The Project Gutenberg eBook of Banquet du 17 janvier 1841

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Title: Banquet du 17 janvier 1841

Author: Andrzej Towianski

Release date: May 1, 2004 [eBook #12301]
Most recently updated: December 14, 2020

Language: French

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BANQUET DU 17 JANVIER 1841.

AUX AUDITEURS DU COURS DES LANGUES ET LITTÉRATURES SLAVES.

* * * * *

Nous croyons rendre service aux auditeurs habituels du cours de M. Mickiewicz, en leur offrant la traduction fidèle de l'écrit dont ils l'entendent souvent parler non seulement avec les plus grands éloges, mais même avec une admiration exaltée et passionnée; ils pourront juger par eux-mêmes ce que c'est que cette production. Dans l'original polonais, elle porte pour titre le Banquet (Biesiada); le professeur l'appelle ordinairement la Cène. L'auteur de cet écrit est un certain M. Towiański, homme parfaitement inconnu dans la littérature polonaise; nous croyons même pouvoir affirmer le plus positivement, qu'il n'a paru jusqu'à ce jour rien autre chose de sa plume.

BANQUET DU 17 JANVIER 1841.

* * * * *

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

Discours d'ouverture de la solennité du 17 janvier, célébrée intérieurement et extérieurement pour la plus grande gloire du SEIGNEUR, et les plus ferventes actions de grâce pour l'admission du Frère … dans le Giron du saint Ministère; célébrée en une assemblée petite et paisible encore, comme il convient à ce premier pas de l'œuvre sainte qui s'accomplit dans le monde extérieur d'une œuvre qui jusqu'à présent était tout entière dons le monde des esprits.

* * * * *

Consacrons le moment si saint et si joyeux que notre Seigneur nous a donné à la considération de si grands et si saints mystères que Dieu, par sa grâce et sa miséricorde, a daigné nous révéler, mystères qui deviendront la base sur laquelle nous réglerons toutes nos actions dans l'œuvre qui approche, qui deviendront la source où nous puiserons nos forces dans un moment difficile.

[Footnote: N.B. Nous avons enfermé quelques phrases du texte dans des parenthèses semblables à celles-ci [ ], uniquement pour en faciliter l'intelligence ou en fixer le sens probable.

Note du traducteur.]

Représentons-nous l'homme comme la dernière gaîne, comme le dernier point visible par lequel des nuées d'esprits agissent invisiblement. Ces masses d'esprits armées sont très diverses, car l'esprit de l'homme, que dis-je, l'esprit de chaque créature doit s'accorder avec eux pour former une certaine harmonie prescrite par le décret du Très-Haut.—Des nuées d'esprits, que l'œil ne peut embrasser, encombrent le globe terrestre, lesquels ordinairement, en cet état d'esprits, sans enveloppe, sans organisation, c'est-à-dire sans vie selon la terre, accomplissent leur pénitence en se façonnant et en attendant que la volonté supérieure les introduise de nouveau dans cette vie terrestre [qui est la mort pour tout l'esprit, car elle est la destruction de ses facultés, de ses caractères, de sa force.],—ou bien, comme les esprits supérieurs, esprits saints [qui ayant déjà accompli le pélerinage terrestre selon les lois de l'amour, ne peuvent plus, à cause de leur élévation, demeurer sous aucune voûte terrestre, ni subir d'opération de cette espèce]. Ils continuent leur opération à l'état d'esprit, à l'état de liberté et de vie.

—La terre est une vallée, car les esprits inférieurs [d'où les tentations] occupent exclusivement sa surface.—Mais Dieu ayant, du haut de ses tabernacles, envoyé Jésus-Christ, a vaincu, dispersé en partie le mal terrestre, car Jésus-Christ a ouvert le chemin du ciel, a vaincu l'enfer [c'est-à-dire les esprits inférieurs qui encombrent la terre et la gouvernent selon leur nature], et cela, en épandant la lumière divine par sa très sainte doctrine, sa vie, son exemple, et par-dessus tout par ce souffle saint et divin qu'il souffla sur un petit nombre préparé à cet honneur.—Aussitôt que cette lumière divine éclaira l'intérieur des hommes, aussitôt [selon la loi spécifique, loi de la plus sainte harmonie, que Dieu protège avec le plus de force], les colonnes d'esprits inférieurs, agissant par leur gaîne, par leur point terrestre, furent obligées de se retirer, et les esprits supérieurs, subissant la loi de l'harmonie céleste, de prendre leur place. Alors les colonnes plus pures, en rapport avec le degré de lumière apportée par Jésus-Christ, s'appuyèrent sur plusieurs points de la terre, le sceptre fut enlevé à l'enfer, et la Sainte Vierge, important instrument dans l'œuvre de l'amour du Seigneur, écrasa la tête du serpent.

Aujourd'hui donc, lorsque, par la falsification de la lumière de Jésus-Christ, ou par son extinction totale, pour n'avoir pas nourri le feu divin dans nos cœurs, les colonnes obscures se sont de nouveau étendues sur la terre, par la force de la même loi, Dieu résolut, dans son inextinguible miséricorde, que non seulement la lumière de Jésus-Christ soit épurée et attisée (rozzarzone), mais encore qu'elle fût mise en une telle tension, qu'il s'en allumât une étoile ardente, et que le Feu de l'amour divin, Feu de la nouvelle Alliance, réjouît la terre assombrie, afin que l'enfer perdît plus de son sceptre, plus de son pouvoir; car les nuées des mauvais esprits, ces colonnes obscures, par la force de la même loi sont obligées de fuir devant l'étoile, tandis que les esprits purs descendent à la lumière divine.—Et lorsque, d'après la miséricorde révélée pour la terre, Dieu, en envoyant de ses espaces non terrestres des esprits supérieurs, et attisant toujours davantage le feu de son amour, l'aura, au temps du septième Envoyé, le plus activé, et que ce feu aura embrasé la terre: alors le mal disparaîtra de la terre, périra [selon la sainte expression]. * * * * *

Puisons ici, ô mes frères, une grande instruction. La force réside uniquement dans l'esprit; elle est d'autant plus grande, que celui-ci est plus élevé, plus pur. Un seul esprit inférieur ébranle aujourd'hui toute la Russie et la trouble, et la sainte Vierge, par la force de sa sainteté, d'un seul signe, imprime sa volonté à des légions de tels esprits. Tout l'enfer tremble devant Jésus-Christ, qui, à cause de sa grande sainteté, est léger comme un nuage.

Profitons de la lumière de Jésus-Christ, qui nous est envoyée, conservons-la tendrement dans nos cœurs, activons-la jusqu'à l'état de feu de l'étoile; elle est au milieu de notre sombre pèlerinage notre unique salut, notre égide, notre force, notre défense contre le mal encore si puissant. Attisons-la par des prières, des actes d'humilité, de contrition, d'amour; par le travail intérieur, par les efforts [dociskanie sie], le travail intérieur; et, dans chaque moment, selon l'état de notre âme, la colonne sombre sera remplacée par une autre lumineuse, et nous fera descendre la bénédiction du Seigneur, la consolation, la joie de l'esprit; fera surtout descendre la protection supérieure, la lumière, la force pour l'œuvre, pour ces actions gigantesques. La lumière et la force matérielles, terrestres, ne sont rien auprès de la lumière et de la force d'un seul esprit libre même inférieur; et que dire d'une colonne lumineuse entière, composée des saints du Seigneur, à la tête de laquelle est Dieu lui-même [ô grâce inconcevable du Seigneur], que l'on peut s'attirer par un seul humble, pur et ardent soupir.

L'homme possède la volonté, mais elle est une partie infiniment petite de ses actions. Souvent Dieu met l'homme en liberté, lui facilite tout, et les colonnes de lumière et d'obscurité se retirent, et attendent que l'homme abandonné à lui-même et entièrement libre prenne nécessairement une direction; et après cette direction prise vers la lumière ou l'obscurité, les colonnes lumineuses ou obscures en vertu de la loi de l'harmonie, loi suprême, occupent (encombrent) l'intérieur de l'homme, et le gouvernent d'après leur nature. Un grand et volontaire assombrissement de l'âme produit ce fatal effet, que pour longtemps une colonne obscure occupe l'âme humaine; et un tel homme, d'après les paroles de la révélation, "est abandonné an pouvoir du mal." Un tel malheureux perd sa volonté, car une colonne sombre occupe (encombre) son esprit. Il a toujours la liberté de sortir de cet état par un effort intérieur; il peut, au milieu de cet enfer où il se trouve, faire jaillir une petite lumière, et évoquer, au moyen de cette petite lumière, une colonne protectrice au sein de son malheur. Mais cela est presque impossible, car s'il ne l'a pas fait libre et la grâce aidant, comment y réussira-t-il au milieu d'une atmosphère infernale. Il arrivera un temps, où, en vertu de la miséricorde divine, il recevra encore la liberté et le secours de la grâce, et il lui adviendra de nouveau, suivant l'usage qu'il fera des dons du ciel. Qu'est-ce donc que notre raison terrestre? qu'est-ce que la doctrine? qu'est-ce que la force terrestre? Combien, sur notre vrai chemin, la lumière terrestre la plus haute n'est rien auprès de celle de Dieu, lorsque le plus élevé sur la terre (d'après les paroles de la révélation) peut, dans la seconde vie, n'être même pas un homme. Et l'esprit d'un ours ayant quitté les plaines polaires, peut arriver au comble d'élévation dans la première capitale du monde. Quelle arme n'est-ce donc pas que la pureté, l'humilité, la contrition, lorsqu'un seul soupir d'un petit berger fait descendre sur lui une colonne lumineuse. Ainsi, dans notre position actuelle, lorsque le mal étreint encore fortement la terre, où trouverons-nous un refuge si ce n'est dans la pureté et la componction? Après la secousse générale, et l'œuvre une fois commencée, la puissance du mal diminuera en cédant à la lumière et étincelante. Après le combat, l'enthousiasme de l'amour divin sera porté à un si haut degré, que pour quelque temps le mal cédera tout-à-fait, obéissant à la loi spécifique. Et l'homme (vir) dirigeant l'œuvre, devra avoir l'âme si pure, si ardente, que, par la force de sa colonne lumineuse [qui descend en vertu de son mérite, de son travail intérieur continuel] il puisse, en repoussant, vaincre tout l'effort du mal et mettre l'œuvre sur pied. Tandis que vers son point, comme le plus important, l'enfer appliquera toute sa puissance. Les tentations attaqueront l'homme de la prédestination plus fortement, à mesure que l'esprit sortira. [Paroles de la révélation.] Il devra soutenir continuellement cet état de sainteté, car le mal ferait aussitôt irruption par la colonne sombre; et cette résistance est la croix de la nouvelle Alliance, le martyre de l'esprit.

Depuis la création du monde, les colonnes lumineuses n'ont pas lui de l'éclat dont elles seront douées, en vertu d'un enthousiasme pur pour Dieu, pendant et après la bataille. Le Mal ayant reconnu une si grande force se retirera, et tout alors s'accommodera à la volonté de Dieu.

Jésus-Christ racheta le genre humain, car, par sa sainteté, il fit descendre une colonne lumineuse, et, par celle-ci, il dissipa les ténèbres épaisses de la terre. L'humilité perce le ciel, parce qu'elle en fait descendre une colonne lumineuse. La Sainte Vierge écrasa la tête du serpent, parce qu'elle fut l'instrument si important de l'œuvre de la dispersion des ténèbres par des colonnes lumineuses. Un grand bien résulte de l'union dans la prière, car alors plusieurs colonnes lumineuses composent une atmosphère lumineuse devant laquelle fuient les mauvais esprits. Cette atmosphère sera générale pendant la bataille, premier phénomène sur la terre. Et le monde connaîtra la puissance de Dieu. Toutes les alliances futures seront ordonnées, par rapport à une ardeur toujours plus grande de l'amour de Dieu dans les cœurs des hommes, et de là [conformément aux lois de l'harmonie céleste], une descente toujours plus vaste d'atmosphère d'esprits toujours plus élevés, c'est-à-dire des grâces du ciel, tellement qu'au temps du septième envoyé de Dieu, la terre deviendra un ciel. Tel sera l'amour de Dieu, et, par lui, la sanctification des hommes que cet amour seul peut opérer. Tout globe subit cette loi, et l'Agneau seul efface les péchés, parce que l'Agneau se dévoue par amour à être mal reçu par la terre ténébreuse, qui ne comprend pas la lumière. Cet Agneau, malgré la contradiction des hommes, active en lui-même le feu divin, fait descendre une colonne sainte, et sauve par là les hommes qui lui sont hostiles, parce qu'ils gémissent sous la puissance du mal. Et l'Agneau ne sera reconnu que plus tard, car ce ne sera qu'au temps où cette lumière se sera implantée et se sera propagée; et l'Agneau de Dieu sera toujours martyrisé, parce que, par les hommes, les colonnes mauvaises fondront (fréquentatif, texte) sur lui comme par leurs organes.

Lors donc que nous avons reçu l'ordre de porter secours à la terre, gémissant sous la puissance du mal, quoique brillant, et cela en faisant continuellement descendre, durant le prochain ministère, une colonne lumineuse dans nos cœurs brillants de l'amour de Dieu et du prochain, tandis que Dieu, sans cette ignition (gorzenie), ne peut, selon son éternelle loi spécifique, faire descendre la colonne de sa grâce. Rendons grâce à Dieu de ce que, sa grâce aidant, nous avons pu, au milieu des contradictions qui nous entourent, comprendre tout entier ce mystère, le plus important de notre force. C'est une garantie de nos futures destinées. Souvenons-nous que notre dévouement servira, non seulement la terre, mais encore le ciel; car les esprits saints, ces grands chérubins [pour qui non seulement la matière de la terre, des corps, mais encore le monde surterrestre d'esprits est trop étroit, à cause de leur élévation], ces grands chérubins ne peuvent quitter la terre n'y ayant pas allumé le feu de l'amour divin par le moyen de nos cœurs, à cela destinés, ne s'étant donc pas acquittés de leur devoir envers Dieu en mesure de leur élévation, sont obligés d'y rester. De là nous viendra l'aide extraordinaire de ces grands chérubins; ces êtres très saints descendront (fréquentatif, texte) à nous avec désir d'amour inconcevable, pour nous éclairer, nous fortifier, pourvu seulement que la loi spécifique le leur permette, c'est-à-dire pourvu que nous présentions toujours à Dieu des cœurs purs, simples, innocents et aimants. Et, l'œuvre accomplie, s'ouvrira, à la face de Dieu, cette marche, la plus auguste, des grands saints quittant le globe terrestre. Jésus-Christ seul, en sa qualité de père de la terre, ne la quitte point tout-à-fait. Comme tronc le plus sacré de l'arbre divin sur la terre, il veillera sur ses sept rameaux; sur beaucoup de globes, il est ce tronc; sa paternité est grande et vaste. Lorsqu'en leur temps toutes ces branches reverdiront, alors, d'après les paroles de la révélation, un nuage de sept esprits, sous la conduite de leur père, de ce tronc de l'arbre divin, s'abîmera dans le sein du père commun, et cet arbre partiel s'unira à l'arbre commun de l'amour, d'après les paroles de la révélation.

Beaucoup de fils de ténèbres, c'est-à-dire d'esprits bas, dans le temple desquelles le rayon de la lumière divine n'a pas jusqu'à présent pénétré, recevaient des colonnes; car ils ont fait beaucoup, car ils ont fait énormément, ils ont imprimé les directions aux peuples, ils ont changé la face de la terre, ce qu'ils n'ont pas fait de leur propre force; mais, comme cela a lieu toujours, de celle des esprits, de leur grande colonne ténébreuse;—et jusqu'à présent c'était ordinairement la seule espèce de grandeur connue sur la terre.—Jésus-Christ manifesta au monde sa grandeur selon Dieu, c'est-à-dire en faisant descendre la colonne lumineuse. Mais jamais encore jusqu'ici la colonne lumineuse ne posséda le sceptre de la terre; la lumière de Jésus Christ combattant encore contre des ténèbres prédominantes, n'est point arrivée jusqu'ici à ce point de force et de puissance.—On l'outrageait, on l'étouffait, on la falsifiait, pour se l'accommoder; hélas! elle servait d'instrument à l'orgueil, et ainsi la lumière pure de Jésus-Christ n'existait çà et là que mendiante, humiliée et contrite; le pouvoir, les directions générales étaient en possession d'esprits ténébreux.—Ceux-ci, par leurs colonnes sombres, gouvernaient la terre,—et l'esprit des esprits de la terre parcourait librement son vaste héritage.—Hélas! il n'est venu à l'esprit de personne que Dieu, après deux mille années lunaires, célestes, fit une si vive réclamation contre le gaspillage du don de sa grâce et de sa miséricorde, envoyée à la terre par Jésus-Christ, qu'après cette réclamation une nouvelle grâce et miséricorde seront répandues, et par suite une plus lumineuse atmosphère terrestre résultant de ces colonnes lumineuses versées nécessairement à la suite de cette grâce par la même loi spécifique, le sceptre et les directions de la terre seront en la possession de la colonne lumineuse.

L'homme vu par le prophète, homme remarquable par le travail au dessus de tous les travaux de l'esprit, par l'amour des peuples, au nombre bienheureux de quarante-quatre, reçut déjà l'Ordre Suprême et de faire cette réclamation et d'effectuer cette grâce nouvelle, et par cette grâce et par sa force, d'arracher le sceptre à l'esprit de ténèbres de la terre.—C'est à la moitié du XIXe siècle que tu as réservé, ô Seigneur, cet honneur, cette joie, ce phénomène inconnu au globe. Le pouvoir en la possession de la colonne lumineuse et de la domination de la lumière, de la vérité et de l'amour. Mais la terre déprimée, lourde de péchés, suivant l'expression de la révélation, ne saura pas longtemps retenir cet hôte céleste, cette lumière envoyée du sein miséricordieux.—Les temps heureux passeront, le feu de la première sensation se ternira dans les cœurs des hommes,—et les colonnes ténébreuses se jetteront sur les âmes assombries comme sur leur proie, et en prendront possession;—car, même dans ce jubilé bimillénaire de la grâce et de la miséricorde divine, le feu sacré brûlera seulement sur certains points préparés de la terre, et en brûlant il fera descendre, par des colonnes saintes, le ciel sur la terre.—Mais à l'exemple de notre lumière terrestre qui brûle les uns, tandis qu'elle laisse d'autres pays dans le crépuscule, d'autres encore dans les plus épaisses ténèbres et le froid, la lumière céleste subira aussi cette destinée, et au milieu du jubilé de la grâce, le feu brûlant les nations élues et préparées, ne jettera sur les autres pas même le plus faible rayon. Cependant, comme le Seigneur l'a assuré, le sceptre sera pour un certain temps arraché à l'enfer, et alors les pays les plus ténébreux seront quelque temps entravés et dans l'inaction, alors que la puissance de leur ténébreux monarque sera retenue par la droite du Tout-Puissant.—Après cette triste et douloureuse, ô réjouissante pensée! l'esprit ténébreux de la terre, ébranlé, ne rentrera plus jamais en son ancienne puissance,—car les élus du Seigneur, ces luminaires futurs de la terre, connaissant déjà le moyen d'évoquer les colonnes lumineuses, cet unique bouclier contre les entreprises des ténèbres, feront toujours désormais chanceler la puissance du mal;—et le pouvoir sur la terre sera à l'avenir partagé, sera balancé entre l'esprit de lumière et l'esprit des ténèbres.—Et vous, âmes pures, aimantes, dévorées d'un désir ardent au milieu des ténèbres, vous aurez déjà, même sur terre, un point lumineux vers lequel votre âme se dirigeant sera fortifiée. Et même aujourd'hui, la France présente, si non un point lumineux, au moins un point gris au milieu des ténèbres du globe,—et cela est déjà le développement élémentaire, progressif de ta miséricordieuse pensée, ô Dieu!

Ici, mes frères, dirigeons notre attention, calmons le trouble qui agite notre âme en ce moment.—Pourquoi Dieu, père universel, ce plein et parfait amour n'existant que pour les créatures, ses enfants, qui se dévoue, qui n'a rien autre chose à cœur que d'attirer à lui ses créatures; pourquoi, à côté de ce pouvoir, de cette puissance, étant lui-même un amas de lumière, n'en laisse-t-il descendre qu'une parcelle sur la terre, et cela encore si rarement, et pourquoi l'expose-t-il à un si triste sort,—permet son outrage et le triomphe des ténèbres?—Il a plu au Seigneur, à l'occasion du prochain jubilé, de découvrir une partie des secrets de ses gouvernements, afin de nous faciliter par là un pur amour de lui, afin qu'un mystère n'entravât, ni n'embarrassât pas le cœur qui s'élève.

La terre, comme inférieure aux autres globes, c'est-à-dire destinée à façonner les esprits inférieurs, subit ce triste sort.—Dans chaque fabrique il y a des salles, des divisions, affectées aux opérations plus basses.—Le maître de l'œuvre en regardant ce premier dégrossissage de la matière brute, se réjouit dans l'âme par la vue du dernier produit,—car il n'y a que lui seul qui voie combien cette série d'opérations est nécessaire, et se trouve sur la voie du terme de ses produits,—et au milieu des ordures de l'opération plus basse son élan d'amour est le même que pour le produit achevé de sa mécanique,—c'est là le caractère du maître.—Celui-là qui par amour pour le dernier produit n'aime pas les saletés de l'opération plus basse, celui-là n'est pas maître.—Qui n'aime pas le soldat, ne vit pas avec le soldat, ne s'unit pas avec lui dans la même cause pour laquelle il combat, celui-là n'est pas chef. Dieu se gouverne d'après certaines lois de justice, et ne les enfreint pas.—La constitution donnée au globe est intacte pendant des siècles.—Pendant des siècles, rien des plus petites choses n'a dévié de l'épaisseur d'un petit cheveu des ornières tracées, et à plus forte raison le façonnement et le progrès des créatures, à plus forte raison la formation, l'extension et l'embrasement de la lumière et du feu divin sur le globe, sont soumises au plus stricte règlement, car toute transgression pourrait être injurieuse à la sainteté divine.—Rien de souillé n'entrera au royaume céleste.

Dans cette très sainte constitution il est écrit:—L'amour, le plus saint des sentiments, doit être reçu volontairement par la créature,—de cette pleine spontanéité dépend la sainteté de l'amour partant de Dieu qui n'est que l'amour même.—L'amour exigé, imposé, ordonné, même par la toute-puissance de Dieu, cesserait d'être amour, perdrait sa sainteté, son éclat céleste.—Quand nous aurons senti cet être, nous sentirons pourquoi le Seigneur, le tout-puissant qui, d'un seul signe de sa volonté, ébranle les globes, peut les élever et les détruire, pourquoi fait-il tant d'effort pour gagner un seul soupir d'un seul ver de terre?

Permettez, ô Seigneur, que je me serve d'une comparaison triviale pour faciliter à mes frères la conception de ta loi fondamentale.—Le fier potentat de l'Orient, dont un signe de volonté décide de la vie ou de la mort de millions d'esclaves, ne se contente pas d'hommages forcés, mais il dépose toute sa puissance et tout son orgueil, il sacrifie tout, pour conquérir un seul mouvement libre du cœur, de l'amour de la part d'un seul être faible.—Cette comparaison, cette explication des choses plus élevées par des choses plus basses, mais soumises aux mêmes lois du Seigneur, nous montre combien l'amour dépend de la spontanéité, comment il doit être une fleur odorante soigneusement élevée par notre cœur lui-même, aussi n'est-ce que pour cela que Dieu, ce maître suprême de l'amour, se dévoue au mépris pour obtenir de ses créatures, même après des siècles, un mouvement du cœur en sa faveur, tant faible soit-il.—Et dans le deuxième article de cette loi la plus sacrée, il est écrit:—Que les créatures ne peuvent s'ennoblir et approcher du Créateur par rien autre chose que par ce seul mouvement.—Il résulte de la nature de la chose qu'il n'y a point d'autre chemin par lequel Dieu puisse conduire les héritiers de la gloire future à l'héritage qui leur est destiné.

Oui, Seigneur! vous êtes pressé par la réalité de cette loi la plus sacrée, et, quoique votre amour donne des millions de moyens pour nous faciliter le chemin du salut, il ne peut cependant nous sauver sans nous, sans cette spontanéité, sans ce mouvement propre, sans cette fleur de notre propre champ.

Dans l'immensité d'œuvres divines, la force est uniquement dans l'esprit, et l'esprit, dans son enveloppe, dans sa vie terrestre, perd sa force; et les hommes faisaient beaucoup et peuvent faire beaucoup en s'unissant, en faisant descendre des colonnes d'esprits forts, des colonnes plus lumineuses ou plus sombres en rapport avec l'état de leurs âmes, comme nous l'avons vu: c'est ainsi que Moïse, en priant, c'est-à-dire évoquant une colonne très puissante, puisqu'elle était sainte, quoique faible extérieurement, puisque sans secours il ne pouvait pas élever les bras, il ne laissait pas de diriger le sort de la bataille.

Pour un seul juste, pour ses mérites, Dieu épargne un pays, une ville; car ce juste, par son intérieur pur, amène une colonne sainte qui défend ce pays, cette ville des entreprises du mal; tandis que précisément sans ce seul homme, conséquemment à la loi de l'inviolable constitution, la colonne supérieure ne pourrait venir en aide. Lors donc que tout dépend du mouvement de notre âme pour Dieu, considérons que sont toutes espèces de formes, que sont les confessions, que sont les communions sans ce mouvement. Ah! que dis-je? que sont ces formes qui nous étourdissent sur la voix de ce père aimant qui nous sollicite à ce mouvement attendu par lui, ces formes qui étouffent les inquiétudes de la conscience? c'est lorsque le mal tourne à son profit les moyens donnés par Dieu, lorsque, dans les temples du Seigneur, des fumées noires s'élèvent pour Satan, que le triomphe du mal est accompli. Mais, ô vaines entreprises! elles ne sont rien ces vertus froides, mortes; ces prières, ces formes, ces fondations sans nombre, etc., il n'y a que d'écouter Dieu appelant par la voix de son vicaire: Mon fils, donne-moi ton cœur; qu'une seule émotion, qu'une illumination de l'âme qui peut nous amener une colonne d'esprits saints, d'où la grâce, la bénédiction et le Ciel.

Jusqu'à présent, les hommes voulaient acquérir le Ciel, évoquer une colonne sainte au prix de ce que Dieu leur avait donné, en se ménageant eux-mêmes, en se satisfaisant, et par là obscurcissant leur âme, et s'unissant toujours, dans les affaires de la vie, avec la colonne ténébreuse et les colonnes lumineuses, descendant dans les cœurs d'un petit nombre de purs, n'étaient pas employées au service; il n'y avait que des cellules de cloîtres ou des misérables cabanes qui aient été l'habitation de la grâce.

Sur un échelon plus élevé de la société, la colonne sainte n'a point encore brillé. Aussi le monde exalte aujourd'hui celui qui, d'un échelon plus élevé, ayant reçu un appel de Dieu, une sainte tension pour les œuvres, pour le ministère, les tourne en formalités, s'en sert pour se chatouiller par la prière, qu'il prend pour but et non pour moyen de servir le Seigneur. Aujourd'hui, Dieu a donné des ordres pour que les colonnes lumineuses se présentent sur terre au service actif, pour défendre contre le mal la plus sainte œuvre du Seigneur.

Ayant reçu ces ordres très saints d'un recoin de la Lithuanie, je me suis hâté pour te les déclarer à toi, frère, et t'appeler à l'œuvre au nom des ordres suprêmes. Ne scrutons pas les destins pour quoi Dieu nous commet, à nous indignes, une œuvre si grande, l'œuvre de son amour; ne le sondons pas, mais appliquons tous nos forces à l'accomplissement de la volonté suprême. À une autre époque, nous eussions été obligés de nous cacher dans les murs d'un cloître avec l'étincelle qui nous anime.

Aujourd'hui que la grâce du Très-Haut nous appelle à l'action qui nous attend au milieu de l'orage du monde, nous devons nous enfermer dans le cloître de notre intérieur, pour que le mal qui nous guette ne puisse faire irruption derrière nos grilles, et nous amener une colonne ténébreuse qui pût faire chanceler l'œuvre. Jésus-Christ est notre défense comme père et source de toute lumière que Dieu fait descendre sur la terre, et dans cette œuvre, il est, après Dieu, le premier agent. Viennent après, ces grands chérubins, ces saintes armées d'esprits. Et nous, nous constituons, de par la volonté suprême, le dernier échelon de cette colonne; nous en sommes surtout l'orifice, par lequel la force divine, invisible, doit se manifester visiblement à la terre. Et toi, esprit de Napoléon, par un privilège spécial, tu es l'avant-dernier dans cette sainte colonne. Il t'est permis de vivre, d'agir sur la terre, sans cesser d'être un pur esprit; il t'est permis de t'unir et de porter secours à tes instruments terrestres, pour que ta nation te reconnaisse, et, habituée à ta direction, avide d'elle, accomplisse l'œuvre prescrite par le Seigneur, selon qu'il a plu au Seigneur de manifester en cela sa très sainte volonté et ses dispositions. Lorsque nous sommes élevés à la gloire et à la grâce, de manière que c'est par nous que doit se répandre la miséricorde divine, ah! souvenons-nous à chaque instant qu'un dépouillement complet, un détachement de tout ce qui est humain, de toute souillure, peut-être le caractère de cet orifice, le plus petit trouble peut arrêter la colonne; car Dieu ne changera pas sa loi spécifique. Beaucoup d'hommes (viri) qui gémissent aujourd'hui, ont arrêté la source de la grâce divine par leur impureté. Maintenant, d'après la volonté suprême révélée, la grâce arrêtée par l'un sera incontinent avancée par l'autre; car l'œuvre de la miséricorde divine doit être accomplie, parce que cette œuvre, préparée depuis des siècles, et, suivant saint Jean, tracée d'un Barde et confiée à ses serviteurs pour être exécutée; les serviteurs supérieurs ont manifesté cette volonté suprême aux inférieurs.—Je suis le premier qui ai reçu cet ordre sur la terre et en même temps la volonté suprême de te manifester à toi, frère, les secrets du Seigneur, et de te recevoir compagnon au service, de donner au frère le fils du frère (paroles de l'ordre de saint Jean), ce qui s'est accompli dans la période de dix-sept jours, du 24 décembre au 10 janvier, et le 11, Dieu révéla que sa volonté a été remplie. Aujourd'hui donc, après les actions de grâce adressées au Seigneur, pour nous avoir regardé d'en haut, nous, indignes, il nous est permis de nous réjouir en esprit et de nous féliciter réciproquement de cette grâce et miséricorde divine répandue sur nous. Et à nous, hommes, coopérant à l'œuvre de l'esprit, il nous est permis de vider la coupe avec un ardent soupir, pour la prospérité de l'œuvre et de notre patrie. Première coupe de ce genre sur la terre; car il n'y eût point encore de tel service sur la terre et par conséquent de telle coupe, en nous souvenant qu'il est permis à l'homme de renouveler la sainte cène du Seigneur en élevant l'esprit.

PREMIER TOAST.

Dieu! daigne recevoir à ta gloire cette exposition de l'œuvre de l'Esprit dans les formes terrestres:

Pour ta prospérité, pour que ton nom, ô Seigneur, soit sanctifié, pour la prospérité de la plus sainte cause des peuples; pour la prospérité de notre patrie!

DEUXIÈME TOAST.

La miséricorde du Seigneur, le pardon et le repos, et prompte union avec nous! Ô esprit, cher pour nous, d'un héros, frère, collègue et coopérateur dans l'œuvre sainte. Ô toi, maître illuminé, connaissant de plus près les décrets du Seigneur en faveur de la terre! toi qui, après vingt années de souffrances, par permission supérieure, partages en ce moment notre banquet en esprit, reçois en ce moment notre solennelle assurance [et calme les soucis qui te consument, ô ombre chère!] que nous ferons tous nos efforts pour devenir dociles à tes inspirations, à la direction que, d'après la volonté de Dieu, où tu es plus rapproché, tu nous imprimeras pour la joie, le repos et le salut de ton esprit.

TROISIÈME TOAST.

Pour la prospérité, la bénédiction et la santé du très cher frère qui, par grâce et privilège de Dieu, entrant dans le giron du saint office, a réjoui notre esprit, a rempli notre cœur de joie. Vive … Qu'il marche dans la paix et la force, conduit par la droite toute-puissante sur le chemin sacré de sa grande destinée.

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