque de cent pieds, profond et plein d'eau, qui baignait la muraille. Tout proche, à leur droite, le chemin du Roule finissait à la Porte Saint-Honoré, qu'on appelait aussi Porte des Aveugles, parce qu'elle était proche des Quinze-Vingts. Elle s'ouvrait sous un châtelet flanqué de tourelles et avait pour défenses avancées un boulevard clos de barrières de bois, semblable à ceux d'Orléans[166].

(p. 75) Les Parisiens ne s'attendaient pas à être attaqués en ce saint jour[167]. Pourtant les remparts n'étaient pas déserts, et l'on voyait sur les murs s'agiter des étendards et particulièrement une grande bannière blanche avec une croix de Saint-André vermeille[168].

Les Français s'établirent un peu en arrière de la butte des Moulins, à l'abri des plombées et des pierres que commençait à cracher l'artillerie des remparts. Là ils mirent en place leurs veuglaires, leurs couleuvrines et leurs canons, pour tirer sur les murs de la ville. Le gros de l'armée se tint sur cette position, observant la plus vaste étendue possible de murailles. Conduits par messire de Saint-Vallier, dauphinois, plusieurs capitaines et gens d'armes s'approchèrent de la porte Saint-Honoré et mirent le feu aux barrières. La garnison de cette porte s'étant retirée dans l'enceinte et nul ennemi ne sortant par quelque autre issue, la compagnie du maréchal de Rais s'avança avec les claies, les bourrées, les échelles, jusque sous les remparts. La Pucelle chevauchait à la tête de la compagnie. Ils mirent pied à terre entre la porte Saint-Denys et la porte Saint-Honoré, plus près de cette dernière, et descendirent dans le premier (p. 76) fossé qu'il n'était pas difficile de franchir. Mais ils se trouvèrent ensuite exposés, sur le dos d'âne, aux flèches et aux viretons qui pleuvaient dru du haut des murs[169]. Jeanne, comme aux Tourelles d'Orléans, faisait tenir sa bannière par un vaillant homme.

Quand elle fut sur le dos d'âne, elle cria à ceux de Paris:

—Rendez la ville au roi de France[170].

Les Bourguignons entendirent qu'elle disait aussi:

—Rendez-vous de par Jésus à nous tôt. Car si vous ne vous rendez avant qu'il soit la nuit, nous y entrerons par force, que vous le veuilliez ou non et tout sera mis à mort sans merci[171].

Elle restait sur le dos d'âne, sondant avec sa lance le grand fossé, qu'elle ne s'attendait pas à trouver si profond ni si plein. Il y avait pourtant onze jours qu'elle faisait avec les gens d'armes des reconnaissances sous les murs et cherchait avec eux l'endroit où donner l'assaut. Qu'elle ne s'entendît pas à préparer une attaque, rien de plus naturel. Mais que penser de ces hommes de guerre qui, pris au dépourvu, se tenaient là, sur le dos d'âne, aussi empêchés qu'elle, tout ébaubis de voir tant d'eau, si près de la Seine, qui était haute? Reconnaître les défenses d'une place forte, c'était l'a b c du métier. Capitaines et routiers ne se risquaient (p. 77) jamais sous une muraille sans s'être assurés d'avance s'il y avait eau, bourbe ou ronces; et ils se munissaient d'engins différents selon l'occurrence. Quand le fossé contenait beaucoup d'eau, ils y lançaient des bateaux de cuir transportés à dos de cheval[172]. Les gens d'armes du maréchal de Rais et de monseigneur d'Alençon en savaient moins que les plus chétifs coureurs d'aventures. Qu'eût pensé d'eux le bon La Hire? Tant d'ineptie et de négligence parut incroyable et l'on supposa que ces hommes de guerre connaissaient la profondeur du fossé, mais qu'ils ne dirent rien à la Pucelle, souhaitant qu'il lui arrivât mal[173]. En ce cas, pour nuire à cette enfant ils se nuisaient à eux-mêmes et s'engeignaient croyant l'engeigner, car ils restaient là sans avancer ni reculer.

Quelques-uns jetaient inutilement des bourrées dans le fossé. Cependant les défenseurs, assaillis par une multitude de traits, disparaissaient les uns après les autres[174]. Mais vers quatre heures du soir, les bourgeois arrivèrent en foule. Les canons de la porte Saint-Denys grondaient. On échangeait du haut en bas des flèches (p. 78) et des invectives. Les heures passaient, le soleil déclinait. La Pucelle ne cessait de tâter le fossé du bois de sa lance et de crier aux Parisiens qu'ils se rendissent.

—Voire paillarde! ribaude! lui cria un Bourguignon.

Et, d'un trait de son arbalète à hausse pied, il lui déchira son harnais de jambe et lui entailla la cuisse. Un autre Bourguignon tira sur l'homme d'armes qui portait l'étendard de la Pucelle et lui perça le pied d'un vireton. Le blessé souleva la visière de son heaume pour voir d'où venait le coup; aussitôt un trait l'atteignit entre les deux yeux. La Pucelle et le duc d'Alençon eurent grand regret de cet homme d'armes[175].

Blessée, Jeanne criait plus fort que chacun approchât des murs et que la place serait prise. On la mit à l'abri des traits contre l'épaulement du petit fossé. De là, elle pressait les gens d'armes de jeter des bourrées dans l'eau pour se faire un pont. Vers dix ou onze heures du soir, le sire de la Trémouille enjoignit aux combattants de se retirer. La Pucelle ne voulait point quitter la place. Sans doute elle entendait ses Saintes et voyait autour d'elle des milices célestes. Le duc d'Alençon l'envoya chercher; le vieux sire de Gaucourt[176] l'emporta avec l'aide d'un capitaine picard (p. 79) nommé Guichard Bournel, qui ne lui fit point plaisir ce jour-là et qui devait, six mois plus tard, lui causer, par sa félonie, un plus grand déplaisir[177]. Si elle n'avait pas été blessée, elle eût résisté davantage[178]. Elle céda à regret, disant:

—En nom Dieu! la place eût été prise[179].

Ils la mirent à cheval; elle put ainsi suivre l'armée. Le bruit courut qu'elle avait une cuisse et même les deux cuisses traversées, mais sa blessure était légère[180].

Les Français regagnèrent la Chapelle d'où ils étaient partis le matin. Ils emmenaient leurs blessés sur quelques-unes des charrettes qui leur avaient servi à transporter les bourrées et les échelles. Ils laissaient à l'ennemi trois cents charrettes à bras, six cent soixante échelles, quatre mille claies et les grandes bourrées dont ils n'avaient employé qu'une petite partie[181]. Leur retraite fut assez précipitée, car en passant devant la Grange des Mathurins, près des Porcherons, ils abandonnèrent leur bagage et y mirent le feu. On rapporta avec horreur qu'ils avaient jeté là dans les flammes, leurs morts, comme les païens de Rome[182]. Pourtant les Parisiens (p. 80) n'osèrent les poursuivre. À cette époque, les gens d'armes qui savaient leur métier ne se retiraient pas sans tendre un piège à l'adversaire. Ils plaçaient une grosse troupe en embuscade sur le chemin de leur retraite, prête à surprendre les coureurs lancés à leur poursuite[183]. Craignant une embûche de ce genre, ceux de Paris laissèrent les Armagnacs gagner tranquillement leur gîte à la Chapelle-Saint-Denys[184].

En somme, si l'on ne regarde qu'à l'action militaire, les Français avaient mal conduit les choses et ne les avaient pas poussées très énergiquement. Aussi bien n'était-ce pas sur l'action militaire que l'on comptait le plus. Ceux qui menaient la guerre, le roi et son Conseil, avaient bien l'idée qu'on entrerait ce jour-là dans Paris. Mais comment? Comme on était entré à Châlons, comme on était entré à Reims, comme on était entré dans toutes les villes depuis Troyes jusqu'à Compiègne. Le roi Charles s'était montré résolu à reprendre ses bonnes villes par le moyen des habitants: il se comportait envers Paris comme envers les autres villes.

Durant le voyage du sacre, il avait des intelligences avec les évêques et les bourgeois des cités champenoises; il avait de même des intelligences à Paris[185]. Il (p. 81) était en rapport avec des religieux, et notamment avec les carmes de Melun, dont le prieur, frère Pierre d'Allée, s'employait pour lui[186]. Des hommes stipendiés guettaient depuis quelque temps l'occasion de jeter le trouble par la ville et de faire entrer l'ennemi en un moment d'épouvante et de confusion. Pendant l'assaut, ils travaillèrent pour lui dans les rues. On ouït, l'après-midi, des deux côtés des ponts, les cris de «Sauve qui peut! les ennemis sont entrés! tout est perdu!» Ceux des bourgeois qui entendaient le sermon coururent s'enfermer chez eux. Et d'autres qui étaient dehors, se réfugiaient dans les églises. Mais la commotion s'arrêta court. Des hommes sensés, comme le greffier au Parlement, eurent bien l'impression que ce n'était qu'un semblant d'assaut et que Charles de Valois, pour prendre la ville, comptait, non sur la force des armes, mais sur un mouvement du peuple[187].

Quelques-uns des religieux qui servaient à Paris d'espions au roi Charles l'allèrent trouver à Saint-Denys, et l'avisèrent que le coup était manqué. Selon eux, il s'en était fallu de peu qu'il ne réussît[188].

On rapporte que le sire de la Trémouille ordonna la retraite, par crainte des massacres, les Français étant capables, une fois dedans, de tout tuer et tout brûler[189].

(p. 82) Le lendemain vendredi 9, la Pucelle, debout dès l'aube, malgré sa blessure, demanda au duc d'Alençon de faire sonner la chevauchée, voulant à toutes forces retourner devant Paris et jurant de n'en partir tant qu'elle n'aurait la ville[190]. Cependant les capitaines français envoyèrent à Paris un héraut chargé de demander un sauf-conduit pour enlever les morts qu'ils avaient laissés en assez grand nombre[191].

En dépit d'un si cruel dommage, après une retraite tranquille, à la vérité, mais désastreuse, et la perte de tout le matériel de siège, plusieurs chefs de guerre étaient d'avis, comme la Pucelle, de tenter un nouvel assaut. D'autres n'en voulaient pas entendre parler. Tandis qu'ils en disputaient, ils virent venir à eux un seigneur accompagné de cinquante gentilshommes; c'était le sire de Montmorency, premier baron chrétien de France, ce qui voulait dire le premier des anciens vassaux de la crosse de Paris. Il quittait la croix de Saint-André et s'offrait aux fleurs de Lis[192]. Sa venue donna aux gens du roi courage et bonne volonté de retourner devant la ville. L'armée s'y rendait, quand le comte de Clermont et le duc de Bar vinrent arrêter (p. 83) la marche, par ordre du roi, et ramener la Pucelle à Saint-Denys[193].

Le samedi 10, au petit jour, le duc d'Alençon se présenta avec un peu de chevalerie sur la berge, en amont de la ville, à l'endroit où, quelques jours auparavant, un pont avait été jeté sur la Seine. La Pucelle, toujours prompte au danger, accompagnait ces aventureux. Mais, prudemment, le roi avait, la nuit, fait démonter le pont, et la petite troupe dut rebrousser chemin[194]. Ce n'est pas que le roi renonçât à prendre Paris; il songeait plus que jamais à ravoir sa grand'ville; mais il la pensait ravoir sans assauts, avec la connivence de plusieurs bourgeois.

Il advint à Jeanne, en ce même lieu de Saint-Denys, une mésaventure qui, ce semble, fit impression sur ses compagnons et diminua, peut-être, la confiance qu'ils avaient en son bonheur à la guerre. Des filles, en grand nombre, comme de coutume, suivaient l'armée; chacun avait la sienne; on les nommait les amiètes. Jeanne ne pouvait les souffrir parce qu'elles y causaient des désordres, et surtout parce qu'elle avait horreur de l'état de péché où elles vivaient. On en faisait sur le moment même des contes comme celui-ci qui courut jusque dans les Allemagnes:

Il était au camp un homme qui avait sa mie près (p. 84) de lui, laquelle chevauchait en armes, pour n'être point reconnue. Or, la Pucelle dit aux seigneurs et capitaines: «Il y a une femme parmi nos gens.» Ils répondirent qu'ils n'en connaissaient point. Alors, la Pucelle fit assembler l'armée et s'étant approchée de la femme: «La voici,» dit-elle.

Et parlant à cette ribaude:

—Tu es de Gien et tu es grosse d'enfant. Et n'était cela, je te ferais mettre à mort. Tu as déjà laissé mourir un enfant, et n'en feras pas de même de celui-ci.

Quand la Pucelle eut ainsi parlé, les valets prirent la ribaude, la ramenèrent chez elle et la tinrent en garde jusqu'à sa délivrance d'enfant. Et elle confessa que la Pucelle avait dit vrai.

Après quoi, la Pucelle dit encore: «Il y a des femmes dans le camp.» Et deux ribaudes qui n'appartenaient pas à l'armée et qu'elle en avait déjà chassées, entendant ces paroles, décampèrent à cheval. Mais la Pucelle courut après elles en leur criant: «Vous, folles filles, je vous ai interdit ma compagnie.» Et elle tira son épée et frappa une des filles par la tête, si bien que celle-ci mourut[195].

Le conte disait vrai, Jeanne ne pouvait souffrir les ribaudes. Chaque fois qu'elle en rencontrait une, elle lui donnait la chasse. C'est ce qu'elle fit précisément à Gien, en voyant que de folles femme retardaient les gens du roi[196]. À Château-Thierry, elle avisa une amiète, (p. 85) qu'un homme d'armes menait en croupe, et courut après elle, l'épée à la main, et, l'ayant atteinte, elle l'avertit, sans la frapper, de ne plus se trouver désormais en la société des hommes d'armes:

—Sinon, ajouta-t-elle, je te ferai déplaisir[197].

À Saint-Denys, étant en compagnie du duc d'Alençon, elle poursuivit encore une de ces jouvencelles. Cette fois, elle ne se contenta pas de remontrances ni de menaces. Elle brisa sur elle son épée[198]. Était-ce l'épée de Sainte-Catherine? On le crut et non, sans doute, à tort[199]. Dans ce temps-là les esprits étaient pleins de tout ce que les romans rapportent des Joyeuse et des Durandal. Il parut que Jeanne, en perdant son épée, perdait sa force. On conta, en changeant un peu les circonstances, que le roi, lorsqu'il apprit l'aventure de l'épée rompue, en eut déplaisir et dit à la Pucelle: «Vous deviez prendre un bâton et frapper avec, sans risquer votre épée venue divinement[200].» On contait aussi que l'épée avait été remise à l'armurier pour en rejoindre les morceaux et qu'il n'avait jamais pu y réussir, et l'on voyait là une preuve qu'elle était fée[201].

Avant de partir, le roi laissa dans le pays le comte de Clermont comme chef militaire, avec plusieurs lieutenants: les seigneurs de Culant, Boussac, Loré, Foucault. (p. 86) Il institua une lieutenance générale composée, conjointement avec les comtes de Clermont et de Vendôme, des seigneurs Regnault de Chartres, Christophe d'Harcourt et Jean Tudert. Regnault de Chartres demeura dans la ville de Senlis, siège de la lieutenance. Ces dispositions prises, le roi quitta Saint-Denys le 13 septembre[202]. La Pucelle le suivit à contre-cœur; pourtant elle avait congé de ses Voix[203]. Elle déposa son harnais de guerre devant l'image de Notre-Dame et le précieux corps de monseigneur saint Denys[204]. Ce harnais était blanc, c'est-à-dire sans armoiries[205]. Elle suivait ainsi la coutume des hommes d'armes, qui, après qu'ils étaient grevés d'une blessure, s'ils n'en mouraient point, offraient, en action de grâces, à Notre-Dame ou aux saints leur armure. Aussi voyait-on, en ces temps de guerres, des chapelles qui, comme celle de Notre-Dame de Fierbois, ressemblaient à des arsenaux. La Pucelle joignit à son harnais une épée qu'elle avait gagnée devant Paris[206].

(p. 87) CHAPITRE IV
PRISE DE SAINT-PIERRE-LE-MOUSTIER. — LES FILLES SPIRITUELLES DE FRÈRE RICHARD. — LE SIÈGE DE LA CHARITÉ.

Le roi coucha le 14 septembre à Lagny-sur-Marne, traversa la Seine à Bray, et l'Yonne à un gué, près de Sens, passa par Courtenay, Châteaurenard, Montargis; arrivé à Gien le 21 septembre, il licencia l'armée qu'il ne pouvait payer, et chacun s'en fut chez soi. Le duc d'Alençon se retira dans sa vicomté de Beaumont-sur-Oise[207].

Apprenant que la reine venait à la rencontre du roi, Jeanne prit les devants et vint la saluer à Selles-en-Berry[208]. Elle fut conduite ensuite à Bourges, où le seigneur d'Albret, frère utérin du sire de la Trémouille, l'envoya loger chez messire Régnier de Bouligny, alors (p. 88) général sur le fait et gouvernement de toutes finances, l'un de ceux dont l'Université, en 1408, avait demandé la destitution comme inutiles et coupables de tout le mal. Il s'attacha au service du dauphin, passa de l'administration du domaine à celle des aides et atteignit le plus haut rang dans le gouvernement des finances[209]. Sa femme, ayant accompagné la reine à Selles, y vit la Pucelle et s'en émerveilla comme d'une créature envoyée de Dieu pour relever le roi et les Français fidèles au roi. Il lui souvenait du temps encore récent où elle avait vu le dauphin et son mari tirer le diable par la queue. Elle se nommait Marguerite La Touroulde, et elle était demoiselle et non dame, grosse bourgeoise sans plus[210].

Durant trois semaines, Jeanne demeura dans l'hôtel du général des finances. Elle y couchait, buvait et mangeait. Presque toutes les nuits, demoiselle Marguerite La Touroulde couchait avec elle: la civilité le voulait ainsi. On ne portait point de linge de nuit; on couchait nu dans de très grands lits. Il paraît que Jeanne n'aimait pas à coucher avec de vieilles femmes[211]. Demoiselle La Touroulde, sans être bien vieille, avait l'âge d'une matrone[212]; elle en avait aussi l'expérience et même (p. 89) elle prétendait, comme il y paraîtra tout à l'heure, en savoir plus que les matrones n'en savent. Diverses fois elle mena Jeanne au bain et aux étuves[213]. Cela encore était dans les règles du savoir-vivre; on n'eût pas fait grande chère aux personnes qu'on recevait si on ne les avait fait baigner. Les princes donnaient l'exemple de cette politesse; quand le roi et la reine soupaient dans l'hôtel de quelqu'un de leurs serviteurs et officiers, on leur préparait de beaux bains richement ornés où ils se mettaient avant de manger[214]. Demoiselle Marguerite La Touroulde n'avait pas chez elle, sans doute, ce qu'il fallait; elle mena Jeanne dehors au bain et aux étuves. Ce sont ses propres expressions qui peuvent s'entendre du bain de vapeur[215] plutôt que du bain d'eau chaude.

À Bourges, les étuves étaient dans le quartier d'Auron, au bas de la ville, près de la rivière[216]. Jeanne pratiquait une exacte dévotion, mais elle n'était pas soumise aux règles de la vie conventuelle; elle pouvait bien se baigner, comme la chaste Suzanne; et elle devait en (p. 90) avoir grand besoin après avoir couché à la paillade[217]. Ce qui est plus singulier, c'est que demoiselle Marguerite La Touroulde jugea, pour l'avoir vue au bain, que Jeanne, selon toute apparence, était vierge[218].

Dans l'hôtel de messire Régnier de Bouligny, ainsi que partout où elle logeait, elle menait une vie de béguine, sans austérités excessives. Elle se confessait très souvent. Maintes fois, elle demanda à son hôtesse de l'accompagner à Matines. Les Matines se chantaient tous les jours à la cathédrale et dans les collégiales, entre quatre et six heures du soir, au moment où le soleil descendait à l'horizon. Demoiselle La Touroulde l'y mena plusieurs fois. Fréquemment elles causaient toutes deux ensemble; la femme du général des finances la trouvait bien simple et bien ignorante. Elle s'apercevait avec surprise que cette jeune fille ne savait absolument rien[219].

Jeanne lui conta, entre autres choses, sa visite au vieux duc de Lorraine, et comment elle l'avait repris sur sa mauvaise conduite; elle parla aussi des examens que lui avaient fait subir les maîtres de Poitiers[220]. Elle était persuadée que ces clercs l'avaient interrogée avec une extrême sévérité et croyait de bonne foi qu'elle (p. 91) avait triomphé de leur mauvais vouloir. Hélas! elle devait connaître avant peu des clercs moins accommodants.

Demoiselle Marguerite lui dit un jour:

—Si vous ne craignez point d'aller aux assauts, c'est que vous savez bien que vous ne serez point tuée.

À quoi Jeanne répondit:

—Je n'en suis pas plus sûre que les autres gens de guerre.

Fréquemment des femmes venaient à l'hôtel de Bouligny, apportant des patenôtres et de menus objets de piété pour les faire toucher par la Pucelle.

Et Jeanne disait, en riant, à son hôtesse:

—Touchez-les vous-même. Ils seront aussi bons par votre toucher que par le mien[221].

En entendant cette répartie, demoiselle Marguerite dut bien s'apercevoir que Jeanne, pour ignorante qu'elle était, montrait parfois dans ses propos du bon sens et de la bonne grâce.

Cette dame, qui trouvait la Pucelle de toute façon une innocente, l'estimait, au contraire, experte dans les armes. Soit qu'elle jugeât par elle-même du savoir-faire de la sainte en gendarmerie, soit qu'elle en parlât par ouï dire, comme il semble, elle déclara plus tard que cette jeune fille «montait à cheval et maniait la lance comme l'eût fait le meilleur chevalier et que l'armée en (p. 92) était dans l'admiration[222]». Les capitaines d'alors n'en savaient pas davantage pour la plupart.

Il est croyable qu'il y avait des dés et des cornets dans l'hôtel de Bouligny, sans quoi Jeanne n'aurait pas eu l'occasion de montrer cette horreur du jeu de dés que remarqua son hôtesse. À cet égard, elle pensait de même que frère Richard, son compagnon, et que toute personne de bonne vie et doctrine[223].

Jeanne distribuait en aumônes l'argent qu'elle avait. Elle disait: «J'ai été envoyée pour la consolation des pauvres et des indigents[224]

De tels propos, répandus dans la foule, inspiraient au peuple la croyance que cette pucelle de Dieu n'avait pas été suscitée seulement pour la gloire des Lis, et qu'elle venait guérir les maux dont souffrait le royaume, tels que meurtres, pilleries et grièves offenses à Dieu. Les âmes mystiques espéraient d'elle la réforme de l'Église et le règne de Jésus-Christ en ce monde. Elle était invoquée comme une sainte et l'on voyait, dans les provinces fidèles au dauphin, ses images peintes et taillées offertes à la vénération des fidèles, en sorte qu'elle jouissait, vivante, des privilèges de la béatification[225].

Cependant, au nord de la Seine, Anglais et Bourguignons (p. 93) recommençaient la danse. Le duc de Vendôme se repliait avec sa compagnie sur Senlis, les Anglais se ruaient sur la ville de Saint-Denys et la saccageaient à nouveau. Ils trouvèrent dans l'église abbatiale l'armure de la Pucelle et, sur l'ordre de l'évêque de Thérouanne, chancelier d'Angleterre, l'enlevèrent, ce qui fut considéré par le clergé français comme un sacrilège manifeste, pour cette raison qu'ils ne donnèrent rien en échange aux moines de l'abbaye.

Le roi se tenait alors à Mehun-sur-Yèvre, tout proche la ville de Bourges, en un château, l'un des plus beaux du monde, qui s'élevait sur un rocher et regardait la ville. Le feu duc Jean de Berry, grand amateur de bâtiments, l'avait fait construire avec le soin et l'amour qu'il donnait à toutes choses d'art. Mehun était le séjour préféré du roi Charles[226].

Le duc d'Alençon, qui attendait des gens pour entrer en Normandie par les Marches de Bretagne et du Maine, pensant ravoir son duché, fit demander au roi qu'il lui plût lui donner la Pucelle. «Beaucoup, disait le duc, se mettront en sa compagnie, qui ne bougeront de chez eux si elle ne vient pas.» C'était donc qu'elle n'était pas trop décriée pour sa déconfiture sous Paris. (p. 94) Le sire de la Trémouille s'opposa à ce qu'elle fût remise au duc d'Alençon, dont il se défiait, non sans quelque apparence de motif. Il la remit à son frère utérin, le sire d'Albret, lieutenant du roi en son pays de Berry[227].

Le Conseil royal estimait nécessaire de recouvrer la ville de La Charité, qu'on avait laissée aux mains des Anglais quand on était parti pour le voyage du sacre[228]; mais il décida qu'on se porterait d'abord sur Saint-Pierre-le-Moustier qui commandait les approches du Bec-d'Allier[229]. Cette petite ville était occupée par une garnison d'Anglais et de Bourguignons qui, de là, se répandaient dans le Berry et le Bourbonnais et pillaient les villages, ravageaient les campagnes. C'est à Bourges que se rassembla l'armée chargée de cette expédition. Elle était sous les ordres de monseigneur d'Albret[230]; le bruit public en attribuait le commandement à Jeanne. Le commun peuple, les bourgeois des villes, les habitants d'Orléans surtout ne connaissaient qu'elle.

Après quelques jours de siège, les gens du roi donnèrent l'assaut. Mais ils furent repoussés par ceux du dedans. L'écuyer Jean d'Aulon, intendant de la Pucelle, (p. 95) qui avait reçu quelque temps auparavant une blessure au talon, et ne marchait qu'avec des béquilles, s'était retiré comme les autres[231]. Il se retourna et vit Jeanne demeurée presque seule au bord du fossé. De crainte qu'il ne lui arrivât mal, il sauta à cheval, tira vers elle et lui cria:

—Que faites-vous ainsi seule? Pourquoi ne vous retirez-vous pas comme les autres?

Jeanne ôta sa salade de dessus sa tête et lui répondit:

—Je ne suis pas seule. J'ai en ma compagnie cinquante mille de mes gens. Et je ne partirai point d'ici jusqu'à ce que j'aie pris la ville.

Messire Jean d'Aulon, écarquillant les yeux, ne voyait autour de la Pucelle que quatre ou cinq hommes.

Il lui cria de plus belle:

—En allez-vous d'ici, et retirez-vous comme les autres font.

En guise de réponse, elle demanda qu'on lui apportât des fagots et des claies pour combler le fossé. Et aussitôt elle appela à haute voix:

—Aux fagots et aux claies, tout le monde! afin de faire un pont.

Les gens d'armes accoururent, le pont fut fait incontinent et la ville prise d'assaut sans grande difficulté. Du moins c'est ainsi que le bon écuyer Jean d'Aulon (p. 96) conta l'affaire[232]. Il n'était pas très éloigné de croire que les cinquante mille fantômes de la Pucelle s'étaient emparés de Saint-Pierre-le-Moustier.

À ce moment, il se trouvait auprès de la petite armée de la Loire plusieurs saintes femmes qui menaient, ainsi que Jeanne, une vie singulière et communiquaient avec l'Église triomphante. C'était, pour ainsi dire, un béguinage volant, qui suivait les gens d'armes. L'une de ces femmes se nommait Catherine de La Rochelle; deux autres étaient de la Bretagne bretonnante[233].

Elles avaient toutes des visions merveilleuses; Jeanne voyait monseigneur saint Michel en armes et mesdames sainte Catherine et sainte Marguerite portant des couronnes[234]; la Pierronne voyait Dieu long vêtu d'une robe blanche avec une huque vermeille[235]; Catherine de La Rochelle voyait une dame blanche, habillée de drap d'or, et, au moment de la consécration, on (p. 97) ne sait quelles merveilles du haut secret de Notre-Seigneur lui étaient révélées[236].

Frère Jean Pasquerel demeurait auprès de Jeanne en qualité de chapelain[237]; il comptait mener sa pénitente à la croisade contre les hussites, car c'est surtout à ces infidèles que le bon frère en voulait. Mais le cordelier qui depuis Troyes s'était joint aux mendiants de la première heure, frère Richard, l'avait entièrement supplanté; il conduisait à sa volonté la petite troupe des inspirées. On disait que c'était leur beau père; il les endoctrinait[238]. Ses desseins sur ces filles n'étaient pas très différents de ceux du bon frère Pasquerel: il se proposait de les conduire dans ces guerres pour le triomphe de la Croix qui devaient, selon lui, précéder la fin prochaine du monde[239].

En attendant, il s'efforçait de les faire vivre entre elles en bonne intelligence; et il y avait grand'peine, ce semble, si habile prêcheur qu'il fût. Sans cesse naissaient dans la confrérie les soupçons et les querelles. Jeanne, qui fréquentait avec Catherine de La Rochelle à Montfaucon en Brie et à Jargeau, flaira une rivale et se mit tout de suite en défiance[240]. Elle n'avait peut-être pas tort. On pouvait, d'un moment à l'autre, se servir (p. 98) de ces Bretonnes et de cette Catherine comme on s'était servi d'elle[241]. Une inspirée alors était bonne à tout, à l'édification du peuple, à la réforme de l'Église, à la conduite des gens d'armes, à la circulation des monnaies, à la guerre, à la paix; dès qu'il en paraissait une, chacun la tirait à soi. Il semble bien qu'après avoir mis en œuvre la pucelle Jeanne pour délivrer Orléans, les conseillers du roi pensaient maintenant mettre en œuvre cette dame Catherine pour faire la paix avec le duc de Bourgogne. On trouvait opportun d'appliquer à cette tâche une sainte moins chevalière que Jeanne. Catherine était mariée, mère de famille. Il ne fallait pas s'étonner pour cela qu'elle fût favorisée de visions: si le don de prophétie est particulièrement réservé aux vierges, on voit, par l'exemple de Judith, que le Seigneur peut susciter des femmes fortes pour le salut de son peuple.

À croire, comme son surnom l'indique, qu'elle venait de La Rochelle, son origine donnait confiance aux Armagnacs. Les habitants de La Rochelle, tous plus ou moins corsaires, faisaient trop bonne et profitable chasse aux navires anglais pour quitter le parti du dauphin, qui récompensait d'ailleurs leur fidélité par de beaux privilèges pour le trafic des marchandises[242]. Ils envoyèrent (p. 99) des dons d'argent à ceux d'Orléans et lorsque, au mois de mai, ils apprirent que la cité du duc Charles était délivrée, ils instituèrent une fête publique en mémoire de cet heureux événement.

Le premier emploi, ce semble, que tenait une sainte dans l'armée, c'était l'emploi de quêteuse. Jeanne demandait à tous moments, par lettres missives, de l'argent ou des engins de guerre aux bonnes villes, les bourgeois lui promettaient toujours et s'acquittaient quelquefois de leur promesse. Catherine de La Rochelle paraît avoir eu des révélations spéciales en matière de finances, et s'être donné une mission trésorière, comme Jeanne s'était donné une mission guerrière. Elle annonçait qu'elle irait vers le duc de Bourgogne pour conclure la paix[243]. À en juger par le peu qu'on en sait, les inspirations de cette sainte dame n'étaient ni très hautes, ni très ordonnées, ni très profondes.

À Montfaucon en Berry (ou à Jargeau), rencontrant Jeanne, elle lui parla de la sorte:

—Il est venu à moi une dame blanche, vêtue de drap d'or, qui m'a dit: «Va par les bonnes villes et que le roi te donne des hérauts et trompettes pour faire crier: «Quiconque a or, argent ou trésor caché, qu'il l'apporte à l'instant.»

Dame Catherine ajouta:

—Ceux qui en auront de caché et ne feront point (p. 100) ainsi, je les connaîtrai bien et saurai trouver leurs trésors.

Elle jugeait nécessaire de combattre les Anglais et semblait croire que Jeanne eût mission de les chasser, puisqu'elle lui offrit obligeamment le produit de ses recettes miraculeuses:

—Ce sera, dit-elle, pour payer vos gens d'armes.

Mais la Pucelle lui répondit avec mépris:

—Retournez à votre mari faire votre ménage et nourrir vos enfants[244].

Les disputes des saintes sont très âpres d'ordinaire. Jeanne n'admettait pas qu'il y eût dans le fait de cette rivale autre chose que folie et néant. Pourtant, elle ne jugeait pas impossible qu'on reçût la visite d'une dame blanche, elle vers qui se rendaient chaque jour autant de saints et de saintes, d'anges et d'archanges qu'on n'en peignit jamais sur les pages des livres et sur les murs des moutiers. Pour en avoir le cœur net, elle prit le bon moyen. Un docteur peut raisonner sur l'objet et la substance, l'origine et la forme des idées, la naissance des images dans l'entendement; une gardeuse de moutons prendra un parti plus sûr: elle s'en rapportera à ses yeux.

Jeanne demanda à Catherine si cette dame blanche venait toutes les nuits et, apprenant qu'oui:

—Je coucherai avec vous, dit-elle.

(p. 101) Le soir arrivé, elle se mit dans le lit de Catherine, veilla jusqu'à minuit, ne vit rien et s'endormit, car elle était jeune et avait grand besoin de sommeil.

Le matin, à son réveil, elle demanda:

—Est-elle venue?

—Elle est venue, répondit Catherine. Vous dormiez et je n'ai pas voulu vous éveiller.

—Ne viendra-t-elle point demain?

Catherine lui promit qu'elle viendrait sans faute.

Cette fois, Jeanne, ayant dormi le jour pour pouvoir mieux veiller, coucha le soir encore dans le lit de Catherine et garda les yeux ouverts.

Souvent, elle demandait:

—Viendra-t-elle point?

Et Catherine répondait:

—Oui, tout à l'heure.

Mais Jeanne ne vit rien[245].

Elle tint la preuve pour bonne. Pourtant, la dame blanche, habillée de drap d'or, lui trottait encore dans la tête. Quand madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite vinrent la voir, ce qui ne tarda guère, elle leur parla de cette dame blanche et leur demanda ce qu'il en fallait penser. La réponse fut telle que Jeanne l'attendait.

—Dans le fait de cette Catherine, il n'y a, dirent-elles, que folie et néant[246].

(p. 102) Et Jeanne dut s'écrier:

—C'était bien ce que je pensais!

La lutte entre les deux prophétesses fut courte, mais acharnée. Jeanne prenait toujours le contre-pied de ce que disait Catherine. Comme celle-ci voulait aller voir le duc de Bourgogne pour faire la paix, Jeanne lui dit:

—Il me semble qu'on n'y trouvera point de paix si ce n'est par le bout de la lance[247].

Il y eut un sujet tout au moins où la dame blanche fut plus habile prophétesse que les conseillères de la Pucelle: ce fut le siège de La Charité. Lorsque Jeanne voulut aller délivrer cette ville, Catherine lui conseilla de n'en rien faire.

—Il fait trop froid, dit-elle, je n'irai point[248].

La raison que donnait Catherine n'était point haute; pourtant, il est vrai que Jeanne aurait mieux fait de ne pas aller au siège de La Charité.

La Charité, enlevée au duc de Bourgogne par le dauphin en 1422, avait été reprise en 1424 par Perrinet Gressart[249], fortuné capitaine, devenu, d'apprenti maçon, panetier du duc de Bourgogne et seigneur de Laigny, de par le roi d'Angleterre[250]. Le 30 décembre 1425, le (p. 103) sire de La Trémouille, qui se rendait auprès du duc Philippe pour une de ces négociations sempiternelles, fut arrêté par les gens de Perrinet, et renfermé pendant plusieurs mois dans cette place dont son ravisseur était capitaine. Il lui fallut payer une rançon de quatorze mille écus d'or, et, bien qu'il eût pris cette somme dans le trésor royal[251], il devait garder rancune à Perrinet, et l'on peut penser que, s'il envoyait des gens d'armes à La Charité, c'était pour prendre tout de bon la ville et non dans quelque noir dessein contre la Pucelle.

L'armée qui allait contre ce capitaine bourguignon, grand détrousseur de pèlerins, n'était pas composée de gens de rien. Ses chefs étaient Louis de Bourbon, comte de Montpensier, et Charles II, sire d'Albret, frère utérin de La Trémouille et compagnon de Jeanne à l'armée du sacre. Sans doute elle manquait de matériel et d'argent[252]. Condition ordinaire des armées d'alors. Quand le roi voulait attaquer une place tenue par ses ennemis, il fallait qu'il s'adressât à ses bonnes villes, (p. 104) pour obtenir d'elles les ressources nécessaires. La Pucelle, qui était une sainte et une guerrière, avait bonne grâce à mendier des armes; mais peut-être se faisait-elle illusion sur les ressources des villes qui avaient déjà tant donné.

Le 7 novembre, elle signa avec monseigneur d'Albret une lettre par laquelle elle demandait à ceux de Clermont en Auvergne, de la poudre, des traits et de l'artillerie. Les messieurs d'Église, les élus et les habitants envoyèrent deux quintaux de salpêtre, un quintal de soufre, deux caisses de traits; ils y joignirent une épée, deux dagues, et une hache d'armes pour la Pucelle, et ils chargèrent messire Robert Andrieu de présenter cet envoi à Jeanne et à monseigneur d'Albret[253].

Le 9 novembre, la Pucelle était à Moulins en Bourbonnais[254]. Qu'y faisait-elle? On ne sait. Alors se trouvait dans cette ville une très sainte abbesse et très vénérée, Colette Boilet, qui s'était attiré les plus hautes louanges et les plus bas outrages en travaillant avec un zèle merveilleux à la réforme des filles de sainte Claire. Colette habitait le couvent de clarisses qu'elle venait de fonder en cette ville. On a supposé que la Pucelle était allée à Moulins afin de s'y rencontrer avec elle. Il faudrait d'abord savoir si ces deux saintes avaient (p. 105) de l'inclination l'une pour l'autre; elles faisaient toutes deux des miracles, et des miracles parfois assez semblables[255]; ce n'était pas une raison pour qu'elles prissent le moindre plaisir à se trouver ensemble. L'une était nommée la Pucelle, l'autre la Petite Ancelle; mais, sous ces noms d'une égale humilité, bien différentes d'habit et de mœurs, celle-ci cheminait sur les routes enveloppée de haillons comme une mendiante, celle-là chevauchait en huque d'or entre les seigneurs. Rien ne donne à croire que Jeanne, qui vivait parmi des franciscains soustraits à toute règle, éprouvât de la vénération pour la réformatrice des clarisses; rien ne dit que la pacifique Colette, très attachée à la maison de Bourgogne[256], ait désiré s'entretenir avec l'ange exterminateur des Anglais[257].

De cette ville de Moulins, Jeanne dicta une lettre par laquelle elle avertissait les habitants de Riom que Saint-Pierre-le-Moustier était pris et leur demandait, comme à ceux de Clermont, du matériel de guerre[258].

(p. 106) Voici cette lettre:

Chers et bons amis, vous savez bien comment la ville de Saint Pere le Moustier a esté prinse d'assault; et, à l'aide de Dieu, ay entencion de faire vuider les autres places qui sont contraires au roy; mais pour ce que grant despense de pouldres, trait et autres habillemens de guerre a esté faicte devant ladite ville, et que petitement les seigneurs qui sont en ceste ville et moy en sommes pourveuz pour aler mectre le siège devant La Charité, où nous alons prestement; je vous prie, sur tant que vous aymez le bien et honneur du roy et aussi de tous les autres de par deçà, que vueillez incontinant envoyer et aider pour ledit siège de pouldres, salepestre, souffre, trait, arbelestres fortes, et d'autres habillemens de guerre. Et en ce faictes tant que par faulte desdictes pouldres et autres habillemens de guerre, la chose ne soit longue, et que on ne vous puisse dire en ce estre negligens ou refusans. Chers et bons amis, Nostre Sire soit garde de vous. Escript à Molins, le neufme jour de novembre.

JEHANNE.

Sur l'adresse: À mes chiers et bons amis, les gens d'église, bourgois et habitans de la ville de Rion[259].

Les consuls de Riom s'engagèrent, par lettres scellées de leur sceau, à donner à Jeanne la Pucelle et à monseigneur d'Albret une somme de soixante écus; mais quand les gouverneurs de l'artillerie pour le siège vinrent leur réclamer cette somme, les consuls ne donnèrent pas une maille[260].

Désireux, au contraire, de voir réduire une place qui (p. 107) interceptait le cours de la Loire à trente lieues en amont de leur ville, les habitants d'Orléans, cette fois encore, se montrèrent zélés et magnifiques. On les doit tenir pour les vrais sauveurs du royaume; sans eux, au mois de juin, on n'aurait pas pu prendre Jargeau ni Beaugency. Tout au commencement de juillet, alors qu'ils croyaient à la continuation de la campagne de la Loire, ils avaient fait conduire à Gien leur grosse bombarde, la Bougue. Ils y joignirent des munitions, des vivres, et, dans les premiers jours de décembre, sur la demande du roi aux procureurs de la ville, ils dirigèrent sur La Charité toute l'artillerie ramenée de Gien; quatre-vingt-neuf soldats de la milice urbaine, portant la huque aux couleurs du duc d'Orléans, la croix blanche sur la poitrine, trompette en tête, commandés par le capitaine Boiau; des ouvriers de tous états, maçons et manœuvres, charpentiers, forgerons; les couleuvriniers Fauveau, Gervaise Lefèvre, et frère Jacques, religieux du couvent des cordeliers d'Orléans[261]. Que fit-on de cette grosse artillerie et de ces braves gens?

Le 24 novembre, le sire d'Albret et la Pucelle, se trouvant sous les murs de La Charité en grande détresse, sollicitèrent semblablement la ville de Bourges. Au reçu de leur lettre, les bourgeois décidèrent d'envoyer (p. 108) treize cents écus d'or. Pour se procurer cette somme ils employèrent un moyen usuel, auquel notamment ceux d'Orléans avaient eu recours quand, en vue de fournir à Jeanne, quelque temps auparavant, des munitions de guerre, ils achetèrent d'un habitant une certaine quantité de sel qu'ils firent mettre à l'enchère au grenier de la ville. Les habitants de Bourges firent vendre à la criée la ferme annuelle du treizième du vin vendu en détail dans la ville. Mais l'argent qu'ils se procurèrent ainsi n'arriva pas à destination[262].

Il y avait sous La Charité une brillante chevalerie; outre Louis de Bourbon et le sire d'Albret, il s'y trouvait le maréchal de Boussac, Jean de Bouray, sénéchal de Toulouse, Raymon de Montremur, baron dauphinois, qui y fut tué[263]. Il faisait un froid cruel et les assiégeants ne réussissaient à rien. Après un mois, Perrinet Gressart, qui connaissait plus d'un tour, les fit tomber dans on ne sait quelle embûche. Ils levèrent le siège, laissant l'artillerie des bonnes villes, les beaux canons payés des deniers des bourgeois économes[264]. Et ce qui rendait leur cas peu louable, c'est que la ville, n'étant pas secourue et ne pouvant l'être, devait capituler (p. 109) un jour ou l'autre. Ils alléguaient en leur faveur que le roi n'avait envoyé ni vivres ni argent[265]; mais ce ne parut point une excuse et leur fait fut jugé honteux. Un chevalier expert en l'honneur des armes a dit: «On ne doit jamais assiéger une place que premièrement on ne soit sûr de vivres et de solde. Car trop grande honte est à un ost, spécialement quand il y a roi ou lieutenant du roi, d'assiéger une place et puis de s'en lever[266]

Le 13 décembre, un moine dominicain, frère Hélie Boudant, pénitencier du pape Martin pour la ville et diocèse de Limoges, s'étant rendu dans la ville de Périgueux, y prêcha le peuple; il prit pour texte de son sermon les grands miracles accomplis en France par l'intervention d'une Pucelle qui était venue trouver le roi de par Dieu. À cette occasion le maire et les consuls entendirent une messe chantée et firent mettre deux cierges. Or, frère Hélie était depuis deux mois sous le coup d'un mandat d'amener lancé par le parlement de Poitiers[267]. On ignore l'accusation qui pesait sur lui. Les moines mendiants se montraient alors, pour la plupart, déréglés dans leurs mœurs et faillibles dans leur foi. Le frère Richard lui-même ne laissait (p. 110) pas d'inspirer parfois des soupçons sur la pureté de sa doctrine.

À la Noël de cette année 1429, le béguinage volant étant réuni à Jargeau[268], ce bon frère dit la messe et donna la communion trois fois à Jeanne la Pucelle et deux fois à cette Pierronne, de la Bretagne bretonnante, avec qui Notre-Seigneur causait comme un ami avec un ami. Et l'on pouvait voir là, sinon une transgression formelle des lois de l'Église, du moins un abus condamnable du sacrement[269]. Un formidable orage théologique s'amassait dès lors, prêt à fondre sur les filles spirituelles du frère Richard. Peu de jours après l'attaque de Paris, la très vénérable Université avait fait composer, ou plutôt transcrire un traité De bono et maligno spiritu, en vue, probablement, d'y trouver des arguments contre le frère Richard et sa prophétesse Jeanne, venus tous deux de compagnie avec les Armagnacs devant la grand'ville[270].

Vers le même temps, un clerc de la faculté des décrets avait lancé une réponse sommaire au mémoire du chancelier Gerson sur la Pucelle. «Il ne suffit pas, y disait-il, que quelqu'un nous affirme bonnement qu'il est envoyé de Dieu: tout hérétique le prétend; mais il importe qu'il prouve cette mission invisible (p. 111) par opération miraculeuse ou témoignage spécial de l'Écriture.» Le clerc de Paris nie que la Pucelle ait fait cette preuve, et à la juger sur sa conduite, il la croit plutôt envoyée par le diable. Il lui fait grief de porter un habit interdit aux femmes, sous peine d'anathème, et rejette les excuses alléguées sur ce point par Gerson. Il lui reproche d'avoir excité, entre les princes et le peuple chrétiens, plus grande guerre que n'était auparavant. Il la tient pour idolâtre, usant de sortilèges et de fausses prophéties; il l'incrimine d'avoir entraîné les hommes à se rendre homicides pendant les deux fêtes principales de la très sainte Vierge, l'Assomption et la Nativité: «offenses que l'Ennemi du genre humain a infligées au Créateur et à sa très glorieuse Mère, par le moyen de cette femme. Et bien qu'il en ait résulté quelques meurtres, grâce à Dieu, ils n'ont pas répondu aux intentions de cette ennemie.

»Tout cela manifestement, ajoute ce fils dévoué de l'Université, contient erreur et hérésie». Il en conclut que cette Pucelle doit être traduite devant l'évêque et l'inquisiteur et termine en invoquant ce texte de saint Jérôme: «Il faut tailler les chairs pourries; il faut chasser la brebis galeuse du bercail[271]

Tel était le sentiment unanime de l'Université de Paris sur celle en qui les clercs français reconnaissaient (p. 112) un ange du Seigneur. Au mois de novembre, le bruit courait à Bruges, recueilli par des religieux, que la fille aînée des rois avait envoyé à Rome, près du pape, des députés pour dénoncer la Pucelle comme fausse prophétesse, abuseresse, ainsi que ceux qui croyaient en elle; nous ignorons le véritable objet de cette ambassade[272]. Sans nul doute les docteurs et maîtres parisiens étaient dès lors résolus, s'ils tenaient un jour cette fille, à ne pas la laisser échapper et à ne point l'envoyer juger à Rome où elle courait chance de s'en tirer avec une pénitence et même d'être engagée dans les soudoyers du Saint-Père[273].

En pays anglais et bourguignons elle était regardée comme hérétique, non seulement par les clercs, mais par la multitude des gens de toute condition. Et ceux qui, peu nombreux dans ces contrées, l'estimaient bonne, devaient s'en taire soigneusement. Après la retraite de Saint-Denys il restait peut-être en Picardie et notamment à Abbeville quelques personnes favorables à la prophétesse des Français; il ne fallait pas parler en public de ces gens-là.

Colin Gouye, surnommé le Sourd, et Jehannin Daix, surnommé Petit, natif d'Abbeville, l'apprirent à leurs dépens. En cette ville, vers la mi-septembre, le Sourd et Petit, se trouvant contre la forge d'un maréchal, en compagnie de plusieurs bourgeois et habitants, notamment (p. 113) d'un héraut, parlèrent des faits de cette Pucelle qui menait si grand bruit dans la chrétienté. À un propos que tint le héraut sur elle, Petit répliqua vivement:

—Bren! bren! Chose que dit et fait cette femme n'est qu'abusion.

Le Sourd parla dans le même sens:

—À cette femme, dit-il, l'on ne doit ajouter foi. Ceux qui croient en elle sont fols et sentent la persinée.

Il entendait par là qu'ils sentaient la grillade au persil, le roussi, étant déjà, autant dire, sur le feu du bûcher.

Et il eut le malheur d'ajouter:

—Il y a en cette ville plusieurs autres qui sentent la persinée.

C'était diffamer les habitants d'Abbeville et les rendre suspects. Le maire et les échevins, ayant eu connaissance de ce propos, firent mettre le Sourd en prison. Sans doute Petit avait dit quelque chose de semblable, car il fut envoyé pareillement en prison[274].

En disant que plusieurs de leurs concitoyens sentaient la persinée, le Sourd les mettait en grand danger d'être recherchés par l'ordinaire et l'inquisiteur comme hérétiques et sorciers notoirement diffamés. Quant à la Pucelle, en quelle odeur de persinée elle (p. 114) était, puisqu'il suffisait de prendre son parti pour sentir le roussi!

Pendant que le frère Richard et ses filles spirituelles se voyaient ainsi menacés de faire une mauvaise fin, s'ils tombaient aux mains des Anglais et des Bourguignons, de grands troubles agitaient la confrérie. Jeanne, au sujet de Catherine, entra en lutte ouverte avec son bon père. Frère Richard voulait qu'on mît en œuvre la sainte dame de La Rochelle. Jeanne, craignant que ce conseil ne fût suivi, écrivit à son roi ce qu'il devait faire de cette femme, c'est-à-dire qu'il la devait certes renvoyer à son mari et à ses enfants.

Quand elle alla vers le roi, elle n'eut rien de plus pressé que de lui dire:

—C'est tout folie et tout néant du fait de Catherine.

Frère Richard laissa voir à la Pucelle son profond mécontentement[275]. Il était fort bien en cour, et c'est sans doute avec l'agrément du Conseil royal qu'il essayait de mettre en œuvre cette dame Catherine. La Pucelle avait réussi; on pensait qu'une autre voyante réussirait de même.

Ce qui ne veut pas dire que, dans le Conseil on renonçât aux services que Jeanne rendait à la cause française. Même après les mauvaises journées de Paris et de La Charité bien des gens lui attribuaient comme (p. 115) autrefois une puissance surnaturelle et il y a lieu de croire que plusieurs, à la Cour, comptaient l'employer encore[276].

Et quand même on eût voulu la rejeter, elle se tenait trop près des Lis pour qu'on pût désormais négliger ses honneurs sans offenser en même temps l'honneur des Lis. Le 29 décembre 1429, à Mehun-sur-Yèvre, le roi lui donna des lettres de noblesse scellées du grand sceau de cire verte, sur double queue, en lés de soie rouge et verte[277].

L'anoblissement concernait Jeanne, ses père, mère, frères, même au cas où ils ne fussent pas de condition libre, et toute leur postérité mâle et féminine. Clause singulière, répondant aux services singuliers rendus par une femme.

Dans ces lettres, elle est nommée Johanna d'Ay, sans doute parce que le nom de son père fut recueilli à la chancellerie royale sur les lèvres des Lorrains qui le prononçaient ainsi d'un accent lent et sourd; mais que ce nom soit Ay ou Arc, on ne le lui donnait guère; on l'appelait communément Jeanne la Pucelle[278].

(p. 116) CHAPITRE V
LES LETTRES AUX HABITANTS DE REIMS. — LA LETTRE AUX HUSSITES. — LE DÉPART DE SULLY.

Les habitants d'Orléans étaient reconnaissants à la Pucelle de ce qu'elle avait accompli pour eux. Sans lui faire un grief de la déroute par laquelle s'était terminé le siège de La Charité, ils la reçurent dans leur ville avec la même joie et lui firent aussi bonne chère qu'auparavant. Le 19 janvier 1430, ils offrirent à elle, à maître Jean de Velly et à maître Jean Rabateau un repas où ne manquaient ni chapons, ni perdrix, ni lièvres, où même un faisan était dressé[279]. Ce Jean de Velly, qui fut festoyé avec elle, ne nous est pas connu. Quant à Jean Rabateau, ce n'était pas moins qu'un conseiller du roi, avocat général au Parlement de Poitiers, depuis 1427[280]. Il avait été l'hôte de la Pucelle dans (p. 117) cette ville. Sa femme avait souvent vu Jeanne agenouillée dans l'oratoire de l'hôtel[281]. Les habitants d'Orléans présentèrent le vin à l'avocat du roi, à Jean de Velly et à la Pucelle. Beau festoiement, certes, et cérémonieux. Les bourgeois aimaient et honoraient Jeanne, mais, dans le repas, ils ne l'observèrent pas finement; car, lorsqu'une aventurière, dans huit ans, se donnera pour elle, ils s'y tromperont et lui offriront le vin de la même manière; et ce sera le même varlet de la ville, Jacques Leprestre, qui le présentera[282].

Un peintre, nommé Hamish Power, avait imagé, à Tours, cet étendard que la Pucelle aimait plus encore que l'épée de sainte Catherine. Quand elle apprit que Power mariait sa fille Héliote, Jeanne demanda, par lettre, aux élus de la ville de Tours une somme de cent écus pour le trousseau de la mariée. La cérémonie nuptiale était fixée au 9 février 1430. Les élus se réunirent par deux fois pour délibérer sur la demande de celle qu'ils nommaient avec honneur, mais non sans prudence: «la Pucelle venue en ce royaume vers le roi, pour le fait de guerre et se donnant à lui comme envoyée de par le roi du Ciel contre les Anglais». Ils refusèrent de rien payer, pour cette raison qu'il convenait d'employer les deniers qu'ils administraient (p. 118) à l'entretien de la ville et non autrement; mais ils décidèrent que, pour l'amour et honneur de la Pucelle, les gens d'Église, bourgeois et habitants de la ville assisteraient à la bénédiction nuptiale et feraient faire des prières à l'intention de la mariée, et qu'ils lui offriraient le pain et le vin. Ils en furent quittes pour quatre livres dix sous[283].

À une époque qu'on ne peut déterminer précisément, la Pucelle acheta une maison à Orléans. Pour parler avec plus d'exactitude, elle contracta un bail à vente[284]. Le bail à vente était une sorte de convention par laquelle le propriétaire d'une maison ou d'un héritage en transférait la propriété au preneur moyennant une pension annuelle en fruits ou en argent. On contractait ces baux, de coutume, pour une durée de cinquante-neuf ans. L'hôtel que Jeanne acquit de la sorte appartenait au Chapitre de la cathédrale; il était situé au milieu de la ville, sur la paroisse Saint-Malo, proche de la chapelle Saint-Maclou, contre la boutique d'un marchand d'huile nommé Jean Feu, dans la rue des Petits-Souliers, où lors du siège, un boulet de pierre de cent soixante-quatre livres était tombé au milieu de cinq convives attablés, sans faire de mal (p. 119) à personne[285]. À quel prix la Pucelle s'en rendit-elle acquéreur? Ce fut vraisemblablement pour la somme de six écus d'or fin (à soixante écus le marc), versés annuellement aux termes de la Saint-Jean et de Noël, durant cinquante-neuf années. En outre, elle dut s'engager, conformément à la coutume, à tenir la maison en bon état et à payer de ses propres deniers les tailles d'Église, ainsi que les taxes établies pour le puits et le pavé et toutes autres impositions. Comme il lui fallait une caution, elle prit pour répondant un certain Guillot de Guyenne, de qui nous ne savons pas autre chose[286].

Que la Pucelle se soit elle-même occupée de ce contrat, rien n'empêche de le croire. Toute sainte qu'elle était, elle n'ignorait pas ce que c'est que de posséder du bien. À cet égard elle avait de qui tenir: son père était l'homme de son village le plus entendu aux affaires[287]; elle-même, bonne ménagère, gardait ses vieilles nippes et, même en campagne, savait les retrouver pour en faire des présents à ses amis. Elle prisait son avoir, armes et chevaux, l'évaluait à douze mille écus, et se faisait, à ce qu'il semble, une idée assez juste de la valeur des choses[288]. Mais à quelle intention prenait-elle cette maison? Était-ce pour l'habiter? (p. 120) Pensait-elle revenir à Orléans, après la guerre, y avoir pignon sur rue, et y vieillir doucement? N'était-ce pas plutôt pour loger ses parents, quelque oncle Vouthon, ou ses frères, dont l'un, très besogneux, se faisait donner alors un pourpoint par les citoyens d'Orléans[289]?

Le 3 mars, elle suivit le roi Charles à Sully[290]. Le château où elle logea près du roi appartenait au sire de la Trémouille, qui le tenait de sa mère, Marie de Sully, fille de Louis Ier de Bourbon. Il avait été repris aux Anglais après la délivrance d'Orléans[291]. Lieu fort, qui commandait la plaine entre Orléans et Briare et le vieux pont de vingt arches, Sully, au bord de la Loire, sur la route qui va de Paris à Autun, reliait le centre de la France à ces provinces du Nord dont Jeanne était revenue à regret et où elle désirait de tout son cœur retourner pour de nouvelles chevauchées et de nouveaux assauts.

En la première quinzaine de mars, elle reçut des habitants de Reims un message dans lequel ils lui confiaient leurs craintes qui n'étaient que trop fondées[292]. Le (p. 121) Régent venait de donner (8 mars) les comtés de Champagne et de Brie au duc de Bourgogne, à charge pour lui de les aller prendre[293]. Des Armagnacs et des Anglais, c'était à qui offrirait les plus gros et les meilleurs morceaux à ce duc Gargantua; les Français ne pouvant, malgré leur promesse, lui livrer Compiègne qui ne voulait pas être livrée, lui offraient à la place Pont-Sainte-Maxence[294]. Mais c'est Compiègne qu'il voulait. Les trêves, fort mal observées d'ailleurs, qui devaient d'abord expirer à la Noël, prorogées une première fois jusqu'au 15 mars, l'avaient été ensuite jusqu'à Pâques, qui tombait en 1430 le 16 avril. Le duc Philippe n'attendait que cette date pour mettre une armée en campagne[295].

La Pucelle répondit aux habitants de Reims d'une parole animée et brève:

Très chiers et bien amés et bien desiriés à veoir, Jehenne la Pucelle ey reçue vous letres faisent mancion que vous vous doptiés d'avoir le sciege. Vulhés savoir que vous n'arés point, si je les puis rencontrer bien bref; et si ainsi fut que je ne les rencontrasse, ne eux venissent devant vous, si vous fermés vous pourtes, car je serey bien brief vers vous; et ci eux y sont, je leur feray chausier leurs espérons si à aste qu'il ne saront pas ho les prandre, et lever, c'il y est, si (p. 122) brief que ce cera bien tost. Autre chouse que ne vous escri pour le présent, mès que soyez toutjours bons et loyals. Je pri à Dieu que vous ait en sa guarde. Escrit à Sulli le xvje jour de mars.

Je vous mandesse anquores auqunes nouvelles de quoy vous sériés bien joyeux[296]; mais je doubte que les letres ne feussent prises en chemin et que l'on ne vit les dictes nouvelles.

Signé: JEHANNE.

Sur l'adresse: À mes très chiers et bons amis, gens d'église, bourgois et autres habitans de la ville de Rains[297].

(p. 123) Pour cette lettre, nul doute que le scribe n'ait écrit fidèlement sous la dictée de la Pucelle et pris sa parole au vol. Dans sa hâte, elle a oublié des mots, des phrases entières; mais on comprend tout de même. Et quel élan! «Vous n'aurez pas de siège si je rencontre vos ennemis.» Et son langage cavalier qu'on retrouve! Elle avait demandé la veille de Patay: «Avez-vous de bons éperons[298]?» Ici elle s'écrie: «Je leur ferai chausser leurs éperons!» Elle annonce qu'elle sera bientôt en Champagne, qu'elle va partir. Dès lors, est-il possible de croire qu'elle était dans le château de la Trémouille comme dans une cage dorée[299]? En terminant, elle avertit ses amis de Reims qu'elle ne leur écrit pas tout ce qu'elle voudrait, de peur que sa lettre ne soit prise en chemin. Elle avait de la prudence; elle mettait quelquefois sur ses lettres une croix pour avertir ceux de son parti de ne pas tenir compte de ce qu'elle leur écrivait, dans l'espoir que la missive fût interceptée et l'ennemi trompé[300].

C'est de Sully, le 23 mars, que fut expédiée, par le frère Pasquerel à l'empereur Sigismond, une lettre destinée aux Hussites de Bohême[301].

À cette époque, les Hussites faisaient l'exécration et l'épouvante de la chrétienté. Ils réclamaient la libre (p. 124) prédication de la parole de Dieu, la communion sous les deux espèces, le retour de l'Église à cette vie évangélique qui ne connut ni le pouvoir temporel des papes, ni les richesses des prêtres. Ils voulaient que le péché fût puni par les magistrats civils, ce qui est l'état d'une société excessivement sainte. Aussi étaient-ils des saints. Hérétiques, d'ailleurs, autant qu'on peut l'être. Le pape Martin tenait pour salutaire la destruction de ces méchants, et c'était l'avis de tous les bons catholiques. Mais comment venir à bout de cette hérésie en armes, qui brisait toutes les forces de l'Empire et du Saint-Siège? Les Hussites culbutaient, écrasaient cette antique chevalerie usée de la chrétienté, chevalerie allemande, chevalerie française, qu'il n'y avait plus qu'à jeter au rebut comme une vieille ferraille. Et c'est ce que les villes du royaume de France faisaient en mettant une paysanne au-dessus des seigneurs[302].

À Tachov, en 1427, les croisés bénis par le Saint-Père s'étaient enfuis au seul bruit des chariots de Procope. Le pape Martin ne savait plus où trouver des défenseurs de l'Église une et sainte. Il avait payé l'armement de cinq mille croisés anglais, que le cardinal de Winchester devait conduire chez ces Bohêmes démoniaques; mais le Saint-Père éprouvait de ce fait une (p. 125) cruelle déconvenue: ces cinq mille croisés, à peine descendus en France, le Régent d'Angleterre les avait détournés de leur route et dirigés sur la Brie pour donner du fil à retordre à la Pucelle des Armagnacs[303].

Depuis sa venue en France, Jeanne parlait de la croisade comme d'une œuvre bonne et méritoire. Dans la lettre dictée avant l'expédition d'Orléans, elle conviait les Anglais à s'unir aux Français pour aller ensemble combattre les ennemis de l'Église. Et, plus tard, écrivant au duc de Bourgogne, elle invitait le fils du vaincu de Nicopolis à faire la guerre aux Turcs[304]. Ces idées de croisade, qui donc les mettait dans la tête de Jeanne, sinon les mendiants qui la gouvernaient? Tout de suite après la délivrance d'Orléans, on disait qu'elle conduirait le roi Charles à la conquête du Saint-Sépulcre et qu'elle mourrait en Terre-Sainte[305]. Dans le même moment on semait le bruit qu'elle ferait la guerre aux Hussites. Au mois de juillet 1429, quand le voyage du sacre était à peine commencé, on publiait en Allemagne, sur la foi d'une prophétesse de Rome, que, par la prophétesse de France, serait récupéré le royaume de Bohême[306].

(p. 126) Déjà portée sur la croisade contre les Turcs, la Pucelle se porta pareillement sur la croisade contre les Hussites. Turcs et Bohêmes, c'était tout un pour elle; elle ne connaissait ceux-ci, comme ceux-là, que par les récits pleins de diableries que lui en faisaient les mendiants de sa compagnie. On rapportait touchant les Hussites des choses qui n'étaient pas toutes vraies, mais que Jeanne devait croire et qui n'étaient certes pas pour lui plaire; on disait qu'ils adoraient le diable et qu'ils l'appelaient «celui à qui l'on a fait tort»; on disait qu'ils accomplissaient comme œuvres pies toutes sortes de fornications; on disait que dans chaque Bohémien il y avait cent démons; on disait qu'ils tuaient les clercs par milliers; on disait encore, et cette fois sans fausseté, qu'ils brûlaient églises et moutiers. La Pucelle croyait au Dieu qui ordonna à Israël d'exterminer les Philistins. Il s'était trouvé naguère des Cathares pour penser que le Dieu de l'Ancien Testament était en réalité Lucifer ou Luciabel, auteur du mal, menteur et meurtrier. Les Cathares abhorraient la guerre; ils se refusaient à verser le sang humain; c'étaient des hérétiques; on les avait massacrés, il n'en restait plus. La Pucelle croyait de bonne foi que l'extermination des Hussites était agréable à Dieu. Des hommes plus savants qu'elle, non adonnés comme elle à la chevalerie, et de mœurs douces, des clercs, comme le chancelier Jean Gerson, le croyaient (p. 127) aussi[307]. Elle pensait de ces Bohêmes hérétiques ce que tout le monde en pensait: elle avait l'âme des foules; ses sentiments étaient faits des sentiments de tous. Aussi haïssait-elle les Hussites avec simplicité, mais elle ne les craignait pas, parce qu'elle ne craignait rien, et qu'elle se croyait, Dieu aidant, capable de pourfendre tous les Anglais, tous les Turcs et tous les Bohêmes du monde. Au premier coup de trompette elle était prête à foncer. Le 23 mars 1430, frère Pasquerel envoya à l'empereur Sigismond une lettre écrite au nom de la Pucelle et destinée aux Hussites de Bohême. Cette lettre était rédigée en latin. En voici le sens:

JÉSUS ✝ MARIE

Depuis longtemps le bruit, la renommée m'est parvenue que, de vrais chrétiens que vous étiez, devenus hérétiques, et pareils aux Sarrazins, vous avez aboli la vraie religion et le culte, que vous avez adopté une superstition infecte et funeste, et que, dans votre zèle à la soutenir et à l'étendre, il n'est honte ni cruauté que vous n'osiez. Vous souillez les sacrements de l'Église, vous lacérez les articles de la foi, vous renversez les temples; ces images qui furent faites pour de saintes commémorations, vous les brisez et les jetez au feu; enfin, les chrétiens qui n'embrassent pas votre foi, vous les massacrez. Quelle fureur ou quelle folie, quelle rage vous agite? Cette foi que le Dieu tout puissant, que le Fils, que le Saint-Esprit suscitèrent, instituèrent, exaltèrent, et que de (p. 128) mille manières, par mille miracles, ils illustrèrent, vous la persécutez, vous vous efforcez de la renverser et de l'exterminer.

C'est vous, vous, qui êtes les aveugles et non ceux à qui manquent la vue et les yeux. Croyez-vous rester impunis? Ignorez-vous que, si Dieu n'empêche pas vos violences impies, s'il souffre que vous soyez plongés plus longtemps dans les ténèbres et l'erreur, c'est qu'il vous prépare une peine et des supplices plus grands? Quant à moi, pour vous dire la vérité, si je n'étais occupée aux guerres anglaises, je serais déjà allée vous trouver. Mais vraiment, si je n'apprends que vous vous êtes amendés, je quitterai peut-être les Anglais et je vous courrai sus, afin que j'extermine par le fer, si je ne le puis autrement, votre vaine et fougueuse superstition et que je vous ôte ou l'hérésie ou la vie. Toutefois, si vous préférez revenir à la foi catholique et à la primitive lumière, envoyez-moi vos ambassadeurs, je leur dirai ce que vous avez à faire. Si, au contraire, vous vous obstinez et voulez regimber sous l'éperon, souvenez-vous de tout ce que vous avez perpétré de forfaits et de crimes et attendez-vous à me voir venir avec toutes les forces divines et humaines pour vous rendre tout le mal que vous avez fait à autrui.

Donné à Sully, le 23 de mars, aux Bohêmes hérétiques.[308]

Signé: PASQUEREL.

Telle est la lettre qui fut expédiée à l'empereur. Qu'avait dit Jeanne en langage français et champenois? Il n'est pas douteux que le bon frère ne lui ait terriblement (p. 129) embelli sa lettre. On ne s'attendait pas à ce que la Pucelle cicéronisât de la sorte; et l'on a beau dire qu'une sainte alors était propre à tout faire, prophétisait sur tout sujet et avait le don des langues, une si belle épître contient beaucoup trop de rhétorique pour une fille que les capitaines armagnacs eux-mêmes jugeaient simplette. Et pourtant, si l'on va au fond, on retrouvera dans cette missive, du moins en la seconde moitié, ces naïvetés un peu rudes, cette assurance enfantine qui se remarquent dans les vraies missives de Jeanne, et particulièrement dans sa réponse au comte d'Armagnac[309], et l'on reconnaîtra en plus d'un endroit le tour habituel de la sibylle villageoise. Ceci, par exemple, est tout à fait dans la manière de Jeanne: «Si vous rentrez dans le giron de la croyance catholique, adressez-moi vos envoyés; je vous dirai ce que vous avez à faire.» Et sa menace coutumière: «Attendez-moi avec la plus grande puissance humaine et divine[310].» Quant à cette phrase: «Si je n'apprends bientôt votre amendement, votre rentrée au sein de l'Église, je laisserai peut-être les Anglais et me tournerai contre vous», on peut soupçonner le moine mendiant, que les affaires de Charles VII intéressaient beaucoup moins que celles de l'Église, d'avoir prêté à la Pucelle plus de hâte à partir pour la croisade qu'elle n'en avait réellement. Pour bon et salutaire qu'elle crût (p. 130) de prendre la croix, elle n'y aurait pas consenti, telle que nous la connaissons, avant d'avoir chassé les Anglais du royaume de France. C'était sa mission, à ce qu'elle croyait, et elle mit à l'accomplir un esprit de suite, une constance, une fermeté vraiment admirables. Il est très probable qu'elle dicta au bon frère une phrase comme celle-ci: «Quand j'aurai bouté les Anglais hors le royaume, je me tournerai vers vous.» Ce qui explique l'erreur du frère Pasquerel et l'excuse, c'est que très probablement Jeanne croyait en finir avec les Anglais en un tournemain, et elle se voyait déjà distribuant aux Bohêmes renégats et païens bonnes buffes et bons torchons. L'innocence de la Pucelle perce à travers ce latin de clerc et l'épître aux Bohêmes rappelle, hélas! le fagot apporté d'un zèle pieux au bûcher de Jean Huss par la bonne femme dont Jean Huss lui-même nous enseigne à louer la sainte simplicité.

On ne peut s'empêcher de songer qu'entre Jeanne et ces hommes sur lesquels elle crache l'invective et la menace, il y avait beaucoup de traits communs: la foi, la chasteté, une naïve ignorance, les graves puérilités de la dévotion, l'idée du devoir pieux, la docilité aux ordres de Dieu. Zizka avait établi dans son camp cette pureté de mœurs que la Pucelle s'efforçait d'introduire parmi ses Armagnacs. Des soldats paysans de Procope à cette paysanne portant l'épée au milieu des moines mendiants, quelles ressemblances profondes! (p. 131) D'une part et de l'autre, c'est l'esprit religieux substitué à l'esprit politique, la peur du péché remplaçant l'obéissance aux lois civiles, le spirituel introduit dans le temporel. On est pris de pitié à ce triste spectacle: la béate contre les béats, l'innocente contre les innocents, la simple contre les simples, l'hérétique contre les hérétiques; et l'on éprouve un sentiment pénible en songeant que lorsqu'elle menace d'extermination les disciples de ce Jean Huss, livré par trahison et brûlé comme hérétique, elle est tout près d'être elle-même vendue à ses ennemis et condamnée au feu comme sorcière. Si encore cette lettre dont les esprits élégants, les humanistes, dès cette époque, eussent haussé les épaules, avait obtenu l'agrément des théologiens! Mais ceux-là aussi y trouvèrent à reprendre: un canoniste insigne, inquisiteur zélé de la foi, estima présomptueuses ces menaces d'une fille à une multitude d'hommes[311].

Nous le disions bien qu'elle n'était pas décidée à laisser tout de suite les Anglais pour courir sus aux Bohêmes. Cinq jours après cette sommation aux Hussites elle écrivait à ses amis de Reims, et leur faisait entendre, à mots couverts, qu'ils la verraient bientôt[312].

Les partisans du duc Philippe ourdissaient alors des complots dans les villes de Champagne, notamment à (p. 132) Troyes et à Reims. Le 22 février 1430, un chanoine et un chapelain furent arrêtés et cités devant le chapitre comme ayant conspiré pour livrer la ville aux Anglais. Bien leur fit d'appartenir à l'Église, car, ayant été condamnés à la prison perpétuelle, ils obtinrent du roi un adoucissement à leur peine, et le chanoine eut sa grâce entière[313]. Les échevins et ecclésiastiques de la ville, craignant d'être mal jugés par delà la Loire, écrivirent à la Pucelle pour la prier de les blanchir dans l'esprit du roi. Voici la réponse qu'elle fit à leur supplique[314]:

Très chiers et bons amis, plese vous savoir que je ay rechu vous lectres, les quelles font mencion comment on ha raporté au roy que dedens la bonne cité de Rains il avoit moult de mauvais. Si[315] veulez sovoir que c'est bien vray que on luy a raporté voirement et qu'il y enuoit[316] beaucop qui estoient d'une aliance[317] (p. 133) et qui devoient traïr la ville et metre les Bourguignons dedens. Et depuis, le roy a bien seu le contraire, par ce que vous luy en avez envoié la certaineté, dont il est très content de vous. Et croiez que vous estes bien en sa grasce et se vous aviez à besongnier, il vous secouroit quant au regart du siège; et cognoist bien que vous avez moult à souffrir pour la durté que vous font ces traitres Bourguignons adversaires: si vous en delivrera au plesir Dieu bien brief, c'est asovoir le plus tost que fere se pourra. Si vous prie et requier, très chiers amis[318], que vous guardes bien la dicte bonne cité pour le roy[319] et que vous faciez très bon guet. Vous orrez bien tost de mes bones nouvelles plus à plain. Autre chose[320] quant a présent ne vous rescri fors que toute Bretaigne est fransaise et doibt le duc envoier au roy. iij.[321] mille combatans paiez pour ij. moys. À Dieu vous commant qui soit guarde de vous.

Escript à Sully, le xxviije de mars.

JEHANNE[322].

Sur l'adresse: À mes très chiers et bons amis les gens d'église, eschevins, bourgois et habitans et maistres de la bonne ville de Reyms[323].

(p. 134) La Pucelle se faisait illusion sur l'aide qu'on pouvait attendre du duc de Bretagne. Prophétesse, elle ressemblait à toutes les prophétesses: elle ignorait ce qui se passait autour d'elle. Malgré ses malheurs, elle se croyait toujours heureuse; elle ne doutait pas plus d'elle qu'elle ne doutait de Dieu et avait hâte de poursuivre l'accomplissement de sa mission. «Vous aurez bientôt de mes nouvelles», disait-elle aux habitants de Reims. Quelques jours après elle quittait Sully pour aller combattre en France à l'expiration des trêves.

On a dit qu'elle feignit une promenade, un divertissement, et qu'elle partit sans prendre congé du roi, que ce fut une sorte de ruse innocente et de fuite généreuse[324]. Les choses se passèrent de tout autre manière[325]. La Pucelle leva une compagnie de cent cavaliers environ, soixante-huit archers et arbalétriers et deux trompettes, sous le commandement du capitaine lombard Barthélémy Baretta[326]. Il y avait dans cette compagnie des gens d'armes italiens portant la grande targe, comme ceux qui étaient venus à Orléans, lors du siège; et (p. 135) peut-être était-ce les mêmes[327]. Elle partit à la tête de cette compagnie, avec ses frères et son maître d'hôtel, le sire Jean d'Aulon. Elle était dans les mains de Jean d'Aulon et Jean d'Aulon était dans les mains du sire de la Trémouille, à qui il devait de l'argent[328]. Le bon écuyer n'aurait pas suivi la Pucelle malgré le roi.

Le béguinage volant venait d'être déchiré par un schisme. Frère Richard, alors en grande faveur auprès de la reine Marie, et qui prêchait les Orléanais pendant le carême de 1430[329], restait sur la Loire avec Catherine de La Rochelle. Jeanne emmena Pierronne et l'autre Bretonne plus jeune[330]. Si elle s'en allait en France, ce n'était point à l'insu ni contre le gré du roi et de son conseil. Très probablement le chancelier du royaume l'avait réclamée au sire de la Trémouille pour la mettre en œuvre dans la prochaine campagne et l'employer contre les Bourguignons qui menaçaient son gouvernement de Beauvais et sa ville de Reims[331]. Il ne lui donnait guère d'amitié; mais il s'était déjà servi d'elle et pensait s'en servir encore. Peut-être même (p. 136) songeait-on à faire avec elle une nouvelle tentative sur Paris.

Le roi n'avait pas renoncé à reprendre sa grand'ville par les moyens qu'il préférait. Ces mêmes religieux, auteurs du tumulte soulevé d'une rive de la Seine à l'autre, le jour de la Nativité de la Vierge, pendant l'assaut de la porte Saint-Honoré, les carmes de Melun, n'avaient cessé durant tout le carême d'aller, déguisés en artisans, de Paris à Sully et de Sully à Paris, pour négocier avec quelques notables habitants l'entrée des gens du roi dans la cité rebelle. Le prieur des carmes de Melun dirigeait le complot[332]. Jeanne, à ce qu'on peut croire, l'avait vu lui-même, ou quelqu'un de ses religieux. Il est vrai que depuis le 22 mars ou le 23 au plus tard on n'ignorait plus à Sully que la conspiration eût été découverte[333]; mais peut-être gardait-on encore quelque espoir de réussir. C'était à Melun que Jeanne se rendait avec sa compagnie, et il est bien difficile de croire qu'aucun lien ne reliait le complot des carmes et l'expédition de la Pucelle.

Pourquoi les conseillers de Charles VII eussent-ils renoncé à la mettre en œuvre? Il n'est pas vrai qu'elle parût moins céleste aux Français et moins diabolique aux Anglais. Ses désastres, ignorés ou mal connus ou (p. 137) recouverts par des bruits de victoires, n'avaient pas détruit l'idée qu'une puissance invincible résidait en elle. Au moment où la pauvre fille était si malmenée sous la ville de La Charité, avec la fleur de la noblesse française, par un ancien apprenti maçon, on annonçait, en pays bourguignon, qu'elle enlevait d'assaut un château à cinq lieues de Paris[334]. Elle restait merveilleuse; les bourgeois, les hommes d'armes de son parti croyaient encore en elle. Et quant aux Godons, depuis le Régent jusqu'au dernier coustiller de l'armée, ils en avaient peur comme aux jours d'Orléans et de Patay. En ce moment, tant de soldats et de capitaines anglais refusaient de passer en France, qu'il fallut faire contre eux un édit spécial[335], et ils découvraient plus d'une raison sans doute de ne point aller dans un pays où désormais il y avait des horions à recevoir et peu de bons morceaux à prendre; mais plusieurs renaclaient, épouvantés par les enchantements de la Pucelle[336].

(p. 138) CHAPITRE VI
LA PUCELLE AUX FOSSÉS DE MELUN. — LE SEIGNEUR DE L'OURS. — L'ENFANT DE LAGNY.

Devenue chef de soudoyers, Jeanne est sous les murs de Melun dans la semaine de Pâques[337]. Elle arrive à temps pour se battre: les trêves viennent d'expirer[338]. La ville, qui s'était depuis peu tournée française[339], refusa-t-elle de recevoir avec sa compagnie celle qui lui venait d'un si bon cœur? Il y a apparence. Jeanne put-elle communiquer avec les carmes de Melun? C'est probable. Quelle disgrâce lui advint-il aux portes de la ville? Fut-elle malmenée par une troupe de Bourguignons? Nous n'en savons rien. Mais, étant sur les (p. 139) fossés, elle entendit madame sainte Catherine et madame sainte Marguerite qui lui disaient: «Tu seras prise avant qu'il soit la Saint-Jean.»

Et elle les suppliait:

—Quand je serai prise, que je meure tout aussitôt sans longue épreuve.

Et les Voix lui répétaient qu'elle serait prise et qu'ainsi fallait-il qu'il fût fait.

Et elles ajoutaient doucement:

—Ne t'ébahis pas et prends tout en gré. Dieu t'aidera[340].

La Saint-Jean venait le 24 juin, dans moins de soixante-dix jours.

Depuis lors, Jeanne demanda maintes fois à ses saintes l'heure où elle serait prise, mais elles ne la lui dirent pas, et, dans ce doute, elle résolut de n'en plus faire à sa tête, et de suivre l'avis des capitaines[341].

Au mois de mai, se rendant de Melun à Lagny-sur-Marne, elle dut passer par Corbeil. C'est probablement à cette époque et dans sa compagnie que les deux dévotes femmes de Bretagne bretonnante, Pierronne et sa jeune sœur spirituelle, furent prises à Corbeil par les Anglais[342].

(p. 140) La ville de Lagny était, depuis huit mois, dans l'obéissance du roi Charles et sous le gouvernement de messire Ambroise de Loré, qui faisait bonne guerre aux Anglais de Paris et d'ailleurs[343]. Messire Ambroise de Loré était pour lors absent; mais son lieutenant, messire Jean Foucault, commandait la garnison. Peu de temps après la venue de Jeanne en cette ville, on apprit qu'une compagnie de trois à quatre cents Picards et Champenois, qui tenaient le parti du duc de Bourgogne, après avoir battu l'Île-de-France, s'en retournaient en Picardie avec un butin copieux. Ils avaient pour capitaine un vaillant homme d'armes, nommé Franquet d'Arras[344]. Les Français avisèrent à leur couper la retraite; ils sortirent de la ville, sous le commandement de messire Jean Foucault, de messire Geoffroy de Saint-Bellin, de sire Hugh de Kennedy, Écossais, et du capitaine Barretta[345].

La Pucelle les accompagnait. Ils rencontrèrent les Bourguignons proche Lagny, sans réussir à les surprendre. Les archers de messire Franquet avaient eu le temps de mettre pied à terre et de se ranger contre une haie à la manière anglaise. Les gens du roi Charles (p. 141) n'étaient guère plus nombreux que leurs ennemis. Un clerc d'alors, un Français, dont rien n'altérait l'ingénuité naturelle, écrivant sur cette affaire, constate, avec un candide bon sens, que cette faible supériorité du nombre rendait l'entreprise très dure et très âpre à son parti[346]. Et véritablement, le combat fut acharné. Les Bourguignons avaient grand'peur de la Pucelle, parce qu'ils croyaient qu'elle était sorcière et commandait des armées de diables; pourtant ils combattirent avec une belle vaillance. Deux fois les Français furent repoussés, mais ils revinrent à la charge, et finalement les Bourguignons furent tous tués ou pris[347].

Les vainqueurs s'en retournèrent à Lagny, chargés de butin, et emmenant les prisonniers, parmi lesquels se trouvait messire Franquet d'Arras. Gentilhomme et ayant seigneurie, il devait s'attendre à être mis à rançon, selon l'usage. Il fut réclamé au soldat qui l'avait pris par Jean de Troissy, bailli de Senlis[348] et par la Pucelle; et c'est à la Pucelle qu'il échut enfin[349]. L'avait-elle obtenu par finance? C'est ce qui semblerait le plus probable, car les soldats n'avaient pas coutume d'offrir en don gracieux leurs prisonniers nobles, dont ils pouvaient tirer pécune, mais, interrogée à ce sujet, elle répondit qu'elle n'était pas monnayeur ni trésorier de France (p. 142) pour bailler de l'argent. Nous devons donc supposer que quelqu'un paya pour elle. Quoi qu'il en soit, on lui remit le capitaine Franquet d'Arras, et elle s'occupa de l'échanger contre un prisonnier des Anglais. L'homme qu'elle voulait délivrer de cette manière était un Parisien, qu'on appelait le seigneur de l'Ours[350].

Il n'était pas gentilhomme et n'avait d'écu que l'enseigne de son hôtellerie. En ce temps-là, l'usage était de donner de la seigneurie aux maîtres des grands hôtels de Paris. C'est ainsi qu'on appelait seigneur du Boisseau, Colin qui tenait un hôtel à la porte du Temple. L'hôtel de l'Ours était sis en la rue Saint-Antoine, proche la porte qui se nommait exactement porte Baudoyer, mais que les bonnes gens appelaient porte Baudet, Baudet ayant sur Baudoyer le double avantage d'être plus court et de se comprendre mieux[351]. C'était une hôtellerie ancienne et renommée, fameuse à l'égal des plus fameuses: le logis de l'Arbre sec, dans la rue de ce nom, la Fleur de Lis, près du Pont Neuf, l'Épée de la rue Saint-Denis, et le Chapeau fétu de la rue Croix-du-Tirouer. Sous le roi Charles V, l'Ours était déjà très fréquenté; les broches y tournaient dans les vastes cheminées, et l'on y trouvait pain chaud, harengs frais et vin d'Auxerre à plein tonneau. Mais (p. 143) depuis lors, les pilleries des gens de guerre avaient ruiné la contrée, et les voyageurs ne s'y aventuraient pas, de peur d'être dépouillés et tués; les chevaliers et les pèlerins ne venaient plus dans la ville. Seuls, les loups y entraient le soir et dévoraient dans les rues les petits enfants. Il n'y avait plus nulle part ni pain dans la huche, ni fagots dans la cheminée. Les Armagnacs et les Bourguignons avaient bu tout le vin, ravagé toutes les vignes, et il ne restait plus au cellier qu'une mauvaise piquette de pommes et de prunelles[352].

Le seigneur de l'Ours réclamé par la Pucelle s'appelait Jaquet Guillaume[353]. Bien que Jeanne, comme tout le monde, lui donnât du seigneur, il n'est pas certain qu'il gouvernât en personne l'hôtel, ni même que l'hôtel restât ouvert dans ces années de ruines et de désolation. Ce qui est sur, c'est qu'il était propriétaire de la maison où pendait cette enseigne de l'Ours. Il la tenait du chef de sa femme Jeannette; et voici comment ce bien était venu en sa possession. Quatorze ans auparavant, alors que le roi Henri V n'était pas encore débarqué en France avec sa chevalerie, le seigneur de l'Ours était un sergent d'armes du roi, nommé Jean Roche, homme riche et de bonne renommée, tout à la dévotion du duc de Bourgogne. C'est ce (p. 144) qui le perdit. Les Armagnacs occupaient alors Paris. En l'an 1416, Jean Roche se concerta avec quelques bourgeois pour les chasser hors de la ville. Le complot devait être mis à exécution le jour de Pâques, qui tombait, cette année-là, le 29 avril. Mais les Armagnacs le découvrirent; ils jetèrent les conspirateurs en prison et les firent passer en justice. Le premier samedi de mai, le seigneur de l'Ours fut mené en charrette aux halles, avec Durand de Brie, teinturier, maître de la soixantaine des arbalétriers de Paris, et Jean Perquin, épinglier et marchand de laiton. Ils eurent tous trois la tête tranchée, et le corps du seigneur de l'Ours fut pendu à Montfaucon où il resta jusqu'à l'entrée des Bourguignons. Six semaines après leur venue, au mois de juillet de l'an 1418, il fut dépendu du gibet, avec plusieurs autres, et mis en terre sainte[354].

Il faut savoir que la veuve de Jean Roche avait d'un premier lit une fille nommée Jeannette, qui épousa un certain Bernard le Breton et en secondes noces Jaquet Guillaume, qui n'était pas riche. Il devait de l'argent à maître Jean Fleury, clerc notaire et secrétaire du roi. Sa femme n'était pas mieux dans ses affaires; les biens de son beau-père avaient été confisqués et elle avait dû racheter une part de son héritage maternel. En l'an 1424, les deux époux se trouvant à court d'argent, (p. 145) il leur arriva de vendre une maison en dissimulant l'hypothèque dont elle était grevée. Mis en prison sur la plainte de l'acquéreur, ils aggravèrent leur cas en subornant deux témoins dont l'un était curé, l'autre chambrière. Ils obtinrent heureusement des lettres de rémission[355].

Les époux Jaquet Guillaume étaient mal en point; toutefois, il leur restait, de l'héritage de Jean Roche, l'hôtel situé proche la place Baudet, à l'enseigne de l'Ours; Jaquet Guillaume en portait le titre. Ce second seigneur de l'Ours devait se montrer aussi armagnac que l'autre s'était montré bourguignon et le payer du même prix.

Il y avait six ans qu'il était sorti de prison quand, au mois de mars 1430, fut ourdi par les carmes de Melun et plusieurs bourgeois de Paris le complot dont nous parlions à l'occasion du départ de Jeanne pour l'Île-de-France. Ce n'était pas le premier dans lequel ces carmes se fussent entremis; ils avaient fomenté ce tumulte qui faillit éclater le jour de la Nativité, à l'heure où la Pucelle donnait l'assaut près de la porte Saint-Honoré; mais jamais tant de bourgeois et de la notables n'étaient entrés dans une conspiration. Un clerc des Comptes, maître Jean de la Chapelle, et deux procureurs du Châtelet, maître Renaud Savin et maître Pierre Morant, un très riche homme nommé Jean de (p. 146) Calais, des bourgeois, des marchands, des artisans, plus de cent cinquante personnes, tenaient les fils de cette vaste trame, et dans le nombre, Jaquet Guillaume, seigneur de l'Ours.

Les carmes de Melun dirigeaient l'entreprise; ils allaient, sous un habit d'artisan, du roi aux bourgeois et des bourgeois au roi; établissaient le concert entre ceux du dedans et ceux du dehors, réglaient tous les détails de l'action. L'un d'eux demanda aux affiliés l'engagement écrit de faire entrer les gens du roi dans la ville. Une telle exigence donnerait à croire que la plupart des conspirateurs étaient aux gages du conseil royal.

En retour, ces religieux apportaient des lettres d'abolition signées par le roi. En effet, pour disposer les habitants de Paris à recevoir celui qu'ils nommaient encore le dauphin, il fallait leur donner avant tout l'assurance d'une amnistie pleine et entière. Depuis plus de dix ans que les Anglais et les Bourguignons tenaient la ville, personne ne se sentait tout à fait sans reproches envers le souverain légitime et les gens de son parti. Et l'on tenait d'autant plus à ce que Charles de Valois oubliât le passé, qu'on se rappelait les vengeances cruelles des Armagnacs après la chute des Bouchers.

Un des conjurés, nommé Jaquet Perdriel, était d'avis de faire publier à son de trompe, un dimanche, à la porte Baudet, les lettres d'abolition.

(p. 147) —Je ne doute pas, disait-il, que les artisans qui se trouveront en grand nombre à l'entendre, ne se tournent avec nous.

Il comptait les entraîner jusqu'à la porte Saint-Antoine pour l'ouvrir aux gens du roi de France, embusqués près de là.

Quatre-vingts ou cent Écossais, vêtus comme des Anglais et portant la croix de Saint-André, devaient entrer alors dans la ville, amenant du bétail et de la marée.

—Ils entreront bonnement par la porte Saint-Denys, annonçait Perdriel, et s'en empareront. C'est alors que les gens du roi feront leur entrée en force par la porte Saint-Antoine.

Le plan fut jugé bon; toutefois il parut préférable de faire entrer les gens du roi par la porte Saint-Denys.

Le dimanche 12 mars, deuxième dimanche de carême, maître Jean de la Chapelle réunit au cabaret de la Pomme de Pin le procureur Renaud Savin à plusieurs autres conspirateurs, afin de s'entendre avec eux sur ce qu'il y avait de mieux à faire. Ils décidèrent que, au jour fixé, Jean de Calais, sous prétexte d'aller à la Chapelle-Saint-Denys voir ses vignes, rejoindrait hors des murs les gens du roi, se ferait connaître d'eux en déployant un étendard blanc, et les introduirait dans la ville. On arrêta en outre que maître Morant et beaucoup d'habitants avec lui se tiendraient dans les tavernes de la rue Saint-Denys pour soutenir les Français à leur entrée. C'est en quelque taverne de cette (p. 148) rue que devait se trouver le seigneur de l'Ours, qui, logeant tout proche, se faisait fort d'amener quantité de gens du voisinage.

Les conjurés, parfaitement d'accord, n'attendaient plus que d'être avisés du jour choisi par le conseil royal et ils croyaient bien que le coup était pour le prochain dimanche. Mais frère Pierre d'Allée, prieur des carmes de Melun, fut pris le 21 mars par les Anglais. Mis à la torture, il avoua le complot et nomma ses complices. Sur les indications du religieux, plus de cent cinquante personnes furent arrêtées et jugées. Le 8 avril, vigile de Pâques fleuries, on vit sept des plus notables menés en charrette aux halles. C'étaient: Jean de la Chapelle, clerc des Comptes; Renaud Savin et Pierre Morant, procureurs au Châtelet; Guillaume Perdriau, Jean le François, dit Baudrin; Jean le Rigueur, boulanger, et Jaquet Guillaume, seigneur de l'Ours. Ils eurent tous les sept la tête tranchée par la main du bourreau, qui coupa ensuite par quartiers les corps de Jean de la Chapelle et de Baudrin.

Jaquet Perdriel n'y perdit que son avoir. Et Jean de Calais obtint bientôt des lettres de rémission. Jeannette, femme de Jaquet Guillaume, fut bannie du royaume, ses biens confisqués[356].

(p. 149) Comment la Pucelle connaissait-elle le seigneur de l'Ours? Les carmes de Melun le lui avaient peut-être recommandé, et c'était sur leur avis qu'elle le réclamait. Peut-être aussi l'avait-elle vu, au mois de septembre 1429, à Saint-Denys ou sous les murs de Paris et s'était-il dès lors engagé à servir le dauphin et ses gens. Pourquoi s'efforçait-on, à Lagny, de sauver celui-là seul, entre les cent cinquante Parisiens arrêtés sur la dénonciation de frère Pierre d'Allée? Plutôt que Renaud Savin et Pierre Morant, procureurs au Châtelet, plutôt que Jean de la Chapelle, clerc des Comptes, pourquoi choisir le plus chétif de la bande? Et comment espérait-on échanger un homme accusé de trahison contre un prisonnier de guerre? Tout cela est pour nous obscur et voilé.

Jeanne, dans les premiers jours de mai, ne savait pas encore ce que Jaquet Guillaume était devenu. Quand elle apprit qu'il avait été mis à mort par justice, elle en fut vivement dépitée et peinée. Elle n'en considérait pas moins Franquet comme un capitaine pris à rançon. Mais le bailli de Senlis, qui voulait, on ne sait pourquoi, la perte de ce capitaine, profita du ressentiment qu'inspirait à la Pucelle la male mort de Jaquet Guillaume, pour obtenir d'elle qu'elle lui livrât son prisonnier.

Il lui représenta que cet homme avait commis des meurtres, des larcins à foison et qu'il était traître, et qu'en conséquence il convenait de le mettre en jugement.

(p. 150) —Vous voulez faire grand tort à la justice, lui dit-il, en délivrant ce Franquet.

Ces raisons la décidèrent, ou plutôt elle céda aux instances du bailli.

—Puisque mon homme est mort, dit-elle, que je voulais avoir, faites de ce Franquet ce que vous devrez faire par justice[357].

C'est ainsi qu'elle livra son prisonnier. Fit-elle bien ou mal? Avant d'en décider, il faudrait se demander s'il lui était possible de faire autrement. Elle était la Pucelle du Seigneur, l'ange du Dieu des armées, c'est entendu. Mais les chefs de guerre, les capitaines ne tenaient pas grand compte de ce qu'elle disait; quant au bailli, c'était l'homme du roi, un très noble homme et puissant.

Il jugea lui-même, assisté des gens de justice de Lagny. L'accusé confessa qu'il était meurtrier, larron et traître. Il faut l'en croire; mais on peut douter qu'il le fût plus que la plupart des hommes d'armes armagnacs ou bourguignons, plus qu'un damoiseau de Commercy ou un Guillaume de Flavy, par exemple. Il fut condamné à mort.

Jeanne consentit qu'on le fît mourir, s'il l'avait mérité, puisqu'il avait confessé ses crimes[358]. Il eut la tête tranchée.

(p. 151) À la nouvelle de l'indigne traitement infligé à messire Franquet, les Bourguignons firent éclater leur douleur et leur indignation[359]. Il semble que, dans cette affaire, le bailli de Senlis et les gens de justice de Lagny aient agi contre l'usage. Toutefois, pour en juger, nous ne connaissons pas assez bien les circonstances de la cause. Peut-être le roi de France, pour une raison que nous ignorons, réclama-t-il ce prisonnier. Il en avait le droit, à la condition de verser à la Pucelle le prix de la rançon. Un homme de guerre de cette époque, expert en tout ce qui touche l'honneur des armes, l'auteur du Jouvencel, parle sans blâme, en ses fictions chevaleresques, du sage Amydas, roi d'Amydoine, qui, apprenant que, dans une bataille, un de ses ennemis, le sire de Morcellet, a été pris à rançon, s'écrie que c'est le plus traître du monde, le rachète à beaux deniers comptants et aussitôt l'envoie au prévôt de la ville et aux officiers de son conseil, pour qu'il soit fait de lui justice[360]. Telle était la prérogative royale.

Soit que la vie des camps l'eût endurcie, soit plutôt qu'elle fût, comme toutes les extatiques, sujette à de brusques changements d'humeur, elle ne montrait plus à Lagny la douceur du soir de Patay. Cette vierge qui naguère, dans les batailles, n'avait d'arme que son étendard, maintenant se servait d'une épée trouvée à (p. 152) Lagny même, de l'épée d'un Bourguignon, parce qu'elle était propre à donner bonnes buffes et bons torchons. À quoi ceux qui la regardaient comme un ange du ciel, le bon frère Pasquerel, par exemple, pouvaient répondre que l'archange saint Michel, qui portait l'étendard des milices célestes, brandissait aussi l'épée flamboyante. Et dans le fait, Jeanne restait une sainte.

Tandis qu'elle se trouvait à Lagny, on vint lui dire qu'un enfant était mort en naissant et n'avait pas pu recevoir le baptême[361]. Entré dans le ventre de la mère au moment où elle conçut, le diable tenait l'âme de cet enfant qui, faute d'eau, était mort ennemi de son Créateur. Aussi le sort de cette âme inspirait-il les plus vives inquiétudes; quelques-uns pensaient qu'elle était dans les limbes, à jamais privée de la vue de Dieu, mais l'opinion la plus suivie et la plus solide était qu'elle bouillait dans l'enfer; car saint Augustin a démontré que les petites âmes comme les grandes sont damnées par l'effet du péché originel. Et le moyen de penser autrement, si, par la faute d'Ève, la ressemblance divine était complètement effacée en cet enfant? Il était voué à la mort éternelle. Et dire que par un peu d'eau la mort eût été détruite! Un tel malheur affligeait non seulement les parents de la pauvre créature, mais aussi les voisins et tous les bons chrétiens de la ville de Lagny. Le corps fut porté dans l'église de Saint-Pierre et déposé (p. 153) devant une image de Notre-Dame qui était l'objet d'une grande vénération depuis la peste de l'année 1128. Comme elle guérissait le mal des ardents, on la nomma Notre-Dame-des-Ardents et, quand il n'y eut plus d'ardents, on l'appela Notre-Dame-des-Aidants; ou plutôt des Aidances, c'est-à-dire des secours, car elle fut trouvée secourable en de grandes nécessités[362].

Les jeunes filles de la ville s'agenouillèrent devant elle autour du corps et la prièrent d'intercéder auprès de son divin Fils pour que cet enfant pût participer à la rédemption accomplie par le Sauveur[363]. Dans des cas semblables la très Sainte Vierge ne refusait pas toujours sa puissante entremise. Il convient de rapporter ici le miracle qu'elle avait accompli trente-sept ans auparavant.

En 1393, à Paris, une créature pécheresse, se trouvant enceinte, cacha sa grossesse et, venue à son terme, se délivra elle-même. Et, après avoir enfoncé des linges dans la gorge de la fille dont elle était accouchée, elle l'alla jeter à la voirie, hors de la porte Saint-Martin-des-Champs. Mais un chien flaira le corps et, grattant les immondices avec ses pattes, le découvrit. Une femme dévote, qui passait d'aventure, prit ce pauvre petit corps sans vie, le porta, suivie de plus de quatre cents personnes, à l'église Saint-Martin-des-Champs, le (p. 154) déposa sur l'autel de Notre-Dame, se mit à genoux, et, avec la foule du peuple et les religieux de l'abbaye, pria de son mieux la Sainte Vierge, afin que cette innocente ne fût point éternellement damnée. L'enfant remua un peu, ouvrit les yeux, vomit le linge qui lui bouchait la gorge et poussa de grands cris. Un prêtre la baptisa sur l'autel de Notre-Dame et lui imposa le nom de Marie. Elle prit le sein d'une nourrice qu'on avait amenée, vécut trois heures, puis mourut et fut portée en terre sainte[364].

Les résurrections d'enfants morts sans baptême étaient fréquentes à cette époque. Cette sainte abbesse qui, dans le moment que Jeanne se trouvait à Lagny, vivait à Moulins parmi les clarisses réformées, Colette de Corbie, avait naguère, dans la ville de Besançon, ramené au jour deux de ces pauvres créatures: une fille qui, portée sur les fonts, reçut le nom de Colette et devint ensuite religieuse puis abbesse à Pont-à-Mousson; un enfant mâle, enterré, disait-on, depuis deux jours et que la servante des pauvres désigna comme prédestiné. Il mourut à six mois, vérifiant ainsi la prophétie de la sainte[365].

Jeanne connaissait sans doute ce genre de miracle. À une dizaine de lieues de Domremy, dans le duché de (p. 155) Lorraine, près de Lunéville, s'élevait un sanctuaire de Notre-Dame-des-Aviots, dont elle avait probablement entendu parler. Notre-Dame-des-Aviots, c'est-à-dire Notre-Dame des rendus à la vie, était connue pour ressusciter les enfants morts sans baptême. Ils renaissaient, par son intervention, le temps suffisant à être faits chrétiens[366].

Dans le duché de Luxembourg, près de Montmédy, sur la colline d'Avioth[367], de nombreux pèlerins vénéraient une image de Notre-Dame, apportée là par les anges. On lui avait bâti une église où la pierre jaillissait en minces colonnes, formait des trèfles, des rosaces, et poussait des feuillages légers. Cette statue faisait des miracles de toutes sortes. On déposait à ses pieds les enfants mort-nés; elle les ressuscitait et on les baptisait aussitôt[368].

Le peuple réuni dans l'église de Saint-Pierre de Lagny, au pied de Notre-Dame-des-Aidances, espérait une semblable grâce. Les jeunes filles prièrent autour du corps inanimé de l'enfant. On demanda à la Pucelle de venir prier avec elles Notre-Seigneur et Notre-Dame. Elle se rendit à l'église, s'agenouilla (p. 156) parmi les jeunes filles et pria. L'enfant était noir. «Noir comme ma cotte», disait Jeanne. Quand la Pucelle et les jeunes filles eurent prié, il bâilla par trois fois et la couleur lui revint. Baptisé, il mourut aussitôt; on le mit en terre sainte. Il fut dit par la ville que cette résurrection était l'œuvre de la Pucelle. À en croire les contes que l'on en faisait, l'enfant n'avait pas donné signe de vie depuis trois jours qu'il était né[369]; mais les commères de Lagny avaient sans doute allongé les heures pendant lesquelles il était resté inerte, comme ces bonnes femmes qui, d'un œuf pondu par le mari de l'une d'elles, en firent cent avant la fin du jour.

(p. 157) CHAPITRE VII
SOISSONS ET COMPIÈGNE. — PRISE DE LA PUCELLE.

Au sortir de Lagny, la Pucelle se présenta devant les portes de Senlis avec sa compagnie et les hommes d'armes des seigneurs français auxquels elle s'était jointe, en tout mille chevaux, pour lesquels elle demanda l'entrée. Il n'y avait pas de disgrâce que les bourgeois craignissent autant que de recevoir des gens d'armes, et il n'y avait pas de privilège dont ils fussent plus jaloux que de les tenir dehors. Le roi Charles en avait fait l'expérience durant la bénigne campagne du sacre. Les habitants de Senlis firent répondre à la Pucelle que, vu la pauvreté de la ville en fourrages, grains, avoine, vivres et vin, il lui serait offert d'y entrer avec trente ou quarante hommes des plus notables, et non davantage[370].

(p. 158) On veut que de Senlis Jeanne soit allée au château de Borenglise, en la paroisse d'Élincourt, entre Compiègne et Ressons, et, dans l'ignorance où l'on est des raisons qui l'y firent aller, on croit qu'elle se rendit en pèlerinage à l'église d'Élincourt, placée sous l'invocation de sainte Marguerite; et il est possible qu'elle ait tenu à faire ses dévotions à sainte Marguerite d'Élincourt, comme elle les avait faites à sainte Catherine de Fierbois, pour l'honneur de l'une des dames du ciel qui la visitaient tous les jours et à toute heure[371].

Il y avait alors, dans la ville d'Angers, un licencié ès lois, chanoine des églises de Tours et d'Angers et doyen de Saint-Jean d'Angers, qui, moins de dix jours avant la venue de Jeanne à Sainte-Marguerite d'Élincourt, le 18 avril, environ neuf heures du soir, ressentit une douleur à la tête qui lui dura jusqu'à quatre heures du matin, si forte qu'il crut mourir. Il se recommanda à madame sainte Catherine, envers qui il professait une dévotion particulière, et aussitôt il fut guéri. En reconnaissance d'une telle grâce, il se rendit à pied au sanctuaire de Sainte-Catherine de Fierbois; (p. 159) et le vendredi 5 mai, il y célébra la messe à haute voix pour le roi, «la Pucelle, digne de Dieu», et la prospérité et la paix du royaume[372].

Le Conseil du roi Charles avait remis Pont-Sainte-Maxence au duc de Bourgogne, au lieu de Compiègne qu'il ne pouvait lui livrer, pour la raison que la ville se refusait de toutes ses forces à être livrée, et demeurait au roi malgré le roi. Le duc de Bourgogne garda Pont-Sainte-Maxence qu'on lui donnait et résolut de prendre Compiègne[373].

Le 17 avril, à l'expiration de la trêve, il se mit en campagne avec une florissante chevalerie et une puissante armée, quatre mille Bourguignons, Picards et Flamands et quinze cents Anglais, sous le commandement de Jean de Luxembourg, comte de Ligny[374].

Le duc faisait venir à ce siège de belles pièces d'artillerie, notamment Remeswalle, Rouge bombarde et Houppembière, qui toutes trois lançaient des pierres très grosses. On y amenait aussi les bombardes achetées par le duc à messire Jean de Luxembourg et payées comptant: Beaurevoir et Bourgogne, un gros «coullard» et un engin volant. Les villes des vastes (p. 160) États de Bourgogne envoyaient devant Compiègne leurs archers et leurs arbalétriers. Le duc se fournissait d'arcs de Prusse et de Constantinople, avec flèches barbées et non barbées. Il appelait des mineurs et divers ouvriers pour faire des mines de poudre devant la ville et pour jeter des fusées de feu grégeois; enfin, monseigneur Philippe, plus riche qu'un roi, le plus magnifique seigneur de la chrétienté et très expert en chevalerie, voulait faire un beau siège[375].

La ville, une des plus grandes de France et des plus fortes, était défendue par quatre ou cinq cents hommes de garnison[376], sous le commandement du jeune seigneur Guillaume de Flavy. Issu d'une noble famille du pays, sans grands biens, toujours en querelle avec les seigneurs ses voisins et cherchant noise au pauvre peuple, il était aussi méchant et cruel qu'aucun seigneur armagnac[377]. Les habitants ne voulaient pas d'autre capitaine que lui; ils le gardèrent envers et (p. 161) contre le roi Charles et son chambellan. Et ils firent sagement, car pour les défendre il n'y avait pas meilleur que le seigneur Guillaume; on n'en aurait pas trouvé un second si entêté à son devoir. Au roi de France, qui lui avait donné l'ordre de livrer la ville, il avait refusé net; et lorsque ensuite le duc lui promit une grosse somme d'argent et une riche héritière en échange de Compiègne, il répondit que la ville était non pas à lui, mais au roi[378].

Le duc de Bourgogne s'empara sans peine de Gournay-sur-Aronde, et vint ensuite mettre le siège devant Choisy-sur-Aisne, qu'on appelait aussi Choisy-au-Bac, au confluent de l'Aisne et de l'Oise[379].

L'écuyer gascon Poton de Saintrailles et les gens de sa compagnie passèrent l'Aisne entre Soissons et Choisy, surprirent les assiégeants, et se retirèrent aussitôt, emmenant quelques prisonniers[380].

Le 13 mai, la Pucelle entrée à Compiègne, logea rue de l'Étoile[381]. Le lendemain, les attornés lui offrirent quatre pots de vin[382]. Ils entendaient par là lui (p. 162) faire grand honneur, car ils n'en offraient pas davantage au seigneur archevêque de Reims, chancelier du royaume, qui se trouvait alors dans la ville avec le comte de Vendôme, lieutenant du roi, et plusieurs autres chefs de guerre. Ces très hauts seigneurs résolurent d'envoyer de l'artillerie et des munitions au château de Choisy qui ne pouvait plus longtemps se défendre[383]; et la Pucelle fut mise en œuvre comme autrefois.

L'armée se dirigea vers Soissons pour y passer l'Aisne[384]. Le capitaine de la ville était un écuyer de Picardie nommé Guichard Bournel par les Français, et Guichard de Thiembronne par les Bourguignons: il avait servi les uns et les autres. Jeanne le connaissait bien: il lui rappelait un pénible souvenir. Ç'avait été l'un de ceux qui, la prenant blessée dans les fossés de Paris, l'avaient mise malgré elle sur un cheval. À l'approche des seigneurs et gens du roi Charles, le capitaine Guichard fit faussement accroire aux habitants de Soissons que toute cette gendarmerie venait prendre garnison dans leur ville. Aussi les habitants décidèrent-ils de ne les point recevoir. Il fut fait là tout comme à Senlis; le capitaine Bournel reçut le seigneur (p. 163) archevêque de Reims, le comte de Vendôme et la Pucelle, avec petite compagnie, et l'armée passa la nuit aux champs[385]. Le lendemain on essaya, faute d'obtenir l'accès du pont, de traverser la rivière à gué, mais on n'y put réussir. C'était le printemps, les eaux avaient monté. L'armée rebroussa chemin. Quand elle fut partie, le capitaine Bournel vendit au duc de Bourgogne la cité qu'il avait charge de garder au roi de France, et la mit en la main de messire Jean de Luxembourg pour 4.000 saluts d'or[386].

À la nouvelle que le capitaine de Soissons avait de la sorte agi laidement, contre son honneur, Jeanne s'écria que, si elle le tenait, elle le ferait trancher en quatre pièces, ce qui n'était pas une imagination de sa colère. L'usage voulait, pour le châtiment de certains crimes, que le bourreau coupât en quartiers les condamnés auxquels il avait d'abord tranché la tête: cela s'appelait écarteler. C'est comme si Jeanne avait dit que ce traître méritait d'être écartelé. Le propos parut dur aux oreilles bourguignonnes; certains crurent même entendre que, dans son indignation, Jeanne reniait Dieu. Ils entendirent mal. Jamais elle ne reniait Dieu, ni saint ni sainte; loin de maugréer, quand elle (p. 164) était en colère, elle disait: «Bon gré Dieu!», ou «Saint Jean!», ou «Notre Dame[387]

Devant Soissons, Jeanne et les chefs de guerre se séparèrent. Ceux-ci se dirigèrent avec leurs gens d'armes vers Senlis et les bords de la Marne. Le pays entre Aisne et Oise n'avait plus de quoi faire vivre tant de monde et de si grands personnages. Jeanne reprit avec sa compagnie le chemin de Compiègne[388]. À peine entrée dans la ville, elle en sortit pour battre les environs.

Elle fut notamment d'une expédition contre Pont-l'Évêque, place forte, à quelque distance de Noyon, et qu'occupait une petite garnison anglaise, sous les ordres du seigneur de Montgomery.

Les Bourguignons, qui faisaient le siège de Compiègne, se ravitaillaient par Pont-l'Évêque. À la mi-mai, les Français, au nombre de peut-être deux mille, commandés par le capitaine Poton, par messire Jacques de Chabannes et quelques autres, et accompagnés de la Pucelle, attaquèrent au petit jour les Anglais du seigneur de Montgomery, et l'affaire fut âprement menée. Mais les Bourguignons de Noyon étant venus à la rescousse, les Français battirent en retraite. Ils (p. 165) avaient tué trente hommes à l'ennemi et en avaient perdu autant; aussi le combat passa-t-il pour très meurtrier[389]. Il ne pouvait plus être question de traverser l'Aisne et de sauver Choisy.

Rentrée à Compiègne, Jeanne, qui ne prenait pas un moment de repos, courut à Crépy-en-Valois où se rassemblaient des troupes destinées à défendre Compiègne; puis elle se dirigea, avec ces troupes, par la forêt de Guise, vers la ville assiégée et elle y entra, le 23, à l'aube, sans avoir rencontré de Bourguignons. Il n'y en avait pas du côté de la forêt, sur la rive gauche de l'Oise[390].

Ils étaient tous de l'autre côté de la rivière. Là s'étend une prairie d'un quart de lieue au bout de laquelle la côte de Picardie s'élève. Cette prairie étant basse, humide, souvent inondée, on avait établi une chaussée allant du pont au village de Margny, dressé tout en face sur la côte abrupte. Le clocher de Clairoix pointait à trois quarts de lieue en amont, au confluent des deux rivières d'Aronde et d'Oise; le clocher de Venette, du côté opposé, à une demi-lieue en aval, vers Pont-Sainte-Maxence[391].

(p. 166) Un petit poste de Bourguignons commandé par un chevalier, messire Baudot de Noyelles, occupait le village de Margny, sur la hauteur. Le plus renommé homme de guerre du parti de Bourgogne, messire Jean de Luxembourg, se tenait avec ses Picards sur les bords de l'Aronde, au pied du mont Ganelon, à Clairoix. Les cinq cents Anglais du sire de Montgomery gardaient l'Oise à Venette. Le duc Philippe occupait Coudun, à une grande lieue de la ville, vers la Picardie[392].

Ces dispositions répondaient aux préceptes des plus expérimentés capitaines. Devant une place forte, on évitait de réunir sur une même position, dans un même logis, comme on disait, une grande quantité de gens d'armes. En cas d'attaque soudaine une grosse compagnie, pensait-on, si elle n'a qu'un logis, est surprise et mise en désarroi comme une moindre, et le mal est grave. C'est pourquoi il vaut mieux diviser les assiégeants en petites compagnies et placer ces compagnies assez près les unes des autres pour qu'elles puissent s'entre-aider. De cette manière, ceux d'un logis ne sont pas plutôt déconfits que les autres ont le loisir de se mettre en ordonnance pour les secourir. Les assaillants sont bien ébahis quand ils voient fondre sur eux des troupes fraîches et aux défenseurs le cœur en grandit (p. 167) de moitié. Ainsi pensait, notamment, messire Jean de Bueil[393].

Ce même jour, 23 mai, vers cinq heures du soir[394], montée sur un très beau cheval gris pommelé, Jeanne sortit par le pont et s'engagea sur la chaussée qui traversait la prairie, avec son étendard, sa compagnie lombarde, le capitaine Baretta et les trois ou quatre cents hommes, cavaliers et fantassins, entrés, la nuit, à Compiègne. Elle avait ceint l'épée bourguignonne trouvée à Lagny et portait sur son armure une huque de drap d'or vermeil[395]. Un tel habit eût mieux convenu pour une parade que pour une sortie; mais, dans la candeur de son âme villageoise et religieuse, elle aimait tout ce qui avait l'air cérémonieux et chevaleresque.

L'entreprise était concertée entre le capitaine Baretta, les autres chefs de partisans et messire Guillaume de Flavy, qui, pour aider la rentrée des Français, fit placer à la tête du pont des archers, des arbalétriers, des couleuvriniers, et mit sur la rivière une grande quantité de petits bateaux couverts destinés à recueillir, au besoin, le plus de monde possible[396]. Jeanne ne fut pas consultée (p. 168) sur l'entreprise: on ne lui demandait jamais conseil; on l'emmenait comme un porte-bonheur, sans lui rien dire, et on la montrait comme un épouvantail aux ennemis qui, la tenant pour une puissante magicienne, craignaient de tomber victimes de ses maléfices, surtout au cas où ils fussent en état de péché mortel. Certains, sans doute, dans les deux partis, s'apercevaient, au contraire, qu'elle n'était pas une femme différente des autres[397]; mais c'étaient des gens qui ne croyaient à rien et ces sortes de gens sont toujours en dehors du sentiment commun.

Cette fois, elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'on allait faire: la tête pleine de rêves, elle s'imaginait partir pour quelque grande et haute action. Elle avait promis, dit-on, à ceux de la ville, de déconfire les Bourguignons et de ramener prisonnier le duc Philippe. Or, il n'était nullement question de cela; le capitaine Baretta et les chefs des partisans se proposaient de surprendre et de piller le petit poste bourguignon le plus rapproché de la ville et le plus accessible, celui qu'occupait messire Baudot de Noyelles à Margny, sur une côte très roide à laquelle on pouvait atteindre en vingt ou vingt-cinq minutes par la chaussée. Le coup valait d'être tenté. Ces enlèvements de postes, c'était le casuel des gens d'armes. Et, bien que les ennemis (p. 169) eussent assez habilement choisi leurs positions, on avait chance de réussir en s'y prenant avec une extrême célérité. Les Bourguignons se tenaient à Margny en très petit nombre. Nouvellement venus, ils n'avaient établi ni bastille ni boulevard, et leurs défenses se réduisaient aux masures du village.

Il était cinq heures après midi quand les Français se mirent en marche. On se trouvait dans les plus longs jours de l'année; ils ne comptaient donc pas sur l'obscurité pour enlever le poste. Les gens d'armes, à cette époque, ne se hasardaient pas volontiers dans la nuit; ils la jugeaient traîtresse, capable de servir aussi bien le fol que le sage, et avaient un dicton là-dessus; ils disaient: «La nuit n'a point de honte[398]

Grimpés à Margny, les assaillants surprirent les Bourguignons épars et sans armes, et se mirent à frapper à leur plaisir. La Pucelle, pour sa part, renversait tout ce qui se trouvait devant elle.

Or, à ce moment, le sire Jean de Luxembourg et le sire de Créquy, venus à cheval de leur logis de Clairoix[399], gravissaient la côte de Margny, sans armures, avec huit ou dix gentilshommes. Ils se rendaient auprès de messire Baudot de Noyelles, et ne se doutant de rien, pensaient reconnaître, de ce point élevé, les défenses de (p. 170) la ville, comme naguère le comte de Salisbury aux Tourelles d'Orléans. Tombés en pleine escarmouche, ils envoyèrent en toute hâte à Clairoix quérir leurs armes et mander leur compagnie, qui ne pouvait atteindre le lieu du combat avant une bonne demi-heure. En attendant, tout démunis qu'ils étaient, ils se joignirent à la petite troupe de messire Baudot pour tenir tête à l'ennemi[400]. Surprendre ainsi monseigneur de Luxembourg, ce pouvait être une bonne chance et ce n'en pouvait pas être une mauvaise; car ceux de Margny eussent de toute façon appelé incontinent à leur secours ceux de Clairoix, comme en effet ils appelèrent les Anglais de Venette et les Bourguignons de Coudun.

Ayant forcé et pillé le logis, les assaillants, qui devaient prudemment rabattre en toute hâte sur la ville avec leur butin, s'attardèrent à Margny; on devine pour quelle cause: c'est celle qui fit tant de fois les détrousseurs détroussés. Ces gens-là, ceux de la croix blanche comme ceux de la croix rouge, quelque péril qui les pressât, ne quittaient point la place tant qu'il s'y trouvait encore quelque chose à emporter.

Le danger où les soudoyers de Compiègne s'exposaient par convoitise, la Pucelle devait, pour sa part, largement l'accroître par vaillance et prouesse: elle ne consentait jamais à quitter le combat; il fallait qu'elle (p. 171) fût blessée, navrée de flèches et de viretons, pour qu'on parvînt à la faire démordre.

Cependant, remis d'une alerte si chaude, les gens de messire Baudot s'armèrent comme ils purent et s'efforcèrent de reprendre le village. Tantôt ils en chassaient les Français, tantôt ils s'en retiraient eux-mêmes après avoir beaucoup souffert. Le seigneur de Créquy, entre autres, fut cruellement blessé au visage. Mais l'espoir d'être secourus leur renforçait le cœur. Ceux de Clairoix parurent. Le duc Philippe en personne s'approchait avec ceux de Coudun. Les Français débordés, abandonnant Margny, se retiraient lentement. Le butin, peut-être, alourdissait leur marche. Tout à coup, voyant les Godons de Venette s'avancer sur la prairie pour leur couper la retraite, la peur les prend; au cri de «Sauve qui peut!» ils s'élancent d'une course folle et atteignent en désordre la berge de l'Oise. Les uns se jetaient dans les bateaux, les autres se pressaient contre le boulevard du Pont. Ils s'attirèrent ainsi le mal dont ils avaient peur. Car les Anglais poussèrent le chanfrein de leurs chevaux dans le dos des fuyards, gagnant à cela que les canons des remparts ne pouvaient plus tirer sans atteindre les Français[401].

Ceux-ci ayant forcé la barrière du boulevard, les Anglais étaient en passe d'y pénétrer sur leurs talons, (p. 172) de franchir le pont et d'entrer dans la place. Le capitaine de Compiègne vit le danger et donna l'ordre de fermer la porte de la ville. Le pont fut levé et la herse baissée[402].

Gardant en cette déroute l'illusion héroïque de la victoire, Jeanne, sur la prairie, entourée seulement de quelques personnes de son service et de sa parenté, faisait face aux Bourguignons et pensait encore tout renverser devant elle.

On lui criait:

—Mettez-vous en peine de regagner à la ville, ou nous sommes perdus.

Le regard ébloui par des vols d'anges et d'archanges, elle répondait:

—Taisez-vous, il ne tiendra qu'à vous qu'ils ne soient déconfits. Ne pensez que de férir sur eux.

Et elle disait ce qu'elle disait toujours:

—Allez en avant! ils sont à nous[403]!

Ses gens prirent la bride de son cheval et la firent retourner de force du côté de la ville. Il était trop tard; on ne pouvait plus entrer dans le boulevard qui commandait le pont: les Anglais occupaient la tête de la chaussée. La Pucelle, avec sa petite troupe (p. 173) fidèle fut encognée dans l'angle que formaient le flanc du boulevard et le remblai de la route, par des gens de Picardie qui, frappant, écartant ceux qui la protégeaient, l'atteignirent[404]. Un archer la tira de côté par sa huque de drap d'or et la fit choir à terre. Tous, ils l'entouraient et lui criaient ensemble:

—Rendez-vous!

Pressée de donner sa foi, elle répondit:

—J'ai juré et baillé ma foi à autre que vous et je lui en tiendrai mon serment[405].

Un de ceux qui la lui demandaient affirma qu'il était noble homme. Elle se rendit à lui.

C'était un des archers attachés à la lance du bâtard de Wandomme; il se nommait Lyonnel. Voyant sa fortune faite, il se montrait plus joyeux que s'il avait pris un roi[406].

En même temps que la Pucelle, furent pris Pierre d'Arc, son frère; Jean d'Aulon, son intendant, et le frère de Jean d'Aulon, Poton, qu'on surnommait le Bourguignon[407]. À l'estimation des Bourguignons, les (p. 174) Français perdirent dans cette affaire quatre cents combattants, tués ou noyés[408]; mais, au dire des Français, la plupart des gens de pied furent recueillis dans les bateaux amarrés au bord de l'Oise[409].

Sans les archers, arbalétriers et couleuvriniers disposés par le sire de Flavy à la tête du pont, le boulevard était enlevé. Les Bourguignons n'eurent que vingt blessés et pas de morts[410]. La Pucelle n'avait pas été beaucoup défendue.

Elle fut conduite désarmée à Margny[411]. À la nouvelle que la sorcière des Armagnacs était prise, le camp des Bourguignons s'emplit de cris et de réjouissances. Le duc Philippe voulut la voir. Quand il s'approcha d'elle, il y eut, dans sa chevalerie et son clergé, des gens pour le louer de son courage, pour vanter sa piété, pour admirer que ce très puissant duc n'eût pas peur des larves vomies par l'enfer[412].

À ce compte, sa chevalerie était aussi brave que lui, (p. 175) car beaucoup de gentilshommes accouraient pour satisfaire la même curiosité. Parmi eux, se trouvait messire Enguerrand de Monstrelet, natif du comté de Boulogne, serviteur de la maison de Luxembourg, auteur de chroniques. Il entendit les paroles que le duc adressa à la prisonnière, et bien que, par état, il dût avoir de la mémoire, il les oublia. C'est peut-être qu'il ne les trouva pas assez chevalereuses pour les mettre en son livre[413].

Jeanne resta sous la garde de messire Jean de Luxembourg, à qui elle appartenait désormais, l'archer qui l'avait prise l'ayant cédée à son capitaine le bâtard de Wandomme, qui l'avait cédée à son tour à messire Jean son maître[414].

La tige des Luxembourg s'étendait de l'occident à l'orient chrétien, jusqu'à la Bohême et la Hongrie, et il en avait fleuri six reines, une impératrice, quatre rois, quatre empereurs. Issu d'une branche cadette de cette illustre maison et cadet lui-même mal apanagé, Jean de Luxembourg avait gagné durement sa chevalerie au service du duc de Bourgogne. Lorsqu'il prit à rançon la Pucelle, il avait trente-neuf ans, était couvert de blessures et borgne[415].

Le soir même, de ses quartiers de Coudun, le duc (p. 176) de Bourgogne fit écrire aux villes de son obéissance la prise de la Pucelle. «De cette prise seront grandes nouvelles partout, est-il dit dans sa lettre aux habitants de Saint-Quentin; et sera connue l'erreur et folle créance de tous ceux qui aux faits de cette femme se sont rendus enclins et favorables[416]

Le duc manda pareillement cette nouvelle au duc de Bretagne par son héraut Lorraine; au duc de Savoie, à sa bonne ville de Gand[417].

Les survivants de ceux que la Pucelle avait amenés à Compiègne abandonnèrent le siège et rentrèrent le lendemain dans leurs garnisons. Le capitaine lombard Barthélemy Baretta, lieutenant de Jeanne, demeura dans la ville avec trente-deux hommes d'armes, deux trompettes, deux pages, quarante-huit arbalétriers, vingt archers ou targiers[418].

(p. 177) CHAPITRE VIII
LA PUCELLE À BEAULIEU. — LE BERGER DU GÉVAUDAN.

La nouvelle parvint à Paris, le matin du 25, que Jeanne était aux mains des Bourguignons[419]. Dès le lendemain 26, l'Université adressa au duc Philippe sommation de remettre sa prisonnière au vicaire général du Grand Inquisiteur de France. En même temps le vicaire général requérait par lettre le redoutable duc d'amener prisonnière par devers lui cette fille suspecte de plusieurs crimes sentant l'hérésie[420].

«... Nous vous supplions de bonne affection, très (p. 178) puissant prince, disait-il, et nous prions vos nobles vassaux que par vous et eux Jeanne nous soit envoyée sûrement et brièvement et avons espérance qu'ainsi ferez comme vrai protecteur de la foi et défenseur de l'honneur de Dieu[421]...»

Le vicaire général du Grand Inquisiteur de France, frère Martin Billoray[422], maître en théologie, appartenait à l'ordre des frères prêcheurs dont les membres exerçaient les charges principales du saint office. Au temps d'Innocent III, alors que l'Inquisition exterminait les Cathares et les Albigeois, les fils de Dominique figuraient dans les peintures des cloîtres et des chapelles en chiens du Seigneur sous la forme de grands lévriers blancs tachetés de noir, qui mordaient à la gorge les loups de l'hérésie[423]. Au XVe siècle, en France, les dominicains étaient toujours les chiens du Seigneur; ils chassaient encore l'hérétique, mais couplés à l'évêque. Le Grand Inquisiteur ou son vicaire ne s'y trouvait point en état d'intenter de son propre mouvement et de poursuivre à lui seul une action judiciaire; les évêques maintenaient vis-à-vis de lui leur droit de juger les crimes contre l'Église. Les procès en matière de foi se faisaient par deux juges, l'ordinaire, qui pouvait être l'évêque lui-même ou l'official, et l'Inquisiteur ou (p. 179) son vicaire; et l'on observait les formes inquisitoriales[424].

Dans l'affaire de la Pucelle, ce n'était pas seulement un évêque qui mettait la très sainte Inquisition en mouvement, c'était la fille des rois, la mère des études, le beau clair soleil de France et de la chrétienté, l'Université de Paris. Elle s'attribuait le privilège de connaître dans les causes relatives aux hérésies ou opinions produites en la ville et aux environs, et ses avis, de toutes parts demandés, faisaient autorité sur toute la face du monde où la croix est plantée. Depuis un an, ses docteurs et maîtres en grande multitude et pleins de lettres, au jugement même de leurs adversaires, réclamaient la remise de la Pucelle à l'Inquisiteur, comme utile au bien de l'Église et congruente aux intérêts de la foi; car ils soupçonnaient véhémentement cette fille de ne point venir de Dieu, mais d'être trompée et abusée par les artifices du diable; d'agir, non par puissance céleste, mais par le ministère des démons; d'user de sorcellerie et de pratiquer l'idolâtrie[425].

Tout ce qu'ils possédaient de science divine et de raison raisonnante corroborait cette grave suspicion. Ils étaient Bourguignons et Anglais, de fait et de (p. 180) consentement, fidèles observateurs du traité de Troyes qu'ils avaient juré, dévoués au Régent qui leur montrait beaucoup d'égards; ils abhorraient les Armagnacs qui ruinaient et désolaient leur ville, la plus belle du monde[426]; ils tenaient le dauphin Charles pour déchu de ses droits sur le royaume des Lis. Aussi se trouvaient-ils enclins à croire que la Pucelle des Armagnacs, la chevaucheuse du dauphin Charles se gouvernait par l'inspiration de plusieurs démons très horribles. Ils étaient des hommes: on croit ce qu'on a intérêt à croire; ils étaient des prêtres et voyaient partout le diable, principalement dans une femme. Sans s'être encore livrés à un examen approfondi des faits et dits de cette pucelle, ils en découvraient assez pour demander instamment une enquête. Elle se disait envoyée de Dieu, fille de Dieu; et se manifestait bavarde, vaine, rusée, glorieuse en ses habits; elle avait menacé les Anglais, s'ils ne sortaient de France, de les faire tous occire; elle commandait les armées; elle était donc homicide, téméraire; elle était séditieuse, car ceux-là sont séditieux qui tiennent le parti contraire au nôtre. Naguère, venue en la compagnie de frère Richard, hérétique et séditieux[427], elle avait menacé (p. 181) les Parisiens de les mettre à mort sans merci, et commis ce péché mortel de donner l'assaut à la ville le jour de la Nativité de la très sainte Vierge. Il était urgent d'examiner si elle avait été mue en tout cela par un bon ou un mauvais esprit[428]?

Le duc de Bourgogne, bien que très attaché aux intérêts de l'Église, ne déféra pas à l'invitation pressante de l'Université; et messire Jean de Luxembourg, après avoir gardé la Pucelle trois ou quatre jours en ses quartiers devant Compiègne, la fit conduire au château de Beaulieu en Vermandois, à quelques lieues du camp[429]. Il se montrait, comme son maître, très obéissant fils de notre sainte mère l'Église; mais la prudence conseillait de laisser venir les Anglais et les Français et d'attendre leurs offres.

Jeanne, à Beaulieu, fut traitée avec courtoisie; elle gardait son état. Messire Jean d'Aulon, son intendant, la servait en sa prison; il lui dit piteusement un jour:

—Cette pauvre ville de Compiègne, que vous avez beaucoup aimée, à cette fois sera remise aux mains et dans la subjection des ennemis de France.

(p. 182) Elle lui répondit:

—Non! ce ne sera point. Car toutes les places que le Roi du ciel a réduites et remises en la main et obéissance du gentil roi Charles par mon moyen ne seront point reprises par ses ennemis, tant qu'il fera diligence pour les garder[430].

Un jour, elle essaya de s'échapper en se coulant entre deux pièces de bois. Son intention était d'enfermer les gardes dans la tour et de prendre les champs, mais le portier la vit et l'arrêta. Elle en conclut qu'il ne plaisait pas à Dieu qu'elle échappât pour cette fois[431]. Cependant elle avait le cœur trop bon pour désespérer. Ses Voix, éprises comme elle de rencontres merveilleuses et de chevaleresques aventures, lui disaient qu'il fallait qu'elle vît le roi d'Angleterre[432]. Ainsi, dans son malheur, ses rêves l'encourageaient et la consolaient.

Il y eut grand deuil sur la Loire, quand les habitants des villes fidèles au roi Charles apprirent le malheur advenu à la Pucelle. Le peuple qui la vénérait comme une sainte, qui allait jusqu'à dire qu'elle était la plus grande de toutes les saintes de Dieu après la bienheureuse Vierge Marie, qui lui élevait des images dans les chapelles des saints, qui ordonnait pour elle (p. 183) des messes et des collectes dans les églises, qui portait sur soi des médailles de plomb où elle était représentée comme si l'Église l'avait déjà canonisée[433], ne lui retira pas sa foi et continua de croire en elle[434]; cette fidélité scandalisait les docteurs et maîtres de l'Université qui en faisaient un grief à la pauvre Pucelle. «Jeanne, disaient-ils, a tellement séduit le peuple catholique, que beaucoup, en sa présence, l'ont adorée comme sainte, et en son absence l'adorent encore[435]

C'était vrai de maintes personnes, en maints endroits. Les conseillers de la ville de Tours ordonnèrent des prières publiques pour demander à Dieu la délivrance de la Pucelle. On fit une procession générale, à laquelle assistèrent les chanoines de l'église cathédrale, le clergé séculier et régulier de la ville, tous marchant nu-pieds[436].

Dans des villes du Dauphiné, on récita à la messe des oraisons pour la Pucelle:

«Collecte.—Dieu puissant et éternel qui, dans votre sainte et ineffable miséricorde, et dans votre admirable puissance, avez commandé à la Pucelle de (p. 184) relever et sauver le royaume de France, et de repousser, confondre et anéantir ses ennemis et qui avez permis que, pendant qu'elle accomplissait cette œuvre sainte, ordonnée par vous, elle tombât aux mains et dans les liens de ses ennemis, nous vous prions, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints de la délivrer de leurs mains, sans qu'elle ait éprouvé aucun mal, afin qu'elle achève d'accomplir ce pour quoi vous l'avez envoyée.

»Par Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.»

«Secrète.—Dieu tout-puissant, père des vertus, que votre bénédiction sacro-sainte descende sur cette oblation; que votre puissance admirable se déploie, que par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints, Elle délivre la Pucelle des prisons de ses ennemis afin qu'elle achève d'accomplir ce pourquoi vous l'avez envoyée.

»Par Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.»

«Post-Communion.—Dieu tout-puissant, daignez écouter les prières de votre peuple: par la vertu des sacrements que nous venons de recevoir, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints, brisez les fers de la Pucelle qui, en exécutant les œuvres que vous lui avez commandées, a été et est encore enfermée dans les prisons de nos ennemis; que votre compassion et votre miséricorde divine lui permettent (p. 185) d'accomplir, exempte de péril, ce pourquoi vous l'avez envoyée.

»Par Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc[437]

Apprenant que cette pucelle, par lui jadis soupçonnée de mauvais desseins, puis reconnue toute bonne, venait de tomber aux mains des ennemis du royaume, messire Jacques Gélu, seigneur archevêque d'Embrun, dépêcha au roi Charles un exprès avec une lettre sur la conduite à tenir en ces conjonctures malheureuses[438].

S'adressant au prince dont il a jadis guidé l'enfance, messire Jacques commence par lui rappeler ce que, avec le secours du Ciel, la Pucelle a fait pour lui, d'un si grand courage. Il le prie d'examiner sa conscience pour voir s'il n'a en rien offensé la bonté de Dieu. Car c'est peut-être dans sa colère contre le roi que le Seigneur a permis que cette vierge fût prise. Il l'invite, sur son honneur, à tout tenter et à tout dépenser afin de la ravoir.

«Je vous recommande, dit-il, que, pour le recouvrement de cette fille et pour le rachat de sa vie, vous n'épargniez ni moyens ni argent, ni quel prix (p. 186) que ce soit, si vous n'êtes prêt d'encourir le blâme indélébile d'une très reprochable ingratitude.»

Il lui conseille, en outre, de faire ordonner partout des prières pour la délivrance de cette Pucelle afin que si cet accident était arrivé par quelque manquement ou du roi ou du peuple, il plût à Dieu de le pardonner[439].

Ainsi parla, non sans force ni sans charité, ce vieil évêque, moins évêque qu'ermite, à qui toutefois il souvenait d'avoir été conseiller delphinal dans des temps mauvais et qui aimait chèrement le roi et le royaume.

On a soupçonné le sire de la Trémouille et le seigneur archevêque de Reims, d'avoir voulu se débarrasser d'elle et de l'avoir poussée à sa perte; on a cru découvrir les ténébreux moyens par lesquels ils la firent battre à Paris, à La Charité, à Compiègne[440]. La vérité est qu'ils n'eurent pas besoin de s'en mêler. À Paris, c'eût été grand hasard qu'elle pût passer le fossé, puisque ni elle, ni ses compagnons n'en connaissaient la profondeur; d'ailleurs ce ne fut pas la faute du roi et de son Conseil si les carmes, sur lesquels on comptait, n'ouvrirent pas les portes. Le siège de La Charité fut conduit non par la Pucelle, mais par le (p. 187) sire d'Albret et plusieurs vaillants capitaines. Lors de la sortie de Compiègne, il était certain que, si l'on s'attardait à Margny, on serait coupé par les Anglais de Venette et les Bourguignons de Clairoix et bientôt écrasé par ceux de Coudun. On s'oublia dans les délices du pillage; il arriva ce qui devait arriver.

Et pourquoi le sire chambellan et le seigneur archevêque auraient-ils voulu se débarrasser de la Pucelle? Elle ne les gênait pas; tout au contraire, elle leur était utile; ils l'employaient. En prophétisant qu'elle ferait sacrer le roi à Reims, elle avait grandement servi messire Regnault, à qui le voyage de Champagne profitait plus qu'à tout autre, plus qu'au roi, qui y gagnait d'être sacré, mais y manquait de reprendre Paris et la Normandie. Le seigneur archevêque n'en gardait pas beaucoup de reconnaissance à la Pucelle; c'était un homme égoïste et dur; mais lui voulait-il du mal? et n'avait-il plus besoin d'elle? Il tenait à Senlis le parti du roi, et sûrement il le tenait de son mieux, puisqu'il défendait, avec les villes rendues à leur juste maître, sa cité épiscopale et ducale, ses bénéfices et ses prébendes. Ne pensait-il pas à se servir d'elle contre les Bourguignons? Nous avions déjà trouvé des raisons de croire que, à la fin de mars, il demanda au sire de la Trémouille de la lui envoyer de Sully avec une belle compagnie, pour guerroyer dans l'Île-de-France. Et ce qui va nous confirmer dans cette idée, c'est que nous voyons que, lorsqu'elle vint malheureusement à leur (p. 188) manquer, l'évêque et le chambellan s'efforcèrent de la remplacer par une personne, comme elle, favorisée de visions et se disant, comme elle, envoyée de Dieu, et que, à défaut d'une pucelle, les deux compères essayèrent d'un puceau. Ils s'y résolurent peu de jours après la prise de Jeanne, et voici dans quelles circonstances.

Quelque temps auparavant, un jeune berger du Gévaudan, nommé Guillaume, qui paissait ses troupeaux au pied des monts Lozère et les gardait du loup et du lynx, eut des révélations concernant le royaume de France. Ce berger était vierge comme Jean, le disciple préféré du Seigneur. Dans une des cavernes de la montagne de Mende, où le saint apôtre Privat avait prié et jeûné, il eut l'oreille frappée par une voix du ciel et il connut qu'il était envoyé par Dieu vers le roi de France. Il alla à Mende, ainsi que Jeanne était allée à Vaucouleurs, pour se faire conduire au roi. Il trouva des personnes pieuses qui, touchées de sa sainteté et persuadées qu'une vertu était en lui, pourvurent à son équipement et à son viatique; ce qui, à vrai dire, était peu de chose. Il tint au roi les mêmes propos que la Pucelle lui avait tenus:

—Sire, dit-il, j'ai commandement d'aller avec vos gens; et sans faute les Anglais et les Bourguignons seront déconfits[441].

(p. 189) Le roi lui fit un accueil bienveillant. Les clercs, qui avaient interrogé la Pucelle, auraient craint sans doute, en repoussant ce jeune berger, de mépriser le secours du Saint-Esprit. Amos fut pasteur de troupeaux et le Seigneur lui accorda le don de prophétie: «Je te confesserai, mon père, Dieu du ciel et de la terre, qui as révélé aux humbles ce que tu as caché aux sages et aux prudents.» (Math., XI.)

Certes, pour inspirer foi il fallait qu'il donnât un signe, mais les clercs de Poitiers qui, par le malheur des temps, gémissaient dans une extrême indigence, n'étaient pas trop exigeants en fait de preuves; ils avaient conseillé au roi de mettre en œuvre la Pucelle sur la seule promesse que, en signe de sa mission, elle délivrerait Orléans. Le pastour du Gévaudan n'allégua pas seulement des promesses: il montra de merveilleuses marques sur son corps. De même que saint François, il avait reçu les stigmates et portait aux pieds, aux mains, au côté, des plaies sanglantes[442].

C'était pour les religieux mendiants un grand sujet de joie, que leur père spirituel eût ainsi partagé la Passion de Notre-Seigneur. Pareille grâce avait été accordée à la bienheureuse Catherine de Sienne, de l'ordre de Saint-Dominique. Mais, s'il y avait des stigmates miraculeux, imprimés par Jésus-Christ lui-même, on voyait aussi des stigmates magiques, qui étaient l'œuvre du (p. 190) Diable, et il importait grandement de faire le discernement des uns et des autres[443]. On y parvenait à force de science et de piété. Il parut que les stigmates de Guillaume n'étaient pas diaboliques; car on résolut de le mettre en œuvre comme on avait fait pour Jeanne, pour Catherine de La Rochelle et pour les deux Bretonnes, filles spirituelles du frère Richard.

Quand la Pucelle tomba aux mains des Bourguignons, le sire de la Trémouille se tenait auprès du roi, sur la Loire, où l'on ne faisait plus la guerre depuis le malheureux siège de La Charité. Il envoya le petit berger au seigneur archevêque de Reims alors aux prises, sur l'Oise, avec les Bourguignons que commandait le duc Philippe lui-même. Messire Regnault avait probablement réclamé l'innocent; en tout cas il l'accueillit volontiers, le tint sous sa main, à Beauvais, le surveillant et l'interrogeant, prêt à le lancer au moment favorable. Un jour, soit pour l'éprouver, soit que la nouvelle eût couru et trouvé créance, on annonça au jeune Guillaume que les Anglais avaient fait mourir Jeanne.

—Tant plus leur en mescherra, répondit-il[444].

À cette heure, après les rivalités, les jalousies, qui avaient agité le béguinage royal, il ne restait au frère (p. 191) Richard qu'une seule de ses pénitentes, la dame Catherine de La Rochelle, qui découvrait les trésors cachés[445]. Le petit berger se montra aussi peu favorable à la Pucelle que la dame Catherine.

—Dieu, dit-il, a souffert que Jeanne fût prise, parce qu'elle s'était constituée en orgueil et pour les riches habits qu'elle avait pris et parce qu'elle n'avait pas fait ce que Dieu lui avait commandé, mais avait fait sa volonté[446].

Ces propos lui étaient-ils soufflés par les ennemis de la Pucelle? Il se peut; il est possible aussi qu'il les eût trouvés d'inspiration. Les saints et les saintes ne sont pas toujours tendres les uns pour les autres.

Cependant messire Regnault de Chartres pensait tenir la merveille qui remplacerait la merveille perdue. Il écrivit une lettre aux habitants de sa ville de Reims, par laquelle il leur mandait que la Pucelle avait été prise à Compiègne.

Ce mal lui advint par sa faute, ajouta-t-il. «Elle ne voulait croire conseil, mais faisait tout à son plaisir.» En sa place, Dieu a envoyé un pastourel «qui dit ni plus ni moins qu'avait fait Jeanne. Il a commandement de déconfire sans faute les Anglais et les Bourguignons». Et le seigneur archevêque n'oublie pas de rapporter les paroles par lesquelles l'inspiré du Gévaudan avait représenté Jeanne comme orgueilleuse, (p. 192) brave en ses habits, rebelle en son cœur[447]. Révérend père en Dieu monseigneur Regnault n'aurait jamais consenti à se servir d'une hérétique ou d'un sorcier; il croyait en Guillaume comme il avait cru en Jeanne; il les tenait l'un et l'autre pour envoyés du ciel, en ce sens que tout ce qui ne vient pas du diable vient de Dieu. Il lui suffisait qu'on n'eût rien découvert de mauvais en cet enfant et il pensait l'essayer, espérant que ce qu'avait fait Jeanne, Guillaume le ferait bien. Qu'il eût tort ou raison, l'événement en devait décider, mais il eût pu exalter le pastourel sans renier la sainte si près de son martyre. Sans doute croyait-il nécessaire de dégager la fortune du royaume de la fortune de Jeanne. Et il eut ce courage.

(p. 193) CHAPITRE IX
LA PUCELLE À BEAUREVOIR. — CATHERINE DE LA ROCHELLE À PARIS. — SUPPLICE DE LA PIERRONNE.

La Pucelle avait été prise dans l'évêché de Beauvais[448]. L'évêque comte de Beauvais était alors Pierre Cauchon, natif de Reims, grand et solennel clerc de l'Université de Paris qui l'avait élu recteur en l'an 1403. Messire Pierre Cauchon n'était point un homme modéré; il s'était jeté très ardemment dans les émeutes cabochiennes[449]. En 1414, le duc de Bourgogne l'avait envoyé en ambassade au concile de Constance pour y (p. 194) défendre les doctrines de Jean Petit[450], puis nommé maître des requêtes en 1418, et fait asseoir enfin dans le siège épiscopal de Beauvais[451]. Également favorisé par les Anglais, messire Pierre était conseiller du roi Henri VI, aumônier de France et chancelier de la reine d'Angleterre; il résidait assez habituellement à Rouen depuis l'année 1423. Les habitants de Beauvais, en se donnant au roi Charles, l'avaient privé de ses revenus épiscopaux[452]. Et comme les Anglais disaient et croyaient que l'armée du roi de France était alors commandée par frère Richard et la Pucelle, messire Pierre Cauchon, évêque destitué de Beauvais, avait contre Jeanne un grief personnel. Il eût mieux valu pour son honneur qu'il s'abstînt de venger l'honneur de l'Église sur une fille, peut-être idolâtre, invocatrice de diables et devineresse, mais qui sûrement avait encouru son inimitié. Il était aux gages du Régent[453]; or, le Régent nourrissait pour la Pucelle beaucoup de haine et de rancune[454]. Pour son honneur encore, le seigneur évêque de Beauvais aurait dû songer qu'en poursuivant Jeanne en matière de foi, il semblait servir les haines d'un maître et les intérêts temporels des puissants de ce (p. 195) monde. Il n'y songea pas; tout au contraire, cette affaire à la fois temporelle et spirituelle, ambiguë comme son état, excitait ses appétits. Il se jeta dessus avec l'étourderie des violents. Une fille à dévorer, hérétique et de plus armagnaque, quel régal pour le prélat, conseiller du roi Henri! Après s'être concerté avec les docteurs et maîtres de l'Université de Paris, il se présenta, le 14 juillet, au camp de Compiègne et réclama la Pucelle comme appartenant à sa justice[455].

Il présentait à l'appui de sa demande les lettres adressées par l'alma Mater au duc de Bourgogne et au seigneur Jean de Luxembourg.

À l'illustrissime prince, duc de Bourgogne, l'Université mandait qu'elle avait une première fois réclamé cette femme, dite la Pucelle, et n'avait point reçu de réponse.

«Nous craignons fort, disaient ensuite les docteurs et maîtres, que, par la fausseté et séduction de l'Ennemi d'enfer et par la malice et subtilité de mauvaises personnes, vos ennemis et adversaires, qui mettent tous leurs soins, dit-on, à délivrer cette femme par voies obliques, elle ne soit mise hors de votre pouvoir en quelque manière.

»Pourtant, l'Université espère qu'un tel déshonneur sera épargné au très chrétien nom de la maison de France, et supplie derechef Sa Hautesse le duc de Bourgogne (p. 196) de remettre cette femme soit à l'inquisiteur du mal hérétique, soit à monseigneur l'évêque de Beauvais en la juridiction spirituelle de qui elle a été prise.»

Voici la lettre que les docteurs et maîtres de l'Université avaient remise au seigneur évêque de Beauvais pour le Seigneur Jean de Luxembourg:

Très noble, honoré et puissant seigneur, nous nous recommandons très affectueusement à votre haute noblesse. Votre noble prudence sait bien et connaît que tous bons chevaliers catholiques doivent leur force et puissance employer premièrement au service de Dieu; et après au profit de la chose publique. Spécialement, le serment premier de l'ordre de chevalerie est de garder et défendre l'honneur de Dieu, la foi catholique et sa sainte Église. De cet engagement sacré il vous est bien souvenu quand vous avez employé votre noble puissance et votre personne à appréhender cette femme qui se dit la Pucelle, au moyen de laquelle l'honneur de Dieu a été sans mesure offensé, la foi excessivement blessée et l'Église trop fort déshonorée; car, par son occasion, idolâtries, erreurs, mauvaises doctrines et autres maux et inconvénients démesurés se sont produits en ce royaume. Et en vérité, tous les loyaux chrétiens vous doivent remercier grandement d'avoir rendu si grand service à notre sainte foi et à tout ce royaume. Quant à nous, nous en remercions Dieu de tout notre cœur, et nous vous remercions de votre noble prouesse aussi affectueusement que nous le pouvons faire. Mais ce serait peu de chose que d'avoir fait telle prise, s'il n'y était donné suite convenable, en sorte que cette femme puisse répondre des offenses qu'elle a perpétrées contre notre doux Créateur, sa foi et sa sainte Église, ainsi que de ses autres méfaits qu'on dit innombrables. Le mal serait plus grand que (p. 197) jamais, le peuple en plus grande erreur que devant et la Majesté divine trop intolérablement offensée, si la chose demeurait en ce point, ou s'il advenait que cette femme fût délivrée ou reprise comme quelques-uns de nos ennemis, dit-on, le veulent, s'y efforcent et s'y appliquent de toute leur intelligence, par toutes voies secrètes et, qui pis est, par argent ou rançon. Mais nous espérons que Dieu ne permettra pas qu'un si grand mal advienne à son peuple, et que votre bonne et noble prudence ne le souffrira pas, mais qu'elle y saura bien pourvoir convenablement.

Car si délivrance était faite ainsi d'elle, sans convenable réparation, ce serait un déshonneur irréparable sur votre grande noblesse et sur tous ceux qui se seraient entremis dans cette affaire. Mais votre bonne et noble prudence saura pourvoir à ce qu'un tel scandale cesse le plus tôt que faire se pourra, comme besoin est. Et parce qu'en cette affaire tout délai est très périlleux et très préjudiciable à ce royaume, nous supplions très amicalement, avec une cordiale affection, votre puissante et honorée noblesse de vouloir bien, pour l'honneur divin, la conservation de la sainte foi catholique, le bien et la gloire du royaume, envoyer cette femme en justice et la faire ici remettre à l'inquisiteur de la foi qui l'a réclamée et la réclame instamment, afin d'examiner les grandes charges qui pèsent sur elle, en sorte que Dieu en puisse être content, le peuple dûment édifié en bonne et sainte doctrine. Ou bien, vous plaise faire remettre et délivrer cette femme à révérend père en Dieu, notre très honoré seigneur l'évêque de Beauvais, qui l'a pareillement réclamée et en la juridiction duquel elle a été prise, dit-on. Ce prélat et cet inquisiteur sont juges de cette femme en matière de foi; et tout chrétien, de quelque état qu'il soit, est tenu de leur obéir, dans le cas présent, sous les peines de droit qui sont (p. 198) grandes. En faisant cela, vous acquerrez la grâce et amour de la haute Divinité, vous serez moyen de l'exaltation de la sainte foi, et aussi vous accroîtrez la gloire de votre très haut et noble nom et en même temps celle de très haut et très puissant prince, notre très redouté seigneur et le vôtre, monseigneur de Bourgogne. Chacun sera tenu de prier Dieu, pour la prospérité de votre très noble personne; laquelle Dieu notre Sauveur, veuille, par sa grâce, conduire et garder en toutes ses affaires et finalement lui rétribuer joie sans fin.

Fait à Paris, le quatorzième jour de juillet 1430[456].

En même temps qu'il était porteur de ces lettres, révérend père en Dieu, l'évêque de Beauvais était chargé d'offres d'argent[457]. Et il semble vraiment étrange qu'au moment même où il représentait au seigneur de Luxembourg, par l'organe de l'Université, qu'il ne pouvait vendre sa prisonnière sans crime, il la lui vînt lui-même acheter. Sur la foi de ces hommes d'Église, messire Jean encourait des peines terribles en ce monde et dans l'autre si, conformément aux droits et coutumes de la guerre, il délivrait contre finance une personne prise à rançon, et il s'attirait louanges et bénédictions si traîtreusement il vendait sa captive à ceux qui voulaient la faire mourir. Du moins le seigneur évêque, lui, vient-il acheter cette femme pour l'Église, avec l'argent de l'Église? Non! Avec l'argent des Anglais. Donc elle est livrée non pas à l'Église mais (p. 199) aux Anglais. Et c'est un prêtre, au nom des intérêts de Dieu et de l'Église, en vertu de sa juridiction ecclésiastique, qui conclut le marché. Il offre dix mille francs d'or, somme au prix de laquelle, dit-il, le roi, selon la coutume de France, a le droit de se faire remettre tout prisonnier, fût-il de sang royal[458].

Que messire Pierre Cauchon, grand et solennel clerc, soupçonnât Jeanne de sorcellerie, le doute n'est pas possible sur ce point. La voulant juger, il agissait en évêque. Mais il la savait ennemie des Anglais et sa propre ennemie: nul doute non plus sur ce point. La voulant juger, il agissait en conseiller du roi Henri. Pour dix mille francs d'or, achetait-il une sorcière ou l'ennemie des Anglais? Et si c'était seulement une sorcière et une idolâtre que le sacré inquisiteur, que l'Université, que l'ordinaire réclamaient pour la gloire de Dieu et à prix d'or, à quoi bon tant d'efforts et de dépense? Ne valait-il pas mieux agir en cette matière de concert avec les clercs du roi Charles? Les Armagnacs n'étaient pas des infidèles, des hérétiques; ils n'étaient pas des Turcs, des Hussites; ils étaient des catholiques; ils reconnaissaient le pape de Rome comme vrai chef de la chrétienté. Le dauphin Charles et son clergé n'étaient pas excommuniés; le pape ne disait anathèmes ni ceux qui tenaient pour nul le traité de Troyes, ni ceux qui l'avaient juré; (p. 200) ce n'était pas matière de foi. Dans les pays de l'obéissance du roi Charles la sainte inquisition poursuivait curieusement le mal hérétique et le bras séculier pourvoyait à ce que les jugements d'Église ne fussent point de vaines rêveries. Tout aussi bien que les Français et les Bourguignons, les Armagnacs brûlaient les sorcières. Sans doute, ils ne pensaient pas, pour l'heure, que la Pucelle fût possédée de plusieurs diables; la plupart d'entre eux croyaient préférablement que c'était une sainte. Mais ne pouvait-on les détromper? N'était-il pas charitable de leur opposer de beaux arguments canoniques? Si la cause de cette Pucelle était vraiment une cause ecclésiastique, pourquoi ne pas se concerter entre les clercs des deux partis en vue de la porter devant le pape et le concile? Précisément un concile pour la réforme de l'Église et la paix des royaumes était convoqué dans la ville de Bâle; l'Université désignait des délégués qui devaient s'y rencontrer avec les clercs du roi Charles, gallicans comme eux et obstinément attachés comme eux aux privilèges de l'Église de France[459]. Pourquoi n'y pas faire juger la prophétesse des Armagnacs par les Pères assemblés? Mais il fallait que les choses prissent un autre tour dans l'intérêt de Henri de Lancastre et pour la gloire (p. 201) de la vieille Angleterre. Déjà les conseillers du Régent accusaient Jeanne de sorcellerie quand elle les sommait, de par le Roi du ciel, de s'en aller hors la France. Lors du siège d'Orléans, ils voulaient brûler ses hérauts, et disaient que s'ils la tenaient, ils la feraient brûler. Telle était certes leur ferme intention et leur constant propos, ce qui ne veut pas dire qu'ils songèrent, dès qu'elle fut prise, à la remettre aux clercs. Dans leur royaume, ils brûlaient autant que possible les sorciers et les sorcières; toutefois ils n'avaient jamais souffert que la sacrée inquisition s'y établît, et ils connaissaient fort mal cette sorte de justice. Avisé que Jeanne était aux mains du sire de Luxembourg, le grand conseil d'Angleterre fut unanime pour qu'on l'achetât à tout prix. Plusieurs lords recommandèrent, dès qu'on la tiendrait, de la coudre dans un sac et de la jeter à la rivière. Mais l'un d'eux (on a dit que c'était le comte de Warwick) leur représenta qu'il fallait qu'elle fût jugée, convaincue d'hérésie et de sorcellerie, par un tribunal ecclésiastique, solennellement déshonorée, afin que son roi fût déshonoré avec elle[460]. Quelle honte pour Charles de Valois, se disant roi de France, si l'Université de Paris, si les prélats français, évêques, abbés, chanoines, si l'Église universelle enfin déclarait qu'une sorcière avait siégé dans ses conseils, conduit ses armées, qu'une possédée l'avait mené à son sacre impie, sacrilège et dérisoire! (p. 202) Le procès de la Pucelle serait le procès de Charles VII, la condamnation de la Pucelle serait la condamnation de Charles VII. L'idée parut bonne et l'on s'y tint.

Le seigneur évêque de Beauvais s'empressa de l'exécuter, tout bouillant de juger, lui, prêtre et conseiller d'État, sous le semblant d'une malheureuse hérétique, le descendant de Clovis, de saint Charlemagne et de saint Louis.

Au commencement d'août, le sire de Luxembourg fit transporter la Pucelle, de Beaulieu, qui était trop peu sûr, à Beaurevoir, près Cambrai[461]. Là, vivaient les dames Jeanne de Luxembourg et Jeanne de Béthune. Jeanne de Luxembourg était tante du seigneur Jean qu'elle aimait tendrement; elle avait vécu parmi les puissants de ce monde comme une sainte, et sans contracter d'alliance; jadis demoiselle d'honneur de la reine Ysabeau, marraine du roi Charles VII, une des grandes affaires de sa vie avait été de solliciter auprès du pape Martin la canonisation de son frère, le cardinal de Luxembourg, mort en Avignon dans sa dix-neuvième année. On l'appelait la demoiselle de Luxembourg. Elle était âgée de soixante-sept ans, malade et près de sa fin[462].

(p. 203) Jeanne de Béthune, veuve du seigneur Robert de Bar, tué à la bataille d'Azincourt, avait épousé, en 1418, le seigneur Jean. Elle passait pour pitoyable, ayant demandé à son époux et obtenu, en l'an 1424, la grâce d'un gentilhomme picard amené prisonnier à Beaurevoir et en grand danger d'être décapité et puis écartelé[463].

Ces deux dames traitèrent Jeanne avec douceur. Elles lui offrirent des vêtements de femme ou du drap pour en faire; et elles la pressèrent de quitter un habit qui leur paraissait mal séant. Jeanne s'y refusa, alléguant qu'elle n'en avait pas congé de Notre-Seigneur et qu'il n'était pas encore temps; mais elle avoua, par la suite, que, si elle avait pu quitter l'habit d'homme, elle l'aurait fait à la requête de ces deux dames préférablement à celle de toute autre dame de France, sa reine exceptée[464].

Un gentilhomme du parti de Bourgogne, qui se nommait Aimond de Macy, la venait souvent voir et conversait volontiers avec elle. Elle ne lui tenait que de bons propos, se montrait honnête de fait et dans tous ses gestes. Toutefois sire Aimond, qui n'avait guère que trente ans, la trouva fort agréable de sa personne[465]. Si l'on en croit certains témoignages de son parti, Jeanne, (p. 204) quoique belle, n'inspirait pas de désirs aux hommes; mais cette grâce singulière ne s'exerçait que sur les Armagnacs; elle ne s'étendait pas aux Bourguignons et le seigneur Aimond n'en fut point touché, car il tenta un jour de lui mettre la main dans le sein. Elle l'en empêcha bien et le repoussa de toutes ses forces. Le seigneur Aimond en conclut, comme plus d'un aurait fait à sa place, que cette fille était d'une rare vertu. Il s'en portait caution[466].

Enfermée dans le donjon du château, Jeanne tendait son esprit sur cette seule idée d'aller revoir ses amis de Compiègne; elle ne songeait qu'à s'échapper. Il lui vint, on ne sait comment, de mauvaises nouvelles de France. Elle croyait savoir que tous ceux de Compiègne, depuis l'âge de sept ans, seraient massacrés. Elle disait: «seraient mis à feu et à sang»; événement d'ailleurs certain, si la ville eût été prise.

Confiant à madame sainte Catherine ses douleurs et son invincible désir, elle demandait:

—Comment Dieu laissera-t-il mourir ces bonnes gens de Compiègne, qui ont été et sont si loyaux à leur seigneur[467]?

Et dans son rêve, mêlée aux saintes, comme on voit les donatrices dans les tableaux d'église, agenouillée et ravie, elle priait avec ses conseillères du ciel, pour les habitants de Compiègne.

(p. 205) Ce qu'elle avait ouï de leur sort lui causait une douleur infinie, et elle aimait mieux mourir que vivre après une telle destruction de bonnes gens. C'est pourquoi elle fut véhémentement tentée de sauter du haut du donjon. Et, comme elle savait bien tout ce qu'on pouvait lui dire à rencontre, elle entendait ses Voix le lui ramentevoir.

Madame sainte Catherine lui répétait presque tous les jours:

—Ne sautez point, Dieu vous aidera et pareillement ceux de Compiègne.

Et Jeanne lui répondait:

—Puisque Dieu aidera ceux de Compiègne, j'y veux être.

Et madame sainte Catherine lui recommençait ce conte merveilleux de la bergère et du roi:

—Sans faute, il faut que vous preniez tout en gré. Et vous ne serez point délivrée tant que vous n'aurez point vu le roi des Anglais.

À quoi Jeanne répliquait:

—Vraiment je ne le voulusse point voir. J'aimasse mieux mourir que d'être mise en la main des Anglais[468].

Un jour, elle apprit que les Anglais venaient la chercher. La nouvelle se rapportait peut-être à la venue du seigneur évêque de Beauvais qui offrit à Beaurevoir le prix du sang[469]. Entendant cela, Jeanne éperdue, hors (p. 206) d'elle, n'écouta plus ses Voix qui lui défendaient de tenter le saut mortel. Le donjon était haut de soixante-dix pieds, pour le moins; elle se recommanda à Dieu et sauta.

Chue à terre, elle entendit des gens qui criaient:

—Elle est morte.

Les gardes accoururent. La trouvant encore en vie, dans leur saisissement, ils ne surent que lui demander:

—Vous avez sauté?...

Elle se sentait brisée; mais madame sainte Catherine lui parla:

—Faites bon visage. Vous guérirez.

Madame sainte Catherine lui donna en même temps de bonnes nouvelles des amis.

—Vous guérirez et ceux de Compiègne auront secours.

Et elle ajouta que ce secours viendrait avant la Saint-Martin d'hiver[470].

Dès lors, Jeanne pensa que c'était ses saintes qui l'avaient secourue et gardée de la mort. Elle savait bien qu'elle avait mal fait en tentant un pareil saut, malgré ses Voix.

Madame sainte Catherine lui dit:

—Il faut vous en confesser et demander pardon à Dieu de ce que vous avez sauté.

Jeanne s'en confessa et en demanda pardon à Notre-Seigneur. (p. 207) Et après sa confession, elle fut avertie par madame sainte Catherine que Dieu l'avait pardonnée. Elle demeura trois ou quatres jours sans manger ni boire; puis elle prit de la nourriture et fut guérie[471].

On fit un autre récit du saut de Beaurevoir; on conta qu'elle avait tenté de s'évader par une fenêtre, suspendue à un drap ou à quelque autre chose qui se rompit; mais il en faut croire la Pucelle: elle dit qu'elle saillit; si elle s'était suspendue à une corde, elle n'aurait pas cru commettre un pêché et ne s'en serait pas confessée. Ce saut fut connu et le bruit courut au loin qu'elle s'était échappée et avait rejoint ceux de son parti[472].

Cependant le bon prêcheur que Jeanne, mal contente de lui, avait quitté mal content d'elle, frère Richard, ayant prêché le carême aux Orléanais, reçut d'eux, en témoignage de satisfaction, un Jésus taillé en cuivre par un orfèvre nommé Philippe, d'Orléans. Et le libraire Jean Moreau lui relia un livre d'heures, aux frais de la ville[473].

Il ramena la reine Marie à Jargeau et se fit bien venir d'elle. Cette amertume fut épargnée à Jeanne (p. 208) d'apprendre que, tandis qu'elle languissait en prison, ses amis d'Orléans, son gentil dauphin, sa reine Marie, faisaient bonne chère à ce religieux qui s'était détourné d'elle et lui avait préféré une dame Catherine qu'elle considérait comme rien[474]. Naguère, Jeanne s'alarmait à l'idée qu'on pût mettre en œuvre la dame Catherine, elle en écrivait à son roi et, dès qu'elle le voyait elle l'adjurait de n'en rien faire. Maintenant le roi ne tenait nul compte de ce qu'elle lui avait dit; il consentait à ce que la préférée du bon frère Richard fût mise en état d'accomplir sa mission, qui était d'obtenir de l'argent des bonnes villes et de négocier la paix avec le duc de Bourgogne. Mais cette sainte dame ne possédait peut-être pas toute la prudence nécessaire pour faire œuvre d'homme et servir le roi. Tout de suite, elle causa des embarras à ses amis.

Se trouvant dans la ville de Tours, elle se prit à dire: «En cette ville, il y a des charpentiers qui charpentent, mais non pas pour logis, et, si l'on n'y prend garde, cette ville est en voie de prendre bientôt le mauvais bout, et il y en a dans la ville qui le savent bien[475]

Sous forme de parabole, c'était une dénonciation. La dame Catherine accusait les gens d'Église et les bourgeois de Tours de travailler contre Charles de Valois, leur seigneur. Il fallait que cette dame fût réputée pour (p. 209) avoir du crédit auprès du roi, de son conseil et de sa parenté, car les habitants de Tours prirent peur et envoyèrent un religieux augustin, frère Jean Bourget, vers le roi Charles, la reine de Sicile, l'évêque de Séez et le seigneur de Trèves, pour s'enquérir si les paroles de cette sainte femme avaient trouvé créance auprès d'eux. La reine de Sicile et les conseillers du roi Charles remirent au religieux des lettres par lesquelles ils mandaient à ceux de Tours qu'ils n'avaient ouï parler de rien de semblable et le roi Charles déclara qu'il se fiait bien aux gens d'Église, bourgeois et habitants de sa ville de Tours[476].

La dame Catherine avait tenu les mêmes méchants propos sur les habitants d'Angers[477].

Cette dévote personne, soit qu'elle voulût, comme la bienheureuse Colette de Corbie, cheminer d'un parti à l'autre, soit qu'il lui arrivât d'être prise par des hommes d'armes bourguignons, comparut à Paris devant l'official. Il semble que les gens d'Église se soient, dans leur interrogatoire, moins occupés d'elle que de la Pucelle Jeanne, dont le procès s'instruisait alors.

Au sujet de la Pucelle, Catherine dit ceci:

—Jeanne a deux conseillers, qu'elle appelle conseillers de la Fontaine[478].

Par ce propos, elle exprimait un souvenir confus (p. 210) des entretiens qu'elle avait eus à Jargeau et à Montfaucon. Le mot de conseil était celui que Jeanne employait le plus souvent en parlant de ses Voix; mais la dame Catherine mêlait ce que la Pucelle lui avait dit de la Fontaine-des-Groseilliers à Domremy et de ses visiteurs célestes.

Si Jeanne nourrissait de la malveillance pour Catherine, Catherine ne nourrissait pas de bienveillance pour Jeanne. Elle n'affirma pas que le fait de Jeanne n'était que néant; mais elle donna clairement à entendre que la pauvre fille, alors prisonnière des Bourguignons, était invocatrice des mauvais esprits.

—Jeanne, dit-elle à l'official, sortira de prison par le secours du diable, si elle n'est pas bien gardée[479].

Que Jeanne fût ou non secourue par le diable, c'était affaire à décider entre elle et les docteurs de l'Église. Mais il était certain qu'elle ne pensait qu'à s'échapper des mains de ses ennemis et qu'elle imaginait sans cesse toutes sortes de moyens d'évasion. La dame Catherine de La Rochelle la connaissait bien et lui voulait beaucoup de mal.

Cette dame fut relâchée. Les juges d'Église, sans doute, n'auraient pas usé envers elle d'une telle indulgence si elle avait porté sur la Pucelle un témoignage favorable. Elle retourna auprès du roi Charles[480].

(p. 211) Les deux femmes de religion qui avaient suivi Jeanne à son départ de Sully et avaient été prises à Corbeil, Pierronne de Bretagne bretonnante, et sa compagne, étaient gardées, depuis le printemps, dans les prisons ecclésiastiques, à Paris. Elles se disaient publiquement envoyées de Dieu pour venir en aide à la Pucelle Jeanne. Le frère Richard avait été leur beau père et elles s'étaient tenues en compagnie de la Pucelle. C'est pourquoi elles étaient véhémentement soupçonnées d'offenses graves envers Dieu et sa foi. Le grand inquisiteur de France, frère Jean Graverent, prieur des Jacobins de Paris, instruisit leur procès dans les formes usitées en ce pays. Il procéda concurremment avec l'ordinaire, représenté par l'official.

La Pierronne publiait et tenait pour vrai que Jeanne était bonne, que ce qu'elle faisait était bien fait et selon Dieu. Elle reconnut que, dans la nuit de Noël de la présente année, à Jargeau, le frère Richard lui avait donné deux fois le corps de Jésus-Christ et qu'il l'avait donné trois fois à Jeanne[481]. Le fait se trouvait d'ailleurs établi par des informations recueillies auprès de témoins oculaires. Les juges, qui étaient des maîtres insignes, estimèrent que ce religieux ne devait pas ainsi prodiguer à de telles femmes le pain des anges. Toutefois, la communion multiple n'étant formellement interdite par aucune disposition du droit canon, on ne pouvait (p. 212) en faire grief à la Pierronne. Les informateurs qui instruisaient alors contre Jeanne ne retinrent point les trois communions de Jargeau[482].

Des charges plus lourdes pesaient sur les deux Bretonnes. Elles étaient sous le coup d'une accusation de maléfices et de sorcellerie.

La Pierronne affirma et jura que Dieu lui apparaissait souvent en humanité et lui parlait comme un ami à un ami, et que, la dernière fois qu'elle l'avait vu, il était vêtu d'une huque vermeille et d'une longue robe blanche[483].

Les insignes maîtres qui la jugeaient lui représentèrent que ces dires touchant de semblables apparitions étaient blasphèmes. Et ces femmes furent reconnues en possession du mauvais esprit, qui les faisait errer dans leurs paroles et leurs actions.

Le dimanche 3 septembre 1430, elles furent menées au Parvis Notre-Dame pour y être prêchées. Des échafauds y avaient été dressés selon l'usage, et l'on avait choisi le dimanche pour que le peuple pût profiter de ce spectacle édifiant. Un insigne docteur adressa à toutes deux une exhortation charitable. L'une d'elles, la plus jeune, en l'écoutant et en voyant le bûcher préparé, vint à résipiscence. Elle reconnut qu'elle avait été séduite par un ange de Satan et répudia dûment son erreur.

(p. 213) La Pierronne au contraire ne voulut pas se rétracter. Elle demeura obstinée dans cette croyance qu'elle voyait Dieu souvent, vêtu comme elle avait dit.

L'Église ne pouvait plus rien pour elle. Remise au bras séculier, elle fut à l'instant même conduite sur le bûcher qui lui était destiné, et brûlée vive de la main du bourreau[484].

Ainsi le grand inquisiteur de France et l'évêque de Paris faisaient cruellement périr d'une mort ignominieuse une des filles qui avaient suivi le frère Richard, une des saintes du dauphin Charles. De ces filles, la plus fameuse et la plus abondante en œuvres était entre leurs mains. La mort de la Pierronne annonçait le sort réservé à la Pucelle.

(p. 214) CHAPITRE X
BEAUREVOIR. — ARRAS. — ROUEN. — LA CAUSE DE LAPSE.

Au mois de septembre, deux habitants de Tournai, le grand doyen Bietremieu Carlier et le conseiller maître Henri Romain, revenant des bords de la Loire, où leur ville les avait députés auprès du roi de France, s'arrêtèrent à Beaurevoir. Bien que ce lieu se trouvât sur leur route directe et leur offrit un gîte entre deux étapes, on ne peut s'empêcher de supposer un lien entre leur mission auprès de Charles de Valois et leur passage dans la seigneurie du sire de Luxembourg, surtout lorsqu'on songe à l'attachement de leurs concitoyens aux fleurs de lis et si l'on sait les relations déjà nouées à cette époque entre ces deux ambassadeurs et la Pucelle[485].

Fidèle, nous le savons, au roi de France, qui lui avait accordé franchises et privilèges, la prévôté de Tournai (p. 215) lui envoyait messages sur messages, ordonnait en sa faveur de belles processions, prête à tout lui accorder tant qu'il ne lui demandait ni un homme ni un sol. S'étant rendus précédemment tous deux en ambassadeurs dans la ville de Reims pour assister au sacre et couronnement du roi Charles, le doyen Carlier et le conseiller Romain y avaient vu la Pucelle dans sa gloire, et, sans doute, l'avaient tenue alors pour une très grande sainte. C'était le temps où leur ville, attentive aux progrès des armées royales, correspondait assidûment avec la béguine guerrière et avec son confesseur, frère Richard, ou, plus probablement, frère Pasquerel. Aujourd'hui ils se rendaient au château où elle était renfermée, aux mains de ses cruels ennemis. Nous ne savons ce qu'ils venaient dire au sire de Luxembourg, ni même s'ils furent reçus par lui; sans doute, il ne refusa pas de les entendre, s'il pensa qu'ils venaient apporter les offres secrètes du roi Charles pour le rachat de celle qui avait été à ses batailles. Nous ne savons pas d'avantage s'ils purent voir la prisonnière. Il est très possible qu'ils pénétrèrent auprès d'elle, car, le plus souvent alors, l'accès des captifs était facile et tout loisir donné aux passants d'accomplir, en les visitant, une des sept œuvres de la miséricorde.

Ce qui est certain, c'est qu'en quittant Beaurevoir, ils emportaient une lettre que Jeanne leur avait confiée, les chargeant de la remettre aux magistrats de leur (p. 216) ville. Par cette lettre, elle demandait qu'en la faveur du roi son seigneur et des bons services qu'elle lui avait faits, les habitants de Tournai voulussent bien lui envoyer de vingt à trente écus d'or pour employer à ses nécessités[486].

C'est ainsi qu'on voyait alors les prisonniers mendier leur nourriture.

La demoiselle de Luxembourg, qui venait de faire son testament et n'avait plus que quelques jours à vivre[487], pria, dit-on, son noble neveu de ne pas livrer la Pucelle aux Anglais[488]. Mais que pouvait la bonne dame contre le roi d'Angleterre avec l'or de la Normandie et la sainte Église avec ses foudres? Car si monseigneur Jean n'avait pas livré cette fille soupçonnée de sortilèges, idolâtries, invocations de diables et autres crimes contre la foi, il était excommunié. La vénérable Université de Paris avait pris soin de l'avertir qu'un refus l'exposait aux peines de droit, qui étaient grandes[489].

Cependant le sire de Luxembourg n'était pas tranquille: il craignait qu'en ce lieu de Beaurevoir une (p. 217) prisonnière valant dix mille livres d'or ne fût pas suffisamment à l'abri d'un coup de main des Français ou des Anglais, ou des Bourguignons, et de toutes gens qui, sans souci de Bourgogne, d'Angleterre ni de France, eussent idée de l'enlever pour la mettre en fosse et à rançon, selon l'usage des coitreaux d'alors[490].

Vers la fin de septembre, il fit demander à son seigneur, le duc de Bourgogne, qui possédait belles villes et cités très fortes, de vouloir bien lui garder sa prisonnière. Monseigneur Philippe y consentit, et, sur son ordre, Jeanne fut conduite à Arras, dont les murailles étaient hautes et qui avait deux châteaux dont l'un, la Cour-le-Comte, s'élevait au milieu de la ville. C'est probablement dans les prisons de la Cour-le-Comte qu'elle fut renfermée, sous la garde de monseigneur David de Brimeu, seigneur de Ligny, chevalier de la Toison d'or, gouverneur d'Arras.

Ce n'était guère l'usage, en ce temps-là, de tenir les prisonniers cachés[491]. Jeanne, à Arras, reçut des visiteurs et, entre autres, un Écossais qui lui fit voir un portrait où elle était figurée en armes, un genou en terre, et présentant une lettre à son roi[492]. Cette lettre pouvait être du sire de Baudricourt ou de tout autre, qui, clerc ou capitaine, avait, dans la pensée du peintre, envoyé (p. 218) la jeune fille au dauphin; ce pouvait être une lettre annonçant au roi la délivrance d'Orléans ou la victoire de Patay.

Ce portrait fut le seul que Jeanne vit jamais fait à sa ressemblance, et, pour sa part, elle n'en fit faire aucun; mais, au temps si bref de sa puissance, le peuple des villes françaises mettait ses images peintes et taillées dans les chapelles des saints, et portait des médailles de plomb qui la représentaient, observant de la sorte, à son égard, l'usage établi en l'honneur des saints canonisés par l'Église[493].

Plusieurs seigneurs bourguignons et parmi eux un chevalier nommé Jean de Pressy, conseiller, chambellan du duc Philippe, gouverneur général des finances de Bourgogne, lui offrirent un habit de femme, comme avaient fait les dames de Luxembourg, pour son bien, et afin d'éviter un grand scandale; mais pour rien au monde Jeanne n'eût quitté l'habit qu'elle avait pris par révélation.

Elle reçut aussi dans sa prison d'Arras un clerc de Tournai, du nom de Jean Naviel, chargé par les magistrats de sa ville de lui remettre la somme de vingt-deux couronnes d'or. Cet ecclésiastique possédait la confiance de ses compatriotes qui l'employaient aux (p. 219) affaires les plus importantes de la ville. Envoyé, au mois de mai de la présente année 1430, vers messire Regnault de Chartres, chancelier du roi Charles, il avait été pris par les Bourguignons en même temps que Jeanne et mis à rançon; mais il s'était tiré d'affaire très vite et à bon compte.

Il s'acquitta exactement de sa mission[494] auprès de la Pucelle et ne reçut point, à ce qu'il semble, d'argent pour sa peine, sans doute parce qu'il voulait que le prix de cette œuvre de miséricorde lui fût compté dans le ciel[495].

Ni la prise de la Pucelle, ni la retraite des gens d'armes qu'elle avait amenés ne brisa la défense de Compiègne. Guillaume de Flavy et ses deux frères Charles et Louis, le capitaine Baretta avec ses Italiens et les cinq cents hommes de la garnison[496] se montrèrent énergiques, habiles, infatigables. Les Bourguignons conduisirent le siège de la même manière que les Anglais avaient conduit celui d'Orléans: mines, tranchées, (p. 220) taudis, boulevards, canonnades et ces mannequins gigantesques et ridicules, bons seulement à flamber, les bastilles. Guillaume de Flavy fit raser les faubourgs qui gênaient son tir et couler des bateaux pour barrer la rivière. Il répondit aux bombardes et gros couillards des Bourguignons avec son artillerie, et notamment par de petites couleuvrines de cuivre qui furent d'un bon usage[497]. Si le joyeux canonnier d'Orléans et de Jargeau, Maître Jean de Montesclère, n'était pas là, on avait un cordelier de Valenciennes, artilleur, nommé Noirouffle, grand, noir, affreux à voir, terrible à entendre[498]. Ceux de la ville, à l'exemple des Orléanais, faisaient des sorties malheureuses. Un jour, Louis de Flavy, frère du capitaine de la ville, fut tué d'un boulet bourguignon. Guillaume n'en fit pas moins jouer les ménestrels, ce jour-là, comme de coutume, pour tenir en joie les gens d'armes[499].

Au mois de juin, le boulevard qui défendait le pont sur l'Oise, de même que les Tourelles d'Orléans défendaient le pont sur la Loire, fut enlevé par l'ennemi, sans amener la reddition de la place. Pareillement la prise des Tourelles n'avait pas fait tomber la ville du duc Charles[500].

(p. 221) Quant aux bastilles, elles valaient sur l'Oise tout juste ce qu'elles avaient valu sur la Loire: elles laissaient tout passer. Les Bourguignons ne purent investir Compiègne, vu que le tour en était trop grand[501]. Ils manquaient d'argent; leurs gens d'armes, faute de paye et n'ayant rien à manger, désertaient avec cette tranquillité du bon droit qu'avaient alors, en pareille circonstance, les soudoyers de la croix rouge et de la croix blanche[502]. Le duc Philippe, pour comble de disgrâce, se trouva obligé d'envoyer une partie des troupes du siège contre les Liégeois révoltés[503]. Le 24 octobre, une armée de secours, commandée par le comte de Vendôme et le maréchal de Boussac, s'approcha de Compiègne. Les Anglais et les Bourguignons s'étant portés à sa rencontre, la garnison, les habitants, les femmes leur tombèrent sur le dos et les mirent en déroute[504]. L'armée entra dans la ville. Il fit beau voir flamber les bastilles. Le duc de Bourgogne perdit toute son artillerie[505]. Le sire de Luxembourg, qui s'en était venu à Beaurevoir où il avait reçu l'évêque comte de Beauvais, (p. 222) retourna devant Compiègne à propos pour prendre sa part du désastre[506]. Les mêmes causes qui avaient contraint les Anglais à se partir, comme on disait, d'Orléans, obligèrent les Bourguignons à quitter Compiègne. Mais puisque à cette époque il fallait trouver aux événements les mieux expliquables une cause surnaturelle, on attribua la délivrance de la ville au vœu du comte de Vendôme qui avait promis, dans la cathédrale de Senlis, à Notre-Dame-de-la-Pierre, un service annuel si la place était recouvrée[507].

Le lord trésorier de Normandie levait des aides de quatre-vingt mille livres tournois, dont dix mille devaient être affectés à l'achat de Jeanne. L'évêque comte de Beauvais, qui prenait cette affaire à cœur, pressait le sire de Luxembourg de conclure, mêlait les menaces aux caresses, lui faisait briller l'or levé sur les États normands. Il semblait craindre, et cette crainte était partagée par les maîtres et docteurs, que le roi Charles ne fît aussi des offres, qu'il n'enchérît sur les dix mille francs d'or du roi Henri, que les Armagnacs enfin ne finissent par l'emporter à force de présents et ne reprissent leur porte-bonheur[508]. Le bruit courait que le roi Charles, à la nouvelle que les Anglais auraient Jeanne pour de l'argent, manda (p. 223) au duc de Bourgogne, par ambassade, de ne consentir à aucun prix à la conclusion d'une telle affaire, et qu'autrement les Bourguignons, qui étaient aux mains du roi de France, répondraient de la Pucelle[509]. Fausse rumeur, sans doute: toutefois les craintes du seigneur évêque et des maîtres de Paris n'étaient pas tout à fait vaines et il est certain que, sur les bords de la Loire, on suivait très attentivement les négociations, et qu'on cherchait un joint pour intervenir.

D'ailleurs on pouvait toujours craindre un coup de main heureux des Français. Le capitaine La Hire battait la Normandie, le chevalier Barbazan la Champagne, le maréchal de Boussac faisait des courses entre la Seine, la Marne et la Somme[510].

Enfin, le sire de Luxembourg consentit le marché vers la mi-novembre; les Anglais prirent livraison de Jeanne. On décida de l'amener à Rouen par le Ponthieu, la côte de l'Océan, et le nord de la Normandie, où l'on risquait le moins de rencontrer les batteurs d'estrade des divers partis.

D'Arras elle fut conduite au château de Drugy, où l'on dit que les religieux de Saint-Riquier la visitèrent en sa prison[511]. Elle fut amenée ensuite au Crotoy, dont le château (p. 224) était baigné de tous côtés par la mer. Le duc d'Alençon, qu'elle appelait son beau duc, y avait été enfermé après la bataille de Verneuil[512]. Quand elle y passa, maître Nicolas Gueuville, chancelier de l'Église cathédrale de Notre-Dame d'Amiens, y était prisonnier des Anglais. Il la confessa et lui donna la communion[513]. Et dans cette baie de Somme, morne et grise, au ciel bas, traversé du long vol des oiseaux de mer, Jeanne vit venir à elle le visiteur des premiers jours, monseigneur saint Michel archange; et elle fut consolée. On a dit que les demoiselles et les bourgeois d'Abbeville l'allèrent voir dans le château où on la tenait renfermée[514]. Ces bourgeois, lors du sacre, songeaient à se tourner français; ils l'eussent fait, si le roi Charles était venu chez eux; il ne vint pas, et les habitants d'Abbeville visitèrent peut-être Jeanne par charité chrétienne, mais ceux d'entre eux qui pensaient du bien d'elle n'en dirent pas, de peur de sentir la persinée comme elle[515].

Les docteurs et maîtres de l'Université la poursuivaient (p. 225) avec un acharnement à peine croyable; avertis au mois de novembre que le marché était conclu entre Jean de Luxembourg et les Anglais, ils écrivirent, par l'organe du recteur, au seigneur évêque de Beauvais pour lui reprocher ses retardements dans l'affaire de cette femme et l'exhorter à plus de diligence.

«Il ne vous importe pas médiocrement, disait cette lettre, que, tandis que vous gérez dans l'Église du Dieu saint un célèbre présulat, les scandales commis contre la religion chrétienne soient extirpés, surtout quand il est, par bonheur, advenu que le jugement s'en trouve départi à votre juridiction[516]

Ces clercs, pleins de foi et de zèle pour venger, comme ils disaient, l'honneur de Dieu, se tenaient toujours prêts à brûler des sorcières; ils craignaient le diable; mais, sans peut-être se l'avouer, ils le craignaient vingt fois plus quand il était Armagnac.

On fit sortir Jeanne du Crotoy à marée haute et on la conduisit en barque à Saint-Valéry, puis à Dieppe, à ce qu'on suppose, et enfin à Rouen[517].

Elle fut menée dans le vieux château, construit sous Philippe-Auguste, au penchant de la colline de Bouvreuil[518]. (p. 226) Le roi Henri VI, débarqué en France pour son couronnement, y était établi depuis la fin du mois d'août. C'était un enfant triste et pieux, que le comte de Warwick, gouverneur du château, traitait durement[519]. Ce château avait sept tours, y compris le donjon, et il était très fort[520]. Jeanne fut enfermée dans une tour qui donnait sur les champs[521]. On la mit en la chambre du milieu, qui se trouvait entre le souterrain et la chambre haute. On y montait par huit marches[522]; elle occupait tout un étage de la tour qui avait quarante-trois pieds de diamètre en comprenant les murs[523]. Un escalier de pierre y grimpait obliquement. Une partie des ouvertures ayant été bouchée, l'on n'y voyait plus très clair[524]. Les Anglais avaient commandé à un serrurier de Rouen, nommé Étienne Castille, une (p. 227) cage de fer où l'on ne pouvait, disait-on, se tenir que debout. Jeanne, à son arrivée, si l'on en croit des propos tenus par des greffiers ecclésiastiques, fut attachée dedans par le cou, les pieds et les mains[525], et on l'y laissa jusqu'à l'ouverture du procès. Un apprenti maçon vit peser la cage chez Jean Salvart, à l'Écu de France, devant la cour de l'official[526]. Mais jamais, dans la prison, personne n'y trouva Jeanne enfermée. Ce traitement, si toutefois il lui fut infligé, ne fut pas imaginé pour elle: lorsque le capitaine La Hire, au mois de février de cette même année 1430, prit Château-Gaillard, près Rouen, il trouva le bon chevalier Barbazan dans une cage de fer dont il ne voulait pas sortir, alléguant qu'il était prisonnier sur parole[527]. Jeanne, au contraire, s'était gardée de rien promettre, ou plutôt avait promis de s'échapper dès qu'elle le pourrait[528]. Aussi les Anglais, qui la croyaient capable de sortilèges, étaient-ils en grande méfiance[529]. Poursuivie par des juges d'Église, elle devait être placée dans les prisons de l'officialité[530], mais les Godons ne laissaient à personne le soin de la garder. Quelqu'un d'entre eux disait qu'elle leur était chère, car ils (p. 228) l'avaient chèrement payée. Ils lui mettaient les fers aux pieds, et lui passaient autour de la taille une chaîne cadenassée à une poutre de cinq à six pieds. La nuit, cette chaîne, traversant le pied du lit, s'allait tendre à la grosse poutre[531]. De même Jean Hus, en 1415, remis à l'évêque de Constance et transféré à la forteresse de Gottlieben, demeura enchaîné nuit et jour, jusqu'à ce qu'il fût conduit au bûcher.

Cinq hommes d'armes anglais[532], de l'espèce qu'on nommait houspilleurs, gardaient la prisonnière[533]; ce n'était pas la fleur de la chevalerie. Ils la tournaient en dérision, et elle le leur reprochait; ce dont ils devaient être trop contents. La nuit, deux d'entre eux se tenaient derrière la porte. Il en restait trois près d'elle, qui la troublaient en lui disant tantôt qu'elle allait mourir et tantôt qu'elle serait délivrée. Personne ne pouvait lui parler sans leur agrément[534].

Au reste, on entrait dans cette prison comme au moulin; des gens de tout état y allaient voir Jeanne à leur plaisir. Ainsi firent maître Laurent Guesdon, lieutenant du bailli de Rouen[535], et maître Pierre Manuel, avocat du roi d'Angleterre, qui y fut en (p. 229) compagnie de maître Pierre Daron, procureur de la ville de Rouen. Ils la trouvèrent ferrée aux pieds et gardée par des soldats[536].

Maître Pierre Manuel crut convenable de lui dire qu'à coup sûr elle ne serait point venue là si on ne l'y eût amenée. Les gens de bon sens étaient toujours surpris de voir les sorcières et les devineresses tomber dans quelque piège, comme de simples chrétiennes. Sans doute que l'avocat du roi était un homme de bon sens, car il fit à Jeanne des questions qui laissaient voir son ébahissement; il lui demanda:

—Saviez-vous que vous deviez être prise?

—Je m'en doutais bien, répondit-elle.

—Pourquoi alors, demanda derechef maître Pierre, si vous vous en doutiez, n'avez-vous pas su vous garder le jour où vous fûtes prise?

Elle répondit:

—Je ne savais ni le jour ni l'heure où je serais prise, ni quand cela m'arriverait[537].

Un jeune compagnon, nommé Pierre Cusquel, qui travaillait chez Jean Salvart, dit Jeanson, maître maçon du château, put, à la faveur de son patron, s'introduire aussi dans la tour. Il trouva Jeanne attachée par une longue chaîne fixée à une poutre, et les fers aux pieds. Il prétendit, beaucoup plus tard, l'avoir avertie de parler avec prudence et qu'il y allait de sa (p. 230) vie. Il est vrai qu'elle parlait abondamment à ses gardes et que tout ce qu'elle disait était rapporté aux juges. Et il se peut que le petit compagnon Pierre, dont le maître était à la dévotion des Anglais, ait voulu, ait su même la conseiller. On peut le soupçonner aussi de s'être vanté, comme tant d'autres[538].

Le sire Jean de Luxembourg vint à Rouen et se rendit à la tour de la Pucelle avec son frère, le seigneur évêque de Thérouanne, chancelier d'Angleterre; sir Humfrey, comte de Stafford, connétable de France pour le roi Henri; le comte de Warwick, gouverneur du château de Rouen et le jeune seigneur de Macy, qui tenait Jeanne pour très chaste depuis qu'elle l'avait empêché de lui prendre les seins. Et voici le propos que le sire de Luxembourg tint à la prisonnière:

—Jeanne, je suis venu pour vous racheter, si toutefois vous voulez promettre que vous ne vous armerez jamais contre nous.

Ces paroles ne s'expliquent pas suffisamment par ce que nous savons des négociations relatives à la vente de la Pucelle; elles semblent indiquer qu'à ce moment même le marché n'était pas entièrement conclu ou que du moins le vendeur croyait pouvoir le rompre à sa volonté. Mais ce qu'il y a de plus remarquable dans le propos du sire de Luxembourg, c'est la condition qu'il met au rachat de la Pucelle. Il lui demande de s'engager (p. 231) à ne plus combattre l'Angleterre et la Bourgogne. Il semblerait, à considérer cette clause, qu'il pense maintenant la vendre au roi de France ou à quelque personne agissant pour lui[539].

Cependant l'on ne voit pas que ce langage ait beaucoup inquiété les Anglais. Jeanne n'y ajouta nulle foi.

—En nom Dieu, lui répondit-elle, vous vous moquez de moi. Car je sais bien que vous n'avez ni le pouvoir ni le vouloir.

On affirme que, comme il persistait dans son dire, elle reprit:

—Je sais bien que ces Anglais me feront mourir, croyant, après ma mort, gagner le royaume de France.

Il semble fort douteux qu'elle ait dit que les Anglais la feraient mourir, car elle ne le croyait pas. Tant que dura le procès, elle s'attendit, sur la foi de ses Voix, à être délivrée. Elle ne savait ni quand ni comment la délivrance s'accomplirait, mais elle en était aussi assurée que de la présence de Notre-Seigneur dans le saint-sacrement. Peut-être dit-elle au sire de Luxembourg: «Je sais bien que ces Anglais voudront me faire mourir.» Puis elle répéta, très courageusement, ce qu'elle avait déjà dit mille fois:

—Mais quand ils seraient cent mille Godons de plus qu'ils ne sont de présent, ils n'auront pas le royaume.

En entendant ces paroles, sir Humfrey dégaina et (p. 232) c'est le comte de Warwick qui lui retint le bras[540]. On refuserait de croire que le connétable d'Angleterre leva son épée sur une femme chargée de fers, si l'on ne savait d'ailleurs que sir Humfrey, ayant, en ce même temps, ouï quelqu'un dire du bien de Jeanne, le voulut transpercer[541].

Pour que l'évêque et vidame de Beauvais pût exercer la juridiction à Rouen, il fallait qu'il y eût à son profit concession de territoire. Le siège archiépiscopal de Rouen était vacant[542]. L'évêque de Beauvais demanda cette concession au chapitre avec lequel il avait eu des démêlés[543]. Les chanoines de Rouen ne manquaient ni de fermeté ni d'indépendance; il y avait parmi eux plus d'hommes honnêtes que de malhonnêtes; il y avait des hommes instruits, pleins de lettres, et même de bonnes âmes. Ils ne nourrissaient ni les uns ni les autres aucunes mauvaises intentions contre les Anglais. Le régent Bedford était chanoine de Rouen, comme le roi Charles VII était chanoine du Puy[544]. Le 20 octobre de cette même année 1430, il avait revêtu le surplis et l'aumusse et distribué le pain et le (p. 233) vin capitulaires[545]. Les chanoines de Rouen n'étaient pas prévenus en faveur de la Pucelle des Armagnacs; ils accueillirent la demande de l'évêque de Beauvais et lui firent concession de territoire[546].

Le 3 janvier 1431, le roi Henri ordonna par lettres royales de remettre la Pucelle à l'évêque et comte de Beauvais, se réservant de la reprendre par devers lui, au cas où elle serait mise hors de cause par la justice ecclésiastique[547].

Toutefois, elle ne fut pas placée en chartre d'Église, au fond de quelqu'une de ces fosses où, contre le portail des Libraires, dans l'ombre de la prodigieuse cathédrale, pourrissaient les malheureux qui pensaient mal sur la foi[548]. Elle y aurait retrouvé accrus et affinés les supplices et les épouvantes de sa tour guerrière. Le Grand Conseil, en ne la confiant pas à l'officialité de Rouen, faisait moins de tort à l'accusée que de honte à ses juges.

Mis de la sorte en état d'agir, l'évêque de Beauvais procéda avec sa fougue de vieux cabochien, mais non sans art mondain ni science canonique[549]. Pour promoteur (p. 234) de la cause, c'est-à-dire comme magistrat chargé de soutenir l'accusation, il choisit Jean d'Estivet, dit Bénédicité, chanoine de Bayeux et de Beauvais, promoteur général du diocèse de Beauvais. Ami du seigneur évêque, chassé en même temps que lui par les Français, Jean d'Estivet était suspect d'animosité contre la Pucelle[550]. Le seigneur évêque institua Jean de la Fontaine, maître ès arts, licencié en droit canon, comme conseiller commissaire au procès[551]. Il choisit l'un des greffiers de l'officialité de Rouen, Guillaume Manchon, prêtre, pour faire office de premier greffier.

En l'avisant de ce qu'il attendait de lui, le seigneur évêque dit à messire Guillaume:

—Il vous faut bien servir le roi. Nous avons l'intention de faire un beau procès contre cette Jeanne[552].

Pour ce qui était de servir le roi, le seigneur évêque ne l'entendait pas aux dépens de la justice; il avait un orgueil de prêtre et n'était point homme à faire étendard de sa propre infamie. S'il parlait de la sorte, c'est qu'en France, depuis cent ans au moins, la juridiction inquisitoriale était considérée comme une juridiction royale[553]. Et quant à dire qu'on voulait un beau procès, c'était dire qu'il fallait observer soigneusement (p. 235) les formes et prendre garde à ce que rien de vicieux ne se glissât dans une cause intéressant les docteurs et maîtres du royaume de France et de la chrétienté tout entière. Messire Guillaume Manchon, qui connaissait les termes de pratique, ne pouvait s'y tromper. Un beau procès, dans la langue du droit, c'était un procès régulier. On disait, par exemple: «N... et N... ont, par beau procès juridique, trouvé un tel coupable[554]

Chargé par l'évêque de choisir un autre greffier, pour l'assister, Guillaume Manchon désigna Guillaume Colles, surnommé Boisguillaume, comme lui notaire d'Église, qui lui fut adjoint[555].

Jean Massieu, prêtre, doyen de la chrétienté de Rouen, fut institué comme huissier exécuteur[556].

Dans ces sortes de procès, si fréquents alors, il n'y avait proprement que deux juges, l'ordinaire et l'inquisiteur. Mais il était d'usage que l'évêque appelât, comme conseillers et comme assesseurs, des personnes expertes en l'un et l'autre droit. Le nombre et la qualité de ces conseillers variait beaucoup d'une cause à l'autre. Et il est clair que l'opiniâtre fauteur d'une hérésie très pestilente devait être examiné plus curieusement et jugé d'une manière plus solennelle qu'une (p. 236) vieille âme vendue à quelque petit diable qui ne pouvait grêler que des choux. Pour le commun des sorciers, pour la foule de ces femelles ou muliercules, comme disait certain inquisiteur qui se félicitait d'en avoir fait brûler beaucoup, les juges se contentaient de trois ou quatre avocats d'Église et d'autant de chanoines[557]. Quand il s'agissait d'une personne notable, ayant donné un exemple très pernicieux, d'un avocat du roi, par exemple, comme maître Jean Segueut, qui, cette même année, dans cette province de Normandie, avait parlé contre l'autorité temporelle de l'Église, on convoquait une nombreuse assemblée de docteurs et de prélats tant anglais que français et l'on demandait des consultations écrites aux docteurs et maîtres de l'Université de Paris[558]. Or, il convenait de juger la Pucelle des Armagnacs plus amplement et plus solennellement encore, avec un plus grand concours de docteurs et de pontifes. C'est ce que fit le seigneur évêque de Beauvais: il appela comme conseillers et comme assesseurs les chanoines de Rouen, en aussi grand nombre qu'il lui fut possible, et parmi ceux qui se rendirent à son appel on remarque Raoul Roussel, trésorier du chapitre; Gilles Deschamps, qui avait été aumônier du feu roi Charles VI, en l'an 1415; Pierre Maurice, docteur en théologie, recteur de l'Université (p. 237) de Paris, en 1428; Jean Alespée, un des seize qui, lors du siège de 1418, étaient allés, vêtus de noir et en belle contenance, mettre aux pieds du roi Henri V la vie et l'honneur de la cité; Pasquier de Vaux, notaire apostolique au concile de Constance, président de la Chambre des comptes de Normandie; Nicolas de Venderès, qu'un parti puissant portait alors au siège vacant de Rouen; enfin, Nicolas Loiseleur. Le seigneur évêque appela au même titre les abbés des grandes abbayes normandes, le Mont Saint-Michel-au-péril-de-la-mer, Fécamp, Jumièges, Préaux, Mortemer, Saint-Georges de Boscherville, la Trinité-du-mont-Sainte-Catherine, Saint-Ouen, le Bec, Cormeilles, les prieurs de Saint-Lô, de Rouen, de Sigy, de Longueville, et l'abbé de Saint-Corneille de Compiègne. Il appela douze avocats en cour d'Église; il appela d'insignes docteurs et maîtres de l'Université de Paris, Jean Beaupère, recteur en 1412; Thomas Fiefvé, recteur en 1427; Guillaume Erart, Nicolas Midi[559] et ce jeune docteur, plein de science et de modestie, le plus clair rayon du soleil de la chrétienté, Thomas de Courcelles[560]. Le seigneur évêque veut donner au tribunal qui jugera (p. 238) Jeanne l'autorité d'un synode, et, vraiment, c'est un concile provincial devant lequel elle est citée. Aussi bien va-t-on juger en même temps que cette fille, Charles de Valois qui se dit roi de France et légitime successeur de Charles le sixième. Voilà pourquoi s'assemblent tant d'abbés crossés et mitrés, tant d'insignes docteurs et maîtres.

Et pourtant, l'évêque de Beauvais ne s'entoura pas de toutes les lumières qu'il aurait pu. Il consulta les deux évêques de Coutances et de Lisieux; il ne consulta pas le doyen des évêques de Normandie, l'évêque d'Avranches, messire Jean de Saint-Avit, que, durant la vacance du siège de Rouen, le chapitre de la cathédrale avait chargé de la célébration des ordres dans le diocèse. Mais messire Jean de Saint-Avit passait, avec raison, pour favorable au roi Charles[561]. Par contre, les docteurs et maîtres de l'Angleterre, résidant à Rouen, qui avaient été consultés dans le procès de Segueut, ne le furent point dans le procès de Jeanne[562]. Les docteurs et maîtres de l'Université de Paris, les abbés de Normandie, le chapitre de Rouen, s'en tenaient très résolument au traité de Troyes; ils étaient aussi prévenus que les clercs anglais contre la Pucelle du dauphin Charles, et ils étaient moins suspects; c'était tout avantage[563].

(p. 239) Le mardi 9 de janvier, monseigneur de Beauvais convoqua dans sa maison huit conseillers, les abbés de Fécamp et de Jumièges, le prieur de Longueville, les chanoines Roussel, Venderès, Barbier, Coppequesne et Loiseleur.

—Avant d'intenter procès à cette femme, leur dit-il, nous avons jugé bon de mûrement et amplement délibérer avec des hommes doctes et habiles en droit humain et divin, dont le nombre, grâce à Dieu, est grand dans cette cité de Rouen.

L'avis des docteurs et maîtres fut qu'il fallait qu'il y eût des informations sur les faits et dits publiquement imputés à cette femme.

Le seigneur évêque leur apprit que déjà quelques informations avaient été faites par son ordre et qu'il était décidé à en ordonner d'autres, desquelles il serait ultérieurement rendu compte en présence du Conseil[564].

Il est certain qu'un tabellion d'Andelot, en Champagne, Nicolas Bailly, requis par messire Jean de Torcenay, bailli de Chaumont pour le roi Henri, se transporta à Domremy et procéda avec Gérard Petit, prévôt d'Andelot et quelques moines mendiants, à une enquête sur la vie et la réputation de Jeanne. Les interrogateurs entendirent douze ou quinze témoins et entre autres Jean Hannequin[565] de Greux et Jean Bégot chez (p. 240) qui ils logèrent[566]. Nous tenons de Nicolas Bailly, lui-même, qu'ils ne recueillirent aucun fait à la charge de Jeanne. Et, si l'on en croit Jean Moreau, bourgeois de Rouen, maître Nicolas, ayant apporté à monseigneur de Beauvais le résultat de ses recherches, fut traité de mauvais homme et de traître et n'obtint point la récompense de ses dépenses et labeurs[567]. C'est possible, encore qu'étrange. Mais qu'on n'ait recueilli ni à Vaucouleurs ni à Domremy ni dans les villages voisins aucun fait à la charge de Jeanne, voilà qui n'est nullement vrai. Bien au contraire on y ramassa un grand nombre d'accusations contre les habitants en général qui usaient de maléfices et contre Jeanne qui hantait les fées[568], portait dans son sein une mandragore et désobéissait à ses père et mère[569].

Des informations copieuses furent faites non seulement en Lorraine et à Paris, mais dans des pays obéissant au roi Charles, à Lagny, à Beauvais, à Reims et jusque dans la Touraine et le Berry[570], qui fournirent assez pour brûler dix hérétiques et vingt sorcières. On y releva notamment des diableries horribles aux yeux des clercs, telles que tasse et gants perdus et retrouvés, prêtre concubinaire dévoilé, l'épée de sainte Catherine, (p. 241) l'enfant ressuscité. On en rapporta une lettre téméraire sur le pape et bien d'autres indices de sorcellerie, magie, hérésie et erreurs sur la foi[571]. Ces informations ne furent point insérées au procès[572]. C'était l'usage constant de la sacrée inquisition de tenir secrets et les témoignages et les noms des témoins[573]. En l'espèce, l'évêque de Beauvais pouvait alléguer l'intérêt des déposants qu'il eût trop peu ménagé en publiant les informations recueillies dans les provinces soumises au dauphin Charles. Car, à défaut de leurs noms, leurs dépositions seules pouvaient les faire reconnaître. Au reste, les propos que tenait Jeanne dans sa prison formaient la source la plus abondante d'informations: elle parlait beaucoup et sans prudence.

Un peintre, dont on ne sait pas le nom, vint la voir en sa tour, et lui demanda tout haut, devant les gardes, quelles armes elle portait, comme s'il eût voulu la représenter avec son écu. Dans ce temps-là, on ne faisait guère de peintures sur le vif, si ce n'était de personnes de très haut rang, et le plus souvent dans l'attitude de la prière, agenouillées et les mains jointes. Et si l'on pouvait voir dans les Flandres et dans la Bourgogne des portraits où ne paraissaient nuls signes (p. 242) de dévotion, c'était en bien petit nombre. Quand on parlait d'un portrait, on songeait naturellement à une personne priant Dieu, la Sainte Vierge ou quelque saint. C'est pourquoi l'intention de faire le portrait de la Pucelle eût été, sans doute, fort mal vue par les juges d'Église. D'autant plus qu'ils pouvaient craindre que le peintre ne figurât cette femme excommuniée sous l'apparence d'une sainte canonisée par l'Église, ainsi que faisaient les Armagnacs. En y songeant, on est tenté de croire que cet homme était un faux peintre et un espion véritable. Jeanne lui dit les armes que le roi avait données à ses frères, un écu d'azur et une épée entre deux fleurs de lis d'or. Et ce qui confirme les soupçons, c'est qu'au procès, il lui fut reproché, comme faste et vanité, d'avoir fait peindre ses armes[574].

Plusieurs clercs introduits dans sa prison lui faisaient croire qu'ils étaient des gens d'armes du parti de Charles de Valois[575]. Le promoteur lui-même, maître Jean d'Estivet, prit, pour la tromper, l'habit d'un pauvre prisonnier[576]. Un des chanoines de Rouen appelés au procès, maître Nicolas Loiseleur, fut particulièrement fertile en ruses, ce semble, pour découvrir les hérésies de Jeanne. Natif de Chartres, il n'était que maître ès arts, mais il avait un grand renom d'habileté; en 1427 et 1428, il s'acquitta de négociations difficiles qui le (p. 243) retinrent de longs mois à Paris; en 1430, il fut de ceux que le Chapitre députa vers le cardinal de Winchester afin d'obtenir une audience du roi Henri, à l'effet de lui recommander l'église de Rouen. Maître Nicolas Loiseleur était donc personne agréable au Grand Conseil[577].

S'étant concerté avec l'évêque de Beauvais et le comte de Warwick, il entra dans la prison de Jeanne en habit court, à la mode des laïques; les gardes avertis se retirèrent et maître Nicolas, resté seul avec la prisonnière, lui confia qu'il était natif, comme elle, des Marches de Lorraine, cordonnier de son état, qu'il tenait le parti des Français, et qu'il avait été pris par les Anglais. Il lui apporta du roi Charles des nouvelles qu'il imaginait à sa fantaisie. Jeanne n'avait rien de plus cher que son roi. Se l'étant ainsi gagnée, le feint cordonnier lui fit diverses questions sur les anges et les saintes qu'elle voyait. Elle lui répondait avec confiance, comme payse à pays et amie à ami. Il lui donnait des conseils, il lui recommandait de ne pas croire tous ces gens d'Église, de ne pas faire ce qu'ils lui demandaient:

—Car, lui disait-il, si tu leur donnes créance, tu seras détruite.

Maintes fois, à ce qu'on assure, maître Nicolas Loiseleur fit le cordonnier lorrain. Il dictait ensuite aux greffiers tout ce que Jeanne lui avait dit et c'était là un (p. 244) supplément précieux d'informations dont on faisait mémoire en vue des interrogatoires. Il paraît même que durant certaines de ces visites on apostait les greffiers dans une chambre voisine, près d'un judas[578]. S'il faut en croire les bruits de la ville, maître Nicolas faisait aussi sainte Catherine et, par ce moyen, amenait Jeanne à dire tout ce qu'il voulait.

Peut-être ne se vantait-il point de tant d'artifice[579]; assurément il ne s'en cachait pas. Plusieurs maîtres insignes l'approuvaient; d'autres le blâmaient[580]. L'ange de l'école, maître Thomas de Courcelles, qu'il instruisit de ses déguisements, lui conseilla de les cesser. Les greffiers prétendirent par la suite avoir mis une extrême répugnance à prendre en cachette des paroles ainsi surprises par ruse. Il fallait que l'âge d'or de la justice inquisitoriale fût bien passé pour qu'un docteur aussi rigide que maître Thomas mollît sur les formes les plus solennelles de cette justice; il fallait que la procédure inquisitoriale fût profondément corrompue pour que deux notaires d'Église songeassent à en éluder les prescriptions les plus constantes. Ces clercs, en contrefaisant les gens d'armes, ce promoteur en se donnant l'apparence d'un pauvre prisonnier, accomplissaient les fonctions les plus régulières de la justice instituée par Innocent III. En faisant le cordonnier et sainte (p. 245) Catherine, si toutefois il recherchait le salut et non la perte de la pécheresse, et si, contrairement à la rumeur publique, loin de l'inciter à la révolte, il l'induisait à l'obéissance, s'il ne la trompait enfin que pour son bien temporel et spirituel, maître Nicolas Loiseleur procédait conformément aux règles établies. Il est dit dans le Tractatus de hæresi: «Que nul n'approche l'hérétique, si ce n'est de temps à autre deux personnes fidèles et adroites qui l'avertissent avec précaution et comme si elles avaient compassion de lui, de se garantir de la mort en confessant ses erreurs, et qui lui promettent que, s'il le fait, il pourra échapper au supplice du feu; car la crainte de la mort et l'espoir de la vie amollissent quelquefois un cœur qu'on n'aurait pu attendrir autrement[581]

Le devoir des greffiers était tracé en ces termes: «Les choses seront ainsi ordonnées, que certaines personnes seront apostées dans un lieu convenable pour surprendre les confidences des hérétiques et recueillir leurs paroles[582]

Et quant à l'évêque de Beauvais, qui avait ordonné ou permis ces procédures, il découvrait sa justification et sa louange dans cette parole de l'apôtre saint Paul aux Corinthiens: Je ne vous ai point fait de tort, mais j'ai (p. 246) usé de finesse pour vous surprendre: Ego vos non gravavi; sed cum essem astutus, dolo vos cepi (II, Corinth., ch. XII, v. 16)[583].

Cependant, quand elle vit le promoteur Jean d'Estivet revêtu du camail, Jeanne ne le reconnut pas. Maître Nicolas Loiseleur se rendait souvent près d'elle en robe longue. Sous ces dehors il lui inspirait une grande confiance: elle se confessait à lui dévotement, et n'avait point d'autre confesseur[584]. Elle le voyait tantôt en cordonnier, tantôt en chanoine sans s'apercevoir que ce fût la même personne. C'est donc qu'elle était, à certains égards d'une incroyable simplicité. Ces grands théologiens devaient s'apercevoir qu'il n'était pas difficile de la prendre.

C'était un fait connu de tous les hommes versés dans les sciences divines et humaines, que l'Ennemi des hommes ne faisait point de pacte avec une fille, sans lui prendre d'abord son pucelage[585]. À Poitiers, déjà les clercs de France y avaient songé et lorsque la reine Yolande leur eut assuré que Jeanne était vierge, ils ne craignirent plus qu'elle ne vînt du diable[586]. Le seigneur évêque de Beauvais attendait un semblable examen dans une contraire espérance. Madame la (p. 247) duchesse de Bedford elle-même y procéda à la prison, assistée de lady Anna Bavon et d'une autre matrone. On a dit que, pendant ce temps, le Régent, caché dans une pièce voisine, regardait par un trou du plancher[587]. Ce n'est pas sûr, mais ce n'est pas impossible: il était encore à Rouen quinze jours après que Jeanne y eut été amenée[588]. Imaginaire ou véritable, cette curiosité lui fut sévèrement reprochée. Si beaucoup d'autres l'eussent eue à sa place, chacun en jugera à part soi; mais il ne faut pas oublier que monseigneur de Bedford croyait que Jeanne était sorcière et que ce n'était pas l'habitude, en ce temps-là, d'étendre aux sorcières le respect dû aux dames. On doit songer aussi que ce point intéressait puissamment la vieille Angleterre que le Régent aimait de tout son cœur et de toutes ses forces.

À l'expertise de la duchesse de Bedford comme à celle de la reine de Sicile, Jeanne fut trouvée vierge. Les matrones connaissaient plusieurs signes de virginité; mais, pour nous, un signe plus certain c'est la parole de Jeanne qui, lorsqu'on lui demandait pourquoi on l'appelait la Pucelle et si elle l'était en effet, répondait: «Je peux bien dire que je suis telle[589].» Les juges ne firent pas état, qu'on sache, de ces conclusions favorables. Croyaient-ils, avec le sage roi (p. 248) Salomon, que toute recherche à cet égard est vaine; repoussèrent-ils les conclusions des matrones en vertu de l'adage: Virginitatis probatio non minus difficilis quam custodia? Non, ils croyaient bien qu'elle était vierge. Ils le laissaient suffisamment entendre, en ne disant pas le contraire[590]. Et, puisqu'ils persistaient à la poursuivre comme sorcière, c'était donc qu'ils pensaient qu'elle pouvait, par exception, s'être donnée à des diables qui l'avaient laissée comme ils l'avaient prise. Les mœurs des démons étaient pleines de ces contrariétés qui déconcertaient les plus savants docteurs; on en découvrait tous les jours.

Le samedi 13 janvier, le seigneur abbé de Fécamp, les docteurs et maîtres Nicolas de Venderès, Guillaume Haiton, Nicolas Coppequesne, Jean de la Fontaine et Nicolas Loiseleur, se réunirent dans la maison du seigneur évêque et lecture leur fut donnée des informations recueillies en Lorraine et ailleurs sur la Pucelle. Et il fut décidé que, d'après ces informations, un certain nombre d'articles seraient rédigés en bonne forme; ce qui fut fait[591].

Le mardi 23 janvier, les docteurs et maîtres sus-nommés prirent connaissance des articles et, les tenant pour bons, estimèrent qu'ils devaient servir de matière aux interrogatoires, puis ils décidèrent que l'évêque de (p. 249) Beauvais devait ordonner l'enquête préparatoire sur les faits et dits de Jeanne[592].

Le mardi 13 février, Jean d'Estivet, dit Bénédicité, promoteur, Jean de la Fontaine, commissaire, Boisguillaume et Manchon, greffiers, et Jean Massieu, huissier, prêtèrent serment d'exécuter fidèlement leur office. Aussitôt, maître Jean de la Fontaine, assisté de deux greffiers, procéda à l'enquête préparatoire[593].

Le lundi 19 février, à huit heures du matin, les docteurs et maîtres réunis, au nombre d'onze, dans la maison de l'évêque de Beauvais, ayant ouï lecture des articles et de l'information préparatoire, donnèrent leur avis et l'évêque décida, conformément à cet avis, qu'il y avait matière suffisante pour que la femme nommée la Pucelle dût être citée et appelée en cause de foi[594].

Mais une nouvelle difficulté apparaissait. Il fallait, dans une telle cause, que l'accusée comparût en même temps devant l'ordinaire et devant l'inquisiteur. Les deux juges étaient également nécessaires à la bonté du procès. Or, le Grand Inquisiteur pour le royaume de France, frère Jean Graverent, se trouvait alors retenu à Saint-Lô, où il poursuivait en matière de foi un bourgeois de la ville, nommé Jean Le Couvreur[595]. En l'absence (p. 250) du frère Jean Graverent, l'évêque de Beauvais avait invité le vice-inquisiteur pour le diocèse de Rouen à procéder conjointement avec lui contre Jeanne. Cependant le vice-inquisiteur semblait ne rien entendre, ne soufflait mot et laissait l'évêque dans l'embarras avec son procès. C'était frère Jean Lemaistre, prieur des frères prêcheurs de Rouen, bachelier en théologie, religieux plein de prudence et de scrupules[596]. Enfin, sur sommation par huissier, il se rendit chez l'évêque de Beauvais, ce 19 février, à quatre heures du soir, et se déclara prêt à intervenir, s'il en avait le droit, ce dont toutefois il doutait[597]. Il donna la raison de son incertitude: il était l'inquisiteur de Rouen; l'évêque de Beauvais exerçait la juridiction épiscopale de Beauvais sur un territoire emprunté: dès lors était-ce à l'inquisiteur de Rouen? n'était-ce pas plutôt à l'inquisiteur de Beauvais qu'il appartenait de siéger au côté de l'évêque de Beauvais? Il annonça qu'il demanderait au Grand Inquisiteur du royaume de France un mandat qui s'étendît sur le diocèse de Beauvais, et qu'en attendant ces pouvoirs, il consentait à siéger, pour l'acquit (p. 251) de sa conscience et pour empêcher que toute la procédure ne devînt caduque, ce qui eût été le cas, au sentiment de tous, si la cause avait été instruite sans le concours de la Très Sainte Inquisition[598]. Toutes les difficultés étaient levées. La Pucelle fut citée à comparaître le mercredi 21 février[599].

Ce jour, à huit heures du matin, l'évêque de Beauvais, le vicaire de l'inquisiteur et quarante et un conseillers et assesseurs dont quinze docteurs en théologie, cinq docteurs en l'un et l'autre droit, six bacheliers en théologie, onze bacheliers en droit canon, quatre licenciés en droit civil, se réunirent dans la chapelle du château. L'évêque siégea seul comme juge. À ses côtés les conseillers et assesseurs, revêtus du camail des chanoines ou de la bure des mendiants, exprimaient ou la douceur évangélique ou la gravité sacerdotale. Il y avait des regards de flamme et des yeux baissés. Frère Jean Lemaistre, vice-inquisiteur de la foi, se tenait parmi eux, silencieux, dans la livrée noire et blanche de l'obéissance et de la pauvreté[600].

Avant d'introduire l'accusée, l'huissier rendit compte à l'évêque que Jeanne, touchée par la citation, avait répondu que volontiers elle comparaîtrait, que toutefois elle demandait que des hommes d'Église du parti de la France fussent adjoints en nombre égal à ceux du (p. 252) parti de l'Angleterre. Elle demandait aussi qu'il lui fût permis d'entendre la messe[601]. L'évêque rejeta ces deux requêtes[602] et Jeanne fut introduite, en habit d'homme, les fers aux pieds. On la fit asseoir près de la table où se tenaient les greffiers.

Ce qui éclata tout de suite entre ces théologiens et cette jeune fille, ce fut la haine et l'horreur réciproques. Contrairement aux usages de son sexe, que les ribaudes elles-mêmes n'osaient enfreindre, elle montrait ses cheveux, des cheveux bruns taillés sur l'oreille. C'étaient peut-être les premiers cheveux de femme que voyait tel de ces jeunes religieux, tel de ces jeunes maîtres assis derrière leurs anciens. Elle portait des chausses comme un garçon. Ils trouvaient son habit impudique, abominable[603]. Elle les irritait et les indignait. Si l'évêque de Beauvais l'avait forcée à comparaître en robe et en chaperon, ils l'eussent regardée sans doute avec moins de colère. Cet habit d'homme leur rendait présentes les œuvres accomplies par la Pucelle, avec le secours des démons, dans le camp du dauphin Charles, se disant roi. En ôtant comme avec la main, par magie, toute force aux gens d'armes anglais, elle avait nui grandement à la plupart de ces hommes d'Église qui la jugeaient. Les uns songeaient aux bénéfices dont elle les avait dépouillés; d'autres, (p. 253) docteurs et maîtres de l'Université, se rappelaient qu'elle avait failli mettre Paris à feu et à sang[604]; d'autres, abbés et chanoines, lui en voulaient peut-être plus encore de les avoir fait trembler jusqu'en Normandie. Et le tort ainsi causé à une notable partie de l'Église de France, pouvaient-ils le lui pardonner quand ils savaient qu'elle l'avait fait par sorcellerie, divination, et invocation des diables? «Il faut être bien ignorant, disait Sprenger, pour nier la réalité de la magie.» Comme ils étaient très savants, ils voyaient des magiciens et des sorciers où d'autres n'en auraient pas soupçonné; ils estimaient que le doute touchant le pouvoir des démons sur les hommes et sur les choses était non seulement hérésie et impiété, mais encore subversion de toute société naturelle et politique. Ces docteurs assis là, dans la chapelle du château, avaient fait brûler chacun dix, vingt, cinquante sorcières, et toutes avaient confessé leur crime. N'eût-ce pas été folie que de douter après cela qu'il fût des sorcières?

On pouvait s'étonner que des créatures capables de faire tomber la grêle, et de jeter des sorts sur les animaux et les hommes, se laissassent prendre, juger, torturer et brûler sans défense, mais c'était un fait constant; tous les juges ecclésiastiques avaient pu l'observer. Et les hommes très doctes en rendaient compte: ils expliquaient que les sorciers et les sorcières (p. 254) perdaient leur pouvoir dès qu'ils étaient aux mains des gens d'Église. On tenait cette explication pour satisfaisante. La pauvre Pucelle avait comme les autres, perdu son pouvoir; ils ne la craignaient plus.

Jeanne les haïssait pour le moins autant qu'ils la haïssaient. Cette antipathie que les saintes ignorantes, les belles inspirées, d'esprit libre, capricieux, ardent, éprouvaient naturellement pour les docteurs enflés de leur science et tout raidis de scolastique, elle l'avait ressentie naguère à l'égard des clercs de Poitiers, qui cependant étaient du parti de France, ne lui voulaient pas de mal et ne l'avaient pas beaucoup tourmentée. On peut juger par là de la répulsion que lui inspiraient les clercs de Rouen. Elle savait qu'ils cherchaient à la faire mourir. Mais elle ne les craignait pas; elle attendait avec confiance que les anges et les saintes, accomplissant leur promesse, vinssent la délivrer. Elle ne savait ni quand ni comment arriverait le salut; elle ne doutait pas qu'il n'arrivât. En douter eût été douter de saint Michel, de sainte Catherine et de Notre-Seigneur; c'eût été croire que ses Voix étaient mauvaises. Ses Voix lui avaient dit de ne rien craindre et elle ne craignait rien[605]. Intrépide simplicité; d'où lui venait cette confiance en ses Voix, sinon de son cœur?

L'évêque la requit de jurer en la forme prescrite, les (p. 255) deux mains sur les saints Évangiles, qu'elle répondrait la vérité sur tout ce qui lui serait demandé.

Elle ne pouvait. Ses Voix lui défendaient de rien confier à personne des révélations dont elles la gratifiaient abondamment.

Elle répondit:

—Je ne sais sur quoi vous voulez m'interroger. Vous pourriez me demander telles choses que je ne vous dirai pas.

Et comme l'évêque insistait pour qu'elle jurât de dire toute la vérité:

—De mon père et de ma mère, dit-elle, et de ce que j'ai fait après ma venue en France, je jurerai volontiers. Mais des révélations de la part de Dieu, oncques n'en ai dit ni révélé à personne, hors à Charles, mon roi. Et je n'en révélerai rien, me dût-on couper la tête.

Et, soit qu'elle voulût gagner du temps, soit qu'elle comptât avoir bientôt sur ce point un nouvel avis de son Conseil, elle ajouta qu'avant huit jours elle saurait bien si elle devait révéler ces choses.

Enfin elle jura selon les formes, à genoux, les deux mains sur le missel[606]. Puis elle répondit sur son nom, son pays, ses parents, son baptême, ses parrains et marraines. Elle dit qu'elle avait à peu près dix-neuf ans, à ce qu'il lui semblait[607].

(p. 256) Interrogée sur ce qu'elle avait appris:

—J'ai appris de ma mère Notre Père, Je vous salue, Marie et Je crois en Dieu.

Mais quand on lui demanda de dire Notre Père, elle s'y refusa, ne voulant le dire qu'en confession. C'était pour que l'évêque l'entendît au tribunal de la pénitence[608].

La séance était très agitée; chacun parlait à la fois. Jeanne, de sa voix douce, avait scandalisé les docteurs.

L'évêque lui fit défense de sortir de prison, sous peine d'être convaincue du crime d'hérésie.

Elle n'accepta point cette défense:

—Si je m'évadais, dit-elle, nul ne pourrait me reprocher d'avoir rompu ma foi, car oncques ne donnai ma foi à personne.

Elle se plaignit ensuite d'être aux fers.

L'évêque lui représenta que c'était parce qu'elle avait tenté de s'évader.

Elle en convint:

—C'est vrai, j'ai voulu m'évader, et je le voudrais encore comme c'est permis à tout prisonnier[609].

Aveu d'une grande hardiesse, si elle avait bien entendu ces paroles du juge, qu'en sortant de prison, elle encourait les peines dues aux hérétiques. C'était, un crime contre l'Église que de s'échapper des prisons de l'Église, c'était un crime et une folie; car les prisons (p. 257) de l'Église sont des séjours de pénitence, et il est aussi criminel qu'insensé, le pécheur qui se refuse à la pénitence salutaire; il est semblable au malade qui ne veut point être guéri. Mais Jeanne n'était pas proprement dans une prison ecclésiastique; elle était dans le château de Rouen, prisonnière de guerre, aux mains des Anglais. Pouvait-on dire qu'en s'évadant, elle encourait l'excommunication et les peines spirituelles et temporelles dues aux ennemis de la foi? Il y avait là une difficulté. Le seigneur évêque la leva incontinent par une belle fiction juridique. Trois hommes d'armes d'Angleterre, John Gris, écuyer, John Bervox et William Talbot étaient commis par le roi à la garde de Jeanne. L'évêque, agissant comme juge ecclésiastique, les commit lui-même à cette garde et leur fit jurer sur les saints Évangiles de lier et enfermer cette fille[610]. De ce fait la Pucelle était prisonnière de notre sainte Mère l'Église et elle ne pouvait rompre ses fers sans tomber dans l'hérésie.

La deuxième audience fut fixée au lendemain 22 février[611].

(p. 258) CHAPITRE XI
LA CAUSE DE LAPSE (Suite).

Après l'audience, quand il s'agit de rédiger le procès-verbal, un conflit s'éleva entre les notaires ecclésiastiques et deux ou trois greffiers royaux qui avaient enregistré, eux aussi, les réponses de l'accusée. Les deux rédactions, comme on pouvait s'y attendre, différaient l'une de l'autre en plusieurs endroits. On décida que Jeanne serait interrogée à nouveau sur les points contestés[612]. Les notaires d'Église se plaignaient aussi du mal qu'ils avaient à saisir les paroles de Jeanne à travers les interruptions des assistants qui les hachaient.

En un procès d'inquisition il n'y avait pas de lieu déterminé pour les interrogatoires non plus que pour les (p. 259) autres actes de la procédure; les juges interrogeaient soit dans une chapelle, soit dans une salle capitulaire, ou bien encore dans la prison ou dans une chambre de torture. Pour éviter le tumulte de la première séance, comme le croyait Messire Guillaume Manchon[613], et parce qu'il n'y avait plus de raison de procéder aussi solennellement qu'à l'ouverture des débats, le juge et les conseillers se réunirent dans la chambre de Parement, petite pièce située au bout de la grande salle du château[614]; et l'on mit deux gardes anglais à la porte. Selon le droit inquisitorial, les assesseurs désignés n'étaient pas tenus d'assister à toutes les délibérations[615]. Cette fois, quarante-deux étaient présents, trente-six anciens et six nouveaux, et parmi ces grands clercs, frère Jean Lemaistre, le vice-inquisiteur de la foi, l'humble frère prêcheur, non plus, comme au temps de saint Dominique, chien carnassier du Seigneur, mais, par suite des entreprises de l'Église des Gaules sur la puissance pontificale, chien de l'évêque, pauvre moine n'osant ni agir ni s'abstenir, muet, craintif, le dernier et moindre de tous, en attendant de devenir du jour au lendemain juge souverain et sans appel[616].

Jeanne fut introduite par messire Jean Massieu, huissier. (p. 260) Elle tenta encore d'éluder le serment de tout dire; mais il lui fallut jurer sur l'Évangile[617].

Ce fut maître Jean Beaupère qui l'interrogea; il était docteur en théologie. L'Université de Paris, qui le regardait comme une de ses plus belles lumières, l'avait nommé deux fois recteur, chargé des fonctions de chancelier, en l'absence de Gerson, et envoyé en l'an 1419, avec messire Pierre Cauchon, en la ville de Troyes, pour donner aide et conseil au roi Charles VI, et, trois ans après, vers la reine d'Angleterre et le duc de Glocester, pour obtenir, par leur appui, la confirmation de ses privilèges. Il venait d'être nommé chanoine de Rouen par le roi Henri VI[618].

Maître Jean Beaupère demanda d'abord à Jeanne à quel âge elle avait quitté la maison de son père. Elle ne sut pas le dire, bien qu'elle eût répondu la veille qu'elle avait présentement dix-neuf ans environ[619].

Interrogée sur les occupations de son enfance, elle répondit qu'elle vaquait aux soins du ménage et n'allait guère aux champs avec les bêtes.

—Pour filer et coudre, dit-elle, je ne crains femme de Rouen[620].

Ainsi, portant jusque dans ces choses domestiques (p. 261) son goût de chevalerie et son ardeur de prouesses, elle défiait au fuseau et à l'aiguille toutes les femmes d'une ville, sans en connaître une seule.

Interrogée sur ses confessions et ses communions, elle répondit qu'elle se confessait à son curé ou à un autre prêtre quand celui-ci était empêché. Mais elle ne voulut pas dire si elle avait communié à d'autres fêtes qu'à Pâques[621].

Maître Jean Beaupère procédait sans ordre et sautait brusquement d'un sujet à l'autre, afin de la surprendre. Il lui parla tout à coup de ses Voix. Elle lui répondit comme il suit:

—Étant en l'âge de treize ans, j'ai eu une Voix de Dieu pour m'aider à me bien gouverner. Et la première fois j'ai eu grand'peur. Et la Voix vint quasiment à l'heure de midi, en été, dans le jardin de mon père...

Elle entendit la Voix à droite, vers l'église. Rarement elle l'entend sans une lumière. Cette lumière est du côté que la Voix est ouïe[622].

En apprenant que Jeanne entendait la Voix à droite, un docteur plus savant et plus doux que n'était maître Jean eût sans doute interprété favorablement cette circonstance, puisqu'on lit dans Ezéchiel que les anges se tenaient à droite de la demeure, puisque nous voyons, au dernier chapitre de saint-Marc, que les femmes virent l'Ange assis à droite et puisque enfin saint Luc (p. 262) observe en termes exprès que l'Ange apparut à Zacharie à droite de l'autel encensé, sur quoi le vénérable Bède fit cette réflexion: «il apparut à droite, parce qu'il apportait un signe de la divine miséricorde[623]». Mais l'interrogateur n'attacha son esprit à rien de semblable; et, croyant embarrasser Jeanne, il lui demanda comment elle voyait la lumière, puisqu'elle était de côté[624]. Jeanne ne répondit pas et comme distraite:

—Si j'étais dans un bois, j'entendrais bien les Voix qui viendraient à moi.... Elle me semble être une digne Voix. Je crois que cette Voix m'a été envoyée de la part de Dieu. Après avoir entendu trois fois cette Voix, j'ai connu que c'était la voix d'un ange.

—Quels enseignements vous donnait cette Voix pour le salut de votre âme?

—Elle m'apprit à me bien conduire, à fréquenter l'église, et elle m'a dit qu'il me fallait aller en France[625].

Et Jeanne conta comment, sur l'ordre de la Voix, elle était allée à Vaucouleurs, vers sire Robert de Baudricourt, qu'elle avait reconnu, sans l'avoir oncques vu auparavant; comment le duc de Lorraine l'avait appelée auprès de lui pour qu'elle le guérît et comment elle s'était rendue en France[626].

(p. 263) Elle fut ensuite amenée à dire qu'elle savait bien que Dieu aimait le duc d'Orléans et qu'elle avait sur lui plus de révélations que sur homme vivant, excepté son roi, qu'il lui avait fallu changer son habit de femme en habit d'homme et que son conseil l'avait bien avisée[627].

On lui donna lecture de la lettre aux Anglais. Elle reconnut qu'elle l'avait dictée dans les mêmes termes, à trois endroits près. Elle n'avait pas dit: corps pour corps, ni chef de guerre; et elle avait dit rendez au roi, au lieu de rendez à la Pucelle. Les juges n'avaient pas altéré le texte de la lettre, comme on peut s'en assurer en le comparant à d'autres textes qui ne passèrent pas par leurs mains et qui contiennent les expressions niées par Jeanne[628].

Au début de sa vocation, elle croyait que Notre-Seigneur, vrai roi de France, lui avait ordonné de remettre la lieutenance du royaume à Charles de Valois. Les propos où elle exprime ces idées sont rapportés par trop de personnes étrangères les unes aux autres pour qu'on puisse douter qu'elle les ait prononcés. «Le roi aura le royaume en commande; le roi de France est lieutenant du roi des cieux.» Ce sont là des paroles sorties de sa bouche et elle a vraiment dit au dauphin: «Faites don de votre royaume au roi des cieux[629].» Mais ce qu'on est bien obligé de reconnaître, (p. 264) c'est qu'à Rouen il ne subsiste plus en elle aucune trace de ces idées mystiques et qu'elle semble même incapable de les avoir jamais eues. Dans toutes les réponses qu'elle fait à ses interrogateurs, elle se montre si étrangère à tout raisonnement un peu abstrait et aux spéculations même les moins compliquées, qu'on se figure mal qu'elle ait pu concevoir la royauté temporelle de Jésus-Christ sur la terre des Lis. Rien dans son langage ni dans ses pensées ne la montre préparée à de telles méditations et l'on en arrive à croire que cette théologie politique lui avait été enseignée, dans son âge tendre et ductile, par des clercs désireux de remédier aux maux de l'Église et du royaume, mais qu'elle n'en avait point pénétré profondément l'esprit ni bien possédé le sens, et que les termes mêmes lui en avaient peu à peu échappé, dans une vie rude et parmi des gens d'armes dont l'âme simple s'accordait avec la sienne mieux que l'âme plus ornée de ses initiateurs contemplatifs.

Interrogée sur sa venue à Chinon, elle répondit:

J'allai sans empêchement vers mon roi; quand j'arrivai à la ville de Sainte-Catherine de Fierbois, j'envoyai premièrement à la ville de Château-Chinon où était mon roi. J'y arrivai vers l'heure de midi et me logeai dans une hôtellerie et, après dîner, j'allai à mon roi qui était dans le château.

(p. 265) Les greffiers, s'il faut les en croire, s'émerveillaient à l'envi de sa mémoire. Ils admiraient qu'elle se rappelât avec exactitude ce qu'elle avait dit huit jours auparavant[630]. Pourtant ses souvenirs étaient parfois étrangement incertains, et l'on a quelque raison de penser avec le Bâtard qu'elle attendit deux jours à l'auberge avant d'être reçue par le roi[631].

À propos de cette audience au château de Chinon, elle dit à ses juges qu'elle avait reconnu le roi comme elle avait reconnu le sire de Baudricourt, par révélation[632].

L'interrogateur lui demanda:

—Quand la Voix vous montra votre roi, y avait-il là quelque lumière[633]?

Cette question se rapportait à des circonstances étranges qui intéressaient grandement les juges, car ils y soupçonnaient la Pucelle de s'être rendue coupable de fraude sacrilège ou peut-être de sorcellerie, avec la complicité du roi de France. Ils avaient appris, en effet, par leurs informateurs, que Jeanne se vantait d'avoir donné un signe au roi, en la forme d'une couronne précieuse[634]. Voici la vérité sur ce point.

(p. 266) Madame sainte Catherine, ainsi qu'on le rapportait dans son histoire, reçut un jour, de la main d'un ange, une couronne resplendissante et la posa sur la tête de l'impératrice des Romains. Cette couronne signifiait la béatitude éternelle[635]. Jeanne, qui était nourrie de cette histoire, disait que semblable chose lui était advenue. En France elle avait fait plusieurs récits merveilleux de couronnes et dans l'un de ces récits elle se représentait en la grande salle du château de Chinon, au milieu des seigneurs, recevant de la main d'un ange une couronne, pour la donner à son roi[636]. C'était vrai, au sens spirituel, car elle avait mené Charles à son sacre et couronnement. Jeanne n'était pas très exercée à concevoir deux ordres de vérités. Il se peut toutefois qu'elle eut des doutes sur la réalité matérielle de cette vision. Il se peut même qu'elle la tînt pour vraie seulement au sens spirituel. En tout cas, elle avait promis d'elle-même spontanément à sainte Catherine et à sainte Marguerite de n'en point parler à ses juges[637].

—Vîtes-vous quelque ange au-dessus du roi? demanda l'interrogateur.

Elle refusa de répondre[638].

(p. 267) Pour cette fois, il ne fut rien dit de la couronne.

Maître Jean Beaupère demanda à Jeanne si elle entendait souvent la Voix.

—Il n'est jour que je ne l'entende. Et elle me fait bien besoin[639].

Elle ne parlait jamais de ses Voix sans exprimer qu'elles étaient son refuge et son réconfort, son allègement et son allégresse. Or, les théologiens s'accordaient à croire que le bon esprit laisse en se retirant l'âme comblée de joie, de paix et de consolation, et ils en donnaient pour preuve cette parole de l'ange à Zacharie et à Marie: «Ne craignez point[640]». Ce n'était pas toutefois une raison assez forte pour persuader à des clercs du parti anglais que des Voix ennemies des Anglais venaient de Dieu.

Et la Pucelle ajouta:

—Oncques n'ai requis d'elle autre récompense finale que le salut de mon âme[641].

L'interrogatoire se termina sur une charge capitale: l'assaut donné à Paris un jour de fête. C'est peut-être à ce sujet que frère Jacques de Touraine, de l'ordre des frères mineurs, qui de temps à autre faisait aussi des questions, demanda à Jeanne si elle avait jamais été en un lieu où des Anglais eussent été tués.

(p. 268) —En nom Dieu, si j'y ai été? répliqua Jeanne vivement. Comme vous parlez doucement! Que ne partaient-ils de France et n'allaient-ils dans leur pays!

Un seigneur d'Angleterre, qui se trouvait dans la salle, entendant ces paroles, dit à ses voisins:

—Vraiment, c'est une bonne femme. Que n'est-elle Anglaise[642]!

La troisième séance publique fut fixée au surlendemain, samedi 24 février[643].

On était en carême; Jeanne observait le jeûne très rigoureusement[644].

Le vendredi 23 au matin, les Voix vinrent d'elles-mêmes l'éveiller. Elle se souleva sur son lit et s'y tint assise, les mains jointes, pour leur rendre grâces. Puis elle leur demanda ce qu'elle devait répondre aux juges, les priant de prendre conseil là-dessus de Notre-Seigneur. Les Voix prononcèrent d'abord des paroles qu'elle ne comprit pas. Cela arrivait quelquefois, surtout aux heures difficiles. Puis elles dirent[645]:

—Réponds hardiment, Dieu t'aidera.

Ce même jour, elle les entendit une deuxième fois à l'heure des vêpres et une troisième fois quand les cloches sonnèrent l'Ave Maria du soir. Dans la nuit du vendredi et du samedi, elles revinrent et lui révélèrent (p. 269) beaucoup de secrets pour le bien du roi de France. Elle en reçut un grand réconfort[646]. Très probablement elles lui renouvelèrent l'assurance qu'elle serait tirée des mains de ses ennemis et que ses juges, au contraire, se trouvaient en grand danger.

Elle se gouvernait entièrement par ses Voix. Quand elle était embarrassée sur ce qu'elle devait dire à ses juges, elle faisait une prière à Notre-Seigneur; elle lui disait dévotement: «Très doux Dieu, en l'honneur de votre sainte Passion, je vous requiers, si vous m'aimez, que me révéliez ce que je dois répondre à ces gens d'Église. Je sais bien, quant à l'habit, le commandement comment je l'ai pris; mais je ne sais point par quelle manière je dois le laisser. Pour ce, plaise vous à moi l'enseigner.»

Et tout aussitôt les Voix venaient[647].

À la troisième séance, tenue le 24 février, dans la chambre de Parement, siégèrent soixante-deux assesseurs, dont vingt nouveaux[648].

Jeanne montra plus de répugnance encore que les autres jours à prêter sur les saints évangiles serment de répondre à tout ce qu'on lui demanderait. L'évêque l'avertit charitablement que ce refus obstiné la rendrait suspecte, et il la requit de jurer, sous peine (p. 270) d'être reconnue coupable sur tous les chefs d'accusation[649]. Ainsi le voulait en effet, la justice inquisitoriale. En l'an 1310, une béguine nommée La Porète refusa le serment au sacré inquisiteur de la foi, frère Guillaume de Paris; elle fut incontinent excommuniée, et, sans être davantage interrogée, après une longue procédure, livrée au prévôt de Paris, qui la fit brûler vive. La dévotion qu'elle montra sur le bûcher tira des larmes à tous les assistants[650].

Toutefois l'évêque ne put obtenir que la Pucelle jurât sans restrictions. Elle jura de dire la vérité sur tout ce qu'elle saurait touchant le procès, se réservant de taire ce qui, selon elle, ne s'y rapporterait pas. Elle parla volontiers des Voix qu'elle avait entendues la veille et dans la matinée, et ne céda point qu'elles lui avaient fait des révélations concernant le roi. Mais, quand maître Jean Beaupère se montra curieux de les connaître, elle demanda un délai de quinze jours pour répondre, sûre que d'ici là elle serait délivrée; et aussitôt elle se mit à vanter les secrets que ses Voix lui avaient confiés pour le bien du roi.

—Je voudrais qu'il les sût dès maintenant, dit-elle, dussé-je ne pas boire de vin d'ici à Pâques[651].

«Ne pas boire de vin d'ici Pâques». Employait-elle de la sorte, sans y prendre garde, une locution en (p. 271) usage dans le pays de ce joli vin qui a des teintes de rose desséchée, de ce vin «gris» dont deux doigts avec un morceau de pain faisaient le repas des femmes de Domremy[652]? Ou bien avait-elle pris cette façon de dire aux gens d'armes de sa compagnie, avec les bonnes buffes et les bons torchons? Hélas! quel hypocras devait-elle boire pendant les cinq semaines qui restaient à courir avant Pâques? Elle employait là une expression toute faite, comme il lui arrivait souvent, et n'y attribuait aucun sens précis, à moins qu'à l'idée de vin ne se mêlât plus ou moins confusément dans son esprit une pensée cordiale, un espoir de voir, une fois délivrée, les seigneurs de France emplir leur tasse en l'honneur d'elle.

Maître Jean Beaupère lui demanda si, avec les Voix, elle voyait quelque chose.

Elle répondit:

—Je ne vous dirai pas tout. Je n'en ai pas congé... La Voix est bonne et digne... De cela je ne suis pas tenue de répondre.

Et elle pria qu'on lui donnât par écrit les points sur lesquels elle ne répondait pas tout de suite[653].

Quel usage pensait-elle faire de cet écrit? Elle ne savait pas lire; elle n'avait pas d'avocat. Voulait-elle montrer la cédule à quelque faux ami qui la trompait, comme Loiseleur? Ou pensait-elle la mettre sous les yeux de ses saintes?

(p. 272) Maître Beaupère demanda si la Voix avait un visage et des yeux.

Elle refusa de le dire et cita un dicton en usage chez les enfants: «Souvent on est pendu pour avoir dit la vérité[654]

Maître Beaupère demanda:

—Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu?

La question était singulièrement captieuse: elle mettait Jeanne entre l'aveu de son péché et la plus condamnable témérité. Un des assesseurs, maître Jean Lefèvre, de l'ordre des frères ermites, fit observer qu'elle n'était pas tenue de répondre. Il y eut des murmures dans la salle.

Mais Jeanne:

—Si je n'y suis, Dieu m'y mette, et si j'y suis, Dieu m'y garde. Je serais la plus dolente du monde si je savais ne pas être en la grâce de Dieu[655].

Les assesseurs furent surpris qu'elle eût si bien répondu. Pourtant ils n'étaient point revenus à de meilleurs sentiments pour elle. Ils reconnaissaient qu'elle parlait bien au sujet de son roi, mais que, pour le reste, elle avait trop de subtilité et de cette subtilité propre à la femme[656].

(p. 273) Maître Jean Beaupère questionna ensuite Jeanne sur son enfance au village, essayant de la montrer cruelle, encline à l'homicide dès ses tendres années et adonnée à ces pratiques d'idolâtrie, pour lesquelles les habitants de Domremy étaient notoirement diffamés[657].

Il toucha alors un point d'une singulière importance pour pénétrer les origines obscures de la mission de Jeanne.

—Ne vous a-t-on pas regardée comme l'envoyée du bois Chesnu?

En poussant dans ce sens, on aurait peut-être obtenu des révélations importantes. Assurément Jeanne avait été accréditée en France par de fausses prophéties; mais ces clercs n'étaient pas en état de se débrouiller dans tous ces pseudo-Bède et pseudo-Merlin[658].

Jeanne répondit:

—Quand je vins trouver le roi, aucuns me demandaient s'il y avait dans mon pays un bois nommé le bois Chesnu, parce qu'il existait des prophéties disant que des environs de ce bois devait venir une jeune fille qui ferait des merveilles. Mais à cela je n'ajoutai pas foi.

À cela elle n'ajouta pas foi, il faut l'en croire; mais si elle n'accordait aucune créance à la prophétie de Merlin sur la vierge de la forêt chesnue, elle donnait au contraire une grande attention à la prophétie annonçant (p. 274) qu'une Pucelle libératrice viendrait des Marches de Lorraine, puisqu'elle la récitait, celle-là, aux époux Leroyer et à son oncle Lassois d'un tel accent qu'ils en demeuraient étonnés. Or, les deux vaticinations, il faut bien le reconnaître, se ressemblent comme deux sœurs. Maître Jean Beaupère, laissant Merlin l'Enchanteur, brusquement demanda:

—Jeanne, voulez-vous avoir un habit de femme?

Elle répondit:

—Donnez-m'en un, je le prendrai et partirai. Autrement non. Je me contenterai de celui-ci, puisqu'il plaît à Dieu que je le porte.

Sur cette réponse, qui contenait deux erreurs tendant à l'hérésie, le seigneur évêque leva la séance[659].

Le lendemain 25 février était le premier dimanche du Carême. Ce jour-là ou un autre, mais plus probablement ce jour-là, monseigneur de Beauvais envoya une alose à Jeanne, qui, ayant mangé de ce poisson, eut la fièvre et fut prise de vomissements[660]. Deux maîtres ès arts de l'Université de Paris, docteurs en médecine, Jean Tiphaine et Guillaume Delachambre, assesseurs au procès, furent appelés par le comte de Warwick qui leur dit:

—Jeanne, d'après ce qu'on m'a rapporté, est souffrante. Je vous ai mandés pour aviser à la guérir. Le roi ne veut pour rien au monde qu'elle meure de mort (p. 275) naturelle. Car il l'a chère, l'ayant chèrement achetée. Il entend qu'elle ne trépasse que par justice et soit brûlée. Faites donc le nécessaire, visitez-la avec grand soin et tâchez qu'elle se rétablisse[661].

Conduits par maître Jean d'Estivet auprès de Jeanne, les médecins lui demandèrent de quel mal elle souffrait.

Elle répondit qu'elle avait mangé d'une carpe que monseigneur de Beauvais lui avait envoyée et qu'elle se doutait que là était la cause de son mal.

Soupçonnait-elle l'évêque d'avoir voulu l'empoisonner? C'est ce que maître Jean d'Estivet crut comprendre, car il se mit dans une violente colère:

—Putain, paillarde! s'écria-t-il, c'est toi qui as mangé des harengs et autres choses à toi contraires.

—Je ne l'ai pas fait, répliqua-t-elle.

Ils échangèrent tous deux des paroles injurieuses et Jeanne en fut plus malade[662].

Les médecins la palpèrent aux reins et au côté droit et lui trouvèrent de la fièvre. D'où ils conclurent à une saignée.

Ils en avisèrent le comte de Warwick qui s'inquiéta:

—Une saignée? Prenez garde! Elle est rusée et pourrait bien se tuer.

Néanmoins on fit la saignée et Jeanne guérit[663].

(p. 276) Il n'y eut pas d'interrogatoire le lundi 26[664]. À l'ouverture de la quatrième séance, le mardi 27, maître Jean Beaupère lui demanda comment elle s'était portée; ce dont elle fut peu touchée. Elle lui répondit sèchement: «Vous le voyez bien. Je me suis portée le mieux que j'ai pu[665]

Cette séance avait lieu dans la salle de Parement, en présence de cinquante-quatre assesseurs[666]. Cinq de ceux-là n'avaient pas encore assisté aux débats, et dans le nombre maître Nicolas Loiseleur, chanoine de Rouen, qui faisait, dans le procès, le cordonnier lorrain et madame sainte Catherine d'Alexandrie[667].

Maître Jean Beaupère se montra curieux, comme le samedi précédent, de savoir si Jeanne avait entendu ses Voix. Elle les entendait tous les jours[668].

Il demanda:

—Est-ce une voix d'ange qui vous parle, ou la voix d'un saint ou d'une sainte? Ou bien est-ce Dieu qui vous parle sans truchement?

(p. 277) Jeanne:

—Cette voix est celle de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et leurs figures sont couronnées de belles couronnes, moult richement et moult précieusement. De vous le dire j'ai licence de Messire. Si vous en faites doute, envoyez à Poitiers où je fus interrogée[669].

Elle se réclamait à bon droit des clercs de France. Les docteurs armagnacs n'avaient pas moins d'autorité en matière de foi que les docteurs anglais et bourguignons. Ne devaient-ils pas se retrouver tous ensemble au concile?

L'interrogateur demanda:

—Comment savez-vous que ce sont ces deux saintes? Les connaissez-vous bien l'une d'avec l'autre?

Jeanne:

—Je sais bien que ce sont elles et je les connais bien l'une d'avec l'autre.

—Comment?

—Par la révérence qu'elles me font[670].

Réponse qu'on ne se hâtera pas de taxer d'erreur ou de fausseté, si l'on songe que l'ange salua Gédéon (Jud. VI) et que Raphaël salua Tobie(Tob. XII)[671].

Jeanne donna ensuite une autre raison:

—Je les connais parce qu'elles se nomment à moi[672].

(p. 278) Quand on lui demanda si ses saintes étaient vêtues toutes deux de la même étoffe, si elles étaient du même âge, si elles parlaient toutes deux à la fois, si l'une d'elles lui était apparue la première, elle refusa de répondre, alléguant qu'elle n'en avait pas congé[673].

Maître Jean Beaupère lui demanda quelle apparition vint à elle la première quand elle était âgée de treize ans, ou environ.

Jeanne:

—Ce fut saint Michel. Je le vis de mes yeux. Et il n'était pas seul, mais bien accompagné d'anges du ciel. Je ne suis venue en France que par l'ordre de Messire.

—Vîtes-vous saint Michel et ces anges corporellement et réellement?

—Je les vis des yeux de mon corps, aussi bien que je vous vois. Et quand ils s'éloignaient de moi, je pleurais et j'aurais bien voulu qu'ils m'eussent emportée avec eux.

—En quelle figure était saint Michel[674]?

Elle n'avait pas congé de le dire.

On lui demanda si elle avait eu congé de Dieu d'aller en France et si c'était Dieu qui lui avait prescrit de prendre l'habit d'homme.

En se taisant, elle se rendait suspecte d'hérésie et, de quelque manière qu'elle répondît, elle se chargeait gravement: ou bien elle prenait sur elle l'homicide et (p. 279) l'abomination, ou bien elle en attribuait la volonté à Dieu, ce qui était manifestement sacrilège.

Sur sa venue en France, elle dit:

—J'aimerais mieux être tirée à quatre chevaux que d'être venue en France sans congé de Messire.

Sur l'habit:

—L'habit est peu de chose, moins que rien. Je n'ai pris l'habit d'homme sur le conseil d'homme du monde. Je n'ai pris cet habit ni fait chose que par l'ordre de Messire et des anges[675].

Maître Jean Beaupère:

—Quand vous voyez cette Voix venir à vous, y a-t-il de la lumière?

Elle, alors, moqueuse comme à Poitiers:

—Toutes les lumières ne viennent pas à vous, mon beau seigneur[676].

Avec beaucoup de cautèle et de ruse, c'est le procès du roi de France que faisaient ces docteurs de Paris et de Rouen. Maître Jean Beaupère lança cette question:

—Comment votre roi ajouta-t-il foi à vos dires?

—Parce qu'il avait bons signes, et par ses clercs.

—Quelles révélations eut votre roi?

—Vous n'aurez pas cela de moi cette année.

En entendant cette parole de la jeune fille, monseigneur de Beauvais, qui était dans les conseils du roi (p. 280) Henri, ne songea-t-il donc point à cette parole du livre de Tobie (XII, 7): «Il est bon de cacher le secret du roi»?

Jeanne dut ensuite répondre longuement sur l'épée de sainte Catherine. Les clercs la soupçonnaient d'avoir trouvé cette épée par divination et invocation du démon et d'avoir mis un charme dessus. Tout ce qu'elle put dire ne dissipa point leurs soupçons[677].

On passa à l'épée qu'elle avait gagnée sur un Bourguignon.

—Je la portais, dit-elle, à Compiègne, parce que c'était bonne épée de guerre, et bonne à donner de bonnes buffes et bons torchons[678].

Voilà qui est clairement dit. La buffe était un soufflet, un coup de plat, le torchon un coup de tranchant[679]. Quelques instants après, à propos de sa bannière, elle déclara qu'elle la portait elle-même, quand elle chargeait les ennemis, pour éviter de tuer personne.

Et elle ajouta:

—Oncques n'ai tué personne[680].

Les docteurs trouvaient qu'elle variait dans ses réponses[681]. Sans doute, elle variait. Mais si les docteurs avaient vu, comme elle, à toute heure de jour et de nuit, le ciel leur dégringoler sur la tête; si toutes leurs (p. 281) pensées, tous leurs instincts bons ou mauvais, tous leurs désirs à peine formés, s'étaient mués aussitôt, à leur insu, en des ordres de Dieu, exprimés par des voix d'archanges et de bienheureuses, ils eussent varié tout autant, et sans doute ils eussent montré dans leurs paroles et dans leurs actions moins de douceur mêlée à moins de courage et moins de sens dans autant d'illusion.

Les interrogatoires étaient longs; ils duraient trois et quatre heures[682]. Avant de clore celui-là, maître Jean Beaupère voulut savoir si Jeanne avait été blessée à Orléans. C'était un point intéressant. Il était généralement admis que les sorcières perdaient leur pouvoir avec leur sang. Enfin on la chicana sur la capitulation de Jargeau, et la séance fut levée[683].

Maître Jean Lohier, notable clerc normand, étant venu à Rouen, l'évêque comte de Beauvais donna ordre de le mettre au courant de la procédure. Le premier samedi de carême, 24 février, l'évêque le fit appeler dans sa maison près Saint-Nicolas-le-Painteur et l'invita à donner son opinion sur le procès. Maître Jean Lohier parla de telle sorte que l'évêque courut après les docteurs et maîtres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Thomas de Courcelles, Nicolas Loiseleur, et leur dit tout ému:

—Voilà Lohier qui nous veut bailler belles interlocutoires (p. 282) en notre procès! Il veut tout calomnier et dit que le procès ne vaut rien. Qui l'en voudrait croire, il faudrait tout recommencer, et tout ce que nous avons fait ne vaudrait rien! On voit bien de quel pied il cloche. Par saint Jean, nous n'en ferons rien; mais continuerons notre procès comme il est commencé.

Le lendemain, maître Jean Lohier rencontra dans l'église Notre-Dame messire Guillaume Manchon qui lui demanda:

—Avez-vous vu le procès?

—Je l'ai vu, répondit maître Jean. Ce procès ne vaut rien. Impossible de le soutenir, pour plusieurs raisons. Primo, il y manque la forme d'un procès ordinaire[684].

Il entendait par là qu'on ne devait pas procéder contre Jeanne sans informations préalables sur les présomptions de culpabilité, soit qu'il ignorât les informations ordonnées par monseigneur de Beauvais, soit plutôt qu'il les jugeât insuffisantes[685].

Secundo, poursuivit maître Jean Lohier, ce procès est déduit dans le château, en lieu clos et fermé, où juges et assesseurs, n'étant point en sûreté, n'ont pas pleine et entière liberté de dire purement et simplement ce qu'ils veulent. Tertio, le procès touche à plusieurs personnes qui ne sont pas appelées à comparoir, et on y engage notamment l'honneur du roi de (p. 283) France, dont Jeanne suivit le parti, sans citer le roi ni quelqu'un qui le représente. Quarto, ni libellés, ni articles n'ont été donnés, et cette femme, qui est une fille simple, on la laisse sans conseil pour répondre à tant de maîtres, à de si grands docteurs et en matières si graves, spécialement celle qui concerne ses révélations. Pour tous ces motifs, le procès ne me semble pas valable.

Il ajouta:

—Vous voyez comment ils procèdent. Ils la prendront, s'ils peuvent, par ses paroles. Ils tireront avantage des assertions où elle dit: «Je sais de certain», au sujet de ses apparitions. Mais si elle disait: «Il me semble», au lieu de: «Je sais de certain», m'est avis qu'il n'est homme qui la pût condamner. Je m'aperçois bien qu'ils agissent plus par haine que par tout autre sentiment. Ils ont l'intention de la faire mourir. Aussi ne me tiendrai-je plus ici. Je n'y veux plus être. Ce que je dis déplaît[686].

Ce jour même, maître Jean quitta Rouen[687].

L'aventure de maître Nicolas de Houppeville ressemble à celle de maître Jean Lohier. Maître Nicolas, très notable clerc, conférant avec des hommes d'Église, exprima cet avis que, faire juger Jeanne par des gens du parti contraire n'était pas une bonne façon de procéder; et il fit observer que Jeanne avait été déjà examinée (p. 284) par les clercs de Poitiers et par l'archevêque de Reims, métropolitain de l'évêque de Beauvais. Instruit de ces conciliabules, monseigneur de Beauvais se mit dans une violente colère et fit citer devant lui maître Nicolas. Celui-ci répondit qu'il relevait de l'official de Rouen et que l'évêque de Beauvais n'était point son juge. S'il est vrai, comme on l'a dit, que maître Nicolas fut mis ensuite dans les prisons du roi, ce fut pour une raison plus juridique, sans doute, que d'avoir fâché le seigneur évêque de Beauvais. Ce qui paraît plus probable, c'est que ce très notable clerc ne voulut pas siéger comme assesseur et qu'il quitta Rouen pour n'être pas appelé au procès[688].

Quelques hommes d'Église, entre autres maître Jean Pigache, maître Pierre Minier et maître Richard de Grouchet s'aperçurent beaucoup plus tard qu'ils avaient opiné sous le coup de la crainte et dans un grand péril. «Nous assistâmes au procès, dirent-ils, mais nous fûmes dans la pensée de fuir[689].» En fait, il ne fut fait violence à personne et ceux qui refusèrent d'assister au procès ne furent point inquiétés. Des menaces! Pourquoi? Était-il donc difficile alors de condamner une sorcière? Sorcière, Jeanne ne l'était pas. D'autres l'étaient-elles davantage? Toutefois, entre ces autres et celle-là, on voyait cette différence, que Jeanne avait exercé ses sortilèges en faveur des Armagnacs et (p. 285) qu'en la condamnant on servait les Anglais qui étaient les maîtres, chose à considérer, et que l'on fâchait les Français en passe de le redevenir, ce qui donnait aussi à réfléchir aux gens avisés. Il y avait bien de quoi rendre les docteurs perplexes; mais la seconde considération pesait moins que la première; on ne croyait guère que les Français fussent si près de reprendre la Normandie.

La cinquième séance publique eut lieu en l'endroit accoutumé, le 1er mars, en présence de cinquante-huit assesseurs dont neuf n'avaient pas encore siégé[690].

L'interrogateur demanda premièrement à Jeanne:

—Que dites-vous de notre seigneur le Pape, et qui croyez-vous qui soit vrai pape?

Elle répondit habilement par une autre question:

—Est-ce qu'il y en a deux[691]?

Non, il n'y en avait pas deux; le schisme avait cessé par l'abdication de Clément VIII; la grande déchirure de l'Église était recousue depuis treize ans et toutes les nations chrétiennes, la française elle-même, résignée à ne plus revoir ses papes d'Avignon, reconnaissaient le pape de Rome. Mais, ce que ne savaient ni l'accusée ni les juges, ce 1er mars 1431, il n'y avait ni deux papes ni un seul, il n'y en avait point du tout; le saint-siège était vacant depuis la mort de Martin V, survenue (p. 286) le 20 février; et cette vacance ne devait cesser que le surlendemain, 3 mars, par l'élection d'Eugène IV[692].

Ce n'était pas sans motif que l'interrogateur posait à Jeanne une question relative au Saint-Siège. Ses raisons devinrent manifestes quand il lui demanda si elle n'avait pas reçu une lettre du comte d'Armagnac. Elle reconnut avoir reçu cette lettre et y avoir répondu.

Une copie de ces deux pièces se trouvait au dossier. On les lut à Jeanne.

Il apparut que le comte d'Armagnac avait demandé, par missive, à la Pucelle, lequel des trois papes était le vrai et que Jeanne avait fait savoir, également par missive, qu'elle n'avait pas le temps de donner réponse pour l'heure, mais qu'elle le ferait à loisir, quand elle serait à Paris.

Ayant entendu la lecture de ces deux lettres, Jeanne déclara que celle qu'on lui attribuait n'était de son fait qu'en partie. Et, puisqu'elle dictait et qu'elle ne pouvait lire ensuite ce qu'on avait mis, il était concevable que des paroles rapides, jetées le pied sur l'étrier, n'eussent pas été fidèlement transcrites; mais elle ne put, dans une suite de réponses embarrassées et contradictoires, établir en quoi sa dictée différait du texte écrit[693]; et en elle-même la lettre au comte d'Armagnac paraît bien plutôt le fait d'une visionnaire ignorante que d'un clerc quelque peu avisé des affaires de l'Église. (p. 287) On y remarque certaines expressions et certaines formules qui se retrouvent dans d'autres lettres de Jeanne. Le doute n'est guère possible; cette lettre est d'elle, elle l'avait oubliée; rien de surprenant à cela: sa mémoire, comme nous l'avons vu, était sujette à des défaillances plus étranges[694].

Les juges tiraient de cet écrit des charges accablantes pour elle; ils y voyaient la preuve d'une coupable témérité. Quelle jactance, à leurs yeux, de la part de cette femme, que de prétendre savoir de Dieu même ce que l'Église a pour mission d'enseigner! Et promettre de désigner le pape par illumination intérieure, n'était-ce pas pécher gravement contre l'Épouse de Jésus-Christ, déchirer d'une main sacrilège la tunique sans coutures de Notre-Seigneur?

Jeanne vit si bien cette fois l'endroit par où ses juges voulaient la prendre, qu'elle déclara par deux fois sa créance au seigneur pape de Rome[695]. Elle aurait souri amèrement, si elle avait su que ces insignes docteurs, ces lumières de l'Université de Paris, qui lui faisaient un grief mortel de mal croire au pape, croyaient eux-mêmes au pape à peu près comme s'ils n'y croyaient (p. 288) pas; qu'en ce moment, plusieurs d'entre eux, maître Thomas de Courcelles, si grand docteur, maître Jean Beaupère, l'interrogateur, maître Nicolas Loiseleur, qui faisait la voix de sainte Catherine, avaient hâte de l'expédier, l'innocente fille, pour enfourcher leur mule et trotter jusqu'à Bâle, où ils devaient, dans la Synagogue de Satan, jeter feu et flammes contre le Saint-Siège apostolique, et décréter diaboliquement de soumettre le pape au concile, de lui ôter ses annates, qui lui étaient plus chères que la prunelle de ses yeux, et finalement de le déposer[696]. C'est alors qu'elle aurait pu, mieux que jadis au clerc limousin, jeter le cri d'une âme rustique aux prêtres si âpres à venger sur elle l'honneur de l'Église:

—Je suis plus catholique que vous!

Non qu'il faille leur reprocher de s'être montrés bons gallicans, à Bâle, mais d'avoir été, à Rouen, hypocrites et cruels.

Dans sa prison, la Pucelle prophétisait devant John Gris, son gardien. Instruits de ces prophéties, les juges voulurent les entendre de la bouche de Jeanne, qui leur dit:

—Avant qu'il soit sept années, les Anglais laisseront un plus grand gage qu'ils n'ont fait devant Orléans. Ils perdront tout en France. Ils auront plus grande perdition qu'oncques eurent en France, et cela sera par grande victoire que Dieu enverra aux Français.

(p. 289) —Comment le savez-vous?

—Je le sais par révélation à moi faite, et que cela arrivera avant sept ans. Et je serais bien fâchée que ce fût différé. Je le sais par révélation aussi bien que je vous sais maintenant devant moi.

—Quand cela viendra-t-il?

—Je ne sais le jour ni l'heure.

—Mais l'année?

—Vous ne l'aurez pas encore. Mais je voudrais bien que ce fût avant la Saint-Jean.

—N'avez-vous pas dit que cela arriverait avant la Saint-Martin d'hiver?

—J'ai dit que, avant la Saint-Martin d'hiver, on verrait bien des choses et qu'il se pourrait que les Anglais soient jetés bas.

Après quoi, l'interrogateur demanda à Jeanne si, quand saint Michel vint à elle, saint Gabriel était avec lui.

Jeanne répondit:

—Je ne me le rappelle pas[697].

Elle ne se rappelait pas si, dans la foule des anges venus à elle, s'était trouvé l'ange Gabriel qui avait salué Notre-Dame, et annoncé la rédemption des hommes. Elle en avait tant vu, d'anges et d'archanges, que celui-là ne l'avait pas particulièrement frappée. Comment, après une réponse d'une telle simplicité, ces (p. 290) prêtres eurent-ils encore le courage de l'interroger sur ses visions? N'étaient-ils pas suffisamment édifiés? Mais non! Ces réponses innocentes échauffaient le zèle de l'interrogateur. Avec quelle ardeur et quelle abondance, passant des anges aux saintes, il multiplia les questions menues et perfides! Avaient-elles des cheveux? des anneaux aux oreilles? Y avait-il quelque chose entre leurs couronnes et leurs cheveux? Ces cheveux étaient-ils longs et pendants? Avaient-elles des bras? Comment parlaient-elles? Quelle espèce de voix était-ce[698]?

Cette dernière question touchait un point grave en théologie. Les démons dont le gosier grince comme roues de charrette ou vis de pressoir, ne peuvent imiter le doux parler des saintes[699].

Jeanne répondit que la voix était belle, douce, polie, et parlait français.

Sur quoi on lui demanda insidieusement pourquoi sainte Marguerite ne parlait pas anglais.

Elle répondit:

—Comment parlerait-elle anglais, puisqu'elle n'est pas du parti des Anglais[700]?

Un poète champenois avait bien dit, deux cents ans auparavant, que le parler français, que le Seigneur fit bel et léger, était le langage du paradis.

(p. 291) Elle fut ensuite interrogée sur ses anneaux. Matière ardue: il y avait en ce temps-là beaucoup d'anneaux enchantés ou chargés d'amulettes. Les magiciens faisaient des anneaux sous l'influence des planètes et leur donnaient des vertus au moyen de pierres et d'herbes merveilleuses, de caractères et de charmes. Avec des anneaux constellés, on opérait des merveilles. Hélas! elle n'avait eu que deux pauvres anneaux, l'un de laiton, avec les noms de Jésus et de Marie, qu'elle tenait de ses père et mère, l'autre que son frère lui avait donné. L'évêque lui retenait celui-là; les Bourguignons lui avaient ôté l'autre[701].

On essaya de la prendre sur un pacte conclu avec le diable, près de l'arbre des Fées. Elle ne donna pas prise, mais elle prophétisa sa délivrance et la ruine de ses ennemis.

—Ceux qui voudront m'ôter de ce monde pourront bien s'en aller avant moi.... Il faudra qu'un jour je sois délivrée.... Je sais que mon roi gagnera le royaume de France.

On lui demanda ce qu'elle avait fait de sa mandragore. Mais elle n'en avait jamais eu[702].

Puis l'interrogateur eut des curiosités sur saint Michel:

(p. 292) —Était-il nu?

Elle répondit:

—Pensez-vous que Messire n'a pas de quoi le vêtir?

—Avait-il des cheveux?

—Pourquoi lui auraient-ils été coupés?

—Tenait-il une balance?

—Je n'en sais rien[703].

On voulait savoir si elle voyait saint Michel tel qu'il était figuré dans les églises, avec une balance pour peser les âmes[704].

Comme elle dit qu'il lui semblait, à la vue de l'archange, n'être point en état de péché mortel, l'interrogateur se mit à l'arguer sur sa conscience. Elle répondit chrétiennement[705]. Alors il revint au miracle du signe, qu'on avait laissé dormir depuis la première séance, au mystère de Chinon, à cette couronne merveilleuse, que Jeanne, à l'imitation de sainte Catherine d'Alexandrie, croyait tenir de la main d'un ange. Mais elle avait promis à sainte Catherine et à sainte Marguerite de n'en rien dire.

—Quand vous montrâtes le signe au roi, y avait-il quelqu'un avec lui?

—Je ne pense pas qu'il y eût personne autre, bien qu'il se trouvât beaucoup de monde assez proche.

(p. 293) —Avez-vous vu une couronne sur la tête du roi quand vous lui avez montré ce signe?

—Je ne puis le dire sans parjure.

—Votre roi avait-il une couronne à Reims?

—Mon roi, je pense, a pris avec plaisir la couronne qu'il a trouvée à Reims. Mais une bien riche couronne lui fut apportée par la suite. Il ne l'a point attendue, pour hâter son fait à la requête de ceux de la ville de Reims, afin d'éviter la charge des hommes de guerre. S'il eût attendu, il aurait eu une couronne mille fois plus riche.

—Avez-vous vu cette couronne plus riche?

—Je ne puis vous le dire sans encourir parjure. Si je ne l'ai pas vue, j'ai ouï dire à quel point elle est riche et magnifique[706].

Jeanne souffrait beaucoup d'être privée des sacrements. Un jour, comme messire Jean Massieu la conduisait devant ses juges, ainsi que l'y obligeait son état d'huissier ecclésiastique, elle lui demanda s'il n'y avait pas sur le chemin quelque église ou chapelle, dans laquelle fût le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ[707].

Messire Jean Massieu, doyen de la chrétienté de Rouen, était extrêmement luxurieux; il s'attirait, par sa paillardise invétérée, de fâcheuses affaires avec le (p. 294) chapitre et l'officialité[708]. Il n'était peut-être pas aussi courageux ni aussi franc qu'il voulait le paraître; mais ce n'était pas un homme dur et sans pitié.

Il répondit à sa prisonnière qu'il y avait une chapelle sur leur chemin. Et il lui montra la chapelle castrale.

Alors elle le pria très instamment de la faire passer devant cette chapelle pour qu'elle pût y faire à Messire révérence et prière.

Messire Jean Massieu y consentit volontiers et la laissa s'agenouiller devant le sanctuaire. Inclinée à terre, Jeanne fit dévotement son oraison.

Le seigneur évêque, instruit de ce fait, en fut mécontent; il donna l'ordre à l'huissier de ne plus tolérer à l'avenir de telles oraisons.

De son côté, le promoteur, maître Jean d'Estivet, adressa à messire Jean Massieu maintes réprimandes:

—Truand, lui dit-il, qui te fait si hardi de laisser approcher d'une église, sans licence, cette putain excommuniée? Je te ferai mettre en telle tour, que tu ne verras ni lune ni soleil d'ici à un mois, si tu le fais plus.

Messire Jean Massieu n'obéit pas à cette menace. Le promoteur, qui s'en aperçut, se mettait devant la porte de la chapelle, au passage de Jeanne, pour empêcher la pauvre fille de faire ses dévotions[709].

La sixième séance fut tenue dans la même salle que (p. 295) les précédentes en présence de quarante et un assesseurs, dont six ou sept nouveaux, et parmi ceux-là maître Guillaume Erart, docteur en théologie[710].

Au début, l'interrogateur demanda à Jeanne si elle avait bien vu saint Michel et les saintes et si elle en avait vu autre chose que la face. Il insista:

—Il faut dire ce que vous savez.

—Plutôt que de dire tout ce que je sais, j'aimerais mieux que vous me fissiez couper le cou[711].

On l'embarrassa sur la substance des corps glorieux. Elle était simple; elle avait vu de ses yeux saint Michel; elle le disait et ne pouvait dire autre chose.

L'interrogateur, toujours averti de ce qu'elle racontait dans sa prison, lui demanda si elle avait entendu ses Voix.

—Oui, vraiment. Elles m'ont dit que je serais délivrée. Mais je ne sais ni le jour ni l'heure. Et elles m'ont dit de faire bonne chère, hardiment[712].

Les juges n'en croyaient rien, parce que les démonologues enseignaient que les sorcières perdent tout leur pouvoir quand un officier de la sainte Église met la main sur elles.

L'interrogateur revint sur l'habit d'homme. Puis il tâcha de savoir si elle n'avait pas mis des sorts sur les bannières de ses compagnons de guerre.

(p. 296) Il cherchait par quel secret elle entraînait les gens d'armes.

Ce secret, elle le révéla:

—Je leur disais bien à la fois: «Entrez hardiment parmi les Anglais, et j'y entrais moi-même[713]».

Dans cet interrogatoire, le plus diffus et le plus fastidieux de tous, il fut adressé à l'accusée cette question bizarre:

—Quand vous étiez devant Jargeau, qu'est-ce que c'était que vous portiez derrière votre heaume? N'y avait-il aucune chose ronde[714]?

Elle avait reçu, au siège de Jargeau, une énorme pierre sur la tête, et n'en avait pas été blessée, ce que, dans son parti, on avait trouvé miraculeux[715]. Les juges de Rouen s'imaginaient-ils qu'elle portait un nimbe d'or, comme les saints et les saintes, et que ce nimbe l'avait protégée?

Elle fut interrogée non moins étrangement, sur un tableau qui était dans la maison de son hôte à Orléans, et où il y avait trois femmes peintes avec cette inscription: Justice, Paix, Union.

Jeanne n'en savait rien[716]; elle n'était pas, comme le duc de Bar et le duc d'Orléans, curieuse de peintures et de tapisseries. Ses juges ne l'étaient pas non plus, (p. 297) du moins en ce moment. Et, s'ils s'inquiétaient d'un tableau pendu dans la maison de maître Jean Boucher, c'était non pour la peinture, mais pour la doctrine. Sans doute, ces trois femmes que maître Jacques Boucher, homme riche, gardait dans sa maison, étaient nues. Les peintres, à cette époque, traitaient, sur de petits panneaux, des scènes d'étuves et des allégories, et peignaient des femmes nues. Grands fronts, têtes rondes, cheveux d'or, petits corps grêles, avec de gros ventres, d'une nudité minutieusement rendue sous des voiles transparents; il s'en faisait beaucoup en Flandre et en Italie. Les insignes maîtres, qui trouvaient ces peintures ordes et vilaines, voulaient faire sans doute un grief à Jeanne d'en avoir contemplé de telles chez le trésorier du duc d'Orléans. On devine les soupçons de ces docteurs quand on les entend demander à Jeanne si saint Michel était nu, par où elle accolait ses saintes et à quelle partie du corps elle leur faisait toucher ses bagues[717].

Ils auraient bien voulu tenir d'elle qu'elle se faisait honorer comme une sainte. Elle les déconcerta par cette réponse:

—Les pauvres gens venaient volontiers à moi, parce que je ne leur faisais point déplaisir, mais les supportais à mon pouvoir[718].

L'interrogatoire toucha ensuite les sujets les plus (p. 298) divers: frère Richard; les enfants que Jeanne avait tenus sur les fonts baptismaux; les bonnes femmes de la ville de Reims qui faisaient toucher leur anneau à l'anneau que Jeanne portait au doigt; les papillons pris dans un étendard à Château-Thierry[719].

En cette ville, disait-on, certaines gens de la Pucelle prirent des papillons dans son étendard. Or, les docteurs en théologie savaient de science certaine que les sorciers sacrifiaient des papillons au diable. Cent ans en ça, le tribunal de la sacrée inquisition avait condamné, à Pamiers, le carme Pierre Recordi, coupable d'avoir célébré un semblable sacrifice. Il avait tué le papillon, et le diable avait annoncé sa présence par un souffle d'air[720]. Il se peut que les juges fissent à la Pucelle un grief de ce genre; il se peut qu'on lui en fît un tout autre. À la guerre un papillon au chapeau était signe qu'on se rendait à merci ou qu'on avait un sauf-conduit[721]. Les juges l'accusaient-ils, elle ou les siens, d'avoir feint de se rendre pour attaquer traîtreusement l'ennemi? Ils en étaient capables. Quoi qu'il en soit, l'interrogateur passant outre, s'enquit d'un gant perdu que Jeanne avait retrouvé dans la ville de Reims[722]. Il importait de savoir si elle ne l'avait pas retrouvé par divination. Puis ce magistrat curieux revint sur plusieurs points capitaux du (p. 299) procès: la communion reçue en habit d'homme; la haquenée de l'évêque de Senlis, que Jeanne avait prise, ce qui était une manière de sacrilège; l'enfant noir qu'elle avait ressuscité à Lagny; Catherine de La Rochelle, qui venait de témoigner contre elle à l'officialité de Paris; le siège de La Charité qu'il lui avait fallu lever; le saut de Beaurevoir, tenté par désespoir, et enfin quelque parole blasphématoire qu'on l'accusait faussement d'avoir prononcée à Soissons, à propos du capitaine Bournel[723].

Le seigneur évêque déclara que les interrogatoires étaient terminés, mais que, si toutefois il paraissait utile d'interroger Jeanne plus amplement, quelques docteurs et maîtres seraient délégués à cette fin[724].

En conséquence, le samedi 10 mars, maître Jean de la Fontaine, commissaire instructeur, se rendit dans la prison, en compagnie de Nicolas Midi, Gérard Feuillet, Jean Fécard et Jean Massieu[725]. L'interrogatoire roula d'abord sur la sortie de Compiègne. Les prêtres se donnaient beaucoup de peine pour démontrer à Jeanne que ses Voix n'étaient pas bonnes ou qu'elle les avait mal entendues, puisqu'en leur obéissant elle était allée à sa perte. Jacques Gélu[726], Jean Gerson avaient prévu ce dilemme et y avaient répondu à l'avance par de beaux (p. 300) arguments théologiques[727]. On l'interrogea sur les peintures de son étendard, à quoi elle répondit:

—Sainte Catherine et sainte Marguerite me dirent de prendre l'étendard et de le porter hardiment et d'y faire mettre en peinture le Roi du ciel. Et ce, je le dis à mon roi, très à contre-cœur. Et de la signifiance ne sais autre chose[728].

Ils auraient bien voulu la faire passer pour avaricieuse, orgueilleuse et superbe, parce qu'elle avait un écu et des armes, une écurie, coursiers, demi-coursiers et trottiers, et de l'argent pour payer les gens de sa maison; de dix à douze mille livres[729]. Mais où ils la pressèrent le plus vivement ce fut sur le signe dont il avait été question déjà deux fois dans les interrogatoires publics. À ce sujet, la curiosité des docteurs était inépuisable. Aussi bien le signe c'était le sacre à rebours, non plus par onction divine, mais par charmes magiques, le couronnement du roi de France par une sorcière. Et maître Jean de la Fontaine avait à ce sujet sur Jeanne l'avantage de savoir et ce qu'elle allait lui dire et ce qu'elle voulait lui cacher:

—Quel est le signe qui vint à votre roi?

—Il est bel et honoré, et bien croyable, et est bon, et le plus riche qui soit....

—Dure-t-il encore?

(p. 301) —Il est bon à savoir qu'il dure, et durera jusques à mille ans, et outre. Il est au trésor du roi.

—Est-ce or, argent ou pierre précieuse, ou couronne?

—Je ne vous en dirai autre chose; et ne saurait homme deviser d'aussi riche chose comme est le signe. Et toutefois le signe qu'il vous faut, à vous, c'est que Dieu me délivre de vos mains, et est le plus certain qu'il vous sache envoyer....

—Quand le signe vint à votre roi, quelle révérence y fîtes-vous?

—Je remerciai Notre-Seigneur de ce qu'il me délivrait de la peine des clercs de par delà, qui arguaient contre moi. Et je m'agenouillai plusieurs fois. Un ange, de par Dieu et non de par autre, bailla le signe à mon roi. Et j'en remerciai moult de fois Notre-Seigneur. Les clercs cessèrent de m'arguer, quand ils eurent su ledit signe[730].

—Est-ce que les gens d'Église de par delà virent le signe?

—Quand mon roi et ceux qui étaient avec lui eurent vu le signe et même l'ange qui le bailla, je demandai à mon roi s'il était content, et il répondit qu'oui. Alors je partis et m'en allai à une petite chapelle assez près, (p. 302) et j'ouïs dire alors qu'après mon départ plus de trois cents personnes virent le signe. Pour l'amour de moi et pour qu'on cessât de m'interroger, Dieu voulut permettre de voir le signe à tous ceux de mon parti qui le virent.

—Votre roi et vous, fîtes-vous point de révérence à l'ange quand il apporta le signe?

—Oui, pour ce qui est de moi. Je m'agenouillai et ôtai mon chaperon[731].

(p. 303) CHAPITRE XII
LA CAUSE DE LAPSE (Suite).

Le lundi 12 mars, frère Jean Lemaistre reçut de frère Jean Graveran, inquisiteur de France, mandat de procéder contre une certaine femme, nommée Jeanne, vulgairement la Pucelle, jusqu'à la sentence définitive inclusivement[732]. Ce même jour, au matin, maître Jean de la Fontaine, en présence de l'évêque, interrogea pour la deuxième fois Jeanne dans sa prison[733].

Il en revint d'abord au signe.

—L'ange qui apporta le signe parla-t-il point?

—Oui: il dit à mon roi qu'on me mît en besogne, et que le pays serait bientôt allégé.

—L'ange qui apporta le signe était-il l'ange qui vous apparut en premier, ou en était-ce un autre?

(p. 304) —C'est toujours tout un. Et oncques ne me faillit.

—De ce que vous avez été prise, l'ange ne vous a-t-il pas failli aux biens de la fortune?

—Je crois, puisqu'il plaît à Notre-Seigneur, que c'est le mieux que je sois prise.

—L'ange ne vous a-t-il pas failli aux biens de la grâce?

—Comment me viendrait-il à faillir, quand il me conforte tous les jours[734]?

Maître Jean de la Fontaine fit alors une question narquoise et aussi enjouée qu'il se pouvait en un procès d'Église:

—Saint Denys ne vous est-il oncques apparu[735]?

Saint Denys, patron des rois très chrétiens, saint Denys, cri de France, saint Denys, avait laissé prendre par les Anglais son abbaye et cette riche église où les reines venaient recevoir la couronne, où les rois avaient leur sépulture; il s'était tourné Anglais et Bourguignon et il n'y avait guère d'apparence qu'il vînt converser avec la Pucelle des Armagnacs.

À cette demande:

—Parliez-vous à Dieu même, quand vous promîtes de garder votre virginité?

Elle répondit:

—Il devait bien suffire de le promettre aux envoyés (p. 305) de la part de Dieu, à savoir saintes Catherine et Marguerite[736].

C'est bien là qu'ils voulaient la prendre, car le vœu se fait à Dieu seul. À quoi on pouvait répondre qu'il est loisible de promettre une chose bonne à un ange ou à un homme, et que cette chose bonne, ainsi promise, peut être l'objet d'un vœu. On voue à Dieu ce que l'on a promis aux saints. Pierre de Tarentaise (IV, dist. xxviij, a. 1) enseigne que tout vœu se fait à Dieu: ou immédiatement à lui-même, ou médiatement dans la personne des saints[737].

Comme d'après une allégation produite dans l'enquête, Jeanne avait fait promesse de mariage à un jeune paysan, l'interrogateur tenta d'établir que ce vœu de virginité fait en une mauvaise forme, il n'avait tenu qu'à elle d'y manquer; mais Jeanne soutint qu'elle n'avait point promis le mariage, et elle ajouta:

—La première fois que j'ouïs ma Voix, je fis vœu de garder ma virginité tant qu'il plairait à Dieu.

Mais cette fois-là, c'était saint Michel, et non les saintes, qui lui avait apparu[738]. Elle ne pouvait se reconnaître elle-même dans les images confuses de ses songes et de ses extases. Et sur les rêves incertains (p. 306) d'une enfant ces docteurs édifiaient laborieusement une accusation capitale.

L'interrogateur lui posa une question d'une extrême gravité:

—De toutes ces visions que vous dites avoir, n'aviez-vous point parlé à votre curé ou à un autre homme d'Église?

—Non. J'en parlai seulement à Robert de Baudricourt et à mon roi[739].

Ce vavasseur de Champagne, homme d'âge mûr et de sens rassis, qui, du temps du roi Jean, ouït, comme elle, une voix dans son champ et reçut commandement d'aller vers le roi, l'alla dire tout de suite à son curé. Celui-ci lui ordonna de jeûner pendant trois jours, de faire pénitence et de retourner ensuite au champ où la voix lui avait parlé. Le vavasseur obéit. De nouveau la voix se fit entendre et réitéra l'ordre précédemment donné. Le paysan en instruisit son curé qui lui dit: «Mon frère, moi et toi ferons abstinence et jeûnerons encore par trois jours, et je prierai Notre-Seigneur Jésus-Christ pour toi.» Ainsi firent-ils, et, le quatrième jour, le bon homme retourna au champ. Après que la voix eut parlé pour la troisième fois, le curé enjoignit à son paroissien d'aller tout de suite accomplir sa mission, puisque telle était la volonté de Dieu[740].

(p. 307) Sans doute, ce vavasseur, selon les apparences, avait agi plus prudemment que la fille de la Romée. Celle-ci, en cachant ses visions à son curé méconnaissait l'autorité de l'Église militante. Toutefois, pour sa défense, on pouvait alléguer avec l'apôtre Paul, que là où est l'Esprit de Dieu, là est la liberté[741]. Si vous êtes conduit par l'Esprit, vous n'êtes plus sous la loi[742]. Hérétique ou sainte: c'était là tout le procès.

Puis vint cette question singulière:

—Avez-vous eu des lettres de saint Michel ou de vos Voix?

Elle répondit:

—Je n'ai point congé de vous le dire; et d'ici huit jours, j'en répondrai volontiers ce que je saurai[743].

Tel était son tour de langage quand elle voulait taire ce qu'elle ne voulait pas nier. La question était donc embarrassante. Aussi bien les interrogatoires procédaient d'informations riches en faits vrais ou faux; et l'on observe le plus souvent, dans les demandes adressées à l'accusée, une certaine prévision de la réponse. Qu'est-ce que c'était que ces lettres de saint Michel et des saintes, dont elle ne niait pas l'existence, mais que les juges ne produisaient pas? Était-ce ceux de son parti qui les envoyaient à Jeanne pour qu'elle agît selon leurs intentions, croyant obéir à Dieu?

(p. 308) L'interrogateur, sans insister davantage, pour cette fois, passa à un autre grief:

—Est-ce que vos Voix ne vous ont point appelée fille de Dieu, fille de l'Église, la fille au grand cœur?

—Avant le siège d'Orléans levé et depuis, tous les jours, quand elles parlent à moi, elles m'ont plusieurs fois appelée Jeanne la Pucelle, fille de Dieu[744].

L'interrogatoire suspendu fut repris dans l'après-midi.

Maître Jean de la Fontaine questionna Jeanne sur un songe de son père dont les juges étaient instruits par l'enquête[745].

Et il est triste de penser que lorsqu'on faisait à Jeanne un crime d'avoir violé le commandement de Dieu: «Tes père et mère honoreras», ni sa mère ni aucun de ses parents ne demandaient à être entendus comme témoins. Pourtant, il y avait des personnes d'Église dans sa famille[746]; mais un procès en matière de foi causait une invincible épouvante.

On revint à l'habit d'homme, et non pour la dernière fois[747]. C'est chose merveilleuse que la profondeur des méditations où se plongeaient les clercs touchant les chausses et le gippon de cette Pucelle; ils les considéraient (p. 309) avec une sombre terreur dans leurs rapports avec le Deutéronome.

Ils l'interrogèrent ensuite sur le duc d'Orléans, pour rendre manifeste, par les réponses mêmes qu'elle ferait, que ses Voix l'avaient trompée en lui promettant la délivrance du prisonnier; ils y réussirent aisément. Alors elle allégua que le temps lui avait manqué:

—Si j'eusse duré trois ans sans empêchement, je l'eusse délivré.

Il y avait (dans ses révélations) plus bref terme que de trois ans et plus long que d'un an[748].

Interrogée de nouveau sur le signe baillé à son roi, elle répondit qu'elle en aurait conseil de sainte Catherine.

Le lendemain, mardi 13 mars, l'évêque et le vice-inquisiteur se rendirent dans la prison. Le vice-inquisiteur ouvrit la bouche pour la première fois[749]:

—Avez-vous juré et promis à sainte Catherine de ne point dire ce signe?

Il parlait du signe donné au roi. Jeanne répondit:

—J'ai juré et promis de ne pas dire ce signe, de moi-même. Parce qu'on me pressait trop de le dire. Je promets que je n'en parlerai plus à homme qui vive[750].

Et tout aussitôt:

—Le signe ce fut que l'ange certifiait à mon roi, en lui apportant la couronne, et lui disait qu'il aurait (p. 310) tout le royaume de France entièrement à l'aide de Dieu, et moyennant mon labeur, et qu'il me mît en besogne. C'est, à savoir, qu'il me baillât des gens d'armes. Autrement il ne serait mie sitôt couronné et sacré....

—En quelle manière l'ange apporta-t-il la couronne? est-ce qu'il la mit sur la tête de votre roi?

—Elle fut baillée à un archevêque, c'est à savoir celui de Reims, comme il me semble, en la présence du roi. Ledit archevêque la reçut et la bailla au roi; et j'étais moi-même présente; et elle est mise au trésor du roi.

—En quel lieu fut-elle apportée?

—Ce fut en la chambre du roi, au château de Chinon.

—Quel jour et à quelle heure?

—Du jour je ne sais, et de l'heure, il était haute heure. Je n'ai autrement mémoire de l'heure et du mois, au mois d'avril ou de mars, comme il me semble, il y aura deux ans au mois d'avril prochain ou en ce présent mois. C'était après Pâques[751].

—Est-ce qu'à la première journée que vous vîtes le signe, votre roi le vit?

—Oui. Il l'eut lui-même.

—De quelle matière était la couronne?

—C'est bon à savoir qu'elle était de fin or; et elle (p. 311) était si riche que je ne saurais nombrer sa richesse; et la couronne signifiait qu'il tiendrait le royaume de France.

—Y avait-il pierreries?

—Je vous ai dit que je n'en sais rien.

—Est-ce que vous la maniâtes ou la baisâtes?

—Non.

—Est-ce que l'ange qui l'apporta venait de haut? Ou s'il venait par terre?

—Il vint de haut. J'entends qu'il venait par le commandement de Notre-Seigneur. Et entra par l'huis de la chambre.

—Est-ce que l'ange venait par terre et marchait depuis l'huis de la chambre?

—Quand il vint devant le roi, il fit révérence au roi, en s'inclinant devant lui, et prononçant les paroles que j'ai dites du signe. Et avec cela, lui remémorait la belle patience qu'il avait eue au long des grandes tribulations qui lui étaient survenues; et depuis l'huis, il marchait et errait sur la terre, en venant au roi.

—Quel espace y avait-il de l'huis jusques au roi?

—Il y avait bien espace, comme je pense, de la longueur d'une lance; et par où il était venu s'en retourna. Quand l'ange vint, je l'accompagnai et allai avec lui, par les degrés, à la chambre du roi. Et l'ange entra le premier. Et je dis au roi: «Sire, voilà votre signe, prenez-le[752]

(p. 312) Et l'on découvre que cette fable est vraie au sens moral. Cette couronne qui «fleure bon et fleurera bon, pourvu qu'elle soit bien gardée», c'est la couronne de la victoire; et lorsque la Pucelle voit l'ange qui l'apporta, c'est sa propre image qui lui apparaît. Un théologien de son parti n'avait-il pas dit qu'elle pouvait être appelée un ange? Non qu'elle en eût la nature; mais elle en faisait l'office[753].

Elle se mit à décrire les anges venus avec elle vers le roi:

—Certains s'entre-ressemblaient volontiers, les autres non, en la manière que je les voyais. Quelques-uns avaient des ailes. Il y en avait qui portaient des couronnes, les autres non. Et ils étaient en la compagnie de sainte Catherine et de sainte Marguerite. Et elles furent avec l'ange que j'ai dit, et les autres anges aussi, jusque dans la chambre du roi[754].

Et longtemps encore, pressée par l'interrogateur, elle égrenait les candides merveilles.

Quand on lui redemanda si l'ange lui avait écrit des lettres, elle répondit que non[755]. Mais cette fois, il s'agissait de l'ange porte-couronne, et non de saint Michel. Et, bien qu'elle eût dit que c'était tout un, elle pouvait y faire quelque différence. Nous ne saurons (p. 313) donc jamais si elle reçut des lettres de monseigneur saint Michel archange ou de mesdames Catherine et Marguerite.

L'interrogateur s'enquit ensuite d'une tasse perdue que Jeanne avait retrouvée ainsi que les gants de Reims[756]. Les saints ne dédaignaient pas toujours de retrouver les objets perdus, comme il se voit par l'exemple de saint Antoine de Padoue; c'était avec l'aide de Dieu. Les devins imitaient leur pouvoir en invoquant les démons et par profanation des choses saintes.

On lui demanda aussi de répondre sur un prêtre concubinaire. C'était encore un fait de divination qu'on lui reprochait. Elle avait su, par mauvaise science, qu'un prêtre avait une concubine. On rapportait d'elle plusieurs faits semblables; on disait, par exemple, qu'à la vue d'une ribaude, elle avait su que cette femme avait fait mourir son enfant[757].

Puis ces questions, posées déjà bien des fois:

—Quand vous allâtes devant Paris eûtes-vous de vos Voix révélation? Eûtes-vous révélation d'aller devant la ville de La Charité? Eûtes-vous quelque révélation d'aller à Pont-l'Évêque?

Elle niait qu'elle eût alors révélation de ses Voix.

La dernière interrogation fut:

(p. 314) —Ne dîtes-vous point devant Paris: «Rendez la ville de par Jésus»?

Elle répondit que non, qu'elle avait dit: «Rendez la ville au roi de France[758]

Les Parisiens, qui repoussaient l'assaut, l'entendirent qui disait: «Rendez-vous de par Jésus à nous tôt.» Et ces paroles correspondent à tout ce que nous savons des idées de Jeanne en ses commencements. Elle croyait que Messire voulait que les villes du royaume fussent rendues à celle qu'il avait envoyée pour les reprendre. Nous avons déjà eu l'occasion de remarquer que Jeanne, lors de son procès, était devenue tout à fait étrangère à ses premières illuminations et parlait un tout autre langage.

Le lendemain, mercredi 14 mars, deux interrogatoires encore dans la prison. Celui du matin roula d'abord sur le saut de Beaurevoir. Elle avoua qu'elle avait fait le saut sans congé de ses Voix, aimant mieux mourir que d'être mise aux mains des Anglais[759].

On l'accusait aussi d'avoir renié Dieu. Mais c'était faux[760].

L'évêque intervint:

—Vous avez dit que nous, évêque, nous nous mettions en grand danger, en vous mettant en cause. (p. 315) Qu'était-ce? Et quel danger, tant de nous que des autres?

—J'ai dit à monseigneur de Beauvais: «Vous dites que vous êtes mon juge, je ne sais si vous l'êtes. Mais avisez-vous bien de ne pas juger mal. Car vous vous mettriez en grand danger; et je vous en avertis, afin que, si Notre-Seigneur vous en châtie, j'aie fait mon devoir de vous le dire.»

—Quel est ce péril ou danger?

—Sainte Catherine m'a dit que j'aurais secours. Je ne sais si ce sera à être délivrée de prison; ou, quand je serai au jugement, s'il y viendra quelque trouble par le moyen duquel je pourrai être délivrée. Je pense que ce sera l'un ou l'autre. Le plus souvent mes Voix me disent que je serai délivrée par grande victoire. Et après, elles me disent: «Prends tout en gré, ne te chaille de ton martyre; tu t'en viendras enfin au royaume de Paradis.» Cela, mes Voix me le disent simplement et absolument. Je veux dire: sans faute. Et je dis mon martyre pour la peine et adversité que je souffre en prison. Et ne sais si plus fort je souffrirai. Mais je m'en attends à Notre-Seigneur[761].

Il semble que les Voix annonçaient ainsi à la Pucelle la délivrance tout ensemble au sens littéral et au sens spirituel, contraires l'un à l'autre. Dans cette réponse, empreinte à la fois d'illusion et de crainte, (p. 316) et faite pour inspirer la pitié aux hommes les plus durs, ces prêtres ne virent que le moyen de la prendre insidieusement. Feignant de comprendre qu'elle tirait de ses révélations une confiance hérétique en son salut éternel, l'interrogateur lui fit, sous une forme nouvelle, la question à laquelle elle avait déjà répondu saintement. Il lui demanda si ses Voix lui avaient dit qu'elle irait finalement au royaume de Paradis, si elle se tenait assurée d'être sauvée et de ne point être damnée en enfer.

À quoi elle répondit, dans la grande foi que ses Voix lui inspiraient:

—Je crois fermement ce que mes Voix m'ont dit, que je serai sauvée, aussi fermement que si j'y fusse déjà.

C'était errer dans la foi. L'interrogateur, qui n'avait pas coutume d'apprécier les réponses, ne put se défendre de faire observer que celle-là était de grand poids[762].

Aussi ce même jour, dans l'après-midi, on lui montra une conséquence de son erreur: à savoir, qu'elle n'avait pas besoin de se confesser si elle tenait de ses Voix l'assurance de son salut éternel[763].

Jeanne fut interrogée, à cette séance, sur l'affaire de Franquet d'Arras. En demandant à la Pucelle le seigneur Franquet, son prisonnier, pour le juger à mort, (p. 317) le bailli de Senlis avait mal agi, et les juges faisaient retomber la faute sur Jeanne[764].

L'interrogateur releva les péchés mortels imputables à l'accusée: premièrement, avoir attaqué Paris un jour de fête; deuxièmement, avoir dérobé la haquenée du seigneur évêque de Senlis; troisièmement, avoir fait le saut de Beaurevoir; quatrièmement, avoir pris l'habit d'homme; cinquièmement, avoir été consentante de la mort d'un prisonnier de guerre. Sur tous ces points Jeanne ne se croyait pas en péché mortel; toutefois, quant au saut de Beaurevoir, elle jugeait avoir mal fait, mais elle en avait demandé pardon à Dieu[765].

Il était suffisamment établi que l'accusée avait erré sur la foi. Le tribunal de l'inquisition, grandement miséricordieux, voulait le salut du pécheur. C'est pourquoi dès le lendemain, jeudi 15 mars au matin, monseigneur de Beauvais exhorta Jeanne à se soumettre à l'Église, et s'efforça de lui faire comprendre qu'elle devait obéir à l'Église militante, car l'Église militante était telle chose et l'Église triomphante telle autre. Jeanne l'écouta sans confiance[766]. On l'interrogea encore, ce jour-là, sur sa fuite du château de Beaulieu et sur son intention de quitter sa tour, sans le congé de monseigneur de Beauvais. Elle y était bien résolue.

—Si je voyais l'huis ouvert, je m'en irais, et ce me (p. 318) serait le congé de Notre-Seigneur. Je le crois fermement, si je voyais l'huis ouvert et si mes gardes et les autres Anglais ne savaient résister, j'entendrais que ce serait le congé, et que Notre-Seigneur m'envoyerait secours. Mais sans congé, je ne m'en irais pas, si ce n'était que je fisse une entreprise pour m'en aller, pour savoir si Notre-Seigneur en serait content. Le proverbe dit: «Aide-toi, Dieu t'aidera[767].» Je le dis pour que, si je m'en allais, on ne dise pas je m'en suis allée sans congé[768].

On revint sur l'habit d'homme.

—Lequel aimez-vous le mieux, prendre habit de femme et ouïr la messe, ou demeurer en habit d'homme et ne pas ouïr la messe?

—Certifiez-moi d'ouïr la messe si je suis en habit de femme, et sur ce je vous répondrai.

—Je vous certifie que vous ouïrez la messe, quand vous serez en habit de femme.

—Et que dites-vous, si j'ai juré et promis à notre roi de ne point mettre bas cet habit? Toutefois, si je vous réponds: «Faites-moi faire une robe longue jusques à terre, sans queue, et me la baillez pour aller à la messe; puis au retour je reprendrai l'habit que j'ai...»

—Prenez l'habit de femme simplement et absolument.

(p. 319) —Baillez-moi habit comme à une fille de bourgeois, c'est à savoir houppelande longue, et je la prendrai, et même le chaperon de femme, pour aller ouïr la messe. Le plus instamment que je puisse, je requiers qu'on me laisse cet habit que je porte, et qu'on me laisse ouïr la messe sans le changer[769].

Sa résistance à quitter l'habit d'homme ne s'explique pas seulement parce que cet habit la gardait mieux que tout autre contre les entreprises des gens d'armes, ce qui d'ailleurs est sujet à objection. Elle ne voulait pas prendre l'habit de femme pour la raison que ses Voix ne le lui avaient pas permis; et l'on devine bien pourquoi: elle était chef de guerre. Quelle humiliation pour un chef de guerre de porter des jupes comme une bourgeoise! Et dans quel moment la voulait-on enjuponner? Quand les Français devaient, d'un moment à l'autre, la venir délivrer par un prodigieux fait d'armes. Ne fallait-il pas qu'ils trouvassent leur Pucelle en habit d'homme, toute prête à s'armer et à combattre avec eux?

L'interrogateur lui demanda ensuite si elle voulait se soumettre à l'Église, si elle faisait la révérence à ses Voix, si elle croyait à leur sainteté, si elle ne leur offrait point des chandelles ardentes, si elle leur obéissait, si, dans la guerre, elle n'avait rien fait sans leur congé ou contre leur commandement[770].

(p. 320) Puis cette question, qui, de l'avis des docteurs, était la plus difficile qu'on pût poser:

—Si le diable se mettait en forme d'ange, comment connaîtriez-vous que c'est bon ange ou mauvais ange?

Elle répondit avec une simplicité qui parut présomptueuse:

—Je connaîtrais bien si c'était saint Michel ou une chose contrefaite d'après lui[771].

Le surlendemain, samedi, 17 mars, Jeanne fut interrogée, le matin et le soir, dans sa prison[772].

Elle avait, jusque-là, montré une grande répugnance à décrire la figure et l'habit de l'ange et des saintes qui l'étaient venus visiter dans son village. Maître Jean de la Fontaine tâcha d'obtenir quelques clartés à cet endroit:

—En quelle forme et apparence, grandeur et habit, vous vient saint Michel?

—Il est en la forme d'un très vrai prudhomme[773].

Ce serait la mal connaître, que de croire qu'elle voyait l'archange dans une longue robe de docteur, ou portant chape de drap d'or; d'ailleurs, ce n'était pas ainsi qu'il figurait dans les églises; il y était représenté, en peinture ou en sculpture, vêtu d'une armure étincelante avec un heaume cerclé d'une couronne d'or[774]. (p. 321) Tel il lui apparaissait, «en la forme d'un très vrai prudhomme», à prendre le mot comme dans la chanson de Roland, où il est dit d'un grand coup d'épée que c'est un coup de prudhomme. Il venait à elle en habit de preux, comme Arthur et Charlemagne, tout armé.

L'interrogateur posa une fois encore la question dont la réponse était pour Jeanne de vie ou de mort:

—Voulez-vous mettre tous vos dits et faits, soit bons ou mauvais, à la détermination de notre mère, sainte Église?

—Quant à l'Église, je l'aime et la voudrais soutenir de tout mon pouvoir pour notre foi chrétienne; et ce n'est pas moi qu'on doit empêcher d'aller à l'église, ni d'ouïr la messe. Quant à ce qui est des bonnes œuvres que j'ai faites et de mon avènement, il faut que je m'en attende au Roi du ciel qui m'a envoyée à Charles, fils de Charles, roi de France. Et vous verrez que les Français gagneront bientôt une grande besogne, que Dieu leur enverra, et en laquelle il branlera presque tout le royaume de France. Je le dis, afin que, quand ce sera advenu, on ait mémoire de ce que j'ai dit[775].

Mais elle ne put assigner le terme auquel viendrait la grande besogne, et maître Jean de la Fontaine en revint au point d'où dépendait le sort de Jeanne.

—Vous en rapportez-vous à la détermination de l'Église?

(p. 322) —Je m'en rapporte à Notre-Seigneur qui m'a envoyée, à Notre-Dame et à tous les benoîts saints et saintes de paradis. M'est avis que c'est tout un de Notre-Seigneur et de l'Église, et qu'on n'en doit point faire de difficulté. Pourquoi faites-vous difficulté, que ce ne soit tout un?

Il faut rendre cette justice à maître Jean de la Fontaine, qu'il répondit avec clarté:

—Il y a l'Église triomphante, où sont Dieu, les saints, les anges et les âmes sauvées. L'Église militante, c'est notre Saint Père le Pape, vicaire de Dieu sur terre, les cardinaux, les prélats de l'Église et le clergé, et tous les bons chrétiens et catholiques, laquelle Église, bien assemblée, ne peut errer et est gouvernée du Saint-Esprit. Voulez-vous vous en rapporter à l'Église militante?

—Je suis venue au roi de France de par Dieu, de par la Vierge Marie et tous les benoîts saints et saintes du paradis et l'Église victorieuse de là-haut, et de leur commandement; et à cette Église-là je soumets tous mes bons faits, et tout ce que j'ai fait ou à faire. Et de répondre si je me soumettrai à l'Église militante, je n'en répondrai maintenant autre chose[776].

On lui offrit de nouveau un habit de femme pour entendre la messe; elle le refusa:

—Quant à l'habit de femme, je ne le prendrai pas encore, tant qu'il plaira à Notre-Seigneur. Et si tant (p. 323) est qu'il me faille mener en jugement, qu'il me faille dévêtir en jugement, je requiers messeigneurs de l'Église qu'ils me donnent la grâce d'avoir une chemise de femme et un couvre-chef sur ma tête. J'aime mieux mourir que de révoquer ce que Notre-Seigneur m'a fait faire. Je crois fermement que Notre-Seigneur ne laissera pas advenir que je sois mise si bas, que je n'aie secours bientôt de Dieu, et par miracle.

Voici encore quelques questions qui lui furent faites:

—Est-ce que vous ne croyez pas aujourd'hui que les fées soient de mauvais esprits?

—Je n'en sais rien.

—Savez-vous point si sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent les Anglais?

—Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime, et haïssent ce que Dieu hait.

—Est-ce que Dieu hait les Anglais?

—De l'amour ou haine que Dieu a pour les Anglais ou de ce qu'il fera à leurs âmes, je ne sais rien. Mais je sais bien qu'ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront, et que Dieu enverra victoire aux Français, et contre les Anglais.

—Est-ce que Dieu était pour les Anglais, quand ils étaient en prospérité en France?

—Je ne sais si Dieu haïssait les Français. Mais je crois qu'il voulait permettre de les laisser battre pour leurs péchés, s'ils étaient en péché[777].

(p. 324) On posa quelques questions à Jeanne touchant la bannière sur laquelle elle avait fait peindre des anges.

Elle répondit qu'elle avait fait peindre les anges comme ils sont dans les églises[778].

Et la séance fut levée.

L'après-dînée, eut lieu, dans la prison[779], le dernier interrogatoire. Elle en avait subi quinze en vingt-cinq jours; elle répondit d'un même courage. Plus encore qu'à l'ordinaire les sujets furent divers et mêlés. D'abord, l'interrogateur s'efforça en vain de surprendre les charmes et les maléfices qui avaient rendu heureux et victorieux l'étendard peint de figures d'anges. Il voulut savoir ensuite pourquoi les clercs mettaient sur les lettres de Jeanne les saints noms de Jésus et de Marie[780].

Puis cette question insidieuse:

—Croyez-vous que, si vous étiez mariée, vos Voix vous viendraient?

Comme elle était d'une chasteté passionnée, comme on pouvait comprendre, à certains de ses propos, qu'elle tenait sa virginité pour un porte-bonheur, on était curieux de savoir si, convenablement sollicitée, elle ne traiterait pas avec mépris l'état de mariage, et ne condamnerait pas l'œuvre de chair entre époux, en quoi (p. 325) elle eût gravement erré et glissé dans l'hérésie des Cathares[781].

Elle répondit:

—Je ne sais et m'en attends à Notre-Seigneur[782].

Autre question bien plus dangereuse pour elle, qui aimait son roi de tout son cœur:

—Pensez-vous et croyez-vous fermement que votre roi fit bien de tuer ou faire tuer monseigneur de Bourgogne?

—Ce fut grand dommage pour le royaume de France[783].

L'interrogateur lui posa cette question solennelle:

—Vous semble-t-il que vous soyez tenue de répondre pleinement la vérité au pape, vicaire de Dieu, de tout ce qu'on vous demanderait touchant la foi et le fait de votre conscience?

—Je requiers que je sois menée devant lui. Et puis je répondrai devant lui tout ce que je devrai répondre[784].

Par cette parole, elle en appelait au pape; et cet appel était de droit. «Aux choses douteuses qui touchent la foi, avait dit saint Thomas, l'on doit toujours recourir au pape ou au concile général.» Si Jeanne ne signifia pas son appel dans les formes juridiques, le (p. 326) pouvait-elle, ignorant ces formes, et sans avocat, sans conseil? Selon son pouvoir, elle en appelait au père commun des fidèles, comme l'y autorisaient la justice et l'usage.

Les docteurs et maîtres se turent. Ainsi se fermait la seule voie de salut qui restât à l'accusée; elle était bien perdue. Mais ce qui surprend, ce n'est pas que des juges du parti de l'Angleterre n'aient point admis l'appel de Jeanne, c'est que les docteurs et maîtres du parti français, les clercs des pays tenus dans l'obéissance du roi Charles n'aient point tous signé cet appel, n'aient pas tous demandé d'une seule voix que la cause de cette Pucelle, estimée bonne par les examinateurs de Poitiers, fût portée devant le pape et le concile.

Au lieu de répondre à la requête de Jeanne, l'interrogateur s'enquit des anneaux magiques et des apparitions diaboliques dont il avait été déjà tant question[785].

—Est-ce que vous baisâtes ou accolâtes oncques saintes Catherine et Marguerite?

—Je les accolai toutes deux.

—Fleuraient-elles bon?

—Il est bon à savoir; et sentaient bon.

—En accolant, sentiez-vous point de chaleur ou autre chose?

—Je ne les pouvais point accoler sans les sentir et toucher.

(p. 327) —Par quelle partie les accoliez-vous? Par haut ou par bas?

—Il affiert mieux à les accoler par le bas que par le haut.

—Leur avez-vous point donné de chapeaux de fleurs?

—En l'honneur d'elles, à leurs images ou ressemblances dans les églises j'en ai plusieurs fois donné. Quant à celles qui m'apparaissent, je n'en ai point baillé dont j'aie mémoire.

—Savez-vous rien de ceux qui vont cheminant avec les fées?

—Je ne le fis oncques, ni n'en sus quelque chose. Mais j'en ai bien ouï parler, et qu'on y allait le jeudi. Mais je n'y crois point et crois que c'est sorcerie[786].

Enfin, une question sur son étendard, que les juges pensaient enchanté, amena une de ces réponses, en manière de proverbe, qu'elle aimait.

—Pourquoi votre étendard fut-il plus porté en l'église de Reims, au sacre, que ceux des autres capitaines?

—Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur[787].

À la suite des enquêtes et des interrogatoires, le procès préparatoire fut déclaré clos et le procès dit ordinaire s'ouvrit le mardi après les Rameaux, 27 mars, (p. 328) dans une chambre voisine de la grande salle du château.

Avant d'ordonner la lecture de l'acte d'accusation, monseigneur de Beauvais offrit à Jeanne un avocat. S'il avait tardé jusque-là à lui en offrir un, c'est, sans doute, parce qu'à son avis, elle n'en avait pas eu besoin. On sait que l'avocat de l'hérétique était tenu à borner étroitement ses moyens de défense, s'il ne voulait lui-même tomber dans l'hérésie. Au cours du procès préparatoire, il lui était permis seulement de rechercher les noms des témoins à charge et de les faire connaître à l'accusé. Si l'hérétique avouait, il était superflu de lui donner un avocat[788]. Or, monseigneur de Beauvais prétendait fonder l'accusation, non sur les dires des témoins, mais sur les aveux de l'accusée. C'est pourquoi, sans doute, il attendit pour offrir un conseil à Jeanne, l'ouverture du procès ordinaire, qui comportait la discussion sur des points de doctrine.

—Jeanne, lui dit-il alors, toutes les personnes ici présentes sont des hommes d'Église, de science consommée, qui veulent et entendent procéder envers vous en toute piété et mansuétude, ne cherchant ni vengeance ni châtiment corporel, mais votre instruction et votre séjour dans la voie de la vérité et du salut. Comme vous n'êtes ni assez docte, ni assez instruite, soit dans les lettres, soit dans les matières ardues dont (p. 329) il s'agit, pour prendre conseil de vous-même sur ce que vous devez faire ou répondre, nous vous offrons de choisir, pour conseil, un ou plusieurs assistants, à votre volonté[789].

En une telle juridiction, cette offre était gracieuse; et, si monseigneur de Beauvais réduisait l'accusée à choisir entre les conseillers et assesseurs, appelés par lui-même au procès, il lui faisait encore la part plus large qu'il n'y était obligé. Le choix de l'avocat n'appartenait pas au prévenu; il appartenait au juge, qui devait désigner un homme probe et loyal. Bien plus! Il était licite au juge ecclésiastique de refuser jusqu'au bout tout conseil à l'accusé. Nicolas Eymeric, en son Directorium, décide que l'évêque et l'inquisiteur, agissant conjointement, forment une autorité suffisante pour interpréter la loi et peuvent procéder simplement, de plano, sans tumulte d'avocats ni figure de jugement[790].

Il est à remarquer que monseigneur de Beauvais offrit un conseil à l'accusée, eu égard à son ignorance des choses divines et humaines; mais sans arguer de son jeune âge. Devant d'autres juridictions, un procès contre un mineur de vingt-cinq ans non assisté était nul de plein droit[791]. S'il en était allé de même en droit inquisitorial, l'évêque aurait évité ce cas de nullité; il (p. 330) le pouvait faire sans inconvénient, puisqu'il avait le choix de l'avocat. «Notre justice n'est pas la même que la leur», disait avec raison Bernard Gui, en comparant la procédure inquisitoriale à celle des autres cours d'Église, qui fonctionnaient conformément au droit romain.

Jeanne n'accepta pas l'offre du juge:

—Premièrement, répondit-elle, de ce que vous m'admonestez pour mon bien et sur notre foi, je vous remercie, et toute la compagnie aussi. Quant au conseil que vous m'offrez, aussi je vous remercie, mais je n'ai point intention de me départir du conseil de Notre-Seigneur[792].

Aussitôt, maître Thomas de Courcelles commença de lire, en langue française, le libellé de l'accusation, tel que le promoteur l'avait rédigé en soixante-dix articles. Ce libellé reproduisait, dans un ordre méthodique, les faits déjà reprochés à Jeanne et qu'on tenait gratuitement comme avoués par elle et dûment prouvés. Soixante-dix chefs de crimes épouvantables contre la foi et notre sainte mère l'Église. Interrogée sur chaque article, Jeanne, avec une candeur héroïque, refit ses réponses précédentes. Cette longue lecture fut continuée et achevée le mercredi après les Rameaux, 28 mars. Selon sa coutume, elle demanda délai pour répondre sur certains points[793]. Le 31 mars, veille de Pâques, ce délai étant expiré, monseigneur de Beauvais (p. 331) se rendit dans la prison et, avec l'assistance des docteurs et maîtres de l'Université, réclama les réponses différées. Elles se rapportaient presque toutes à l'accusation qui contenait toutes les autres, à l'hérésie qui enveloppait toutes les hérésies, au refus d'obéir à l'Église militante. Jeanne, en résumé, déclara qu'elle était résolue à s'en rapporter à Notre-Seigneur plutôt qu'à homme du monde, ce qui était ruiner l'autorité du pape et du concile[794].

Les docteurs et maîtres de l'Université de Paris furent d'avis de distiller le copieux libellé du promoteur, d'en tirer la quintessence et de réduire à un petit nombre d'articles les soixante-dix chefs d'accusation[795]. Maître Nicolas Midi, docteur en théologie, exécuta ce travail et le soumit aux juges et aux assesseurs[796]. L'un d'eux proposa des corrections. Frère Jacques de Touraine, de l'ordre des frères mineurs, docteur en théologie, chargé de la rédaction définitive, admit la plupart des corrections demandées[797]. Les propositions[798] condamnables que les juges prétendaient (bien à tort) avoir tirées des réponses aux interrogatoires, se trouvèrent de la sorte résumées en douze articles[799].

(p. 332) Ces douze articles ne furent pas communiqués à Jeanne. Le jeudi 12 avril, vingt et un docteurs et maîtres se réunirent dans la chapelle de l'évêché, et après avoir examiné les articles, donnèrent une consultation dont le sens était défavorable à l'accusée.

Selon eux, les apparitions et révélations dont elle se vantait ne venaient point de Dieu; c'étaient ou des inventions humaines ou des effets de l'esprit malin; elle n'avait pas pour y croire des signes suffisants. Ces docteurs et maîtres découvraient dans le cas de cette femme des mensonges, des invraisemblances, une créance trop légèrement donnée, des divinations superstitieuses, des faits scandaleux et irréligieux, des dits téméraires, présomptueux, pleins de jactance, des blasphèmes contre Dieu et les saints, de l'impiété dans la manière de se conduire avec père et mère, des contrariétés au précepte sur l'amour du prochain, de l'idolâtrie, ou tout au moins des fictions mensongères, des propositions schismatiques, destructives de l'unité, autorité et puissance de l'Église; mauvaise science et suspicion véhémente d'hérésie[800].

Si elle n'avait pas été soutenue et réconfortée par les Voix du ciel, les voix de son cœur, Jeanne ne serait pas allée jusqu'à la fin de cet horrible procès où torturée à la fois par des princes de l'Église et des goujats d'armée, elle endura de corps et d'esprit des (p. 333) souffrances intolérables à la commune nature humaine; elle les endura sans que sa constance, sa foi, sa divine espérance, on dirait presque sa gaieté en fussent atteints. Enfin, à bout de forces et non de courage, elle tomba brisée, en proie à une maladie qu'on croyait mortelle; elle semblait perdue, ou plutôt, hélas! sauvée[801].

Le mercredi 18 avril, monseigneur de Beauvais et le vice-inquisiteur de la foi, se rendirent avec plusieurs docteurs et maîtres auprès d'elle afin de l'exhorter charitablement; elle était encore très malade[802]. Monseigneur de Beauvais lui représenta que, interrogée devant des personnes de haute sagesse, sur des points ardus, maintes choses dites par elle avaient été notées comme contraires à la foi. C'est pourquoi, considérant qu'elle était femme sans lettres, il lui offrait de la pourvoir d'hommes savants et probes pour l'instruire. Il priait les docteurs présents de lui donner des conseils salutaires, et l'invitait elle-même, si elle connaissait d'autres personnes, à les lui désigner, promettant qu'il les ferait venir sans faute.

—L'Église, ajouta-t-il, ne ferme point son sein à qui lui revient.

Jeanne répondit qu'elle le remerciait de ce qu'il lui disait pour son salut, et elle ajouta:

—Il me semble, vu la maladie que j'ai, que je suis en grand péril de mort. S'il en est ainsi, Dieu veuille (p. 334) faire de moi à son plaisir. Je vous requiers de me faire avoir confession, et le corps de mon Sauveur aussi, et de me mettre en terre sainte.

Monseigneur de Beauvais lui représenta que si elle voulait recevoir les sacrements, elle devait se soumettre à l'Église.

—Si mon corps meurt en prison, répondit-elle, je m'attends à vous que vous le fassiez mettre en terre sainte; si vous ne l'y faites mettre, je m'en attends à Notre-Seigneur[803].

Elle soutint ensuite énergiquement la vérité des révélations qu'elle avait eues de par Dieu, saint Michel, saintes Catherine et Marguerite.

Et comme on lui demandait une fois encore si elle soumettait soi et ses actes à notre sainte mère l'Église, elle répondit:

—Quelque chose qui m'en doive advenir, je n'en ferai ou dirai autre chose que ce que j'ai déjà dit au procès.

Les docteurs et maîtres l'exhortèrent l'un après l'autre à se soumettre à notre sainte mère l'Église, alléguant de nombreux passages de l'Écriture sainte; ils lui promirent le corps de Notre-Seigneur, si elle voulait obéir; mais elle demeura ferme dans son propos.

—De cette soumission, dit-elle, je ne répondrai autre chose que ce que j'ai déjà fait. J'aime Dieu, je (p. 335) le sers et suis bonne chrétienne, et je voudrais aider et soutenir la sainte Église de tout mon pouvoir[804].

On avait recours aux processions dans les grandes nécessités.

—Ne voulez-vous point, lui fut-il demandé, qu'on ordonne une belle et notable procession pour vous mettre en bon état, si vous n'y êtes?

Elle répondit:

—Je veux très bien que l'Église et les catholiques prient pour moi[805].

Parmi les docteurs consultés, plusieurs recommandèrent qu'elle fût de nouveau instruite et admonestée charitablement. Le mercredi 2 mai, soixante-trois révérends docteurs et maîtres se réunirent dans la salle de Parement du château[806]. Elle fut introduite et maître Jean de Castillon, docteur en théologie, archidiacre d'Évreux[807], lut une cédule en français dans laquelle les faits et dits reprochés à Jeanne étaient résumés en six articles. Puis plusieurs docteurs et maîtres lui adressèrent tour à tour des admonitions et des conseils charitables. Ils l'exhortèrent à se soumettre à l'Église militante universelle, à notre Saint-Père le Pape et au saint Concile général. Ils l'avertirent que, si l'Église l'abandonnait, elle serait en grand danger d'encourir la (p. 336) peine du feu éternel quant à son âme, sans préjudice de la peine du feu corporel quant au corps, et par la sentence d'autres juges.

Jeanne répondit comme devant[808].

Le lendemain jeudi 3 mai, jour de l'Invention de la Sainte Croix, l'archange Gabriel lui apparut; elle n'était pas bien sûre de l'avoir déjà vu; mais cette fois elle ne pouvait douter; ses Voix lui dirent que c'était bien lui; et elle en eut grand réconfort.

Ce même jour, elle demanda à ses Voix si elle devait se soumettre à l'Église, comme tous les clercs l'en pressaient.

Les Voix lui répondirent:

—Si tu veux que Notre-Seigneur t'aide, attends-toi à lui de tous tes faits.

Jeanne voulut savoir d'elles si elle serait brûlée.

Les Voix lui dirent de s'en attendre à Notre-Seigneur et qu'il l'aiderait[809]. Ce secours mystérieux raffermissait le cœur de Jeanne.

L'opiniâtreté dont elle faisait preuve n'était pas sans exemple parmi les hérétiques et les possédées. Au contraire, les juges d'Église étaient accoutumés à l'endurcissement des femmes abusées par le diable. Pour les obliger à dire la vérité, quand les exhortations et les admonitions ne suffisaient pas on recourait à la torture. Et ce moyen ne réussissait pas toujours. Beaucoup (p. 337) de ces mauvaises femelles (mulierculae) supportaient les plus cruelles souffrances avec une constance qui passait les forces ordinaires de la nature humaine. Aussi les docteurs ne croyaient-ils pas que cette constance fût naturelle; ils l'attribuaient à un artifice infernal. Le démon était capable encore de protéger ses servantes tombées aux mains des juges d'Église; il leur accordait le pouvoir de se taire dans les tortures. C'est ce qu'on appelait le don de taciturnité[810].

Le mercredi 9 mai, Jeanne fut menée à la grosse tour du château et introduite dans la chambre de torture. Là monseigneur de Beauvais, en présence du vice-inquisiteur et de neuf docteurs et maîtres, lui donna lecture des articles auxquels elle avait jusque-là refusé de répondre, et la menaça, si elle ne confessait point toute la vérité, d'être mise à la géhenne.

Les instruments étaient préparés; les deux exécuteurs, Mauger Leparmentier, clerc marié, et son compagnon, se tenaient près d'elle, attendant les ordres du seigneur évêque.

Jeanne, qui six jours auparavant avait reçu de ses Voix grand réconfort, répondit avec fermeté:

—Vraiment, si vous me deviez faire arracher les membres et faire partir l'âme hors du corps, je ne vous dirais autre chose et, si je vous disais quelque chose, (p. 338) après dirais-je toujours que vous me l'avez fait dire par force[811].

Monseigneur de Beauvais décida de surseoir à la torture, craignant qu'elle ne fût pas profitable à cette âme endurcie[812]. Le samedi suivant, il en délibéra dans sa maison, avec le vice-inquisiteur et treize docteurs et maîtres; les avis furent partagés. Maître Raoul Roussel conseillait de ne pas donner la torture à Jeanne pour éviter qu'un procès aussi bien fait que celui-ci pût être attaqué. Il craignait, à ce qu'il semble, que la Pucelle, ayant reçu du diable le don de taciturnité, les tourments ne lui donnassent occasion de braver la sainte inquisition par un silence diabolique. Maître Aubert Morel, licencié en droit canon, avocat près l'officialité de Rouen, chanoine de la cathédrale, et maître Thomas de Courcelles jugèrent qu'il serait bon, au contraire, d'appliquer la question. Maître Nicolas Loiseleur, maître ès arts, chanoine de Rouen, qui faisait au procès le cordonnier lorrain et la voix de sainte Catherine, n'avait pas d'opinion bien arrêtée à cet égard; toutefois, il ne lui semblait pas mauvais que Jeanne, pour la médecine de son âme, fût torturée. Les docteurs et maîtres en majorité estimèrent qu'il n'y avait pas lieu de la soumettre à cette épreuve, quant à présent; les uns ne donnèrent point des raisons, les autres alléguèrent qu'il convenait de l'avertir charitablement (p. 339) encore une fois. Maître Guillaume Erard, docteur en théologie, se fonda sur ce qu'on avait déjà assez ample matière pour juger[813]. Ainsi, parmi ceux qui épargnèrent les tourments à Jeanne, se trouvait le moins miséricordieux de tous à son égard. Tel était l'esprit des tribunaux d'Église que refuser la torture à un accusé, c'était, en certains cas, lui refuser une grâce.

Lors du procès de Marguerite la Porète, les juges ne convoquèrent point d'experts[814]. Ils soumirent à l'Université de Paris un rapport écrit, touchant les charges tenues pour prouvées. L'Université donna son avis sous réserve de la vérité des charges. Cette réserve était de pure forme et la décision de l'Université avait l'autorité d'un jugement. Dans le procès de Jeanne, on invoqua ce précédent. Le 21 avril, maître Jean Beaupère, maître Jacques de Touraine et maître Nicolas Midi quittèrent Rouen et, au risque d'être houspillés en chemin par les gens de guerre, allèrent porter les douze articles à leurs collègues de Paris.

Le 28 avril, l'Université, réunie en assemblée générale à Saint-Bernard, chargea de l'examen des douze articles la sacrée Faculté de Théologie et la vénérable Faculté des Décrets[815].

(p. 340) Le 14 mai, les délibérations des deux Facultés furent soumises à toutes les Facultés solennellement réunies, qui les ratifia, les fit siennes et les envoya au roi Henri, en suppliant Son Excellente Hautesse de faire prompte justice, afin que le peuple, tant scandalisé par cette femme, fût ramené à bonne doctrine et sainte croyance[816]. Et il est remarquable que dans une cause, qui était celle du pape, représenté par le vice-inquisiteur, et du roi, représenté par l'évêque, la fille aînée des rois ait communiqué directement avec le roi de France, gardien de ses privilèges.

Selon la sacrée Faculté de Théologie, les apparitions de Jeanne étaient fictives, mensongères, séductrices, inspirée par des diables. Le signe donné au roi était un mensonge présomptueux et pernicieux, attentatoire à la dignité des anges, la croyance de Jeanne aux visites de saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite était une croyance téméraire et injurieuse par la comparaison que Jeanne en faisait avec les vérités de la foi; les prédictions de Jeanne étaient superstition, divination et vaine jactance; l'affirmation de porter l'habit d'homme par commandement de Dieu était blasphème, mépris des sacrements, violation de la loi divine et des sanctions ecclésiastiques, suspicion d'idolâtrie. Jeanne, dans les lettres dictées par elle, se (p. 341) montrait traîtresse, perfide, cruelle, altérée de sang humain, séditieuse, poussant à la tyrannie, blasphématrice de Dieu. En partant pour la France, elle avait violé le commandement d'honorer père et mère, causé scandale, blasphémé, erré dans la foi. En faisant le saut de Beaurevoir, elle s'était montrée d'une pusillanimité tournant au désespoir et à l'homicide, et ç'avait été de plus pour elle l'occasion d'affirmations téméraires touchant la remise de son péché et d'erreur sur le libre arbitre. En proclamant sa confiance en son salut, elle ne proférait que mensonges présomptueux et pernicieux; en disant que sainte Catherine et sainte Marguerite ne parlaient pas anglais, elle blasphémait ces saintes et violait le précepte: «Tu aimeras ton prochain»; les honneurs qu'elle rendait à ses saintes étaient idolâtrie et invocation de démons; son refus de s'en rapporter de ses faits à l'Église tendait au schisme, au mépris de l'unité et de l'autorité de l'Église, à l'apostasie[817].

Les docteurs de la Faculté de Théologie étaient très savants; ils connaissaient les trois esprits malins que Jeanne abusée prenait pour saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite. C'étaient Bélial, Satan et Béhémot. Bélial, adoré des sidoniens, se montre quelquefois sous la figure d'un ange plein de beauté; c'est le démon de la désobéissance. Satan est le chef des enfers et (p. 342) Béhémot est un être lourd et stupide, qui mange du foin comme un bœuf[818].

La vénérable Faculté des Décrets décidait que cette femme schismatique, errant en la foi, apostate, menteuse, devineresse, devait être charitablement exhortée et dûment avertie par les juges compétents et que, si elle refusait néanmoins d'abjurer son erreur, il la faudrait abandonner au bras séculier pour en recevoir le châtiment dû[819]. Voilà les délibérations et décisions que la vénérable Université de Paris soumettait à l'examen et aux arrêts du Saint-Siège apostolique et du sacro-saint Concile général[820].

Mais les clercs de France n'avaient-ils donc rien à dire en cette cause? N'avaient-ils donc aucune décision à soumettre au pape et au concile? Pourquoi n'opposaient-ils pas leur opinion à celles des Facultés parisiennes? Pourquoi gardaient-ils le silence? Ces docteurs, qui avaient recommandé au roi de mettre en œuvre la jeune fille, afin de ne pas refuser les dons du Saint-Esprit, pourquoi n'envoyaient-ils pas à Rouen le livre de Poitiers que réclamait Jeanne[821]? Tous ces universitaires chassés de Paris, tous ces avocats et conseillers au (p. 343) Parlement exilé, tous ces magistrats qui n'avaient pas de robe à se mettre, pas de souliers à donner à leurs enfants, avant que cette Pucelle eût soutenu leur cause penchante, et qui maintenant, grâce à elle, reprenaient chaque jour espoir et vigueur, comment laissaient-ils traiter d'hérétique et de femme dissolue cette grande servante de leur roi? Ce frère Pasquerel, ce frère Richard, tous ces religieux qui naguère l'accompagnaient en France et pensaient l'accompagner à la croisade contre les Bohêmes et les Turcs, pourquoi ne demandaient-ils pas un sauf-conduit afin d'être entendus au procès? Pourquoi n'envoyaient-ils pas du moins leur témoignage? Cet archevêque d'Embrun, qui tantôt encore donnait de si nobles conseils à son roi, pourquoi n'adressait-il pas aux juges de Rouen son mémoire en faveur de la Pucelle? Monseigneur de Reims, chancelier du royaume, qui avait bien dit qu'elle était orgueilleuse mais non pas hérétique, pourquoi, contrairement à ses intérêts et à son honneur, ne témoignait-il pas en faveur de celle qui lui avait fait recouvrer sa ville épiscopale? Pourquoi, comme c'était son droit, comme c'était son devoir de métropolitain, ne prononçait-il pas la censure et la suspension contre son suffragant, l'évêque de Beauvais, coupable d'avoir prévariqué dans l'administration de la justice? Ces grands clercs, députés par le roi Charles au Concile de Bâle, comment ne s'engageaient-ils pas à porter au synode la cause de la Pucelle? Comment, enfin, les prêtres, les religieux du (p. 344) royaume ne demandaient-ils pas, d'un cri unanime, l'appel au Saint-Père?

Tous, comme frappés d'étonnement et de stupeur, demeuraient sans parler ni agir. Ne serait-ce point parce qu'ils craignaient que cette illustre Université, que de tous les pays chrétiens on venait consulter en matière de foi, ce soleil de l'Église, n'eût éclairé d'un jour trop éclatant la cause de Jeanne, et que cette femme, qu'en France on avait cru sainte, ne fût inspirée par le malin esprit? S'ils le craignaient, s'ils le soupçonnaient, cette opinion théologique, ces doutes sur une matière difficile, en une cause ardue, expliqueraient leur silence; on comprendrait qu'ils se taisaient de honte et de douleur. Mais ce qu'ils avaient cru naguère, s'ils le croyaient encore, s'ils étaient persuadés que la Pucelle était venue de Dieu pour conduire leur roi à son sacre glorieux, que penser de ces prêtres, que penser de ces clercs de France, qui reniaient la fille de Dieu, à la veille de sa passion?

(p. 345) CHAPITRE XIII
L'ABJURATION. — LA PREMIÈRE SENTENCE.

Les docteurs et maîtres réunis, le samedi 19 mai, dans la chapelle archiépiscopale de Rouen, au nombre de cinquante, s'associèrent unanimement aux délibérations de l'Université de Paris, et monseigneur de Beauvais décida qu'une nouvelle admonition charitable serait adressée à Jeanne[822]. En conséquence, le mercredi 23, l'évêque, le vicaire inquisiteur et le promoteur se rendirent dans une chambre du château, voisine de la prison de Jeanne; ils étaient accompagnés de sept docteurs et maîtres, du seigneur évêque de Noyon et du seigneur évêque de Thérouanne[823]. Celui-là, frère de messire Jean de Luxembourg qui avait vendu la Pucelle, comptait parmi les premiers personnages du Grand (p. 346) Conseil d'Angleterre; il était chancelier de France pour le roi Henri comme messire Regnault de Chartres l'était pour le roi Charles[824].

L'accusée fut introduite et maître Pierre Maurice, docteur en théologie, lui donna lecture des douze articles abrégés et commentés conformément aux délibérations de l'Université, le tout en manière de discours à elle adressé:

ARTICLE PREMIER

Premièrement, Jeanne tu as dit qu'en l'âge de treize ans, ou environ, tu as eu révélations et apparitions d'anges et des saintes Catherine et Marguerite, que tu les as vus fréquemment de tes yeux corporels, et qu'ils ont parlé à toi et qu'ils te parlent souvent et qu'ils t'ont dit beaucoup de choses que tu as pleinement déclarées dans ton procès.

Sur ce point, les clercs de l'Université de Paris et autres ayant considéré les modes de ces révélations et apparitions, leur fin, la substance des choses révélées, et la condition de ta personne, et considéré tout ce qu'il y avait lieu de considérer, disent que ce sont fictions mensongères, séduisantes et périlleuses, ou que des révélations et apparitions de cette sorte sont superstitieuses, procédant d'esprits malins et diaboliques.

(p. 347) ARTICLE 2.

Item, tu as dit que ton roi eut signe par quoi il connut que tu étais envoyée de Dieu, à savoir que saint Michel, accompagné d'une multitude d'anges, dont certains avaient des ailes, d'autres des couronnes et avec lesquels étaient les saintes Catherine et Marguerite, vint à toi en la ville de Château-Chinon; et que tous ceux-là entrèrent avec toi par l'escalier du château, dans la chambre de ton roi devant qui s'inclina un ange qui portait une couronne. Et une fois, tu as dit que cette couronne que tu appelles signe, fut remise à l'archevêque de Reims qui la remit à ton roi, en présence d'une multitude de princes et de seigneurs que tu as nommés.

Et quant à cela, lesdits clercs disent que ce n'est pas vraisemblable, mais que c'est mensonge présomptueux, séduisant, pernicieux, une chose feinte et attentatoire à la dignité des anges.

ARTICLE 3.

Item, tu as dit que tu connaissais les anges et les saintes par bon conseil, confort et doctrine qu'ils te donnaient et par ce qu'ils se nommèrent à toi et que les saintes te saluèrent. Tu croyais aussi que ce fut saint Michel qui t'apparut et que leurs faits et dits sont bons, aussi fermement que tu crois la foi du Christ.

(p. 348) Quant à cela, les clercs disent que ce ne sont pas signes suffisants pour connaître lesdits saints et anges, et que tu as cru légèrement et témérairement affirmé, et que en outre, pour ce qui est de la comparaison que tu fais de croire aussi fermement, etc., tu erres dans la foi.

ARTICLE 4.

Item, tu as dit que tu es assurée de certaines choses à venir, que tu as su des choses cachées, que tu as pareillement reconnu des hommes que tu n'avais jamais vus auparavant, et cela par les voix des saintes Catherine et Marguerite.

Et quant à cela, les clercs disent que, en ces dits, est superstition, divination, présomptueuse assertion et vaine jactance.

ARTICLE 5.

Item, tu as dit que du commandement de Dieu et de son bon plaisir tu as porté et portes encore habit d'homme et, parce que tu as commandement de Dieu de porter cet habit, tu as pris tunique courte, gippon, chausses liées à maintes aiguillettes; tu portes même les cheveux coupés en rond au-dessus des oreilles, sans rien garder sur toi de ce qui prouve et dénote le sexe féminin, excepté ce que nature t'a donné; et souvent tu as reçu en cet habit le sacrement de l'Eucharistie, et bien que tu aies été plusieurs fois admonestée de le quitter, néanmoins tu n'en as voulu rien (p. 349) faire, disant que tu aimerais mieux mourir que quitter cet habit, à moins que ce ne fût par le commandement de Dieu; et que, si tu étais encore en cet habit avec ceux de ton parti, ce serait grand bien pour la France. Tu dis aussi que, pour rien, tu ne ferais serment de ne pas porter cet habit et des armes, et tu dis qu'en tout cela tu fais bien et par l'ordre de Dieu.

Sur ce point, les clercs disent que tu blasphèmes Dieu et le méprises en ses sacrements, que tu transgresses la loi divine, la sainte Écriture et les règles canoniques, que tu penses mal et erres en matière de foi, que tu es pleine de vaine jactance, que tu es suspecte d'idolâtrie et d'adoration de toi-même et de tes habits, en imitant les usages des païens.

ARTICLE 6.

Item, tu as dit que souvent, dans tes lettres, tu as mis ces noms, JHESUS MARIA, et le signe de la croix pour avertir ceux à qui tu écrivais de ne pas faire ce qui était marqué dans la lettre. Dans d'autres lettres tu t'es vantée de faire tuer tous ceux qui ne t'obéissaient pas et qu'aux coups on verrait qui aurait meilleur droit de par le Dieu du ciel et tu as dit souvent n'avoir rien fait que par révélation et commandement du Seigneur.

Quant à cela, les clercs disent que tu es traîtresse, perfide, cruelle, désirant cruellement l'effusion du sang (p. 350) humain, séditieuse, provoquant à tyrannie, blasphémant Dieu en ses commandements et révélations.

ARTICLE 7.

Item, tu dis que, par révélations que tu as eues en l'âge de dix-sept ans, tu as quitté la maison de tes parents, contre leur volonté, de quoi ils furent quasi fous. Et tu es allée vers Robert de Baudricourt, qui, à ta requête, te donna un habit d'homme et une épée, avec certaines gens pour te conduire vers ton roi, et quand tu es venue vers lui, tu lui as dit que tu venais pour chasser ses adversaires et que tu lui avais promis de le mettre en un grand royaume, et qu'il aurait victoire sur ses adversaires et que Dieu t'envoyait pour cela. Tu dis aussi que, de la sorte, tu as bien fait en obéissant à Dieu et par révélation.

Quant à cela, les clercs disent que tu as été impie envers tes parents, transgressant le commandement de Dieu d'honorer père et mère, scandaleuse, blasphématrice de Dieu, errant en la foi et que tu as fait une promesse présomptueuse et téméraire.

ARTICLE 8.

Item, tu as dit que, volontairement, tu as sauté de la tour de Beaurevoir, aimant mieux mourir que d'être livrée aux mains des Anglais et vivre après la destruction de Compiègne; et, bien que les saintes Catherine et Marguerite te défendissent de sauter, tu ne pus te (p. 351) contenir; et, quoi que ce fût un grand péché que d'offenser ces saintes, pourtant tu as su par tes Voix que Dieu te l'avait remis après que tu t'en fusses confessée.

Sur ce point les clercs disent que ce fut là pusillanimité tournant à désespoir et probablement suicide. En cela encore tu as émis une assertion téméraire et présomptueuse en prétendant avoir rémission de ton péché et tu penses mal touchant le libre arbitre.

ARTICLE 9.

Item, tu as dit que les saintes Catherine et Marguerite promirent de te conduire en paradis pourvu que tu gardasses la virginité que tu leur avais vouée et promise, et de cela tu es aussi certaine que si tu étais déjà dans la gloire des Bienheureux. Tu crois n'avoir pas fait œuvre de péché mortel. Et il te semble que, si tu étais en état de péché mortel, les saintes ne te visiteraient pas quotidiennement, comme elles font.

Quant à cela, les clercs disent que c'est une assertion présomptueuse et téméraire, un mensonge pernicieux; qu'il y a là contradiction avec ce que tu avais dit précédemment, et qu'enfin tu penses mal touchant la foi chrétienne.

ARTICLE 10.

Item, tu as dit que tu savais bien que Dieu aime plus que toi certaines personnes vivantes, et que cela (p. 352) tu l'as appris par révélation des saintes Catherine et Marguerite; aussi, que ces saintes parlent français, non anglais, puisqu'elles ne sont pas du parti des Anglais. Et quand tu as su que tes Voix étaient pour ton roi, tu n'as plus aimé les Bourguignons.

Quant à cela, les clercs disent que c'est une téméraire et présomptueuse assertion, une divination superstitieuse, un blasphème contre les saintes Catherine et Marguerite, et une transgression du précepte de l'amour du prochain.

ARTICLE 11.

Item, tu as dit que, à ceux que tu appelles saint Michel et les saintes Catherine et Marguerite, tu as fait plusieurs révérences, fléchissant le genou, tirant ton chaperon, baisant la terre où ils marchaient, leur vouant ta virginité; que ces saintes, tu les avais baisées et embrassées et invoquées, qu'aussi tu as cru à leurs enseignements du moment qu'elles sont venues à toi, sans demander conseil à ton curé ou à quelque autre homme d'Église. Et néanmoins tu crois que ces Voix viennent de Dieu aussi fermement que tu crois en la foi chrétienne, et que Notre-Seigneur Jésus-Christ a souffert passion. Tu as dit en outre que si quelque mauvais esprit t'apparaissait sous la figure de saint Michel, tu saurais bien le connaître et le discerner. Tu as dit encore que, de ton propre mouvement, tu as juré de ne point dire le signe que tu avais donné à (p. 353) ton roi. Et finalement tu as ajouté: «Si ce n'est sur l'ordre de Dieu.»

Quant à cela, les clercs disent que, à supposer que tu aies eu les révélations et apparitions dont tu te vantes, de la manière que tu as dit, tu es idolâtre, invocatrice des démons, errant en matière de foi, téméraire en tes assertions et que tu as fait un serment illicite.

ARTICLE 12.

Item, tu as dit que, si l'Église voulait que tu fisses le contraire des ordres que tu dis avoir reçus de Dieu, tu ne le ferais pour quoi que ce fût; que tu sais bien que tout ce qui est contenu dans ton procès vient des ordres de Dieu et qu'il t'était impossible de faire le contraire. Relativement à ces faits, tu ne veux pas te rapporter au jugement de l'Église qui est sur la terre, ni d'homme vivant, mais à Dieu seul. Et tu as dit en outre que cette réponse, tu ne la faisais pas de ta tête, mais sur le commandement de Dieu, bien que cet article de foi: Unam sanctam Ecclesiam catholicam, t'ait été plusieurs fois déclaré et que tout chrétien doive soumettre tous ses dits et faits à l'Église militante, principalement dans le fait de révélations et choses telles.

Quant à cela, les clercs disent que tu es schismatique, mal pensante sur l'unité et l'autorité de l'Église, apostate et opiniâtrement errante en matière de foi[825].

(p. 354) Ayant achevé cette lecture, maître Pierre Maurice, sur l'invitation de l'évêque, exhorta Jeanne. Il avait été recteur de l'Université de Paris en 1428[826]. On l'estimait comme orateur; c'était lui qui, le 5 juin 1430, avait harangué, au nom du chapitre, le roi Henri VI, lors de son entrée à Rouen. Il se distinguait, ce semble, par quelque connaissance et quelque goût des lettres antiques, et possédait de précieux manuscrits, au nombre desquels se trouvaient les comédies de Térence et l'Énéide de Virgile[827].

Cet insigne docteur invita Jeanne, en termes d'une simplicité calculée, à réfléchir aux suites de ses dires et de ses actes et l'exhorta tendrement à se soumettre à l'Église. Après l'absinthe il lui offrit le miel; il lui tint des propos doux et familiers. Il entra avec une singulière adresse dans les goûts et les sentiments qui emplissaient le cœur de cette jeune fille. La voyant toute pleine de chevalerie et si loyale à Charles qu'elle avait fait sacrer, c'est par des comparaisons tirées de la vie militaire et seigneuriale qu'il essaya de lui faire comprendre qu'elle devait en croire l'Église militante plutôt que ses Voix et ses apparitions.

—Si votre roi, lui dit-il, vous avait confié la garde d'une forteresse, en vous défendant d'y laisser entrer personne, n'est-il pas vrai que vous refuseriez de recevoir quiconque s'y présenterait de sa part sans montrer (p. 355) de lettres ou quelque autre signe. De même, lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ, s'élevant au ciel, commit au bienheureux apôtre Pierre et à ses successeurs le gouvernement de son Église, il leur défendit de faire accueil à ceux qui prétendraient venir en son nom, sans en apporter la preuve.

Et pour lui rendre sensible quelle faute c'était de désobéir à l'Église, il lui rappela le temps où elle faisait la guerre et prit pour exemple un chevalier désobéissant à son roi:

—Lorsque vous étiez dans le domaine de votre roi, lui dit-il, si un chevalier ou tout autre, placé sous son obéissance, s'était levé disant: «Je n'obéirai pas au roi; je ne me soumettrai ni à lui ni à ses officiers», n'auriez-vous pas dit: «Voilà un homme qui doit être condamné»? Que dites-vous donc de vous qui, engendrée dans la foi du Christ, devenue par le baptême la fille de l'Église et l'épouse du Christ, n'obéissez pas aux officiers du Christ, c'est-à-dire aux prélats de l'Église[828]?

Maître Pierre Maurice s'efforçait ainsi de se faire comprendre de Jeanne. Il n'y réussit pas; toutes les raisons et toute l'éloquence du monde se seraient brisées contre le cœur de cette enfant. Après que maître Pierre eut parlé, Jeanne, interrogée si elle ne se croyait pas tenue de soumettre ses dits et faits à l'Église, répondit:

(p. 356) —La manière que j'ai toujours dite et tenue au procès, je la veux maintenir quant à cela.... Si j'étais en jugement et voyais allumer les bourrées, et le bourreau prêt de bouter le feu, et moi étant dans le feu, je n'en dirais autre chose et soutiendrais ce que j'ai dit au procès jusqu'à la mort.

Sur ces paroles, l'évêque déclara les débats clos et remit au lendemain le prononcé de la sentence[829].

Le lendemain, jeudi après la Pentecôte, 24 mai, Jeanne fut visitée de bon matin, en sa prison, par maître Jean Beaupère qui l'avertit qu'elle serait tantôt conduite à l'échafaud pour être prêchée.

—Si vous êtes bonne chrétienne, fit-il, vous direz que vous soumettez tous vos faits et dits à notre sainte mère l'Église et spécialement aux juges ecclésiastiques.

Maître Jean Beaupère crut entendre qu'elle répondit:

—Ainsi ferai-je[830].

Si telle fut sa réponse, c'est qu'elle avait été brisée par une nuit d'angoisse, et que sa chair se troublait à la pensée de mourir par le feu.

Au moment du départ, comme elle était debout près d'une porte, maître Nicolas Loiseleur lui donna les mêmes avis et, pour la mieux engager à les suivre, il lui fit une fausse promesse:

—Jeanne, croyez-moi, dit-il. Il ne tient qu'à vous (p. 357) d'être sauvée. Prenez l'habit de votre sexe et faites ce qu'on décidera. Autrement vous êtes en péril de mort. Si vous faites ce que je vous dis, il vous en arrivera tout bien et aucun mal. Vous serez mise entre les mains de l'Église[831].

On la mena en charrette, sous escorte, dans le quartier de la ville nommé Bourg-l'Abbé, qui était au pied du château, et l'on s'arrêta à trois ou quatre cents tours de roue, dans le cimetière Saint-Ouen, dit aussi les aîtres Saint-Ouen, où chaque année, à la fête du patron de l'abbaye, se tenait une foire très fréquentée[832]. C'est là que Jeanne devait être prêchée, comme tant d'autres malheureuses l'avaient été avant elle. On donnait de préférence ces spectacles exemplaires dans les lieux où le peuple y pût assister en foule. Une église paroissiale s'élevait depuis cent ans, au bord de ce vaste charnier que fermait, au midi, la haute nef de l'abbatiale. Deux échafauds avaient été dressés[833], l'un grand et l'autre petit, contre le beau vaisseau de l'église, à l'ouest du portail qu'on nommait portail des Marmousets, à cause d'une multitude de petites figures qui y étaient sculptées[834].

(p. 358) Sur le grand échafaud les deux juges, le seigneur évêque et le vicaire inquisiteur, prirent place, assistés du révérendissime cardinal de Winchester, des seigneurs évêques de Thérouanne, de Noyon et de Norwich, des seigneurs abbés de Fécamp, de Jumièges, du Bec, de Cormeilles, du Mont-Saint-Michel-au-péril-de-la-mer, de Mortemart, de Préaux et de Saint-Ouen de Rouen, où se faisait l'assemblée, des prieurs de Longueville et de Saint-Lô, ainsi que d'une foule de docteurs et de bacheliers en théologie, de docteurs et de licenciés en l'un et l'autre droit[835]; et il se trouvait là encore beaucoup de personnages considérables du parti des Anglais. L'autre échafaud était une sorte d'ambon, où monta le docteur qui devait prêcher Jeanne, selon l'usage de la sainte inquisition. C'était maître Guillaume Erard, docteur en théologie, chanoine des églises de Langres et de Beauvais[836]. Très pressé, pour l'heure, d'aller en Flandre où il était attendu, il confia à frère Jean de Lenisoles, son jeune serviteur, que cette prédication lui causait grand déplaisir. «Je voudrais bien être en Flandre, disait-il. Cette affaire m'est fort désagréable[837]

Il y avait pourtant un endroit par lequel elle devait lui agréer, puisqu'elle lui donnait lieu d'attaquer le roi (p. 359) de France, Charles VII, et de montrer de la sorte son dévouement aux Anglais; car il leur était fort attaché.

On fit paraître à côté de lui, devant le peuple, Jeanne en habit d'homme[838].

Maître Guillaume Erard commença son sermon de cette manière:

«Je prendrai pour thème cette parole de Dieu en Saint-Jean, chapitre XV: «La branche ne peut porter de fruits d'elle-même si elle ne demeure attachée à la vigne[839].» C'est ainsi que tous les catholiques doivent rester attachés à la vraie vigne de notre sainte mère l'Église, que la main de Notre-Seigneur Jésus-Christ a plantée. Or, Jeanne que voici, tombant d'erreur en erreur et de crime en crime, s'est séparée de l'unité de notre sainte mère l'Église et a scandalisé en mille manières le peuple chrétien.»

Puis il lui reprocha d'avoir beaucoup failli, d'avoir péché contre la Majesté royale, et contre Dieu et la foi catholique, toutes choses dont elle devait désormais se garder sous peine d'être brûlée.

Il s'éleva véhémentement contre l'orgueil de cette femme; il dit qu'il n'y avait jamais eu en France de monstre comme celui qui s'était manifesté en Jeanne; qu'elle était sorcière, hérétique, schismatique, et que le roi, qui la protégeait, encourait les mêmes reproches, du (p. 360) moment qu'il voulait recouvrer son trône par le moyen d'une semblable hérétique[840].

Vers le milieu de son sermon, il commença à s'écrier à haute voix:

—Ah! tu es bien abusée, noble maison de France, toi qui as été la maison très chrétienne! Charles, qui se dit roi et de toi gouverneur, a adhéré, comme hérétique et schismatique, aux paroles et actes d'une femme malfaisante, diffamée et de tout déshonneur pleine. Et non pas lui seulement, mais tout le clergé de son obéissance et seigneurie par lequel cette femme, suivant son dire, a été examinée et n'a point été reprise. C'est grande pitié[841]!

Maître Guillaume répéta deux ou trois fois les mêmes propos sur le roi Charles. Puis, s'adressant à Jeanne, il dit en levant le doigt:

—C'est à vous, Jeanne, que je parle; et je vous dis que votre roi est hérétique et schismatique.

Ces paroles offensaient cruellement Jeanne en son amour pour les lis de France et pour le roi Charles. Il se fit en elle un grand émoi, et elle entendit ses Voix qui lui disaient:

—Réponds hardiment à ce prêcheur qui te prêche[842].

(p. 361) Leur obéissant de bon cœur, elle interrompit maître Guillaume:

—Par ma foi, messire, lui dit-elle, révérence gardée, je vous ose bien dire et jurer, sous peine de ma vie, que c'est le plus noble chrétien de tous les chrétiens, et qui le mieux aime la foi et l'Église, et n'est point tel que vous dites[843].

Maître Guillaume donna ordre à l'huissier Jean Massieu de la faire taire[844]. Puis il acheva son sermon, et conclut en ces termes:

—Jeanne, voici messeigneurs les juges qui plusieurs fois vous ont sommée et requise que vous voulussiez soumettre tous vos faits et dits à notre sainte mère l'Église. Et en ces dits et faits étaient plusieurs choses, lesquelles, comme il semblait aux clercs, n'étaient bonnes à dire et à soutenir[845].

—Je vous répondrai, fit Jeanne.

Sur l'article de la soumission à l'Église, elle rappela qu'elle avait demandé que toutes les œuvres qu'elle avait faites et ses dits fussent envoyés à Rome devers notre Saint-Père le Pape, auquel, Dieu premier, elle se rapportait.

Elle ajouta:

—Et quant aux dits et faits que j'ai faits, je les ai faits de par Dieu[846].

(p. 362) Et elle déclara qu'elle n'entendait pas qu'on envoyât son procès au Pape, pour l'en faire juge.

—Je ne veux pas, dit-elle, que la chose se passe ainsi. Je ne sais pas ce que vous mettriez dans le procès. Je veux être menée au Pape et qu'il m'interroge[847].

On la poussait à charger son roi. On y perdit sa peine.

—De mes faits et dits je ne charge personne quelconque, ni mon roi ni autre. Et, s'il y a quelque faute, c'est à moi et non à autre[848].

—Voulez-vous révoquer tous vos dits et faits? Vos faits et dits que vous avez faits, qui sont réprouvés par les clercs, voulez-vous les révoquer?

—Je m'en rapporte à Dieu et à notre Saint-Père le Pape.

—Mais cela ne suffit pas. On ne peut aller quérir notre Saint-Père si loin. Les ordinaires sont juges chacun en son diocèse. Ainsi, il est besoin que vous vous en rapportiez à notre mère sainte Église, et que vous teniez pour vrai ce que les clercs et les gens qui s'y connaissent disent et ont déterminé au sujet de vos dits et faits[849].

Admonestée jusqu'à la troisième monition, Jeanne refusa d'abjurer[850]. Elle attendait avec confiance la délivrance (p. 363) promise par ses Voix, certaine que tout à coup viendraient des hommes d'armes de France et que, dans un grand tumulte de gens de guerre et d'anges, elle serait enlevée. C'est pour cela qu'elle avait tant voulu garder son habit d'homme.

Deux sentences avaient été préparées, l'une pour le cas où la coupable abjurerait son erreur, l'autre pour le cas où elle y persévérerait. La première relevait Jeanne de l'excommunication; par la seconde, le tribunal, déclarant qu'il ne pouvait plus rien pour elle, l'abandonnait au bras séculier. Le seigneur évêque les avait toutes deux sur lui[851].

Il prit la seconde et commença de lire.

«Au nom du Seigneur, ainsi soit-il. Tous les pasteurs de l'Église qui ont à cœur de prendre un soin fidèle de leur troupeau...»

Pendant cette lecture, les clercs qui se tenaient autour de Jeanne la pressaient d'abjurer tandis qu'il en était temps encore. Maître Nicolas Loiseleur l'exhortait à faire ce qu'il lui avait recommandé et à prendre un habit de femme.

Maître Guillaume Erard lui disait:

Faites ce qu'on vous conseille et vous serez délivrée de prison[852].

Les Voix montaient vers elle, instantes.

—Jeanne, nous avons si grande pitié de vous! Il (p. 364) faut que vous révoquiez ce que vous avez dit ou que nous vous abandonnions à la justice séculière.... Jeanne, faites ce qu'on vous conseille. Voulez-vous vous faire mourir[853]?

La sentence était longue; le seigneur évêque la lisait lentement:

..........................

«Nous, juges, ayant devant les yeux le Christ et l'honneur de la foi orthodoxe, afin que notre jugement émane de la face du Seigneur, nous disons et décrétons que tu as été mensongère, inventrice de révélations et apparitions prétendues divines; séductrice, pernicieuse, présomptueuse, légère en ta foi, téméraire, superstitieuse, devineresse, blasphématrice envers Dieu, les saints et les saintes; contemptrice de Dieu même dans ses sacrements, prévaricatrice de la loi divine, de la doctrine sacrée et des sanctions ecclésiastiques, séditieuse, cruelle, apostate, schismatique, engagée en mille erreurs contre notre foi, et à toutes ces enseignes, témérairement coupable envers Dieu et la sainte Église[854]

..........................

Le temps s'écoulait. Le seigneur évêque avait déjà lu la plus grande partie de la sentence[855]. Le bourreau était là, tout prêt à emmener la condamnée dans sa charrette[856].

(p. 365) Jeanne cria, les mains jointes, qu'elle voulait bien obéir à l'Église[857].

Le juge interrompit la lecture de la sentence.

À ce moment, une rumeur courut dans la foule composée en grande partie d'hommes d'armes anglais et d'officiers du roi Henri. Ignorants des usages de l'inquisition qui n'avait point été admise dans leur pays, ces Godons ne comprenaient rien à ce qui se passait, sinon que la sorcière était sauve; et comme ils estimaient la mort de Jeanne nécessaire à l'Angleterre, ils s'indignaient des étranges façons d'agir du seigneur évêque et des docteurs. Ce n'était point ainsi que, dans leur île, on en usait avec les sorcières; on les brûlait sans miséricorde, et tôt. Des murmures irrités s'élevèrent; quelques pierres furent lancées aux clercs du procès[858]; maître Pierre Maurice, qui mettait un grand zèle à affermir Jeanne dans ses bons propos, fut menacé, et peu s'en fallut que des coués ne lui fissent un mauvais parti[859]; maître Jean Beaupère et les délégués de l'Université de Paris reçurent leur part d'outrages; on les accusait de favoriser les erreurs de Jeanne[860]. Qui savait mieux qu'eux l'injustice de ces reproches?

Quelques-uns des hauts personnages assis sur l'estrade à côté des juges se plaignirent au seigneur (p. 366) évêque de ce qu'il n'allait pas au bout de la sentence et admettait Jeanne à résipiscence.

Même il fut injurieusement traité, car on l'entendit qui s'écriait:

—Vous me le payerez.

Il menaçait de suspendre le procès.

—Je viens d'être insulté, disait-il. Je ne procéderai pas plus avant jusqu'à ce qu'il m'ait été fait amende honorable[861].

Dans le tumulte, maître Guillaume Erard, dépliant une feuille de papier double, lut à Jeanne la cédule d'abjuration libellée au moment où l'on avait recueilli l'opinion des maîtres. Elle n'était pas plus longue qu'un Pater, et comprenait six à sept lignes d'écriture. Rédigée en français, elle commençait par ces mots: «Je, Jeanne...» La Pucelle s'y soumettait à la détermination, au jugement et aux commandements de l'Église; reconnaissait avoir commis le crime de lèse-majesté et séduit le peuple. Elle s'engageait à ne plus porter les armes ni l'habit d'homme, ni les cheveux taillés en rond[862].

Quand maître Guillaume eut lu la cédule, Jeanne déclara qu'elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire et que là-dessus elle avait besoin d'être avisée[863]. On l'entendit (p. 367) qui demandait conseil à saint Michel[864]. Elle croyait encore fidèlement à ses Voix, qui pourtant ne l'avaient point aidée en cette cruelle nécessité, et qui ne lui épargnaient pas la honte de les renier, car, si simple qu'elle était, elle savait bien au fond ce que les clercs lui demandaient et qu'ils ne la laisseraient pas aller sans avoir obtenu d'elle un grand renoncement. Et ce qu'elle en disait n'était plus que pour gagner du temps et parce que, ayant peur de la mort, cependant elle ne pouvait se résoudre à mentir.

Sans perdre un instant, maître Guillaume dit à messire Jean Massieu l'huissier:

—Conseillez-la pour cette abjuration.

Et il lui passa la cédule.

Messire Jean Massieu s'excusa d'abord; puis il avertit Jeanne du péril où elle se mettrait par son refus.

—Comprenez bien, lui dit-il, que, si vous allez à rencontre d'aucuns de ces articles, vous serez brûlée. Je vous conseille de vous en rapporter à l'Église universelle si vous devez abjurer ces articles ou non.

Maître Guillaume Erard demanda à Jean Massieu:

—Eh bien, que lui dites-vous?

Jean Massieu répondit:

—Je fais connaître à Jeanne le texte de la cédule et je l'invite à signer. Mais elle déclare qu'elle ne saurait.

À ce moment Jeanne, qu'on pressait toujours de signer, dit à haute voix:

(p. 368) —Je veux que l'Église délibère sur les articles. Je m'en rapporte à l'Église universelle si je les dois abjurer ou non. Que la cédule soit lue par l'Église et par les clercs aux mains desquels je dois être placée. Si leur avis est que je doive la signer et faire ce qui m'est dit, je le ferai volontiers.

Maître Guillaume Erard répliqua vivement:

—Faites-le maintenant, sinon vous serez brûlée aujourd'hui même.

Et il défendit à Jean Massieu de conférer davantage avec elle.

Jeanne dit alors qu'elle aimait mieux signer que d'être brûlée[865].

Tout de suite, messire Jean Massieu lui donna une seconde lecture de la cédule. Elle répétait les mots à mesure que l'huissier les prononçait[866]. Soit qu'il passât sur sa face contractée par des émotions violentes une sorte de ricanement, soit que sa raison, sujette de tous temps à des troubles étranges, eût sombré dans les affres et les tortures d'un procès d'Église et qu'elle ressentît vraiment, après tant de douleurs, les lugubres joies de la folie; soit que, au contraire, en son bon sens et d'esprit rassis, elle se moquât des clercs de Rouen, comme elle en était bien capable après s'être moquée des clercs de Poitiers, elle avait l'air de plaisanter et l'on remarquait dans l'assistance (p. 369) qu'elle prononçait en riant les mots de son abjuration[867]. Parmi ces bourgeois, ces prêtres, ces artisans et ces hommes d'armes qui voulaient sa mort, sa gaieté apparente ou réelle excita des colères. Force gens disaient: «C'est une pure trufferie. Jeanne n'a fait que se moquer[868]

Maître Laurent Calot, secrétaire du roi d'Angleterre, se montrait des plus agités. On le voyait à la fois près des juges et près de l'accusée, très violent. Un seigneur de Picardie qui se trouvait là, celui-là même qui dans le château de Beaurevoir avait essayé des mignardises avec la prisonnière, crut remarquer que cet Anglais faisait signer de force un papier à Jeanne[869]. Il se trompait; il y a toujours dans les foules des gens pour voir les choses de travers: l'évêque n'eût rien souffert de pareil; il était à la dévotion du Régent, mais sur les formes il ne cédait point. Cependant, sous une tempête d'injures, sous une grêle de pierres, dans le cliquetis des épées, les insignes maîtres, les illustres docteurs pâlissaient. Le prieur de Longueville guettait le moment de s'excuser auprès de monseigneur le cardinal de Winchester[870].

Un chapelain du cardinal interpella vivement, sur l'estrade, le seigneur évêque.

(p. 370) —Vous faites mal d'accepter une abjuration pareille, c'est une dérision.

—Vous mentez, répliqua messire Pierre. Juge en cause de foi, je dois plutôt chercher le salut de cette femme que sa mort.

Le cardinal fit taire son chapelain[871].

On rapporte que le comte de Warwick, s'avançant vers les juges, se plaignit à eux de ce qu'ils avaient fait et ajouta:

—Le roi est mal servi, puisque Jeanne échappe.

Et l'on assure que l'un d'eux répondit:

—Messire, n'ayez cure; nous la rattraperons bien[872].

Il est peu croyable qu'il s'en soit trouvé un seul pour le dire; mais, sans doute, plusieurs, dès ce moment, le pensaient.

Quel mépris devait éprouver l'évêque de Beauvais pour ces esprits obtus, incapables de comprendre le service qu'il rendait à la vieille Angleterre en obligeant cette fille à reconnaître que tout ce qu'elle avait déclaré et soutenu à l'honneur de son roi n'était que mensonge et illusion.

Avec une plume que Massieu lui tendit, Jeanne fit une croix au bas de la cédule[873].

Monseigneur de Beauvais lut, au milieu des grognements et des jurements des Anglais, la sentence la (p. 371) plus miséricordieuse. Par cette sentence, Jeanne était relevée de l'excommunication, réconciliée avec notre sainte mère l'Église[874].

De plus la sentence portait:

..........................

«... Parce que tu as péché témérairement envers Dieu et envers la sainte Église, nous, juges, pour que tu fasses une pénitence salutaire, notre clémence et notre modération étant sauves, nous te condamnons finalement et définitivement à la prison perpétuelle, avec le pain de douleur et l'eau d'angoisse, de telle sorte que là tu pleures tes fautes et n'en commettes plus qui soient à pleurer[875]

..........................

Cette peine, comme toutes les autres peines, excepté la mort et la mutilation des membres, était dans les pouvoirs des juges d'Église et ils la prononçaient si fréquemment que, dans les premiers temps de la sainte inquisition, les pères du concile de Narbonne disaient que les pierres et le mortier allaient manquer avec l'argent[876]. C'était une peine, sans doute, mais une peine qui différait par son caractère et sa signification des peines infligées par la justice laïque; c'était une pénitence. Selon la justice ecclésiastique, toute miséricordieuse, la prison était un lieu favorable où le condamné (p. 372) faisait, en mangeant le pain de douleur et en buvant l'eau de tribulation, une pénitence perpétuelle. Insensé celui qui, refusant d'y entrer ou s'en échappant, rejetait cette médecine salutaire! Il s'évadait ainsi du doux tribunal de la pénitence, et l'Église, avec tristesse, le retranchait de la communion des fidèles. En prononçant cette peine, qu'un bon catholique devait nommer plutôt un bien, monseigneur l'évêque et monseigneur le sacré vicaire de l'inquisition se conformaient à l'usage de notre sainte mère l'Église dans sa réconciliation avec les hérétiques. Mais étaient-ils en état de faire exécuter leur sentence? La prison à laquelle ils avaient condamné Jeanne, la prison expiatoire, l'emmurement salutaire, c'était la chartre d'église, les cachots de l'officialité. Pouvaient-ils l'y placer?

Jeanne, se tournant vers eux, leur dit:

—Or ça, entre vous gens d'Église, menez-moi en vos prisons et que je ne sois plus entre les mains des Anglais[877].

Plusieurs de ces clercs le lui avaient promis[878]; ils l'avaient trompée; ils savaient que ce n'était pas possible, les gens du roi d'Angleterre ayant stipulé de reprendre Jeanne après le procès[879].

Le seigneur évêque donna cet ordre:

—Menez-la où vous l'avez prise[880].

(p. 373) Juge d'Église, il commettait le crime de livrer sa fille réconciliée, sa fille pénitente, à des laïques parmi lesquels elle ne pourrait pleurer ses péchés, et qui, en haine de son corps, au mépris de son âme, la devaient tenter et faire retomber dans sa faute.

Tandis que Jeanne était ramenée en charrette à la tour sur les champs, les soldats l'insultaient et leurs chefs les laissaient faire[881].

Cependant, le vicaire inquisiteur, assisté de plusieurs docteurs et maîtres, se rendit dans la prison et exhorta Jeanne charitablement. Elle promit de mettre des vêtements de femme et se laissa raser la tête[882].

Madame la duchesse de Bedford, sachant que Jeanne était vierge, veillait à ce qu'elle fût traitée avec respect[883]. Comme naguère les dames de Luxembourg, elle s'efforçait de lui faire reprendre les habits de son sexe. Elle lui avait fait faire, par un tailleur nommé Jeannotin Simon, une robe que Jeanne avait jusque-là refusé de mettre. Jeannotin apporta le vêtement féminin à la prisonnière qui, cette fois, ne le refusa pas. En le lui passant, Jeannotin lui prit doucement le sein. Elle se fâcha et lui donna un soufflet[884].

Au surplus, elle consentit à porter la robe donnée par la duchesse.

(p. 374) CHAPITRE XIV
LA CAUSE DE RELAPSE. — SECONDE SENTENCE. — MORT DE LA PUCELLE.

Le dimanche suivant, dimanche de la Trinité, une rumeur court du château jusqu'aux ruelles où les clercs avaient leurs maisons pointues dans l'ombre de la cathédrale: «Jeanne a repris l'habit d'homme.» Aussitôt notaires et assesseurs se rendent à la tour du côté des champs. Une centaine d'hommes d'armes, qui se trouvaient dans le bayle, les accueillent par des vociférations et des menaces. Ces trognes ne comprennent pas encore que les juges ont conduit le procès à l'honneur de la vieille Angleterre et à la honte des Français, puisqu'ils ont amené la Pucelle des Armagnacs, pourtant si opiniâtre dans ses dires, à confesser ses impostures et qu'on sait maintenant, par le monde, que Charles de Valois fut mené à son sacre par une hérétique. Mais non! ces brutes n'auront de cesse qu'ils (p. 375) ne voient brûler une pauvre fille prisonnière, qui leur a fait peur. Ils traitent les docteurs et maîtres de faux traîtres, de faux conseillers et d'Armagnacs[885].

Maître André Marguerie, bachelier en décrets, archidiacre de Petit-Caux, conseiller du roi[886], s'enquiert, dans le bayle, de ce qui est arrivé. Il s'était montré fort assidu au procès de la Pucelle, qu'il jugeait une fille très rusée[887]; encore voulait-il apprécier en connaissance de cause.

—Ce n'est pas tout que de voir Jeanne vêtue de l'habit d'homme, dit-il. Il faut en outre connaître les motifs qui le lui ont fait reprendre.

Maître André Marguerie était un orateur habile, une des lumières du concile de Constance; mais, un homme d'armes ayant levé contre lui sa hache, en lui criant: «Traître, Armagnac!», il ne demanda plus rien et s'alla mettre au lit, très malade[888].

Ces clercs inflexibles, qui tenaient tête aux rois et faisaient la leçon au pape, craignaient les coups. On ne procéda pas judiciairement ce jour-là, de peur des horions et par égard pour la solennité du jour.

Le lendemain, lundi 28, monseigneur de Beauvais et le vicaire inquisiteur, accompagnés de plusieurs docteurs et maîtres, se rendirent au château. Messire (p. 376) Guillaume Manchon, le greffier, y fut mandé. Sa couardise était telle, qu'il ne se risqua que sous la conduite d'un homme d'armes du comte de Warwick[889]. Ils trouvèrent Jeanne vêtue de l'habit d'homme, gippon et robe courte; un chaperon couvrait sa tête rasée. Elle avait le visage plein de larmes et défiguré par une horrible douleur[890].

On lui demanda quand et pourquoi elle avait repris cet habit.

Elle répondit:

—J'ai naguère repris l'habit d'homme et laissé l'habit de femme.

—Pourquoi l'avez-vous pris et qui vous l'a fait prendre?

—Je l'ai pris de ma volonté, sans nulle contrainte. J'aime mieux l'habit d'homme que de femme.

—Vous aviez promis et juré de ne point reprendre l'habit d'homme.

—Oncques n'entendis que j'eusse fait serment de ne le point prendre.

—Pour quelle cause l'avez-vous repris?

—Pour ce qu'il m'est plus licite de le reprendre et avoir habit d'homme, étant entre les hommes, que d'avoir habit de femme... Je l'ai repris pour ce qu'on ne m'a point tenu ce qu'on m'avait promis, c'est à (p. 377) savoir que j'irais à la messe et recevrais mon Sauveur, et qu'on me mettrait hors de fers.

—Avez-vous abjuré mêmement de ne pas reprendre cet habit?

—J'aime mieux à mourir que d'être aux fers. Mais si on me veut laisser aller à la messe et ôter hors des fers, et mettre en prison gracieuse, et que j'aie une femme, je serai bonne et ferai ce que l'Église voudra.

—Depuis jeudi n'avez-vous point ouï vos Voix?

—Oui.

—Que vous ont-elles dit?

—Elles m'ont dit que Dieu m'a mandé par saintes Catherine et Marguerite la grande pitié de la trahison que je consentis en faisant l'abjuration et révocation pour sauver ma vie, et que je me damnais pour sauver ma vie. Avant jeudi mes Voix m'avaient dit ce que je ferais, et ce que je fis ce jour. Mes Voix me dirent, en l'échafaud, que je répondisse à ce prêcheur hardiment. C'est un faux prêcheur. Il a dit plusieurs choses que je n'ai point faites. Si je disais que Dieu ne m'a envoyée, je me damnerais. Vrai est que Dieu m'a envoyée. Mes Voix m'ont dit depuis que j'avais fait grande mauvaiseté de confesser que je n'eusse point bien fait. De peur du feu, j'ai dit ce que j'ai dit[891].

Ainsi parla Jeanne, douloureusement. Dès lors que deviennent ces propos de cloître et de sacristie, ces (p. 378) histoires de viols rapportés plus tard par un greffier et deux religieux[892]? Et comment messire Massieu nous fera-t-il croire que Jeanne, ne trouvant pas ses jupes, qu'on lui avait ôtées, passa des chausses pour aller à la selle, ne voulant pas se montrer nue devant ses gardiens[893]? La vérité est tout autre, et c'est Jeanne qui la confesse avec courage et simplicité. Elle se repentait de son abjuration, comme du plus grand péché qu'elle eût fait en sa vie, elle ne se pardonnait pas d'avoir menti de peur de mourir. Ses Voix qui, avant le prêche de Saint-Ouen, lui avaient prédit qu'elle les renierait, vinrent lui dire «la grande pitié de sa trahison». Pouvaient-elles parler autrement, puisqu'elles étaient les voix de son cœur? Et Jeanne pouvait-elle ne pas les entendre comme elle les avait entendues chaque fois qu'elles lui avaient conseillé le sacrifice et l'offre d'elle-même? Elle avait repris l'habit d'homme pour rentrer dans l'obéissance de son Conseil céleste, parce qu'elle ne voulait pas racheter sa vie en reniant l'ange et les saintes, et parce qu'enfin, de corps et de consentement, elle abjurait son abjuration.

Cela, toutefois, reste à la charge des Anglais, qu'ils lui avaient laissé ses habits d'homme. Il y aurait eu plus d'humanité à les lui prendre, puisqu'elle ne pouvait les remettre sans se faire mourir. On les lui avait enveloppés (p. 379) dans un sac[894]. Et même ses gardiens peuvent-ils être soupçonnés de l'avoir tentée en lui plaçant sous les yeux ces hardes auxquelles elle attachait des idées heureuses. Le peu de bien qu'elle avait en ce monde et jusqu'à sa pauvre bague de laiton, on lui avait tout ôté; on ne lui laissait que cet habit, qui était sa mort.

Cela encore reste à la charge des juges ecclésiastiques, qu'ils ne devaient pas la condamner à la prison, s'ils prévoyaient qu'ils ne la pourraient mettre aux prisons d'Église, ni lui ordonner une pénitence qu'ils savaient qu'ils ne pourraient lui infliger. Cela reste à la charge de l'évêque de Beauvais et du vice-inquisiteur qu'après avoir, pour le bien de cette âme pécheresse, prescrit le pain d'amertume et l'eau d'angoisse, ils ne lui donnèrent ni cette eau ni ce pain, mais la livrèrent déshonorée à ses cruels ennemis.

En prononçant ces paroles: «Dieu m'a mandé par saintes Catherine et Marguerite la grande pitié de la trahison que je consentis», Jeanne consomma le sacrifice de sa vie[895].

L'évêque et l'inquisiteur n'avaient plus qu'à procéder conformément à la loi. Pourtant l'interrogatoire dura quelques instants encore.

—Croyez-vous que vos Voix soient sainte Marguerite et sainte Catherine?

(p. 380) —Oui, et de Dieu.

—Dites-nous la vérité touchant la couronne.

—De tout je vous ai dit la vérité au procès, le mieux que j'ai su.

—En l'échafaud, devant nous juges et autres, devant le peuple, quand vous avez abjuré, vous avez reconnu que vous vous étiez vantée mensongèrement que ces Voix étaient celles des saintes Catherine et Marguerite.

—Je ne l'entendais point ainsi faire ou dire. Je n'ai point dit ou entendu révoquer mes apparitions, c'est à savoir que ce fussent saintes Marguerite et Catherine. Et tout ce que j'ai fait, c'est de peur du feu et n'ai rien révoqué que ce ne soit contre la vérité. J'aime mieux faire ma pénitence en une fois, c'est à savoir à mourir, qu'endurer plus longuement peine en chartre. Je ne fis oncques chose contre Dieu ou la foi, quelque chose qu'on m'ait fait révoquer. Ce qui était en la cédule de l'abjuration, je ne l'entendais point. Alors, je n'en entendais point révoquer quelque chose, à moins qu'il ne plût à Notre-Seigneur. Si les juges veulent, je reprendrai habit de femme. Pour le reste, je n'en ferai autre chose[896].

Sortant de la prison, monseigneur de Beauvais rencontra le comte de Warwick en nombreuse compagnie; il lui dit, moitié en anglais moitié en français: «Farewell. Faites bonne chère.» On veut qu'il ait (p. 381) ajouté en riant: «C'est fait! Elle est prise[897].» Tout cela sans doute était son œuvre, mais il n'est pas sûr qu'il ait ri.

Le lendemain, mardi 29, il réunit le tribunal dans la chapelle de l'archevêché. Les quarante-deux assesseurs présents furent instruits de ce qui s'était passé la veille et invités à donner leur avis, qui ne pouvait être douteux[898]. Tout hérétique qui rétractait sa confession était tenu pour parjure, non seulement impénitent, mais relaps. Et les relaps étaient abandonnés au bras séculier[899].

Maître Nicolas de Venderès, chanoine, archidiacre, opina le premier:

—Jeanne est et doit être censée hérétique. Il faut la laisser à la justice séculière[900].

Le seigneur abbé de Fécamp s'exprima en ces termes:

—Jeanne est relapse. Toutefois, il est bon que la cédule, qui lui a été lue, lui soit relue encore une fois et, qu'en même temps, on lui rappelle la parole de Dieu. La sentence une fois portée par les juges, il faudra laisser Jeanne à la justice séculière en la priant d'agir avec douceur[901].

(p. 382) Cette prière d'agir avec douceur était une clause de style; si le prévôt de Rouen en avait tenu compte, il aurait été aussitôt excommunié, sans préjudice des peines temporelles[902]. Toutefois, quelques conseillers spécifièrent qu'il n'y avait pas lieu à supplication miséricordieuse, écartant ainsi jusqu'à l'ombre et au simulacre de la pitié.

Maître Guillaume Erard et plusieurs autres assesseurs, parmi lesquels maîtres Marguerie, Loiseleur, Pierre Maurice, frère Martin Ladvenu, opinèrent comme le seigneur abbé de Fécamp[903].

Maître Thomas de Courcelles ajouta qu'il fallait que cette femme fût encore charitablement admonestée au sujet du salut de son âme.

Et ce fut aussi l'opinion de frère Isambart de la Pierre[904].

Le seigneur évêque, ayant recueilli les avis, conclut qu'il devait être procédé contre Jeanne comme relapse. En conséquence, il l'assigna à comparaître le lendemain, 30 mai, sur la place du Vieux-Marché[905].

Ce mercredi 30 mai, dans la matinée, les deux jeunes frères prêcheurs, bacheliers en théologie, frère Martin Ladvenu et frère Isambart de la Pierre, se (p. 383) rendirent auprès d'elle, sur l'ordre de monseigneur de Béarnais. Frère Martin lui annonça qu'elle devait mourir ce jour-là.

À l'approche de cette mort cruelle et dans le silence de ses Voix, elle comprit enfin qu'elle ne serait pas sauvée, et, cruellement éveillée de son rêve, sentant à la fois la terre et le Ciel lui manquer, elle tomba dans un profond désespoir.

—Hélas! s'écria-t-elle, me traitera-t-on aussi horriblement et cruellement qu'il faille que mon corps net et entier, qui ne fut jamais corrompu, soit aujourd'hui consumé et réduit en cendres? Ah! ah! j'aimerais mieux être décapitée sept fois que d'être ainsi brûlée. Hélas! si j'eusse été en la prison ecclésiastique à laquelle je m'étais soumise, et que j'eusse été gardée par les gens d'Église, non par mes ennemis et adversaires, il ne me fût pas si misérablement arrivé malheur. Oh! j'en appelle devant Dieu, le grand juge, des grands torts et ingravances qu'on me fait[906].

Comme elle se lamentait, les docteurs et maîtres Nicolas de Venderès, Pierre Maurice et Nicolas Loiseleur entrèrent dans la prison; ils venaient sur l'ordre de monseigneur de Beauvais. La veille, trente-neuf conseillers sur quarante-deux, en déclarant que Jeanne était relapse, avaient ajouté qu'ils estimaient bon de lui remémorer les termes de sa rétractation[907]. Et, pour déférer (p. 384) aux vœux de ces clercs, le seigneur évêque avait envoyé quelques savants docteurs auprès de la relapse et résolu de s'y rendre lui-même.

Elle dut subir un dernier interrogatoire.

—Croyez-vous que vos Voix et apparitions procèdent de bons ou de mauvais esprits?

—Je ne sais; je m'en attends à ma mère l'Église[908].

Maître Pierre Maurice, qui lisait Térence et Virgile, se sentait de la pitié pour cette pauvre Pucelle. La veille, il l'avait déclarée relapse parce que sa science théologique l'y obligeait; et maintenant, il prenait souci du salut de cette âme en péril, qui ne pouvait être sauvée qu'en reconnaissant la fausseté de ses Voix.

—Sont-elles bien réelles? demanda-t-il.

Elle répondit:

—Soit bons, soit mauvais, ils me sont apparus.

Elle affirma qu'elle avait vu de ses yeux, entendu de ses oreilles les Voix et les apparitions dont on avait parlé au procès.

Elle les entendait surtout, disait-elle, à l'heure de complies et de matines, quand sonnaient les cloches[909].

Maître Pierre Maurice ne pouvait professer la philosophie pyrrhonienne, comme un secrétaire de pape; mais il était enclin à interpréter raisonnablement les (p. 385) phénomènes de la nature, si l'on en juge par cette observation qu'il fit alors, que souvent, en écoutant les cloches, on croit entendre des paroles.

Sans rien dire de précis sur la figure de ses apparitions, Jeanne expliqua qu'elles lui venaient en grande multitude et toutes petites. Elle n'y croyait plus, voyant bien qu'elles l'avaient déçue.

Maître Pierre Maurice lui demanda ce qu'il en était de l'ange qui avait apporté la couronne.

Elle répondit qu'il n'y avait jamais eu d'autre couronne que la couronne promise par elle à son roi, et que l'ange, c'était elle[910].

À ce moment, le seigneur évêque de Beauvais et le vicaire inquisiteur entrèrent dans la prison, accompagnés de maître Thomas de Courcelles et de maître Jacques Lecamus.

À la vue du juge qui l'avait mise au point où elle en était, elle cria:

—Évêque, je meurs par vous!

Pour réponse, il lui adressa de pieuses remontrances:

—Ah! Jeanne, prenez tout en patience, vous mourrez parce que vous n'avez pas tenu ce que vous nous aviez promis et que vous êtes retournée à votre premier maléfice[911]. Or, ça, Jeanne, lui demanda-t-il, vous nous avez toujours dit que vos Voix vous promettaient votre délivrance, et vous voyez maintenant comment (p. 386) elles vous ont déçue; dites-nous maintenant la vérité.

Elle répondit:

—Vraiment, je vois bien qu'elles m'ont déçue[912].

L'évêque et le vicaire inquisiteur se retirèrent. Ils étaient venus à bout d'une pauvre fille de vingt ans.

«Si les hérétiques se repentent après leur condamnation et que les signes de leur repentir soient manifestes, on ne peut leur refuser les sacrements de pénitence et d'eucharistie, en tant qu'ils les demanderont avec humilité[913].» Ainsi disposaient les sacrées décrétales. Mais aucune rétractation, aucune assurance de la conformité de sa foi avec celle de l'Église ne pouvait sauver le relaps. On lui accordait la confession, l'absolution et la communion; c'est-à-dire qu'au forum du sacrement, on croyait à la sincérité de son repentir et de sa conversion. En même temps on lui déclarait que juridiquement on ne le croyait pas et que, par conséquent, il lui fallait mourir[914].

Frère Martin Ladvenu entendit Jeanne en confession. Puis il envoya messire Massieu, l'huissier, auprès de monseigneur de Beauvais, pour lui faire savoir qu'elle demandait qu'on lui donnât le corps de Jésus-Christ.

L'évêque réunit à ce sujet quelques docteurs; et, sur leur délibération, il répondit à l'huissier:

(p. 387) —Vous direz à frère Martin de lui donner la communion et tout ce qu'elle demandera.

Messire Massieu revint au château aviser frère Martin de cette réponse. Frère Martin entendit une seconde fois Jeanne en confession et lui administra le sacrement de pénitence[915].

Un clerc nommé Pierre apporta le corps de Notre-Seigneur, mais d'une façon irrévérencieuse, sur une patène enveloppée du linge dont on couvre le calice, sans lumières, sans cortège, sans surplis et sans étole[916].

Frère Martin, mal satisfait, envoya quérir une étole et des cierges.

Puis, prenant entre ses doigts l'hostie consacrée et la présentant à Jeanne:

—Croyez-vous que ce soit le corps du Christ?

—Oui, et celui-là seul qui me peut délivrer.

Et elle pria qu'il lui fût administré.

L'officiant demanda:

—Croyez-vous encore à vos Voix?

—Je crois seulement en Dieu et ne veux plus ajouter foi à ces Voix qui m'ont ainsi déçue[917].

Et elle reçut le corps de Notre-Seigneur très dévotement et en pleurant d'abondantes larmes.

Puis elle fit à Dieu, à la Vierge Marie et aux saints de belles et dévotes oraisons et donna de grands signes (p. 388) de pénitence, dont les personnes présentes furent touchées jusqu'aux larmes[918].

Elle dit, contrite et dolente, à maître Pierre Maurice[919]:

—Maître Pierre, où serai-je ce soir?

—N'avez-vous pas bonne espérance dans le Seigneur? demanda le chanoine.

—Oui, Dieu aidant, je serai en paradis[920].

Maître Nicolas Loiseleur l'exhorta à extirper l'erreur qu'elle avait semée dans le peuple.

—Il faut pour cela que vous déclariez en public que vous avez été abusée et avez abusé le peuple, et que vous en demandiez humblement pardon.

Mais, craignant de ne pas se le rappeler comme il faudrait, quand elle serait en jugement public, elle demanda à frère Martin de le lui remettre alors en mémoire, ainsi que les autres choses concernant son salut[921].

Maître Loiseleur s'en alla en donnant les signes d'une douleur extravagante, et, marchant comme fou dans les rues, se fit huer par les Godons[922].

(p. 389) Il était environ neuf heures du matin quand Jeanne, tirée avec frère Martin et messire Massieu hors de la prison où elle était enchaînée depuis cent soixante-dix-huit jours, fut mise dans une charrette et menée, entre une escorte de quatre-vingts hommes d'armes, à travers les rues étroites, à la place du Vieux-Marché, assez près de la rivière[923]. Cette place était resserrée entre une halle de bois, la halle de la boucherie, à l'est, et les aîtres Saint-Sauveur à l'ouest, c'est-à-dire le cimetière qui bordait, du côté de la place, l'église Saint-Sauveur[924]. On avait élevé trois échafauds en cet endroit, l'un contre le pignon nord de la halle, et, en les montant, on avait rompu plusieurs tuiles du toit[925]. C'est sur cet échafaud que Jeanne devait être exposée et prêchée. Un autre échafaud, plus vaste, se dressait sur le cimetière. Les juges y devaient siéger, avec les prélats[926]. Pour prononcer les condamnations en matière de foi, qui étaient des actes de juridiction ecclésiastique, l'inquisiteur et l'ordinaire choisissaient de préférence (p. 390) un territoire consacré, un sol bénit. Il est vrai qu'une bulle du pape Lucius interdisait de prononcer des sentences de mort dans les églises et les cimetières; mais les juges éludaient cette prescription, en recommandant au bras séculier de modérer sa sentence. Le troisième échafaud, situé en face de celui-là, sur le milieu de la place, au lieu ordinaire des exécutions, était de plâtre et chargé de bois, le bûcher. À l'estache qui le surmontait un écriteau était cloué portant ces mots:

«Jehanne qui s'est faict nommer la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse du peuple, divineresse, superstitieuse, blasphemeresse de Dieu, presumptueuse, malcreant de la foy de Jhésucrist, vanteresse, ydolatre, cruelle, dissolue, invocateresse de diables, apostate, scismatique et hérétique[927]

La place était gardée par cent soixante hommes d'armes d'Angleterre. Une foule de curieux se pressait derrière les soldats; les fenêtres regorgeaient de spectateurs et les toits en étaient couverts. Jeanne fut hissée sur l'échafaud adossé au pignon de la halle. Elle portait une robe longue; sa tête était couverte d'un chaperon[928]. Maître Nicolas Midi, docteur en théologie, monta sur le même ambon et se mit à la prêcher[929]. Il avait pris pour texte de son sermon la parole de l'Apôtre dans la première épître aux Corinthiens: «Si (p. 391) un membre souffre, tous les membres souffrent.» Jeanne ouït patiemment le sermon[930].

Puis monseigneur de Beauvais, en son nom et au nom du vicaire inquisiteur, prononça la sentence.

Il décréta Jeanne hérétique et relapse.

... «Nous décidons que toi, Jeanne, membre pourri dont nous voulons empêcher que l'infection ne se communique aux autres membres, tu dois être rejetée de l'unité de l'Église, tu dois être arrachée de son corps, tu dois être livrée à la puissance séculière; et nous te rejetons, nous t'arrachons, nous t'abandonnons, priant que cette même puissance séculière, en deçà de la mort et de la mutilation des membres, modère envers toi sa sentence[931]...»

Par cette formule, le juge d'Église s'ôtait par avance toute part dans la mort violente d'une créature: Ecclesia abhorret a sanguine[932]. Mais chacun savait ce que valait cette prière et que si, par impossible, le magistrat y eût cédé, il aurait encouru les mêmes peines que l'hérétique. À ce moment, la ville de Rouen eût appartenu au roi Charles, que le roi Charles lui-même n'eût pu sauver la Pucelle du bûcher.

La sentence prononcée, Jeanne poussa des soupirs à fendre les cœurs. Tout pleurant, elle se mit à genoux, recommanda son âme à Dieu, à Notre-Dame, aux benoîts (p. 392) saints du paradis, dont elle désigna nommément plusieurs. Elle demanda merci très humblement à toute manière de gens, de quelque condition ou état qu'ils fussent, tant de l'autre parti que du sien, requérant qu'ils voulussent lui pardonner le mal qu'elle leur avait fait et prier pour elle. Elle demanda pardon à ses juges, aux Anglais, au roi Henri, aux princes anglais du royaume. S'adressant à tous les prêtres là présents, elle pria que chacun d'eux voulût bien dire une messe pour le salut de son âme[933].

Ainsi, durant une demi-heure, elle exprima, dans les pleurs et les gémissements, les sentiments d'humilité et de contrition que les clercs lui avaient inspirés[934].

Cependant, elle songeait encore à défendre l'honneur de ce gentil dauphin qu'elle avait tant aimé.

On l'entendit qui disait:

—Je n'ai jamais été induite par mon roi à faire ce que j'ai fait, soit bien, soit mal[935].

Beaucoup pleuraient. Quelques Anglais riaient. Les capitaines ne comprenant rien à ces cérémonies édifiantes de la justice d'Église, plusieurs s'impatientèrent et, voyant messire Massieu qui, sur l'ambon, exhortait Jeanne à faire une bonne fin, ils lui crièrent:

—Quoi donc? prêtre, nous feras-tu dîner ici[936]?

(p. 393) À Rouen, quand un hérétique était abandonné au bras séculier, l'usage était de le conduire au conseil de la ville, qu'on nommait la cohue, pour lui signifier sa sentence[937]. On n'observa pas ces formes à l'égard de Jeanne. Le bailli, messire Le Bouteiller, qui était présent, fit un signe de la main et dit: «Menez, menez[938]!» Aussitôt deux sergents du roi la tirèrent en bas de l'échafaud et la placèrent dans la charrette qui attendait. On coiffa sa tête rasée d'une grande mitre de papier sur laquelle ces mots étaient écrits: «Hérétique, relapse, apostate, idolâtre» et on la remit au bourreau[939].

Un témoin l'entendit qui disait:

—Ah! Rouen, j'ai grand'peur que tu n'aies à souffrir de ma mort[940].

C'était donc qu'elle se croyait encore l'envoyée du Ciel et l'ange du royaume de France. Et il est possible que l'illusion cruellement arrachée soit revenue au dernier instant l'envelopper de ses voiles bienfaisants. Il semble toutefois qu'elle était brisée et qu'il ne (p. 394) subsistait plus en elle qu'une infinie horreur de mourir et la piété d'un enfant.

Les juges d'Église eurent à peine le temps de descendre pour fuir un spectacle dont ils n'auraient pu être témoins sans encourir l'irrégularité. Ils pleuraient tous; le seigneur évêque de Thérouanne, chancelier d'Angleterre, avait les yeux pleins de larmes; le cardinal de Winchester, qui n'entrait jamais dans une église, disait-on, que pour y demander à Dieu la mort d'un ennemi[941], avait pitié de cette fille si contrite et si désolée; maître Pierre Maurice, ce chanoine qui lisait l'Énéide, ne retenait pas ses pleurs. Tous les prêtres qui l'avaient livrée au bourreau étaient édifiés de la voir faire une fin si sainte; c'est ce que voulait dire maître Jean Alespée, quand il soupirait: «Je voudrais que mon âme fût où je crois qu'est l'âme de cette femme[942]

Il faisait application à cette malheureuse créature et à lui-même de cette strophe de la prose des morts:

Qui Mariam absolvisti,
Mihi quoque spem dedisti
[943].

Et sans doute il n'en pensait pas moins qu'elle s'était elle-même mise dans le cas de mourir par ses hérésies et son opiniâtreté.

(p. 395) Les deux jeunes frères prêcheurs et l'huissier Massieu accompagnèrent Jeanne au bûcher.

Elle demanda une croix. Un Anglais lui en fit une petite avec deux morceaux de bois et la lui donna. Elle la reçut dévotement, la baisa et la mit sur son sein, entre sa chair et ses vêtements. Puis elle supplia frère Isambart d'aller à l'église voisine chercher une croix, de la lui apporter et de la tenir dressée devant elle, afin que la croix où Dieu pendit fût, elle vivante, continuellement offerte à sa vue. Massieu la fit demander au clerc de Saint-Sauveur, qui l'apporta. Jeanne embrassa cette croix bien étroitement et longuement en pleurant, et ses mains la pressèrent tant qu'elles furent libres[944].

Pendant qu'on la liait à l'estache, elle invoquait spécialement saint Michel et il n'y avait plus là, du moins, d'interrogateur pour lui demander si c'était vraiment celui qu'elle voyait dans le jardin de son père. Elle pria aussi sainte Catherine[945].

Quand elle vit mettre le feu au bûcher, elle cria d'une voix forte «Jésus!» Elle répéta ce nom plus de six fois[946]. On l'entendit aussi qui demandait de l'eau bénite[947].

D'ordinaire, le bourreau, pour abréger les souffrances du patient, l'étouffait dans une épaisse fumée avant que les flammes eussent monté; mais l'exécuteur de (p. 396) Rouen éprouvait un grand trouble à l'idée des prodiges accomplis par cette pucelle et il pouvait difficilement atteindre jusqu'à elle, parce que le bailli avait fait construire en plâtre un échafaud trop élevé. Il jugea lui-même, bien que fort endurci, qu'elle souffrait une trop cruelle mort[948].

Jeanne prononça une fois encore le nom de Jésus, inclina la tête et rendit l'esprit[949].

Une fois qu'elle fut morte, le bailli ordonna au bourreau d'écarter les flammes afin qu'on pût voir que la prophétesse des Armagnacs ne s'était point échappée avec l'aide du diable ou autrement[950]. Puis, quand ce pauvre corps noirci eut été offert en spectacle au peuple, l'exécuteur, pour le réduire en cendres, jeta sur le bûcher de l'huile, du soufre et du charbon.

En ces sortes de supplices, la combustion des chairs était rarement complète[951]. Dans les cendres éteintes, le cœur et les entrailles se retrouvèrent intacts. De peur qu'on ne vînt à recueillir les restes de Jeanne pour en faire des sorcelleries ou quelques maléfices[952], le bailli les fit jeter dans la Seine[953].

(p. 397) CHAPITRE XV
APRÈS LA MORT DE LA PUCELLE. — LA FIN DU BERGER. — LA DAME DES ARMOISES.

Après l'exécution, le soir, le bourreau, geignant et sans doute ivre, alla, selon sa coutume, mendier au couvent des frères prêcheurs. Cette brute se plaignait d'avoir eu grand mal à expédier Jeanne. Selon une fable imaginée plus tard, il aurait dit aux religieux qu'il craignait d'être damné pour avoir brûlé une sainte[954]. S'il avait tenu ce propos dans la maison du vicaire inquisiteur, il aurait été immédiatement jeté dans un cul de basse-fosse, jugé en matière de foi et en grand danger d'être traité comme celle qu'il nommait une sainte. Et comment n'eût-il pas cru que cette femme, condamnée par le bon père Lemaistre et monseigneur de Beauvais, était une mauvaise femme? La vérité est qu'il se faisait auprès des religieux un mérite d'avoir exécuté une sorcière, et d'y avoir peiné, (p. 398) et il venait chercher son pot-de-vin. Un religieux, et précisément un frère prêcheur, frère Pierre Bosquier, s'oublia jusqu'à dire qu'on avait mal fait en condamnant la Pucelle. Bien qu'il eût parlé devant un petit nombre de personnes, ses propos furent dénoncés à l'inquisiteur général. Mis en accusation, frère Pierre Bosquier déclara en toute humilité que ses paroles étaient de tous points déraisonnables et sentant l'hérésie, qu'elles lui avaient échappé inconsidérément après boire. Il en demanda pardon à genoux et les mains jointes à notre sainte mère l'Église ainsi qu'à ses juges et seigneurs très redoutables. Eu égard à son repentir, en considération de ce qu'il avait parlé en état d'ivresse, et attendu la qualité de sa personne, monseigneur de Beauvais et le vicaire inquisiteur, usant d'indulgence à l'égard du frère Pierre Bosquier, le condamnèrent, par sentence du 8 août 1431, à tenir prison au pain et à l'eau, dans la maison des frères prêcheurs, jusqu'à Pâques[955].

Les juges et conseillers qui avaient siégé au procès de la Pucelle reçurent, le 12 juin, du Grand Conseil, des lettres de garantie. Était-ce pour le cas où ils seraient inquiétés par la justice de France? Mais ces lettres leur eussent alors fait plus de mal que de bien[956].

La grande chancellerie d'Angleterre expédia des lettres en latin à l'empereur, aux rois et aux princes de (p. 399) la chrétienté, en français aux prélats, ducs, comtes, seigneurs et à toutes les villes de France[957], pour faire savoir que le roi Henri et ses conseillers avaient eu grande pitié de la Pucelle et que, s'ils l'avaient fait mourir, ç'avait été par zèle pour la foi et sollicitude pour tout le peuple chrétien[958].

L'Université de Paris écrivit dans le même sentiment au Saint-Père, à l'empereur et au collège des cardinaux[959].

Le 4 juillet, jour de Saint-Martin-le-Bouillant, maître Jean Graverant, prieur des Jacobins, inquisiteur de la foi, fit, à Saint-Martin-des-Champs, une prédication dans laquelle il rappela tous les faits de Jeanne la Pucelle et dit comment, pour ses erreurs et démérites, elle avait été livrée aux juges laïcs et brûlée vive.

Et il ajouta:

«Elles étaient quatre, dont trois ont été prises, à savoir: cette Pucelle, Pierronne et sa compagne. Et il en reste une avec les Armagnacs, nommée Catherine de La Rochelle.... Frère Richard, le cordelier, qui menait après lui une si grande foule d'hommes lorsqu'il prêchait à Paris aux Innocents et ailleurs, gouvernait ces femmes; il était leur beau père[960]

(p. 400) La Pierronne brûlée à Paris, sa compagne mise au pain d'angoisse et à l'eau d'amertume dans les prisons d'Église, Jeanne brûlée à Rouen, le béguinage royal se trouvait presque entièrement anéanti. Il ne restait auprès du roi que la sainte dame de La Rochelle échappée des mains de l'official de Paris; mais elle s'était rendue importune par l'indiscrétion de son langage[961]. Pendant qu'une si cruelle disgrâce frappait ses pénitentes, le bon frère Richard éprouvait lui-même la mauvaise fortune. Les vicaires de l'évêché de Poitiers et l'inquisiteur de la foi lui avaient interdit la prédication; le grand sermonneur, qui avait opéré tant de conversions dans le peuple chrétien, ne pouvait plus tonner contre les tablettes et les dés des joueurs, contre les hennins des dames et contre les mandragores vêtues d'habillements magnifiques; il ne pouvait plus annoncer la venue de l'Antéchrist ni préparer les âmes aux effroyables épreuves qui devaient précéder la fin prochaine du monde; il avait ordre de garder les arrêts dans le couvent des cordeliers de Poitiers; et sans doute il ne se soumettait pas très docilement à la sentence de ses supérieurs, car le vendredi 23 mars 1431, l'ordinaire et l'inquisiteur demandèrent, à cet effet, aide et confort au parlement de Poitiers, qui ne les refusa pas. Pourquoi ces rigueurs de la sainte Église à l'endroit d'un prêcheur capable de remuer si fort les âmes (p. 401) pécheresses? On en peut tout au moins soupçonner la cause. Il y avait beau temps que les clercs anglais et bourguignons lui criaient à l'apostat et au sorcier. Or, telle était l'unité de l'Église et spécialement la communauté de doctrine qui régnait dans l'Église gallicane, telle était l'autorité de l'Université de Paris, clair soleil de la chrétienté, qu'en se rendant suspect d'hérésie et d'erreur aux yeux des docteurs du parti d'Angleterre et de Bourgogne, un clerc inspirait une extrême défiance au clergé de l'obéissance du roi Charles, même s'il apparaissait que l'Université avait opiné contre lui, touchant la foi catholique, en faveur des Anglais. Très probablement, la condamnation de la Pierronne et même le procès d'inquisition intenté à la Pucelle avaient fait quelque tort au frère Richard dans l'esprit des clercs de Poitiers. Ce bon frère, s'entêtant à prêcher la fin du monde, fut véhémentement soupçonné de mauvaise science. Sachant le sort qu'on lui préparait, il s'enfuit, et dès lors on n'eut plus de ses nouvelles[962].

Toutefois, les conseillers du roi Charles ne renonçaient point à employer aux armées de dévotes personnes. Au moment même où disparaissaient le bon frère Richard et ses pénitentes, ils mettaient en œuvre le jeune berger que monseigneur l'archevêque comte de Reims, chancelier du royaume, avait annoncé comme (p. 402) le successeur miraculeux de Jeanne. Voici dans quelles circonstances le pâtre fut admis à montrer son pouvoir:

La guerre continuait; vingt jours après la mort de Jeanne, les Anglais vinrent à grande puissance reprendre la ville de Louviers. Ils avaient tardé jusque-là, non, comme on l'a dit, qu'ils doutassent de réussir à rien tant que vivrait la Pucelle, mais parce qu'il leur avait fallu du temps pour trouver de l'argent et pour réunir des engins de siège[963]. Dans les mois de juillet et d'août de cette même année 1431, monseigneur de Reims, chancelier de France, et le maréchal de Boussac tenaient, à Senlis et à Beauvais, le parti des Français, et monseigneur de Reims ne pouvait être soupçonné de le tenir mollement, puisqu'il défendait du même coup ses bénéfices, qui lui étaient chers[964]. Les ayant recouvrés par une pucelle, il pensait les garder par un puceau, et il essaya le petit berger des monts Lozère, Guillaume qui, comme saint François d'Assise et sainte Catherine de Sienne, avait reçu les stigmates. Un parti de Français surprit le régent à Mantes et faillit l'enlever. L'alerte fut donnée à l'armée qui assiégeait Louviers; deux ou trois compagnies de gens d'armes s'en détachèrent et coururent à Mantes où elles apprirent (p. 403) que le Régent avait pu gagner Paris. Alors, renforcés par des troupes venues de Gournay et de quelques autres garnisons anglaises, fortes de deux mille hommes environ et commandées par les comtes de Warwick, d'Arundel, de Salisbury, de Suffolk, lord Talbot et sir Thomas Kiriel, les Anglais s'enhardirent au point de marcher sur Beauvais. Instruits de leur venue, les Français sortirent de la ville au point du jour et allèrent à leur rencontre du côté de Savignies, au nombre de huit cents à mille combattants, commandés par le maréchal de Boussac, les capitaines La Hire, Poton, et autres[965].

Le berger Guillaume, qu'ils croyaient envoyé de Dieu, chevauchait à leur tête, se tenant de côté et montrant les plaies miraculeuses de ses mains, de ses pieds, de son flanc gauche[966].

À une lieue environ de la ville, ils furent assaillis de traits au moment où ils s'y attendaient le moins. Les Anglais, avertis par leurs espions de la marche des Français, les avaient guettés derrière un pli de terrain. Maintenant, ils les attaquaient en tête et en queue très âprement. Les deux partis combattaient avec vaillance; il y eut un assez grand nombre de morts, ce qui ne se voyait pas alors dans la plupart des batailles, où l'on ne tuait guère que les fuyards. Mais les Français, se sentant enveloppés, prirent peur (p. 404) et se détruisirent eux-mêmes. La plus grande partie, avec le maréchal de Boussac et le capitaine La Hire, coururent s'enfermer dans la ville de Beauvais; le capitaine Poton et le berger Guillaume restèrent aux mains des Anglais qui, à grand honneur et triomphe, s'en retournèrent à Rouen[967].

Poton était bien sûr d'être mis à rançon, selon l'usage. Le petit berger ne pouvait espérer un semblable traitement; il était suspect d'hérésie et de sorcellerie; il avait séduit le peuple chrétien et rendu les gens idolâtres de lui. Les marques de la passion de Notre-Seigneur qu'il portait sur lui ne lui étaient d'aucun secours; au contraire, ce que les Français tenaient pour empreintes divines semblait aux Anglais marques diaboliques.

Comme la Pucelle, Guillaume avait été pris sur le diocèse de Beauvais. Le seigneur évêque de cette ville, messire Pierre Cauchon, qui avait réclamé Jeanne, réclama pareillement Guillaume, pour lui faire son procès, et le berger, obtenant ce qui avait été refusé à la Pucelle, fut mis dans les prisons ecclésiastiques[968]. Il semblait moins difficile à garder et surtout moins précieux. Mais les Anglais venaient d'apprendre ce que c'était qu'un procès d'inquisition; ils savaient maintenant que c'était long et solennel. L'avantage ne leur (p. 405) apparaissait pas de convaincre ce berger d'hérésie. Si les Français avaient mis en lui comme en Jeanne l'espérance d'être heureux à la guerre[969], cette espérance avait été courte. Faire honte et vergogne aux Armagnacs de leur puceau en montrant qu'il venait du diable, le jeu n'en valait pas la chandelle. Le petit berger fut conduit à Rouen, puis à Paris[970].

Il était prisonnier depuis quatre mois, quand le roi Henri VI, âgé de neuf ans, fit son entrée à Paris, où il devait être couronné, en l'église Notre-Dame, des deux couronnes de France et d'Angleterre. Cette entrée fut célébrée le dimanche 16 décembre, à grand'pompe et à grand'liesse. On avait construit sur le passage du cortège, rue du Ponceau-Saint-Denys, une fontaine ornée de trois sirènes au milieu desquelles s'élevait une grande tige de lis qui jetait par les fleurs et les boutons des ruisseaux de vin et de lait. La foule se précipitait pour y boire. Autour de la vasque, des hommes déguisés en sauvages amusaient le peuple par des jeux et des simulacres de combats.

Depuis la porte Saint-Denys jusqu'à l'hôtel Saint-Paul au Marais, le roi enfant chevaucha sous un grand ciel d'azur, semé de fleurs de lis d'or, porté d'abord par les quatre échevins, en chaperon et vêtus de vermeil, puis par les corporations, drapiers, épiciers, changeurs, orfèvres et bonnetiers.

(p. 406) Il était précédé par vingt-cinq hérauts et vingt-cinq trompettes, par de très beaux hommes et de très belles dames qui, vêtus d'armures magnifiques et portant de grands écus, représentaient les neuf preux et les neuf preuses, et par nombre de chevaliers et d'écuyers. Dans ce brillant cortège paraissait le petit berger Guillaume, qui n'étendait plus les bras pour montrer sur ses mains les plaies de la passion: car il était lié de bonnes cordes[971].

Après la cérémonie, il fut reconduit dans sa prison; puis on l'en tira pour le coudre dans un sac et le jeter dans la Seine[972].

Il fut admis chez les Français, que Guillaume n'avait point mission de Dieu et qu'il était tout sot[973].

En l'an 1433, le connétable, aidé par la reine de Sicile, fit enlever et assassiner le sire de la Trémouille. C'était l'usage princier de donner des conseillers au roi Charles et de les tuer ensuite. Le sire de la Trémouille avait un si gros ventre que la lame s'y perdit dans la graisse sans autrement l'atteindre; mais il était tué dans son crédit; le roi Charles souffrit le connétable comme il avait souffert le sire de la Trémouille[974].

(p. 407) Celui-ci laissait la renommée d'un homme cupide, indiffèrent au bien du royaume. Son plus grand tort fut peut-être d'avoir gouverné dans un temps de guerres et de pilleries, quand amis et ennemis dévoraient le royaume. On l'accusa d'avoir voulu perdre la Pucelle, dont il était jaloux. Cette idée est sortie de la maison d'Alençon, où l'on n'aimait guère le sire chambellan[975]. Ce qui est certain, au contraire, c'est que la Trémouille fut, après le chancelier, le plus hardi à mettre en œuvre la Pucelle de Dieu, et si, par la suite, cette jeune fille contraria ses projets, rien ne prouve qu'il ait formé le dessein de la faire détruire par les Anglais; elle se détruisit elle-même et se consuma par sa propre ardeur. À tort ou à raison, le sire chambellan passait pour un très mauvais homme, et, quoique le duc de Richemont fût avare, dur, violent, maladroit au delà du possible, bourru, malfaisant, toujours battu et toujours mécontent, on crut n'avoir pas perdu au change. Le connétable venait au bon moment, alors que le duc de Bourgogne faisait la paix avec le roi de France.

Les Anglais, entrés dans le royaume, comme disait ce chartreux, par le trou fait au crâne du duc Jean, sur le pont de Montereau, ne se tenaient dans le royaume que sous la main du duc Philippe; ils n'étaient qu'une poignée; la main du géant s'étant retirée, un souffle suffisait à les emporter. Voyant se réaliser l'horoscope (p. 408) du roi Henri VI: «Exeter perdra ce que Monmouth a gagné», le Régent mourut de douleur et de colère[976].

Le 13 avril 1436, le comte de Richemont entra dans Paris. La mère nourricière des clercs bourguignons et des docteurs cabochiens, l'Université elle-même, s'était entremise pour la paix[977].

Or, un mois après que Paris se fut rangé dans l'obéissance du roi Charles, une fille âgée de vingt-cinq ans, environ, qui jusque-là s'était fait appeler Claude, parut en Lorraine et fit connaître à plusieurs seigneurs de la ville de Metz qu'elle était Jeanne la Pucelle[978].

À cette époque, le père et l'aîné des frères de Jeanne[979], étaient morts. Isabelle Romée vivait; ses deux fils cadets étaient au service du roi de France, qui les avait anoblis et faits Du Lys. Jean, l'aîné, dit Petit-Jean[980], (p. 409) avait été nommé bailli de Vermandois, puis capitaine de Chartres. Aux environs de cette année 1436, il était prévôt et capitaine de Vaucouleurs[981].

Le cadet, Pierre, ou Pierrelot, tombé avec Jeanne aux mains des Bourguignons devant Compiègne, venait de quitter enfin les prisons du bâtard de Vergy[982]. Ils croyaient bien tous deux que leur sœur avait été brûlée à Rouen; mais avertis qu'elle vivait et les voulait voir, ils prirent rendez-vous à la Grange-aux-Ormes, village situé dans les prairies du Sablon, entre la Seille et la Moselle, à une lieue environ au sud de la ville de Metz. Arrivés en cet endroit, le 20 mai, ils la virent et la reconnurent aussitôt pour leur sœur; et elle les reconnut pour ses frères[983].

Elle était accompagnée de seigneurs messins parmi lesquels se trouvait un très noble homme, messire Nicole Lowe qui fut chambellan de Charles VII[984]. Ces seigneurs la reconnurent à plusieurs enseignes pour la Pucelle Jeanne qui avait mené le roi Charles à Reims. On nommait alors enseignes certains signes sur la peau[985]. Or une prophétie relative à Jeanne disait qu'elle (p. 410) avait une petite tache rouge sous l'oreille[986]; cette prophétie fut faite après l'événement; nous devons donc croire que la Pucelle était marquée de ce signe. Fut-ce à telle enseigne que les gentilhommes messins la reconnurent?

Nous ignorons comment elle prétendait avoir échappé à la mort, mais on a des raisons de croire[987] qu'elle attribuait son salut à sa sainteté. Annonçait-elle qu'un ange l'avait retirée des flammes? On lisait dans les livres que jadis les lions du cirque léchaient les pieds nus des vierges et que l'huile bouillante rafraîchissait comme un baume le corps des saintes martyres; et l'on voyait même dans les histoires que maintes fois le glaive avait pu seul trancher la vie des pucelles de Notre-Seigneur. Rien de plus sûr; mais de semblables récits tirés hors du vieux temps et ramenés à l'heure présente auraient paru moins croyables; et, sans doute, cette jeune fille n'ornait pas autant son aventure. Très probablement elle donnait à entendre qu'à sa place on avait brûlé une autre femme.

Si l'on s'en rapporte à la confession qu'elle fit plus tard, elle venait de Rome où, vêtue du harnois de guerre, elle s'était vaillamment comportée au service du (p. 411) pape Eugène. Peut-être fit-elle connaître aux Lorrains les belles actions qu'elle avait accomplies là. Or, Jeanne avait prophétisé (du moins le croyait-on) qu'elle mourrait dans une bataille contre les infidèles et qu'une Pucelle de Rome hériterait de sa puissance. Mais, loin d'accréditer Jeanne recouvrée, cet oracle, à le supposer connu des seigneurs messins, leur dénonçait l'imposture[988]. Quoi qu'il en soit, ils crurent ce que cette femme leur disait.

Peut-être que, comme beaucoup de gentilshommes de la république, ils se sentaient plus d'amitié pour le roi Charles que pour le duc de Bourgogne. Et sûrement, ayant chevalerie, ils estimaient la chevalerie en toute personne et ils admiraient la Pucelle pour sa grande vaillance. Aussi lui firent-ils bonne chère.

Messire Nicole Lowe lui donna un roussin et une paire de houseaux. Le roussin valait trente francs; c'était un prix quasi royal, car des deux chevaux donnés par le roi à la pucelle Jeanne, dans la ville de Soissons et dans la ville de Senlis, l'un valait trente-huit livres dix sous et l'autre trente-sept livres dix sous[989]. Le cheval de Vaucouleurs n'avait été payé que seize francs[990].

(p. 412) Nicole Grognot, gouverneur de la ville[991], offrit à la sœur des deux frères Du Lys une épée, Aubert Boullay un chaperon[992].

Elle sauta à cheval avec cette adresse qui, sept ans auparavant, si l'on en croit des récits assez fabuleux, avait émerveillé le vieux duc de Lorraine[993]. Et elle tint certains propos à messire Nicole Lowe qui affermirent ce seigneur dans la croyance que c'était bien là cette Pucelle Jeanne qui était allée en France. Elle parlait volontiers comme une prophétesse, par images et paraboles, et sans rien découvrir de ses intentions.

Elle disait qu'elle n'aurait pas de puissance avant la Saint-Jean-Baptiste. Or, ce terme qu'elle assignait à sa mission était précisément celui que la pucelle Jeanne, en 1429, après la bataille de Patay, avait marqué, disait-on, pour l'extermination de la gent anglaise en France[994].

Cette prophétie ne se réalisa point; aussi n'en fut-il plus parlé. Et Jeanne, si tant est qu'elle l'eût faite, ce qui est bien possible, dut être la première à l'oublier. Au reste, le terme de la Saint-Jean était d'un usage constant pour les baux, foires, règlement de gages, louage de service, etc., et l'on conçoit que le calendrier (p. 413) des prophétesses ne différât point du calendrier du laboureur.

Dès le lendemain de leur arrivée à la Grange-aux-Ormes, le lundi 21 mai, les frères Du Lys emmenèrent celle qu'ils tenaient pour leur sœur en cette ville de Vaucouleurs[995] où la fille d'Isabelle Romée était allée trouver sire Robert de Baudricourt et où vivaient encore, en 1436, tant de personnes de toute condition qui l'avaient vue au mois de février 1429, telles que les époux Leroyer et le seigneur Aubert d'Ourches[996].

Après une semaine à Vaucouleurs, elle se rendit à Marville, petite ville entre Corny et Pont-à-Mousson, à une lieue de la Moselle, où elle passa les fêtes de la Pentecôte et demeura trois semaines dans la maison d'un nommé Jean Quenat[997]. Sur son départ, elle reçut la visite de plusieurs habitants de Metz qui, la reconnaissant pour la Pucelle de France, lui donnèrent des joyaux[998]. On se rappelle que plusieurs chevaliers messins, venus auprès (p. 414) du roi Charles à Reims, lors du sacre, avaient vu Jeanne. À Marville, Geoffroy Desch, à l'exemple de Nicole Lowe, donna un cheval à la Pucelle retrouvée. Geoffroy Desch appartenait à une des familles les plus puissantes de la république de Metz. Il était parent de ce Jean Desch, secrétaire de la ville en 1429[999].

De là, elle s'en fut en pèlerinage à Notre-Dame de Liance, que les Picards appelaient Lienche, et qui devint un peu plus tard Notre-Dame de Liesse. On y vénérait une image noire de la Sainte-Vierge, rapportée, selon la tradition, de Terre-Sainte, par les croisés. Cette chapelle, située entre Laon et Reims, était, au dire des religieux qui la desservaient, un des lieux désignés dans l'itinéraire du sacre, et les rois, avec leur suite, avaient coutume de s'y rendre au retour de Reims; peut-être n'était-ce pas très vrai. Mais les habitants de Metz se montraient particulièrement dévots à la bonne dame de Liance, et l'on concevait que Jeanne, échappée des prisons anglaises, allât rendre grâces de sa merveilleuse délivrance à la Vierge noire de Picardie[1000].

Elle se rendit ensuite à Arlon, auprès d'Élisabeth de Gorlitz, duchesse de Luxembourg, tante par alliance du duc de Bourgogne[1001]. Veuve pour la seconde fois et (p. 415) vieille, elle excitait par sa rapacité la colère et la haine de son peuple. Jeanne reçut de cette princesse un très bon accueil. Rien d'étrange à cela: les personnes qui vivaient saintement et faisaient des miracles étaient recherchées par les princes et les seigneurs, désireux de connaître par elles des secrets ou d'obtenir ce qu'ils souhaitaient, et la duchesse de Luxembourg pouvait bien croire que cette fille fût la pucelle Jeanne elle-même, puisque les deux frères Du Lys, les seigneurs messins et les habitants de Vaucouleurs le croyaient.

Pour la foule des hommes, la vie et la mort de Jeanne étaient entourées de mystère et pleines de prodiges. Beaucoup, dès la première heure, avaient douté qu'elle eût péri de la main du bourreau. Quelques-uns s'exprimaient à ce sujet avec d'étranges réticences; ils disaient: «Les Anglais la firent ardre publiquement à Rouen ou une autre femme en semblance d'elle[1002].» Certains avouaient ne pas savoir ce qu'elle était devenue[1003].

Aussi quand retentit soudain dans les Allemagnes et par toute la France le bruit que la Pucelle était vivante et qu'on l'avait vue près de Metz, la nouvelle fut diversement accueillie; les uns y croyaient et les (p. 416) autres non. On peut juger de l'émotion qu'elle causa par l'exemple de ces deux bourgeois d'Arles qui en disputèrent entre eux avec une extrême ardeur. L'un affirmait que la Pucelle vivait encore; l'autre soutenait qu'elle était bien morte; chacun paria pour ce qu'il croyait véritable. La gageure était sérieuse; elle fut faite et tenue devant notaire, le 27 juin 1436, cinq semaines seulement après l'entrevue de la Grange-aux-Ormes[1004].

Cependant le frère aîné de la Pucelle, Jean du Lys, dit Petit-Jean, s'était rendu, dans les premiers jours du mois d'août à Orléans, pour y annoncer que sa sœur était vivante. En récompense de cette bonne nouvelle, il reçut pour lui et sa suite, dix pintes de vin, douze poules, deux oisons et deux levrauts[1005].

Deux magistrats avaient acheté la volaille, Pierre Baratin, dont on trouve le nom dans les comptes de forteresse, en 1429[1006], lors de l'expédition de Jargeau, et Aignan de Saint-Mesmin, vieillard de soixante-six ans, très riche bourgeois[1007].

Entre la ville du duc Charles et la ville de la duchesse de Luxembourg, les courriers se croisaient. Une lettre d'Arlon parvint à Orléans, le 9 août. Vers la mi-août, un poursuivant d'armes arriva à Arlon; il se (p. 417) nommait Cœur-de-Lis, en l'honneur de la ville d'Orléans, dont l'emblème héraldique est un cœur de lis, c'est-à-dire une sorte de trèfle. Les magistrats d'Orléans l'avaient envoyé vers Jeanne avec une missive dont nous ignorons la teneur; Jeanne lui remit une lettre pour le roi, de qui elle sollicitait probablement une audience. Il la porta tout de suite à Loches où le roi Charles s'occupait alors des fiançailles de sa fille Yolande avec le prince Amédée de Savoie[1008].

Le poursuivant d'armes, après quarante et un jours de voyage, revint, le 2 septembre, vers les procureurs qui l'avaient envoyé. Ceux-ci firent servir, selon l'usage, dans la chambre de la maison de ville, du pain, du vin, des poires et des cerneaux et firent boire le messager, qui disait avoir grand'soif. Il en coûta deux sous quatre deniers parisis à la ville, sans préjudice de six livres pour frais de voyage, qui furent payées le mois suivant. Le varlet de la ville, qui fournit les cerneaux, était Jacquet Leprestre, déjà en fonctions à l'époque du siège. Les procureurs avaient reçu une autre lettre de cette Pucelle le 25 août[1009].

Jean du Lys faisait en vérité tout ce qu'il aurait fait si vraiment il avait retrouvé sa sœur miraculeuse. Il se rendit auprès du roi et il lui annonça l'extraordinaire nouvelle. Le roi en crut bien quelque chose, puisqu'il (p. 418) ordonna qu'on remît à Jean du Lys une gratification de cent francs. Sur quoi, Jean alla réclamer ces cent francs au trésorier du roi, qui en bailla vingt. Les coffres du Victorieux n'étaient pas encore pleins à cette époque.

Jean, de retour à Orléans, se présenta devant la chambre de la ville; il fit connaître aux procureurs qu'il ne lui restait plus que huit francs, et que c'était peu de chose pour s'en retourner en Lorraine avec les quatre personnes de sa suite. Les magistrats lui firent donner douze francs[1010].

Jusque-là, chaque année, l' «anniversaire» de la feue Pucelle était célébré la surveille et la veille de la Fête-Dieu en l'église Saint-Sanxon[1011]. L'an 1435, huit religieux des quatre ordres mendiants chantèrent chacun une messe pour le repos de l'âme de Jeanne. En cette année 1436 les magistrats firent brûler quatre cierges pesant ensemble neuf livres et demie, auxquels était suspendu l'écu de la Pucelle, à l'épée d'argent soutenant la couronne de France; mais à la nouvelle que Jeanne était vivante, ils cessèrent d'ordonner un service funèbre à son intention[1012].

Tandis que ses affaires étaient ainsi menées en France, Jeanne se tenait auprès de la duchesse de Luxembourg; elle y rencontra le jeune comte Ulrich (p. 419) de Wurtemberg qui ne voulut plus la quitter. Il lui fit faire une belle cuirasse et l'emmena à Cologne. Elle ne cessait pas de se dire la Pucelle de France envoyée de Dieu[1013].

Depuis le 24 juin, jour de la Saint-Jean-Baptiste, ses vertus lui étaient revenues. Le comte Ulrich, lui reconnaissant un pouvoir surnaturel, la pria d'en user pour lui et pour les siens. Il était grand querelleur et fort engagé dans le schisme qui déchirait alors l'archevêché de Trèves. Deux prélats se disputaient ce siège; l'un Udalric de Manderscheit, désigné par le Chapitre, l'autre, Raban de Helmstat, évêque de Spire, nommé par le pape[1014]. Udalric tint la campagne avec une petite armée, assiégea par deux fois et canonna la ville dont il se disait le véritable pasteur. Ce traitement jeta de son côté la plus grande partie du diocèse[1015]; mais Raban, très vieux et débile, avait aussi des armes; elles étaient puissantes, bien que spirituelles: il prononça l'interdit contre tous ceux qui tenaient le parti de son compétiteur.

Le comte Ulrich de Wurtemberg, qui comptait parmi les plus ardents partisans d'Udalric, interrogea (p. 420) à son sujet la Pucelle de Dieu[1016]. Des cas du même genre avaient été soumis à la première Jeanne, lors de son séjour en France; on lui avait demandé, par exemple, lequel des trois papes, Benoît, Martin et Clément, était le vrai père des fidèles, et, sans s'expliquer sur-le-champ, elle avait promis de désigner, dans Paris, à tête reposée, le pape auquel on devait obéissance[1017]. La seconde Jeanne répondit avec plus d'assurance encore; elle déclara connaître le véritable archevêque et se flatta de l'introniser.

Celui-là, selon elle, était Udalric de Manderscheit, que le Chapitre avait désigné. Mais Udalric cité devant le Concile de Bâle y fut déclaré intrus; et, ce qui n'était point leur règle constante, les pères confirmèrent la nomination faite par le pape.

L'intervention de la Pucelle dans cette querelle ecclésiastique attira malheureusement sur elle l'attention de l'inquisiteur général de la ville de Cologne, Henry Kalt Eysen, insigne professeur de théologie: recueillant les bruits qui couraient par la ville sur la protégée du jeune prince, il connut qu'elle portait des vêtements dissolus, se livrait aux danses avec des hommes, buvait et mangeait plus qu'il n'est permis et pratiquait la magie. Il sut notamment que, dans une assemblée, cette fille déchira une nappe, puis la rétablit dans son (p. 421) premier état, et qu'ayant brisé contre la muraille un verre, elle en réunit ensuite les morceaux par un merveilleux artifice. À ces œuvres, Kalt Eysen la soupçonnait véhémentement d'hérésie et de sorcellerie. Il la cita devant son tribunal; elle refusa de comparaître; cette désobéissance affligea l'inquisiteur général, qui fit rechercher la défaillante. Mais le jeune comte de Wurtemberg cacha sa Pucelle chez lui, et puis il la fit sortir secrètement de la ville. Elle échappa ainsi au sort de celle qu'elle ne se souciait pas d'imiter jusqu'à la fin. L'inquisiteur l'excommunia, faute de mieux[1018].

Réfugiée à Arlon auprès de la duchesse de Luxembourg sa protectrice, elle y rencontra Robert des Armoises, seigneur de Tichemont, qu'elle avait peut-être vu déjà, au printemps, à Marville, où il faisait sa résidence habituelle. Ce gentilhomme était probablement fils d'un seigneur Richard, gouverneur du duché de Bar en 1416. On ne sait rien de lui, sinon qu'ayant fait passer une terre en mains étrangères, sans la participation du duc de Bar, il vit cette terre confisquée et donnée au sieur d'Apremont, à la charge de la prendre.

La présence du seigneur Robert à Arlon n'avait rien d'extraordinaire; le château de Tichemont, dont il était seigneur, s'élevait dans le voisinage de cette ville. D'une naissance illustre, il était toutefois besogneux[1019].

(p. 422) La Pucelle retrouvée l'épousa[1020], apparemment par la volonté de la duchesse de Luxembourg. D'après le sentiment du sacré inquisiteur de Cologne, ce mariage ne fut contracté que pour garantir cette femme contre l'interdit et la soustraire au glaive ecclésiastique[1021].

Sitôt après son mariage, elle alla vivre à Metz, dans l'hôtel que son mari habitait devant l'église Sainte-Ségolène, au-dessus de la porte Sainte-Barbe. Elle était, dès lors, Jeanne du Lys, la Pucelle de France, dame de Tichemont. Ces noms lui sont donnés dans un contrat en date du 7 novembre 1436, par lequel Robert des Armoises et sa femme, autorisée par lui, vendent à Collard de Failly, écuyer, demeurant à Marville, et à Poinsette, sa femme, le quart de la seigneurie d'Haraucourt. Jean de Thoneletil, seigneur de Villette, et Saubelet de Dun, prévôt de Marville, à la demande de leurs très chers et grands amis, messire Robert et dame Jeanne, mirent sur le contrat leurs sceaux avec ceux des vendeurs, en témoignage de vérité[1022].

(p. 423) En son logis, devant l'église Sainte-Ségolène, la dame des Armoises mit au monde deux enfants[1023]. Il y avait quelque part en Languedoc[1024] un honnête écuyer qui, s'il apprit ces naissances, douta fort que Jeanne la Pucelle et la dame des Armoises fussent la même personne; c'était Jean d'Aulon, l'ancien maître d'hôtel de Jeanne; car il ne la croyait pas faite pour avoir des enfants, ayant obtenu à ce sujet la confidence de femmes bien instruites[1025].

Au témoignage de frère Jean Nider, docteur en théologie de l'Université de Vienne, cette union féconde finit mal. Un prêtre, selon lui, un prêtre, qu'il faudrait plutôt appeler leno, séduisit cette magicienne par des paroles amoureuses et l'enleva. Mais frère Jean Nider ajoute que le prêtre conduisit furtivement la dame des Armoises à Metz et y vécut en concubinage avec elle[1026]; or il est avéré qu'elle avait son établissement dans cette ville même; donc ce frère prêcheur parle de ce qu'il ignore[1027].

Ce qui est vrai, c'est qu'elle ne resta guère plus de deux ans cachée dans l'ombre paisible de Sainte-Ségolène.

(p. 424) Mariée, elle n'entendait pas renoncer aux prophéties et aux chevauchées. L'interrogateur demanda à Jeanne, en son procès: «Jeanne, ne vous a-t-il pas été révélé que, si vous perdiez votre virginité, vous perdriez votre chance et que vos Voix ne vous viendraient plus?» Elle nia que cela lui eût été révélé. Et, comme il insistait, lui demandant si elle croyait que, mariée, ses Voix lui viendraient encore, elle répondit en bonne chrétienne: «Je ne sais et m'en attends à Dieu[1028].» De même Jeanne des Armoises estimait que, pour s'être mariée, elle n'avait pas perdu sa chance. Aussi bien se trouvait-il, en ce temps de prophétisme, des veuves et des femmes mariées qui, à l'exemple de Judith de Béthulie, agissaient par inspiration divine. Telle avait été la dame Catherine de La Rochelle, qui, à la vérité, n'avait pas fait de très grandes choses[1029].

Dans l'été de l'an 1439, la dame des Armoises se rendit à Orléans. Les magistrats lui présentèrent, en guise d'hommage et de réjouissance, le vin et la viande. Le 1er août, ils lui offrirent à dîner et lui remirent deux cent dix livres parisis pour le bien qu'elle avait fait à la ville pendant le siège. Ce sont les termes même par lesquels cette dépense est consignée dans les comptes de la ville[1030].

(p. 425) Si les habitants la reconnurent pour la vraie Pucelle Jeanne, ce fut moins par leurs yeux assurément que sur la foi des frères du Lys. Ils l'avaient si peu vue, quand on y songe! Dans la semaine de mai, elle ne s'était montrée à eux qu'armée et chevauchant; puis elle n'avait plus fait que traverser la ville en juin 1429 et en janvier 1430. Il est vrai qu'on lui avait offert le vin et que les procureurs s'étaient assis à table auprès d'elle[1031]; mais il y avait de cela neuf ans. Neuf ans ne passent pas sur le visage d'une femme sans y faire des changements. Ils l'avaient laissée fille en son très jeune âge, ils la retrouvaient femme et mère de deux enfants; ils croyaient sage de s'en rapporter à ses proches. Où l'on commence à s'émerveiller quelque peu, c'est quand on songe aux propos qui furent tenus dans le banquet et à tout ce que la dame dut placer de bourdes et d'incongruités. S'ils ne furent point désabusés, ces bourgeois étaient des hommes simples et de bonne volonté.

Et qui dit qu'ils ne le furent point? Qui dit qu'après avoir ajouté foi à la nouvelle portée par Jean du Lys, les habitants ne commençaient pas à découvrir l'imposture? La croyance que Jeanne survivait n'était pas tout au moins unanime et générale dans la ville pendant le séjour de la dame des Armoises, si l'on s'en rapporte aux comptes des obits dont nous parlions tout à (p. 426) l'heure. Supprimé (à ce qu'il semble) dans les années trente-sept et trente-huit, le service funèbre de la Pucelle venait d'être célébré en trente-neuf, la surveille de la Fête-Dieu, trois mois environ avant le banquet du 1er août[1032]; en sorte que les Orléanais reconnaissants avaient en même temps pour leur libératrice des messes en commémoration de sa mort et des banquets où ils la faisaient boire.

La dame des Armoises ne resta guère que quinze jours parmi eux. Elle quitta la ville vers la fin de juillet, et il semble que son départ ait été brusque et précipité, car, priée à un souper où huit pintes de vin devaient lui être présentées, elle était déjà partie quand le vin fut servi; le repas eut lieu sans elle[1033]. Jean Luillier et Thévanon de Bourges y assistèrent. Ce Thévanon était peut-être le même que Thévenin Villedart, chez qui habitaient les frères de Jeanne, pendant le siège[1034]. Quant à Jean Luillier, on reconnaît en lui le jeune marchand drapier qui, en juin 1429, avait fourni de la fine bruxelles vermeille pour faire une robe à la Pucelle[1035].

La dame des Armoises s'était rendue à Tours, où elle se faisait connaître comme la véritable Jeanne. Elle remit au bailli de Touraine une lettre pour le roi; le (p. 427) bailli se chargea de la faire tenir au prince qui se trouvait alors à Orléans, où il était arrivé peu de temps après le départ de Jeanne. Le bailli de Touraine, en 1439, n'était autre que Guillaume Bellier qui, lieutenant de Chinon, dix ans auparavant, avait reçu la Pucelle dans sa maison, sous la garde de sa dévote femme[1036].

En même temps que cette lettre, Guillaume Bellier adressa, par messager, au roi, une note «touchant le fait de la dame Jeanne des Armoises[1037]». On en ignore entièrement la teneur[1038].

Peu de temps après, cette dame s'en alla en Poitou où elle se mit au service du seigneur Gille de Rais, maréchal de France[1039], qui, dans sa prime jeunesse, avait conduit la Pucelle à Orléans, fait comme elle la campagne du sacre, assailli avec elle les murailles de Paris et, pendant la captivité de Jeanne, occupé Louviers et poussé une pointe hardie sur Rouen. Maintenant, il dépeuplait d'enfants ses vastes seigneuries, et, mêlant la magie à l'orgie, offrait aux démons le sang et les membres d'innombrables victimes. Ses monstruosités sanglantes répandaient la terreur autour de ses châteaux de Tiffauges et de Machecoul, et déjà le bras ecclésiastique était sur lui.

(p. 428) La dame des Armoises pratiquait la magie, au dire du sacré inquisiteur de Cologne, pourtant ce ne fut pas comme invocatrice de démons que l'employa le maréchal de Rais; il lui confia la charge et le gouvernement de gens de guerre[1040]; à peu près l'état que Jeanne tenait à Lagny et à Compiègne. Fit-elle de grandes vaillances d'armes? On ne sait. Toujours est-il qu'elle ne garda pas longtemps sa charge, qui fut donnée après elle à un écuyer gascon nommé Jean de Siquemville[1041]. Dans le printemps de 1440, elle s'approcha de Paris[1042].

Depuis près de deux ans et demi, la grande ville obéissait au roi Charles, qui y avait fait son entrée, sans y ramener la prospérité. Partout des maisons, abandonnées, tombaient en ruines; les loups venaient dans les faubourgs dévorer les petits enfants[1043]. Bourguignons naguère, les habitants n'avaient pas tous oublié que la Pucelle, en compagnie du frère Richard et des Armagnacs, avait attaqué leur ville le jour de la Nativité de Notre-Dame. Beaucoup, sans doute, lui en gardaient rancune et la croyaient brûlée pour ses démérites; mais son nom ne soulevait pas, comme en 1429, une réprobation unanime. Plusieurs, même parmi ses anciens (p. 429) ennemis, s'avisaient[1044] qu'elle était martyre pour son légitime seigneur. C'est ce qu'on disait dans la ville de Rouen; on le devait dire bien davantage dans la ville de Paris redevenue française. Au bruit que Jeanne n'était pas morte; qu'elle avait été reconnue par ceux d'Orléans et qu'elle approchait de la ville, le menu peuple parisien s'émut et l'on put craindre des troubles.

En 1440, sous Charles de Valois, l'Université de Paris était animée du même esprit qu'en 1431, sous Henri de Lancastre; elle respectait, elle honorait le roi de France, gardien de ses privilèges et défenseur des libertés de l'Église gallicane. Les insignes maîtres n'éprouvaient aucun remords d'avoir réclamé et obtenu le châtiment de la Pucelle hérétique et coupable de sédition. Est hérétique quiconque s'obstine dans son erreur; est séditieux qui tente de renverser les puissances et n'y réussit pas. Dieu qui voulait, en 1440, que Charles de Valois fût maître dans sa ville de Paris, ne l'avait pas voulu en 1429; donc la Pucelle avait combattu contre Dieu. L'Université eût, en 1440, poursuivi d'un même zèle le châtiment d'une pucelle anglaise.

Les magistrats de Poitiers, rentrés après un long et douloureux exil dans leur vieille demeure parisienne, siégeaient au Parlement avec les Bourguignons convertis[1045]. Ces fidèles serviteurs du dauphin Charles qui, dans les mauvais jours, avaient mis en œuvre la Pucelle, (p. 430) ne se seraient pas souciés, en 1440, de soutenir publiquement la vérité de sa mission et la pureté de sa foi. Brûlée par les Anglais, c'est bientôt dit. Un procès fait par un évêque et le vice-inquisiteur avec le concours de l'Université n'est pas un procès anglais; c'est un procès à la fois très gallican et très catholique. La mémoire de Jeanne est notée d'infamie à la face de la chrétienté. Et nul recours. Le pape pourrait seul casser ce procès religieux, mais il ne le voudrait point, de peur de mécontenter le roi de la catholique Angleterre et parce qu'il ne peut, sans ruiner toute autorité humaine et divine, admettre qu'un inquisiteur de la foi ait failli dans son jugement. Les clercs français s'inclinent et se taisent; dans les assemblées du clergé on n'ose prononcer le nom de Jeanne.

Heureusement pour eux que, à l'égard de la dame des Armoises, ni les docteurs et maîtres de l'Université, ni les anciens membres du Parlement de Poitiers ne partagent l'illusion populaire. Ils ne doutent pas que la Pucelle n'ait été brûlée à Rouen. Craignant que cette femme, qui se donne pour la libératrice d'Orléans, ne fasse une entrée tumultueuse dans la ville, le Parlement et l'Université envoient au devant d'elle des hommes d'armes qui l'appréhendent et la conduisent au Palais[1046].

Elle fut interrogée, jugée et condamnée à l'exposition publique. Il y avait en haut des degrés de la cour appelée (p. 431) Cour-de-Mai une table de marbre sur laquelle on exposait les malfaiteurs. La dame des Armoises et de Tichemont y fut hissée et montrée au peuple qu'elle avait abusé. Suivant la coutume, on la prêcha et on la contraignit à se confesser publiquement[1047].

Elle déclara qu'elle n'était pas pucelle et que, mariée à un chevalier, elle avait eu deux fils. Elle raconta qu'un jour, en présence de sa mère, entendant une femme tenir sur elle des propos outrageants, elle s'élança pour la battre, mais, retenue par sa mère, ce fut celle-ci qu'elle frappa. Elle eût évité de la toucher, n'eût été la colère. Toutefois, c'était là un cas réservé. Quiconque avait porté la main tant sur son père ou sa mère que sur un prêtre ou un clerc, devait aller en demander pardon au Saint-Père, à qui appartenait seul de lier ou de délier le pécheur. Ainsi avait-elle fait. «Je fus à Rome, dit-elle, en habit d'homme. Je fis, comme soldat, la guerre du Saint-Père Eugène, et, dans cette guerre, je fus homicide par deux fois.»

À quelle époque avait-elle fait ce voyage de Rome? Probablement avant l'exil du pape Eugène à Florence, vers l'an 1433, alors que les condottieri du duc de Milan s'avancèrent jusqu'aux portes de Rome[1048].

On ne voit point que l'Université, l'ordinaire ni le (p. 432) Grand Inquisiteur, aient réclamé cette femme suspecte de sorcellerie, d'homicide, et qui portait des habits dissolus. Elle ne fut pas poursuivie comme hérétique, sans doute parce qu'elle ne se montra pas opiniâtre et que l'opiniâtreté constitue seule l'hérésie.

Depuis lors, elle ne fit plus parler d'elle. On croit, mais sans raisons suffisantes, qu'elle finit par retourner à Metz auprès du chevalier des Armoises, son mari, et qu'elle vécut, paisible et honorée, jusqu'à un âge avancé, dans la maison où ses armoiries étaient sculptées sur la porte, ses armoiries, ou plutôt celles de Jeanne la Pucelle, l'épée, la couronne et les Lis[1049].

Le succès de cette supercherie avait duré quatre ans. Il ne faut pas en concevoir trop de surprise. De tout temps le peuple se résigne avec peine à croire à la fin irréparable des existences qui ont émerveillé son imagination; il n'admet pas que des personnes fameuses viennent à mourir d'un coup et malencontreusement comme le vulgaire; il répugne au brusque dénouement des belles aventures humaines. Toujours les imposteurs, comme la dame des Armoises, trouvent des gens qui les croient. Et celle-ci parut en un temps singulièrement favorable au mensonge; les hommes étaient abêtis par une longue misère; partout la guerre empêchait les communications; on ne savait (p. 433) plus ce qui se passait un peu loin; tout dans les esprits, dans les choses, était trouble, ignorance, confusion.

Encore cette fausse Jeanne n'en imposa si longtemps que grâce à l'appui que les frères Du Lys lui prêtèrent. Furent-ils dupes ou complices? Si faibles d'esprit qu'on les suppose, il n'est guère possible de penser qu'ils se laissèrent tromper par une aventurière. Ressemblât-elle beaucoup à la fille de la Romée, la femme de la Grange-aux-Ormes ne pouvait longtemps abuser deux hommes qui, nourris avec Jeanne et venus avec elle en France, la connaissaient intimement.

S'ils ne furent pas dupes, quelles raisons donner de leur conduite? Ils avaient beaucoup perdu en perdant leur sœur. Quand il vint à la Grange-aux-Ormes, Pierre Du Lys sortait des prisons bourguignonnes; la dot de sa femme avait payé sa rançon et il se trouvait dans un complet dénuement[1050]. Jean, bailli de Vermandois, puis capitaine de Chartres, et, vers 1436, bailli de Vaucouleurs, n'était guère mieux dans ses affaires[1051]. Cela expliquerait bien des choses. Pourtant on hésite à penser qu'ils aient, seuls, d'eux-mêmes, sans appui, joué un jeu difficile, hasardeux et périlleux. Sur le peu que l'on sait de leur vie, on se figure qu'ils étaient tous deux bien simples, bien naïfs, bien tranquilles, pour mener une telle intrigue.

On serait tenté de croire qu'ils y furent entraînés par (p. 434) de plus grands et de plus forts qu'eux. Qui sait? Peut-être par des serviteurs indiscrets du roi de France. Charles VII souffrait cruellement dans son honneur de la condamnation et du supplice de Jeanne. N'est-il pas possible qu'autour du roi et de son Conseil il se soit trouvé des agents trop zélés, qui imaginèrent cette étrange apparition afin de faire croire que Jeanne la Pucelle n'était pas morte de la mort des sorcières, mais que, par la vertu de son innocence et de sa sainteté, elle avait échappé aux flammes? De la sorte, imaginée à une époque où il paraissait impossible d'obtenir jamais du pape la revision du procès de 1431, l'imposture de cette fausse Jeanne aurait constitué un essai subreptice et frauduleux de réhabilitation, tentative malheureuse, bientôt abandonnée et réprouvée.

Cette supposition expliquerait comment les frères Du Lys, qui s'étaient mis dans un mauvais cas, car ils avaient séduit le peuple, trompé le roi, commis enfin un crime de lèse-majesté, n'en furent point châtiés, ni même disgraciés. Jean resta prévôt de Vaucouleurs, durant de longues années, puis, déchargé de sa capitainerie, toucha en échange une somme d'argent. Pierre, qui, de même que la Romée, sa mère, habitait Orléans, reçut en 1443 du duc Charles, rentré depuis trois ans en France, l'Île-aux-Bœufs[1052], sur la Loire, qui donnait (p. 435) un peu d'herbage. Il n'en resta pas moins besogneux, et il se faisait aider par le duc et les habitants d'Orléans[1053].

(p. 436) CHAPITRE XVI
APRÈS LA MORT DE LA PUCELLE (Suite). — LES JUGES DE ROUEN AU CONCILE DE BÂLE ET LA PRAGMATIQUE SANCTION. — LE PROCÈS DE RÉHABILITATION. — LA PUCELLE DE SARMAIZE. — LA PUCELLE DU MANS.

D'année en année, le concile de Bâle déroulait ses sessions comme la queue d'un dragon apocalyptique. Par la manière dont il réformait l'Église dans ses membres et dans son chef, il faisait l'épouvante du Souverain Pontife et du Sacré Collège; Æneas Sylvius s'écriait douloureusement: «Certes, ce n'est pas l'Église de Dieu qui est rassemblée à Bâle, mais la synagogue de Satan[1054].» Paroles qui, dans la bouche d'un cardinal romain, ne sembleront pas trop fortes, appliquées à l'assemblée qui vota la liberté des élections épiscopales, (p. 437) la suppression des annates, des droits de pallium, des taxes de chancellerie, et qui voulait ramener le Saint-Père à la pauvreté évangélique. Au contraire, le roi de France et l'empereur regardaient favorablement le synode, lorsqu'il s'efforçait de contenir l'ambition et la rapacité de l'évêque de Rome.

Or, parmi les Pères les plus zélés à réformer l'Église, brillaient les maîtres et docteurs de l'Université de Paris, qui avaient siégé au procès de la Pucelle, et notamment maître Nicolas Loiseleur et maître Thomas de Courcelles. Charles VII convoqua une assemblée du clergé du royaume à l'effet d'examiner les canons de Bâle. Cette assemblée se réunit dans la Sainte-Chapelle de Bourges, le 1er mai 1438. Maître Thomas de Courcelles, délégué par le Concile, y conféra avec le seigneur évêque de Castres. Or, en 1438, le seigneur évêque de Castres, élégant humaniste, zélé conseiller de la Couronne, qui se plaignait dans ses lettres cicéroniennes que, attaché à la glèbe de la cour, il ne lui restât pas le temps de visiter son épouse[1055], n'était autre que maître Gérard Machet, le confesseur du Roi qui, en 1429, avait, parmi les clercs de Poitiers, allégué l'autorité des prophéties en faveur de la Pucelle, en qui ne se voyaient que candeur et bonté[1056]. Maître Thomas de Courcelles avait opiné, à Rouen, pour que la Pucelle fût appliquée à la torture et livrée au bras (p. 438) séculier[1057]. À l'assemblée d'Orléans, les deux hommes d'Église s'accordèrent sur la suprématie des Conciles généraux, la liberté des élections épiscopales, la suppression des annates et les droits de l'Église gallicane. Sans doute qu'à ce moment il ne souvenait guère ni à l'un ni à l'autre de la pauvre Pucelle. Des travaux de l'assemblée, auxquels maître Thomas prit une grande part, sortit l'édit solennel rendu par le roi le 7 juillet 1438: la pragmatique sanction. Les canons de Bâle devenaient la constitution de l'Église de France[1058].

L'empereur admit pareillement la réforme de Bâle. Les Pères en conçurent une telle audace qu'ils citèrent le pape Eugène à leur tribunal et, sur son refus d'y paraître, le déposèrent comme désobéissant, opiniâtre, rebelle, violateur des canons, perturbateur de l'unité ecclésiastique, scandaleux, simoniaque, parjure, incorrigible, schismatique, hérétique endurci, dissipateur des biens de l'Église, pernicieux et damnable[1059]. Ainsi s'exprimèrent à l'endroit du Saint-Père, entre autres docteurs, maître Jean Beaupère, maître Thomas (p. 439) de Courcelles et maître Nicolas Loiseleur, qui avaient tous trois si durement reproché à Jeanne de ne se point vouloir soumettre au pape[1060]. Maître Nicolas, qui s'était tant démené au procès de la Pucelle, faisant tour à tour le prisonnier lorrain et madame sainte Catherine, et qui, lorsqu'elle fut conduite au bûcher, courut après elle comme un fou[1061], maître Nicolas s'agita beaucoup aussi dans le synode et s'y donna une certaine importance. Il y soutint l'opinion que le Concile général, canoniquement assemblé, était au-dessus du pape et pouvait le déposer; et, bien que ce chanoine fût seulement maître ès arts, il parut assez habile aux Pères de Bâle pour qu'ils l'envoyassent, en 1439, comme jurisconsulte à la diète de Mayence. Pendant ce temps, son attitude désolait le chapitre qui l'avait député au synode. Les chanoines de Rouen prenaient le parti du Souverain Pontife contre les Pères et, sur ce point, se séparaient de l'Université de Paris. Désavouant leur mandataire, ils lui signifièrent sa révocation le 28 juillet 1438[1062].

Maître Thomas de Courcelles, l'un de ceux qui déclarèrent le pape désobéissant, opiniâtre, rebelle et le reste, fut nommé commissaire pour l'élection d'un nouveau (p. 440) pape, et, comme Loiseleur, délégué à la diète de Mayence. Mais il ne fut pas, comme Loiseleur, désavoué par ses commettants, car il était député de l'Université de Paris qui reconnaissait le pape du Concile, Félix, pour le vrai père des fidèles[1063]. Dans l'assemblée du clergé de France, tenue à Bourges, au mois d'août 1440, maître Thomas prit la parole au nom des Pères de Bâle; il parla pendant deux heures, à l'entière satisfaction du roi[1064]. Charles VII, tout en demeurant dans l'obéissance du pape Eugène, maintenait la pragmatique. Maître Thomas de Courcelles était désormais une des colonnes de l'Église de France.

Pendant ce temps, le gouvernement anglais se déclarait pour le pape contre le Concile[1065]. Monseigneur Pierre Cauchon, devenu évêque de Lisieux, était l'ambassadeur du roi Henri VI au synode; il lui advint à Bâle une mésaventure assez déplaisante. À raison de sa translation au siège de Lisieux, il devait à la cour de Rome, à titre d'annates, une somme de 400 florins d'or. Le trésorier général du pape en Germanie lui signifia que, pour avoir manqué à payer cette somme à la Chambre apostolique, bien que de longs délais lui eussent été accordés, il avait encouru l'excommunication; que, de plus, pour s'être permis, quoique excommunié, (p. 441) de célébrer l'office divin, il avait encouru l'irrégularité[1066]. Il en dut éprouver une contrariété assez vive; mais ces sortes d'affaires, en somme, étaient fréquentes et sans grande conséquence; de telles foudres tombaient dru sur les gens d'Église sans leur faire grand mal.

À partir de 1444, le royaume de France, débarrassé de ses ennemis et de ses défenseurs, laboura, travailla à tous les métiers, fit le négoce et s'enrichit. Le gouvernement du roi Charles conquit vraiment la Normandie dans l'intervalle des guerres et durant les trêves, en faisant avec elle le commerce des marchandises et l'échange des denrées; il la gagna, peut-on dire, en abolissant les péages et les droits sur les rivières de Seine, d'Oise et de Loire; il n'eut plus ensuite qu'à la prendre. Ce fut si facile que, dans cette rapide campagne de 1449[1067], le connétable lui-même ne fut pas battu, ni le duc d'Alençon. Charles VII reprit sa ville de Rouen à sa manière royale et douce, comme vingt ans auparavant il avait pris Troyes et Reims, par entente avec ceux du dedans, moyennant amnistie et octroi de franchises et privilèges aux bourgeois. Il y fit son entrée le lundi 10 novembre 1449. Le gouvernement français se sentit même assez fort pour reprendre l'Aquitaine, si profondément anglaise. En 1451, monseigneur (p. 442) le Bâtard, maintenant comte de Dunois, s'empara de la forteresse de Blaye; Bordeaux et Bayonne se rendirent la même année. Voici comme le seigneur évêque du Mans célébra ces conquêtes, dignes de la majesté du roi très chrétien:

«Le Maine, la Normandie, l'Aquitaine, ces belles provinces, sont rentrées sous l'obéissance du roi, presque sans effusion de sang français, sans qu'il ait été nécessaire de renverser les remparts de tant de villes si bien murées, sans qu'on ait eu à démolir leurs forts, sans que les habitants aient eu à souffrir ni pillages ni meurtres[1068]

En effet, la Normandie et le Maine se revoyaient françaises avec un plein contentement. La ville de Bordeaux, seule, regrettait les Anglais dont le départ la ruinait. Elle se révolta en 1452; on eut quelque peine à la reprendre, mais ce fut pour la garder toujours.

Dès lors, riche et victorieux, le roi Charles voulut effacer la tache imprimée à son honneur royal par la sentence de 1431. Soucieux de prouver au monde entier qu'il n'avait pas été mené à son sacre par une sorcière, il s'efforça d'obtenir que le procès de la Pucelle fût cassé. C'était un procès d'Église et le pape seul pouvait en ordonner la revision. Le roi pensait l'y amener, bien qu'il sût que ce ne serait pas facile. Il fit procéder, au mois (p. 443) de mars 1450, à une information préalable[1069]; et l'affaire en resta là jusqu'à la venue en France du cardinal d'Estouteville, légat du Saint-Siège. Le pape Nicolas l'avait envoyé pour négocier, auprès du roi de France, la paix avec l'Angleterre et la croisade contre les Turcs. Le cardinal d'Estouteville, issu d'une famille normande, put plus facilement qu'un autre découvrir le fort et le faible du procès de Jeanne. Pour se concilier les bonnes grâces du roi Charles, il ouvrit comme légat une nouvelle information à Rouen, avec l'assistance de Jean Bréhal, de l'ordre des frères prêcheurs, inquisiteur de la foi au royaume de France. Mais l'intervention du légat ne fut point approuvée par le pape[1070]; durant trois ans, la revision demeura suspendue. Nicolas V ne consentait pas à laisser croire que le sacré tribunal de la très sainte Inquisition fût faillible et pût avoir, ne fût-ce qu'une fois, rendu une sentence injuste. On avait à Rome une raison plus forte encore de ne point toucher au procès de 1431: les Français demandaient la revision; les Anglais s'y opposaient, et le pape ne voulait pas fâcher les Anglais qui étaient alors aussi catholiques et plus catholiques même que les Français[1071].

(p. 444) Pour tirer le pape d'embarras et le mettre à l'aise, le gouvernement de Charles VII trouva un biais. Le roi ne parut plus dans l'affaire; il céda la place à la famille de la Pucelle. La mère de Jeanne, Isabelle Romée de Vouthon, qui vivait retirée à Orléans[1072], et ses deux fils, Pierre et Jean du Lys, demandèrent la revision[1073]. Par cet artifice de procédure, l'affaire cessait d'être politique et ne concernait plus que des particuliers. Sur ces entrefaites, Nicolas V vint à mourir (24 mars 1455). Son successeur, Calixte III Borgia, vieillard de soixante-dix-huit ans, par un rescrit en date du 11 juin 1455, donna l'autorisation d'instruire la cause. À cet effet, il désigna Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims, Guillaume Chartier, évêque de Paris, et Richard Olivier, évêque de Coutances, qui devaient agir concurremment avec le Grand Inquisiteur de France[1074].

Il fut bien convenu, tout d'abord, qu'il ne s'agissait point de mettre en cause tous ceux qui avaient eu part au procès, «car ils avaient été trompés». On admit spécialement que la fille des rois, la mère des études, l'Université de Paris, avait été induite en erreur par la rédaction frauduleuse des douze articles; on s'accorda pour tout rejeter sur l'évêque de Beauvais et sur le (p. 445) promoteur Guillaume d'Estivet, tous deux décédés. La précaution était utile, car, si l'on n'y avait pris garde, on aurait terriblement embarrassé certains docteurs puissants auprès du roi et chers à l'Église de France.

Le 7 novembre 1455, Isabelle Romée et ses deux fils, suivis d'un long cortège d'honorables hommes ecclésiastiques et séculiers et de prudes femmes, vinrent en l'église Notre-Dame de Paris demander justice aux prélats, commissaires du pape[1075].

Citation fut donnée à Rouen pour le 12 décembre aux dénonciateurs et accusateurs de la feue Jeanne. Personne ne se présenta[1076]. Les héritiers de feu messire Pierre Cauchon déclinèrent toute solidarité avec les actes de leur parent décédé et se couvrirent, quant à la responsabilité civile, de l'amnistie accordée par le roi lors de la recouvrance de la Normandie[1077]. On procéda, comme on s'y était bien attendu, sans contradiction ni débats.

Des enquêtes furent ouvertes à Domremy, à Orléans, à Paris, à Rouen[1078]. Les amies d'enfance de Jeannette, Hauviette, Mengette, mariées et vieillies, Jeannette, femme Thévenin, Jeannette, veuve Thiesselin, Béatrix, veuve Estellin, Jean Morel de Greux, Gérardin d'Épinal, le bourguignon, et sa femme Isabellette, commère de la fille (p. 446) de Jacques d'Arc, Perrin le sonneur, l'oncle Lassois, les époux Leroyer et une vingtaine de paysans de Domremy comparurent; on entendit messire Bertrand de Poulengy, alors sur ses soixante-trois ans, écuyer d'écurie du roi de France, et Jean de Novelompont, dit Jean de Metz, anobli, résidant à Vaucouleurs, en possession de quelque office militaire; on entendit des gentilshommes et des ecclésiastiques lorrains et champenois[1079]; on entendit les bourgeois d'Orléans et notamment Jean Luillier, ce marchand drapier qui, en juin 1429, avait fourni de la fine bruxelle vermeille pour faire une robe à Jeanne et dix ans après assisté au banquet donné par les procureurs d'Orléans à la Pucelle échappée des flammes[1080]; du moins le croyait-on. Jean Luillier était le plus avisé des témoins car les autres, dont il se présenta deux douzaines environ, bourgeois et bourgeoises, entre cinquante et soixante-dix ans, ne firent guère qu'opiner comme lui[1081]. Il parla bien; mais la peur des Anglais lui donnait la berlue, car il en voyait beaucoup plus qu'il n'y en avait.

On entendit relativement à l'examen de Poitiers un avocat, un écuyer, un homme de pratique, François Garivel, qui avait tout juste quinze ans quand Jeanne fut interrogée[1082]; en fait de clercs, frère Seguin, limousin, pour (p. 447) tout potage[1083]; les clercs de Poitiers ne se risquaient pas plus que les clercs de Rouen: chat échaudé craint l'eau froide. La Hire et Poton de Saintrailles étaient morts. On entendit les survivants d'Orléans et de Patay, le Bâtard Jean, devenu comte de Dunois et de Longueville, qui déposa comme un clerc[1084]; le vieux seigneur de Gaucourt qui, dans ses quatre-vingt-cinq ans, fit quelque effort de mémoire, et pour le surplus déposa comme le comte de Dunois[1085]; le duc d'Alençon, sur le point de s'allier aux Anglais et de se procurer de la poudre pour «sécher» le roi[1086], et qui ne s'en montra pas moins bavard et glorieux[1087]; l'intendant de Jeanne, messire Jean d'Aulon, devenu chevalier, conseiller du roi et sénéchal de Beaucaire[1088], et le petit page Louis de Coutes, noble et en âge de quarante-deux ans[1089]; on entendit le frère Pasquerel qui restait, en sa vieillesse, d'esprit léger et crédule[1090]; la veuve de maître René de Bouligny, demoiselle Marguerite la Touroulde, retirée à Paris, qui rapporta ses souvenirs avec finesse et bonne grâce[1091].

(p. 448) Sur le fait même du procès, on se garda d'appeler le seigneur archevêque de Rouen, messire Raoul Roussel, qui avait pourtant siégé au côté de monseigneur de Beauvais. Quant au vice-inquisiteur de la foi, frère Jean Lemaistre, on fit comme s'il était mort. Cependant un certain nombre d'assesseurs furent convoqués: Jean Beaupère, chanoine de Paris, de Besançon et de Rouen, Jean de Mailly, seigneur évêque de Noyon, Jean Lefèvre, évêque de Démétriade; plusieurs chanoines de Rouen, quelques religieux, qui comparurent, les uns onctueux, les autres rechignés[1092]; et le très illustre docteur Thomas de Courcelles qui, après avoir été le plus laborieux et le plus assidu collaborateur de l'évêque de Beauvais, devant les commissaires de la revision, ne se rappela rien[1093].

On trouva dans les artisans de la condamnation les meilleurs artisans de la réhabilitation. Les greffiers du seigneur évêque de Beauvais, les Boisguillaume, les Manchon, les Taquel, tous ces encriers d'Église qui avaient instrumenté pour la mort firent merveilles quand il s'agit de démonter l'instrument; autant ils avaient mis de zèle à construire le procès, autant ils en mirent à le défaire; ils y découvrirent autant de vices qu'on voulut[1094].

Et de quel ton lamentable ces procéduriers bénins, ces chicaneurs attendris dénonçaient-ils l'iniquité cruelle (p. 449) qu'ils avaient mise eux-mêmes en bonne et due forme! On vit alors l'huissier Jean Massieu, prêtre concubinaire, curé scandaleux par son incontinence[1095], bon homme au reste, bien qu'un peu sournois, inventer mille fables ridicules pour noircir Cauchon, comme si le vieil évêque n'était pas déjà assez noir[1096]. Les commissaires de la revision tirèrent du couvent des frères prêcheurs de Rouen une paire de moines lamentables, frère Martin Ladvenu et frère Isambart de la Pierre, qui pleurèrent à cœur fendre en contant la pieuse fin de cette pauvre Pucelle qu'ils avaient déclarée hérétique, puis relapse et fait brûler vive. Il n'y eut pas jusqu'au clerc chargé de donner la question à Jeanne qui ne vînt s'attendrir sur la mémoire d'une si sainte fille[1097].

Des piles énormes de mémoires composés par des docteurs de science éprouvée, canonistes théologiens et juristes, tant français qu'étrangers, furent versés au procès. Ils avaient pour principal objet d'établir, par raisonnement scolastique, que Jeanne avait soumis ses faits et dits au jugement de l'Église et de notre seigneur le pape. Ces docteurs prouvèrent que les juges de 1431 avaient été très subtils et Jeanne très simple. C'était le meilleur moyen, sans doute, de faire croire qu'elle s'était soumise à l'Église, mais, en vérité, ils la firent par trop simple. À les en croire, elle était tout ignare, (p. 450) ne comprenant rien, s'imaginant que les clercs qui l'interrogeaient composaient à eux seuls l'Église militante, enfin à peu près idiote. Ç'avait été déjà l'idée des docteurs du parti français en 1429. La Pucelle «une puce», disait alors le seigneur archevêque d'Embrun[1098].

Il y avait une autre raison de la faire paraître aussi infirme et imbécile que possible. On en faisait mieux éclater la puissance de Dieu qui avait rétabli par elle le roi de France dans son héritage.

Les commissaires obtinrent de la plupart des témoins des déclarations en ce sens. Elle était simple, elle était très simple, elle était toute simple, répétaient-ils les uns après les autres. Et tous, en termes semblables, ajoutent: «Oui, elle était simple, hors au fait de guerre où elle était très entendue[1099].» Et les capitaines de dire qu'elle était experte à placer des canons, quand ils savaient bien le contraire, mais il fallait qu'elle fût excellente au fait de guerre, puisque Dieu lui-même la conduisait contre les Anglais; cet art militaire dans une fille inepte était précisément le miracle.

En sa «recollection» le Grand Inquisiteur de France, frère Jean Bréhal, énumère les raisons qu'on a de croire que Jeanne venait de Dieu. Une des preuves qui semble l'avoir le plus frappé est qu'on la trouve annoncée dans les prophéties de Merlin l'Enchanteur[1100].

(p. 451) Croyant pouvoir induire d'une des réponses de Jeanne qu'elle eut pour la première fois ses apparitions dans sa treizième année, frère Jean Bréhal estime que le fait est d'autant plus croyable que ce nombre 13, composé de 3, qui signifie la bienheureuse Trinité, et de 10, qui exprime la parfaite observation du Décalogue, dispose merveilleusement aux visites divines[1101].

Le 16 juin 1456, le jugement de 1431, déclaré injuste, mal fondé, inique, fut cassé et frappé de nullité.

C'était l'honneur rendu à la messagère du sacre et sa mémoire mise en règle avec l'Église. Mais la puissance créatrice, qui avait enfanté tant de légendes pieuses et de fables héroïques à l'apparition de cette enfant, était désormais tarie. Le procès de réhabilitation ajouta peu de chose à la légende populaire; il fournit l'occasion d'appliquer à la mort de Jeanne les lieux communs relatifs au martyre des vierges, tels que la colombe envolée du bûcher, le nom de Jésus tracé en lettres de flamme, le cœur trouvé intact dans les cendres[1102]. On insista particulièrement sur le trépas misérable des mauvais juges. Il est vrai que Jean d'Estivet, le promoteur, fut trouvé mort dans un colombier[1103], que Nicolas Midy fut atteint de la lèpre, que Pierre Cauchon expira quand on lui faisait la (p. 452) barbe[1104]. Mais parmi ceux qui aidèrent ou accompagnèrent la Pucelle, plus d'un fit une mauvaise fin. Sire Robert de Baudricourt, qui avait envoyé Jeanne au roi, mourut en prison, excommunié pour avoir ravagé les terres du chapitre de Toul[1105]; le maréchal de Rais fut étranglé par justice[1106]; le duc d'Alençon, condamné à mort pour crime de haute trahison, ne fut gracié que pour encourir ensuite une nouvelle condamnation et mourir en captivité[1107].

Deux ans après que Charles VII eut ordonné une information préalable sur le procès de 1431, une femme, à l'exemple de la dame des Armoises, se fit passer pour la Pucelle Jeanne.

À cette époque vivaient, dans la petite ville de Sarmaize, entre Marne et Meuse, deux cousins germains de la Pucelle, Poiresson et Périnet, fils l'un et l'autre de défunt Jean de Vouthon, frère d'Isabelle Romée, en son vivant couvreur de son état. Or, un jour de l'année 1452, le curé de Notre-Dame de Sarmaize, Simon Fauchard, se trouvait dans la halle de la ville lorsqu'une femme, habillée en garçon, vint à lui et lui demanda s'il voulait jouer à la paume avec elle.

Il y consentit et, quand ils eurent fait leur partie, la femme lui dit:

(p. 453) —Dites hardiment que vous avez joué à la paume contre la Pucelle.

De quoi maître Simon Fauchard fut joyeux.

Cette femme se rendit ensuite dans la maison de Périnet, le charpentier, et dit:

—Je suis la Pucelle, et je viens faire visite à mon cousin Henri.

Périnet, Poiresson, Henri de Vouthon lui firent bon visage et la retinrent chez eux où elle but et mangea à son plaisir[1108].

Puis, quand elle eut assez bu et mangé, elle s'en alla.

D'où venait-elle? On ne sait. Où alla-t-elle? À peu de temps de là on croit la reconnaître dans une aventurière qui, les cheveux courts, coiffée d'un chaperon, portant huque et chausses, parcourait l'Anjou en se disant Jeanne la Pucelle. Tandis que les docteurs et maîtres désignés pour la revision du procès de Rouen recueillaient par tout le royaume des témoignages de la vie et de la mort de Jeanne, cette fausse Jeanne trouvait créance chez maintes gens. Mais s'étant fait une mauvaise affaire avec une dame de Saumoussay[1109], elle fut mise dans les prisons de Saumur où elle resta trois mois; après quoi, bannie des États du bon roi René, elle épousa un nommé Jean Douillet, et, par lettres (p. 454) datées du troisième jour de février de l'an 1456, il lui fut permis de rentrer à Saumur, à la condition de vivre honnêtement et de ne plus porter habit d'homme[1110].

Environ ce temps, vint à Laval, au diocèse du Mans une fille de dix-huit à vingt-deux ans, native d'un lieu voisin, dit Chassé-les-Usson. Son père se nommait Jean Féron, et elle était communément appelée Jeanne la Férone.

Elle recevait inspiration du Ciel et prononçait sans cesse les saints noms de Jésus et de Marie; cependant le démon la tourmentait cruellement. La dame de Laval, mère des seigneurs André et Guy, alors très vieille, admirant la piété et les souffrances de cette sainte fille, l'envoya au Mans vers l'évêque.

L'évêque du Mans était, depuis l'an 1449, messire Martin Berruyer, Tourangeau, en sa jeunesse professeur de philosophie et de rhétorique à l'Université de Paris, et qui s'était ensuite consacré à la théologie et avait compté parmi les sociétaires du collège de Navarre. Bien qu'affaibli par l'âge, consulté pour ses lumières par les commissaires de la réhabilitation[1111], il composa un mémoire sur la Pucelle. Ce qui lui donne à croire que cette paysanne fut vraiment envoyée de Dieu, c'est (p. 455) qu'elle était abjecte et très pauvre et paraissait presque idiote en tout ce qui ne concernait pas sa mission. Messire Martin augure que ce fut aux vertus de son roi que le Seigneur accorda le secours de la Pucelle[1112]. Sentiments en faveur parmi les théologiens du parti français.

Le seigneur évêque Martin Berruyer entendit Jeanne la Férone en confession, renouvela le baptême de cette jeune fille, la confirma dans la foi et lui imposa le nom de Marie, en reconnaissance des grâces abondantes que la très Sainte Vierge, mère de Dieu, avait accordées à sa servante.

Cette pucelle subissait les plus rudes assauts de la part des mauvais esprits. Maintes fois monseigneur du Mans la vit couverte de plaies, tout en sang, se débattre dans l'étreinte de l'Ennemi, et à plusieurs reprises il la délivra au moyen d'exorcismes. Il était merveilleusement édifié par cette sainte fille qui lui confiait des secrets admirables, abondait en révélations dévotes et en belles sentences chrétiennes. Aussi écrivit-il à la louange de la Férone plusieurs lettres tant à des princes qu'à des communautés du royaume[1113].

La reine de France, alors en son vieil âge et que depuis longtemps son époux délaissait, ayant ouï parler (p. 456) de la Pucelle du Mans, écrivit à messire Martin Berruyer pour qu'il voulût bien la lui faire connaître.

Ainsi que nous l'avons vu plusieurs fois dans cette histoire, quand une personne dévote et menant vie contemplative prophétisait, ceux qui tenaient le gouvernement des peuples voulaient la connaître et la soumettre au jugement des gens d'Église pour savoir si la bonté qui paraissait en elle était vraie ou feinte. Quelques officiers du roi vinrent visiter la Férone au Mans.

Comme elle avait été favorisée de révélations concernant le royaume de France, elle leur tint ce propos:

—Recommandez-moi bien humblement au roi et lui dites qu'il reconnaisse bien la grâce que Dieu lui a faite, qu'il veuille soulager son peuple.

Au mois de décembre 1460, elle fut mandée auprès du Conseil royal qui se tenait alors à Tours, tandis que le roi malade traînait dans le château des Montils sa jambe qui coulait[1114]. La Pucelle du Mans fut examinée, de même que l'avait été la Pucelle Jeanne, mais elle ne fut pas trouvée bonne; il s'en fallut du tout. Traduite en cour d'Église, elle fut convaincue d'imposture; il apparut qu'elle n'était pas pucelle, et qu'elle vivait en concubinage avec un clerc, que des familiers de monseigneur du Mans l'instruisaient de ce qu'il fallait dire, et que telle était l'origine des révélations qu'elle apportait sous le sceau du sacrement de la pénitence (p. 457) à révérend père en Dieu, messire Martin Berruyer. Reconnue hypocrite, idolâtre, invocatrice du démon, sorcière, magicienne, lubrique, dissolue, enchanteresse, grand miroir d'abusion, elle fut condamnée à être mitrée et prêchée devant le peuple, dans les villes du Mans, de Tours et de Laval. Le 2 mai 1461, elle fut exposée à Tours, coiffée d'une mitre de papier, sous un écriteau où son cas était déduit en vers latins et français. Maître Guillaume de Châteaufort, grand maître du collège royal de Navarre, la prêcha; puis on la mit en prison close, pour y pleurer et gémir ses péchés l'espace de sept ans, au pain de douleur et à l'eau de tristesse[1115]. Après quoi elle se fit tenancière d'une maison publique[1116].

Charles VII, rongé d'ulcères à la jambe et à la bouche, se croyant empoisonné, non sans raison, peut-être, et refusant toute nourriture, mourut en la cinquante-neuvième année de son âge, le mercredi 22 juillet 1461, dans son château de Mehun-sur-Yèvre[1117].

Le jeudi 6 août, son corps fut porté à l'église de Saint-Denys en France et déposé dans une chapelle tendue de velours; la nef était couverte de satin noir avec une voûte de toile bleue, ornée de fleurs de Lis[1118]. Pendant la cérémonie qui fut célébrée le lendemain, le (p. 458) plus renommé professeur de l'Université de Paris, le docteur aimable et modeste entre tous, au dire des princes de l'Église romaine, le plus puissant défenseur des libertés de l'Église gallicane, le religieux qui, ayant refusé le chapeau de cardinal, portait, au seuil de la vieillesse et très illustre, le seul titre de doyen des chanoines de Notre-Dame de Paris, maître Thomas de Courcelles, prononça l'oraison funèbre de Charles VII[1119]. Ainsi l'assesseur de Rouen, qui avait plus âprement que tout autre poursuivi la cruelle condamnation de la Pucelle, célébra la mémoire du roi victorieux que la Pucelle avait mené à son digne sacre.

(p. 459) APPENDICE I
LETTRE DU DOCTEUR G. DUMAS

MON CHER MAÎTRE,

Vous me demandez mon opinion médicale sur le cas de Jeanne d'Arc. Si j'avais pu l'examiner à loisir, comme les docteurs Tiphaine et Delachambre, qui furent appelés par le tribunal de Rouen, peut-être aurais-je été embarrassé pour me prononcer; à plus forte raison le suis-je pour vous donner un diagnostic rétrospectif fondé sur des interrogatoires où les juges recherchaient tout autre chose que des tares nerveuses. Cependant comme ils appelaient influence du diable ce que nous appelons aujourd'hui maladie, toutes leurs questions ne sont pas absolument vaines pour nous et je vais essayer, avec beaucoup de réserves, de vous répondre.

De l'hérédité de Jeanne nous ne savons rien, et de ses antécédents personnels nous ignorons presque tout. Jean d'Aulon raconte seulement[1120], sur la foi de plusieurs femmes, qu'elle (p. 460) n'aurait jamais été formée, ce qui indique une insuffisance de développement physique que l'on rencontre chez beaucoup de névropathes.

On n'en pourrait toutefois rien conclure touchant l'état nerveux de Jeanne, si ses juges, et en particulier maître Jean Beaupère, dans les nombreux interrogatoires qu'ils lui font subir, ne nous avaient procuré au sujet de ses hallucinations, quelques renseignements utiles.

Maître Beaupère s'enquiert d'abord très judicieusement si Jeanne avait jeûné la veille du jour où elle entendit ses voix pour la première fois, ce qui prouve que ce professeur insigne de théologie n'ignorait pas l'influence que l'inanition exerce sur les hallucinations et voulait, avant de conclure à la sorcellerie, être bien sûr qu'il n'allait pas condamner une malade. De même nous verrons plus tard sainte Thérèse, soupçonnant que le jeûne était la seule cause des prétendues visions d'une religieuse, l'obliger à manger et la guérir.

Jeanne répond qu'elle était à jeun depuis le matin seulement, et maître Beaupère continue:

D.—De quel côté entendiez-vous la voix?

R.—J'entendais la voix à droite, vers l'église.

D.—La voix était-elle accompagnée d'une clarté?

R.—Rarement je l'entends sans clarté. Cette clarté se manifeste du même côté par où j'entends la voix[1121].

On pourrait se demander si par l'expression «à droite» (a latere dextro) Jeanne a voulu désigner son côté droit ou bien l'orientation de l'église par rapport à elle, et, dans ce dernier cas, le renseignement serait sans intérêt au point de vue clinique, mais le contexte ne laisse aucun doute sur le sens véritable de ses paroles.

—Comment pouvez-vous, objecte Jean Beaupère, voir (p. 461) cette clarté que vous dites se manifester, si cette clarté est à droite?

S'il s'était agi simplement de la situation de l'église et non du côté droit de Jeanne, elle n'aurait eu qu'à tourner la tête pour avoir la clarté en face, et l'objection de Jean Beaupère ne se comprendrait pas.

Jeanne paraît donc avoir eu, vers l'âge de treize ans, à l'époque de la puberté qui ne venait pas pour elle, des hallucinations unilatérales droites de la vue et de l'ouïe; or Charcot considérait que les hallucinations unilatérales de la vue étaient fréquentes dans l'hystérie[1122]. Il pensait même qu'elles s'allient toujours chez les hystériques à une hémi-anesthésie qui siège du même côté du corps et qui, dans l'espèce, eût siégé à droite. Peut-être le procès de Jeanne nous eût-il révélé cette hémi-anesthésie, stigmate très important pour le diagnostic de l'hystérie, si les juges avaient appliqué la torture ou simplement recherché sur la peau les plaques d'anesthésie qu'on appelait alors les marques du diable; mais de l'examen oral auquel ils se livrèrent on ne peut tirer que des inférences sur l'état physique de Jeanne. Je dois ajouter, pour infirmer ce que ces inférences peuvent encore avoir d'excessif, que les neurologistes contemporains attachent moins d'importance que Charcot aux hallucinations unilatérales de la vue dans le diagnostic de l'hystérie.

Les autres caractères que les interrogatoires révèlent dans les hallucinations de Jeanne ne sont pas moins intéressants que les précédents, bien qu'ils ne prêtent pas non plus à des conclusions certaines.

C'est de la pensée obscure et inconsciente que sortent brusquement les visions et les voix avec ce caractère d'extériorité qui distingue si particulièrement les hallucinations hystériques. (p. 462) Jeanne est si peu préparée par sa pensée claire à entendre ses voix, elle les attend si peu qu'elle déclare avoir eu grand'peur la première fois: «J'avais treize ans quand j'eus une voix venant de Dieu pour m'aider à me bien conduire. Et la première fois, j'eus grand'peur. Cette voix me vint vers l'heure de midi, c'était l'été, dans le jardin de mon père[1123]

Et tout de suite la voix devient impérative; elle demande une obéissance qu'on ne lui refuse pas: «Elle me disait: Va en France, et je ne pouvais plus tenir où j'étais[1124]

Ses visions se manifestent de la même façon; elles ont la même extériorité et elles s'imposent avec la même nécessité à la confiance de la jeune fille.

Enfin ces hallucinations de l'ouïe et de la vue s'associent de bonne heure avec des hallucinations de l'odorat et du toucher qui présentent le même caractère et confirment chez Jeanne la certitude absolue de leur réalité.

D.—En quelle partie avez-vous touché sainte Catherine?

R.—Vous n'en aurez autre chose.

D.—Avez-vous baisé ou accolé sainte Catherine ou sainte Marguerite?

R.—Je les ai accolées toutes les deux.

D.—Fleuraient-elles bon?

R.—Il est bon à savoir qu'elles fleuraient bon.

D.—En les accolant, sentiez-vous chaleur ou autre chose?

R.—Je ne pouvais les accoler sans les sentir et les toucher[1125].

C'est d'ailleurs à cause de cette extériorité, de cette réalité si marquée que les hallucinations hystériques laissent dans l'esprit des traces profondes et ineffaçables; les sujets en parlent comme de faits réels qui les ont vivement frappés, et quand (p. 463) ils se font accusateurs, comme tant de femmes qui se prétendent victimes d'attentats imaginaires, ils soutiennent leurs accusations avec la dernière énergie.

Non seulement Jeanne voit, entend, flaire et touche ses saintes, mais elle se mêle à des cortèges d'anges dont elles font partie, accomplit en cette compagnie des actes réels, comme si ses hallucinations et sa vie étaient complètement fondues.

—J'étais dans mon logis, en la maison d'une bonne femme, près du château de Chinon, quand l'ange vint. Et alors lui et moi, allâmes ensemble vers le roi.

D.—Cet ange était-il seul?

R.—Cet ange avait bonne compagnie d'autres anges[1126]. Ils étaient avec lui mais chacun ne les voyait pas.... Quelques-uns s'entre-ressemblaient bien; d'autres, non, en la manière où je les voyais. Aucuns avaient des ailes. Il y en avait même de couronnés, et en la compagnie étaient sainte Catherine et sainte Marguerite.

Elles furent, avec l'ange susdit, et les autres anges aussi, jusque dedans la chambre du roi.

D.—Dites-nous comment l'ange vous quitta.

R.—Il me quitta dans une petite chapelle et je fus bien fâchée de son départ et même je pleurai. Volontiers je m'en fusse allée avec lui; je veux dire mon âme[1127].

Il y a dans toutes ces hallucinations la même netteté objective, la même certitude subjective, que dans les hallucinations toxiques de l'alcool, et cette netteté, cette certitude peuvent (p. 464) bien, dans le cas de Jeanne, faire penser encore à l'hystérie.

Mais si Jeanne se rapproche des hystériques par certains traits, elle s'en éloigne par d'autres.

De bonne heure elle paraît être arrivée à disposer, par rapport à ses voix et à ses visions, d'une indépendance et d'une autorité relatives.

Sans douter jamais de leur réalité, elle leur résiste et leur désobéit à l'occasion, lorsque, par exemple, elle saute, malgré sainte Catherine, de la tour de Beaurevoir où elle est prisonnière: «Sainte Catherine me disait presque chaque jour de ne pas sauter, et que Dieu me viendrait en aide et aussi à ceux de Compiègne. Et moi je dis à sainte Catherine: Puisque Dieu sera en aide à ceux de Compiègne, je veux être là[1128]

D'autre part, elle finit par prendre sur ses visions assez d'autorité pour faire venir les deux saintes à son gré lorsqu'elles ne viennent pas d'elles-mêmes.

D.—Appelez-vous ces saintes, ou viennent-elles sans appeler?

R.—Elles viennent souvent sans les appeler, et d'autres fois, si elles ne venaient pas, je requerrais Dieu promptement pour qu'il les envoyât[1129].

Tout ceci n'est plus dans la manière classique des hystériques, en général assez passives par rapport à leur névrose et à leurs hallucinations; c'est un trait de caractère que j'ai noté chez bien des mystiques supérieures qui furent en même temps des hystériques notoires; les sujets de ce genre, après avoir d'abord subi leur hystérie passivement, s'en servent ensuite plus qu'ils ne la subissent, et finalement en tirent parti pour réaliser par leurs extases l'union divine qu'ils cherchent.

(p. 465) Et ce trait nous permet, si Jeanne fut hystérique, d'indiquer le rôle que sa névrose a pu jouer dans le développement de son caractère et dans sa vie.

Si l'hystérie est intervenue chez elle, ce n'a été que pour permettre aux sentiments les plus secrets de son cœur de s'objectiver sous forme de visions et de voix célestes; elle a été la porte ouverte par laquelle le divin—ou ce que Jeanne jugeait tel—est entré dans sa vie; elle a fortifié sa foi, consacré sa mission, mais par son intelligence, par sa volonté Jeanne reste saine et droite, et c'est à peine si la pathologie nerveuse éclaire faiblement une partie de cette âme que votre livre fait revivre tout entière.

Je vous prie d'agréer, mon cher Maître, l'expression de ma respectueuse admiration.

Dr G. DUMAS.

(p. 466) APPENDICE II
LE MARÉCHAL DE SALON

Vers la fin du XVIIe siècle, vivait à Salon-en-Crau, près Aix, un maréchal ferrant, nommé François Michel, d'honnête famille, qui avait servi dans le régiment de cavalerie du chevalier de Grignan, et était tenu pour homme sensé, probe et accomplissant ses devoirs religieux. Il touchait à ses quarante ans, quand, au mois de février 1697, il eut une vision.

Rentrant le soir au logis, il vit un spectre tenant à la main un flambeau. Ce spectre lui dit:

—Ne crains rien. Va à Paris pour parler au roi. Si tu n'obéis pas à cet ordre, tu mourras. Lorsque tu seras à une lieue de Versailles je te marquerai, sans faute, les choses dont tu devras entretenir Sa Majesté. Adresse-toi à l'intendant de la province, qui donnera les ordres nécessaires pour ton voyage.

La figure qui parlait ainsi était en forme de femme, portant la couronne royale et le manteau semé de fleurs de lis d'or, comme la feue reine Marie-Thérèse, morte saintement depuis déjà quatorze ans révolus.

Le pauvre maréchal eut grand'peur, et tomba au pied d'un (p. 467) arbre, ne sachant s'il rêvait ou s'il veillait; puis il regagna sa maison et ne parla à personne de ce qu'il avait vu.

À deux jours de là, passant au même endroit, il revit le spectre qui lui réitéra les ordres et les menaces. Le maréchal ne douta plus de la vérité de ce qu'il voyait; mais il ne savait encore à quoi se résoudre.

Une troisième apparition, plus pressante et plus impérieuse, le disposa à l'obéissance. Il alla trouver à Aix l'intendant de la province, le vit et lui conta comment il avait reçu mission d'aller parler au roi. L'intendant ne lui donna pas d'abord grande attention; mais, pressé par le doux entêtement de cet illuminé, et songeant, d'ailleurs, que l'affaire n'était pas tout à fait négligeable, puisqu'il s'agissait de la personne du roi, il s'informa, auprès des magistrats de Salon, de la famille et de la conduite du maréchal. Les renseignements furent très bons. Dans ce cas, il convenait de donner suite à l'affaire. On n'était pas bien sûr, en ce temps-là, que des avis utiles au Roi très chrétien ne pussent être envoyés au moyen d'un simple artisan par quelque membre de l'Église triomphante; on était bien moins sûr encore qu'il n'y eût pas, sous couleur d'apparition, quelque complot dont la connaissance intéressât la sûreté de l'État. Dans les deux cas, dont le second assez probable, le parti le plus sage était d'envoyer François Michel à Versailles; c'est à quoi se décida l'intendant.

Il prit, pour faire voyager François Michel, un moyen sûr et peu coûteux. Il le remit à un officier qui conduisait des recrues. Après avoir fait ses dévotions chez les capucins, qu'il édifia par sa bonne tenue, le maréchal ferrant partit le 25 février avec les jeunes soldats de Sa Majesté, qu'il ne quitta qu'à la Ferté-sous-Jouarre. Arrivé à Versailles, il demanda à voir le roi, ou tout au moins un ministre d'État. On l'envoya à M. de Barbezieux qui, tout jeune, avait succédé à M. de Louvois son père, et avait montré quelques talents. Mais le bon (p. 468) homme refusa de lui rien dire, pour cette raison qu'il ne parlerait qu'à un ministre d'État.

Et, de fait, Barbezieux, qui était ministre, n'était pas ministre d'État. On fut surpris qu'un maréchal de Provence en eût fait la distinction.

M. de Barbezieux ne méprisa pas, sans doute, ce compatriote de Nostradamus autant qu'un esprit plus libre l'eût fait à sa place. Il était, comme son père, adonné aux pratiques de l'astrologie judiciaire et il consultait, sans cesse, sur son horoscope, un cordelier qui lui avait prédit l'époque de sa mort.

On ne sait s'il fit un rapport favorable au roi, ni si le maréchal ferrant fut reçu ensuite par M. de Pomponne de qui relevaient les affaires de Provence. Mais, ce qui est certain, c'est que Louis XIV consentit à voir le pauvre homme. Il le fit monter par les degrés qui aboutissent à la cour de marbre et l'entretint longuement dans ses cabinets.

Le lendemain, descendant par ce même petit escalier pour aller à la chasse, le roi rencontra le maréchal de Duras qui tenait, ce jour-là, le bâton de capitaine des gardes du corps, et qui lui parla du ferreur de chevaux avec sa liberté ordinaire. Usant d'une façon proverbiale de langage:

—Ou cet homme-là est fou, dit-il, ou le roi n'est pas noble.

À ce mot, le roi s'arrêta, contre son habitude, et se tourna vers le maréchal de Duras:

—Je ne suis donc pas noble, répondit-il, car je l'ai entretenu longtemps et il m'a parlé de fort bon sens; je vous assure qu'il est loin d'être fou.

Il prononça ces derniers mots avec une gravité appuyée qui surprit l'assistance.

C'est l'usage que de tels illuminés apportent un signe de leur mission. Dans une seconde entrevue, François Michel donna un signe au roi, conformément à la promesse qu'il lui en (p. 469) avait faite. Il lui rappela une rencontre extraordinaire que le fils d'Anne d'Autriche se croyait seul à connaître. On en recueillit, dit-on, l'aveu sur la bouche de Louis XIV, qui pourtant gardait sur toute cette affaire un silence profond.

Saint-Simon, attentif à recueillir tous les bruits des petits cabinets, crut savoir qu'il s'agissait d'un fantôme qui, plus de vingt ans auparavant, avait apparu à Louis XIV dans la forêt de Saint-Germain.

Le roi reçut une troisième et dernière fois le maréchal de Salon.

Ce visionnaire inspirait une telle curiosité aux courtisans, qu'il fallut le tenir enfermé dans le couvent des Récollets, où la petite princesse de Savoie, qui devait bientôt épouser le duc de Bourgogne, l'alla voir avec plusieurs dames et seigneurs de la Cour.

Il se montrait bon homme, simple, ne s'enorgueillissait point et parlait peu. Le roi lui fit donner un bon cheval, des hardes, quelque argent et le renvoya en Provence.

Il y avait dans le public de grandes incertitudes sur l'apparition qui était venue au maréchal et sur la mission qu'il en avait reçue. L'opinion la plus répandue était qu'il avait vu l'âme de Marie-Thérèse; mais quelques-uns prétendaient que c'était celle de Nostradamus.

Cet astrologue n'avait pas de crédit qu'à Salon, où il reposait dans l'église des Cordeliers. Ses centuries, plus de dix fois réimprimées dans le cours d'un siècle, à Paris et à Lyon, amusaient, par tout le royaume, la crédulité populaire, et l'on venait de publier en 1693 une concordance des prophéties de Nostradamus avec l'histoire, depuis Henri II jusqu'à Louis le Grand.

On en vint à croire que le maréchal de Salon avait été annoncé par l'astrologue dans ce quatrain mystérieux:

(p. 470) Le penultiesme du surnom du Prophète,
Prendra Diane pour son iour et repos:
Loing vaguera par frénétique teste,
En délivrant un grand peuple d'impos.

On essaya d'expliquer, en faveur du pauvre illuminé de Salon, cette poésie obscure. On voulut qu'il fût désigné dans le premier vers, l'un des douze petits prophètes s'appelant Micheas ou Michée, ce qui s'approche de Michel. À l'endroit du second vers, on fit remarquer que la mère du maréchal ferrant se nommait Diane, tandis que ce vers, si tant est qu'il ait un sens, offre plus naturellement l'idée du jour de la lune, c'est-à-dire du lundi. On prit soin de marquer que, au troisième vers, frénétique veut dire non point insensé, mais inspiré. Le quatrième vers, seul intelligible, fit penser que le spectre avait donné au maréchal mission de réclamer du roi l'allégement des impôts et des tailles qui pesaient alors d'un poids inique sur les bonnes gens des villes et des campagnes:

En délivrant un grand peuple d'impos.

C'en fut assez pour rendre le bonhomme populaire, et pour que les malheureux missent sur cette grosse tête, gonflée de vent, l'espérance d'un meilleur avenir. On grava son portrait en taille-douce, et l'on inscrivit au-dessous le quatrain de Nostradamus. M. d'Argenson, lieutenant de police, fit saisir ces images. On les supprima peut-être, dit la Gazette d'Amsterdam, à cause du dernier vers de la centurie mise au bas du portrait: «En délivrant un grand peuple d'impôts», ces sortes d'expressions n'étant en aucune manière du goût de la Cour.

On ne sut jamais exactement quelle mission le spectre avait donnée au maréchal. Les gens d'esprit flairaient une intrigue de madame de Maintenon, qui avait une amie à Marseille, madame Arnoul, laide comme le péché, disait-on, et qui se faisait aimer de tous les hommes. Ils pensaient que cette madame (p. 471) Arnoul avait montré Marie-Thérèse au bonhomme de Salon pour induire le roi à vivre honnêtement avec la veuve Scarron. Mais en 1697 la veuve Scarron avait épousé Louis, depuis au moins douze ans, et l'on ne voit point qu'elle eût besoin de spectres pour s'attacher le vieux roi.

De retour dans sa ville natale, François Michel y ferra les chevaux comme devant.

Il mourut à Lançon, proche Salon, le 10 décembre 1726[1130].

(p. 472) APPENDICE III
MARTIN DE GALLARDON

Ignace-Thomas Martin, natif de Gallardon (Eure-et-Loir), y vivait au commencement de XIXe siècle avec sa femme et ses quatre enfants. Il était cultivateur de son état. Ceux qui l'ont connu nous le représentent de taille moyenne, les cheveux bruns et plats, la face maigre, l'œil calme, avec un air de quiétude et d'assurance. Un portrait au crayon, que M. le docteur Martin, son fils, a bien voulu me communiquer, permet de se figurer le visionnaire avec plus d'exactitude. Ce portrait, où Thomas Martin est représenté de profil, fait voir un front étrangement haut et droit, une tête étroite et longue, un œil rond, des narines ouvertes, une bouche serrée, un menton avancé, des joues creuses, un air d'austérité; le col, la cravate blanche, l'habit d'un bourgeois.

C'était, au témoignage de son frère, un homme sain de corps et d'esprit, l'âme la plus douce, qui ne cherchait point à se faire remarquer, et dont la piété régulière n'avait jamais eu rien d'exalté. Le maire et le curé de Gallardon confirmèrent ce dire et s'accordèrent à le représenter bon homme, de mœurs simples, d'esprit rassis, un peu court.

(p. 473) Il avait trente-trois ans en 1816. Le 15 janvier de cette année, étant seul dans son champ, où il étendait du fumier, il entendit à son oreille une voix qu'aucun bruit de pas n'avait précédée. Alors, il tourna la tête du côté de la voix et vit une figure qui lui fit peur. C'était celle d'un être dont la taille, comparée à celle des hommes, semblait médiocre, mais dont le visage, très mince, éblouissait par sa blancheur surnaturelle. Coiffé d'un chapeau de haute forme, il portait une redingote «blonde» et était chaussé de souliers à cordons.

Il disait avec douceur:

—Il faut que vous alliez trouver le roi et que vous l'avertissiez que sa personne est en danger, que des méchants cherchent à renverser le gouvernement.

Il ajouta des recommandations à l'adresse de Louis XVIII sur la nécessité d'instituer une bonne police, de sanctifier le dimanche, d'ordonner des prières publiques et de réprimer les désordres du carnaval. Faute de quoi, ajouta-t-il, «la France tombera dans les plus grands malheurs». Rien, en somme, que M. La Perruque, curé de Gallardon, n'eût dit cent fois, sans doute, le dimanche, en chaire.

Martin répondit:

—Puisque vous en savez si long, pourquoi n'allez-vous pas faire votre commission vous-même? Pourquoi vous adressez-vous à un pauvre homme comme moi qui ne sait pas s'expliquer?

L'inconnu répondit à Martin:

—Ce n'est pas moi qui irai, ce sera vous, et faites ce que je vous commande.

Aussitôt qu'il eut prononcé ces paroles, ses pieds s'élevèrent du sol, son buste s'abaissa et il disparut en achevant ce double mouvement.

À compter de ce jour, Martin fut hanté par l'être mystérieux. Une fois, étant descendu dans sa cave, il l'y trouva. (p. 474) Une autre fois, pendant les vêpres, il le vit dans l'église, près du bénitier, en une dévote attitude. Après la cérémonie, l'inconnu accompagna Martin, qui regagnait sa maison avec des gens de sa famille, et il lui renouvela l'ordre d'aller trouver le roi. Martin avertit ses parents, mais ceux-ci ne purent rien voir ni rien entendre.

Tourmenté par ces apparitions, Martin en instruisit M. La Perruque, son curé, qui, assuré de la bonne foi de son paroissien et estimant que le cas devait être soumis à l'autorité diocésaine, envoya le visionnaire à l'évêque de Versailles. C'était alors un ancien prêtre assermenté, M. Louis Charrier de la Roche. Il résolut de soumettre Martin à un examen complet et lui prescrivit tout d'abord de demander de sa part à l'inconnu comment il se nommait, qui il était et qui l'envoyait.

Mais le messager à la redingote blonde, s'étant manifesté de nouveau, déclara que son nom resterait inconnu.

—Je viens, ajouta-t-il de la part de celui qui m'a envoyé, et celui qui m'a envoyé est au-dessus de moi.

S'il ne voulait pas se nommer, il faisait connaître du moins ses sentiments, et le chagrin qu'il témoigna de l'évasion de La Valette prouvait qu'il était, en politique, un ultra de l'espèce la plus féroce.

Cependant, le comte de Breteuil, préfet d'Eure-et-Loir, prévenu en même temps que l'évêque, interrogea de son côté Martin. Il s'attendait à voir un agité, et quand il trouva devant lui un homme tranquille, parlant avec simplicité, mettant de la suite et de l'exactitude dans ses propos, sa surprise fut grande.

Il jugea, comme M. l'abbé La Perruque, qu'il y avait lieu d'en référer aux autorités supérieures, et il envoya Martin au ministre de la police générale, sous la conduite d'un lieutenant de gendarmerie.

(p. 475) Arrivé à Paris le 8 mars, Martin logea avec le gendarme à l'hôtel de Calais, dans la rue Montmartre. Ils y occupaient une chambre à deux lits. Un matin, Martin, étant couché, eut une apparition dont il prévint le lieutenant André, qui ne put rien voir, bien qu'il fît grand jour. Au reste, Martin avait des visions si fréquentes qu'il n'en concevait plus ni surprise ni trouble. Il n'y avait que la disparition subite de l'inconnu à laquelle il ne pouvait s'habituer. La voix donnait constamment les mêmes ordres. Un jour elle dit que, si les commandements qu'elle portait n'étaient point entendus, la France n'aurait plus de paix jusqu'à l'année 1840.

Le ministre de la police générale était, en 1816, le comte Decazes (qui fut fait duc un peu plus tard). Il avait la confiance du roi; mais il savait que les ultras ourdissaient contre lui des complots. Il voulut voir le bonhomme de Gallardon, dans le soupçon, sans doute, que cet innocent était aux mains de royalistes fanatiques. Il le fit venir, l'interrogea et vit tout de suite que le pauvre homme n'était pas dangereux. Il lui parla comme on doit parler aux fous, en entrant dans leur manie:

—Soyez tranquille, lui dit-il, l'homme qui vous tourmentait est arrêté et vous n'avez plus rien à craindre.

Mais ces paroles ne produisirent pas l'effet qu'on en pouvait attendre. Trois ou quatre heures après cette entrevue, Martin revit l'inconnu, qui, après avoir parlé comme de coutume, ajouta:

—C'est à tort qu'on vous a dit qu'on m'avait arrêté: celui qui vous a parlé n'a aucun pouvoir sur moi.

Il revint le dimanche 10 mars et fit ce jour-là une des communications que l'évêque de Versailles avait demandées et qu'il avait d'abord déclaré ne devoir jamais faire:

—Je suis, dit-il, l'archange Raphaël, ange très célèbre auprès de Dieu, et j'ai reçu le pouvoir de frapper la France de toutes sortes de plaies.

(p. 476) Trois jours après, Martin était enfermé à Charenton, sur le certificat du docteur Pinel, qui le reconnut atteint de manie intermittente avec aliénations des sens.

Il y fut traité de la manière la plus douce et put même y jouir des apparences de la liberté. C'est Pinel lui-même qui avait introduit ces habitudes d'humanité dans le traitement des fous. Le bienheureux Raphaël n'abandonna pas Martin à l'hôpital; le vendredi 15, comme le paysan nouait les cordons de ses souliers, l'archange en redingote blonde lui adressa ces paroles:

—Place ta confiance en Dieu. Si la France persiste dans son incrédulité, les malheurs prédits arriveront. Au reste, si l'on doute de la vérité de tes visions, on n'a qu'à te faire examiner par des docteurs en théologie.

Martin rapporta ce discours à M. Legros, surveillant de la maison royale de Charenton, et lui demanda ce que c'était qu'un docteur en théologie. Il ignorait la signification de ce terme. Il avait de même, étant encore à Gallardon, demandé à M. le curé La Perruque le sens de certaines expressions que la voix employait. Il ne comprenait pas, par exemple, «le délire de la France» ni les maux auxquels elle serait «en proie». Mais cette inintelligence, à la croire véritable, n'est pas pour nous troubler: Martin pouvait fort bien avoir retenu des mots qu'il n'entendait pas et qu'il prêtait ensuite à son archange sans les entendre davantage. Les visions se succédaient à courts intervalles. Le dimanche 31 mars, l'archange lui apparut dans le jardin, lui prit la main, qu'il serra affectueusement, entr'ouvrit son vêtement et montra une poitrine d'une blancheur si éclatante qu'on n'en pouvait soutenir la vue; puis il ôta son chapeau:

—Vois mon front, dit-il, et fais attention qu'il ne porte pas le sceau de la réprobation dont les mauvais anges ont été marqués.

(p. 477) Louis XVIII, pensant comme, son ministre favori, que le laboureur de Gallardon était un instrument aux mains des partis violents, voulut le voir et l'interroger.

Le mardi 2 avril, Martin fut conduit aux Tuileries et introduit dans le cabinet du roi, où se trouvait M. Decazes. Dès que le roi vit le laboureur, il lui dit:

—Martin, je vous salue.

Puis il fit signe au ministre de se retirer. Martin répéta alors tout ce que l'archange lui avait révélé, puis, à l'en croire, il découvrit à Louis XVIII plusieurs circonstances secrètes des années d'exil et révéla des complots formés contre sa personne. Alors le roi, vivement ému, leva en pleurant les yeux et les mains vers le ciel et dit à Martin:

—Martin, voilà des choses qui ne doivent être connues que de vous et de moi.

Le visionnaire lui promit le secret le plus absolu.

Telle est, sur l'entrevue du 2 avril, la première version de Martin qui était alors un royaliste exalté par les prônes de M. La Perruque. Il faudrait mieux connaître ce curé, dont on sent l'inspiration dans toute cette affaire. Louis XVIII jugea comme M. Decazes que le pauvre homme était inoffensif et le renvoya à sa charrue.

Plus tard, les agents d'un de ces faux dauphins qui pullulaient sous la Restauration s'emparèrent de Martin et le firent divaguer à leur profit. Après la mort de Louis XVIII, sous l'influence de ces aventuriers, le pauvre homme, refaisant le récit de son entrevue avec le feu roi, y introduisit de prétendues révélations qui en changeaient absolument le caractère et qui transformaient le royaliste exalté de 1816 en un prophète accusateur, venant traiter le prince, dans son château, d'usurpateur et de régicide, lui défendant, au nom de Dieu, de se faire sacrer à Reims.

Je ne rapporterai pas ici de telles divagations. On les trouvera (p. 478) tout au long dans le livre de M. Paul Marin. J'aurais voulu qu'on y indiquât que ces inepties étaient soufflées au malheureux insensé par des partisans de Naundorf qui se faisait passer pour le duc de Normandie, échappé du Temple.

Thomas-Ignace Martin mourut à Chartres en 1834. On a prétendu, sans pouvoir l'établir, qu'il avait été empoisonné[1131].

(p. 479) APPENDICE IV
NOTE ICONOGRAPHIQUE

On ne trouve nulle part une image authentique de Jeanne. Nous tenons d'elle qu'elle vit à Arras, dans la main d'un Écossais, une peinture où elle était figurée un genou à terre et présentant une lettre à son roi, et que jamais elle ne fit faire ni ne connut autre image ou peinture à sa ressemblance. Ce portrait, sans doute fort petit, est malheureusement perdu et l'on n'en connaît point de réplique[1132]. La figure exiguë tracée à la plume, sur un registre, le 10 mai 1429, par un greffier au parlement de Paris, qui n'avait jamais vu la Pucelle, doit être regardée comme l'innocent griffonnage d'un scribe inhabile à dessiner une lettrine[1133]. Je me dispenserai de refaire l'iconographie de la Pucelle[1134]. La statuette équestre, en bronze, du musée de Cluny, offre un effet si grotesque, qu'on le croirait (p. 480) produit à dessein, si l'on pouvait prêter une pareille intention à un vieil imagier. Elle date du règne de Charles VIII; c'est un Saint-Georges ou un Saint-Maurice que, à une époque sans doute récente, on fit prendre pour ce qu'il n'était pas, en inscrivant au burin, entre les jambes de la malheureuse haridelle qui le porte, cette inscription: La pucelle dorlians, désignation inusitée au XVe siècle[1135]. Le musée de Cluny exposait, vers 1875, une autre statuette, un peu plus grande, de bois peint, qu'on croyait être aussi du XVe siècle et représenter Jeanne d'Arc. On la cacha dans les magasins quand on sut que c'était un mauvais Saint-Maurice du XVIIe siècle, provenant d'une église de Montargis[1136]. Il arrive souvent qu'on fasse d'un saint en armes une Jeanne d'Arc. C'est le cas encore pour une petite tête casquée du XVe siècle, qu'on trouva, dans la terre, à Orléans, détachée d'une statue et portant encore des traces de peinture, œuvre d'un bon style et d'une expression charmante[1137]. Je n'ai pas le courage de signaler toutes les lettrines d'antiphonaires, toutes les miniatures du XVIe siècle, du XVIIe, du XVIIIe, altérées et repeintes, qu'on donne pour d'authentiques et anciennes effigies de Jeanne. J'ai eu l'occasion d'en voir beaucoup[1138]. J'aurais plaisir au contraire à rappeler, s'ils n'étaient si connus, quelques manuscrits du XVe siècle, qui, comme Le Champion des dames et les Vigiles de (p. 481) Charles VII, contiennent des miniatures où la Pucelle est figurée selon la fantaisie de l'enlumineur, et qui nous intéressent en ce qu'elles expriment la vision de ces hommes qui vécurent en même temps qu'elle, ou peu de temps après. Ce n'est pas leur talent qui nous touche; ils n'en ont pas et ne font point songer à Jean Foucquet[1139].

Du vivant de la Pucelle, et surtout pendant sa captivité, les Français suspendaient son image dans les églises[1140]. On voudrait reconnaître un de ces tableaux votifs dans la petite peinture sur bois, du musée de Versailles, qui représente la Vierge avec l'enfant Jésus, ayant Saint-Michel à sa droite et Jeanne d'Arc à sa gauche[1141]. C'est un ouvrage italien d'une extrême grossièreté. La tête de Jeanne, qui a disparu sous les coups d'un instrument dur et pointu, était d'un dessin exécrable à juger par les autres qui subsistent sur ce panneau. Les personnages portent tous quatre le nimbe orlé et perlé. À quoi certes les clercs de Paris et de Rouen eussent trouvé à redire; et, sans trop de sévérité, on pouvait accuser d'idolâtrie le peintre qui érigeait, à la gauche de la Vierge, en égale du prince des milices célestes, une créature appartenant à l'Église militante.

Debout, le chef, le cou et les épaules couverts d'une sorte de capeline fourrée à frange noires, gantée et chaussée de fer, ceinte, par-dessus sa huque rouge d'un ceinturon d'or, Jeanne est reconnaissable à son nom inscrit sur sa tête et aussi à la bannière blanche, semée de fleurs de lis, qu'elle élève de sa main droite, et à sa targe d'argent, découpée à l'allemande, (p. 482) où l'on voit une épée dont la pointe porte une couronne. Une inscription de trois lignes en français couvre les marches du trône sur lequel la vierge Marie est assise. Bien qu'elle soit aux trois quarts effacée et presque inintelligible, j'ai pu, avec l'aide de mon savant ami, M. Pierre de Nolhac, conservateur du musée de Versailles, en déchiffrer quelques mots qui donneraient à croire qu'il s'agit ici de prières et de vœux pour le salut de Jeanne, tombée aux mains de ses ennemis. Nous aurions donc sous les yeux un de ces ex-voto qui furent suspendus dans des églises de France pendant la captivité de la Pucelle. Ce nimbe au front d'une créature vivante et la place insolite occupée par Jeanne s'expliqueraient en ce cas assez facilement; on pourrait croire que de bons Français approprièrent à leur dessein, sans y penser à mal, un tableau représentant originairement la vierge entre deux personnages de l'Église triomphante, et, au moyen de quelques retouches, firent de l'un de ces personnages la Pucelle de Dieu, faute de lui trouver, dans un si petit panneau, une place plus convenable à sa condition mortelle, comme, par exemple, celle que tenaient d'ordinaire, aux pieds de la vierge et des saints, les donateurs agenouillés; cela expliquerait peut-être encore que Saint-Michel, la Vierge et la Pucelle portent leurs noms inscrits au-dessus d'eux. Sur la tête de la Pucelle on lit ane darc. Cette forme Darc, en 1430, est possible[1142]. Dans la légende, au bas du trône, je discerne Jehane dArc, avec un d minuscule et un A majuscule à dArc, ce qui est bien étrange. Cette pièce m'en devient très suspecte.

(p. 483) La petite tapisserie à bestions du musée d'Orléans[1143], qui représente la venue de Jeanne à Chinon au-devant du roi, provient d'un atelier allemand du XV{e} siècle. Grossière de tissu, barbare de dessin et peu variée de couleurs, elle témoigne d'un certain goût pour les ornements somptueux et aussi d'une grande indifférence pour la vérité littérale.

C'était aussi une œuvre allemande que cette peinture qu'on montrait à Ratisbonne en 1429 et sur laquelle était figurée la Pucelle combattant en France. Cette peinture est perdue[1144].

FIN

(p. 485) TABLE DU TOME SECOND

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(p. 487) CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
DU MÊME AUTEUR
Format grand in-18.

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Notes

[1] Chronique de la Pucelle, pp. 323-324.—Perceval de Cagny, pp. 160-161.—Journal du siège, p. 115.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 98.—Morosini, t. III, p. 196.

[2] Ordonnances des rois de France, t. IX, p. 71.—H. Martin et Lacroix, Histoire de la ville de Soissons, Soissons, 1837, in-8o, II, pp. 283 et suiv.

[3] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 53 et passim.

[4] Ibid., p. 103.

[5] Chronique de la Pucelle, pp. 323-324.—Perceval de Cagny, p. 160.—Monstrelet, t. IV, p. 339.

[6] C. Dormay, Histoire de la ville de Soissons, Soissons, 1664, t. II, pp. 382 et suiv.—H. Martin et Lacroix, Histoire de Soissons, t. II, p. 319.—Pécheur, Annales du diocèse de Soissons, t. IV, p. 513.—Félix Brun, Jeanne d'Arc et le capitaine de Soissons en 1430, Soissons, 1904, p. 34.

[7] Berry, dans Procès, t. IV, pp. 49-50.—Le P. Daniel, Histoire de la milice française, t. I, p. 356.—Félix Brun, Jeanne d'Arc et le capitaine de Soissons, pp. 26, 39.

[8] De L'Épinois, Notes extraites des archives communales de Compiègne, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. XXIX, p. 483.—Sorel, Prise de Jeanne d'Arc, pp. 101-102.

[9] Perceval de Cagny, p. 160.—Monstrelet, t. IV, p. 340.

[10] Monstrelet, t. IV, p. 340.—Chronique de la Pucelle, p. 323.—Félix Bourquelot, Histoire de Provins, Provins, t. IV, pp. 79 et suiv.—Th. Robillard, Histoire pittoresque topographique et archéologique de Crécy-en-Brie, 1852, p. 42.—L'abbé C. Poquet, Histoire de Château-Thierry, 1839, t. I, pp. 290 et suiv.

[11] Perceval de Cagny, pp. 160-161.

[12] Chronique de la Pucelle, pp. 324, 325.—Journal du siège, p. 115.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 98-99.—Perceval de Cagny, p. 161.—Rymer, Fœdera, juin-juillet 1429.—Proceedings, t. III, pp. 322 et suiv.—Morosini, t. IV, annexe XVII.

[13] Jean Chartier, Chronique, t. 1, p. 98.—Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Statuts, t. I (annot. du doc. no XXI), p. 741.—H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pièce justificative no 19, p. 118.

[14] Perceval de Cagny, p. 160.

[15] Jusqu'à présent on a lu rabuseront. Notre lecture ne paraît pas douteuse. Cabuser, dans l'ancienne langue, signifie: tromper par une imposture. Il est plutôt d'un emploi populaire. Cf. Godefroy, Lexique, ad. verb.

[16] Traîtres.

[17] La minute originale porte en surcharge les mots: qui vous veullent grever.

[18] Devant le mot commans on lit ma rayé.

[19] Ce nom de lieu manque dans la copie de Rogier.

[20] Procès, t. V, pp. 139-140 et Varin, loc. cit., Statuts, t. I, p. 603, d'après la copie de Rogier.—H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pièce justificative, XIV, p. 104-105, et fac-similé de la minute originale autrefois aux archives municipales de Reims et maintenant chez M. le comte de Maleissye.

[21] Procès, t. I, pp. 233-234.

[22] Morosini, t. III, pp. 202-203, note 2.

[23] Chronique de la Pucelle, p. 325.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 99-100.—Journal du siège, pp. 119-120.—Gilles de Roye, p. 207.

[24] Procès, t. III, p. 91.

[25] Chronique du doyen de Saint-Thibaut de Metz, dans D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. V, Pièces justificatives, col. XLI-XLVII.—Villeneuve-Bargemont, Précis historique de la vie du roi René, Aix, 1820, in-8o.—Lecoy de la Marche, Le roi René, Paris, 1875, 2 vol., in-8o.—Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale, 1866, XLI, pp. 1009-15.

[26] Procès, t. II, p. 444.—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. CXCIX.—Morosini, t. III, p. 156, note 3.

[27] Procès, t. V, pp. 105, 111.

[28] Chronique de la Pucelle, Jean Chartier, Journal du siège, loc. cit.

[29] Monstrelet, t. IV, pp. 340, 344.

[30] Perceval de Cagny, p. 161.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 100.—Chronique de la Pucelle, p. 325.

[31] Varin, Archives législatives de la ville de Reims, Statuts, t. I, p. 742.

[32] Perceval de Cagny, p. 161.

[33] Procès, t. III, pp. 14, 15.—Chronique de la Pucelle, p. 326.

[34] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 164.

[35] Thomas Basin, Histoire de Charles VII, ch. VI.—A. Tuetey, Les écorcheurs sous Charles VII, Montbéliard, 1874, 2 vol. in-8o, passim.—H. Lepage, Épisodes de l'histoire des routiers en Lorraine (1362-1446), dans Journal d'Archéologie lorraine, t. XV, pp. 161 et s.—Le P. Denifle, La Désolation des églises, passim.—H. Martin et Lacroix, Histoire de Soissons, p. 318 et passim.—G. Lefèvre-Pontalis, Épisodes de l'invasion anglaise. La guerre de partisans dans la Haute-Normandie (1424-1429), dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. LIV, pp. 475-521; t. LV, pp. 258-305; t. LVI, pp. 432-508.

[36] Lettre de rémission du roi d'Angleterre Henri VI à un habitant de Noyant, dans Stevenson, Letters and papers, t. I, pp. 23, 31.—F. Brun, Jeanne d'Arc et le capitaine de Soissons, note III, p. 41.

[37] Stevenson, Letters and papers, t. I, pp. 23, 31.

[38] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 170-171.—Monstrelet, t. IV p. 96.—Livre des trahisons, pp. 167-168.

[39] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 170.—D'après Monstrelet (t. IV, p. 96), Denis de Vauru, cousin du Bâtard, aurait été décapité aux Halles de Paris.

[40] Procès, t. III, pp. 14-15.—Chronique de la Pucelle, p. 326.

[41] Eberhard Windecke, pp. 108-109, 188-189.

[42] Procès, t. III, pp. 14-15. C'est Dunois qui témoigne, et le texte porte: In custodiendo oves ipsorum, cum sorore et fratribus meis, qui multum gauderent videre me. Mais nous avons lieu de croire qu'elle n'avait eu qu'une sœur et qu'elle l'avait perdue avant de venir en France. Quant à ses frères, il y en avait deux près d'elle.—La déposition de Dunois semble avoir été rédigée par un clerc étranger aux événements. Le caractère hagiographique de ce passage est manifeste.

[43] Procès, t. II, p. 423.

[44] Ibid., t. I, pp. 51, 66.

[45] Monstrelet, t. IV, pp. 340, 344.

[46] Ibid., t. IV, p. 342.

[47] Monstrelet, t. IV, pp. 342-343.

[48] Georges Chastelain, fragments publiés par J. Quicherat dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, 1re série, t. IV, p. 78.

[49] Monstrelet, t. IV, pp. 341-342.

[50] Procès, t. II, p. 324; t. III, p. 130; Monstrelet, t. IV, p. 388.

[51] Ibid., t. III, p. 99.

[52] Ibid., t. IV, pp. 206, 406, 444, 470, 472.—Rymer, Fœdera, t. IV, p. 141.—G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise.

[53] Ibid., t. I, pp. 246, 298; Lettre d'Alain Chartier, dans Procès, t. V, pp. 131 et suiv.

[54] Monstrelet, t. IV, pp. 344-345.—Perceval de Cagny, pp. 161-162.

[55] Flammermont, Histoire de Senlis pendant la seconde partie de la guerre de cent ans (1405-1441), dans Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris.

[56] Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 101-102.—Chronique de la Pucelle, p. 328.—Journal du siège, p. 118.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 453.—Morosini, t. III, pp. 188-189, t. IV, annexe XVII.—Rymer, Fœdera, juillet 1429.—Raynaldi, Annales ecclesiastici, pp. 77, 88.—S. Bougenot, Notices et extraits de manuscrits intéressant l'histoire de France conservés à la Bibliothèque impériale de Vienne, p. 62.

[57] Le Livre des trahisons de France, éd. Kervyn de Lettenhove dans la Collection des Chroniques belges, 1873, p. 198.

[58] Perceval de Cagny, p. 162.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 102.—Chronique de la Pucelle, p. 329.—Journal du siège, p. 119-120.

[59] Perceval de Cagny, p. 161.

[60] Le Jouvencel, passim.

[61] Chronique de la Pucelle, p. 329.—Journal du siège, p. 121.

[62] Le Jouvencel, t. II, p. 35.

[63] Monstrelet, t. IV, p. 346.

[64] Perceval de Cagny, p. 162.

[65] Jean Chartier, Chronique de la Pucelle, Journal du siège, Monstrelet, loc. cit.

[66] Chronique de la Pucelle, p. 332.—Perceval de Cagny, p. 165.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—Cochon, p. 457.—G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise, Paris, 1894, in-8o, p. 10, 11.—Morosini, t. III, p. 215, note 3.—Ch. de Beaurepaire, De l'administration de la Normandie sous la domination anglaise aux années 1424, 1425, 1429, p. 62 [Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, t. XXIV.]

[67] Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, pp. 426 et suiv.

[68] Le Cerf-Volant désigne allégoriquement le roi. Froissart rapporte ainsi son origine. Avant de partir pour les Flandres, en 1382, Charles VI avait rêvé que son faucon s'était envolé. Un cerf ailé lui apparut, l'enleva sur son dos et lui permit d'atteindre son oiseau favori. Froissart, liv. II, chap. CLXIV; liv. IV, chap. I.—Selon Juvénal des Ursins, Charles VI aurait rencontré, en 1380, dans la forêt de Senlis, un cerf avec un collier d'or portant cette inscription: Hoc me Cæsar donavit (Paillot, Parfaite Science des Armoiries, Paris, 1660, in-fo, p. 595).—On rencontre très souvent chez Eustache Deschamps cette même allégorie pour désigner le roi (Eustache Deschamps, œuvres, éd. G. Raynaud, t. II, p. 57).

[69] Morosini, t. III, pp. 66-67.

[70] Procès, t. III, pp. 133, 338, 340 et suiv.; t. IV, pp. 305, 480; t. V, p. 12.

[71] Procès, t. V, pp. 3 et suiv.—R. Thomassy, Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan, suivi d'une notice littéraire et de pièces inédites, Paris, 1838, in-8o.

[72] Le texte de cette ballade inédite m'a été gracieusement communiqué par M. Pierre Champion, qui l'a trouvée dans le Ms. de Stockholm, français LIII, fol. 238. Voici le titre que lui donna le copiste du ms., vers 1472: Ballade faicte quant le Roy Charles VIIme fut couronne a Rains du temps de Jehanne daiz dicte la pucelle.

[73] P. Meyer, Ballade contre les Anglais (1429), dans Romania, XXI, (1892), pp. 50, 52.

[74] Sur les Coués ou t. I, p. 25, note 2.

[75] Sur la légende Cf. Merlin, roman en prose du XIIIe siècle, éd. G. Paris et J. Ulrich, 1886, 2 vol. in-8o, introduction.—Premier volume de Merlin, Paris, Vérard, 1498, in-fol.—Hersart de la Villemarqué, Myrdhin ou l'enchanteur Merlin, son histoire, ses œuvres, son influence, Paris, 1862, in-12.—La Borderie, Les véritables prophéties de Merlin; examen des poèmes bretons attribués à ce barde dans Revue de Bretagne, t. LIII (1883).—D'Arbois de Jubainville, Merlin est-il un personnage réel ou les origines de la légende de Merlin dans Revue des Questions Historiques, t. V (1868), pp. 559, 568.

[76] Procès, t. III, p. 340.—Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, p. 402.

[77] Procès, t. III, pp. 344-345.

[78] Philippe de Bergame, dans Procès, t. IV, p. 523; t. V, p. 108, 120.

[79] Procès, t. III, p. 100.—Philippe de Bergame, De claris mulieribus, dans Procès, t. IV, p. 323.—Chronique de la Pucelle, p. 271.—Perceval de Boulainvilliers, Lettre au duc de Milan, dans Procès, t. V, p. 119-120.

[80] J. Bréhal, dans Procès, t. III, p. 345.

[81] Chronique de la Pucelle, p. 328.—Journal du siège, p. 18.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—Perceval de Cagny, pp. 163-164.—Morosini, pp. 212-213.—Flammermont, Senlis pendant la seconde période de la guerre cent ans, dans Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, t. V, 1878, p. 241.

[82] Perceval de Cagny, p. 164.—Monstrelet, p. 352.—De l'Épinois, Notes extraites des Archives communales de Compiègne, pp. 483-484.—A. Sorel, Séjours de Jeanne d'Arc à Compiègne, maisons où elle a logé en 1429 et 1430, Paris, 1889, in-8o de 20 pages.

[83] La Curne, au mot: Attournés.—Procès, t. V, p. 174.

[84] Chronique de la Pucelle, p. 331.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc devant Compiègne, Paris, 1889, in-8o, pp. 117-118.—Duc de la Trémoïlle, Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, Nantes, 1890, in-4o, t. I, pp. 185 et 212.—P. Champion, Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne, Paris, 1906, in-8o, Pièce justificative, XIII, p. 137.

[85] Chronique de la Pucelle, p. 327.—Journal du siège, p. 118.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—Monstrelet, t. IV, pp. 353-354.—Morosini, t. III, pp. 214-215.

[86] A. Sarrazin, Pierre Cauchon, juge de Jeanne d'Arc, Paris, 1901, in-8o, pp. 49 et suiv.

[87] Monstrelet, t. IV, p. 354.

[88] A. Sorel, Séjours de Jeanne d'Arc à Compiègne, p. 6.

[89] Perceval de Cagny, pp. 164-165.—Chronique de Tournai, t. III du Recueil des chroniques de Flandre, éd. de Smedt, p. 414.

[90] Procès, t. I, pp. 82-83.

[91] Procès, t. I, pp. 245-246.

[92] A. Longnon, Les limites de la France et l'étendue de la domination anglaise à l'époque de la mission de Jeanne d'Arc, Paris, 1875, in-8o.—Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale, III, col. 255-257.

[93] Chronique de Mathieu d'Escouchy, t. I, p. 68 et Preuves, pp. 126, 128, 139-140.—Dom Vaissette, Histoire générale du Languedoc, t. IV, p. 469-470.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 151.—Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale, 1861, t. III, pp. 255-257.—Le P. Ayroles, La vierge guerrière, p. 66.

[94] Annales juris pontificis (1872-1875), VII, 385.—E. Muntz, La tiare pontificale du VIIIe au XVIe siècle, dans Mém. Acad. Inscript. et Belles-Lettres, t. XXVI, I, pp. 235-324, fig.; les Arts à la cour des papes pendant les XVe et XVIe siècles, dans Bibl. des Écoles françaises d'Athènes et Rome, t. IV.

[95] Baluze, Vitæ paparum Avenionensium, 1693, I, pp. 1182 et suiv.—Fabricius, Bibliotheca medii ævi, 1734, I, p. 1109.

[96] D'après Le Maire, Histoire et antiquités de la ville et duché d'Orléans, p. 197, la suscription de cette supplique était ainsi conçue: «À très honorée et très dévote Pucelle Jeanne, envoyée du Roi des cieux pour la réparation et extirpation des Anglais tyrannisans la France».—Procès, t. V, p. 253.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 131.

[97] Noël Valois, La France et le Grand Schisme d'Occident, t. IV (1902), in-8o, passim.

[98] Procès, t. I, p. 82.

[99] Procès, t. III, pp. 466-467.

[100] Procès, t. I, pp. 245-246.

[101] Ibid., t. I, p. 83.

[102] Perceval de Cagny, p. 165.—Chronique de la Pucelle, p. 331.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—Morosini, t. III, pp. 212-213.—Compte de Hémon Raguier, dans Procès, t. IV, p. 24.

[103] Procès, t. II, p. 450.

[104] Procès, t. I, p. 104.—Extraits du 13e compte de Hémon Raguier, dans Procès, t. V, p. 267.—E. Dupuis, Jean Fouquerel, évêque de Senlis, dans Mémoires du Comité archéologique de Senlis, 1875, t. I, p. 93.—Vatin, Combat sous Senlis entre Charles VII et les Anglais, dans Comité archéologique de Senlis, Comptes rendus et Mémoires, 1866, pp. 41, 54.

[105] Procès, t. I, p. 264.

[106] Perceval de Cagny, p. 165.—Le 25, selon le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 243.

[107] J. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en France, contenant les antiquités d'icelle, les fondations, prérogatives et privilèges, Paris, 1625, 2 vol. in-4o, t. I, chap. XX et XXIV.—Des Rues, Les antiquités, fondations et singularités des plus célèbres villes, pp. 84 et 85.

[108] J. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys, t. I, chap. XXXI, XXXIV.

[109] Thomassin, Registre Delphinal, dans Procès, t. IV, p. 304.—Voyez le Glossaire de Du Cange, au mot: Auriflamme.

[110] J. Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys, t. I, chap. XXII.—D. Michel Félibien, Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denys en France, Paris, in-folio, 1706, pp. 229, 320.—Vallet de Viriville, Notice du manuscrit de P. Cochon, à la suite de la Chronique de la Pucelle, p. 360.—Chronique de Du Guesclin, éd. Francisque-Michel, pp. 452 et suiv.

[111] Procès, t. V, pp. 107, 109.

[112] D. M. Félibien, op. cit., chap. II, pp. 528 et suiv., planches.—J. Doublet, op. cit., t. I, chap. XLIII, XLVI.—Procès, t. III, p. 301.—Gallia Christiana, t. VII, col. 142.

[113] Religieux de Saint-Denis, pp. 154, 156, 226.

[114] Estienne Binet, La vie apostolique de saint Denys l'Aréopagite, patron et apostre de la France, Paris, 1624, in-12.—J. Doublet, Histoire chronologique pour la vérité de Saint Denys l'Aréopagite, apôtre de France et premier évêque de Paris, Paris, 1646, in-4o, et Histoire de l'abbaye de Saint-Denys en France, p. 95.—J. Havet, Les origines de Saint-Denis, dans les Questions mérovingiennes.

[115] Procès, t. I, p. 179.

[116] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 179, note 5.

[117] Ibid., pp. 101, 209, note 1.

[118] Ibid., pp. 241-242.—Monstrelet, t. IV, p. 354.

[119] Procès, t. I, p. 103.

[120] Procès, t. I, p. 304.—Noël Valois, Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc, dans Annuaire-bulletin de la Société de l'Histoire de France, Paris, 1907, in-8o, tirage à part, pp. 17-18.

[121] Procès, t. I, p. 236.

[122] Le Jouvencel, t. II, p. 281.

[123] Procès, t. III, p. 81.

[124] Perceval de Cagny, p. 166.

[125] Ibid., p. 166.

[126] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 112.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 404-408.—Morosini, t. III, p. 192; t. IV, annexe XVIII.

[127] Procès, t. V, p. 140.

[128] Chronique de la Pucelle, p. 332.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 106.—P. Cochon, p. 457.—Perceval de Cagny, p. 165.

[129] Monstrelet, t. IV, pp. 352, 353.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 247-248.—D. Félibien, Histoire de Paris, t. II, p. 813 et preuves, t. IV, p. 591.—Morosini, t. III, pp. 208, 209, 224, note 2; t. IV, annexe XVIII, pp. 343-344.

[130] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, chap. VII: La diplomatie de Charles VII jusqu'au traité d'Arras.

[131] Perceval de Cagny, p. 166.

[132] Le Roux de Lincy, Hugues Aubriot, prévôt de Paris sous Charles V, Paris, 1862, in-8o, passim.—Paris et ses historiens au XIVe et XVe siècle, par Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris, in-fol. [Hist. générale de Paris].

[133] Delamare, Traité de la police, Paris, 1710, in-fol., t. I, p. 79.—A. Bonnardot, Dissertation archéologique sur les enceintes de Paris, suivie de recherches sur les portes fortifiées qui dépendaient des enceintes de Paris, 1851, in-4o, plan; Études archéologiques sur les anciens plans de Paris, 1853, in-4o; Appendice aux études archéologiques sur les anciens plans de Paris et aux dissertations sur les enceintes de Paris, Paris, 1877, in-4o; Étude sur Gilles Corrozet, suivie d'une notice sur un manuscrit de la Bibliothèque des ducs de Bourgogne, contenant une description de Paris en 1432, par Guillebert de Metz, Paris, 1846, in-8o de 56 p.—Kausler, Atlas des plus mémorables batailles, Carlsruhe, 1831, pl. 34.—H. Legrand, Paris en 1380, plan de restitution, Paris, in-fol., 1868, p. 58.—A. Guilaumot, Les portes de l'enceinte de Paris sous Charles V, Paris, 1879.—Rigaud, Chronique de la Pucelle, campagne de Paris, cartes et plans, Bergerac, 1886, in-8o.

[134] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 180.

[135] Ibid., p. 189.

[136] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 136-137.

[137] Ibid., p. 107.—Document inédit relatif à l'état de Paris en 1430, dans Revue des Sociétés savantes, 1863, p. 203.

[138] Christine de Pisan, dans Procès, t. V, strophe 56, p. 20.—Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, p. 426.

[139] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 251.—A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise (1420-1436), documents extraits des registres de la chancellerie de France, Paris, 1877, in-8o, introduction, p. xiij.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 116, note 1.

[140] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 248.—Chronique de la Pucelle, p. 297.—Morosini, t. III, p. 79, note.

[141] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 257.—Fauquembergue dans Procès, t. IV, p. 453.—Morosini, t. III, p. 198.

[142] Journal du siège, p. 38.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 106-107.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 454.

[143] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 239, note 2.—Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, pp. 340 et suiv.

[144] 14 juillet 1429. Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 240-241.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 240.—Morosini, t. III, p. 186.

[145] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 241.

[146] Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 356.

[147] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 242.

[148] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 243.

[149] Rymer, Fœdera, mai.—Chronique de la Pucelle, p. 332.—Monstrelet, t. IV, p. 355.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 106-107.—Wallon, Jeanne d'Arc, t. I, p. 290, note 1.—G. Lefévre-Pontalis, La panique anglaise, p. 9.—Morosini, t. III, p. 216, n. 5, t. IV, annexe XVIII.

[150] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 243.

[151] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 243.—Perceval de Cagny, p. 166.—Chronique des cordeliers, fol., 486 vo.

[152] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 243.

[153] Ibid., pp. 243-244.

[154] Registre des délibérations du Chapitre de Notre-Dame (Arch. Nat., LL 716, pp. 173-174) dans le Journal d'un bourgeois de Paris, loc. cit.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, pp. 530, 531, pièces justificatives, J. p. 639.—Le P. Denifle et Châtelain, Le procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris, Nogent-le-Rotrou, 1898, in-8o.

[155] Registre des délibérations du Chapitre de Notre-Dame, dans Tuetey, notes du Journal d'un bourgeois de Paris, p. 241, note 1.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 456.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, pièces justificatives, p. 640.

[156] Registre des délibérations du Chapitre de Notre-Dame, loc. cit.Chronique de la Pucelle, p. 332.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 244.—Monstrelet, t. IV, p. 354.—Martial d'Auvergne, Vigiles, éd. Coustelier, t. I, p. 113.—Perceval de Cagny, p. 166.—Chronique des cordeliers, fol. 486 vo.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, p. 531.

[157] Voragine, Legenda aurea.—Anquetil, La Nativité, miracle extrait de la Légende dorée dans Mém. Soc. Agr. de Bayeux, 1883, t. X, p. 286.—Douhet, Dictionnaire des Mystères, 1854, p. 545.

[158] Perceval de Cagny, pp. 166, 168.—Chronique de la Pucelle, pp. 333-334.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 107, 109.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, pp. 456, 458.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 244-245.—Chronique des cordeliers, fol. 486 vo. P. Cochon, éd. de Beaurepaire, p. 307.—Morosini, t. III, p. 210.

[159] Gaguin, Hist. Francorum, Francfort, 1577, liv. VIII, chap. II, p. 158.—Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition en France, p. 121.—Lea, Histoire de l'inquisition au moyen âge, trad. S. Reinach, t. II, p. 148.

[160] Perceval de Cagny, p. 161.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 120, no 1.—G. Lefèvre-Pontalis, Un détail du siège de Paris, par Jeanne d'Arc, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. XLVI, 1885, pp. 5 et suiv.

[161] Délibération du Chapitre de Notre-Dame, loc. cit.Journal d'un bourgeois de Paris, p. 245.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 457.

[162] Procès, t. I, pp. 240, 246, 298; t. III, pp. 425, 427; t. V, pp. 97, 107, 130, 140.

[163] Ibid., t. I, pp. 57, 146, 168, 250.

[164] Journal du siège, p. 89.

[165] Procès, t. I, pp. 147-148.

[166] Le Roux de Lincy et Tisserand, Paris et ses historiens, pp. 205 et 231, note 4.—Adolphe Berty, Topographie historique du vieux Paris, région du Louvre et des Tuileries, p. 180 et app. VI, p. IX.—E. Eude, L'attaque de Jeanne d'Arc contre Paris, 1429, Cosmos, nouv. série, XXIX (1894), pp. 241-244.

[167] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 246.

[168] Chronique de la Pucelle, pp. 332, 333.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 108.

[169] Perceval de Cagny, p. 167.

[170] Procès, t. I, p. 148.

[171] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 245.

[172] Le Jouvencel, t. I, p. 67.

[173] Chronique de la Pucelle, p. 333.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 109.—Journal du siège, p. 127.—Martial d'Auvergne, Vigiles, éd. Coustelier, 1724, t. I, p. 113.

[174] Perceval de Cagny, p. 167.—Monstrelet, t. IV, pp. 355-356.—Morosini, t. III, note 3.—E. Eude, L'attaque de Jeanne d'Arc contre Paris, dans Cosmos, 22 sept. 1894, t. XXIX.—P. Marin, Le génie militaire de Jeanne d'Arc, dans Grande Revue de Paris et de Saint-Pétersbourg, 2e année, t. I, 1889, p. 142.

[175] Procès, t. I, p. 57, 246.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 245.—Délibération du Chapitre de Notre-Dame, loc. cit.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 457.—Perceval de Cagny, Jean Chartier, Journal du siège, Monstrelet, Morosini, loc. cit.

[176] Procès, t. I, p. 298.

[177] Procès, t. I, p. 111, 273.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 50.—F. Brun, Jeanne d'Arc et le capitaine de Soissons, pp. 31 et suiv.

[178] Procès, t. I, p. 57.

[179] Le jurement «Par mon martin» est une invention du clerc qui rédigea la Chronique dite de Perceval de Cagny, p. 168.

[180] Chronique de la Pucelle, p. 334.—Journal du siège, p. 128.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 109.—Monstrelet, t. IV, pp. 355-356.

[181] Délibération du Chapitre de Notre-Dame, loc. cit.

[182] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 245.

[183] Le Jouvencel, t. I, p. 142.

[184] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 245-246.

[185] Sur la situation des esprits dans Paris, voyez divers actes de Henri VI, des 18 et 25 sept. 1429. (Ms. Fontanieu, 115.)—Sauval, Antiquités de Paris, t. III, p. 586 et circ.

[186] A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. 302.

[187] Fauquembergue, dans Procès, t. IV, pp. 456, 458.

[188] Relation du greffier de La Rochelle, p. 344.

[189] Chronique de Normandie, dans Procès, t. IV, pp. 342-343.

[190] Perceval de Cagny, p. 168.

[191] Perceval de Cagny, p. 168.—Chronique Normande dans la Chronique de la Pucelle, p. 465.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 120, note 1.

[192] Duchesne, Histoire de la maison de Montmorency, p. 232.—Perceval de Cagny, p. 168.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 118, 119.

[193] G. Lefèvre-Pontalis, Un détail du siège de Paris, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. XLVI, 1885, p. 12.

[194] Perceval de Cagny, pp. 168-169.—Morosini, t. III, p. 219, note 4.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 120, note 1.—G. Lefèvre-Pontalis, Un détail du siège de Paris, loc. cit.

[195] Eberhard Windecke, pp. 184, 186.

[196] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 90.

[197] Procès, t. III, p. 73.

[198] Ibid., t. III, p. 99.

[199] Ibid., t. I, p. 76.

[200] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 90.

[201] Ibid., t. I, pp. 122-123.

[202] Perceval de Cagny, p. 169.—Chronique de la Pucelle, pp. 335 et suiv.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 112 et suiv.—Monstrelet, t. IV, p. 356.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 246.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 48.—Gilles de Roye, p. 208.

[203] Procès, t. I, p. 260.

[204] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 109.—Perceval de Cagny, p. 170.—Martial d'Auvergne, Vigiles, t. I, p. 114.—Jacques Doublet, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys, pp. 13-14.

[205] La Curne, au mot: Blanc. Le harnais blanc était la marque des écuyers, le doré des chevaliers.—Bouteiller, dans sa Somme Rurale donne encore le «harnaz doré» aux chevaliers. Cf. Du Tillet, Recueil des Rois de France, ch. Des chevaliers, p. 431.—Du Cange, Observations sur les établissements de la France, p. 373.

[206] Procès, t. I, p. 179.

[207] Journal du siège, p. 130.—Perceval de Cagny, pp. 170-171.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 246-247.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 79.—Morosini, t. III, p. 219.

[208] Procès, t. III, p. 86.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 265.—P. Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, avec des documents et des éclaircissements inédits, Paris, 1892, in-12, chap. VI.

[209] Procès, t. III, p. 85, note 1.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. I, p. 418, note 7.

[210] Procès, t. III, p. 85.

[211] Ibid., t. III, pp. 81, 86.

[212] Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, pp. 72-73.

[213] «In balneo et stuphis», Procès, t. III, p. 88.

[214] L'amant rendu cordelier à l'observance d'amour, poème attribué à Martial d'Auvergne, éd. A. de Montaiglon, Paris, 1881, in-8o, v. 1761-1776 et note p. 184.—A. Franklin, La vie privée d'autrefois, t. II, Les soins de la toilette, Paris, 1887, in-18o, pp. 20 et suiv.—A. Lecoy de la Marche, Le bain au moyen âge, dans Revue du Monde catholique, t. XIV, pp. 870-881.

[215] Livre des métiers d'Étienne Boileau, éd. de Lespinasse et F. Bonnardot, Paris, 1879, pp. 154-155 et note.—G. Bayle, Notes pour servir à l'histoire de la prostitution au moyen âge, dans Mémoires de l'Académie de Vaucluse, 1887, pp. 241-242.—Dr P. Pansier, Histoire des prétendus statuts de la reine Jeanne, dans le Janus, 1902, p. 14.

[216] Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, pp. 76-77.

[217] Procès, t. III, p. 100.

[218] Ibid., t. III, p. 88.

[219] Ibid., t. III, pp. 85, 89.—Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, pp. 73-74.

[220] Ibid., t. III, pp. 86-87.

[221] Procès, t. III, pp. 86-88.

[222] Procès, t. III, p. 88.

[223] Ibid., t. III, p. 87.

[224] Ibid., t. III, pp. 87-88.

[225] Noël Valois, Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc, dans Annuaire-bulletin de la Société de l'Histoire de France, Paris, 1907, in-8o, pp. 8 et 18 (tirage à part).

[226] Procès, t. III, p. 217.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 265.—A. Buhot de Kersers, Histoire et statistique du département du Cher, canton de Mehun, Bourges, 1891, in-4o, pp. 261 et suiv.—A. de Champeaux et P. Gauchery, Les travaux d'art exécutes pour Jean de France, duc de Berry, Paris, 1894, in-4o, pp. 7, 9 et la miniature des Grandes Heures du duc Jean de Berry, à Chantilly.

[227] Perceval de Cagny, pp. 170-171.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 48.—Lettre du sire d'Albret aux habitants de Riom, dans Procès, t. V, pp. 148-149.—Martin Le Franc, Champion des Dames, dans Procès, t. V, p. 71.

[228] Chronique de la Pucelle, p. 310.—Journal du siège, p. 107.—Morosini, t. II, p. 229, note 4.—Perceval de Cagny, p. 172.

[229] Procès, t. III, p. 217.—Jaladon de la Barre, Jeanne d'Arc à Saint-Pierre-le-Moustier et deux juges nivernais à Rouen, Nevers, 1868, in-8o, chap. IX et suiv.

[230] Procès, t. V, p. 356.—Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, p. 89.

[231] Procès, t. III, p. 217.

[232] Procès, t. III, p. 218.

[233] Ibid., t. I, p. 106.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 259-260, 271-272.—Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, pp. 503-504.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 74 et suiv.—N. Quellien, Perrinaïc, une compagne de Jeanne d'Arc, Paris, 1891, in-8o.—Mme Pascal-Estienne, Perrinaïk, Paris, 1893, in-8o.—J. Trévedy, Histoire du roman de Perrinaïc, Saint-Brieuc, 1894, in-8o.—Le roman de Perrinaïc, Vannes, 1894, in-8o.—A. de la Borderie, Pierronne et Perrinaïc, Paris, 1894, in-8o.

[234] Procès, t. V, à la table analytique aux mots: Catherine, Michel, Marguerite.

[235] Ibid., t. I, p. 106.

[236] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 271-272.

[237] Procès, t. III, pp. 104 et suiv.

[238] Ibid., t. II, p. 450.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 271-272.

[239] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 235.

[240] Procès, t. I, p. 106.

[241] Procès, t. I, p. 107.

[242] Arcère, Histoire de La Rochelle, 1756, in-4o, t. I, p. 271.—Procès, t. V, p. 104, note.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 24, 75 et suiv., 219, 279.

[243] Procès, t. I, pp. 107-108.

[244] Procès, t. I, p. 107.

[245] Procès, t. I, pp. 108-109.

[246] Ibid., t. I, p. 107.

[247] Procès, t. I, p. 108.

[248] Ibid., p. 108.

[249] «Perrinet Crasset, machon et capitaine de gens d'armes», Chronique des cordeliers, fol. 446 vo.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 117.—Monstrelet, t. IV, p. 174.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 328.

[250] S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. CCLXXVIII.—A. de Villaret, Campagne des Anglais, p. 109.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, pp. 20, 21, 373 et suiv.—J. de Fréminville, Les écorcheurs en Bourgogne (1435-1445); Étude sur les compagnies franches au XVe siècle, Dijon, 1888, in-8o—P. Champion, Guillaume de Flavy, pièce justificative XXX.

[251] Sainte-Marthe, Histoire généalogique de la maison de la Trémoïlle, 1668, in-12, pp. 149 et suiv.—L. de La Trémoïlle, Les La Trémoïlle pendant cinq siècles, Nantes, 1890, t. I, p. 165.

[252] Procès, t. V, p. 149.—Jean Chartier, Chronique, t. III.—Journal du siège, p. 129.—Monstrelet, t. V, chap. LXXII.—A. de Villaret, Campagne des Anglais, p. 108.

[253] Procès, t. V, p. 146.—F. Perot, Un document inédit sur Jeanne d'Arc, dans Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais, t. XII, 1898-1901, p. 231.

[254] Procès, t. V, pp. 147-150.—Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, ch. VIII.

[255] Acta SS., Mars, I, 554, col. 2, no 61.—Abbé Bizouard, Histoire de sainte Colette, pp. 35, 37.—S[ilvere], Histoire chronologique de la bienheureuse Colette, Paris, 1628, in-8o.

[256] Histoire chronologique de la bienheureuse Colette, pp. 168-200.

[257] S. Luce, Jeanne d'Arc et les ordres mendiants dans Revue des Deux Mondes, 1881, t. XLV, p. 90.—L. de Kerval, Jeanne d'Arc et les franciscains, Vanves, 1893, pp. 49-51.—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CCLXXVIII et s.—F. Perot, Jeanne d'Arc en Bourbonnais, Orléans, in-8o, 26 p., 1889.—F. André, La vérité sur Jeanne d'Arc, in-8o, 1895, pp. 308 et suiv.

[258] Procès, t. V, p. 146-148.

[259] Procès, t. V, pp. 146, 148.—Fac-similé dans le Musée des archives départementales, p. 124.

[260] F. Perot (Bulletin de la Société archéologique de l'Orléanais, t. XII, p. 231).

[261] A. de Villaret, Campagne des Anglais, p. 107, pièce justificative XVII, pp. 159, 168.—Procès, t. V, pp. 268, 270, d'après les cédules originales de la Bibliothèque d'Orléans.

[262] La Thaumassière, Histoire du Berry, p. 161.—Procès, t. V, pp. 356-357.—Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, pp. 105 et suiv.—A. de Villaret, Campagne des Anglais, pp. 111, 112.

[263] Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, t. IV, 1870-72, pp. 211, 239.

[264] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 126.—Lanéry d'Arc et L. Jeny, Jeanne d'Arc en Berry, p. 89.

[265] Perceval de Cagny, p. 172.

[266] Le Jouvencel, t. II, pp. 216-217.

[267] Extrait du livre des comptes de la ville de Périgueux, dans Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, t. XIV, janvier-février 1887.—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, preuve CCXVII, p. 252.—Le P. Chapotin, La guerre de cent ans et les dominicains, pp. 74 et suiv.

[268] Procès, t. I, p. 106.

[269] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 271.

[270] Morosini, t. III, pp. 232-233.—Le P. Denifle et Châtelain, Cartularium Univ. Paris., t. IV, p. 515.

[271] Noël Valois, Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc, Paris, 1907, in-8o de 19 pages.

[272] Morosini, t. III, p. 232.

[273] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 354-355.

[274] Du Cange, Glossaire, au mot: Persina.—Lettre de rémission pour le Sourd et Jehannin Daix, dans Procès, t. V, pp. 142-145.

[275] Procès, t. I, p. 107.

[276] Procès, t. III, p. 84; t. IV, p. 312 et passim.—A. de Villaret, loc. cit., Pièces justificatives.

[277] Procès, t. V, pp. 150-153.—J. Hordal, Heroinæ nobilissimæ Joannæ Darc, lotharingæ, vulgo aurelianensis puellæ historia..., Ponti-Mussi, 1612, petit in-4o.—C. du Lys, Traité sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle, justifié par plusieurs patentes et arrêts, enquêtes et informations... Paris, 1633, in-4o.—De la Roque, Traité de la noblesse, Paris, 1678, in-4o, chap. XLIII.—Lanéry d'Arc, Jeanne d'Arc en Berry, chap. X.

[278] Voir à la table analytique du Procès, t. V, au mot: Pucelle.

[279] Procès, t. V, p. 270.

[280] Ibid., t. III, pp. 19, 74, 203.—H. Daniel Lacombe, L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, Maître Jean Rabateau, président du Parlement de Paris, dans Revue du Bas-Poitou, 1891, pp. 48, 66.

[281] Procès, t. III, pp. 88 et suiv.

[282] Extrait des comptes de la ville d'Orléans, dans Procès, t. V, p. 331.

[283] Vallet de Viriville, Un épisode de la vie de Jeanne d'Arc, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. IV (première série), p. 488.—Procès, t. V, pp. 154-156.

[284] Jules Doinel, Note sur une maison de Jeanne d'Arc, dans Mémoires de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, t. XV, pp. 491-500.

[285] Journal du siège, pp. 15 16.

[286] Jules Doinel, Note sur une maison de Jeanne d'Arc, loc. cit.

[287] S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. 360.

[288] Procès, t. I, p. 295.

[289] Compte de forteresse, dans Procès, t. V, pp. 259-260.

[290] Procès, t. V, p. 159.

[291] Perceval de Cagny, p. 173.—Chronique de la Pucelle, p. 258.—Berry, dans Godefroy, p. 376.—Morosini, t. III, p 294, notes 4, 5.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, pp. 139, 163.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 144.

[292] Monstrelet, t. IV, p. 378.—D. Plancher, Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 137.—Morosini, t. III, p. 268.

[293] Du Tillet, Recueil des rois de France, t. II, p. 39 (éd. 1601-1602).—Rymer, Fœdera, mars, 1430.

[294] P. Champion, Guillaume de Flavy, pp. 35, 152.

[295] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 351, 389.

[296] La minute originale, jadis aux archives municipales de Reims, et maintenant en la possession de M. le comte de Maleissye, paraît avoir d'abord porté le mot chyereux raturé. Faut-il y voir un mot populaire, formé sur chiere, prononcé par Jeanne et corrigé tout de suite par le scribe? Avait-il mal entendu ce qu'elle dictait?

[297] Procès, t. V, p. 160, d'après une copie de Rogier.—H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pièce justificative, XV.—Fac-similé dans Wallon, édit. 1876, p. 200.—On possède l'original de cette lettre; on possède également l'original de la lettre adressée le 9 novembre 1429 aux habitants de Riom. Ces deux lettres, écrites à cent vingt-six jours de distance, ne sont pas d'un même scribe. Quant à la signature de l'une comme de l'autre, elle ne saurait être attribuée à la main qui traça le corps de la lettre. Les sept caractères du nom de Jehanne semblent avoir été tracés péniblement par une personne dont on tenait les doigts, ce qui ne peut nous surprendre, puisque la Pucelle ne savait pas écrire. Mais quand on compare ces deux signatures, on s'aperçoit qu'elles sont entièrement semblables l'une à l'autre. La hampe du J a même direction et même longueur; le premier n, par suite d'une surcharge, a trois jambages au lieu de deux; le second jambage du second n, visiblement tracé à deux reprises, descend trop bas; enfin les deux signatures sont exactement superposables. Il faut croire que, après avoir une fois obtenu le seing de la Pucelle en lui conduisant la main, on en prit un calque qui servit de modèle pour toutes les autres lettres. À juger par les deux missives du 9 novembre 1429 et du 16 mars 1430, ce calque était reproduit avec la plus scrupuleuse fidélité.—Cf. p. 133, note 5.

[298] Procès, t. III, p. 11.

[299] Perceval de Cagny, p. 172.

[300] Procès, t. I, p. 83.

[301] Ibid., t. V, p. 156.

[302] Monstrelet, t. IV, pp. 24, 86, 87.—J. Zeller, Histoire d'Allemagne, t. VII, La réforme, Paris, 1891, pp. 78 et suiv.—E. Denis, Jean Hus et la guerre des Hussites (1879); Les origines de l'Unité des Frères Bohêmes, Angers, 1885, in-8o, pp. 5 et suiv.

[303] L. Paris, Cabinet Historique, t. I, 1855, pp. 74-76.—Rogier, dans Procès, t. IV, p. 294.—Morosini, t. III, pp. 132-133, 136-137, 168-169, 188-189; t. IV, Annexe XVII.

[304] Procès, t. I, p. 240; t. V, p. 126.

[305] Morosini, t. III, pp. 82-85.—Christine de Pisan, dans Procès, t. V, p. 416.—Eberhard Windecke, pp. 60-63.

[306] Eberhard Windecke, pp. 108, 115, 188.

[307] Lea, Histoire de l'inquisition au moyen âge, t. II, p. 578, trad. S. Reinach.

[308] Th. de Sickel, Lettre de Jeanne d'Arc aux Hussites dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 3e série, t. II, p. 81.—Une fausse date est donnée dans la traduction allemande utilisée par Quicherat (Procès, t. V, pp. 156-159).

[309] Procès, t. I, p. 246.

[310] Ibid., t. V, p. 95.

[311] J. Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, pp. 502-504.

[312] Procès, t. V, pp. 161-162.

[313] Procès, t. IV, p. 299 et H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pp. 69 et suiv.—Mémoires de Pierre Coquault, ibid., pp. 109 et suiv.

[314] Cette lettre a été publiée par J. Quicherat, dans Procès, t. V, pp. 161-162 et par M. H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pp. 106-107 et document XVI, d'après la copie peu correcte de Rogier. L'original, qui a disparu des archives municipales de Reims, était considéré comme perdu. Il se trouve en la possession du comte de Maleissye. Cf. la reproduction de A. Marty et M. Lepet, L'histoire de Jeanne d'Arc... Cent fac-similés de manuscrits, de miniatures, Paris, 1907, gr. in-4o. On trouvera pour la première fois un texte correct d'après cette minute originale.

[315] Pour ainsi.

[316] La lecture enuoit n'est pas douteuse. Rogier avait copié en avoit.

[317] Les quex estoient d'une aliance. Ces mots sont exponctués dans la minute. Il ne faut donc pas en tenir compte, comme l'a fait Rogier.

[318] Le mot amis a été ajouté en surcharge au-dessus de la ligne.

[319] Le scribe commençait à écrire et que vous [faciez très bon guet]; il s'est repris et écrit: pour le roy.

[320] Après autre chose le mot n'escrips a été rayé.

[321] Trois rayé.

[322] La signature paraît être autographe. Elle est différente des signatures identiques des missives de Riom et de Reims (voir p. 122, note) et on y retrouve la résistance d'une main conduite.

[323] Procès, t. V, pp. 161-162.—Varin, Archives législatives de la ville de Reims, t. I, p. 596.—H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, pp. 106-107.

[324] Perceval de Cagny, p. 173.

[325] «En l'an 1430 se partit Jeanne la Pucelle du pays de Berry accompagnée de plusieurs gens de guerre...» (Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 120.)

[326] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 120.—Martial d'Auvergne, Vigiles, éd. Coustellier, t. I, p. 117.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 177.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 36 et note 2.

[327] Journal du siège, p. 12.

[328] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 293, note 3.

[329] Procès, t. I, p. 99, note.—Journal du siège, pp. 235-238.

[330] Cela résulte du Journal d'un bourgeois de Paris, p. 271.

[331] Procès, t. V, pp. 159-160.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pièce justificative, XXX, p. 155.

[332] Lettre de rémission pour Jean de Calais, dans A. Longnon, Paris sous la domination anglaise, pp. 301-309.—Stevenson, Letters and papers, t. I, pp. 34-50.

[333] C'est ce qui résulte de Morosini, t. III, pp. 274-275.

[334] Morosini, t. III, pp. 228-231.

[335] 3 mai 1430.

[336] G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, pp. 572-574.

[337] Procès, t. I, pp. 115, 253.—Perceval de Cagny, p. 173.—Chronique des cordeliers, fol. 502 ro.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 158, note 2.

[338] Monstrelet, t. IV, p. 363.

[339] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 125.—Monstrelet, t. IV, p. 378.—Chastellain, t. II, p. 28.

[340] Procès, t. I, pp. 114-116.—G. Leroy, Histoire de Melun, Melun, 1887, in-8o, chap. XVI.—X..., Jeanne d'Arc à Melun, mi-avril, 1430, Melun, 1896, 32 p.

[341] Procès, t. I, p. 147.

[342] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 259.

[343] Chronique de la Pucelle, pp. 334-335.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 110, 111.—F.-A. Denis, Le séjour de Jeanne d'Arc à Lagny, Lagny, 1894, in-8o, pp. 3 et suiv.

[344] Monstrelet, t. IV, p. 384.—Jean Chartier, Chronique, t. I, pp. 120-121.—Perceval de Cagny, p. 173.

[345] Jean Chartier, loc. cit.—Martial d'Auvergne, Vigiles, t. I, p. 117.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 38, n.

[346] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 121.

[347] Monstrelet, t. IV, p. 384.

[348] H. Jadart, Jeanne d'Arc à Reims, p. 61.

[349] Procès, t. I, p. 158.

[350] Procès, t. I, pp. 158, 159.

[351] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 71-72.—Sauval, Antiquités de Paris, t. I, p. 104.—A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. 118.—H. Legrand, Paris en 1380, Paris, 1868, in-4o, p. 65.

[352] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 150, 154, 156, 187.—Francisque-Michel et Édouard Fournier, Histoire des hôtelleries, cabarets, hôtels garnis, Paris, 1851 (2 vol. in-8o), t. II, p. 5.

[353] A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. 117.

[354] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 71, 72.—A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. 118, note 1.

[355] A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, pp. 119-123.

[356] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 251, 253.—Fauquembergue dans A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, p. 302, note 1.—Sauval, Antiquités de Paris, t. III, p. 536.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 140.—Morosini, t. III, pp. 274 et suiv.

[357] Procès, t. I, pp. 158-159.

[358] Ibid., p. 159.

[359] Procès, t. I, p. 254.—Monstrelet, t. IV, p. 385.—E. Richer, Histoire manuscrite de la Pucelle, livre I, fo 82.

[360] Le Jouvencel, t. II, pp. 210-211.

[361] Procès, t. I, p. 105.

[362] A. Denis, Jeanne d'Arc à Lagny, Lagny, 1896, in-8o, pp. 4 et suiv.—J.-A. Lepaire, Jeanne d'Arc à Lagny, Lagny, 1880, in-8o de 38 pages.

[363] Procès, t. I, p. 105.

[364] Religieux de Saint-Denis, t. II, p. 82.—Jean Juvénal des Ursins, dans Coll. Michaud et Poujoulat, p. 395, col. 2.

[365] Acta SS., 6 mars, pp. 381 et 617.—Abbé Bizouard, Histoire de sainte Colette, pp. 35, 37.—Abbé Douillet, Sainte Colette, sa vie, ses œuvres, 1884, pp. 150-154.

[366] Le curé de Saint-Sulpice, Notre-Dame de France, Paris, in-8o, t. VI, 1866, p. 57.

[367] Sur l'étymologie d'Avioth, cf. C. Bonnabelle, Petite étude sur Avioth et son église, dans Annuaire de la Meuse, 1883, in-18, p. 14.

[368] Le curé de Saint-Sulpice, loc. cit., t. V, pp. 107 et suiv.—Bonnabelle, loc. cit., pp. 13 et suiv.—Jacquemain, Notre-Dame d'Avioth et son église monumentale, Sedan, 1876, in-8o.

[369] Procès, t. I, pp. 105-106.

[370] Arch. mun. de Senlis dans Musée des archives départementales, pp. 304-305.—J. Flammermont, Histoire de Senlis pendant la seconde partie de la guerre de cent ans, p. 245.—Perceval de Cagny, p. 173.—Morosini, t. III, p. 294, n. 5.

[371] Histoire manuscrite de Beauvais, par Hermant, dans Procès, t. V, p. 165.—G. Lecocq, Étude historique sur le séjour de Jeanne d'Arc à Élincourt-Sainte-Marguerite, Amiens, 1879, in-8o de 13 pages.—A. Peyrecave, Notes sur le séjour de Jeanne d'Arc à Élincourt-Sainte-Marguerite, Paris, 1875, in-8o.—Élincourt-Sainte-Marguerite, notice historique et archéologique, Compiègne, 1888, chap. VII, pp. 113, 123.

[372] Procès, t. V, pp. 164-165.—Les miracles de madame sainte Katerine de Fierboys, pp. 16, 62, 63.

[373] P. Champion, Guillaume de Flavy, pièces justificatives, pp. 150, 154.—Morosini, t. III, p. 276, n. 3.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 176.

[374] Montrelet, ch. 33.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 175.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pièces justificatives XLIV, XLV.

[375] De La Fons-Mélicoq, Documents inédits sur le siège de Compiègne de 1430, dans La Picardie, t. III, 1857, pp. 22-23.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pièces justificatives, p. 176.

[376] Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 178.—H. de Lépinois, Notes extraites des archives communales de Compiègne, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1863, t. XXIV, p. 486.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc devant Compiègne et l'histoire des sièges de la même ville sous Charles VI et Charles VII, d'après des documents inédits avec vues et plans, Paris, 1889, in-8o, p. 268.

[377] Jacques Duclercq, Mémoires, éd. de Reiffenberg, t. I, p. 419.—Le Temple de Bocace dans les Œuvres de Georges Chastellain, éd. Kervyn de Lettenhove, t. VII, p. 95.—P. Champion, Guillaume de Flavy, capitaine de Compiègne, contribution à l'histoire de Jeanne d'Arc et à l'étude de la vie militaire et privée au XVe siècle, Paris, 1906, in-8o, passim.

[378] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 125.—Chronique des cordeliers, fol. 495 recto.—Rogier, dans Varin, Arch. de la ville de Reims, IIe partie, Statuts, t. I, p. 604.—A. Sorel, loc. cit., p. 167.—P. Champion, loc. cit., p. 33.

[379] Monstrelet, t. IV, pp. 379, 381.—Chronique des cordeliers, fol. 495 recto.—Livre des trahisons, p. 202.

[380] Monstrelet, t. IV, pp. 382-383.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 49.

[381] D'après une note de Dom Bertheau, dans A. Sorel, Séjours de Jeanne d'Arc à Compiègne, maisons où elle a logé en 1429 et 1430, avec vue et plans, Paris, 1888, in-8o, pp. 11-12.

[382] Comptes de la ville de Compiègne, CC. 13, folio 291.—Dom Gillesson, Antiquités de Compiègne, t. V, p. 95.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, p. 145, note 3.

[383] Choisy se rendit le 16 mai, Chronique des cordeliers, fol. 497 verso. Livre des trahisons, p. 201.—Monstrelet, t. IV, p. 382.—Berry, dans Procès, t. IV, p. 49.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, pp. 145-146.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pp. 40-41, 162-163.

[384] Berry, dans Procès, t. IV, pp. 49-50.

[385] F. Brun, Jeanne d'Arc et le capitaine de Soissons en 1430, Soissons, 1904, p. 5 (Extrait de l'Argus Soissonnais).—P. Champion, loc. cit., p. 41.

[386] Berry, dans Procès, t. IV, p. 50.—P. Champion, loc. cit., p. 168, pièce justificative XXXV, p. 168.—F. Brun, Nouvelles recherches sur le fait de Soissons (Jeanne d'Arc et Bournel en 1430), à propos d'un livre récent, Meulan, 1907, in-8o.

[387] Procès, t. I, p. 273.

[388] J'ai rejeté la rencontre contée par Alain Bouchard (Les grandes Croniques de Bretaigne, Paris, Galliot Du Pré, 1514, in-fol., fol. CCLXXXI) de Jeanne et des petits enfants dans l'église Saint-Jacques. M. Pierre Champion (Guillaume de Flavy, p. 283) a irréfutablement démontré le caractère fabuleux du récit.

[389] Monstrelet, t. IV, p. 382.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 178.—Chronique des cordeliers, fol. 498 verso.

[390] Procès, t. I, p. 114.—Perceval de Cagny, p. 174.—Extrait d'un mémoire à consulter pour G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 176.—Morosini, t. III, p. 296, n. 1.

[391] Plan manuscrit de Compiègne de 1509 dans Debout, Jeanne d'Arc, t. II, p. 293.—Plan de la ville de Compiègne, gravé par Aveline au XVIIe siècle, réduction publiée par la Société historique de Compiègne, mai 1877.—Lambert de Ballyhier, Compiègne historique et monumental, 1842, 2 vol. in-8o, planches.—Plan de restitution de la ville de Compiègne en 1430, dans A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 43.

[392] Monstrelet, t. IV, pp. 383-384.

[393] Le Jouvencel, t. II, p. 196.

[394] Procès, t. I, p. 116.—Lettre de Philippe le Bon aux habitants de Saint-Quentin, Procès, t. V, p. 166.—Lettre de Philippe le Bon à Amédée duc de Savoie, dans P. Champion, loc. cit., pièce justificative XXXVII.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 458.—William Wircester dans Procès, t. IV, p. 475, et le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 255.

[395] Procès, t. I, pp. 78, 223, 224.—Chastellain, t. II, p. 49.—Le Greffier de la Chambre des comptes de Brabant, dans Procès, t. IV, p. 428.

[396] Mémoires à consulter pour G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 177.—Chronique de Tournai, dans Recueil des Chroniques de Flandre, 1856, t. III, pp. 415-416.

[397] Chastellain, t. II, p. 49.

[398] Le Jouvencel, t. I. p. 91.

[399] Monstrelet, t. IV, p. 387.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 179.—Chastellain, t. II, p. 48.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 176.

[400] Lettre du duc de Bourgogne aux habitants de Saint-Quentin, dans Procès, t. V, p. 166.—Monstrelet, Lefèvre de Saint-Remy, Chastellain, Mémoires à consulter sur G. de Flavy, loc. cit.

[401] Perceval de Cagny, p. 176.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 458.—Monstrelet.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy; Lefèvre de Saint-Remy; Chastellain, loc. cit.

[402] Mémoire à consulter sur G. de Flavy, loc. cit.—Du Fresne de Beaucourt, Jeanne d'Arc et Guillaume de Flavy, dans Bulletin de la Société de l'Histoire de France, t. III, 1861, pp. 173 et suiv.—Z. Rendu, Jeanne d'Arc et G. de Flavy, Compiègne, 1865, in-8o de 32 p.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, p. 209.—P. Champion, Guillaume de Flavy, appendice I, pp. 282, 286.

[403] Perceval de Cagny, p. 175.

[404] Perceval de Cagny, p. 175.—Chastellain, t. II, p. 49.—Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 122; t. III, p. 207.—Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 87.

[405] Perceval de Cagny, p. 176.

[406] Lettre du duc de Bourgogne, dans Procès, t. V, p. 166.—Perceval de Cagny, p. 175.—Monstrelet, t. IV, p. 400.—Lefèvre de Saint-Remy, p. 175.—Chastellain, t. II, p. 49.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 174.—Martial d'Auvergne, Vigiles, t. I, p. 118.—P. Champion, loc. cit., pp. 46-49.—Lanéry d'Arc, Livre d'or, pp. 513-518.

[407] Richer, Histoire manuscrite de la Pucelle, livre IV, fol. 188 et suiv.—P. Champion, loc. cit., pièce justificative XXXIII.—Monstrelet, t. IV, p. 388.—Mémoire à consulter sur G. de Flavy, loc. cit.—Lettre du duc de Bourgogne aux habitants de Saint-Quentin, loc. cit.Journal d'un bourgeois de Paris, p. 255.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 459.

[408] Selon le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 255, 400 Français tués ou noyés.

[409] Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 176.—Perceval de Cagny, p. 175.

[410] Lettre du duc de Bourgogne aux habitants de Saint-Quentin, dans Procès, t. V, p. 166.

[411] Monstrelet, t. IV, p. 388.—Chastellain, t. II, p. 50.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, pp. 253 et suiv.

[412] Jean Jouffroy, dans d'Achery, Spicilegium, III, pp. 823 et suiv.

[413] Monstrelet, t. IV, p. 388.

[414] Ibid., t. IV, p. 389.—P. Champion, loc. cit., p. 168.

[415] La Chronique des cordeliers et Monstrelet, passim.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 165-166.

[416] Procès, t. V, p. 167.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 95.

[417] Procès, t. V, p. 358.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. III, p. 534.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pp. 169-171.

[418] Mémoire à consulter sur G. de Flavy, dans Procès, t. V, p. 177.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, p. 333.

[419] Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 458.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 255.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 96.—Ul. Chevalier, L'objuration de Jeanne d'Arc au cimetière de Saint-Ouen et l'authenticité de sa formule, Paris, 1902, in-8o, p. 18.

[420] Procès, t. I, pp. 8-10.—E. O'Reilly, Les deux procès, t. II, pp. 13-14.—Le P. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis..., t. IV, p. 516, no 2372.

[421] Procès, t. I, p. 12.—E. O'Reilly, Les deux procès.

[422] Ibid., t. I, p. 3, 12; t. III, p. 318; t. V, p. 392.

[423] Domini canes. On les voit ainsi figurés sur les fresques de la chapelle des Espagnols, à Santa-Maria-Novella, de Florence.

[424] Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition en France, chap. II.

[425] Le P. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 510; Le procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris, Paris, 1897, in-8o, 32 pages.

[426] Journal d'un bourgeois de Paris, passim.—Fauquembergue, dans Procès, t. IV, p. 450.

[427] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 237.—T. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. IV, pp. 103-104.—Monstrelet, t. IV, chap. LXIII.—Bougenot, Deux documents inédits relatifs à Jeanne d'Arc, dans Revue Bleue, 13 fév. 1892, pp. 203-204.

[428] Le P. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis..., t. IV, p. 515, no 2370; Le procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris.

[429] Monstrelet, t. IV, p. 389.—Perceval de Cagny, p. 176.—Morosini, t. III, pp. 300-302; t. IV, pp. 254-355.—De La Fons-Mélicocq, Une cité picarde au moyen âge ou Noyon et les Noyonnais aux XIVe et XVe siècles, Noyon, 1841, t. II, pp. 100-105.—En 1441, Lyonnel de Wandomme qui était gouverneur de cette place en fut chassé par les habitants à la mort de Jean de Luxembourg (Monstrelet, t. V, p. 456).

[430] Perceval de Cagny, p. 177, très suspect.

[431] Procès, t. I, pp. 163-164, 249.

[432] Ibid., t. I, p. 151.

[433] Vallet de Viriville, Note sur deux médailles de plomb relatives à Jeanne d'Arc, Paris, 1861, in-8o de 30 pages.—Forgeais, Notice sur les plombs historiés trouvés dans la Seine, Paris, 1860, in-8o.—J. Quicherat, Médaille frappée en l'honneur de la Pucelle, Six dessins sur Jeanne d'Arc tirés d'un manuscrit du XVe siècle, dans l'Autographe, no 24, 15 nov. 1864.

[434] P. Lanéry d'Arc, Le culte de Jeanne d'Arc au XVe siècle, Paris, 1887, in-8o de 29 pages.

[435] Procès, t. I, p. 290.

[436] Carreau, Histoire manuscrite de Touraine, dans Procès, t. V, pp. 253-254.

[437] Procès, t. V, p. 104.—E. Maignien, Oraisons latines pour la délivrance de Jeanne d'Arc, Grenoble, 1867, in-8o (Revue des Sociétés savantes, t. IV, pp. 412-414).—G. de Braux, Trois oraisons pour la délivrance de Jeanne d'Arc, dans Journal de la Société d'archéologie lorraine, juin 1887, pp. 125, 127.

[438] Vita Jacobi Gelu ab ipso conscripta, dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, III, 1867, pp. 266 et suiv.—Le R. P. Marcellin Fornier, Histoire des Alpes Maritimes ou Cottiennes, t. II, pp. 313 et suiv.

[439] Le R. P. Marcellin Fornier, Histoire générale des Alpes Maritimes ou Cottiennes, t. II, pp. 319-320.

[440] Thomassin, dans Procès, t. IV, p. 312.—Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. IV, p. 323.—Chronique de Tournai, dans Recueil des Chroniques de Flandre, t. III, p. 415.—Chronique de Normandie, éd. A. Hellot, Rouen, 1881, in-8o, pp. 77-78.—Chronique de Lorraine, éd. abbé Marchal (Recueil de documents sur l'Histoire de Lorraine, t. V.).

[441] Analyse d'une lettre de Regnault de Chartres aux habitants de Reims, Procès, t. V, p. 168.

[442] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 272.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 263.—Martial d'Auvergne, Vigiles, t. I, p. 124.

[443] A. Maury, La stigmatisation et les stigmates, dans Revue des Deux Mondes, 1854, c. VIII, pp. 454-482.—Dr Subled, Les stigmates selon la science, dans Science catholique, 1894, t. VIII, pp. 1073 et suiv.; t. IX, pp. 2 et suiv.

[444] Lettre de Regnault de Chartres, dans Procès, t. V, p. 168.

[445] Procès, t. I, pp. 295 et suiv.

[446] Lettre de Regnault de Chartres, dans Procès, t. V, p. 168.

[447] Procès, t. V, p. 168.

[448] Le fait ne fut pas contesté à l'époque; mais ce qui pouvait être matière à discussion, c'était de savoir si vraiment l'évêque de Beauvais avait juridiction ordinaire sur la Pucelle. Voir à ce sujet: Abbé Ph.-H. Dunand, Histoire complète de Jeanne d'Arc, Paris, 1899, t. II, pp. 412-413.

[449] Robillard de Beaurepaire, Notes sur les juges et assesseurs du procès de Jeanne d'Arc, Rouen, 1890, p. 12.—Douët-d'Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, t. I, pp. 356-357.—Chanoine Cerf, Pierre Cauchon de Sommièvre, chanoine de Reims et de Beauvais, évêque de Beauvais et de Lisieux; son origine, ses dignités, sa mort et ses sépultures, dans Travaux de l'Académie de Reims, CI (1898), pp. 363 et suiv.—A. Sarrazin, Pierre Cauchon, juge de Jeanne d'Arc, Paris, 1901, in-8o, pp. 26 et suiv.

[450] Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. I, p. 116.—A. Sarrazin, P. Cauchon, pp. 36-37.

[451] Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, 1670, t. V, p. 912.—L'abbé Delettre, Histoire du diocèse de Beauvais, Beauvais, 1842, t. II, p. 348.

[452] Robillard de Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 13.

[453] A. Sarrazin, P. Cauchon, pp. 58 et suiv.

[454] Rymer, Fœdera, t. X, p. 408 et passim.

[455] Procès, t. I, p. 13.—Vallet de Viriville, Procès de condamnation, pp. 10 et suiv.—A. Sarrazin, P. Cauchon, pp. 108 et suiv.

[456] Procès, t. I, pp. 10-11.—M. Fournier, La faculté de décret, t. I, p. 353, note.

[457] Ibid., t. I, pp. 13-14.

[458] Procès, t. I, p. 14.

[459] Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, t. V, pp. 393-408.—Monumenta conciliorum generalium seculi decimi quinti, t. I, pp. 70 et suiv. Le P. Denifle et Châtelain, Le procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris.

[460] Valeran Varanius, éd. Prarond, Paris, 1889, liv. IV, p. 100.

[461] Procès, t. I, pp. 109-110; t. II, p. 298; t. III, p. 121.—Monstrelet, t. IV, p. 389.—E. Gomart, Jeanne d'Arc au château de Beaurevoir, Cambrai, 1865, in-8o, 47 pages (Mém. de la Soc. d'émulation de Cambrai, XXXVIII, 2, pp. 305-348).—L. Sambier, Jeanne d'Arc et la région du Nord, Lille, 1901, in-8o, 63 pages.—Cf. Morosini, t. III, p. 300, notes 3 et 4; t. IV, annexe XXI.

[462] Procès, t. I, pp. 95, 231.—Monstrelet, t. IV, p. 402.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 2; t. II, pp. 72-73.

[463] A. Duchêne, Histoire de la maison de Béthune, chap. III, et preuves, p. 33.—Vallet de Viriville, loc. cit. et Morosini, t. IV, pp. 352, 354.

[464] Procès, t. I, pp. 95, 231.

[465] Ibid., t. II, pp. 438, 457; t. III, pp. 15, 19.

[466] Procès, t. III, pp. 120-121.

[467] Ibid., t. I, p. 150.

[468] Procès, t. I, pp. 150-151.

[469] Ibid., t. I, p. 13; t. V, p. 194.

[470] Procès, t. I, pp. 110, 151, 152.

[471] Procès, t. I, p. 166.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 268—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 53, 58.

[472] Chronique des cordeliers, fol. 507 ro.—Morosini, t. III, pp. 301-303.—Chronique de Tournai, éd. de Smedt, dans Recueil des Chroniques de Flandre, t. III, pp. 416, 417.

[473] Lottin, Recherches sur la ville d'Orléans, t. I, p. 252.—Procès, t. I, p. 99, note 1.—Journal du siège, pp. 235-238,—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. CCLXIII, note 2.

[474] Procès, t. I, pp. 296-297.

[475] Registre des Comptes de la ville de Tours, pour l'année 1430, dans Procès, t. IV, p. 473, note 1.

[476] Procès, t. IV, p. 473.

[477] Ibid., t. IV, p. 473.

[478] Ibid., t. I, p. 295.

[479] Procès, t. I, p. 106, note.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 271.—Vallet de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne d'Arc, pp. LXI-LXV.

[480] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 271.

[481] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 271-272.

[482] Voltaire, Dictionnaire philosophique, art.: Arc.

[483] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 259-260.

[484] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 259-260, 271-272.—Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, p. 504.—A. de la Borderie, Pierronne et Perrinaïc, pp. 7 et suiv.

[485] H. Vandenbroeck, Extraits des anciens registres des consaux de la ville de Tournai..., t. II (1422-1430) et Morosini, t. III, pp. 185-186.

[486] H. Vandenbroeck, Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai, t. II, pp. 338, 371-373.—Chanoine H. Debout, Jeanne d'Arc et les villes d'Arras et de Tournai, Paris, s. d. p. 24.

[487] Le P. Anselme, Histoire généalogique de la maison de France, t. III, pp. 723-724.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 175-176.—Morosini, t. IV, annexe XIX.

[488] Procès, t. I, pp. 95, 231.

[489] Ibid., t. I, pp. 13-14.

[490] Les miracles de madame Sainte Katerine, éd. Bourassé, passim.

[491] «Se faisoit servir en la prinson comme une dame», rapporte le Journal d'un bourgeois de Paris, p. 271, au sujet de la prison de Rouen.

[492] Procès, t. I, p. 100.

[493] Procès, t. I, pp. 101, 206, 291; t. III, p. 87; t. V, pp. 104, 305.—Chastellain, éd. Kervyn de Lettenhove, t. II, p. 46.—P. Lanéry d'Arc, Le culte de Jeanne d'Arc au XVe siècle, Orléans, 1887, in-8o.—Noël Valois, Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc, pp. 8, 13, 18.

[494] Procès, t. I, pp. 95, 96, 231.—Chanoine Henri Debout, Jeanne d'Arc prisonnière à Arras, Arras, 1894, in-16; Jeanne d'Arc et les villes d'Arras et de Tournai, Paris, 1904, in-8o; Jeanne d'Arc, t. II, pp. 394 et suiv.

[495] Le 7 novembre 1430, un messager de la ville d'Arras recevait 40 s. pour avoir porté au duc de Bourgogne deux lettres closes, l'une de Jean de Luxembourg, l'autre de David de Brimeu, gouverneur du bailliage d'Arras: nous ignorons la teneur de ces lettres «pour le fait de la Pucelle». P. Champion, Notes sur Jeanne d'Arc, II: Jeanne d'Arc à Arras, dans le Moyen Âge, juillet-août 1907, pp. 200-201.

[496] H. de Lépinois, Notes extraites des archives communales de Compiègne, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1863, t. XXIV, p. 486.—A. Sorel, Prise de Jeanne d'Arc, p. 268.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pp. 38, 48 et suiv.

[497] Chronique des cordeliers, fol. 500 vo.

[498] Chastellain, t. II, p. 53.

[499] Monstrelet, t. IV, p. 390.

[500] Ibid., t. IV, pp. 390-391.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 180.—Morosini, t. III, pp. 306-307.—Chastellain, t. II, pp. 51-54.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, pp. 233 et suiv.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 50.

[501] Le Jouvencel, t. I, pp. 49 et suiv.

[502] Chronique des cordeliers, fol. 502 vo.—P. Champion, Guillaume de Flavy, pièces justificatives XLI, XLII, XLIII.

[503] Livre des trahisons, p. 202.

[504] Monstrelet, t. III, pp. 410-415.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 185.—Livre des trahisons, p. 202.—A. Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, pièce justif. XIII, p. 341.—P. Champion, loc. cit., p. 176.

[505] Monstrelet, t. IV, p. 418.—De La Fons-Mélicocq, Documents inédits sur le siège de Compiègne, dans La Picardie, t. III, 1857, pp. 22-23.—Stevenson, Letters and papers, vol. II, part. I, p. 156.

[506] Monstrelet, t. IV, p. 419.—P. Champion, Guillaume de Flavy, p. 57.

[507] Sorel, La prise de Jeanne d'Arc, pièces justificatives, p. 343.

[508] Procès, t. I, p. 9.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 175.

[509] Morosini, t. III, p. 236.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 18, note.

[510] Morosini, t. III, p. 276, note.

[511] Chronique de Jean de la Chapelle, dans Procès, t. V, pp. 358-360.—Lefils, Histoire de la ville du Crotoy et de son château, pp. 111-118.—G. Lefèvre-Pontalis, La panique anglaise, p. 8, no 5.—L'abbé Bouthors, Histoire de Saint-Riquier, Abbeville, 1902, pp. 185, 215, 220.

[512] Perceval de Cagny, pp. 22, 137.

[513] Procès, t. III, p. 121.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 63 et suiv.—Lanéry d'Arc, Livre d'or, p. 521.

[514] Procès, t. I, p. 89; t. III, p. 121.—Le P. Ignace de Jésus Maria, Histoire généalogique des comtes de Ponthieu et maïeurs d'Abbeville, Paris, 1657, p. 490.—Procès, t. V, p. 361.

[515] Monstrelet, t. IV, pp. 353-354.—Procès, t. V, p. 143.

[516] Procès, t. I, pp. 15-16.—M. Fournier, La faculté de décret et l'Université de Paris, t. I, p. 353.

[517] Procès, t. I, p. 21.—Le P. Ignace de Jésus Maria, dans Procès, t. V, p. 363.—F. Poulaine, Jeanne d'Arc à Rouen, Paris, 1899, in-16.—Ch. Lemire, Jeanne d'Arc en Picardie et en Normandie, Paris, 1903, pp. 10 et passim.—Lanéry d'Arc, Livre d'or, pp. 524, 549.

[518] A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie au XVe siècle, Rouen, 1896, in-4o, chap. V.

[519] Procès, t. III, pp. 136-137.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 198.

[520] L. de Duranville, Le château de Bouvreuil, dans la Revue de Rouen, 1852, p. 387.—A. Deville, La tour de la Pucelle du château de Rouen, dans Précis des travaux de l'Académie de Rouen, 1865-1866, pp. 236-268.—Bouquet, Notice sur le donjon du château de Philippe-Auguste, Rouen, 1877, pp. 7 et suiv.

[521] Procès, t. II, pp. 317, 345; t. III, p. 121.

[522] Ibid., t. III, p. 154.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 190, note 1.—L. Delisle, dans Revue des Sociétés savantes, 1867, 4e série, t. V, p. 440.—F. Bouquet, Jeanne d'Arc au donjon de Rouen, dans Revue de Normandie, 1867, t. VI, pp. 873-83.—L. Delisle, dans Revue des Sociétés savantes, t. V (1867).—Lanéry d'Arc, pp. 528-33.

[523] Ballin, Renseignements sur le Vieux-Château de Rouen, dans Revue de Rouen, 1842, p. 35.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 188.

[524] Procès, t. II, p. 7.

[525] Procès, t. III, p. 155.

[526] Ibid., t. II, p. 36.—A. Sarrazin, pp. 191-192.

[527] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 240-241.

[528] Procès, t. I, p. 47.

[529] Ibid., t. II, p. 322.

[530] Ibid., t. II, pp. 216, 217.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 112.

[531] Procès, t. II, p. 18.

[532] Lea, Histoire de l'inquisition au moyen âge, traduct. S. Reinach, t. II, p. 576.

[533] Procès, t. III, p. 154.

[534] Ibid., t. II, pp. 318-319; t. III, pp. 131, 140, 148, 161.—A. Sarrazin, P. Cauchon, p. 200.

[535] Procès, t. III, pp. 186-187.

[536] Procès, t. III, pp. 199-200.

[537] Ibid., t. III, p. 200.

[538] Procès, t. III, p. 179.

[539] Morosini, t. III, p. 236.

[540] Procès, t. III, pp. 121, 123.

[541] Ibid., t. III, p. 140.

[542] C. de Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation de Jeanne d'Arc, dans Précis des travaux de l'Académie de Rouen, 1867-1868, pp. 470-9.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 29.

[543] De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 17.

[544] Gallia Christiana, t. II, p. 732.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 213-214.—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. CCXCV.

[545] C. de Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation de Jeanne d'Arc, loc. cit.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 168, 171.

[546] 28 décembre 1430.—Procès, t. I, pp. 20, 23.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 46.

[547] Procès, t. I, pp. 18, 19.

[548] A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 1771-78.

[549] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 147.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 9.

[550] Procès, t. I, p. 24; t. III, p. 162.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 26.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 220.

[551] Procès, t. I, p. 25.

[552] Ibid., t. I, p. 25; t. III, p. 137.—A. Sarrazin, loc. cit., pp. 221-222.

[553] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition en France, pp. 550-551.

[554] De Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation, p. 320.

[555] Procès, t. I, p. 25; t. III, p. 137.—De Beaurepaire, Recherches..., p. 103.—A. Sarrazin, loc. cit., pp. 222-223.

[556] Procès, t. I, p. 26.—De Beaurepaire, Recherches..., p. 115.—A. Sarrazin, loc. cit., pp. 223-224.

[557] Eymeric, Directorium Inquisitorium, quest. 85.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 109.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 9.

[558] De Beaurepaire, Recherches..., pp. 321 et suiv.

[559] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 27-114.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 103-104.—Boucher de Molandon, Guillaume Erard l'un des juges de la Pucelle, dans Bulletin du Comité hist. et phil., 1892, pp. 3-10.

[560] Procès, t. I, p. 39, note.—Du Boulay, Historia Universitatis Paris., t. V, pp. 912, 920.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 105.—De Beaurepaire, Notes..., pp. 30, 31.—A. Sarrazin, loc. cit., pp. 226-227.

[561] Procès, t. II, pp. 5, 6.—De Beaurepaire, Notes..., pp. 121-125.—A. Sarrazin, loc. cit., pp. 308-310.

[562] De Beaurepaire, Recherches, pp. 321 et suiv.

[563] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 101.

[564] Procès, t. I, pp. 5-8.

[565] Ibid., t. II, p. 463.

[566] Procès, t. II, p. 453.

[567] Ibid., t. III, pp. 192-193.

[568] Ibid., t. I, pp. 105, 146, 234.

[569] Ibid., t. I, pp. 208-209, 213.

[570] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 117.

[571] Procès, t. I, pp. 245-246.

[572] Ibid., t. II, p. 200.

[573] De Beaurepaire, Recherches, loc. cit.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 122-124.—L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition, pp. 389-395.

[574] Procès, t. I, pp. 117, 300.

[575] Ibid., t. II, p. 362.

[576] Ibid., t. III, p. 63.

[577] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 72-82.—A. Sorel, loc. cit., pp. 243-247.

[578] Procès, t. II, pp. 10, 342; t. III, pp. 140, 141, 156, 160 et suiv.

[579] Ibid., t. III, p. 181.

[580] Ibid., t. III, p. 141.

[581] Tractatus de hæresi pauperum de Lugduno, apud Martene, Thésaurus anecd., t. V, col. 1787.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 131-132.

[582] Eymeric, Directorium, part. III: Cautelæ inquisitorum contra hæreticorum cavilationes et fraudes.

[583] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition en France, p. 394.

[584] Procès, t. II, pp. 10, 342.

[585] Vallet de Viriville, Nouvelles recherches sur Agnès Sorel, pp. 33 et suiv.—Du Cange, Glossaire, au mot: Matrimonium.

[586] Procès, t. III, pp. 102, 209.

[587] Procès, t. III, pp. 155, 163.

[588] A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 40.

[589] Procès, t. III, p. 175.

[590] Procès, t. II, pp. 217-218.

[591] Ibid., t. I, pp. 27-28.

[592] Procès, t. I, pp. 28-29.

[593] Ibid., t. I, pp. 29-31.

[594] Ibid., t. I, pp. 31-33.

[595] Ibid., t. I, p. 32.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 102.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 24-27.—Le P. Chapotin, La guerre de cent ans, Jeanne d'Arc et les dominicains, pp. 141-143.—A. Sarrazin, P. Cauchon, p. 124.

[596] Procès, t. I, p. 33.

[597] Ibid., t. I, p. 35.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 394.—Doinel, dans Mémoire de la Société archéologique-historique de l'Orléanais, 1892, t. XXIV, p. 403.—Le P. Chapotin, La guerre de cent ans, Jeanne d'Arc et les dominicains, p. 141.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 32.

[598] Procès, t. I, p. 35.

[599] Ibid., t. I, pp. 40-42.

[600] Ibid., t. I, pp. 38-39.

[601] Procès, t. I, pp. 42-43.

[602] Ibid., t. I, p. 43.

[603] Ibid., p. 43.

[604] Le P. Denifle et Châtelain, Le procès de Jeanne d'Arc et l'Université de Paris.

[605] Procès, t. I, pp. 88, 94, 151, 155 et passim.

[606] Procès, t. I, p. 45.

[607] Ibid., t. I, p. 46.

[608] Procès, t. I, pp. 46-47

[609] Ibid., t. I, p. 47.

[610] Procès, t. I, pp. 47-8.

[611] Ibid., t. I, p. 48.

[612] Procès, t. III, pp. 131-136.

[613] Procès, t. III, p. 135.

[614] Ibid., t. I, p. 48.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 323-324.

[615] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition, p. 420.

[616] Procès, t. I, pp. 48-50.

[617] Procès, t. I, p. 50.

[618] Du Boulay, Historia Universitatis Paris., t. V, p. 919.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 27-30.

[619] Procès, t. I, p. 51.

[620] Ibid., t. I, p. 51.

[621] Procès, t. I, pp. 51-52.

[622] Ibid., t. I, p. 52.

[623] Bréhal, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, édit. Lanéry d'Arc, p. 409.

[624] Voir Appendice I, la lettre du docteur G. Dumas.

[625] Procès, t. I, p. 52.

[626] Ibid., t. I, pp. 53-54.

[627] Procès, t. I, p. 54.

[628] Ibid., t. I, pp. 55-56; t. V, p. 95.

[629] Ibid., t. II, p. 456; t. III, pp. 91-92.—Morosini, t. III, p. 104.—Eberhard Windecke, pp. 152-153.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 132-133.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. IV, p. 440, chap. I: La royauté du Jésus-Christ.

[630] Procès, t. III, pp. 89, 142, 161, 176, 178, 201.

[631] Ibid., t. III, p.

[632] Ibid., t. I, p. 56.

[633] Ibid., p. 56.

[634] Il ne paraît pas possible d'admettre avec Quicherat (Aperçus nouveaux), que Jeanne imaginait la fable de la couronne à mesure qu'on la pressait de questions au sujet «du signe». À la façon dont les juges conduisaient l'interrogatoire, on voit bien qu'ils connaissaient toute cette histoire extraordinaire.

[635] Legenda aurea, éd. 1846, pp. 789 et suiv.

[636] Procès, t. I, pp. 120-122.

[637] Ibid., t. I, p. 90.

[638] Ibid., t. I, p. 56.

[639] Procès, t. III, p. 57.

[640] Jean Bréhal, dans les Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, éd. Lanéry d'Arc, p. 409.

[641] Procès, t. III, p. 57.

[642] Procès, t. III, p. 48.

[643] Ibid., t. I, p. 57.

[644] Ibid., t. I, pp. 61, 70.

[645] Ibid., t. I, p. 62.

[646] Procès, t. I, pp. 61-64.

[647] Ibid., t. I, p. 279.

[648] Ibid., t. I, pp. 58-60.

[649] Procès, t. I, pp. 60-61.

[650] Grandes Chroniques, éd. P. Paris, t. V, p. 188.

[651] Procès, t. I, p. 64.

[652] E. Hinzelin, Chez Jeanne d'Arc, pp. 37, 177.

[653] Procès, t. I, pp. 64-65.

[654] Procès, t. I. p. 65.—«Souvent on est blâmé de trop parler» proverbe commun au XVe siècle, cf. Le Roux de Lincy, Les proverbes français, t. II, p. 417.

[655] Procès, t. I, p. 65.

[656] Ibid., t. II, pp. 21, 358.

[657] Procès, t. I, pp. 65-68.

[658] Ibid., t. I, p. 68.

[659] Procès, t. I, p. 68.

[660] Ibid., t. III, pp. 48-49.

[661] Procès, t. III, p. 51.

[662] Ibid., t. III, p. 49.

[663] Ibid., t. III, pp. 51-52.

[664] Ce qui m'induit à placer cette indisposition à la date du 25 février, c'est la question de Jean Beaupère à la séance du 27: «Comment vous êtes-vous portée?» et la réponse ironique de Jeanne. Il ne faut pas, ce me semble, confondre cette indigestion, comme on le fait généralement, je crois, avec la grave maladie dont Jeanne fut atteinte après Pâques. L'alose et les harengs viennent mieux en carême, et maître Delachambre dit formellement qu'après la saignée Jeanne guérit.

[665] Procès, t. I, p. 70.

[666] Ibid., t. I, pp. 68-69.

[667] Ibid., t. II, pp. 332, 362; t. III, pp. 60, 133, 141, 156, 162, 173, 181.

[668] Ibid., t. I, p. 70.

[669] Procès, t. I, p. 71.

[670] Ibid., t. I, p. 72.

[671] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, p. 406.

[672] Procès, t. I, p. 72.

[673] Procès, t. I, pp. 72-73.

[674] Ibid., t. I, p. 73.

[675] Procès, t. I, pp. 74-75.

[676] Ibid., t. I, p. 75. J'ai restitué «mon beau Seigneur» d'après Procès, t. III, p. 80.

[677] Procès, t. I, pp. 75-77.

[678] Ibid., t. I, pp. 77-78.

[679] La Curne et Godefroy, aux mots: Buffe et Torchon.

[680] Procès, t. I, p. 78.

[681] Ibid., t. I, p. 34; t. II, p. 318.

[682] Procès, t. II, pp. 350, 365.

[683] Ibid., t. I, pp. 79-80.

[684] Procès, t. II, pp. 11, 341.

[685] Voir la déposition de Thomas de Courcelles, dans Procès, t. III, p. 38.

[686] Procès, t. II, pp. 12, 341, 300; t. III, p. 138.

[687] Ibid., t. II, pp. 12, 203, 252, 300; t. III, pp. 50, 138.

[688] Procès, t. I, pp. 252, 326, 354, 356; t. III, pp. 171-172.

[689] Ibid., t. II, pp. 356, 359.

[690] Procès, t. I, pp. 80-81.

[691] Ibid., t. I, p. 82.

[692] Analecta juris Pontif., t. XIV, p. 117

[693] Procès, t. I, pp. 82, 84.

[694] La formule: «À Dieu vous recommande; Dieu soit garde de vous», se rencontre dans les lettres à ceux de Tournai, de Troyes, de Reims et dans la lettre au duc de Bourgogne. Et, ce qui est plus significatif, on retrouve dans deux de ces lettres, dans celle aux gens de Troyes et dans celle au duc de Bourgogne, les termes: «Le Roi du ciel, mon droiturier et souverain seigneur.».—Procès, t. I, p. 246.

[695] Procès, t. I, pp. 82-83.

[696] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 27, 32, 75, 82.

[697] Procès, t. I, pp. 84-85.

[698] Procès, t. I, p. 86.

[699] Le Loyer, IV Livres des spectres, Angers, 1605, in-4o.

[700] Procès, t. I, p. 86.

[701] Procès, t. I, pp. 86-87.—Vallet de Viriville, Les anneaux de Jeanne d'Arc, dans Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. XXX, 1868, pp. 82, 97.

[702] Procès, t. I, p. 86.

[703] Procès, t. I, p. 89.

[704] A. Maury, Croyances et légendes du moyen âge, pp. 171 et suiv.

[705] Procès, t. I, p. 90.

[706] Procès, t. I, pp. 90-91.

[707] Ibid., t. II, p. 16.

[708] De Beaurepaire, Recherches sur le procès de condamnation, p. 115.

[709] Procès, t. II, p. 16.

[710] Procès, t. I, pp. 91-92.

[711] Ibid., t. I, p. 93.

[712] Ibid., t. I, p. 94.

[713] Procès, t. I, pp. 95-97.

[714] Ibid., t. I, p. 99.

[715] Chronique de la Pucelle, p. 301.—Journal du siège, pp. 98-99.

[716] Procès, t. I, p. 101.

[717] Procès, t. I, p. 89.

[718] Ibid., t. I, p. 102.

[719] Procès, t. I, p. 103.

[720] Lea, p. 551.

[721] Le Jouvencel, t. II, p. 237.

[722] Procès, t. I, p. 104.

[723] Procès, t. I, pp. 111.

[724] Ibid., t. I, p. 111-112.

[725] Ibid., t. I, p. 113.

[726] Gélu, Questio quinta, dans Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, éd. Lanéry d'Arc, pp. 593 et suiv.

[727] Procès, t. III, pp. 299 et suiv.

[728] Ibid., t. I, p. 117.

[729] Ibid., t. I, pp. 117, 119.

[730] C'est depuis lors, au contraire qu'on commença à «l'arguer» ou qu'on l'argua de plus belle. Elle semble oublier que l'entrevue de Chinon précéda les interrogatoires de Poitiers. Il y a peut-être intérêt à remarquer que frère Pasquerel, qui sait ces choses par elle, fait dans sa déposition, la même méprise.

[731] Procès, t. I, pp. 120, 122.

[732] Procès, t. I, pp. 122-124.

[733] Ibid., t. I, p. 125.

[734] Procès, t. I, p. 126.

[735] Ibid., t. I, p. 126.

[736] Procès, t. I, p. 126.

[737] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, pp. 224, 434, 435.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. I, pp. 351 et suiv., 481 et suiv.

[738] Procès, t. I, p. 128.

[739] Procès, t. I, pp. 128, 129.

[740] Chronique des quatre premiers Valois, p. 47.

[741] II, Corinth., IV.

[742] Galates, V.—Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, p. 275.

[743] Procès, t. I, p. 130.

[744] Procès, t. I, pp. 130-131.

[745] Ibid., t. I, pp. 131-132.

[746] Procès, t. V, p. 252.—E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches sur la famille de Jeanne d'Arc, pp. 14, 15.—S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. XLVI et suiv.

[747] Procès, t. I, p. 133.

[748] Procès, t. I, p. 134.

[749] Ibid., t. I, pp. 134, 138.

[750] Ibid., t. I, p. 139.

[751] Procès, t. I, pp. 140-141.

[752] Procès, t. I, pp. 141-142.

[753] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, p. 212.—Le P. Ayroles, La vraie Jeanne d'Arc, t. I, p. 346.

[754] Procès, t. I, p. 144.

[755] Ibid., t. I, p. 145.

[756] Procès, t. I, p. 146.

[757] Eberhard Windecke, pp. 184, 186.

[758] Procès, t. I, pp. 147-148.

[759] Ibid., t. I, pp. 150-152.

[760] Ibid., t. I, p. 157.

[761] Procès, t. I, pp. 154, 156.

[762] Procès, t. I, p. 156.

[763] Ibid., t. I, p. 157.

[764] Procès, t. I, pp. 158-159.

[765] Ibid., t. I, pp. 159-161.

[766] Ibid., t. I, p. 162.

[767] «Il fault remettre tout à lui et soubz lui faire» ce qui est possible aux hommes, car on dit: «Ayde-toy, Dieu te aidera.» Le Jouvencel, t. II, p. 33.

[768] Procès, t. I, pp. 163-164.

[769] Procès, t. I, pp. 165-166.

[770] Ibid., t. I, pp. 166-169.

[771] Procès, t. I, pp. 170-171.

[772] Ibid., t. I, p. 173.

[773] Ibid., t. I, p. 173.

[774] S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, preuves, pp. 74-75.

[775] Procès, t. I, p. 174.

[776] Procès, t. I, pp. 174, 176.

[777] Procès, t. I, p. 178.

[778] Procès, t. I, p. 180.

[779] Ibid., t. I, p. 181.

[780] Ibid., t. I, pp. 182-183.

[781] Martène et Durand, Thesaurus novus anecdotorum, t. V, col. 1760 et seq.

[782] Procès, t. I, p. 183.

[783] Ibid., t. I, p. 184.

[784] Ibid., t. I, pp. 184-185.

[785] Procès, t. I, p. 185.

[786] Procès, t. I, pp. 185-186.

[787] Ibid., t. I, p. 187.

[788] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 130-131.—E. Méru, Directorium Inquisitorium, Romæ, 1578, p. 295.

[789] Procès, t. I, pp. 200-201.

[790] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition, pp. 400 et suiv.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 34.

[791] Méru, Directorium Inquisitorium, Schola, p. 147.

[792] Procès, t. I, p. 201.

[793] Ibid., t. I, pp. 204, 323.

[794] Procès, t. I, pp. 324-325.

[795] Ibid., t. III. p. 143.

[796] Ibid., t. III, p. 60.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 38.

[797] Ibid., t. III, p. 232.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, pp. 124, 129.

[798] Ibid., t. II, pp. 22, 212; t. III, p. 306; t. V, p. 461.

[799] Ibid., t. I, pp. 328, 336.

[800] Procès, t. I, pp. 337, 340.

[801] Procès, t. III, p. 51.

[802] Ibid., t. I, pp. 374-375.

[803] Procès, t. I, pp. 376, 378.

[804] Procès, t. I, pp. 380-381.

[805] Ibid., t. I, p. 381.

[806] Ibid., t. I, pp. 381-382.

[807] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 114, 117.

[808] Procès, t. I, pp. 383, 399.

[809] Ibid., t. I, pp. 400-401.

[810] Nicolas Eymeric, Directorium inquisitorium..., Rome, 1586, in-fol., p. 24, col. 1.—Ludovicus a Paramo, De origine et progressu officii sanctæ inquisitionis, MDXCIIX, in-fol., lib. III, questio 5, p. 709.

[811] Procès, t. I, pp. 399-400.

[812] Ibid., t. I, pp. 401-402.

[813] Procès, t. I, pp. 402, 404.

[814] Recueil des historiens de la France, t. XX, p. 601; t. XXI, p. 34.—Histoire littéraire de la France, t. XXVII, p. 70.

[815] Procès, t. I, pp. 407, 413, 420.—M. Fournier, La faculté de décret de l'Université de Paris, p. 353.—Le P. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, pp. 510 et suiv.

[816] Procès, t. II, p. 6.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, p. 42.

[817] Procès, t. I, pp. 414, 417.

[818] Procès, t. I, p. 414.—Migne, Dictionnaire des sciences occultes.

[819] Ibid., t. I, pp. 417, 420.

[820] Ibid., t. I, pp. 414, 417.

[821] Sans doute le livre de Poitiers devait être d'une grande pauvreté théologique; mais on avait les conclusions présentées au roi, le mémoire de Gélu et celui de Gerson.

[822] Procès, t. I, pp. 404, 429.

[823] Ibid., t. I, pp. 429-430.

[824] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 126-127.

[825] Procès, t. I, pp. 430, 437.

[826] Du Boulay, Historia Universitatis Parisiensis, t. V, p. 929.

[827] De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 88.

[828] Procès, t. I, pp. 437, 441.

[829] Procès, t. I, pp. 441-442.

[830] Ibid., t. II, p. 21.

[831] Procès, t. III, p. 146.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 445 et suiv.

[832] Ibid., t. II, p. 351.

[833] Ibid., t. III, p. 54.

[834] De Beaurepaire, Notes sur le cimetière de Saint-Ouen de Rouen, dans Précis analytique des travaux de l'Académie de Rouen, 1875-1876, pp. 211, 230, plan.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc et l'authenticité de sa formule, p. 44.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 351.

[835] Procès, t. I, pp. 442, 444.—O'Reilly, Les deux procès, t. I, pp. 70-93.

[836] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 402, 408.

[837] Procès, t. III, p. 113.

[838] Procès, t. I, pp. 469-470.

[839] Ibid., t. I, p. 444.—E. Richer, Histoire manuscrite de la Pucelle d'Orléans, liv. I, fol. 8; liv. II, fol. 198 vo.

[840] Procès, t. III, p. 61.

[841] Ibid., t. II, pp. 15, 17.

[842] Ibid., t. I, pp. 456-457.—U. Chevalier, L'abjuration de Jeanne d'Arc, pp. 46-47.

[843] Procès, t. II, pp. 15, 17, 335, 345, 353, 367.

[844] Ibid., t. II, p. 14.

[845] Ibid., t. I, pp. 444-445.

[846] Ibid., t. I, p. 445.

[847] Procès, t. II, p. 358.

[848] Ibid., t. I, p. 445.

[849] Ibid., t. I, pp. 445-446.

[850] Ibid., t. I, p. 446.

[851] Procès, t. III, p. 146.

[852] Ibid., t. II, pp. 17, 331; t. III, pp. 52, 156.

[853] Procès, t. III, p. 123.

[854] Ibid., t. I, pp. 473, 475.

[855] Ibid., t. I, p. 473 note.

[856] Ibid., t. III, pp. 65, 147, 149, 273.—De Beaurepaire, Recherches sur le procès, p. 358.

[857] Procès, t. II, p. 323.

[858] Ibid., t. II, pp. 137, 376.

[859] Ibid., t. II, p. 356; t. III, pp. 157, 178.

[860] Ibid., t. II, p. 55.

[861] Procès, t. III, pp. 90, 147, 156.

[862] Ibid., t. III, pp. 52, 65, 132, 156, 197.

[863] Ibid., t. III, pp. 156, 157.

[864] Procès, t. II, p. 323.

[865] Procès, t. II, p. 331; t. III, p. 156.

[866] Ibid., t. III, pp. 156, 197.

[867] Procès, t. II, p. 338; t. III, p. 147.

[868] Ibid., t. III, pp. 55, 143.

[869] Ibid., t. III, p. 123.

[870] Ibid., t. II, p. 361.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 135.

[871] Procès, t. III, pp. 147, 156.

[872] Ibid., t. II, p. 376.

[873] Ibid., t. II, p. 17; t. III, p. 164.

[874] Procès, t. I, p. 450.

[875] Ibid., t. I, p. 452.

[876] L. Tanon, Tribunaux de l'inquisition, p. 454.

[877] Procès, t. II, p. 14.

[878] Ibid., t. III, p. 52, 149.

[879] Ibid., t. I, p. 19.

[880] Ibid., t. II, p. 14.

[881] Procès, t. II, p. 376.

[882] Ibid., t. I, pp. 452-453.

[883] Ibid., t. III, p. 155.

[884] Ibid., t. III, p. 89.

[885] Procès, t. II, p. 14; t. III, p. 148.

[886] De Beaurepaire, Notes sur les juges, pp. 82 et suiv.

[887] Procès, t. II, p. 354.

[888] Ibid., t. III, pp. 158, 180.

[889] Procès, t. I, p. 454.

[890] Ibid., t. II, p. 5.—La déposition d'Isambart s'applique à ce jour du 28.

[891] Procès, t. I, pp. 455-456.

[892] Procès, t. II, pp. 5, 8, 365; t. III, pp. 148-149.

[893] Ibid., t. II, p. 18.

[894] Procès, t. II, p. 18.

[895] «Responsio mortifera», écrit le notaire Boisguillaume dans la marge de sa minute. Procès, t. I, pp. 456-457.

[896] Procès, t. I, pp. 456-458.

[897] Procès, t. II, pp. 5, 8, 305.

[898] Ibid., t. I, pp. 459, 467.

[899] Bernard Gui, Pratique, IIIe part., p. 144.—L. Tanon, Tribunaux de l'inquisition, pp. 464 et suiv.

[900] Procès, t. I, pp. 462-463.

[901] Ibid., t. I, p. 463.

[902] L. Tanon, Tribunaux de l'inquisition, pp. 472-473.

[903] Procès, t. I, pp. 463, 467.

[904] Ibid., t. I, p. 466.

[905] Ibid., t. I, pp. 467, 469.

[906] Procès, t. II, pp. 3, 4, 8.

[907] Ibid., t. I, pp. 466-467.

[908] Procès, t. I, pp. 478-479.—Ou: «À entre vous qui estes gens d'Église.» Procès, t. I, p. 482.

[909] Ibid., t. I, p. 480.

[910] Procès, t. I, pp. 480-481.

[911] Ibid., t. II, p. 34.

[912] Procès, t. I, pp. 481-482.

[913] Textus decretalium, lib. V, ch. IV.

[914] Ignace de Doellinger, La Papauté, trad. par A. Giraud-Teulon, Paris, 1904, in-8o, p. 105.

[915] Procès, t. II, p. 334; t. III, p. 158.

[916] Ibid., t. II, p. 334.—De Beaurepaire, Recherches sur le procès, pp. 116-117.

[917] Procès, t. I, pp. 482-483.

[918] Procès, t. II, pp. 19, 308, 320; t. III, pp. 114, 158, 183, 197.

[919] Sur la communion de Jeanne, voir aussi De Beaurepaire, Recherches sur le procès, pp. 116-117.

[920] Procès, t. III, p. 191.

[921] Ibid., t. I, p. 485.—Maître N. Taquel donne à entendre que les interrogatoires eurent lieu après la communion de Jeanne, ce qui est difficile à admettre.

[922] Ibid., t. II, p. 320; t. III, p. 162.

[923] A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 369.

[924] Bouquet, Rouen aux différentes époques de son histoire, pp. 25 et suiv.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 374-375.—De Beaurepaire, Mémoires sur le lieu du supplice de Jeanne d'Arc, accompagné d'un plan de la place du Vieux-Marché de Rouen d'après le Livre de Fontaine de 1525, Rouen, 1867, in-8o.

[925] De Beaurepaire, Note sur la prise du château de Rouen, par Ricarville, Rouen, 1857, in-8o, p. 5.

[926] Bouquet, Jeanne d'Arc au château de Rouen, p. 25.—De Beaurepaire, Mémoire sur le lieu du supplice de Jeanne d'Arc, p. 32.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, pp. 376 et suiv.

[927] Procès, t. IV, p. 459.

[928] Ibid., t. II, pp. 14, 303, 328; t. III, pp. 159, 173.

[929] Ibid., t. I, p. 470; t. II, p. 334; t. III, pp. 53, 114, 159.

[930] Procès, t. III, p. 194.

[931] Ibid., t. III, p. 159.

[932] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition, p. 374.

[933] Procès, t. II, p. 19; t. III, p. 177.

[934] Ibid., t. II, pp. 19, 351.

[935] Ibid., t. III, p. 56.

[936] Ibid., t. II, pp. 6, 20; t. III, pp. 53, 177, 186.

[937] Procès, t. III, p. 188.—A. Sarrazin, Jeanne d'Arc et la Normandie, p. 386.—Guedon et Ladvenu ont ajouté à leur déposition que peu de temps après, un nommé Georges Folenfant fut également abandonné au bras séculier; mais l'archevêque et l'inquisiteur envoyèrent Ladvenu au bailli «pour l'avertir qu'il ne serait pas fait dudit Georges comme de la Pucelle, laquelle, sans sentence finale et jugement définitif, fut au feu consommée». Procès, t. II, p. 9.

[938] Procès, t. II, p. 344.

[939] Fauquembergue dans Procès, t. IV, p. 459.—Toutefois Martin Ladvenu: jusqu'à la dernière heure, etc., manifestement faux.

[940] Procès, t. III, p. 53.

[941] Shakespeare, Henry VI, première partie, scène I.

[942] Procès, t. II, p. 6; t. III, pp. 53, 191, 375.

[943] Missel Romain, Office des morts; Cf. Le P. C. Clair, Le Dies iræ, histoire, traduction et commentaire, Paris, in-8o, 1881, pp. 38 et 142.

[944] Procès, t. II, pp. 6, 20.

[945] Ibid., t. III, p. 170.

[946] Ibid., t. III, p. 186.

[947] Ibid., t. II, p. 8; t. III, pp. 169, 194.

[948] Procès, t. II, p. 7.

[949] Ibid., t. III, p. 186.

[950] Ibid., t. III, p. 191.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 269-270.

[951] L. Tanon, Histoire des tribunaux de l'inquisition, p. 478.

[952] Chronique des cordeliers, fol. 507 vo.—Journal d'un bourgeois de Paris, p. 269.

[953] Procès, t. III, pp. 159, 160, 185; t. IV, p. 518.—Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. I, p. 83.—Th. Cochard, Existe-t-il des reliques de Jeanne d'Arc? Orléans, 1891, in-8o.

[954] Procès, t. II, pp. 7, 352, 366.

[955] Procès, t. I, pp. 493, 495.

[956] Le P. Denifle et Châtelain, Cartularium Universitatis Parisiensis, t. IV, p. 527.

[957] Procès, t. III, pp. 240, 243.

[958] Ibid., t. I, pp. 485, 496; t. IV, p. 403.—Monstrelet, t. IV, chap. CV.

[959] Procès, t. I, pp. 496, 500.

[960] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 270, 272.—Il y a d'étranges faussetés dans ce discours; sont-elles du fait de l'inquisiteur ou de l'auteur du journal?

[961] Procès, t. IV, p. 473.

[962] Th. Basin, Histoire de Charles VII et de Louis XI, t. IV, pp. 103, 104.—Monstrelet, ch. LXIII.—Bougenot, Deux documents inédits relatifs à Jeanne d'Arc, dans Revue Bleue, 13 février 1892, pp. 203-204.

[963] Procès, t. II, pp. 3, 344, 348, 373; t. III, p. 189; t. V, pp. 169, 179, 181.—Dibon, Essai sur Louviers, Rouen, 1836, in-8o, pp. 33 et suiv.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, pp. 216 et suiv.

[964] Le P. Denifle, La désolation des Églises de France vers le milieu du XVe siècle, t. I, p. XVI.

[965] Jean Chartier, Chronique, t. I, p. 132.—Monstrelet, t. IV, p. 433.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 265.

[966] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 272.

[967] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 272.

[968] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 248.—De Beaurepaire, Recherches sur les juges, p. 43.

[969] Lea, Histoire de l'inquisition, trad. S. Reinach, t. I, p. 455.

[970] Lefèvre de Saint-Remy, t. II, pp. 263-264.

[971] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 274.

[972] Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 264.

[973] Martial d'Auvergne, Vigiles, édit. Coustelier, t. I, p.

[974] Gruel, Chronique d'Arthur de Richemont, p. 81.—Vallet de Viriville, dans Nouvelle Biographie générale.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 297.—E. Cosneau, Le connétable de Richemont, pp. 200-201.

[975] Perceval de Cagny, pp. 170, 173 et passim.

[976] Carlier, Histoire des Valois, 1764, in-4o, t. II, p. 442.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. I, p. 307.—Le Régent croyait lui aussi à l'astrologie (B-N. ms 1352.)

[977] Gruel, Chronique d'Arthur de Richemont, pp. 120-121.—Dom Félibien, Histoire de Paris, t. IV, p. 597.

[978] Chronique du doyen de Saint-Thibaud de Metz, dans Procès, t. V, pp. 321, 324.—Jacomin Husson, Chronique de Metz, éd. Michelant, Metz, 1870, pp. 64-65.—Cf. Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, dans Revue des Questions historiques, octobre 1871, pp. 562 et suiv.—Vergniaud-Romagnési, Des portraits de Jeanne d'Arc et de la fausse Jeanne d'Arc dans Mémoires de la Société d'Agriculture d'Orléans, t. I, (1853), pp. 250, 253.—De Puymaigre, La fausse Jeanne d'Arc dans Revue Nouvelle d'Alsace-Lorraine, t. V (1885), pp. 533 et suiv.—A. France, Une fausse Jeanne d'Arc dans Revue des Familles, 15 février 1891.

[979] Varanius est seul à dire que Jacques d'Arc mourut de la douleur d'avoir perdu sa fille. Procès, t. V, p. 85.

[980] Procès, t. V, p. 280.

[981] Procès, t. V, pp. 279-280.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 6, note 1.

[982] Procès, t. V, p. 210.—Lefèvre de Saint-Remy, t. II, p. 176.

[983] Procès, t. V, pp. 321, 324.

[984] Le Metz ancien, (Metz, 1856, 2 vol. in-fo) du baron d'Hannoncelles, où se trouve la généalogie de Nicole Lowe.

[985] «Et fut recongneu par plusieurs enseignes.» (Procès, V, p. 322).—M. Lecoy de la Marche (Une fausse Jeanne d'Arc, dans Revue des questions historiques, octobre 1871, p. 565), et M. Gaston Save (Jehanne des Armoises, Pucelle d'Orléans, Nancy, 1893, p. 11), comprennent qu'elle fut reconnue par plusieurs officiers ou porte-étendards. J'ai entendu enseignes dans le sens de signes naturels sur la peau. (Cf. La Curne.)

[986] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 322.

[987] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 354.

[988] Voyez néanmoins ce qu'en dit M. Germain Lefèvre-Pontalis, à qui nous devons de connaître cette prophétie (Eberhard Windecke, pp. 108 à 111).

[989] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 322.—Chronique de Philippe de Vigneulles, dans les Chroniques Messines de Huguenin, p. 198.

[990] Procès, t. II, p. 457.—L. Champion, Jeanne d'Arc écuyère, ch. II; ch. VI.

[991] Variante de la Chronique du doyen de Saint-Thibaud, envoyée de Metz à Pierre du Puy, dans Procès, t. V, pp. 322, 324.

[992] Ibid., pp. 322, 324.

[993] D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. VII, Preuves, col. vj.

[994] Procès, t. V, pp. 322, 324.—Eberhard Windecke, p. 108.—Morosini, t. III, p. 62, note.

[995] M. le baron de Braux me fit l'honneur de m'écrire de Boucq par Foug, Meurthe-et-Moselle, le 28 juin 1896: que Bacquillon (Procès, V, p. 322) n'était qu'une lecture vicieuse d'un des manuscrits du doyen de Saint-Thibaud. «En comparant, ajouta-t-il, les diverses lectures (V. Quicherat et les Chroniques messines), on peut s'assurer qu'il s'agit de Vaucouleurs, Valquelou, mal lu.»

[996] Procès, t. II, pp. 406, 408, 445, 449.

[997] La Chronique de Tournai dit de la vraie Jeanne qu'elle était de Mareville petite ville entre Metz et Pont-à-Mousson. «Cette Jeanne avait longtemps demeuré et servi dans une métairie de ce lieu.»

[998] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 322, 324.—Lecoy de la Marche, Jeanne des Armoises, p. 566.—G. Save, Jehanne des Armoises, pucelle d'Orléans, p. 14.

[999] Procès, t. V, pp. 352 et suiv.

[1000] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 322, 324.—Dom Lelong, Histoire du diocèse de Laon, 1783, p. 371.—Abbé Ledouble, Les origines de Liesse et du pèlerinage de Notre-Dame, Soissons, 1885, pp. 6 et suiv.

[1001] Procès, t. V, p. 322, note 2.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 21, note 1.

[1002] Chronique normande (Ms. du British Museum), dans Procès, t. IV, p. 344.—Symphorien Champier, Nef des Dames, Lyon, 1503, ibid.

[1003] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 272.—Chronique Normande, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 2e série, t. III, p. 116.—D. Calmet, Histoire de Lorraine, p. vj., Preuves.—G. Save, Jehanne des Armoises, pp. 6-7.—On sait que Gabriel Naudé soutint le paradoxe que Jeanne ne fut jamais brûlée qu'en effigie, Considérations politiques sur les coups d'État, Rome, 1639, in-4o.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 8.

[1004] Lanéry d'Arc, Le culte de Jeanne d'Arc, Orléans, 1887, in-8o.—Revue du Midi.

[1005] Procès, t. V, p. 275.—Lottin, Recherches, t., p. 286.

[1006] Procès, t. V, p. 202.—Lecoy de la Marche, Jeanne des Armoises, p. 568.

[1007] Il mourut à l'âge de cent dix-huit ans. (Procès III, p. 29.)

[1008] Procès, t. V, p. 326.—Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 376, note.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 23, n. 5.

[1009] Ibid., t. V, p. 327.

[1010] Procès, t. V, p. 326.—Lottin, Recherches, t. I, pp. 284-285.

[1011] Depuis 1432. Toutefois il ne reste pas trace d'obit pour les années 1433 et 1434. Il fut célébré de nouveau en 1439.

[1012] Procès, t. V, pp. 274, 275.—Lottin, Recherches, t. I, p. 286.

[1013] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V. p. 323.—Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, p. 325.—Lecoy de la Marche, loc. cit., p. 566.

[1014] Art de vérifier les dates, t. XV, pp. 236 et suiv.; Gallia Christiana, t. XIII, pp. 970 et suiv.; Gams, Series Episcoporum (1873), pp. 317, 319.

[1015] Quicherat dit, par erreur (Procès, t. IV, p. 502, note), que la contestation pour l'archevêché de Trèves eut lieu entre Raban de Helmstat et Jacques de Syrck. Sur Jacques de Syrck ou de Sierck, cf. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. IV, p. 264.

[1016] Jean Nider, Formicarium, liv. V, chap. VIII.—D. Calmet, Histoire de Lorraine, t. II, p. 906.

[1017] Procès, t. I, pp. 245-246.

[1018] Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. IV, p. 502; t. V, p. 324.

[1019] H. Vincent, La maison des Armoises, originaire de Champagne, dans Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 3e série, t. V (1877), p. 324.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 2, n. 4.

[1020] Don Calmet, dans son Histoire de Lorraine (t. V., pp. CLXIV et suiv.), dit que le contrat de mariage entre Robert des Armoises et la Pucelle de France, longtemps conservé dans la famille, était perdu de son temps. Il ne faut point en avoir de regret. On sait aujourd'hui que ce contrat avait été fabriqué par le P. Jérôme Vignier. Le comte de Marsy (la fausse Jeanne d'Arc, Claude des Armoises; du degré de confiance à accorder aux découvertes de Jérôme Vignier, Compiègne, 1890) et M. Tamizey de Larroque (Revue Critique du 20 octobre 1890).—Sur d'autres faux de J. Vignier, cf. Julien Havet, Questions Mérovingiennes, II.

[1021] Jean Nider, Formicarium, liv. V, chap. VIIIi.—Procès, t. IV, pp. 503, 504.

[1022] Quant à l'acte antérieur par lequel «Robert des Harmoises et la Pucelle Jehanne d'Arc, sa femme», font l'acquisition de la terre de Fléville (D. Calmet, 2e éd., t. V, p. CLXIV, note), il est extrêmement suspect.

[1023] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, p. 323.—Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 354-355.

[1024] Procès, t. III, p. 206, n. 2.

[1025] Ibid., t. III, p. 219.

[1026] Jean Nider, Formicarium, dans Procès, t. V, p. 325.

[1027] Chronique du doyen de Saint-Thibaud, dans Procès, t. V, pp. 323-324.

[1028] Procès, t. I, p. 183.

[1029] Ibid., t. I, pp. 106, 108, 119, 296.—Journal d'un bourgeois de Paris.

[1030] Extraits des comptes de la ville d'Orléans, dans Procès, t. V, pp. 331-332.—Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, pp. 570-571.

[1031] Cédules originales d'Orléans, dans Procès, t. V, p. 270.

[1032] Procès, t. V, p. 274.—Lottin, Recherches, t. I, p. 286.

[1033] Extraits des comptes de la ville d'Orléans, dans Procès, t. V, pp. 331-332.—Lottin, Recherches, t. I, p. 287.

[1034] Procès, t. V, p. 260.

[1035] Ibid., t. V, pp. 112-113.

[1036] Procès, t. III, p. 17; t. V, p. 327.

[1037] Procès, t. V, p. 332.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, pp. 23-24.

[1038] Procès, t. V, p. 332.

[1039] Vallet de Viriville, Notices et extraits de chartes et de manuscrits appartenant au British Museum, dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. VIII, 1846, p. 116.

[1040] Abbé Bossard, Gille de Rais, p. 174.

[1041] Lettre de Rémission, dans Procès, t. V, pp. 332-334.

[1042] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 335.—Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, p. 574.

[1043] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 338 et suiv.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, pp. 384 et suiv.

[1044] Journal d'un bourgeois de Paris, p. 270.

[1045] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, chap. XVI.

[1046] Journal d'un bourgeois de Paris, pp. 354-355.—Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, p. 574.

[1047] Journal d'un bourgeois de Paris, loc. cit.

[1048] Ibid., pp. 354-355.—Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, p. 574.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 27.

[1049] Vergnaud-Romagnesi, Des portraits de Jeanne d'Arc et de la fausse Jeanne d'Arc et Mémoire sur les fausses Jeanne d'Arc, dans les Mémoires de la Société d'Agriculture d'Orléans, 1854, in-8o.

[1050] Procès, t. V, pp. 210, 213.

[1051] Ibid., t. V, p. 279.

[1052] Procès, t. V, pp. 212-214.—Lottin, Recherches, t. I, p. 287.—Duleau Vidimus d'une charte de Charles VII, concédant à Pierre du Lys la possession de l'Isle-aux-Bœufs, Orléans, 1860, in-8o 6.—G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, p. 28, note 1.

[1053] Je n'ai pas fait usage du témoignage très tardif de Pierre Sala (Procès, t. IV, p. 281), très vague, un peu fabuleux et qui ne peut en aucune façon s'agencer dans la vie de la dame des Armoises. Sur la bibliographie très intéressante du sujet, voyez Lanéry d'Arc, Le livre d'or de Jeanne d'Arc, pp. 573, 580 et G. Lefèvre-Pontalis, La fausse Jeanne d'Arc, Paris, 1895, in-8o, à propos du récit de M. Gaston Save.

On a supposé, sans en donner aucune preuve, que cette fausse Jeanne d'Arc était une sœur de la Pucelle (Lebrun de Charmettes, Histoire de Jeanne d'Arc, t. IV, pp. 291 et suiv.).—Francis André, La vérité sur Jeanne d'Arc, Paris 1895, in-18, pp. 75 et suiv.

[1054] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, p. 335.

[1055] Le P. Ayroles, La Pucelle devant l'église de son temps, p. 10.

[1056] Procès, t. III, p. 565.

[1057] Procès, t. I, p. 403.

[1058] Ordonnances, t. XIII, pp. 267, 291.—Preuves des libertés de l'Église gallicane, édit. Lenglet-Dufresnoy, deuxième partie, p. 6.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, pp. 353, 361.—N. Arlos, Histoire de la Pragmatique sanction, etc.

[1059] Hefelé, Histoire de l'Église gallicane, t. XX, p. 357.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, p. 363.—De Beaurepaire, Les États de Normandie sous la domination anglaise, pp. 66-67, 185-188.

[1060] Du Boulay, Hist. Universitatis, t. V, p. 431.—De Beaurepaire, Notes sur les juges, p. 28.

[1061] Procès, t. II, pp. 10, 12, 332, 362; t. III, pp. 60, 133, 141, 145, 156, 162, 173, 181.

[1062] De Beaurepaire, Notes sur les juges et assesseurs du procès de condamnation, p. 78, 82.

[1063] J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 106.

[1064] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. III, p. 372.

[1065] De Beaurepaire, Les États de Normandie sous la domination anglaise, pp. 66, 67, 185, 188.—De Beaucourt, loc. cit., p. 362.

[1066] De Beaurepaire, loc. cit., p. 17.—Notes sur les juges et assesseurs du procès de condamnation, p. 117 et Recherches sur le procès, p. 124.

[1067] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. V, chap. I.

[1068] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, p. 249.

[1069] Procès, t. II, pp. 1, 22.

[1070] Gallia Christiana, t. III, col. 1129 et t. XI, col. 90.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. V, p. 219.—Le P. Ayroles, La Pucelle devant l'Église de son temps, chap. VI.

[1071] De Beaurepaire, Les États de Normandie sous la domination anglaise, pp. 185, 188.

[1072] Procès, t. V, p. 276.

[1073] Ibid., t. II, pp. 108, 112.

[1074] Ibid., t. II, p. 95.—Le P. Ayroles, La Pucelle devant l'Église de son temps, p. 607.—J. Belon et F. Balme, Jean Bréhal, grand inquisiteur de France et la réhabilitation de Jeanne d'Arc, Paris, 1893, in-4o.

[1075] Procès, t. II, pp. 82, 92.

[1076] Ibid., t. II, pp. 92, 112.

[1077] Ibid., t. II, pp. 193, 196.

[1078] Ibid., t. II, pp. 291, 463; t. III, pp. 1, 202.

[1079] Procès, t. II, pp. 378, 463.

[1080] Ibid., t. V, pp. 112, 113, 331.

[1081] Ibid., t. II, pp. 23, 35.

[1082] Ibid., t. II, pp. 1, 19.

[1083] Procès, t. III, p. 202.

[1084] Ibid., t. III, pp. 2 et suiv.

[1085] Ibid., t. III, p. 16.

[1086] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, p. 43.—P. Dupuy, Histoire des Templiers, 1658, in-4o.—Cimber et Danjou, Archives curieuses de l'Histoire de France, t. I, pp. 137-157.

[1087] Procès, t. III, p. 90.

[1088] Ibid., t. III, p. 209.

[1089] Ibid., t. III, p. 65.

[1090] Ibid., t. III, p. 100.

[1091] Ibid., t. III, p. 85.

[1092] Procès, t. II, pp. 20, 21, 161; t. III, pp. 43, 53 et passim.

[1093] Ibid., t. III, pp. 44, 56.—J. Quicherat, Aperçus nouveaux, p. 106.

[1094] Ibid., t. II, p. 161; t. III, pp. 41, 42, 195.

[1095] De Beaurepaire, Notes sur les juges.

[1096] Procès, t. II, pp. 329 et suiv.

[1097] Ibid., t. II, pp. 363 et suiv., 434 et suiv.

[1098] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, p. 576.

[1099] Procès, t. III, pp. 32, 87, 100, 116, 119, 120, 126, 128, et passim.

[1100] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, p. 402.

[1101] Procès, p. 398.

[1102] Ibid., t. III, p. 355.

[1103] Ibid., t. III, p. 162.

[1104] Gallia Christiana, t. XI, col. 793.

[1105] Histoire ecclésiastique et politique de la ville et du diocèse de Toul, Toul, 1707, p. 529.

[1106] Abbé Bossard, Gilles de Rais, pp. 333 et suiv.

[1107] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, p. 197.

[1108] Enquête de 1476, dans A. de Braux et de Bouteiller, Nouvelles recherches, p. 10.

[1109] Ou Chaumussay. Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, Paris, 1871, in-8o, p. 19.

[1110] Lecoy de la Marche, Une fausse Jeanne d'Arc, dans Revue des Questions historiques, octobre 1871, p. 576.—Le roi René, Paris, 1875, t. I, pp. 308-327; t. II, pp. 281-283.

[1111] Procès, t. III, p. 314, note 1.—Gallia Christiana, t. II, fol. 518.—Du Boulay, Hist. Univ. Paris., t. V, p. 905.—Le P. Ayroles, La Pucelle devant l'Église de son temps, pp. 403-404.

[1112] Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations, p. 247.

[1113] Du Clercq, Mémoires, éd. de Reiffenberg, Bruxelles 1823, t. III, pp. 98 et suiv.—Jean de Roye, Chronique scandaleuse, édit. Bernard de Mandrot, 1894, t. I, pp. 13, 14.—Chronique de Bourdigné, éd. Quatrebarbes, t. II, p. 212.—Dom Piolin, Histoire de l'Église du Mans, t. V, p. 163.

[1114] Chastellain, éd. Kervyn de Lettenhove, t. III, p. 444.

[1115] Jacques du Clercq, Mémoires, t. III, pp. 107 et suiv.

[1116] Antoine du Faur, Livre des femmes célèbres, dans Procès, t. V, p. 336.

[1117] De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, pp. 442, 451.—Cronique Martiniane, éd. P. Champion, p. 110.

[1118] Mathieu d'Escouchy, t. II, p. 422.—Jean Chartier, Chronique, t. III, p. 114-121.

[1119] Gallia Christiana, t. VII, col. 151 et 214.—Hardouin, Acta Conciliorum, t. IX, col. 1423.—De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. VI, p. 444.

[1120] Procès, t. III, p. 219.

[1121] Procès, t. I, p. 52 et passim.

[1122] Progrès médical, 19 janvier 1878.

[1123] Procès, t. I, p. 52.

[1124] Ibid., t. I, p. 53.

[1125] Ibid., t. I, p. 186.

[1126] D'après la déposition de maître Pierre Maurice, au procès de condamnation (t. I, p. 480), Jeanne aurait aperçu les anges «sous forme de certaines choses minimes» (sub specie quarumdam rerum minimarum), et ç'a été aussi le caractère de quelques hallucinations de sainte Rose de Lima. (Vie de sainte Rose de Lima par le P. Léonard Hansen, p. 179.)

[1127] Procès, t. I, p. 144.

[1128] Procès, t. I, p. 110.

[1129] Procès, t. I, p. 279 et passim.

[1130] Gazette d'Amsterdam, mars-mai 1697.—Annales de la cour et de Paris (t. II, pp. 204, 219).—Theatrum Europæum (t. XV, pp. 359-360).—Mémoires de Sourches, t. V, pp. 260, 263.—Lettres de Madame Dunoyer (lettre XXVI).—Saint-Simon, Mémoires, éd. Régnier (Collection des Grands écrivains de la France), t. VI, pp. 222, 228, 231; appendice X, p. 545.—Mémoires du duc de Luynes, t. X, pp, 410, 412.—Abbé Proyart, Vie du duc de Bourgogne (éd. 1782), t. I, pp. 978, 981.

[1131] Rapport adressé à S. Ex. le Ministre de la Police Générale sur l'état du nommé Martin, envoyé par son ordre à la maison royale de Charenton, le 13 mars 1816, par MM. Pinel, médecin en chef de l'hôpital de la Salpêtrière, et Royer-Collard, médecin en chef de la maison royale de Charenton, et l'un et l'autre professeurs à la faculté de médecine de Paris. À la fin: Paris, 6 mai 1816. 39 feuillets in-4o. ms. du cabinet de l'auteur.—Le capitaine Paul Marin, Thomas Martin de Gallardon. Les médecins et les thaumaturges du XIXe siècle, Paris, s. d. in-18. Mémoires de la comtesse Osmond de Boignes, éd. Charles Nicoullaud, Paris, 1907, t. III, pp. 355 et passim.

[1132] Procès, t. I, pp. 100 et 292.

[1133] Gravée sur bois, dans Wallon, Jeanne d'Arc, p. 95.

[1134] E. de Bouteiller et G. de Braux. Notes iconographiques sur Jeanne d'Arc, Paris et Orléans, 1879, in-18 jésus.

[1135] Gravée dans une grande quantité d'ouvrages et notamment dans le livre de E. de Bouteiller et G. de Braux, ci-dessus indiqué, en regard de la page 12.

[1136] Gravée sur bois dans le livre ci-dessus indiqué, en regard de la page 8.

[1137] Au musée d'Orléans; elle a été gravée à l'eau-forte, par M. Georges Lavalley, dans la Jeanne d'Arc de M. Raoul Bergot, Tours, s. d., grand in-8o.

[1138] Je signalerai seulement en ce genre la miniature reproduite en frontispice, dans le tome IV de La vraie Jeanne d'Arc, du P. Ayroles, Paris, 1898, grand in-8o et la miniature de la collection Spetz, reproduite dans la Jeanne d'Arc du chanoine Henri Debout, t. II, p. 103.

[1139] Le Champion des Dames, ms. du XVe s.; bibl. nat., f. fr. no 841.—Martial d'Auvergne, ms. de la fin du XVe s., f. fr, no 5.054.—Une initiale d'un ms. latin du XVe s., bibl. nat., no 14.665.

[1140] Procès, t. I, p. 100.—N. Valois, Un nouveau témoignage sur Jeanne d'Arc, pp. 8, 13.

[1141] Reproduit en chromo dans Wallon, Jeanne d'Arc.

[1142] La forme Darc se trouve dans le procès de condamnation (Procès, t. I, p. 191, t. II, p. 82). Mais nous trouvons à côté les formes Dars (Pièce datée du 31 mars 1427), Day (lettres d'anoblissement), Daiz (communication que j'ai reçue de M. Pierre Champion), et Daix (Chronique de la Pucelle).

[1143] Reproduite en chromo dans la Jeanne d'Arc de Wallon.—Cf. J. Quicherat, Histoire du costume en France depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1875, gr. in-8o, p. 271.

[1144] Procès, t. V, p. 270.

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Ainsi que dans le livre original, les références de quelques notes de fin de page sont incomplètes.