The Project Gutenberg eBook of L'Illustration, No. 3696, 27 Décembre 1913

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Title: L'Illustration, No. 3696, 27 Décembre 1913

Author: Various

Release date: August 23, 2010 [eBook #33518]

Language: French

Credits: Produced by Jeroen Hellingman and Rénald Lévesque

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK L'ILLUSTRATION, NO. 3696, 27 DÉCEMBRE 1913 ***





L'Illustration, No. 3696, 27 Décembre 1913


(Agrandissement)



LE DISCOURS DE M. ARISTIDE BRIAND A SAINT-ETIENNE
D'après un instantané.--Voir l'article, page 538.


L'échéance du 31 décembre étant une des plus importantes de l'année, nous insistons de nouveau très vivement auprès de ceux de nos lecteurs dont l'abonnement expire à cette date, et qui ne l'ont pas encore renouvelé, pour qu'ils veuillent bien nous adresser, dans le plus bref délai, leur souscription pour 1914; ils éviteront ainsi tout retard dans la réception des prochains numéros.


SUPPLÉMENTS DE THÉÂTRE

Une grande solennité musicale se prépare pour le Ier janvier 1914: Parsifal, le chef-d'oeuvre de Richard Wagner, que Bayreuth s'était jusqu'à présent jalousement réservé, sera représenté, dans notre langue, en même temps à Paris et à Bruxelles, à l'Opéra et à la Monnaie.

Nous croyons que tous nos lecteurs--et non pas seulement ceux qui assisteront aux premières représentations françaises de Parsifal--nous sauront gré de leur offrir, dans le prochain numéro de La Petite Illustration, une traduction inédite, à la fois respectueuse et claire, du poème de Wagner, plus célèbre que connu du grand public.

A la liste des pièces nouvelles dont nous avons déjà annoncé la publication, nous sommes heureux d'ajouter La Belle Aventure de MM. Gaston de Caillavet, Robert de Flers et Etienne Rey, qui vient d'obtenir au Vaudeville un immense succès.

COURRIER DE PARIS

UNE OEUVRE VÉCUE

M. Jules Claretie a commencé la semaine dernière la publication de ses Mémoires. Voilà bien longtemps, heureusement pour lui--et pour nous--qu'on les attendait, avec une impatience qui n'était adoucie et entretenue, au cours des années, que par cette idée, si savoureuse et remontante, qu'à chaque incident agréable ou difficile de la longue et belle carrière de l'administrateur de la Comédie-Française, ils s'augmentaient, s'enrichissaient, se paraient de mille anecdotes inédites, de traits piquants rajoutés, d'aperçus nouveaux. Ainsi, non seulement on se réjouissait des joies si nombreuses et des honneurs si mérités qui advenaient à M. Claretie, mais par une espèce d'égoïsme, hélas! très humain et irraisonné, on n'était pas trop fâché non plus quand un petit nuage obscurcissait--pour quelques heures--la sérénité de son azur, parce qu'on savait d'abord qu'il avait l'habitude et les moyens de la victoire, et ensuite que l'on se disait: «Oh! Oh! Voilà du bon sur la planche, pour plus tard, quand ils seront publiés!» Donc, plus la date de leur mise au jour fuyait, se reculait, plus nous en étions, d'une certaine façon, assez contents tout de même puisque, malgré l'épreuve imposée, nous savions tous que nous n'y perdrions pas, que nous aurions double plaisir, double profit. Ce moment est enfin venu. Aujourd'hui les Mémoires paraissent.

On peut affirmer à l'avance et à coup sûr qu'ils seront ce qu'on a toujours espéré de leur auteur et qu'ils auront un succès considérable. Nul n'était doué, plus que lui, pour les écrire, avec la conscience et la certitude qu'en le faisant il accomplissait une mission, à laquelle il n'avait pas le droit de se dérober. Il semble, au premier instant, que rien ne soit plus facile que de mettre en hâte chaque soir sur le papier ce qu'on a vu dans la journée, ou qui vous a été conté... Pour beaucoup de gens il suffira de se livrer assidûment à ce pensum quotidien pendant des mois et des années... afin de pouvoir déclarer, quand il y aura la matière de huit à dix volumes: «Voilà des Mémoires achevés, et qui ne m'ont coûté aucune peine, qui ont été faits pour ainsi dire sans s'en apercevoir!» Eh bien, ils se trompent. Si les Mémoires ont été ainsi abattus, copiés au galop, même sur la vie, alignés à la six-quatre-deux et bâclés. selon l'expression courante: sans s'en apercevoir,... soyez tranquilles, quand ils paraîtront, on s'en apercevra. Ils pourront contenir des anecdotes, des mots, des récits, une distraction intermittente, mais ils ne formeront pas ce tout, homogène et harmonieux, que doivent constituer des Mémoires de bonne souche, des Mémoires «composés», présentant l'image exacte de la personne qui les a écrits et celle du temps dans lequel elle a pensé et s'est promenée. Les Mémoires sont succulents, instructifs et féconds, quand ils apportent quelque chose de plus que ce qu'ils relatent: entendez par là une explication, une morale, un enseignement extraits des réalités. Il y faut d'ailleurs des quantités de dons.

En premier, celui de la curiosité, de la curiosité poussée à l'extrême, jamais lasse, jamais assouvie. On peut dire que la caractéristique de l'esprit et du talent de M. Claretie, c'est la curiosité. Il a été et il est encore curieux de tout, comme un enfant, comme un jeune homme, comme un bibelotier, comme un reporter, comme un diplomate, comme un badaud, comme une femme, comme un collectionneur, comme un médecin, comme tous les curieux réunis et mis bout à bout. Il est presque aussi curieux dans ce siècle que le fut à l'avant-dernier La Condamine, qui passait à juste titre pour l'homme le plus curieux de France. M. Claretie a voulu, sinon tout connaître parce qu'il était de bonne heure trop renseigné déjà pour ne pas se rendre compte que cela était impossible, du moins tout regarder, pour s'en donner une notion et pouvoir la transmettre, ou l'essayer. Ainsi s'explique-t-on qu'il ait abordé avec une souplesse, une légèreté et une activité dévorantes tant de genres différents, en négligeant dans une sorte de bon sens instinctif de se fixer et de s'enchaîner à aucun. Il était né pour flâner rapidement aux magasins, aux casiers, aux étalages, à toutes les boutiques de la vie, et il ne s'est arrêté plus longuement qu'à la plus grande, la plus belle, la plus amusante et la plus fameuse de toutes qui était un théâtre... un théâtre d'État. Cette curiosité, charmante, juvénile, fuyante, saccadée, déréglée, passionnée... j'ai toujours pensé pour ma part qu'elle avait été «toute la vie» de M. Claretie, qu'il lui devait ses joies les plus claires, les plus éveillées, et aussi les petits ennuis sérieux qu'il eut parfois à traverser. C'est elle qui fut la cause de tout. Il a dix fois, cent fois plus de finesse et d'adresse, et de philosophie aussi, qu'il n'en faut pour éviter avec maîtrise le moindre accroc, mais, en présence de la difficulté, aussitôt il s'excite, la curiosité intervient, précieuse et terrible fée, et poussé par elle il veut voir à tout prix, voir ce qui arrivera... et bien entendu ce qui arrivera dans le cas le plus aigu, alors il ne se connaît plus... et il entre résolument dans l'inconnu qui le tente... Eh bien... il ne faut pas cependant qu'il le regrette aujourd'hui, pas plus que nous ne regrettons nous-mêmes qu'il ait toujours cédé, même à ses risques et à ses dépens, aux impulsions dangereuses de cette curiosité à laquelle il était redevable de trop de délices pour oser la guider, la retenir, ou la contrecarrer. Sans elle en effet nous n'aurions pas eu les Mémoires en question et c'eût été grand dommage. Que vont-ils être? Que seront-ils? Voilà ce que plus d'un s'est demandé. La réponse n'est pas difficile. Ils seront sur le ton simple et familier des articles, nourris de documents, que l'auteur de la Vie à Paris a trouvé le moyen, dans une existence privée de loisirs apparents, d'écrire au Temps, avec un continuel succès, depuis de nombreuses années. C'est dire que M. Claretie, qui en a tant vu et tant fait voir, nous contera, dans son aimable style, tous les événements auxquels il a été de près ou de loin mêlé, qu'il nous retracera en quelque sorte, forcément, l'histoire littéraire, dramatique--et même çà et là politique--de ces trente dernières années, et cela, vu de la coulisse, et sans pose aucune ni prétention, mais à petits coups, en petits morceaux détachés, rappelant ce qu'est sa conversation abondante, intéressante, brisée, pleine de courtoises hésitations, de flottements, et de réticences polies qui en constituent l'indécision, le charme et l'originalité. Il semble en ces moments s'écouter lui-même au dedans et prendre, avant de l'exprimer et de la jouer, sa pensée «au souffleur». Il n'y a pas de causeurs plus agréables, plus sûrs d'eux et plus résolus, sous les dehors de la modestie et de la timidité.

Et maintenant, ces Mémoires seront-ils combatifs, révélateurs, malicieux? L'administrateur d'hier rappellera-t-il, ressortira-t-il, l'une après l'autre, les circonstances mémorables dans lesquelles, depuis vingt-huit ans, il eut à prendre tel parti, telle décision, à faire telle promesse, à la tenir, à en être empêché? Cherchera-t-il à se justifier de certains griefs, fondés ou non? Dira-t-il tout? ou ce qu'il croit être tout? Sera-t-il amer? vindicatif? ou apaisé, serein? Voudra-t-il prouver? Plaidera-t-il? Montrera-t-il un homme «nouveau», je veux dire celui qu'on le sait incapable d'être: un homme amer, aigri, rancunier, méchant? Pas le moins du monde. Et c'est en cela encore que M. Claretie, qui a si souvent étonné, dans tous les sens, ses contemporains pourtant durs à surprendre, les étonnera encore plus par la publication de ses Mémoires. Il les trompera justement au chapitre des représailles, auxquelles on suppose, bien à tort, qu'il a songé avec amour. On le connaît mal. Il ne fut jamais, dans ses crises les plus vives avec les comédiens ou les auteurs, qu'un homme irrité de se voir partagé entre des intérêts égaux et divers et agacé avec des petites fureurs de ne pouvoir tout concilier, donner raison à la fois aux deux partis, satisfaire tout ce qu'il aurait tant voulu ne pas mécontenter: l'auteur, l'ami, la Maison, le comédien, le Comité, le ministre... et lui-même... Mais toutes ces secousses n'avaient jamais qu'une origine et une qualité professionnelles. Le fonds solide des sentiments n'était pas atteint.

Va-t-on se figurer, après cela, que M. Claretie fuira dans le récit de sa vie les instants délicats et épineux? qu'il voudra escamoter les souvenirs brûlants? Non plus! Et il aura bien raison. Personne ne s'est jamais imaginé qu'il renoncerait au sourire, à la pointe, à l'humeur narquoise, au sel de Paris. Nous lui demandons au contraire de garder jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière ligne de ses Mémoires, les dons de fine polémique et d'esprit qui sont les siens. Qu'il ne les retienne pas. Ils font partie de sa plume, de cette plume toujours en marche et qui a tant écrit, qu'il aime par-dessus tout et qu'il a, j'en suis sûr, une allégresse de libre écrivain à reprendre aujourd'hui, sans se plus gêner en rien, dans le calme, un peu fébrile encore, d'une belle retraite, au sommet d'une carrière dont il peut, non sans orgueil, considérer en se retournant l'unique et long parcours...

HENRI LAVEDAN.




M. JULES CLARETIE
qui vient de mourir, le 23 décembre, encore administrateur de la Comédie-Française, et au moment où il venait de commencer, dans le Journal, la publication de ses Mémoires.--Photographie prise dans la Galerie des Bustes du Théâtre-Français.

La vie a d'étranges hasards. Au moment où, près d'abandonner l'administration de la Comédie-Française, M. Jules Claretie commençait dans le Journal la publication de ses Mémoires, notre éminent collaborateur M. Henri Lavedan avait eu la pensée de lui consacrer ici un article tout amical et charmant, que nous avions illustré d'une toute récente, et maintenant bien émouvante photographie. Le funèbre événement qui, mardi soir, a surpris Paris, donne, hélas! à cette chronique un surcroît d'actualité que n'avait pu prévoir son auteur.

Quand nous parvint la nouvelle de la fin soudaine de M. Claretie, les dernières pages de ce numéro, qu'il fallait achever avant les fêtes de Noël, descendaient sous presse. On imprimait «le Courrier de Paris». Nos lecteurs ont donc, tout vif, à défaut d'une notice nécrologique que nous ne pouvons songer à improviser à la hâte, l'hommage sincère rendu par M. Henri Lavedan à son collègue de l'Académie française, à un confrère qu'il ne s'attendait pas à voir si brusquement disparaître. Ils y trouveront tous les éléments d'un portrait finement vu, élégamment campé. Et les plus anciens se rappelleront peut-être--non sans quelque mélancolie, car c'est bien loin déjà--que des années et des années, à la place où ils lisent aujourd'hui cet article, celui dont on évoque la bienveillante physionomie les entretint lui-même, à la semaine la semaine, d'une plume alerte et souple, des mille et un événements, grands ou petits, de la vie de Paris et d'ailleurs: le Bastignac de la vieille Illustration, c'était M. Jules Claretie.


«LA BELLE AVENTURE»


Une grand'mère octogénaire personnifiée, au Vaudeville, par une artiste qui a l'âge du rôle:
Mme Daynes-Grassot; à son côté, Mlle Madeleine Lély.

L'un des attraits de cette pièce, qui en a tant d'autres et que ses trois auteurs, MM. de Caillavet, Robert de Fiers et Etienne Rey ont parée de tout ce que la grâce la plus tendre, l'esprit le plus brillant, le talent le plus sûr peuvent produire de mieux achevé, est que l'un des personnages est une grand'mère--de soixante-quinze ans, avaient d'abord indiqué les auteurs--de quatre-vingt-un ans, rectifièrent-ils, sur la demande de leur interprète, Mme Daynes-Grassot, qui avait la coquetterie de vouloir porter en ce rôle son âge réel... Il n'était pas inutile de souligner ce détail pour tous ceux, innombrables, qui iront applaudir la Belle Aventure au Vaudeville et qui ne l'auraient point soupçonné à voir la souriante vivacité de cette petite vieille en robe de 1851--robe qu'elle porta à cette époque!--rajeunie à la mode de 1864, presque toujours en scène pendant le deuxième et le troisième acte et qui met dans son jeu toute l'adresse experte et la grâce infinie avec laquelle les auteurs ont conduit leurs scènes et leur dialogue pour faire applaudir une situation dont on ne s'aperçoit pas qu'elle est un peu risquée.

Il n'est, au premier acte, pas un spectateur qui ne souhaite que la jeune mariée s'évade, fût-ce en sa robe blanche, de l'union sans amour à laquelle on l'a poussée et parte, avec celui que son coeur a élu, vers la belle aventure; et, au second acte, si la vieille grand-mère, recevant les jeunes gens qu'elle croit être déjà, l'un comme l'autre, ses petits-enfants, bénit leur amour, n'est-ce pas la faute, uniquement, des circonstances, n'est-elle pas trompée en toute bonne foi,--si bien qu'au troisième acte, alors qu'elle découvre l'involontaire supercherie en même temps qu'elle apprend que tout va être réparé, elle ne peut garder longtemps rancune à sa petite-fille... On a uni, dans les enthousiastes applaudissements adressés aux auteurs et à cette alerte doyenne de nos comédiennes, les autres interprètes au premier rang desquels Mlle Madeleine Lély, MM. Victor Boucher et Capellani.


M. Albert Besnard. M. di San Giuliano. M. Credaro. M. Barrère. M. Vicini. M. Casaglia. M. Corrado Ricci.
Au ministère de l'Instruction publique à Rome: la cérémonie de la remise de la Joconde à l'ambassadeur de France.--Phot. Robert Vaucher.

LA «JOCONDE» A ROME

Notre correspondant de Rome nous envoie ces intéressants détails sur la cérémonie de la restitution à la France de la précieuse peinture de Léonard de Vinci:

Rome, 21 décembre 1913.

Florence a vu partir hier sa noble hôtesse. Après un court séjour dans la jolie ville toscane, Monna Lisa a été de nouveau mise entre deux morceaux de velours rouge, puis elle a pris le chemin de Rome.

Ce n'était plus en contrebande qu'elle voyageait, mais bien comme une reine. Pour remplacer le coffre de bois blanc de Perugia on avait confectionné pour elle une ravissante caissette de noyer, bien capitonnée, où elle ne risquait pas de s'abîmer. Monna Lisa avait sa garde d'honneur, composée de M. Corrado Ricci, directeur général des Beaux-Arts, de M. Poggi, directeur de la Galerie des Offices, et de plusieurs inspecteurs de police. Tout le long du trajet, le convoi reçut les honneurs qu'on prodigue à un train royal. Des carabiniers à toutes les stations et, dans le train, des agents en bourgeois veillaient à la sécurité de la belle voyageuse.

A l'arrivée à Rome, hier, M. Casaglia, chef de cabinet du ministre de l'Instruction publique, attendait à la gare pour recevoir officiellement le précieux colis que portait M. Ricci lui-même. En passant à l'octroi, un douanier voulut ouvrir la caisse. «--Cela ne paie pas de droits», lui répondit-on. «--C'est un objet sans valeur!» s'écria un journaliste.

La foule, apprenant l'événement, se pressait à la sortie. De tous côtés, l'on criait: «--Qui est arrivé?--Monna Lisa!» Le public restait bouche bée, quand il s'apercevait que tous ces honneurs s'adressaient à un simple coffret de noyer.

L'automobile portant le tableau et ses chevaliers servants réussit non sans peine à fendre la foule et arriva au ministère de l'Instruction publique. Là, en présence du ministre, M. Credaro, la Joconde fut sortie de son écrin, replacée dans le cadre qu'elle avait à Florence et exposée dans l'antichambre du ministre, dont la fenêtre donne sur la place de la Minerve.

Tous les employés du ministère, en redingote, se pressaient pour voir le tableau, lorsque le bruit courut que le roi allait venir à son tour rendre visite à la fille divine du Vinci. Bientôt, le salon d'honneur est évacué et, accueilli par des applaudissements chaleureux, S. M. Victor-Emmanuel III offre son hommage admiratif au tableau du grand maître. Le roi, qui est un ami des arts, a déjà vu plusieurs fois la Joconde au Louvre et il exprime à MM. Ricci et Poggi le plaisir qu'il a à contempler de nouveau ce chef-d'oeuvre. Il félicite M. Credaro et ses collaborateurs pour le zèle qu'ils ont déployé.

Après le départ du roi, c'est un long défilé de députés, de sénateurs, de hautes personnalités qui viennent contempler le tableau tant vanté.

Ce matin, jusqu'à 10 heures, les employés des différents ministères eurent à leur tour le privilège de venir jeter un rapide coup d'oeil dans la salle où se trouvait la Joconde, encadrée d'huissiers galonnés. Puis les portes furent fermées. Seuls, quelques privilégiés allaient être admis à assister à la cérémonie de la remise du tableau à l'ambassadeur de France, M. Camille Barrère.

M. Leprieur, conservateur du musée du Louvre, arrive avec M. Corrado Ricci. J'ai le plaisir de lui présenter M. Poggi, le directeur de la Galerie des Offices, à qui il exprime le plaisir qu'il eut en apprenant la découverte de la Joconde, «la vraie, ajoute-t-il, puisqu'il n'y a plus de doute possible».

M. Leprieur, en effet, a procédé avant la remise du tableau à un examen minutieux de la Joconde à un point de vue très prosaïque mais dont le résultat est des plus intéressants. Il prit force mesures, vérifia de nombreux signes particuliers qu'il avait notés dans l'oeuvre de Léonard de Vinci, et toutes ses constatations coïncidèrent exactement avec celles qui avaient été faites au Louvre. Il existe d'ailleurs un dossier cacheté, déposé chez un notaire parisien, qui contient toutes les annotations faites sur les particularités du tableau. Dès que Monna Lisa aura réintégré le musée, on ouvrira ce dossier et l'on procédera à une dernière vérification qui aura pour conséquence, c'est bien certain, de dissiper les doutes des sceptiques les plus endurcis.


              La Joconde rendue à la France
           va être emportée au palais Farnèse.
                    Phot. Ch. Abeniacar.

La Joconde a de nouveau été sortie de son cadre, dans le grand salon d'honneur. M. Ricci la tient debout sur la table, autour de laquelle se groupent MM. Barrère, ambassadeur de France, di San Giuliano, ministre des Affaires étrangères; Credaro, ministre de l'Instruction publique; Vicini, sous-secrétaire d'Etat; Besnard, directeur de l'Académie de France; Casaglia, chef du cabinet du ministre de l'Instruction publique; Ollé-Laprune, premier secrétaire de l'ambassade de France; Poggi, directeur de la Galerie des Offices de Florence.

M. Credaro prend la parole et, s'adressant à M. Barrère, il lui dit combien la nation italienne est heureuse de pouvoir restituer à la nation française, qui donna l'hospitalité et prodigua les honneurs au Vinci, fils illustre de l'Italie, dans les dernières années de sa vie, le précieux tableau enlevé aux glorieuses salles du Louvre. «Que Votre Excellence veuille bien, dit en terminant le ministre, recevoir le chef-d'oeuvre du grand Florentin comme un gage d'amitié et de solidarité entre les deux peuples, dans les hautes sphères de l'art et de l'humanité.»

M. Camille Barrère prit à son tour la parole. Assez ému, l'ambassadeur, dans une brillante improvisation, exprima à M. Credaro les sentiments de reconnaissance de la France pour les procédés si spontanément amicaux du gouvernement italien, et sa joie de recouvrer enfin le chef-d'oeuvre d'un homme dont le génie universel a élargi les bornes de l'intelligence humaine.

«Je tiens, ajouta M. Barrère, au moment où vous me remettez la Joconde et où je l'emporte au palais Farnèse, à vous dire combien je suis touché que ce soit à l'Italie que revienne le privilège de la restituer à la France.»

On lit ensuite l'acte de consignation du tableau au gouvernement français, qui est signé par MM. Credaro, di San Giuliano et Barrère, et par MM. Vicini, Besnard, Ricci et Poggi comme témoins.

C'est fait: la Joconde est redevenue française. M. Ricci la replace avec une délicatesse toute paternelle dans la boîte de noyer, puis, s'approchant de M. Ollé-Laprune, lui dit en souriant: «Veuillez constater que c'est bien la Joconde que j'enferme dans cette boîte.» M. Ollé-Laprune n'a pas de peine à déclarer reconnaître que c'est le chef-d'oeuvre de Léonard de Vinci qui est dans le coffret dont on lui remet la clef et, au milieu des conversations amicales, on descend sur la place où les automobiles attendent les ministres et l'ambassadeur.

Quelques minutes après, Monna Lisa entre au palais Farnèse et prend place dans la galerie des Carrache. La première visite qu'elle y reçoit est celle de S. M. la reine Marguerite, qui, pendant près d'une heure, s'entretient avec l'ambassadrice et ses quelques invitées. Vers 3 heures, tous les membres du corps diplomatique, les personnalités de la colonie française et les notabilités romaines remplissent les salons de l'ambassade d'un public d'élite, heureux de pouvoir contempler la belle oeuvre du grand maître florentin.

Demain, la Joconde restera au palais Farnèse; de mardi à samedi, elle sera exposée à la galerie Borghèse, puis, dimanche prochain, probablement, elle partira pour Milan, d'où elle rentrera directement à Paris.

ROBERT VAUCHER.



DEUX PHOTOGRAPHIES GRANDEUR NATURE PERMETTANT D'IDENTIFIER LA JOCONDE


CLICHÉ BRAUN et Cie, EXECUTE AU MUSÉE DU LOUVRE, AVANT LE VOL
Reproduction sans aucune retouche, montrant toutes les craquelures de la peinture et la trace d'une fente dans le panneau.


CLICHÉ A. BROGI, EXÉCUTÉ AUX OFFICES, A FLORENCE, LE 17 DÉCEMBRE 1913
Reproduction sans aucune retouche, montrant toutes les craquelures de la peinture et la trace d'une fente dans le panneau.



Le général Liman von Sanders et les officiers allemands sortant de la Sublime-Porte.

LES GARDIENS ALLEMANDS DU BOSPHORE

Il faut le reconnaître, la diplomatie allemande à Constantinople continue de l'emporter sur toutes les diplomaties de l'Europe. Par son activité inlassable, par son habileté souple et soutenue, par son opiniâtreté que rien ne rebute, elle vient de réaliser un nouveau succès d'influence, mais cette fois un succès tellement exceptionnel, tellement imprévu, après les déceptions de la guerre, et tellement menaçant aussi pour tout ce qui n'est ni allemand ni turc, qu'elle en est comme un peu émue elle-même et qu'elle s'efforce, par des commentaires officieux, d'en atténuer la portée. Les troupes turques, préparées à l'allemande avant leurs désastres, reçoivent à nouveau, pour présider à leur réorganisation, des instructeurs allemands. Mais quels instructeurs! C'est toute une mission militaire formidable, telle qu'on n'en vit jamais une semblable dans l'empire d'Osman. Un général chef de corps, un général major et cinquante officiers sont envoyés à Constantinople. Et cela ne serait rien encore si le général chef de corps ne recevait un commandement effectif, s'il n'était mis à la tête des troupes mêmes qui, en cas de guerre, défendraient la capitale. En d'autres termes, le général von Sanders, devenu le chef du 1er corps d'armée, se voit attribuer, par cet emploi, la garde du Bosphore.


                                                                        Général L. von Sanders.
         La mission militaire allemande à Constantinople.
                  Photographies Ferid Ibrahim.

L'événement est grave, «plus grave--a-t-on écrit--que tout ce qui vient de se réaliser dans les Balkans». L'Europe s'est inquiétée tout de suite. Mais la Russie devait plus particulièrement et plus violemment s'émouvoir. Il ne faut pas oublier en effet que le Bosphore est pour la Russie méridionale la seule voie maritime qui la relie au monde. C'est par cet étroit couloir qu'elle achemine la plus grande partie de ses exportations. Un état-major étranger maître des forces militaires de Constantinople, c'est la Russie embouteillée dans la mer Noire. C'est la clef de la Méditerranée remise entre des mains allemandes... Contre cette situation, la Russie a protesté auprès du grand vizir, le 13 décembre dernier. Les deux autres puissances de la Triple Entente se sont associées à sa «question» sur les attributions réservées à la mission allemande. Le grand vizir a répondu aux ambassadeurs que les attributions du général allemand ne s'étendraient pas à la défense des Détroits, affirmation diplomatique que contredit, sur le terrain des réalités, la nature même de l'emploi attribué au général Liman von Sanders. La Russie ne paraît pas devoir se contenter de cette déclaration et la discussion reste ouverte.

... Pendant ce temps, la mission s'installe à Constantinople. Elle y est arrivée, le 14, habilement, en appareil modeste. Le général von Sanders et ses officiers portaient la petite tenue des officiers turcs de leur grade, et l'ambassade allemande n'était pas à la gare. Après avoir été présenté au grand vizir et reçu par le sultan, le général von Sanders a pris le commandement du 1er corps d'armée; et le vendredi 19 décembre les nouvelles autorités militaires allemandes de la capitale ottomane assistaient au Selamlik.


(Deux pages manquantes.)



Sous l'oeil de la cliente difficile

... deux et trois heures durant, pendant que le Grand Couturier attend l'inspiration qui ne vient pas toujours... Et c'est l'attente patiente, les bras nus et levés, tandis que les ciseaux coupent et taillent dans les bâtis de toile, tandis qu'on épingle, qu'on drape, qu'on découd, qu'on fait et qu'on défait autour de vous ces premières et incertaines «fondations» de ce qui doit être une merveille de robe, mieux qu'une robe: un rêve, un souffle, un rien adorable,--et coûteux... que d'autres porteront...

*
* *

Le matin, les mannequins «passent les robes» devant les commissionnaires et les courtiers pour l'étranger. C'est une cérémonie agréable. Le
                                  Un essayage.
commissionnaire est bon enfant, le plus souvent: et il apporte des bonbons à ces demoiselles. A-t-on jamais vu qu'une demoiselle n'aimât point les bonbons?--L'après-midi, il y a l'essayage, la venue des clientes, les petits travaux de couture... Entre temps, les mannequins vivent dans une petite pièce qui leur est réservée et qu'elles nomment le «cagibi». Elles y demeurent, comme aimées au harem, riant, se reposant, lisant les Aventures de Ronchonnot, ou Zigomar, jouant aux cartes, à pigeon vole, ou à se dire la bonne aventure, ou occupées à rien faire, ce qui est leur distraction la plus usuelle, tandis qu'elles se racontent sans se lasser leurs confidences ou leurs espoirs, leurs chagrins d'amour ou moins encore... Et comme on n'est pas faite, quand on est bien faite, quand on est jeune et jolie, pour rester mannequin toute sa vie, elles envisagent l'avenir...

Les plus sages voudraient devenir vendeuses. Mais, pour être vendeuse, chez le Grand Couturier, il faut parler anglais. Alors, elles vont chez Berlitz, le soir, en attendant qu'un hasard heureux leur permette de passer la Manche. Les plus disgraciées aspirent à être employées aux manutentions. Les plus folles rêvent de théâtre et font des châteaux en Espagne... Et la venue d'une cliente interrompt tous ces papotages, toutes ces espérances:

--Mesdemoiselles, voulez-vous montrer les robes du soir...

Et la théorie des mannequins, soudain revêtus de brocatelles, de satins, de soies, de velours, arrive en tanguant, pour «passer»... C'est la plus jeune d'entre elles, et la plus sage qui passe en premier. Ainsi le veut la tradition, dans certaines maisons... Ça porte bonheur...

Alors, derrière elle, elles se mettent à défiler. Et chacune, à part soi, rêve vaguement au jour bienheureux où elle viendra pour son propre compte chez le Grand Couturier, et, bien au chaud dans ses fourrures qui seront à elle, ce jour-là, demandera, comme la riche cliente devant qui elle passe et qui la regarde, dédaigneuse et difficile, demandera au patron d'hier, au Grand Couturier soudain respectueux et attentif, qu'on veuille bien faire passer devant elle ces demoiselles, avec les plus récentes créations...

ÉMILE HENRIOT




Le président Wilson. Mrs Wilson. M. Francis Bowes Sayre.

                      Mrs. Francis Bowes Sayre.
Le mariage de la seconde fille du président Wilson: le groupe des parents et des demoiselles d'honneur.

UN GRAND MARIAGE AMÉRICAIN

Le mardi 25 novembre, M. Woodrow Wilson, président de la République des Etats-Unis, mariait sa seconde fille, miss Jessie Wilson, à M. Francis Bowes Sayre, professeur de l'Université,--comme le président lui-même.

Ce fut une cérémonie austère. Pas d'uniformes. Et les membres du corps diplomatique qu'il avait bien fallu se résigner à convier, quoi qu'en dût souffrir la modestie, avaient été priés de venir eux-mêmes dans le plus simple appareil: pas de broderies, pas d'ordres, pas de chamarres! Quelle leçon sévère pour les prodigues milliardaires et toutes leurs folies!

Mais la photographie que nous reproduisons, et qui montre les jeunes époux au milieu de leurs parents, de leurs demoiselles et garçons d'honneur, semble révéler encore une autre preuve de l'esprit de renoncement qui anime et guide le successeur de M. Taft à la Maison Blanche. Car enfin, dans ce pays où, au dire de juges très compétents, les beautés féminines abondent, pullulent, on est un peu déçu de ne pas les voir, à ce mariage, malgré tout illustre, représentées dans l'entourage immédiat de la mariée par des exemplaires plus convaincants,--non plus d'ailleurs que l'élégance virile anglo-saxonne ne l'est dans l'assistance masculine. Le président Wilson doit être décidément un ascète.

AVIATEURS ESPAGNOLS BLESSÉS EN GUERRE

Les Espagnols, appliqués dans leur zone, comme nous dans la nôtre, à poursuivre leur oeuvre d'occupation et de pacification, ont établi, à Tétouan, un parc d'aviation fort bien installé, comme on en peut juger par la photographie qui en fut prise précisément par l'un des officiers aviateurs.

Or, récemment, un de leurs aéroplanes faillit bien tomber aux mains des Arabes. C'est presque un miracle s'il put échapper à leurs coups.

Deux officiers le montaient, ayant pour mission d'aller opérer une reconnaissance dans les environs de la place. Très audacieusement, ils se tenaient à une faible hauteur, afin, sans doute, de pouvoir procéder à des constatations plus précises, et ne soupçonnant pas qu'ils pouvaient être exposés à quelque surprise. Or, ils avaient été aperçus par une troupe ennemie parfaitement embusquée.

Des balles sifflèrent autour d'eux, dont ils entendirent le choc mat contre les ailes. Eux-mêmes furent atteints, l'observateur, le capitaine Barreiro, très grièvement, au ventre et à la poitrine.

L'énergique officier fit montre d'un courage surhumain. Encourageant son compagnon, il l'exhortait à accélérer sa marche, afin de gagner en hâte le camp, éloigné d'une vingtaine de kilomètres.

En quelques tours d'hélice, d'ailleurs, ils avaient été hors de la portée de cette fusillade meurtrière.

Enfin, ils purent atterrir. Mais le capitaine Barreiro, épuisé par tout le sang qu'il avait perdu et les efforts qu'il avait faits, semblait mort. On eut beaucoup de peine à le ranimer.

On se livra à un examen minutieux de l'appareil. Les sièges qu'occupaient les deux aviateurs ruisselaient de sang, et des traces de coups de feu se constataient en divers endroits; les Arabes s'étaient montrés excellents et sûrs tireurs. C'est la première fois, croyons-nous, que des officiers sont ainsi blessés en action de guerre. Aussi le roi Alphonse a-t-il tenu à récompenser sans délai ces deux vaillants soldats.


Vue du camp d'aviation de Tétouan.                      Après le périlleux raid: l'examen des traces
                                                                           des balles marocaines.


LE ROI CONSTANTIN DE GRÈCE EN FAMILLE

Après onze mois d'état de guerre qui éloignèrent presque constamment le roi Constantin de son foyer, la paix de Bucarest, puis celle d'Athènes, lui ont permis de quitter Salonique et la Macédoine pour reprendre, dans le petit palais athénien qu'il occupait comme diadoque et dans lequel il demeure encore actuellement, la simple vie de famille. C'est dans la petite salle à manger, le breakfast room de la résidence princière de la rue Hérode l'Attique, qui se trouve derrière le palais royal d'Athènes, que cette photographie a été récemment prise. Le roi est avec les siens autour de la table du petit déjeuner du matin.

A sa droite est la reine Sophie, soeur de l'empereur d'Allemagne. Elle tient dans ses bras la petite princesse Catherine, âgée d'à peine huit mois. Cette fillette est l'enfant qui a le plus de parrains au monde. Au moment de sa naissance, un grand souffle de gloire militaire passait sur la Grèce. Le roi eut la jolie idée de confier à toute son armée et à toute sa marine le soin et la faveur du parrainage. Catherine est la filleule de l'armée grecque et, au cours de la seconde guerre, il n'était pas rare d'entendre des soldats parler du roi non pas toujours sous le sobriquet de Costa fallas (Constantin le sabreur), mais sous celui de Koumbans (le papa de la petite).

A la gauche du roi est la princesse Hélène, sa fille aînée, âgée de dix-sept ans. Le second fils du roi, le prince Alexandre, âgé de vingt ans, est assis à côté de sa soeur et a pour voisin de gauche son frère Paul (Pavlos), un garçonnet de douze ans qui porte, à la mode anglaise, très en faveur à la cour d'Athènes, le petit veston et le col d'Eton. A la droite de la reine est le prince Georges, le diadoque, héritier de la couronne. Il a vingt-trois ans et a fait, aux côtés de son père, les deux campagnes. Il fut, de plus, au printemps de cette année, chargé d'une mission en Epire où la population lui fit le plus émouvant accueil. Sa jeune soeur, la princesse Irène, qui fêtera en février prochain son dixième anniversaire, est au bout de la table.


Le petit déjeuner du matin de la famille royale de Grèce.
De gauche à droite: la princesse Irène, le prince-diadoque Georges, la reine Sophie tenant dans ses bras la petite princesse Catherine, le roi, la princesse Hélène, les princes Alexandre et Paul.--Phot. Boehringer.

Les traditions de simplicité et de grand attachement familial que le vieux roi Christian IX de Danemark avait imposées à tous ses descendants sont restées en honneur auprès de son petit-fils et, à Athènes comme à Copenhague, un peu d'anglomanie (la reine, quoique soeur de Guillaume II, est la plus fervente admiratrice de tout ce qui vient d'Angleterre) cherche à masquer certaines influences germaniques. L'empereur d'Allemagne lui-même est d'ailleurs le premier à n'écrire qu'en anglais à son beau-frère.


L'ÉLECTRICITÉ A BORD DES AUTOMOBILES

Le dernier Salon de l'Automobile a révélé à ses visiteurs un fait nouveau: la prise de possession de la voiture par l'électricité.

Entendons-nous bien tout de suite. Il ne s'agit point du tout d'une révolution dans le mode de traction de la voiture, de l'avènement, enfin durable, de la voiture électrique. Non. Le moteur à explosions, avec ses incomparables qualités de puissance, de légèreté, de solidité et d'économie, demeure maître absolu de tout véhicule qui va sans chevaux sur les routes. Il s'agit seulement d'une grande amélioration dans le confort de la voiture: l'automobile a fait mettre l'électricité chez elle.

Désormais, en effet, une automobile qui se pique de modernisme ne tolère plus que, la nuit, la route soit éclairée devant elle autrement que par l'électricité. Elle ne souffre plus qu'on lance son moteur à la manivelle; elle le veut mis en marche à l'électricité. C'est l'électricité qui actionne son avertisseur; qui demain fera mouvoir la pompe d'air pour les pneumatiques, voire les glaces de la limousine; qui embrayera, freinera et opérera les changements de vitesses. Voilà donc bien du nouveau!

Cette transformation s'accompagne fatalement de quantité d'expressions nouvelles dont il va falloir que les gens du monde, ou simplement les gens instruits, connaissent le sens. Nous ne les passerons pas en revue ici mais s'il plaît aux lecteurs de L'Illustration, nous allons faire sous leurs yeux une analyse sommaire des phénomènes auxquels nous devons le courant électrique, et nous verrons ainsi les expressions nouvelles venir à nous familièrement.

L'électricité apporte à l'automobile le premier bienfait d'un éclairage quasi parfait. Je ne vanterai pas longuement les avantages de l'éclairage radieux. Un coup de pouce, et l'on a de la lumière, de la lumière au point précis où on la désire! Un coup de pouce, et tout retombe dans les ténèbres! Plus d'allumettes, plus de flamme et de fumée, plus de liquides sales, plus de préparatifs, et par contre, vraiment, on a le soleil la nuit!

Mais ici vous m'arrêtez. Pourquoi n'éclaire-t-on pas les automobiles au moyen de piles? Les piles sont connues du public et de maniement assez simple.

Certes. Mais elles sont fragiles, encombrantes, pesantes, et surtout elles sont extrêmement onéreuses. La plupart, et les moins mauvaises, sont des appareils dans lesquels on dissout peu à peu du métal, à la façon du sucre dans de l'eau, et un métal très cher, le zinc. Laissons donc les piles aux timides sonneries d'appartements.

Alors, pourquoi n'éclaire-t-on pas les automobiles au moyen d'accumulateurs? Nous allons voir qu'en effet la batterie d'accumulateurs s'impose à notre cas. Mais, si on voulait lui confier la totalité du service d'éclairage, il faudrait lui donner un volume énorme dont le poids et l'encombrement seraient prohibitifs. Et puis, leur nom indique leur défaut: ils ne créent pas du courant, ils ne peuvent que garder en réserve l'énergie dont on les a gavés. Or, loin de toute usine électrique, privés des spécialistes qui savent réussir la délicate opération, comment seraient-ils soumis à une recharge? Il est donc nécessaire que l'automobile fabrique elle-même, de par son moteur, l'électricité dont elle a besoin; qu'elle ait à son bord, en réduction, une petite usine électrique, usine non seulement analogue aux plus puissantes, mais encore aggravée de complications inconnues à un secteur de lumière. Ces complications tiennent d'abord aux changements d'allures si variables d'un moteur d'automobile qui. à tout moment et selon les difficultés de la route, ralentit ou accélère, et détermine ainsi dans la source du courant des variations de débit qui vont depuis le rougeoîment des lampes jusqu'à leur grillade instantanée! Elles tiennent ensuite aux arrêts mêmes de ce moteur: quand la voiture attend le soir la sortie d'un théâtre, ou lorsqu'elle est en panne dans la rase campagne, la nuit, il est indispensable qu'elle ne soit pas plongée dans les ténèbres bien que le moteur, générateur de son courant, demeure inanimé. Une batterie d'accumulateurs, mais petite et trapue, nous est donc indispensable, puisqu'il y a des heures où d'elle seule nous pouvons attendre du courant. Elle ne fait alors que nous restituer l'énergie confiée à elle par notre moteur.

Donc, c'est le moteur de la voiture qui fabrique l'électricité par elle dépensée. Comment le peut-il faire? Il le fait au moyen de cette machine admirable qui constitue le seul moyen pratique jusqu'ici trouvé par les hommes pour faire naître le courant nécessaire à leur éclairage, à leur locomotion, au transport de la force à distance, etc., et qui s'appelle une machine électro-magnétique. La dynamo, qui dorénavant donnera à nos voitures l'éclairage, et la magnéto, qui depuis dix ans fournit à nos moteurs l'allumage, sont deux soeurs de cette illustre famille. Mots un peu particuliers qui ne recouvrent cependant que des idées fort simples, on va le voir.


Fig. A.-Aimant permanent et électro aimants.--1. Aimant permanent (morceau d'acier dur recourbé puis aimanté).--2. Electro-aimant (morceau de fer entouré d'une longue spirale qui lui confère les propriétés magnétiques pendant tout le temps qu'elle est traversée par un courant).--3. On donne aux deux extrémités d'un électro-aimant une forme appropriée qu'on nomme masse polaire; l'ensemble est l'inducteur de la dynamo.

Chacun de nous a eu certainement un jour ou l'autre entre les mains un aimant en fer à cheval (fig. A) et en connaît au moins sommairement les propriétés. Si l'on jette sur cet aimant de la poussière de fer, de la limaille très fine, on voit qu'elle s'attache sur lui, en forme de houpettes très hérissées, à ses deux extrémités qu'on appelle ses pôles. La physique démontre que d'un pôle à l'autre sont, pour ainsi dire, tendues, invisibles et impalpables, des lignes de force, assez comparables, si l'on veut se contenter de cette image grossière, à des élastiques extrêmement ténus.

Or. un aimant nu, en acier, tel que celui-ci. un aimant dit permanent parce que sa force ne peut pas changer à notre gré, est peu puissant. On obtient un aimant beaucoup plus fort, à dimensions égales, en prenant du fer doux, c'est-à-dire aussi pur que possible, en entourant le corps de la pièce, ou bien chacune de ses jambes, d'un grand nombre de tours de fil de cuivre recouvert de coton, dont on forme une bobine, et en faisant passer dans cette longue et fine canalisation un courant électrique, celui d'une pile par exemple, qui a pour objet de l'exciter, de lui donner temporairement les propriétés magnétiques On a ainsi, créé un électro-aimant, l'organe-roi de toutes les applications de l'électricité, depuis la sonnerie jusqu'à la locomotive électrique, depuis le tramway jusqu'à la télégraphie sans fil. L'électro-aimant est capable d'un travail beaucoup plus grand que l'aimant permanent puisqu'il peut donner normalement jusqu'à 20,000 lignes de force par centimètre carré, alors que son maigre camarade n'en fournit au maximum que 5,000 à 6,000.

Ainsi pourvus d'une source importante de magnétisme, livrons-nous à une petite expérience qui va nous révéler un autre phénomène d'importance extrême puisque, s'il n'existait pas, aucune des applications industrielles de l'électricité ne serait elle-même réalisée.

Prenons un fil de cuivre recouvert de coton (les lignes de force traversent aisément le coton, alors que le courant électrique est arrêté par lui). Faisons de ce fil une boucle que nous tenons entre le pouce et l'index, et attachons ses deux bouts à un galvanomètre, appareil qui nous dira ce qui va se passer dans ce fil.


                    Fig. B.-Expérience schématique montrant qu'un
                     courant est induit dans le fil aux moments où
                    la spire coupe les lignes de force de l'inducteur.

Plaçons vivement la boucle ou spire en plein dans les lignes de force (fig. B). L'aiguille du galvanomètre a bougé; puis elle est tout de suite revenue à l'immobilité. Retirons la spire hors des lignes de force: j'aiguille a encore bougé, puis est revenue à zéro.

Nous en concluons avec raison ceci: chaque fois que nous avons, au moyen de notre spire, coupé les lignes de force de l'électro-aimant, et seulement au moment précis où nous les coupions, un courant électrique s'est produit dans cette spire, y a été induit, pour parler le langage technique. C'est, en effet, l'énergie mécanique de notre main qui s'est transformée en énergie électrique.

Si peu de travail s'est mué en courant. Quelle abondance d'électricité n'obtiendrons-nous pas quand nous demanderons au moteur de notre voiture de se substituer à nous pour déplacer la spire dans le champ magnétique!

Mais comment le moteur s'y prendra-t-il pour effectuer ces coupures extrêmement rapides des lignes de force? Au lieu de présenter et de retirer la spire aux lignes de force, nous la ferons tourner au milieu d'elles, tout simplement. A cet effet, nous prendrons un axe en fer, terminé par une portée à chaque bout afin qu'il puisse prendre sur lui-même un mouvement de rotation; nous bobinerons sur lui un grand nombre de tours de fil, afin que le courant produit soit, plus puissant, et nous chargerons le moteur de faire, au moyen d'un engrenage, tourner très rapidement cet induit. Si nous mettons aux extrémités de ce bobinage une lampe, elle s'éclairera tant que l'induit tournera (fig. C).


Fig. C.--Induits schématiques--1. Le fil, guipé de coton ou de soie, est bobiné un grand nombre de fois sur une pièce en fer doux, afin que la tension du courant produit soit plus grande; une lampe attachée à ses deux extrémités pourra recevoir ce courant alternatif et s'allumer quand l'induit tournera à une vitesse suffisante.--2. La batterie ne pouvant accepter de courant alternatif, l'induit est muni d'un collecteur qui, au moyen de balais, redresse le courant alternatif; la lampe est ainsi alimentée par du courant continu qui lui vient tantôt de la dynamo, tantôt de la batterie.

Voici donc constituée, par un électro-aimant et par un induit qui tourne entre ses masses polaires, une dynamo. Mais tout aussitôt les difficultés d'application commencent.

Tout d'abord le courant qui est produit de la sorte est du courant alternatif, c'est-à-dire (je ne puis en donner les raisons ici) qu'il va de droite à gauche pendant un demi-tour de l'induit, et de gauche à droite pendant l'autre demi-tour. La lampe électrique s'en accommode fort bien, mais le personnage désagréable dont la présence dans notre jeu est inévitable, je l'ai montré, la batterie d'accumulateurs, va tout de suite brouiller nos cartes. Comme elle ne peut supporter le courant alternatif, elle exige que la dynamo, qui est chargée de la nourrir, ne lui fournisse que du courant continu, un courant qui aille toujours dans le même sens! Ainsi le constructeur est-il obligé d'installer sur la dynamo un petit organe supplémentaire, heureusement fort simple, qu'on appelle un collecteur-redresseur, et qui a pour objet de transformer le courant alternatif de la dynamo en un courant de sens constant. Les ouvrages spéciaux expliquent le fonctionnement de cet organe.

La seconde difficulté est celle-ci: les accumulateurs cherchent à jouer un vilain tour à la dynamo. A force de s'emmagasiner dans la batterie, le fluide électrique prend en quelque sorte du ressort, de la tension, et, au fur et à mesure que la dynamo envoie aux accumulateurs du courant, ils cherchent à s'en défaire, c'est-à-dire à le décharger en elle! Tant que leur tension demeure inférieure à celle de la dynamo, tout demeure normal, car, de deux courants directement opposés, c'est évidemment le plus fort qui détermine le sens de courant général Mais si les accumulateurs l'emportent, même momentanément (et il suffit que le moteur ralentisse beaucoup, dans une rampe par exemple, pour que le courant de la dynamo baisse au point de devenir pratiquement nul), ils ce déchargent, sans cérémonie, dans la dynamo, laquelle est ainsi mise à mal.

Donc, ici encore, il a fallu imaginer un organe de sécurité, un conjoncteur-disjoncteur qui automatiquement fermât la porte au courant qui veut aller vers la dynamo et l'ouvrît au contraire au courant qui va vers la batterie; qui, en outre, et toujours automatiquement, aux moments où la dynamo ne donne aux lampes qu'un courant trop pauvre pour l'éclairage (ralentissement extrême du moteur), ou même n'en donne pas du tout (arrêt du moteur), envoyât à ces lampes le courant des accumulateurs.

Troisième difficulté. Les accumulateurs sont susceptibles d'acquérir un maximum de tension connu, qu'ils ne dépasseront jamais, sous peine d'en être tout désorganisés. Il est donc indispensable que la dynamo se conforme à ce maximum et ne soit pas capable d'envoyer aux lampes un courant plus élevé que celui qui peut être fourni par les accumulateurs. La résistance des lampes est par conséquent déterminée par le nombre d'accumulateurs qui forment la batterie, et non par la puissance de la dynamo. Or, comme la dynamo donne un courant de tension d'autant plus grande qu'elle tourne plus vite, et que le moteur qui l'entraîne peut parfois l'entraîner à de folles allures, il est indispensable qu'elle soit assagie, qu'elle comporte un régulateur qui calme soit sa vitesse soit son excitation, qui la mette «au pas» et protège ainsi les lampes contre des variations de tension désagréables à la vue, ou contre des exagérations de courant qui les brûleraient sur-le-champ. Comment cette régulation peut-elle être faite? Je me bornerai à répondre que c'est là un des points encore où la bataille des constructeurs est le plus acharnée: sept ou huit procédés sont en présence.

Le problème de l'éclairage électrique des automobiles présente donc de singulières difficultés, on le comprend. Il est probablement superflu que je déclare n'avoir fait ici que l'effleurer à peine.

Maintenant, pour nous consoler de tant de peines, veut-on bien que nous fassions une dernière expérience qui, elle, va nous donner une surprise heureuse?

Supposons que la dynamo que nous venons de construire soit détachée du moteur qui l'entraîne pour produire du courant, et qu'elle soit arrêtée. Relions ses deux balais aux deux bornes de la batterie d'accumulateurs au moyen de fils: voici tout à coup notre induit qui se met à tourner follement sur lui-même entre les branches de l'aimant! Il est devenu moteur.

En effet, dans une dynamo, les phénomènes sont réversibles: si on lui donne du mouvement (en faisant tourner son induit). elle rend du courant elle est génératrice; et si au contraire on donne du courant à son induit, elle rend du mouvement (elle se met à tourner), elle est motrice.

Ces observations faites, récapitulons, si vous le voulez bien, les moyens que l'électricité met ainsi à notre disposition dans une automobile moderne. Nous avons:

1. Une source indéfinie de courant, la dynamo. Tant que le moteur de la voiture tourne, le torrent passe. Qu'en ferons-nous? Nous diviserons ce torrent en ruisseaux que nous enverrons un peu dans tous les coins de notre voiture, comme un montagnard avisé détourne en filets l'eau du torrent pour en arroser ces prairies. Des fils porteront le fluide aux phares d'autres aux lanternes, un autre au falot réglementaire du numéro de police d'arrière. Nous profiterons de notre richesse de lumière pour en apporter un peu à l'intérieur même de notre carrosserie, à un plafonnier qui permettra à Monsieur de dire, à Madame d'émerveiller les passants; pour en donner aussi à notre mécanicien qui ainsi surveillera comme en plein jour le débit de l'huile, l'indicateur de vitesse, ou même l'ampèremètre et le voltmètre du tableau qui lui disent si sa petite usine électrique se porte bien; pour lui en donner encore au bout d'une baladeuse qui, en cas de panne, lui permettra de mettre des clartés dans les entrailles de sa machine! Enfin, le solde de ce torrent ainsi réparti sera absorbé par notre caisse d'épargne, notre batterie d'accumulateurs.

2. Nous avons à bord cette batterie, qui ne demande qu'à nous rendre le courant prêté. Elle le met à notre disposition pour trois effets différents. Par elle, nous pouvons tout d'abord faire de l'éclairage, ainsi que je l'ai démontré. Par elle il nous est loisible ensuite de faire de la traction. Installons un petit moteur électrique auprès du volant du moteur de la voiture, et envoyons-lui un peu du courant enfermé dans la batterie: voici ce gros moteur réveillé et lancé! Construisons un moteur électrique microscopique; munissons-le d'une petite roue à dents de scie qui vient gratter sur un disque en tôle; enfermons le tout dans un étui métallique, avec un pavillon qui amplifie le son... et, lorsqu'un peu du courant de la batterie passera dans ce moteur lilliputien, le monstre fera entendre son barrissement! Par un jeu de tout petits moteurs encore, un inventeur a proposé, comme je l'ai dit, qu'on fît manoeuvrer les glaces. Demain on réalisera de la même façon des crics et des pompes.

Par la batterie enfin nous pouvons faire du chauffage. On sait qu'un courant électrique échauffe toujours le fil au travers duquel il passe. La température ainsi produite est imperceptible si la grosseur et la longueur du fil sont calculées de telle sorte que le phénomène n'ait guère lieu; mais, inversement, il est facile de créer au courant une résistance déterminée qui, pour une valeur donnée, provoquera le simple échauffement du fil à 40 ou 50 degrés par exemple, ou son incandescence même; on constituera ainsi un tapis souple pour les pieds de Madame et un allumoir pour le cigare de Monsieur.

Tels sont donc les principaux éléments d'une installation d'électricité dans une automobile de 1914. Quel est maintenant l'avenir?


Fig. D.--Les principales applications du courant électrique à bord d'une automobile de 1914.

L'avenir est hérissé de plus de difficultés que je n'en ai énuméré encore! Car il s'agit aujourd'hui de simplifier, donc de serrer de plus près la perfection. La première victime, semble-t-il, sera la petite magnéto, si fidèle, si timide... Elle allume le moteur: sa soeur la dynamo ne le fera-t-elle pas aussi bien qu'elle?

La seconde absorption sera celle du moteur-démarreur: puisque, je l'ai expliqué, une dynamo est réversible et peut jouer, au gré du conducteur, le rôle de génératrice ou de réceptrice de courant, pourquoi continuerait-on à séparer cette double fonction pour la confier à deux organes distincts?

Et puis pourquoi la dynamo, à son tour, ne subirait-elle pas une transformation heureuse? Elle est pesante; or, un organe du moteur à explosions doit nécessairement être pesant: le volant. Pourquoi la «dynamo-magnéto-démarreur» ne serait-elle pas muée en volant? Les services électriques d'une automobile seraient ainsi «condensés» en un unique organe.

Mais une forêt de problèmes enchevêtrés sépare encore de cette lueur lointaine les inventeurs... les inventeurs aux bottes de sept lieues.

L. BAUDRY DE SAUNIER.



CE QU'IL FAUT VOIR

PETIT GUIDE DE L'ÉTRANGER A PARIS

Les petites baraques ont surgi du sol. C'est la floraison miraculeuse dont, chaque hiver, quatre ou cinq jours avant Noël, Paris donne le spectacle à ses habitants. Un beau soir, on a quitté le boulevard, sans se douter de rien; on y revient le lendemain: stupeur! De la Madeleine à la Bastille, deux alignements presque ininterrompus de maisonnettes en planches grises couvrent les trottoirs. Cela s'est édifié soudainement, en une nuit, sans désordre, comme un «déballage» d'articles de Paris que des mains invisibles auraient posés sur les deux planches inférieures de quelque interminable étagère... Je dis qu'elles sont en planches grises. On ne s'en aperçoit pas partout. La Réclame, l'envahissante et omnipotente Réclame, ne pouvait pas négliger plus longtemps les «surfaces libres» que lui offraient les dos et les flancs des petites baraques. Elle s'y est donc abattue sans pitié. Et ces bariolages, cette polychromie d'affiches achèvent de rendre effarant, vertigineux, l'encombrement de la Rue!

Les vieux Parisiens détestent cet encombrement. Les vieux Parisiens fuiront ces jours-ci le Boulevard et les petites baraques. Je ne saurais trop recommander aux étrangers de ne pas suivre un tel exemple. Il faut voir, même en jouant des coudes et en souffrant que, de temps à autre, un passant vous marche sur les pieds, il faut voir les baraques du Jour de l'An; et aussi la foule ingénue qui les regarde. Je l'ai dit bien souvent; rien n'est plus propre à nous renseigner sur l'état d'âme et sur les goûts d'une foule que son attitude devant les spectacles de la rue. En observant, sur les boulevards, autour de quels étalages elle s'arrête de préférence, vous remarquerez que nous n'avons pas cessé d'aimer l'éloquence, et que le marchand qu'on entoure est, d'abord, le marchand qui pérore. Le Parisien adore le boniment, et pour peu que de la bonne humeur et un brin d'esprit assaisonnent ce bavardage en plein vent--si rude que puisse être la température--il s'arrête; il écoute; il est conquis.

Ses «articles» préférés? Toujours les mêmes. Le jouet nouveau, qui fait rire et qu'actionne quelque mystérieuse mécanique. Car il convient qu'à l'attrait du comique s'ajoute celui du mystère; et la joie du spectateur est complète si à cette double séduction se surajoute celle de l'actualité. (Je n'ai pas besoin de dire que les joujoux aéronautiques sont, cette année, au premier rang de cette catégorie.) A côté du jouet mécanique--aéroplane ou pantin--il y a les ustensiles ou les produits--quels qu'ils soient--dont l'emploi nécessite un peu d'adresse manuelle et provoque chez le spectateur une surprise. Car nous aimons l'adresse et nous adorons d'être surpris. Le moule d'où sort une gaufre instantanément fabriquée est de forme jolie, le pot à colle grâce auquel une assiette cassée sous nos yeux est reconstituée en trente secondes, «plus solide qu'auparavant», le taille-crayon nouveau modèle, le stylographe inversable «à la portée des plus petites bourses», la carte de visite et le bonbon qu'on voit naître, et tomber, tout fait, de la machine portative qui les produit,--voilà du plaisir, et de quoi retenir, ravis et transis, autour des petites baraques, des milliers de braves gens!

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... A Courbevoie, au coin de la rue de la Montagne; en face du pavillon vermoulu de la Belle Gabrielle (une ruine qui aurait encore sa beauté... si on voulait): la grande maison blanche où tant d'artistes, jeunes et vieux--peintres, comédiens, gens de lettres, sculpteurs--aiment à se retrouver de temps en temps, parmi des rires et des chants de petits garçons et de petites filles. C'était fête, il y a quelques jours, dans cette maison-là. Arbre de Noël! Distribution de cadeaux, de jouets, de livres. Des récitations, de la musique, un goûter... et des photographes. Sur les panneaux de marbre blanc qui sont l'unique décoration du préau couvert où se donne cette fête de famille s'inscrivent des noms presque tous célèbres dans la littérature et dans l'art: les noms des bienfaiteurs et des bienfaitrices, des «patrons» de cette oeuvre généreuse et charmante à laquelle sont attachés deux noms de femmes: Mme Marie Laurent, Mme Poilpot. L'Orphelinat des Arts n'accueillait jusqu'en ces dernières années que des fillettes. Il s'est agrandi. Sous la généreuse inspiration du regretté maître Roty, il a ouvert ses portes aux petits garçons. Ils sont là une vingtaine d'orphelins, à côté des fillettes orphelines, si gentilles sous l'uniforme bleu. Debout sur deux rangs, elles présentaient, l'autre jour, à la lumière du soleil le double alignement de leurs belles chevelures tombantes; des chevelures qui ne sont ni trop brunes ni trop blondes, ni du Nord ni du Midi, mais de cette jolie coloration atténuée, moyenne, de ce châtain clair qui semblait, à distance, compléter l'uniforme, et l'expression si française des types. Chacun de ces pupilles est l'enfant d'un artiste disparu, et qui est mort pauvre. Mais d'autres artistes sont venus qui ont tendu la main à ces infortunés. En voici plusieurs, hommes et femmes, dont tout Paris connaît les figures. Ils sont venus fêter Noël à côté de leurs orphelins. Et cela fait, en vérité, le plus pittoresque, le plus joli pensionnat du monde. Je signale la maison aux étrangers qui ne la connaissent pas. Elle est ouverte à toutes les sympathies, et c'est, pourrait-on dire, quelque chose--dans notre petit monde de la philanthropie parisienne--qui «ne ressemble à rien».

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Une idée spirituelle: celle d'employer le bassin d'un cirque à une exposition et à un concours d'engins de sauvetage.

C'est le Nouveau-Cirque qui a eu cette idée-là. Le concours s'est ouvert ces jours-ci. Il sera clos dès les premiers jours de janvier. Mais voici venir la bourrasque de fin d'année, les journées terribles qu'absorbe l'unique souci de recevoir des étrennes quand on est jeune, et d'en distribuer, quand on ne l'est plus. Qui de nous aura le temps, durant de telles journées, d'aller voir une Exposition, quelle qu'elle soit? Veuillard en fait une, chez Bernheim, qui a beaucoup de succès; les «Peintres du Paris moderne» en font une aussi, chez Reitlinger; nous l'avons signalée, en même temps que deux ou trois autres, à qui l'échéance du Nouvel an va faire un tort immense, pendant une semaine au moins. «Ce qu'il faut voir», en ce moment? Des étalages...

Et puis, dès que sera passé le cyclone, il faudra, vous le pensez bien, se précipiter vers le spectacle qui va, pendant quelques jours, occuper tout Paris: il faudra aller revoir la Joconde. Avouons-le: parmi tant d'admirateurs, bouleversés d'une joie sincère, beaucoup, sans doute, verront Monna Lisa pour la première fois. Au Salon Carré, librement accessible à tous, elle était bien un peu négligée. Mais quoi! la voilà qui revient après s'être enfuie, et qui nous oblige à payer pour la voir. Double prestige, auquel nulle curiosité ne résistera!

UN PARISIEN.



AGENDA (27 décembre 1913-3 janvier 1914).

Concours de poésie.--Le 31 décembre, clôture du concours des Jeux floraux du Languedoc.

Expositions.--Galerie Georges Petit (8, rue de Sèze): la Comédie humaine. (Clôture le 31 décembre.)--Société internationale de peinture et sculpture. (Clôture le 31 décembre.)--Galerie des Artistes modernes (19, rue Caumartin): exposition de l'Eclectique.--Salons de l'Etoile (17, rue de Chateaubriand): oeuvres de Mme Magdeleine Popelin.--Galerie La Boétie (64 bis, rue La Boétie): exposition des peintres du Paris moderne (jusqu'au 14 janvier).--Galerie Marcel Bernheim (2 bis, rue Caumartin): exposition de l'«Art intime».

Conférences.--Société des Conférences (184, boulevard Saint-Germain): le 7 janvier, à 2 h. 1/2, conférence sur Saint-Simon (première de la série), par M. René Doumic, de l'Académie française.--Le 9 janvier à 2 h. 1/2 au musée de l'Armée (salle d'honneur): conférence sur la campagne de 1814, à Lyon et dans les Alpes, par le commandant Perreau.

Les conférences de la «Revue hebdomadaire», à la salle du Foyer (34, rue Vaneau), interrompues par les vacances de Noël et du Jour de l'An, recommenceront le vendredi 9 janvier, à 5 heures; à cette date, M. Pierre Lasserre donnera sa première leçon sur Renan. Viendront ensuite: le mardi 13, à 5 heures, la Charte, par M. Sabatier; le vendredi 16, à 5 h., Renan (2e conférence), par M. Pierre Lasserre; le mardi 20, à 5 h., le Barreau en 1814, par M. Charles Chenu; le vendredi 23, à 5 h., Renan (3e conférence), par M. Pierre Lasserre; le mardi 27, à 5 h., Cuvier, par M. Ed. Perrier; le vendredi 30, à 5 h., Renan (4e conférence), par M. Pierre Lasserre.

Matinée.--Le 27 décembre, à la Comédie-Française, matinée au profit des pensions de la Comédie-Française.

Sports.--Courses de chevaux: 28 et 30 décembre, 1er et 4 janvier Vincennes (trot); le 4 janvier, Nice (prix de Monte-Carlo).--Natation: au Nouveau-Cirque, jusqu'au 4 janvier, concours de sauvetage et d'appareils de sauvetage.

LES LIVRES et LES ÉCRIVAINS

LE VILLAGE DE L'ONCLE HANSI

Un dessinateur alsacien, également célèbre mais inégalement goûté en Allemagne et en France, présidait, il y a quinze jours, au grand dîner officiel de littérateurs français. C'était au lendemain des incidents de Saverne. Dans l'hommage rendu par la Société des Gens de lettres à l'«Oncle Hansi», alors précisément qu'on discutait au Reichstag les définitions du mot «wackes», il n'y avait pas une coïncidence voulue. Mais la coïncidence existait tout de même et elle parut à ce point émouvante que, lorsque cet Alsacien, si complètement de sa race, dressa avec quelque gaucherie sa puissante silhouette--la silhouette de l'ami Fritz--pour nous parler de l'Alsace, un frisson passa dans la salle du banquet où s'était fait aussitôt un silence de cathédrale. Hansi, cependant, nous parlait avec la bonhomie de son accent guttural, traînant et appuyé. Il nous disait, en souriant, que nous étions, ce soir-là, présidés par un wackes et même par un «oberwackes» (un survoyou d'Alsace) comme on l'appelait là-bas. Mais l'esprit de Hansi est un de ces vieux vins de France qui réchauffent l'âme en mouillant les yeux. Et quand il parle, quand il écrit ou quand il dessine, le rude et simple et fin bonhomme de Colmar reste le même, doux et redoutable, avec cet humour grave qui vous donne une envie de pleurer...

Hansi, ces derniers jours, n'était point d'ailleurs venu en France uniquement pour présider un dîner de gens de lettres amis. Il avait été mandé à Paris pour surveiller l'édition de son nouvel album: Mon village 1 qui ajoute à son Histoire d'Alsace un admirable chapitre contemporain.

Note 1: (retour) Edition Fleury, 10 fr.

Le village de l'oncle Hansi se trouve «non loin de la grande route, du côté de Wissembourg ou de Niederbronn». Vous vous arrêtez à quelque petite station fleurie. Devant vous, au bout d'un étroit chemin bordé d'arbres fruitiers, un vieux clocher pointu s'élance au-dessus des blés où perce la dentelle des houblons. Et voici des toits qui fument, une petite place où l'arbre de la liberté verdit encore, une maison d'école avec son nid de cigogne et son beffroi... Voici des fillettes avec leurs petites jupes gaies, rouges ou bleues, des jeunes filles «dont la calme beauté est couronnée d'un large ruban noir». Voici de grands jeunes gens au vêtement sévère relevé par la vive note rouge du gilet, et voici des vieux avec, encore, l'ample redingote et le tricorne. Voici les fiancés qui se promènent, mains unies, les anciens qui causent sur leur porte. L'air est plein de chants d'oiseaux et de chansons d'enfants. Ne vous semble-t-il pas que vivre en ce joli village serait tout le bonheur humain? Oui,... oh! oui... si, tout en haut, au bout de la rue, n'apparaissait la silhouette pesante et casquée du gendarme...

Dans le village de l'oncle Hansi, il y a un beau pré où garçonnets et fillettes jouent à la guerre et régulièrement «mettent en fuite l'ennemi toujours représenté par les dix enfants du gendarme prussien».

Dans le village de l'oncle Hansi, il y a deux maîtres d'école: l'un, le père Vettei est un vieux d'avant la guerre, un vieux en tricorne et en lévite. Tout le monde l'aime, il assiste à tous les baptêmes, à tous les mariages et il continue--en cachette--d'apprendre le français aux petits enfants. L'autre maître, son adjoint, est un jeune instituteur allemand en veston de drap vert, et qui a toujours à la main une baguette impitoyable... Et devant l'école, il y a une place où les petits élèves tirent au sort, avec une plume dans un livre fermé, les petits soldats de papier imprimés à Epinal. Quelle raillerie si, par malheur, on gagne un soldat prussien!...

Dans le village de l'oncle Hansi, il vient des touristes allemands, en petit chapeau à plumes et tout habillés de vert, du vert moutarde au vert épinard, toutes les nuances du vert, sauf le vert espérance. Ils déballent, à l'auberge, des saucisses, des marmelades, et réclament une grande cruche de bière pour monsieur et une petite pour le reste de la famille... Et il y a aussi, parfois, des touristes français, vite entourés, et qui devraient revenir plus souvent.

Dans le village de l'oncle Hansi, il y a trois vétérans de l'ancienne armée française. C'est d'abord le cuirassier Schimmel qui a chargé à Morsbronn. «Ce jour-là, défendant sa terre et son foyer, il a dû faire peur à la mort elle-même.» Les deux autres sont l'ex-canonnier à cheval Georges Becker et l'ancien sergent de voltigeurs Martin Spohr. Tous trois vont ensemble à la messe avec leurs longues redingotes, pareilles comme un uniforme, sur lequel est épingle le ruban du souvenir, strié de deuil et d'espérance. «Ils ne parlent guère pour compenser tous les mots inutiles que l'on dit ailleurs.»

Dans le village de l'oncle Hansi, il y a chaque année deux fêtes: l'une, qui ne compte pas, la fête de l'Empire; et l'autre qui est une grande joie, la fête patronale, le «Messti». Ce jour-là, c'est, partout, une active confection de tartes et de gâteaux d'Alsace. Ce jour-là, le gendarme prussien inspecte la baraque aux pains d'épice pour voir si on n'y expose pas de mirlitons tricolores... Ah! il y a une troisième fête que j'oubliais, la fête du 14 juillet. Celle-ci, il est vrai, on la célèbre hors du village, à Nancy. Mais on y pense beaucoup au village et il y a toujours des gens de l'endroit, des heureux, des enviés qui s'en vont assister à la belle revue française de la «division de fer».

Dans le village de l'oncle Hansi, il y a un veilleur de nuit, le père Spinner, un ancien artilleur de la garde qui, aujourd'hui encore, pour faire sa ronde, s'enveloppe dans le vieux manteau d'ordonnance (ces étoffes françaises sont inusables). Il porte une vieille hallebarde, une grosse lanterne et une corne pour sonner les incendies. Autrefois, le père Spinner était un homme très sobre. Mais il a pris une singulière habitude: chaque fois qu'un gros Zeppelin a subi un de ces accidents énormes qui ne coûtent la vie à personne, le veilleur entre à l'auberge et se fait servir un demi-litre de vin. Et c'est ainsi que le père Spinner est devenu ivrogne.

Le village de l'oncle Hansi est un joli village dont les maisons riantes cachent bien des souffrances. Il est l'image de l'Alsace entière et toute l'Alsace, comme un grand coeur, palpite dans les moindres détails de cette admirable page qui clôt l'album:

«... Mon village est endormi; les petits enfants reposent depuis longtemps et rêvent du prochain arbre de Noël, ou de la revue de Nancy. Le clocher tout noir se découpe sur le grand ciel étoile; au loin s'étend le champ de bataille immense et mystérieux et les pierres blanches, sous lesquelles reposent tant de héros, y mettent quelques pâles lueurs. La grande rue est silencieuse; même l'agaçant phonographe du gendarme prussien a cessé de moudre ses airs patriotiques. Un chien aboie. Un autre, plus loin, lui répond. Dans les jardinets qui bordent la route, les lucioles brillent et jouent «à imiter les étoiles». Au loin, un coup sourd éclate dans l'air; c'est le canon de Bitche, où d'incessantes manoeuvres nocturnes tiennent la garnison en éveil... Quelquefois une détonation plus sourde, plus lointaine encore, lui fait écho; elle vient de l'autre côté de la frontière... D'une ruelle débouche une petite lumière vacillante et la voix fêlée du veilleur de nuit égrène lentement son appel. Une seule fenêtre est éclairée: c'est celle du père Vetter. On lui a rapporté de Nancy quelques journaux, de ces journaux interdits en Alsace parce qu'ils feraient aimer la France. Autour de la lampe, quelques paysans sont réunis, et le vieil instituteur traduit, explique. Il parle de l'armée française, des aviateurs, des peuples des Balkans qui ont enfin retrouvé leur patrie. Et, dans la nuit, sa lampe est la seule lumière qui brille dans mon village...»

L'âme d'Erckmann et de Chatrian n'est point morte. Elle vit, ardente, irritée, rajeunie, dans la vérité expressive et très artiste de ces pages d'album et dans la saveur simple de ce texte que fleuronnent symboliquement des petits soldats d'Epinal.

ALBERIC CAHUET.



LE VÉLO TORPILLE

On connaît la théorie de l'entraînement à bicyclette. Elle repose sur ce fait qu'un objet en mouvement un peu rapide (cycliste, voiture automobile, écran, etc.) laisse derrière lui un sillage, une zone où la pression de l'air se trouve légèrement réduite, pendant un instant très court. Si un autre objet, marchant à la même vitesse que le premier, se trouve dans le sillage en question, il n'éprouvera donc qu'une résistance réduite et pourra maintenir sa vitesse au prix d'un travail sensiblement plus faible. Il résulte de là qu'à travail égal un cycliste avec entraîneur marchera beaucoup plus vite qu'un cycliste sans entraîneur; c'est ainsi que le record de l'heure à bicyclette avec entraîneur dépasse actuellement 100 kilomètres tandis qu'il dépasse à peine 43 kilomètres sans entraîneur.

Dans ces conditions, on s'est depuis longtemps demandé si l'on ne pourrait pas augmenter la vitesse du cycliste en munissant sa machine d'un écran ou coupe-vent qui réduirait pour lui la résistance de l'air. Au premier abord, ce procédé rappelle quelque peu celui de Gribouille disposant à l'avant de sa bicyclette un aimant puissant chargé d'attirer cette dernière, mais le procédé est, en réalité, moins absurde qu'il n'en a l'air. Il suffit en effet de construire un écran qui éprouve de la part de l'air une résistance moins grande que le cycliste lui-même. Or, en théorie, rien n'est plus facile et, dès 1892 ou 1893, on vendait chez les fabricants d'accessoires un coupe-vent en mica que l'on fixait au guidon de la bicyclette et qui avait pour mission d'abriter le cycliste.

Ce coupe-vent n'a donné au reste aucun résultat parce que, d'une part, il était insuffisamment rigide, et se déformait en marche et, d'autre part, il donnait naissance à des remous arrière entièrement nuisibles.

Les fabricants de coupe-vent pour bicyclette firent donc rapidement faillite et le coupe-vent individuel fut enterré pour une vingtaine d'années.

La question n'était cependant pas insoluble et un jeune ingénieur à peine sorti du régiment vient de la reprendre avec un succès complet.

Il lui a suffi de remédier aux deux inconvénients signalés en construisant un coupe-vent indéformable derrière lequel un prolongement convenablement tracé empêche la formation de remous nuisibles. En fait, le coupe-vent de jadis est devenu une sorte de gros oeuf allongé dans lequel le cycliste est enfermé et qui marche le gros bout en avant.


Le vélo torpille de M. Bunau-Varilla, vu à l'arrêt (entr'ouvert) et en course.

Une pareille forme étonne au premier abord, et cependant c'est celle que le calcul et l'expérience s'accordent pour proclamer la meilleure.

C'est celle du projectile de moindre résistance de d'Alembert, de Piobert et de Dreyse. C'est celle des poissons et des oiseaux modelés par une longue série de siècles; c'est celle enfin des ailes de nos aéroplanes modernes. En un mot, c'est la forme en toupie avec proue camuse, et poupe effilée.

La difficulté était jadis fort grande de construire avec une légèreté suffisante un capot de ce genre. Mais cette difficulté a disparu pour nos constructeurs d'aéroplanes.

Imaginez, en effet, une carcasse en bois courbé extrêmement rigide dont le profil est celui d'un oeuf à petit bout pointu; l'avant est recouvert de feuilles transparentes de celluloïd et le reste d'une étoffe parfaitement lisse et fortement tendue.

Le tout est fixé à la bicyclette par une armature en tubes d'acier, ne laissant visibles et exposés à la résistance de l'air que les pieds et les tibias du cycliste.

Tel est le vélo torpille Etienne Bunau-Varilla.

Cet appareil, parfaitement conçu au point de vue théorique et dont la forme tient le milieu entre le projectile de Piobert et celui de Dreyse, paraît donner au point de vue pratique des résultats tout à fait remarquables. C'est ainsi que le coureur Berthet a pu abaisser à une minute deux secondes quatre cinquièmes le record de durée du kilomètre qui était jusqu'ici d'une minute dix secondes trois cinquièmes, c'est-à-dire qu'il a pu passer de la vitesse de 50 kil. 992 à l'heure à la vitesse de 57 kil. 325. Il est donc arrivé à ce résultat quelque peu paradoxal au premier abord d'augmenter sa vitesse horaire de près de 5 kil. 1/2 en ajoutant à sa machine une carrosserie dont le poids n'est pas négligeable; ajoutons que du même coup il s'est mis à l'abri de la pluie, du soleil et de la poussière.

SAUVEROCHE.



DOCUMENTS et INFORMATIONS

LE FROMAGE DE SAINT-MARCELLIN.

La «tomme» de Saint-Marcellin qui ne fut pendant longtemps qu'un fromage local, si pareille expression peut être employée, est aujourd'hui appréciée dans la France entière où, depuis quelques années surtout, elle a conquis une place honorable en même temps que des débouchés relativement importants. Son écoulement commercial étant facile, son rayon de fabrication s'est rapidement étendu, si bien qu'à l'heure actuelle on trouve sur les marchés beaucoup de Saint-Marcellin qui n'ont pas été fabriqués avec le lait de chèvre récolté dans les pâturages escarpés de Saint-Vérand, de Murinais, de Chènevières ou des communes limitrophes. L'accueil hostile que l'idée des délimitations agricoles a rencontré presque partout rend inacceptable a priori l'hypothèse d'une réglementation ayant pour but d'empêcher les commerçants de se procurer à leur convenance les tommes dont ils ont besoin pour leur clientèle. Par contre, il serait absolument équitable de ne pas laisser mettre en vente sous le nom de «tomme de Saint-Marcellin» des produits qui, au lieu d'être exclusivement fabriqués avec du lait de chèvre, le sont avec un mélange de laits différents dans lequel le lait de vache entre souvent pour une très forte proportion.

Les producteurs intéressés viennent de soumettre leurs doléances au ministère de l'Agriculture. Ils demandent qu'il soit désormais défendu de vendre pour du Saint-Marcellin des tommes dans la composition desquelles le lait de chèvre n'a pas exclusivement figuré; dans le cas contraire, la dénomination de Saint-Marcellin devrait être rigoureusement interdite et remplacée par celle de «Saint-Marcellin imitation». Cette réclamation sera certainement admise, les consommateurs ayant le droit absolu de savoir très exactement à quoi s'en tenir sur la nature des fromages qu'ils achètent.

UNE CAUSE CURIEUSE D'INTOXICATION SATURNINE.

C'est chose bien connue de tous que l'on peut garder dans le corps des balles ou du plomb de chasse, pendant des années, pendant toute sa vie même, sans inconvénient. En bien des cas le chirurgien préfère laisser la balle et les plombs, là où ils sont, dans l'épaisseur des muscles, du moment où il n'y a pas nécessité absolue d'aller les chercher.

Il arrive pourtant que le plomb, à la longue, détermine des effets fâcheux. Le docteur Roux, de Brignoles, a observé un cas de ce genre. Un colonial, qui a reçu, il y a vingt ans, une balle de revolver, est pris d'accidents divers: nausées, constipation opiniâtre, coliques, anémie: bien que le liséré gingival symptomatique manque, il croit avoir la colique de plomb, et l'attribue à sa balle dont il désire être débarrassé.

Il en est fait ainsi, et la guérison est parfaite. Ce qui est curieux, c'est le temps que la balle a mis à devenir intoxicante. Le fait est d'ailleurs connu. Mais on ne l'explique pas. Faut-il supposer quelque altération du plomb s'opérant à la longue à l'humidité et à la chaleur? D'autre part, on voit les accidents saturnins se produire aussi au bout d'un temps très court, un an ou deux seulement. En tout cas il faut qu'on sache que le plomb sous la peau expose au saturnisme, même s'il est en quantité très faible: deux ou trois grains.

LA POPULATION DE LA FRANCE.

Pendant le premier semestre de 1913, l'excédent des naissances sur les décès n'a été que de 11.004 unités, au lieu de 14.712 pendant les six premiers mois de l'année précédente.

Cette diminution s'est produite malgré un relèvement assez notable du nombre des naissances au cours du semestre: 387.512 naissances au lieu de 378.807 pendant la période correspondante de 1912.

Mais cet accroissement de 8.705 naissances n'a pas suffi à compenser l'augmentation du nombre des décès, 376.508 au lieu de 364.635, soit 11.873 décès de plus.

Le nombre des mariages, 154.069, est en recul sur celui du 1er semestre 1912, 158.861, mais reste encore supérieur à celui du semestre correspondant de 1911, 153.931.

Le nombre des divorces marque un nouvel accroissement: 7.550 au lieu de 6.932.

LE NOMBRE DES ÉTOILES.

On a souvent discuté sur le nombre probable des étoiles, et les divers chiffres avancés ne sauraient avoir qu'une valeur assez relative, comme le prouvent les écarts considérables que présentent les calculs des astronomes. Après beaucoup d'autres, un astronome anglais, M. Tucker, a étudié cette troublante question, et il arrive à des conclusions intéressantes.

Le nombre des étoiles qu'on peut voir à l'oeil nu au-dessus de l'horizon ne dépasse guère 2.000, mais on s'accorde à admettre qu'il existe environ 40 millions d'étoiles visibles dans les instruments, soit une moyenne de mille étoiles par degré carré de la voûte céleste. Ces étoiles varient de la grandeur 1 à la grandeur 16. Si l'on ajoute les étoiles des 17e, 18e et 19e grandeur, qui, tout en étant invisibles, impressionnent la plaque photographique, on arrive à 100 millions.

Quant aux étoiles en croissance qui ne sont pas encore incandescentes, ou aux étoiles en décadence qui sont refroidies, on ne possède aucune base pour en supputer le nombre.

Il semble en tout cas que le total de 1.000 millions, parfois cité, soit exagéré.

LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES EN 1912.

M. Viala, préparateur à l'Institut Pasteur, vient de faire connaître les résultats des vaccinations antirabiques pratiquées à Paris en 1912.

On a traité 395 personnes dont 59 mordues à la tête, 191 aux mains, 145 aux membres. Aucun décès n'est survenu.

Sur ce nombre, la France a envoyé 377 sujets, le Luxembourg 9, le Maroc 3, la Roumanie 2, l'Espagne, la Suède, les Etats-Unis, le Dahomey 1.

Comme à l'ordinaire, le département de la Seine tient la tête pour le nombre de personnes mordues: 118. Viennent ensuite: Somme, 47; Seine-et-Oise, 35; Puy-de-Dôme, 15; Oise, 9; Seine-Inférieure, 8; Cantal, Corrèze, Haute-Garonne, Vienne, 7 etc., etc.

LES THÉÂTRES

Trois jours avant la représentation de la Belle Aventure, dont nous parlons plus haut, M. Georges Berr faisait représenter au théâtre Femina une comédie-vaudeville en quatre actes, Un jeune homme qui se tue, dont le point de départ est assez analogue, puisque le premier acte de l'une et l'autre pièce s'achève sur l'enlèvement d'une mariée, en robe blanche et fleurs d'oranger, le matin de ses noces. Mais les deux ouvrages n'ont pas d'autre point de ressemblance. Un jeune homme qui se tue n'a d'ailleurs rien de funèbre, ainsi que le titre l'aurait pu faire craindre; c'est une pièce ingénieuse, aimable, honnête, traitée avec beaucoup de grâce et d'esprit et jouée avec une fantaisie de bon aloi par Mmes Bertiny et Jane Danjou, et par MM. Polin, Claudius, Alerme.

Deux manifestations théâtrales qui ont eu lieu cette semaine méritent d'être signalées: ce fut d'abord le premier spectacle de «la Société idéaliste» à la salle Villiers, présidé par M. Camille Flammarion; il était composé de la Mort de Tintagiles, de M. Maurice Maeterlinck, du sixième acte de la Furie de M. Jules Bois, et de Philista, un acte en vers de M. Georges Battanchon; les promoteurs de la Société idéaliste ont obtenu là le plus complet succès.

Sur la scène du théâtre Léon-Poirier, Mme Valentine de Saint-Point, dans un enveloppement de musiques, de lumières et de parfums, a donné une séance de sa métachorie ou «danses idéistes» procédant de ses poèmes; sans en comprendre absolument la théorie on en a goûté le charme bizarre.

M. ARISTIDE BRIAND A SAINT-ÉTIENNE

L'actualité de la semaine est incontestablement le discours prononcé à Saint-Etienne par M. Aristide Briand. Nous publions en première page un instantané du grand orateur,--cliché remarquable, malgré le «flou» de l'agrandissement, par la ressemblance et l'expression. Notre envoyé spécial Gustave Babin, qui était au nombre des auditeurs, nous donne ici la physionomie de cette importante manifestation.

Dimanche dernier, M. Aristide Briand, ancien président du Conseil, était à Saint-Etienne, au milieu de ses électeurs fidèles. Il venait leur dire «dans une sorte de causerie, un compte rendu en famille»--ce fut son expression--ce qu'il a fait, pourquoi il l'a fait; enfin leur exposer «le véritable caractère de sa politique». Ces comptes rendus de mandats vont être, à l'approche des élections, la grosse préoccupation des députés sortants, et, pour quelques-uns d'entre eux, sans doute, un sujet de grand trouble et d'embarras cuisant. Celui-ci, par-dessus les quinze cents têtes tendues vers l'orateur irrésistible, bien au delà des murs de cette salle de divertissements où se pressait l'auditoire le plus discipliné, le plus attentif que j'aie vu, allait éveiller dans le pays entier--plus loin encore--de lointains et profonds échos. En réalité, M. Aristide Briand vient de prononcer le discours le plus important, le plus décisif, peut-être, de sa carrière politique. Des circonstances qu'il n'a point provoquées ont donné à sa parole la portée d'un acte courageux, l'ont dressé, comme un chef conscient de son devoir et des risques qu'il encourt, à la tête de son parti, en face d'un autre.

Quelques jours auparavant, dans un banquet de radicaux-socialistes, M. Joseph Caillaux, ministre des Finances dans le nouveau cabinet, rappelait à ses commensaux, afin de stimuler leur vigilance autour des libertés publiques, des souvenirs de l'histoire de Rome:

«Quand le zèle des citoyens pour la République, disait-il, eut fait place à la complaisance de la foule pour les endormeurs qui n'étaient d'aucun parti parce qu'ils voulaient les subjuguer tous, quand les luttes de principes eurent été remplacées par des conflits de personnes et de clientèle, la République romaine ne fut plus qu'un grand corps sans âme.»

M. Aristide Briand s'était senti visé. Ces «endormeurs qui...» Il n'avait pu douter qu'on n'eût voulu le désigner comme le plus dangereux d'entre eux. Une explication sans cordialité, dont les journaux ont recueilli les détails, avait eu lieu dans les couloirs du Palais-Bourbon entre les deux hommes politiques. M. Aristide Briand n'avait pas dissimulé à son adversaire sa résolution arrêtée de ne pas demeurer sous le coup d'une attaque assez insidieuse.

--A votre aise! avait répondu M. Caillaux.

M. Aristide Briand a usé sans se piquer de discrétion de la permission ainsi octroyée. Car il n'est guère d'hommes que l'instinct de lutte soutienne et exalte autant que lui.

Toutefois, pas plus que M. Caillaux ne l'avait nommé au banquet de Paris, M. Briand n'a prononcé à la table de Saint-Etienne le nom de l'adversaire. Pas une seule fois. C'est «un républicain bien éveillé»; c'est «lui»; c'est «le même». Et M. Caillaux ayant déclaré la guerre aux «endormeurs», M. Aristide Briand répond en stigmatisant «les ploutocrates démagogues».

D'ailleurs, cet esprit si large, si libre, si parfaitement inapte à la haine, ne pouvait s'attarder bien longtemps sur le terrain des personnalités. Et quand il eut rappelé son rôle dans le passé, retracé la droite ligne qu'il s'appliqua toujours à suivre entre la révolution et la réaction, les rancunes qu'il s'attira d'un côté, la défiance qu'il inspira de l'autre; quand il eut montré qu'il est toujours demeuré le même homme en face des mêmes adversaires, il aborda les hautes régions de la politique générale, envisageant l'une après l'autre, de son clair regard, les graves préoccupations de l'heure, revendiquant avec une tranquille vaillance sa part de responsabilités dans les actes de gouvernement qu'on a voulu lui imputer à crime et préconisant enfin une politique d'idées, large, généreuse, tolérante, qui «mette le gouvernement au service de tous les citoyens».

Le souci qui nous a toujours guidés, dans ce journal, de donner le moins de place possible à ce qui divise, et notre cadre même ne nous permettent pas de suivre, en ses développements, le persuasif orateur. Et puis, il faut l'avoir entendu, il faut avoir mêlé ses bravos et ses vivats aux applaudissements et aux acclamations qui entrecoupèrent cette émouvante harangue, pour comprendre l'impression profonde qu'elle produisit; il faut avoir été témoin de l'ovation triomphale qui salua sa péroraison pour sentir tout l'invincible sortilège de ce verbe incomparable, de cette voix frémissante, tour à tour grave, enfiévrée, qui s'indigne, s'attriste, s'enflamme, qui caresse et cingle, chante comme la brise marine dans les mâtures et tonne comme l'orage; de ces périodes limpides, harmonieuses, que souligne un geste toujours large et expressif.

Mais cela, c'est pour l'art. Et la salle du «skating de Bizillon» n'enfermait pas beaucoup de dilettantes. On nous a dit, à Saint-Etienne, que des curieux, des amateurs de sensations réservées avaient offert cent, deux cents francs même de cartes que les «militants» de la Fédération républicaine socialiste de la Loire payaient quatre francs. Ces délicats se fussent volontiers, par surcroît, résignés aux démocratiques plats froids. On déclina, bien entendu, leurs offres généreuses...

Il ne demeura donc qu'un auditoire de braves gens devant lesquels un honnête homme, leur élu, s'expliqua, parlant pour le pays entier. Et si, consciemment ou non, ils furent sensibles à la magie de son prestigieux talent, ce qui les dressa, émus au fond du coeur, à la péroraison de son inoubliable discours, à la vision évoquée d'une République et d'une France unies en «une seule personne radieuse» et accomplissant leurs destinées sous «un gouvernement de paix dans l'ordre, de sécurité dans toujours plus de liberté et de justice sociale», ce qui les transporta d'enthousiasme, c'est la foi qui les pénétrait qu'ils avaient devant eux l'homme capable d'avancer l'heure de cet avenir enchanté qu'il leur montrait comme une terre promise, c'est la confiance que leur inspirait cette âme droite et forte à la hauteur de toutes les grandes tâches.

GUSTAVE BABIN.



MAUVAISE HUMEUR IMPÉRIALE


Un curieux document supplémentaire sur les suites des incidents de Saverne: l'empereur Guillaume quitte brusquement, au milieu d'une conversation dans le parc de Donaueschingen, le chancelier de l'empire, M. de Bethmann-Hollweg et le comte de Wedel, statthalter d'Alsace-Lorraine.

Voici, après les photographies que nous avons publiées dans notre numéro du 13 décembre, un bien curieux instantané, qui complète notre documentation sur les entretiens de Donaueschingen, d'où sortirent les sanctions des incidents de Saverne. C'est encore dans le parc du château qu'a été pris ce cliché: l'empereur, qui conversait avec le chancelier, M. de Bethmann-Hollweg, et le comte de Wedel, statthalter d'Alsace-Lorraine, vient de les quitter brusquement, dans un accès d'impatience, et s'éloigne d'un pas rapide, laissant là ses interlocuteurs, dont l'attitude semble témoigner de quelque gêne... Quelle fut la cause de la mauvaise humeur impériale? A défaut de renseignements sur ce point, l'instantané publié ici témoigne que le règlement de l'affaire de Saverne n'alla pas sans difficulté. Le correspondant qui nous l'envoie ajoute que la reproduction en a été interdite, par ordre de la police, en Allemagne.

FUNÉRAILLES DU CARDINAL RAMPOLLA


Les funérailles du cardinal Rampolla dans une chapelle de la basilique de Saint-Pierre.--Phot. G. Felici.

Les funérailles du cardinal Rampolla ont été célébrées à Rome, le vendredi de la semaine passée, avec toute la solennité due à un prince de l'Eglise. C'est dans la basilique de Saint-Pierre, dont il était archiprêtre, qu'a eu lieu le service funèbre; quatorze cardinaux, plusieurs évêques, de nombreuses délégations des séminaires, des instituts et des collèges catholiques y assistaient, au milieu d'une grande affluence. L'absoute a été donnée, après la messe, par le cardinal Vincenzo Vannutelli, doyen du Sacré-Collège.



(Agrandissement)


Note du transcripteur: Les suppléments ne font pas partie des éditions reliées de 26 numéros. Par ailleurs, ils ont été égarés et demeurent introuvables dans les éditions hebdomadaires que nous avons utilisées comme source de certains numéros.